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+ Le handball [ʔɑ̃dbal][3] (de l'allemand : [ˈhantˌbal][4] Écouter
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+ ) est un sport collectif joué à la main où deux équipes de sept joueurs s'affrontent avec un ballon en respectant plusieurs règles sur un terrain rectangulaire de dimensions 40 m par 20 m, séparé en deux camps.
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+ Le nom a été emprunté en 1912 à l'allemand[5] : le substantif allemand se décompose avec die Hand (« la main ») et der Ball (« le ballon »), ce qui signifie littérallement « le ballon à la main », décrivant le ballon de handball lui-même. La prononciation en français européen [ʔɑ̃dbal] est influencée par la prononciation allemande d'origine [ˈhantˌbal] Écouter tandis que la prononciation en français canadien [ (h)ɛndbɒɫ] est plus proche de la prononciation en anglo-américain [ˈhɛɐ̯nbɒɫ] Écouter.
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+ Les premières traces de jeux similaires au handball remontent à la France médiévale.[réf. nécessaire] Le jeu moderne prend ses sources au XIXe siècle, au Danemark, sous le nom de håndbold. Dans les années 1900, un Irlandais du nom de Casey introduisit un jeu semblable au handball aux États-Unis. Il provoque un tel engouement qu'une compétition aurait même vu le jour en 1919 à Los Angeles. En Tchécoslovaquie, après la fin de la première guerre mondiale prenait naissance le hazena (en)[6]. Cependant, le handball est considéré comme un sport de conception danoise. Le Danois Holger Nielsen créa les premières règles du handball moderne (håndbold) en 1898. En 1919, le professeur allemand Carl Schelenz (de), de l'École normale germanique d'éducation physique de Leipzig, propose une adaptation du torball (sorte de « balle au but » pratiqué par les femmes allemandes)[7] : il créa alors le handball à onze. En général, Schelenz est considéré comme le père du handball.
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+ Le jeu se pratique d'abord en extérieur, à 11 contre 11. Le handball à onze est ainsi introduit aux Jeux de Berlin en 1936. En 1938, deux championnats du monde sont organisés en Allemagne et remportés par l'Allemagne : un championnat à onze et un autre à sept, avec quatre équipes européennes (Allemagne, Autriche, Danemark, Suède). Le handball est très peu pratiqué avant la Seconde Guerre mondiale en France, mais en septembre 1941[8] on assiste à la mise en place, avec l'aide du régime de Vichy, d'une fédération française autonome. De plus, le handball fait son entrée dans les programmes du sport scolaire. La fédération est interdite et dissoute fin 1944 au titre de l'Ordonnance d'Alger du 2 octobre 1943 (Statut des groupements sportifs et de jeunesse, Journal officiel de la République française du 7 octobre 1943). Elle ne pourra renaître, après plusieurs enquêtes administratives et financières, qu'en juillet 1952[9]. La Fédération internationale de handball est quant à elle fondée en 1946.
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+
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+ Dans les années 1960, le handball à onze est progressivement abandonné au profit du handball à sept pratiqué dans des gymnases. Le dernier championnat du monde à 11 a lieu en 1966. Le handball est admis au programme olympique masculin en 1972 et les femmes entrent en 1976. Le handball fut longtemps considéré comme un sport de complément, pratiqué l'hiver au chaud dans les gymnases. Puis, rapidement, on assista à une véritable progression du handball jusqu'au niveau actuel, notamment grâce aux substrats actifs du milieu scolaire. Le handball doit donc beaucoup aux milieux scolaire et universitaire et tient aujourd'hui encore une place importante dans les programmes de l'Éducation nationale en France.
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+ Au handball, le but du jeu est de faire entrer le ballon dans le but adverse plus de fois que son adversaire en utilisant uniquement les mains pour manipuler le ballon. Le principe est de dribbler avec le ballon ou, faire une passe à un coéquipier. Une fois qu'il a le ballon en main, le joueur peut avancer en dribblant mais ne peut effectuer que trois pas sans dribbler et ne peut garder le ballon plus de trois secondes s'il reste immobile.
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+ Une rencontre oppose deux équipes et se déroule généralement en deux mi-temps de 30 minutes, chacune séparées par une pause de 15 minutes. Trois temps morts d'une minute sont disponibles par équipe et par match, avec la contrainte pour chaque équipe de deux temps morts maximum par mi-temps et d'un temps mort maximum dans les cinq dernières minutes du match (règle du 1er janvier 2012). Chaque équipe se compose de sept joueurs sur le terrain et de remplaçants (joueurs de champ ou gardiens) jusqu'au nombre de sept[10]. Une équipe est en temps normal constituée d'un gardien de but et de six joueurs de champ, répartis la plupart du temps en deux ailiers (droit et gauche), deux arrières (droit et gauche), un demi-centre (ou arrière-central) et un pivot. Le nombre de remplacements est illimité.
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+ Remarque : « La Fédération internationale (IHF), les confédérations continentales et nationales ont, dans leur domaine, la possibilité d'alléger la règlementation concernant le nombre de joueurs. Le nombre maximum de joueurs ne doit cependant pas excéder 16. »[10].
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+ Les statistiques montrent qu'entre la fin du XXème siècle et 2003, lors des compétitions internationales le nombre de buts marqués a significativement augmenté. Les matches enregistrant 30 buts ou plus sont de plus en plus fréquents. La compétence des gardiens semblait donc alors grandir moins vite que celle des tireurs[11].
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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23
+ L'aire de jeu est un rectangle de longueur de 40 mètres et de largeur 20 mètres comprenant une surface de jeu et deux surfaces de but. Les grands côtés sont appelés lignes de touche ; les petits, lignes de but (entre les montants) ou lignes de sortie de but. Une zone de sécurité devrait entourer l'aire de jeu. Sa largeur est au moins d'un mètre le long de la ligne de touche et de deux mètres derrière la ligne de sortie de but. Il n'est pas autorisé de modifier les caractéristiques de l'aire de jeu pendant le match de sorte à avantager une seule équipe.
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+
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+ Le but est placé au milieu de chaque ligne de sortie de but. Les buts doivent être solidement fixés au sol ou aux murs derrière eux (s'il y en a). Ils ont une hauteur interne de 2 mètres et une largeur de 3 mètres. Les montants du but sont reliés à une traverse. Leur arête postérieure est alignée sur le côté postérieur de la ligne de but. Les montants et la traverse doivent présenter une section carrée de 8 cm. Ils doivent être peints sur les trois faces visibles du côté de l'aire de jeu en deux couleurs contrastantes (généralement rouge et blanc), se détachant nettement de l'arrière-plan. Le but doit être muni à l'arrière d'un filet suspendu de telle sorte que le ballon qui entre dans le but ne puisse rebondir ou ressortir immédiatement. Un but est marqué si la balle du tireur passe derrière la ligne du but. Les buts sont situés à chaque extrémité du terrain.
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+
27
+ La ligne de but est tracée entre les poteaux d'un but ; elle fait 3 mètres de long. La ligne extérieure (ligne arrière ou ligne de sortie de but) prolonge la ligne de but au fond du terrain, de façon que le but se situe au milieu de la ligne ; les deux lignes extérieures délimitent le terrain en longueur (40 mètres). Les lignes latérales (lignes de touche) délimitent la largeur du terrain (20 mètres). La ligne médiane relie les milieux des lignes de touche. Ces lignes sont continues.
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+
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+ Devant chaque but se trouve la surface de but (appelée aussi « zone »). Elle est délimitée par la ligne de surface de but (ligne des six mètres), tracée de la façon suivante : une ligne de 3 mètres de long, parallèle à la ligne de but et éloignée de 6 mètres du but[12], et deux quarts de cercle de 6 mètres de rayon[13] chacun qui relient la ligne de 3 mètres de long à la ligne extérieure.
30
+ La ligne est continue.
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+
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+ La ligne de limitation du gardien de but (ligne des quatre mètres) est une ligne de 15 cm de long tracée parallèlement devant le but, à une distance de 4 mètres[14]. Le gardien peut avancer jusqu'à cette ligne pour se défendre d'un jet de 7 mètres (équivalent du "pénalty" au football), tiré pour l'occasion depuis la ligne de tir (ligne des sept mètres) : une ligne de 1 mètre de long parallèle à la ligne de but, placée à 7 mètres du but[15]. La ligne de jet franc (ligne des neuf mètres) est une ligne discontinue, tracée à 3 mètres de la ligne de surface de but, et donc à 9 mètres du but. Les traits de la ligne de jet franc, ainsi que les intervalles, mesurent 15 cm. La ligne de changement (une partie de la ligne de touche) de chaque équipe s'étend de la ligne médiane à une distance de 3,5 mètres de celle-ci. L'extrémité de cette ligne de changement est marquée par une ligne parallèle à la ligne médiane. Cette ligne se prolonge de 15 cm sur l'aire de jeu et de 15 cm hors de l'aire de jeu (donc seuls ces 30 cm de part et d'autre de la ligne sont visibles).
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+
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+ Toutes les lignes tracées sur l'aire de jeu font partie intégrante de la surface qu'elles délimitent. Les lignes de but doivent présenter une largeur de 8 cm entre les montants du but, alors que toutes les autres lignes ont une largeur de 5 cm.
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+
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+ Les lignes séparant deux zones adjacentes peuvent être remplacées par une différence de couleur entre les zones adjacentes du sol.
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+
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+ Le jeu se pratique avec un ballon rond de[16] :
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+
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+ « Les ballons pour les enfants (en dessous de 8 ans) ont des circonférences et des poids différents en niveau national (taille IHF 0) »[16]
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+
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+ L'équipe gagnante est celle qui comptabilise le plus de buts à la fin du temps réglementaire (60 minutes). Chaque but s'obtient en faisant pénétrer le ballon dans la cage du but adverse (entre les poteaux et derrière la ligne de but), avec les contraintes principales suivantes :
43
+
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+ L'attaquant a donc le droit de sauter au-dessus de la surface de but et effectuer son tir avant de retoucher le sol, afin d'être plus près du but. Les matchs sont généralement dirigés par deux arbitres (�� partir du niveau régional) aidés par un chronométreur et un secrétaire. Ces derniers forment la « table de marque ».
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+
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+ Au handball, les joueurs de champ ne peuvent jouer le ballon (dont la taille varie selon les différentes catégories d'âges et de sexes) qu'avec les mains (en réalité, ils peuvent très bien user de la tête, du coude, de la cuisse…). Est considéré comme faute tout ballon touchant une partie du corps inférieure aux genoux (mais de nouveaux règlements tendent à ne compter pour faute qu'un contact volontaire de cette dernière partie). Seul le gardien a la possibilité de détourner le ballon du pied (sauf à l'extérieur de sa zone, où il est considéré comme un joueur de champ), mais certainement pas de jouer le ballon au pied. Il est interdit à un de ses équipiers de passer la balle au gardien si ce dernier est encore dans sa zone lorsque le ballon est en jeu, sous peine de jet franc aux neuf mètres pour l'adversaire.
47
+
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+ Les joueurs peuvent dribbler avec le ballon, et faire au maximum trois pas, ballon en main. La saisie du ballon par les deux mains à la fois stoppe le dribble (et du coup, impose un tir ou une passe). Également si le ballon passe au-dessus de la main dont se servait le joueur pour dribbler. Cela est considéré comme une « reprise de dribble » et la balle est rendue à l'adversaire.
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+
50
+ Lorsqu'une équipe fait tourner la balle sans intention d'attaquer, les deux arbitres lèvent le bras pour demander aux joueurs concernés d'attaquer. Si l'équipe attaquante ne tient pas compte de l'avertissement, et que le ballon recule, le « jeu passif » est validé, et le ballon rendu aux défenseurs. Si le ballon touche le poteau, est renvoyé par le gardien ou si une sanction est donnée, l'avertissement de jeu passif est enlevé.
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+
52
+ Par une ligne latérale : l'équipe qui a touché le ballon en dernier concède une touche à l'équipe adverse. La remise en jeu s'effectue par un lancer de ballon depuis l'extérieur du terrain, à l'emplacement de la sortie de ballon, par un joueur de cette équipe adverse devant mettre un pied sur la ligne de touche.
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+
54
+ Par une ligne arrière : le ballon revient au gardien si c'est un joueur adverse ou le gardien lui-même qui le met derrière la ligne. Si c'est un défenseur qui touche en dernier le ballon, et que le ballon va derrière sa propre ligne de but (en la contrant par exemple), c'est l'équipe adverse qui le récupère par le biais d'un jet de coin (équivalent du corner au football), sauf si le gardien retouche cette balle en restant dans la zone des 6 mètres.
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+
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+ La durée d'un match dépend de la catégorie d'âge des acteurs de la rencontre, les textes officiels indiquent[17].
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+
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+ (avec arrêt du chronomètre sur les fautes et les sorties de balle si l'arbitre l'exige).
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60
+ La pause entre deux temps de jeu est normalement de dix minutes[18] cependant pour les compétitions professionnelles, elle est généralement de quinze minutes.
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+ Au handball, les rencontres sont dirigées par un binôme de deux juges-arbitres, ou par un arbitre jeune en -11 ou -13 ans. Ils sont assistés par deux officiels chargés de tenir la table de marque (un secrétaire et un chronométreur). Dans certaines compétitions nationales et dans toute compétition internationale, par un juge-arbitre délégué de l'instance organisatrice. Les juges-arbitres sont placés de manière à embrasser le jeu de manière globale mais sans en être trop éloignés afin de voir toutes les actions de jeu, régulières et irrégulières, qui sont faites par les joueurs. Chaque juge-arbitre est tour à tour dit de champ et de but et les deux juges-arbitres échangent régulièrement leur place au cours de la rencontre afin que l'arbitrage ainsi rendu soit le plus équitable et homogène possible.
63
+
64
+ En France, c'est la Commission centrale d'arbitrage (CCA), commission de la FFHB, qui est chargée de la formation, du suivi, des désignations et du développement du corps arbitral. Cette commission est relayée au niveau des ligues par des Commissions régionales d'arbitrage (CRA) puis, au niveau des comités départementaux, par des commissions départementales d'arbitrage (CDA).
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+
66
+ À l'occasion des Jeux olympiques 2016, cinq nouvelles règles ont été introduites par la Fédération internationale de handball[22],[23],[24] :
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+
68
+ Depuis septembre 2019, les arbitres disposent d’un carton blanc en plus des cartons jaune, rouge et bleu pour signaler un joueur qui a été la victime dune commotion cérébrale. A la suite de son utilisation, un protocole de suivi est mis en place afin de surveiller la santé du joueur concerné[26].
69
+
70
+ Au handball, chaque joueur évolue à un poste singulier (les descriptions ci-dessous sont faites en regardant dans le sens de l'attaque et par rapport à la largeur de terrain).
71
+
72
+ La position des joueurs sur le terrain près du but dépend des tactiques mises en place. En attaque, l’équipe est organisée la majeure partie du temps avec un demi-centre, deux arrières latéraux, deux ailier et un pivot.
73
+
74
+ En défense, la position dite en « 0-6 » est la plus courante : les 6 défenseurs sont alignés autour de la zone afin de contrer les tirs de loin ou de parer les 1 contre 1. La position dite en « 1-5 » est également courante : un joueur est en position avancée pour gêner les passes des adversaires ou prendre un adversaire jugé dangereux en défense individuelle stricte et les 5 autres défenseurs sont alignés autour de la zone. D'autres positions existent, plus rares : la « 2-4 » (2 joueurs avancés), la « 3-3 » (3 joueurs avancés) ou « 1-2-3 » (3 joueurs avancés mais étagés).
75
+
76
+ Position dite en « 0-6 ».
77
+
78
+ Position dite en « 1-5 ».
79
+
80
+ Position dite en « 2-4 ».
81
+
82
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
83
+
84
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
85
+
86
+ Un avertissement.
87
+
88
+ Une exclusion pour deux minutes.
89
+
90
+ Une disqualification.
91
+
92
+ Actions en cause :
93
+
94
+ Un joueur ne devrait pas recevoir plus d'un avertissement. Une équipe ne devrait pas recevoir plus de trois avertissements. Il ne peut y avoir qu'un avertissement contre l'ensemble des officiels d'une même équipe.
95
+
96
+ Un joueur qui a déjà été exclu ne devrait plus recevoir d'avertissement.
97
+
98
+ Actions en cause :
99
+
100
+ Un joueur exclu pour la troisième fois doit être disqualifié. Il ne peut y avoir qu'une exclusion contre l'ensemble des officiels d'une même équipe.
101
+
102
+ Un joueur exclu doit quitter l'aire de jeu sans être remplacé pendant deux minutes. L'exclusion d'un officiel entraîne la réduction d'un joueur pour l'équipe pendant deux minutes.
103
+
104
+ Actions en cause :
105
+
106
+ Un joueur disqualifié doit quitter l'aire de jeu et la zone de changement jusqu'à la fin de la rencontre mais peut être remplacé après une durée de deux minutes. Un officiel disqualifié doit quitter la zone de changement. La disqualification d'un officiel entraîne la réduction d'un joueur pour l'équipe pendant deux minutes.
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108
+ Depuis les Jeux olympiques 2016, les arbitres disposent d’un carton bleu pour apporter plus de précisions à la disqualification d’un joueur. Lorsque les arbitres montrent ce carton (après avoir brandi un carton rouge), un rapport écrit est à joindre à la feuille de match et la commission disciplinaire est responsable des autres actions à entreprendre.
109
+
110
+ Chaque équipe peut bénéficier de trois temps mort par partie. Symbolisé par un carton vert numéroté T1, T2 ou T3, il est d'une durée de 1 minute. L'obtention de cette coupure de jeu nécessite d'être en possession du ballon et de déposer son carton vert à la table de marque. La table arrête le chronomètre et désigne aux arbitres l'équipe qui vient de déposer le temps mort. L'utilisation d'un temps mort n'est pas obligatoire. Deux temps mort au maximum peuvent être utilisés lors de chaque mi-temps. Un seul est autorisé par équipe dans les cinq dernières minutes du match.
111
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+ Entre deux temps morts d’une équipe, l’adversaire doit avoir été au moins une fois en possession du ballon. À l'issue du temps mort les équipes reprennent le jeu à l'endroit où il s'est arrêté.
113
+
114
+ Mis à part la tentative isolée lors des Jeux olympiques de Berlin en 1936 en handball à onze, le handball moderne (en salle et à sept) fait son entrée au programme olympique en 1972 à Munich, le premier tournoi olympique féminin ayant lieu quatre ans plus tard à Moscou. Auparavant, les championnats du monde à onze puis à sept constituaient les seuls rendez-vous planétaires, bien que peu de pays non-européens aient participé à ces compétitions.
115
+
116
+ Le handball international étant dominé par les pays européens, son histoire peut être en partie reliée à l'histoire géopolitique de l'Europe. Ainsi, au début des années 1990, la Chute des régimes communistes en Europe, initiée par la chute du Mur de Berlin et achevée par la dislocation de l'URSS, conduit à un déplacement des forces dominantes de l'Est vers l'Ouest. En effet, l'URSS, la Yougoslavie, la l'Allemagne (en tant que RFA, RDA ou équipe unifiée), Tchécoslovaquie ou encore la Roumanie se sont emparés de la majorité des podiums des compétitions des nations et des clubs jusqu'à ce tournant historique.
117
+
118
+ Depuis lors, si la Russie a assuré l'héritage soviétique dans les années 1990, d'autres pays se sont imposés comme des places fortes du handball mondial, profitant notamment de l'exode de nombreux joueurs soviétiques ou yougoslaves, tel Talant Dujshebaev naturalisé Espagnol en 1996 : l'Allemagne et l'Espagne dominent les coupes d'Europe masculines tandis que chez les femmes, ce sont l'Autriche puis le Danemark qui monopolisent les podiums. Dans les compétitions des nations, ce sont la Norvège chez les femmes et la France chez les hommes qui ont remporté le plus grand nombre de titres.
119
+
120
+ Seule exception notable à la domination européenne, la Corée du Sud, dont l'équipe féminine est double championne olympique en 1988 et 1992 et championne du monde en 1995 et l'équipe masculine a remporté l'argent olympique en 1988. Parmi les autres nations non-européennes, seuls le Qatar (vice-champion du monde en 2015), la Tunisie et l'Égypte chez les hommes et l'Angola chez les femmes ont eu des résultats probants lors des phases finales des grands tournois internationaux.
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122
+ Les principales compétitions sont :
123
+
124
+ Au niveau des clubs, l'épreuve reine est la Ligue des champions, anciennement Coupe d'Europe des clubs champions, qui met aux prises les meilleurs clubs européens depuis 1956 pour les hommes et 1960 pour les femmes. Les autres continents se sont dotés de compétitions similaires, à l'image de la Ligue des champions d'Afrique qui fut créée en 1979.
125
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126
+ Localisation des clubs engagés dans leChampionnat de France masculin 2019-2020.
127
+
128
+ Chez les hommes, les cinq principaux championnats pour la saison 2019/2020 sont :
129
+
130
+ Devenu premier championnat européen en 2018, la France profite notamment des performances de Paris, Montpellier et Nantes. Longtemps dominateur, le handball en Allemagne est portée par les résultats des équipes de Kiel (vingt fois champion), Mannheim, Flensburg ou, par le passé, Gummersbach. En Espagne, Barcelone est le seul club majeur à avoir survécu à la crise économique qui a fortement touché les clubs du championnat et a conduit à la disparition des ces concurrents : Santander (2008), Pampelune (2013), Ciudad Real (2013), Valladolid (2014)... En Hongrie, le Veszprém KSE domine outrageusement, ne laissant échapper que 4 titres depuis 1992, et seul le SC Pick Szeged lui fait concurrence. De même, le KS Kielce n'a que le Wisła Płock comme adversaire sérieux. En dehors des clubs précités, les Macédoniens du Vardar Skopje font également partie des meilleures équipes européennes. Le Danemark propose également des compétitions de haut niveau, mais avec une importante alternance à la tête du championnat.
131
+
132
+ Outre ces quatre épreuves majeures, il existe des compétitions à élimination directe dans ces pays : Coupe d'Allemagne, Coupe de Hongrie, Coupe d'Espagne et Coupe de France.
133
+
134
+ Chez les femmes, les cinq principaux championnats pour la saison 2019/2020 sont
135
+
136
+ En Hongrie, Győr domine le championnat autant qu'il domine l'Europe, même si Ferencváros, Érd ou Siófok obtiennent également de bons résultats. En Roumanie, le CSM Bucarest et SCM Râmnicu Vâlcea sont les clubs les plus performants de ces dernières années. En Russie et au Danemark, plusieurs équipes tirent leur épingle du jeu, notamment au gré des apports financiers dont bénéficient ces clubs. En France, Metz, vainqueur de son 23e titre en 2019 domine, Fleury, Issy ou Brest étant les principaux adversaires. En dehors des clubs précités, les Macédoniennes du Vardar Skopje et les Monténégrines du Budućnost Podgorica font également partie des meilleures équipes européennes.
137
+
138
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
139
+
140
+ Tir en extension de Christian Zeitz.
141
+
142
+ Salle de Rhein-Neckar Löwen (Allemagne) SAP Arena Mannheim.
143
+
144
+ Tir en extension.
145
+
146
+ Jet de 7 mètres.
147
+
148
+ Le handball possède certains termes spécifiques[27] :
149
+
150
+ Une liste non exhaustive des principales abréviations utilisées dans le handball, notamment le nom des clubs, est :
151
+
152
+ Les principaux médias spécialisés sur le handball sont :
153
+
154
+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Arabie saouditeRoyaume d'Arabie saoudite
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+
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+ (ar) المملكة العربية السعودية / al-mamlaka al-ʿarabiyya as-saʿūdiyya
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+
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+ 24° 42′ N, 46° 43′ E
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+ modifier
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+ Vous pouvez corriger ou créer la discussion.
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+ L'Arabie saoudite ou Arabie séoudite (en arabe : العربيّة السّعودية, al-ʿarabiyya as-saʿūdiyya?), nommée également le royaume d'Arabie saoudite (en arabe : المملكة العربيّة السّعودية, al-mamlaka al-ʿarabiyya as-saʿūdiyya?), est une monarchie absolue islamique dirigée par la dynastie des Saoud, depuis sa création en 1932 par Abdelaziz ibn Saoud[11]. Peuplée de 33 millions d'habitants, occupant 80 % de la péninsule Arabique, c'est le plus grand pays du Moyen-Orient avec une superficie de plus de deux millions de kilomètres carrés, et le deuxième plus grand des pays du monde arabe, après l'Algérie.
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+
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+ Le pays, dont la capitale est Riyad, a l'islam pour religion d'État et l'arabe pour langue officielle. Il abrite les deux plus grands lieux saints de l'islam : la mosquée al-Harâm (à La Mecque) et la mosquée du Prophète (à Médine).
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+
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+ L'Arabie saoudite est limitrophe de l’Irak au nord, du Koweït au nord-nord-est, du Bahreïn à l'est-nord-est, du Qatar et des Émirats arabes unis à l'est, d’Oman à l'est-sud-est, du Yémen au sud-sud-est et de la Jordanie au nord-ouest ; elle est bordée par la mer Rouge à l'ouest-sud-ouest et le golfe Persique à l'est-nord-est.
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+
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+ En 2000, l'Arabie saoudite et le Yémen ont signé un accord afin de concrétiser leur frontière commune, source de discorde jusque-là. À l'est-sud-est, une grande partie des frontières avec les Émirats arabes unis et Oman n'est pas clairement établie, d'où la difficulté de calculer correctement la superficie du Royaume saoudien. Le gouvernement annonce 2 217 949 km2 tandis que d'autres estimations varient de 1 960 582 jusqu'à 2 240 000 km2. Cependant le pays est considéré comme le treizième au monde par sa superficie.
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+
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+ Depuis la région côtière occidentale Tihama, les terres s'élèvent depuis les montagnes du Hedjaz au-dessus desquelles s'étend le plateau de Nejd, dans la partie la plus centrale. La région du sud, Asir, possède des montagnes s'élevant jusqu'à 3 000 mètres et est réputée pour avoir le climat le plus frais et le plus humide du pays. L'Est est, quant à lui, plutôt rocailleux avec des étendues de sable en continuité jusqu'au golfe Persique. L'hostile Rub' al Khali (le « Quart Vide ») est un désert s'étendant dans le sud du pays.
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+
21
+ Relativement peu peuplées, la plupart des terres varient entre désert et zone semi-aride, occupées par une traditionnelle population bédouine. La végétation s'y limite à de maigres plantes et autres herbes. Moins de 2 % des terres sont cultivables. Le centre de population est principalement situé le long des côtes est et ouest, malgré quelques oasis densément peuplées à l'intérieur du pays, telles Al-Hufuf et Buraydah. Le reste du pays compte très peu d'habitants bien que l'industrie pétrolière y ait bâti quelques communautés artificielles. L'Arabie saoudite n'a aucun lac ou rivière permanente, bien que sa grande ligne côtière s'étende sur 2 640 km de la mer Rouge au golfe Persique, offrant de nombreux récifs de coraux et une large biodiversité côtière et aquatique.
22
+
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+ Alors que le terme « Arabie » désigne la péninsule arabique dans son ensemble, l'adjectif « saoudite » évoque les Al Saoud, et en particulier Abdelaziz ibn Saoud dit « Ibn Saoud », qui reconquit ce pays au profit de sa famille en 1932 et en fit le « Royaume arabe saoudien » (en arabe al-Mamlakat al-°Arabīyat as-Sa°ūdīyat ; المملكة العربية السعودية), en français le « royaume d'Arabie saoudite »[12], ou en plus court السعودية (es-saoudia), que l'on pourrait traduire par la « Saoudite » ou la « Saoudie ». « Saoud » se réfère ici à Saoud ben Mohammed Al Mouqrin, le père de Mohammed Ibn Saoud, patriarche de la famille et fondateur en 1744[13] du premier État saoudien.
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+
25
+ En français, les orthographes « séoudite » (à la place de « saoudite ») et « Séoud » (au lieu de « Saoud ») fréquentes autrefois, se sont raréfiées sous l'influence de règles de transcription anglophones[14]. Par ailleurs, la transcription « saoudite » est conforme à la norme ISO 233 et à la norme DIN 31635 qui transcrivent par un /a/ la voyelle fatha / َ / que l'on trouve dans le mot sa'ûd (سَعود). On peut aussi relever que le moteur de recherche Google corrige automatiquement la recherche « séoudite » en « saoudite »[réf. nécessaire]. En revanche, on continue à trouver le nom du fondateur de la dynastie orthographié Ibn Séoud, à côté de Ibn Saoud.
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+
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+ L'adjectif qualificatif « saoudite » ou « séoudite » s'écrit sans majuscule selon :
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+
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+ Cependant, on le trouve écrit « Arabie Saoudite » dans le Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale (3e édition, 1990).
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+
31
+ L’Arabie saoudite a globalement un climat désertique, avec des températures diurnes très élevées et une forte baisse de la température pendant la nuit. Les températures estivales moyennes sont d'environ 45 °C, mais peuvent atteindre 54 °C. En hiver, la température descend rarement en dessous de 0 °C. Au printemps et en automne, la chaleur est tempérée, avec des températures moyennes autour de 29 °C. Les précipitations annuelles sont extrêmement faibles.
32
+
33
+ La région de l'Asir diffère, en raison de la mousson de l'océan Indien qui, généralement entre octobre et mars, donne une pluviométrie moyenne de 300 millimètres, soit environ 60 % des précipitations annuelles.
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+
35
+ La côte ouest du pays, sur la mer Rouge, a un climat subtropical. Dans la zone centrale, autour de Djeddah et La Mecque, les étés sont très chauds avec un degré d'humidité très élevé, alors que les hivers sont modérés avec une humidité basse. Cette région reçoit des pluies légères mais soudaines, parfois accompagnées d'orages de novembre à février. Au printemps et en automne, les pluies sont rares. Les vents du sud occasionnels durant l'hiver entraînent des tempêtes de sable et de pluie, provoquant des inondations dans les vallées ce qui cause de nombreux dommages aux populations nomades ou semi-nomades qui y résident.
36
+
37
+ En été, les moyennes de température sont de 45 °C, alors qu'en hiver, elles avoisinent 10 °C. Le 1er août 1996, une température de 49,6 °C a été enregistrée à La Mecque. Le 26 janvier 1997, à Taëf, un minimum de −1,5 °C a été constaté[19][source insuffisante].
38
+
39
+ La faune comprend des mammifères comme : des loups, des hyènes, des mangoustes, des babouins, des lièvres, des rats des sables et des gerboises. Les plus gros animaux sont les gazelles, les oryx et les léopards qui, relativement nombreux avant les années 1950, sont actuellement des espèces en voie de disparition, à cause de la chasse en véhicules motorisés.
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+
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+ Parmi les oiseaux les plus courants, on trouve les faucons (qui sont capturés et entraînés pour la chasse), les aigles, les vautours, les gangas et les bulbuls.
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+
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+ Il existe plusieurs espèces de serpents, dont beaucoup sont venimeux, et de nombreux types de lézards.
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+ La vie marine, dans le golfe Persique, est variée, avec une réserve de dugongs sur la mer Rouge.
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+
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+ Les animaux domestiques sont les dromadaires, les moutons, les chèvres, les ânes et les poules.
48
+
49
+ En raison du climat, la vie végétale naturelle de l'Arabie saoudite se compose essentiellement de petites herbes et d'arbustes nécessitant peu d'eau. On note cependant quelques petites zones herbeuses et des arbres dans le sud de l'Asir. Le palmier dattier (Phoenix dactylifera) y est très répandu.
50
+
51
+ Un nombre important de zones naturelles, terrestres et marines, sont protégées.
52
+
53
+ L'Arabie saoudite est divisée en 13 provinces (mintaqah idāriyya en arabe, expression qui se traduit littéralement par « région administrative », dont la forme au pluriel est manatiq idāriyya).
54
+
55
+ Les provinces sont divisées en 118 gouvernorats (arabe : محافظات, muhafazat au pluriel, muhafazah singulier), dont les capitales provinciales, qui ont un statut différent des municipalités (intègres), sont dirigées par des maires (amin).
56
+
57
+ Les gouvernorats sont subdivisés en sous-gouvernorats (marakiz, au pluriel markaz).
58
+
59
+ Médine.
60
+
61
+ Al Qasim.
62
+
63
+ Haïl.
64
+
65
+ Asir.
66
+
67
+ Tabuk.
68
+
69
+ Najran.
70
+
71
+ La Mecque.
72
+
73
+ Jizan.
74
+
75
+ Le premier État saoudien est constitué aux alentours de 1744. Un chef tribal local, Mohammed Ibn Saoud, s'associe avec un prédicateur religieux, Mohammed ben Abdelwahhab ; ensemble, ils fondent le wahhabisme.
76
+
77
+ La famille Al Saoud et le royaume connaissent ensuite des confrontations augmentant ou réduisant leur pouvoir en fonction des accords et désaccords avec l'Égypte, l'Empire ottoman et d'autres pays arabes pour le contrôle de la péninsule. Trop instable, le royaume finit par disparaître en 1818.
78
+
79
+ Un second État saoudien est fondé six années plus tard en 1824, mais disparaît en 1891.
80
+
81
+ Dans la nuit du 15 au 16 janvier 1902, Abdelaziz ibn Saoud, souhaitant restaurer l'ancien État de son aïeul, s'empare de Riyad, alors occupée par la famille rivale Al Rachid, originaire de Haïl. En 1904, il s'empare de l'oasis de Buraydah, capitale de la région du Qasim, au nord du Nejd. Abdelaziz fonde vers 1912, avec l'appui des bédouins, l'ordre des Ikhwâns (« frères ») qui lui permet d'agrandir son domaine[20]. Les Ikhwâns sont progressivement installés dans environ deux cents tentes (les hujjar). En 1913, Abdelaziz s'empare de la province de Al-Hassa, dans l'est, dont la majorité de la population est chiite. Son poids politique est reconnu par les Ottomans en mai 1914 lorsque ceux-ci le nomment wali du Nejd.
82
+
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+ Avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Abdelaziz se rapproche graduellement des Britanniques. Un traité de protection est signé avec ces derniers en 1915.
84
+
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+ Profitant de la dislocation de l'Empire ottoman et de la faiblesse des États arabes qui se constituent pendant le conflit mondial, il fait la conquête par la force en 1924-1925 du Hedjaz, un État comprenant les villes de La Mecque et de Médine, en s'en emparant il met fin à près d'un millénaire de chérifat hachémite, la lignée des descendants du grand-père du prophète. Il finit par se faire reconnaître roi du Hedjaz, en 1927.
86
+
87
+ L'État ainsi constitué est consolidé par Abdelaziz Al Saoud pour devenir un pays puissant et surtout acteur de la scène internationale. Cet arrêt des conquêtes le brouille avec ses alliés ikhwâns, qui voudraient poursuivre la conquête pour étendre les frontières à toute la communauté des croyants. L'appui des oulémas, essentiellement par une fatwa de 1927, profite à Abdelaziz : ils décrètent qu'il est interdit de se révolter contre le détenteur du pouvoir. Dès lors, il devient licite de faire la guerre contre les Ikhwâns, qui sont écrasés en 1929.
88
+
89
+ L'Arabie saoudite est fondée officiellement le 22 septembre 1932 par la fusion des provinces du Nejd et du Hedjaz. Abdelaziz ibn Saoud (Ibn Saoud) en devient le roi. Les guerres ayant permis l'accession au pouvoir d'Ibn Saoud firent 500 000 morts entre 1901 et 1932[21].
90
+
91
+ La découverte de pétrole en mars 1938 transforme le pays sur le plan économique et marque le début d'une alliance stratégique avec les États-Unis, concrétisée par le Pacte du Quincy. En échange d'un accès au pétrole, les États-Unis s'engagent à protéger militairement la dynastie des Saoud. Cette alliance se révèlera d'autant plus durable que le pays se présente comme un allié de poids face à la montée des nationalistes arabes dans les années 1950-1960 soutenus par l'Union soviétique[22].
92
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93
+ Abdelaziz accepte le concept de modernisation du pays et persuade les ultra-conservateurs religieux d'accepter les nouvelles technologies, ce qui se traduit concrètement par un confort matériel pour les Saoudiens, mais sans changement des mentalités. Après cinquante ans de pouvoir, Adb al-Aziz meurt en 1953, lui succèdent ses fils — Saoud ben Abdelaziz, Fayçal ben Abdelaziz, Khaled ben Abdelaziz, Fahd ben Abdelaziz, Abdallah ben Abdelaziz et depuis 2015 le roi Salmane ben Abdelaziz.
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+ En 1973, l'Arabie saoudite est le leader du cartel des pays pétroliers, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), et son ministre du Pétrole et des Ressources minérales Ahmed Zaki Yamani, diplômé de Harvard, est la tête pensante du quadruplement du prix du pétrole qui fait soudain de l'Arabie saoudite une super-puissance financière.
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+ La rapide augmentation des recettes saoudiennes au début des années 1980, qui passent de 65 milliards de dollars à près de 135 milliards en 1981, permet également au pays qui est le «berceau» du wahhabisme d'exporter sa doctrine religieuse sous la forme du salafisme. Cette politique extérieure se manifeste dans la lutte organisée contre l'Union soviétique dans le conflit afghan en accord avec l'allié américain[22], mais également dans le soutien financier de nombreuses organisations islamiques à travers le monde dans les années 2000-2015[23].
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+
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+ Dans les années 1980, la prise de la Grande Mosquée de La Mecque met en évidence le poids de la communauté ultra-conservatrice et la pression fondamentaliste s'accentue. Une police des mœurs, la Muttawa, est mise en place, s'assurant que tout ce qui se passe dans le royaume n'enfreint pas les règles de l'islam. Les nouvelles technologies sont encadrées, la musique n'est pas autorisée en public, encore moins le théâtre, et la télévision par satellite est également filtrée, tandis que la ségrégation sexuelle est accentuée, et le port du voile intégral obligatoire.
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+ L'Arabie saoudite est une monarchie absolue islamique, contrôlée par les familles Saoud et Wahhab qui sont liées par le mariage.
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+ Pour le politologue Riadh Sidaoui, les deux dynasties du Nejd sont les «deux faces d’une même pièce»[24].
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+ Pour Nabil Mouline, chercheur au CNRS et spécialiste de l'Arabie saoudite, le système successoral saoudien est de type adelphique, c'est-à-dire entre frères[25]. Toutefois, la transmission de la couronne demeure quelque peu aléatoire puisque le roi n'est pas nécessairement l'aîné : « Chaque roi potentiel est à la tête d’une faction, dont la puissance est déterminée par la force de son clientélisme, son soutien dans les forces armées et ses appuis dans le monde religieux et intellectuel[26]. »
106
+
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+ La loi fondamentale de l'Arabie saoudite définit le Coran comme constitution du pays et codifie depuis 1992 les règles d'organisation gouvernementale déjà existantes[27]. Le Conseil des oulémas et le Comité permanent des recherches islamiques et de la délivrance des fatwas sont compétents pour l'interprétation des règles religieuses. Aucune manifestation ou culte d'une autre religion ne sont acceptés, et ceux qui expriment à ce titre une opinion différente sont déclarés apostats et passibles de la peine de mort. La liberté de religion de la population non-musulmane d'origine y est très restreinte et doit s'exercer exclusivement dans le domaine privé. Une assemblée consultative existe.
108
+
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+ Depuis la fondation de l'État en 1932 par Abdelaziz ibn Saoud, le royaume a été gouverné par sept monarques.
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+
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+ En novembre 1995, après un accident vasculaire cérébral du roi Fahd, en tant que prince héritier, Abdallah a pris de facto la direction de l'État. Il devient roi en 2005 après le décès de ce dernier.
112
+
113
+ Le 4 novembre 2014, l'Arabie saoudite, confrontée à un ralentissement de son économie (basée en grande partie sur le pétrole) et à une recrudescence de son taux de chômage (30 % de sa population active), décide d'expulser des centaines de milliers de travailleurs étrangers[28],[29].
114
+
115
+ En janvier 2015, Salmane succède à son demi-frère Abdallah, décédé.
116
+
117
+ L'Arabie saoudite est l'une des puissances régionales au Moyen-Orient. En tant que gardienne des lieux saints de l'islam, elle jouit d'un grand prestige dans l'ensemble du monde musulman et diffuse le wahhabisme partout dans le monde. Elle rassemble autour d'elle la plupart des pays arabes à majorité sunnite dans une alliance contre l'Iran, où domine le chiisme, et ses alliés. L'Arabie saoudite bénéficie de revenus financiers considérables qu'elle tire de sa richesse en pétrole, dont elle est le premier pays exportateur au monde, et en gaz naturel. La rente pétrolière est la source de sa puissance, mais elle la rend dépendante aux variations du cours du baril et l'oblige à une alliance avec les États-Unis pour assurer la sécurité de l'approvisionnement en hydrocarbures dont les puissances économiques mondiales sont presque toutes très dépendantes[30].
118
+
119
+ L'historien britannique Charles Allen a chiffré que depuis 1979, les autorités saoudiennes ont consacré plus de 70 milliards de dollars à la diffusion de leur idéologie[31], le wahhabisme, l'une des formes les plus rigoristes de l'islam sunnite. Ce financement a été rendu possible par les réserves de pétrole du pays et le soutien des États-Unis et de l'Europe qui dépendent de ces réserves pour le fonctionnement de leur économie[32].
120
+
121
+ Dans une série d'entretiens en forme de bilan avec le magazine The Atlantic paru en avril 2016, le président américain Barack Obama a déclaré, selon Jeffrey Goldberg, que l'Arabie saoudite « propage l’extrémisme qui a généré le terrorisme » et expliqué comment l’Indonésie, notamment, « d’État musulman et tolérant, est devenu un pays extrémiste, à cause du financement par l’Arabie saoudite des mouvements fanatiques et des écoles wahhabites »[33],[34]. À la suite de ces propos peu diplomatiques, la maison royale saoudienne s'est dite « offensée »[35].
122
+
123
+ Le 6 décembre 2015, le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, a estimé que l'Arabie saoudite devait cesser le financement des mosquées salafistes en Allemagne qui ne « sont pas moins dangereuses que les extrémistes de droite »[36].
124
+
125
+ Initialement, l'Arabie saoudite entretient de bonnes relations avec les Frères musulmans[37]. La rupture se produit en 1991, lorsque la confrérie dénonce l'alliance saoudienne avec les États-Unis lors de la Guerre du Golfe[37],[38].
126
+
127
+ À partir de 1993, la monarchie saoudienne tente un rapprochement avec sa minorité chiite[37]. En 2005, des partis religieux chiites sont autorisés à présenter des candidats aux élections[37]. Cependant, les chiites restent victimes de discriminations et cette période d'ouverture prend fin avec la répression du soulèvement bahreïnien et le début de la guerre civile syrienne en 2011[37].
128
+
129
+ À l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières, la dynastie des Saoud au pouvoir est contestée par les salafistes djihadistes qui rejettent la monarchie et réclament une théocratie pure[37],[39]. Ces derniers renient même leur citoyenneté saoudienne pour se revendiquer « jaziri » (de la péninsule arabique). À partir de 2003, le royaume est aux prises avec Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui commet plusieurs attentats et assassinats, mais finit par être repoussé au Yémen[39].
130
+
131
+ En 2007, lors de la guerre d'Irak, l'Arabie saoudite joue un rôle déterminant dans la création et le financement des Sahwa, des milices sunnites qui contribuent à marginaliser les djihadistes de l'État islamique d'Irak et à instaurer jusqu'en 2011 une relative accalmie en Irak[39],[40]. Mais le 8 mars 2014, Nouri al-Maliki, alors Premier ministre irakien, proche allié de l'Iran, accuse l'Arabie saoudite et le Qatar de fournir un soutien politique, financier et médiatique aux groupes d'insurgés comme Daech, Front al-Nosra, Al-Qaïda, etc, allant même jusqu'à « acheter des armes au bénéfice de ces organisations terroristes » pour conclure en droit international que : « Ils attaquent l'Irak, via la Syrie, et de manière directe, ils ont déclaré la guerre à l'Irak »[41].
132
+
133
+ Bien qu'hostile aux révolutions du Printemps arabe, l'Arabie saoudite commence à soutenir les rebelles en Syrie, quelques mois après le début de la guerre civile syrienne[42]. Le royaume tient notamment à contenir l'influence de l'Iran, son principal rival dans la région. Il s'appuie sur les conservateurs, les officiers déserteurs, les tribus et les libéraux[43],[44], et soutient des groupes salafistes, notamment Jaych al-Islam, ainsi que l'Armée syrienne libre et des groupes modérés, en revanche, il s'oppose aux Frères musulmans[42],[44],[37]. Cependant, des milliers de Saoudiens partent combattre en Syrie et des groupes djihadistes comme l'État islamique ou le Front al-Nosra bénéficient de soutiens financiers venus d'acteurs privés, d'associations, ou d'hommes d'affaires, parfois liés à certains membres de la famille royale, qui profitent d'un certain laisser-faire de l'État[45],[46]. Selon le chercheur Pierre-Jean Luizard, au sein même de la famille royale, certaines branches s'estimant lésées font allégeance à l'État islamique[47]. En 2014 et 2015, l'hebdomadaire britannique The Economist et l'institut Soufan group estiment que 2 500 Saoudiens ont rejoint des groupes djihadistes en Syrie et en Irak, principalement l'État islamique[48],[49]. L'Arabie saoudite finit par s'inquiéter de la montée en puissance des salafistes djihadistes, qui contestent la légitimité de la dynastie saoudienne, et redoute qu'ils ne puissent bénéficier d'une certaine attractivité aux yeux d'une partie de la population saoudienne, ce qui pourrait déstabiliser le royaume[44],[37]. En mars 2013 les départs de combattants pour la Syrie sont rendus illégaux par le ministère de l'Intérieur dirigé par le prince Mohammed ben Nayef Al Saoud[42]. En février 2014, le Royaume saoudien classe le Front al-Nosra et l'État islamique comme organisations terroristes et interdit tout soutien ou financement à ces groupes[42],[46]. En septembre 2014, Riyad rejoint la coalition internationale contre l'EI.
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135
+ Dans une vidéo publiée le 26 décembre 2015, Abou Bakr al-Baghdadi, le « calife » de l'État islamique, appelle à des soulèvements en Arabie saoudite[50],[51]. De juin 2014 à novembre 2015, l'État islamique mène 7 attentats en Arabie saoudite qui font 88 morts[52]. Le Ministre saoudien de l'Intérieur Mohammed ben Nayef Al Saoud, responsable de la lutte anti-terroriste, est la cible de quatre tentatives d'assassinats de 2004 à 2015, dont un attentat-suicide d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique en 2009[53].
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+ Pour le politologue François Burgat : « le ressort de la politique de l’Arabie saoudite n’est pas idéologique. Arrêtons de penser que ce pays n’a qu’un rêve consistant à vouloir exporter son wahhabisme. Les Saoudiens n’ont qu’un rêve en se réveillant le matin : garder le pouvoir à n’importe quel prix, au prix de n’importe quelle concession idéologique, à savoir en étant capable de prendre appui sur des acteurs qui, sur le papier, leur sont hostiles ». Selon lui, plus que par l'Iran et les chiites, l'Arabie saoudite s'estime menacée principalement par son opposition : les « modérés » (Al-Islah, l'organisation yéménite apparentée aux Frères musulmans) et les radicaux[54].
138
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139
+ En Égypte, l'Arabie saoudite approuve le coup d'État mené le 3 juillet 2013 par l'armée qui porte au pouvoir le général Abdel Fattah al-Sissi et renverse le président Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans[55].
140
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141
+ Le 7 mai 2014, le roi Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud fait inscrire les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes, mais son successeur, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, se montre plus conciliant à leur égard[56].
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+ Le journaliste Alain Gresh note qu'à partir de 2016 l'Arabie saoudite se rapproche à petits pas des Frères musulmans : « Prudemment, parce que, à terme, les Frères restent un danger, notamment à l’intérieur du royaume ; avec détermination, car la menace iranienne est prioritaire à court et moyen terme »[57].
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+ À partir de 2015, l'Arabie saoudite concentre ses efforts au Yémen, où elle intervient militairement contre les Houthis, alliés de l'Iran[42],[46],[58]. En janvier 2015, Mohammed ben Salmane est nommé ministre de la Défense. Il décide de conduire des opérations militaires au Yémen contre les rebelles houthistes afin de limiter l'influence iranienne dans le pays[59]. En décembre 2015, dans une déclaration publique, les services de renseignement allemands ont exprimé leur inquiétude devant la nouvelle politique étrangère du jeune prince héritier, soulignant la façon dont la « position diplomatique jusqu'ici prudente des chefs aînés de la famille royale est remplacée par une politique interventionniste impulsive » et présente un danger pour la stabilité de la région[60].
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+ En mars 2016, le royaume wahhabite désigne le Hezbollah comme organisation terroriste et remet en cause une aide financière de quatre milliards de dollars aux forces armées libanaises[61].
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+ Selon Ali Al-Ahmad, directeur du Institute for Gulf Affairs (en), basé à Washington, « Les Saoudiens sont extrêmement inquiets. Le point de départ d'une éventuelle révolution sera probablement un club de foot plutôt qu'une mosquée »[62].
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+ Le 5 juin 2017, l'Arabie saoudite accuse le Royaume qatari de complaisance avec l'Iran, le Hamas, le Hezbollah et de « soutenir le terrorisme » et d'avoir des liens avec les Houthis, Al-Qaïda, l'État islamique et les Frères musulmans, groupements classés « terroriste » par l'Arabie saoudite. Riyad décide de sanctionner Doha et, le 5 juin 2017, le gouvernement saoudien rompt ses relations diplomatiques avec le Qatar et ferme sa frontière avec l'émirat[63]. Ses alliés, les Émirats arabes unis, Bahreïn, Yémen et Égypte feront de même[64].
152
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+ Il s'en suit alors une crise diplomatique : expulsion des nationaux qataris du territoire saoudien, et en septembre 2017, une vague d'arrestations de journalistes, intellectuels, politiques (dont le conseiller du gouvernement saoudien, Issam Al Zamel), universitaires, chercheurs ou écrivains qui seraient proches des mouvances islamistes « pro-Qatar », accusés d'avoir maintenu « le silence sur le Qatar » et de « non-participation à la campagne médiatique contre le Qatar », faits qui sont récemment devenus des délits[65].
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+ Le pays pourrait construire le canal Salwa, qui transformerait le Qatar en île.
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+ Liée aux États-Unis depuis le pacte du Quincy en 1945, l'Arabie saoudite prend ses distances avec son allié américain au début des années 2010, en réponse à la non-intervention militaire du pays pendant la guerre civile syrienne et au rapprochement irano-américain qui fait suite à l'élection d'Hassan Rohani à la présidence de la République islamique. En conséquence, l'Arabie saoudite refuse son siège obtenu par l'élection du Conseil de sécurité des Nations unies de 2013[66].
158
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+ Il est à noter que 15 des 19 pirates de l'air, lors des attentats du 11 septembre 2001, étaient des sujets du roi d'Arabie saoudite[67]. Selon Bob Graham, ancien vice-président de la commission d'enquête parlementaire sur le 11 septembre, les 28 pages classifiées du rapport publié en 2002, intitulées « éléments, discussion et récit concernant certains sujets sensibles de sécurité nationale », mettraient en cause le consulat saoudien à Los Angeles, l'ambassade d'Arabie saoudite à Washington ainsi que de riches Saoudiens installés à Sarasota en Floride[68]. Et de conclure : « Pour moi, nous avons montré que quoi qu'ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir Al-Qaïda, puis plus récemment dans l'appui économique et idéologique à l'État islamique (Daech). C'est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d'extrémisme qui a frappé Paris (attentats contre Charlie Hebdo)[69]». En avril 2016, Bob Graham a déclaré sur la chaîne de télévision Fox News qu'il aurait reçu un coup de fil de la Maison blanche l'informant de la décision du président américain de déclassifier les 28 pages litigieuses sous 60 jours[70]. Selon le New York Times, l'Arabie saoudite menacerait de vendre des « centaines de milliards de dollars de titres américains si le Congrès adoptait un projet de loi qui permettrait de rendre responsable le gouvernement du Royaume arabe devant les tribunaux américains de leur éventuel rôle lors des attaques du 11 septembre 2001 »[71],[72]. Pour la première fois, en mai 2016, le Département du Trésor des États-Unis a dévoilé que le montant des bons du trésor détenus par l'Arabie saoudite s'élèveraient seulement à 117 milliards de dollars, ce qui en ferait le treizième adjudicataire très loin derrière la Chine et le Japon[73]. Par ailleurs, les sénateurs américains ont approuvé à l'unanimité la proposition de loi autorisant les victimes du 11 septembre 2001 à poursuivre l'Arabie saoudite[74]. En juillet 2016, le Congrès des États-Unis a publié un document de 28 pages crédibilisant les accusations[75] de Zacarias Moussaoui, qualifié de « dérangé » par l'Arabie saoudite[76],[77] :
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+ « [...] certains des pirates de l’air du 11 septembre étaient en contact avec des individus connectés avec le gouvernement saoudien qui leur apportaient de l’aide et du soutien [...] qu’au moins deux de ces individus ont été soupçonnés d’être des agents de renseignements saoudiens. »
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+ Une note de l'administration américaine datant de 2009 (et dévoilée par WikiLeaks un an après) avance que « les donateurs privés en Arabie saoudite demeurent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites[78] ». Par ailleurs, deux articles, l'un paru dans The Daily Telegraph en septembre 2014, et l'autre dans Le Monde le 17 novembre 2015 (ce dernier étant un point de vue écrit par les historiens Sophie Bessis et Mohamed Harbi), affirment que l'Arabie saoudite serait, avec le Qatar et la Turquie, l'une des principales sources financières et militaires de l'extrémisme islamiste[79],[80],[81].
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+ Le 8 octobre 2012, Yves Bonnet, ancien patron de la DST, a affirmé : « On n'ose pas parler de l'Arabie saoudite et du Qatar, mais il faudrait peut-être aussi que ces braves gens cessent d'alimenter de leurs fonds un certain nombre d'actions préoccupantes[82],[83].»
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+ Le 20 novembre 2015, dans une tribune publiée par le New York Times, le vainqueur du prix Goncourt du premier roman 2015, l'écrivain Kamel Daoud, visé par une fatwa, a affirmé que l'Arabie saoudite n'est qu'un « Daech qui a réussi » en sus d'être le principal « mécène idéologique de la culture islamiste ». Selon lui, pour lutter contre le terrorisme, l'Occident devrait enfin s'attaquer à « la cause » plutôt qu'à « l'effet »[84],[85].
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+ Pierre-Jean Luizard, historien et chercheur au CNRS, affirme en 2017 : « L'Etat qatari ne soutient pas plus le terrorisme que l'Etat saoudien : aucun des deux ne le fait de façon directe. Beaucoup de fonds privés venus d'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis financent l'Etat islamique. [...] L'Arabie saoudite, elle, est gangrenée. La menace de la mouvance salafiste y est très présente, y compris dans les branches de la dynastie saoudienne. Il s'agit là d'une crise très grave du système saoudien »[86].
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+ Pour François Burgat, directeur de recherche à l'Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), ni le Qatar, ni l'Arabie saoudite ne soutiennent al-Qaïda ou l'État islamique : « Les dirigeants des monarchies pétrolières savent parfaitement qu’ils sont en tête de liste des cibles de Daech ou d’Al-Qaïda et aucun d’entre eux n’est suicidaire »[87].
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+ En 2015, Stéphane Lacroix, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI), déclare : « Les princes saoudiens ne soutiennent plus les islamistes comme ils ont pu le faire jusqu'aux années 1990. Ils en ont même aujourd'hui une peur bleue, car ce sont les seuls à représenter un modèle concurrent aux Saoud, et donc à pouvoir déstabiliser la monarchie. L'Arabie saoudite est fondamentalement antirévolutionnaire. Au cours du Printemps arabe, elle a surtout soutenu le statu quo. [...] L'exception est la Syrie ». En Syrie, l'État saoudien a soutenu l'Armée syrienne libre, puis des islamistes nationalistes non-djihadistes. Cependant « en parallèle des financements étatiques, des oulémas n'appartenant pas à l'establishment officiel se sont rangés derrière des groupes politiques salafistes. Dès le début du conflit, ces religieux ont soutenu en Syrie le groupe Ahrar el Sham et le front Al-Nosra. Mais pour la plupart d'entre eux, ils ne soutiennent pas Daech. L'organisation État islamique est détestée d'eux, car elle prétend au leadership sur l'islam tout entier, ce qui est inacceptable pour ses concurrents. [...] Le pouvoir saoudien se méfie de ces oulémas islamistes, dont certains ont mené la contestation contre le régime dans les années 1990. Mais il ne peut se permettre de les envoyer en prison, le coût étant trop élevé en interne »[88].
174
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+ Afin de redorer son blason en France, l'Arabie saoudite aurait missionné quatre agences de communication et de relations presse françaises : Publicis, Image 7, Edile Consulting et une autre dont le nom n'a pas filtré[89],[90].
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+ L'Arabie saoudite consacre au budget militaire l'un des pourcentages les plus élevés du monde, ses dépenses militaires dépassant la barre des 10 % du PIB. Les forces armées saoudiennes se composent des Forces Terrestres Royales saoudiennes, de l'Air Force Royale Saoudienne, de la Marine Royale Saoudienne, de la Défense de l'Air royale saoudienne (en), de la Garde nationale de l'Arabie saoudite (en) (la SANG en anglais, un organisme indépendant de l'armée), et les forces paramilitaires, pour un total de près de 200 000 militaires en service actif. En 2005, les forces armées affichaient le personnel ci-après : pour l'armée de terre, 75 000 hommes ; pour l'armée de l'air, 18 000 hommes ; pour la marine, 15 500 hommes (dont 3 000 marins) ; et la SANG affichait 75 000 soldats actifs et 25 000 supplétifs tribaux. En outre, il y a le Al Mukhabarat Al Un'amah le service de renseignement militaire.
178
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+ Le royaume dispose d'une longue relation militaire avec le Pakistan, il a longtemps été avancé que l'Arabie saoudite aurait secrètement financé le programme nucléaire pakistanais et chercherait à acquérir des armes atomiques au Pakistan, dans un avenir proche. La SANG n'est pas une réserve, mais une force de première ligne pleinement opérationnelle, et est issue de la tribu militaro-religieuse des Saoud, les Ikhwan. Son existence perdure, quoiqu'elle soit présentée comme étant, de fait, l'armée privative de feu Abdallah depuis les années 1960 et, que contrairement au reste des forces armées, elle est indépendante du Ministère de la Défense et de l'Aviation. La SANG contrebalançait les factions Sudairi (en) dans la famille royale : le Prince Sultan, Ministre de la Défense et de l'Aviation, est l'un des soi-disant « Sept Sudairi » et contrôle le reste des forces armées[91].
180
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+ Les dépenses de défense et de sécurité de l'Arabie saoudite ont considérablement augmenté depuis le milieu des années 1990. Elles atteignaient environ 69,4 milliards de dollars en 2017, ce qui représente environ 10,3 % du produit intérieur brut et la classe au quatrième rang des pays qui dépensent le plus pour leurs forces armées. Son arsenal moderne de haute technologie fait de l'Arabie saoudite l'un des pays les plus puissamment armés du monde. Son équipement militaire est fourni principalement par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni[92].
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+
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+ Les États-Unis ont vendu pour plus de 80 milliards de dollars de matériel militaire entre 1951 et 2006, aux forces armées saoudiennes. Le 20 octobre 2010, le Département d'État des États-Unis a notifié au Congrès son intention de conclure le plus grand marché de l'histoire américaine — une somme estimée à 60,5 milliards de dollars de commandes par le royaume d'Arabie saoudite. Le package constitue une amélioration considérable de la capacité offensive des forces armées saoudiennes. 2013 a vu les dépenses militaires saoudiennes s'élever à 67 milliards de dollars, dépassant celle du Royaume-Uni, de la France et du Japon au quatrième rang à l'échelle mondiale[93].
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+ Le Royaume-Uni a également été l'un des principaux fournisseurs d'équipements militaires à l'Arabie saoudite depuis 1965. Depuis 1985, le Royaume-Uni a fourni des avions militaires — notamment les avions de combat Tornado et l'Eurofighter Typhoon et d'autres équipements dans le cadre d'un contrat de long terme le marché militaire Al-Yamamah estimé à une valeur de 43 milliards de livres en 2006 et il est projeté un autre d'une valeur de 40 milliards de livres. En mai 2012, le géant britannique de la défense BAE a signé un marché de 1,9 milliard de livres (3 milliards de dollars) pour la fourniture de jets d'entraînement Hawk à l'Arabie saoudite[94].
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+ Selon le Stockholm International Peace Research Institute, le SIPRI, sur la période 2010-2014, l'Arabie saoudite est le deuxième plus grand importateur d'armes, recevant quatre fois plus d'armes majeures que sur la période 2005-2009. Les principales importations de 2010-2014 incluent 45 avions de combat du Royaume-Uni, 38 hélicoptères de combat des États-Unis, 4 avions ravitailleurs de l'Espagne et plus de 600 véhicules blindés du Canada. L'Arabie saoudite a une longue liste de commandes militaires en cours, dont 27 avions de combat supplémentaires du Royaume-Uni, 154 avions de combat des États-Unis et un grand nombre de véhicules blindés en provenance du Canada. L'Arabie saoudite a capté 41 % des exportations d'armes du Royaume-Uni, sur la période de 2010-2014.
188
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189
+ En dépit de ces dépenses militaires très importantes, pour le géopoliticien Renaud Girard, « son instrument militaire est extrêmement faible » comme le montrerait son incapacité de faire face aux rebelles houthistes au Yémen[95].
190
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+ Le 3 octobre 1988[96], l'Arabie saoudite a ratifié le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, sans avoir pour autant signé le protocole additionnel de 1997 aux fins de vérification des accords de garantie[97].
192
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193
+ Toutefois, selon le Sunday Times, citant un haut responsable américain en mai 2015, l'Arabie saoudite, en parallèle avec l'Iran, aurait pris la décision stratégique d'acquérir des armes nucléaires au Pakistan[98]. En effet, pour la journaliste Dominique Lorentz, plus de doute, l'Iran est aujourd'hui une puissance nucléaire[99]. Or, dans ce cas de figure, Amos Yadlin (en), chef du renseignement militaire d’Israël, avait commenté que si l’Iran avait la bombe, « les Saoudiens n’attendront pas un mois. Ils ont déjà payé pour la bombe, ils iront au Pakistan et ils prendront ce dont ils ont besoin ». Dans ces conditions, toujours selon le Sunday Times, l’Arabie saoudite aurait donc demandé au Pakistan, dont elle finance depuis trente ans le programme nucléaire, un remboursement de sa dette sous la forme de bombes atomiques disponibles à volonté, mais dont le « produit fini » resterait stationné au Pakistan[100].
194
+
195
+ Le 25 février 2016, le Parlement européen, lors d'une session plénière à Bruxelles, a adopté une résolution, à une large majorité des eurodéputés, pour un embargo sur les livraisons d'armes des pays de l'Union européenne à destination de l'Arabie saoudite[101]. Dans le même sens, le 15 mars 2016, le Parlement hollandais a adopté une résolution interdisant l'exportation d'armes vers l'Arabie saoudite[102].
196
+
197
+ En 2015, l'Arabie saoudite affichait le troisième plus gros budget militaire avec 87,2 milliards de dollars, après les États-Unis (596 milliards de dollars) et la Chine (estimé à 215 milliards de dollars). Sur une période de dix ans (2006-2015), son budget a augmenté de +97 %. Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), avec 2 778 dollars par habitant, l'Arabie saoudite est devenue la championne des dépenses militaires par habitant, devant Oman (2 574 dollars) et Israël (1 923 dollars)[103],[104]. Autre record mondial, l'Arabie saoudite consacre jusqu'à 13 % de son PIB pour le budget de la défense, lorsque la plupart des pays se bornent à dépenser entre 2 et 4 % de leur PIB[105].
198
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199
+ Le droit saoudien est officiellement fondé sur la charia. Toutefois, selon des recherches conduites par le Réseau international de solidarité WMUML en 2011 sur les lois dites islamiques (dénommées à tort charia)[108], il s'avère qu'en réalité, elles seraient basées sur la tradition et la coutume. Le terme charia est instrumentalisé par les autorités religieuses ou gouvernementales du pays afin de leur donner une soi-disant légitimité religieuse, mais avant tout pour établir, rétablir ou renforcer le patriarcat de la société[109].
200
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201
+ Pour la hedjazie Suhayla Zayn al-Abidin, le wahhabisme a servi à légitimer ce qui n’est rien d’autre que des coutumes locales najdies : « alors que l’islam a permis l’ijtihad (l’interprétation des textes) dans le but de s’adapter aux circonstances correspondant aux différents lieux et aux différentes époques, un groupe d’oulémas, qui n’est pas peu nombreux, s’est contenté de proclamer des interdictions au nom de sadd al-dharaʿi (« blocage des moyens », principe-clé du droit wahhabite). Ceux d’entre eux qui ont appliqué ce principe à la femme l’ont fait parce qu’ils la regardent avec des yeux païens (jahiliyya), et la traitent selon des coutumes et des traditions païennes, qui ne sont en rien une application de ce qu’a apporté l’islam » (in Al-Sharq al-Awsat, 30 mai 2004)[110].
202
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203
+ L’assistance d'un avocat avant le procès et la représentation légale en salle est régulièrement déniée aux prévenus[111]. Les accusés sont parfois reconnus coupables sur la base d'« aveux » obtenus sous la torture ou les mauvais traitements. S'agissant des étrangers, beaucoup ne bénéficient pas de services de traduction adaptés durant leur procès et ont signé des documents – notamment des « aveux » – qu'ils ne comprennent pas[112].
204
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205
+ De nombreux crimes sont passibles de la peine de mort, comme l'homicide volontaire, le viol, le vol à main armée, la sorcellerie, l’adultère, la sodomie, l'apostasie, le prosélytisme non-musulman, le trafic de stupéfiants, le sabotage, l'espionnage, la trahison ou la défiance vis-à-vis de la famille royale. En Arabie saoudite, les exécutés sont très généralement décapités au sabre, en particulier pour apostasie, ou lapidés pour l'adultère, rarement par d'autres méthodes comme la crucifixion ou l'arme à feu[113],[114]. Le fait de demander des réformes pour le pays est passible de prison[115]. Le fait de détenir des bouteilles de vin est passible de coups de fouet[116].
206
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207
+ Le fait de propager des contenus à caractère pornographique est passible de 5 ans de prison et d'une amende de 3 millions de riyals saoudiens, soit environ 700 000 euros[117]. Dans le cadre du programme de sécurité de la famille, une nouvelle loi de 2016 prévoit que le fait pour une femme de violer la vie privée de son mari en consultant son téléphone portable sans en avertir celui-ci ou sans son contentement (la réciproque n'étant pas vraie), est désormais passible de coups de fouet, d'une peine de prison ou d'une amende[118]. Par ailleurs, les étrangers jugés « trop beaux » (peu important qu'ils soient musulmans ou non) sont considérés par le comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice comme des « tentateurs » et font donc l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière manu militari pour prévenir tout trouble à l'ordre public[119].
208
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209
+ Depuis le début de l'année 2016, les autorités ont fait exécuter plus de 90 personnes, criminels, opposants au régime ou manifestants laïcs (selon un décompte AFP sur la base d'annonces officielles). L'année 2015 constituait déjà un record en la matière avec pas moins de 153 exécutions, contre 90 exécutions en 2014[120], ce qui confirme le rythme « sans précédent » observé par Amnesty International[121]. Toujours en 2015, les autorités avaient publié une offre d'emploi pour recruter 8 bourreaux[122]. Pour James Lynch, directeur-adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International, « Les autorités saoudiennes semblent déterminées à poursuivre cette vague d'exécutions. Les autorités saoudiennes invoquent la dissuasion pénale comme argument clé pour justifier la peine de mort. L'Arabie saoudite figure ainsi parmi les pays qui exécutent le plus grand nombre de personnes avec la Chine, l'Iran, l'Irak et les États-Unis.
210
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211
+ Par ailleurs, l'abolition de l'esclavage en 1968 n'est que théorique, puisqu'il perdure de fait dans la péninsule arabique[123] sous des formes très diverses allant de l'esclave domestique à l'esclave sexuel.
212
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213
+ De nombreux colloques se sont tenus en Arabie saoudite pour condamner les attentats-suicides, l'agression physique des personnes civiles et les attentats du 11 septembre 2001, entre autres, comme contraires à l'islam[124]. Un décret royal de février 2014 punit de trois à vingt ans de prison toute « appartenance à des courants religieux ou intellectuels, à des groupes ou à des formations définis comme terroristes nationalement, régionalement ou internationalement ; tout appui quel qu’il soit à leur idéologie ou à leur vision, toute expression d’une quelconque sympathie avec eux », le mot « terrorisme » incluant l’athéisme et toute mise en cause des principes fondamentaux de la religion[125] ainsi que pour une femme enfreignant l'interdiction de conduire[126].
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215
+ Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le royaume wahhabite tolérait, dans les faits, l'homosexualité des Saoudiens qui n'étaient plus poursuivis à ce titre[127]. Toutefois, il est à noter qu'en mars 2016, des procureurs de la ville de Djeddah ont requis la peine de mort à l'encontre de Saoudiens qui avaient révélé leur homosexualité sur Internet, ce qui semble annoncer une remise en vigueur des exécutions[128].
216
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217
+ L'Arabie saoudite est l'un des pays qui respecte le moins les droits de l'homme, avec l'un des pires bilans en ce domaine. Les droits d'expression, d'association et la liberté d'opinion ne sont pas garantis[129]. Les droits des femmes sont très limités, la liberté religieuse est minimaliste et les droits LGBT sont inexistants. Les autorités considèrent toute voix dissidente comme du terrorisme[130]. L'Arabie saoudite figure en 164e position sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2015[131].
218
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219
+ Alors que l'ambassadeur de l'Arabie saoudite à l'Office des Nations-Unies, Faisal bin Hassan Trad, est nommé le 22 septembre 2015 à la tête du panel du Conseil des droits de l'Homme, de nombreuses associations des droits de l'Homme ont manifesté leur désaccord avec cette nomination en raison de l'exécution de plus de 80 personnes depuis le début de l'année 2015 en Arabie saoudite[132]. Cette vague de protestations s'est amplifiée avec l'annonce de l'exécution d'Ali Mohammed al-Nimr[133],[134],[135],[136].
220
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221
+ Le 2 octobre 2015, l'Arabie saoudite a empêché la mise en place d’une enquête internationale sur la conduite de ses frappes aériennes au Yémen. Pour Karim Lahidji, président de la FIDH : « C’est là la vraie victoire de l’Arabie saoudite à l’ONU, et non comme on a pu l’entendre la nomination quelques semaines plus tôt de son ambassadeur à la tête du comité consultatif du Conseil des droits de l’Homme, une position honorifique mais aux pouvoirs restreints[137]». En effet, selon un responsable de l'administration américaine, la coalition conduite par les Saoudiens a recours à des armes à sous-munitions (interdites en droit international) dans le conflit armé au Yémen[138].
222
+
223
+ Raif Badawi, auteur du blog Free Saudi Liberals visant à ouvrir le dialogue social, a été arrêté en 2012 et condamné en 2013 à plus de 1 000 coups de bâtons[139] pour avoir critiqué les autorités religieuses saoudiennes, il devient une cause célèbre internationale sur le sujet des droits de l'homme et est récipiendaire en 2015 du prix Sakharov[140],[141].
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225
+ Le 29 mars 2016, à effet de dévoiler la réalité des droits de l'Homme en Arabie saoudite, l'ONG Front Line a produit un documentaire de 54 minutes, intitulé Saudi Arabia Uncovered, de James Jones, tourné essentiellement en caméra caché[142].
226
+
227
+ Afin de se prémunir de critiques des gouvernements occidentaux sur les droits de l'homme, l'Arabie saoudite n'hésite pas à recourir à des mesures de rétorsion financières à leur encontre et, selon Le Point, « cela fonctionne »[143].
228
+
229
+ En 2019, l'athéisme et l'homosexualité restent passibles de la peine de mort en Arabie Saoudite, l'athéisme pouvant tomber sous le coup de la loi antiterroriste[144],[145].
230
+
231
+ En juillet 2020, la presse révèle que l’Arabie saoudite avait tenté de ramener dans le pays Saad Al jabri, un ancien responsable du renseignement saoudien, et avait enlevé deux de ses enfants et les enfants adultes de son frère en guise de gage contre lui[Mal dit]. Le prince héritier lui aurait proposé un nouveau poste et aurait même porté des accusations de corruption contre son nom pour forcer son extradition[146].
232
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233
+ La torture est une pratique courante et bien documentée en Arabie Saoudite.
234
+
235
+ Selon un rapport de l'ONU en date du 20 avril 2016, intitulé « Le sort des enfants en temps de conflit armé », l'Arabie saoudite serait impliquée dans la mort de plus de 500 enfants dans le cadre de son intervention contre la rébellion houthie au Yémen[149],[150].
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+
237
+ Par ailleurs, selon une étude menée par le Docteur Nura Al-Suwaiyan, directeur du programme de sécurité de la famille à la Garde nationale de l'hôpital (en), un enfant sur quatre est maltraité en Arabie saoudite. La Société nationale pour les droits de l'homme (en) rapporte que près de 45 % des enfants du pays sont confrontés à une certaine forme de violence et à la violence domestique. En 2013, le gouvernement a adopté une loi criminalisant la violence domestique à l'encontre des enfants[151].
238
+
239
+ Il a été affirmé que la traite des femmes est un problème particulier en Arabie saoudite, à raison du grand nombre d'employées de maison qui sont étrangères au pays (en particulier Mauritaniennes), et des failles dans le système aboutissant à ce que nombre d'entre elles sont victimes de mauvais traitements et de torture[152], sous la forme d'esclavage[153].
240
+
241
+ Dès leur naissance, les Saoudiennes sont placées par la charia sous l'autorité légale d'un homme, le « gardien » (mahram), qui peut être leur père, leur mari, leur frère, leur oncle ou même leur fils[154]. Les femmes ne peuvent rien entreprendre sans l'autorisation de leur « gardien », elles ne peuvent ni travailler, ni se marier, ni même se faire ausculter par un médecin (femme), sans l'agrément d'un homme[25]. De ce fait, quels que soient les droits accordés aux femmes (droit de vote, de conduire, etc.), ces droits restent dépendants de la permission du tuteur, ce qui se traduit dans les faits par la privation de ces droits[155]. La plupart des mariages sont arrangés, mais se concluent dans environ 20 % des cas par un divorce, la garde étant la plupart du temps confiée au père. Non accompagnées d'un tuteur, les femmes n'ont pas le droit de sortir dans un espace public, où les membres du comité pour le commandement de la vertu et la répression du vice (Hai'a, une agence gouvernementale qui contrôle l'application de la charia) veillent à ce qu'elles portent bien le voile[156].
242
+
243
+ Selon Gérard-François Dumont, de l'Académie de Géopolitique de Paris, l’espérance de vie à la naissance des Saoudiennes s'avère étonnamment faible eu égard à la rente pétrolière. D'un point de vue strictement féminin, les Saoudiennes ont une espérance de vie inférieure de deux ans à celle des Tunisiennes, et de dix ans à celle des Françaises. D'un point de vue plus masculin, les Saoudiennes vivent seulement deux ans de plus que les Saoudiens, lorsque les Tunisiennes vivent quatre ans de plus que les Tunisiens et les Françaises atteignent sept ans de plus que les Français[157].
244
+
245
+ L'Arabie saoudite impose une stricte séparation des sexes. La plupart des maisons, banques ou universités ont une entrée pour les hommes et une entrée pour les femmes.
246
+
247
+ En 2005, l'Arabie saoudite affiche un taux de travail féminin parmi les plus bas du monde (18 %). Le ministre du Travail Ghazi Al Gosaibi promulgue alors une loi pour autoriser les femmes à travailler dans les magasins de lingerie ; elle n'est en réalité appliquée que plus tard, à cause de l'opposition des religieux conservateurs, même si les agents Hai'a procèdent de temps à autres à la fermeture de certains de ces magasins. Jusque-là, les Saoudiennes diplômées qui travaillaient étaient limitées aux secteurs de l'enseignement pour filles ou de la médecine pour les femmes patientes. Les femmes qui travaillent disposent de leur propre compte bancaire. La plupart des Saoudiens souhaitent que leurs filles passent le baccalauréat ; par ailleurs, 42 % des étudiants dans les universités sont des jeunes filles[156].
248
+
249
+ Le 25 septembre 2011, le roi Abdallah accorde le droit de vote aux femmes[158] aux élections municipales ainsi que leur éligibilité. Toutefois, il est à noter que les Saoudiennes n'ont voté qu'en 2015 (dans des isoloirs séparés)[159] ; que les candidates (sous réserves d'être autorisées et couvertes de l'abaya) n'ont pas eu le droit de prendre la parole en public[160] ; et que les élues (après plusieurs incidents) n'ont pas eu non plus le droit de siéger dans la même pièce que leurs collègues masculins[161]. En 2012, le roi Abdallah autorise les femmes à vendre de la lingerie et des cosmétiques[162]. Pour lutter contre le chômage des femmes, ce commerce (d'articles exclusivement féminins) est désormais réservé aux seules Saoudiennes qui n'auront plus besoin de permis de travail dans ce secteur[163]. En 2015, son successeur, le roi Salmane accorde aux femmes le droit de voyager sans qu'un « gardien » ne les accompagne, ni ne donne son autorisation pour qu'elles voyagent sans lui. Concrètement, les Saoudiennes n'auront plus besoin de se munir d'un papier jaune par lequel leur « gardien » les autorisait à partir à l’étranger et elles ne seront plus suspendues à une éventuelle opposition de dernière minute par retour de SMS au moment de quitter le territoire saoudien[164],[165]. La même année, le roi Salmane accorde aux veuves et aux divorcées (seulement) une carte d'identité pour leur permettre d'effectuer des démarches basiques, mais sans autre précision quant à la date d'entrée en vigueur de cette réforme[166]. En 2016, les Saoudiennes se voient accorder le droit de signer leur propre contrat de mariage et d'en obtenir une copie afin de leur permettre de « prendre connaissance » de leurs « droits » et des « termes du contrat »[167],[168].
250
+
251
+ Le 2 août 2019, un décret signé du roi Salmane annonce que les femmes sont désormais autorisées à se rendre à l’étranger sans requérir au préalable l’agrément du référent masculin qui leur tient de gardien. Le texte dispose qu’un passeport saoudien doit être délivré à tout citoyen qui en fait la demande et que toute personne âgée d’au moins 21 ans, sans distinction de sexe, peut voyager comme elle l’entend. Le décret dispose également que les femmes peuvent déclarer officiellement une naissance, un mariage ou un divorce et être titulaires de l’autorité parentale sur leurs enfants mineurs. Des prérogatives jusqu’ici réservées aux hommes[169].
252
+
253
+ Pendant de longues années, l'Arabie saoudite est pointée du doigt car les femmes y sont interdites du droit de conduire. C'est le dernier pays au monde à pratiquer cette interdiction[170],[171]. Selon un journal saoudien, cette mesure coûte près de 3,7 milliards de dollars à l'économie saoudienne du fait de l'emploi de chauffeurs privés ou de taxi[172]. Régulièrement, des femmes bravent cette interdiction en se filmant en train de conduire afin de faire évoluer la situation. En septembre 2017, un prêcheur saoudien déclare que l'interdiction de conduire imposée aux femmes se justifierait, car elles n'ont que le « quart » du cerveau d'un homme. Bien que cette déclaration ait obtenu des soutiens de milieux conservateurs, les autorités saoudiennes lui interdisent de prêcher en expliquant « que les plateformes de prêche ne seront pas utilisées pour porter atteinte aux valeurs d'égalité, de justice et de respect des femmes inhérentes à l'islam »[173]. Le 26 septembre 2017, le roi Salman d’Arabie saoudite signe un décret autorisant les femmes à conduire[174],[175]. La mesure est entrée en vigueur le 24 juin 2018 à minuit, mais les premières autorisations ont été délivrées aux saoudiennes dès le début du mois. Certaines femmes n'ont eu parfois qu'à échanger leurs permis étrangers contre des permis saoudiens après avoir passé un test. Selon le cabinet de consultants PricewaterhouseCoopers, quelque trois millions de Saoudiennes pourraient se voir attribuer un permis et commencer à conduire d'ici 2020[176].
254
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255
+ Le mariage entre cousins du premier ou deuxième degré, en Arabie saoudite, est parmi les taux les plus élevés dans le monde, environ 35 %[177]. Traditionnellement considéré comme un moyen de « sécuriser les relations entre les tribus et la préservation de la fortune de la famille »[178], la pratique a été citée comme un facteur dans les taux plus élevés de maladies génétiques sévères comme la mucoviscidose (fibrose kystique), les maladies du sang, le diabète de type 2 (qui affecte environ 32 % des adultes saoudiens), l'hypertension (qui affecte 33 %)[179], la thalassémie, la drépanocytose, l'amyotrophie spinale, la surdité et le mutisme[180],[181]. Neal Asbury (en) a écrit sur un site web nommé To The Point que : « Cela a conduit récemment des théologiens wahhabites à conseiller préventivement aux jeunes hommes de « choisir soigneusement une femme avec une attention toute particulière sur la santé »[182]. »
256
+
257
+ En 2018, l'Arabie saoudite était la 18e plus grande économie du monde (PIB nominal) et la 6e d'Asie. C'est également la première économie du monde arabe.
258
+
259
+ L'Arabie saoudite est membre de l'OPEP et sa compagnie nationale Saudi Aramco est la première productrice mondiale de pétrole. Le pays a dominé le palmarès des producteurs OPEP pendant la décennie 2010. En 2012, les revenus des exportations pétrolières (pétrole brut et dérivés) atteignent leur pic historique à hauteur de 337 milliards de dollars[183]. Aussi le krach sur le cours du baril qui passe de 127 $ fin 2014 à 30 $ en janvier 2016[184], a mis le budget 2015 en déficit de 98 milliards €, celui de 2016 étant estimé à 84 milliards €[185]. En 2017, les revenus pétroliers chutent à 170 milliards de $[186]. En 2018, le pétrole représente 31 % du PIB et 79 % des recettes d'exportations[187], l'activité économique non-pétrolière du pays reste fortement tributaire des dépenses publiques, ces dernières corrélées aux cours du pétrole[186].
260
+
261
+ L'exploitation et l'exportation du pétrole ont fortement développé l'activité économique de la côte nord-est du pays, autour de Dammam, Khobar et Dhahran avec le port d'Al-Jubayl, ainsi que la côte sur la mer Rouge (Djeddah, Yanbu)[188].
262
+
263
+ L'industrie chimique est le 2e secteur économique du pays dans les exportations, avec 62 milliards de $ de revenus générés en 2018 l’Arabie saoudite se positionne comme le plus grand producteur de la région et le 10e exportateur mondiale de produit chimique d'après la GPCA (en) [189]. SABIC, La plus importante entreprise saoudienne dans le domaine de la chimie, a été classé 4e mondial dans le C&EN's Global Top 50 chemical companies of 2018[190].
264
+
265
+ Le pèlerinage du Hajj et de la Omra représentent la 3e plus importante source extérieure de revenus (derrière les exportations de pétrole et de produits chimiques), elle rapporterait (en temps normal) 12 milliards de $ de revenus annuels[191].
266
+
267
+ The Atlas of Economic Complexity[192]
268
+
269
+ Pour diversifier son économie l'Arabie saoudite mise sur le secteur des énergies non carbonées, avec un plan de 100 milliards de dollars pour construire 16 réacteurs nucléaires d'ici 2030, et sur l'énergie solaire avec 100 autres milliards pour construire 41 Gigawatts de panneaux photovoltaïques en plein désert équivalent en énergie à 25 réacteurs nucléaires.
270
+
271
+ En 2016, afin de réduire la dépendance de l'économie saoudienne vis-à-vis du pétrole, le prince Mohammed ben Salmane annonce une série de mesures dans le cadre d'un grand programme baptisé Vision 2030, qui prévoit la baisse des subventions, de nouvelles taxes, et la création d'un fonds souverain à partir des recettes de la vente de 5 % du capital de Saudi Aramco.
272
+
273
+ Sur le modèle des fonds norvégiens ou qataris, ce fonds d'environ 2 000 milliards de dollars serait chargé d'effectuer des investissements à l'étranger dans différents secteurs comme la technologie, les transports, l'industrie ou l'immobilier, afin de diversifier les recettes et de préparer l'après pétrole[195]. Parmi les premiers investissements importants, une levée de 3,5 milliards de dollars pour l'entreprise Uber permet au dirigeant du fonds Yasir Al Rumayyan d'entrer au conseil d’administration de l'entreprise californienne[196].
274
+
275
+ Dans le chantier destiné à diversifier son secteur énergétique, et plus largement son économie, l’Arabie saoudite affiche l'objectif de produire 10 % de son électricité à partir de sources d’énergies renouvelables en 2023 et d'en exporter les technologies[197].
276
+
277
+ En mars 2018, l'Arabie saoudite et le groupe japonais SoftBank Group signent un partenariat visant à développer un méga-projet solaire dans le royaume avec l'objectif de construire 200 GW de capacités d'ici 2030[198].
278
+
279
+ Les estimations du nombre de Saoudiens vivant en dessous du seuil de pauvreté se situent entre 12,7 % et 25 % de la population. Les rapports de presse privés et les estimations pour 2013 suggèrent que « entre 2 millions et 4 millions » de Saoudiens de souche vivent avec un revenu « inférieur à 530 dollars par mois » – environ 17 dollars par jour – considéré comme le seuil de pauvreté en Arabie saoudite. En revanche, le magazine Forbes évalue la fortune personnelle du roi Abdallah à 18 milliards de dollars[199].
280
+
281
+ Le pays compte environ 6 millions d'immigrés bénéficiant de peu de droits[21].
282
+
283
+ Les travailleurs étrangers constituent environ 30 % de la population du pays en 2011[200] pour 53,3 % de sa population active courant année 2013[201]. Elle représente 6 003 616 travailleurs employés (53,4 %) en comparaison aux 4 631 117 travailleurs saoudiens employés (46,6 %)[202].
284
+
285
+ En projet : Knowledge Economic City Al MAdinah (en).
286
+
287
+ La recherche scientifique est organisée et coordonnée au niveau national par la KACST (en).
288
+
289
+ Une stratégie nationale pour le développement de la science, de l'innovation et de la technologie dans le royaume a été mise en place en 2006, elle a pour ambition de transformer l'économie saoudienne en une économie fondée sur la connaissance et compétitive au niveau mondial[203].
290
+
291
+ Cette vision est échelonnée en quatre plans quinquennaux :
292
+
293
+ La production scientifique saoudienne, bien qu'historiquement faible, est entrée dans une phase de croissance rapide depuis 2008.
294
+
295
+ Cela est dû non seulement à une stratégie visant à augmenter le niveau de collaboration avec les institutions de recherche les plus renommées au monde via une collaboration internationale universitaire accrue et l'ouverture de plusieurs centres de recherche commun (voir JCEP)[204], mais également à une augmentation des fonds financiers alloués à la R&D dans le pays passant de 0,08 % du PIB en 2008[205] à près 1 % du PIB en 2014 selon les estimations de la revue Nature, pour un des secteurs R&D les plus efficients au monde en termes de rapport Qualité/Coût[206].
296
+
297
+ L'Arabie saoudite est citée dans le rapport Nature Publishing Index 2012 comme l'un des cinq pays à surveiller pour la croissance de leur publication scientifique dans la revue scientifique Nature[207], en 2013 le royaume est également cité dans un rapport de Thomson Reuters sur les performances scientifiques du G20 comme pays gagnant du poids dans le monde de la science[208].
298
+
299
+ La KACST (en) est l'agence nationale scientifique saoudienne, elle dispose de 7 instituts regroupant 28 centres de recherche[209],[210].
300
+
301
+ La KAUST est une université de recherche privée mixte internationale localisée à Thuwal. Elle est inaugurée en 2009 avec une dotation gouvernementale de 20 milliards de $, l'institution est envisionnée comme une nouvelle Maison de la sagesse[211]. Elle figure a la 119e position du top 500 académique mondial dans le classement Nature Index 2020[212],[213] ainsi que parmi les 10 meilleures universités de recherche de moins de 50 ans dans le monde[214],[215]
302
+
303
+ La KAPSARC (en) est une institution de recherche indépendante à but non-lucratif spécialisée dans les politiques énergétiques. En 2020, elle est placée à la 13e position du classement 2019 Top Energy and Resource Policy Think Tanks[216].
304
+
305
+ Selon l'indice de mesure scientifique SCImago, l'Arabie saoudite figure en 2019 à la 29e position par rapport au nombre d'articles publiés et à la 23e position par rapport au nombre de citations d'articles[217], au Moyen-Orient le royaume figure à la 3e position derrière l'Iran et la Turquie (en nombre d'articles publiés et cités)[218].
306
+
307
+ En 2019, l'Arabie saoudite est particulièrement active (en nombres d'articles publiés) dans les domaines du Génie chimique (19e position)[219], de la Chimie (17e position)[220], de l'Odontologie (9e position)[221], de l'Énergie (20e position)[222], de l'Ingénierie (25e position)[223], de la Science des matériaux (21e position)[224], des Mathématiques (21e position)[225], de la Pharmacologie, Toxicologie et Pharmacotechnie (19e position)[226], de la Physique et de la Astronomie (24e position)[227].
308
+
309
+ Dans le classement Nature Index 2020 dédié a la recherche de haute qualité le pays figure à la 29e position[228], la KAUST contribuant à hauteur de 78 % au classement du pays[229].
310
+
311
+ Selon l'ISI, la recherche dans le domaine des nanotechnologies se serait fortement intensifiée passant de 45 articles publiés en 2008 à 3803 articles en 2019[230].
312
+
313
+ Selon l'OMPI 3488 brevets ont été délivrés à des personnes résidents en Arabie saoudite pour l'année 2018, plaçant ce pays à la 25e position mondiale (comparativement à la 71e position en 2008 avec 70 brevets délivrés)[231],[232]. Les deux institutions saoudiennes ayant déposé le plus de brevets en 2019 sont :
314
+
315
+ D’après Statnano, l'Arabie saoudite était en 2019 le 11e pays le plus innovant dans les nanotechnologies[236].
316
+
317
+ D'après le Département central des statistiques et de l'information, la population du pays s'élève à 33 413 660 habitants en 2017 dont environ 38 % d'étrangers. La croissance démographique annuelle est de 2,46 %[253],[254].
318
+
319
+ La population est très jeune car 75 % des Saoudiens sont âgés de moins de 30 ans[255].
320
+
321
+ Les travailleurs immigrés non arabes viennent principalement du Bangladesh, du Pakistan, des Philippines, d'Inde et d'Indonésie[256].
322
+
323
+ Le Département Central des Statistiques et de l'Information d'Arabie saoudite estime la population étrangère à la fin de l'année 2016 à 38 % (12,6 millions)[254]. Le CIA Factbook estime qu'à compter de 2013 les ressortissants étrangers vivant en Arabie saoudite représentent environ 21 % de la population[257]. D'autres sources donnent diverses estimations[258] ; Indiens : 1,3 million ; Pakistanais : 1,5 million[259]; Égyptiens : 900 000 Yéménites : 800 000 ; Bangalais : 500 000, Philippins : 500 000 ; Jordaniens et Palestiniens : 260 000 ; Indonésiens : 250 000 ; Sri Lankais : 350 000, Soudanais : 250 000, Syriens : 100 000 et Turcs : 100 000[260]. Il y a environ 100 000 Occidentaux en Arabie saoudite, dont la plupart vivent dans des composés (en) ou des gated communities.
324
+
325
+ Les musulmans étrangers[261] qui ont résidé dans le royaume pendant dix ans peuvent être naturalisés. La priorité est donnée aux titulaires de diplômes dans divers domaines scientifiques[262], à l'exclusion des Palestiniens à moins qu'ils ne soient mariés à un ressortissant Saoudien, à raison des instructions de la Ligue Arabe défendant aux États Arabes de leur octroyer la nationalité. L'Arabie saoudite n'est pas signataire de la Convention des Nations Unies sur les Réfugiés de 1951[263].
326
+
327
+ Compte tenu de l'accroissement démographique saoudien et, en parallèle, de la stagnation des revenus du pétrole, la pression pour la « saoudisationSaoudisation » (le remplacement de travailleurs étrangers par des Saoudiens) de l'emploi croît, de sorte que le gouvernement saoudien entend réduire le nombre de ressortissants étrangers dans le pays[264]. L'Arabie saoudite a ainsi expulsé 800 000 Yéménites en 1990-1991[265] et a construit une barrière entre l'Arabie saoudite et le Yémen (en) face à l'afflux d'immigrants illégaux et contre la contrebande de drogue et d'armes[266]. En novembre 2013, l'Arabie saoudite a expulsé des milliers de clandestins éthiopiens résidant dans le royaume. Différentes organisations de Droits de l'Homme ont critiqué l'Arabie saoudite quant à l'instrumentalisation de la question[267]. Plus de 500 000 travailleurs migrants sans papiers (en), principalement en provenance de Somalie, d'Éthiopie et du Yémen — ont été arrêtés et expulsés depuis 2013[268].
328
+
329
+ Jusque dans les années 1960, la majorité de la population était nomade[269]. Du fait de la croissance du niveau de vie, 95 % de la population a aujourd'hui un mode de vie sédentaire.[réf. nécessaire]
330
+
331
+ Ces installations ont lieu dans les régions de La Mecque et de Djeddah, en Arabie saoudite[19].
332
+
333
+ En 1992, compte tenu de la situation de nomades très pauvres, vivant dans le désert et qui devaient faire face à des problèmes sévères de famine et de santé, le prince Majid ben Abdelaziz Al Saoud et ses conseillers, Zaki et Fayez Mandoura ont imaginé la création de villages pour répondre aux besoins sociaux de base de cette population.
334
+
335
+ Ce programme avait été conçu au départ pour loger une population très pauvre (plus de 8 000 personnes), dispersée dans des zones désertes au sud de La Mecque et au Nord de Djeddah. Il s'agissait de construire 1 154 maisons, 11 écoles, 25 mosquées, 4 centres de soins médicaux, 3 halls de marché et 2 puits. Le programme devait à terme donner des conditions de vie moins précarisées à plus de 55 000 semi-nomades.
336
+
337
+ Le programme a commencé en 1993. Les constructions étaient faites de roches volcaniques locales, par des maçons et des travailleurs non qualifiés des communes proches sous la supervision de deux ingénieurs et d'un architecte.
338
+
339
+ La première phase permit de construire 560 maisons avec quatre mosquées, quatre lieux de prières, quatre écoles de garçons, trois de filles, un puits et un réservoir d'eau dans une période de trois ans.
340
+
341
+ La seconde phase a commencé en 1996 et fut accompagnée d'une organisation de programme social pour le bien-être de ces personnes et leur permettre d'être auto-suffisantes par l'élevage de volailles, la fabrication de paniers, le tissage, la couture, l'artisanat et les soins de santé et aux enfants. De nombreuses conférences ont été mises en place à ce sujet avec les professeurs de l'université du roi Abdulaziz à Jeddah et à celle de l'université Oumm al-Qura à la Mecque.
342
+
343
+ Au début des années 2000, environ 10 % de la population semi-nomade de la région du Hedjaz a pu bénéficier d'abris de base.
344
+
345
+ Le principe était de fournir des constructions et des équipements de base afin d'avoir des abris très économiques avec un minimum de confort. Il s'agissait aussi de faire un maximum avec un minimum de coûts. Pour cela, l'architecte a décidé d'utiliser les matériaux à disposition et a adapté les techniques de construction à ces matériaux.
346
+
347
+ Centre de santé et de soins
348
+
349
+ École avec son réservoir d'eau
350
+
351
+ Petite mosquée
352
+
353
+ Habitations peintes à la chaux
354
+
355
+ Partie du plan du projet des architectes
356
+
357
+ En 2000, le prince Majid a été remplacé en tant que gouverneur de la Mecque par son plus jeune frère, Majid ben Abdulaziz Al Saoud (décédé en avril 2003) qui a semblé moins intéressé par le projet. D'autres changements sont intervenus dans la structure administrative de la société caritative qui se dénomme depuis le 26 avril 2006 : The Society of Majid Bin Abdulaziz for Development and Social Services. Le conseil d'administration est dirigé par le prince Mashal ben Madjid ben Abdulaziz. Le directeur général est M. Hammam K. Zare.
358
+
359
+ Les constructions de maisons en pierre de ce projet, dans les régions désertiques autour de la Mecque, ont été arrêtées.
360
+
361
+ Les différents programmes de l'actuelle fondation semblent majoritairement tournés vers les filles et jeunes filles pauvres et un programme de développement de villages y apparaît depuis 2009.
362
+
363
+ Voies terrestres :
364
+ total = 152 044 km, se répartissant en :
365
+
366
+ Les routes et les rues sont construites de manière à résister à l'action du soleil, du sable, du vent.
367
+
368
+ Les zones rurales offrent de petites routes, à deux voies.
369
+
370
+ Les autoroutes urbaines sont anciennes et bien entretenues[réf. nécessaire].
371
+
372
+ Les autoroutes inter-urbaines sont en très bon état, en extension[réf. nécessaire].
373
+
374
+ Les voies (auto)routières les plus importantes sont :
375
+
376
+ L'entreprise qui gère le transport ferroviaire en Arabie saoudite est la Saudi Railways Organization (SRO), entreprise publique créée en 1949. Ce domaine employait environ 3 500 personnes en 2008[270].
377
+
378
+ Le réseau compte environ 1 800 km de voies ferrées. Les deux principales lignes ferroviaires du réseau relient Dammam et Riyad, l'une affectée au fret est longue de 556 km, l'autre au transport de voyageurs est plus courte avec 449 km[270].
379
+
380
+ Depuis le 11 octobre 2018, la LGV Haramain, ligne de train à grande vitesse, relie La Mecque à Médine via Djeddah et est la première ligne électrifiée du pays[271].
381
+
382
+ Une ligne de 945 km, la Saudi Landbridge qui doit relier Riyad à Djeddah, à ces deux premiers tronçons et connecter ainsi la mer Rouge au golfe Persique est actuellement[Quand ?] en projet.
383
+
384
+ L'Arabie saoudite prend également une part importante dans le projet de la Gulf Railway, une ligne ferroviaire longeant les côtes occidentales du golfe Persique, et impliquant les cinq autres états du Conseil de coopération du Golfe. Cette ligne, qui doit être mise en service en 2017, doit relier entre elles toutes les capitales et autres villes importantes de la région, allant de Koweït (depuis la frontière irako-koweïtienne) à Mascate. La finalisation de la ligne ferroviaire Gulf Railway a été reporté en 2020-2021, sa longueur totale sera de 2 117 km dont 663 km dans le territoire Saoudien[272].
385
+
386
+ L'Arabie saoudite dispose de 36 infrastructures aéroportuaires dont quatre aéroports internationaux situés respectivement à Riyad (aéroport international du roi Khaled), Dammam (aéroport international du roi Fahd), Djeddah (aéroport international Roi-Abdelaziz) et Médine (aéroport international Prince Mohammad Bin Abdulaziz). Les deux premiers cités étant classés parmi les plus grands aéroports du monde.
387
+
388
+ La langue officielle est l'arabe, mais il diffère sensiblement de celui parlé en Syrie ou en Irak, bien que certains dialectes régionaux du pays partagent la moitié de leurs lexiques avec quelques parlers bédouins d'Afrique du Nord ou du Moyen-Orient. L'anglais est très courant. C'est la langue de l'élite et des affaires. Au moins 15 % des Saoudiens parleraient l'anglais en seconde langue, surtout les plus jeunes. Le farsi, ou persan, est parlé surtout en seconde langue dans la région du nord-est, la région de Dhahran, et vers la frontière avec le Bahreïn, où vit une forte communauté chiite.
389
+
390
+ L'islam sunnite hanbalite (connu pour son rigorisme) est déclaré religion d'État par les autorités saoudiennes qui démentent l'existence du wahhabisme (excommunié du sunnisme dès le milieu du XVIIIe siècle[273],[274],[275]) dans le royaume[276],[277],[278]. Les statistiques officielles font état de 100 % de sunnites parmi les musulmans.
391
+
392
+ Selon le Pew Research Center, en 2010, 93 % des habitants d'Arabie saoudite sont musulmans, alors que 4,4 % sont chrétiens, principalement catholiques (3,8 %), 1,1 % sont hindous, et 1,5 % de la population n'est pas affilié à une religion[279].
393
+
394
+ Mais, dans les faits, le sunnisme ne serait pratiqué que par 85 à 90 % des Saoudiens, le reste professant le chiisme (principalement duodécimain)[280],[281],[282], dont la pratique est tolérée dans la province orientale d'ach-Charqiya, et notamment dans la ville de Qatif. Perçus par le régime comme une cinquième colonne proche de l'ennemi iranien, la plupart des chiites sont, de plus, concentrés dans la région d'Al-Hassa qui recèle l'essentiel des ressources pétrolières du royaume. Une grande partie de ces Saoudiens chiites sont d'origine irakienne[283]. Par ailleurs, une des estimations les plus détaillées de la population religieuse dans le Golfe Persique est celle de Mehrdad Izady qui estime, « en utilisant des critères culturels et non confessionnels », à environ 4 millions le nombre de wahhabites qui se concentrent en particulier dans la région centrale du Nejd[284].
395
+
396
+ L'Arabie saoudite abrite les deux plus importants lieux saints de l'islam :
397
+
398
+ L'accès à ces deux villes reste rigoureusement interdit aux non-musulmans.
399
+
400
+ Il est à noter que l'ensemble du pays est sacralisé par les musulmans, qui se mettent en état d'irham. En effet, pour accomplir la dernière volonté de Mahomet qui aurait dit sur son lit de mort : « deux religions ne peuvent pas coexister en Arabie », le deuxième calife de l'islam, Omar ibn al-Khattab, a expulsé en son temps les juifs et les chrétiens de la péninsule arabique pour n'y laisser que les musulmans, considérés comme les seuls vrais adeptes de la religion d'Abraham[285]. À la suite de la première guerre du Golfe (invasion du Koweït en 1990), Oussama ben Laden entre dans une vive polémique avec le roi Fahd à qui il reproche d'avoir autorisé les « infidèles » à « souiller le sol sacré » de l'Arabie saoudite en permettant à l'armée américaine d'y installer des bases[286].
401
+
402
+ Dans ce contexte, tout autre culte religieux non-musulman est formellement interdit[280],[282] et la constitution du royaume ne connaît pas d'autre religion que l'islam[280]. Une police religieuse, la Muttawa, qui dépend du Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, veille à la stricte application des préceptes wahhabites dans l'espace public. Toutefois, dans les faits, d'autres religions sont pratiquées dans un cadre privé. En effet, pour des raisons économiques, le pays fait appel à une importante immigration de travail ; principalement des travailleurs immigrés philippins de confession chrétienne (plus d'un million) et indiens de confession hindoue[287],[280]. Au total, 30 % de la population serait non musulmane[282]. Avant 1932 et la création de l'Arabie saoudite, il y avait des chrétiens locaux, au nord et au nord-est de l'actuelle Arabie saoudite : il s'agissait surtout de Chaldéens et de Nestoriens. Après 1932, les informations les concernant se firent rares, mais il semble avéré que certains partirent s'installer en Jordanie, Syrie, et Irak. D'autre part, de nombreux monastères et édifices religieux chrétiens furent alors rasés[réf. nécessaire].
403
+
404
+ Le 13 février 2009, Abdallah, le successeur du roi Fahd, a annoncé des réformes d'ampleur tendant à dégager à terme le royaume de son idéologie d’État officielle, le wahhabisme, tout en gardant néanmoins cette même dénomination intacte sur le plan officiel. La Commission des Grands Oulémas, corps de savants religieux faisant autorité dans le pays, aura dorénavant 21 membres issus de courants divers du sunnisme (c'est-à-dire les écoles hanafite, malikite et shaféite), et non plus de la seule école hanbalite, connue pour son rigorisme. De même, le Conseil de la Shoura, sorte de corps législatif dénué cependant d’une pleine consécration de ses prérogatives judiciaires, inclura 5 chiites dans ce corps[288].
405
+
406
+ En 2013, le roi Abdallah a retiré aux officiers et agents de la police religieuse (accusée de commettre des abus) le pouvoir de procéder à des interrogatoires et d'engager des poursuites judiciaires. En 2016, son successeur, le roi Salmane, leur a retiré également le pouvoir d'arrêter ou détenir des personnes, de demander leurs cartes d'identité, et même de les suivre[289].
407
+
408
+ L'éducation est gratuite à tous les niveaux. Le système scolaire est composé d'écoles élémentaires, intermédiaires et secondaires. Une grande partie du programme, à tous les niveaux, est consacrée à l'islam et, au niveau secondaire, les étudiants peuvent suivre une filière religieuse ou technique. Le taux d’alphabétisation est de 90,4 % chez les hommes et d’environ 81,3 % chez les femmes[290]. Les classes sont séparées par sexe.
409
+
410
+ En 2018, l'Arabie saoudite se classait au 28e rang mondial en termes de résultats de recherche, selon la revue scientifique Nature[291].
411
+
412
+ L'École française internationale de Riyad enseigne de la maternelle au lycée.
413
+
414
+ Dans la culture arabe, les hommes ou les femmes ne portent pas un patronyme mais un nom qui mentionne le nom des parents, des ancêtres, ou l'appartenance à une confédération.
415
+
416
+ no 1 : ceci est le prénom.
417
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418
+ no 2 : en arabe, le préfixe ben ou bin signifie l'appartenance à une famille, exemple "Ben Saoud" qui est de la lignée des Saoud. Quant à ibn, il signifie "fils de" suivi du nom du père, exemple "Ibn Abdelaziz" ce qui signifie fils d'Abdelaziz. L'affiliation à la mère est également utilisée, à une fréquence moindre.
419
+
420
+ no 3 : ceci désigne la dynastie ou le nom d'une confédération à laquelle appartient l'individu.
421
+
422
+ Avec les femmes, le principe reste le même, sauf que la forme du préfixe diffère ; ainsi -
423
+
424
+ no 1 : en arabe, le préfixe bent ou bint est l'équivalent du préfixe ben utilisé chez les hommes, et possède la même signification.
425
+
426
+ Ce mode d'appellation n'est pas propre à l'Arabie saoudite ou au Moyen-Orient ; il existe aussi en Afrique du Nord, bien qu'il soit de plus en plus abandonné en raison des changements patronymiques opérés par les Français lors de la colonisation.
427
+
428
+ Le code vestimentaire en Arabie saoudite suit strictement les principes du hidjab (le principe islamique de la pudeur, en particulier dans la tenue vestimentaire). Les vêtements, larges, amples, vagues, couvrant au maximum, sont également adaptés au climat.
429
+
430
+ Traditionnellement, les hommes portent une chemise longue, couvrant jusqu’aux chevilles, en tissu de laine ou de coton (connu sous le nom dishdasha), avec une sorte de chèche (carré en coton à damiers maintenu en place par un agal) sur la tête. Pour les rares périodes de froid, les hommes portent en plus un manteau en poil de chameau (bisht).
431
+
432
+ Les femmes portent obligatoirement une abaya, ou des vêtements discrets, ou effacés, en public. Le non-respect de ces obligations vestimentaires peut être poursuivi par la police. En décembre 2016 encore, une femme est arrêtée pour avoir posté sur twitter des photos la montrant en jupe et les cheveux non couverts défiant de ce fait le code vestimentaire saoudien[292].
433
+
434
+ L'habit traditionnel des femmes est décoré de motifs tribaux, de pièces de monnaie, de paillettes, de fil métallique, et d’appliques.
435
+
436
+ Les vêtements de travail diffèrent. Ils peuvent être internationaux, surtout sur les chantiers, ou adaptés, surtout dans les hôpitaux.
437
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438
+ Le pèlerinage à La Mecque exige une attitude et un vêtement spécifique, l'ihram.
439
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440
+ Quatre sites culturels d'Arabie saoudite sont inscrits patrimoine mondial de l'UNESCO : le site archéologique d'Al-Hijr, le quartier d'at-Touraïf dans la ville de Dariya, la ville historique de Djeddah (la porte de La Mecque) et l'art rupestre de la région de Haïl[293]. Dix autres demandes d'inscription ont été déposées en 2015. Néanmoins, l'Arabie saoudite qui pratique une politique wahhabiste rigoriste, qui condamne et combat l’idolâtrie aurait, entre 1985 et 2014, détruit 98 % de son patrimoine historique[294].
441
+
442
+ En juin 2014, le Conseil des ministres approuve une loi historique pour protéger ses antiquités et son patrimoine, ainsi que pour donner aux institutions saoudiennes du Tourisme et des Antiquités (SCTA) les moyens de les gérer[295]. Dans le cadre du Plan National de transformation Vision 2030 adopté en 2016, le royaume alloue 900 millions d'euros à la préservation de son patrimoine culturel[296]. L'Arabie saoudite fait également partie de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), créée en mars 2017, et y contribue à hauteur de 18,5 millions d'euros[297].
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+ En juillet 2017, le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud met en place des commissions de rénovation pour développer deux sites archéologiques et historiques majeurs, Al-'Ula et Diriyah Gate[298].
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+ L'Arabie saoudite a pour codes :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Asie centrale
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+ Asie du Sud
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+ Le Hobbit (The Hobbit) ou Bilbo le Hobbit est un roman de fantasy de l’écrivain britannique J. R. R. Tolkien. Il narre les aventures du hobbit Bilbo (ou Bilbon), entraîné malgré lui par le magicien Gandalf et une compagnie de treize nains dans leur voyage vers la Montagne Solitaire, à la recherche du trésor gardé par le dragon Smaug.
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+ Rédigé de manière intermittente de la fin des années 1920 au début des années 1930, Le Hobbit n’a d’autre but à l’origine que de divertir les jeunes enfants de Tolkien. Le manuscrit inachevé circule parmi les proches de l’écrivain et arrive finalement chez l’éditeur londonien George Allen & Unwin, qui demande à Tolkien d’achever le récit et de l’illustrer.
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+ Le Hobbit paraît le 21 septembre 1937 au Royaume-Uni. C’est la première œuvre publiée qui explore l’univers de la Terre du Milieu, sur lequel Tolkien travaille depuis une vingtaine d’années. Elle rencontre un franc succès critique et commercial, qui incite Allen & Unwin à réclamer une suite à son auteur. Cette suite devient le roman le plus connu de Tolkien : Le Seigneur des anneaux, une œuvre beaucoup plus complexe et sombre. Le souci de cohérence entre les deux ouvrages pousse l’écrivain à procéder à des révisions du texte du Hobbit, concernant en particulier le rôle de Gollum.
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+ Le Hobbit a connu des adaptations sur de nombreux supports : au théâtre, à la radio, en téléfilm d'animation, en jeux de société et en jeux vidéo. Une adaptation cinématographique en trois volets, réalisée par Peter Jackson, est sortie entre 2012 et 2014.
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+ Le hobbit Bilbo Bessac[N 1] (Bilbo Baggins) mène une existence paisible dans son trou de Cul-de-Sac (Bag End) jusqu’au jour où il croise le magicien Gandalf. Le lendemain, il a la surprise de voir venir prendre le thé chez lui non seulement Gandalf, mais également une compagnie de treize nains menée par Thorïn Lécudechesne (Thorin Oakenshield) et composée de Balin, Dwalin, Fili, Kili, Dori, Nori, Ori, Oïn, Gloïn, Bifur, Bofur et Bombur. La compagnie est en route vers la Montagne Solitaire, où elle espère vaincre le dragon Smaug, qui a jadis dépossédé les nains de leur royaume et de leurs trésors. Cependant, pour mener à bien leurs projets, il leur faut un expert-cambrioleur, et Gandalf leur a recommandé Bilbo. Celui-ci est plus que réticent à l’idée de partir à l’aventure, mais il finit par accompagner la troupe.
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+ En chemin pour les Montagnes de Brume (Misty Mountains), la compagnie est capturée par trois trolls et ne s’en sort que grâce à l’astuce de Gandalf. Le magicien, connaissant le point faible de ces créatures, les distrait jusqu’à l’aube, moment où ils se transforment en pierre sous l’effet de la lumière du soleil. Dans le repaire des trolls, la compagnie découvre des épées de l’ancien royaume elfique de Gondolin. Thorin et Gandalf prennent chacun une épée, tandis que Bilbo reçoit une dague qu’il baptise par la suite Dard. Peu après, la compagnie atteint Fendeval (Rivendell), la demeure du semi-elfe Elrond, qui les aide à déchiffrer la carte du trésor de Smaug et les inscriptions runiques des épées.
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+ Une fois dans les Montagnes de Brume, une tempête oblige la compagnie à se réfugier dans une caverne. Pendant la nuit, des gobelins capturent les nains et Bilbo grâce à une ouverture au fond de la grotte. Les nains et Bilbo sont amenés au cœur de la montagne auprès du Grand Gobelin qui les interroge. Mais Gandalf, qui s'était tenu à l'écart, par sa magie fait éteindre les lumières et tue le Grand Gobelin avec son épée. Les orques, privés de leur chefs, s'affolent et prennent la compagnie en chasse au sein de la caverne. Dans la confusion, Bilbo perd ses compagnons de vue. Après avoir découvert un mystérieux anneau, le hobbit parvient sur la berge d’un lac souterrain, où vit une créature nommée Gollum. Celui-ci le soumet à un jeu d’énigmes : si Gollum l’emporte, il pourra manger Bilbo ; dans le cas contraire, il conduira le hobbit jusqu’à la sortie. Bilbo remporte le concours grâce à une question qu'il se pose involontairement à haute voix « Qu’est-ce qu’il y a dans ma poche ? », énigme à laquelle Gollum ne parvient pas à répondre. Celui-ci n’a aucune intention de remplir sa part du marché et part à la recherche de son anneau pour tuer Bilbo, qui découvre que l’objet lui confère l’invisibilité lorsqu’il le passe au doigt. Grâce à lui, le hobbit parvient à s’enfuir des grottes et à rejoindre ses compagnons. Ils sont à nouveau pourchassés par un groupe de gobelins et de wargs (sorte de grands loups sauvages), mais l’intervention des aigles géants leur permet de s’en sortir vivants.
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+ La compagnie descend des montagnes et arrive à la demeure de Beorn le changeur de peau, un homme qui peut se changer en ours. Beorn leur prête des armes et des poneys pour qu’ils puissent rejoindre la forêt de Grand’Peur (Mirkwood). Arrivés à l’orée des bois, Gandalf les quitte pour vaquer à ses propres affaires. Durant leur longue et pénible traversée de la forêt, les nains, épuisés et affamés, sont capturés à deux reprises, d’abord par des araignées géantes, contre lesquelles Bilbo met à profit son anneau magique pour libérer ses compagnons, puis par les Elfes de la Forêt.
18
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+ Les Elfes ont fait prisonnier les nains et les détiennent au palais du roi, qui se trouve à l'intérieur de la forêt dans une grande caverne fermée par des portes magiques en pierre. Grâce à son anneau, Bilbo les a suivis sans se faire remarquer. Le hobbit reste une semaine ou deux à traîner dans le palais, cherchant un moyen de s'enfuir avec les nains jusqu'ici tenus prisonniers. Finalement une occasion se présente : la troupe s'enfuit en se cachant dans des tonneaux à vin qui doivent être déchargés dans la rivière traversant la caverne.
20
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21
+ La compagnie arrive finalement à l’établissement humain de Bourg-du-Lac (Lacville), où elle prend un peu de repos avant de se diriger vers la Montagne où se terre le dragon. Avec son anneau, Bilbo se faufile jusqu'à la tanière du dragon endormi sur son trésor et lui dérobe une coupe en or. Smaug se réveille un peu plus tard et entre dans une grande colère voyant la coupe disparue, mais le dragon ne trouve pas le coupable. Le lendemain Bilbo retourne à la tanière du dragon mais Smaug le surprend et discute malicieusement avec le hobbit. Bilbo parle en énigme et Smaug croit alors que le voleur a la complicité des hommes de Bourg-du-Lac. Bilbo s’enfuit de nouveau en échappant aux flammes du dragon. Smaug se dirige alors vers la ville des humains pour la détruire. L’archer Bard (Barde), héritier des princes du Val (Dale), parvient à le tuer : sa flèche noire trouve le seul point du ventre de Smaug que ne couvre pas son armure de pierres précieuses.
22
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23
+ L'ancien trésor des nains, spolié par Smaug, n’a désormais plus de maître ; et les hommes de Bourg-du-Lac comme les elfes de la Forêt se dirigent vers la Montagne. Ils découvrent que les nains sont en vie et ont renforcé les défenses de leur royaume sous la montagne. Bard réclame une partie du trésor en guise de compensation pour la ville détruite et pour l'aide donnée aux nains lors des préparatifs. Mais Thorin refuse toute négociation, convaincu que le trésor tout entier lui revient de droit. Alors que les hommes et les elfes commencent à tenir un siège, Bilbo se rend dans leur campement avec la Pierre Arcane (Arkenstone), l’objet du trésor le plus précieux aux yeux de Thorin. Le hobbit avait droit à une partie du trésor choisie à sa guise, et espère ainsi réconcilier tout le monde. C'est à ce moment que Gandalf réapparaît auprès de Bilbo, des humains et des elfes.
24
+
25
+ Le lendemain arrivent des renforts nains conduits par Dain, le cousin de Thorin, qui persiste dans son refus de toute négociation. Les deux camps sont prêts à croiser le fer lorsqu’ils sont surpris par une immense armée de gobelins et de wargs. Nains, elfes et hommes s’unissent alors pour les combattre lors de la bataille des Cinq Armées, qui semble perdue jusqu’à l’arrivée des aigles, ainsi que de Beorn. Celui-ci tue Bolg, le chef des gobelins, et leur armée, démoralisée, est aisément vaincue. La victoire est acquise, mais Thorin et ses neveux Fili et Kili trouvent la mort durant l’affrontement. Une part du trésor est finalement confiée à Bard, mais Bilbo n'accepte que deux petits coffres. Le hobbit rentre chez lui et conserve l’anneau magique.
26
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27
+ Le contexte de l'histoire est précisé dans des romans du même auteur mais qui seront publiés après Le Hobbit et qui constituent la Chronologie de la Terre du Milieu.
28
+
29
+ On y apprend que le royaume sous la Montagne est fondé en l’an 1999 du Troisième Âge par les nains du peuple de Durin, qui ont dû fuir leur demeure ancestrale de la Moria quelques années auparavant. Ils connaissent une grande prospérité en commerçant avec les hommes du Val, cité établie au pied de la Montagne, ainsi qu’avec les elfes de Grand’Peur. Leur richesse attire l’attention du dragon Smaug, qui attaque la Montagne en 2770. Les nains sont décimés, la cité du Val anéantie, et les quelques survivants du désastre, dont le roi Thror, son fils Thrain et son petit-fils Thorin, doivent s’enfuir et sont réduits à une vie de misère et d’errance. Ils s’établissent dans les Montagnes Bleues[1].
30
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31
+ Un siècle avant les événements du Hobbit, en 2841, Thrain, devenu roi, décide de retourner à la Montagne. En chemin, il est capturé et emprisonné à Dol Guldur, où on lui extorque le dernier des Sept anneaux des Nains. Neuf ans plus tard, le magicien Gandalf pénètre en secret à Dol Guldur. Il y découvre par hasard le vieux nain à l’agonie, qui lui remet la carte et la clef de la Montagne avant de mourir. Gandalf découvre également que le maître de Dol Guldur n’est autre que Sauron, le Seigneur des Ténèbres. Il tente de convaincre le Conseil Blanc d’attaquer la forteresse avant qu’il ne soit redevenu trop puissant, mais le chef du Conseil, Saroumane, s’y oppose. Peu après, ce dernier commence à rechercher l’Anneau unique dans les Champs aux Iris[2].
32
+
33
+ En réalité, l’Anneau ne s’y trouve plus depuis plusieurs siècles : le hobbit Déagol l’a découvert dans les Champs aux Iris vers 2460, pour être aussitôt assassiné par son cousin Sméagol. Celui-ci utilise l’Anneau à mauvais escient et finit par être chassé par son peuple. Il se réfugie dans les cavernes des Montagnes de Brume. L’Anneau prolonge son existence de plusieurs siècles et en fait une créature corrompue et contrefaite, Gollum[2].
34
+
35
+ Au début des années 1930, Tolkien occupe la chaire Rawlinson & Bosworth de vieil anglais du Pembroke College, à l'université d'Oxford. Il publie régulièrement des poèmes dans diverses revues universitaires[3]. Ses capacités créatives s'expriment également dans les Lettres du Père Noël qu'il envoie à ses enfants chaque année. Ces lettres richement illustrées racontent les aventures du Père Noël, de son assistant l'ours polaire et d'elfes luttant contre des gobelins. En parallèle, il poursuit depuis la fin des années 1910 le développement d'une mythologie personnelle, liée à ses langues elfiques, qui deviendra Le Silmarillion.
36
+
37
+ En 1955, J. R. R. Tolkien raconte dans une lettre à W. H. Auden comment, un été où il était occupé à la correction de copies de littérature anglaise, il écrivit sur une copie laissée blanche la première phrase de Le Hobbit : « Dans un trou vivait un hobbit », sans savoir d'où venait cette idée[4]. Tolkien déclare par ailleurs ne pas se souvenir de la date exacte à laquelle il écrivit cette phrase, ni le premier chapitre, mais seulement que rien n'était prévu consciemment et que le récit progressa au fur et à mesure que les idées lui venaient. Son deuxième fils Michael suggère l'année 1929 comme début de rédaction du roman : quelques-uns de ses propres écrits, datant de cette période, sont clairement inspirés de Le Hobbit, roman que son père lisait à ses fils au cours de son élaboration[5]. Néanmoins, John D. Rateliff, dans The History of the Hobbit, suggère que la rédaction du récit n'a pas débuté avant l'été 1930[6].
38
+
39
+ Pendant une brève période après l'invention de la première phrase, Tolkien ne fait que dessiner la carte de Thrór, qui représente les territoires où se déroulent les principaux événements du roman[4]. Cependant, une fois lancé, Tolkien rédige les chapitres avec aisance, sans guère de corrections, jusqu'au moment de la mort du dragon Pryftan. Dans cette première version, le chef des nains s'appelle Gandalf et le magicien, Bladorthin[7].
40
+
41
+ Le roman est dès le début soumis à l'influence des textes du futur Silmarillion. Bladorthin raconte aux nains l'histoire de Beren et Lúthien triomphant du Nécromancien, établissant ainsi l'identité de ce personnage avec Thû (plus tard nommé Sauron). Le roi des gobelins tué par Bandobras Touque lors de la bataille des Champs Verts est tout d'abord appelé Fingolfin, tout comme le fils du roi Finwë dans les Contes perdus[8]. Le personnage d'Elrond est apparenté aux semi-elfes, bien que Tolkien ne considère cela que comme « un heureux hasard, dû à la difficulté qu'il y a à inventer sans cesse de bons noms pour les nouveaux personnages[9] ». Le roman comprend aussi des allusions aux Gnomes (plus tard appelés Ñoldor) et à la destruction du royaume elfique de Gondolin.
42
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43
+ Le récit de la traversée des Montagnes de Brume est inspiré des vacances passées par Tolkien en Suisse durant l'été 1911[10],[11]. Des années auparavant, Tolkien avait rédigé un poème intitulé Glip et parlant d'une créature visqueuse aux yeux lumineux qui ronge des os dans une caverne, annonçant le personnage de Gollum[12]. Le chapitre qui se déroule dans la forêt de Grand'Peur est celui qui évolue le plus par rapport à la version publiée : le passage de la Rivière enchantée et la capture des nains par les elfes n'apparaissent pas dans la première version[13].
44
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45
+ Le chef des nains est rebaptisé avec un autre nom tiré de la Völuspá, Eikinskjaldi, qui devient Oakenshield en anglais, tandis que le magicien prend le nom de Gandalf, plus approprié car signifiant selon Tolkien « elfe au bâton » en islandais[14],[7]. Le nom Bladorthin est attribué à un roi mystérieux, mentionné une seule fois dans le texte du roman et nulle part ailleurs dans l'œuvre de Tolkien. Le dragon change également de nom : il devient Smaug, qui correspond au parfait du verbe germanique primitif smugan « se glisser dans un trou », ce que Tolkien qualifie de « mauvaise blague de philologue ». À l'origine, c'est Bilbo qui est censé tuer le dragon avec Dard et l'anneau magique, mais en fin de compte, souhaitant quelque chose de plus crédible, Tolkien attribue finalement ce rôle à l'archer Bard. C'est à ce point que Tolkien abandonne l'écriture du roman, qui reste inachevé[7].
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+ Fin 1932, Tolkien fait lire une copie de Le Hobbit à son ami C. S. Lewis[15]. Il le prête également à Elaine Griffiths, une ancienne élève et amie de la famille Tolkien qui travaille pour l'éditeur britannique Allen & Unwin. En 1936, Griffiths parle du roman à une ancienne camarade d'Oxford, Susan Dagnall, qui demande à Tolkien de lui prêter le livre. Intéressée, Dagnall lui demande de terminer Le Hobbit afin de le proposer à l'éditeur[7].
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49
+ Au début, Tolkien prévoit de situer la bataille contre les gobelins lors du voyage de retour de Bilbo ; elle se serait alors appelée « bataille de la Vallée de l’Anduin ». Cependant, la situation se complique du fait de la convoitise provoquée par le trésor, et de la volonté des habitants de Lacville d'obtenir une part de l'or pour reconstruire leur ville détruite par Smaug, ce qui entraîne au bout du compte la bataille des Cinq Armées[16]. Le Hobbit est terminé à l'été 1936, mais Tolkien ne l'envoie à Allen & Unwin que le 3 octobre. De l'avis de Stanley Unwin, les meilleurs juges de la littérature jeunesse sont les enfants eux-mêmes, et il fait donc lire le roman à son fils Rayner, alors âgé de dix ans. Celui-ci rédige un compte-rendu enthousiaste, qui décide son père à publier le livre[15],[17] :
50
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51
+ « Bilbo Sacquet était un hobbit qui vivait dans un trou de hobbit et ne partait jamais à l'aventure, et enfin le sorcier Gandalf et ses nains l'ont persuadé de partir. Il a eu des moments passionnants à se battre contre les lutins et les wargs, enfin ils sont arrivés à la montagne solitaire ; Smaug le dragon tout rouge est tué et après une terrible bataille avec les lutins il rentre chez lui — riche ! Ce livre, avec ses cartes, n'a pas besoin d'images, il est bon et devrait plaire à tous les enfants entre 5 et 9 ans. »
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+ — Avis de Rayner Unwin sur Le Hobbit[7].
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+ Quand il reçoit les épreuves d'imprimerie en février 1937, Tolkien trouve quelques passages à rectifier car il n'avait pas eu le temps de relire avec attention le manuscrit envoyé à l'éditeur[7]. À cause de cela et de quelques problèmes avec les illustrations, le roman n'est pas publié avant septembre.
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57
+ Le Hobbit témoigne de l’influence de plusieurs poèmes épiques, mythes et contes de fées lus par Tolkien, notamment Beowulf, le poème épique anglo-saxon sur lequel Tolkien travailla toute sa vie, les contes de fées d’Andrew Lang et ceux des frères Grimm, La Princesse et le Gobelin et sa suite, The Princess and Curdie, de George MacDonald, ou encore, The Marvellous Land of Snergs d’Edward Wyke-Smith[18].
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59
+ Selon la biographie de Tolkien par Humphrey Carpenter, le magicien Gandalf trouve son origine dans une carte postale achetée par l’écrivain en 1911[N 2], pendant ses vacances en Suisse, qui reproduit un tableau du peintre allemand Josef Madlener intitulé Der Berggeist (« l’esprit de la montagne »). Cette peinture représente un vieillard à la barbe blanche, vêtu d’un long manteau et d’un ample chapeau, caressant un faon dans un décor champêtre, avec des montagnes à l’arrière-plan. Carpenter affirme dans sa biographie que, des années après avoir acquis cette carte postale, Tolkien nota dessus : « Origine de Gandalf »[20].
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+ Le personnage de Gandalf est particulièrement influencé par la divinité germanique et nordique Odin dans son incarnation de Vegtamr, un vieillard à longue barbe blanche, avec un large chapeau et un bâton de marche[19]. Le nom de Gandalf et des nains de la compagnie sont tirés de l’Edda poétique, une collection de poèmes écrits en vieux norrois, et plus particulièrement de la Völuspá, le premier d’entre eux[14]. Comme Gandalf abandonne les nains et Bilbo plusieurs fois juste avant qu’ils ne soient capturés, Douglas A. Anderson remarque que sa conduite rappelle celle de l’esprit de la montagne des monts des Géants tchéco-polonais, le Rübezahl, qui s’amuse de l’égarement des voyageurs[21].
62
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63
+ Tom Shippey suggère qu’un autre des poèmes de l’Edda poétique, le Skirnismál (« chant de Skirnir »), a pu influencer Tolkien pour les Montagnes de Brume, et notamment le chapitre « De Charybde en Scylla », en particulier un passage du poème qu’il traduit par : « The mirk is outside, I call it our business to fare over the misty mountains, over the tribes of orcs[22] ». Il observe en outre que Beorn présente des ressemblances avec Beowulf et Bothvarr Bjarki, personnage de la saga nordique de Hrólfr Kraki[23].
64
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+ Lorsque l’on demande à Tolkien si le passage dans lequel Bilbo vole la coupe à Smaug est inspiré du vol de la coupe dans Beowulf, il répond :
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67
+ « Beowulf fait partie des sources que j’estime le plus, bien qu’il n’ait pas été consciemment présent à mon esprit tandis que j’écrivais, et l’épisode du vol s’est présenté naturellement (et presque inévitablement) au vu des circonstances. Il est difficile d’envisager une quelconque autre façon de poursuivre l’histoire à ce moment-là. J’aime à penser que l’auteur de Beowulf dirait à peu près la même chose[24]. »
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+ — J. R. R. Tolkien, lettre au rédacteur en chef de l’Observer
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71
+ Selon Tom Shippey, la conversation entre les deux personnages s’inspire également du Fáfnismál (« La ballade de Fáfnir »), un poème de l’Edda poétique[26]. Douglas Anderson remarque que les deux grands dragons de la littérature nordique, celui de la Völsunga saga (Fáfnir) et celui de Beowulf, meurent quand on les blesse au ventre, de même que Smaug[25]. Anderson cite également les romans de George MacDonald, La Princesse et le Gobelin et sa suite, La Princesse et Curdie, comme ayant influé sur l’aspect des gobelins[27], la vision des piémonts montagneux[28] ou le comportement de Galion, échanson de Thranduil, qui est semblable à celui du majordome du roi dans The Princess and Curdie, puisque les deux aiment boire les meilleurs vins de leurs seigneurs respectifs[29].
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+ En 1955, Tolkien admet dans une lettre à W. H. Auden que le roman pour enfants The Marvellous Land of Snergs, de E. A. Wyke-Smith, est « sans doute une source littéraire inconsciente (!) pour les Hobbits et pour rien d’autre »[4]. Ce roman raconte l’histoire d’un Snerg, membre d’une race anthropomorphe caractérisée par sa petite taille, de même que les hobbits. Tolkien déclare que le mot « hobbit » a pu lui être inspiré par le roman satirique Babbitt, de Sinclair Lewis.
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75
+ Le passage des wargs s’inspire en partie de la bataille des lycanthropes dans The Black Douglas, considéré par Tolkien comme l’un des meilleurs romans de S. R. Crockett, qui l’a particulièrement impressionné dans son enfance[11]. Douglas Anderson propose de voir dans le Maître de Lacville et ses conseillers un reflet des membres du conseil municipal de la cité de Hamelin dans le poème Le Joueur de flûte de Hamelin de Robert Browning (1842) : il est lui aussi « avare, égoïste, et il se préoccupe des intérêts de ses concitoyens seulement dans la mesure où cela sert les siens[30] ».
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+ La première édition du Hobbit voit le jour en 1937. Elle est le résultat de longues discussions entre Tolkien et son éditeur, notamment au sujet des illustrations. Le grand succès du livre entraîne plusieurs réimpressions, tandis que la publication du Seigneur des anneaux incite Tolkien à en réviser le contenu.
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+ La correspondance entre Tolkien et ses éditeurs témoigne de l’implication de l’auteur sur les illustrations. Tous les éléments ont fait l’objet d’une correspondance intense, comme en témoigne Rayner Unwin dans ses mémoires :
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+ « En 1937 uniquement, Tolkien écrivit 26 lettres à George Allen & Unwin […] parfois longues (elles pouvaient facilement totaliser cinq pages), détaillées, éloquentes, souvent mordantes, mais infiniment polies et d'une précision exaspérante. […] Je doute qu'aucun écrivain actuel, aussi célèbre soit-il, puisse recevoir d'un éditeur une attention aussi scrupuleuse[31]. »
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+
83
+ Les cartes sont également sources de débats : Tolkien veut en inclure cinq à l’origine. Il souhaite notamment que la carte de Thror soit insérée dans le livre à sa première mention dans le texte, avec les runes « magiques » imprimées de sorte à n’être visibles uniquement par transparence[32],[7]. Ce procédé se révèlerait trop coûteux, et en fin de compte, le livre ne comprend que deux cartes, la carte de Thrór et celle de la Sauvagerie, reproduites en deux couleurs (noir et rouge)[33].
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+ Dans un premier temps, Allen & Unwin envisage de n’illustrer le livre qu’avec des cartes, mais les premiers brouillons de Tolkien leur plaisent tellement qu’ils décident de les intégrer sans augmenter le prix du livre, malgré les coûts supplémentaires. Encouragé, l’auteur leur offre un second lot de dix illustrations en noir et blanc : « La Colline : Hobbiteville de l’autre côté de l’Eau » (The Hill: Hobbiton across the Water), « Les Trolls » (The Trolls), « Le Sentier de montagne » (The Mountain Path), « Les Montagnes de Brume vue du haut de l’Aire, regardant vers l’ouest et la Porte des Gobelins » (The Misty Mountains looking West from the Eyrie towards Goblin Gate), « La Salle de Beorn » (Beorn’s Hall), « Grand’Peur » (Mirkwood), « La Porte du Roi elfe » (The Elvenking’s Gate), « Le Bourg-du-Lac » (Lake Town), et « La Grande Porte » (The Front Gate). Ces illustrations occupent chacune une pleine page, hormis « Grand’Peur », qui exige une double page[34].
86
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+ Après les avoir acceptées, la maison d’édition convainc Tolkien de dessiner aussi la jaquette du livre, alors même qu’il doute de ses capacités de dessinateur. L’inscription runique autour de la jaquette est une translittération phonétique de l’anglais, donnant le titre du livre et les noms de l’auteur et des éditeurs[35]. Cependant, ce dessin nécessite plusieurs couleurs pour son impression : rouge, bleu, vert et noir, ce qui est particulièrement coûteux[36],[37]. Tolkien redessine la jaquette plusieurs fois, avec de moins en moins de couleurs ; la version finale ne comporte plus que du noir, du vert et du bleu sur un fond blanc[38].
88
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89
+ La maison d’édition américaine Houghton Mifflin, chargée de publier le livre aux États-Unis, suggère d’engager un dessinateur anonyme qui produirait quelques illustrations en couleur pour accompagner les dessins en noir et blanc de Tolkien. Celui-ci ne s’y oppose pas, à la seule condition que les illustrations ne rappellent ni ne soient influencées par Disney, que Tolkien n’apprécie guère. En revanche, Stanley Unwin estime qu’il vaudrait mieux que Tolkien illustre lui-même tout le livre, ce qui sera finalement le cas[39]. La première édition américaine remplace « La Colline : Hobbiteville de l’autre côté de l’Eau » par une version en couleur et ajoute de nouvelles planches colorées : « Fendeval » (Rivendell), « Bilbo se réveilla avec le soleil de l’aurore dans les yeux » (Bilbo Woke Up with the Early Sun in His Eyes), « Bilbo arrive aux huttes des elfes des radeaux » (Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves) et « Conversation avec Smaug » (Conversation with Smaug), avec une malédiction nanique écrite en tengwar, un alphabet inventé par Tolkien, et signée de deux þ pour Thráin et Thrór[40]. La deuxième édition britannique reprend les illustrations en couleur, à l’exception de « Bilbo se réveilla avec le soleil de l’aurore dans les yeux »[41].
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91
+ Les différentes éditions du livre ont été illustrées de façons diverses. Plusieurs suivent plus ou moins fidèlement l’arrangement original, mais beaucoup d’autres sont illustrées par d’autres artistes, particulièrement les versions traduites. Certaines éditions les moins chères, en livre de poche, ne contiennent que les cartes. De manière inhabituelle, l’édition du The Children's Book Club de 1942 contient les illustrations en noir et blanc, mais pas les cartes.
92
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93
+ L’usage des runes fait par Tolkien, comme simples éléments de décoration ou comme signes magiques dans l’histoire, est considéré comme l’une des raisons de la popularité de ce système d’écriture dans le courant New Age et la littérature ésotérique[42], du fait de la popularité de l’œuvre de Tolkien en tant qu’élément de la contreculture des années 1970[43].
94
+
95
+ Le Hobbit est publié au Royaume-Uni par Allen & Unwin le 21 septembre 1937. Grâce aux critiques enthousiastes, le premier tirage de 1 500 exemplaires est écoulé avant la fin de l’année, et un second tirage de 2 300 exemplaires, comprenant cette fois-ci quatre illustrations en couleurs (les illustrations de Tolkien étant entre-temps revenues d’Amérique), est édité en décembre. Aux États-Unis, Le Hobbit paraît chez Houghton Mifflin le 1er mars 1938, avec quatre illustrations en couleur, et rencontre un tout aussi grand succès : près de 3 000 exemplaires sont écoulés avant le mois de juin[44].
96
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97
+ Le succès du livre ne se dément pas, mais le rationnement du papier pendant la Seconde Guerre mondiale et les années qui suivent entraîne une baisse des ventes et rend le livre presque introuvable, bien qu’il ait été réimprimé en 1942[45]. Les ventes du livre augmentent considérablement avec la publication du Seigneur des anneaux et atteignent leur maximum dans les années 1960[46]. En 2008, près de cent millions d’exemplaires du Hobbit ont été vendus dans le monde[47].
98
+
99
+ Un exemplaire de la première édition anglaise fut vendu aux enchères à la fin de 2004 pour 6 000 livres sterling[48], alors qu’un autre, cette fois signé, atteignit les 60 000 livres dans une vente aux enchères réalisée en mars 2008[47].
100
+
101
+ En décembre 1937, Stanley Unwin demande à Tolkien une suite au Hobbit. En réponse, celui-ci lui propose les manuscrits du Silmarillion, mais l’éditeur les refuse, estimant que le public désire « plus d’informations sur les hobbits[49] ». Tolkien commence alors à travailler sur ce qui va devenir Le Seigneur des anneaux, ce qui l’oblige à apporter des modifications au Hobbit.
102
+
103
+ Ainsi, dans la première édition du Hobbit, Gollum propose son anneau magique en gage du jeu des énigmes, et après sa défaite, il est disposé à l’offrir à Bilbo. Cependant, l’ayant perdu, il offre à la place au hobbit de le conduire hors des cavernes des gobelins[50]. Afin de refléter le nouveau concept de l’anneau et son pouvoir de corruption, Tolkien rend Gollum plus agressif et moins honnête envers Bilbo, qu’il ne guide plus hors des cavernes qu’involontairement.
104
+
105
+ En 1947, Tolkien envoie à Unwin cette version réécrite du cinquième chapitre « Énigmes dans l’obscurité », à titre d’exemple des changements nécessaires pour rendre le livre cohérent avec Le Seigneur des anneaux. Trois ans plus tard, Tolkien est surpris de découvrir que cette nouvelle version du chapitre est incorporée dans les épreuves de la nouvelle édition du Hobbit, n’ayant pas été prévenu que ce changement allait être apporté[51]. Cette deuxième édition paraît en 1951, avec une note explicative dans laquelle Tolkien explique de manière interne la modification du chapitre 5 : la première version était celle que Bilbo avait racontée à ses compagnons, alors que celle de la deuxième édition raconte les véritables événements, Gandalf ayant obtenu la vérité à force de pressions[50].
106
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107
+ Pour adapter davantage le ton du Hobbit à celui de sa suite, Tolkien commence une nouvelle version du roman en 1960. Cette réécriture adapte notamment la géographie des premiers chapitres selon le trajet suivi par Frodon dans Le Seigneur des anneaux. Cependant, Tolkien l’abandonne dès le chapitre 3, s’étant vu dire que « ce n’était tout simplement plus Le Hobbit » : sa réécriture avait perdu le ton insouciant et le rythme soutenu du récit original[52].
108
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109
+ En 1965, la maison d’édition américaine Ace Books publie une édition de poche non autorisée du Seigneur des anneaux. Les éditeurs américains officiels de Tolkien, Houghton Mifflin (grand format) et Ballantine Books (poche), demandent à Tolkien de produire une version révisée du roman, afin d’en corriger les petites erreurs et d’avoir une version clairement soumise au droit d’auteur sur le sol américain. Bien que cette révision soit urgente, Tolkien préfère se consacrer à une nouvelle révision du Hobbit, introduisant de nouveaux changements pour correspondre à l’évolution de la Quenta Silmarillion. Ainsi, le passage « elves that are now called Gnomes » (« les elfes à présent appelés Gnomes ») devient « High Elves of the West, my kin » (« les Hauts Elfes de l’Ouest, mon peuple »). Tolkien utilisait à l’origine le terme Gnome pour désigner les Ñoldor : l’étymologie grecque gnosis (« connaissance ») lui paraissait en faire un nom approprié pour les plus sages des elfes. Cependant, l’idée qu’on puisse associer ses elfes aux gnomes de Paracelse lui fait abandonner cette idée. Cette troisième édition est publiée en février 1966[45].
110
+
111
+ Le roman attire rapidement l’attention des éditeurs étrangers. À l’été 1938, peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale, la maison d’édition allemande Rütten & Loening, souhaitant publier Le Hobbit dans son pays, écrit à Tolkien pour s’enquérir de ses éventuelles origines juives. Trouvant les lois de ségrégation nazies « démentes » et leur doctrine raciale « totalement pernicieuse et non scientifique », Tolkien écrit à son éditeur pour lui signaler son refus de toute traduction allemande dans ces conditions[53]. L’éclatement de la Seconde Guerre mondiale entraîne l’abandon de ce projet, au grand regret de Tolkien, qui avait parié avec son fils aîné sur la traduction de la fameuse première phrase du roman[54].
112
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113
+ La première traduction du Hobbit en langue étrangère est la suédoise, parue en 1947. Tolkien en est très mécontent, affirmant qu’elle « avait pris des libertés injustifiées avec le texte »[55], notamment en traduisant le terme hobbit par hompen. Deux autres traductions suédoises sont éditées par la suite, en 1962, puis en 1971. Cependant, c’est le succès du Seigneur des anneaux qui incite les éditeurs étrangers à publier des traductions du Hobbit. Parmi les premières, sorties du vivant de Tolkien, on compte celles en allemand (1957), en néerlandais (1960), en polonais (1960), en portugais (1962), en espagnol (1964), en japonais (1965), en danois (1969), en français (1969), en norvégien (1972), en finnois (1973), en italien (1973) et en slovaque (1973). Quelques mois avant sa mort, Tolkien apprend qu’une traduction islandaise est en préparation, une nouvelle qui le remplit de joie[56] ; mais cette traduction ne sort pas avant 1978. En tout, le livre est paru dans une quarantaine de langues.
114
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115
+ L'idée d’une traduction française est abordée par Allen & Unwin dès novembre 1937. Tolkien recommande son amie Simonne d’Ardenne comme traductrice, à la suite de son travail sur la première version française du Farmer Giles of Ham[57]. Finalement, Le Hobbit est traduit en français par Francis Ledoux et paraît en 1969 aux éditions Stock, dans une collection générale, visant donc un public adulte. En 1976, Le Hobbit est réédité dans la Bibliothèque verte, témoignage d’un glissement de la perception française de la fantasy vers la littérature jeunesse[58]. En 2012, l'éditeur Christian Bourgois publie une nouvelle traduction du Hobbit par Daniel Lauzon, qui assure également la traduction du Hobbit annoté de Douglas A. Anderson la même année.
116
+
117
+ À sa sortie, les critiques littéraires consacrées au Hobbit sont majoritairement positives. Beaucoup d’entre elles reprennent la publicité réalisée par Allen & Unwin qui le compare à Alice au pays des merveilles et à De l'autre côté du miroir, deux romans de Lewis Carroll. Cependant, J. R. R. Tolkien n’apprécie pas la comparaison et cette mention disparaît dans la deuxième édition[59].
118
+
119
+ L’écrivain C. S. Lewis, ami de Tolkien, publie deux critiques anonymes dans le supplément littéraire du Times, puis dans le Times lui-même, dans lesquelles il fait l’éloge du roman comme de Tolkien et prédit son futur succès.
120
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121
+ « Il faut comprendre que nous avons ici un livre pour enfants, au sens où la première de nombreuses lectures peut être entreprise à la nursery. Alice est lue avec sérieux par les enfants, alors que les plus grands en rient ; Le Hobbit, au contraire, fera rire surtout les plus petits, et ce n'est que bien des années plus tard, à leur dixième ou vingtième lecture, qu'ils commenceront à se faire une idée de l'érudition habile et de la profonde réflexion qu'il a fallu pour donner un fruit aussi mûr, aussi agréable, et aussi vrai, à sa manière. La divination est un art dangereux, mais Le Hobbit pourrait bien devenir un classique[60]. »
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+
123
+ — C. S. Lewis, The Times Literary Supplement, 2 octobre 1937
124
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125
+ Le Hobbit reçoit de bonnes critiques dans le Horn Book Magazine de la part de l’éditrice Bertha E. Mahony et de la chroniqueuse Anne Carroll Moore, alors que William Rose Benét le qualifie dans le Saturday Review of Literature de « fantastique splendide »[61]. Dans le New York Times, Anne T. Eaton le décrit comme « un conte merveilleux relatant une magnifique aventure, pleine de suspense et assaisonnée d’un humour tranquille tout à fait irrésistible » et voit en lui l’un des meilleurs livres pour enfants publiés à l’époque[62]. Lors du Second Annual Children’s Festival du 1er mai 1938, le New York Herald Tribune choisit Le Hobbit pour recevoir un prix d’une valeur de 250 dollars en tant que meilleur livre pour enfants publié ce printemps-là[63],[64].
126
+
127
+ Quelques critiques négatives apparaissent néanmoins. Pour Junior Bookshelf, les péripéties que rencontrent les personnages « donnent plutôt l’impression d’avoir été placées délibérément sur leur chemin, ne devant rien à la succession naturelle des événements[65] ». Dans son article sur les différentes révisions du Hobbit (1981), Constance B. Hieatt défend le roman contre certaines critiques en remarquant que « beaucoup de critiques se sont trompés parce qu’ils n’étaient pas capables de différencier les diverses révisions »[66].
128
+
129
+ Le Hobbit est nommé au prix littéraire Carnegie Medal, remis annuellement par The Library Association au livre pour enfants le plus remarquable[67]. Il est également reconnu comme « roman le plus important du XXe siècle » dans la catégorie « livres pour enfants du siècle » par la revue Books for Keeps[67].
130
+
131
+ Bien que Le Hobbit ait été à l’origine de nombreuses œuvres dérivées, sa suite, Le Seigneur des anneaux, est considérée comme son principal héritage. L’intrigue suit la même progression en aller et retour, les deux histoires commençant et s’achevant à Cul-de-Sac (Bag End), la maison de Bilbo Sacquet ; Gandalf envoie les protagonistes dans une quête vers l’est, Elrond offre refuge et conseil, les héros échappent de peu à des créatures souterraines (gobelins/la Moria), ils rencontrent un autre groupe d’elfes (elfes sylvains/Lothlórien), ils traversent des terres ravagées (la Désolation de Smaug/les Marais des Morts), ils se battent dans une importante bataille (bataille des Cinq Armées/bataille des champs du Pelennor), un descendant de roi retrouve son trône (Bard l’Archer/Aragorn) et quand le hobbit rentre chez lui, il trouve une situation altérée (biens mis aux enchères/industrialisation de la Comté par Saroumane)[68]... L’arrivée des Aigles lors de la bataille de la Porte Noire dans le Seigneur des anneaux est une référence directe à leur intervention lors de la bataille des Cinq Armées dans Le Hobbit[69].
132
+
133
+ « — Les Aigles arrivent ! Les Aigles arrivent !
134
+ La pensée de Pippin balança un instant.
135
+ « Bilbon ! dit-elle. Mais non ! Cela s’est passé dans son histoire, il y a très, très longtemps. Ceci est la mienne et elle est maintenant terminée. Adieu[70] ! »
136
+
137
+ — J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des anneaux
138
+
139
+ Dans les deux romans, l’arrivée des Aigles est le ressort de l’eucatastrophe[71].
140
+
141
+ Le Seigneur des anneaux a néanmoins une intrigue beaucoup plus complexe, à cause du plus grand nombre de personnages principaux. Le ton est presque dépourvu d’humour et les thèmes moraux et philosophiques sont plus développés et plus complexes. Ce décalage entre les deux œuvres a pu être perturbant pour certains lecteurs[68]. De nombreuses différences stylistiques viennent du fait que Tolkien avait conçu Le Hobbit pour un public enfantin et que le Seigneur des anneaux visait les mêmes lecteurs, qui entre-temps avaient grandi. Il existe des différences de détails : par exemple les gobelins sont plus souvent appelés Orques dans le Seigneur des anneaux. De plus, l’idée que Tolkien se faisait de la Terre du Milieu n’avait cessé d’évoluer et évolua tout au long de sa vie[72]. Ces différences de ton et de vocabulaire sont accentuées par la traduction française qui n’emploie pas les mêmes termes dans l’une et l’autre œuvres.
142
+
143
+ À l’intérieur du Seigneur des anneaux, Le Hobbit, appelé Histoire d’un aller et retour, est présenté comme la première partie du Livre rouge de la Marche de l'Ouest, rédigé par Bilbo lui-même, assimilé au narrateur. Cela permet de plus d’expliquer les différentes éditions du livre, selon la sincérité de Bilbo par rapport à sa relation avec l’anneau.
144
+
145
+ La prose de Tolkien est sans prétention et directe, prenant pour acquis son monde imaginaire et décrivant ses détails d’une façon pratique, en introduisant souvent le fantastique d’une façon détournée. Ce style très terre-à-terre, repris dans des œuvres de fantasy plus tardives comme Les Garennes de Watership Down de Richard Adams, ou La Dernière Licorne de Peter Beagle, accepte le lecteur dans le monde fictif plutôt que de tenter de le convaincre de sa réalité[73]. Alors que Le Hobbit est écrit de façon simple et amicale, chacun de ses personnages a une voix unique. Le narrateur, qui interrompt occasionnellement la narration avec des incises (dispositif présent aussi bien dans la littérature d’enfance que dans la littérature anglo-saxonne[74]), a son propre style différencié de celui des personnages principaux[75].
146
+
147
+ La forme de base de l’histoire est une quête[76], effectuée par épisodes. Pendant la plus grande partie du livre, chaque chapitre introduit un habitant différent de la Sauvagerie, parfois amical envers les protagonistes, et parfois dangereux. Bien que de nombreuses rencontres soient menaçantes, le ton général est léger, et interrompu par des chansons. Un exemple de l’usage des chansons pour maintenir la légèreté de ton est quand Thorin et la compagnie sont capturés par les gobelins, marchent dans les profondeurs des cavernes et chantent :
148
+
149
+ Clap! Snap! the black crack!
150
+ Grip, grab! Pinch, nab!
151
+ And down down to Goblin-town
152
+ You go, my lad!
153
+
154
+ Cric ! Crac ! à l'attaque !
155
+ Serre, tords ! Pince, mords !
156
+ File, file ! À Gobelin-ville
157
+ Tu vas, mon gars !
158
+
159
+
160
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161
+ Ce chant d’onomatopées offre une interruption comique au milieu d’une scène effrayante. Tolkien réalise l’équilibre entre humour et danger par d’autres moyens également, comme le ridicule et le parler cockney des trolls, ou l’ivresse des elfes qui capturent les nains[77]. La forme générale, celle d’un voyage dans des pays étranges, est présentée sur un mode léger et entrecoupé de chansons, peut-être sur le modèle des Icelandic Journals de William Morris, auteur très apprécié de Tolkien[78].
162
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163
+ Le Hobbit reprend les modèles narratifs de la littérature pour enfants, comme le narrateur omniscient et les personnages auxquels les enfants peuvent s’identifier, comme le petit, gourmand et moralement ambigu Bilbo. Le texte souligne la relation entre le temps et les progrès narratifs et il distingue clairement les lieux « sûrs » des lieux « dangereux » dans sa géographie. Ce sont des éléments-clefs des ouvrages destinés aux enfants[79], tout comme la structure en « aller et retour », typique des romans initiatiques[80]. Bien que Tolkien ait par la suite affirmé ne pas apprécier que le narrateur s’adresse directement au lecteur[7], cet aspect contribua significativement au succès du roman, l’histoire pouvant être facilement lue à haute voix[81]. Emer O’Sullivan, dans son Comparative Children's Literature, remarque que Le Hobbit est un des rares livres pour enfants accepté dans la littérature courante, à côté du Monde de Sophie de Jostein Gaarder (1991) et de la série Harry Potter de J. K. Rowling (1997–2007)[82].
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+ Tolkien considérait Le Hobbit comme un conte de fées et l’écrivit sur un ton approprié aux enfants[83]. Beaucoup d’éléments du conte de fées, comme la répétition des événements (arrivée des nains chez Bilbo et chez Beorn, éléments folkloriques[84]…), y sont repris. Cependant, Bilbo n’est pas le héros habituel des contes de fées : il n’est pas le beau fils aîné ou la plus jeune et belle fille, mais un hobbit dodu, d’âge moyen, assez aisé[85]. Le Hobbit est conforme aux 31 motifs du conte établis par Vladimir Propp dans son livre de 1928 Morphology of the Folk Tale à partir d’une analyse structurelle du folklore russe[86].
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+ Le roman est le plus souvent classé dans la fantasy mais, de même que Peter Pan de J. M. Barrie et The Princess and the Goblin de George MacDonald, qui ont tous deux influencé Tolkien et contiennent des éléments de fantasy, il est avant tout considéré comme une œuvre de littérature enfance et jeunesse. Les deux genres ne sont pas mutuellement exclusifs : certaines définitions de la high fantasy comprennent des livres pour enfants, comme ceux de L. Frank Baum et Lloyd Alexander, à côté des romans plus adultes de Gene Wolfe et Jonathan Swift. C. W. Sullivan affirme que la première publication du Hobbit est une étape importante du développement de la high fantasy, et ajoute que les versions de poche du Hobbit et du Seigneur des anneaux dans les années 1960 ont été essentielles pour la création d’un marché de masse pour ce type de fiction, permettant le développement de la fantasy actuelle[74].
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+ Le thème principal du roman est le développement et le mûrissement du personnage principal et éponyme : le hobbit Bilbo. Dans Children's Literature, Matthew Grenby affirme que Le Hobbit est un livre de développement personnel et qu’il ne le considère pas simplement comme une aventure fantastique traditionnelle, mais comme un roman d’apprentissage, dans lequel le personnage acquiert une conscience plus grande de son identité et une meilleure confiance dans le monde extérieur grâce au voyage qu’il réalise[87].
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+ Dans son essai The Psychological Journey of Bilbo Baggins, repris dans A Tolkien Compass de Jared Lobdell, Dorothy Matthews voit dans plusieurs chapitres du roman le concept jungien d’« individuation ». Elle décrit le voyage de Bilbo comme une quête de maturité et comme une métaphore de ce processus de découverte de soi[88],, une observation partagée par l’écrivain Ursula K. Le Guin[89]. L’analogie de l’« au-delà » et du héros qui en revient avec des trésors profitables (comme l’anneau ou les lames elfiques) rappelle les archétypes mythiques relatifs à l’initiation et au passage à l’âge adulte, comme le décrit le mythographe Joseph Campbell[77]. Dans Tolkien's Art, Jane Chance relie le développement et la croissance de Bilbo, par contraste avec d’autres personnages, avec les concepts de royauté juste et de royauté impure tels qu’ils apparaissent dans l’Ancrene Wisse, ainsi qu’avec une interprétation chrétienne de Beowulf[90].
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+ Toujours dans Children's Literature, Matthew Grenby estime que le dépassement de la convoitise et de l’égoïsme est la principale morale de l’histoire[87]. La convoitise est un thème récurrent : plusieurs péripéties naissent du désir d’un ou plusieurs personnages pour de la nourriture (les trolls voulant manger les nains ou les nains voulant goûter au banquet des elfes) ou pour des objets précieux, or ou joyaux[91]. Cette avarice, avec la malignité qui en découle, arrive au premier plan avec le désir de Thorin pour l’Arkenstone, qui constitue le point moral crucial du récit. Bilbo vole l’Arkenstone, une antique relique naine, et essaye de la négocier avec Thorin en échange de la paix. Pourtant, Thorin se retourne contre le hobbit qu’il considère comme un traître, malgré les précédentes promesses qu’il lui avait faites[92]. À la fin, Bilbo cède la pierre précieuse et la plus grande partie de sa part du trésor pour aider ceux qui en ont le plus besoin. Tolkien explore également le motif des joyaux provoquant une intense avidité, comme les silmarils du Silmarillion ; du reste, les mots « Arkenstone » et « silmaril » sont étymologiquement liés dans son œuvre[93].
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+ Un autre thème du Hobbit, souligné par divers auteurs, est l’animisme, un concept important en anthropologie et dans le développement de l’enfant, fondé sur l’idée que toutes les choses, y compris les objets inanimés, les phénomènes naturels, les animaux et les plantes, possèdent une intelligence humaine. Dans The History of The Hobbit, John D. Rateliff l’appelle le « thème du docteur Dolittle » et cite la multitude d’animaux qui parlent comme indice pour confirmer cette idée, par exemple les corbeaux, les araignées et le dragon Smaug, sans compter les créatures anthropomorphiques que sont les gobelins ou les elfes. Selon Patrick Curry (dans Defending Middle-Earth), l’animisme parcourt tout le roman et apparaît également dans d’autres œuvres de Tolkien ; il mentionne les « racines de la montagne » et les « pieds des arbres » comme des passages de l’inanimé à l’animé[94].
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+ Le Hobbit peut être considéré comme l’expression créative des travaux théoriques et universitaires de Tolkien. Les thèmes présents dans la littérature en vieil anglais, et plus particulièrement dans le poème Beowulf, ont une importance énorme dans la caractérisation du monde antique où évolue Bilbo. Tolkien connaissait parfaitement Beowulf, et il compte parmi les premiers à avoir étudié Beowulf comme une œuvre littéraire dont la valeur n’est pas uniquement historique. Sa conférence de 1936 Beowulf : Les Monstres et les Critiques est toujours utilisée par les étudiants en vieil anglais au début du XXIe siècle. Plusieurs éléments de Beowulf sont repris dans Le Hobbit, comme le dragon monstrueux et intelligent[95]. Certaines descriptions du roman semblent directement tirées de Beowulf, comme le moment où le dragon étire le cou pour renifler les intrus[96]. De même, les descriptions de Tolkien de l’accès à l’antre du dragon reflètent les passages secrets de Beowulf. Tolkien en profite pour affiner les passages de Beowulf qu’il estimait moins satisfaisants, comme le vol de la coupe ou l’intellect et la personnalité du dragon[97].
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+ Une autre influence du vieil anglais sur Le Hobbit apparaît à travers les épées nommées et ornées de runes. C’est en utilisant sa lame elfique que Bilbo réalise sa première action héroïque indépendante. En la nommant « Dard », Bilbo accepte les pratiques culturelles présentes dans Beowulf, ce qui marque son entrée dans l’ancien monde dans lequel il évolue[98]. Cette progression culmine avec le vol de Bilbo d’une coupe dans le trésor du dragon, éveillant ainsi sa colère, incident rappelant directement Beowulf et inspiré de schémas narratifs traditionnels, comme l’explique Tolkien lui-même : « l’épisode du vol s’est présenté naturellement (et presque inévitablement) au vu des circonstances. Il est difficile d’envisager une quelconque autre façon de poursuivre l’histoire à ce moment-là. J'aime à penser que l’auteur de Beowulf dirait à peu près la même chose[24]. »
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+ Tolkien utilise également ses théories littéraires pour concevoir ses personnages et leurs interactions. Il dépeint Bilbo comme un anachronisme moderne explorant un monde antique. Bilbo est capable de négocier et d’interagir dans ce monde ancien, car la langue et les traditions créent des liens entre les deux mondes. Par exemple, les énigmes posées par Gollum proviennent de sources historiques, tandis que celles de Bilbo sont tirées de livres pour enfants contemporains. C’est la forme commune du jeu de devinettes qui permet à Gollum et Bilbo d’interagir, et non le contenu des énigmes elles-mêmes. Cette idée d’un contraste superficiel entre les styles individuels des différents personnages, leurs tons et leurs centres d’intérêt, menant à une profonde unité entre l’ancien et le moderne, est un thème récurrent dans Le Hobbit[99].
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+ Smaug est l’antagoniste principal du roman. L’épisode de Smaug reflète par de nombreux points le dragon de Beowulf, et Tolkien utilise ce passage pour mettre en pratique certaines théories littéraires qu’il a développées autour du portrait du dragon dans le poème anglo-saxon, dotant la créature d’une intelligence bestiale au-delà de son rôle purement symbolique[95]. Smaug le dragon et ses réserves d’or peuvent être envisagés comme un reflet des relations traditionnelles entre le mal et la métallurgie, comme les réunit la description du Pandémonium dans Le Paradis perdu de John Milton[100]. De tous les personnages, Smaug est celui dont le parler est le plus moderne.
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+ De même que les théories de Tolkien ont influencé le conte, ses expériences personnelles ont pesé dans sa conception. Le Hobbit, avec son héros tiré de son foyer rural et jeté dans une guerre lointaine où l’héroïsme traditionnel est futile, peut être envisagé comme une parabole de la Première Guerre mondiale[101]. Le conte explore également le thème de l’héroïsme. Comme le remarque Janet Croft, la réaction littéraire de Tolkien à la guerre diffère de celle de la plupart des auteurs d’après-guerre : il ne recourt pas à l’ironie comme moyen de distanciation, privilégiant la mythologie pour transmettre son expérience[102]. Le Hobbit présente des ressemblances avec les ouvrages d’autres écrivains ayant combattu durant la Grande Guerre, notamment la représentation de la guerre comme antipastorale : la « désolation de Smaug », région sur laquelle il exerce son influence et où se déroule la bataille des Cinq Armées, est décrite comme un paysage désolé et meurtri[103]. Le Hobbit est un avertissement contre la répétition des tragédies de la Première Guerre mondiale[104] et l’attitude de Tolkien comme vétéran peut être résumée par la phrase de Bilbo à l’issue de la bataille[102] :
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+ « Ce doit être la victoire, après tout ! Mais il semble que ce soit une bien morne affaire. »
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+ Depuis la mort de J. R. R. Tolkien, trois éditions particulières du Hobbit ont été publiées : Le Hobbit annoté de Douglas A. Anderson, une édition commentée du roman ; une édition illustrée par Alan Lee ; et The History of The Hobbit de J. D. Rateliff, une étude de la rédaction du roman, à l’image de l’Histoire de la Terre du Milieu de Christopher Tolkien pour Le Seigneur des anneaux et Le Silmarillion.
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+ L’édition annotée d’Anderson, publiée en 1988, célèbre le cinquantième anniversaire de la publication du Hobbit aux États-Unis. Elle reproduit le texte complet du roman, avec des commentaires d’Anderson en marge. Ses annotations portent sur divers sujets : les influences de Tolkien pour certains passages, les liens avec Le Seigneur des anneaux et Le Silmarillion, ainsi que les modifications apportées au texte dans les révisions effectuées par Tolkien. L’ouvrage est abondamment illustré, reprenant les dessins réalisés par Tolkien lui-même, ainsi que ceux produits par d’autres illustrateurs pour les traductions en d’autres langues[106].
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+ L’édition illustrée par Alan Lee paraît en 1997, à l’occasion du soixantième anniversaire de la publication du Hobbit au Royaume-Uni. L’œuvre comprend 26 illustrations en couleur et 38 en noir et blanc, toutes de Lee[105].
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+ The History of The Hobbit est paru en 2007. Dans cet ouvrage en deux tomes, Mr. Baggins et Return to Bag End, John D. Rateliff propose une analyse extensive des brouillons de l’œuvre, y compris ceux des révisions de 1947 et 1960[107].
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197
+ La première adaptation à l’écran du Hobbit est un court métrage d'animation réalisé par Gene Deitch en 1966. Réalisé dans l'urgence à la demande du producteur William L. Snyder, dont les droits sur l'adaptation du roman (acquis en 1962) étaient sur le point d'expirer, The Hobbit ne dure que douze minutes et prend de nombreuses libertés avec l'œuvre d'origine[108]. Il n'a connu qu'une seule diffusion sur grand écran, le 30 juin 1966 dans un cinéma new-yorkais, mais a depuis refait surface sur YouTube[109],[110].
198
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199
+ The Hobbit, téléfilm d’animation produit par Arthur Rankin Jr. et Jules Bass, est diffusé sur la chaîne NBC le 27 novembre 1977. Avec un budget de près de trois millions de dollars, c'est à l’époque le téléfilm d’animation le plus coûteux jamais réalisé[111]. Quelques-uns des poèmes présents dans le livre sont mis en musique par Maury Laws pour le téléfilm. Le scénario de Romeo Muller respecte l’essentiel du roman, à quelques exceptions près, notamment la disparition du personnage de Beorn. Muller remporte un Peabody Award en 1978 pour le scénario du Hobbit ; la même année, le téléfilm est également nommé aux prix Hugo, dans la catégorie « meilleure présentation dramatique », mais le trophée revient à Star Wars. La marque discographique Walt Disney Records publie un LP reprenant le doublage audio du film[112]. En Union soviétique le livre est également adapté en téléfilm par Vladimir Latychev en 1985[113]. Le personnage de narrateur inspiré de Tolkien lui-même y est interprété par Zinovi Gerdt[114].
200
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201
+ En 1995, le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson et son épouse Fran Walsh expriment leur intérêt pour une adaptation cinématographique du Hobbit, qui serait la première partie d’une trilogie complétée par deux films sur Le Seigneur des anneaux. Cependant, les droits du Hobbit appartiennent alors à United Artists, et ils ne peuvent que réaliser une adaptation cinématographique du Seigneur des anneaux, dont les droits ont été rachetés par New Line Cinema[115].
202
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203
+ Après le succès de la trilogie de Jackson, la compagnie Metro-Goldwyn-Mayer, qui a acheté United Artists et possède donc les droits du Hobbit, annonce en septembre 2006 son souhait de travailler avec New Line et Jackson pour réaliser la préquelle[116]. Cependant, une dispute oppose Jackson et New Line à propos des revenus provenant des produits de La Communauté de l’anneau[117]. Finalement, les deux parties parviennent à un accord en décembre 2007, et après avoir payé à Jackson l’argent qu’elle lui doit, New Line le confirme comme producteur du Hobbit[118].
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+ Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro participe à l’élaboration du scénario avec Jackson, Fran Walsh et Philippa Boyens, et doit réaliser ce film[119]. Néanmoins, le 31 mai 2010, après plus de deux années de participation à la conception de l’adaptation, Del Toro annonce renoncer à la réalisation en raison des retards dans le commencement du tournage et des problèmes financiers de Metro-Goldwyn-Mayer[120]. Le projet original comprend deux films, le premier suivant l'intrigue du Hobbit tandis que le second doit servir de lien avec Le Seigneur des anneaux en couvrant les événements survenus dans la période séparant les deux histoires[121], mais cette idée est finalement abandonnée[122]. Le tournage des films, qui se déroule en Nouvelle-Zélande[119], débute le 21 mars 2011 après de nombreux contretemps. Les deux films annoncés laissent la place à une trilogie : le premier volet, Un voyage inattendu, est sorti en France le mercredi 12 décembre 2012 ; le second volet, La Désolation de Smaug, est sorti le mercredi 11 décembre 2013 ; le troisième volet, La Bataille des Cinq Armées, est sorti le mercredi 10 décembre 2014.
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207
+ Depuis sa publication, plusieurs jeux de société et jeux de rôles se sont inspirés du roman.
208
+ En 1975, Larry Smith crée et commercialise le jeu de société The Battle of the Five Armies, dont les droits sont achetés par la suite par la compagnie américaine Tactical Studies Rules[123].
209
+ En 1983, Iron Crown Enterprises (ICE) lance un autre jeu de société, The Lonely Mountain: Lair of Smaug the Dragon, conçu par Coleman Charlton[124] ; un an après, la même compagnie crée sa propre version de The Battle of the Five Armies, développée également par Charlton avec Richard H. Britton et John Crowll[125], et un jeu de rôle appelé Middle-earth Role Playing, fondé aussi bien sur Le Hobbit que sur Le Seigneur des anneaux[126], traduit en français par Hexagonal en 1986 sous le nom Jeu de rôle des Terres du Milieu (JRTM).
210
+ En 2001, un nouveau jeu de société apparaît sur le marché : The Hobbit: The Defeat of the Evil Dragon Smaug, conçu par Keith Meyers et Michael Stern[127] et illustré par Ted Nasmith[128].
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212
+ Plusieurs jeux vidéo ont ��galement été tirés du livre, avec ou sans permission. L’un de ceux qui rencontre le plus de succès est le jeu pour ordinateur The Hobbit, développé en 1982 par Beam Software et distribué par Melbourne House, qui remporte en 1983 le Golden Joystick Award dans la catégorie « jeu de stratégie de l’année »[129]. En 2003, Sierra Entertainment propose un jeu de plates-formes avec des éléments de jeu de rôle, également intitulé Bilbo le Hobbit, pour PC, PlayStation 2, Xbox et GameCube[130]. Une version reprenant l’histoire et les graphismes des personnages, mais avec une plate-forme isométrique en 2D et des personnages en 3D, est conçue pour Game Boy Advance[131]. Un MMORPG "Le Seigneur des Anneaux Online" est également sorti en 2007 et la franchise Lego a annoncé un jeu vidéo Lego Le Hobbit prévu pour fin 2014/début 2015 pour PC, Wii, Xbox 360, PS3, Nintendo DS, Nintendo 3DS, Xbox One, et PS4.
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+ De septembre à novembre 1968, la BBC Radio 4 diffuse une adaptation radiophonique du Hobbit réalisée par Michael Kilgarriff et produite par John Powell. Divisée en huit parties, cette série radiophonique de quatre heures suit de près la trame de la seconde édition du roman (celle de 1951). Anthony Jackson occupe le rôle de narrateur, Paul Daneman interprète Bilbo, Wolfe Morris Gollum, John Justin Thorin, John Pullen Elrond, Peter Williams Bard et Heron Carvic Gandalf. En 1988, cette série est éditée au format cassette audio, puis en CD en 1997[132].
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+ En 1989, la maison d’édition Eclipse Comics publie un roman graphique du Hobbit, écrit par Charles « Chuck » Dixon et Sean Deming, et illustré par David Wenzel. Il est divisé en trois volumes, le premier se terminant lorsque Gollum joue aux énigmes avec Bilbo, et le deuxième quand la compagnie échappe aux elfes sylvains[133].
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218
+ Le Hobbit a été adapté de nombreuses fois au théâtre, et ce dès les années 1950. L’intrigue du roman est plus ou moins malmenée selon les auteurs de l’adaptation ; le cas le plus extrême étant sans doute Down in Middle Earth, une comédie musicale américaine pour enfants de 1969, notable pour son emploi d’un langage « branché », ses allusions à la sexualité et ses éclairages psychédéliques[134].
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+ Selon Dick Huemer, cité par David Koenig, Walt Disney aurait eu l’idée dès 1938 d’adapter Le Hobbit car il ne parvenait pas à saisir l’histoire d’Alice au pays des merveilles pour en faire un film[135].
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+ En 2014 la chaine Arte diffuse À la recherche du Hobbit, une série documentaire en cinq épisodes de 26 minutes, produite par Yannis Metzinger et Alexis Metzinger, et réalisée par Olivier Simonnet. La série amène le spectateur aux sources des légendes et des inspirations qui ont mené J. R. R. Tolkien à écrire les romans du Hobbit et du Seigneur des anneaux.
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+ La bibliographie est classée par ordre alphabétique des auteurs, les articles étant placés par date à la fin.
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+ Leipzig[a] [lɛpsik][b][réf. nécessaire] (en allemand : [ˈlaɪpt͡sɪç][c] Écouter) est une ville-arrondissement d'Allemagne centrale, au nord-ouest du Land de Saxe. Avec plus de 570 000 habitants[5] (les Lipsiens), elle est la ville la plus peuplée de la Saxe, devant Dresde, la capitale politique du Land.
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5
+ Le nom Leipzig est issu du toponyme sorabe Lipsk qui signifie « le lieu près des tilleuls ». Pour les peuples slaves auxquels on attribue la fondation de la ville, le tilleul était un arbre sacré.
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7
+ L'équivalent latin du toponyme est Lipsia ; ce qui explique qu'en français, les habitants de Leipzig sont les Lipsiens. Le toponyme a déjà été historiquement nommé Leipsick en français, plus rarement Leipsic[1], dans un contexte historique.
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9
+ Leipzig est une ville avec peu de relief, située dans le bassin lipsien. Le point culminant naturel de la ville est le Galgenberg (162,6 m). Il y a également de nombreuses collines artificielles comme le Fockeberg (153,3 m) créé par l'accumulation des gravats des édifices détruits par les bombardements alliés pendant la Deuxième Guerre mondiale.
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+ Leipzig s'étend sur une superficie de 297,8 km2. Les terres agricoles, les eaux et forêts représentent plus de 50 % de la superficie totale. La ville a la particularité d'être traversée par une forêt alluviale de 2 424 hectares au confluent de la Pleiße et de l'Elster blanche qui séparent le centre-ville lipsien des quartiers occidentaux comme Böhlitz-Ehrenberg, Lindenau, Plagwitz ou Großzschocher. La forêt alluviale de Leipzig est une aire protégée de catégorie V et une des plus grandes ripisylves d'Europe.
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+
13
+ Les anciens sites d'extraction de lignite à ciel ouvert qui caractérisaient le paysage du sud de Leipzig il y a encore quelques années ont été transformées par le Land de Saxe pour former le Neuseenland (« Pays des nouveaux lacs »). Les gigantesques fosses ainsi creusées ont été remplies d'eau. Ont été créés des équipements sportifs, de détente, des ports de plaisance et terrains de camping. Les 18 nouveaux lacs représentent une superficie de 70 km2. Le plus grand (436 ha), le plus proche de Leipzig et le plus fréquenté est le lac de Cospuden. Notons que quatre de ces lacs sont destinés à protéger la ville d'une éventuelle inondation.
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+
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+ L'occupation des sols en 2015 était répartie comme suit[6].
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+ Leipzig est voisine d'autres grandes villes allemandes comme Halle (30 km au nord-ouest), Chemnitz (environ 70 km au sud), Dresde (environ 100 km au sud-est), Erfurt (environ 100 km au sud-ouest), Magdebourg (environ 100 km au nord-ouest) et Berlin (environ 145 km au nord).
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+ Leipzig se situe à équidistance de trois capitales régionales, Erfurt, Magdebourg et Dresde, qu'elle dépasse pourtant en population. Leipzig tend à s'imposer comme une capitale économique suprarégionale.
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+
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+ Margraviat de Misnie 1165-1423
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+ Électorat de Saxe 1423-1485
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+ Duché de Saxe 1485-1547
25
+ Électorat de Saxe 1547-1806
26
+ Royaume de Saxe 1806–1918
27
+ République de Weimar 1918–1933
28
+  Reich allemand 1933–1945
29
+ Allemagne occupée 1945–1949
30
+ République démocratique allemande 1949–1990
31
+ Allemagne 1990–présent
32
+
33
+ Les origines de la ville remontent vers 900 et l'installation d'une colonie slave sur les rives de la Parthe [réf. nécessaire]. C'est en 1015 que Leipzig est mentionnée pour la première fois dans la chronique de Dithmar, évêque de Mersebourg, lorsque ce dernier relate la mort de l'évêque de Meissen. Mais la fondation de la ville en tant que telle date de 1065 lorsque le margrave Otto le riche de Meißen lui octroie le privilège d'organiser deux marchés annuels (Jahrmärkte) : le premier à Pâques, et le second à la Saint-Michel.
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+ En 1409 est fondée l'université de Leipzig, l’Alma Mater Lipsiensis (la mère nourricière lipsienne), une des plus anciennes universités d'Allemagne.
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+ En 1497, l'empereur Maximilien Ier étend les privilèges des (désormais trois) marchés annuels, en faisant des foires impériales; concrètement, aucune ville dans un rayon d'environ 115 km n'a le droit d'organiser des foires. Fortes de ce droit, les trois foires de Leipzig se développent considérablement jusqu'à devenir les plus importantes d'Allemagne au XVIIIe siècle devançant celles de Francfort-sur-le-Main. Il s'agit des foires du Nouvel An, de Pâques, et de la Saint-Michel. Au XVIIIe siècle, constituant une véritable plateforme commerciale où s'échangent des marchandises de l'Europe occidentale, centrale, et orientale, de l'Empire russe et même de la Perse (par l'intermédiaire des marchands juifs de la Pologne-Lituanie). Au XIXe siècle, des marchands des États-Unis visitent régulièrement les foires. Le caractère international du commerce à Leipzig explique la présence (aujourd'hui encore) de nombreux consulats (États-Unis, Russie, France, Italie…).
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+ En 1813, Leipzig est le théâtre de la bataille des Nations, une des plus grandes confrontations des guerres napoléoniennes (opposant 190 000 Français et Saxons aux 330 000 Prussiens, Russes, Suédois, Autrichiens), bataille qui se solde par une défaite de l’Empereur des Français.
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+ Carrefour de communication, Leipzig est pionnière lors de l'avènement du chemin de fer, avec l'édification, en 1839, d'une première ligne jusqu'à Dresde alors la plus longue en Allemagne et la construction de la gare de Bavière, terminus de la liaison avec la Bavière. Leipzig est aujourd'hui l'un des nœuds ferroviaires les plus importants en Europe, sa gare de voyageurs, du début du XXe siècle, est l'une des plus importantes d'Europe.
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+ Leipzig obtient le 20 décembre 1937 le titre honorifique nazi de « ville des foires du Reich ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, Leipzig subit plusieurs bombardements aériens faisant 6 000 victimes. Soixante p. cent du centre-ville est détruit. Le 19 avril 1945, les troupes américaines de la 1e Armée prennent la ville avant de se retirer au profit de l'Armée rouge conformément aux accords passés.
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+ Après la Seconde Guerre mondiale, Leipzig se retrouve en zone d'occupation soviétique, puis dans la RDA dont elle est la deuxième ville, après Berlin. En 1989, depuis l'église Saint-Nicolas, les manifestations du lundi, aux cris de « Wir sind das Volk » (« Nous sommes le peuple »), précipitent la fin de la RDA. Après la réunification, Leipzig devient une ville de l'État libre (Freistaat) de Saxe.
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+ Le 12 avril 1996, sont inaugurées les nouvelles foires de Leipzig, le pôle d'exposition et de congrès le plus moderne d'Europe. Aujourd'hui, Leipzig est une ville universitaire. Convaincante, elle est désignée ville-candidate de l'Allemagne, pour l'organisation des JO de 2012. En 2006, le Zentralstadion a accueilli des matchs de la Coupe du monde de football de 2006, dont un opposant la France et la Corée du Sud.
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+ Au Moyen Âge, la population de la ville a connu un accroissement lent et irrégulier, du fait de nombreuses guerres, épidémies et famines. Par exemple en 1639, 4 229 personnes, soit environ un quart de la ville, ont péri à cause d'une épidémie de peste. Avec les débuts de l'industrialisation au XIXe siècle, l'accroissement de population s'est accéléré. Il n'y avait que 32 000 habitants dans la ville en 1800. La barre des 100 000 habitants a été franchie en 1870, la faisant accéder au statut de Großstadt. En 1930 la ville comptait 718 200 habitants, ce qui est jusqu'à présent son record de population, qui a ensuite baissé jusqu'en 1939 à 707 000.
50
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51
+ Durant la seconde Guerre mondiale, Leipzig a été la cible de bombardements alliés. Au pire de ces bombardements, le 4 décembre 1943, 1 800 Lipsiens sont morts et 4 000 bâtiments ont été totalement détruits. Environ un cinquième de la population (140 000 personnes) était sans-abri. De par l'évacuation ou la fuite de personnes, les déportations ou les bombardements aériens, Leipzig a perdu environ 20 % de sa population (126 000 habitants). Le nombre d'habitants a baissé jusqu'en 1945 pour atteindre 582 000, a remonté jusqu'à 617 000 en 1950, et puis a régulièrement baissé dans la RDA jusqu'à la Wende à 530 000.
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53
+ Entre 1990 et 1998, la population a accusé une baisse de 18 % due à une baisse de la natalité et à l'exode de nombreux Lipsiens pour atteindre 437 000 habitants. Entre 1998 et 2005, la population est remontée de 63 000 habitants, en partie du fait de l'inclusion de villages avoisinants à la ville de Leipzig. Dans les années 2000, l'immigration est aussi devenue supérieure à l'émigration. Leipzig comptait le 31 décembre 2010 exactement 522 883 habitants. Alors qu'elle était en 1939 la sixième ville d'Allemagne, elle est en 2010 à la douzième place.
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+ Les statistiques ci-dessous donnent le nombre d'habitants pour la ville de Leipzig, qui a changé de taille au cours de l'histoire. Jusqu'en 1825, il s'agit le plus souvent d'estimations. À partir de cette date, les données proviennent soit de recensements globaux, soit d'extrapolation de statistiques par le Stadtverwaltung (jusqu'en 1944), par la Staatlichen Zentralverwaltung für Statistik (de 1945 à 1989) et du Statistischen Landesamt (à partir de 1990).
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+ Source: Statistisches Landesamt des Freistaates Sachsen[5]
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+ Les communes entourant le village de Leipzig (aujourd'hui son centre) ont été progressivement intégrées pour former une ville, devenant ainsi des quartiers (Stadtteil). On en dénombre environ une centaine, suivant la manière dont on les compte.
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+
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+ Après la Réunification allemande, les autorités de Leipzig ont procédé à une réforme territoriale divisant la ville en dix arrondissements municipaux (Stadtbezirk) comprenant 95 localités (Ortsteil). Ces localités ne correspondent pas toujours aux quartiers antérieurs. Par volonté d'uniformisation administrative et démographique, certains quartiers ont été divisés en plusieurs localités, d'autres ont été regroupés pour former une seule localité.
62
+
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+ Depuis 1994, le maire, Oberbürgermeister, préside le Stadtrat, conseil municipal. Il est élu directement par les citoyens (deux tours). Il faut donc distinguer l'élection du maire et celle du conseil municipal, qui n'ont pas lieu en même temps.
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+
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+ En avril 2005, Wolfgang Tiefensee est réélu maire SPD dès le premier tour avec 67 % des voix. Pourtant, en novembre 2005, il accepte d'entrer au gouvernement de grande coalition d'Angela Merkel, où il était ministre fédéral des Transports, de la Construction et du Développement urbain.
66
+
67
+ Les nouvelles élections en février 2006 voient la victoire de Burkhard Jung (SPD), élu au second tour avec 51,6 %. Il lui faut pourtant composer avec un conseil municipal original : 19 sièges au SPD, 19 au PDS, 19 à la CDU, 7 aux die Grünen.
68
+
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+ Les résultats des deux dernières élections municipales sont les suivantes [9],[10]:
70
+
71
+ La dernière élection du bourgmestre de Leipzig le 27 janvier (1er tour) et 17 février 2013 (2e tour) a vu la reconduction du maire SPD Burkhard Jung.
72
+
73
+ Résultat en %.
74
+
75
+ La ville de Leipzig couvre deux circonscriptions électorales : la 153e, Leipzig I, et la 154e, Leipzig II. Actuellement, les deux députés lipsiens du Bundestag élus directement sont issus de la CDU. Il s'agit de Peter Feist et de Bettina Kudla, ancienne maire adjointe chargée des finances, réélus tous deux en septembre 2013. Wolfgang Tiefensee, qui fut maire de Leipzig, et qui a été de 2005 à 2007 ministre fédéral du gouvernement Merkel (il avait en 2002 décliné une première fois un poste ministériel dans le gouvernement de Gerhard Schröder) chargé, outre des transports, était également responsable des questions relatives aux nouveaux Länder, c'est-à-dire ceux issus de l'ancienne Allemagne de l’Est, est élu au scrutin proportionnel de liste, tout comme deux autres députées, respectivement sociale-démocrate et des Verts, contrairement à la majeure partie de la Saxe qui reste largement ancrée dans le camp des conservateurs. L'ancienne député de Die Linke, Barbara Höll, candidate à la mairie en janvier, n'a pas retrouvé son siège du fait d'un nombre insuffisant de voix qui se sont portées sur la liste du parti.
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+
77
+ Depuis 2002, Lepizig abrite le siège du Tribunal administratif fédéral, instance suprême des juridictions administratives en Allemagne.
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+
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+ La ville de Leipzig est jumelée avec [12]:
80
+
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+ La découverte au XVIe siècle de mines d'argent, dans les montagnes voisines de l'Erzgebirge, a longtemps assuré la richesse de Leipzig.
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+
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+ Leipzig est une ville de commerce connue pour ses foires.
84
+
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+ L'activité économique de Leipzig a retrouvé son dynamisme avec l’installation récente d'entreprises comme Siemens, Porsche ou BMW. À côté de Francfort-sur-le-Main, Munich, et Stuttgart, Leipzig tend à devenir un important centre bancaire et financier. À l'automne 2006, Amazon y construit son plus grand centre logistique allemand anticipant ainsi le déménagement du hub intercontinental de l'entreprise postale DHL qui quittera l'aéroport de Bruxelles en 2008. Cela devrait, selon DHL, aboutir à la création de trois mille cinq cents emplois directs sur l'aéroport de Leipzig-Halle. Son industrie est dominée par le secteur de la construction automobile (BMW) et électrique. Toutefois, le taux de chômage reste élevé (11,5 %) quoiqu'en net recul, comparé aux autres villes de l'Est de l'Allemagne et surtout par rapport à la moyenne fédérale de l'ordre de 6,5 % environ.
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+
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+ En outre, les foires, qui font partie de l'histoire et de l'identité de la ville, participent à ce renouveau économique. Les foires de Leipzig, confrontées à une vive concurrence nationale (foires de Hanovre, Francfort et Düsseldorf), organisent avec succès le salon international de l'automobile, la Games Convention (le plus grand salon européen de jeux vidéo ouvert au public), et la foire du livre (au printemps), un événement qui donne lieu à de nombreuses lectures publiques et autres manifestations culturelles en ville.
88
+
89
+ MDR est l'une des neuf stations du groupement public de télé-radiodiffuseur allemand ARD. Son siège et les plateaux de télévision se situent dans une Média-city du sud-est de la ville. La MDR, associée aux Länder de la Saxe, Saxe-Anhalt et de la Thuringe crée et diffuse des programmes télés, radios et a son propre orchestre symphonique et un chœur.
90
+
91
+ Le Leipziger Volkszeitung était un journal d'importance nationale pour le mouvement ouvrier. Il est aujourd'hui le seul quotidien local de Leipzig. Le Kreuzer est un mensuel spécialiste de la culture, des festivités et de l'art à Leipzig.
92
+
93
+ Plusieurs radios privées émettent aussi depuis Leipzig, entre autres PSR, NRJ Sachsen, Mephisto 97,6, la radio universitaire...
94
+
95
+ La gare centrale de Leipzig, inaugurée en 1915, est un nœud important de transport de passagers. Des départs d'InterCityExpress toutes les heures pour Hambourg en passant par Berlin, pour Munich via Nuremberg, pour Francfort-sur-le-Main via Erfurt, et pour Dresde.
96
+
97
+ L'aéroport international Leipzig/Halle se situe au nord-ouest de la ville, directement relié aux réseaux autoroutier et ferroviaire régional (et à partir de 2015 aux lignes grande vitesse du InterCityExpress)
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+
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+ Plusieurs autoroutes passent près de Leipzig. Au Nord l'A14, à l'ouest l'A9, et au sud l'A38. Les trois autoroutes forment un triangle autour de Leipzig et Halle.
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+
101
+ Les transports en commun sont assurés depuis 1917 par la société LVB. Ils représentent aujourd'hui 14 lignes de tramway, 30 lignes régulières de bus (dont la plus longue fait 22 km), ainsi que 4 lignes de S-Bahn.
102
+
103
+ Le City-Tunnel (ouvert le 14 décembre 2013) crée un axe ferroviaire nord-sud sous le centre ville, évitant ainsi aux trains régionaux en direction de Plauen et de Bitterfeld d'avoir à contourner la ville. Les trains s'arrêtent à quatre stations souterraines: Hauptbahnhof (gare centrale de Leipzig), Markt, Willhelm-Leuschner-Platz, et Bayrischer Bahnhof. En plus, 3 nouvelles stations ont été construites dans le réseau: Leipzig Nord au nord de la gare centrale, et Leipzig MDR et Leipzig Connewitz au sud du Bayrischer Bahnhof.
104
+
105
+ Fondée en 1409, l’Alma Mater Lipsiensis est considérée comme la deuxième plus ancienne université de langue allemande (après Vienne) qui ait fonctionné sans discontinuité. En 1953, dans la RDA, elle prit le nom d'Université Karl Marx qu'elle perdit en 1991.
106
+
107
+ Elle compte aujourd'hui 14 facultés et plus institut pour près de 35 000 étudiants. Y étudièrent des lauréats du prix Nobel comme Werner Heisenberg, Gustav Hertz, Nathan Söderblom et Wilhelm Wundt.
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109
+ Parmi les autres célèbres étudiants, on peut relever Johann Gottlieb Fichte, Goethe, Erich Kästner, Gottfried Wilhelm Leibniz, Karl Liebknecht, Friedrich Nietzsche, Richard Wagner...
110
+
111
+ Les bâtiments principaux de l'université sont actuellement en travaux selon le projet de l'architecte néerlandais Erick van Egeraat. L'inauguration coïncidera avec le jubilé de l'Alma Mater Lipsiensis (automne 2009) (voir architecture)
112
+
113
+ La bibliothèque universitaire est antérieure à l'université elle-même puisqu'elle fut fondée en 1274. Elle a retrouvé son site exceptionnel de l'Albertina, et possède plus de 6 millions d'ouvrages, une collection de 173 000 pièces et médailles, de nombreux portraits et cartes, ainsi que quelques trésors comme une des 4 parties du Codex Sinaiticus et une Bible imprimée par Gutenberg.
114
+
115
+ (nous nommons ici « grande école » une Hochschule, c'est-à-dire un établissement de rang universitaire)
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117
+ L'école de musique et de théâtre « Felix Mendelssohn Bartholdy », fondée en 1843, est la première grande institution musicale allemande.
118
+
119
+ L'école de commerce de Leipzig (HHL) fondée le 25 avril 1898, est aussi la plus ancienne grande école de commerce d'Allemagne.
120
+
121
+ L'école de graphisme et d'art du livre (HGB) est la troisième grande école de Leipzig, fondée en 1764. Aujourd'hui 450 étudiants sont répartis entre quatre parcours universitaires : peinture/graphisme, art du livre/design, photographie, et art des médias.
122
+
123
+ C'est une ville à grande tradition culturelle ; la création, dès 1409, de l'université va y catalyser l'essor de l'industrie de l'édition, consacrée en 1912 par l'installation de la Bibliothèque allemande. Cette dernière sera intégrée après la réunification à l'institution Les Bibliothèques allemandes (depuis 2007 Bibliothèque nationale allemande -DNB-) l'équivalent de la Bibliothèque nationale de France. Une Bibliothèque nationale allemande sur trois sites : Leipzig, Francfort et Berlin pour les archives musicales.
124
+ En 1894, c'était la Bibliothèque centrale allemande à l'attention des aveugles qui s'était installée en ville.
125
+
126
+ Leipzig était le centre traditionnel de nombreuses grandes maisons d'édition en Allemagne. Toutefois, malgré la chute du mur, Leipzig a perdu cet atout majeur qui participait à sa renommée internationale comme l'illustre le cas de l'éditeur Reclam-Verlag. Cette maison fondée à Leipzig en 1828 fut divisée en deux entités en 1947, avec une refondation à Stuttgart en zone d'occupation américaine. Après la réunification, la maison de Leipzig continua d'éditer sous le nom de « Reclam-Leipzig » jusqu'au début de l'année 2006 lorsque l'intégration à la maison de Stuttgart fut complète. Le nom de « Reclam-Leipzig » est désormais une marque de Reclam-Verlag.
127
+
128
+ Depuis 1959, la ville remet tous les deux ans le prix Gutenberg.
129
+
130
+ Jean-Sébastien Bach compose la majorité de ses œuvres sacrées à Leipzig alors qu'il est cantor à l'église Saint-Thomas, de 1723 à sa mort en 1750. À ce poste, il écrit plus de 200 cantates, dont 126 nous sont parvenues. Son tombeau se trouve dans le chœur de l'église. Chaque année depuis 1908, est organisé le Bachfest Leipzig (Festival Bach de Leipzig) avec un thème différent autour de Bach.
131
+
132
+ L'orchestre du Gewandhaus, une autre institution musicale de cette ville, est un orchestre symphonique qui a vu se succéder les chefs les plus illustres, Felix Mendelssohn, Arthur Nikisch et Kurt Masur, chef d'orchestre contemporain de renommée internationale.
133
+
134
+ En 1843, Felix Mendelssohn et Robert Schumann fondent l'École supérieure de musique et de théâtre Felix Mendelssohn Bartholdy de Leipzig.
135
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136
+ L'opéra de Leipzig est inauguré en 1960 et le Gewandhaus, le troisième du nom, en 1981.
137
+
138
+ C'est à la Pentecôte tous les ans depuis 1992, que se tient à Leipzig le plus grand festival dark, gothique et industriel au monde, le Wave-Gotik-Treffen, qui attire à chaque fois environ 27 000 festivaliers venus de toute l'Europe. Le festival comprend de multiples concerts et animations, disséminées partout dans la ville, et des marchés médiévaux.
139
+
140
+ Leipzig est la ville natale de Richard Wagner, de Bill et Tom Kaulitz, et aussi de Till Lindemann, le chanteur du groupe de metal industriel allemand Rammstein.
141
+
142
+ Elle est également la ville natale du DJ et compositeur électronique Paul Kalkbrenner.
143
+
144
+ Du fait de la baisse de population durant le XXe siècle (il y a à Leipzig 195 317 habitants de moins en 2010 qu'en 1930), Leipzig a de nombreux espaces vacants, des hangars industriels en ruines et des appartements vides. Les bâtiments sont depuis les années 1990 progressivement rénovés, mais moins rapidement qu'à Dresde, capitale de la Saxe où plus de subventions sont débloquées[13],[14]. Ce qui fait que l'immobilier et les loyers ont des prix parmi les plus bas d'Allemagne[15] et de nombreux étudiants viennent à Leipzig pour en profiter. Ces friches industrielles vides, appelées Lost Place dans le jargon germano-anglais, sont souvent visitées par les promeneurs ou les adeptes des géocaches, quoique l'entrée est parfois interdites pour cause de propriété privée et/ou de danger d'accidents (chute de pierres...).
145
+
146
+ Outre les artistes qui louent ou occupent des ateliers dans des bâtiments vacants comme à Westwerk ou dans la Spinnerei dans le quartier de Plagwitz, la ville a voulu favoriser le logement alternatif (pour dans le même temps éviter la multiplication des squats) avec les Wächterhäuser, des immeubles en ruines que la ville loue à très bas prix à des personnes qui rénovent leurs propres appartements. Pour ce faire, la ville de Leipzig collabore avec l'association HausHalten e.V[16],[17].
147
+
148
+ Puisque Leipzig est une ville étudiante et qu'il y a peu de différence d'altitude, il y a une concentration importante de cyclistes : 14,4 % des véhicules dans les rues de Leipzig sont des vélos. Il est prévu que ce chiffre atteigne 17 % en 2015. Des vélorutions sont régulièrement organisées pour promouvoir ce moyen de transport non polluant, quoique les vélorutionnaires aient quelquefois maille à partir avec les forces de l'ordre[18]. Différentes ONG sont situées à Leipzig, et particulièrement à la Haus der Demokratie (Maison de la démocratie) dans le quartier de Connewitz, comme Greenpeace, le Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (BUND) (organisation allemande des Amis de la Terre) ou Ökolöwe[19] (le lion écolo), une association locale environnementale.
149
+
150
+ Les Volxküchen sont particulièrement nombreuses à Leipzig, plus que dans n'importe quelle autre ville allemande[20]. Les Vokü sont situées dans des centres autonomes ou des salles de concerts alternatifs. Leipzig a un magasin gratuit[21]. Leipzig a aussi une association locale de ville en transition[22] et de système d'échange local avec une monnaie alternative : le Lindentaler, qui devrait aussi procurer à terme à ses membres une allocation universelle[23].
151
+
152
+ Dans le centre ville se trouvent deux églises célèbres d'Allemagne, la Thomaskirche (église Saint-Thomas) et la Nikolaikirche (église Saint-Nicolas).
153
+
154
+ L’église Saint-Thomas était l'église de Jean-Sébastien Bach, où il était Kantor (en français cantor, maître de chapelle). Il devait diriger la ''Thomasschule (l'école, ou maîtrise Saint-Thomas) et y composa la plus grande partie de son œuvre religieuse. Ses restes reposent depuis la Seconde Guerre mondiale dans le chœur de l'église et deux monuments à sa mémoire ont été érigés près de Saint-Thomas.
155
+ Le Thomanerchor (chœur de Saint-Thomas), chorale d'une centaine de jeunes garçons, dont l'histoire remonte au XIIIe siècle, est l'un des plus connus d'Allemagne. Les choristes (appelés en allemand Thomaner), âgés de 8 à 18 ans, fréquentent un lycée-internat où ils suivent un enseignement orienté vers la musique et les langues étrangères.
156
+ La plus grande partie de l'édifice est en style gothique tardif, de la fin du XVe siècle. L'intérieur et le portail principal (à l'ouest) sont en style néo-gothique du XIXe siècle. Depuis 1993 on y trouve le retable gothique de l'église Saint-Paul, détruite par le régime communiste en 1968.
157
+
158
+ L’église Saint-Nicolas fut le théâtre de la révolution pacifique de l'automne 1989 qui précipita la chute du régime est-allemand. Tous les lundis, après la traditionnelle prière pour la paix, elle était le point de départ de manifestations qui gagnèrent rapidement en ampleur, débordant les autorités. Un monument reprenant la forme d'une colonne de l'église rappelle ces moments historiques.
159
+
160
+ L’église orthodoxe russe du souvenir fut érigée en 1913, à l'occasion des festivités célébrant la victoire sur Napoléon lors de la bataille des Nations de 1813. Elle célèbre les soldats russes tombés lors de cette bataille.
161
+
162
+ Monument de la synagogue : Au coin des rues Zentralstrasse et Gottschedstrasse, le site de l'ancienne synagogue, détruite lors de la nuit de Cristal, a été aménagé en monument.
163
+
164
+ L’Église Saint-Pierre de Lepizig (Peterskirche) était autrefois située dans le centre ville, à l'extrémité sud de la Peterstrasse. À la suite d'une politique ambitieuse d'urbanisme au XIXe siècle, l'église fut détruite et une nouvelle église Saint-Pierre, de style néogothique, fut érigée plus au sud. L'église subit actuellement d'importants travaux. Sa rénovation sera longue, car seulement financée par les dons des fidèles.
165
+
166
+ L'ancien hôtel de ville, l'Altes Rathaus sur la place du marché, de style renaissance allemande, érigé en 1556-1557 dans un temps record (9 mois) par Hieronymus Lotter, architecte et maire de la ville. L'asymétrie qu'il présente (de par sa tour) en fait pour l'époque un bâtiment avant-gardiste. Il est bâti tout en longueur et orné d'une belle façade Renaissance.
167
+
168
+ Hieronymus Lotter, de la famille des Lotter, était le maire mais aussi un architecte de Leipzig. Il fit construire également l'Ancienne Balance (Alte Waage) (1555) sur la place du marché, où, lors des foires de Leipzig, les produits soumis aux droits de douanes étaient déclarés, et éventuellement pesés. Il est également l'architecte du Bastion Maurice (Moritzbastei), un chef-d'œuvre réputé imprenable. Une réputation mise à mal lorsque les troupes suédoises s'emparèrent de la ville lors de la guerre de Trente Ans. Dans ses galeries remises à jour dans les années 1970 s'est installé un haut lieu de la vie étudiante de l'université voisine (soirées, concerts, expos, lectures…).
169
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170
+ Le nouvel hôtel de ville (1905), le Neues Rathaus, du début du XXe siècle sur le site de l'ancienne forteresse le Pleissenburg. Sa tour, avec 114 mètres, est la plus haute tour d'hôtel de ville d'Allemagne. Il devait symboliser, en 1905, la puissance de la quatrième ville d'Allemagne.
171
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172
+ Les passages du centre ville :
173
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174
+ La Vieille Bourse (1678-1687) sur la place Naschmarkt, dans un style baroque, abritait les réunions des marchands de Leipzig. Reconstruite après les bombardements de la Deuxième Guerre mondiale, elle accueille aujourd'hui lectures, concerts, expositions.
175
+
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+ Les maisons bourgeoises baroques : Au coin des rues Brühl et Katharinenstrasse se situe la Romanushaus, autrefois maison bourgeoise, aujourd'hui abritant appartements et commerces, elle fut construite entre 1701 et 1703 par Johann Gregor Fuchs pour Franz Conrad Romanus (1671-1756), maire de Leipzig depuis 1701. Pour faire construire cette somptueuse maison baroque, il utilisa des fonds publics. Le scandale éclata, et Romanus fut condamné à 45 ans de prison.
177
+
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+ Dans l'Empire allemand nouvellement fondé, Leipzig accueillit la plus haute instance juridique, le Reichsgericht, dans un palais érigé à la fin du XIXe siècle au sud-ouest du centre ville. C'est dans cet édifice qu'eut lieu le procès de l'incendie du Reichstag. Aujourd'hui, il est le siège du Tribunal fédéral administratif, une des cinq hautes cours de justice de l'État fédéral.
179
+
180
+ L'Albertina abrite depuis 1891 la bibliothèque universitaire. Détruite par les bombardements (mais la grande majorité des volumes avait été déplacée), l'Albertina fut reconstruite dans les années 1990. Ce véritable palais consacré aux livres présente une architecture et une décoration intérieure étonnantes pour une bibliothèque universitaire.
181
+
182
+ L'Augustusplatz (l'ancienne Karl-Marx-Platz) est une des places les plus vastes d'Allemagne (40 000 m2 c’est-à-dire plus que l'Alexanderplatz à Berlin). Située à l'extrémité est du centre ville, elle n'était encore à l'époque moderne, qu'un simple terrain où patientaient parfois les marchands qui se rendaient aux foires de Leipzig en entrant par la porte de Grimma. C'est aujourd'hui une place centrale par les institutions qui la bordent (université, poste, opéra, orchestre du Gewandhaus…) et en tant que nœud de communication (parking souterrain, boulevard, lignes de tramway).
183
+ Nommée ainsi en l'honneur d'Auguste le Fort, elle était appelée la Karl-Marx Platz sous le régime de la RDA qui voulait en faire une vitrine régionale du régime. Les autorités décident de ne pas reconstruire les bâtiments à l'identique comme ce fut le cas pour le forum de Berlin (Université - Opéra - Bibliothèque) et à Dresde (Opéra Semper - Zwinger) ; et même de faire sauter l'église Saint-Paul (église de l'université) où Jean-Sébastien Bach jouait de l'orgue. C'est pourquoi, mis à part le Krochhochhaus (antérieur), les bâtiments présentent encore la marque de l'architecture socialiste. Elle a fait l'objet d'une rénovation complète.
184
+
185
+ Le Krochhochhaus, érigé en 1928, était à l'époque le bâtiment le plus haut de la région. Si bien qu'en 1927, de nombreuses voix s'élevèrent contre la construction de ce « gratte-ciel ». Pour les quatre derniers étages, l'architecte n'eut le droit que d'ériger la façade, en attendant que leur utilité fût prouvée. Le Krochhochhaus est couronné d'une cloche que martèlent les deux sonneurs (selon le modèle de celle de la place Saint-Marc de Venise). La tour est nommée ainsi d'après le banquier Hans Kroch qui en avait fait la commande.
186
+
187
+ La tour de la ville (anciennement tour de l'université, aujourd’hui : City-Hochhaus). Composante de l'université, elle accueillait les séminaires de différentes facultés. Il s'agit aujourd'hui d'une tour de bureaux, bien intégrée à la silhouette de la ville. Du dernier étage (où se trouve un restaurant) on accède à la terrasse qui offre la meilleure vue sur le centre de Leipzig. On la désigne souvent à tort comme le siège de la MDR à cause du logo qui en coiffe le sommet.
188
+
189
+ L'Opéra construit de 1956 à 1960 à l'emplacement même de l'opéra détruit par les bombardements alliés. L'édifice se veut alors un trait d'union entre la tradition et le moderne, et est considéré aujourd'hui comme un exemple de l'architecture est-allemande de son temps.
190
+
191
+ Le Nouveau Gewandhaus, élevé en 1981, face à l'opéra, à la place de l'ancien musée, abrite une institution musicale allemande : l'orchestre homonyme (voir à ce nom). Le bâtiment résolument moderne du Gewandhaus resplendit surtout les soirs de concert quand, illuminé, il dévoile aux passants, à travers son front vitré, l'immense fresque intérieure.
192
+
193
+ L'université aujourd'hui et demain : le site central de l'université est, depuis 2005, l'objet d'importants travaux. En 2009, seront inaugurés les nouveaux bâtiments ; une nouvelle Mensa (restaurant universitaire), les bâtiments abritant les amphis ont été entièrement repensés, et les nouveaux bâtiments donnant sur l'Augustusplatz offriront aux passants une étonnante façade. Un nouveau bâtiment reprendra aussi les dimensions de l'ancienne église Saint-Paul, l'église de l'université dynamitée en 1968 sur décision de Walter Ulbricht. La reconstruction de cette église est une question polémique qui continue aujourd'hui d'alimenter les débats. Le projet architectural est désormais définitif : les dimensions du bâtiment et sa façade évoqueront celles d'une église. La polémique porte aujourd'hui sur la décoration intérieure : doit-on y réinstaller les sculptures, objets sacrés qui ont été sauvés en 1968 ? La structure intérieure du bâtiment doit-elle être dominée par des colonnes et nefs ? (le dernier rebondissement de l’« affaire » prévoit des colonnes qui se « dématérialiseraient » étant composées, du plafond au sol, de pierre, puis de verre, et enfin de lumière ; ses détracteurs les ont déjà surnommées les « stalactites »)[24].
194
+
195
+ La gare centrale de Leipzig érigée en 1915 avec son immense hall transversal de 267 m de long sur 32 m de large et ses deux halls d'entrée. Fort délabrée depuis la Seconde Guerre mondiale, elle a été restaurée à partir de 1995. En l'espace de deux ans, les halls ont été restaurés et un complexe commercial de 30 000 m2 a vu le jour sur trois niveaux.
196
+
197
+ Le Monument à la Bataille des Nations (Völkerschlachtdenkmal) au sud-est de la ville commémore cette bataille. Ce monument colossal fut utilisé à des fins idéologiques tour à tour par les nazis (lieu d'une grande victoire du peuple allemand, les nazis y ont organisé des démonstrations visuelles) et par le régime du SED (idéal du rapprochement avec la Russie, de l'amitié germano-soviétique). En 2013, pour son centenaire, le monument aura perdu la noirceur de sa façade : une vaste opération de nettoyage au laser a commencé en juillet 2005.
198
+
199
+ Le Nouveau monument dédié à Jean-Sébastien Bach érigé en 1908 près de l'église saint Thomas. Sur une socle de 3,20 m ; la statue de bronze de 2,45 m représente le maître et son orgue.
200
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201
+ Le Goerdelerdenkmal, le monument à Goerdeler, maire de Leipzig et Résistant, exécuté en 1945 par les autorités du Reich. Ce monument situé à proximité du Nouvel hôtel de ville est un puits de cinq mètres, an fond duquel se trouve une cloche qui sonne plusieurs fois par jour. La nuit, une colonne de lumière jaillit du puits.
202
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203
+ Sur le Naschmarkt, la place située derrière l’Ancien hôtel de ville, et devant la Vieille Bourse, on peut admirer le monument dédié à Goethe, statue de bronze sur un socle de granit, dévoilé en 1903, il rappelle que Goethe fut étudiant à Leipzig.
204
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205
+ Près de Goerdellering, au nord-ouest du centre-ville, se trouve une statue de Samuel Hahnemann, fondateur de l'homéopathie. Hahnemann a étudié la médecine à Leipzig, et c'est aussi dans cette ville qu'il forma ses premiers disciples.
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+ Leipzig a organisé à deux reprises les championnats du monde de cyclisme sur route en 1934 et 1960.
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209
+ En 2003, Leipzig est désignée par le Comité olympique allemand (voir Deutscher Olympischer Sportbund) pour être la ville candidate à l'organisation des Jeux olympiques d'été de 2012, devant Hambourg, Francfort-sur-le-Main, Stuttgart, et Düsseldorf. Toutefois Leipzig ne fait pas partie des cinq villes finalistes retenues par le Comité international olympique. Elle accueille les olympiades des métiers en 2013.
210
+
211
+ La ville accueille les championnats du monde d'escrime en 2005 et 2017, ainsi que les championnats d'Europe en 2010.
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+ En 2006, le Zentralstadion accueille plusieurs matchs de la Coupe du monde de football.
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+ 2004, inauguration du Zentralstadion sur le site de l'ancien stade central qui avait une capacité de 100 000 spectateurs. Le nouveau à une capacité de 45 000 places assises couvertes.
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+ 2002, inauguration de l'ARENA Leipzig, salle omnisports.
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+ En outre, Leipzig compte plus de 400 centres sportifs (23 piscines et 14 complexes de sports aquatiques, 128 salles de sport, 4 stades, plusieurs trajets d'inlineskate, 71 terrains de sport...), 300 clubs sportifs, un lycée et une faculté de sciences sportives.
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+ La ville compte plusieurs clubs de football. On peut notamment citer le Lokomotive Leipzig, finaliste de la Coupe d'Europe des vainqueurs de coupe de football en 1987 et trois fois champion d'Allemagne, ainsi que le Sachsen Leipzig qui évolue en quatrième division. En 2009, le groupe Red Bull fonde le club du RB Leipzig qui évolue actuellement en Bundesliga.
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+ Dans les autres sports, Leipzig est représenté par la section handball du SC DHfK Leipzig chez les hommes et était, avant que le club ne fasse faillite, également par le Handball-Club Leipzig chez les femmes, cette dernière formation est particulièrement bien titrée avec deux Coupe des clubs champions.
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+ Panthera onca
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+ Espèce
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+ Répartition géographique
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+ Statut de conservation UICN
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+ NT  : Quasi menacé
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+ Statut CITES
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+ Le jaguar (Panthera onca) est un mammifère carnivore de la famille des Felidae. C'est l'un des cinq « grands félins » du genre Panthera, avec le tigre, le lion, la panthère des neiges et le léopard. Son aire de répartition actuelle s'étend du Mexique à la majeure partie de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, jusqu'au nord de l'Argentine et du Paraguay. Hormis des errances occasionnelles de spécimens originaires du Mexique, le jaguar est une espèce extirpée des États-Unis depuis le début des années 1970. En France sa présence à l'état sauvage se limite à la Guyane.
14
+
15
+ Ce félin tacheté ressemble physiquement au léopard, mais il est généralement plus grand et d'apparence plus massive. En outre son habitat et son comportement sont plus proches de ceux du tigre. Bien que la forêt tropicale dense constitue son habitat de prédilection, le jaguar s'accommode d'une large variété de milieux ouverts et boisés. Il est fortement associé à la présence de l'eau et, comme le tigre, il aime nager. C'est un prédateur solitaire qui chasse à l'affût, tout en étant opportuniste dans la sélection des proies. C'est aussi un superprédateur qui joue un rôle important dans la stabilisation des écosystèmes et la régulation des populations qu'il chasse. Il a développé une puissance de morsure exceptionnelle, même par rapport aux autres grands félins, ce qui lui permet de percer les carapaces des reptiles et d'employer une méthode de mise à mort inhabituelle : il mord directement le crâne de sa proie et porte ainsi un coup fatal au cerveau.
16
+
17
+ Le jaguar est une espèce quasi menacée (NT) selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et ses effectifs sont en baisse. Il est notamment menacé par la destruction de son habitat, plus ou moins liée à la fragmentation écopaysagère. Alors que le commerce international des jaguars ou de leurs dérivés est interdit, cet animal est encore régulièrement chassé par l'humain, en particulier lorsqu'il entre en conflit avec les éleveurs et les agriculteurs d’Amérique du Sud. Bien que de plus en plus réduite, son aire de répartition reste large.
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+
19
+ Compte tenu de sa répartition historique, le jaguar a figuré en bonne place dans la mythologie de nombreuses cultures amérindiennes, notamment celles des Mayas et des Aztèques.
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+
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+ La tête est robuste et la mâchoire extrêmement puissante. Les oreilles sont rondes, de couleur noire au revers avec une tache blanche au milieu, pour les individus non mélaniques. La pupille est ronde. Il a été suggéré que la morsure du jaguar est la plus forte de tous les félidés ; cette force permettant même de percer les carapaces de tortues[1]. Une étude comparative de la force de la morsure en fonction de la taille du corps classe le jaguar comme le plus puissant des félidés, ex-æquo avec la panthère nébuleuse mais devant le lion et le tigre[2]. Cela lui confère une méthode de mise à mort inhabituelle : il mord directement dans le crâne de sa proie et livre un coup fatal au cerveau[1],[3]. Il a été rapporté qu'un jaguar « peut traîner un taureau de 360 kg sur 8 m dans ses mâchoires et broyer même les os les plus robustes[4] ». Le jaguar chasse des animaux sauvages pouvant peser jusqu'à 300 kg dans la jungle dense, et son physique court et robuste est donc une adaptation à ses proies et à son environnement.
22
+
23
+ Félin trapu et plutôt court sur pattes, le jaguar est cependant très habile à l'escalade, l'exploration et la natation[5]. Dans son aire de répartition, il ne peut être confondu avec aucun autre félin : seul le puma (Puma concolor) peut être aussi gros que lui mais celui-ci est de couleur fauve. Toutefois, le jaguar ressemble au Léopard (Panthera pardus) qui vit en Afrique et en Asie. Les deux animaux peuvent être distingués par leurs rosettes : celles du jaguar sont plus grandes, moins nombreuses, généralement plus sombres et ont des lignes plus épaisses et de petites taches dans le milieu que le léopard n'a pas. Les jaguars ont également une tête plus arrondie et courte que le léopard, et un aspect bien plus massif[6]. Comme les félins de l'Ancien Monde, le jaguar possède dix-neuf paires de chromosomes[7]. Dans la nature, le jaguar réagit à la cataire[7].
24
+
25
+ Le jaguar est le plus gros félin sauvage des Amériques, surpassant légèrement le puma, et le troisième au monde après le tigre et le lion[8]. Il existe d'importantes variations de taille parmi sa population selon les régions et les habitats, le poids de l'animal tendant à augmenter au sud de son aire de répartition.
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+
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+ Le poids moyen varie du simple (en Amérique centrale) au double (dans le Pantanal brésilien et les plaines du Venezuela) : il a été estimé, pour les mâles, entre 56 et 102 kg, et pour les femelles, entre 41 et 72 kg[9]. Une étude du jaguar dans la réserve de biosphère de Chamela-Cuixmala, sur la côte mexicaine de l'océan Pacifique, a montré des individus de seulement 30 à 50 kg, poids proche de celui du puma[10]. En revanche, une étude des jaguars dans la région du Pantanal brésilien montre un poids moyen de 100 kg[11]. Les jaguars vivants dans les milieux forestiers denses sont souvent plus sombres et beaucoup plus petits que ceux qu'on trouve dans les espaces ouverts, probablement en raison du moins grand nombre de proies herbivores dans les zones forestières[12]. Les mâles les plus lourds ont été pesés à 158 kg[13],[14], ce qui correspond environ au poids d'une tigresse ou d'une lionne, et les plus petits individus adultes connus ont un poids extrêmement faible de 36 kg[14].
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+
29
+ La longueur du jaguar varie d'un minimum de 1,12 mètre pour les femelles[14] et 1,4 mètre pour les mâles à un maximum de 1,7 mètre pour les femelles et 1,85 mètre pour les mâles. La queue mesure de 55 à 65 cm pour les mâles et 43 à 60 cm pour les femelles. L'animal fait environ 68 à 76 cm de hauteur au garrot[15]. Les femelles sont généralement plus petites que les mâles de 10 à 20 %.
30
+
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+ Le pelage du jaguar est généralement jaune tacheté, mais peut aller du brun au noir. Le dessous de l'animal, la gorge, la face intérieure de la patte et le bas des flancs sont de couleur plus claire, proche du blanc. Le jaguar est couvert de rosettes de camouflage lui permettant de se dissimuler dans la forêt amazonienne, son habitat. Les taches varient sur l'individu même et entre les individus : les rosettes peuvent inclure un ou plusieurs points, et la forme des points varie. Les taches sur la tête, le cou et la queue sont bien distinctes des autres taches : elles sont pleines (sans rosette). Sur le cou, les taches se rejoignent pour former des rayures[8].
32
+
33
+ Les formes mélaniques existent dans l'espèce. La forme mélanique avancée touche environ six pour cent de la population[16]. Le mélanisme est le résultat d'un allèle dominant[17] : une mutation du gène MC1R favorise la production de mélanine[18]. Les jaguars mélaniques semblent entièrement noirs, mais leurs taches sont encore visibles si l'on regarde attentivement. Ils sont officieusement connus sous le nom de « jaguar noir », mais ne forment pas une espèce ou une sous-espèce distincte. Les individus touchés par l'albinisme, parfois appelés « jaguars blancs », sont rares mais existent chez les jaguars, comme chez les autres grands félins[12]. Il est très fortement suspecté que la forme mélanique soit associée à des facteurs environnementaux, et notamment aux forêts tropicales denses et humides[18].
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+
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+ Les rosettes restent visibles malgré la livrée noire.
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+
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+ Les formes mélaniques, bien que dépendantes d'un allèle dominant, restent rares.
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+
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+
41
+ Le jaguar est le seul membre du genre Panthera existant au Nouveau Monde. Son étude ADN montre que le lion (Panthera leo), le tigre (Panthera tigris), le Léopard (Panthera pardus), le jaguar (Panthera onca), l'once (Uncia uncia) et la panthère nébuleuse (Neofelis nebulosa) partagent un ancêtre commun et que ce groupe ancestral se situe entre six et dix millions d'années[19]. Les preuves fossiles estiment l'émergence du genre Panthera à 2 ou 3,8 millions d'années[19],[20]. Les études phylogénétiques situent généralement la panthère nébuleuse à la base de ce groupe[19],[21],[22],[23]. La position des autres espèces, notamment celle de l'once, varie entre les études et est encore en suspens[19],[21],[23],[24],[Note 1].
42
+
43
+ Sur la base de données morphologiques, le zoologue britannique Reginald Innes Pocock a conclu que le jaguar est le plus étroitement lié au Léopard[23]. Toutefois, l'ADN n'apporte pas de preuve sur la position du jaguar par rapport aux autres espèces et cela varie entre les études[19],[21],[22],[23]. Les fossiles d'espèces éteintes Panthera, comme le jaguar européen (Panthera gombaszoegensis) et le lion américain (Panthera atrox), montrent à la fois les caractéristiques du lion et du jaguar[23]. La présence du jaguar est attestée par des fossiles de deux millions d'années[25]. C'est un félin américain depuis le passage du pont terrestre de Béringie au cours du Pléistocène. L'ancêtre immédiat de l'animal moderne était plus grand que le félin contemporain[26]. L'analyse de l'ADN mitochondrial du jaguar date l'apparition de l'espèce entre 280 000 et 510 000 ans, c'est-à-dire plus tard que le suggèrent les fossiles[27]. Panthera augusta ou Panthera onca augusta est un jaguar géant qui vivait sur un territoire correspondant aux États-Unis il y a 100 000 à 1,6 million d'années[28].
44
+
45
+ Arbre phylogénétique de la sous-famille Pantherinae[29]
46
+
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+ Neofelis nebulosa - Panthère nébuleuse
48
+
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+ Neofelis diardi - Panthère nébuleuse de Bornéo
50
+
51
+ Panthera tigris - Tigre
52
+
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+ Panthera uncia - Panthère des neiges
54
+
55
+ Panthera leo - Lion
56
+
57
+ Panthera pardus - Léopard
58
+
59
+ Panthera onca - Jaguar
60
+
61
+ Les premières subdivisions intra-spécifiques du jaguar comportaient 24 sous-espèces ; une délimitation taxonomique de l'espèce réalisée par Reginald Innes Pocock en 1939 a réduit le nombre de sous-espèces à huit[Note 2], sur la base des origines géographiques et de la morphologie du crâne[25]. Toutefois, il n'avait pas accès à suffisamment de spécimens pour évaluer de manière claire toutes les sous-espèces et il a exprimé des doutes sur plusieurs d'entre elles. En 1989, le chercheur K.L. Seymore ne sépare ces sous-espèces qu'en trois Panthera onca onca (regroupant P. o. onca et P. o. peruviana), Panthera onca hernandesii (regroupant P. o. centralis, P. o. arizonensis, P. o. veraecrucis et P. o. goldmani) et Panthera onca palustris[30].
62
+
63
+ Des études récentes ont également échoué à trouver des preuves de sous-espèces bien définies et ne sont plus reconnues[31]. En 1997, Shawn Larson a étudié la variation morphologique du jaguar et a montré qu'il y a un cline de la population selon l'axe nord-sud, mais aussi que la différence nord-sud est parfois plus grande qu'entre les populations des prétendues sous-espèces, et donc ne justifie pas l'affirmation de sous-espèces différentes[32]. Une étude génétique réalisée par Eduardo Eizirik et al. a en 2001, confirme l'absence d'une sous-structure géographique claire, mais cette étude a constaté que les principaux obstacles géographiques tels que l'Amazone, limitaient l'échange de gènes entre les différentes populations[27]. Une autre étude plus détaillée a confirmé cette prévision de la structure dans la population des jaguars de Colombie[26].
64
+
65
+ Désormais, les progrès des techniques d'investigation génétique permettent de déterminer les relations entre familles et espèces. Le jaguar apparaît comme le seul grand carnivore ayant une aire de répartition très étendue mais pas de sous-espèce. Autrement dit, les jaguars ont mélangé leurs gènes pendant des millénaires, et des individus du Nord du Mexique s'avèrent identiques à ceux du Sud du Brésil ; résultat possible uniquement par des échanges réguliers entre des groupes très éloignés les uns des autres[33].
66
+
67
+ Cependant, les sous-espèces de Pocock sont encore régulièrement utilisées[25], et selon Mammal Species of the World[34] et la base de données SITI[35], il existe neuf sous-espèces du jaguar, ajoutant au huit de Pocock Panthera onca paraguensis, lequel fut d'abord spécifié par des fossiles puis des animaux vivants[30]. Le Jaguar Species Survival Plan recommande toutefois de ne considérer aucune sous-espèce lors d'actions d'élevage conservatoire et d'éducation de la population[25] et l'Union internationale pour la conservation de la nature suit cette même recommandation[24].
68
+
69
+ Les femelles atteignent la maturité sexuelle à l'âge de deux à trois ans et les mâles entre trois et quatre ans[15]. Le jaguar est considéré comme actif tout au long de l'année dans la nature, bien que les naissances puissent augmenter lorsque les proies sont abondantes[36]. Les recherches sur les mâles en captivité confirment l'hypothèse de l'accouplement toute l'année, sans variation saisonnière dans le sperme et la qualité de l'éjaculation[37]. Toutefois, dans le nord de son aire de répartition, l'activité est plus intense en décembre-janvier, lorsque les proies sont plus nombreuses[38]. Un faible taux de reproduction a également été observé en captivité[37]. L’œstrus de la femelle est de 6 à 17 jours sur un cycle de 37 jours, et la femelle indique sa période de fécondité avec des marques urinaires et l'augmentation des grognements[36]. Ses appels peuvent attirer de un à trois mâles[38]. La copulation est brève mais fréquente, jusqu'à cent fois par jour[7].
70
+
71
+ Les couples se séparent après la reproduction, et la femelle prend la responsabilité entière des petits. La période de gestation dure de 91 à 111 jours et les femelles donnent naissance à deux à quatre petits[15], le plus souvent deux. La mère ne tolère pas la présence des mâles après la naissance des petits, par peur du cannibalisme, comportement qui se retrouve également chez le tigre[39].
72
+
73
+ Les jeunes qui pèsent entre 700 et 900 grammes à la naissance, sont aveugles et ouvrent les yeux au bout de deux semaines. À la naissance, leur fourrure laineuse est de couleur brun clair moucheté de gros points noirs. Ils sont sevrés à cinq mois[38] et à six mois ils commencent l'apprentissage de la chasse avec leur mère qui se poursuivra pendant un à deux ans avant que les petits quittent leur mère pour conquérir leur propre territoire[40]. Le répertoire vocal des jeunes est quasiment complet dès l'âge d'un an[38]. Les jeunes mâles sont d'abord nomades, rivalisant avec leurs homologues plus âgés jusqu'à ce qu'ils parviennent à revendiquer un territoire propre[11].
74
+
75
+ L'espérance de vie est estimée à 23 ans en captivité, ce qui le place parmi les félins avec la plus grande longévité[11]. Dans la nature, l'espérance de vie, estimée à quinze à seize ans, est habituellement calculée par l'étude de l'usure des dents[41] ; la récolte des données n'est pas aisée pour ce félin discret, vivant dans des milieux difficiles d'accès[41]. Une nouvelle méthode, basée sur le suivi à long-terme des pièges photographiques, permet une analyse plus fine[41]. La méta-analyse de photographies de 156 jaguars du Venezuela, du Brésil, des États-Unis, du Belize, du Costa Rica et d'Argentine a été réalisée en 2018[41]. Le record de longévité pour les mâles est de vingt ans et pour les femelles de treize ans[41]. L'espérance de vie des mâles et des femelles est respectivement de 14,8 ± 1,9 ans et de 11,3 ± 1,0 ans[41], toutefois une analyse sur des cohortes de trois ans d'âge montre qu'il est rare qu'un jaguar dépasse l'âge de quatorze ans dans la nature[41].
76
+
77
+ Comme la plupart des félins, le jaguar est solitaire dès qu'il quitte sa mère. Les adultes se réunissent uniquement pour la cour et la reproduction, bien que des tentatives de socialisation aient été observées de façon anecdotique[39]. Comme la plupart des félins, le jaguar est territorial. Les territoires des femelles peuvent se chevaucher même si les individus s'évitent les uns des autres en général. Le territoire des mâles couvre à peu près deux fois plus d'espace que celui des femelles et sa taille varie avec la disponibilité des proies et de l'espace ; les territoires des mâles ne se chevauchent pas[39],[42]. Les marques de griffes et les dépôts d'urine et d'excréments sont utilisés pour marquer le territoire[43].
78
+
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+ À l'instar des autres grands félins, le jaguar est capable de rugir et permet de mettre en garde à distance les autres individus sur les questions territoriales et d'accouplement. Le mâle peut le faire avec plus de force que la femelle. Des épisodes intenses d'échanges entre les individus ont déjà été observés dans la nature[44]. Leur vocalisation ressemble souvent à une toux répétitive ou des appels brefs et profonds, et les jaguars peuvent également émettre des miaulements, des grognements[11], des grondements et des soufflements. Le prusten est également émis lorsque deux jaguars se rencontrent de manière amicale[40]. Les combats entre mâles pour l'accouplement sont rares, et des comportements d'évitement ont été observés dans la nature[43]. Quand un combat se produit, le conflit est habituellement pour le territoire. Un territoire de mâle peut englober celui de deux ou trois femelles, et il ne tolère pas les intrusions d'autres mâles adultes[39].
80
+
81
+ Le jaguar est souvent décrit comme un chasseur nocturne, mais il est plus spécifiquement crépusculaire, c'est-à-dire avec un pic d'activité autour de l'aube et du crépuscule. Leur activité diurne principale est le repos dans un coin à l'ombre[28] ou baigné dans l'eau qu'il affectionne particulièrement[38]. Les individus des deux sexes chassent, mais les mâles se déplacent plus chaque jour que les femelles. Le jaguar peut chasser au cours de la journée si les proies sont disponibles et s'il n'est pas dérangé par l'Homme. C'est un félin assez énergique puisqu'il est actif 50 à 60 % de la journée[12]. Les mâles parcourent chaque semaine environ 2,5 km2[38].
82
+
83
+ Comme tous les félins, le jaguar est un carnivore. C'est un chasseur opportuniste et son régime alimentaire comprend 87 espèces[12]. Le jaguar préfère les grandes proies et chasse cervidés, serpents, capybaras, tapirs, pécaris, caïmans. Toutefois, le félin peut manger toutes les petites espèces qu'il peut capturer, y compris les grenouilles, poissons, des œufs, des paresseux, des singes et des tortues. Il peut également chasser le bétail[45], raison pour laquelle il est parfois tué par les éleveurs[46]. Contrairement à toutes les autres espèces du genre Panthera, le jaguar attaque très rarement l'humain[47]. Le jaguar est occasionnellement charognard : ce comportement a été rapporté au Brésil, au Costa Rica, au Honduras et au Mexique[48]
84
+
85
+ Au lieu d'utiliser la technique typique des Panthera, c'est-à-dire la morsure profonde dans la gorge pour provoquer la suffocation, il préfère une méthode de mise à mort unique parmi les félins : il perce l'os temporal du crâne avec ses canines, transperçant le cerveau. Cela est peut-être une adaptation aux carapaces de tortues, qui après la fin des extinctions du Pléistocène, sont devenues avec d'autres reptiles à carapace, une source abondante de proies pour le jaguar[44],[12]. Cette technique de morsure du crâne est employée particulièrement sur les mammifères, en particulier le capybara. Avec les reptiles comme les caïmans, le jaguar peut sauter derrière sa proie pour rompre ses vertèbres cervicales, immobilisant la cible. Capable de fissurer les carapaces de tortues, le jaguar peut vider la chair[39]. Pour les proies telles que les chiens, un coup de patte pour écraser le crâne peut être suffisant. Ses griffes rétractiles lui sont utiles pour maintenir la proie de ses pattes arrière, pendant que les pattes avant l'étouffent.
86
+
87
+ Le jaguar est un prédateur qui aime chasser à l'affût et tendre des embuscades. Le félin attaque d'un bond rapide à partir d'un endroit où il est couvert et, en général, d'un angle où la proie ne peut pas le voir. Les capacités de l'espèce à chasser à l'affût sont considérées comme inégalées dans le règne animal à la fois par les peuples autochtones et par les chercheurs, et sont probablement le produit de son rôle clé de prédateur dans des environnements très variés. L'embuscade peut être faite dans l'eau car le jaguar est tout à fait capable de transporter en nageant une grande proie morte ; sa force étant si importante que des carcasses de vaches peuvent être montées jusqu'en haut d'un arbre lors des inondations[39].
88
+
89
+ Une fois la proie morte, le jaguar va traîner la carcasse vers un fourré ou un autre endroit isolé. Il commence à manger le cou et le thorax, plutôt que l'abdomen. Le cœur et les poumons sont consommés, suivis par les épaules[39]. La quantité quotidienne de nourriture consommée par un animal de 34 kg, c'est-à-dire au plus bas de la fourchette de poids de l'espèce, a été estimée à 1,4 kg[49]. Pour les animaux en captivité pesant entre 50 et 60 kg, plus de 2 kg de viande par jour est recommandée[50]. Dans la nature, la consommation est naturellement plus erratique, les jaguars dépensant une énergie considérable à la capture des proies, ils peuvent consommer jusqu'à 25 kg de viande en une fois, suivis par des périodes de famine[51].
90
+
91
+ Le puma (Puma concolor) partage son aire de répartition Sud avec l'aire Nord du Jaguar. Les cas de coexistence ne sont pas rares. Les deux espèces ont souvent été étudiées conjointement. Dans les zones tropicales, le puma est plus petit que dans les zones tempérées de son aire de répartition et chasse un plus grand nombre d'espèces, qui sont également de plus petite taille. La compétition interspécifique avec le jaguar dans les zones tropicales est un facteur probable de ces différences[52],[Note 3]. Dans le parc national Santa Rosa au Costa Rica, il a été observé que les carcasses de proies fraichement tuées par un jaguar (des tortues de mer) sont par la suite visitées par un ou des pumas et jaguars[Note 4],[48]. Le puma est plus fréquemment observé durant la journée, tandis que le jaguar est plus nocturne[48]. Cette observation montre que le jaguar est relativement tolérant envers les autres prédateurs qui visitent les charognes qu'il a tuées[48].
92
+
93
+ Le jaguar peut s'attaquer aux jeunes pumas[46].
94
+
95
+ Le jaguar et les espèces du genre Eunectes présentent un recouvrement de leurs aire de distribution comme de leur régime alimentaire. Toutefois, les cas d'interactions sont rares et montrent des prédations du jaguar sur l'Anaconda jaune (Eunectes notaeus) et l'Anaconda vert (Eunectes murinus)[53].
96
+
97
+ L'habitat du félin comprend les forêts tropicales de l'Amérique centrale et du Sud qui sont saisonnièrement inondées. Parmi ces habitats, le jaguar préfère une forêt dense[12]. Adapté à de nombreux habitats, il n'est cependant pas présent dans les déserts, et à des altitudes trop élevées, bien que des observations à 2 700 mètres dans les Andes et 3 800 mètres au Costa Rica aient été rapportées[28].
98
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99
+ La présence d'eau (marécages, lacs, mangroves) est un paramètre important de son installation dans une région[28].
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+
101
+ Le jaguar adulte est un superprédateur, ce qui signifie qu'il est au sommet de la chaîne alimentaire et n'est pas lui-même considéré comme une proie dans la nature. Le jaguar est également une espèce clé de voûte, car il régule les populations de proies, maintenant l'intégrité de la structure des systèmes forestiers[10],[54]. Toutefois, déterminer avec précision l'effet des espèces comme le jaguar sur les écosystèmes est difficile, parce que les données doivent être comparées aussi bien à partir de régions où l'espèce est absente que dans ses habitats, tout en contrôlant les effets de l'activité humaine. Il est généralement admis que la population de proies augmente en l'absence de prédateurs, et que cela a des effets négatifs en cascade[55]. Toutefois, le travail de terrain a montré que la variabilité des populations pouvait être naturelle, ainsi, l'appellation « espèce clé de voûte » pour le jaguar n'est pas plébiscitée par tous les scientifiques[56].
102
+
103
+ L'aire de répartition historique de l'espèce couvre la plupart du continent américain, néanmoins elle est en net recul. Le félin a rapidement perdu de son aire de répartition dans les régions sèches de son habitat, comme la pampa argentine, les prairies arides du Mexique, et le sud-ouest des États-Unis[24]. Son aire de distribution actuelle représente environ 45 % de l'aire historique[57].
104
+
105
+ Son aire de répartition s'étend du Mexique jusqu'en Amérique du Sud, en passant par l'Amérique centrale et une grande partie de l'Amazonie[58]. Les pays inclus dans cette aire sont l'Argentine, le Belize, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica (notamment sur la péninsule d'Osa), l'Équateur, les États-Unis, le Guatemala, le Guyana, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, le Suriname et le Venezuela. Il est également présent en Guyane. Le jaguar est néanmoins considéré comme une espèce éteinte au Salvador et en Uruguay[24]. En Amérique centrale il est considéré comme commun uniquement au Belize[28].
106
+
107
+ Compte tenu de l'inaccessibilité de la plupart de l'aire de répartition du jaguar, l'estimation de la population d'animaux est difficile. Les recherches portent généralement sur des régions particulières et donc les analyses complètes sur l'espèce sont rares. En 1991, de 600 à 1 000 individus ont été estimés comme vivant au Belize. Un an plus tôt, de 125 à 180 jaguars ont été estimés comme vivant au Mexique dans la réserve de biosphère de Calakmul, avec 350 autres dans l'État du Chiapas. La réserve de biosphère Maya au Guatemala contiendrait, quant à elle, de 465 à 550 animaux[59]. Les travaux utilisant la télémétrie GPS en 2003 et 2004 ont montré qu'il y avait seulement six à sept jaguars pour 100 km2 dans la région du Pantanal, comparativement aux dix à onze en utilisant les méthodes traditionnelles, ce qui suggère que les méthodes d'échantillonnage anciennement utilisées pourraient surestimer le nombre réel de félins[60].
108
+
109
+ Au Mexique, la répartition du jaguar est encore méconnue au nord-est du pays[61]. Des indices de présence ont permis d'inclure la sierra de Tamaulipas dans les aires naturelles protégées mexicaines ; en 2016, le jaguar, l'ocelot et le jaguarondi sont également observés dans la sierra de San Carlos[61].
110
+
111
+ Au Brésil, le jaguar est sur la liste des espèces en danger. Selon la région, son statut est considéré comme vulnérable à éteint. La menace principale est la dégradation ou la fragmentation de l'habitat[57]. Il est présent dans tous les biomes brésiliens, notamment dans le Pantanal et l'Amazonie, sauf dans la Pampa, où sa présence est corrélée à de très nombreux facteurs (disponibilité des proies, présence de cours d'eau et de végétation autochtone préservée)[57]. Dans la forêt atlantique, où la déforestation a réduit la forêt à 15 % de sa taille d'origine, 80 % des populations de jaguar ont disparu. L'espèce est également menacée par la pression de chasse et le déclin des proies[57]. Dans la forêt atlantique, il est probable que la population de ce félin soit subdivisée en huit subpopulations de moins de cinquante individus, avec une population maximale de moins de 250 individus[57]. En 2017, des individus ont été photographiés dans une réserve privée dans l'État de Bahia dans la forêt atlantique, ce qui constitue une « redécouverte » de l'espèce[57]. Selon les scientifiques, un management de l'paysage, couplé à des mesures de protection, permettrait de reconnecter les populations[62] : par exemple, un jaguar observé dans le parc d'État Rio Guarani a émigré depuis le parc national de l'Iguaçu[62].
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+
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+ Belize
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+ Brésil
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+ Guatemala
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+
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+ Mexique
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+ Paraguay
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+
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+ Venezuela
124
+
125
+ L'inclusion des États-Unis dans la liste des pays de l'aire de répartition du jaguar est fondée sur des observations ponctuelles dans le sud-ouest, en particulier dans l'Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas. Au début des années 1900, l'aire du jaguar s'étendait au nord jusqu'au parc national du Grand Canyon, et, vers l'ouest, jusqu'à la Californie du Sud[49].
126
+
127
+ Le jaguar est une espèce protégée aux États-Unis en vertu de l'Endangered Species Act de 1973, qui a arrêté la chasse de l'animal pour sa fourrure. En 2004, des fonctionnaires chargés de la faune en Arizona ont photographié des jaguars dans la partie sud de l'État. Pour qu'une population permanente y prospère, la protection face à la chasse, un bon réservoir de proies, et la connectivité avec les populations mexicaines sont essentiels[63]. Le 25 février 2009, un jaguar a été capturé puis relâché au sud-ouest de Tucson en Arizona après la pose d'un collier émetteur. C'est plus au nord que ce qui avait été précédemment imaginé, et représente un signe d'une possible population permanente de jaguars dans le sud de l'Arizona. Il a été confirmé que l'animal est bien le même individu (nommé « Macho B ») que celui photographié en 2004 qui était à l'époque le plus vieux jaguar connu dans la nature avec ses quinze ans[64]. En mars 2009, ce jaguar, qui était cependant le seul repéré aux États-Unis depuis plus d'une décennie, a été recapturé et euthanasié après la découverte d'une insuffisance rénale chronique. Certains experts estiment que le stress de la capture et la sédation répétée en seraient les causes. La mort de « Macho B » est un coup dur pour la présence du jaguar aux États-Unis[65].
128
+
129
+ L'achèvement de la barrière entre les États-Unis et le Mexique visant à lutter contre l'immigration illégale pose également à terme un problème sur les populations d'animaux sauvages résidant aux États-Unis, en réduisant leur possibilité de migration et l'hétérogénéité des gènes des populations et en limitant toute nouvelle expansion de l'espèce vers le nord[66]. Le 7 janvier 2008, le directeur de l’United States Fish and Wildlife Service a approuvé une décision sans précédent de l'administration Bush pour renoncer à l'objectif fédéral de la réintégration du jaguar aux États-Unis malgré l'Endangered Species Act de 1973. Cette décision, première du genre dans l'histoire de l'Endangered Species Act, est pour certains détracteurs le sacrifice de l'espèce par le gouvernement pour pouvoir développer sans contrainte la barrière entre les États-Unis et le Mexique[67]. Ceci est cependant discuté par l'administration Obama[68].
130
+
131
+ Les populations de jaguars sont en diminution. L'animal est considéré comme une espèce quasi menacée (NT) selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)[24], ce qui signifie qu'elle peut être menacée d'extinction dans un avenir proche. La perte d'une partie de son aire de répartition géographique, notamment sa quasi-élimination de sa zone d'implantation historique dans les régions du nord et l'augmentation de la fragmentation de son aire de répartition restante, ont contribué à un tel statut. Dans les années 1960, plus de 15 000 peaux de jaguars par an étaient tirées de l'Amazonie brésilienne, ce qui entraîna un fort déclin des populations de jaguar. Le commerce de peaux se réduisit très fortement lors de la mise en place de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) en 1973[69]. Des travaux détaillés de la Wildlife Conservation Society révèlent que l'animal a perdu 37 % de son aire de répartition historique, avec un statut inconnu dans 18 % autres. Néanmoins, la probabilité de survie à long terme a été jugée élevée dans 70 % de son aire de répartition restante, en particulier dans le bassin de l'Amazonie, le Gran Chaco et le Pantanal attenant[58].
132
+
133
+ En se basant sur une densité de population d'un jaguar pour 15 km2, la population préservée du Belize est estimée entre 600 et 1 000 jaguars. Dans le Pantanal, la densité de population n'est que de 1,4 jaguars pour 100 km2[70].
134
+
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+ Les principaux risques pour le jaguar sont la déforestation de son habitat, l'accroissement de la concurrence pour la nourriture avec les êtres humains[24], le braconnage, les cyclones tropicaux dans le nord de son aire de répartition et le comportement des éleveurs qui tuent souvent le félin pour protéger leur troupeau. Lorsqu'il est habitué à la proie, le jaguar fait du bétail une grande partie de son alimentation, tandis que l'utilisation de la terre pour le pâturage est un problème pour l'espèce. Les populations de jaguars ont peut-être augmenté quand le bétail a été introduit pour la première fois en Amérique du Sud, mais les attaques sur le bétail ont incité les propriétaires d'élevages à embaucher à temps plein des chasseurs de jaguars, qui tirent souvent à vue[11].
136
+
137
+ Le jaguar est classé comme une espèce de l'Annexe I de la CITES : le commerce international de jaguars ou de parties de leur corps est interdit. La chasse au jaguar est interdite en Argentine, au Belize, en Colombie, aux États-Unis, en Guyane française, au Honduras, au Nicaragua, au Panama, au Paraguay, au Suriname, en Uruguay et au Venezuela. L'exception à la chasse se limite aux « animaux à problèmes » au Brésil, au Costa Rica, au Guatemala, au Mexique et au Pérou, tandis que la chasse sportive est toujours autorisée en Bolivie. L'espèce n'a pas de protection juridique en Équateur ou au Guyana[25].
138
+
139
+ Les efforts actuels de conservation sont souvent axés sur l'éducation des propriétaires d'élevage et sur la promotion de l'écotourisme[71]. Le jaguar est généralement défini comme une espèce parapluie : une espèce dont la portée et les besoins en habitat sont suffisamment larges pour que, si elle est protégée, de nombreuses autres espèces plus petites soient aussi protégées[72].
140
+
141
+ Plus récemment, un projet international nommé Paseo del jaguar (« Passage du jaguar ») a pour but d'identifier et de préserver les liaisons entre les zones de populations du Mexique à l'Argentine pour sauver l'espèce de l'extinction[33]. En effet, le jaguar a de grandes difficultés à vivre dans un habitat restreint, sans pouvoir migrer pour se reproduire[33].
142
+
143
+ Le mot jaguar provient, par l'intermédiaire du portugais, de l'une des langues tupi-guarani, probablement du dialecte utilisé par les Tupis pour le commerce avec les Européens[73]. Le mot tupi yaguara, qui veut dire « bête » et est parfois traduit par « chien »[74],[75], est utilisé pour tout mammifère carnivore (le nom précis du jaguar étant yaguareté, avec le suffixe eté « réel » ou « vrai »[73],[76]). Dans de nombreux pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, le jaguar est considéré comme el tigre (« le tigre »)[8] ; c'est d'ailleurs le premier nom donné au jaguar par les colons espagnols[8].
144
+
145
+ La première partie de la dénomination taxonomique de l'animal, Panthera, vient du latin panthera, lui-même emprunté au grec πάνθηρ, terme désignant le Léopard, c'est-à-dire l'espèce type qui définit le genre. Πάνθηρ est traditionnellement analysé comme un composé de παν- « tous » et de θήρ « bête », mais il n'est pas exclu qu'il s'agisse d'une étymologie populaire[77], car le mot pourrait remonter en fait au sanskrit pundarikam « tigre »[78]. La seconde partie onca correspond au portugais onça, avec remplacement du ç par un c pour des raisons typographiques (la cédille n'existant pas en latin, langue usuelle des naturalistes jusqu'au XIXe siècle). Les formes onça (portugais), onza (espagnol), once (français), ounce (anglais) continuent (avec déglutination du [l-] initial, interprété par erreur comme l'article défini) le latin populaire *lyncea (dérivé lui-même de lynx), dont l'italien lonza est le descendant direct. On notera qu'aujourd'hui onça, onza, etc. désignent non pas le lynx mais un autre félin, le Léopard des neiges (Uncia uncia).
146
+
147
+ Le jaguar est le seul félin à avoir marqué durablement la religion et la culture de tout un continent, en l'occurrence l'Amérique[79]. Dans les civilisations précolombiennes, le jaguar est depuis longtemps un symbole de puissance et de force. Parmi les cultures andines, le culte du jaguar pratiqué dès le début de la culture de Chavín se diffuse vers 900 av. J.-C. dans ce qui est aujourd'hui le Pérou : par exemple, la culture Moche, au nord du Pérou, utilise le jaguar comme un symbole de pouvoir sur un grand nombre de céramiques[80].
148
+
149
+ En Mésoamérique, les Olmèques développent le concept de l'« homme-jaguar », une sorte de motif sculptural et figuratif représentant des jaguars stylisés ou des êtres humains avec des caractéristiques du jaguar. L'homme-jaguar était représenté obèse, la bouche ouverte montrant des crocs et le corps habillé d'une peau de jaguar[38].
150
+
151
+ Par la suite, dans la civilisation maya, le jaguar est le réceptacle de croyances qui en font le soleil nocturne du monde souterrain, personnification de la mort et de la peur[8], et est considéré comme le protecteur de la maison royale. Les Mayas voient ces puissants félins comme leurs compagnons dans le monde spirituel, et un certain nombre de dirigeants mayas portent des noms qui intègrent le mot maya pour le jaguar (bahlam ou b’alam dans la plupart des langues mayas)[81], comme c'est par exemple le cas de la dynastie de Palenque.
152
+
153
+ Les Aztèques partagent cette image du jaguar en tant que représentant du roi et guerrier. Ils forment une classe de guerriers d'élite connus sous le nom de guerrier jaguar[82].
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155
+ Dans la religion aztèque, le jaguar est considéré comme l'animal-totem de la puissante divinité Tezcatlipoca.
156
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157
+ Chez les Tucanos, le jaguar représente le soleil[28]. Chez les Guajiros, le chamane prétend pouvoir se transformer en jaguar[38].
158
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159
+ Une superstition amazonienne attribue une curieuse méthode de chasse au jaguar : celui-ci agiterait sa queue au-dessus de l'eau pour attirer les poissons avant de les attraper[83].
160
+
161
+ Le jaguar est largement utilisé comme un symbole dans la culture contemporaine. Le jaguar est également l'animal symbole du Guyana et figure dans ses armoiries[84]. Il est souvent utilisé comme un nom de produit, notamment au féminin en français pour désigner le produit d'une marque de voiture de luxe. Le nom a été adopté par les franchises de sport, y compris les Jaguars de Jacksonville de la National Football League, les Jaguares de Chiapas du championnat du Mexique de football et les Jaguars de Chambly, une équipe de football américain du nord de la France. Le logotype de la Fédération argentine de rugby à XV utilise l'image du jaguar, même si, en raison d'une erreur journalistique, l'équipe est surnommée Los Pumas (« les Pumas »).
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+ « Overlapping male ranges are observed in this study in Belize. Note the overall size of ranges is about half of normal. »
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1
+ Phascolarctos cinereus
2
+
3
+ Espèce
4
+
5
+ Répartition géographique
6
+
7
+ Statut de conservation UICN
8
+
9
+ VU A2b+3bce+4bce : Vulnérable
10
+
11
+ Le koala (Phascolarctos cinereus), appelé aussi Paresseux australien, est une espèce de marsupial arboricole herbivore endémique d'Australie et le seul représentant encore vivant de la famille des Phascolarctidés. On le trouve dans les régions côtières de l'Australie méridionale et orientale, d'Adélaïde à la partie sud de la péninsule du cap York. Les populations s'étendent aussi sur des distances considérables dans l'arrière-pays australien (outback), là où l'humidité est suffisante pour le maintien de forêts. Les koalas d'Australie-Méridionale furent exterminés au début du XXe siècle, mais cet État fédéré a depuis été repeuplé grâce à des transferts du Victoria. Cet animal n'était plus présent ni en Tasmanie, ni en Australie-Occidentale, mais il y a été réintroduit[1],[2].
12
+
13
+ Le koala est étroitement lié à l'eucalyptus ou gommier, dont il ne mange que les feuilles de certaines espèces. Les mâles peuvent vivre en moyenne 15 ans, et les femelles 20 ans.
14
+
15
+ C'est, avec le kangourou, l'un des principaux symboles de l'Australie. Après avoir été chassé massivement pour sa fourrure, il est aujourd'hui principalement menacé par la fragilité et le recul de son biotope. Il reste moins de 80 000 koalas vivant en liberté et ce nombre continue de décliner. Les koalas disparaissent à cause des menaces qui pèsent sur leur habitat et des vagues de chaleur dues au réchauffement climatique[3]. Ils ont ainsi perdu 80 % de leur habitat naturel[4].
16
+
17
+ Le mot « koala » vient du darug gula, qui signifie « pas d'eau »[5]. On pensait qu'étant donné que ces animaux ne descendaient pas souvent des arbres, ils pouvaient survivre sans boire. Les feuilles d'eucalyptus ont une teneur élevée en eau, donc le koala n'a pas besoin de boire souvent[6], l'idée qu'ils n'aient pas du tout besoin de boire de l'eau s'étant avérée être un mythe[5]. Bien que la voyelle « u » ait été retranscrite dans l'orthographe anglaise par « oo » (avec des orthographes telles que coola ou koolah), elle a été changée en « oa », peut-être par erreur[7]. En raison de la supposée ressemblance du koala avec l'ours, il a souvent été appelé à tort koala ours (« koala bear » en anglais), en particulier par les premiers colons[8]. Le nom générique, Phascolarctos, est dérivé des mots grecs phaskolos « poche » et arktos « ours ». Le nom spécifique, cinereus, signifie « cendré » en latin, en raison de sa couleur.
18
+
19
+ Avec son petit corps trapu, ses membres courts et ses grandes oreilles rondes, le koala ressemble au wombat, son plus proche cousin non-éteint, qui vit également en Australie mais qu'on rencontre non pas dans les forêts australiennes mais en montagne. La fourrure du koala est cependant plus épaisse, ses oreilles bien plus grandes et ses membres plus longs.
20
+
21
+ Koala.
22
+
23
+ Wombat.
24
+
25
+ Koala au zoo de Duisbourg.
26
+
27
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
28
+
29
+ Le koala mesure entre 61 et 85 cm et pèse entre 4 et 14 kg pour l'espèce type. Les mensurations et les proportions d'un animal adulte dépendent de l'âge, du sexe, de l'alimentation et de la région. Dans les climats plus frais, les koalas sont en général plus gros. Dans le Victoria, les mâles adultes peuvent atteindre jusqu'à 14 kg, les femelles jusqu'à 11 kg. La moyenne pondérale des animaux des régions septentrionales est plus faible, les mâles atteignant 12 kg et les femelles 8 kg. Les koalas du Queensland, région aux faibles précipitations, sont généralement plus petits : le poids moyen des mâles atteint 8 kg, celui des femelles 6 kg. (Voir sous-espèces).
30
+
31
+ Le koala a une fourrure laineuse marron-gris argenté, qu'il entretient régulièrement, ce qui permet à l'eau de pluie de perler comme sur le plumage d'un canard. Cette couleur lui permet de passer inaperçu parmi les branches d'eucalyptus[9]. Les poils des oreilles forment des franges blanches. La fourrure plus dense du postérieur sert aussi de coussin à l'animal.
32
+
33
+ La fourrure compte 55 poils/mm2 ; celle du dos couvre 77 % de son corps, contre 13 % pour celle du ventre. La longueur des poils et leur densité dépend de la saison, avec une diminution en été. Moins épaisse et moins foncée chez les individus des régions plus chaudes, la fourrure joue un rôle d'isolation thermique important. Même par fort vent froid, sa capacité ne baisse que de 14 %, niveau comparable à celui de la faune arctique.
34
+
35
+ Il existe des mutations génétiques affectant la coloration de la fourrure. Quelques rares koalas sont albinos : en l'absence de mélanine, ils n'ont qu'un léger marquage doré sur un pelage presque blanc, des yeux rouges et le nez rose[10]. Très rarement également, les koalas peuvent avoir une fourrure blanche en raison d'un leucistisme : leur poil est blanc mais le nez et les yeux pigmentés normalement[11].
36
+
37
+ Les oreilles sont rondes et poilues, le chanfrein noir et glabre, le nez glabre et sombre et très bombé. Ce nez proéminent et ces grandes oreilles montrent que l'olfaction et l'audition jouent un rôle important dans sa vie. Le koala possède une grosse tête comparativement à son corps, dont la masse cérébrale est relativement faible. Le cerveau des ancêtres du koala moderne remplissait auparavant toute la boite crânienne mais s'est réduit considérablement avec l'espèce actuelle. C'est une dégénérescence que les scientifiques interprètent comme une adaptation à un régime énergétiquement pauvre[12]. C'est un des plus petits cerveaux chez les marsupiaux et chez les mammifères en général, car il représente seulement 0,2 % de sa masse pondérale[13]. Environ 40 % de la cavité crânienne sont remplis de liquide cérébro-spinal, tandis que les deux hémisphères cérébraux sont comme « une paire de cerneaux de noix ratatinés en haut du tronc cérébral, sans contact, ni entre eux, ni avec aucun des os du crâne »[14].
38
+
39
+ Contrairement aux autres marsupiaux, la fente des pupilles est verticale chez le koala.
40
+
41
+ Les koalas ont cinq doigts et orteils à l'extrémité de chaque membre. Les deux premiers doigts des pattes antérieures sont opposables aux trois autres, et les trois premiers des pattes postérieures aux deux autres[15], ce qui leur permet de grimper plus facilement aux arbres[16]. Le koala possède une main préhensile. Avec ses griffes pointues et aiguisées et ses coussinets rugueux, elle leur permet de saisir des branches et de grimper aux arbres. Ses pieds sont munis d'un pouce sans griffe et les deuxième et troisième orteils ont fusionné, comme pour tous les membres des diprotodontes. Cette syndactylie permet aux griffes voisines de fonctionner comme un peigne et d'éliminer les tiques dont il souffre souvent. C'est l'un des rares animaux, avec les primates, à disposer d'empreintes digitales et ces dermatoglyphes sont comparables aux empreintes digitales humaines, de sorte qu'il est difficile d'en distinguer l'origine[17],[18],[19].
42
+ Le pelvis et le bassin sont statiques, ce qui peut le gêner dans certains de ses mouvements[20].
43
+
44
+ Le koala possède 6 à 7 vertèbres caudales, en comparaison du wombat qui en a 12 à 13[21].
45
+
46
+ Le koala est le seul marsupial dépourvu de queue. Comme chez l'humain, elle n'existe qu'à l'état de vestige. Sa morphologie en bouteille lui permet cependant d'assurer une bonne stabilité lorsqu’il est à la fourche des branches.
47
+
48
+ Le caryotype du koala est 2n=16 chromosomes.
49
+ En raison du déroulement particulier de la gestation et de la naissance chez les marsupiaux, les koalas ne possèdent pas d'ombilic.
50
+
51
+ La température corporelle est, avec 36,6 °C, légèrement inférieure à la moyenne des autres mammifères. Leur cœur bat entre 70 et 140 fois par minute (en fonction de divers facteurs, dont l'âge du koala). Le pouls est cependant difficile à mesurer car les koalas ont une arythmie sinusale, ce qui signifie que leur pouls et leur respiration ne sont pas synchronisés. Les modifications du pouls ne reflètent pas véritablement le travail du cœur[22].
52
+
53
+
54
+
55
+ Leurs mâchoires massives et leurs dents sont adaptées à leur régime herbivore spécialisé dans l'eucalyptus tout en restant comparables à celles de tous les diprotodontés comme les kangourous et les wombats. Les muscles masticateurs sont puissants. Ils ont des incisives tranchantes, pour couper les feuilles, séparées par un vaste diastème des molaires qui servent à les broyer. Le koala possède aussi des abajoues.
56
+
57
+ Le cæcum d'une longueur exceptionnelle de 2,5 m en forme d'appendice, leur permet de digérer cette nourriture indigeste. (cf.Régime alimentaire).
58
+
59
+ C'est d'ailleurs en raison du manque d'apport énergétique suffisant que le métabolisme des koalas s'est adapté pour devenir l'un des plus lents du monde animal.
60
+
61
+ Essentiellement nocturne, le koala possède une bonne ouïe et une vision plutôt médiocre. Son gros nez est particulièrement sensible aux odeurs et l'informe sur ce qui concerne sa survie, son territoire et les possibilités d'accouplement, il lui permet de reconnaître les feuilles d'eucalyptus qui ne doivent pas contenir trop de toxines, mais aussi la présence d'ennemis dans les parages, les marquages odorants étrangers selon le sexe ainsi que la présence de couples mère-enfant.
62
+
63
+ Le dimorphisme sexuel est marqué chez les koalas. Les mâles adultes peuvent être jusqu'à deux fois plus gros que les femelles adultes et possèdent une courbure du nez plus crochue ainsi qu'une tête d'une forme un peu différente. Les mâles se différencient aussi des femelles par leur scrotum et leurs glandes pectorales odorifères, leur large menton et leurs oreilles plus petites. Le koala mâle, est doté d'un pénis de 1,9 cm de long au gland bifide[23]. Les femelles se caractérisent par leur poche ventrale, un menton plus pointu et une tête plus fine. La poche, comme chez les wombats et contrairement aux kangourous, est munie d'une ouverture dirigée vers le bas et l'arrière. Elle ne contient que deux tétons pour alimenter le bébé. La femelle possède deux vagins latéraux et deux utérus séparés, trait commun à tous les marsupiaux[24].
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+ Les koalas étaient à l'origine très répandus en Australie. Chassés pour leur fourrure, ils ont été éradiqués dans de nombreuses régions. Par la suite, ils ont pu être partiellement réintroduits. Des populations plus importantes se trouvent le long de la côte orientale de l'Australie, au Queensland, à partir de Cooktown jusqu'en Nouvelle-Galles du Sud et au Victoria, ainsi que dans certaines régions de l'arrière-pays (Outback), où suffisamment d'arbres sont disponibles pour leur alimentation. À l'arrivée des Européens, les koalas occupaient jusqu'à six îles des côtes est et sud-est. Depuis 1870, ils ont été introduits dans au moins 20 îles. La réserve de l'Île Kangourou, au large d'Adélaïde, en est un exemple, ainsi qu'une île située en Tasmanie, région où il n'y a jamais eu de koalas[20]. La population globale est évaluée en 2009 entre 43 000 et 80 000 individus, comparativement à 100 000 en 2003[25].
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+
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+ Les populations de koalas ne peuvent se développer que dans des espaces vitaux qui remplissent des conditions spécifiques. Un espace vital adapté comporte des arbres privilégiés par les koalas (principalement des espèces d'eucalyptus, mais aussi quelques autres) en association particulière sur un sol adapté ainsi que suffisamment de précipitations. Un critère supplémentaire consiste en la présence obligatoire d'autres koalas à proximité. De tels espaces vitaux sont constitués par les forêts claires d'eucalyptus, dans lesquelles les autres espèces d'arbres ne sont représentées que de manière isolée. Selon les régions, on les retrouve dans les forêts humides d'altitude, dans les forêts tropophiles ou dans les fourrés de lianes. Ils préfèrent les arbres les plus grands.
68
+ La régulation des populations se fait alors par la toxicité des feuilles, la distribution éparse des eucalyptus, le métabolisme lent des koalas et le besoin de pertes limitées en eau par évaporation (ce qui veut dire trouver un arbre adapté pour le repos pendant la journée[20].
69
+ La taille des populations de koalas est directement liée à celle des espaces vitaux et au nombre et à la densité d'espèces d'eucalyptus pertinentes pour leur alimentation. Si un espace vital se réduit ou est parcellisé, sa capacité porteuse écologique en est réduite proportionnellement à sa superficie. À cause de la déforestation et des incendies de forêts, de nombreuses anciennes zones de diffusion des koalas ont maintenant franchi le seuil minimal nécessaire à la conservation d'une population stable.
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+ Fréquemment, dans les zones soumises à la déforestation, les koalas vivent dans un environnement de type steppique aux arbres plutôt isolés, qui dans le pire des cas se trouve à proximité d'une route. Dans ce cas, les territoires sont plus grands, seule manière de s'assurer un nombre suffisant d'arbres destinés à l'alimentation. On les retrouve aussi dans les espaces verts plantés d'eucalyptus dans les villes, qui ne sont néanmoins pas des espaces vitaux adaptés. Les animaux sont alors le plus souvent victimes des automobiles, des chiens, des piscines et autres dangers liés à l'homme.
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+ Bien que le koala soit considéré comme étant principalement nocturne, certaines activités ont lieu la journée. Une étude récente a même démontré que les koalas parcouraient presque la même distance le jour que la nuit (53,6 m le jour, 63,3 la nuit). Par contre l'arbre destiné à l'alimentation la nuit est souvent différent de celui utilisé pour le repos la journée[20].
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+ Les koalas sont arboricoles et passent la plupart de leur vie dans la canopée. Pour s'économiser, vu leur régime faiblement énergétique, ils dorment jusqu'à 20 heures par jour et donc plus longuement que les paresseux, qui, en captivité tout du moins, dorment jusqu'à 19 heures par jour. Même quand ils ne dorment pas, ils restent habituellement immobiles. Ils s'activent plus la nuit en quête de nourriture. Ils passent une à quatre heures par jour à manger, ce qui se passe en quatre à six sessions par jour d'une durée de 14 min à deux heures. Le temps restant est utilisé pour se nettoyer, bouger d'arbre en arbre ou consacré à des activités sociales.
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+ Les koalas passent la majeure partie de leur vie dans les arbres, les eucalyptus. Ces arboricoles sont de bons grimpeurs au corps élancé et musclé. Ils ont un corps court, ramassé, mais des membres relativement longs. Leurs mains, pieds et griffes sont adaptés à la saisie de branches, à l'agrippement aux troncs et au maintien de l'équilibre. En cas de danger, les koalas cherchent instinctivement à se protéger dans les branches d'un arbre. Dans les implantations humaines, ils escaladent les murs, les clôtures, les pylônes d'éclairage et les panneaux de signalisation.
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+ Les koalas sautent habilement d'arbre en arbre et ne descendent au sol que rarement, en général pour aller sur un arbre inatteignable par le saut. Ils n'apprécient que très modérément d'être au sol car ils doivent alors adopter alors une posture quadripède pour avancer. C'est là qu'ils courent le plus de dangers. Les mâles sont d'un caractère plus aventureux que les femelles lorsqu'il s'agit de grimper sur de nouveaux arbres et peuvent parcourir jusqu'à 10 km pour les atteindre.
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+ Certains koalas restent plus longtemps que d'autres sur le sol. Ce comportement dépend de la taille de leur territoire et de la distance entre les arbres. À proximité d'implantations humaines, ils doivent souvent parcourir de plus longues distances au sol que dans un environnement préservé.
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+ Dans leurs arbres-maisons, confortables et sûres, les koalas montrent tout un éventail de postures de détente, qui dépendent des caractéristiques de la fourche de la branche, des conditions météorologiques et de l'avancement de la journée. Comme le temps change dans le bush australien au cours de la journée, les koalas cherchent régulièrement de nouveaux emplacements dans l'arbre, une fois au soleil, une fois à l'ombre, une fois au vent rafraîchissant, une fois à l'abri du vent ou de la pluie.
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+ Les koalas peuvent rester des heures confortablement assis sur une branche. Ils s'agrippent entre les fourches, pour ne pas tomber de cet endroit sûr pour dormir. Leur fourrure particulièrement épaisse à la partie postérieure constitue un doux matelas face aux branches dures et noueuses. Par temps froid, humide et venteux, ils ont tendance à s'enrouler en boule, afin de diminuer leur surface extérieure et de perdre le moins de chaleur possible. L'eau de pluie s'écoule alors sur le dos du koala comme sur celui d'un canard. Lors des journées chaudes, sèches ou chaudes et humides, ils préfèrent une posture déliée, la longue et claire fourrure de leur poitrine reflétant alors la chaleur, tandis qu'elle flotte au vent et permet ainsi de se rafraîchir.
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+ Le koala ne fait pas de nid.
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+ Chaque koala fonde son propre territoire. Sa taille dépend de plusieurs facteurs tels que la qualité de l'habitat, le sexe, l'âge, le statut social et la capacité porteuse de l'espace vital.
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+ La taille du territoire permet dans une population socialement stable de disposer de suffisamment d'arbres appropriés, qui offrent assez de nourriture et de protection au koala. Hors catastrophes et perturbations de son habitat, il peut rester fidèle à son territoire pendant toute sa vie. Pour manger, chercher refuge ou pour entretenir des contacts sociaux, les koalas changent régulièrement d'arbres dans leur territoire. Ils laissent en passant des marques odorantes qui délimitent leur domaine.
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+ Dans une population stable, les territoires se chevauchent entre voisins. Les mâles préfèrent les territoires qui recoupent un ou plusieurs territoires de femelles. Lorsqu'il y a chevauchement de territoires entre mâles, le contact est généralement évité ; ils peuvent cependant s'agresser, provoquant ainsi des blessures, surtout pendant la période de reproduction. Le territoire d'une femelle recoupe les territoires des deux sexes. Avant le départ des jeunes, ceux-ci considèrent le territoire de leur mère comme le leur. Les territoires des mâles, de 2 à 3 hectares en moyenne, sont en général plus grands que celui des femelles.
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+ Les arbres-frontières d'un territoire de koala sont facilement reconnaissables aux nombreuses griffades et aux excréments accumulés. Ils font l'objet de visites régulières. Certains d'entre eux font office de lieu de rencontre, ce qui joue un rôle essentiel pour la stabilité de la population. Alors que les mâles koalas marquent leur territoire de l'odeur de leur glandes pectorales au niveau des tétons, les femelles utilisent l'odeur de leur urine.
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+ Au sein d'un territoire, tout arbre d'alimentation n'est pas utilisé par autorégulation. Ces arbres inutilisés sont défendus tout autant que les autres, et sont donc inatteignables pour les autres koalas. Du fait de ce comportement, la population est maintenue en équilibre, car une reproduction incontrôlée est évitée, ce qui aurait sinon un impact trop fort sur l'espace vital. C'est cette raison qui oblige les jeunes à quitter leur mère. S'ils restaient, ils deviendraient concurrents de leur mère ou d'autres individus pour la nourriture. Les jeunes koalas doivent s'installer en marge des territoires d'une communauté.
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+ Lorsqu'un koala meurt, son territoire est repris par un congénère, mais les frontières restent presque les mêmes. Les jeunes koalas errent souvent pendant des mois en marge d'une colonie avant de pouvoir fonder un territoire durable. Souvent, ils reprennent un territoire vacant. Dans la nature, particulièrement à l'époque de la reproduction, des combats de territoires se produisent.
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101
+ Les populations de koalas disposent d'un système complexe de communication et d'organisation, qui permet de préserver la cohésion sociale. Même si en dehors de la saison des amours, ils sont des solitaires, ils s'organisent, quand les populations sont stables, dans une hiérarchie sociale, au sein de laquelle ils fondent des territoires se chevauchant et se conforment à leur rang. Si cet ordonnancement est déstabilisé, c'est tout le groupe qui en souffre.
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+ Généralement silencieux, à l'instar de nombreux animaux nocturnes, les koalas utilisent toute une série d'expressions vocales leur permettant de se faire comprendre sur des distances relativement grandes.
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+ Les mâles, et beaucoup plus rarement les femelles, utilisent un cri de parade très fort qui peut s'entendre à près d'un kilomètre pendant la période de reproduction. Il consiste en une série de fortes inspirations toutes suivies d'une expiration de grognement très sonore. Les mâles commencent à faire résonner ce mugissement environ un mois avant l'œstrus des femelles. Ce cri est plus fréquent la nuit et sert à attirer les compagnes et pour écarter les autres mâles. Il sert aussi à maintenir les distances entre les individus. Les autres mâles de la zone répondent souvent à ce cri[20].
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+ À part le mugissement, il existe quatre autres types de cris utilisés lors de rencontres agressives.
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+ Quand il est stressé, le koala peut pousser un fort cri qui ressemble un peu à celui d'un nourrisson humain[26]. Les femelles autant que les mâles utilisent le cri de stress. Il est émis quand l'individu est stressé et est souvent accompagné de tremblements. Manipuler des koalas peut leur causer ce stress[27] et le problème de l'agression et du stress résultant de cette manipulation fait partie du débat politique en Australie[28],[29].
110
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111
+ Les mâles émettent un aboiement accompagné d'un grognement profond lorsqu'ils veulent annoncer leur présence ou leur position sociale. Souvent cela résonne comme un lointain grondement ou comme une moto qui démarre ; on évoque aussi un croisement entre le grognement gras d'un ivrogne, le grincement d'une porte sur des gonds rouillés et le grognement d'un cochon mécontent. Les mâles font, avec ce cri de position dominante, l'économie de la dépense d'énergie que représente un combat. Pendant l'époque de la reproduction, on aboie beaucoup, pour donner la possibilité aux autres individus de déterminer exactement la position de l'aboyeur.
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+
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+ Les femelles n'aboient pas autant que les mâles. Mais leurs cris servent tout autant à communiquer l'agressivité ou la bonne disposition sexuelle.
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+ Avec les jeunes, les mères échangent de tendres grincements et claquements, mais aussi de légers sons de grondements qui indiquent l'inconfort et la colère. Quelquefois on entend un léger murmure ou un bourdonnement.
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+ Chez les mâles à partir de 4 ans, les glandes pectorales servent à marquer les arbres, délimitant ainsi les frontières de leur territoire. Ce marquage est le plus fréquent pendant la période de reproduction. Les femelles comme les mâles marquent occasionnellement à l'urine, sur l'arbre ou à sa base.
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+
119
+ Le jeu est surtout pratiqué par les jeunes koalas, en solitaire ou avec d'autres. Ils grimpent, sautent ou se poursuivent les uns les autres[20].
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+
121
+ Leur mode de vie est principalement arboricole (voir Vie arboricole), mais ils doivent aller à terre, à quatre pattes, pour atteindre des arbres éloignés. Ils peuvent parcourir jusqu'à 10 km pour les atteindre.
122
+ Leurs mains et leurs pieds ne sont pas adaptés à ce parcours terrestre et ne reposent pas à plat sur le sol à cause des longs doigts et des griffes incurvées. (voir Membres).
123
+ Le pelvis et le bassin sont statiques, leur démarche est donc caractérisée par de nombreux mouvements latéraux.
124
+ Les mouvements des membres sont peu coordonnés et secs.
125
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126
+ Quand ils sont au sol, ils avancent tout d'abord le membre supérieur droit, puis le membre inférieur gauche, ensuite le membre supérieur gauche et pour finir le membre inférieur droit. Lorsqu'ils courent, ils posent en même temps les membres supérieurs, puis les membres inférieurs.
127
+
128
+ Quand ils sont dans l'eau, ils sont d'excellents nageurs.
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+
130
+ Quand les koalas veulent grimper à un arbre, ils sautent à partir du sol et plantent leurs griffes dans l'écorce. Ils s'agrippent de leurs deux bras et poussent vigoureusement avec leurs deux pattes pour aller vers le haut. Les koalas grimpent aux troncs et en descendent en ayant toujours la tête vers le haut.
131
+ Après être grimpés dans l'arbre, la montée se fait généralement plus lentement en utilisant un bras, puis la patte opposée. Les griffes et les doigts opposables leur permettent de saisir les troncs et les branches facilement. La descente est normalement plus lente, seule une patte est déplacée à la fois.
132
+
133
+ Les mouvements sont généralement lents car ils participent à la stratégie de métabolisme lent développé par le koala pour s'approprier les eucalyptus. En l'occurrence, ils n'ont qu'un tiers de la masse musculaire de leurs cousins wombats plus rapides[20].
134
+
135
+ Les koalas se nourrissent presque exclusivement de feuilles et d'écorces ainsi que de fruits d'espèces bien précises d'eucalyptus. Ils sont parmi les seuls animaux avec les possums à queue en anneau (Pseudocheirus peregrinus) et les grands planeurs (Petauroides volans) à pouvoir manger de l'eucalyptus
136
+
137
+ Il est probable que cette adaptation évolutive ait eu lieu pour profiter d'une niche écologique non utilisée, car l'eucalyptus a développé une stratégie de défense extensive en se munissant de tanins, d'huiles et de lignine en abondance. Les feuilles d'eucalytus sont pauvres en protéines, riches en substances indigestes et contiennent des composés phénoliques et terpéniques toxiques pour la plupart des espèces.
138
+ Des recherches menées sur les koalas par des gardiens de 13 parcs naturels de Nouvelle-Galles du Sud ont démontré que le feuillage d'eucalyptus préféré était celui avec le taux le plus faible de tanins condensés[30]. En général, de tels arbres poussent dans les zones fertiles, en particulier près des rivières.
139
+
140
+ Dans toute l'Australie, les koalas n'utilisent qu'environ 120 des plus de 800 espèces d'eucalyptus connues, tout en ayant localement des préférences marquées pour 5 à 10 espèces. Au sein d'une zone délimitée, en règle générale, les koalas n'utilisent pas plus de deux à trois espèces d'eucalyptus pour leur alimentation primaire. Ils utilisent aussi des espèces voisines de l'eucalyptus comme Corymbia, Angophora et Lophostemon, ainsi que de nombreuses autres espèces très différentes des eucalyptus (Acacia, Bombax, Leptospermum, Melaleuca, Pinus et Tristania, ), comme alimentation secondaire (quelques centièmes seulement de leur alimentation globale) ou pour d'autres utilisations telles que se détendre, dormir, etc. Mais ils préfèrent fondamentalement des variétés particulières d'eucalyptus, ces préférences variant d'une région à l'autre : dans le sud le gommier blanc, le gommier bleu, et le gommier des marais (Swamp gum (en)) sont favorisés ; le gommier gris, le gommier rouge des forêts et le tallowood sont importants dans le nord, tandis que le gommier rouge omniprésent dans les marais et cours d'eau isolés et saisonniers qui serpentent sur la plaine aride de l'intérieur permet au koala de vivre dans des zones étonnamment arides. Beaucoup de facteurs déterminent le choix parmi les 800 espèces d'eucalyptus, le plus important étant la concentration d'un groupe de toxines phénoliques appelé composés de phloroglucinol formylé.
141
+
142
+ Les variations saisonnières de consommation de différentes feuilles d'arbres pourraient d'ailleurs s'expliquer par des taux plus ou moins élevés de leurs composants. La concentration en eau joue aussi un rôle important et dans une moindre mesure, la taille des arbres, permettant d'y rester plus longtemps pour s'alimenter, ainsi que des niveaux d'azote élevés préférés par les koalas. Les meilleurs arbres à koalas poussent sur les terrains fertiles, des zones convoitées par l'agriculture. Pour combler le déficit en substances minérales dans le corps, les koalas ingèrent occasionnellement de la terre.
143
+
144
+ Les koalas passent environ trois à cinq heures par jour à manger activement. La prise de nourriture peut se faire à n'importe quel moment, mais se passe généralement la nuit entre 17h et minuit. Les koalas se nourrissent par intermittence par sessions de 20 minutes environ. Un koala adulte nécessite par jour environ 200 à 400 grammes de feuilles en moyenne, les plus gros spécimens pouvant en ingurgiter jusqu'à 1,1 kg. Quand elles allaitent, les femelles augmentent leur consommation de 20 à 25 %. Au moment de se nourrir, les koalas sont contraints d'être extrêmement sélectifs, car l'eucalyptus contient des substances toxiques, que les koalas peuvent tolérer dans une certaine mesure, mais à forte concentration, elles leur sont tout aussi toxiques.
145
+
146
+ Ils étendent tout d'abord leurs bras et cueillent avec grande précaution une feuille bien choisie, de préférence les feuilles les plus vieilles, où les toxines ne sont plus aussi concentrées. Ils la reniflent avec insistance, avant d'en croquer un morceau. Les feuilles sont alors broyées et mâchées consciencieusement à l'aide des dents, du diastème, de la langue et des abajoues, qui permettent de stocker de grandes quantités de feuilles, jusqu'à former une bouillie puis avalées. (Voir denture ci-dessus) Les koalas boivent extrêmement rarement. Ils couvrent leurs besoins en eau principalement par les feuilles d'eucalyptus, riches en eau. La rosée et les gouttes de pluie sont de moindre importance. Pendant la sécheresse, ils vont néanmoins malgré les dangers jusqu'aux points d'eau. À ce sujet, l'on attribue souvent le mot « koala » à une langue aborigène dans laquelle il signifierait « qui ne boit pas », « sans eau » ou « sans boire », mais l'origine du nom est en fait encore inconnue et à l'étude. (Voir aussi les sections « Étymologie et dénominations » et « Aborigènes ».)
147
+ Les koalas mangent occasionnellement les pousses tendres, les fleurs et l'écorce des eucalyptus.
148
+
149
+ Les dents du koala sont bien adaptées à son alimentation en eucalyptus. Les animaux cueillent les feuilles avec les incisives inférieures et supérieures. Le diastème, l'espace entre les incisives et les molaires, permet de déplacer la masse de feuilles avec la langue sans se mordre. Les molaires sont formées de telle façon qu'elles coupent et déchirent les feuilles en plus de les écraser. C'est ainsi que les dents extirpent l'humidité des feuilles et en détruisent la paroi cellulaire, ce qui facilite la digestion. Les sujets les plus âgés peuvent souffrir de malnutrition à cause de l'usure des dents. Ils doivent consommer jusqu'à 40 % plus de feuilles et mastiquer pendant beaucoup plus longtemps que les jeunes aux dents aiguisées. La mort par famine est un phénomène récurrent[20].
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+
151
+ Les koalas sont un bon exemple d'un mammifère capable de vaincre les défenses d'une plante.
152
+ Les feuilles d'eucalyptus sont riches en fibres indigestes, riches en toxines et pauvres en nutriments.
153
+ Certaines toxines sont filtrées et éliminées par le foie, grâce au niveau élevé de cytochrome P450 qu'ils y produisent[31],[32].
154
+ L'estomac possède une glande cardiogastrique, qui augmente la production d'acide et d'enzymes. Seuls les wombats possèdent aussi cette glande chez les marsupiaux[20]. L'estomac est petit par rapport aux intestins. Enfin, les koalas ont développé un mode de digestion symbiotique grâce à la présence dans leur tube digestif d'un microbiote intestinal spécifique[33] (bactéries Streptococcus gallolyticus (en), Lonepinella koalarum) capables de dégrader et détoxifier les complexes tanins-protéines[34].
155
+
156
+ On spécule que c'est la production de cytochrome P450 qui entrave l'efficacité de l'antibiotique chloramphénicol dans le koala, qu'on y utilise pour traiter les Chlamydia, et en même temps, que donner du chloramphénicol y désactive cette cytochrome[31] (voir aussi maladies et pathologies).
157
+
158
+ Les grosses particules de nourriture passent par le côlon et sont évacuées rapidement. Au cours d'un processus de digestion relativement long, permis par un métabolisme lent, les petites particules subissent une fermentation microbienne dans le cæcum, qui avec près de 2,5 m, est le plus long de tous les mammifères par rapport à la taille du corps. Les bactéries présentes aident ainsi à détruire les parois cellulaires. Tous les nutriments utilisables, glucides, lipides et protides ainsi que l'eau nécessaires au koala sont extraits pendant la digestion. Comme cet apport énergétique est très faible, un métabolisme très lent, de deux fois inférieur à la plupart des mammifères (wombats et paresseux mis à part), permet de garder l'eucalyptus pendant une assez longue période dans le système digestif, pendant laquelle le maximum d'énergie en est tiré. Ce métabolisme lent permet parallèlement une utilisation moindre d'énergie, plus faible que chez les autres herbivores[35].
159
+
160
+ Le koala joue d'ailleurs le même rôle écologique que le paresseux.
161
+ Les koalas défèquent environ 150 fois par jour. Ils produisent des fèces sèches en forme de boulettes, l'eau étant conservée par l'animal car il ne boit que rarement dans la nature.
162
+
163
+ Pendant la saison des amours, qui dure pendant l'été austral entre décembre et mars, les koalas sont plus actifs que d'habitude. Pendant cette période, les koalas mâles lancent de forts aboiements enroués. Ces cris servent à marquer le territoire, mais aussi à informer les femelles prêtes à se reproduire. Chez les koalas, ce sont principalement les femelles qui déterminent le moment de l'accouplement. La plupart du temps, la femelle koala s'occupe encore du jeune de l'année précédente. L'éducation d'un nouveau bébé koala ne peut cependant avoir lieu que lorsque le jeune précédent est sevré.
164
+
165
+ Cela dure habituellement environ 12 mois. Il se peut donc que la période de reproduction, selon la région, s'étende d'octobre à avril. Les jeunes presque adultes sont souvent chassés du territoire de leur mère à cette période pour qu'ils fondent leur propre territoire.
166
+ De multiples territoires mâles chevauchent de multiples territoires femelles.
167
+
168
+ Ces territoires sont plus ou moins flexibles, ce qui engendre des compétitions entre mâles pour occuper l'espace. Les mâles deviennent très agressifs pendant la période de reproduction et se blessent souvent mutuellement de leurs griffes acérées. Le koala étant polygame, les mâles dominants s'accouplent pendant la saison avec toutes les femelles à proximité (en général, ils se constituent un harem de 2 à 5 femelles), ce qui s'accompagne souvent de griffures et de morsures. L'accouplement dure de 30 secondes à 2 minutes. L'accouplement se fait parfois très violemment.
169
+
170
+ Quelquefois les mâles ne sont pas toujours en mesure de détecter l'œstrus d'une femelle et s'accoupleront n'importe quand pendant la saison. Si la femelle n'est pas pleinement consentante, elle résistera en essayant de s'enfuir et en lançant des cris de défense. Le mâle peut alors abandonner l'arbre de la femelle, ou essayer de la violer en s'agrippant à sa nuque avec ses dents. Il n'est cependant pas établi si seuls les mâles partent à la recherche des femelles ou inversement. Il est possible que cela dépende du statut de l'individu dans la hiérarchie sociale.
171
+
172
+ Il arrive ainsi qu'une femelle en chaleur se mette en quête d'un mâle dominant. Celui-ci doit conserver sa position vis-à-vis des autres mâles et garder un œil sur leurs femelles. Le mâle dominant chasse en général les mâles subordonnés qui essaient aussi de s'accoupler avec les femelles à proximité[20]. S'ils réussissent, le mâle dominant s'accouple aussi et noie de sa semence le sperme de son rival afin d'augmenter ses chances de reproduction. L'accouplement se passe sur l'arbre (eucalyptus le plus souvent).
173
+
174
+ Les koalas deviennent matures vers deux ou trois ans. Les accouplements fructueux ont lieu néanmoins la plupart du temps un à deux ans plus tard. Habituellement, les femelles se reproduisent pour la première fois plus tôt, car les mâles dominants écartent les jeunes de toutes pratiques. Une femelle en bonne santé peut donner naissance à un jeune tous les ans pendant 12 ans. L'intervalle entre les naissances étant d'un à deux ans généralement. Les femelles ont une ovulation induite contrairement à beaucoup de marsupiaux. L'accouplement a lieu au printemps austral, entre octobre et novembre. Les femelles sont polyoestriennes, c'est-à-dire qu'elles auront plusieurs cycles d'œstrus pendant la période de reproduction. Chaque cycle oestrien dure en moyenne 30 jours[36].
175
+
176
+ Le cycle reproductif des koalas est similaire à ceux des mammifères placentaires. Leur taux de natalité est bas. Ils s'occupent pendant longtemps de leurs jeunes dépendants. De longs intervalles peuvent subvenir entre les naissances. De plus, les femelles investissent considérablement d'efforts pour la croissance du bébé, qu'il soit mâle ou femelle[20].
177
+
178
+ La gestation dure environ 35 jours.
179
+
180
+ À la naissance, le nouveau-né rampe seul du cloaque vers la poche, à moins que la mère ne s'en saisisse et le mette dans la poche. Il pèse alors moins d'un gramme et mesure de 1,5 à 1,8 cm de long (la taille d'un pois), est aveugle, nu et sous-développé. Il est fort comparable à un fœtus. Par contre les griffes et les avant-membres sont développés ce qui l'aide à ramper dans la poche sans l'aide de sa mère. Les sens du toucher et de l'odorat sont déjà développés[20]. Dans la poche, un sphincter puissant empêche le bébé complètement enveloppé de tomber. D'ordinaire, un seul bébé nait en été et poursuit sa maturation et son allaitement pendant six à sept mois dans la poche. (Les jumeaux sont très rares, les premiers vrais jumeaux nés en captivité, nommés « Euca » et « Lyptus », sont ceux de l'Université du Queensland en 1999[37],[38]) Une particularité des phascolarctidés, partagée avec les vombatidés, est d'alimenter l'embryon pendant la première partie de sa vie par un placenta choroallantoïdien. Dans toute l'Australie, les naissances de koalas ont lieu tous les mois de l'année.
181
+
182
+ Au Queensland, 60 % des naissances se passent entre décembre et mars, tous sexes confondus. En Australie méridionale, la moitié des mâles naissent en novembre et la moitié des femelles ne sont pas nées avant décembre. Il y a plus de naissance de mâles que de femelles dans certaines régions du sud de l'Australie, sans que l'on puisse avancer une hypothèse[20].
183
+
184
+ À treize semaines, le nourrisson pèse 50 g[36].
185
+
186
+ Après environ 22 semaines, il ouvre les yeux et commence à regarder hors de la poche. Il est alors appelé un « joey » en Australie, surnom générique donné à tous les bébés marsupiaux. Entre 22 et 30 semaines, il reçoit une nourriture supplémentaire, appelée « bouillie » que sa mère produit en sus du lait. La « bouillie » est une forme spécifique d'excrément, consistant en une matière molle de feuilles partiellement digérées[36], qui facilite le passage du jeune du lait aux feuilles, en lui faisant acquérir les bactéries nécessaires à la digestion des feuilles d'eucalyptus[39], une étape décisive. Elle devient peu à peu l'alimentation principale du jeune, qui, avec une taille croissante, quitte de plus en plus la poche et qui s'allonge sur le ventre de la mère pour manger.
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+
188
+ C'est à ce moment qu'il apprend à saisir les feuilles de ses mains et à les renifler précautionneusement avant de les manger. Cependant, le jeune tète encore le lait de sa mère jusqu'à l'âge d'un an. Comme le jeune est plus grand, les tétons de la mère s'allongent tellement qu'ils pendent de l'ouverture de la poche.
189
+
190
+ Les femelles adoptent quelquefois des bébés orphelins[20].
191
+
192
+ Avec le début de l'alimentation feuillée, vers 7 ou 8 mois, les jeunes grandissent bien plus vite et leur corpulence devient trapue. Désormais le jeune est transporté sur le dos de sa mère, tout en cherchant encore refuge dans la poche de sa mère. Devenu plus grand, il fait ses premières escapades à proximité de la mère.
193
+
194
+ Après environ 12 mois, le jeune est suffisamment indépendant pour que la mère puisse de nouveau entrer en gestation. Si elle a un autre rejeton, la mère ne laisse plus téter le jeune de l'année précédente, ni aller sur son dos. Elle le tolère encore à proximité jusqu'à ce que le cadet fasse ses premières escapades. Normalement, les jeunes d'environ 18 mois sont expulsés par la mère. Néanmoins, si la mère n'attend pas de grossesse, le jeune peut encore jouir de la protection maternelle jusqu'à encore trois ans. Après son expulsion, il part fonder son propre territoire. À noter que les koalas sont dépendants de leur mère pendant une longue période comparativement aux autres marsupiaux.
195
+
196
+ Les jeunes koalas sont contraints quelque temps après le sevrage de quitter le territoire de leur mère, ce qui arrive habituellement à l'âge de 18 mois. Comme toutes les femelles ne se reproduisent pas tous les ans, cela peut aussi survenir après deux ou trois ans. Les koalas en errance cherchent un habitat soit inoccupé soit à proximité d'autres koalas. Les femelles ont tendance à s'installer à proximité, tandis que les mâles partent souvent plus loin[20].
197
+
198
+ Les koalas en mal de territoire sont quelquefois obligés de parcourir de grandes distances pour trouver un endroit adapté. Ces déplacements permettent un échange génétique entre les groupes reproducteurs et permet ainsi d'assurer la diversité génétique des populations.
199
+
200
+ La séparation et l'expansion sont de nos jours empêchées dans de nombreuses zones peuplées de koalas par l'intervention humaine. Les espaces vitaux disponibles sont souvent réduits ou parcellisés ; les jeunes koalas ne trouvent alors aucun territoire approprié. Soit ils en perdent la vie, soit ils doivent errer sans arrêt. Cela peut cependant entraîner une sur-utilisation des capacités alimentaires, une disparition des arbres ou un recul de la population.
201
+
202
+ La maturité sexuelle des femelles arrive lorsqu'elles ont 2 ou 3 ans. Elles pèsent alors environ 6 kg. Les mâles sont murs à 2 ans, mais leurs chances d'accouplement sont basses jusqu'à l'âge de 4 ou 5 ans. Leur glande pectorale se développe entre un an et demi et 3 ans[20].
203
+
204
+ De 13 à 18 ans[40], les informations disponibles sur son espérance de vie dans la nature sont peu fiables, on estime que les femelles ont en moyenne une espérance de vie de 15 ans, tandis que les mâles atteignent en moyenne les 10 ans, car ils se blessent plus pendant les combats, se déplacent normalement plus loin et habitent dans des habitats médiocres. Les koalas sauvages vivent généralement moins longtemps qu'en captivité (mâles, 18 ans[16], femelles jusqu'à 19 ans). L'espérance de vie des koalas vivant dans les banlieues ou près d'une autoroute est particulièrement courte. Elle se situe en ce cas à deux ou trois ans pour un mâle.
205
+
206
+ Leurs ennemis naturels sont les dingos, une grande chouette d'1,40 m d'envergure appelée ninoxe puissante (Ninox strenua), les aigles d'Australie (Aquila audax), les varans, les pythons et l'homme. De plus, les sécheresses et surtout les feux de forêts peuvent leur être dangereux[20]. Les implantations humaines engendrent des sources supplémentaires de dangers, telles que les automobiles, les chiens errants, un risque d'incendie plus grand (on peut penser aux incendies de 2019 en Australie), les insecticides, les maladies (dues entre autres au stress) et les piscines.
207
+
208
+ La fréquence d'apparition des maladies est un indicateur de bonne nutrition et de stress des populations[41]. Dans un espace vital viable, l'incidence de koalas malades est faible et ne pose pas de problème de survie à la communauté. La diversité génétique localement insuffisante peut cependant augmenter la fréquence de certaines maladies. Dans ce cas, la communauté devient très vulnérable aux maladies[41].
209
+
210
+ Alors que dans la nature, leurs prédateurs sont presque inexistants, les koalas ont un mauvais système immunitaire et sont souvent malades: cystite, périostite crânienne, conjonctivite, sinusite, maladies urogénitales, maladies respiratoires et intestinales, ulcères, cancer de la peau, déshydratation et déperdition musculaire. Leur maladie la plus courante, la sinusite peut évoluer en pneumonie, surtout pendant la saison froide. Les épizooties de sinusite ont durement touché les populations de koalas entre 1887 et 1889 et entre 1900 et 1903. Les koalas sont particulièrement sensibles au stress lié à leur espace vital et au stress corporel. Le koala peut alors se mettre à remuer les oreilles et un hoquet peut même se faire entendre. À cause de la grande activité et du stress de la période de reproduction, ils deviennent particulièrement sujets aux maladies. Les koalas très malades peuvent être détectés avec une fourrure mouillée après une averse, car ils n'ont plus assez d'énergie pour l'entretenir régulièrement, l'effet de perlé disparaît alors. Souvent, ils ont aussi des tiques en quantité inhabituelle. De nouvelles tiques, provenant du Japon et d'Indonésie, ont d'ailleurs été introduites accidentellement par l'homme, ainsi que de nouvelles maladies transmissibles aux koalas.
211
+ Chez les vieux koalas, cela peut être aussi le résultat de l'usure des dents, car ils ne peuvent plus mâcher les feuilles et doivent par conséquent mourir de faim.
212
+
213
+ Symptômes présentés par un koala malade[42] :
214
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215
+ Très souvent apparaissent des infections de Chlamydia. Elles se transmettent sexuellement et se répandent facilement. Celles-ci peuvent rendre les femelles stériles, ce qui pourrait avoir de graves conséquences sur la survie de l'espèce. Des populations du Victoria ont été contaminées par des transferts de l'île Phillip. On estime aussi que 70 à 90 % des populations sauvages du Queensland et du Victoria sont atteintes. Malgré cette incidence très élevée, seulement 5 % des populations présentent des symptômes de la maladie. Il existe deux syndromes principaux associés à la chlamydiose :
216
+
217
+ Pour certaines communautés isolées, particulièrement sur l'île Raymond (en), l'île du Serpent et dans le Parc national du Mont Eccles (en), les populations, bien que positives aux Chlamydia, ont tellement prospéré qu'elles posent un problème environnemental en termes de surconsommation des ressources[41].
218
+
219
+ On spécule que c'est la production de cytochrome P450, qui se passe dans le foie pour que le koala puisse digérer les toxines de la feuille d'eucalyptus, qui entrave l'efficacité de l'antibiotique chloramphénicol dans le koala, qu'on y utilise pour traiter les Chlamydia[31].
220
+
221
+ Le génome du koala contient un rétrovirus (KoRV) qui est assez similaire au virus responsable de la leucémie du gibbon. Le koala peut être infecté soit par transmission génétique, soit par exposition à des espèces mammifères infectées. Il existe de fait une très forte incidence de leucémie et de lymphome chez les koalas. On estime que 3 à 5 % des populations sauvages sont touchés. Chez les koalas en captivité, 60 % des individus le sont. Comme les koalas sont aussi touchés par la chlamydiose, qui est communément associée à dépression immunitaire dans beaucoup d'autres espèces, les scientifiques pensent qu'un lien existe entre le rétrovirus et la leucémie, le lymphome et la chlamydiose du koala. Un lien similaire existe dans le virus de la leucémie du chat. Le rétrovirus du koala (KoRV) pourrait avoir été transmis aux koalas par les rats. Le rétrovirus n'est certainement entré dans le génome des koalas que pendant les cent dernières années.
222
+
223
+ Même si les populations du nord sont le plus durement touchées, toutes les populations ne sont pas encore touchées. Les populations du sud sont les moins affectées. Mais la progression du rétrovirus continue[20]. Il n'existe aucun moyen de prévention, ni de guérison[41].
224
+
225
+ Comme la plupart des mammifères, le koala possède sa mite spécifique, Koalachirus perkinsi (Domrow), qui vit en ectoparasitisme sur la surface de son corps, mais aussi dans les conduits des glandes exogènes et le système digestif. Elles se nourrissent majoritairement de graisses et substances huileuses[43],[44].
226
+ On la suspecte de jouer un rôle dans la transmission de la chlamydiose[20]
227
+
228
+ Le mot koala vient du darug, une langue aborigène éteinte de la région de Sydney, gula ou gulawany. Bien que la voyelle /u/ ait été transcrite à l'origine en écriture latine comme « oo », conformément aux règles de transcription anglaises (dans des orthographes telles que coola ou koolah), ce qui aurait donné coula en français, elle s'est ensuite modifiée en « oa » vraisemblablement à cause d'une erreur[45]. On indique quelquefois à tort que le mot signifierait « ne boit pas »[45], d'autres fois « amer »[46]
229
+ D'autres noms aborigènes pour l'animal sont : kallwein, kuhlewong, kolo, kola, kuhla, kaola, karbor, burabie et goribun.
230
+
231
+ Le mot n'apparaît dans le Dictionnaire de l'Académie française qu'au XXe siècle dans la 9e édition (1992-…)[47].
232
+
233
+ Bien que le koala ne soit pas un ours, les colons anglophones de la fin du XVIIIe siècle, l'ont tout d'abord appelé koala bear à cause de sa grande ressemblance morphologique avec les ours. Ce nom de koala bear, bien que taxinomiquement incorrect, est toujours utilisé dans certains pays hors d'Australie[48], ce qui n'est pas recommandé à cause de l'inexactitude du terme[49],[50],[51],[52],[53]. Il existe d'autres noms anglais descriptifs tout aussi incorrects basés sur bear comme monkey bear (ours-singe), native bear (ours indigène) et tree bear (ours arboricole)[45]. Il fut un temps où l'on trouvait aussi en français ours d'Australie[9].
234
+
235
+ Cette comparaison erronée avec les ours lui a valu en 1816 le nom scientifique du genre, forgé par le zoologue et anatomiste Henri-Marie Ducrotay de Blainville, Phascolarctos (Φασκολάρκτος), terme dérivé du grec ϕάσκωλος (phaskolos) « poche, outre » et ἄρκτος (arktos) « ours ». Tandis qu'en 1817 le zoologue Goldfuss lui donne sur simple base de la gravure de Georges Cuvier[54] son nom d'espèce, cinereus, signifiant en latin «��cendré »[55], tout en nommant son genre Lipurus. Les deux dénominations du genre sont en concurrence jusqu'en 1840, date à laquelle Phascolarctos cinereus est adopté définitivement.
236
+
237
+ Le koala a aussi été comparé au paresseux, ce qui lui a valu son nom de « paresseux australien », tout aussi impropre qu'« ours ». À l'époque, le paresseux était considéré comme un animal extrêmement stupide et le koala fut dédaigné par les zoologues britanniques jusqu'à ce que Blainville s'y intéresse lors d'un voyage à Londres.
238
+
239
+ À l'heure actuelle, en français, il est simplement appelé « koala »[56],[57], puisque c'est la dernière espèce vivante du genre Phascolarctos.
240
+
241
+ Les koalas appartiennent à l'ordre des mammifères marsupiaux des diprotodontés, c'est-à-dire qu'ils ont deux incisives inférieures pointant vers l'avant. Ils sont du sous-ordre des vombatiformes qui comprend notamment les wombats (voir aussi systématique des diprotodontés). Les origines des koalas ne sont pas clairement établies, même s'il est presque certain qu'ils descendent d'animaux terrestres semblables aux wombats. Ils ont commencé à diverger il y a 42 millions d'années, à la fin de l'Éocène. La poche des koalas orientée vers l'arrière et le bas est d'ailleurs un héritage des wombats creuseurs de terriers. Alors que ceux-ci sont restés au sol, les koalas ont adopté un mode de vie arboricole, à l'instar des dendrolagues qui ont divergé de leurs ancêtres terrestres pour résider dans les arbres[20].
242
+
243
+ Les koalas sont les uniques représentants restant de la famille des phascolarctidés.
244
+
245
+ Les premiers fossiles connus de la famille des koalas ont été découverts en Australie septentrionale et ont été datés de l'Oligocène, de 20 à 25 Ma c'est-à-dire plus précisément durant le chattien[58]. Ils sont cependant rares et on ne trouve souvent que des dents et des os isolés[59].
246
+
247
+ Une explication de la rareté inhabituelle de ces fossiles serait que les premiers koalas étaient eux-mêmes rares. Il est vraisemblable qu'ils se soient spécialisés dans la consommation des feuilles des ancêtres des eucalyptus actuels, qui n'étaient que faiblement représentés dans l'ancienne forêt humide australienne. Les fossiles du koala actuel (Phascolarctos cinereus) remontent au maximum à 1,81 MA, c'est-à-dire au Pléistocène[60]. La glaciation de Würm et la dérive progressive du continent vers l'équateur entrainent un assèchement de la région. L'eucalyptus a pu ainsi s'étendre jusqu'à dominer de plus en plus les régions de forêts claires d'Australie. Les koalas se sont adaptés à ces nouvelles conditions de sècheresse. On suppose que les eucalyptus et les koalas se sont développés conjointement pendant des milliers d'années et que les koalas de l'époque des Aborigènes étaient plus nombreux et plus largement répartis que leurs ancêtres. Des fossiles montrent que les koalas étaient présents en Australie-Occidentale au Quaternaire.
248
+
249
+ Au Miocène et au Paléocène, on trouvait de nombreuses espèces de koalas ou animaux similaires dans toute l'Australie. Les 18 représentants des quatre autres genres (Perikoala, Madakoala, Koobor, Litokoala) étaient vraisemblablement aussi des mangeurs de feuillage, qui ne se différenciaient guère du koala d'aujourd'hui. Au Pliocène, Phascolarctos stirtoni, ou Koala géant, était deux fois plus gros que le koala actuel[20].
250
+ Il y a plus de 50 000 ans, il existait un koala géant du genre Koalemus qui habitait les régions méridionales d'Australie (Queensland e.a.[Quoi ?]).
251
+
252
+ Les études du génome mitochondrial[61] montrent qu'il n'y a pas assez de différenciation pour soutenir l'existence de sous-espèces[62]. Traditionnellement, trois sous-espèces de koalas sont différenciées d'un point de vue morphologique. Ce sont cependant des choix arbitraires à partir d'une cline et ils ne sont pas généralement acceptés. La distinction suit d'ailleurs les frontières des États. En fait, le passage d'une forme à une autre est continu et il existe des différences substantielles entre individus d'une même région telles que la couleur du pelage ou autres. Selon la règle de Bergmann, les individus du sud, au climat plus frais, sont aussi plus grands.
253
+
254
+ La sous-espèce de la région du fleuve Nepean en Nouvelle-Galles du Sud, le koala de New South Wales (Phascolarctos cinereus cinereus)[57] est de taille moyenne. Ce koala possède une fourrure relativement épaisse, qui semble être un mélange de gris en raison des pointes gris cendré. Son poids habituel varie de 15 kg pour les mâles à 8,5 kg pour les femelles.
255
+
256
+ La sous-espèce septentrionale, le koala de Queensland (Phascolarctos cinereus adustus)[57], a été décrite en 1923 sur la base d'un exemplaire du Queensland. Elle est nettement plus petite (environ 6,5 kg pour le mâle et 5 kg pour la femelle) et possède une fourrure argentée, presque gris sale, beaucoup plus courte et moins épaisse.
257
+
258
+ La sous-espèce méridionale, le koala de Victoria ou koala victorien (Phascolarctos cinereus victor)[57],[63], est par contre nettement plus grande. Elle est caractérisée par une fourrure plus longue et plus épaisse, d'un gris plus foncé, plus chatoyant, presque cannelle, aux accents chocolat sur le dos et les avant-bras. Elle a une face ventrale claire plus proéminente et des touffes d'oreilles d'un blanc laineux[64].
259
+
260
+ Les relations entre les hommes et les koalas ont subi de grandes variations au fil du temps. Les peuples premiers n'y attachaient ni plus ni moins d'importance qu'aux autres animaux de leur environnement. Les premiers colons en Australie le considéraient comme une curiosité et commencèrent à le chasser pour sa fourrure. De nos jours, il est reconnu internationalement comme le symbole de l'Australie et fait l'objet de mesures de protection renforcées.
261
+
262
+ Les Aborigènes chassaient les koalas pour leur viande et leur fourrure, mais sans le préférer à d'autres animaux. La culture aborigène implique des pratiques de chasse durables, ce qui n'a jamais mis en danger les populations de koalas. De nombreuses légendes du Temps du rêve sont transmises oralement sur le koala, qui expliquent ses particularités corporelles. Il fut souvent utilisé comme symbole de totem. Celui qui le prenait comme totem ne devait plus le tuer. Le koala est considéré comme faisant partie de la création du Temps du rêve.
263
+
264
+ Il était une fois au Temps du rêve, un orphelin nommé Koobor constamment maltraité et négligé par son clan. La région était très sèche et chaque soir, tout le monde buvait avant lui et il ne lui restait jamais assez d'eau pour assouvir sa soif. Il dut alors apprendre à vivre en mangeant les feuilles pleines d'eau du gommier, mais ce n'était jamais suffisant.
265
+ Un matin, quand le clan partit chercher de la nourriture, ils oublièrent de cacher les seaux d'eaux et pour la première fois dans sa vie, Koobor eût assez d'eau à boire. Il s'en remplit la panse qui était prête à éclater. Une fois, sa soif assouvie, il se rendit compte que son clan serait fort fâché quand il rentrerait. il décida alors de rassembler tous les seaux d'eau et les suspendit à une branche basse pour les cacher. Il grimpa ensuite dans les branches et entonna un chant merveilleux qui fit tellement pousser l'arbre qu'il en devint le plus haut de la forêt.
266
+
267
+ Le soir, quand les gens du clan de Koobor regagnèrent le village, ils étaient fourbus et assoiffés et devinrent bientôt fort en colère quand ils virent leurs seaux d'eau pendus au plus grand arbre où était Koobor. Ils lui demandèrent de rendre les seaux volés, mais celui-ci refusa et leur dit : "À votre tour d'avoir soif !". Cela les mit dans une colère noire. Plusieurs hommes grimpèrent à l'arbre, mais Koobor les faisait tomber en leur lançant les seaux. Deux sorciers plus fûtés arrivèrent tout de même jusqu'en haut et battirent Koobor à plate couture et lancèrent son petit corps brisé qui s'écrasa par terre.
268
+
269
+ Alors que tous regardaient, ils virent le corps brisé se métamorphoser en koala et grimper à l'arbre tout proche. Il s'assit alors au plus haut des branches et commença à mâcher des feuilles de gommier. Koobor leur dit alors :" Vous pouvez me tuer pour me manger, mais ma peau ne peut être ni dépecée, ni mes os brisés avant que je ne sois cuit. Si quelqu'un ose désobéir, mon esprit assèchera tous les lacs et toutes les rivières, si bien que tout le monde en mourra, et il en sera ainsi de tous les koalas !".
270
+
271
+ Voilà pourquoi les koalas n'ont pas besoin d'eau pour rester en vie et pourquoi les aborigènes respectent toujours l'ordre de Koobor lorsqu'ils font cuire un koala, car ils ont peur qu'ils ne reviennent et ne leur prenne toute leur eau, les laissant assoiffés pour toujours[65].
272
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273
+ Le koala était resté inaperçu lors de l'expédition de James Cook en 1770. La première mention de son existence figure dans le rapport de John Price, qui, sous les ordres du gouverneur de Nouvelle-Galles du Sud, entreprend une exploration des Montagnes bleues et décrit « un animal appelé cullawine qui ressemble à un paresseux »[66]. En 1802, l'explorateur Francis Barrallier envoie des pattes conservées dans de l'alcool au gouverneur. En 1803, des Aborigènes en apportent des exemplaires vivants au Lieutenant-gouverneur de la colonie à Port Jackson[46] et quelques mois plus tard, le Sydney Gazette en fait une description détaillée[66]. L'animal reçoit son nom scientifique seulement en 1816 (Voir "Étymologie et dénominations" ci-dessus). En 1855, un demi-siècle après sa localisation en Nouvelle-Galles du Sud, le naturaliste Wilhelm von Blandowski le trouve en Australie-Méridionale et en 1923, O. Thomas le localise dans le sud-est du Queensland. Les populations d'Australie-Méridionale ont été complètement anéanties par les Européens au début du XXe siècle.
274
+
275
+ Si les premiers Européens considéraient les koalas comme une curiosité du continent australien, la situation commence à changer à partir de 1788. Les Européens prennent rapidement connaissance de la facilité avec laquelle les Aborigènes attrapent les koalas, qui font naturellement confiance à l'homme. Des centaines de milliers de koalas sont tués pour fournir la demande de fourrure de koala, un article recherché sur le marché mondial (Europe et États-Unis principalement), mais aussi en Australie, où l'on en confectionnait des couvertures de « voiture » très en vogue (15 koalas pour une couverture)[9]. Les fourrures de koalas avaient en effet la réputation d'être douces et résistantes.
276
+
277
+ Entre 1907 et 1927, six saisons de chasse au koala ont été décrétées par le gouvernement australien. Des prélèvements d'envergure ont eu lieu au Queensland en 1915, 1917 et surtout en 1919, quand le gouvernement décide l'ouverture d'une saison de chasse de six mois pour les koalas et les dendrolagues, pendant laquelle un million de koalas sont tués[67]. Cette exécution de masse entraîne cependant des protestations publiques et la même année, une interdiction de leur chasse. Néanmoins, le koala continue d'être chassé en toute illégalité. En 1924, ils disparaissent d'Australie-Méridionale, sont décimés en Nouvelle-Galles du Sud, leur population tombe à 500 au Victoria. Cette même année, 2 millions de fourrures sont exportées de ces États. Le commerce de la fourrure se déplace ensuite vers le Queensland.
278
+
279
+ En août 1927, le gouvernement du Queensland en mal d'électeurs, alors que la sécheresse de 1926–28 engendrait une vague de pauvreté, rouvre officiellement la chasse aux koalas. 600 000 à 800 000 koalas sont massacrés en un mois de chasse[67], ce qui provoque un soulèvement colossal de l'opinion publique. Cela a certainement été le premier problème environnemental à grande échelle qui ait rassemblé les Australiens[67]. Cette volonté désormais affichée de protéger le koala ouvre la voie à la mise en place de mesures de protection à la fin des années 1930. Mais à cette époque, jusqu'à 80 % de leurs espaces vitaux antérieurs sont déjà détruits. En 1937, le koala est déclaré espèce protégée dans toute l'Australie.
280
+
281
+ L'importance commerciale des koalas est tout aussi importante de nos jours, même si elle adopte une autre forme. Les koalas sont devenus des ambassadeurs du tourisme australien. Ils sont un atout touristique tellement fort, surtout pour l'énorme marché japonais, que des tentatives par certains États fédérés d'interdiction de prendre les koalas dans les bras pour cause de stress engendré aux animaux, ont rencontré l'opposition (vaine) des autorités touristiques.
282
+
283
+ Quand les populations sont en bonne santé, les koalas sauvages sont facilement observables, mais la plupart des touristes voient les koalas dans des zoos et des réserves, où il est permis de caresser, à défaut de prendre dans les bras[36].
284
+
285
+ En 2014, le koala représentait 3,2 milliards de dollars de revenus touristiques[68].
286
+
287
+ Alors que le koala au début de la colonisation de l'Australie n'était considéré que comme un porteur de fourrure, il est devenu au début du XXe siècle, à l'époque des nationalismes, le symbole reconnu de ce pays. En quelques années, des personnages koalas sont apparus tels que Blinky Bill et Bunyip Bluegum (en). Ils étaient pourvus de caractéristiques humaines et n'avaient que peu de respect pour les principes moraux bien tranchés. Le koala était aussi décrit comme d'un caractère libéré et amusant. Des personnages comme Blinky Bill devaient pointer du doigt les faiblesses et les contradictions de chaque individu. Le koala fait depuis office de personnification du caractère australien. De nombreux dessins et caricatures de koalas ont servi à représenter des traits de caractère répandus tels que la gloire nationale, l'hymne à la maternité, l'humilité et la fierté.
288
+ De nos jours, le koala est un animal qui a toujours un grand impact sur l'opinion publique ; c'est un symbole des efforts de protection de la flore et de la faune australiennes. Grâce à son aspect mignon, il jouit d'une forte popularité sur tous les continents. Ses oreilles laineuses et son gros nez, mais aussi son caractère paisible et sa ressemblance à un ours en peluche renforce cette bonne disposition à son égard.
289
+
290
+ Le koala est abondamment présent dans la littérature jeunesse ou enfantine :
291
+
292
+ L'aspect attendrissant du koala en fait une figure recherchée par le marketing qui utilise son image, plus ou moins caricaturée, pour vendre toutes sortes d'articles, de la peluche au paquet de biscuits, en passant par diverses mascottes, des jouets ou des objets quotidiens, généralement destinés aux enfants.
293
+
294
+ Aujourd'hui, la perte d'habitat et l'impact de l'urbanisation (comme les attaques des chiens ou les accidents de la route) sont les menaces les plus graves pour la survie du koala. Ces dernières années, certaines colonies ont été durement touchées par les maladies, plus particulièrement, chlamydia[71]. L'Australian Koala Foundation est la principale organisation consacrée à la conservation du koala et de son habitat, et qui fait l'inventaire de 400 000 km2 d'espaces vitaux pour les koalas et qui soumet des preuves tangibles du sérieux déclin de l'espèce dans toute sa zone naturelle de répartition[72]. Un problème supplémentaire est posé par le fait que 80 % des koalas vivent sur des terrains privés. Cela est particulièrement vrai sur la côte orientale australienne, où la spéculation immobilière fait rage. L'eucalyptus est aussi utilisé pour fabriquer du mobilier de jardin. 60 % des forêts subsistant en Australie sont composées d'eucalyptus, mais seulement 18 % de ces forêts ne sont pas bouleversées par l'abattage des arbres[61]. L'espace vital se réduit aussi par la déforestation, les mesures d'assèchement des sols et la construction de clôtures.
295
+
296
+ La population de koalas de l'île Kangourou, dont les koalas ont pour particularité d’être « exempts d’infection » et à ce titre, constituaient une sorte « d’assurance » pour l’avenir de l’espèce, a été très affectée par les feux de brousse de 2019-2020, lors desquels seulement 9000 des 46 000 koalas de l'île Kangourou auraient survécu[73],[74]. Cette population consistait un élément d'autant plus crucial pour la préservation de l'espèce, qu’une grande partie de la population de koalas sur l’île-continent même a été décimée. 80% de leur habitat des koalas sur l'île a été détruit[74].
297
+
298
+ De plus, l'augmentation de CO2 dans l'atmosphère entraînerait un déclin des apports nutritifs des feuilles d'eucalyptus en diminuant leur taux de protéines et en augmentant leur taux de tanins[75],[76].
299
+
300
+ On estime le nombre de koalas existants avant la colonisation européenne à environ 10 millions d'individus[20]. Au début du XXe siècle, l'exploitation commerciale du koala s'est traduite par des millions de fourrures vendues à l'exportation et à la quasi-extinction de l'espèce.
301
+ Il ne semble pas y avoir de preuves « que la chasse précoce ait eu un impact à long terme sur la population globale », estime-t-on en 2008[77].
302
+ En 2001, le koala est repris dans la liste du rapport sur l'état de l'environnement de la Communauté australienne (Commonwealth of Australia) comme étant l'une des huit espèces nuisibles d'Australie[77].
303
+ À l'heure actuelle, le statut est déterminé par chaque État fédéré : Queensland, Nouvelle-Galles du Sud, Victoria, Australie-Méridionale.
304
+ L'estimation de la taille des populations ne fait pas l'unanimité. Des estimations précédentes faisaient état de 100 000 koalas et plus, mais ce chiffre semble fortement exagéré pour l'Australia Koala Foundation. En effet, d'autres estimations concluent à un déclin de 50 à 90 % de la population globale de koalas. Le chiffre réel devrait se situer entre 43 000 et 80 000 individus[20].
305
+
306
+ Mise en œuvre d'une stratégie nationale pour la conservation du koala
307
+ Renouvellement des modèles d'évaluation de la diversité des habitats préférés des koalas
308
+ Enquêtes régionales et locales de distribution, des préférences d'arbre, des habitats critiques
309
+ Mise en œuvre de plans de gestion régionaux
310
+ Gestion des populations pour éviter le surpatûrage
311
+ Soutien positif de la société civile dans la gestion du koala
312
+
313
+ en vertu d'une loi à portée universelle
314
+
315
+ L'Australian Koala Foundation estime pour sa part qu'il reste environ 100 000 koalas dans la nature[85].
316
+ Elle avait déjà averti pour 2008 que si aucune mesure de protection efficace n'était prise, les koalas seraient dans une situation critique et dès lors menacés d'extinction.
317
+ D'après un rapport de l'UICN de décembre 2009 pour la Conférence de Copenhague de 2009 sur le climat, le koala serait l'un des animaux les plus menacés par le réchauffement global[86]. En 2013, une étude de l'université de Sydney précise cette menace : les koalas ont besoin d'autres arbres que les eucalyptus pour survivre à des températures plus élevées, des canicules et des sécheresses[87].
318
+
319
+ Contrairement à la situation sur la plus grande partie du continent, où les populations déclinent[72], les koalas, comme beaucoup d'autres espèces, peuvent entraîner une explosion démographique dans des petites îles ou des régions isolées où ils ont été introduits[88].
320
+
321
+ Sur l'île Kangourou en Australie-Méridionale, les koalas introduits il y a quelque 90 ans ont prospéré en l'absence de prédateurs et de concurrence. Combiné à une impossibilité de migrer vers de nouvelles zones, cela a entraîné une surpopulation insupportable qui menace l'écosystème unique de l'île. Plus particulièrement, les gommiers blancs, endémiques à l'île ont été pillés par le koala plus rapidement qu'ils ne pouvaient se régénérer, mettant par là-même en péril les oiseaux locaux et les invertébrés qui dépendent de ces arbres. Au moins une population isolée de gommiers aurait été éradiquée.
322
+
323
+ Alors qu'on avait suggéré la chasse pour en réduire le nombre et que le gouvernement australien envisageait sérieusement une telle éventualité en 1996, une opposition farouche aussi bien nationale qu'internationale s'est exprimée et l'espèce est restée protégée. La popularité du koala rend certainement toute chasse politiquement improbable, vu les conséquences touristiques et l'impact électoral négatifs. En lieu et place, des programmes de stérilisation et de transfert ont eu un succès limité dans la réduction des effectifs jusqu'à présent et restent coûteux. Une alternative proposée à la méthode complexe de stérilisation, où l'animal doit d'abord être capturé, serait d'injecter des implants hormonaux à distance à l'aide de fléchettes.
324
+
325
+ La réduction des variations génétiques sont un problème potentiel dans la gestion des populations de koalas[89].
326
+ Avec les épisodes historiques d'effondrement des populations, les transferts et la fragmentation des territoires, c'est surtout dans les États du sud de l'Australie que le problème se pose, plus particulièrement dans le sud-ouest du Queensland où la fragmentation est très importante. Pour l'instant, cette faible variation n'a pas eu de répercussions prouvées scientifiquement sur les populations[90].
327
+
328
+ En 1890, l'exploitation commerciale est interdite dans le Victoria. À la suite de l'extinction de l'espèce en Australie-Méridionale en 1920, le koala est introduit sur l'île Kangourou et quelques autres localités sur le continent, pour créer des populations de réserves.
329
+
330
+ En 1927, le Queensland met fin aux permis de chasse.
331
+
332
+ Depuis 2012, le Koala est listé au titre du "Environmental Protection Biodiversity Conservation
333
+ Act 1999". Les populations protégées sont celles du Queensland, de la Nouvelle Galle du sud et du territoire de la capitale. (Les mesures de protections sont mises en place par les états concernés)
334
+
335
+ Des conseils municipaux de zones à l'urbanisation galopante ont pris des mesures pour préserver l'espace vital des koalas, entre autres au Victoria: ville de Ballarat[91],[92], comté de la chaîne Macedon[93] et Glenelg Hopkins Catchment Management Authority (en)[92] et au Queensland :Région de la baie Moreton, ville de Redland (en).
336
+
337
+ L'état doit légalement tenir compte des habitats du Koala lors de la planification des projets d'infrastructures.
338
+ La perte d'habitat, occasionnée par les projets d'infrastructure, doit être compensée, ceci soit par une compensation financière soit directement en replantant des arbres pour restaurer l'habitat des koalas (une combinaison des deux est possible).
339
+ L'état achète des terrains et signe des contrats de gestion avec les propriétaires fonciers dans les zones prioritaires pour leur conservation[94].
340
+
341
+ La stratégie de cet état se décline en plusieurs points :
342
+
343
+ Les premiers koalas à être maintenus en captivité le sont en 1920, au Koala Park de Sydney pour être exposés au public. Depuis, ils sont de plus en plus montrés dans des enclos d'exposition.
344
+
345
+ Comme pour la plupart des animaux endémiques de l'Australie, le koala ne peut être détenu légalement comme animal particulier en Australie ou partout ailleurs. Les seules personnes habilitées à garder des koalas sont les professionnels de la protection de la nature et occasionnellement les chercheurs scientifiques. Ils reçoivent à cet effet des permis spéciaux, mais doivent les relâcher dans la nature dès qu'ils vont mieux ou alors, quand il s'agit de juvéniles, dès qu'ils sont assez âgés[52].
346
+
347
+ Dans les parcs zoologiques, les koalas ne sont que très rarement montrés en dehors d'Australie, ce qui est dû à la difficulté de mettre à la disposition des animaux suffisamment d'eucalyptus adaptés. Il est en effet essentiel de bien comprendre leurs préférences alimentaires.
348
+ Afin de pourvoir aux besoins des koalas, les zoos doivent mettre en place une plantation d'eucalyptus. Pour chaque koala, le besoin est de 500 à 1000 arbres de cinq ou six espèces différentes. Il faut planter les arbres quatre à six ans avant d'accueillir les koalas[20]
349
+ En enclos, les koalas ne peuvent pas particulièrement exprimer leur disposition à vagabonder, car ils se retrouvent dans des conditions restreintes et à la densité bien plus haute que dans la nature. Ils montrent encore malgré tout certains traits de comportements similaires à leurs congénères sauvages tels que la territorialité et la hiérarchie des mâles.
350
+ Les femelles ont une tendance accrue à s'accoupler entre elles en captivité. Les koalas se laissent dans la plupart des cas facilement réintroduire dans la nature.
351
+
352
+ Le Zoo de San Diego occupe une place particulière, car son programme d'élevage des koalas est le plus fructueux en dehors d'Australie. Il a accueilli des koalas dès 1925, a enregistré sa première naissance en 1960 et en comptabilise plus d'une centaine depuis 1976. Il faut dire que le zoo fait pousser 35 espèces d'eucalyptus et offre à ses koalas au moins quatre espèces différentes par jour. Fort de ce succès, le zoo a lancé un programme de prêt pour l'éducation et la conservation. Des koalas sont prêtés aux zoos du monde entier qui disposent de programmes similaires. En partenariat avec la Fondation australienne pour les koalas (Australian Koala Foundation), le Zoo de San Diego produit l'Atlas de l'habitat du koala (Koala Habitat Atlas).
353
+
354
+ Le système international d'information sur les espèces tient le registre actualisé de leur détention dans le monde entier.
355
+
356
+ Les koalas d'Europe sont tous de la sous-espèce du Queensland : Phascolarctos cinereus adustus et sont tous issus du Lone Pine Koala Sanctuary, au Queensland, Australie par l’intermédiaire d'importations directes ou d'importations d'autres zoos (tel San Diego) dont les animaux originaux sont eux-mêmes issus du Lone Pine Koala Sanctuary.
357
+
358
+ Il y a onze zoos publics en Europe ayant des koalas, listés ci-dessous.
359
+
360
+ L'Allemagne et la Belgique sont les pays d'Europe ayant le plus de zoos qui hébergent des koalas avec trois zoos chacun. L'importation européenne la plus ancienne dont les animaux sont encore vivants est celui du Zoo de Lisbonne en 1991.
361
+
362
+ L'Europe a eu deux sous-espèces de koalas à travers le temps. Le Koala de Nouvelle-Galles du Sud, qui n'est plus hébergé dans aucun zoo d'Europe, et le nettement plus commun Koala du Queensland encore présent en Europe. La première importation de Koalas datée en Europe se serait passée en l'an 1880 et était dirigé vers le Zoo de Londres où le dernier animal de cette importation mourut en 1882 (seulement deux ans après ce qui montre le manque de connaissance sur la façon de garder des koalas captifs que les zoos avaient à cette époque), ces koalas-là étaient de la sous-espèce du Queensland. Parmi d'autres zoos européens notables ayant eu des koalas mais n'ayant plus cette espèce à présent nous pouvons lister les zoos suivants.
363
+
364
+ - Koala du Queensland (Phascolarctos cinereus adustus) : Jardin zoologique de Berlin-Friedrichsfelde (importation de San Diego, individu ayant vécu du 15/04/1994 au 17/09/1994).
365
+
366
+ - Koala du Queensland (Phascolarctos cinereus adustus) : le Zoo de Barcelone a eu des koalas en 1994 (provenant de San Diego).
367
+
368
+ - Koala du Queensland (Phascolarctos cinereus adustus) : le seul zoo ayant eu des koalas en Hongrie était le Zoo de Budapest, de 2015 à 2017.
369
+
370
+ - Koala du Queensland (Phascolarctos cinereus adustus) : Le seul zoo ayant eu des koalas en Irlande était le Zoo de Dublin, en 1988 suivant une importation d'animaux provenant du zoo de San Diego
371
+
372
+ - Koala de Nouvelles-Galles du Sud (Phascolarctos cinereus cinereus) : le Zoo de Lisbonne possède toujours une paire de Koala du Queensland depuis 1991, néanmoins le zoo fut aussi l'un des deux seuls zoos en Europe à avoir quelques individus de la sous-espèce de Nouvelles-Galles du Sud (date inconnue).
373
+
374
+ - Koala de Nouvelles-Galles du Sud (Phascolarctos cinereus cinereus) : le Zoo de Londres est le seul zoo d'Europe avec Lisbonne à avoir eu deux sous-espèces de koala différentes. En effet, ce zoo fut l'un des deux seuls zoos en Europe à avoir quelques individus de la sous-espèce de Nouvelles-Galles du Sud (date inconnue).
375
+
376
+ - Koala du Queensland (Phascolarctos cinereus cinereus) : le Zoo de Londres a possédé deux femelles koalas provenant du Zoo de San Diego de 1989 à 1991.
377
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+ - Koala du Queensland (Phascolarctos cinereus cinereus) : l'aquarium de Skanset (Skanset/Akvariet) à Stockholm a possédé deux mâles koalas provenant du Zoo de San Diego de 2005 à 2007.
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+ Afrique du Sud : Zoo de Pretoria
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+ L'Australie compte de multiples zoos et réserves naturelles où l'on peut admirer des koalas.
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+ Musée Tchaïkovski de Klin (conducteur de l'appendice II)
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+ Le Lac des cygnes (en russe : Лебединое озеро / Lebedinoïe ozero) est un ballet en quatre actes sur une musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski (opus 20) et un livret de Vladimir Begitchev inspiré d'une légende allemande.
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+ En 1871, Tchaïkovski profite de ses vacances pour composer un petit ballet, Lebedinoïe ozero, destiné aux enfants de sa sœur.
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+ Lorsque, au cours de l'été 1875, l'Intendant du grand théâtre de Moscou, Vladimir Pétrovitch Begitchev, lui demande de composer un ballet, Tchaikovski accepte immédiatement d'autant que la proposition est lucrative (Tchaïkovski touchera 5 000 roubles pour sa peine) et que le compositeur confie, dans une lettre à son ami Rimski-Korsakov, rêver depuis longtemps de « [s']essayer à ce genre de musique ». Bégitchev, en collaboration avec son danseur étoile du Théâtre Impérial Bolchoï Vassili Fiodorovitch Gelzer, a personnellement préparé le livret à partir de légendes et contes divers — dont le Voile dérobé tiré des « contes populaires des Allemands » de Johann Karl August Musäus. Tchaikovski a à l'esprit les ballets de Léo Delibes et plus particulièrement Coppélia.
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+
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+ À la différence du mode de travail qui caractérisera plus tard La Belle au bois dormant et Casse-Noisette, le compositeur ne collabore pas directement avec le chorégraphe pressenti, Julius Reisinger. Ce dernier, maître de ballet traditionaliste, se trouve dépassé par les ambitions « symphoniques » de la musique de Tchaïkovski. Il triture la partition, coupant ici, arrangeant là, si bien que lors de la création, le 4 mars 1877[1] au Théâtre Impérial Bolchoï, l'œuvre, sous la direction de Semen Riabov et chorégraphiée par Julius Reisinger, sans être un échec cuisant comme certains historiens du ballet l'ont prétendu, est une « déconvenue humiliante » (Tchaïkovski). Au cours des cinq années suivantes, Lebedinoïe ozero est monté deux fois et connaît plus de quarante représentations, chiffre exceptionnel pour l'époque.
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+ Tchaïkovski ne vivra pas assez longtemps pour voir la version qu'il a composée, Lebedinoïe ozero, dansée sur toutes les scènes du monde sous des formes et des titres divers : Lebedinoïe ozero bien sûr, mais aussi Swan Lake, Le lac des cygnes, Schwanensee, Lago dei cigni, etc. C'est très exactement le 12 mars 1894 que le ballet entreprend sa longue marche triomphale d'une façon modeste : seul le deuxième acte est représenté au Théâtre Impérial Mariinski à la mémoire du compositeur décédé le 6 novembre 1893. Cette réalisation est confiée à Ivanov, deuxième maître de ballet et adjoint du célèbre Petipa. Ce dernier remarque immédiatement les possibilités inhérentes à la partition de Tchaïkovski et persuade le Théâtre Mariinski de monter une production intégrale du ballet dont il se chargerait de la chorégraphie en partenariat avec Ivanov. Sur la demande de Petipa, le maître de chapelle de la cour et chef d'orchestre Riccardo Drigo, pratique quelques interventions dans la partition originale. Petipa se charge alors de chorégraphier le premier et le troisième acte, laissant à Ivanov les deuxième et quatrième qui se déroulent sur les bords du lac des cygnes. Cette version est présentée au public pour la première fois le 15 janvier 1895.
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17
+ Au cours des cinquante années qui ont suivi la création de la version Petipa/Ivanov à Saint-Pétersbourg le ballet subit tant de remaniements que la version réalisée en 1953 au théâtre Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko de Moscou fit l'effet d'une bombe. On la devait à Vladimir Pavlovitch Bourmeister[2] (1904-1971), premier maître de ballet du théâtre, et reprenait l'ordre des numéros tels que publiés dans la partition originale de Tchaïkovski. Burmeister simplifie la dramaturgie du livret et rajoute un prologue qui présente la transformation de la princesse Odette en cygne par le sorcier Rotbarth. Cela le conduit, après la victoire finale du prince Siegfried sur Rotbarth à l'issue d'une lutte sans merci, à montrer le retour d'Odette à sa forme première. Plus rien ne fait alors obstacle à la fin heureuse du ballet bien que la version de 1895 ne faisait qu'esquisser la réunion des deux amants dans une apothéose finale. Les autres modifications intéressent la disparition du fou (qui n'amène rien à l'intrigue) au profit de l'ami de Sigfried et l'arrangement des danses nationales du Divertissement de l'Acte III en intermèdes magiques de Rotbarth qui apparaît dès lors comme une sorte d'artiste du music-hall.
18
+
19
+ Cette version du Lac des cygnes a été montée pour la première fois à l'Ouest par l'Opéra de Paris en 1950. Elle a été reprise par plusieurs compagnies dont, récemment, le 14 avril 2004, au Théâtre de la Scala avec Svetlana Zakharova dans le rôle d'Odette/Odile et Roberto Bolle dans celui de Siegfried.
20
+
21
+ Le mythe du cygne, avec ses prémices antiques où Zeus, sous les traits d'un cygne, comble Léda, l'épouse du roi de Sparte, offre de nombreuses possibilités d'adaptation. On y voit déjà apparaître le caractère androgyne de l'animal qui a conduit, dans les mises en scène de Matthew Bourne (Swan Lake, Londres 1995) et Stephan Thoss (Zwischen Mitternacht und Morgen, Hanovre 2004), à confier la figure des cygnes à un corps de ballet masculin.
22
+
23
+ Enfin, à la suite de l'étude psychanalytique de l'argument par Mats Ek en 1986 et de l'interprétation par le biais de la Modern Dance qu'il en a donné avec le Ballet Cullberg de Suède, de nouvelles versions dramaturgiques et chorégraphiques ont vu le jour dont celle de Neumeier, Illusionen - wie Schwanensee avec sa référence historique à Louis II de Bavière.
24
+
25
+ Le jeune prince Siegfried fête sa majorité. Sa mère, la reine, lui annonce que, le jour suivant, au cours d'un grand bal pour son anniversaire, il devra choisir une future épouse. Vexé de ne pouvoir choisir celle-ci par amour, il se rend durant la nuit dans la forêt. C'est alors qu'il voit passer une nuée de cygnes. Une fois les cygnes parvenus près d'un lac, il épaule son arbalète, s'apprêtant à tirer, mais il s'arrête aussitôt : devant lui se tient une belle femme vêtue de plumes de cygne blanches.
26
+
27
+ Enamourés, ils dansent, et Siegfried apprend que la jeune femme est en fait la jeune et belle princesse Odette, la princesse cygne. Un terrible et méchant sorcier nommé von Rothbart, la captura et lui jeta un sort ; le jour, elle serait transformée en cygne blanc et, la nuit, elle redeviendrait femme. D'autres jeunes femmes et jeunes filles apparaissent et rejoignent la princesse Odette, près du Lac des Cygnes, lac formé par les larmes de ses parents, le roi et la reine décédés, lorsqu'elle fut enlevée par le méchant sorcier von Rothbart. Ayant appris son histoire, le prince Siegfried, fou amoureux, est pris d'une grande pitié pour elle. Il lui déclare son amour, ce qui affaiblit le sort. Von Rothbart apparaît. Siegfried menace de le tuer mais Odette intervient ; si von Rothbart meurt avant que le sort ne soit brisé, il sera irréversible. Le seul moyen de briser le sort est que le prince épouse Odette.
28
+
29
+ Le lendemain, au bal, à la suite des candidates fiancées, survient le méchant sorcier Rothbart, avec sa fille Odile, transformée en Odette mais vêtue de noir (le cygne noir), qui est le sosie d'Odette. Abusé par la ressemblance, Siegfried danse avec elle, lui déclare son amour et annonce à la cour qu'il compte l'épouser. Au moment où vont être célébrées les noces, la véritable princesse Odette apparaît. Horrifié et conscient de sa méprise, Siegfried court vers le lac des cygnes.
30
+
31
+ La façon dont Odette apparaît finalement à Siegfried diffère selon les différentes versions du ballet : Odette arrive au château ou bien le méchant sorcier von Rothbart montre à Siegfried une vision d'Odette.
32
+
33
+ Il existe également différentes fins :
34
+
35
+ D'après le récit du neveu et de la nièce de Tchaïkovski, Youri Lvovitch Davidov et Anna Meck-Davydov, nous savons que celui-ci avait déjà créé auparavant un petit ballet appelé le Lac des Cygnes chez eux en 1871. Tchaïkovski avait l'habitude de réunir de petites œuvres dont il créait la musique et le scénario en une représentation. Selon son neveu, la Chanson des cygnes, le fameux thème du Lac des Cygnes, avait été composée à cet effet. À cette époque, Tchaïkovski et Vladimir Petrovitch Beguitchev, directeur des Théâtres Impériaux de Moscou en ce temps-là, faisaient partie d'un groupe artistique de Moscou appelé le Salon de Chikhovskaya et il semblerait que l'idée du Lac des cygnes soit parue lors d'une réunion des membres du groupe. Le livret du Lac des cygnes est un cliché typique du ballet du XIXe siècle.
36
+
37
+ Les origines du scénario sont confuses, tant les sources que celui qui l'a écrit, et font encore aujourd'hui l'objet de contestations.
38
+
39
+ Fiodor Lopoukhov, patriarche du ballet russe, a appelé Le Lac des cygnes un « ballet national » : les cygnes sont évoqués dans beaucoup de récits romantiques russes et la chorégraphie du corps de ballet imite très souvent des mouvements de danses slaves (des danses en cercle notamment). Selon lui, même si l'histoire se déroule en Allemagne, l'image du cygne et le thème de l'amour fidèle seraient essentiellement russes. La trame de l'intrigue serait inspirée de l'histoire du Voile dérobé (Der geraubte Schleier) extrait des Volksmährchen der Deutschen (un recueil en 5 tomes de contes allemands) de Johann Karl August Musäus. Le conte populaire russe le Canard Blanc serait une autre source. Aussi les contemporains de Tchaïkovski ont remarqué que le compositeur portait beaucoup d'intérêt pour la vie de Louis II de Bavière qui par son destin tragique est souvent symbolisé par le cygne et qui, consciemment ou non, fut choisi comme prototype du rêveur prince Siegfried.
40
+
41
+ On s'accorde souvent à dire que Beguitchev a écrit le scénario.
42
+
43
+ Le Lac des cygnes est le premier ballet dont la musique fut créée par un compositeur symphonique. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, on confiait habituellement la partition à des compositeurs connus et spécialisés dans la musique de ballet : ils créaient de nombreuses mélodies, claires, enjouées, rythmées, en vogue pour le ballet. Tchaïkovski étudia la musique de ces spécialistes (l'Italien Cesare Pugni ou l'Autrichien Léon Minkus) avant de composer son Lac des cygnes. Il avait une opinion négative sur la musique de ces spécialistes, jusqu'à ce qu'il s'intéresse en détail aux partitions : il fut impressionné par la variété presque illimitée de leurs mélodies. Il admirait surtout la musique de Léo Delibes ou d'Adolphe Adam, et de Riccardo Drigo quelques années plus tard. La partition de Giselle (1841) d'Adolphe Adam lui plaisait beaucoup : Adam avait utilisé la technique du leitmotiv, en associant des thèmes à un personnage ou une atmosphère ; ce que fit Tchaïkovski dans le Lac des cygnes ou La Belle au bois dormant.
44
+
45
+ Certains de ses amis essayèrent de convaincre Tchaïkovski de renoncer à ce projet, notamment le compositeur Nikolaï Rimsky-Korsakov, qui soulignait qu'il s'agissait là d'une entreprise indigne du talent de Tchaïkovski. Rarement autoritaire, celui-ci déclara néanmoins : Il n'y a pas de genre inférieur en musique, il n'y a que de petits musiciens ! . Ce premier ballet, comme par la suite la Belle au bois dormant puis Casse-Noisette démontrèrent avec panache que Tchaïkovski avait raison.
46
+
47
+ Il composa la musique du ballet entre août 1875 et avril 1876. La Danse russe de l'acte III fut ajoutée en février 1877 et le pas de deux de l'acte III en avril 1877. En 1875, Begitchev demanda la partition du Lac des cygnes à Tchaïkovski pour un prix plutôt modeste de 800 roubles, et bientôt Begitchev commença à choisir les artistes qui participeraient à la création du ballet. Le chorégraphe était le Tchèque Julius Reisinger (1827-1892) qui était alors engagé en tant que maître de ballet au Théâtre Bolchoï depuis 1873. La plupart des œuvres précédentes de Julius Reisinger, entre autres Kachtchei (1873) et Stella (1875), avaient été très critiquées et jugées d'une qualité médiocre[réf. souhaitée]. Sa seule véritable réussite était un ballet sur Cendrillon appelé Le Chausson magique, qu'il avait composé à son arrivée au Théâtre Bolchoï.
48
+
49
+ Après l'échec d'un mariage de pure convenance, Tchaïkovski tente d'échapper à sa nature profonde et à son homosexualité dans une relation épistolaire idéalisée avec sa protectrice Nadejda von Meck. Cette relation purement platonique durera plus de quatorze ans.
50
+
51
+ Madame von Meck ne semble pas connaître l'orientation sexuelle de Tchaïkovski, mais elle lui écrit :
52
+
53
+ « Piotr Illyich, avez-vous aimé ? Il me semble que non. Vous aimez trop la musique pour aimer une femme. »
54
+
55
+ De fait, la partition du Lac des cygnes est une composition révélatrice[réf. nécessaire] des aspirations et du tempérament d'un Tchaïkovski poursuivi par le sentiment d'une implacable fatalité : son homosexualité. Comme Siegfried, les amours féminines lui sont interdites. Le prince ne peut avoir de relation charnelle avec le cygne blanc, symbole de pureté ; ceci serait contraire aux lois humaines. La création du Lac des cygnes et les représentations qui suivent sont une cruelle humiliation pour le compositeur qui la vit comme une nouvelle malédiction. Le ballet est retiré de l'affiche et tombe dans l'oubli durant dix-huit ans. Il faut attendre la reprise de la chorégraphie par Marius Petipa en 1895 pour redonner au Lac des cygnes la place qui lui revient.
56
+
57
+ En 1984, Rudolf Noureev signe pour l'Opéra de Paris une version à résonance « freudienne », probablement la plus achevée du Lac des cygnes.
58
+
59
+ Noureev explique sa vision du ballet en ces termes[3] :
60
+
61
+ « Le lac des cygnes est pour moi une longue rêverie du prince Siegfried […] Celui-ci, nourri de lectures romantiques qui ont exalté son désir d'infini, refuse la réalité du pouvoir et du mariage que lui imposent son précepteur et sa mère […]. C'est lui qui, pour échapper au destin qu'on lui prépare, fait entrer dans sa vie la vision du lac, cet « ailleurs » auquel il aspire. Un amour idéalisé naît dans sa tête avec l'interdit qu'il représente. Le cygne blanc est la femme intouchable, le cygne noir en est le miroir inversé. Aussi, quand le rêve s'évanouit, la raison du prince ne saurait y survivre. »
62
+
63
+ C'est de là que naît une vision psychanalytique et introspective de l'œuvre tant dans le traitement du récit que dans le développement des personnages. L'œuvre gagne un surcroît de complexité dans un subtil jeu de miroirs identitaires.
64
+
65
+ Tout en restant très proche du livret imaginé par Petipa, le danseur étoile révise la chorégraphie (rendant ainsi certains passages d'une exécution difficile) et arrange la partition. Le bouffon, un ajout d'Alexandre Gorski, est certainement brillant mais sans utilité dans l'intrigue. Il est supprimé au profit de Wolfgang, le précepteur du prince. Wolfgang devient dans la version de Noureev un personnage équivoque et manipulateur, alter ego, miroir identitaire du magicien Rothbart qui a ensorcelé les cygnes et qui, à terme, conduit le prince à sa perte. Il éclaire ainsi de façon magistrale le rôle de l'inconscient dans l'œuvre de Tchaïkovski et donne la mesure du drame intime que vit le compositeur dans son homosexualité. Le cygne blanc symbolise la pureté inaccessible car un amour charnel ne peut exister entre un cygne et un humain. C'est là la malédiction vécue par Tchaïkovski.
66
+
67
+ Le changement le plus important réside dans le finale. Noureev s'éloigne franchement de l'image traditionnelle des deux protagonistes réunis dans une sorte d'apothéose idyllique rêvée. Il conçoit une scène plus cruelle pour Odette, la princesse cygne. Elle est emportée dans les griffes de l'affreux Rothbart sous les yeux d'un prince paralysé par son impuissance. Cette image est précisément la résurgence du rêve de Siegfried avec lequel l'histoire commence. Finalement, elle devient la concrétisation du cauchemar à la fois récurrent et redouté auquel il ne peut échapper. La constante opposition entre l'imaginaire et le réel, jeu de miroirs identitaires qui n'ont cessé de s'affronter dans son esprit, débouche inexorablement sur la folie…
68
+
69
+ Le sentiment de cette fatalité parcourt la partition d'un bout à l'autre. Elle est magnifiquement rendue par cette version de Noureev.
70
+
71
+ De tous les ballets que Noureev aura légués à l'Opéra de Paris, celui-ci est, à coup sûr, son œuvre la plus personnelle.
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+ « Le Lac des cygnes de Noureev est devenu pour nous une référence », explique Charles Jude en 1997[réf. souhaitée]. « Pour ma part, je l'ai considéré dès le début comme la meilleure version, mais ce n'était pas le cas de tout le monde. En fait, Noureev a éliminé tout ce qui était démodé et donné un vrai rôle a chacun et pas seulement aux solistes. Son ballet est construit comme un rêve. Siegfried aime les lectures romantiques et pour échapper au mariage sans amour que veulent lui imposer sa mère et son précepteur il se réfugie dans un monde imaginaire. Il tombe éperdument amoureux d'Odette, une princesse qui vit près d'un lac enchanté et qui est l'image de sa femme idéale. Rothbart, le cruel magicien qui prend les traits du tuteur, l'a transformée en cygne. Elle ne reprend sa forme humaine que la nuit. Il ne faut pas voir dans la fin le triomphe du mal, mais la quête sans cesse renouvelée d'une perfection jamais atteinte. »
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+ Après la mort de Tchaïkovski (1893), une version revue du ballet fut élaborée par le frère du compositeur, Modeste. La chorégraphie fut modifiée par Marius Petipa et Lev Ivanov et la partition, par le très reconnu chef d'orchestre Riccardo Drigo du Théâtre Mariinsky. Ainsi le ballet qui possédait quatre actes à l'origine n'en eut plus que trois.
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+ C'est la partition reprise par Drigo en 1895, par rapport à celle de Tchaïkovski en 1877, qui est la plus usitée pour les représentations du ballet. Mais, la plupart des compagnies de ballet préfèrent établir leur propre version de la partition, ou un juste milieu entre la partition de 1877 et celle de 1895… mais on se base toujours sur celle de Drigo.
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+ Le frère de Tchaïkovski, Modeste, préférait la partition de Drigo.
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+ L'acte I devint l'acte I, scène 1 ; l'acte II devint l'acte I scène 2 ; l'acte III devint l'acte II et l'acte IV devint l'acte III.
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+ La valse de l'acte I fut appelée valse champêtre ou valse villageoise. La grande coda de l'acte II fut rallongée. La ballabile de l'acte III fut utilisée par le maître de ballet Konstantin Sergueïev dans sa version de 1951 pour le Mariinsky comme danse de cour. La danse russe est utilisée dans les mises en scène d'aujourd'hui et a même été utilisée par une compagnie de ballet de Seattle comme danse arabe.
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+ (originellement l'acte I)
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+ (originellement l'acte II)
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+ (originellement l'acte III)
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+ (originellement l'acte IV)
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+ Dans ses Mémoires, Marius Petipa écrit : « Le Lac des cygnes fut monté pour la première fois à Moscou sans grand retentissement. À peine informé des mécomptes du ballet, je me rendis chez le directeur [du Mariinsky] et lui dis qu'il m'était impossible d'admettre que la musique de Tchaïkovski fût mauvaise. À mon sens, les problèmes de l'œuvre ne pouvaient venir que de la mise en scène et de la chorégraphie. Je lui demandai de m'autoriser à utiliser à ma façon le sujet de Tchaïkovski pour monter le ballet à Pétersbourg. M. Vsevolojski accepta d'enthousiasme et nous nous mîmes en contact avec le compositeur. Naturellement, Le Lac des cygnes fit un triomphe sur la scène pétersbourgeoise. Tchaïkovski, ravi, répétait à qui voulait l'entendre qu'il n'écrirait jamais de ballet pour quelqu'un d'autre que Petipa »[4].
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+ En 1893, la ballerine italienne Pierina Legnani, excellente danseuse, obtint le rôle d'Odette. Lors d'une représentation, durant le « grand pas » de l'Acte III, Legnani fit, en improvisant, trente-deux fouettés en tournant et fut la première ballerine à avoir accompli un tel exploit. Le public impressionné demanda un bis, et elle répéta ce qu'elle venait de faire, mais cette fois avec vingt-huit fouettés en tournant. Selon la presse, la ballerine ne « bougea pas d'un pouce de l'endroit où elle avait commencé » ses fouettés. Les fouettés en tournant restèrent depuis lors dans la chorégraphie du Lac des cygnes.
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+ Tchaïkovski désirait faire une suite du Lac des cygnes (opus 20a), mais il ne la compila jamais et les éditions Jurgenson publièrent après sa mort la suite comprenant :
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Décor de Mikhaïl Botcharov - 1895.
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+ Anna Sobechtchanskaïa dans le rôle d'Odette - 1877.
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+ Pierina Legnani dans le rôle d'Odette - 1895.
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+ Danse vénitienne - 1895.
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+ Musée Tchaïkovski de Klin (conducteur de l'appendice II)
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+ Le Lac des cygnes (en russe : Лебединое озеро / Lebedinoïe ozero) est un ballet en quatre actes sur une musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski (opus 20) et un livret de Vladimir Begitchev inspiré d'une légende allemande.
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+ En 1871, Tchaïkovski profite de ses vacances pour composer un petit ballet, Lebedinoïe ozero, destiné aux enfants de sa sœur.
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+ Lorsque, au cours de l'été 1875, l'Intendant du grand théâtre de Moscou, Vladimir Pétrovitch Begitchev, lui demande de composer un ballet, Tchaikovski accepte immédiatement d'autant que la proposition est lucrative (Tchaïkovski touchera 5 000 roubles pour sa peine) et que le compositeur confie, dans une lettre à son ami Rimski-Korsakov, rêver depuis longtemps de « [s']essayer à ce genre de musique ». Bégitchev, en collaboration avec son danseur étoile du Théâtre Impérial Bolchoï Vassili Fiodorovitch Gelzer, a personnellement préparé le livret à partir de légendes et contes divers — dont le Voile dérobé tiré des « contes populaires des Allemands » de Johann Karl August Musäus. Tchaikovski a à l'esprit les ballets de Léo Delibes et plus particulièrement Coppélia.
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+ À la différence du mode de travail qui caractérisera plus tard La Belle au bois dormant et Casse-Noisette, le compositeur ne collabore pas directement avec le chorégraphe pressenti, Julius Reisinger. Ce dernier, maître de ballet traditionaliste, se trouve dépassé par les ambitions « symphoniques » de la musique de Tchaïkovski. Il triture la partition, coupant ici, arrangeant là, si bien que lors de la création, le 4 mars 1877[1] au Théâtre Impérial Bolchoï, l'œuvre, sous la direction de Semen Riabov et chorégraphiée par Julius Reisinger, sans être un échec cuisant comme certains historiens du ballet l'ont prétendu, est une « déconvenue humiliante » (Tchaïkovski). Au cours des cinq années suivantes, Lebedinoïe ozero est monté deux fois et connaît plus de quarante représentations, chiffre exceptionnel pour l'époque.
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+ Tchaïkovski ne vivra pas assez longtemps pour voir la version qu'il a composée, Lebedinoïe ozero, dansée sur toutes les scènes du monde sous des formes et des titres divers : Lebedinoïe ozero bien sûr, mais aussi Swan Lake, Le lac des cygnes, Schwanensee, Lago dei cigni, etc. C'est très exactement le 12 mars 1894 que le ballet entreprend sa longue marche triomphale d'une façon modeste : seul le deuxième acte est représenté au Théâtre Impérial Mariinski à la mémoire du compositeur décédé le 6 novembre 1893. Cette réalisation est confiée à Ivanov, deuxième maître de ballet et adjoint du célèbre Petipa. Ce dernier remarque immédiatement les possibilités inhérentes à la partition de Tchaïkovski et persuade le Théâtre Mariinski de monter une production intégrale du ballet dont il se chargerait de la chorégraphie en partenariat avec Ivanov. Sur la demande de Petipa, le maître de chapelle de la cour et chef d'orchestre Riccardo Drigo, pratique quelques interventions dans la partition originale. Petipa se charge alors de chorégraphier le premier et le troisième acte, laissant à Ivanov les deuxième et quatrième qui se déroulent sur les bords du lac des cygnes. Cette version est présentée au public pour la première fois le 15 janvier 1895.
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+ Au cours des cinquante années qui ont suivi la création de la version Petipa/Ivanov à Saint-Pétersbourg le ballet subit tant de remaniements que la version réalisée en 1953 au théâtre Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko de Moscou fit l'effet d'une bombe. On la devait à Vladimir Pavlovitch Bourmeister[2] (1904-1971), premier maître de ballet du théâtre, et reprenait l'ordre des numéros tels que publiés dans la partition originale de Tchaïkovski. Burmeister simplifie la dramaturgie du livret et rajoute un prologue qui présente la transformation de la princesse Odette en cygne par le sorcier Rotbarth. Cela le conduit, après la victoire finale du prince Siegfried sur Rotbarth à l'issue d'une lutte sans merci, à montrer le retour d'Odette à sa forme première. Plus rien ne fait alors obstacle à la fin heureuse du ballet bien que la version de 1895 ne faisait qu'esquisser la réunion des deux amants dans une apothéose finale. Les autres modifications intéressent la disparition du fou (qui n'amène rien à l'intrigue) au profit de l'ami de Sigfried et l'arrangement des danses nationales du Divertissement de l'Acte III en intermèdes magiques de Rotbarth qui apparaît dès lors comme une sorte d'artiste du music-hall.
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+ Cette version du Lac des cygnes a été montée pour la première fois à l'Ouest par l'Opéra de Paris en 1950. Elle a été reprise par plusieurs compagnies dont, récemment, le 14 avril 2004, au Théâtre de la Scala avec Svetlana Zakharova dans le rôle d'Odette/Odile et Roberto Bolle dans celui de Siegfried.
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+ Le mythe du cygne, avec ses prémices antiques où Zeus, sous les traits d'un cygne, comble Léda, l'épouse du roi de Sparte, offre de nombreuses possibilités d'adaptation. On y voit déjà apparaître le caractère androgyne de l'animal qui a conduit, dans les mises en scène de Matthew Bourne (Swan Lake, Londres 1995) et Stephan Thoss (Zwischen Mitternacht und Morgen, Hanovre 2004), à confier la figure des cygnes à un corps de ballet masculin.
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+ Enfin, à la suite de l'étude psychanalytique de l'argument par Mats Ek en 1986 et de l'interprétation par le biais de la Modern Dance qu'il en a donné avec le Ballet Cullberg de Suède, de nouvelles versions dramaturgiques et chorégraphiques ont vu le jour dont celle de Neumeier, Illusionen - wie Schwanensee avec sa référence historique à Louis II de Bavière.
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+ Le jeune prince Siegfried fête sa majorité. Sa mère, la reine, lui annonce que, le jour suivant, au cours d'un grand bal pour son anniversaire, il devra choisir une future épouse. Vexé de ne pouvoir choisir celle-ci par amour, il se rend durant la nuit dans la forêt. C'est alors qu'il voit passer une nuée de cygnes. Une fois les cygnes parvenus près d'un lac, il épaule son arbalète, s'apprêtant à tirer, mais il s'arrête aussitôt : devant lui se tient une belle femme vêtue de plumes de cygne blanches.
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+ Enamourés, ils dansent, et Siegfried apprend que la jeune femme est en fait la jeune et belle princesse Odette, la princesse cygne. Un terrible et méchant sorcier nommé von Rothbart, la captura et lui jeta un sort ; le jour, elle serait transformée en cygne blanc et, la nuit, elle redeviendrait femme. D'autres jeunes femmes et jeunes filles apparaissent et rejoignent la princesse Odette, près du Lac des Cygnes, lac formé par les larmes de ses parents, le roi et la reine décédés, lorsqu'elle fut enlevée par le méchant sorcier von Rothbart. Ayant appris son histoire, le prince Siegfried, fou amoureux, est pris d'une grande pitié pour elle. Il lui déclare son amour, ce qui affaiblit le sort. Von Rothbart apparaît. Siegfried menace de le tuer mais Odette intervient ; si von Rothbart meurt avant que le sort ne soit brisé, il sera irréversible. Le seul moyen de briser le sort est que le prince épouse Odette.
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+ Le lendemain, au bal, à la suite des candidates fiancées, survient le méchant sorcier Rothbart, avec sa fille Odile, transformée en Odette mais vêtue de noir (le cygne noir), qui est le sosie d'Odette. Abusé par la ressemblance, Siegfried danse avec elle, lui déclare son amour et annonce à la cour qu'il compte l'épouser. Au moment où vont être célébrées les noces, la véritable princesse Odette apparaît. Horrifié et conscient de sa méprise, Siegfried court vers le lac des cygnes.
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+ La façon dont Odette apparaît finalement à Siegfried diffère selon les différentes versions du ballet : Odette arrive au château ou bien le méchant sorcier von Rothbart montre à Siegfried une vision d'Odette.
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+ Il existe également différentes fins :
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+ D'après le récit du neveu et de la nièce de Tchaïkovski, Youri Lvovitch Davidov et Anna Meck-Davydov, nous savons que celui-ci avait déjà créé auparavant un petit ballet appelé le Lac des Cygnes chez eux en 1871. Tchaïkovski avait l'habitude de réunir de petites œuvres dont il créait la musique et le scénario en une représentation. Selon son neveu, la Chanson des cygnes, le fameux thème du Lac des Cygnes, avait été composée à cet effet. À cette époque, Tchaïkovski et Vladimir Petrovitch Beguitchev, directeur des Théâtres Impériaux de Moscou en ce temps-là, faisaient partie d'un groupe artistique de Moscou appelé le Salon de Chikhovskaya et il semblerait que l'idée du Lac des cygnes soit parue lors d'une réunion des membres du groupe. Le livret du Lac des cygnes est un cliché typique du ballet du XIXe siècle.
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+ Les origines du scénario sont confuses, tant les sources que celui qui l'a écrit, et font encore aujourd'hui l'objet de contestations.
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+ Fiodor Lopoukhov, patriarche du ballet russe, a appelé Le Lac des cygnes un « ballet national » : les cygnes sont évoqués dans beaucoup de récits romantiques russes et la chorégraphie du corps de ballet imite très souvent des mouvements de danses slaves (des danses en cercle notamment). Selon lui, même si l'histoire se déroule en Allemagne, l'image du cygne et le thème de l'amour fidèle seraient essentiellement russes. La trame de l'intrigue serait inspirée de l'histoire du Voile dérobé (Der geraubte Schleier) extrait des Volksmährchen der Deutschen (un recueil en 5 tomes de contes allemands) de Johann Karl August Musäus. Le conte populaire russe le Canard Blanc serait une autre source. Aussi les contemporains de Tchaïkovski ont remarqué que le compositeur portait beaucoup d'intérêt pour la vie de Louis II de Bavière qui par son destin tragique est souvent symbolisé par le cygne et qui, consciemment ou non, fut choisi comme prototype du rêveur prince Siegfried.
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+ On s'accorde souvent à dire que Beguitchev a écrit le scénario.
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+ Le Lac des cygnes est le premier ballet dont la musique fut créée par un compositeur symphonique. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, on confiait habituellement la partition à des compositeurs connus et spécialisés dans la musique de ballet : ils créaient de nombreuses mélodies, claires, enjouées, rythmées, en vogue pour le ballet. Tchaïkovski étudia la musique de ces spécialistes (l'Italien Cesare Pugni ou l'Autrichien Léon Minkus) avant de composer son Lac des cygnes. Il avait une opinion négative sur la musique de ces spécialistes, jusqu'à ce qu'il s'intéresse en détail aux partitions : il fut impressionné par la variété presque illimitée de leurs mélodies. Il admirait surtout la musique de Léo Delibes ou d'Adolphe Adam, et de Riccardo Drigo quelques années plus tard. La partition de Giselle (1841) d'Adolphe Adam lui plaisait beaucoup : Adam avait utilisé la technique du leitmotiv, en associant des thèmes à un personnage ou une atmosphère ; ce que fit Tchaïkovski dans le Lac des cygnes ou La Belle au bois dormant.
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+ Certains de ses amis essayèrent de convaincre Tchaïkovski de renoncer à ce projet, notamment le compositeur Nikolaï Rimsky-Korsakov, qui soulignait qu'il s'agissait là d'une entreprise indigne du talent de Tchaïkovski. Rarement autoritaire, celui-ci déclara néanmoins : Il n'y a pas de genre inférieur en musique, il n'y a que de petits musiciens ! . Ce premier ballet, comme par la suite la Belle au bois dormant puis Casse-Noisette démontrèrent avec panache que Tchaïkovski avait raison.
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+ Il composa la musique du ballet entre août 1875 et avril 1876. La Danse russe de l'acte III fut ajoutée en février 1877 et le pas de deux de l'acte III en avril 1877. En 1875, Begitchev demanda la partition du Lac des cygnes à Tchaïkovski pour un prix plutôt modeste de 800 roubles, et bientôt Begitchev commença à choisir les artistes qui participeraient à la création du ballet. Le chorégraphe était le Tchèque Julius Reisinger (1827-1892) qui était alors engagé en tant que maître de ballet au Théâtre Bolchoï depuis 1873. La plupart des œuvres précédentes de Julius Reisinger, entre autres Kachtchei (1873) et Stella (1875), avaient été très critiquées et jugées d'une qualité médiocre[réf. souhaitée]. Sa seule véritable réussite était un ballet sur Cendrillon appelé Le Chausson magique, qu'il avait composé à son arrivée au Théâtre Bolchoï.
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+
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+ Après l'échec d'un mariage de pure convenance, Tchaïkovski tente d'échapper à sa nature profonde et à son homosexualité dans une relation épistolaire idéalisée avec sa protectrice Nadejda von Meck. Cette relation purement platonique durera plus de quatorze ans.
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+ Madame von Meck ne semble pas connaître l'orientation sexuelle de Tchaïkovski, mais elle lui écrit :
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+ « Piotr Illyich, avez-vous aimé ? Il me semble que non. Vous aimez trop la musique pour aimer une femme. »
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+ De fait, la partition du Lac des cygnes est une composition révélatrice[réf. nécessaire] des aspirations et du tempérament d'un Tchaïkovski poursuivi par le sentiment d'une implacable fatalité : son homosexualité. Comme Siegfried, les amours féminines lui sont interdites. Le prince ne peut avoir de relation charnelle avec le cygne blanc, symbole de pureté ; ceci serait contraire aux lois humaines. La création du Lac des cygnes et les représentations qui suivent sont une cruelle humiliation pour le compositeur qui la vit comme une nouvelle malédiction. Le ballet est retiré de l'affiche et tombe dans l'oubli durant dix-huit ans. Il faut attendre la reprise de la chorégraphie par Marius Petipa en 1895 pour redonner au Lac des cygnes la place qui lui revient.
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+ En 1984, Rudolf Noureev signe pour l'Opéra de Paris une version à résonance « freudienne », probablement la plus achevée du Lac des cygnes.
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+ Noureev explique sa vision du ballet en ces termes[3] :
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+ « Le lac des cygnes est pour moi une longue rêverie du prince Siegfried […] Celui-ci, nourri de lectures romantiques qui ont exalté son désir d'infini, refuse la réalité du pouvoir et du mariage que lui imposent son précepteur et sa mère […]. C'est lui qui, pour échapper au destin qu'on lui prépare, fait entrer dans sa vie la vision du lac, cet « ailleurs » auquel il aspire. Un amour idéalisé naît dans sa tête avec l'interdit qu'il représente. Le cygne blanc est la femme intouchable, le cygne noir en est le miroir inversé. Aussi, quand le rêve s'évanouit, la raison du prince ne saurait y survivre. »
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+ C'est de là que naît une vision psychanalytique et introspective de l'œuvre tant dans le traitement du récit que dans le développement des personnages. L'œuvre gagne un surcroît de complexité dans un subtil jeu de miroirs identitaires.
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65
+ Tout en restant très proche du livret imaginé par Petipa, le danseur étoile révise la chorégraphie (rendant ainsi certains passages d'une exécution difficile) et arrange la partition. Le bouffon, un ajout d'Alexandre Gorski, est certainement brillant mais sans utilité dans l'intrigue. Il est supprimé au profit de Wolfgang, le précepteur du prince. Wolfgang devient dans la version de Noureev un personnage équivoque et manipulateur, alter ego, miroir identitaire du magicien Rothbart qui a ensorcelé les cygnes et qui, à terme, conduit le prince à sa perte. Il éclaire ainsi de façon magistrale le rôle de l'inconscient dans l'œuvre de Tchaïkovski et donne la mesure du drame intime que vit le compositeur dans son homosexualité. Le cygne blanc symbolise la pureté inaccessible car un amour charnel ne peut exister entre un cygne et un humain. C'est là la malédiction vécue par Tchaïkovski.
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+ Le changement le plus important réside dans le finale. Noureev s'éloigne franchement de l'image traditionnelle des deux protagonistes réunis dans une sorte d'apothéose idyllique rêvée. Il conçoit une scène plus cruelle pour Odette, la princesse cygne. Elle est emportée dans les griffes de l'affreux Rothbart sous les yeux d'un prince paralysé par son impuissance. Cette image est précisément la résurgence du rêve de Siegfried avec lequel l'histoire commence. Finalement, elle devient la concrétisation du cauchemar à la fois récurrent et redouté auquel il ne peut échapper. La constante opposition entre l'imaginaire et le réel, jeu de miroirs identitaires qui n'ont cessé de s'affronter dans son esprit, débouche inexorablement sur la folie…
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+ Le sentiment de cette fatalité parcourt la partition d'un bout à l'autre. Elle est magnifiquement rendue par cette version de Noureev.
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+ De tous les ballets que Noureev aura légués à l'Opéra de Paris, celui-ci est, à coup sûr, son œuvre la plus personnelle.
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+ « Le Lac des cygnes de Noureev est devenu pour nous une référence », explique Charles Jude en 1997[réf. souhaitée]. « Pour ma part, je l'ai considéré dès le début comme la meilleure version, mais ce n'était pas le cas de tout le monde. En fait, Noureev a éliminé tout ce qui était démodé et donné un vrai rôle a chacun et pas seulement aux solistes. Son ballet est construit comme un rêve. Siegfried aime les lectures romantiques et pour échapper au mariage sans amour que veulent lui imposer sa mère et son précepteur il se réfugie dans un monde imaginaire. Il tombe éperdument amoureux d'Odette, une princesse qui vit près d'un lac enchanté et qui est l'image de sa femme idéale. Rothbart, le cruel magicien qui prend les traits du tuteur, l'a transformée en cygne. Elle ne reprend sa forme humaine que la nuit. Il ne faut pas voir dans la fin le triomphe du mal, mais la quête sans cesse renouvelée d'une perfection jamais atteinte. »
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+ Après la mort de Tchaïkovski (1893), une version revue du ballet fut élaborée par le frère du compositeur, Modeste. La chorégraphie fut modifiée par Marius Petipa et Lev Ivanov et la partition, par le très reconnu chef d'orchestre Riccardo Drigo du Théâtre Mariinsky. Ainsi le ballet qui possédait quatre actes à l'origine n'en eut plus que trois.
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+ C'est la partition reprise par Drigo en 1895, par rapport à celle de Tchaïkovski en 1877, qui est la plus usitée pour les représentations du ballet. Mais, la plupart des compagnies de ballet préfèrent établir leur propre version de la partition, ou un juste milieu entre la partition de 1877 et celle de 1895… mais on se base toujours sur celle de Drigo.
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79
+ Le frère de Tchaïkovski, Modeste, préférait la partition de Drigo.
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+ L'acte I devint l'acte I, scène 1 ; l'acte II devint l'acte I scène 2 ; l'acte III devint l'acte II et l'acte IV devint l'acte III.
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+ La valse de l'acte I fut appelée valse champêtre ou valse villageoise. La grande coda de l'acte II fut rallongée. La ballabile de l'acte III fut utilisée par le maître de ballet Konstantin Sergueïev dans sa version de 1951 pour le Mariinsky comme danse de cour. La danse russe est utilisée dans les mises en scène d'aujourd'hui et a même été utilisée par une compagnie de ballet de Seattle comme danse arabe.
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+ (originellement l'acte I)
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+ (originellement l'acte II)
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+ (originellement l'acte III)
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+ (originellement l'acte IV)
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+ Dans ses Mémoires, Marius Petipa écrit : « Le Lac des cygnes fut monté pour la première fois à Moscou sans grand retentissement. À peine informé des mécomptes du ballet, je me rendis chez le directeur [du Mariinsky] et lui dis qu'il m'était impossible d'admettre que la musique de Tchaïkovski fût mauvaise. À mon sens, les problèmes de l'œuvre ne pouvaient venir que de la mise en scène et de la chorégraphie. Je lui demandai de m'autoriser à utiliser à ma façon le sujet de Tchaïkovski pour monter le ballet à Pétersbourg. M. Vsevolojski accepta d'enthousiasme et nous nous mîmes en contact avec le compositeur. Naturellement, Le Lac des cygnes fit un triomphe sur la scène pétersbourgeoise. Tchaïkovski, ravi, répétait à qui voulait l'entendre qu'il n'écrirait jamais de ballet pour quelqu'un d'autre que Petipa »[4].
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94
+ En 1893, la ballerine italienne Pierina Legnani, excellente danseuse, obtint le rôle d'Odette. Lors d'une représentation, durant le « grand pas » de l'Acte III, Legnani fit, en improvisant, trente-deux fouettés en tournant et fut la première ballerine à avoir accompli un tel exploit. Le public impressionné demanda un bis, et elle répéta ce qu'elle venait de faire, mais cette fois avec vingt-huit fouettés en tournant. Selon la presse, la ballerine ne « bougea pas d'un pouce de l'endroit où elle avait commencé » ses fouettés. Les fouettés en tournant restèrent depuis lors dans la chorégraphie du Lac des cygnes.
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96
+ Tchaïkovski désirait faire une suite du Lac des cygnes (opus 20a), mais il ne la compila jamais et les éditions Jurgenson publièrent après sa mort la suite comprenant :
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Décor de Mikhaïl Botcharov - 1895.
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+ Anna Sobechtchanskaïa dans le rôle d'Odette - 1877.
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+ Pierina Legnani dans le rôle d'Odette - 1895.
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+ Danse vénitienne - 1895.
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+ Taxons concernés
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+ Articles sur le lapin commun
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+ Autres sous-pages sur les lapins
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+ modifier
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+ Le mot lapin (/lapε̃/) est un terme très général qui désigne en français certains animaux lagomorphes à longues oreilles, que l'on différencie des lièvres par une silhouette moins élancée et par les petits qui naissent aveugles et nus, cachés dans un nid creusé au sol. Ces animaux ne correspondent donc pas à un niveau précis de classification scientifique.
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+
13
+ « Lapin » est en fait un nom vernaculaire ambigu, désignant une partie seulement des différentes espèces de mammifères classées dans la famille des Léporidés, une famille qui regroupe à la fois les lièvres et les lapins. Longtemps classés dans l'ordre des rongeurs, ils sont maintenant regroupés dans un ordre à part : les Lagomorphes.
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15
+ En employant le terme « lapin », on fait toutefois référence le plus souvent au lapin domestique issu du Lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus), l'espèce sauvage d'origine européenne qui s'est répandue un peu partout, puisqu'elle est à la base des multiples races de lapins élevées à présent dans le monde entier, y compris des lapins nains. Cependant, les lapins ne se limitent pas à cette seule espèce européenne : il existe en effet plus d'une vingtaine d'espèces de lapins sauvages dans le monde, réparties dans neuf genres biologiques, mais dont plusieurs sont menacées d'extinction et protégées au XXIe siècle.
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+
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+ Le lapin est un gibier traditionnel, classé en cuisine avec les volailles. C'est aussi un animal très présent dans de nombreux domaines culturels. L'« animal aux longues oreilles » est évoqué dans l'art et la littérature tout autant que dans la culture populaire, la mythologie et la symbolique de plusieurs continents. De nombreux personnages célèbres de fiction sont des lapins, notamment dans l'univers enfantin. Le mot « lapin » est par ailleurs utilisé aussi bien comme patronyme que comme marque commerciale.
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+ Le substantif masculin[1],[2],[3] lapin (prononcé : [lapɛ̃][2]) est dérivé de lapereau[1],[2] par changement de suffixe[2]. Il est attesté au XVe siècle[1],[2].
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+ Les lapins sont présents un peu partout sur la planète et se répartissent en neuf genres, tous classés dans la famille des léporidés, avec leurs proches parents les lièvres. Ce ne sont donc pas des rongeurs mais des lagomorphes, une branche cousine qui comprend les lièvres, les lapins et les pikas.
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+
23
+ Remarque : Les lapins domestiques sont tous issus de l'espèce Oryctolagus cuniculus, le Lapin de garenne, qui est à l'origine de toutes les races de lapin sélectionnées en élevage : voir la Liste des races de lapins.
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+
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+ Les lapins sont répartis dans les genres suivants de la famille des Leporidae : Brachylagus, Bunolagus, Caprolagus, Nesolagus, Oryctolagus (lapin commun), Pentalagus, Poelagus, Pronolagus, Romerolagus et Sylvilagus (ou lapins d'Amérique). C'est-à-dire que les Léporidés sont presque tous des lapins, à l'exclusion du genre Lepus qui rassemble les lièvres. Sept de ces genres ne comprennent qu'une seule espèce de lapin, on dit que ce sont des genres monospécifiques, le genre Nesolagus regroupe deux espèces, le genre Pronolagus en compte trois et le genre Sylvilagus rassemble quinze espèces, soit au moins 27 espèces différentes de lapins en tout.
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+ Lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus), présent en Eurasie, en Australie et en Afrique du Nord
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+ Lapin de l'Assam (Caprolagus hispidus), au sud de l'Himalaya (menacé)
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+ Lapin des îles Amami (Pentalagus furnessi), au Japon (menacé)
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+ Lapin pygmée (Brachylagus idahoensis), petit lapin d'Oregon Country
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+ Lapin à queue blanche (Sylvilagus floridanus), du Canada au Vénézuéla
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+ Lapin des marais (Sylvilagus palustris), de la Virginie à la Floride
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+ Lapin aquatique (Sylvilagus aquaticus), du Texas à la Caroline du Sud
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+ Lapin du Brésil (Sylvilagus brasiliensis), du Mexique à l'Argentine
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+ Lapin d'Audubon (Sylvilagus audubonii), dans les zones désertiques de l'ouest américain et du Mexique
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+ Lapin de Bachman (Sylvilagus bachmani), sur la côte ouest de l'Amérique, de Portland à La Paz.
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+ Lapin de Nuttall (Sylvilagus nuttallii), dans la partie ouest de l'Amérique du Nord, du Canada à l'Arizona.
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+ Lapin des volcans (Romerolagus diazi), au Mexique (menacé)
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+ Lapin de Nouvelle-Angleterre (Sylvilagus transitionalis), en Nouvelle Angleterre (menacé)
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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55
+ Les lapins sont des mammifères terrestres herbivores. Leurs caractéristiques générales sont celles des Léporidés, avec des nuances pour chaque espèce : voir les articles détaillés pour plus d'informations sur leur comportement ou leur physiologie respective.
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+
57
+ Ces mammifères sont des proies plus grosses que la plupart des rongeurs, donc très recherchées par de nombreux carnivores. Ils tentent en permanence d'échapper à quantité de prédateurs, dont l'homme, grâce à une excellente vue à 360°, leurs grandes oreilles à l'ouïe fine et une morphologie particulièrement adaptée à la course. Leurs longues et puissantes pattes arrière repliées sous le corps leur permettent en outre de bondir ou de se tenir assis pour observer leur environnement.
58
+
59
+ Le dimorphisme sexuel est peu apparent entre le mâle et la femelle, même si la femelle est de constitution plus fine avec un bassin plus large. Seul un examen des parties génitales permet de différencier les jeunes individus entre eux. Toutefois, un fanon - sorte de double menton qui sert de réserve de graisse - est parfois bien visible chez la femelle adulte tandis qu'il est quasi inexistant chez le mâle, à moins d'être atteint d'obésité[4].
60
+
61
+ Le poids et la taille des lapins adultes varient grandement selon l'espèce biologique : un Lapin pygmée (Brachylagus idahoensis) fait en moyenne 25 cm de long (de 23,5 à 29,5 cm[5]) et pèse 400 g environ (entre 246 et 462 g[5]), tandis qu'un Lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus) peut mesurer jusqu'à 50 cm (de 38 à 50 cm[6]) pour un poids maximal de 2,5 kg (de 1,5 à 2,5 kg[6]). La différence est encore plus considérable si on considère les races d'élevage de lapins domestiques puisqu'une race comme le géant des Flandres peut faire plus de 10 kg à l'âge adulte et même certains individus dépasser les 20 kg pour plus d'un mètre de long[7].
62
+
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+ Contrairement aux lièvres, tous les lapins vivent en groupe et creusent des terriers qui peuvent être complexes quand le terrain, ou garenne, est favorable. Ils se distinguent aussi de leurs cousins lièvres par le fait que les lapereaux naissent nus et aveugles. Les petits doivent rester cachés dans un nid tapissé du poil ventral de leur mère, creusé à même le sol ou au fond d'un terrier. Ils sont soignés et allaités par la lapine[8] durant plusieurs semaines, en début et en fin de journée, avant d'être capables de se débrouiller seuls. Vers deux semaines, ils commencent à grignoter des végétaux puis, vers quatre à cinq semaines, ils suivent leur mère avant de prendre leur indépendance. Une femelle peut avoir de trois à cinq portées par an, après une durée de gestation qui dure environ un mois. Le nombre ou le poids à la naissance des lapereaux est très variable en fonction de la taille de la portée et selon les espèces ou les races[9].
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+
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+ Lapins domestiques âgés d'une heure.
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+ Lapereaux de Lapin à queue blanche dans leur nid au ras du sol.
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+ Jeune Lapin à queue blanche âgé de plusieurs semaines.
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+ Lapin, non domestique, en train de ronger.
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+ Lapins en veille dans des dunes du littoral breton.
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+
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+ Strictement herbivores, les lapins se nourrissent à la belle saison surtout d'herbes diverses et de plantes fourragères. En hiver, les lapins n'hibernent pas, ils grignotent en revanche un peu tout ce qu'ils peuvent trouver comme végétation comestible. Le Lapin de Nuttall est même capable de grimper sur des troncs d'arbres inclinés pour trouver un peu de verdure en zone désertique. Comme tous les léporidés, ils pratiquent la cæcotrophie qui consiste à ingérer certaines de leurs déjections partiellement digérées pour en récupérer les derniers nutriments et micro-organismes. Les autres crottes forment des groupes de boulettes très sèches, abandonnées sur leurs lieux de pâturage. Une autre pratique d'hygiène commune avec les lièvres consiste à prendre des bains de poussière dans une dépression du sol, sec et gratté[9].
76
+
77
+ La stratégie de survie des lapins consiste à rester toujours en vue d'un refuge possible. De son côté, la hase ne rejoint le nid qu'à l'aube ou au crépuscule, restant loin des lapereaux le reste du temps afin de ne pas signaler ses petits aux prédateurs. Si l'un des membres de la colonie repère un danger, il ne crie pas mais tape rapidement le sol du pied pour alerter ses congénères, mais quand il est capturé et craint pour sa vie, il pousse un glapissement, sorte de puissant cri aigu. En cas d'alerte, les lapins sont capables de rester très longtemps immobiles pour passer inaperçus, ne prenant la fuite qu'au dernier moment, en zigzagant pour dérouter le poursuivant[9].
78
+
79
+ Ces animaux sont surtout actifs à l'aube et au crépuscule. Durant le jour, ils se cachent par exemple dans les buissons, sous les souches ou les tas de bois ou encore les vieux bâtiments agricoles. Ils n'hibernent pas et par grand froid cherchent refuge dans un terrier qu'ils creusent eux-mêmes ou abandonné par un autre animal[9].
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+
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+ Une garenne naturelle
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+
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+ Crottes de lapin
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+ Lapin domestique creusant son terrier
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+ Entrée d'un terrier de Lapin de garenne
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+ Lapins se nourrissant en groupe, à l'aube
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+
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+ Lapin d'Audubon en pose d'observation
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+
93
+ Lapin à queue blanche photographié en plein bond
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+
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+ Un groupe de lapins dans un champ après récolte.
96
+
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+ Malgré toutes ces précautions, un lapin vit rarement très vieux dans la nature. Quand ils ne meurent pas en bas âge, dévorés par des serpents et des petits carnivores comme les Mustélidés, les chats, etc. ou bien broyés dans leur nid par les engins agricoles, les adultes sont captur��s bien avant d'atteindre un âge avancé par des prédateurs plus costauds (rapaces nocturnes ou diurnes, Canidés, Félins...). Les hivers trop rigoureux ou au contraire sans neige suffisante pour s'enterrer leur sont fatals, à moins qu'ils ne soient décimés par les zoonoses. Les lapins sont également chassés par l'homme ou écrasés le long des routes, si bien que leur espérance de vie moyenne est d'une année dans la nature, même s'ils peuvent vivre deux ans ou plus en théorie[9].
98
+
99
+ Pour leur part, les lapins domestiques de compagnie peuvent vivre une dizaine d'années, s'ils sont bien soignés. Certains individus battent des records de longévité en dépassant une quinzaine d'années[10].
100
+
101
+ Les lapins ont une capacité de reproduction importante avec plusieurs portées par an de plusieurs petits. Certaines espèces peuvent même se montrer très envahissantes quand les conditions leur sont favorables. Avec cinq portées par an pouvant compter chacune jusqu'à 12 petits, on a calculé que la descendance théorique d'un seul couple de lapins de garenne pourrait atteindre le chiffre de 1 848 individus à la première génération, si tout facteur de mortalité précoce était écarté[11]. C'est ainsi que 24 lapins de garenne introduits en 1874 ont suffi à submerger l'Australie qui a compté jusqu'à 30 millions d'individus, faute de prédateurs et de virus pour limiter leur prolifération[12].
102
+
103
+ Même dans le cas d'une espèce volontairement introduite et qui se reproduit modérément, celle-ci peut perturber l'écosystème. Elle peut être un vecteur de maladies, ou de parasites, et occuper la niche écologique des espèces indigènes en causant notamment des dégâts sur la végétation. Ce fut par exemple le cas lors des essais d'introduction en Europe de lapins américains (Sylvilagus sp.) et en particulier du Lapin de Floride (Sylvilagus floridanus). En 1989, l'Union européenne a finalement mis fin à l'expérience en préconisant l'éradication totale des spécimens survivants déjà introduits[13].
104
+
105
+ Toutefois, les maladies comme la myxomatose ou la fièvre hémorragique virale, la réduction ou la dégradation de leur habitat naturel, que ce soit sous l'action de l'homme ou des changements climatiques[14], ou bien la chasse excessive ont progressivement réduit certaines populations de lapins, faisant craindre la disparition locale ou totale de bon nombre d'espèces. Le Lapin riverin par exemple a perdu 60 % de ses effectifs entre 1990 et 2010 environ, par perte de son habitat. Or ces léporidés font partie des espèces clé de voûte, d'importance vitale pour bon nombre de prédateurs qui se retrouvent affectés par leur déclin. Même le prolifique Lapin de garenne est menacé dans sa péninsule Ibérique d'origine depuis la fin du XXe siècle, à cause de l'épidémie de fièvre hémorragique, mettant en danger du même coup le Lynx ibérique (Lynx pardinus) ainsi que l'Aigle ibérique (Aquila adalberti). On comprend donc les enjeux qu'il y a à mettre en place des mesures de protection de ces animaux comme le préconise l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN)[15].
106
+
107
+ Le lapin domestique est la forme domestiquée du Lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus) et le Lapin nain un lapin domestique de moins de 2 kg.
108
+
109
+ Pour le nom des races de lapins domestiques voir la Liste des races de lapins.
110
+
111
+ Liste alphabétique de noms vernaculaires attestés[16] en français.
112
+ Note : Cette liste exclut les races de lapins domestiques. Certaines espèces ont plusieurs noms et, les classifications évoluant encore, certains noms scientifiques ont peut-être un autre synonyme valide. En gras, les espèces les plus connues des francophones.
113
+
114
+ La dénomination qui peut désigner ces animaux change selon les cas :
115
+
116
+ Le terme lapin est le terme générique le plus utilisé. Son étymologie est incertaine. Il pourrait venir de « lapereau »[25] et dériver d'une interférence entre le terme « laper » (manger avec avidité) et de « levraut » (petit lièvre), ce dernier provenant de « lapriel » (du latin : leporellus, levraut).
117
+
118
+ Avec un ou deux N, le terme con(n)in ou con(n)il, au féminin con(n)ille[26], désigne le lapin dans les textes anciens[27], il dérive du latin cuniculus, mot d'origine ibérique[26]. On retrouve cette racine ancienne dans le castillan conejo, le catalan conill, l'italien coniglio, l'occitan conilh (qui coexiste avec lapin), le breton konifl, l'alsacien Kénjele, le néerlandais konijn ou l'allemand Kaninchen. Ce terme a été remplacé en français, probablement au XIVe siècle, par celui de « lapin »[25].
119
+
120
+ La femelle du lapin domestique est la « lapine » (/lapin/), tandis que la « hase » est celle du lapin de garenne, comme pour le lièvre[27]. Le « bouquin » ou « bouquet » désigne le mâle lapin comme le lièvre (rare) et le « lapereau » est leur petit[27]. « Lapiner » veut dire mettre bas[23].
121
+
122
+ Le cri de détresse du lapin se dit clapir (clapissement), glapir (glapissement), ou couiner (couinement).
123
+
124
+ Une « garenne » était autrefois une zone de chasse gardée pour le seigneur et désigne à présent l'espace où les lapins creusent leur terrier dans la nature[25], une « lapinière » est un élevage de lapins et un « clapier » un ensemble de cages à lapins[23].
125
+
126
+ La « cuniculture » désigne l'élevage du lapin domestique.
127
+
128
+ Le lapin a été domestiqué tardivement au XVe siècle, c'est le seul animal d'élevage originaire d'Europe[28].
129
+
130
+ Le lapin domestique est exclusivement issu de la domestication d'une seule espèce : le Lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus)[29]. Son élevage, appelé cuniculture, s'est développé à partir du Moyen Âge.
131
+
132
+ À lui seul Oryctolagus cuniculus est à l'origine des multiples races de lapins domestiques élevées à présent dans le monde entier[30] mais stabilisées uniquement à partir de la seconde moitié du XIXe siècle[31].
133
+
134
+ Ces diverses races ont été progressivement développées grâce à l'élevage sélectif de ces animaux par l'homme. Elles présentent une très vaste gamme de tailles et de couleurs de robe et sont chacune adaptée à l'un de ces usages. Les grandes races (de 5 à 7 kg et plus) étaient destinées à la production de viande, bien que négligées par la suite dans l'élevage industriel. Les races moyennes (de 2,5 à 5,5 kg maximum) et petites races (idéalement de 2 à 3,5 kg) sont exploitées selon leurs qualités respectives, notamment les races à pelage spécial pour la fourrure ou le tissage (angora). Enfin, les races « naines » (de 0,8 à 2 kg maximum) sont généralement utilisées comme animal de compagnie[32].
135
+
136
+ Le Lapin domestique est élevé dans le monde entier pour sa peau et sa chair. Il existe de nombreuses races de lapins, de couleur variée
137
+
138
+ La race géant des Flandres peut atteindre 10 kg, ici à côté d'un chien berger des Shetland
139
+
140
+ Les races de lapins angoras procurent une fibre textile soyeuse, l'angora
141
+
142
+ Les races de lapins nains font moins de 2 kg et sont surtout des animaux de compagnie
143
+
144
+ Chaque année, 320 millions de lapins sont élevés pour leur viande en Europe, et 99 % d’entre eux sont enfermés en cage[33].
145
+
146
+ Les conditions d’élevage sont parfois contestées : « Les cages les empêchent d’exprimer leurs comportements naturels, comme se mettre debout, faire des bonds, creuser, ronger, et leur causent des blessures et un stress permanent », selon le CIWF France. Les lapins d'élevage passent leur vie entière en cage, dans des espaces étroits : ils naissent dans de petites cages grillagées hors-sol et y restent jusqu’à leur mort, 60 à 80 jours plus tard. Les lapines reproductrices sont quant à elles maintenues isolées et confinées pendant 13 à 24 mois jusqu’à leur abattage. Compte tenu des zoonoses inhérentes à la fois à l’espèce et à ce mode d’elevage, le recours aux produits vétérinaires, dont les antibiotiques est fréquent (les lapins sont les animaux les plus exposés à ces médicaments, devant les volailles et les porcs)[33].
147
+
148
+ Les lapins sauvages de toutes espèces sont chassés (ou braconnés) depuis toujours pour leur chair très largement appréciée, dont rôtie, en pâté ou en civet.
149
+
150
+ L'élevage familial en clapier a été pratiqué dès l'an 1000[34], puis s'est intensifié avec l'apparition de l'élevage industriel. Son but premier était la production de viande, mais il permet également la production de poils et de fourrures.
151
+
152
+ Par ailleurs, les lapins sont depuis plusieurs décennies et aujourd'hui encore employés comme modèles dans les laboratoires, pour tester l'innocuité de divers produits cosmétiques notamment, ou par exemple pour tester la reprotoxicité ou toxicité cellulaire de certains métaux tels que le cuivre[35],[36]
153
+
154
+ Les lapins (souches nanifiées notamment) peuvent également devenir des animaux de compagnie, du fait de leur caractère placide. Le marché du lapin nain, notamment, se développe à la fin du XXe siècle et en 2003 c'est le petit mammifère préféré des Français[37].
155
+
156
+ Leur peau a actuellement une valeur économique moindre que dans le passé où elle donnait lieu à un commerce traditionnel, récupérée par les chiffonniers, dits aussi « marchands de peaux de lapins » qui passaient à domicile collecter les peaux issues des élevages familiaux[31].
157
+
158
+ L'introduction d'une nouvelle espèce de lapin dans des contrées où ils n'ont pas de prédateur, comme le lapin de garenne, d'origine européenne, provoqua en Australie de nombreux dégâts écologiques et en fait une espèce invasive difficile à contenir[12].
159
+
160
+ La chasse au lapin est une source de nourriture de tout temps, comme ici en 1942
161
+
162
+ Clapiers classiques en bois grillagé
163
+
164
+ Vendeuse ambulante de jeunes lapins en cage en Chine (2008).
165
+
166
+ Cages à lapins d'un élevage français en 2009
167
+
168
+ Les agriculteurs utilisent des filets anti-lapins pour lutter contre les ravages produits par les lapins de garenne et lapins non domestiques.
169
+
170
+ Le lapin, sans référence à aucune espèce précise, est très présent dans la culture populaire et enfantine, ainsi que dans la mythologie. Le lapin est aussi fortement associé à la fête de Pâques.
171
+
172
+ Redouté par les marins qui ne prononcent jamais son nom, sous peine de porter malheur, et le désignent par des périphrases comme « l'animal aux longues oreilles », « cousin du lièvre », il est au contraire adopté comme symbole dans des cultures et des professions très diverses, un peu partout dans le monde.
173
+
174
+ L'univers du marketing s'en est également emparé, créant des mascottes célèbres. Le multimédia est également touché, notamment avec les lapins crétins d'Ubisoft.
175
+
176
+ Dans les jeux vidéo, les lapins peuvent être des ennemis. Dans Super Mario Odyssey par exemple, les Broodals, des lapins aux différentes formes, sont les minis boss du jeu. On peut aussi les trouver dans des productions indépendantes comme Braid, créé par Jonathan Blow, où les lapins tueront le joueur au premier contact.
177
+
178
+ En motifs, en peluches ou en personnages de fiction, les lapins font partie des classiques de l'univers enfantin, notamment Bugs Bunny, personnage célèbre et mascotte de la compagnie Warner Bros.
179
+
180
+ Poterie étrusque en forme de lapin
181
+
182
+ la « Vierge au lapin » du Titien, 1530
183
+
184
+ Le lapin blanc d'Alice au pays des merveilles
185
+
186
+ Lapin de spectacle, partenaire des illusionnistes
187
+
188
+ Ombre chinoise formant un lapin
189
+
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+ Des lapins de pâques
191
+
192
+ Nabaztag, un objet communiquant en forme de lapin stylisé
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+
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+ Lapins crétins d'Ubisoft
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5
+ L’électricité est l'effet du déplacement de particules chargées à l’intérieur d'un conducteur, sous l'effet d'une différence de potentiel aux extrémités de celui-ci. Ce phénomène physique est présent dans de nombreux contextes : l'électricité constitue aussi bien l'influx nerveux des êtres vivants que les éclairs d'un orage. Les découvertes des lois naturelles de l'électricité ont conduit à l'inventions de tout un ensemble de technologies et de techniques regroupées dans l'électrotechnique. Cette dernière est largement utilisée dans les sociétés développées, par exemple pour transporter de grandes quantités d'énergie facilement utilisable.
6
+
7
+ Les propriétés de l'électricité ont été découvertes au cours du XVIIIe siècle. La maîtrise du courant électrique a permis l'avènement de la seconde révolution industrielle. Aujourd'hui, l'énergie électrique est omniprésente dans les pays industrialisés : produite à partir de différentes sources d'énergie, principalement thermique, nucléaire et hydraulique, l'électricité est un vecteur énergétique employé dans de très nombreux usages domestiques et industriels et indispensable dans les communications à distance.
8
+
9
+ Le mot « électricité » provient du grec ἤλεκτρον, êlektron, signifiant ambre jaune[1]. Les Grecs anciens avaient découvert qu’en frottant l’ambre jaune, ce matériau attire des objets légers et produit parfois des étincelles.
10
+
11
+ Bien que les phénomènes électriques et les autres interactions de l'électricité avec la matière soient observables depuis le début de la formation de la Terre et même de l'Univers, leur étude, et surtout leur compréhension, par les hommes sont relativement récentes.
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+
13
+ Les effets de l'électricité statique et du magnétisme sont décrits pour la première fois, en 600 av. J.-C., par Thales de Milet.
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15
+ On doit l'emploi moderne du terme « électricité » à l'Anglais William Gilbert, qui distingue corps électriques et magnétiques dans De Magnete en 1600[2]. Il note les lois de répulsion et d'attraction des aimants par leur pôle, assimile la Terre à l'un d'eux, puis établit une liste des corps électrisables par frottement, après avoir découvert l'influence de la température sur le magnétisme du fer. Les premiers générateurs de charges électriques sont ainsi des machines à frottement.
16
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17
+ En 1663, Otto von Guericke, de Magdebourg, construit une forme primitive de machine électrique, sous la forme d'un globe de soufre en rotation frotté à la main.
18
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19
+ Au XVIIIe siècle débute une période d'observation et de création d'électricité statique. En 1733, du Fay découvre les charges positives et négatives et observe leurs interactions. Coulomb en énonce les premières lois physiques. En 1750, via des expériences sur la foudre, Benjamin Franklin identifie l'électricité naturelle, canalisée par le paratonnerre.
20
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21
+ En 1799, Alessandro Volta crée la pile électrique.
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23
+ Cet article contient une ou plusieurs listes. Ces listes gagneraient à être rédigées sous la forme de paragraphes synthétiques, plus agréables à la lecture, les listes pouvant être aussi introduites par une partie rédigée et sourcée, de façon à bien resituer les différents items.
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25
+ En avril 1820, lors d'un cours sur l'électricité qu'il donnait à ses étudiants, le professeur Ørsted découvre une relation entre l'électricité et le magnétisme dans une expérience, qui nous apparaît aujourd'hui comme très simple : un fil parcouru par un courant électrique est capable de faire dévier l'aiguille aimantée d'une boussole.
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+ En 1820, André-Marie Ampère, en approfondissant les travaux d’Ørsterd, découvre et formule quelques lois sur les relations du magnétisme et de l'électrodynamique.
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29
+ En 1831, Michael Faraday découvre que, si un courant électrique produit un champ magnétique, l'inverse est vrai : on peut produire un courant électrique en mettant en mouvement un champ magnétique, selon la loi de Lenz-Faraday.
30
+
31
+ En 1868, la dynamo du Belge Zénobe Gramme met en application certaines de ces découvertes.
32
+
33
+ En 1879, la lampe à incandescence de Joseph Swan permet de produire de la lumière. La même année, la première centrale hydroélectrique (de 7 kW) voit le jour à Saint-Moritz (Suisse).
34
+
35
+ En 1883, Aristide Bergès développe le concept de houille blanche, avec la première ligne électrique, en collaboration avec Lucien Gaulard et John Dixon Gibbs.
36
+
37
+ Dès 1889, un fil de 14 km relie la cascade des Jarrauds et la ville de Bourganeuf, dans la Creuse.
38
+
39
+ En 1891, la première ligne à haute tension (de) est construite par l'entreprise suisse Maschinenfabrik Oerlikon (en). Elle transporte l'énergie électrique sous 25 000 V à 40 Hz, sur 175 km entre Lauffen et Francfort-sur-le-Main, en Allemagne. Les pertes sont de seulement 4 %, ce qui a met fin à la controverse entre les défenseurs du système de transport en courant continu et ceux partisans du transport en courant alternatif, ces derniers sortant grands gagnants.
40
+
41
+ En 1892, Heilbronn, en Allemagne, est la première ville d'Europe à être équipée d'un réseau de distribution en courant alternatif[réf. nécessaire].
42
+
43
+ À la fin du XIXe siècle, la production industrielle d'électricité devient possible et les premières applications techniques apparaissent, comme le moteur électrique, l'éclairage électrique, le télégraphe et le téléphone[3].
44
+
45
+ Dans les années 1900, les progrès technologiques de l'hydroélectricité suisse sont à l'origine d'intenses spéculations boursières sur les sociétés hydroélectriques, qui profitent aux implantations industrielles dans les Alpes. L'électricité investit l'industrie, l'éclairage public et le chemin de fer, avant d'entrer dans les foyers.
46
+
47
+ La forte expansion électrique des années 1920 permet un maillage du territoire dans les grands pays industriels. La France bénéficie alors d'une multiplication par huit de la production d'électricité hydraulique grâce aux premiers barrages[4]. En 1925, Grenoble organise l'Exposition internationale de la houille blanche.
48
+
49
+ Dans les années 1990-2000, les préoccupations environnementales croissantes font apparaître les termes d'électricité décarbonée, d'origine renouvelable, sûre, verte, etc.
50
+
51
+ En 2013, un communiqué de la Commission européenne mentionne : « La contribution de l'électricité d'origine renouvelable à l'objectif de durabilité consiste non seulement en réductions des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi en réductions des émissions atmosphériques de substances polluantes et en une diminution des besoins en eau de refroidissement par rapport aux formes d'énergie conventionnelles. L'électricité d'origine renouvelable contribue en outre à l'objectif de diversification de l'approvisionnement et d'utilisation plus efficace des ressources. »[5].
52
+
53
+ C'est le mouvement des charges électriques de la matière qui est à l'origine de l'électricité. Comme la masse, la charge électrique permet d'expliquer l'origine de certains phénomènes. Si personne n'a jamais observé directement une charge électrique, les scientifiques remarquent des similitudes de comportement de certaines particules. Ils en déduisent que ces particules partagent des caractéristiques communes, dont les propriétés coïncident avec leurs observations.
54
+
55
+ Contrairement à la masse, deux types de charges électriques se comportent comme si elles étaient « opposées » l'une à l'autre : par convention, l'une est dite positive et l'autre négative. Un atome possède une charge positive lorsque le nombre de protons est supérieur au nombre d'électrons.
56
+
57
+ Des charges, égales, de natures opposées s'annulent : une particule qui possède autant de charges positives que négatives se comporte comme si elle n'en possédait aucune. On dit qu'elle est électriquement neutre.
58
+
59
+ Dans la nature, les électrons sont des porteurs de charges négatives et les protons des porteurs de charges positives. Les atomes qui composent la matière ordinaire comprennent des électrons qui se déplacent autour d'un noyau composé de protons et de neutrons, ces derniers étant électriquement neutres. Lorsque le nombre d'électrons est égal au nombre de protons, l'ensemble est électriquement neutre. Il est question d'électricité statique lorsqu'il n'y a pas de circulation des charges électriques. Expérimentalement, cela est généralement obtenu en utilisant des matériaux dans lesquels les charges sont « piégées », des matériaux isolants comme le plastique, le verre, le papier… qui résistent à la circulation des charges[a].
60
+
61
+ Quand on frotte certains matériaux entre eux, les électrons superficiels des atomes de l'un sont arrachés et récupérés par les atomes de l'autre. Par exemple :
62
+
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+ Dans l'industrie, l’utilisation de sources de 241Am, émetteur alpha, sous forme de rubans placés en fin de machines de production (de papiers, plastiques, textiles synthétiques) à quelques millimètres du matériau permet, en rendant l’air avoisinant conducteur, de supprimer l’accumulation d’électricité statique.
64
+
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+ Certains matériaux sont dits conducteurs de l’électricité (métaux, eau salée, corps humain, graphite, etc.), quand ils permettent aux charges électriques de se déplacer facilement.
66
+
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+ Lorsqu'on marche sur une moquette, le frottement des pieds sur le sol arrache des électrons et le corps se charge d'électricité statique. Si l'on touche alors une poignée de porte métallique, on ressent une petite décharge électrostatique accompagnée potentiellement d'une étincelle, causée par le déplacement brutal des charges électriques qui s'écoulent du corps vers le sol à travers les matériaux conducteurs de la porte.
68
+
69
+ Cet écoulement, ou courant, est dû au fait qu'il existe à ce moment une différence de charges électrique entre le corps et le sol ; cette différence de charges est une différence de potentiel ; la sensation ressentie provient du courant électrique généré par la différence de potentiel existante entre la poignée et le corps humain. On en déduit que :
70
+
71
+ Pour créer un courant électrique, il faut donc, un circuit de matériaux conducteurs, qui permet aux charges électriques de se déplacer, et un système capable de créer une différence de potentiel entre les deux extrémités du circuit. Ce système est appelé générateur : ce peut être, par exemple, une pile, une dynamo ou un alternateur.
72
+
73
+ Dans un circuit électrique, on dit que le courant électrique, noté I, circule entre les électrodes depuis le pôle positif vers le pôle négatif du générateur. Ce sens est purement conventionnel, puisque le courant peut aussi bien être causé par des charges positives (manque d’électron), qui seront attirées par le pôle négatif du générateur, que par des charges négatives (les électrons) qui se déplaceront en sens inverse, vers le pôle positif. Cependant, on s’intéresse essentiellement au déplacement des électrons qui sont les seuls à pouvoir se déplacer (sauf dans des matériaux radioactifs en cours de désintégration).
74
+
75
+ Dans certains cas, des charges positives et négatives se déplacent en même temps et ce double déplacement est responsable du courant électrique global. C'est le cas dans les solutions ioniques, où les cations et les anions se déplacent dans des sens opposés, et dans les semi-conducteurs comme une diode, où électrons et « trous » font de même. Les charges ne peuvent pas toutes se déplacer sous l'action du champ électrique et c'est ainsi que dans un fil électrique, les charges positives (les noyaux des atomes) restent fixes dans la structure du métal et ne peuvent constituer aucun courant électrique ; le courant électrique dans un métal est créé uniquement par le déplacement des charges négatives (les électrons libres) vers le pôle positif du générateur : c'est un courant électronique, cependant, on utilise dans tous les cas le sens conventionnel « I » du courant, institué avant la découverte de la charge négative de l'électron.
76
+
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+ On parle de courant continu quand le sens reste constant et, de courant alternatif quand il change périodiquement. La fréquence d'un courant alternatif est le nombre de périodes par seconde. Elle s'exprime en hertz (Hz), par exemple, le courant distribué dans les installations électriques est à une fréquence : de 50 Hz en Europe et, de 60 Hz aux États-Unis.
78
+
79
+ Pour comprendre certaines propriétés du courant électrique, il est intéressant de le comparer à de l'eau s'écoulant dans un circuit de tuyaux. Le générateur peut alors être vu comme une pompe chargée de mettre sous pression le liquide dans les tuyaux.
80
+
81
+ La différence de potentiel, ou tension, ressemble alors à la différence de pression entre deux points d'un circuit d'eau. Elle est notée « U », et est exprimée en volts (V).
82
+
83
+ L'intensité du courant électrique peut être assimilée au débit d'eau dans le tuyau. Elle rend compte du nombre de charges qui passent à chaque seconde dans un point du circuit ; elle est souvent notée « I », et mesurée en ampères (A). En d'autres termes la tension électrique serait la hauteur d'une chute d'eau et son intensité le diamètre de la chute d'eau.
84
+
85
+ La résistance d'un circuit électrique serait alors l'analogue du diamètre des tuyaux. Plus les tuyaux sont petits, plus il faut de pression pour obtenir un même débit ; de façon analogue, plus la résistance d'un circuit est élevée, plus il faut une différence de potentiel élevée pour avoir une même intensité. La résistance électrique rend compte de la faculté d'un matériau à s'opposer plus ou moins au passage du courant. Elle est notée « R » et, elle est exprimée en ohms (Ω).
86
+
87
+ Il est possible de pousser cette analogie beaucoup plus loin[b] mais elle a ses limites et certaines propriétés du courant électrique s'écartent sensiblement de ce modèle basé sur un fluide, des tuyaux, et des pompes.
88
+
89
+ Les échanges électriques sont omniprésents dans la nature. En général, il s’agit de phénomènes peu visibles, mais ils sont fondamentaux : les forces électromagnétiques et électrofaibles font partie des quatre interactions fondamentales qui structurent tout l’Univers.
90
+
91
+ La friction de nombreux matériaux naturels ou artificiels produit de la triboélectricité. La foudre est une énorme décharge électrique due à l'accumulation d'électricité statique dans les nuages. En temps normal l'air est un isolant, qui bloque le passage de l'électricité. Lorsque la charge électrique dans les nuages d'orage arrive à une valeur certaine, la différence de potentiel due aux très nombreuses charges accumulées, est telle qu'elle parvient à modifier localement la structure des gaz qui composent l'air, les transformant en un plasma ionisé, qui conduit lui parfaitement l'électricité. Des arcs électriques géants se forment alors, entre deux nuages ou, entre un nuage et la terre : les éclairs, permettant le rééquilibrage des charges électriques.
92
+
93
+ L'électrisation de l'air peut donner lieu à d'autres phénomènes, comme le feu de Saint-Elme.
94
+
95
+ La circulation des charges électriques intervient dans de nombreux phénomènes naturels, et notamment dans les réactions chimiques d’oxydo-réduction comme la combustion.
96
+
97
+ Le champ électromagnétique terrestre est lui aussi créé par des courants électriques circulant dans le noyau de notre planète.
98
+
99
+ Les poissons électriques sont capables de tirer parti du courant électrique pour s'orienter, pour se protéger ou bien pour communiquer. Il existe des espèces capables de produire de véritables décharges électriques : 620 V pour l'anguille électrique ; cela lui permet d'assommer ses proies avant de les consommer. Ils produisent de telles décharges électriques grâce à leurs organes électriques, qui ont une structure interne semblable aux muscles du corps humain.
100
+
101
+ Les animaux utilisent l'électricité pour animer les muscles ou pour transmettre de l’information par l'influx nerveux dans les nerfs. Ce phénomène a été mis en évidence par les expériences de Galvani. C'est pourquoi les médecins peuvent utiliser l'électrocardiographie et l'électro-encéphalographie pour diagnostiquer les pathologies du cœur ou du cerveau. La science qui étudie les phénomènes électriques chez les animaux est l'électrophysiologie.
102
+
103
+ L'électricité représente environ un tiers de l'énergie consommée dans le monde[6]. L'électrotechnique est la science des applications domestiques et industrielles (production, transformation, transport, distribution et utilisation) de l'électricité.
104
+
105
+ La méthode la plus courante pour produire de grandes quantités d'électricité consiste à utiliser un générateur convertissant une énergie mécanique en une tension alternative. Cette énergie d'origine mécanique est la plupart du temps obtenue à partir d'une source de chaleur, issue elle-même d'une énergie primaire. Ces énergies primaires peuvent être des énergies fossiles comme le pétrole, l'énergie nucléaire, ou une énergie renouvelable telle l'énergie solaire. L'énergie mécanique entraînant le générateur peut également être d'origine hydraulique ou l'éolienne.
106
+
107
+ L'électricité peut également être directement tirée du rayonnement solaire, converti par des panneaux solaires.
108
+
109
+ Le courant qui circule sur réseau électrique est le plus souvent alternatif et triphasé, car c'est le plus économique à produire et à transporter. Bien que le consommateur final ait besoin de courant à basse tension, moins dangereux à utiliser, il est plus économique pour le transport du courant sur de longues distances d'utiliser une haute tension.
110
+
111
+ En effet, à puissance constante, si l'on augmente la tension, on réduit l'intensité du courant (
112
+
113
+
114
+
115
+ P
116
+ =
117
+ U
118
+
119
+ I
120
+
121
+ cos
122
+
123
+ (
124
+ ϕ
125
+ )
126
+
127
+
128
+ {\displaystyle P=U\cdot I\cdot \cos(\phi )}
129
+
130
+ en monophasé) et donc, les pertes par effet Joule ou pertes thermiques (
131
+
132
+
133
+
134
+
135
+ P
136
+
137
+ t
138
+ h
139
+
140
+
141
+ =
142
+ R
143
+
144
+
145
+ I
146
+
147
+ 2
148
+
149
+
150
+
151
+
152
+ {\displaystyle P_{th}=R\cdot I^{2}}
153
+
154
+ ), ainsi que l'effet de peau qui limite la circulation des forts courants à la surface extérieure des conducteurs : ceci obligerait d'utiliser des câbles de cuivre de plus grosse section mais dont le cœur serait moins bien refroidi. Pour réduire les pertes par effet Joule tout en limitant la section des câbles, on utilise des transformateurs élévateurs de tension, de manière à réduire l'intensité du courant pour le transport, et des transformateurs abaisseurs de tension pour la distribution (en basse tension) aux usagers.
155
+
156
+ En France, les principaux fournisseurs d'électricité sont EDF, Engie (ex. GDF Suez) et Direct Énergie[7], qui peuvent programmer leurs investissements en s'appuyant sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie.
157
+
158
+ Les tensions électriques peuvent être transformées et converties. En règle générale, pour les grosses puissances, les tensions sont alternatives. Elles passent par des transformateurs pour convertir le courant en flux magnétique, lui-même reconverti en courant dans des bobines. Ce principe permet d'abaisser le niveau de tension tout en conservant la fréquence et une isolation galvanique entre les circuits, primaire et secondaire, du transformateur de tension.
159
+
160
+ Pour les puissances le permettant technologiquement, on utilise des convertisseurs à semi-conducteurs (transistors, thyristors) :
161
+
162
+ La combinaison des deux systèmes précédents, avec éventuellement l'aide d'un transformateur de tension permet d’effectuer des élévations ou des abaissements de tensions continues avec un bon rendement.
163
+
164
+ Pour que l'électricité soit transportée et distribuée au moyen de conducteurs, il est nécessaire d'équilibrer à tout moment la production et la consommation. Les centrales thermiques au gaz, au pétrole ou au charbon, sont généralement mises en service pour répondre à des pics de demande. On utilise aussi des stations de pompage-turbinage entre deux retenues d’eau situées à deux altitudes différentes : pendant les heures creuses, l'eau est pompée vers le bassin supérieur alors que pendant les heures de pointe, l'eau passe dans une turbine qui produit un appoint d'électricité sur le réseau.
165
+
166
+ Il est aussi possible de stocker l'électricité à petite échelle au moyen de batteries d'accumulateurs, de condensateurs ou de bobines d'inductances.
167
+
168
+ L'électrotechnique, ou génie électrique, est la science et l'application de l'électricité, qui peut être pratiquée par un ingénieur, un électrotechnicien, un dessinateur-projeteur, etc. Parmi ceux-ci, citons :
169
+
170
+ Une multitude de métiers sont également liés à l'industrie de l'électricité. Pour les plus courants : chimiste, calorifugeur[8], thermicien[9], robinetier, chaudronnier, mécanicien, etc.
171
+
172
+ Mème si l'électricité s'est largement diffusée dans le monde au cours du XXe siècle, en 2015, on estimait qu'environ 1,3 milliard de personnes (sur un total de 7,3 milliards de Terriens) n'avaient pas accès à cette énergie[10]. L'ONU a ainsi, intégré parmi les Objectifs de développement durable l'accès à l'énergie et l'extension des infrastructures existantes.
173
+
174
+ On distingue souvent deux types d'usages[11] :
175
+
176
+ Dans les pays riches, l'industrie n'est plus le premier consommateur d'électricité car elle en consomme moins d'un tiers[12]. En France, ce sont ainsi les secteurs résidentiel et tertiaire (via le chauffage, l'électroménager, l'éclairage et l'informatique) qui consomment en 2009 environ 67 % de l'électricité.
177
+
178
+ Depuis les années 2000, lors des pics de consommation accompagnant les vagues de froid, RTE craint un effondrement d'une partie du réseau. Il diffuse, notamment en Bretagne et en Provence-Alpes-Côte d'Azur, des incitations à économiser l'électricité. En effet, l'électricité ne pouvant être massivement stockée en l'état actuel des technologies, c'est la « puissance appelée » qui devient le facteur dimensionnant du système de distribution électrique, c’est-à-dire l'énergie consommée à un instant donné, et non seulement la consommation cumulée sur la journée, la saison ou l'année. La répartition spatio-temporelle des usages électriques a un impact majeur sur le plan économique, mais aussi environnemental, car les ressources appelées en derniers recours lors des pics émettent le plus de CO2. Ainsi, le chauffage électrique « pèse » « 2,5 fois plus en puissance instantanée (36 % au moment du record de consommation sur le réseau français) qu’en consommation cumulée en moyenne sur l’année (14 %) »[11].
179
+
180
+ Le smart grid est censé aider les clients à moins consommer en période de pointe et permettre d'appeler l'électricité par le chemin le plus court, conduisant à moins de pertes lors du transport de l'électricité. Ceci serait encore plus vrai dans une perspective de troisième révolution industrielle, telle que définie par Jeremy Rifkin et dont le soutien de principe a été adopté par le Parlement européen en 2007[13], mais sans répondre au risque d'effet rebond[14].
181
+
182
+ L'efficacité énergétique a été poussée par une directive de l'Union européenne sur l'efficacité minimum des appareils électriques, après une directive sur l'étiquetage en 1992, suivie en 1997 d'une directive limitant les consommations de réfrigérateurs, congélateurs et combinés, en veillant à ne pas dépasser l'optimum pour le consommateur en termes de récupération rapide de l'investissement initial par les économies d'énergie. En huit ans, l'efficacité énergétique des appareils frigorifiques a ainsi, été améliorée de 30 %, puis, rien n'a été fait durant treize ans sur l'électroménager en Europe, alors que des normes d'efficience énergétique se développaient aux États-Unis, depuis 1989.
183
+
184
+ Malgré une notable amélioration de l'efficience énergétique de 1999 à 2004, la consommation finale continue à augmenter en Europe (UE-25) ; Un ménage moyen de l’UE-25 consommait 4 098 kWh en 2004, alors qu'il aurait pu n'en consommer que 800 kWh s'il était équipé d'appareils à basse consommation et en abandonnant les ampoules à incandescence (et encore moins avec les techniques les plus efficientes). Selon le Centre commun de recherche (CCR) de l’Union européenne, de 2005 à 2006, la consommation a augmenté dans l’UE-25 dans tous les secteurs ; dans le résidentiel, dans le tertiaire (+ 15,8 %) et dans l'industrie (+ 9,5 %), à un rythme calqué sur celui du PIB global (+ 10,8 %). Le rapport recommande d'encourager les chauffe-eau solaires et les économies d'énergie, par remplacement notamment des lampes à incandescence. En novembre 2006, la Commission européenne a engagé un plan d'action pour l'efficacité énergétique qui visant - 20 % la consommation d'électricité de l’UE-25 d'ici 2020[15]. Les appareils consomment plutôt moins, mais ils sont plus utilisés (explosion de l'utilisation de l'ordinateur et du téléphone portable). Le temps passé devant la télévision a augmenté de 13 % entre 1995 et 2005[15].
185
+
186
+ En Europe, dans le tertiaire, l'éclairage (de jour souvent) est devenu le premier poste de consommation électrique, avec 175 TWh consommés par an représentant 26 % de consommation électrique totale du secteur tertiaire[15]. Par ailleurs, l'éclairage nocturne (principale cause, avec la publicité lumineuse, du phénomène dit de pollution lumineuse) est en hausse constante depuis 50 ans.
187
+
188
+ En France, un arrêté limite l’allumage des vitrines de commerces, des bureaux et des façades extérieures des magasins et bâtiments depuis le 1er juillet 2013. Cette mesure vise des économies de 2 TWh par an selon l'ADEME[16]. Néanmoins, sans objectif de sobriété énergétique, un effet rebond (direct ou indirect et externe) peut faire que les sommes ainsi économisées seront dépensées dans d'autres usages énergivores.
189
+
190
+ À part les appareils à piles ou les batteries d'automobile, la majorité de l'électricité utilisée dans la vie quotidienne provient du réseau électrique. Chaque habitation est reliée au réseau par l'intermédiaire d'un tableau qui contient au moins un compteur destiné à la facturation, ainsi qu'un disjoncteur général servant d'interrupteur général et permettant de protéger l'installation en cas de surintensité. En général, de ce disjoncteur sortent deux conducteurs qui alimentent l'installation domestique : la phase et le neutre, dans les installations triphasées deux conducteurs de phase supplémentaires sont présents. Pour des impératifs de sécurité des personnes, les installations modernes et sécurisées comportent aussi un conducteur relié à la terre et un disjoncteur différentiel.
191
+
192
+ On trouve ensuite un tableau de fusibles ou de disjoncteurs, distribuant le courant dans les différents circuits de la maison. On prévoit généralement des circuits spécialisés pour les appareils qui ont besoin de beaucoup de puissance (four, cuisinière électrique, lave-linge, lave-vaisselle, chauffe-eau, etc.), et normalement, par pièce, un circuit pour l'éclairage et un pour les prises électriques.
193
+
194
+ On utilise des interrupteurs pour ouvrir ou fermer les circuits électriques. Il est possible d'utiliser des montages spéciaux comme un va-et-vient ou un télérupteur quand on souhaite disposer de plusieurs points de commande, par exemple, à chaque bout d'un couloir.
195
+
196
+ Selon une étude parue dans Nature en 2020, même à supposer que le contenu en carbone de l'électricité ne présente pas d'amélioration, il y aurait quand même intérêt à passer aux voitures électriques pour les transports, et aux pompes à chaleur pour les bâtiments[17].
197
+
198
+ L'électrisation est le passage de courant électrique dans le corps humain. Même avec un courant relativement faible l'électricité est dangereuse pour la santé des êtres vivants, ce qui justifie la nécessité de disjoncteurs différentiel calibrés à 30 mA pour garantir la protection des personnes[18].
199
+
200
+ Les normes de conception des matériels électriques, définissent qu'une tension de plus de 25 V alternatifs / 50 V continus (12 V alternatifs / 25 V continus en milieu humide) présente un danger d’électrisation et qu'une tension supérieure à 50 V alternatifs / 120 V continus (12 V alternatifs / 25 V continus en milieu immergé et 25 V alternatifs / 50 V continus en milieu humide)) présente un danger mortel : l'électrocution.
201
+
202
+ Les conséquences d'une électrisation dépendent de la nature de la tension (alternative ou continue), de la résistance du corps humain généralement admis comme étant à 5 000 ohms en TBT (très basse tension), 1 000 ohms sous 220 V alternatif et 400 ohms sous 500 V (la résistance est dégressive en fonction de la tension d'exposition), de l'amplitude du courant ayant circulé et du temps de passage de ce courant.
203
+
204
+ Il est couramment admis quelques seuils sur lesquels se basent les règles de sécurité :
205
+
206
+ Au-dessus de 20 mA et plus d'une seconde, il existe un risque de fibrillation cardiaque si le courant passe par le cœur. En TBT avec maximum 50 V en alternatif et 120 V en continu, le danger pour l'homme est considéré comme faible, mais non nul: (I=U/R) ; 50 V/5 000 ohms = 10 mA [19].
207
+
208
+ Au-dessus de 1 000 V, il y a danger, même sans contact direct avec un conducteur, car il se produit une ionisation de l'air, les distances d'approche minimales sont évaluées en fonction du niveau de tension. D'où l'interdiction d'entrer dans les enceintes des transformateurs électriques. Malgré la distance conséquente séparant les conducteurs des lignes haute tension, le bruit que l'on peut entendre en dessous de ces lignes est consécutif à des micro-amorçages par claquage de l'air.
209
+
210
+ L'absence visuelle de brûlure après une électrisation n'exclut pas des brûlures internes sur le chemin de passage du courant dans le corps, lesquelles peuvent engendrer des nécroses. En plus, des cas de chocs rénaux, dus à la décomposition du sang par le passage du courant, sont relevés après des électrisations sévères, ces événements ont lieu quelques dizaines de minutes après l'accident, il faut donc toujours aller à l'hôpital après un accident électrique conséquent.
211
+
212
+ Mais l'électricité sert aussi à soigner : elle peut être utilisée telle quelle, pour administrer des électrochocs ou stimuler des tissus nerveux ou musculaires, ou encore alimenter les appareils de pointe utilisés en médecine, permettant des techniques de soin telles que radiothérapie, électropuncture[20], stimulateur cardiaque, prothèse, et de diagnostic telles que radiographie, scanner, résonance magnétique, endoscopie.
213
+
214
+ La Programmation pluriannuelle de l'énergie cadre la programmation du secteur de l'électricité (et le mix énergétique)
215
+
216
+ Il existe en France trois normalisations en électricité :
217
+
218
+ La normalisation en France est réglementée par la loi du 24 mai 1941, qui a créé l’Association française de normalisation (AFNOR) et définit la procédure d’homologation des normes. Le décret d'application de cette loi est le décret no 2009-697 du 16 juin 2009.
219
+
220
+ Par ailleurs, une norme homologuée peut être rendue d’application obligatoire par arrêté, mais cette procédure n’a été jusqu’à présent que peu utilisée en électricité, sauf en ce qui concerne la sécurité : (NF C18-510, NF C15-100 et NF C13-200).
221
+
222
+ Il existe deux grandes familles de normes qui visent d’une part, la construction du matériel électrique et d’autre part, la réalisation des installations électriques.
223
+ Une loi du 30 décembre 2006 rend obligatoire un diagnostic immobilier pour le contrôle des installations domestiques existantes de plus de 15 ans, obligatoire depuis le 1er semestre 2008. Une nouvelle norme est sortie en août 2007 pour le contrôle de ces installations dans le cadre de ce diagnostic.
224
+
225
+ Les principales normes de réalisation sont :
226
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227
+ Les principales normes de conception sont :
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+
229
+ La norme expérimentale de contrôle des installations existantes :
230
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231
+ En 1936-37, l'artiste Raoul Dufy réalise l'une des plus grandes fresques au monde (10 m x 64 m) sur le thème de La Fée Électricité (située au musée d'art moderne de la ville de Paris).
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Genres de rang inférieur
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+ Les éléphants sont des mammifères proboscidiens de la famille des Éléphantidés. Ils correspondent aujourd'hui à trois espèces réparties en deux genres distincts. L'Éléphant de savane d'Afrique et l'Éléphant de forêt d'Afrique, autrefois regroupés sous la même espèce d'« Éléphant d'Afrique », appartiennent au genre Loxodonta, tandis que l'Éléphant d'Asie, anciennement appelé « éléphant indien », appartient au genre Elephas. Ils se différencient par certaines caractéristiques anatomiques, les éléphants d'Asie étant en général plus petits avec des oreilles plus petites, ou encore une différence du bout de la trompe. Ces espèces survivantes font localement l'objet de programmes ou de projets de réintroduction et de protection.
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+
7
+ Le mot français « éléphant » vient du mot latin elephantus[1] qui tire son origine du grec ἐλέφας signifiant « ivoire » ou « éléphant ».
8
+
9
+ L'éléphant apparait dans de nombreuses cultures. Il est symbole de sagesse dans la culture asiatique, connu pour sa mémoire et son intelligence, qui est comparée à celle des cétacés[2] et hominidés[3]. Aristote avait dit que l'éléphant est « la bête qui dépasse toutes les autres par l'intelligence et l'esprit »[4].
10
+
11
+ L'éléphant d'Afrique, qui peut atteindre 7 tonnes, est le plus gros animal terrestre actuel, mais il est loin derrière la Baleine bleue (Balaenoptera musculus) qui peut peser jusqu'à 200 tonnes et dépasser 30 mètres de long[5].
12
+
13
+ Le squelette de l'éléphant présente des caractéristiques dictées par la masse qu'il doit soutenir : il représente environ 16,5 % de la masse totale de l'animal[6], cela signifie que pour un éléphant de 7 tonnes, le squelette pèse 1,155 tonne. Les os de l'éléphant sont spongieux[7]. Sa cage thoracique, formée de vingt côtes, est arrimée le long de l'épine dorsale[6].
14
+
15
+ L'éléphant possède deux genoux à ses membres postérieurs, qui sont constitués d'un fémur, d'une rotule et de l'association tibia-fibula. Les membres antérieurs, quant à eux, comprennent une scapula, un humérus, et l'association radius-ulna.
16
+
17
+ L'éléphant marche sur le bout des doigts[8],[9]. Les orteils sont insérés dans le pied, il y en a entre 2 et 5[10], on en voit seulement les ongles[9]. Cependant on peut voir entre trois et cinq ongles en fonction des pieds[9]. Les pieds antérieurs ont une forme arrondie, alors que les pieds postérieurs ont une forme ovale. Les pieds sont composés de tissus adipeux qui agissent comme des amortisseurs[9].
18
+
19
+ Il est impossible pour un éléphant de sauter, pour des raisons d'ordre biomécanique : il lui faut toujours un pied sur le sol. Cependant il peut courir à une vitesse maximale de 20 km/h (un éléphant ayant été chronométré à 24 km/h dans le cadre d'une étude scientifique)[11].
20
+
21
+ Même si on emploie le terme « courir » pour un éléphant, il est à noter que le terme est inapproprié. Il serait plus logique de dire qu’il « marche vite ». En effet, il ne change pas son allure (sa façon de se déplacer) lorsqu’il accélère.
22
+
23
+ Un éléphant d'Afrique mâle adulte mesure 3,50 mètres au garrot et pèse 5 à 6 tonnes, une femelle adulte mesure 3 mètres de haut au garrot pour une masse de 4 tonnes environ. À la naissance, l'éléphant pèse environ 120 kg. Un éléphant vit en moyenne 60 ans. Le plus grand éléphant connu a été signalé en Angola en 1974 : il s’agissait d’un mâle de 12 tonnes mesurant 4,20 m au garrot, soit un mètre de plus que la moyenne des éléphants africains[12].
24
+
25
+ Des éléphants nains, de la taille d'un grand cochon, ont également peuplé les îles méditerranéennes au cours de la Préhistoire[13],[14] ; certains sont signalés en Crète jusqu'en 5000 av. J.-C., voire jusqu’en 3000 av. J.-C.[15],[16].
26
+
27
+ La principale caractéristique des éléphants est leur trompe appelée proboscis. Il s'agit d'un organe nasal (avec une fonction de respiration et de perception des odeurs) allongé qui découle de la fusion de la lèvre supérieure et du nez. La trompe est un organe souple et préhensile leur servant pour porter l'eau et la nourriture à la bouche, tirer ou transporter des objets et pousser des cris.
28
+
29
+ La trompe comporte entre 100 000[17] et 150 000[18] muscles ; elle est dépourvue d'os et pèse plus de 100 kg[19].
30
+
31
+ « La trompe se compose de deux longs tuyaux cylindriques, partant de l’ouverture antérieure des fosses nasales. Ces tubes se rétrécissent à la région de l’inter mâchoire, ce qui empêche l’eau pompée par la trompe de pénétrer dans la cavité nasale ; ils offrent ensuite une dilatation, puis se resserrent de nouveau à l’endroit où ils s’ouvrent dans les narines osseuses, et où ils sont couverts par un cartilage nasal ovale. (…) Les tubes sont entourés d’une multitude de faisceaux musculaires, les uns longitudinaux, les autres rayonnant vers la peau et servant à comprimer les premiers. Quelques-uns enfin, mais en moins grand nombre sont circulaires. Cependant il faut distinguer de ces muscles, propres à la trompe, ceux qui servent à mouvoir l’organe en entier. Ces derniers sont comparables aux muscles de la queue. On les distingue en élévateurs et abaisseurs supérieurs et latéraux, qui naissent du front, des os propres du nez et des cartilages, tant de l’os maxillaire supérieur que de l’intermaxillaire »[20].
32
+
33
+ Le bout de la trompe d'un éléphant d'Afrique est en forme d'amande, alors que celle d'un éléphant d'Asie est en forme de poire. L'excroissance à son extrémité a une fonction analogue à un doigt, leur permettant de décortiquer une cacahuète[21]. Les éléphants ne boivent pas directement par leur trompe. L'effort nécessité pour se pencher jusqu'au sol afin de boire l'eau par la bouche étant trop important et l'opération étant même impossible lorsque l'eau se trouve au-dessous du niveau du sol, ils boivent en remplissant leur trompe avec de l'eau qu'ils aspirent et gardent momentanément avant de la verser ensuite, par gravité, dans leur bouche[17].
34
+
35
+ L'allongement du museau des proboscidiens anciens à l'origine de l'éléphant serait lié à la croissance continue des incisives (les défenses) et leur augmentation de taille : herbivores concurrencés par les ruminants et les équidés, leur adaptation trophique se traduit alors par un régime de plantes plus fibreuses peu nutritives et une augmentation de taille corrélative, les proboscidiens fourrageant pendant des heures à la recherche aussi bien de végétaux au sol que de feuilles d'arbres[22].
36
+
37
+ Forme du bout de la trompe de l'éléphant.
38
+
39
+ Un éléphant peut se servir de sa trompe pour se nettoyer l'œil.
40
+
41
+ La trompe d'un éléphant dans la bouche d'un autre.
42
+
43
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
44
+
45
+ Le plus souvent les éléphants ont des défenses, des dents très allongées utilisées par ces animaux comme outil, arme de défense et attribut sexuel[23]. Les défenses sont des dents supérieures à croissance continue. L'éléphanteau possède des prémolaires de lait qui tombent lorsque les molaires apparaissent, l'adulte n'en possède pas. Chez les éléphants adultes il n'y a que 6 dents, 2 incisives, ce sont les défenses, et 4 molaires. La formule dentaire est i1/0 c0/0 m1/1.
46
+
47
+ Les dents sont essentiellement composées d’ivoire et d’émail qui forment la couronne des dents par de nombreuses crêtes transversales, qui sont plus ou moins lamellées. Les crêtes sont disjointes puis, au fur et à mesure, un cément se forme et s’intercale entre les dents pour former un tout[24]. Un petit nombre de dents molaires sont présentes à chaque mâchoire, « parfois une paire (…), (…) une paire à l’une des mâchoires et deux à l’autre, (…) encore deux paires à chacune », de plus les dents correspondantes entre elles « n’ont ni la même apparence, ni le même nombre de lamelles »[24].
48
+
49
+ Selon les études de Corse et de Blainville, « les éléphants (…) ont six paires de dents à chacune des mâchoires. Ces dents augmentent de volume depuis la première jusqu’à la dernière ou sixième, et le nombre de leurs lamelles (…) est aussi de plus en plus considérable. »[25]. « La succession des dents molaires s’opère ainsi par flots d’une manière lente mais réglée, et l’on admet trois flots différents. Les dents se présentent deux par deux de chaque côté de l’une et de l’autre mâchoire. Le degré plus ou moins avancé de l’usure de chacune d’elles détermine les différences que l’on remarque dans le nombre total de lamelles (…) pour chaque flot »[25].
50
+
51
+ La peau de l'éléphant est d'une épaisseur d'environ 2 cm[26]. Cette peau est fragile du fait de la présence de plis où viennent se loger des parasites[27]. Il n'y a pratiquement pas de poils, et il n'y a ni glande sudoripare, ni glande sébacée[7]. De ce fait, leur peau est sèche, c'est pour cela qu'elle doit être souvent humectée à l'aide d'eau projetée par la trompe ou couverte de poussière ou de boue également projetée par leur trompe[7].
52
+
53
+ La couleur de la peau est grisâtre ; cependant sa couleur apparente est liée au sol sur lequel évolue l'éléphant. Elle peut aussi être due aux bains de boues[28].
54
+
55
+ La faible densité des poils (quelques centaines par mètre carré, chaque poil mesurant en moyenne 2 centimètres de longueur et 0,5 mm de diamètre) agit non plus comme une fourrure mais participe — à hauteur de 23 % — avec d'autres mécanismes de thermorégulation (battement des oreilles, bains, pulvérisation d'eau avec leurs trompes, respiration percutanée) à la thermolyse du mammifère, les poils agissant comme des ailettes qui augmentent la surface d'échange et donc les transferts thermiques[29].
56
+
57
+ Peau de l'éléphant.
58
+
59
+ Bain de poussière d'éléphant au Botswana.
60
+
61
+ Éléphant couvert de boue séchée en Namibie.
62
+
63
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
64
+
65
+ Les oreilles de l'éléphant lui permettent de réguler sa température corporelle[30], grâce à une vascularisation très importante[18]. Lorsqu'il mange des fruits fermentés ayant un degré d'alcool d'environ 7 °, l'éléphant remue violemment ses oreilles, de même pour sa queue et sa trompe[30]. Elles sont généralement plus petites chez l'éléphant d'Asie.
66
+
67
+ Le cerveau de l'éléphant, situé à l'arrière de son crâne[31], pèse entre 4 et 6 kg, ce qui est déjà considérable. Si l'on compare la taille du cerveau de l'éléphant à sa masse corporelle, il est alors le mammifère ayant le plus petit cerveau, alors que la souris possède le plus grand[32].
68
+
69
+ Si les fonctions reproductrices des éléphants mâles se mettent en place vers l'âge de 10-15 ans[26], ils commencent à se reproduire vers l'âge de 30 ans quand ils sont suffisamment imposants pour pouvoir se battre avec d'autres mâles pour conquérir les femelles[33].
70
+
71
+ Les fonctions reproductrices de l'éléphant femelle apparaissent de 9 ans[33] jusqu'à 15 ans.
72
+
73
+ Dans l'organisation matriarcale des éléphants, les mâles sont connus pour leur tempérament indépendant et ont tendance à vivre en solitaire, forgeant parfois une alliance provisoire avec un autre individu ou intégrant une bande de manière informelle. Tandis que les femelles entretiennent des liens familiaux étroits et solides.
74
+
75
+ Les mâles en rut, dont le taux sanguin de testostérone peut s'accroître cinquante fois, agitent les oreilles et secouent la tête, leur pénis devient vert. Il en dégouline une urine fortement odorante. Cela est dû à la libération d'un musc d’une phéromone, la frontaline, sécrétée sous deux formes chirales. Ces deux énantiomères (deux formes : (+)-frontaline et (-)-frontaline) ne sont pas sécrétés en mêmes proportions. Chez les jeunes mâles, la forme (+) domine. Au fur et à mesure de la maturité et de la période de rut, les deux isomères forment un racémique, qui attire les femelles en phase folliculaire et en œstrus[34]. La frontaline est libérée par la glande temporale chez l’éléphant en période de rut, la sécrétion débute peu de temps avant la puberté, à l’âge de 15 ans[34]. Cependant le rut ne se produit qu'à partir de 25 ans et ne durera que quelques jours. Puis vers 31-35 ans, celui-ci dure plusieurs semaines. Vers 36-40 ans, il dure de 1 à 2 mois. Pour finir, après 40 ans, le rut s’étend sur une période de 2 à 4 mois. La quantité de phéromones émises augmente avec l’âge de l’éléphant ainsi qu’en milieu de rut. La concentration et la proportion d’énantiomères de la frontaline constituent pour les animaux qui seront attentifs au message une source d’information sur l’âge et le stade du musth de l'éléphant qui émet. Une concentration de frontaline, en racémique, sera le synonyme d'un mâle mature ayant un statut social important[34].
76
+
77
+ Une fois que la femelle et le mâle sont ensemble, l'accouplement peut commencer. L'éléphant mâle étant très lourd, la copulation est très rapide. En général, elle dure entre 20 et 30 secondes. La période de copulations dure environ trois jours[35].
78
+
79
+ La jeune femelle est effrayée lors de sa première période de chaleur, le mâle peut la poursuivre[36]. Pour avertir la femelle qu'il va la saillir, le mâle pose sa trompe sur son dos ; la femelle s'immobilise alors[36].
80
+
81
+ Les mâles passent dans les troupeaux de femelles lors de leur rut pour sentir les vulves des femelles[36].
82
+
83
+ La gestation d'une éléphante est la plus longue de tous les mammifères terrestres. Elle dure de 20 à 22 mois. La durée d'allaitement est comprise entre 36 et 48 mois[7]. Les mises bas s'espacent d'environ 2 ans et demi à 5 ans[17]. La gestation est plus longue pour un éléphanteau mâle que pour un éléphanteau femelle[17].
84
+
85
+ Une éléphante peut être en gestation jusqu'à l'âge de cinquante ans[17]. Dans la plupart des cas, un seul éléphant est porté ; les cas de gémellité sont très rares[17].
86
+
87
+ Les éléphants vivent dans une société matriarcale[37]. Cette structure matriarcale existe depuis plus de sept millions d'années, des empreintes d'une harde d'éléphants de cette époque ayant été découvertes sur une surface de 5 hectares sur le site de Mleisa 1 dans les Émirats arabes unis, faisant de cette piste de mammifères fossile la plus vieille de ce type et probablement la plus longue piste préservée dans le monde[38]. Les troupeaux sont composés d'une dizaine d'éléphantes et de jeunes éléphanteaux, après la maturité sexuelle les mâles quittent le groupe[26]. Ils errent jusqu'à ce qu'ils fassent alliance avec d'autres jeunes mâles.
88
+
89
+ Une étude, menée dans un zoo, montre que l'éléphant aime les fruits fermentés à un degré d'alcool de 7°. Lorsque l'éléphant est saoul, il perd de sa sociabilité (alors que sobre il est très sociable). Lorsqu'il est ivre, il reste à l'écart du troupeau. Un chercheur américain défendait l'idée que les animaux s'enivrent ou se droguent, volontairement, pour oublier les tourments de leur existence. Pour le prouver, il a fait vivre durant un mois des éléphants d'une réserve californienne sur un territoire plus restreint qu'à leur accoutumée. La surpopulation due au petit espace a angoissé les animaux qui, du coup, ont bu trois fois plus que d'habitude. Ils sont devenus si agressifs qu'il a été dangereux de les approcher[30].
90
+
91
+ Le cri de l'éléphant est le barrissement. De récentes études scientifiques ont montré que les éléphants, comme de nombreux animaux, sont sensibles aux infrasons[39]. L'utilité de l'audition de ces infrasons reste cependant mystérieuse. Il semble qu'ils soient capables de communiquer entre eux par les ondes acoustiques de surface transmises par le sol[40].
92
+
93
+ Les éléphants peuvent dormir debout ou couchés[41]. Le fait de se coucher indique qu'ils sont parfaitement détendus.
94
+
95
+ L'éléphant est herbivore, il mange une grande variété d'éléments végétaux : herbes, plantes, feuilles, fruits, racines et tubercules, écorces et même du bois. Il apprécie par exemple le bois tendre et gorgé de sève du baobab.
96
+
97
+ Les besoins alimentaires de l'éléphant sont importants, surtout qualitativement. En fonction de son environnement, il consacre une grande partie de son temps à la recherche de nourriture (16 à 20 heures par jour), se déplaçant sur de longues distances et sélectionnant les aliments les plus riches. Il peut se dresser sur ses pattes arrière pour attraper avec sa trompe les rameaux les plus tendres jusqu'à cinq ou six mètres de hauteur.
98
+
99
+ Quotidiennement, il faut à l'éléphant entre 150 et 180 kilogrammes de nourriture en saison sèche, et entre 200 et 260 kilogrammes en saison des pluies. Ces quantités varient aussi en fonction des espèces et des milieux fréquentés.
100
+
101
+ Un éléphant adulte boit jusqu'à 140 L d'eau par jour[26]. Il aspire dans sa trompe jusqu'à dix litres à la fois, puis se les verse dans la bouche. Il peut rester trois ou quatre jours sans boire. Il peut se servir de sa trompe pour reprendre de l'eau dans son estomac et s'en servir pour se rafraîchir la peau. Sa peau très épaisse est l'objet de soins constants : outre les aspersions, les baignades et les roulades dans la boue, le poudrage à la poussière est bienvenu pour protéger l'épiderme des insectes et du soleil.
102
+
103
+ Malgré la quarantaine de mètres d'intestin qu'il possède, sa digestion est peu efficace. Elle dure environ 12 heures après les 16 à 20 heures où il a cherché à se nourrir, 40 à 60 % de la nourriture n'étant pas digérée. Si son alimentation n'est pas suffisamment riche, son tonus, son humeur et sa santé en général sont rapidement affectés.
104
+
105
+ Le comportement alimentaire a en général un impact important sur le milieu. Le bilan de ces conséquences varie en fonction des espèces (Afrique, Asie), de la saison, du biotope et de la densité de la population. Ainsi, l'éléphant peut être considéré comme destructeur d'arbres en particulier dans la savane, alors qu'il participe ailleurs très activement à la régénération en limite des zones forestières. Certaines espèces d'arbres sont dépendantes de l'éléphant pour leur extension : celui-ci, friand de leurs fruits, en dissémine les graines avec l'excellent terreau que constitue son crottin, capable de contenir jusqu'à 35 % de graines.
106
+
107
+ En l’état actuel des connaissances, l’éléphant est, avec l'humain, le dauphin, le corbeau et certaines espèces de grands singes, l'une des rares espèces animales à réussir le test du miroir de Gallup : lorsqu’on marque d’une tache le front d’un éléphant en un point qu’il ne peut voir directement et qu’on lui présente un miroir, il passe sa trompe sur la tache ; démontrant ainsi qu’il a reconnu son image et donc qu’il a conscience de lui-même[42],[43],[44].
108
+
109
+ Les éléphants peuvent utiliser des outils de défense, telles des pierres saisies avec leur trompe et qu'ils lancent sur leurs ennemis. Ils peuvent également se toiletter en se grattant avec des branches ou des baguettes des parties de corps qu'ils ne peuvent atteindre avec leur trompe[45]. Ils présentent ainsi un exemple d’utilisation d'outil par un animal.
110
+
111
+ Lors d'une expérimentation de Preston Foerder, un éléphant (d'Asie, Elephas maximus) s'est montré capable d'un éclair de compréhension (d'insight). Il est allé chercher un cube pour monter dessus et atteindre de la nourriture[46],[47].
112
+
113
+ Les éléphants sont réputés pour leur capacité à anticiper l'arrivée des intempéries. il semblerait qu'ils soient capables d'entendre les sons provoqués par le déplacement des nuages[48].
114
+
115
+ L’éléphant d'Asie et l’éléphant d’Afrique ont longtemps été considérés comme les deux seules espèces représentant la famille des Éléphantidés à l’époque moderne. Depuis, de récentes études génétiques ont permis de distinguer deux sous-espèces africaines distinctes : Loxodonta africana africana (« éléphant de la savane ») et Loxodonta africana cyclotis (« éléphant des forêts »)[49].
116
+
117
+ Les espèces d'Éléphantidés vivant à l’heure actuelle sont donc :
118
+
119
+ L’extinction Crétacé-Tertiaire est suivie d'une diversification très rapide des ongulés africains, notamment l'ordre des proboscidiens dont les plus anciennes espèces découvertes à ce jour sont Eritherium azzouzorum et Phosphatherium escuilliei, datant de la fin du Paléocène il y a 60 millions d'années. Sans trompe mais avec une première incisive agrandie (rappelant la naissance d'une défense) et des orbites oculaires en position antérieure, ces premiers proboscidiens sont petits et graciles, ont un corps bas sur pattes et un mode de vie semi-aquatique, à l'instar de Moeritherium[50].
120
+
121
+ Après un déclin à l'oligocène, les proboscidiens connaissent une diversification avec l'apparition des Deinotheriidae et des Mammutidae. La seconde radiation évolutive voit l'émergence au début du Miocène des Gomphotheriidae qui sont à l'origine des Elephantidae et des Stegodontidae, familles qui correspondent à la troisième radiation évolutive au miocène supérieur[51].
122
+
123
+ Durant des millénaires, l'homme chassa l'éléphant pour sa consommation et pour le commerce de l'ivoire tiré des défenses. Durant l'Antiquité, les éléphants de Nubie furent utilisés dans les armées des Carthaginois. Au XVe siècle av. J.-C., il y avait encore des éléphants sur les bords de l'Euphrate, où le pharaon Thoutmôsis Ier chassait l'éléphant.
124
+
125
+ La population des éléphants africains et asiatiques a été décimée, passant de plusieurs millions d'individus au début des années 1970 à quelques centaines de milliers 30 ans plus tard[52]. Si bien qu'en 1989, la CITES interdit le commerce de l'ivoire. Les éléphants sont désormais considérés comme des espèces protégées et la chasse aux éléphants est très réglementée.
126
+
127
+ Le braconnage s'intensifie malheureusement chaque année. En 2011, entre 25 000 et 30 000 éléphants ont été abattus [53]sauvagement afin de récupérer leurs défenses et alimenter les commerces illégaux notamment en provenance d'Asie.
128
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129
+ L'éléphant n'a pas réellement de prédateurs hormis les humains. De grands fauves tels le lion ou le tigre peuvent exercer une prédation sur les petits et les individus faibles, mais vu le nombre d'herbivores plus faciles à chasser, il n'y a que peu de chance que ces prédateurs se rabattent sur l'éléphant, bien trop imposant.
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131
+ Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la population des éléphants d’Afrique a sensiblement diminué au cours des années 2010 : le continent compte en 2019 environ 415 000 spécimens, soit 111 000 de moins que lors de la précédente décennie[54].
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+ Au terme de la conférence organisée à Bangkok du 3 au 14 mars 2013, par la CITES, à laquelle 178 pays ont participé, l'état d'esprit était au pessimisme concernant la protection des éléphants « victimes dans leurs pays d'origine d'un braconnage sans précédent et d'un commerce effréné en Asie ». Nombre d'ONG concernées par cette action pensent que « la communauté internationale a échoué à protéger les éléphants ». Depuis 2007 le trafic d'ivoire a doublé et plus que triplé par rapport à 1998. Le nombre d'éléphants africains, selon les enquêtes présentées à la conférence, est compris entre 420 000 et 650 000. 25 000 ont été tués en 2011 et probablement 30 000 en 2012. Publiée en mars 2013 dans la revue PLoS One, une autre étude révèle que 62 % des éléphants des forêts ont été abattus durant ces dix dernières années. Si ce rythme perdure, ils pourraient disparaitre d'Afrique centrale d'ici 2025. Les spécialistes affirment qu'à terme, si le braconnage ne cesse pas, tous les éléphants du continent seront menacés d'extinction[55].
134
+
135
+ À Gembloux Agro-Bio Tech - Université de Liège en Belgique, plusieurs chercheurs avaient déjà fait le même constat pour la population des éléphants de l'Afrique de l'Ouest. En 40 ans, leur nombre a diminué de moitié[56].
136
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137
+ L'ONG Save the Elephants estime que le commerce illégal de l'ivoire à Hong Kong menace la survie des éléphants, étant donné que le marché de l'ivoire en Chine et en Asie du Sud-Est passe en grande partie par Hong Kong[57].
138
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139
+ L'augmentation des risques de conflits d'intérêt pour l'habitat avec des populations humaines menace la survie de l'éléphant. Ce conflit tue 150 éléphants et un peu plus de 100 personnes par an au Sri Lanka[58]. Contrairement à son cousin d'Afrique, l'éléphant d'Asie, possède de petites défenses. La disparition de celui-ci est principalement attribuée à la perte de son habitat. De grands morceaux de forêt disparaissent, ce qui touche profondément leur écosystème. Les arbres contribuent à l'ancrage du sol et l'absorption des eaux de ruissellement. La déforestation entraine des inondations et une érosion massive. Lorsque la forêt est réduite, les éléphants deviennent une partie du problème, car ils détruisent rapidement la végétation de la zone où ils vivent et éliminent toutes les ressources en nourriture.
140
+
141
+ La première réserve officielle, Parc national Kruger, est peut-être la plus connue des réserves et celle ayant obtenu le plus grand succès[59]. Cependant, de nombreux problèmes sont apparus depuis sa création. Les clôtures de la réserve ont coupé de nombreux animaux de leur alimentation en hiver ou de leurs zones de reproduction au printemps. Certains animaux sont morts, alors que d'autres comme les éléphants ont démoli les clôtures, entraînant des ravages dans les champs voisins. Lorsque les éléphants sont limités à un petit territoire, les dégâts infligés au paysage peuvent être énormes[60].
142
+
143
+ De ce fait, certaines réserves, comme le Parc national Kruger, de l'avis de certains gestionnaires de faune sauvage, ont souffert de la surpopulation des éléphants, au détriment d'autres espèces de la faune dans la réserve. Le 25 février 2008, l'Afrique du Sud a annoncé que l'abattage pour contrôler le nombre d'éléphants, arrêté depuis 1994, reprendrait. Les défenseurs des droits des animaux ont menacé d'un appel au boycott par les touristes et à d'autres formes d'oppositions[61].
144
+
145
+ Les éléphants en captivité (en) sont utilisés ou exhibés dans les cirques, ménageries (tel Abul-Abbas, l'éléphant blanc de Charlemagne et Hanno, celui du pape Léon X) et zoos (tel le célèbre Jumbo). On ne peut pas parler à leur égard de domestication car le cycle de vie de l'éléphant est trop long pour que cela soit économiquement rentable par rapport à une capture d'individus sauvages, la phase précédant la maturité sexuelle de l'animal durant plus de 10 ans[62].
146
+
147
+ Utilisé comme animal de trait par les humains, ainsi que lors de batailles en tant qu'éléphant de guerre, l'éléphant a occupé de nombreuses fonctions, notamment celle d'exécuteur lors d'exécutions par éléphant. En 1914-1918, des éléphants de cirque ont en Europe par exemple servi à débarder le bois en forêt (de Mormal, dans le Nord de la France), ou encore à labourer, ou à tirer des wagons dans les usines de munitions.
148
+
149
+ L'éléphant peut également être entrainé par anéantissement.
150
+
151
+ Le conducteur d'un éléphant est appelé cornac ou mahout.
152
+
153
+ À l'origine, les éléphants étaient chassés par les hommes pour leur viande.
154
+
155
+ Certaines parties, comme les pieds d'éléphants, ou des animaux entiers étaient naturalisés. Les poils et les défenses d'ivoire, bien sûr, étaient aussi utilisés. On s'en servait pour fabriquer des objets de décoration et en bijouterie, ou bien ils étaient destinés, ainsi que les dents et les ossements, à des cabinets de curiosité ou des museums.
156
+
157
+ L'ivoire a longtemps fait l'objet d'un commerce important qui subsiste encore parfois sous forme de trafic illégal malgré le statut de protection dont bénéficient les éléphants survivants.
158
+
159
+ Dans la symbolique occidentale comme orientale, l'éléphant est associé à la mémoire, la sagesse, la longévité, la prospérité, la bienveillance, le père. Pour beaucoup de peuples africains, l'éléphant tient le rôle du père, du chef des animaux, du roi.
160
+
161
+ L'éléphant apparaît dans la panthéon hindouiste et bouddhiste à partir du troisième millénaire avant Jésus-Christ, époque de sa domestication[63].
162
+
163
+ Dans la religion hindoue, Ganesh est un dieu à tête d’éléphant ; il est le dieu de la Sagesse et le patron des étudiants. Les rares éléphants blancs sont les plus sacrés en Inde, et les éléphants domestiqués et décorés aux couleurs des dieux bénissent les fidèles de leur trompe dans certains temples.
164
+
165
+ En Inde, l’éléphant évoque la force, la puissance, l'orage (forme ronde et grise des nuages de pluie), et il est sacré. Chaque dieu hindou chevauche un animal : Indra, dieu des Orages et de la Bataille, et Agni, dieu du Feu, se déplacent à dos d’éléphant.
166
+
167
+ Au Laos, passer sous la trompe d'un éléphant permet d'acquérir ses attributs : force, longévité, fertilité et caractère sacré. Chaque année à l'occasion du Nouvel An bouddhique, les cornacs laotiens organisent un baci ou soukhouan, cérémonie de rappel des âmes, pour leur éléphant.
168
+
169
+ Dans le Coran, la 105e sourate (la 19e dans l’ordre chronologique) s'intitule Al-Fîl (l’Éléphant). Elle comprend cinq versets révélés à la Mecque et doit son nom à l’expression « ashâb al-fîl » (les gens de l’éléphant) présente dans le tout premier verset. Cette expression désigne les Abyssins, qui occupaient le Yémen voisin, voulaient évangéliser l’Arabie tout entière, notamment en attaquant la Kaaba, à La Mecque. En raison des entraves qu’ils mettaient au pèlerinage, le « ministre du calendrier » dans le gouvernement mecquois se vengea en profanant l’église de Sana'a. C’est alors que le gouverneur abyssin fit venir un éléphant de taille gigantesque appelé Mahmoud et dirigea une expédition sur La Mecque.
170
+
171
+ Dans la symbolique chrétienne, l'éléphant symbolise le baptême : la femelle met bas dans l'eau d'un étang à côté duquel le mâle monte la garde pour écarter le dragon, symbole de l'esprit du mal.[réf. nécessaire]
172
+
173
+ Dans la symbolique chrétienne, il représente aussi la chasteté (de tempérament frigide, il ne peut engendrer qu'après avoir absorbé, en guise d'aphrodisiaque, une racine de mandragore), la constance, la maîtrise de soi, la bénignité des princes (il n'a pas de fiel), la tempérance, la circonspection et la prudence.[réf. nécessaire]
174
+
175
+ En France, on dit de quelqu'un qui a une bonne mémoire qu'il a « une mémoire d'éléphant » ; effectivement, l'éléphant a une excellente mémoire pour se rappeler ses congénères ou retrouver les pistes qu'il emprunte chaque année pour chercher sa nourriture. Sa mémoire visuelle lui permet également de se rappeler très longtemps les visages humains[source insuffisante][64].
176
+
177
+ L'éléphant représente les quatre piliers du monde : il porte le monde sur son dos.
178
+
179
+ L'éléphant est le symbole de la ville de Catane, en Italie, depuis le Moyen Âge (mais le lien remonte peut-être à l'Antiquité). La Fontaine de l'éléphant s'y dresse sur la place de la cathédrale.
180
+
181
+ L'éléphant est l'emblème de la Côte d'Ivoire.
182
+
183
+ L'éléphant est symbole de royauté, de puissance et de sagesse et ce en général pour les peuples de tout le continent africain.
184
+ Son image est utilisée dans les cérémonies et danses, pour la fabrication des masques ou encore de mobiliers, d'objets rituels, dans beaucoup de tribus notamment chez les Bamileke de l'ouest du Cameroun ou encore chez les Gurusi du Burkina Faso.
185
+ Hors tribus, l'éléphant est un symbole important au même titre que le lion et son image est présente au quotidien dans le monde africain.
186
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187
+ En politique, l'image de l'éléphant a pu être utilisé dans différents pays pour caractériser des courants politiques ou des politiciens : ainsi, l'emblème du Parti républicain américain est un éléphant, et certains des membres les plus influents du Parti socialiste français sont surnommés les « éléphants ».
188
+
189
+ Des représentations picturales de l'éléphant sont retrouvées en Occident dès le XIIe siècle comme dans le quartier historique de Montferrand sur la « Maison de l'Éléphant » (12 rue Kléber)[65].
190
+
191
+ L'ivoire des défenses de l'éléphant a longtemps servi à la réalisation d'œuvres d'art. Les œuvres en or et ivoire sont qualifiées de chryséléphantines — chrusos, or en grec. Ce nom a été déformé en olifant, pour désigner une corne (instrument de musique) en ivoire.
192
+
193
+ En sport, certaines équipes nationales portent des surnoms à l'image de l'éléphant :
194
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195
+ Les éléphants ont inspiré de nombreux artistes. La liste ci-après est loin d'être exhaustive.
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+ Sculpture d'éléphant.
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+ Brûle-parfum en porcelaine, en forme d'éléphant.
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Arabie saouditeRoyaume d'Arabie saoudite
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+
3
+ (ar) المملكة العربية السعودية / al-mamlaka al-ʿarabiyya as-saʿūdiyya
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+
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+ 24° 42′ N, 46° 43′ E
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+ modifier
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+ L'Arabie saoudite ou Arabie séoudite (en arabe : العربيّة السّعودية, al-ʿarabiyya as-saʿūdiyya?), nommée également le royaume d'Arabie saoudite (en arabe : المملكة العربيّة السّعودية, al-mamlaka al-ʿarabiyya as-saʿūdiyya?), est une monarchie absolue islamique dirigée par la dynastie des Saoud, depuis sa création en 1932 par Abdelaziz ibn Saoud[11]. Peuplée de 33 millions d'habitants, occupant 80 % de la péninsule Arabique, c'est le plus grand pays du Moyen-Orient avec une superficie de plus de deux millions de kilomètres carrés, et le deuxième plus grand des pays du monde arabe, après l'Algérie.
12
+
13
+ Le pays, dont la capitale est Riyad, a l'islam pour religion d'État et l'arabe pour langue officielle. Il abrite les deux plus grands lieux saints de l'islam : la mosquée al-Harâm (à La Mecque) et la mosquée du Prophète (à Médine).
14
+
15
+ L'Arabie saoudite est limitrophe de l’Irak au nord, du Koweït au nord-nord-est, du Bahreïn à l'est-nord-est, du Qatar et des Émirats arabes unis à l'est, d’Oman à l'est-sud-est, du Yémen au sud-sud-est et de la Jordanie au nord-ouest ; elle est bordée par la mer Rouge à l'ouest-sud-ouest et le golfe Persique à l'est-nord-est.
16
+
17
+ En 2000, l'Arabie saoudite et le Yémen ont signé un accord afin de concrétiser leur frontière commune, source de discorde jusque-là. À l'est-sud-est, une grande partie des frontières avec les Émirats arabes unis et Oman n'est pas clairement établie, d'où la difficulté de calculer correctement la superficie du Royaume saoudien. Le gouvernement annonce 2 217 949 km2 tandis que d'autres estimations varient de 1 960 582 jusqu'à 2 240 000 km2. Cependant le pays est considéré comme le treizième au monde par sa superficie.
18
+
19
+ Depuis la région côtière occidentale Tihama, les terres s'élèvent depuis les montagnes du Hedjaz au-dessus desquelles s'étend le plateau de Nejd, dans la partie la plus centrale. La région du sud, Asir, possède des montagnes s'élevant jusqu'à 3 000 mètres et est réputée pour avoir le climat le plus frais et le plus humide du pays. L'Est est, quant à lui, plutôt rocailleux avec des étendues de sable en continuité jusqu'au golfe Persique. L'hostile Rub' al Khali (le « Quart Vide ») est un désert s'étendant dans le sud du pays.
20
+
21
+ Relativement peu peuplées, la plupart des terres varient entre désert et zone semi-aride, occupées par une traditionnelle population bédouine. La végétation s'y limite à de maigres plantes et autres herbes. Moins de 2 % des terres sont cultivables. Le centre de population est principalement situé le long des côtes est et ouest, malgré quelques oasis densément peuplées à l'intérieur du pays, telles Al-Hufuf et Buraydah. Le reste du pays compte très peu d'habitants bien que l'industrie pétrolière y ait bâti quelques communautés artificielles. L'Arabie saoudite n'a aucun lac ou rivière permanente, bien que sa grande ligne côtière s'étende sur 2 640 km de la mer Rouge au golfe Persique, offrant de nombreux récifs de coraux et une large biodiversité côtière et aquatique.
22
+
23
+ Alors que le terme « Arabie » désigne la péninsule arabique dans son ensemble, l'adjectif « saoudite » évoque les Al Saoud, et en particulier Abdelaziz ibn Saoud dit « Ibn Saoud », qui reconquit ce pays au profit de sa famille en 1932 et en fit le « Royaume arabe saoudien » (en arabe al-Mamlakat al-°Arabīyat as-Sa°ūdīyat ; المملكة العربية السعودية), en français le « royaume d'Arabie saoudite »[12], ou en plus court السعودية (es-saoudia), que l'on pourrait traduire par la « Saoudite » ou la « Saoudie ». « Saoud » se réfère ici à Saoud ben Mohammed Al Mouqrin, le père de Mohammed Ibn Saoud, patriarche de la famille et fondateur en 1744[13] du premier État saoudien.
24
+
25
+ En français, les orthographes « séoudite » (à la place de « saoudite ») et « Séoud » (au lieu de « Saoud ») fréquentes autrefois, se sont raréfiées sous l'influence de règles de transcription anglophones[14]. Par ailleurs, la transcription « saoudite » est conforme à la norme ISO 233 et à la norme DIN 31635 qui transcrivent par un /a/ la voyelle fatha / َ / que l'on trouve dans le mot sa'ûd (سَعود). On peut aussi relever que le moteur de recherche Google corrige automatiquement la recherche « séoudite » en « saoudite »[réf. nécessaire]. En revanche, on continue à trouver le nom du fondateur de la dynastie orthographié Ibn Séoud, à côté de Ibn Saoud.
26
+
27
+ L'adjectif qualificatif « saoudite » ou « séoudite » s'écrit sans majuscule selon :
28
+
29
+ Cependant, on le trouve écrit « Arabie Saoudite » dans le Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale (3e édition, 1990).
30
+
31
+ L’Arabie saoudite a globalement un climat désertique, avec des températures diurnes très élevées et une forte baisse de la température pendant la nuit. Les températures estivales moyennes sont d'environ 45 °C, mais peuvent atteindre 54 °C. En hiver, la température descend rarement en dessous de 0 °C. Au printemps et en automne, la chaleur est tempérée, avec des températures moyennes autour de 29 °C. Les précipitations annuelles sont extrêmement faibles.
32
+
33
+ La région de l'Asir diffère, en raison de la mousson de l'océan Indien qui, généralement entre octobre et mars, donne une pluviométrie moyenne de 300 millimètres, soit environ 60 % des précipitations annuelles.
34
+
35
+ La côte ouest du pays, sur la mer Rouge, a un climat subtropical. Dans la zone centrale, autour de Djeddah et La Mecque, les étés sont très chauds avec un degré d'humidité très élevé, alors que les hivers sont modérés avec une humidité basse. Cette région reçoit des pluies légères mais soudaines, parfois accompagnées d'orages de novembre à février. Au printemps et en automne, les pluies sont rares. Les vents du sud occasionnels durant l'hiver entraînent des tempêtes de sable et de pluie, provoquant des inondations dans les vallées ce qui cause de nombreux dommages aux populations nomades ou semi-nomades qui y résident.
36
+
37
+ En été, les moyennes de température sont de 45 °C, alors qu'en hiver, elles avoisinent 10 °C. Le 1er août 1996, une température de 49,6 °C a été enregistrée à La Mecque. Le 26 janvier 1997, à Taëf, un minimum de −1,5 °C a été constaté[19][source insuffisante].
38
+
39
+ La faune comprend des mammifères comme : des loups, des hyènes, des mangoustes, des babouins, des lièvres, des rats des sables et des gerboises. Les plus gros animaux sont les gazelles, les oryx et les léopards qui, relativement nombreux avant les années 1950, sont actuellement des espèces en voie de disparition, à cause de la chasse en véhicules motorisés.
40
+
41
+ Parmi les oiseaux les plus courants, on trouve les faucons (qui sont capturés et entraînés pour la chasse), les aigles, les vautours, les gangas et les bulbuls.
42
+
43
+ Il existe plusieurs espèces de serpents, dont beaucoup sont venimeux, et de nombreux types de lézards.
44
+
45
+ La vie marine, dans le golfe Persique, est variée, avec une réserve de dugongs sur la mer Rouge.
46
+
47
+ Les animaux domestiques sont les dromadaires, les moutons, les chèvres, les ânes et les poules.
48
+
49
+ En raison du climat, la vie végétale naturelle de l'Arabie saoudite se compose essentiellement de petites herbes et d'arbustes nécessitant peu d'eau. On note cependant quelques petites zones herbeuses et des arbres dans le sud de l'Asir. Le palmier dattier (Phoenix dactylifera) y est très répandu.
50
+
51
+ Un nombre important de zones naturelles, terrestres et marines, sont protégées.
52
+
53
+ L'Arabie saoudite est divisée en 13 provinces (mintaqah idāriyya en arabe, expression qui se traduit littéralement par « région administrative », dont la forme au pluriel est manatiq idāriyya).
54
+
55
+ Les provinces sont divisées en 118 gouvernorats (arabe : محافظات, muhafazat au pluriel, muhafazah singulier), dont les capitales provinciales, qui ont un statut différent des municipalités (intègres), sont dirigées par des maires (amin).
56
+
57
+ Les gouvernorats sont subdivisés en sous-gouvernorats (marakiz, au pluriel markaz).
58
+
59
+ Médine.
60
+
61
+ Al Qasim.
62
+
63
+ Haïl.
64
+
65
+ Asir.
66
+
67
+ Tabuk.
68
+
69
+ Najran.
70
+
71
+ La Mecque.
72
+
73
+ Jizan.
74
+
75
+ Le premier État saoudien est constitué aux alentours de 1744. Un chef tribal local, Mohammed Ibn Saoud, s'associe avec un prédicateur religieux, Mohammed ben Abdelwahhab ; ensemble, ils fondent le wahhabisme.
76
+
77
+ La famille Al Saoud et le royaume connaissent ensuite des confrontations augmentant ou réduisant leur pouvoir en fonction des accords et désaccords avec l'Égypte, l'Empire ottoman et d'autres pays arabes pour le contrôle de la péninsule. Trop instable, le royaume finit par disparaître en 1818.
78
+
79
+ Un second État saoudien est fondé six années plus tard en 1824, mais disparaît en 1891.
80
+
81
+ Dans la nuit du 15 au 16 janvier 1902, Abdelaziz ibn Saoud, souhaitant restaurer l'ancien État de son aïeul, s'empare de Riyad, alors occupée par la famille rivale Al Rachid, originaire de Haïl. En 1904, il s'empare de l'oasis de Buraydah, capitale de la région du Qasim, au nord du Nejd. Abdelaziz fonde vers 1912, avec l'appui des bédouins, l'ordre des Ikhwâns (« frères ») qui lui permet d'agrandir son domaine[20]. Les Ikhwâns sont progressivement installés dans environ deux cents tentes (les hujjar). En 1913, Abdelaziz s'empare de la province de Al-Hassa, dans l'est, dont la majorité de la population est chiite. Son poids politique est reconnu par les Ottomans en mai 1914 lorsque ceux-ci le nomment wali du Nejd.
82
+
83
+ Avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Abdelaziz se rapproche graduellement des Britanniques. Un traité de protection est signé avec ces derniers en 1915.
84
+
85
+ Profitant de la dislocation de l'Empire ottoman et de la faiblesse des États arabes qui se constituent pendant le conflit mondial, il fait la conquête par la force en 1924-1925 du Hedjaz, un État comprenant les villes de La Mecque et de Médine, en s'en emparant il met fin à près d'un millénaire de chérifat hachémite, la lignée des descendants du grand-père du prophète. Il finit par se faire reconnaître roi du Hedjaz, en 1927.
86
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87
+ L'État ainsi constitué est consolidé par Abdelaziz Al Saoud pour devenir un pays puissant et surtout acteur de la scène internationale. Cet arrêt des conquêtes le brouille avec ses alliés ikhwâns, qui voudraient poursuivre la conquête pour étendre les frontières à toute la communauté des croyants. L'appui des oulémas, essentiellement par une fatwa de 1927, profite à Abdelaziz : ils décrètent qu'il est interdit de se révolter contre le détenteur du pouvoir. Dès lors, il devient licite de faire la guerre contre les Ikhwâns, qui sont écrasés en 1929.
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+ L'Arabie saoudite est fondée officiellement le 22 septembre 1932 par la fusion des provinces du Nejd et du Hedjaz. Abdelaziz ibn Saoud (Ibn Saoud) en devient le roi. Les guerres ayant permis l'accession au pouvoir d'Ibn Saoud firent 500 000 morts entre 1901 et 1932[21].
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+ La découverte de pétrole en mars 1938 transforme le pays sur le plan économique et marque le début d'une alliance stratégique avec les États-Unis, concrétisée par le Pacte du Quincy. En échange d'un accès au pétrole, les États-Unis s'engagent à protéger militairement la dynastie des Saoud. Cette alliance se révèlera d'autant plus durable que le pays se présente comme un allié de poids face à la montée des nationalistes arabes dans les années 1950-1960 soutenus par l'Union soviétique[22].
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+ Abdelaziz accepte le concept de modernisation du pays et persuade les ultra-conservateurs religieux d'accepter les nouvelles technologies, ce qui se traduit concrètement par un confort matériel pour les Saoudiens, mais sans changement des mentalités. Après cinquante ans de pouvoir, Adb al-Aziz meurt en 1953, lui succèdent ses fils — Saoud ben Abdelaziz, Fayçal ben Abdelaziz, Khaled ben Abdelaziz, Fahd ben Abdelaziz, Abdallah ben Abdelaziz et depuis 2015 le roi Salmane ben Abdelaziz.
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+ En 1973, l'Arabie saoudite est le leader du cartel des pays pétroliers, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), et son ministre du Pétrole et des Ressources minérales Ahmed Zaki Yamani, diplômé de Harvard, est la tête pensante du quadruplement du prix du pétrole qui fait soudain de l'Arabie saoudite une super-puissance financière.
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+ La rapide augmentation des recettes saoudiennes au début des années 1980, qui passent de 65 milliards de dollars à près de 135 milliards en 1981, permet également au pays qui est le «berceau» du wahhabisme d'exporter sa doctrine religieuse sous la forme du salafisme. Cette politique extérieure se manifeste dans la lutte organisée contre l'Union soviétique dans le conflit afghan en accord avec l'allié américain[22], mais également dans le soutien financier de nombreuses organisations islamiques à travers le monde dans les années 2000-2015[23].
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+ Dans les années 1980, la prise de la Grande Mosquée de La Mecque met en évidence le poids de la communauté ultra-conservatrice et la pression fondamentaliste s'accentue. Une police des mœurs, la Muttawa, est mise en place, s'assurant que tout ce qui se passe dans le royaume n'enfreint pas les règles de l'islam. Les nouvelles technologies sont encadrées, la musique n'est pas autorisée en public, encore moins le théâtre, et la télévision par satellite est également filtrée, tandis que la ségrégation sexuelle est accentuée, et le port du voile intégral obligatoire.
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+ L'Arabie saoudite est une monarchie absolue islamique, contrôlée par les familles Saoud et Wahhab qui sont liées par le mariage.
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+ Pour le politologue Riadh Sidaoui, les deux dynasties du Nejd sont les «deux faces d’une même pièce»[24].
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+ Pour Nabil Mouline, chercheur au CNRS et spécialiste de l'Arabie saoudite, le système successoral saoudien est de type adelphique, c'est-à-dire entre frères[25]. Toutefois, la transmission de la couronne demeure quelque peu aléatoire puisque le roi n'est pas nécessairement l'aîné : « Chaque roi potentiel est à la tête d’une faction, dont la puissance est déterminée par la force de son clientélisme, son soutien dans les forces armées et ses appuis dans le monde religieux et intellectuel[26]. »
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+ La loi fondamentale de l'Arabie saoudite définit le Coran comme constitution du pays et codifie depuis 1992 les règles d'organisation gouvernementale déjà existantes[27]. Le Conseil des oulémas et le Comité permanent des recherches islamiques et de la délivrance des fatwas sont compétents pour l'interprétation des règles religieuses. Aucune manifestation ou culte d'une autre religion ne sont acceptés, et ceux qui expriment à ce titre une opinion différente sont déclarés apostats et passibles de la peine de mort. La liberté de religion de la population non-musulmane d'origine y est très restreinte et doit s'exercer exclusivement dans le domaine privé. Une assemblée consultative existe.
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+ Depuis la fondation de l'État en 1932 par Abdelaziz ibn Saoud, le royaume a été gouverné par sept monarques.
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+ En novembre 1995, après un accident vasculaire cérébral du roi Fahd, en tant que prince héritier, Abdallah a pris de facto la direction de l'État. Il devient roi en 2005 après le décès de ce dernier.
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+ Le 4 novembre 2014, l'Arabie saoudite, confrontée à un ralentissement de son économie (basée en grande partie sur le pétrole) et à une recrudescence de son taux de chômage (30 % de sa population active), décide d'expulser des centaines de milliers de travailleurs étrangers[28],[29].
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+ En janvier 2015, Salmane succède à son demi-frère Abdallah, décédé.
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+ L'Arabie saoudite est l'une des puissances régionales au Moyen-Orient. En tant que gardienne des lieux saints de l'islam, elle jouit d'un grand prestige dans l'ensemble du monde musulman et diffuse le wahhabisme partout dans le monde. Elle rassemble autour d'elle la plupart des pays arabes à majorité sunnite dans une alliance contre l'Iran, où domine le chiisme, et ses alliés. L'Arabie saoudite bénéficie de revenus financiers considérables qu'elle tire de sa richesse en pétrole, dont elle est le premier pays exportateur au monde, et en gaz naturel. La rente pétrolière est la source de sa puissance, mais elle la rend dépendante aux variations du cours du baril et l'oblige à une alliance avec les États-Unis pour assurer la sécurité de l'approvisionnement en hydrocarbures dont les puissances économiques mondiales sont presque toutes très dépendantes[30].
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+ L'historien britannique Charles Allen a chiffré que depuis 1979, les autorités saoudiennes ont consacré plus de 70 milliards de dollars à la diffusion de leur idéologie[31], le wahhabisme, l'une des formes les plus rigoristes de l'islam sunnite. Ce financement a été rendu possible par les réserves de pétrole du pays et le soutien des États-Unis et de l'Europe qui dépendent de ces réserves pour le fonctionnement de leur économie[32].
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+ Dans une série d'entretiens en forme de bilan avec le magazine The Atlantic paru en avril 2016, le président américain Barack Obama a déclaré, selon Jeffrey Goldberg, que l'Arabie saoudite « propage l’extrémisme qui a généré le terrorisme » et expliqué comment l’Indonésie, notamment, « d’État musulman et tolérant, est devenu un pays extrémiste, à cause du financement par l’Arabie saoudite des mouvements fanatiques et des écoles wahhabites »[33],[34]. À la suite de ces propos peu diplomatiques, la maison royale saoudienne s'est dite « offensée »[35].
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+ Le 6 décembre 2015, le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, a estimé que l'Arabie saoudite devait cesser le financement des mosquées salafistes en Allemagne qui ne « sont pas moins dangereuses que les extrémistes de droite »[36].
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+ Initialement, l'Arabie saoudite entretient de bonnes relations avec les Frères musulmans[37]. La rupture se produit en 1991, lorsque la confrérie dénonce l'alliance saoudienne avec les États-Unis lors de la Guerre du Golfe[37],[38].
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+ À partir de 1993, la monarchie saoudienne tente un rapprochement avec sa minorité chiite[37]. En 2005, des partis religieux chiites sont autorisés à présenter des candidats aux élections[37]. Cependant, les chiites restent victimes de discriminations et cette période d'ouverture prend fin avec la répression du soulèvement bahreïnien et le début de la guerre civile syrienne en 2011[37].
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+ À l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières, la dynastie des Saoud au pouvoir est contestée par les salafistes djihadistes qui rejettent la monarchie et réclament une théocratie pure[37],[39]. Ces derniers renient même leur citoyenneté saoudienne pour se revendiquer « jaziri » (de la péninsule arabique). À partir de 2003, le royaume est aux prises avec Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui commet plusieurs attentats et assassinats, mais finit par être repoussé au Yémen[39].
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+ En 2007, lors de la guerre d'Irak, l'Arabie saoudite joue un rôle déterminant dans la création et le financement des Sahwa, des milices sunnites qui contribuent à marginaliser les djihadistes de l'État islamique d'Irak et à instaurer jusqu'en 2011 une relative accalmie en Irak[39],[40]. Mais le 8 mars 2014, Nouri al-Maliki, alors Premier ministre irakien, proche allié de l'Iran, accuse l'Arabie saoudite et le Qatar de fournir un soutien politique, financier et médiatique aux groupes d'insurgés comme Daech, Front al-Nosra, Al-Qaïda, etc, allant même jusqu'à « acheter des armes au bénéfice de ces organisations terroristes » pour conclure en droit international que : « Ils attaquent l'Irak, via la Syrie, et de manière directe, ils ont déclaré la guerre à l'Irak »[41].
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+ Bien qu'hostile aux révolutions du Printemps arabe, l'Arabie saoudite commence à soutenir les rebelles en Syrie, quelques mois après le début de la guerre civile syrienne[42]. Le royaume tient notamment à contenir l'influence de l'Iran, son principal rival dans la région. Il s'appuie sur les conservateurs, les officiers déserteurs, les tribus et les libéraux[43],[44], et soutient des groupes salafistes, notamment Jaych al-Islam, ainsi que l'Armée syrienne libre et des groupes modérés, en revanche, il s'oppose aux Frères musulmans[42],[44],[37]. Cependant, des milliers de Saoudiens partent combattre en Syrie et des groupes djihadistes comme l'État islamique ou le Front al-Nosra bénéficient de soutiens financiers venus d'acteurs privés, d'associations, ou d'hommes d'affaires, parfois liés à certains membres de la famille royale, qui profitent d'un certain laisser-faire de l'État[45],[46]. Selon le chercheur Pierre-Jean Luizard, au sein même de la famille royale, certaines branches s'estimant lésées font allégeance à l'État islamique[47]. En 2014 et 2015, l'hebdomadaire britannique The Economist et l'institut Soufan group estiment que 2 500 Saoudiens ont rejoint des groupes djihadistes en Syrie et en Irak, principalement l'État islamique[48],[49]. L'Arabie saoudite finit par s'inquiéter de la montée en puissance des salafistes djihadistes, qui contestent la légitimité de la dynastie saoudienne, et redoute qu'ils ne puissent bénéficier d'une certaine attractivité aux yeux d'une partie de la population saoudienne, ce qui pourrait déstabiliser le royaume[44],[37]. En mars 2013 les départs de combattants pour la Syrie sont rendus illégaux par le ministère de l'Intérieur dirigé par le prince Mohammed ben Nayef Al Saoud[42]. En février 2014, le Royaume saoudien classe le Front al-Nosra et l'État islamique comme organisations terroristes et interdit tout soutien ou financement à ces groupes[42],[46]. En septembre 2014, Riyad rejoint la coalition internationale contre l'EI.
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+ Dans une vidéo publiée le 26 décembre 2015, Abou Bakr al-Baghdadi, le « calife » de l'État islamique, appelle à des soulèvements en Arabie saoudite[50],[51]. De juin 2014 à novembre 2015, l'État islamique mène 7 attentats en Arabie saoudite qui font 88 morts[52]. Le Ministre saoudien de l'Intérieur Mohammed ben Nayef Al Saoud, responsable de la lutte anti-terroriste, est la cible de quatre tentatives d'assassinats de 2004 à 2015, dont un attentat-suicide d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique en 2009[53].
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+ Pour le politologue François Burgat : « le ressort de la politique de l’Arabie saoudite n’est pas idéologique. Arrêtons de penser que ce pays n’a qu’un rêve consistant à vouloir exporter son wahhabisme. Les Saoudiens n’ont qu’un rêve en se réveillant le matin : garder le pouvoir à n’importe quel prix, au prix de n’importe quelle concession idéologique, à savoir en étant capable de prendre appui sur des acteurs qui, sur le papier, leur sont hostiles ». Selon lui, plus que par l'Iran et les chiites, l'Arabie saoudite s'estime menacée principalement par son opposition : les « modérés » (Al-Islah, l'organisation yéménite apparentée aux Frères musulmans) et les radicaux[54].
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+ En Égypte, l'Arabie saoudite approuve le coup d'État mené le 3 juillet 2013 par l'armée qui porte au pouvoir le général Abdel Fattah al-Sissi et renverse le président Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans[55].
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+ Le 7 mai 2014, le roi Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud fait inscrire les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes, mais son successeur, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, se montre plus conciliant à leur égard[56].
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+ Le journaliste Alain Gresh note qu'à partir de 2016 l'Arabie saoudite se rapproche à petits pas des Frères musulmans : « Prudemment, parce que, à terme, les Frères restent un danger, notamment à l’intérieur du royaume ; avec détermination, car la menace iranienne est prioritaire à court et moyen terme »[57].
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+ À partir de 2015, l'Arabie saoudite concentre ses efforts au Yémen, où elle intervient militairement contre les Houthis, alliés de l'Iran[42],[46],[58]. En janvier 2015, Mohammed ben Salmane est nommé ministre de la Défense. Il décide de conduire des opérations militaires au Yémen contre les rebelles houthistes afin de limiter l'influence iranienne dans le pays[59]. En décembre 2015, dans une déclaration publique, les services de renseignement allemands ont exprimé leur inquiétude devant la nouvelle politique étrangère du jeune prince héritier, soulignant la façon dont la « position diplomatique jusqu'ici prudente des chefs aînés de la famille royale est remplacée par une politique interventionniste impulsive » et présente un danger pour la stabilité de la région[60].
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+ En mars 2016, le royaume wahhabite désigne le Hezbollah comme organisation terroriste et remet en cause une aide financière de quatre milliards de dollars aux forces armées libanaises[61].
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+ Selon Ali Al-Ahmad, directeur du Institute for Gulf Affairs (en), basé à Washington, « Les Saoudiens sont extrêmement inquiets. Le point de départ d'une éventuelle révolution sera probablement un club de foot plutôt qu'une mosquée »[62].
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+ Le 5 juin 2017, l'Arabie saoudite accuse le Royaume qatari de complaisance avec l'Iran, le Hamas, le Hezbollah et de « soutenir le terrorisme » et d'avoir des liens avec les Houthis, Al-Qaïda, l'État islamique et les Frères musulmans, groupements classés « terroriste » par l'Arabie saoudite. Riyad décide de sanctionner Doha et, le 5 juin 2017, le gouvernement saoudien rompt ses relations diplomatiques avec le Qatar et ferme sa frontière avec l'émirat[63]. Ses alliés, les Émirats arabes unis, Bahreïn, Yémen et Égypte feront de même[64].
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+ Il s'en suit alors une crise diplomatique : expulsion des nationaux qataris du territoire saoudien, et en septembre 2017, une vague d'arrestations de journalistes, intellectuels, politiques (dont le conseiller du gouvernement saoudien, Issam Al Zamel), universitaires, chercheurs ou écrivains qui seraient proches des mouvances islamistes « pro-Qatar », accusés d'avoir maintenu « le silence sur le Qatar » et de « non-participation à la campagne médiatique contre le Qatar », faits qui sont récemment devenus des délits[65].
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+ Le pays pourrait construire le canal Salwa, qui transformerait le Qatar en île.
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157
+ Liée aux États-Unis depuis le pacte du Quincy en 1945, l'Arabie saoudite prend ses distances avec son allié américain au début des années 2010, en réponse à la non-intervention militaire du pays pendant la guerre civile syrienne et au rapprochement irano-américain qui fait suite à l'élection d'Hassan Rohani à la présidence de la République islamique. En conséquence, l'Arabie saoudite refuse son siège obtenu par l'élection du Conseil de sécurité des Nations unies de 2013[66].
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+ Il est à noter que 15 des 19 pirates de l'air, lors des attentats du 11 septembre 2001, étaient des sujets du roi d'Arabie saoudite[67]. Selon Bob Graham, ancien vice-président de la commission d'enquête parlementaire sur le 11 septembre, les 28 pages classifiées du rapport publié en 2002, intitulées « éléments, discussion et récit concernant certains sujets sensibles de sécurité nationale », mettraient en cause le consulat saoudien à Los Angeles, l'ambassade d'Arabie saoudite à Washington ainsi que de riches Saoudiens installés à Sarasota en Floride[68]. Et de conclure : « Pour moi, nous avons montré que quoi qu'ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir Al-Qaïda, puis plus récemment dans l'appui économique et idéologique à l'État islamique (Daech). C'est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d'extrémisme qui a frappé Paris (attentats contre Charlie Hebdo)[69]». En avril 2016, Bob Graham a déclaré sur la chaîne de télévision Fox News qu'il aurait reçu un coup de fil de la Maison blanche l'informant de la décision du président américain de déclassifier les 28 pages litigieuses sous 60 jours[70]. Selon le New York Times, l'Arabie saoudite menacerait de vendre des « centaines de milliards de dollars de titres américains si le Congrès adoptait un projet de loi qui permettrait de rendre responsable le gouvernement du Royaume arabe devant les tribunaux américains de leur éventuel rôle lors des attaques du 11 septembre 2001 »[71],[72]. Pour la première fois, en mai 2016, le Département du Trésor des États-Unis a dévoilé que le montant des bons du trésor détenus par l'Arabie saoudite s'élèveraient seulement à 117 milliards de dollars, ce qui en ferait le treizième adjudicataire très loin derrière la Chine et le Japon[73]. Par ailleurs, les sénateurs américains ont approuvé à l'unanimité la proposition de loi autorisant les victimes du 11 septembre 2001 à poursuivre l'Arabie saoudite[74]. En juillet 2016, le Congrès des États-Unis a publié un document de 28 pages crédibilisant les accusations[75] de Zacarias Moussaoui, qualifié de « dérangé » par l'Arabie saoudite[76],[77] :
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+ « [...] certains des pirates de l’air du 11 septembre étaient en contact avec des individus connectés avec le gouvernement saoudien qui leur apportaient de l’aide et du soutien [...] qu’au moins deux de ces individus ont été soupçonnés d’être des agents de renseignements saoudiens. »
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+ Une note de l'administration américaine datant de 2009 (et dévoilée par WikiLeaks un an après) avance que « les donateurs privés en Arabie saoudite demeurent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites[78] ». Par ailleurs, deux articles, l'un paru dans The Daily Telegraph en septembre 2014, et l'autre dans Le Monde le 17 novembre 2015 (ce dernier étant un point de vue écrit par les historiens Sophie Bessis et Mohamed Harbi), affirment que l'Arabie saoudite serait, avec le Qatar et la Turquie, l'une des principales sources financières et militaires de l'extrémisme islamiste[79],[80],[81].
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+ Le 8 octobre 2012, Yves Bonnet, ancien patron de la DST, a affirmé : « On n'ose pas parler de l'Arabie saoudite et du Qatar, mais il faudrait peut-être aussi que ces braves gens cessent d'alimenter de leurs fonds un certain nombre d'actions préoccupantes[82],[83].»
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+ Le 20 novembre 2015, dans une tribune publiée par le New York Times, le vainqueur du prix Goncourt du premier roman 2015, l'écrivain Kamel Daoud, visé par une fatwa, a affirmé que l'Arabie saoudite n'est qu'un « Daech qui a réussi » en sus d'être le principal « mécène idéologique de la culture islamiste ». Selon lui, pour lutter contre le terrorisme, l'Occident devrait enfin s'attaquer à « la cause » plutôt qu'à « l'effet »[84],[85].
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+ Pierre-Jean Luizard, historien et chercheur au CNRS, affirme en 2017 : « L'Etat qatari ne soutient pas plus le terrorisme que l'Etat saoudien : aucun des deux ne le fait de façon directe. Beaucoup de fonds privés venus d'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis financent l'Etat islamique. [...] L'Arabie saoudite, elle, est gangrenée. La menace de la mouvance salafiste y est très présente, y compris dans les branches de la dynastie saoudienne. Il s'agit là d'une crise très grave du système saoudien »[86].
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+ Pour François Burgat, directeur de recherche à l'Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), ni le Qatar, ni l'Arabie saoudite ne soutiennent al-Qaïda ou l'État islamique : « Les dirigeants des monarchies pétrolières savent parfaitement qu’ils sont en tête de liste des cibles de Daech ou d’Al-Qaïda et aucun d’entre eux n’est suicidaire »[87].
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+ En 2015, Stéphane Lacroix, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI), déclare : « Les princes saoudiens ne soutiennent plus les islamistes comme ils ont pu le faire jusqu'aux années 1990. Ils en ont même aujourd'hui une peur bleue, car ce sont les seuls à représenter un modèle concurrent aux Saoud, et donc à pouvoir déstabiliser la monarchie. L'Arabie saoudite est fondamentalement antirévolutionnaire. Au cours du Printemps arabe, elle a surtout soutenu le statu quo. [...] L'exception est la Syrie ». En Syrie, l'État saoudien a soutenu l'Armée syrienne libre, puis des islamistes nationalistes non-djihadistes. Cependant « en parallèle des financements étatiques, des oulémas n'appartenant pas à l'establishment officiel se sont rangés derrière des groupes politiques salafistes. Dès le début du conflit, ces religieux ont soutenu en Syrie le groupe Ahrar el Sham et le front Al-Nosra. Mais pour la plupart d'entre eux, ils ne soutiennent pas Daech. L'organisation État islamique est détestée d'eux, car elle prétend au leadership sur l'islam tout entier, ce qui est inacceptable pour ses concurrents. [...] Le pouvoir saoudien se méfie de ces oulémas islamistes, dont certains ont mené la contestation contre le régime dans les années 1990. Mais il ne peut se permettre de les envoyer en prison, le coût étant trop élevé en interne »[88].
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+ Afin de redorer son blason en France, l'Arabie saoudite aurait missionné quatre agences de communication et de relations presse françaises : Publicis, Image 7, Edile Consulting et une autre dont le nom n'a pas filtré[89],[90].
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+ L'Arabie saoudite consacre au budget militaire l'un des pourcentages les plus élevés du monde, ses dépenses militaires dépassant la barre des 10 % du PIB. Les forces armées saoudiennes se composent des Forces Terrestres Royales saoudiennes, de l'Air Force Royale Saoudienne, de la Marine Royale Saoudienne, de la Défense de l'Air royale saoudienne (en), de la Garde nationale de l'Arabie saoudite (en) (la SANG en anglais, un organisme indépendant de l'armée), et les forces paramilitaires, pour un total de près de 200 000 militaires en service actif. En 2005, les forces armées affichaient le personnel ci-après : pour l'armée de terre, 75 000 hommes ; pour l'armée de l'air, 18 000 hommes ; pour la marine, 15 500 hommes (dont 3 000 marins) ; et la SANG affichait 75 000 soldats actifs et 25 000 supplétifs tribaux. En outre, il y a le Al Mukhabarat Al Un'amah le service de renseignement militaire.
178
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179
+ Le royaume dispose d'une longue relation militaire avec le Pakistan, il a longtemps été avancé que l'Arabie saoudite aurait secrètement financé le programme nucléaire pakistanais et chercherait à acquérir des armes atomiques au Pakistan, dans un avenir proche. La SANG n'est pas une réserve, mais une force de première ligne pleinement opérationnelle, et est issue de la tribu militaro-religieuse des Saoud, les Ikhwan. Son existence perdure, quoiqu'elle soit présentée comme étant, de fait, l'armée privative de feu Abdallah depuis les années 1960 et, que contrairement au reste des forces armées, elle est indépendante du Ministère de la Défense et de l'Aviation. La SANG contrebalançait les factions Sudairi (en) dans la famille royale : le Prince Sultan, Ministre de la Défense et de l'Aviation, est l'un des soi-disant « Sept Sudairi » et contrôle le reste des forces armées[91].
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+ Les dépenses de défense et de sécurité de l'Arabie saoudite ont considérablement augmenté depuis le milieu des années 1990. Elles atteignaient environ 69,4 milliards de dollars en 2017, ce qui représente environ 10,3 % du produit intérieur brut et la classe au quatrième rang des pays qui dépensent le plus pour leurs forces armées. Son arsenal moderne de haute technologie fait de l'Arabie saoudite l'un des pays les plus puissamment armés du monde. Son équipement militaire est fourni principalement par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni[92].
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+ Les États-Unis ont vendu pour plus de 80 milliards de dollars de matériel militaire entre 1951 et 2006, aux forces armées saoudiennes. Le 20 octobre 2010, le Département d'État des États-Unis a notifié au Congrès son intention de conclure le plus grand marché de l'histoire américaine — une somme estimée à 60,5 milliards de dollars de commandes par le royaume d'Arabie saoudite. Le package constitue une amélioration considérable de la capacité offensive des forces armées saoudiennes. 2013 a vu les dépenses militaires saoudiennes s'élever à 67 milliards de dollars, dépassant celle du Royaume-Uni, de la France et du Japon au quatrième rang à l'échelle mondiale[93].
184
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+ Le Royaume-Uni a également été l'un des principaux fournisseurs d'équipements militaires à l'Arabie saoudite depuis 1965. Depuis 1985, le Royaume-Uni a fourni des avions militaires — notamment les avions de combat Tornado et l'Eurofighter Typhoon et d'autres équipements dans le cadre d'un contrat de long terme le marché militaire Al-Yamamah estimé à une valeur de 43 milliards de livres en 2006 et il est projeté un autre d'une valeur de 40 milliards de livres. En mai 2012, le géant britannique de la défense BAE a signé un marché de 1,9 milliard de livres (3 milliards de dollars) pour la fourniture de jets d'entraînement Hawk à l'Arabie saoudite[94].
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+ Selon le Stockholm International Peace Research Institute, le SIPRI, sur la période 2010-2014, l'Arabie saoudite est le deuxième plus grand importateur d'armes, recevant quatre fois plus d'armes majeures que sur la période 2005-2009. Les principales importations de 2010-2014 incluent 45 avions de combat du Royaume-Uni, 38 hélicoptères de combat des États-Unis, 4 avions ravitailleurs de l'Espagne et plus de 600 véhicules blindés du Canada. L'Arabie saoudite a une longue liste de commandes militaires en cours, dont 27 avions de combat supplémentaires du Royaume-Uni, 154 avions de combat des États-Unis et un grand nombre de véhicules blindés en provenance du Canada. L'Arabie saoudite a capté 41 % des exportations d'armes du Royaume-Uni, sur la période de 2010-2014.
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189
+ En dépit de ces dépenses militaires très importantes, pour le géopoliticien Renaud Girard, « son instrument militaire est extrêmement faible » comme le montrerait son incapacité de faire face aux rebelles houthistes au Yémen[95].
190
+
191
+ Le 3 octobre 1988[96], l'Arabie saoudite a ratifié le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, sans avoir pour autant signé le protocole additionnel de 1997 aux fins de vérification des accords de garantie[97].
192
+
193
+ Toutefois, selon le Sunday Times, citant un haut responsable américain en mai 2015, l'Arabie saoudite, en parallèle avec l'Iran, aurait pris la décision stratégique d'acquérir des armes nucléaires au Pakistan[98]. En effet, pour la journaliste Dominique Lorentz, plus de doute, l'Iran est aujourd'hui une puissance nucléaire[99]. Or, dans ce cas de figure, Amos Yadlin (en), chef du renseignement militaire d’Israël, avait commenté que si l’Iran avait la bombe, « les Saoudiens n’attendront pas un mois. Ils ont déjà payé pour la bombe, ils iront au Pakistan et ils prendront ce dont ils ont besoin ». Dans ces conditions, toujours selon le Sunday Times, l’Arabie saoudite aurait donc demandé au Pakistan, dont elle finance depuis trente ans le programme nucléaire, un remboursement de sa dette sous la forme de bombes atomiques disponibles à volonté, mais dont le « produit fini » resterait stationné au Pakistan[100].
194
+
195
+ Le 25 février 2016, le Parlement européen, lors d'une session plénière à Bruxelles, a adopté une résolution, à une large majorité des eurodéputés, pour un embargo sur les livraisons d'armes des pays de l'Union européenne à destination de l'Arabie saoudite[101]. Dans le même sens, le 15 mars 2016, le Parlement hollandais a adopté une résolution interdisant l'exportation d'armes vers l'Arabie saoudite[102].
196
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197
+ En 2015, l'Arabie saoudite affichait le troisième plus gros budget militaire avec 87,2 milliards de dollars, après les États-Unis (596 milliards de dollars) et la Chine (estimé à 215 milliards de dollars). Sur une période de dix ans (2006-2015), son budget a augmenté de +97 %. Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), avec 2 778 dollars par habitant, l'Arabie saoudite est devenue la championne des dépenses militaires par habitant, devant Oman (2 574 dollars) et Israël (1 923 dollars)[103],[104]. Autre record mondial, l'Arabie saoudite consacre jusqu'à 13 % de son PIB pour le budget de la défense, lorsque la plupart des pays se bornent à dépenser entre 2 et 4 % de leur PIB[105].
198
+
199
+ Le droit saoudien est officiellement fondé sur la charia. Toutefois, selon des recherches conduites par le Réseau international de solidarité WMUML en 2011 sur les lois dites islamiques (dénommées à tort charia)[108], il s'avère qu'en réalité, elles seraient basées sur la tradition et la coutume. Le terme charia est instrumentalisé par les autorités religieuses ou gouvernementales du pays afin de leur donner une soi-disant légitimité religieuse, mais avant tout pour établir, rétablir ou renforcer le patriarcat de la société[109].
200
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201
+ Pour la hedjazie Suhayla Zayn al-Abidin, le wahhabisme a servi à légitimer ce qui n’est rien d’autre que des coutumes locales najdies : « alors que l’islam a permis l’ijtihad (l’interprétation des textes) dans le but de s’adapter aux circonstances correspondant aux différents lieux et aux différentes époques, un groupe d’oulémas, qui n’est pas peu nombreux, s’est contenté de proclamer des interdictions au nom de sadd al-dharaʿi (« blocage des moyens », principe-clé du droit wahhabite). Ceux d’entre eux qui ont appliqué ce principe à la femme l’ont fait parce qu’ils la regardent avec des yeux païens (jahiliyya), et la traitent selon des coutumes et des traditions païennes, qui ne sont en rien une application de ce qu’a apporté l’islam » (in Al-Sharq al-Awsat, 30 mai 2004)[110].
202
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203
+ L’assistance d'un avocat avant le procès et la représentation légale en salle est régulièrement déniée aux prévenus[111]. Les accusés sont parfois reconnus coupables sur la base d'« aveux » obtenus sous la torture ou les mauvais traitements. S'agissant des étrangers, beaucoup ne bénéficient pas de services de traduction adaptés durant leur procès et ont signé des documents – notamment des « aveux » – qu'ils ne comprennent pas[112].
204
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205
+ De nombreux crimes sont passibles de la peine de mort, comme l'homicide volontaire, le viol, le vol à main armée, la sorcellerie, l’adultère, la sodomie, l'apostasie, le prosélytisme non-musulman, le trafic de stupéfiants, le sabotage, l'espionnage, la trahison ou la défiance vis-à-vis de la famille royale. En Arabie saoudite, les exécutés sont très généralement décapités au sabre, en particulier pour apostasie, ou lapidés pour l'adultère, rarement par d'autres méthodes comme la crucifixion ou l'arme à feu[113],[114]. Le fait de demander des réformes pour le pays est passible de prison[115]. Le fait de détenir des bouteilles de vin est passible de coups de fouet[116].
206
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207
+ Le fait de propager des contenus à caractère pornographique est passible de 5 ans de prison et d'une amende de 3 millions de riyals saoudiens, soit environ 700 000 euros[117]. Dans le cadre du programme de sécurité de la famille, une nouvelle loi de 2016 prévoit que le fait pour une femme de violer la vie privée de son mari en consultant son téléphone portable sans en avertir celui-ci ou sans son contentement (la réciproque n'étant pas vraie), est désormais passible de coups de fouet, d'une peine de prison ou d'une amende[118]. Par ailleurs, les étrangers jugés « trop beaux » (peu important qu'ils soient musulmans ou non) sont considérés par le comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice comme des « tentateurs » et font donc l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière manu militari pour prévenir tout trouble à l'ordre public[119].
208
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209
+ Depuis le début de l'année 2016, les autorités ont fait exécuter plus de 90 personnes, criminels, opposants au régime ou manifestants laïcs (selon un décompte AFP sur la base d'annonces officielles). L'année 2015 constituait déjà un record en la matière avec pas moins de 153 exécutions, contre 90 exécutions en 2014[120], ce qui confirme le rythme « sans précédent » observé par Amnesty International[121]. Toujours en 2015, les autorités avaient publié une offre d'emploi pour recruter 8 bourreaux[122]. Pour James Lynch, directeur-adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International, « Les autorités saoudiennes semblent déterminées à poursuivre cette vague d'exécutions. Les autorités saoudiennes invoquent la dissuasion pénale comme argument clé pour justifier la peine de mort. L'Arabie saoudite figure ainsi parmi les pays qui exécutent le plus grand nombre de personnes avec la Chine, l'Iran, l'Irak et les États-Unis.
210
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211
+ Par ailleurs, l'abolition de l'esclavage en 1968 n'est que théorique, puisqu'il perdure de fait dans la péninsule arabique[123] sous des formes très diverses allant de l'esclave domestique à l'esclave sexuel.
212
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+ De nombreux colloques se sont tenus en Arabie saoudite pour condamner les attentats-suicides, l'agression physique des personnes civiles et les attentats du 11 septembre 2001, entre autres, comme contraires à l'islam[124]. Un décret royal de février 2014 punit de trois à vingt ans de prison toute « appartenance à des courants religieux ou intellectuels, à des groupes ou à des formations définis comme terroristes nationalement, régionalement ou internationalement ; tout appui quel qu’il soit à leur idéologie ou à leur vision, toute expression d’une quelconque sympathie avec eux », le mot « terrorisme » incluant l’athéisme et toute mise en cause des principes fondamentaux de la religion[125] ainsi que pour une femme enfreignant l'interdiction de conduire[126].
214
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215
+ Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le royaume wahhabite tolérait, dans les faits, l'homosexualité des Saoudiens qui n'étaient plus poursuivis à ce titre[127]. Toutefois, il est à noter qu'en mars 2016, des procureurs de la ville de Djeddah ont requis la peine de mort à l'encontre de Saoudiens qui avaient révélé leur homosexualité sur Internet, ce qui semble annoncer une remise en vigueur des exécutions[128].
216
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217
+ L'Arabie saoudite est l'un des pays qui respecte le moins les droits de l'homme, avec l'un des pires bilans en ce domaine. Les droits d'expression, d'association et la liberté d'opinion ne sont pas garantis[129]. Les droits des femmes sont très limités, la liberté religieuse est minimaliste et les droits LGBT sont inexistants. Les autorités considèrent toute voix dissidente comme du terrorisme[130]. L'Arabie saoudite figure en 164e position sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2015[131].
218
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219
+ Alors que l'ambassadeur de l'Arabie saoudite à l'Office des Nations-Unies, Faisal bin Hassan Trad, est nommé le 22 septembre 2015 à la tête du panel du Conseil des droits de l'Homme, de nombreuses associations des droits de l'Homme ont manifesté leur désaccord avec cette nomination en raison de l'exécution de plus de 80 personnes depuis le début de l'année 2015 en Arabie saoudite[132]. Cette vague de protestations s'est amplifiée avec l'annonce de l'exécution d'Ali Mohammed al-Nimr[133],[134],[135],[136].
220
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221
+ Le 2 octobre 2015, l'Arabie saoudite a empêché la mise en place d’une enquête internationale sur la conduite de ses frappes aériennes au Yémen. Pour Karim Lahidji, président de la FIDH : « C’est là la vraie victoire de l’Arabie saoudite à l’ONU, et non comme on a pu l’entendre la nomination quelques semaines plus tôt de son ambassadeur à la tête du comité consultatif du Conseil des droits de l’Homme, une position honorifique mais aux pouvoirs restreints[137]». En effet, selon un responsable de l'administration américaine, la coalition conduite par les Saoudiens a recours à des armes à sous-munitions (interdites en droit international) dans le conflit armé au Yémen[138].
222
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223
+ Raif Badawi, auteur du blog Free Saudi Liberals visant à ouvrir le dialogue social, a été arrêté en 2012 et condamné en 2013 à plus de 1 000 coups de bâtons[139] pour avoir critiqué les autorités religieuses saoudiennes, il devient une cause célèbre internationale sur le sujet des droits de l'homme et est récipiendaire en 2015 du prix Sakharov[140],[141].
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225
+ Le 29 mars 2016, à effet de dévoiler la réalité des droits de l'Homme en Arabie saoudite, l'ONG Front Line a produit un documentaire de 54 minutes, intitulé Saudi Arabia Uncovered, de James Jones, tourné essentiellement en caméra caché[142].
226
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227
+ Afin de se prémunir de critiques des gouvernements occidentaux sur les droits de l'homme, l'Arabie saoudite n'hésite pas à recourir à des mesures de rétorsion financières à leur encontre et, selon Le Point, « cela fonctionne »[143].
228
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229
+ En 2019, l'athéisme et l'homosexualité restent passibles de la peine de mort en Arabie Saoudite, l'athéisme pouvant tomber sous le coup de la loi antiterroriste[144],[145].
230
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231
+ En juillet 2020, la presse révèle que l’Arabie saoudite avait tenté de ramener dans le pays Saad Al jabri, un ancien responsable du renseignement saoudien, et avait enlevé deux de ses enfants et les enfants adultes de son frère en guise de gage contre lui[Mal dit]. Le prince héritier lui aurait proposé un nouveau poste et aurait même porté des accusations de corruption contre son nom pour forcer son extradition[146].
232
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233
+ La torture est une pratique courante et bien documentée en Arabie Saoudite.
234
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235
+ Selon un rapport de l'ONU en date du 20 avril 2016, intitulé « Le sort des enfants en temps de conflit armé », l'Arabie saoudite serait impliquée dans la mort de plus de 500 enfants dans le cadre de son intervention contre la rébellion houthie au Yémen[149],[150].
236
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237
+ Par ailleurs, selon une étude menée par le Docteur Nura Al-Suwaiyan, directeur du programme de sécurité de la famille à la Garde nationale de l'hôpital (en), un enfant sur quatre est maltraité en Arabie saoudite. La Société nationale pour les droits de l'homme (en) rapporte que près de 45 % des enfants du pays sont confrontés à une certaine forme de violence et à la violence domestique. En 2013, le gouvernement a adopté une loi criminalisant la violence domestique à l'encontre des enfants[151].
238
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239
+ Il a été affirmé que la traite des femmes est un problème particulier en Arabie saoudite, à raison du grand nombre d'employées de maison qui sont étrangères au pays (en particulier Mauritaniennes), et des failles dans le système aboutissant à ce que nombre d'entre elles sont victimes de mauvais traitements et de torture[152], sous la forme d'esclavage[153].
240
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241
+ Dès leur naissance, les Saoudiennes sont placées par la charia sous l'autorité légale d'un homme, le « gardien » (mahram), qui peut être leur père, leur mari, leur frère, leur oncle ou même leur fils[154]. Les femmes ne peuvent rien entreprendre sans l'autorisation de leur « gardien », elles ne peuvent ni travailler, ni se marier, ni même se faire ausculter par un médecin (femme), sans l'agrément d'un homme[25]. De ce fait, quels que soient les droits accordés aux femmes (droit de vote, de conduire, etc.), ces droits restent dépendants de la permission du tuteur, ce qui se traduit dans les faits par la privation de ces droits[155]. La plupart des mariages sont arrangés, mais se concluent dans environ 20 % des cas par un divorce, la garde étant la plupart du temps confiée au père. Non accompagnées d'un tuteur, les femmes n'ont pas le droit de sortir dans un espace public, où les membres du comité pour le commandement de la vertu et la répression du vice (Hai'a, une agence gouvernementale qui contrôle l'application de la charia) veillent à ce qu'elles portent bien le voile[156].
242
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243
+ Selon Gérard-François Dumont, de l'Académie de Géopolitique de Paris, l’espérance de vie à la naissance des Saoudiennes s'avère étonnamment faible eu égard à la rente pétrolière. D'un point de vue strictement féminin, les Saoudiennes ont une espérance de vie inférieure de deux ans à celle des Tunisiennes, et de dix ans à celle des Françaises. D'un point de vue plus masculin, les Saoudiennes vivent seulement deux ans de plus que les Saoudiens, lorsque les Tunisiennes vivent quatre ans de plus que les Tunisiens et les Françaises atteignent sept ans de plus que les Français[157].
244
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245
+ L'Arabie saoudite impose une stricte séparation des sexes. La plupart des maisons, banques ou universités ont une entrée pour les hommes et une entrée pour les femmes.
246
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+ En 2005, l'Arabie saoudite affiche un taux de travail féminin parmi les plus bas du monde (18 %). Le ministre du Travail Ghazi Al Gosaibi promulgue alors une loi pour autoriser les femmes à travailler dans les magasins de lingerie ; elle n'est en réalité appliquée que plus tard, à cause de l'opposition des religieux conservateurs, même si les agents Hai'a procèdent de temps à autres à la fermeture de certains de ces magasins. Jusque-là, les Saoudiennes diplômées qui travaillaient étaient limitées aux secteurs de l'enseignement pour filles ou de la médecine pour les femmes patientes. Les femmes qui travaillent disposent de leur propre compte bancaire. La plupart des Saoudiens souhaitent que leurs filles passent le baccalauréat ; par ailleurs, 42 % des étudiants dans les universités sont des jeunes filles[156].
248
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249
+ Le 25 septembre 2011, le roi Abdallah accorde le droit de vote aux femmes[158] aux élections municipales ainsi que leur éligibilité. Toutefois, il est à noter que les Saoudiennes n'ont voté qu'en 2015 (dans des isoloirs séparés)[159] ; que les candidates (sous réserves d'être autorisées et couvertes de l'abaya) n'ont pas eu le droit de prendre la parole en public[160] ; et que les élues (après plusieurs incidents) n'ont pas eu non plus le droit de siéger dans la même pièce que leurs collègues masculins[161]. En 2012, le roi Abdallah autorise les femmes à vendre de la lingerie et des cosmétiques[162]. Pour lutter contre le chômage des femmes, ce commerce (d'articles exclusivement féminins) est désormais réservé aux seules Saoudiennes qui n'auront plus besoin de permis de travail dans ce secteur[163]. En 2015, son successeur, le roi Salmane accorde aux femmes le droit de voyager sans qu'un « gardien » ne les accompagne, ni ne donne son autorisation pour qu'elles voyagent sans lui. Concrètement, les Saoudiennes n'auront plus besoin de se munir d'un papier jaune par lequel leur « gardien » les autorisait à partir à l’étranger et elles ne seront plus suspendues à une éventuelle opposition de dernière minute par retour de SMS au moment de quitter le territoire saoudien[164],[165]. La même année, le roi Salmane accorde aux veuves et aux divorcées (seulement) une carte d'identité pour leur permettre d'effectuer des démarches basiques, mais sans autre précision quant à la date d'entrée en vigueur de cette réforme[166]. En 2016, les Saoudiennes se voient accorder le droit de signer leur propre contrat de mariage et d'en obtenir une copie afin de leur permettre de « prendre connaissance » de leurs « droits » et des « termes du contrat »[167],[168].
250
+
251
+ Le 2 août 2019, un décret signé du roi Salmane annonce que les femmes sont désormais autorisées à se rendre à l’étranger sans requérir au préalable l’agrément du référent masculin qui leur tient de gardien. Le texte dispose qu’un passeport saoudien doit être délivré à tout citoyen qui en fait la demande et que toute personne âgée d’au moins 21 ans, sans distinction de sexe, peut voyager comme elle l’entend. Le décret dispose également que les femmes peuvent déclarer officiellement une naissance, un mariage ou un divorce et être titulaires de l’autorité parentale sur leurs enfants mineurs. Des prérogatives jusqu’ici réservées aux hommes[169].
252
+
253
+ Pendant de longues années, l'Arabie saoudite est pointée du doigt car les femmes y sont interdites du droit de conduire. C'est le dernier pays au monde à pratiquer cette interdiction[170],[171]. Selon un journal saoudien, cette mesure coûte près de 3,7 milliards de dollars à l'économie saoudienne du fait de l'emploi de chauffeurs privés ou de taxi[172]. Régulièrement, des femmes bravent cette interdiction en se filmant en train de conduire afin de faire évoluer la situation. En septembre 2017, un prêcheur saoudien déclare que l'interdiction de conduire imposée aux femmes se justifierait, car elles n'ont que le « quart » du cerveau d'un homme. Bien que cette déclaration ait obtenu des soutiens de milieux conservateurs, les autorités saoudiennes lui interdisent de prêcher en expliquant « que les plateformes de prêche ne seront pas utilisées pour porter atteinte aux valeurs d'égalité, de justice et de respect des femmes inhérentes à l'islam »[173]. Le 26 septembre 2017, le roi Salman d’Arabie saoudite signe un décret autorisant les femmes à conduire[174],[175]. La mesure est entrée en vigueur le 24 juin 2018 à minuit, mais les premières autorisations ont été délivrées aux saoudiennes dès le début du mois. Certaines femmes n'ont eu parfois qu'à échanger leurs permis étrangers contre des permis saoudiens après avoir passé un test. Selon le cabinet de consultants PricewaterhouseCoopers, quelque trois millions de Saoudiennes pourraient se voir attribuer un permis et commencer à conduire d'ici 2020[176].
254
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255
+ Le mariage entre cousins du premier ou deuxième degré, en Arabie saoudite, est parmi les taux les plus élevés dans le monde, environ 35 %[177]. Traditionnellement considéré comme un moyen de « sécuriser les relations entre les tribus et la préservation de la fortune de la famille »[178], la pratique a été citée comme un facteur dans les taux plus élevés de maladies génétiques sévères comme la mucoviscidose (fibrose kystique), les maladies du sang, le diabète de type 2 (qui affecte environ 32 % des adultes saoudiens), l'hypertension (qui affecte 33 %)[179], la thalassémie, la drépanocytose, l'amyotrophie spinale, la surdité et le mutisme[180],[181]. Neal Asbury (en) a écrit sur un site web nommé To The Point que : « Cela a conduit récemment des théologiens wahhabites à conseiller préventivement aux jeunes hommes de « choisir soigneusement une femme avec une attention toute particulière sur la santé »[182]. »
256
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257
+ En 2018, l'Arabie saoudite était la 18e plus grande économie du monde (PIB nominal) et la 6e d'Asie. C'est également la première économie du monde arabe.
258
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259
+ L'Arabie saoudite est membre de l'OPEP et sa compagnie nationale Saudi Aramco est la première productrice mondiale de pétrole. Le pays a dominé le palmarès des producteurs OPEP pendant la décennie 2010. En 2012, les revenus des exportations pétrolières (pétrole brut et dérivés) atteignent leur pic historique à hauteur de 337 milliards de dollars[183]. Aussi le krach sur le cours du baril qui passe de 127 $ fin 2014 à 30 $ en janvier 2016[184], a mis le budget 2015 en déficit de 98 milliards €, celui de 2016 étant estimé à 84 milliards €[185]. En 2017, les revenus pétroliers chutent à 170 milliards de $[186]. En 2018, le pétrole représente 31 % du PIB et 79 % des recettes d'exportations[187], l'activité économique non-pétrolière du pays reste fortement tributaire des dépenses publiques, ces dernières corrélées aux cours du pétrole[186].
260
+
261
+ L'exploitation et l'exportation du pétrole ont fortement développé l'activité économique de la côte nord-est du pays, autour de Dammam, Khobar et Dhahran avec le port d'Al-Jubayl, ainsi que la côte sur la mer Rouge (Djeddah, Yanbu)[188].
262
+
263
+ L'industrie chimique est le 2e secteur économique du pays dans les exportations, avec 62 milliards de $ de revenus générés en 2018 l’Arabie saoudite se positionne comme le plus grand producteur de la région et le 10e exportateur mondiale de produit chimique d'après la GPCA (en) [189]. SABIC, La plus importante entreprise saoudienne dans le domaine de la chimie, a été classé 4e mondial dans le C&EN's Global Top 50 chemical companies of 2018[190].
264
+
265
+ Le pèlerinage du Hajj et de la Omra représentent la 3e plus importante source extérieure de revenus (derrière les exportations de pétrole et de produits chimiques), elle rapporterait (en temps normal) 12 milliards de $ de revenus annuels[191].
266
+
267
+ The Atlas of Economic Complexity[192]
268
+
269
+ Pour diversifier son économie l'Arabie saoudite mise sur le secteur des énergies non carbonées, avec un plan de 100 milliards de dollars pour construire 16 réacteurs nucléaires d'ici 2030, et sur l'énergie solaire avec 100 autres milliards pour construire 41 Gigawatts de panneaux photovoltaïques en plein désert équivalent en énergie à 25 réacteurs nucléaires.
270
+
271
+ En 2016, afin de réduire la dépendance de l'économie saoudienne vis-à-vis du pétrole, le prince Mohammed ben Salmane annonce une série de mesures dans le cadre d'un grand programme baptisé Vision 2030, qui prévoit la baisse des subventions, de nouvelles taxes, et la création d'un fonds souverain à partir des recettes de la vente de 5 % du capital de Saudi Aramco.
272
+
273
+ Sur le modèle des fonds norvégiens ou qataris, ce fonds d'environ 2 000 milliards de dollars serait chargé d'effectuer des investissements à l'étranger dans différents secteurs comme la technologie, les transports, l'industrie ou l'immobilier, afin de diversifier les recettes et de préparer l'après pétrole[195]. Parmi les premiers investissements importants, une levée de 3,5 milliards de dollars pour l'entreprise Uber permet au dirigeant du fonds Yasir Al Rumayyan d'entrer au conseil d’administration de l'entreprise californienne[196].
274
+
275
+ Dans le chantier destiné à diversifier son secteur énergétique, et plus largement son économie, l’Arabie saoudite affiche l'objectif de produire 10 % de son électricité à partir de sources d’énergies renouvelables en 2023 et d'en exporter les technologies[197].
276
+
277
+ En mars 2018, l'Arabie saoudite et le groupe japonais SoftBank Group signent un partenariat visant à développer un méga-projet solaire dans le royaume avec l'objectif de construire 200 GW de capacités d'ici 2030[198].
278
+
279
+ Les estimations du nombre de Saoudiens vivant en dessous du seuil de pauvreté se situent entre 12,7 % et 25 % de la population. Les rapports de presse privés et les estimations pour 2013 suggèrent que « entre 2 millions et 4 millions » de Saoudiens de souche vivent avec un revenu « inférieur à 530 dollars par mois » – environ 17 dollars par jour – considéré comme le seuil de pauvreté en Arabie saoudite. En revanche, le magazine Forbes évalue la fortune personnelle du roi Abdallah à 18 milliards de dollars[199].
280
+
281
+ Le pays compte environ 6 millions d'immigrés bénéficiant de peu de droits[21].
282
+
283
+ Les travailleurs étrangers constituent environ 30 % de la population du pays en 2011[200] pour 53,3 % de sa population active courant année 2013[201]. Elle représente 6 003 616 travailleurs employés (53,4 %) en comparaison aux 4 631 117 travailleurs saoudiens employés (46,6 %)[202].
284
+
285
+ En projet : Knowledge Economic City Al MAdinah (en).
286
+
287
+ La recherche scientifique est organisée et coordonnée au niveau national par la KACST (en).
288
+
289
+ Une stratégie nationale pour le développement de la science, de l'innovation et de la technologie dans le royaume a été mise en place en 2006, elle a pour ambition de transformer l'économie saoudienne en une économie fondée sur la connaissance et compétitive au niveau mondial[203].
290
+
291
+ Cette vision est échelonnée en quatre plans quinquennaux :
292
+
293
+ La production scientifique saoudienne, bien qu'historiquement faible, est entrée dans une phase de croissance rapide depuis 2008.
294
+
295
+ Cela est dû non seulement à une stratégie visant à augmenter le niveau de collaboration avec les institutions de recherche les plus renommées au monde via une collaboration internationale universitaire accrue et l'ouverture de plusieurs centres de recherche commun (voir JCEP)[204], mais également à une augmentation des fonds financiers alloués à la R&D dans le pays passant de 0,08 % du PIB en 2008[205] à près 1 % du PIB en 2014 selon les estimations de la revue Nature, pour un des secteurs R&D les plus efficients au monde en termes de rapport Qualité/Coût[206].
296
+
297
+ L'Arabie saoudite est citée dans le rapport Nature Publishing Index 2012 comme l'un des cinq pays à surveiller pour la croissance de leur publication scientifique dans la revue scientifique Nature[207], en 2013 le royaume est également cité dans un rapport de Thomson Reuters sur les performances scientifiques du G20 comme pays gagnant du poids dans le monde de la science[208].
298
+
299
+ La KACST (en) est l'agence nationale scientifique saoudienne, elle dispose de 7 instituts regroupant 28 centres de recherche[209],[210].
300
+
301
+ La KAUST est une université de recherche privée mixte internationale localisée à Thuwal. Elle est inaugurée en 2009 avec une dotation gouvernementale de 20 milliards de $, l'institution est envisionnée comme une nouvelle Maison de la sagesse[211]. Elle figure a la 119e position du top 500 académique mondial dans le classement Nature Index 2020[212],[213] ainsi que parmi les 10 meilleures universités de recherche de moins de 50 ans dans le monde[214],[215]
302
+
303
+ La KAPSARC (en) est une institution de recherche indépendante à but non-lucratif spécialisée dans les politiques énergétiques. En 2020, elle est placée à la 13e position du classement 2019 Top Energy and Resource Policy Think Tanks[216].
304
+
305
+ Selon l'indice de mesure scientifique SCImago, l'Arabie saoudite figure en 2019 à la 29e position par rapport au nombre d'articles publiés et à la 23e position par rapport au nombre de citations d'articles[217], au Moyen-Orient le royaume figure à la 3e position derrière l'Iran et la Turquie (en nombre d'articles publiés et cités)[218].
306
+
307
+ En 2019, l'Arabie saoudite est particulièrement active (en nombres d'articles publiés) dans les domaines du Génie chimique (19e position)[219], de la Chimie (17e position)[220], de l'Odontologie (9e position)[221], de l'Énergie (20e position)[222], de l'Ingénierie (25e position)[223], de la Science des matériaux (21e position)[224], des Mathématiques (21e position)[225], de la Pharmacologie, Toxicologie et Pharmacotechnie (19e position)[226], de la Physique et de la Astronomie (24e position)[227].
308
+
309
+ Dans le classement Nature Index 2020 dédié a la recherche de haute qualité le pays figure à la 29e position[228], la KAUST contribuant à hauteur de 78 % au classement du pays[229].
310
+
311
+ Selon l'ISI, la recherche dans le domaine des nanotechnologies se serait fortement intensifiée passant de 45 articles publiés en 2008 à 3803 articles en 2019[230].
312
+
313
+ Selon l'OMPI 3488 brevets ont été délivrés à des personnes résidents en Arabie saoudite pour l'année 2018, plaçant ce pays à la 25e position mondiale (comparativement à la 71e position en 2008 avec 70 brevets délivrés)[231],[232]. Les deux institutions saoudiennes ayant déposé le plus de brevets en 2019 sont :
314
+
315
+ D’après Statnano, l'Arabie saoudite était en 2019 le 11e pays le plus innovant dans les nanotechnologies[236].
316
+
317
+ D'après le Département central des statistiques et de l'information, la population du pays s'élève à 33 413 660 habitants en 2017 dont environ 38 % d'étrangers. La croissance démographique annuelle est de 2,46 %[253],[254].
318
+
319
+ La population est très jeune car 75 % des Saoudiens sont âgés de moins de 30 ans[255].
320
+
321
+ Les travailleurs immigrés non arabes viennent principalement du Bangladesh, du Pakistan, des Philippines, d'Inde et d'Indonésie[256].
322
+
323
+ Le Département Central des Statistiques et de l'Information d'Arabie saoudite estime la population étrangère à la fin de l'année 2016 à 38 % (12,6 millions)[254]. Le CIA Factbook estime qu'à compter de 2013 les ressortissants étrangers vivant en Arabie saoudite représentent environ 21 % de la population[257]. D'autres sources donnent diverses estimations[258] ; Indiens : 1,3 million ; Pakistanais : 1,5 million[259]; Égyptiens : 900 000 Yéménites : 800 000 ; Bangalais : 500 000, Philippins : 500 000 ; Jordaniens et Palestiniens : 260 000 ; Indonésiens : 250 000 ; Sri Lankais : 350 000, Soudanais : 250 000, Syriens : 100 000 et Turcs : 100 000[260]. Il y a environ 100 000 Occidentaux en Arabie saoudite, dont la plupart vivent dans des composés (en) ou des gated communities.
324
+
325
+ Les musulmans étrangers[261] qui ont résidé dans le royaume pendant dix ans peuvent être naturalisés. La priorité est donnée aux titulaires de diplômes dans divers domaines scientifiques[262], à l'exclusion des Palestiniens à moins qu'ils ne soient mariés à un ressortissant Saoudien, à raison des instructions de la Ligue Arabe défendant aux États Arabes de leur octroyer la nationalité. L'Arabie saoudite n'est pas signataire de la Convention des Nations Unies sur les Réfugiés de 1951[263].
326
+
327
+ Compte tenu de l'accroissement démographique saoudien et, en parallèle, de la stagnation des revenus du pétrole, la pression pour la « saoudisationSaoudisation » (le remplacement de travailleurs étrangers par des Saoudiens) de l'emploi croît, de sorte que le gouvernement saoudien entend réduire le nombre de ressortissants étrangers dans le pays[264]. L'Arabie saoudite a ainsi expulsé 800 000 Yéménites en 1990-1991[265] et a construit une barrière entre l'Arabie saoudite et le Yémen (en) face à l'afflux d'immigrants illégaux et contre la contrebande de drogue et d'armes[266]. En novembre 2013, l'Arabie saoudite a expulsé des milliers de clandestins éthiopiens résidant dans le royaume. Différentes organisations de Droits de l'Homme ont critiqué l'Arabie saoudite quant à l'instrumentalisation de la question[267]. Plus de 500 000 travailleurs migrants sans papiers (en), principalement en provenance de Somalie, d'Éthiopie et du Yémen — ont été arrêtés et expulsés depuis 2013[268].
328
+
329
+ Jusque dans les années 1960, la majorité de la population était nomade[269]. Du fait de la croissance du niveau de vie, 95 % de la population a aujourd'hui un mode de vie sédentaire.[réf. nécessaire]
330
+
331
+ Ces installations ont lieu dans les régions de La Mecque et de Djeddah, en Arabie saoudite[19].
332
+
333
+ En 1992, compte tenu de la situation de nomades très pauvres, vivant dans le désert et qui devaient faire face à des problèmes sévères de famine et de santé, le prince Majid ben Abdelaziz Al Saoud et ses conseillers, Zaki et Fayez Mandoura ont imaginé la création de villages pour répondre aux besoins sociaux de base de cette population.
334
+
335
+ Ce programme avait été conçu au départ pour loger une population très pauvre (plus de 8 000 personnes), dispersée dans des zones désertes au sud de La Mecque et au Nord de Djeddah. Il s'agissait de construire 1 154 maisons, 11 écoles, 25 mosquées, 4 centres de soins médicaux, 3 halls de marché et 2 puits. Le programme devait à terme donner des conditions de vie moins précarisées à plus de 55 000 semi-nomades.
336
+
337
+ Le programme a commencé en 1993. Les constructions étaient faites de roches volcaniques locales, par des maçons et des travailleurs non qualifiés des communes proches sous la supervision de deux ingénieurs et d'un architecte.
338
+
339
+ La première phase permit de construire 560 maisons avec quatre mosquées, quatre lieux de prières, quatre écoles de garçons, trois de filles, un puits et un réservoir d'eau dans une période de trois ans.
340
+
341
+ La seconde phase a commencé en 1996 et fut accompagnée d'une organisation de programme social pour le bien-être de ces personnes et leur permettre d'être auto-suffisantes par l'élevage de volailles, la fabrication de paniers, le tissage, la couture, l'artisanat et les soins de santé et aux enfants. De nombreuses conférences ont été mises en place à ce sujet avec les professeurs de l'université du roi Abdulaziz à Jeddah et à celle de l'université Oumm al-Qura à la Mecque.
342
+
343
+ Au début des années 2000, environ 10 % de la population semi-nomade de la région du Hedjaz a pu bénéficier d'abris de base.
344
+
345
+ Le principe était de fournir des constructions et des équipements de base afin d'avoir des abris très économiques avec un minimum de confort. Il s'agissait aussi de faire un maximum avec un minimum de coûts. Pour cela, l'architecte a décidé d'utiliser les matériaux à disposition et a adapté les techniques de construction à ces matériaux.
346
+
347
+ Centre de santé et de soins
348
+
349
+ École avec son réservoir d'eau
350
+
351
+ Petite mosquée
352
+
353
+ Habitations peintes à la chaux
354
+
355
+ Partie du plan du projet des architectes
356
+
357
+ En 2000, le prince Majid a été remplacé en tant que gouverneur de la Mecque par son plus jeune frère, Majid ben Abdulaziz Al Saoud (décédé en avril 2003) qui a semblé moins intéressé par le projet. D'autres changements sont intervenus dans la structure administrative de la société caritative qui se dénomme depuis le 26 avril 2006 : The Society of Majid Bin Abdulaziz for Development and Social Services. Le conseil d'administration est dirigé par le prince Mashal ben Madjid ben Abdulaziz. Le directeur général est M. Hammam K. Zare.
358
+
359
+ Les constructions de maisons en pierre de ce projet, dans les régions désertiques autour de la Mecque, ont été arrêtées.
360
+
361
+ Les différents programmes de l'actuelle fondation semblent majoritairement tournés vers les filles et jeunes filles pauvres et un programme de développement de villages y apparaît depuis 2009.
362
+
363
+ Voies terrestres :
364
+ total = 152 044 km, se répartissant en :
365
+
366
+ Les routes et les rues sont construites de manière à résister à l'action du soleil, du sable, du vent.
367
+
368
+ Les zones rurales offrent de petites routes, à deux voies.
369
+
370
+ Les autoroutes urbaines sont anciennes et bien entretenues[réf. nécessaire].
371
+
372
+ Les autoroutes inter-urbaines sont en très bon état, en extension[réf. nécessaire].
373
+
374
+ Les voies (auto)routières les plus importantes sont :
375
+
376
+ L'entreprise qui gère le transport ferroviaire en Arabie saoudite est la Saudi Railways Organization (SRO), entreprise publique créée en 1949. Ce domaine employait environ 3 500 personnes en 2008[270].
377
+
378
+ Le réseau compte environ 1 800 km de voies ferrées. Les deux principales lignes ferroviaires du réseau relient Dammam et Riyad, l'une affectée au fret est longue de 556 km, l'autre au transport de voyageurs est plus courte avec 449 km[270].
379
+
380
+ Depuis le 11 octobre 2018, la LGV Haramain, ligne de train à grande vitesse, relie La Mecque à Médine via Djeddah et est la première ligne électrifiée du pays[271].
381
+
382
+ Une ligne de 945 km, la Saudi Landbridge qui doit relier Riyad à Djeddah, à ces deux premiers tronçons et connecter ainsi la mer Rouge au golfe Persique est actuellement[Quand ?] en projet.
383
+
384
+ L'Arabie saoudite prend également une part importante dans le projet de la Gulf Railway, une ligne ferroviaire longeant les côtes occidentales du golfe Persique, et impliquant les cinq autres états du Conseil de coopération du Golfe. Cette ligne, qui doit être mise en service en 2017, doit relier entre elles toutes les capitales et autres villes importantes de la région, allant de Koweït (depuis la frontière irako-koweïtienne) à Mascate. La finalisation de la ligne ferroviaire Gulf Railway a été reporté en 2020-2021, sa longueur totale sera de 2 117 km dont 663 km dans le territoire Saoudien[272].
385
+
386
+ L'Arabie saoudite dispose de 36 infrastructures aéroportuaires dont quatre aéroports internationaux situés respectivement à Riyad (aéroport international du roi Khaled), Dammam (aéroport international du roi Fahd), Djeddah (aéroport international Roi-Abdelaziz) et Médine (aéroport international Prince Mohammad Bin Abdulaziz). Les deux premiers cités étant classés parmi les plus grands aéroports du monde.
387
+
388
+ La langue officielle est l'arabe, mais il diffère sensiblement de celui parlé en Syrie ou en Irak, bien que certains dialectes régionaux du pays partagent la moitié de leurs lexiques avec quelques parlers bédouins d'Afrique du Nord ou du Moyen-Orient. L'anglais est très courant. C'est la langue de l'élite et des affaires. Au moins 15 % des Saoudiens parleraient l'anglais en seconde langue, surtout les plus jeunes. Le farsi, ou persan, est parlé surtout en seconde langue dans la région du nord-est, la région de Dhahran, et vers la frontière avec le Bahreïn, où vit une forte communauté chiite.
389
+
390
+ L'islam sunnite hanbalite (connu pour son rigorisme) est déclaré religion d'État par les autorités saoudiennes qui démentent l'existence du wahhabisme (excommunié du sunnisme dès le milieu du XVIIIe siècle[273],[274],[275]) dans le royaume[276],[277],[278]. Les statistiques officielles font état de 100 % de sunnites parmi les musulmans.
391
+
392
+ Selon le Pew Research Center, en 2010, 93 % des habitants d'Arabie saoudite sont musulmans, alors que 4,4 % sont chrétiens, principalement catholiques (3,8 %), 1,1 % sont hindous, et 1,5 % de la population n'est pas affilié à une religion[279].
393
+
394
+ Mais, dans les faits, le sunnisme ne serait pratiqué que par 85 à 90 % des Saoudiens, le reste professant le chiisme (principalement duodécimain)[280],[281],[282], dont la pratique est tolérée dans la province orientale d'ach-Charqiya, et notamment dans la ville de Qatif. Perçus par le régime comme une cinquième colonne proche de l'ennemi iranien, la plupart des chiites sont, de plus, concentrés dans la région d'Al-Hassa qui recèle l'essentiel des ressources pétrolières du royaume. Une grande partie de ces Saoudiens chiites sont d'origine irakienne[283]. Par ailleurs, une des estimations les plus détaillées de la population religieuse dans le Golfe Persique est celle de Mehrdad Izady qui estime, « en utilisant des critères culturels et non confessionnels », à environ 4 millions le nombre de wahhabites qui se concentrent en particulier dans la région centrale du Nejd[284].
395
+
396
+ L'Arabie saoudite abrite les deux plus importants lieux saints de l'islam :
397
+
398
+ L'accès à ces deux villes reste rigoureusement interdit aux non-musulmans.
399
+
400
+ Il est à noter que l'ensemble du pays est sacralisé par les musulmans, qui se mettent en état d'irham. En effet, pour accomplir la dernière volonté de Mahomet qui aurait dit sur son lit de mort : « deux religions ne peuvent pas coexister en Arabie », le deuxième calife de l'islam, Omar ibn al-Khattab, a expulsé en son temps les juifs et les chrétiens de la péninsule arabique pour n'y laisser que les musulmans, considérés comme les seuls vrais adeptes de la religion d'Abraham[285]. À la suite de la première guerre du Golfe (invasion du Koweït en 1990), Oussama ben Laden entre dans une vive polémique avec le roi Fahd à qui il reproche d'avoir autorisé les « infidèles » à « souiller le sol sacré » de l'Arabie saoudite en permettant à l'armée américaine d'y installer des bases[286].
401
+
402
+ Dans ce contexte, tout autre culte religieux non-musulman est formellement interdit[280],[282] et la constitution du royaume ne connaît pas d'autre religion que l'islam[280]. Une police religieuse, la Muttawa, qui dépend du Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, veille à la stricte application des préceptes wahhabites dans l'espace public. Toutefois, dans les faits, d'autres religions sont pratiquées dans un cadre privé. En effet, pour des raisons économiques, le pays fait appel à une importante immigration de travail ; principalement des travailleurs immigrés philippins de confession chrétienne (plus d'un million) et indiens de confession hindoue[287],[280]. Au total, 30 % de la population serait non musulmane[282]. Avant 1932 et la création de l'Arabie saoudite, il y avait des chrétiens locaux, au nord et au nord-est de l'actuelle Arabie saoudite : il s'agissait surtout de Chaldéens et de Nestoriens. Après 1932, les informations les concernant se firent rares, mais il semble avéré que certains partirent s'installer en Jordanie, Syrie, et Irak. D'autre part, de nombreux monastères et édifices religieux chrétiens furent alors rasés[réf. nécessaire].
403
+
404
+ Le 13 février 2009, Abdallah, le successeur du roi Fahd, a annoncé des réformes d'ampleur tendant à dégager à terme le royaume de son idéologie d’État officielle, le wahhabisme, tout en gardant néanmoins cette même dénomination intacte sur le plan officiel. La Commission des Grands Oulémas, corps de savants religieux faisant autorité dans le pays, aura dorénavant 21 membres issus de courants divers du sunnisme (c'est-à-dire les écoles hanafite, malikite et shaféite), et non plus de la seule école hanbalite, connue pour son rigorisme. De même, le Conseil de la Shoura, sorte de corps législatif dénué cependant d’une pleine consécration de ses prérogatives judiciaires, inclura 5 chiites dans ce corps[288].
405
+
406
+ En 2013, le roi Abdallah a retiré aux officiers et agents de la police religieuse (accusée de commettre des abus) le pouvoir de procéder à des interrogatoires et d'engager des poursuites judiciaires. En 2016, son successeur, le roi Salmane, leur a retiré également le pouvoir d'arrêter ou détenir des personnes, de demander leurs cartes d'identité, et même de les suivre[289].
407
+
408
+ L'éducation est gratuite à tous les niveaux. Le système scolaire est composé d'écoles élémentaires, intermédiaires et secondaires. Une grande partie du programme, à tous les niveaux, est consacrée à l'islam et, au niveau secondaire, les étudiants peuvent suivre une filière religieuse ou technique. Le taux d’alphabétisation est de 90,4 % chez les hommes et d’environ 81,3 % chez les femmes[290]. Les classes sont séparées par sexe.
409
+
410
+ En 2018, l'Arabie saoudite se classait au 28e rang mondial en termes de résultats de recherche, selon la revue scientifique Nature[291].
411
+
412
+ L'École française internationale de Riyad enseigne de la maternelle au lycée.
413
+
414
+ Dans la culture arabe, les hommes ou les femmes ne portent pas un patronyme mais un nom qui mentionne le nom des parents, des ancêtres, ou l'appartenance à une confédération.
415
+
416
+ no 1 : ceci est le prénom.
417
+
418
+ no 2 : en arabe, le préfixe ben ou bin signifie l'appartenance à une famille, exemple "Ben Saoud" qui est de la lignée des Saoud. Quant à ibn, il signifie "fils de" suivi du nom du père, exemple "Ibn Abdelaziz" ce qui signifie fils d'Abdelaziz. L'affiliation à la mère est également utilisée, à une fréquence moindre.
419
+
420
+ no 3 : ceci désigne la dynastie ou le nom d'une confédération à laquelle appartient l'individu.
421
+
422
+ Avec les femmes, le principe reste le même, sauf que la forme du préfixe diffère ; ainsi -
423
+
424
+ no 1 : en arabe, le préfixe bent ou bint est l'équivalent du préfixe ben utilisé chez les hommes, et possède la même signification.
425
+
426
+ Ce mode d'appellation n'est pas propre à l'Arabie saoudite ou au Moyen-Orient ; il existe aussi en Afrique du Nord, bien qu'il soit de plus en plus abandonné en raison des changements patronymiques opérés par les Français lors de la colonisation.
427
+
428
+ Le code vestimentaire en Arabie saoudite suit strictement les principes du hidjab (le principe islamique de la pudeur, en particulier dans la tenue vestimentaire). Les vêtements, larges, amples, vagues, couvrant au maximum, sont également adaptés au climat.
429
+
430
+ Traditionnellement, les hommes portent une chemise longue, couvrant jusqu’aux chevilles, en tissu de laine ou de coton (connu sous le nom dishdasha), avec une sorte de chèche (carré en coton à damiers maintenu en place par un agal) sur la tête. Pour les rares périodes de froid, les hommes portent en plus un manteau en poil de chameau (bisht).
431
+
432
+ Les femmes portent obligatoirement une abaya, ou des vêtements discrets, ou effacés, en public. Le non-respect de ces obligations vestimentaires peut être poursuivi par la police. En décembre 2016 encore, une femme est arrêtée pour avoir posté sur twitter des photos la montrant en jupe et les cheveux non couverts défiant de ce fait le code vestimentaire saoudien[292].
433
+
434
+ L'habit traditionnel des femmes est décoré de motifs tribaux, de pièces de monnaie, de paillettes, de fil métallique, et d’appliques.
435
+
436
+ Les vêtements de travail diffèrent. Ils peuvent être internationaux, surtout sur les chantiers, ou adaptés, surtout dans les hôpitaux.
437
+
438
+ Le pèlerinage à La Mecque exige une attitude et un vêtement spécifique, l'ihram.
439
+
440
+ Quatre sites culturels d'Arabie saoudite sont inscrits patrimoine mondial de l'UNESCO : le site archéologique d'Al-Hijr, le quartier d'at-Touraïf dans la ville de Dariya, la ville historique de Djeddah (la porte de La Mecque) et l'art rupestre de la région de Haïl[293]. Dix autres demandes d'inscription ont été déposées en 2015. Néanmoins, l'Arabie saoudite qui pratique une politique wahhabiste rigoriste, qui condamne et combat l’idolâtrie aurait, entre 1985 et 2014, détruit 98 % de son patrimoine historique[294].
441
+
442
+ En juin 2014, le Conseil des ministres approuve une loi historique pour protéger ses antiquités et son patrimoine, ainsi que pour donner aux institutions saoudiennes du Tourisme et des Antiquités (SCTA) les moyens de les gérer[295]. Dans le cadre du Plan National de transformation Vision 2030 adopté en 2016, le royaume alloue 900 millions d'euros à la préservation de son patrimoine culturel[296]. L'Arabie saoudite fait également partie de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), créée en mars 2017, et y contribue à hauteur de 18,5 millions d'euros[297].
443
+
444
+ En juillet 2017, le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud met en place des commissions de rénovation pour développer deux sites archéologiques et historiques majeurs, Al-'Ula et Diriyah Gate[298].
445
+
446
+ L'Arabie saoudite a pour codes :
447
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
449
+
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+ Asie centrale
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+ Kazakhstan1 · Kirghizistan · Ouzbékistan · Tadjikistan · Turkménistan
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+
462
+ Asie du Sud-Est
463
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+ Asie du Sud
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+ Afghanistan · Bangladesh · Bhoutan · Inde · Maldives · Népal · Pakistan · Sri Lanka · Territoire britannique de l'océan Indien2 (Royaume-Uni)
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+ Russie1 (Sibérie, Extrême-Orient russe)
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1
+ Loup gris, Loup commun, Loup vulgaire
2
+
3
+ Espèce
4
+
5
+ Répartition géographique
6
+
7
+ Statut de conservation UICN
8
+
9
+ LC  : Préoccupation mineure
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+ Statut CITES
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+ Statut CITES
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+ Le Loup Écouter (Canis lupus), aussi appelé Loup commun ou Loup gris, est l'espèce de canidés la plus répandue. L'appellation la plus courante est « loup » tout court, bien que ce nom désigne également d'autres canidés[note 1].
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+ L'espèce a évolué au cours de l'Histoire pour se différencier en plusieurs sous-espèces comme le Loup gris commun d'Europe[1] (Canis lupus lupus), le Loup arctique[1] (Canis lupus arctos), etc. Canis lupus est également le premier animal à avoir été domestiqué par l'homme, conduisant à l'apparition du Chien (Canis lupus familiaris) il y a au moins 33 000 ans[2], les hordes sauvages continuant de leur côté leur évolution pour devenir les loups gris actuels. Du Chien descendent à leur tour les sous-espèces retournées à la vie sauvage que sont le Dingo (Canis lupus dingo) et le Chien chanteur (Canis lupus hallstromi).
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+
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+ Sous ses formes sauvages, le loup gris a été peu à peu exterminé par l'Homme dans plusieurs zones de son aire de répartition originelle, en particulier au XIXe siècle. Au XXIe siècle il reste présent principalement dans des zones « de grands espaces » restés sauvages, telles que la taïga de Sibérie et du Canada ou les steppes et les massifs montagneux d'Eurasie centrale. Il est désormais protégé dans de nombreux pays occidentaux, où l'on tente de préserver les populations restantes. Quelques programmes de sauvegarde ont permis aux loups gris de revenir dans des zones où ils avaient disparu, en particulier en Amérique du Nord.
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+
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+ À l'inverse, sa sous-espèce Canis lupus familiaris s'est mondialement répandue. De commensale de l'homme, elle est progressivement devenue le chien domestiqué, lui-même diversifié en de multiples races adaptées aux besoins de ceux qui les ont créées.
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+ Les loups sauvages ont toujours fasciné les humains au cours de l'histoire, alimentant tous les domaines de la culture : la mythologie, la littérature, les arts mais aussi les peurs et les fantasmes collectifs.
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+ Le loup gris est l'un des animaux les plus connus et les plus étudiés au monde, avec probablement plus de livres écrits à son sujet que toute autre espèce sauvage[3]. Il a une longue histoire d'association avec les humains, ayant été méprisé et chassé dans la plupart des communautés pastorales à cause de ses attaques contre le bétail, tout en étant respecté dans certaines sociétés agraires et de chasseurs-cueilleurs[4]. Bien que la peur du loup soit omniprésente dans de nombreuses sociétés humaines, la majorité des attaques enregistrées contre des personnes ont été attribuées à des animaux souffrant de la rage. Les loups sans cette maladie ont rarement attaqué et tué des gens dans l'histoire récente[5], principalement des enfants, car les individus sont relativement peu nombreux, vivent loin des habitants et ont développé une peur des humains de la part des chasseurs et des bergers[6].
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+
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+ Le terme loup [lu] provient d'une ancienne forme lou [lu], de l'ancien français leu [lew], et du latin lupus [ˈlu.pus] qui est lui-même issu comme le grec lykos de l'indo-européen wĺ̥kʷos, probablement par déformation volontaire liée à un tabou des chasseurs[7]. Le p final est un ajout savant récent, calqué sur l'étymon latin. Normalement, le mot devrait s'écrire louf, avec un f final qui se transforme en v s'il est suivi d'une voyelle (tel que d'autres couples de mots comme bœuf/bovin) ; cela explique le fait que la femelle du loup est la louve, son petit le louveteau.
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+
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+ Le loup s'est appelé leu jusqu'au XIVe siècle. On retrouve cette forme de l'ancien français dans des toponymes comme Saint-Leu, dans des hagionymes comme Saint Leu, et dans l'expression à la queue leu-leu, qui désigne à l'origine le mode de déplacement d'une meute de loups en chasse[8].
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+
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+ Le terme anglais wolf provient du vieil anglais wulf, qui est lui-même considéré comme étant dérivé du proto-germanique *wulfaz. Le lupus latin est un mot emprunté au sabin[4]. Les deux dérivent de la racine proto-indo-européenne *wlqwos/*lukwos[9].
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+
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+ L'espèce a plusieurs noms vernaculaires : loup gris[10],[1], loup commun[1], loup vulgaire[1] ou encore loup[1]. On peut aussi ajouter les chiens, le chien chanteur et le dingo en tant que sous-espèces.
34
+
35
+ L'espèce est connue pour avoir une variabilité intra-spécifique notable selon les régions et les sous-espèces ; qu'il s'agisse de la taille, du poids, de la robe ou même de l'aspect du museau. Les sous-espèces sauvages sont régulièrement comparées à certaines races de chiens domestiques de morphologie lupoïde comme le berger allemand ou le husky (eux-mêmes appartenant à la sous-espèce Canis lupus familiaris). Le morphotype le plus rencontré possède des oreilles pointues dressées au-dessus d'une tête large avec un museau allongé terminé par une truffe, une gueule puissante, une poitrine étroite et profonde, des pattes longues en extension avec de larges pieds ainsi qu'une queue droite et touffue[18].
36
+
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+ Le génome de l'espèce est composé de 78 chromosomes[19]. Le premier génome de novo de référence (en) d'une sous-espèce naturelle du loup (Canis lupus lupus) a été révélé en 2017 et compte un total de 2,34 milliards de bases d'ADN assemblé[20].
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+
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+ Le mâle présente généralement des dimensions plus imposantes que la femelle. La longueur totale du museau jusqu'à l'extrémité de la queue est en moyenne de 1,65 m pour le mâle et 1,59 m pour la femelle. La hauteur au garrot varie de 66 à 81 cm. Les loups gris adultes pèsent en moyenne de 16 à 50 kg pour les femelles et de 20 à 70 kg pour les mâles, en fonction de la sous-espèce[21]. La sous-espèce la plus petite est Canis lupus arabs où les mâles pèsent en moyenne 18 kg et une femelle détient le record de légèreté avec un poids de 12 kg. À l'opposé, un individu mâle de 96 kg a été abattu dans les Carpates en 1942, ce type de mensuration reste cependant exceptionnel[22]. On distingue empiriquement deux sous-populations du grand loup gris : celui des plaines d'Eurasie et le loup italien ou espagnol, de taille plus réduite.
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+
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+ Le loup gris est le plus grand membre existant des Canidés, sauf pour certaines grandes races de chien domestique[23]. Leur poids et leur taille peuvent varier considérablement dans le monde entier, ayant tendance à augmenter proportionnellement avec la latitude comme le prédisait Règle de Bergmann[24], avec des grands loups de l'Alaska et du Canada qui pèsent parfois de 3 à 6 fois plus que leurs cousins du Moyen-Orient et d'Asie du Sud[25].
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+
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+ Les loups adultes mesurent en moyenne de 105 à 160 cm de longueur et 80 à 85 cm de hauteur au garrot. La queue mesure 29 à 50 cm de long. Les oreilles ont une hauteur de 90 à 110 mm et les pattes postérieures de 220 à 250 mm. La masse corporelle moyenne du loup gris actuel est de 40 kg, le plus petit spécimen étant été pesé à 12 kg et le plus grand à 80 kg[26],[27],[28],[29],[30]. Le poids du loup gris varie selon la région du monde ; en moyenne, les loups européens peuvent peser 38,5 kg, les loups nord-américains 36 kg, et les loups indiens et arabes 25 kg[31]. Dans une population donnée de loups, les femelles pèsent en général de 2,3 à 4,5 kg de moins que les mâles[32]. Les loups pesant plus de 54 kg sont rares, bien que des individus exceptionnellement grands aient été signalés en Alaska, au Canada[32] et dans les forêts de l'Ouest de la Russie[24]. Le loup gris le plus lourd en Amérique du Nord a été tué sur la rivière 70 Mile, dans le centre-est de l'Alaska, le 12 juillet 1939 et pesait 79,4 kg[33].
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+
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+ Comparé à ses cousins sauvages les plus proches (le coyote et le chacal doré), le loup gris est plus gros et plus lourd, avec un museau plus large, des oreilles plus courtes, un torse plus court et une queue plus longue[24],[34],[23]. C'est un animal élancé et puissant avec une grande cage thoracique descendant profondément, un dos incliné et un cou très musclé[24]. Les pattes du loup sont un peu plus longues que celles des autres canidés, ce qui permet à l'animal de se déplacer rapidement et de surmonter la neige profonde qui recouvre la majeure partie de son aire de répartition géographique[35]. Les oreilles sont relativement petites et triangulaires[24]. Les femelles ont tendance à avoir des museaux et des fronts plus étroits, des cous plus fins, des jambes légèrement plus courtes et des épaules moins massives que les mâles[36].
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+ Le loup gris a une fourrure hivernale très dense et duveteuse, avec un sous-poil court et un poil de garde long et grossier[24]. La plupart des sous-poils et une partie des poils de garde sont perdus au printemps et repoussent à l'automne[31]. Les poils les plus longs se trouvent sur le dos, en particulier sur les quartiers avant et le cou. Les poils sont particulièrement longs sur les épaules et forment presque une crête sur la partie supérieure du cou. Les poils sur les joues sont allongés et forment des touffes. Les oreilles sont couvertes de poils courts qui dépassent fortement de la fourrure. Des poils courts, élastiques et étroitement adjacents sont présents sur les membres depuis les coudes jusqu'aux tendons d'Achille[24].
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+
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+ La fourrure d'hiver est très résistante au froid ; les loups des climats nordiques peuvent se reposer confortablement dans des espaces ouverts à −40 °C en plaçant leur museau entre les pattes arrière et se recouvrant le visage de leur queue. La fourrure de loup offre une meilleure isolation que la fourrure de chien et ne récupère pas la glace lorsque l'haleine chaude se condense contre elle[31]. Dans les climats chauds, la robe est plus grossière et plus rare que chez les loups du Nord[24]. Les louves ont tendance à avoir des membres au poil plus lisse que les mâles, et développent en général une fourrure le plus lisse au fur et à mesure qu'elles vieillissent. Les loups plus âgés ont souvent plus de poils blancs à l'extrémité de la queue, le long du nez et sur le front[36]. À la fin du printemps, la mue laisse apparaître la fourrure d'été qui s'épaissira tout au long de l'année pour devenir le manteau d'hiver[18]. La fourrure d'hiver est retenue le plus longtemps chez les femelles en lactation, bien qu'il y ait un peu de perte de poils autour des mamelons[36]. La longueur des poils au milieu du dos est de 60 à 70 mm. La longueur des poils de garde sur les épaules ne dépasse généralement pas 90 mm, mais elle peut aussi atteindre 110 à 130 mm[24].
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+ La couleur du pelage varie du blanc presque pur à diverses nuances de blond, de crème et d'ocre jusqu'aux variétés de gris, de bruns et de noirs. Ces variations de couleur de fourrure tendent à augmenter dans les latitudes plus élevées[37]. Les différences de couleur de robe entre les sexes sont largement absentes, bien que les femelles puissent avoir des tons plus rouges[38]. En Amérique du Nord, les loups de couleur noire ont hérité de l'allèle responsable du mélanisme Kb qui est issu de croisements passés avec des chiens[39] alors que la mutation s'est avérée être naturellement présente chez les loups d'Iran[40]. Les spécimens noirs sont plus fréquents en Amérique du Nord qu'en Eurasie, la moitié environ des loups du parc national de Yellowstone étant noirs[39].
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+ Variabilité de coloration au sein d'une même meute.
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+ Forme la plus commune du Loup gris.
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+ Forme noire de la sous-espèce Canis lupus occidentalis
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+ Forme blanche.
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+ La tête du loup gris est large et lourde, avec un front large, des mâchoires fortes et un long museau arrondi[24]. Le crâne mesure en moyenne de 230 à 280 mm de long et de 130 à 150 mm de large[41]. Les dents sont lourdes et grandes, mieux adaptées au broyage des os que celles des autres canidés existants, mais pas aussi spécialisées que celles des hyènes[42],[43]. Ses molaires ont une surface de mastication plate, mais pas autant que le coyote, dont le régime alimentaire contient plus de matières végétales[44].
62
+
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+ La denture adulte est de 42 dents. Les jeunes ont 32 dents de lait, la denture définitive apparaissant à 7 mois[45]. Les crocs des loups peuvent mesurer jusqu'à 6 à 7 cm dont 2 cm enchâssés dans la gencive[réf. nécessaire].
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+
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+ Le loup gris est connu pour sa morsure puissante, sa nage plutôt aisée (dont celle du chien), et son endurance en course.
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+ La morsure du Loup gris peut atteindre une pression de 150 kg/cm2[45] contre 60 à 65 kg/cm2 chez un Labrador. Le Bite Force Quotient (BFQ)[note 2] du loup gris est de 136, l'un des plus élevés parmi les carnivores actuels[46].
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+ Les mâchoires du loup gris peuvent exercer une pression d'écrasement d'environ 10 340 kPa contre 5 200 kPa pour un berger allemand. Cette force est suffisante pour briser la plupart des os[47]. Une étude sur un grand échantillon de prédateurs vivants et de mammifères fossiles, ajustée en fonction de la masse corporelle, a révélé chez les mammifères placentaires que la force de morsure aux canines (en Newton/kilogramme de poids corporel) était la plus forte chez le loup redoutable (163), suivie parmi les canidés existants par les quatre hypercarnivores qui s'attaquent souvent à des animaux plus gros qu'eux : le lycaon (142), le loup gris (136), le dhole (112) et le dingo (108). Une tendance similaire a été observée avec la force d'occlusion des carnassières, mais avec le loup redoutable et le loup gris mesurant tous les deux (141), suivis du lycaon (136), du dhole (114) et du dingo (113)[48].
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71
+ Le loup gris est un excellent coureur parmi les prédateurs terrestres. Sa vitesse de pointe est d'environ 40 à 50 km/h et il peut parcourir 60 km en moyenne en une nuit[45]. C'est le carnivore terrestre le plus endurant à la course avec son cousin africain le lycaon[réf. nécessaire].
72
+
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+ Le loup gris porte habituellement sa tête au même niveau que le dos, la soulevant seulement lorsqu'il est en alerte[24]. Il voyage habituellement à un rythme lopin (course bondissante), plaçant ses pattes les unes devant les autres. Cette démarche peut être maintenue pendant des heures à une vitesse de 8 à 9 km/h[49] et permet au loup de parcourir de grandes distances. Sur les chemins dénudés, un loup peut atteindre rapidement des vitesses de 50 à 60 km/h. Le loup gris a une allure de course de 55 à 70 km/h, peut sauter de 5 m de longueur en une seule fois et peut poursuivre rapidement pendant au moins 20 minutes[50].
74
+
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+ Les battements cardiaques ont une fréquence de 90 pulsations par minute, jusqu'à 200 lors d'efforts importants[45]. La fréquence respiratoire est de quinze à vingt inspirations par minute ; elle peut s'accroître jusqu'à 100 inspirations par minute lors du halètement[45].
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+
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+ L'odorat est puissant et permet de détecter un animal à 270 m contre le vent. L'angle de vision atteint 250° contre 180° chez l'homme[45]. La nuit, les yeux du loup paraissent phosphorescents car ils sont tapissés d'une couche de cellules, le tapetum lucidum, qui lui permettent de voir aussi bien que le jour[réf. nécessaire].
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+
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+ L'audition du loup lui permet d'entendre des sons jusqu'à 40 kHz (20 kHz chez l'homme)[45], il perçoit notamment d'autres loups hurler jusqu'à une distance de 6,4 à 9,6 km[45].
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+
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+ Le loup gris est un animal social, dont l'unité sociale de base est constituée d'un couple reproducteur accompagné de sa progéniture adulte[note 3]. La meute moyenne se compose d'une famille de 5 à 11 animaux (1 à 2 adultes, 3 à 6 juvéniles et 1 à 3 « yearlings »)[24], voire parfois deux ou trois familles de ce genre[44], avec des meutes exceptionnellement grandes comprenant jusqu'à 42 loups connus[52]. Dans des conditions idéales, le couple reproducteur élève des louveteaux chaque année, et cette progéniture reste généralement dans la meute pendant 10 à 54 mois avant de se disperser[53]. Les facteurs déclencheurs de la dispersion sont notamment le début de la maturité sexuelle et la concurrence au sein de la meute pour la nourriture[54]. La distance parcourue par les loups qui se dispersent varie considérablement ; certains restent à proximité du groupe parental, tandis que de grandes distances de parcours ont été mesurées pour d'autres, comme 206 km, 390 km, ou encore 670 km depuis leurs meutes natales[50]. Une nouvelle meute est habituellement fondée par un mâle et une femelle non apparentés qui se dispersent et voyagent ensemble à la recherche d'une région sans autre meute hostile[55]. Les meutes de loups adoptent rarement d'autres semblables parmi les leurs et les tuent le plus souvent. Dans les rares cas où d'autres loups sont adoptés, l'adopté est presque toujours un animal immature (1 à 3 ans) peu susceptible de rivaliser avec le couple reproducteur pour les droits de reproduction. Dans certains cas, un loup solitaire est adopté dans une meute pour remplacer un reproducteur mort[52]. Pendant les périodes d'abondance d'ongulés (migration, vêlage, etc.), différentes meutes de loups peuvent s'unir temporairement[24].
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+
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+ Les loups sont des animaux très territoriaux qui établissent souvent des territoires beaucoup plus grands qu'ils n'en ont besoin pour survivre afin de s'assurer un approvisionnement régulier de proies. La taille du territoire dépend en grande partie de la quantité de proies disponibles et de l'âge des louveteaux de la meute, et il a tendance à augmenter en taille dans les zones où la population de proies est faible[56] ou lorsque les louveteaux atteignent l'âge de 6 mois, et ont donc les mêmes besoins nutritionnels que les adultes[57]. Les meutes de loups se déplacent constamment à la recherche de proies et couvrent environ 9 % de leur territoire par jour (25 km/j en moyenne). Le cœur de leur territoire, là où ils passent la moitié de leur temps, est en moyenne de 35 km2[56]. La densité des proies a tendance à être beaucoup plus élevée dans les environs du territoire, bien que les loups tendent à éviter de chasser en marge de leur aire de répartition à moins d'être désespérés, à cause de la possibilité de rencontres fatales avec les meutes voisines[58]. Le plus petit territoire enregistré était détenu par une meute de six loups dans le nord-est du Minnesota, qui occupait une superficie estimée à 33 km2, tandis que le plus grand territoire était détenu par une meute de dix loups de l'Alaska couvrant une superficie de 6 272 km2[57]. Les meutes de loups sont habituellement bien établies et ne quittent en général leur aire de répartition habituelle que lors de graves pénuries alimentaires[24].
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+
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+ Les loups défendent leur territoire contre d'autres meutes par une combinaison de marques odorantes, d'attaques directes et de hurlements (voir Communication). Le marquage olfactif est utilisé pour la signalisation territoriale et fait appel à la miction, à la défécation et au grattage du sol[59],[60],[61],[62],[63]. Les marques odorantes sont généralement laissées tous les 240 m sur l'ensemble du territoire sur des passages et des carrefours réguliers. Ces marqueurs peuvent durer de 2 à 3 semaines[57] et sont habituellement placés près de rochers, de blocs, d'arbres ou de squelettes de gros animaux[24]. Les luttes territoriales sont une des principales causes de mortalité des loups, une étude concluant que 14 à 65 % des décès de loups au Minnesota et au parc national et réserve de Denali étaient dus à la prédation d'autres loups[64].
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+ Le loup gris est le plus souvent monogame[65], avec des couples appariés qui restent généralement ensemble pour la vie. À la mort d'un des partenaires, le ou la restante reforme rapidement un couple. Comme les mâles sont souvent plus nombreux dans n'importe quelle population de loups, les femelles non appariées sont rares[24]. Si un loup gris mâle dispersant est incapable d'établir un territoire ou de trouver une partenaire, il s'accouple avec les filles de couples reproducteurs déjà établis des autres meutes. Ces loups gris sont surnommés « loups Casanova » et, contrairement aux mâles des meutes établies, ils ne forment pas de lien de couple (en) avec les femelles avec lesquelles ils copulent. Certaines meutes de loups gris peuvent ainsi avoir plusieurs femelles reproductrices, comme c'est le cas dans le parc national de Yellowstone (en)[66]. Les loups gris pratiquent également la garde alloparentale (en), où un couple de loups peut adopter le ou les louveteaux d'un autre. Cela peut se produire si les parents d'origine décèdent ou sont séparés d'eux pour toute raison[67]. En plus du comportement hétérosexuel, le comportement homosexuel a été observé chez des loups gris[68]. Les loups gris mâles se montent souvent l'un l'autre lorsque la femelle la mieux classée de la meute devient en chaleurs[69].
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+ L'âge de la première reproduction chez le loup gris dépend en grande partie de facteurs environnementaux : quand la nourriture est abondante ou quand les effectifs de l'espèce sont fortement encadrés, les loups peuvent devenir mature et élever des petits à un plus jeune âge afin de mieux exploiter les ressources abondantes. Ceci est démontré par le fait que les loups en captivité se reproduisent dès l'âge de 9 à 10 mois, alors que les plus jeunes loups nicheurs enregistrés dans la nature étaient âgés de 2 ans (22 mois). Les louves sont capables de produire des petits chaque année, une portée par an étant la moyenne. Contrairement au coyote, le loup gris n'atteint jamais la sénescence reproductrice[70],[71]. Les jeunes louves ont des premières portées plus petites, de 1 à 3 petits, avant de voir leur fertilité augmenter[71].
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+ L'œstrus se produit en général à la fin de l'hiver[24], de janvier à mars[71], les femelles multipares plus âgées entrant dans l'œstrus 2 à 3 semaines plus tôt que les femelles plus jeunes[24]. Pendant la gestation, les louves restent dans une tanière située loin de la zone périphérique de leur territoire, cette dernière étant là où les rencontres violentes avec d'autres meutes sont plus probables[72]. Les femelles âgées mettent habituellement bas dans la tanière de leur portée précédente, tandis que les plus jeunes s'installent souvent près de leur lieu de naissance. La période de gestation (en) dure 62 à 75 jours, les petits naissant en général pendant la période estivale[24].
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+ Les loups portent des petits relativement gros dans de petites portées par rapport à d'autres espèces de canidés[73]. Une portée moyenne est composée de 5 à 6 petits[74], sa taille ayant tendance à augmenter dans les zones où les proies sont abondantes[74], même si des portées exceptionnellement grandes de 14 à 17 petits ne se produisent que 1 % du temps. Les louveteaux naissent le plus souvent au printemps, ce qui correspond à une augmentation des populations de proies[72]. Les petits naissent aveugles et sourds, et sont recouverts d'une fourrure courte et douce de couleur gris-brun. Ils pèsent 300 à 500 g à la naissance et commencent à voir après 9 à 12 jours. Les canines de lait poussent au bout d'un mois. Les louveteaux quittent la tanière après 3 semaines. À 1,5 mois, ils sont assez agiles pour fuir le danger. Les mères ne quittent pas la tanière pendant les premières semaines, comptant sur les pères pour leur fournir de la nourriture à elles et à leurs petits[24],[73]. Leur mère allaite les louveteaux grâce à cinq paires de mamelles[75] jusqu'à ce qu'ils commencent à manger des aliments solides vers 3 à 4 semaines. Les louveteaux ont un taux de croissance rapide pendant les quatre premiers mois de leur vie : pendant cette période, le poids d'un louveteau peut augmenter de près de 30 fois[24],[73]. Les petits commencent à jouer au combat à l'âge de 3 semaines, mais contrairement aux jeunes renards et coyotes, leurs morsures sont inhibées. Les combats réels pour établir une hiérarchie se déroulent habituellement vers l'âge de 5 à 8 semaines. Cela est différent des jeunes renards et coyotes, qui peuvent commencer à se battre avant même le début de leur comportement de jeu[76]. À l'automne, les louveteaux sont assez mûrs pour accompagner les adultes à la chasse aux grandes proies[72].
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+ À l'état sauvage, la durée de vie typique du Loup gris se situe entre cinq et six ans, mais est allée jusqu'à 13,7 ans pour une louve[77],[78]. Les causes habituelles de la mort sont la vieillesse ou des blessures causées soit pendant la chasse, soit par d'autres loups[77]. Il peut vivre jusqu'à 15 ans en captivité, et un individu mâle a réussi à atteindre l'âge de 20,6 ans[78].
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+ Bien qu'animaux sociaux, les loups célibataires ou les couples établis ont plutôt des taux de réussite plus élevés dans la chasse que les grandes meutes ; les loups célibataires ont parfois été observés en train de tuer sans aide de grandes proies comme l'orignal, le bison et le bœuf musqué[79]. L'odorat du loup gris est relativement peu développé par rapport à celui de certaines races de chiens de chasse, ce qui le rend incapable de rep��rer l'odeur de charogne contre le vent à plus de 2 ou 3 kilomètres. Par conséquent, il réussit assez rarement à attraper des oiseaux et des lièvres cachés, mais il peut aisément suivre la piste fraîche d'une proie. Son sens de l'ouïe assez aigu le rend capable d'entendre jusqu'à une fréquence de 26 kHz[80] ce qui est suffisant pour remarquer la chute des feuilles à l'automne[24]. La chasse du loup gris peut être décomposé en cinq étapes :
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+ La manière de tuer varie en fonction de l'espèce de la proie. Avec les gros animaux, les loups adultes évitent d'habitude l'assaut frontal et se concentrent sur l'arrière et les flancs de la proie. Les grosses proies comme les élans sont abattus par de larges morsures sur la zone molle du périnée, ce qui cause une hémorragie massive. Trois grandes morsures sont généralement suffisantes pour abattre un grand cerf en bonne santé[87]. Pour les proies de taille moyenne comme le chevreuil ou le mouton, les loups attaquent à la gorge, ce qui endommage les terminaisons nerveuses et l'artère carotide et provoque la mort de l'animal entre quelques secondes et une minute après la morsure. Avec les petits animaux, comme ceux du genre Mus, les loups bondissent et les capturent entre leurs pattes avant[88]. Quand les proies sont vulnérables et abondantes, les loups tuent parfois plus que nécessaire. Ce genre de comportement, commun chez les animaux domestiques, est rare à l'état sauvage, et se trouve généralement à la fin de l'hiver ou au printemps, quand la neige est inhabituellement profonde (et entrave les mouvements des proies)[89] ou quand les loups se retirent dans leur tanière et ont besoin d'un surplus de viande prêt à l'emploi[90]. Les proies de taille moyenne sont particulièrement vulnérables à ces abattages surnuméraires, la morsure à la gorge permettant à un loup de rapidement passer d'un animal à un autre[88].
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+ Une fois que la proie est abattue, les loups commencent à manger avec excitation, déchirant et traînant la carcasse dans toutes les directions, et arrachant de gros morceaux[91]. Le couple reproducteur a priorité sur la nourriture de manière à pouvoir continuer à produire des petits. Quand la nourriture manque, c'est automatiquement au détriment d'autres membres de la famille, en particulier des adultes[92]. Le couple reproducteur mange habituellement en premier, néanmoins comme ils fournissent la majeure partie du travail dans la chasse ils doivent parfois se reposer et laissent les autres membres de la famille manger sans problèmes. Une fois le couple reproducteur repu, le reste de la famille réduit la carcasse en pièces et les transporte dans des zones tranquilles où ils peuvent manger en paix. Les loups commencent typiquement leur repas en consommant les gros organes internes de la proie comme le cœur, le foie, les poumons et l'estomac. Les reins et la rate sont mangés une fois sortis, suivis par les muscles[93]. Un loup seul peut manger 15 à 19 % de son poids en un seul repas[94].
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+ Le comportement expressif du loup gris est plus complexe que celui du coyote et du chacal doré, comme l'exigent ses habitudes de vie et de chasse en groupe. Alors que les canidés moins grégaires possèdent souvent des répertoires de signaux visuels simples, les loups ont des signaux plus variés dont l'intensité s'interclasse subtilement en intensité[76],[95]. En position neutre, les jambes ne sont pas raidies, la queue pend librement, la face est lisse, les lèvres ne sont pas tendues et les oreilles ne pointent pas dans une direction particulière[96]. La communication par la posture chez le loup consiste en une variété d'expressions faciales, de positions de la queue et de la piloérection[80]. Les loups agressifs ou qui s'affirment se caractérisent par des mouvements lents et délibérés, une posture corporelle élevée et des poils du dos hérissés, tandis que les loups soumis portent leur corps vers le bas, lissent leur fourrure et baissent les oreilles et la queue[97]. Lorsqu'un mâle reproducteur rencontre un membre subalterne de sa famille, il peut le regarder fixement, debout, droit et toujours avec la queue horizontale (dans le prolongement de la colonne vertébrale)[98]. Deux formes de comportement de soumission sont reconnues: passive et active. La soumission passive se produit habituellement en réaction à l'approche d'un individu dominant, où le loup soumis se trouve en partie sur son dos et laisse le loup dominant lui renifler le périnée. La soumission active se produit souvent comme une forme de salutation où le loup soumis s'approche d'un autre dans une posture basse, et lèche le visage de l'autre loup[99]. Lorsque les loups sont ensemble, ils s'adonnent généralement à des comportements comme la poussée du nez, la lutte à la mâchoire, le frottement des joues et le léchage facial. Mordiller le museau de l'autre est un geste amical, tandis que serrer le museau avec des dents nues est un signe de domination[100].
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+ Comme chez les humains, le loup gris a des motifs de couleur faciale où la direction du regard peut être facilement identifiée, bien que ce ne soit souvent pas le cas chez d'autres espèces canidés. En 2014, une étude a comparé le modèle de couleur faciale chez 25 espèces de canidés. Les résultats suggèrent que le modèle de couleur faciale des espèces canidés est lié à leur communication du regard, et que les loups gris en particulier utilisent le signal du regard dans la communication conspécifique[101].
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+ Les vocalisations suivantes sont poussées par le Loup gris : glapir, gémir, geindre, geindre plaintivement, lancer une plainte, gronder plaintivement, gronder, grogner, japper, aboyer et hurler. Ces vocalisations étant liées aux contextes comme glapir de douleur ou de peur, ou encore gronder lors d'action de dominance, d'attaque, de mise en garde, de défense, de protestation ou de jeu[102].
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+ Le loup gris hurle pour assembler la meute (en général avant et après la chasse), pour transmettre une alarme (en particulier sur un site de tanière), pour se localiser pendant une tempête ou sur un territoire inconnu, et aussi pour communiquer sur de grandes distances[103]. Les hurlements de loups peuvent, dans certaines conditions, être entendus sur des zones allant jusqu'à 130 km2[44]. Il est en général impossibles de les distinguer de ceux des grands chiens[104]. Les loups mâles donnent de la voix à travers une octave, passant à une basse profonde avec un accent sur le « O », tandis que les femelles produisent un baryton nasal modulé avec un accent sur « U ». Les louveteaux ne hurlent presque jamais, tandis que les loups d'un an produisent des hurlements qui se terminent par une série de jappements[24]. Le hurlement se compose d'une fréquence fondamentale qui peut se situer entre 150 et 780 Hz et comprendre jusqu'à 12 harmoniques. En général, le ton reste constant ou varie doucement, et peut changer de direction jusqu'à quatre ou cinq fois[23]. Les hurlements utilisés pour appeler les compagnons de meute vers une proie mise à mort sont des sons longs et doux semblables au début du cri d'un hibou à cornes. Lorsqu'ils poursuivent une proie, ils émettent un hurlement plus aigu, vibrant sur deux notes. Lorsqu'ils se rapprochent de leur proie, ils émettent une combinaison d'aboiement court et de hurlement[104]. Lorsqu'ils hurlent ensemble, les loups s'harmonisent plutôt que de chanter en chœur sur la même note, créant ainsi l'illusion qu'il y a plus de loups qu'il n' y en a réellement[103]. Les loups solitaires évitent généralement de hurler dans les endroits où d'autres meutes sont présentes[105]. Les loups de différentes régions géographiques peuvent hurler différemment : les hurlements des loups d'Europe sont beaucoup plus longs et mélodieux que ceux des loups d'Amérique du Nord, dont les hurlements sont plus forts et mettent davantage l'accent sur la première syllabe. Les deux sont cependant mutuellement intelligibles, puisque les loups d'Amérique du Nord ont été enregistrés en train de répondre aux hurlements de type européen réalisés par des biologistes[106].
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+ D'autres vocalisations de loups ont été divisées en trois catégories par Lopez : grognements, aboiement et gémissements[107]. L'aboiement a une fréquence fondamentale comprise entre 320 et 904 Hz[23], et est habituellement émis par les loups surpris. Les loups n'aboient pas aussi bruyamment ou continuellement que les chiens, mais aboient plusieurs fois avant de se mettre en retrait du danger perçu[107]. Le grognement a une fréquence fondamentale de 380 à 450 Hz[23], et est généralement émis pendant des défis pour de la nourriture. Les louveteaux grognent souvent en jouant. Une variante du hurlement est accompagnée d'un gémissement aigu et précède une attaque démarrée par un bond[103]. Les gémissements sont associées à des situations d'anxiété, de curiosité, d'enquête et d'intimité comme l'accueil, l'alimentation des louveteaux et le jeu[107].
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+ L'odorat est probablement le sens le plus aiguisé du loup et joue un rôle fondamental dans la communication. Le loup a un grand nombre de glandes sudoripares apocrines (en) sur la face, les lèvres, le dos et entre les orteils. L'odeur produite par ces glandes varie selon la microflore et le régime alimentaire de chaque loup, ce qui donne à chacun une « empreinte odorante » distincte. Une combinaison de glandes sudoripares apocrines et eccrines sur les pieds permet au loup de déposer son odeur lorsqu'il gratte le sol, ce qui se produit en général après le marquage à l'urine et la défécation pendant la saison de reproduction (en). Les follicules présents sur les poils de garde du dos du loup ont des amas de glandes apocrines et sébacées à leur base. Comme la peau du dos est d'habitude pliée, cela crée un microclimat pour la propagation bactérienne autour des glandes. Pendant la piloérection, les poils de garde du dos sont relevés et les plis cutanés s'étendent, ce qui libère une odeur[108].
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+ Les glandes odorantes précaudales peuvent jouer un rôle dans l'expression de l'agressivité car les loups combatifs lèvent la base de leur queue tout en baissant l'extrémité, positionnant ainsi les glandes odorantes (en) au point le plus élevé. Le loup possède une paire de sacs anaux sous le rectum, qui contiennent des glandes apocrines et sébacées. Les composantes des sécrétions des sacs anaux varient selon la saison et le sexe, ce qui indique que les sécrétions fournissent des informations sur le sexe et l'état reproductif. Les sécrétions des glandes préputiales peuvent annoncer l'état hormonal ou la position sociale car on a observé que les loups dominants se tiennent au-dessus des subalternes et semblent présenter la région génitale pour investigation[108], ce qui peut inclure le léchage génital[109]. Pendant la saison de reproduction, les louves sécrètent des substances du vagin qui communiquent l'état reproducteur des femelles et peuvent être détectées par les mâles sur de longues distances[108].
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+ Le marquage urinaire est le moyen de communication olfactive (en) le mieux étudié chez le loup. Sa fonction exacte est débattue, bien que la plupart des chercheurs s'accordent à dire que son premier but est d'établir des limites. L'urine des loups marque plus fréquemment et vigoureusement dans les zones inconnues, ou les zones d'intrusion, où l'odeur des autres loups ou canidés est présent. La-dite miction avec pattes surélevées (MPS)[note 4] est plus fréquente chez les loups mâles que chez les femelles, et peut servir à maximiser la possibilité de détection par les congénères, ainsi qu'à refléter la hauteur du loup marqueur. Seuls les loups dominants utilisent habituellement la MPS, les mâles subalternes continuant d'utiliser la posture debout juvénile à l'âge adulte[108]. La MPS est considérée comme l'une des formes les plus importantes de communication olfactive chez le loup et représente 60 à 80 % de toutes les marques olfactives observées[110].
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+ Le loup gris est un généraliste qui peut être présent dans les déserts, les prairies, les forêts et les toundras. L'utilisation de l'habitat par les loups gris est très liée à l'abondance des proies, aux conditions de neige, à l'absence ou à la faible densité du bétail, aux densités des routes, à la présence humaine et à la topographie[44].
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+ Dans les climats froids, le loup gris peut réduire le flux sanguin près de sa peau pour conserver la chaleur corporelle. La chaleur des coussinets est régulée indépendamment du reste du corps et est maintenue juste au-dessus du point de congélation des tissus, où les coussinets entrent en contact avec la glace et la neige[111]. Les loups gris utilisent différents endroits pour leur repos diurne : les endroits couverts sont préférés par temps froid, humide et venteux, tandis que les loups se reposent facilement à l'air libre par temps sec, calme et chaud. Pendant la période automne-printemps, lorsque les loups sont plus actifs, ils s'allongent volontiers à l'air libre, quel que soit leur emplacement[24].
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+ Les tanières sont habituellement construites pour les louveteaux pendant la période estivale. Lorsqu'elles construisent des tanières, les femelles se servent d'abris naturels tels que des fissures dans les rochers, des falaises surplombant les berges et des trous recouverts de végétation. Parfois, la tanière est le terrier approprié d'animaux plus petits comme les renards, les blaireaux ou les marmottes. Un repaire approprié est souvent élargi et en partie refait. En de rares occasions, les louves creusent leur propre terrier, habituellement petit et court avec 1 à 3 ouvertures. La tanière est habituellement construite à une distance maximale de 500 m d'un point d'eau[24], et elle est généralement orientée vers le sud, ce qui assure une exposition suffisante à la lumière du soleil, ce qui permet de garder la surface relativement libre de neige[44]. Des aires de repos, des aires de jeux pour les louveteaux et des restes de nourriture sont couramment trouvées autour des tanières à loups. L'odeur de l'urine et de la nourriture en décomposition provenant de la tanière attire souvent les oiseaux charognards comme les pies et les corbeaux. Comme il y a peu d'endroits commodes pour creuser des terriers, les tanières de loups sont souvent occupées par des individus de la même famille. Bien qu'ils évitent le plus souvent les zones visibles aux humains, les loups sont connus pour nicher près des domiciles, des routes revêtues et des voies ferrées[24].
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+ La meute poursuit les troupeaux d'herbivores tels que les cerfs de Virginie, élans, mouflons, rennes, cerfs wapitis, bisons Américain en Amérique du Nord et les mouflons, chevreuils, cerfs élaphes, daims, chamois, bisons d'Europe, sangliers, en Europe. Sur ces deux continents où les loups existent, les brouteurs constituent la base de leur alimentation. Pour chasser, ils poursuivent leur proie sur plusieurs kilomètres, jusqu'à l'épuisement de celle-ci. Solitaire, il se contente de petites proies, comme les petits mammifères (rongeurs) et les oiseaux.
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+ Les loups ont un régime alimentaire carnivore. Certains loups sont équipés de collier GPS/GSM/VHF pour comprendre par leurs déplacements comment ils sélectionnent leurs proies sauvages[112]. L'espèce se nourrit de cervidés, volailles, renardeaux, marcassins, ânes, reptiles, charognes… et fruits blets (exemple : le raisin). Ils peuvent aussi parfois chasser le bœuf musqué et l'orignal. Dans le Grand Nord, les loups préfèrent manger des petits rongeurs, les lemmings, plutôt que les rennes, pourtant plus charnus. Les loups traquent les rongeurs parce qu'ils sont proportionnellement beaucoup plus gras que les rennes. Cette graisse stockée par l'organisme des loups les protège du froid. Les loups sont aussi friands de raisin, qui leur apporte du sucre et des vitamines[réf. souhaitée]. Lorsque les proies sont rares, ils peuvent aussi manger des insectes ou des champignons[réf. nécessaire]. Capables d'avaler plus de 4,5 kg de viande d'un coup, les loups peuvent rester plus d'une semaine sans nourriture.
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131
+ En automne, les loups modifient leur régime alimentaire et consomment de grandes quantités de saumons qui sont alors en pleine montaison[113]. La pêche au saumon est en effet nettement moins dangereuse que la chasse au cerf. De plus, le saumon, à l’approche de l’hiver, offre une meilleure qualité nutritive en termes de matières grasses et d’énergie[114].
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+ Le loup peut attaquer les troupeaux de moutons[115]. Si le reste du troupeau ne fuit pas, le loup va continuer à chasser, ce qu'on appelle le « surplus killing » ou « over-killing »[116]. Un loup peut alors tuer plusieurs bêtes sans les manger.
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+ Les maladies virales transmises par le Loup gris sont notamment la rage, la maladie de Carré, le parvovirus canin, l'hépatite contagieuse canine, la papillomatose, le coronavirus canin[117] et la fièvre aphteuse[118]. Le loup est un hôte important de la rage en Russie, en Iran, en Afghanistan, en Irak et en Inde[118]. Chez le loup, la période d'incubation est de 8 à 21 jours, ce qui provoque l'agitation de l'hôte, l'abandon de sa meute et des déplacements pouvant atteindre 80 km par jour, augmentant ainsi le risque d'infection des autres individus. Les loups infectés ne montrent aucune crainte des humains ; la plupart des attaques de loups documentées contre des personnes sont d'ailleurs attribuées à des animaux enragés. Bien que la maladie de Carré soit mortelle chez le chien, elle n'a pas été signalée pour des morts de loups, sauf au Canada et en Alaska. Le parvovirus canin, qui cause la mort par déshydratation, déséquilibre électrolytique (en) et choc ou septicémie endotoxique, est largement survivable chez les loups, mais peut être mortel pour les louveteaux. Les loups peuvent attraper l'hépatite contagieuse canine à partir des chiens, bien qu'il n'y ait aucune trace de loups qui en meurent. La papillomatose n'a été signalée qu'une seule fois chez le Loup et ne cause probablement pas de maladie grave ou la mort, bien qu'elle puisse modifier les comportements alimentaires. Le coronavirus canin a été signalé chez des loups d'Alaska, les infections étant les plus répandues pendant les mois d'hiver[117].
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+ Quant aux maladies bactériennes transmises par le Loup gris, il s'agit notamment de la brucellose, la maladie de Lyme, la leptospirose, la tularémie, la tuberculose bovine, la listériose, l'anthrax[118]. Les loups peuvent attraper Brucella suis (en) des rennes sauvages et domestiques. En général, les loups adultes ne présentent pas de signes cliniques, mais ils peuvent affaiblir gravement les louveteaux des femelles infectées. Bien que la maladie de Lyme puisse affaiblir certains loups, elle ne semble pas avoir d'effet significatif sur les populations. La leptospirose peut être contractée par contact avec des proies ou de l'urine infectées et causer de la fièvre, de l'anorexie, des vomissements, une anémie, une hématurie, un ictère et la mort. Les loups qui vivent près des fermes sont plus vulnérables à la maladie que ceux qui vivent dans la nature, probablement en raison d'un contact prolongé avec des déchets infectés d'animaux domestiques. Les loups peuvent attraper la tularémie d'une proie lagomorphe, mais son effet sur les loups est inconnu. Bien que la tuberculose bovine ne soit pas considérée comme une menace majeure pour les loups, on a signalé qu'elle a déjà tué deux louveteaux au Canada[119].
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+ En général, le Loup gris domine les autres espèces de canidés dans les régions où elles sont toutes les deux présentes. En Amérique du Nord, les incidents où des loups gris tuent des coyotes sont fréquents, particulièrement en hiver, lorsque les coyotes se nourrissent de loups tués. Les loups peuvent attaquer les sites de tanière des coyotes, en creusant et en tuant leurs petits, bien qu'ils les mangent rarement. Il n'existe aucune trace de coyotes tuant les loups, même si les coyotes peuvent poursuivre les loups s'ils sont plus nombreux qu'eux[120],[121]. Des interactions quasi identiques ont été observées en Eurasie entre loups gris et chacals dorés, le nombre de ces derniers étant relativement faible dans les zones à densité élevée de loups[24]. Le loup gris est le prédateur le plus important des chiens viverrins, tuant un grand nombre d'entre eux au printemps et en été[24]. Les loups tuent aussi les renards roux, polaires et corsacs, d'habitude dans des conflits au sujet des carcasses, parfois en les mangeant[24],[122]. En Asie, ils peuvent rivaliser avec les dholes[24], bien qu'il existe au moins une mention d'un loup solitaire s'associant à une paire de dholes dans le Sanctuaire faunique de Debrigarh (en)[123].
140
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+ Les ours bruns dominent généralement les meutes de loups dans les conflits au sujet des carcasses, tandis que les meutes de loups prévalent surtout contre les ours lorsqu'il s'agit de défendre leur tanière. Les deux espèces tuent les petits de l'autre. Les loups mangent les ours bruns qu'ils tuent, tandis que les ours bruns semblent ne manger que de jeunes loups[124]. Les interactions du loup avec l'ours noir d'Amérique sont beaucoup plus rares qu'avec l'ours brun à cause des différences de préférences d'habitat. La plupart des rencontres de l'ours noir avec le loup se produisent dans l'aire de répartition nordique de l'espèce, et aucune interaction n'a été notée au Mexique. Les loups ont été remarqués à de nombreuses reprises pour rechercher activement les ours noirs dans leur tanière et les tuer sans les manger. Contrairement aux ours bruns, les ours noirs perdent souvent contre les loups dans les disputes pour des carcasses[125]. Bien que les rencontres avec des ours bruns et noirs semblent être courantes, les ours blancs sont rarement rencontrés par les loups et il n'existe que deux cas de meutes de loups tuant des oursons blancs[126]. Les loups tuent aussi les ours noirs d'Asie[24].
142
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143
+ Les loups peuvent rencontrer des hyènes rayées au Proche Orient, en Asie centrale et en Inde, en particulier lors de disputes au sujet des carcasses. Les hyènes rayées se nourrissent abondamment de carcasses tuées par des loups dans les zones où les deux espèces interagissent. À un contre un, la hyène domine le loup et peut en faire une proie, mais les meutes de loups peuvent chasser des hyènes seules ou s'ils sont en plus grand nombre qu'elles[127],[128]. Toutefois, il y existe le cas d'une hyène rayée femelle dominant 12 loups d'Arabie[129]. Deux cas sont connus également dans le sud d'Israël, où les loups et les hyènes rayées sont étroitement liés entre eux d'une manière apparemment amicale[130].
144
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145
+ Les grandes populations de loup limitent le nombre de félins de tailles petite à moyenne. Les loups rencontrent des pumas le long de certaines parties des Rocheuses et des chaînes de montagnes à proximité. En général, les loups et les pumas évitent de se rencontrer en chassant à des altitudes différentes. Mais en hiver, lorsque l'accumulation de neige force leurs proies dans les vallées, les rencontres entre les deux espèces deviennent plus probables. Les loups en meute ont le plus souvent le dessus sur le couguar et peuvent voler les animaux tués. Certains ont tué des mères et leurs petits[131],[132]. Le loup chassent le chat de Pallas et peut se nourrir des carcasses des proies tuées par la panthère des neiges[133],[134]. Les loups peuvent aussi réduire les populations de lynx boréal. Les loups peuvent tuer les lynx en les épuisant ou en les tuant avant qu'ils ne puissent s'échapper dans les arbres[135]. Des rencontres du même type entre le loup et le lynx roux ont été signalées[136].
146
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147
+ Les restes de gibier du loup sont parfois récupérées par le carcajou. Les carcajous attendent d'habitude que les loups aient fini de se nourrir, mais il arrive qu'ils chassent les loups de leurs carcasses. À l'inverse, il y a eu des signalements confirmant que des meutes de loups ont tué des carcajous[137].
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149
+ À part les humains, le tigre semble être le seul prédateur sérieux des loups[24],[138],[139],[140],[133]. Les interactions entre le loup et le tigre sont bien documentées dans le Sikhote-Alin, où les tigres réduisent le nombre de loups, soit au point d'extinction localisée, soit à un nombre si faible qu'ils deviennent une composante insignifiante dans le fonctionnement de l'écosystème. Les loups semblent capables d'échapper à l'exclusion compétitive des tigres seulement lorsque la persécution humaine diminue le nombre de tigres. Les cas avérés de tigres tuant des loups sont rares et les attaques semblent être de nature compétitive plutôt que prédatrice, avec au moins quatre cas avérés de tigres tuant des loups sans les consommer[141].
150
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+ En Mongolie, le loup servait à assurer la pérennité de la steppe dans les années 1950. Leur prédation sur les gazelles, les marmottes voire les rats évitait la désertification de la steppe[142].
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+ En Amérique, au parc national de Yellowstone, survivent encore aujourd'hui quelque 3 000 loups qui côtoient les bisons et les lynx. Ceux-ci sont remarquables pour leur technique de chasse en groupe unique. Une fois la proie repérée, ils s'élancent et utilisent la technique de l'encerclement dite « technique catapulte » pour ensuite faire la course et semble-t-il gagner l'estime de leurs congénères. L’histoire des loups de Yellowstone (en) montre l'impact écologique positif du loup, dispersant les ongulés qui ont tendance à surpâturer certaines espèces d'arbres ripisylves, stabilisant les populations de cervidés qui mangent les jeunes pousses et arbustes, diminuant les populations de coyotes au profit de petits mammifères[143].
154
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155
+ En Europe et en Suisse ou en France notamment, l’abondance de cervidés empêche la régénération des jeunes arbres et favorise le compactage des sols en forêt. La végétation des sous-bois hébergeant de nombreux invertébrés (qui constituent l'alimentation de nombreux vertébrés), sa dégradation a un impact important sur la biodiversité. La prédation, par les loups en particulier, régule le nombre de cervidés et les oblige à limiter/sélectionner les végétaux qu'ils mangent et contraint leurs lieux de vie à des espaces hors des forêts où la prédation est moins risquée[144],[145].
156
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157
+ Même si l'espèce Canis lupus n'est pas menacée de disparition dans sa globalité au regard de sa large aire de répartition à travers le globe, sa situation est plus préoccupante quand on considère les grandes populations une à une. En fait, seules les populations vivant dans les Carpathes et les Balkans-Dinara sont hors de danger au début du XXIe siècle [146] tandis que l'espèce est par exemple classée vulnérable sur la liste rouge française[147].
158
+
159
+ Dans de nombreux pays les loups bénéficient à présent d'un statut d'espèce protégée, ce qui implique également un suivi des individus et populations, facilité par des méthodes de monitoring moins invasives pour le loup et son territoire[148], via l'analyse génétique des poils[149] ou excréments par exemple.
160
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161
+ Des mesures dérogatoires au statut de protection peuvent être mises en œuvre lorsque des troupeaux sont soumis à des attaques répétées : effarouchement (lumineux, sonore ou tir non létal), tir de défense de l'éleveur ou du berger, tir de prélèvement[150].
162
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163
+ Parallèlement à la domestication du chien, il y eut des rapports de concurrence difficiles entre le loup gris et l'homme.
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165
+ Bien que l'hybridation entre loups et chiens en Europe ait suscité des inquiétudes parmi les groupes de conservation craignant pour la pureté génétique du loup gris, les tests génétiques montrent que l'introgression des gènes canins dans les populations européennes de loups gris ne représente pas une menace significative. De plus, comme les saisons de reproduction (en) des loups et des chiens ne coïncident pas entièrement, la probabilité que les loups et les chiens sauvages s'accouplent et produisent des descendants survivants est faible[151].
166
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167
+ La chasse au loup (en) est pratiquée dès le Néolithique[152]. Dès le Magdalénien, les dents de loup sont utilisées dans de nombreuses parures[réf. nécessaire].
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+ L'extermination des loups d'Europe du Nord est d'abord devenue un effort organisé au Moyen Âge, et s'est poursuivie jusqu'à la fin des années 1800. En Angleterre, la persécution du loup a été imposée par la législation, et le dernier spécimen a été tué au début du seizième siècle sous le règne d'Henri VII. Les loups ont duré plus longtemps en Écosse, où ils se sont abrités dans de vastes étendues de forêt, qui ont ensuite été incendiées. Les loups ont réussi à survivre dans les forêts de Braemar et du Sutherland jusqu'en 1684. L'extirpation des loups en Irlande a suivi une voie similaire, le dernier loup étant censé avoir été tué en 1786[153]. Une prime au loup a été introduite en Suède en 1647, après que l'extermination de l'orignal et du renne eut forcé les loups à se nourrir de bétail. Les Samis ont extirpé les loups du nord de la Suède par des campagnes organisées. En 1960, il restait peu de loups en Suède à cause de l'utilisation de motoneiges pour les chasser, le dernier spécimen ayant été tué en 1966. Le loup gris a été exterminé au Danemark en 1772 et le dernier loup de Norvège a été tué en 1973. L'espèce a été décimée en Finlande au XXe siècle, malgré des dispersions régulières en provenance de Russie. Le loup gris n'était présent que dans l'Est et le Nord de la Finlande en 1900, bien que son nombre ait augmenté après la Seconde Guerre mondiale[154].
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171
+ En Europe centrale, le nombre de loups a considérablement diminué au début du XIXe siècle à cause de la chasse organisée et de la réduction des populations d'ongulés. En Bavière, le dernier loup a été tué en 1847 et avait disparu des régions du Rhin en 1899[154]. En Suisse, les loups ont disparu au XXe siècle ; ils reviennent naturellement d'Italie depuis les années 1990[155]. En 1934, l'Allemagne nazie devint le premier État de l'histoire moderne à protéger le loup, bien que l'espèce avait déjà été extirpée d'Allemagne à ce moment-là[156]. Le dernier loup vivant à être tué sur le sol de l'Allemagne d'aujourd'hui avant 1945 fut le « Tigre de Sabrodt (en) », qui fut abattu près de Hoyerswerda, en Lusace (alors Basse-Silésie) en 1904. Les loups sont depuis revenus dans la région[157].
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+ En Europe de l'Ouest[note 5], la chasse au loup en France a d'abord été institutionnalisée par Charlemagne entre 800 et 813, lorsqu'il a créé la louveterie, un corps spécial de chasseurs de loups. La louveterie fut abolie après la Révolution française en 1789, mais rétablie en 1814. En 1883, jusqu'à 1 386 loups furent tués, et beaucoup d'autres empoisonnés[154].
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+ En Europe de l'Est, les loups n'ont jamais été complètement exterminés en raison de la contiguïté de la région avec l'Asie et ses vastes zones boisées. Cependant, les populations de loups d'Europe de l'Est ont été réduites à un nombre très faible à la fin du XIXe siècle. Les loups ont été extirpés de Slovaquie au cours de la première décennie du XXe siècle, et vers le milieu du XXe siècle, on ne pouvait les trouver que dans quelques zones forestières de l'Est de la Pologne. Les loups des Balkans orientaux ont bénéficié de la contiguïté de la région avec l'ex-Union soviétique (en) et de vastes étendues de plaines, de montagnes et de terres agricoles. En Hongrie, les loups n'étaient présents que dans la moitié du pays vers le début du XXe siècle et se limitaient en grande partie au bassin des Carpates. Les populations de loups en Roumanie sont restées importantes, avec une moyenne de 2 800 loups tués chaque année sur une population de 4 600 de 1955 à 1965. Un creux historique a été atteint en 1967, lorsque la population a été réduite à 1 550 animaux. L'extermination des loups en Bulgarie était relativement récente, car une population antérieure d'environ 1 000 individus en 1955 a été réduite à environ 100 à 200 en 1964. En Grèce, l'espèce a disparu du sud du Péloponnèse en 1930. Malgré des périodes de chasse intense au XVIIIe siècle, les loups n'ont jamais disparu dans les Balkans occidentaux, de l'Albanie à l'ex-Yougoslavie. La persécution organisée des loups a commencé en Yougoslavie en 1923, avec la création du Comité d'extermination des loups (CEL) à Kocevje (en), en Slovénie. Le CEL a réussi à réduire le nombre de loups dans les Alpes dinariques[154].
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+ En Europe du Sud, l'extermination des loups n'était pas aussi complète qu'en Europe du Nord à cause d'une plus grande tolérance culturelle de l'espèce. Les populations de loups n'ont commencé à décliner dans la péninsule Ibérique qu'au début du XIXe siècle et ont été réduites de moitié en 1900. Les primes au loup ont été régulièrement versées en Italie jusqu'en 1950. Les loups ont commencé à être exterminés dans les Alpes vers 1800, et on n'en comptait plus que 100 en 1973 qui n'habitaient que 3 à 5 % de leur ancienne aire de répartition italienne[154].
178
+
179
+ En Italie survivent environ 800 à 1 000 loups dans la vallée d'Aoste, en Lombardie, dans le Trentin et le Latium.[réf. nécessaire]
180
+
181
+ C'est officiellement[note 6] le 5 novembre 1992 que les deux premiers loups sont aperçus dans les Alpes-Maritimes, dans le parc national du Mercantour[158], formant la meute Vésubie-Tinée, meute historique du retour du loup en France. Des analyses ADN de loups installés en France et en Italie ont montré qu'il s'agissait d'individus appartenant à la même sous espèce. Ainsi la population qui s'étendait déjà en Italie, a fait sa réapparition dans le nord de l'Italie, puis en France, non par l'intermédiaire des Abruzzes mais par les Alpes ligures et le Nord des Apennins[159]. Sa réinsertion est donc naturelle, et non volontaire, favorisée par l'exode rural qui a permis la reforestation et par la création d'espaces protégés. On parle de Zone de Présence Permanente (ZPP) lorsqu'un territoire précis est occupé durant au moins deux hivers consécutifs, soit par une meute soit par un loup solitaire. On compte en France 10 ZPP en 2002, 29 en 2012 et 90 en 2018, qui cumulent successivement 100, 200 et 500 loups environ[160].
182
+
183
+ Un loup a par ailleurs été vraisemblablement observé à Gedinne, dans les Ardennes belges, à proximité de la frontière française, en juillet et août 2011[161],[162], ainsi qu'à Duiven aux Pays-Bas, à la même époque, en provenance d'Allemagne[163]. Sa présence est confirmée depuis 2018 dans les Hautes Fagnes[164].
184
+
185
+ Un loup, venu d’Europe orientale, a par ailleurs été observé et filmé en mars 2015 aux Pays-Bas pour la première fois depuis 150 ans à Kolham, une localité proche de la frontière allemande et de la réserve naturelle des marais de Bourtange (province de Groningue)[165]. Les observations de ce loup s'étendent en fait sur trois jours, du lundi 9 au mercredi 11, et ont fait l'objet de plusieurs photos et films[166]. D'autres observations ont également été effectuées quelques jours plus tôt à peu de distance, à Emmen[167], et Meppen[168] (Drenthe).
186
+
187
+ En Allemagne, le dernier loup de la lande de Lunebourg avait été aperçu et abattu en 1872 dans le bois de Becklingen. Mais en 2006 un spécimen a été contacté sur le centre d'essais de près de 50 km2 de Rheinmetall Waffe Munition GmbH à Unterlüß[169] ; une première photo de cet animal a été prise en 2007[170] et depuis une meute a colonisé le pas de tir d'Unterlüß[171], comme le laissaient supposer d'aurtes contacts au cours de l'année 2013[172].
188
+
189
+ Au cours du XIXe siècle, les loups gris étaient encore présents dans de nombreuses parties du sud du Levant à l'est et à l'ouest du Jourdain. Cependant, leur nombre a considérablement diminué entre 1964 et 1980, en grande partie à cause des persécutions exercées par les agriculteurs[173]. L'espèce n'était pas considérée comme commune dans le nord et le centre de l'Arabie saoudite au XIXe siècle, avec la plupart des premières publications parlant des individus du sud-ouest de l'Asir, du nord des zones rocheuses bordant Jordanie, ou des zones entourant Riyad[174].
190
+
191
+ L'aire de répartition du loup gris en Union soviétique s'étendait sur la quasi-totalité du territoire du pays, n'étant absente que sur les îles Solovky, la Terre François-Josef, la Terre du Nord et les îles Karaginski, du Commandeur et Chantar. L'espèce a été exterminée deux fois en Crimée ; une fois après la guerre civile russe, et de nouveau après la Seconde Guerre mondiale[24]. Après les deux guerres mondiales, les populations de loups soviétiques ont atteint deux sommets. 30 000 loups ont été abattus chaque année sur une population de 200 000 au cours des années 1940, dont 40 000 à 50 000 en période de pointe. Les populations de loups soviétiques ont atteint un creux vers 1970, disparaissant sur une grande partie de la Russie européenne. La population a de nouveau augmenté en 1980 pour atteindre environ 75 000 individus, dont 32 000 ont été tuées en 1979[175]. Les populations de loups dans le nord de la Mongolie intérieure ont décliné au cours des années 1940, principalement en raison du braconnage des gazelles à queue blanche, la principale proie du loup dans la région[176]. Dans l'Inde britannique, les loups étaient fortement persécutés en raison de leurs attaques contre les moutons, les chèvres et les enfants. En 1876, 2 825 loups ont été abattus dans les Provinces du Nord-Ouest (PNO) et du Bihar. Dans les années 1920, l'extermination des loups restait une priorité dans les PNO et à Awadh. Entre 1871 et 1916, plus de 100 000 loups ont été tués pour des primes en Inde britannique[177].
192
+
193
+ Les loups au Japon ont disparu pendant la restauration de Meiji, une extermination connue sous le nom de ōkami no kujo. Le loup était considéré comme une menace pour l'élevage, ce que le gouvernement Meiji promouvait à l'époque, et ciblait grâce à un système de primes et d'une campagne directe d'extermination chimique inspirée de la campagne américaine contemporaine similaire. Le dernier loup japonais fut un mâle tué le 23 janvier 1905 près de Washikaguchi (aujourd'hui Higashi Yoshiro)[178]. Les loups japonais, aujourd'hui disparus, descendaient de grands loups sibériens qui colonisaient la péninsule coréenne et le Japon, avant de se séparer de l'Asie continentale il y a 20 000 ans, au Pléistocène. À l'Holocène, le détroit de Tsugaru s'est élargi et a isolé Honshū de Hokkaidō, provoquant ainsi des changements climatiques qui ont entraîné l'extinction de la plupart des grands ongulés qui habitaient l'archipel. Les loups japonais ont probablement subi un processus de nanisme insulaire il y a 7 000 à 13 000 ans en réponse à ces pressions climatiques et écologiques. C. l. hattai (anciennement indigène d'Hokkaidō) était beaucoup plus grand que son cousin méridional C. l. hodophilax car il habitait à des altitudes plus élevées et avait accès à de plus grandes proies, ainsi qu'une interaction génétique continue avec des loups se dispersant de Sibérie[179].
194
+
195
+ En 2008, une référence faisant autorité indiquait que le loup gris pouvait être trouvé dans toute la Chine continentale[181]. En 2017, une étude approfondie a confirmé que le loup gris était présent dans toute la Chine continentale, à la fois par le passé et de nos jours. Il existe dans le sud de la Chine, ce qui réfute les affirmations de certains chercheurs occidentaux selon lesquelles le loup n'y aurait jamais existé[182],[183].
196
+
197
+ Il existe peu de données fiables sur le statut des loups au Moyen-Orient, sauf en Israël et en Arabie saoudite, bien que leur nombre semble stable et devrait le rester. Les politiques de conservation d'Israël et l'application efficace de la loi maintiennent une population de loups de taille modérée, qui rayonne dans les pays voisins, tandis que l'Arabie saoudite a de vastes étendues désertiques, où environ 300 à 600 loups vivent sans être dérangés[184]. Le loup survit dans la plus grande partie de son aire de répartition historique en Arabie Saoudite, probablement à cause d'un manque de pastoralisme et de déchets humains abondants[174]. La Turquie peut jouer un rôle important dans le maintien des loups dans la région en raison de sa contiguïté avec l'Asie centrale. Les montagnes du pays ont servi de refuge aux quelques loups restants en Syrie. Une petite population de loups vit sur les hauteurs du Golan et est bien protégée par les activités militaires. Les loups vivant dans le désert du sud du Néguev sont contigus avec les populations vivant dans le Sinaï égyptien et en Jordanie. Dans tout le Moyen-Orient, l'espèce n'est protégée qu'en Israël. Ailleurs, il peut être chassé toute l'année par les Bédouins[184].
198
+
199
+ Les populations actuelles du loup en Iran sont mal connues. Elles étaient autrefois présentes dans tout le pays dans les zones à faible densité de population au milieu des années 1970. Les régions septentrionales de l'Afghanistan et du Pakistan sont des bastions importants pour le loup. On estime qu'il y a environ 300 loups dans environ 60 000 km2 de Jammu-et-Cachemire dans le nord de l'Inde et 50 autres dans l'Himachal Pradesh. Au total, l'Inde compte environ 800 à 3 000 loups dispersés dans plusieurs populations restantes. Bien qu'ils soient protégés depuis 1972, les loups indiens sont considérés comme étant en voie de disparition, de nombreuses populations demeurant en faible nombre ou vivant dans des zones de plus en plus fréquentées par les humains. Bien que présents au Népal et au Bhoutan, il n'y a pas d'informations sur les loups qui s'y trouvent[175].
200
+
201
+ Les populations de loups dans toute l'Asie du Nord et centrale sont très méconnues, mais sont estimées à plusieurs centaines de milliers d'après les abattages annuels. Depuis la chute de l'Union soviétique, l'extermination des loups à l'échelle du continent a cessé, et les populations de loups sont passées à environ 25 000 à 30 000 individus en ex-Union soviétique. En Chine et en Mongolie, les loups ne sont protégés que dans les réserves. Les populations mongoles ont été estimées entre 10 000 et 30 000, tandis que le statut des loups en Chine est plus fragmentaire. Le nord a une population de loups en déclin, estimée à 400 individus, tandis que le Xinjiang et le Tibet abritent respectivement environ 10 000 et 2 000 loups[185].
202
+
203
+ Aux États-Unis, la destruction a fait chuter la population de loups de 400 000 individus au XVIIIe siècle à 1 000 en 1970, les loups étant confinés dans trois États (Michigan, Minnesota, Alaska)[186].
204
+
205
+ À l'origine, le Loup gris occupait toute l'Amérique du Nord au nord des 20° Nord. Cela s'est produit sur tout le continent, sauf au Sud-Est des États-Unis, à l'ouest de la Sierra Nevada californienne, et dans les régions tropicales et subtropicales du Mexique. Parmi les grandes îles continentales occupées par les loups se trouvaient Terre-Neuve, l'île de Vancouver, le sud-est des îles de l'Alaska, l'archipel Arctique et le Groenland[44]. Bien que les naturalistes Lohr et Ballard aient postulé que le Loup gris n'avait jamais été présent sur l'Île-du-Prince-Édouard[187],[188]:392, l'analyse des références à la faune indigène de l'île dans des documents historiques inédits ou publiés a révélé que l'espèce y résidait au moment de la première colonisation française en 1720. Dans sa lettre du 6 novembre 1721 au Ministre français de la Marine, Louis Denys de La Ronde rapporte que l'île abrite des loups « d'une taille prodigieuse », et envoie une peau de loup en France pour prouver son affirmation. Comme l'île a été défrichée pour la colonisation, la population de loups gris a peut-être disparu ou s'est déplacée vers le continent sur la glace d'hivers : les quelques rapports ultérieurs sur les loups datent du milieu du XIXe siècle et décrivent les créatures comme des visiteurs de passage de l'autre côté du détroit de Northumberland[188]:386.
206
+
207
+ Le déclin des populations de loups d'Amérique du Nord a coïncidé avec l'augmentation des populations humaines et l'expansion de l'agriculture. Au début du XXe siècle, l'espèce avait presque disparu de l'Est des États-Unis à l'exception de certaines régions des Appalaches et du nord-ouest de la région des Grands Lacs. Au Canada, le Loup gris a disparu du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse entre 1870 et 1921, et à Terre-Neuve vers 1911. Il a disparu des régions du sud du Québec et de l'Ontario entre 1850 et 1900. Le déclin du Loup gris dans les prairies a commencé avec l'extermination du bison américain et d'autres ongulés dans les années 1860 et 1870. Des années 1900 à 1930, le Loup gris a été pratiquement éliminé de l'Ouest des États-Unis et des régions voisines du Canada à cause des programmes intensifs de lutte contre les prédateurs visant à éradiquer l'espèce. Le Loup gris a été exterminé par les gouvernements fédéral et des États de tous les États-Unis en 1960, sauf en Alaska et dans le nord du Minnesota. Le déclin des populations de loups d'Amérique du Nord s'est inversé entre les années 1930 et le début des années 1950, en particulier dans le sud-ouest du Canada à cause de l'expansion des populations d'ongulés suite à une meilleure réglementation de la chasse au gros gibier. Cette augmentation a déclenché une reprise de la lutte contre le loup dans l'Ouest et le Nord du Canada. Des milliers de loups ont été tués entre le début des années 1950 et le début des années 1960, principalement par empoisonnement. Cette campagne a été interrompue et les populations de loups ont de nouveau augmenté vers le milieu des années 1970[44].
208
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209
+ L'aire de répartition actuelle de l'espèce en Amérique du Nord est principalement confinée à l'Alaska et au Canada, avec des populations également présentes dans le nord du Minnesota, le nord du Wisconsin et la péninsule supérieure du Michigan, ainsi que dans de petites parties du Washington, de l'Idaho, du nord de l'Oregon et du Montana. Selon les estimations des responsables de la faune de la Californie., une population fonctionnelle de loups devrait exister dans l'État d'ici 2024[189]. Les loups canadiens ont commencé à recoloniser naturellement le nord du Montana autour du Parc national de Glacier en 1979, et la première tanière de loups dans l'Ouest des États-Unis depuis plus d'un demi-siècle a été documentée en 1986[190]. La population de loups dans le nord-ouest du Montana a d'abord augmentée en raison de la reproduction naturelle et de la dispersion de jusqu'à environ 48 loups à la fin de 1994[191]. De 1995 à 1996, des loups de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ont été déplacés au parc national de Yellowstone et en Idaho. En plus, le loup mexicain (Canis lupus baileyi) a été réintroduit en Arizona et au Nouveau-Mexique en 1998. Le loup gris se trouve dans environ 80 % de son aire de répartition historique au Canada, ce qui en fait un bastion important pour l'espèce[44].
210
+
211
+ Le Canada abrite environ 52 000 à 60 000 loups, dont le statut juridique varie selon les provinces et les territoires. Les résidents des Premières nations peuvent chasser le loup sans restriction, et certaines provinces exigent des permis pour que les résidents puissent chasser le loup alors que d'autres ne le font pas. En Alberta, les loups sur des terres privées peuvent être appâtés et chassés par le propriétaire sans permis et, dans certaines régions, il existe des programmes de chasse à prime au loup[192],[193]. Le contrôle à grande échelle des populations de loups par empoisonnement, piégeage et chasse aérienne est aussi actuellement menée par des programmes mandatés par le gouvernement afin de soutenir les populations d'espèces proies en voie de disparition comme le Caribou des bois[194].
212
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213
+ En Alaska, la population de loups gris est estimée entre 6 000 et 7 000 individus et peut être tuée légalement pendant les saisons de chasse et de piégeage, avec des limites de prises (bag limits) et d'autres restrictions. En 2002, il y avait 250 loups dans 28 meutes à Yellowstone et 260 loups dans 25 meutes en Idaho. Le loup gris a reçu la protection de l'Endangered Species Act (ESA) au Minnesota, au Wisconsin et au Michigan en 1974, et a été reclassé d'espèce en voie de disparition à espèce menacée en 2003. Les loups du Mexique réintroduits en Arizona et au Nouveau-Mexique sont protégés en vertu d'ESA et, à la fin de 2002, il y a 28 individus dans huit meutes[195]. Une louve abattue en 2013 dans le comté de Hart par un chasseur a été le premier loup gris vu dans le Kentucky dans les temps modernes. L'analyse de l'ADN par les laboratoires de la Pêche et de la Faune a révélé des caractéristiques génétiques similaires à celles des loups dans la région des Grands Lacs[196].
214
+
215
+ Il y a environ 50 millions d'années est apparu un mammifère avec des dents en partie conçues pour découper la viande, les carnassières. Au cours des 10 millions d'années qui suivirent, ces créatures se sont développées en grand nombre et sous des formes différentes. Une de ces espèces, appelée Miacis, ressemblait aux chiens d'aujourd'hui. L'espèce Miacis fait partie de la famille des Miacidae, de laquelle sont issues toutes les familles actuelles de mammifères carnivores.
216
+
217
+ L'ancêtre le plus probable du loup et peut-être du coyote est Canis lepophagus, un canidé au crâne étroit vivant en Amérique du Nord au Miocène. Les premiers loups actuels sont apparus à la limite entre le Blancien et l'Irvingtonien (1,8 million d'années avant aujourd'hui). Parmi eux, Canis priscolatrans ressemblait au loup rouge et a colonisé l'Eurasie en passant par le détroit de Béring : la population eurasienne C. priscolatrans a évolué en Canis etruscus puis Canis mosbachensis. Cette dernière forme a évolué vers Canis lupus puis re-colonisé l'Amérique à la fin du Rancholabréen, où il a cohabité avec un canidé de grande taille Canis dirus, disparu il y a 8 000 ans après la disparition de ses proies[197].
218
+
219
+ La recolonisation nord-américaine s'est probablement produite en plusieurs vagues. Les sous-espèces américaines C. l. baileyi (loup du Mexique), C. l. lycaon (loup de l'Est) et C. l. rufus (loup rouge) présentent des traits primitifs et des similitudes systématiques. À la fin du Pléistocène, plusieurs indices indiquent des flux migratoires vers le Sud de l'Amérique du Nord[197].
220
+
221
+ L'apparence du Loup gris présente une grande variabilité selon leur région d'origine. De nombreuses sous-espèces ont été décrites sur la base de quelques individus, sans prendre en compte la variabilité phénotypique naturelle de l'espèce. Ainsi, Edward Alphonso Goldman décrit 24 sous-espèces américaines différentes en 1944[19]. Une quarantaine de sous-espèces de Canis lupus ont pu être décrites ; la base Mammal Species of the World en recense 39[198] et le système d'information taxonomique intégré (SITI) 38 sous-espèces[199].
222
+
223
+ Les recherches actuelles sont fondées sur des critères multifactoriels tels que la morphologie, la paléontologie, le comportement et les analyses génétiques. Cette réorientation de la description des sous-espèces a conduit à réduire considérablement le nombre de sous-espèces en considérant qu'il s'agit dans la majorité des cas d'adaptations locales de l'espèce Canis lupus.
224
+
225
+ En 1983, Nowak propose de réduire les loups d'Amérique à cinq sous-espèces : Canis lupus occidentalis, arctos, baileyi, nubilus et lycaon. Son argumentation se développe autour de la séparation géographique en Amérique du Nord de cinq populations de loups au cours de la glaciation du Pléistocène, isolation durable qui aurait permis la formation des différentes formes. Les cinq formes de loups sont par la suite confirmées par des études génétiques[19]. Par la suite, en 2004, l'analyse génétique menée sur 102 loups de 24 meutes différentes sur 12 ans, semble montrer que Canis lupus lycaon, le Loup de l'Est constitue probablement l'espèce Canis lycaon, proche du loup rouge (Canis rufus) et du coyote (Canis latrans)[200],[201]. Les sous-espèces américaines du loup gris sont les suivantes :
226
+
227
+ De même, la classification des loups en Eurasie, qui a connu jusqu'à une quinzaine de sous-espèces différentes a subi quelques modifications. Nowak propose en 1995 un modèle à neuf sous-espèces[19] : Canis lupus lupus, Canis lupus albus, Canis lupus arabs, Canis lupus cubanensis, Canis lupus communis, Canis lupus hodophilax, Canis lupus hattai, Canis lupus lupaster, Canis lupus pallipes. Par la suite, en 2004 puis 2005, les études semblent montrer que C. l. arabs et C. l. pallipes sont synonymes[202]. En 2007, des études menées sur l'ADN mitochondrial pointent la possibilité que Canis lupus chanco et Canis lupus pallipes soient des espèces à part entière, dénommées Canis himalayensis et Canis indica[203].
228
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229
+ Les populations du loup gris présentes dans les Apennins en Italie ont été isolées pendant plusieurs milliers d'années au Sud des Alpes, selon une étude publiée en 2004. La calotte glaciaire sur les Alpes et le Pô auraient formé une barrière naturelle lors de la glaciation de Würm (18 000 ans avant le présent)[204]. Les études morphologiques valident une différenciation entre les loups présents en Italie et ceux du reste de l'Europe, ainsi que l'absence d'hybridation avec le chien domestique[205]. Ces découvertes vont dans le sens d'une sous-espèce Canis lupus italicus, bien que le sujet soit encore débattu[206]. En Espagne, les populations de loups pourraient également être une sous-espèce désignée sous le nom de Canis lupus signatus[206].
230
+
231
+ L'origine du chien domestique est encore aujourd'hui relativement débattue. Le Loup gris et le chien domestique actuels descendent très vraisemblablement d'un ancêtre commun, ayant, selon une étude chinoise, vécu il y a 30 000 ans, en Asie du Sud-Est[207]. En effet, la diversité génétique des populations canines étudiées était maximale en Asie du Sud-Est[208]. Le Chacal doré ou peut-être le résultat d'une hybridation de différentes espèces présentes et passées de canidés[209],[210].
232
+
233
+ La principale différence entre le loup et le chien repose en la capacité digestive de l'amidon par ce dernier, probablement corrélée avec la proximité des groupes humains.
234
+
235
+ Toutefois, le chien est généralement considéré comme une sous-espèce de Canis lupus : Canis lupus familiaris[210]. Deux autres sous-espèces de Canis lupus sont issues de chiens domestiques retournés à l'état sauvage : le Dingo (Canis lupus dingo) et le Chien chanteur (Canis lupus halstromi)[209].
236
+
237
+ L'hybridation naturelle est fréquente entre les membres des Canidae qui sont féconds entre eux. De nombreuses populations ont un statut débattu sur leur qualité d'espèce, de sous-espèces du loup gris ou le résultat d'une hybridation. Ces débats revêtent une importance particulière pour la création ou le maintien des programmes de préservation d'une espèce ou d'une sous-espèce, un hybride n'ayant pas de statut de protection.
238
+
239
+ Le Loup de l'Est (Canis lycaon) se reproduit régulièrement avec le Loup gris ou le Coyote. Sa caractérisation taxonomique n'en est que plus compliquée. Cela est généralement considéré comme négatif pour l'espèce, qui peut perdre son intégrité génétique. Cependant, il se pourrait que l'hybridation permette spécifiquement au Loup de l'Est de s'adapter plus rapidement aux changements dans son environnement[201]. Cette hybridation n'est pas sans conséquence pour le Loup gris : ainsi, les meutes des Grands lacs ont été dé-listées de l’Endangered Species Act, toutefois, des analyses génétiques ont montré que les nouvelles populations s'hybridaient depuis plus d'un siècle avec le Loup de l'Est[211].
240
+
241
+ Le Loup rouge (Canis rufus) a été classé en tant qu'espèce à part entière depuis le début des années 1970[212]. Une minorité d'auteurs le considère comme un hybride entre un loup gris et le coyote (Canis latrans) à la suite de plusieurs études génétiques controversées menées depuis 1992[213],[214], son nom scientifique est alors Canis lupus × Canis latrans[215]. Au Texas, Coyote, Loup du Mexique (Canis lupus baileyi) et Loup rouge sont des espèces sympatriques. Les analyses réalisées autant sur des marqueurs génétiques issus tant de la lignée maternelle (ADN mithocondrial) que la lignée paternelle (chromosome Y) montrent que les croisements entre les trois espèces ont eu lieu sporadiquement, hormis pour le Loup rouge où celle-ci a pris une grande importance. Les populations captives de Loup du Mexique semblent exemptes de traces d'hybridation. Les auteurs concluent sur le caractère complexe et non résolu de l'hybridation introgressive pour ces trois espèces, les caractères morphologiques (sexe, taille) ou la densité de population ne pouvant expliquer clairement le phénomène[216].
242
+
243
+ En 2017, l'ONCFS publiait une étude réalisée par un laboratoire d'analyses génétiques qui établissait que l'hybridation du loup était un phénomène très limité en France[217].
244
+
245
+ Depuis la Préhistoire[218], le statut du Loup gris semble avoir suivi la même évolution sur une grande partie de son aire de répartition historique. Ainsi, il a d'abord été respecté ou vénéré, puis a été vu comme un concurrent ou un être maléfique à exterminer, avant de bénéficier d'un protection variable en fonction des pays[219],[220]. La domestication du loup gris s'est effectuée à la Préhistoire et a donné le chien[221], une sous-espèce.
246
+
247
+ Le Loup est aussi un symbole culturel ou religieux pour de nombreuses civilisations, aussi bien positif que négatif. Il a fait l'objet de beaucoup de fausses croyances renvoyant aux peurs de l'humain et servant de miroir[222]. L'espèce a donc inspiré beaucoup de mythes et de légendes, ainsi que des histoires comme le loup-garou, les enfants-loups ou encore la bête du Gévaudan. L'espèce avait parfois un culte dédié dans certaines villes ou servait d'ancêtre de certains clans ou communautés[223]. Il est également très présent dans la culture populaire via des fables ou d'autres médias.
248
+
249
+ Les civilisations ayant côtoyées le Loup gris présentent des noms propres qui contiennent le nom de l'espèce. Il peut s'agir de noms de personnes[224] ou de lieu[réf. souhaitée]. Ainsi, la littérature vieil-anglaise contient plusieurs exemples de rois et de guerriers anglo-saxons (en) prenant wulf comme préfixe ou suffixe dans leurs noms[224].
250
+
251
+ Le Loup est un motif commun dans les mythologies et cosmologies fondatrices des peuples d'Eurasie et d'Amérique du Nord, c'est-à-dire l'étendue historique de l'habitat de Canis lupus. L'attribut visible du Loup gris est sa nature de prédateur et, par conséquent, il est fortement associé au danger et à la destruction, ce qui en fait le symbole du guerrier d'une part, et celui du diable d'autre part. Le trope moderne du Grand Méchant Loup en est une évolution. Le Loup a une grande importance dans les cultures et les religions des peuples nomades, tant dans la steppe eurasienne que dans les plaines nord-américaines. Dans de nombreuses cultures, l'identification du guerrier au Loup (totémisme) a donné naissance à la notion de lycanthropie, c'est-à-dire l'identification mythique ou rituelle d'un humain et d'un loup.
252
+
253
+ Le loup est présent dans les fables et tous les médias[réf. souhaitée].
254
+
255
+ La prédation du bétail a été l'une des principales causes de la chasse au loup qui a même pu conduire à son extermination dans certaines zones : en plus de causer des pertes économiques, la menace que constitue cette prédation exerce une grande pression sur les éleveurs[225].
256
+
257
+ Certains pays aident à compenser les pertes économiques subies à cause des loups par le biais de programmes d'indemnisation ou d'assurances publiques[226]. La France met ainsi en œuvre depuis 2004 les systèmes d'aide les plus complets avec une aide au financement du gardiennage par des bergers ou par l’éleveur, de l’achat/entretien de chiens de protection des troupeaux et de parcs de regroupement mobiles ou fixes[227]. Elle détient cependant de loin le record du nombre de victimes (en valeur absolue ou rapportés au nombre de loups) mais paradoxalement aussi celui du coût public de la protection et du montant des indemnisations de dommages. La taille du troupeau (jusqu'à 5000 bêtes par berger en France comparé à un maximum de 1000 moutons dans les pays voisins) semble être une des causes de l'efficacité réduite des mesures françaises[228].
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259
+ Les loups attaquent surtout le bétail lorsque les proies sauvages sont épuisées (ou que les troupeaux sont peu protégés) : en Eurasie, une grande partie de l'alimentation de certaines populations de loups est constituée de bétail alors que celà est rare en Amérique du Nord où les populations saines de proies sauvages ont été largement rétablies[225]. La majorité des pertes se produisent pendant la période de pâturage d'été, le bétail non soigné dans les pâturages éloignés étant le plus vulnérable à la prédation par les loups[229]. Les espèces animales les plus fréquemment ciblées sont le mouton (Europe), le renne domestique (Nord de la Scandinavie), la chèvre (Inde), le cheval (Mongolie), les bovins et la dinde (Amérique du Nord)[225]. Le nombre d'animaux tués en une seule attaque varie selon les espèces : la plupart des attaques contre les bovins et les chevaux entraînent la mort d'un animal, tandis que les dindes, les moutons et les rennes domestiques peuvent être tués en surplus[230]. Les loups attaquent principalement le bétail quand les animaux broutent, bien qu'ils s'introduisent parfois dans des enclos clôturés[87]. Dans certains cas, les loups n'ont pas besoin d'attaquer physiquement le bétail pour l'affecter négativement : le stress que subit le bétail en étant vigilant vis à vis des loups peut entraîner des fausses couches, une perte de poids et une diminution de la qualité de la viande[231].
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+ Les loups sont difficiles à chasser en raison de leur insaisissabilité, de leurs sens aiguisés, de leur grande endurance et de leur capacité à neutraliser et tuer rapidement les chiens de chasse[232]. Les méthodes historiques comprennent l'abattage des portées nées au printemps dans leur tanière, la poursuite avec les chiens (en général des combinaisons de lévriers, de chiens de Saint-Hubert et de fox-terriers), l'empoisonnement à la strychnine et le piégeage[233],[234],[235]. Une méthode populaire de chasse au loup en Russie consiste à piéger une meute dans une petite zone en l'encerclant avec des poteaux à fladry (en) portant un parfum humain. Cette méthode repose en grande partie sur la peur des odeurs humaines par le loup, mais elle peut perdre de son efficacité lorsque les individus s'y habituent[235]. Certains chasseurs sont capables d'attirer les loups en imitant leurs cris[235]. Au Kazakhstan et en Mongolie, les loups sont traditionnellement chassés avec des aigles et des faucons, mais cette pratique est en déclin, les fauconniers expérimentés étant de moins en moins nombreux[235]. Tirer sur les loups à partir d'un avion est très efficace en raison de la visibilité accrue et des lignes de tir directes[235], mais controversé[236]. Plusieurs types de chiens, comme le Barzoï, l'Irish wolfhound et le Kyrgyz Tajgan ont été spécialement élevés pour la chasse au loup[237].
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+ Depuis les années 1990, le loup est une espèce protégée aux niveaux international, européen et français mais cette protection peut faire l'objet de dérogations pour prévenir de dommages importants à l'élevage, s'ils perdurent malgré la mise en place de moyens de protection et sous réserve que ces dérogations ne nuisent pas au maintien des populations dans un état de conservation favorable.
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+ Les limites d'abattage sont fixées en France par arrêté ministériel sur la base d'une expertise de l'OFB[238]. Par exemple, cette limite était de 10% de la population de loups pour l'année 2018 et est augmentée à 19% pour l'année 2019 (sans tenir compte du braconnage ou des morts accidentelles)[239]. Les conditions d'abattage, lorsque les opérations d'effarouchement restent inefficaces, sont[240]:
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+ L'abattage est ici un moyen choisi par le gouvernement pour pacifier les tensions entre éleveurs, dont certains réclament encore l’éradication du loup, et les associations de protection de la nature qui réclament au contraire une protection a minima jusqu'à atteindre un état de conservation favorable (estimé entre 2 500 et 5 000 adultes)[241], tandis que les constats sur le terrain montrent que cette régulation du nombre de loups ne réduit pas les dommages aux troupeaux mais désorganise au contraire les meutes et peut conduire à l'effet inverse[242][243].
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+ La peur du loup a été omniprésente dans de nombreuses sociétés, même si les humains ne font pas partie de ses proies naturelles[6]. La réaction des loups aux humains dépend en grande partie de leur expérience passée avec eux : les loups qui n'ont jamais eu d'expérience négative des humains, ou qui sont conditionnés par la nourriture, peuvent se montrer peu craintifs des gens[244]. Bien que les loups puissent se montrer agressifs s'ils sont provoqués, de telles attaques se limitent le plus souvent à des morsures rapides aux extrémités, et les attaques ne sont pas pressées. Les attaques prédatrices (attaques de loups traitant les humains comme de la nourriture) peuvent être précédées d'une longue période d'habituation, au cours de laquelle les loups perdent progressivement leur peur d'homo sapiens. Les victimes sont mordues à plusieurs reprises à la tête et au visage, puis sont traînées et consommées, à moins que les loups ne soient repoussés. En général, ce genre d'attaques ne se produisent que localement et ne s'arrêtent pas tant que les loups impliqués ne sont pas éliminés. Les attaques de prédateurs peuvent se produire à tout moment de l'année, avec un pic de juin à août, lorsque les chances d'entrée dans les zones forestières (pour le pâturage du bétail ou la cueillette de baies et de champignons) augmentent[6]. Quelques cas d'attaques de loups non-enragés en hiver ont aussi été enregistrés au Bélarus, dans les oblasts de Kirov et Irkoutsk, en Carélie et en Ukraine[24]. En plus, les loups qui ont des petits subissent un stress alimentaire plus important durant cette période[24].
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+ La majorité des victimes des attaques de loups prédateurs sont des enfants de moins de 18 ans et, dans les rares cas où des adultes sont tués, les victimes sont presque toujours des femmes. Les cas de loups sauvages enragés sont faibles par rapport aux autres espèces car les loups ne sont pas les principaux réservoirs de la maladie, mais ils peuvent être infectés par des animaux comme les chiens, les chacals ou les renards. Les cas de rage chez les loups sont très rares en Amérique du Nord, mais nombreux dans les pays de Méditerranée orientale, au Moyen-Orient et en Asie centrale. Les loups développent apparemment la phase « furieuse » de la rage à un degré très élevé qui, associée à leur taille et à leur force, pourrait faire des loups les animaux enragés les plus dangereux[6], les morsures des loups enragés étant 15 fois plus dangereuses que celles des chiens[24]. Les loups enragés agissent habituellement seuls, parcourant de grandes distances et mordant souvent un grand nombre de personnes et d'animaux domestiques. La plupart des attaques de loups enragés se produisent au printemps et à l'automne. Contrairement aux attaques prédatrices, les victimes de loups enragés ne sont pas mangées, et les attaques ne se produisent généralement qu'un seul jour. Les victimes sont choisies au hasard, même si la majorité des cas concernent des hommes adultes. Pendant 50 ans jusqu'en 2002, il y a eu huit attaques mortelles en Europe et en Russie, et plus de 200 en Asie du Sud[6]. En 2005 et 2010, deux personnes ont été tuées et partiellement dévorées par des loups en Amérique du Nord, Kenton Carnegie et Candice Berner[245],[246].
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+ Le loup est un animal sauvage doté d'instincts précis lui permettant d'exceller dans la vie sauvage. Domestiquer le loup nécessiterait une sélection permettant de limiter les instincts les plus incompatibles avec une vie domestique, ce qui nécessiterait de nombreuses générations comme cela fut le cas pour la domestication du chien.
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+ Le cas le plus fréquent pour l'apprivoisement se fait via une imprégnation, où l'humain se substitue aux parents en élevant le louveteau, ou, comme pour les chiens, en mettant fréquemment le louveteau au contact d'humain durant ses premières semaines. Le comportement de l'animal demeure foncièrement différent de celui du chien, ce qui est source éventuelle de danger et d'autres problèmes.
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+ D'autres personnes tentent de « minimiser » ce comportement typique du loup en hybridant chien et loup. Il demeure que, dans les deux cas, loup apprivoisé ou hybride, ces animaux ont une faible crainte de l'humain et du fait d'un comportement très spécifique, auquel en général les humains ne sont pas habitués, des incidents ou des accidents graves peuvent survenir. Ainsi, aux États-Unis, entre 1986 et 1994, ont été répertoriés plusieurs cas d'enfants mutilés dont 9 cas ayant entraîné la mort de l'enfant. Ces pratiques sont déconseillées entre autres par l'IUCN Wolf Specialist Group[247].
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+ Certaines populations de Canis lupus ont évolué parallèlement aux loups, puis choisi de s'allier avec l'homme pour obtenir des proies plus facilement, jusqu'à devenir peu à peu le chien domestique et toutes les races que nous lui connaissons. Les chiens parias, semi sauvages, de l'Inde donnent une idée de ce qu'a pu être cette évolution progressive vers la domestication.
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+ L'homme cherche aussi à faire des croisements entre le chien et le loup dans le but d'augmenter la résistance des chiens et leurs performances physiques, perdues au fil des sélections. Les chiens-loups sont des hybrides plus ou moins stables. En France par exemple ne sont reconnues que les races appelées chien-loup tchécoslovaque et de chien-loup de Saarloos mais d'autres tentatives sont faites aussi en Amérique du Nord.
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+ Grand-duché de Luxembourg
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+ (lb) Groussherzogtum Lëtzebuerg
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+ (de) Großherzogtum Luxemburg
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+ 49° 36′ 33″ N, 6° 07′ 55″ E
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+ Le Luxembourg, en forme longue le Grand-Duché de Luxembourg[3],[b],[c] ou le grand-duché de Luxembourg[d], en luxembourgeois Lëtzebuerg Écouter et Groussherzogtum Lëtzebuerg, en allemand Luxemburg et Großherzogtum Luxemburg, est un pays d'Europe de l'Ouest sans accès à la mer[e]. Il est bordé par la Belgique à l'ouest et au nord, l'Allemagne à l'est, et la France au sud. Il comprend deux régions principales : l'Oesling au nord, qui est une partie du massif de l'Ardenne, et le Gutland au sud, prolongement de la Lorraine au sens géologique du terme. Le Luxembourg compte 602 005 habitants au 1er janvier 2018[1], et s'étend sur une superficie de 2 586 km2, faisant de lui l'une des plus petites nations souveraines d'Europe.
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+ Le Luxembourg est une démocratie représentative et une monarchie constitutionnelle avec un grand-duc pour chef d'État, faisant du pays le seul grand-duché encore existant en tant qu'État souverain. Son économie dynamique en fait un des pays les plus riches et des plus prospères du monde, avec le PIB par habitant le plus élevé du monde selon le FMI en 2014. L'économie est principalement centrée sur les activités financières (environ la moitié du produit intérieur brut), favorisée par une fiscalité attractive voire dérisoire dans certains domaines (quasi-exonération d'impôts pour les bénéfices issus de l'exploitation de brevets ou de logiciels). Selon l'ONG Oxfam, en 2017, le Luxembourg figure parmi « les paradis fiscaux les plus agressifs utilisés par les entreprises ». La localisation centrale du territoire luxembourgeois en Europe a historiquement fait de lui un lieu d'une grande importance stratégique pour de nombreuses puissances, depuis sa fondation en tant que fortin romain[8], son accueil d'un château franc durant le Haut Moyen Âge, et son rôle de bastion pour le chemin des Espagnols entre les XVIe et XVIIe siècle.
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+ Le Luxembourg est le plus petit membre fondateur de l'Union européenne, de la zone euro, de l'OTAN, de l'OCDE, de l'ONU, de l'OSCE et du Benelux, reflétant son consensus politique en faveur de l'intégration économique, politique et militaire. La ville de Luxembourg, sa capitale et sa plus grande ville, est le siège de plusieurs établissements et institutions de l'Union européenne. En 2012, le Luxembourg a été élu pour la première fois de son histoire à un siège temporaire au Conseil de sécurité des Nations unies. En raison de sa position géographique, la culture luxembourgeoise est une fusion de l'Europe germanique et romane, intégrant chacune des deux. De ce fait, le Luxembourg est un pays trilingue : le luxembourgeois, le français et l'allemand sont les trois langues officielles et, depuis 1984, le luxembourgeois a légalement le statut de « langue nationale »[9].
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+ Le Grand-Duché de Luxembourg est situé au cœur de l'Europe occidentale, entre la Belgique, l'Allemagne et la France. Le Grand-Duché présente deux régions naturelles : l'Oesling, au nord, et le Gutland, comprenant la vallée de la Moselle à l'est ainsi que le bassin minier au sud. La superficie totale du pays est de 2 586,4 km2, l'Oesling occupant 828 km2 et le Gutland 1 758 km2. Ses points culminants sont le Burrigplatz (559 m) et le Kneiff (560,3 m).
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+ Luxembourg est située à une altitude de 300 m au-dessus du niveau de la mer. La capitale surprend par le contraste entre les quartiers modernes, perchés sur un plateau rocheux découpé à pic, et les trois quartiers bas que sont Grund, Clausen et Pfaffenthal. Depuis les années 1960, le quartier européen avec les institutions européennes est implanté sur le plateau de Kirchberg, au nord-est de la ville.
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+ La variété des paysages constitue l'un des grands attraits du Luxembourg, qui se divise en deux régions principales, l'Oesling et le Gutland.
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+ Le pays est presque totalement inclus dans le bassin versant de la Moselle, donc du Rhin. Les quatre rivières les plus importantes du Grand-Duché sont la Moselle, la Sûre, l'Our et l'Alzette. Les autres sont la Mess, la Mamer, l'Eisch, l'Attert et la Wark à l'ouest ; la Wiltz, la Clerve et la Blees au nord ; l'Ernz blanche, l'Ernz noire, la Syre et la Gander à l'est. La Pétrusse est un cours d'eau mineur qui traverse la ville de Luxembourg, avant de se jeter dans l'Alzette. Mis à part la Chiers qui quitte le Sud-Ouest du pays pour le bassin de la Meuse, ainsi que la Fooschtbaach qui quitte le Nord du pays près de Hautbellain également pour le bassin de la Meuse, les rivières du Luxembourg sont tributaires du bassin du Rhin par l'intermédiaire de la Moselle.
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27
+ Le Luxembourg n'a pas un climat parfaitement défini : il oscille entre le climat océanique de la zone atlantique (écarts saisonniers faibles, hivers doux et pluvieux) et le climat continental des plaines de l'Europe orientale (écarts saisonniers marqués, hivers rudes et ét��s pluvieux). L'influence océanique amène des précipitations en toute saison et l'influence continentale amène un froid piquant et sec l'hiver. De mai à la mi-octobre, le climat est tempéré. Juin, juillet et août sont les mois les plus chauds ; juillet et août souvent les plus ensoleillés. En septembre et octobre, le Luxembourg connaît souvent son propre « été indien ». La température moyenne annuelle est de 9,4 °C, elle oscille entre −2,6 °C et 21,6 °C (1981-2010). De légères variations de température existent entre le nord et le sud du pays ; elles sont dues à une différence d'altitude et se situent autour de 2 °C.
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+ Le territoire du Grand-Duché est divisé en 102 communes — dont douze ont le statut de ville établi par la loi —. Les communes sont regroupées en douze cantons, qui ne sont pas des découpages à but administratif, ils servent uniquement à définir les quatre circonscriptions électorales et les deux arrondissements judiciaires (Luxembourg et Diekirch), au contraire des trois anciens districts (Diekirch, Grevenmacher et Luxembourg) abolis en 2015 et qui avaient notamment pour rôle la surveillance de la gestion des administrations communales ; l'État a repris l'ensemble de ces compétences.
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+ Les douze cantons sont :
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+ Sur le plan électoral, le Grand-Duché est subdivisé en quatre circonscriptions électorales : Nord, Est, Sud et Centre.
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+ Sur le plan judiciaire, le Grand-Duché est subdivisé en deux arrondissements, celui de Luxembourg et celui de Diekirch. L'arrondissement de Luxembourg possède deux centres de justice de paix (Luxembourg et Esch-sur-Alzette), l'arrondissement de Diekirch n'en possède qu'un (Diekirch).
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37
+ Le jour du dépassement (date de l'année, calculée par l'ONG américaine Global Footprint Network, à partir de laquelle l'humanité est supposée avoir consommé l'ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an) du pays[Note 1] est en 2019 le 15 février. Le Luxembourg est le pays de l'UE dont la consommation dépasse le plus les capacités de la planète[11].
38
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39
+ Le réseau Natura 2000 rassemble des sites naturels ou semi-naturels de l'Union européenne ayant une grande valeur patrimoniale, par la faune et la flore exceptionnelles qu'ils contiennent.
40
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+ En décembre 2018, le Luxembourg comptait 66 sites dont[12],[13] :
42
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+ La superficie totale est de 702 km2, ce qui représente 27 % de la surface terrestre du territoire du Luxembourg[14].
44
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45
+ La plus ancienne forme du nom est Lucilinburhuc — petite forteresse ou fortin —, dans une charte en latin datée de 963. En 1056, on trouve Lucelenburc ; en 1261, on rencontre Lucembour ; en 1244, déjà, on avait Luxemburgum dans un texte rédigé en latin ; et au bas Moyen Âge, on trouve Luxemburg (1377) en allemand et Luxembourg (1446) en français.
46
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47
+ La forme orale Lëtzebuerg, que ce soit en francique mosellan ou en luxembourgeois contemporain, a pu, dans le passé, être transcrite Lützelburg en allemand de chancellerie ou dans des ouvrages publiés par des auteurs allemands ; on trouve aussi Lützenburg au XVIIe siècle (cf. Topographie de Matthäus Merian), voire d'autres graphies[15].
48
+
49
+ Sur un territoire habité par le peuple celto-germanique des Trévires, envahi successivement par les Romains et les Francs ripuaires, le château fort de Luxembourg, noyau de la future ville de Luxembourg et du comté du même nom, est fondé en 963. C'est du moins la date qui figure sur la charte d'échange signée par Sigefroid, comte d'Ardenne, et l'abbaye Saint-Maximin de Trèves. Le premier cède un domaine sis à Feulen, près d'Ettelbruck, en échange d'un promontoire rocheux surplombant l'Alzette où se trouvent les ruines d'un ancien castel datant de la fin de l'époque romaine et appelé Lucilinburhuc (= petite forteresse). Ce castel en ruines, bientôt remplacé par un nouveau castrum ou château fort, laissera son nom à ce dernier, à la ville qui ne tardera pas à naître autour et au futur comté : Luxembourg, en luxembourgeois Lëtzebuerg. Ce n'est que peu avant le milieu du XIe siècle qu'apparaît le titre de comte de Luxembourg. Le premier à l'avoir porté était Giselbert (1047-1059).
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+ Au cours du Moyen Âge, les comtes sont souvent en guerre contre leurs voisins, notamment l'évêché de Metz et la cité de Metz, qui en sont créanciers, et le puissant archevêque de Trèves, qui a des biens dans l'espace luxembourgeois, cherche à contrôler seul la vallée de la Moselle (commerce entre Nancy et le Rhin) et à limiter l'expansionnisme des comtes de Luxembourg. En fait, les comtes de Luxembourg successifs cherchent à arrondir leur territoire tous azimuts. Finalement, le comté de Luxembourg trouvera ses limites là où des évêques solidement installés (Trèves, Liège, Metz…) et de puissantes abbayes (Stavelot-Malmedy, Prüm, Mettlach, Saint-Hubert…) sauront lui barrer la route.
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53
+ Le comte Henri est élu empereur en 1312. Son fils Jean épouse l'héritière du Royaume de Bohême. Les Luxembourg régneront sur l'Empire et la Bohême jusqu'en 1437 (sauf pendant le règne de Louis IV de Bavière). En 1354, Charles IV du Saint-Empire élève le comté et ses 'dépendances' (les comtés de Durbuy et de La Roche ainsi que le marquisat d'Arlon, notamment) au rang de duché. La Bohême et l'Empire passeront par mariage à la Maison de Habsbourg.
54
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55
+ La dernière duchesse de Luxembourg, Élisabeth de Goerlitz, vend le duché au duc Philippe III de Bourgogne en 1441. Par après, le duché passe par mariage à la Maison de Habsbourg en 1482. L'empereur Charles Quint le donne en héritage, avec l'ensemble des Pays-Bas espagnols, la Franche-Comté et le vaste domaine colonial à son fils Philippe II d'Espagne.
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57
+ Le comte de Mansfeld, gouverneur de la ville de Luxembourg, construit dans la basse-ville (faubourg de Clausen) un palais dans le style espagnol. Ce palais a pratiquement entièrement disparu, encore sous l'Ancien Régime. L'actuel palais grand-ducal dans la ville haute, pour sa part, remonte en partie au XVIe siècle : sa partie la plus ancienne avait été construite en remplacement de l'hôtel de ville qui avait brûlé.
58
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59
+ Dans le cadre de sa politique des Réunions, le roi de France Louis XIV, dont les troupes occupent déjà le Barrois et la Lorraine, annexe le duché en 1684 mais celui-ci est ensuite rendu au roi d'Espagne, son possesseur légitime, en 1697 tandis que le Barrois et la Lorraine voisins retrouvent leur indépendance. Il est, à la suite de la guerre de succession d'Espagne transmis en 1714/1715 à la branche autrichienne de la Maison de Habsbourg et forme désormais, avec les provinces belges, les Pays-Bas autrichiens. Il y a, à Vienne, une secrétairerie chargée des Pays-Bas autrichiens. Par mariage, la Maison de Habsbourg devient Maison de Habsbourg-Lorraine en 1736. À Bruxelles, un gouverneur général (ou une gouvernante générale, le cas échéant) représente l'empereur (ou l'impératrice, à l'époque de Marie-Thérèse d'Autriche). L'impératrice nomme gouverneur son beau-frère, le prince Charles-Alexandre de Lorraine et lui donne comme ordre de mission : « Soyez le premier coq du pays ». Ce prince très populaire s'éteindra en 1780.
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+ Les réformes imposées par l'empereur Joseph II mécontentent les populations et, en 1789, éclate une révolution qui, partant de Bruxelles gagne la plupart des provinces. D'abord battues, les armées autrichiennes reviennent puis sont chassées par les armées de la République française. Tout le territoire « autrichien », duché de Luxembourg compris, est alors annexé à la France en 1795 et bien vite transformé en neuf départements réunis à la France. La plus grande partie du ci-devant duché de Luxembourg forme le département des Forêts. Le traité de Campo-Formio, en 1797, réglera cette question en droit.
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+ Après la défaite française de 1815, le traité de Vienne intègre huit des neuf départements réunis au Royaume des Pays-Bas sous le roi Guillaume Ier (1815-1830). Le département des Forêts, pour sa part, bientôt augmenté à l'ouest et au nord-ouest de terres anciennement luxembourgeoises mais amputé de tout son territoire à l'est des rivières Moselle, Sûre et Our, sert à reconstituer un État luxembourgeois, intitulé « grand-duché » et donné en possession personnelle au désormais roi grand-duc Guillaume Ier. Simultanément, le nouvel État est intégré comme État-membre à la Confédération germanique. Ceci permet d'accorder à la Prusse, qui s'est étendue jusqu'en Rhénanie, un droit de garnison dans la forteresse (désormais fédérale) de Luxembourg.
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65
+ En 1830, le gros du grand-duché de Luxembourg, mécontent du gouvernement du Royaume uni des Pays-Bas, participe à la Révolution belge qui éclate à Bruxelles, se propage aux villes et campagnes et aboutit à l'indépendance de la Belgique. Guillaume Ier n'étant pas parvenu, par la suite, à reprendre ses provinces méridionales, formant désormais la Belgique, il finit par reconnaître l'indépendance de la Belgique après neuf ans de conflit, mais obtient de conserver la partie Est (germanophone au sens large) du Luxembourg avec la forteresse. La partie Ouest, elle, principalement romane (wallon et gaumais, à l'exception du Pays d'Arlon, en allemand et au patois luxembourgeois Areler Land, devient une province du jeune État belge. Le grand-duché, réduit en 1839 de plus de la moitié de son territoire de 1815, conserve son statut compliqué : union personnelle avec le royaume des Pays-Bas, membre de la Confédération germanique, avec la présence d'une garnison prussienne dans les murs de la forteresse fédérale de Luxembourg. Luxembourg est alors la place forte la plus importante d'Europe, située à 65 km au nord de Metz, la plus importante place-forte française.
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+ En 1866, à la suite de la guerre austro-prussienne remportée par la Prusse (bataille de Sadowa), la Confédération germanique est dissoute. Le Luxembourg se trouve désormais en dehors du monde allemand que la Prusse cherche à dominer. Mais il est vrai que le Luxembourg a été intégré au Zollverein dès 1842 ; et la Prusse « oublie » de retirer sa garnison de Luxembourg dès 1866. La crise luxembourgeoise en 1867, due à la volonté du roi grand-duc Guillaume III des Pays-Bas de vendre son grand-duché à Napoléon III, ce que l'Allemagne en voie d'unification (sous Otto von Bismarck) ne veut pas tolérer, a pour conséquence la reconnaissance internationale de l'indépendance du Grand-Duché et son statut de pays neutre, garanti par les pays signataires hormis la Belgique elle-même neutre. Bien sûr, la Prusse doit, à cette occasion, évacuer sa garnison, ce qui permet à Napoléon III de sauver au moins un peu la face. Metz devient alors la plus importante place-forte d'Europe ce qui explique la volonté de l'état-major allemand de l'annexer en 1871. Le Luxembourg - neutre sur les plans politique et militaire - est alors, Zollverein oblige, pour ainsi dire une province économique de l'Empire allemand. Vu l'annexion de l'Alsace-Lorraine à l'Empire allemand, le Grand-Duché de Luxembourg n'a plus qu'une toute petite frontière commune avec la France.
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+ En 1890, à la mort du roi grand-duc Guillaume III, qui n'avait pas d'héritier mâle alors que la loi luxembourgeoise ne permettait pas encore à une femme d'hériter de la couronne, le Grand-Duché passe à la maison de Nassau-Weilburg : c'est la fin de l'union personnelle, le Luxembourg et les Pays-Bas ont désormais des souverains différents bien que de la même maison. Le premier souverain de Luxembourg issu de la famille Nassau-Weilbourg n'est autre que le vieux duc de Nassau Adolphe, ancien allié de l'Autriche et, donc, déchu de son trône nassovien en 1866 au profit de la Prusse. À sa mort, son fils Guillaume hérite du trône grand-ducal. Cependant, Guillaume IV et son épouse Marie-Anne de Bragance n'ayant pas de descendance mâle mais six filles, la loi salique est abandonnée en 1907 au profit de la princesse Marie-Adélaïde, née en 1894, qui succède donc à Guillaume IV à la mort de ce dernier en 1912, la grande-duchesse ayant exercé la régence pendant la maladie de son mari.
70
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71
+ Pendant la Première Guerre mondiale, le Luxembourg est occupé par les Allemands, en violation de la neutralité, jusqu'en 1918. La grande-duchesse Marie-Adélaïde, contestée par une grande partie de la population du fait de certaines maladresses, voire erreurs politiques, choisit de se retirer dans un couvent et abdique au profit de sa sœur Charlotte qui, malgré certaines oppositions, épouse le prince Félix de Bourbon-Parme (beau-frère du dernier empereur d'Autriche). Les négociations du traité de Versailles en 1919 confirment l'indépendance du pays tandis qu'un référendum populaire (en septembre 1919) consolide l'indépendance du pays et la monarchie.
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+ En mai 1940, les Allemands violent à nouveau la neutralité luxembourgeoise et occupent le grand-duché[16]. La famille grand-ducale et le gouvernement, afin d'écarter tout risque d'être pris en otages par les nazis, s'exilent à Londres, ancrant l'autorité légitime luxembourgeoise dans le camp des Alliés. À l'instar de l'Alsace-Moselle française, le régime nazi considère le Luxembourg comme un territoire allemand (les jeunes seront ainsi enrôlés de force dans la Wehrmacht). Le pays est libéré en septembre 1944 par les troupes américaines mais subit d'énormes pertes et destructions lors de la contre-offensive von Rundstedt en décembre de la même année.
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75
+ Dès 1944, l'union du Benelux est conclue avec la Belgique et les Pays-Bas. Désormais, le pays s'inscrit dans le processus de la construction européenne. En 1948, le Luxembourg est membre fondateur du traité de Bruxelles et de l'OTAN. En 1952, Luxembourg-ville devient le siège de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). L'adhésion à la Communauté économique européenne est le point de départ d'une expansion économique et d'une augmentation toujours plus forte de l'immigration.
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+ Le Grand-Duché de Luxembourg, État souverain et indépendant depuis le traité de Londres du 19 avril 1839, est une démocratie parlementaire sous le régime d'une monarchie constitutionnelle, dont la couronne est héréditaire dans la Maison de Nassau. Par le mariage de la grande-duchesse Charlotte, elle est passée dans la maison de Bourbon-Parme lors de l'accession au trône de son fils Jean en 1964.
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+ Comme dans toute démocratie parlementaire, la séparation des pouvoirs est souple au Luxembourg : il existe de nombreux liens entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Seul le pouvoir judiciaire est totalement indépendant[17].
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+ La Chambre des députés, le gouvernement et le Conseil d'État interviennent dans le cadre de la procédure législative.
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+ La Chambre des députés (Parlement), composée de 60 députés élus au suffrage universel tous les cinq ans, détient seule le pouvoir législatif. Elle a pour principale fonction de voter les projets et propositions de loi. Les députés possèdent un droit d'initiative parlementaire, qui s'exerce par la présentation de propositions de loi.
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+ Ses membres sont répartis dans plusieurs groupes politiques : le Parti populaire chrétien-social (CSV), le Parti démocratique (DP), le Parti ouvrier socialiste luxembourgeois (LSAP), Les Verts, le Parti réformiste d'alternative démocratique (ADR), le Parti pirate (PPL) et La Gauche.
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+ Le grand-duc possède également un droit d'initiative en matière législative mais ce dernier est, de fait, exercé par le gouvernement. Ce droit d'initiative, appelé initiative gouvernementale, permet au gouvernement de présenter des projets de loi à la Chambre des députés — au sein de laquelle le gouvernement dispose normalement d’une majorité —, ceci étant le cas de figure courant. Les lois votées par la Chambre des députés sont promulguées et publiées par le grand-duc. C'est à la suite de sa publication dans le recueil de législation appelé Mémorial qu'un texte de loi acquiert force obligatoire.
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+ Le Conseil d'État est un organe consultatif de l'exécutif composé de 21 conseillers, nommés et démis par le grand-duc.
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+ En matière législative, le Conseil d'État est obligatoirement appelé à émettre son avis sur l'ensemble des projets et propositions de loi présentés à la Chambre des députés, et ce, préalablement au vote des députés. Les lois sont soumises deux fois au vote de la Chambre, le second vote intervenant au plus tôt trois mois après le premier. Si la Chambre des députés, en accord avec le Conseil d'État, en décide autrement, il y a dispense du second vote, ce qui est devenu la pratique usuelle.
92
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93
+ En matière réglementaire, tout projet de règlement grand-ducal doit être soumis à l'avis du Conseil d'État, sauf le cas d'urgence à apprécier par le grand-duc. Le Conseil d'État est par ailleurs appelé à émettre un avis sur tous les amendements apportés aux projets et propositions de loi ainsi qu'aux projets de règlements grand-ducaux.
94
+
95
+ Dans le cadre de son avis, le Conseil d'État est tenu de contrôler a priori la conformité des textes de loi par rapport aux normes de droit supérieur que sont la Constitution, les conventions et les traités internationaux ainsi que les principes généraux du droit.
96
+
97
+ Le pouvoir exécutif est exercé par le grand-duc et les membres du gouvernement, qui le secondent dans l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels.
98
+
99
+ Le grand-duc est le chef d'État. Sa personne est inviolable, ce qui signifie que sa responsabilité ne peut être engagée : il ne peut être accusé ni poursuivi. L'irresponsabilité du grand-duc a pour corollaire la responsabilité ministérielle. Pour qu'un acte du grand-duc puisse produire ses effets, il doit être contresigné par un membre du gouvernement, qui en assume l'entière responsabilité. Cette responsabilité est générale en ce qui concerne les actes en rapport direct ou indirect avec les fonctions ministérielles. Elle peut être aussi bien juridique, c'est-à-dire pénale ou civile, que politique. En principe, tout acte portant la signature du grand-duc doit au préalable avoir été soumis à la délibération du Conseil de gouvernement.
100
+
101
+ Formellement, la Constitution accorde au grand-duc le droit d'organiser librement son gouvernement, c'est-à-dire de créer les ministères, de répartir les départements ministériels et d'en nommer les membres. Dans la pratique, le grand-duc choisit, sur base des résultats des élections législatives ayant lieu tous les cinq ans, l'informateur et/ou le formateur du gouvernement, ce dernier devenant en général Premier ministre. Le formateur présente l'équipe des membres du gouvernement au Grand-Duc, qui procède à leur nomination et assermentation. Le nombre des départements ministériels dépasse fort souvent le nombre des membres du gouvernement appelés à en être titulaires : un même ministre gère donc fréquemment plusieurs portefeuilles.
102
+
103
+ Le gouvernement nommé présente son programme politique devant la Chambre des députés qui, par un vote en sa faveur, lui exprime sa confiance. Le gouvernement dispose ainsi d'une majorité à la Chambre des députés sur laquelle il peut s'appuyer.
104
+
105
+ Le gouvernement dans son ensemble et les ministres à titre individuel sont politiquement responsables de leurs actes devant la Chambre des députés. La sanction de la responsabilité politique des ministres consiste en l'obligation de cesser leurs fonctions lorsque la Chambre des députés leur refuse sa confiance (motion de censure). Il est d'usage que les ministres démissionnent au premier vote hostile de la Chambre des députés. En vertu de la Constitution, le grand-duc a le droit de révoquer à tout moment un membre du gouvernement mais, en pratique, la démission d'un ministre ou du gouvernement entier est présentée par le Premier ministre au grand-duc.
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107
+ Les cours et tribunaux sont chargés par la Constitution d'exercer le pouvoir judiciaire. Ils sont indépendants dans l'exercice de leurs fonctions.
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109
+ À la Cour constitutionnelle s'ajoutent deux ordres de juridictions : celles relevant de l'ordre judiciaire (Cour supérieure de justice, tribunaux d'arrondissement, justices de paix) et celles relevant de l'ordre administratif (Cour administrative, Tribunal administratif).
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111
+ La Cour de justice de l'Union européenne siégeant à Luxembourg n'est pas une institution du Grand-duché mais de l'Union européenne.
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+ Les citoyens luxembourgeois sont appelés à voter à trois types d'élections (sans compter les référendums) :
114
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+ Pour les élections européennes, les ressortissants de l'Union européenne domiciliés depuis au moins deux ans au Luxembourg peuvent choisir d'élire soit les députés européens luxembourgeois, soit les députés européens du pays dont ils sont ressortissants[18]. Pour les élections communales, le vote est ouvert aux citoyens de l'Union européenne domiciliés dans leur commune depuis au moins cinq ans[19].
116
+
117
+ En ce qui concerne les élections législatives (60 députés), le Grand-Duché est subdivisé en quatre circonscriptions électorales :
118
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119
+ Pour tous les électeurs inscrits sur une liste électorale, le vote est obligatoire et secret, quelle que soit l'élection. Il est prévu une amende comprise entre 100 et 250 € pour un absentéiste, pouvant être majorée entre 500 et 1 000 € en cas de récidive[20].
120
+
121
+ Le Luxembourg, membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), a supprimé en 1967 le service militaire obligatoire et entretient une armée de 3 000 hommes. La gendarmerie et la force de police ont fusionné en 2000 pour former la police grand-ducale.
122
+
123
+ Le chef de l'armée est le grand-duc de Luxembourg mais le contrôle effectif revient au ministre de la défense. Le chef d'état-major de l'armée luxembourgeoise était, jusqu'en 2013, le général (en titre) Gaston Reinig[21]. Il a été remplacé depuis par le général (en titre) Mario Daubenfeld.
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+
125
+ L'armée est impliquée dans de nombreuses missions de paix, notamment en Bosnie-Herzégovine et en Afghanistan dans le cadre des missions internationales de l'ONU et de l'OTAN.
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127
+ Les dix-sept avions AWACS E-3 de l'OTAN sont officiellement enregistrés comme avions de guerre du Luxembourg tant pour des raisons politiques que pratiques. Ils sont basés à Geilenkirchen, en Allemagne.
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+ Les dépenses de défense représentaient 1,2 % du produit intérieur brut en 1997 et on estimait que cette proportion valait 0,9 % en 2005[22].
130
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131
+ Le premier drapeau connu était porté par le comte Guillaume de Luxembourg en 1123. Il était burelé, donc rayé horizontalement, probablement jaune et rouge.
132
+
133
+ Aujourd'hui, le drapeau luxembourgeois se compose de trois bandes rouge, blanc et bleu ciel, disposées horizontalement. Même si les drapeaux du Luxembourg et des Pays-Bas se ressemblent beaucoup, le signe distinctif du drapeau néerlandais est la bande bleu outremer.
134
+
135
+ La majorité des drapeaux tricolores modernes est plus ou moins dérivée de la tricolore de la Ire République française. Même le très ancien drapeau néerlandais ne fut officiellement fixé aux couleurs rouge, blanc et bleu qu'en 1795, sous influence française, par la République batave.
136
+
137
+ Le drapeau luxembourgeois ainsi que les armoiries de l'État sont protégés par la loi du 23 juin 1972[23] sur les emblèmes nationaux. Le rouge du drapeau correspond à la couleur Pantone 032C, le bleu à la couleur Pantone 299C (règlement grand-ducal du 27 juillet 1993).
138
+
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+ L'hymne national est constitué de la première et de la dernière strophes du chant Ons Heemecht (Notre Patrie en français) de 1859, un texte du poète Michel Lentz, mis en musique par Jean Antoine Zinnen (en). Il fut joué pour la première fois en public lors d'une grande cérémonie à Ettelbruck en 1864.
140
+
141
+ L'hymne national luxembourgeois lance un vibrant appel à la paix. Il exprime toute la joie du pays d'être parvenu à trouver son indépendance en 1839, dans la quiétude et la prospérité.
142
+
143
+ Inspiré d'une sonnerie de trompette ou d'une fanfare de cavalerie, dont il n'existe pas de trace écrite avant le XVIe siècle, le Wilhelmus est entonné lorsqu'un des membres de la famille grand-ducale arrive à une cérémonie officielle et au moment où il prend congé.
144
+
145
+ Depuis la fin du XVIIIe siècle, il est de coutume de célébrer l'anniversaire de la naissance du souverain. Sous le long règne de la grande-duchesse Charlotte (1919-1964), cette célébration avait lieu en plein hiver, le 23 janvier, le jour de l'anniversaire de la souveraine.
146
+
147
+ Par arrêté grand-ducal du 23 décembre 1961[24], la date de la célébration publique de l'anniversaire du souverain et, par là même, la fête nationale, a été fixée au 23 juin de chaque année, notamment pour des raisons météorologiques. Les festivités commencent la veille au soir.
148
+
149
+ Le terme de « fête nationale » ne figure pas dans les textes de loi. Elle y est décrite comme « jour de la célébration publique de l'anniversaire du Grand-Duc ».
150
+
151
+ L'origine des armoiries de l'État luxembourgeois remonte au Moyen Âge. Elles furent fixées autour de l'année 1235 par le comte Henri V de Luxembourg. Dès 1123, le comte Guillaume de Luxembourg portait une bannière burelée sur son sceau équestre. La majeure partie des descendants de la première maison de Luxembourg ont porté un burelé, alors que les descendants de la maison de Namur ont porté un lion.
152
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+ Les armoiries du Grand-Duché de Luxembourg sont à trois échelons : les petites armoiries, les moyennes armoiries et les grandes armoiries. Elles sont essentiellement composées d'un burelé d'argent et d'azur de dix pièces au lion rampant de gueules, couronné, armé et lampassé d'or, la queue fourchue et passée en sautoir.
154
+
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+ Les armoiries sont protégées par la loi du 23 juin 1972[23] sur les emblèmes nationaux. La loi du 27 juillet 1993[25] a modifié et complété celle de 1972.
156
+
157
+ Le Luxembourg était, après avoir recouvré son indépendance en 1867, un des pays européens les plus pauvres et sous-développés d'Europe, de façon qu'un tiers de la population a dû, au XIXe siècle, s'expatrier outre-mer (surtout aux États-Unis, au Canada et au Brésil) pour des raisons de famine et de misère générale.
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+ Le Luxembourg doit sa prospérité à la découverte du minerai de fer dans le sud du pays dans les années 1840. Cette découverte allait donner son nom à toute une région, le Minett — du terme lorrain « minette » —, et marquer le passage d'un État agraire à un État industriel.
160
+
161
+ De ce fait, dans les décennies suivantes, une industrie sidérurgique de plus en plus importante, allant de pair avec l'exploitation minière sous terre, a vu le jour. À une certaine époque, presque la moitié de la population masculine active était employée en l'industrie lourde, soutenue par une communauté assez importante d'immigrants italiens venus en vagues au Luxembourg dès la fin du XIXe siècle pour y chercher du travail. Les diverses usines sidérurgiques indépendantes de l'époque se sont finalement unies sous une même enseigne, l'ARBED, dès lors le groupe sidérurgique national, groupe qui par la suite a vu une large expansion jusqu'à fonder même des usines par exemple au Brésil. De son meilleur temps sidérurgique, le Luxembourg, malgré sa petite taille, était devenu le septième producteur d'acier le plus important du monde. Cependant, malgré la subsistance d'entreprises spécialisées de sidérurgie, l'industrie lourde a globalement disparu du pays et le dernier haut-fourneau a fermé en 1997.
162
+
163
+ En octobre 2019, le ministère de la santé a annoncé que le Grand-Duché allait légaliser la culture, la vente, et la consommation de cannabis. Cette annonce fait du Luxembourg le premier pays européen à légaliser le cannabis[26].
164
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165
+ Les débuts de l'industrie luxembourgeoise, qui remontent au milieu du XIXe siècle, sont dominés par la sidérurgie, ayant connu un essor considérable à partir de 1950. À cette époque-là, le Luxembourg a également attiré les premières entreprises américaines comme Goodyear (production de pneumatiques), DuPont (production de polyester) ou encore Monsanto (production de fil en nylon), tout en développant le secteur financier.
166
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167
+ Au cours des années 1970, les crises sidérurgique et pétrolière ont eu un impact considérable sur l'industrie sidérurgique, qui était encore le principal pilier de l'économie luxembourgeoise. La diversification industrielle s'est exprimée à partir de 1980 par la création de la Société nationale de crédit et d'investissement — établissement bancaire de droit public spécialisé dans le financement des entreprises luxembourgeoises —, de zones industrielles et d'une centaine de nouvelles entreprises. Ceci a eu comme conséquence une baisse de la part de la sidérurgie et une hausse de celle des autres industries sur le plan du produit intérieur brut (PIB) luxembourgeois.
168
+
169
+ En 2002, l'Arbed (Aciéries réunies de Burbach, Eich, Dudelange) a fusionné avec deux autres groupes sidérurgiques, Usinor et Aceralia, pour devenir Arcelor, leader dans la production mondiale de l'acier. La fusion d'Arcelor avec Mittal Steel Company en 2006 a donné naissance au groupe ArcelorMittal, le numéro un mondial de l'acier.
170
+
171
+ À partir de 2004, le gouvernement a mis en place une nouvelle politique de diversification économique dans une optique de spécialisation multisectorielle : technologies de l'information et de la communication, logistique, sciences et technologies de la santé, écotechnologies...
172
+
173
+ Spécialisée à l'origine dans les activités liées à l'euromarché dans les années 1960 et 1970, la place financière s'est ensuite tournée vers la gestion privée et, à partir des années 1980, vers la domiciliation et l'administration de fonds d'investissement. Ce développement a été avantagé par une vie politique et sociale favorable ainsi que par un cadre légal et réglementaire ouvert aux évolutions des marchés. Les évolutions ont été favorisées par l'entente entre les gouvernements, le législateur et le secteur privé.
174
+
175
+ Ce cadre législatif et réglementaire a attiré des banques, des compagnies d'assurance, des promoteurs de fonds d'investissement et des prestataires de services spécialisés du monde entier du fait d'une politique fiscale très favorable aux entreprises[27],[28].
176
+
177
+ La place financière du Luxembourg est le deuxième centre mondial de fonds d'investissement après les États-Unis, le plus grand centre européen pour les captives de réassurance, le premier centre pour la distribution transfrontalière de l'assurance vie dans l'Union européenne et le premier centre de banque privée pour les clients internationaux dans la zone euro. Par ailleurs, le Luxembourg est le plus grand domicile pour les fonds islamiques en Europe et le principal centre européen d'affaires en monnaie chinoise pour plusieurs activités.
178
+
179
+ Le Luxembourg est devenu la place la plus importante d'Europe sur le marché des fonds d'investissement. 46 % du produit intérieur brut du pays dépend de son rôle de place financière. La croissance de la place financière luxembourgeoise fait que fin mai 2011 l'on comptait 144 banques présentes sur le territoire, totalisant plus de 26 000 salariés. Par ailleurs, le Luxembourg est le deuxième centre de fonds d'investissement du monde, après les États-Unis et le plus grand centre de banque privée dans la zone euro.
180
+
181
+ Le Luxembourg figurait, jusqu'au début des années 2010, sur une liste des paradis fiscaux, ce en raison d'un secret bancaire entre-temps aboli en grande partie, d'avantages extrêmes pour grands holdings, etc. Depuis le Grand-Duché ne fait plus partie d'aucune liste noire actuellement et ses efforts ont été reconnus au niveau international. Le Luxembourg a adopté, par exemple, l'ensemble des dispositions de l'OCDE pour combattre l'évasion fiscale[29],[30],[31].
182
+
183
+ En 2014, éclate le Luxembourg Leaks, scandale financier révélant le contenu de centaines d'accords fiscaux très avantageux conclus par des cabinets conseils pour le compte de nombreux clients internationaux avec le fisc luxembourgeois. Les révélations ont un retentissement international, mettant en lumière les pratiques d'évitement fiscal mises en œuvre au Luxembourg[32].
184
+
185
+ Selon l'ONG Oxfam, en 2017, le Luxembourg figure parmi « les paradis fiscaux les plus agressifs utilisés par les entreprises »[33].
186
+
187
+ En novembre 2018, le Luxembourg est rappelé à l'ordre par la Commission Européenne pour ne pas avoir légiféré sur les règlements européens concernant la lutte contre le blanchiment d'argent[34],[35].
188
+
189
+ Le Luxembourg a joué un rôle pionnier sur la scène médiatique en Europe. Deux géants des médias et des communications sont nés au Luxembourg et continuent aujourd'hui leur développement à partir du Grand-Duché : RTL Group, premier diffuseur européen de télévision et de radio[réf. nécessaire], et SES grâce à une flotte de plus de 50 satellites. Ce dernier est une entreprise créée par le gouvernement luxembourgeois dans les années 1980, en prévision de la future société digitale. Après l'ouverture du mur de Berlin, et l'opportunité d'une grande demande d'alors de la part des allemands de l'Est au niveau de la télévision numérique, la SES a pu percer grâce à ses premiers satellites ASTRA. Pour devenir à ce jour[Quand ?], le groupe détenteur de satellites de télécommunication le plus important du monde[réf. nécessaire]. L'État luxembourgeois détient à part égales avec SES la société LuxGovSat.
190
+
191
+ Depuis, de nombreuses autres sociétés actives dans les domaines convergents des médias et des technologies de l'information et de la communication se sont établies autour de ces deux piliers au Luxembourg.
192
+
193
+ En 2005, le Grand-Duché adhère à l'Agence spatiale européenne.
194
+
195
+ Le Luxembourg affiche également un des taux de spécialistes en informatique les plus élevés au monde[réf. nécessaire]. Par ailleurs, la sécurité de l'information et les réseaux de télécommunications de haute performance constituent une priorité du gouvernement en matière de recherche et développement.
196
+
197
+ En plus de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME), des multinationales de l'économie numérique comme Amazon, eBay, PayPal, iTunes ou encore Vodafone sont désormais[Quand ?] présentes au Grand-Duché. Parallèlement, diverses entreprises de haute technologie s'y sont implantées, à l'image du fabricant de scanners en trois dimensions Artec 3D.
198
+
199
+ Le domaine de la production audiovisuelle bénéficie également de la politique du gouvernement par le biais de plusieurs schémas d'accompagnement public destinés à encourager son développement.
200
+
201
+ Le gouvernement a procédé ces dernières années à des investissements importants en matière de recherche et d'innovation, et a mis en place toute une série d'instruments directs et indirects pour promouvoir ce domaine.
202
+
203
+ Ainsi, un cadre légal relatif à la promotion de la recherche, du développement et de l'innovation a été créé en juin 2009 afin de stimuler la capacité d'innovation des entreprises et organismes de recherche privés.
204
+
205
+ Le gouvernement a su mobiliser le montant de 700 millions d'euros en vue d'assurer la construction et l'équipement des bâtiments de l'université du Luxembourg ainsi que des institutions de recherche et d'innovation dans la Cité des sciences à Esch-Belval.
206
+
207
+ Il a procédé au cours de ces dernières années à un investissement substantiel de l'ordre de 140 millions d'euros dans le développement du secteur des technologies de la santé, afin de favoriser la diversification économique dans un secteur de pointe en pleine croissance.
208
+
209
+ Afin de consolider et de structurer davantage le système de recherche luxembourgeois, le gouvernement a regroupé en 2015 le Centre de recherche public Gabriel Lippmann et le Centre de recherche public Henri-Tudor au sein du Luxembourg Institute of Science and Technology, et a réuni l'Integrated Biobank of Luxembourg et le Centre de recherche public de la Santé au sein du Luxembourg Institute of Health. La recherche et l'innovation demeurent une priorité du gouvernement, ce dont témoigne l'enveloppe financière de 1,1 milliard d'euros pour la période 2014-2017, consacrée au contrat d'établissement de l'université du Luxembourg et aux contrats de performance des institutions de recherche publiques et du Fonds national de la recherche.
210
+
211
+ De par sa position géographique au cœur des marchés européens et à une distance raisonnable des grands ports de fret européens tels qu'Anvers ou Rotterdam, le Luxembourg est une plateforme idéale pour les activités relevant du domaine de la logistique. Les activités ne se limitent cependant pas au simple transport de marchandises, mais le but est de fournir un service à valeur ajoutée (conditionnement, préparation, expédition et facturation des marchandises).
212
+
213
+ Le Grand-Duché est ainsi une base opérationnelle pour de nombreux acteurs d'envergure mondiale dans le domaine de la logistique, tels que Cargolux, China Airlines, Cobelfret ou DB Schenker.
214
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215
+ L'aéroport international du Luxembourg occupe une des premières places sur le plan européen pour ce qui est du fret. Ce secteur est renforcé par la présence du Freeport Luxembourg, zone de libre-échange établie en 2014 à proximité de l'aéroport. Sur une surface de 22 000 m2 sont définis de nouveaux standards en matière de préservation, d'entreposage ainsi que de gestion d'œuvres d'art et d'objets de valeur.
216
+
217
+ Par ailleurs, le gouvernement promeut le développement des écotechnologies visant à repenser toutes les activités produisant des biens et des services dans une perspective de développement économique durable.
218
+
219
+ La Société nationale de crédit et d'investissement compte parmi ses nombreux instruments un prêt spécifique destiné à soutenir la recherche, le développement et l'innovation.
220
+
221
+ Avec ses paysages bien diversifiés (surtout le Nord et l'Est), la vieille ville de Luxembourg et ses vestiges de la forteresse, classée à l'UNESCO, ses 80 châteaux forts et châteaux, ses multiples trésors culturels, ses nombreux musées (en partie de niveau international), le tourisme joue lui aussi un rôle non négligeable dans l'économie luxembourgeoise. Luxembourg est également connu comme haut-lieu de la gastronomie, le grand-duché détenant, à ce jour, le plus de restaurants et des chefs étoilés par habitants au monde. Les vins et 'champagnes' (appelés crémants au Luxembourg), développés le long de la Moselle luxembourgeoise, vins qui, il y a moins de 50 ans encore réputés être d'une qualité assez moyenne, ont connu un développement fulgurant, remportant ainsi à l'heure actuelle régulièrement de nombreux prix dans le cadre de foires ou concours internationaux.
222
+
223
+ En 2015, le PIB par habitant du Luxembourg est le plus élevé au monde[36]. Ce chiffre est toutefois biaisé par le fait que les travailleurs frontaliers des trois pays voisins qui contribuent à générer une grande partie de ce PIB ne sont pas pris en compte lors du calcul du PIB/tête d'habitant. Leur nombre est en effet assez important pour fausser substantiellement les statistiques : en 2009, ils étaient près de 150 000 (environ 50 % de Français, 26 % de Belges et 24 % d'Allemands)[37]. En 2019, ce sont plus de 100,000 frontaliers résidant en France et travaillant au Grand-Duché qui sont recensés[38]. La dette publique de l'État luxembourgeois est une des plus faibles au monde.
224
+
225
+ Le salaire minimum du Luxembourg est le plus élevé de l'Union européenne : plus de 2 071 euros brut par mois en 2018[39] soit environ 1 842 euros net.
226
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227
+ Le Luxembourg comptait 602 005 habitants le 1er janvier 2018 avec une croissance de la population de 68 % en 50 ans, croissance démographique plutôt exceptionnelle en comparaison avec les pays proches. Cette croissance démographique est principalement le fait de l'immigration. En effet, le solde migratoire, en moyenne annuelle, au Luxembourg était de 7,7 ‰ sur la période 1960-2011, alors qu'il n'était que de 1,1 ‰ dans l'UE-27 sur la même période. Dans les années 1990, le solde migratoire s'établit même à environ 10 ‰ en moyenne annuelle[40].
228
+
229
+ Ainsi, 48 % de la population est de nationalité étrangère en 2018[1]. Sur les 602 005 résidents, on estime à environ 313 042 le nombre de Luxembourgeois, à 96 544 le nombre de Portugais devant les Français, qui représentent avec 45 822 individus le deuxième plus grand groupe d'étrangers[41].
230
+
231
+ La Constitution luxembourgeoise permet à l'État d'organiser et de réglementer l'enseignement, obligatoire pour les enfants âgés de 4 à 16 ans. Ainsi, la majorité des écoles sont publiques et gratuites. Il existe cependant quelques écoles privées qui enseignent les mêmes programmes scolaires et préparent aux mêmes diplômes, mais elles sont payantes. À côté des écoles publiques et privées, quelques écoles étrangères payantes proposent un programme différent et ne délivrent par conséquent pas les mêmes diplômes.
232
+
233
+ Les neuf premières années de scolarité, dont la première est facultative, sont regroupées sous l'appellation d'« enseignement fondamental », découpée en quatre cycles : le premier est constituée d'une année d'éducation précoce (facultative) et deux années d'éducation préscolaire (obligatoires), les trois autres constituent l'enseignement primaire.
234
+
235
+ Les sept années suivantes constituent l'« enseignement secondaire », qui prépare aux études universitaires ou les six à huit années suivantes en ce qui concerne l'« enseignement secondaire technique », qui est orienté vers la vie professionnelle, en fonction de l'orientation choisie, bien qu'il permette aussi d'accéder à l'enseignement supérieur.
236
+
237
+ Ensuite, l'enseignement supérieur est proposé soit :
238
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239
+ Le système scolaire luxembourgeois est marqué lui aussi par le multilinguisme, les trois langues officielles y sont pratiquées en fonction du cycle et des matières.
240
+
241
+ Le Luxembourg est connu pour ses cyclistes, notamment grâce aux frères Fränk et Andy Schleck, ainsi que Kim Kirchen, tous les trois porteurs d'un maillot distinctif sur le Tour de France en 2008, ainsi que pour la deuxième place d'Andy Schleck aux classements généraux des Tours de France 2009 et 2011 et sa victoire a posteriori au Tour de France 2010 à la suite de l'affaire de dopage impliquant Alberto Contador[42].
242
+
243
+ Quatre champions luxembourgeois ont remporté la Grande Boucle : François Faber en 1909 et Nicolas Frantz en 1927 et 1928, Charly Gaul en 1958 et enfin Andy Schleck en 2010.
244
+
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+ Le 6 août 2010, en cyclisme, le jeune Bob Jungels (17 ans) a remporté le Championnat du monde juniors du contre-la-montre[43].
246
+
247
+ En athlétisme, Joseph Barthel a été champion olympique sur 1 500 mètres à Helsinki en 1952, et David Fiegen a été vice-champion d'Europe sur 800 mètres à Göteborg en 2006.
248
+
249
+ En tennis féminin, Anne Kremer et Claudine Schaul se sont illustrées dans ce sport en remportant plusieurs tournois WTA et ITF, notamment Anne Kremer qui fut la première joueuse de tennis luxembourgeoise à atteindre le top 20 (18e le 29 juillet 2002). Gilles Müller, le no 1 du tennis luxembourgeois, a battu Rafael Nadal, au 2e tour de Wimbledon en 2005. Gilles Müller mérite par ailleurs d'être reconnu pour la qualité de son service. Il réussit des aces sans nécessairement s'appuyer sur une qualité de vitesse extraordinaire – ses premières balles sont régulièrement frappées entre 190 et 200 km/h, et très rarement au-dessus de 205 km/h. En 2008, il est le premier Luxembourgeois à atteindre les quarts de finale de l'US Open. Plus jeune, il a remporté le tournoi junior de l'US Open en 2001, année où il termine champion du monde junior.
250
+
251
+ Bien que né en Autriche, le skieur Marc Girardelli a rapporté au Luxembourg, dont il a pris la nationalité, de nombreux titres mondiaux et médailles olympiques.
252
+
253
+ Le Luxembourg peut se prévaloir d'un paysage médiatique étoffé et pluraliste. À côté d'une presse nationale dont les principaux quotidiens se qualifient volontiers d'opinion, les titres étrangers, les médias audiovisuels et les nouveaux supports sont abondants.
254
+
255
+ Face à une population parfaitement polyglotte, l'utilisation des trois langues usuelles du pays — luxembourgeois, allemand, français — est une des particularités les plus frappantes de la presse luxembourgeoise. Certains d'entre eux accueillent aussi des articles dans l'autre langue et en luxembourgeois, tels le Luxemburger Wort dont le lectorat atteint environ 43 % de la population de plus de 15 ans[44]. Quelques journaux paraissent en portugais.
256
+
257
+ Dans l'audiovisuel, ce n'est qu'au début des années 1990 que le monopole en place depuis les premiers pas de la radio dans les années 1920 tombe avec la libéralisation des ondes. Une grande partie de la population est abonnée à la télévision par câble. En outre, la télévision numérique terrestre est disponible au Luxembourg depuis 2006. Le secteur cinématographique se développe de plus en plus ces dernières années, avec des sociétés comme Samsa Film, Tarantula, ou encore Invictus Company Productions.
258
+
259
+ Dans la presse écrite, du moins avant l'apparition d'organes de presse exclusivement francophones au début des années 2000, il est usuel de trouver côte à côte sur une même page des articles en langue allemande et en langue française.
260
+
261
+ Le Luxembourg ne connaît par contre ni le phénomène de groupes de médias à capitaux familiaux, ni celui de médias dominés par des capitaux industriels. Quatre groupes de médias dominent le marché : RTL Group du côté de l'audiovisuel, Saint-Paul Luxembourg, Editpress et Maison Moderne du côté de la presse écrite.
262
+
263
+ Son histoire, sa situation au sein d'un carrefour géographique et sa petite taille font du Luxembourg un pays largement multilingue. Le luxembourgeois (Lëtzebuergesch), qui est la langue maternelle des autochtones, a le statut de « langue nationale » depuis la loi du 24 février 1984. Il est toutefois peu utilisé par les expatriés résidant au Luxembourg, qui représentent environ 60% de la population. Le français, l'allemand et le luxembourgeois sont concurremment les trois langues administratives et quotidiennement parlées dans le pays[46]. Chaque citoyen ou résident peut, à son choix, s'adresser dans l'une de ces trois langues à l'administration, laquelle devra lui répondre dans la même langue.
264
+
265
+ Le multilinguisme luxembourgeois n'obéit à aucune répartition territoriale entre différentes zones linguistiques, à la différence de pays multilingues tels que la Belgique ou la Suisse. Au Luxembourg, la répartition linguistique est plutôt « fonctionnelle » en ce que le choix de la langue dépend du domaine d'activité.
266
+
267
+ Le français est l'unique langue utilisée pour la rédaction des lois, en raison de l'influence historique du code Napoléon sur le système juridique du Grand-Duché. Mais les débats à la Chambre des députés ont lieu majoritairement en luxembourgeois et plus rarement en français. Le français est la langue écrite généralement utilisée par l'administration et la justice (les décisions administratives ou jugements des tribunaux sont rédigés en français). Dans la vie quotidienne, le français est la langue souvent utilisée à l'écrit (les dépêches officielles, annonces publicitaires ou panneaux de circulation routière sont en français) ainsi que dans la vie commerciale. En raison du poids historique du journal germanophone Luxemburger Wort, l'allemand est très utilisé dans la presse écrite ainsi que dans les médias.
268
+
269
+ L'administration fiscale et cadastrale est plutôt germanophone pour des raisons historiques. Le Luxembourg a adopté le modèle fiscal allemand et a été cadastré pour la première fois complètement par l'armée allemande, sous l'occupation pendant la Première Guerre mondiale. Les documents administratifs sont généralement délivrés en français et en allemand (déclarations de revenus, par exemple).
270
+
271
+ L'école maternelle se fait en luxembourgeois. L'alphabétisation (première année primaire) se fait en allemand. Le français est enseigné à l'école dès l'âge de sept ans (deuxième année primaire). L'enseignement secondaire se fait majoritairement en français.
272
+
273
+ Illustration du multilinguisme : il est fréquent que les journaux ou sites internet institutionnels fassent s'alterner des articles en français, en allemand et en luxembourgeois, sans que chaque article ne soit traduit dans les deux autres langues.
274
+ Le Luxembourg est membre de l'Assemblée parlementaire de la francophonie de même que de l'Organisation internationale de la francophonie.
275
+
276
+ Selon le recensement de 2011, 16,08 % de la population du pays est de nationalité portugaise[47] et 15,7 % parle le portugais en tant que langue principale[48].
277
+
278
+ L'anglais est rarement utilisé dans la vie quotidienne, mais vivement requis dans certains domaines de la vie socio-économique (secteur bancaire, compagnies aériennes, etc.) et étudié par tous les lycéens.
279
+
280
+ Même si le portugais et l'anglais n'ont aucun statut linguistique officiel au Luxembourg, il arrive que certaines communications officielles importantes comportent également une traduction dans ces langues (exemples : les mesures nationales de sécurité nucléaire ou le projet de constitution européenne)
281
+
282
+ L'article 19 de la Constitution luxembourgeoise garantit la liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses.
283
+
284
+ Au Luxembourg, on considère que les communautés religieuses exercent un rôle public. Dans ce contexte, et comme le dispose l'article 22 de la Constitution, les sphères qui requièrent la coopération entre l'Église et l'État sont réglées par des conventions.
285
+
286
+ Un accord[49] signé en janvier 2015 entre le gouvernement et les communautés religieuses établies au Luxembourg réformera les relations entre l'État et ces mêmes communautés. Les relations entre l'État et les cultes seront adaptées aux réalités sociétales, un cours commun « éducation aux valeurs » sera introduit dans l'enseignement public et les relations entre les communes et les cultes seront réformées en ce qui concerne les fabriques d'église.
287
+
288
+ Il ressort de plusieurs enquêtes sur les valeurs au Luxembourg[50] que le pays connaît, malgré des certitudes morales affichées, un véritable effondrement de l'importance accordée à la religion.
289
+
290
+ Parmi les grands événements religieux du Grand-Duché, on peut compter l'Oktav, la procession dansante d'Echternach et le pèlerinage à Notre-Dame de Fátima à Wiltz.
291
+
292
+ Selon le Pew Research Center, en 2010, 70,4 % des habitants du Luxembourg sont chrétiens, principalement catholiques (65,9 %) et dans une moindre mesure protestants (3,2 %), alors que 26,8 % de la population n'est pas affilié à une religion et que 2,3 % sont musulmans et 0,5 % pratiquent une autre religion[51].
293
+
294
+ Une des principales caractéristiques de la littérature luxembourgeoise est due à l'environnement linguistique né de la situation géographique et de l'histoire du Luxembourg, qui se trouve à la croisée des cultures romane et germanique.
295
+
296
+ C'est ainsi que s'est développé au fil des siècles un environnement linguistique unique, caractérisé par l'association et la coexistence au quotidien de trois langues : le luxembourgeois, l'allemand et le français. Le multilinguisme sous-tend la littérature luxembourgeoise et influence le parcours des écrivains luxembourgeois.
297
+
298
+ D'un point de vue purement linguistique, il n'existe pas une littérature luxembourgeoise, mais à proprement parler, des littératures luxembourgeoises s'exprimant en trois, voire en quatre langues si l'on y compte les auteurs anglophones. Cette production polyphone est répertoriée sous le terme collectif de Luxemburgensia[52] qui englobe toutes les œuvres littéraires et documents imprimés soit rédigés par des Luxembourgeois, soit produits au Luxembourg, soit ayant pour sujet le Luxembourg, et ce quelle qu'en soit la langue.
299
+
300
+ La littérature de langue allemande est la plus accessible et la plus répandue au Luxembourg, même si, depuis quelques années, des talents en langue luxembourgeoise se dévoilent de plus en plus. La littérature luxembourgeoise d'expression française est plus modeste en nombre de publications, mais très remarquée à l'étranger.
301
+
302
+ L'amateur de spectacle vivant trouve au Luxembourg de nombreuses scènes, qui accueillent des spectacles de renommée internationale et présentent leurs propres créations.
303
+
304
+ Au cours de la dernière trentaine d'années, le monde théâtral luxembourgeois s'est constamment développé, tant au niveau de l'offre en matière de spectacles, qu'au niveau des compagnies et des scènes, qui sont devenues de plus en plus nombreuses.
305
+
306
+ À côté du théâtre, du ballet ou de l'opéra traditionnels, le spectacle s'est diversifié, pour présenter de la danse contemporaine, des spectacles jeune public, de l'improvisation, du théâtre de rue, etc.
307
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308
+ Depuis plusieurs années, les spectacles pour enfants et jeunes ont trouvé une place de plus en plus importante dans le paysage culturel luxembourgeois.
309
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310
+ Plusieurs compagnies se consacrent à la création de spectacles jeunes publics, et des événements comme le festival international de théâtre de marionnettes (festival bisannuel) ou Traffo[53], le programme Jeunes Publics du CarréRotondes, contribuent à faire du spectacle jeune public un élément incontournable des scènes luxembourgeoises.
311
+
312
+ La musique est sans doute la discipline culturelle la plus présente dans la vie quotidienne des Luxembourgeois. De la pratique amateur dans les chorales, harmonies et fanfares locales à la prolifération de groupes de rock, en passant par les classes des écoles de musique et conservatoires, nombreux sont les citoyens qui ont, du moins à un certain moment de leur vie, fait de la musique. De plus, les Luxembourgeois se rendent volontiers à des concerts de tous styles et participent en masse à des festivals de musique en plein air telles que le Blues'n Jazz Rallye, le Zeltik, le Rock-A-Field ou encore la Fête de la musique.
313
+
314
+ À part quelques artistes dans les années 1980 comme Jimmy Martin, peu de musiciens professionnels se sont fait connaître au Luxembourg. Cependant, de nombreux groupes semi-professionnels se sont créés dans les années 1990 comme les groupes T42, Moof ou encore No Name. Aujourd'hui, plus de 50 groupes existent au Luxembourg, ils sont soutenus par la Rockhal, un lieu culturel réputé au Grand-Duché. Certains groupes parviennent même à dépasser les frontières luxembourgeoises, comme Eternal Tango (de), Inborn ou Rome (Jerome Reuter).
315
+
316
+ Le Luxembourg s'est également fait connaître sur la scène internationale pour sa participation au Concours Eurovision de la Chanson. Il a participé dès la première édition du Concours Eurovision de la Chanson en 1956, mais il participe pour la dernière fois en 1993 et n'est toujours pas revenu dans le concours. Il détient cependant cinq victoires à son actif.
317
+
318
+ Avec l'inauguration de deux salles de concert majeures en 2005, la Philharmonie Luxembourg, Salle de concert Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte, et la Rockhal, Centre de musiques amplifiées, la scène musicale du Luxembourg a gagné encore davantage en dimension.
319
+
320
+ À la fin des années 1980, le législateur luxembourgeois a mis en place un cadre légal et réglementaire visant le soutien à la production audiovisuelle. Le Fonds national de soutien à la production audiovisuelle (abrégé en Fonspa) est créé par la loi du 11 avril 1990. Cette loi a notamment pour but de soutenir, par un mécanisme d'avances sur recettes, la production, la coproduction et la distribution des œuvres d'origine luxembourgeoise.
321
+
322
+ Le Luxembourg a su trouver sa place dans la production audiovisuelle mondiale si l'on en croit, entre autres témoins de cette évolution considérable, les nombreux prix obtenus dans les grands festivals internationaux par les cinéastes luxembourgeois.
323
+
324
+ Le pays (co)produit annuellement une quinzaine de longs métrages, sans oublier les multiples documentaires et courts métrages. La professionnalisation du cinéma luxembourgeois a commencé dans les années 1990. Depuis lors, le Luxembourg dispose de plusieurs sites de tournage (Studio 352[54] à Contern et Filmland[55] à Kehlen), d'une académie du film (D'Filmakadémie[56]) et d'un prix de cinéma (Lëtzebuerger Filmpräis).
325
+
326
+ D'un autre côté, les Luxembourgeois sont une nation de cinéphiles et aller voir un film constitue un de leurs passe-temps favoris. Pour répondre à cette demande, le Luxembourg dispose d'un grand nombre de cinémas dispersés à travers le pays. Les amateurs du grand écran trouveront aussi bien de petites salles traditionnelles que de grands complexes cinématographiques.
327
+
328
+ La quasi-totalité des films est diffusée au Luxembourg en version originale, accompagnée de sous-titres. Rares sont les versions synchronisées, mis à part pour les films destinés aux enfants. L'ensemble des salles de cinéma luxembourgeoises projette les films en format numérique.
329
+
330
+ Un musée de Ieoh Ming Pei contre un manoir datant du Moyen Âge, une place de l'Europe signée Ricardo Bofill contre les fortifications militaires de Vauban : l'architecture au Luxembourg, c'est avant tout une histoire de coexistence, de mélange entre les vestiges d'antan bien conservés et d'étonnantes créations modernes. Plus encore, cette architecture est révélatrice d'une histoire tumultueuse, d'un passé industriel marquant et d'un développement économique impressionnant.
331
+
332
+ On trouve la forteresse millénaire au cœur du quartier de la vieille ville à Luxembourg, patrimoine mondial : il s'agit des vestiges d'une époque où Luxembourg était surnommé « le Gibraltar du Nord », justement à cause de son imposante forteresse, qui fut démantelée dès 1867. Or, des constructions résolument modernes, signées notamment Perrault, de Portzamparc, Meier et Böhm, viennent se mêler aux témoins du passé, seulement quelques pas plus loin, sur le plateau de Kirchberg. Simple champ aux alentours des années 1950, cette surface s'est rapidement transformée en centre européen, financier et culturel du pays.
333
+
334
+ Au sud, les vestiges de la sidérurgie, autrefois pilier de l'économie luxembourgeoise, côtoient aujourd'hui des laboratoires de recherche ultramodernes, ainsi que les bureaux branchés de l'industrie créative. Un peu partout au pays, des architectes de renommée internationale ont marqué ce mélange aisé du passé, du présent et du futur de leurs idées et de leur savoir-faire. En même temps, la scène architecturale luxembourgeoise est extrêmement vivante : en 2013 quelque 900 architectes sont inscrits à l'Ordre des architectes et ingénieurs-conseils (OAI), s'y ajoutent 450 ingénieurs-conseils et une quarantaine d'architectes d'intérieur. Que ce soit au niveau des bâtiments publics (musées, centres culturels, Cité judiciaire) aux résidences privées, les architectes luxembourgeois savent imposer leur style, aussi à l'étranger.
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+ Le Luxembourg a pour codes :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/3284.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,159 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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+ Genre
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+ Les lynx (genre Lynx) sont des félins de la sous-famille des félinés. Parmi les félins, les lynx sont aisément reconnaissables à leur face ornée de favoris, à leurs oreilles triangulaires surmontées d'une touffe de poils noirs, et à leur corps doté d'une courte queue et de longues pattes. Parmi les caractéristiques moins visibles, les lynx ne possèdent que 28 dents, au lieu des 30 dents habituelles chez les félins.
6
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+ Descendants du Lynx d'Issoire, les lynx ont connu de nombreuses classifications taxinomiques différentes et les diverses espèces ont tour à tour été sous-espèces puis espèces à part entière. Depuis la fin du XXe siècle, seules quatre espèces sont reconnues : le Lynx du Canada (Lynx canadensis), le Lynx boréal (Lynx lynx), le Lynx pardelle (Lynx pardinus) et le Lynx roux (Lynx rufus). Le Caracal, qui morphologiquement ressemble aux lynx, a longtemps fait partie du genre Lynx et est encore appelé « Lynx du désert ».
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+ Prédateurs de l'hémisphère nord, les lynx ont pour habitat préféré la forêt boréale. Considérés comme très largement répandus, exception faite du Lynx pardelle gravement menacé, ils font partie des rares félins dont on estime les populations stables. Alors qu'ils tenaient une place importante dans la mythologie amérindienne, les lynx étaient fort méconnus en Europe et y ont souffert d'une réputation de bête féroce.
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+ Les lynx ont un physique très reconnaissable, et peuvent difficilement être confondus avec les membres d'un autre genre de félins, hormis peut-être le Caracal. Le corps est caractérisé par une démarche chaloupée du fait de leurs membres postérieurs très développés, ce qui est une particularité du genre, les félins ayant généralement la partie antérieure du corps plus puissante[1]. Les jambes sont longues et les pattes volumineuses comparées au reste du corps ; il s'agit d'une adaptation au déplacement dans la neige : les longues pattes permettent de se dégager plus facilement d'un épais manteau neigeux et les pieds très larges agissent comme des raquettes afin de ne pas s’enfoncer dans la neige[2],[3]. De plus, la largeur des coussinets étouffe le bruit des pas et assure une démarche totalement silencieuse. Les lynx exercent une pression très faible sur le sol, même en comparaison avec d'autres carnivores : ainsi le Lynx boréal exerce une pression sur le sol trois fois plus faible que celle du Chat sauvage (Felis silvestris)[Note 1] et on estime ce ratio entre 4,1 et 8,8 pour le Lynx du Canada et le Coyote (Canis latrans). L'empreinte des lynx, aussi longue que large, ressemble à celle du chat domestique. La piste est quasiment rectiligne, surtout lorsqu'ils avancent au pas[2].
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+
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+ La queue est courte, comme tronquée et se termine en manchon[4] ; elle mesure à peine 20 à 25 cm de long[5]. La taille totale varie selon les espèces, mais reste dans les mêmes proportions : seul le Lynx boréal se différencie par son gabarit pouvant être deux fois plus élevé que celui des autres espèces. Le dimorphisme sexuel est important : les mâles sont en moyenne un quart plus gros que les femelles[2].
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+ La quantité de taches et la couleur de la robe des lynx varient selon les espèces et la latitude. Quatre types de robes sont reconnus : tacheté, rayé, uni et à rosettes[2]. Chaque individu a une disposition particulière des marques. Parmi les quatre espèces de lynx, le Lynx pardelle a une fourrure très tachetée, tandis que le Lynx du Canada a peu ou pas de taches, notamment parce que sa longue fourrure a tendance à atténuer les marques. Au nord, les robes des lynx sont plutôt de couleur grise tandis qu’au sud elles tendent vers le roux[5]. En règle générale, les joues, le ventre, l'intérieur des pattes, le menton et le tour des yeux sont de couleur crème. Le Lynx du Canada et le Lynx boréal ont une fourrure particulièrement dense, notamment sur le dos où la concentration de poils atteint 9 000 poils/cm2 contre 4 600 sur le ventre ; on compte également douze ou treize poils de bourre pour un poil de jarre[2].
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+ La tête des lynx, de forme arrondie et portée par un cou court, est également assez caractéristique. Les oreilles sont triangulaires, longues et ornées d'une touffe de poils noirs appelée « pinceau ». Ces pinceaux auriculaires ne se trouvent que chez les espèces du genre Lynx et également chez le Caracal, le Chat des marais[10] et certaines races de chat domestique[Note 2]. Il se pourrait que cela permette de capter la direction du vent[10]. De longs poils le long des joues, appelés « favoris », forment une collerette qui leur donne un air un peu joufflu[4]. L’utilité de la forme du visage des lynx, notamment des pinceaux auriculaires, a été discutée. Matjuschkin a proposé une analogie avec la face du hibou, très ronde, avec des petites plumes dressées sur la tête[Note 3] : les favoris autour des joues du lynx formeraient un miroir parabolique permettant de mieux capter les sons, tandis que les pinceaux am��lioreraient la localisation sonore[11].
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+ Les lynx ont pour caractéristique de n'avoir que 28 dents au lieu des 30 habituelles chez les félins[1] : ils ne possèdent que deux prémolaires sur la mâchoire supérieure, ce qui est une caractéristique du genre Lynx[12]. Le raccourcissement des mâchoires conduit à l’augmentation de la puissance de la morsure[5]. Au sein du genre Lynx, seul le Lynx boréal a la possibilité d'avoir une dent surnuméraire[13]. La dentition lactéale des lynx ne comprend pas de molaires, l'ordre d'apparition des dents est canine - incisive - prémolaire, puis, pour la dentition finale incisive - canine - prémolaire - molaire[14].
20
+
21
+ Comme tous les félins, les lynx ont une vision très sensible en faible luminosité et très précise pour détecter le mouvement. L’odorat est puissant, mais il ne sert qu’à la communication intraspécifique (marquage du territoire par exemple), et jamais pour la chasse comme pour les canidés[5]. Les vibrisses, souvent appelées « moustaches », se trouvent sur le museau, au-dessus des yeux, sur les joues et au niveau des pattes : comme pour tous les félins, elles sont un organe du toucher très sensible[15]. Les lynx ne réagissent pas à la cataire (herbe à chat) en captivité, mais seraient attirés par son odeur en liberté[16].
22
+
23
+ Ils sont capables de nager quand il le faut, et d’excellents sauteurs et grimpeurs[17], grâce à leurs membres postérieurs particulièrement adaptés au bond[2]. Des lynx captifs se sont par exemple évadés en sautant par-dessus leur clôture de trois[18] à quatre[19] mètres. Comme tous les félins, les lynx sont de très mauvais coureurs de fond. Cette faible endurance peut être corrélée à la petite taille du cœur : le poids du cœur d'un lynx ne représente que 3,4 à 6,4 ‰ de sa masse totale[Note 4]. Les lynx connaissent trois allures : le pas, qui est l'allure la plus utilisée, le trot et le bond[2].
24
+
25
+ Comme tous les félins, les lynx sont territoriaux. Le territoire du mâle recouvre celui d'une ou plusieurs femelles. Les territoires, tous sexes confondus, comportent cependant des « zones neutres » où il est possible de circuler sans qu’il y ait affrontement : les limites du territoire sont fréquemment des zones neutres chez les lynx. La taille du territoire dépend de la densité en proies et de l’espèce de Lynx considérée[20]. Le territoire du mâle peut atteindre 300 km2 en Amérique du Nord. Le lynx mâle est intolérant envers les autres mâles traversant son territoire, même si ce sont les femelles qui restent les plus vindicatives entre elles[21].
26
+
27
+ Les marquages olfactifs, qui permettent de signaler sa présence sur le territoire, sont le plus souvent effectués sur un support facilement repérable. Il s'agit le plus souvent de jets d'urine et de marques de griffures[Note 5]. Les marquages sont plus fréquents au centre du territoire que sur sa périphérie[22].
28
+
29
+ Les lynx sont généralement solitaires, excepté les femelles avec leurs petits. Les seules rencontres entre mâle et femelle se déroulent durant la période de reproduction, pendant laquelle le mâle suit la femelle dans tous ses déplacements[20].
30
+
31
+ Extrêmement discrets, les lynx sont rarement visibles. Dans le parc national de Bavière, où le Lynx boréal a été réintroduit, 10 000 promeneurs annuels empruntent un sentier à 300 mètres du lieu de reproduction du lynx ; l’ensemble du parc de 13 000 hectares, contenant six lynx résidents, était visité par 1,3 million de personnes en 1976. Pourtant, seules six à huit observations annuelles ont été rapportées[11].
32
+
33
+ Les lynx sont surtout actifs au crépuscule et au lever du soleil. Ils chassent principalement à l'affût. Comme la plupart des félins, les lynx asphyxient généralement leurs proies par une morsure à la gorge[5], sans utiliser leurs pattes pour les assommer[2]. Ils peuvent parcourir leur territoire à la recherche de proies sur plusieurs kilomètres. La fréquence de chasse est d’une proie tous les deux à trois jours[23]. Le taux de réussite de la chasse varie énormément selon les individus. Pour le Lynx boréal, on estime que les femelles accompagnées de leurs petits réussissent leur chasse dans 60 à 70 % des cas, les mâles dans 40 à 60 % des cas et les subadultes dans 10 à 20 % des cas. La distance entre l’attaque et la mise à mort est généralement de moins de vingt mètres. Les lynx ne poursuivent leur proie sur plus de deux cents mètres que dans 1 à 5 % des attaques[11].
34
+
35
+ Les proies capturées sont différentes selon les espèces. La plupart du temps, les lynx se nourrissent de petites proies comme les lagomorphes ou les oiseaux. Le Lynx boréal est le seul à s’attaquer de préférence aux petits ongulés comme le chevreuil ou le chamois, bien qu'il arrive que le Lynx roux s’attaque aux Cerfs de Virginie et que le Lynx du Canada chasse le Caribou. Le lynx n’est pas un charognard et refuse toute nourriture en état de décomposition trop avancé[5]. Les lynx peuvent s'attaquer au bétail : la pression de prédation sur les animaux domestiques est très variable selon les régions. Des cas de lynx spécialisés dans la chasse au mouton ont été rapportés. Lors de réintroductions de lynx, on constate une augmentation brusque des attaques sur le bétail suivie d'une période de stabilisation. En Europe, l'action des lynx sur le bétail est considérée comme mineure comparée à celles du loup et de l'ours[24]. Les lynx n'attaquent pas l'être humain, pas même lorsque celui-ci s'approche de leur progéniture[25].
36
+
37
+ Les lynx mangent en position accroupie en commençant par les parties charnues de leur proie, comme les cuisses ou les épaules et n'attaquent jamais l'estomac ni les intestins. La peau et les poils sont repoussés peu à peu durant le repas et la peau retroussée finit souvent par « empaqueter » les parties du corps non mangées[26]. Les oiseaux sont plumés[11]. Les lynx peuvent également tirer leur proie sous le couvert des arbres afin de manger au calme[26].
38
+
39
+ Les attaques du lynx sur les troupeaux de cervidés favoriseraient la dispersion des hardes, permettant ainsi une meilleure répartition de l'espèce sur l'ensemble du territoire [27]. Cela pourrait avoir un impact sur les jeunes pousses mangées par les chevreuils et garantir un meilleur équilibre des écosystèmes.
40
+
41
+ Le cycle de reproduction des lynx est soumis à de grandes variations. Ainsi, le cycle du Lynx du Canada est en étroite connexion avec celui du Lièvre à raquettes (Lepus americanus) et sa population fluctue environ tous les dix ans[28]. De même, les observations menées sur le Lynx boréal montrent que selon les années, seuls 43 à 64 % des femelles donnent naissance à des jeunes[14].
42
+
43
+ La saison des amours se situe majoritairement à la fin de l'hiver. Après une parade amoureuse de plusieurs jours, le mâle retourne à ses occupations tandis que la femelle part en quête d'un gîte pour mettre bas après une gestation d'environ deux mois. Elle élève seule ses petits et leur apprend à chasser. Ils quitteront leur mère quelques semaines avant la naissance de la génération future. Ces subadultes chercheront un nouveau territoire : la dispersion est assez faible puisque les jeunes s'installent sur des territoires proches de ceux déjà occupés[22].
44
+
45
+ Les lynx sont très peu vecteurs de la rage. Sur mille lynx de Slovaquie capturés ou tués sur dix ans, seuls 0,6 % étaient infectés par le virus rabique. De plus, les lynx ne développent pas la forme agressive de la maladie et ont tendance à faire diminuer les populations de renards (très sensibles à la rage) par pression de prédation[11]. Les décès par maladie ne représentent qu'un quart des décès totaux. Les trois-quarts des décès des adultes sont dus à l'activité humaine, soit par une pression de chasse et/ou de braconnage, soit par le trafic routier[Note 7]. Pour les jeunes, c'est avant tout la famine et les maladies parasitaires qui déciment les populations (80 % des jeunes n'atteignent pas l'âge de procréer chez le Lynx boréal)[33]. Les lynx ont assez peu de prédateurs naturels en dehors de l'Homme. Selon les espèces, ours, loups, pumas et gloutons peuvent attaquer et tuer un lynx[34]. La longévité est d'une quinzaine d'années dans la nature et d'environ trente ans en captivité[29],[30],[31],[32].
46
+
47
+ La classification des lynx a fait l'objet d'un débat : les lynx devaient-ils être classés dans leur propre genre Lynx ou être un sous-genre de Felis ? En effet, jusque dans les années 1980, presque tous les félins étaient inclus dans le genre Felis, excepté les grands félins du genre Panthera et le guépard du genre Acinonyx : c’est la classification de Simpson. La taxonomie actuelle admet à présent que les lynx appartiennent à leur propre genre, mais les synonymes Felis lynx, Felis rufus ou encore Felis pardinus subsistent dans la littérature[35].
48
+
49
+ Le nombre d'espèces de lynx a beaucoup varié, du fait de la grande fluctuation morphologique, tant au niveau de la taille que de la couleur, des différents individus : jusqu’à sept espèces de lynx ont été proposées par Pocock et Balestri. Dans les années 1980, on comptait uniquement deux espèces : le Lynx boréal et le Lynx roux. Un autre modèle à deux espèces a existé qui admettait uniquement le Lynx boréal et le Lynx pardelle. Au sein de l’ensemble des différents modèles à deux espèces, la seule variation était l’aire de distribution du Lynx boréal qui tour à tour englobait celle du Lynx du Canada ou du Lynx pardelle[13] : les espèces actuelles, surtout le Lynx du Canada et le Lynx pardelle devenaient alors des sous-espèces du Lynx boréal Lynx lynx canadensis ou Felis lynx canadensis[35] et Lynx (Felis) lynx pardinus[36].
50
+
51
+ Le Caracal, du fait de similitude morphologique (tête, denture, queue) a longtemps été classé dans le genre Lynx. L’absence totale de taches, puis, plus tard, les analyses génétiques, l’ont écarté du genre Lynx vers son propre genre Caracal[13]. Le Manul (Otocolobus manul) a lui aussi temporairement fait partie du genre Lynx[37].
52
+
53
+ La phylogénie s'est longtemps basée sur l'étude des fossiles d'un animal afin de préciser l'apparition et l'évolution d'une espèce. La phylogénie moderne s'appuie essentiellement sur les analyses génétiques en raison du nombre peu important de fossiles de félins. Le premier félin daterait d'il y a 11 millions d'années. L’ancêtre commun des lignées Leopardus, Lynx, Puma, Prionailurus et Felis aurait traversé la Béringie et colonisé l’Amérique du Nord il y a environ 8 à 8,5 millions d’années[38]. Il y a 7,2 millions d’années, la lignée des lynx diverge de celle des pumas. Le dernier ancêtre commun à tous les lynx date d’il y a 3,2 millions d’années au Pliocène[38].
54
+
55
+ Bien que les fossiles soient rares chez les félins, les lynx font exception[39]. Le Lynx d'Issoire (Lynx issodoriensis) est généralement considéré comme l'ancêtre commun du genre Lynx. Possédant une aire de répartition très large, Lynx issiodorensis présentait une morphologie proche des félinés tout en ayant les caractéristiques des lynx[37],[40] : une queue courte et la denture à 28 dents. Plusieurs hypothèses d'« apparitions » des lynx modernes au travers de la forme intermédiaire du Lynx d'Issoire ont été proposées. Une première hypothèse suggère une divergence en trois lignées distinctes : L. pardinus, L. lynx, et L. rufus ; dans cette première hypothèse, L. canadensis descend de L. lynx[37].
56
+
57
+ Le Lynx d’Issoire aurait migré en Amérique du Nord par le détroit de Béring durant la glaciation du Pléistocène il y a cinq à deux millions d’années : des preuves de sa présence il y a 2,5 à 2,4 millions d’années ont été découvertes au Texas. Le Lynx d’Issoire aurait ensuite évolué en une forme intermédiaire Lynx issiodorensis kurteni puis vers l'actuel Lynx roux (Lynx rufus)[39].
58
+
59
+ Les premières formes de Lynx pardinus pourraient dater de fossiles attribués à Lynx issiodorensis du Pléistocène moyen selon Argant (1996). Le Lynx des cavernes Lynx pardinus speleus[41] ou Lynx spelaea[37], dont des traces ont été retrouvées dans les grottes de l’Observatoire à Monaco et de Grimaldi en Italie, possède des caractéristiques intermédiaires entre Lynx lynx et Lynx pardinus. Il est possible que le Lynx d’Issoire ait évolué vers le Lynx des cavernes qui par la suite a évolué vers le Lynx pardelle[41]. Des études menées tant sur la morphologie que sur le squelette du Lynx pardelle ont mis en évidence la sympatrie entre le Lynx pardelle et le Lynx boréal au sud-ouest de l’Europe durant le Pléistocène. Les deux espèces sont à présent considérées comme allopatriques[36].
60
+
61
+ Le Lynx d'Eurasie Lynx lynx est plus éloigné de Lynx issiodorensis que le Lynx pardelle. La dentition de cette espèce est différente de celle des autres lynx et il est également plus grand que les autres espèces de lynx[41] ; une hypothèse proposée est que le Lynx boréal, originaire d'Asie, aurait repoussé le Lynx pardelle sur la péninsule espagnole[37]. Le Lynx du Canada et le Lynx boréal sont en fait issus du même ancêtre commun asiatique[35]. Bien après la première colonisation ayant abouti au Lynx roux, une forme de Lynx d'Issoire a effectué une nouvelle colonisation des Amériques depuis l’Asie qui serait à l’origine du Lynx du Canada moderne (Lynx canadensis)[42],[43].
62
+
63
+ La classification classique range le genre Lynx dans la sous-famille des Felinae, qui contient historiquement tous les félins qui ne rugissent pas[44].
64
+
65
+ La classification phylogénétique divise les félins en huit lignées distinctes ; les lynx constituent la cinquième lignée. Les quatre espèces auraient évolué dans cet ordre : Lynx roux, Lynx du Canada, Lynx boréal et Lynx pardelle[38].
66
+
67
+ Panthera, Neofelis
68
+
69
+ Pardofelis
70
+
71
+ Caracal, Leptailurus
72
+
73
+ Leopardus
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+
75
+ Lynx
76
+
77
+ Puma, Acinonyx
78
+
79
+ Prionailurus, Otocolobus
80
+
81
+ Felis
82
+
83
+ Lynx rufus - Lynx roux
84
+
85
+ Lynx canadensis - Lynx du Canada
86
+
87
+ Lynx lynx - Lynx d’Eurasie
88
+
89
+ Lynx pardinus - Lynx pardelle
90
+
91
+ Le genre Lynx est subdivisé en quatre espèces distinctes : le Lynx du Canada (Lynx canadensis), le Lynx boréal (Lynx lynx), le Lynx pardelle (Lynx pardinus) et le Lynx roux (Lynx rufus). La validité des sous-espèces est fortement débattue, notamment celle du Lynx roux : il n'existe pas moins de douze sous-espèces[45] divisées selon des critères géographiques et morphologiques (taille et couleur)[46]. Selon Mammal Species of the World, le Lynx du Canada n'admet que trois sous-espèces, le Lynx boréal cinq et le Lynx pardelle aucune[44]. Pour le Lynx boréal, il est possible que le Lynx de Sardaigne (Lynx lynx sardiniae) ne soit en fait qu'une sous-espèce de Chat sauvage (Felis silvestris)[37].
92
+
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+ Lynx canadensis
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+ Lynx lynx
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+ Lynx pardinus
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+ Lynx rufus
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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103
+ L’hybridation naturelle entre le Lynx roux et le Lynx du Canada existe[47] : aux États-Unis, on appelle le résultat d’un tel croisement un « Blynx » ou un « Lynxcat », contraction du terme « Bobcat » désignant le Lynx roux et « Lynx » désignant le Lynx du Canada. En 2004, des études génétiques menées sur ces deux espèces ont confirmé que trois spécimens sauvages du Minnesota à l’origine ambiguë étaient issus de l’hybridation. L’ensemble des hybrides étudiés avait un Lynx du Canada pour mère[48]. Les signalements d’hybrides sauvages sont, pour l’instant, confinés au sud de l’aire de répartition du Lynx du Canada. Ces hybrides naturels partagent les caractéristiques morphologiques des deux espèces dont ils sont issus[49].
104
+
105
+ Des hybridations en captivité avec l’Ocelot, le Caracal et le Serval ont été signalées[50]. Une légende, probablement colportée par la créatrice de la race dans les années 1980 aux États-Unis, veut également que le pixie-bob soit une race de chat issue du croisement naturel entre un Lynx roux et un chat domestique[51]. C'est également le cas pour le bobtail américain[52] et le lynx domestique[53] ; bien que des observations d'accouplement entre le chat domestique et un lynx aient été rapportées, aucun test génétique n'a jamais confirmé ce genre d'hybridation[52].
106
+
107
+ Les lynx vivent préférentiellement dans les forêts boréales et mixtes à feuillage caduc ; le Lynx roux accepte un plus large panel d'habitats qui vont des aires semi-désertiques aux marécages humides de Floride bien qu'il préfère les forêts, mais contrairement aux autres espèces de lynx, il n’en dépend pas exclusivement[54]. Le Lynx pardelle préfère les forêts de pins et la garrigue[8].
108
+
109
+ L'ensemble des espèces de lynx est situé dans l'hémisphère nord. Le Lynx roux et le Lynx du Canada vivent en Amérique du Nord[7],[9], le Lynx pardelle se trouve exclusivement sur de petites portions de la péninsule ibérique[8] et le Lynx boréal possède la plus large distribution qui s'étend sur toute l'Europe et l'Asie[6].
110
+
111
+ L'aire de répartition des lynx s'est réduite plus ou moins fortement selon les espèces, mais c'est en Europe que la réduction a été la plus importante. Le Lynx boréal était présent partout en Europe, sauf en Grande-Bretagne[40] puis il a disparu de l’ouest de l’Europe et des Alpes avant l’ours et le loup, bien qu’il ait été persécuté moins intensivement[Note 8],[5]. Les populations de lynx régressèrent partout en Europe, puis eurent tendance à s’accroître au milieu du XXe siècle, du fait de sa protection légale[40]. Le lynx pardelle, extrêmement menacé, a vu ses populations chuter drastiquement durant la fin du XXe siècle en raison des épidémies de myxomatose qui a décimé sa proie principale, le lapin, et d'importants réseaux routiers qui ont fragmenté son habitat et augmenté le nombre de collisions avec des véhicules[55] : les populations de lynx pardelle ont diminué de 80 % en l'espace de vingt ans[56]. En Amérique, les populations ont moins régressé ; toutefois, en raison de changements d’habitat dus aux pratiques agricoles modernes, le Lynx roux n’est plus présent dans le Midwest des États-Unis et dans le sud du Minnesota, l’est du Dakota du Sud, l’Iowa et une grande partie du Missouri[57]. Le Lynx du Canada est encore présent sur 95 % de son aire de répartition historique au Canada mais a régressé aux États-Unis[58].
112
+
113
+ Excepté pour le Lynx pardelle, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) considère que les populations de lynx sont stables et abondantes ; par conséquent, elles sont classées en « Préoccupation mineure » (LC). Le Lynx pardelle est en « danger critique d'extinction » (CR) de 2002 à 2014, puis est classé comme « En danger » en 2015 en raison de l'accroissement de ses populations[59],[60],[56],[58].
114
+
115
+ Le commerce des animaux sauvages est régi par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). À part le Lynx pardelle qui est classé en Annexe I (toutes formes de commerce interdites) depuis 1990, l'ensemble des espèces de lynx sont en Annexe II de la CITES depuis 1977[61]. Les États-Unis ont lancé une demande de retrait du Lynx roux de l’appendice II à la CITES en raison de l'accroissement des populations[46], mais celle-ci fut refusée[59].
116
+
117
+ La chasse au Lynx boréal est réglementée en Russie, en Norvège, en Finlande, en Pologne, en Roumanie, en Turquie[62], en Estonie, en Lettonie, en Slovaquie jusqu'en 2001 date à laquelle il fut totalement protégé, en Croatie et en Slovénie[63]. En France et en Suisse, les lynx à problème sont déplacés[63]. Le Lynx pardelle est protégé sur l'ensemble de son aire de répartition. La chasse au Lynx roux et au Lynx du Canada est réglementée au Canada, aux États-Unis et au Mexique, mais la législation peut varier selon les États[64].
118
+
119
+ Seul le Lynx boréal fait l'objet d'un studbook européen (ESB) visant à créer un arbre généalogique fiable des individus détenus par les zoos[65]. Selon l'Association mondiale des zoos et des aquariums, les lynx sont gardés dans les parcs zoologiques à des fins d'éducation et pour la sympathie nouvelle du public[66],[67]. Selon l'International Species Information System (ISIS), 667 lynx sont détenus par des zoos le 1er octobre 2009, les espèces les plus représentées étant le Lynx boréal et le Lynx roux[68].
120
+
121
+ Un programme d'élevage du Lynx pardelle a été décidé en urgence en juin 2003. Le parc national de Doñana met en place plusieurs systèmes permettant de fournir aux lynx sauvages de quoi se nourrir sans émousser leur instinct de chasseur : des lapins sont contenus dans des enclos spéciaux, difficiles d'accès et proposant de nombreuses cachettes[55]. En parallèle, le centre de reproduction permet d'accroître rapidement la population : toutes les naissances devraient, à terme, être réintroduites[69].
122
+
123
+ Quatorze projets de réintroduction du lynx ont été mis en œuvre en Europe de 1970 à 2006, qui ont donné les meilleurs résultats en Slovénie, dans les Alpes suisses et dans le Jura. Le Lynx boréal a été réintroduit en Slovénie, en Croatie, dans le parc national de Bavière en Allemagne, en Suisse dans le Jura, le canton de Vaud (Alpes et Jura), le canton d'Obwald et le parc national des Grisons et le parc national du Grand-Paradis en Italie[40]. Des tentatives de réintroduction du Lynx du Canada ont été menées dans l’État de New York et dans le Colorado[7] ; pour ce dernier la réintroduction semble être un succès[58]. Le Lynx roux a été réintroduit sur l’île de Cumberland et dans le New Jersey[9].
124
+
125
+ Pour capturer des lynx à des fins de réintroduction, les scientifiques utilisent la tendance des félins à emprunter toujours les mêmes passages. Une cage à deux portes coulissantes est placée de telle manière que le félin puisse voir sa piste au-delà du piège, sur un chemin fréquemment utilisé. Le lynx est souvent capturé au début ou à la fin de l’hiver, il subit ensuite une période de quarantaine avant d’être relâché, de préférence en couple, à la belle saison. Les individus capturés sont souvent des jeunes, généralement des mâles[11].
126
+
127
+ Le terme « lynx » [lε̃:ks] est directement issu du latin « lynx », lui-même tiré du grec ancien « λύγξ » qui désigne tout simplement l'animal. Il existe quelques variations orthographiques telles que « linz » durant le XIIe siècle ou « lins » au XIIIe siècle. Au sens figuré, un lynx est une personne très rusée[70]. « Avoir des yeux de lynx » signifie avoir une très bonne vue[71] ; cette expression est issue d'une confusion avec « avoir des yeux de Lyncée », en référence à l’argonaute Lyncée qui possédait une vision perçante, et a été à l'origine de la légende sur les bons yeux du lynx[40]. Ainsi, la constellation du Lynx aurait été appelée ainsi par Hevelius au XVIIe siècle car il faut avoir les yeux de lynx pour l'apercevoir[72]. Le terme « Lynx du désert » ou « Lynx désertique » fait référence au Caracal (Caracal caracal), qui était autrefois placé dans le genre Lynx.
128
+
129
+ Le Lynx boréal est anciennement nommé « loup-cervier » ou « loup cervier » [lusɛʀvje], du latin Lupus cervarius qui signifie littéralement « loup qui attire les cerfs ». Au départ, ce terme ne désignait que la femelle du lynx et le féminin « louve-cervière » est antérieur au masculin. Une forme féminine « loup-cerve » est proposée dans certains dictionnaires[73]. Le Lynx du Canada est encore appelé « loup-cervier » en français du Canada[35]. Outre la désignation de l'animal, le terme loup-cervier peut symboliser un homme sans scrupule, travaillant dans le secteur de l'économie (banquier par exemple)[73].
130
+
131
+ Dans la mythologie amérindienne, la figure du lynx est souvent associée à celle du Coyote, dans un thème de gémellité[Note 9]. Le lynx et le coyote sont respectivement associés au vent et au brouillard, deux éléments opposés dans le folklore amérindien. Les légendes varient légèrement entre les peuples nord-américains, et des mythes équivalents existent en Amérique du Sud, comme au Brésil par exemple. Les figures du Lynx et du Coyote dans les mythes des Indiens d’Amérique ont été étudiées par Claude Lévi-Strauss, dans son livre Histoire de Lynx. Selon lui, ces jumeaux opposés et de force inégale représentent un monde en perpétuel déséquilibre. Cette analyse lui permet d’interpréter les comportements amicaux des Amérindiens lors de leurs premiers contacts avec des Européens : pour les Amérindiens, l’existence de leur peuple impliquait l’existence d’autres peuples dont ils attendaient la venue. Toujours selon Lévi-Strauss, les versions plus tardives sont le résultat du contact régulier avec les Européens[74],[75].
132
+
133
+ Dans une légende Shawnee, le lynx, un des quatre protecteurs de l’étoile du matin, se fait entourlouper par un lapin : alors que ce dernier est acculé dans un arbre, prêt à être attrapé par le lynx, il suggère à son prédateur de faire un feu pour le rôtir ; le lapin saute alors de l’arbre, et les braises s’éparpillent sur la fourrure du lynx et dessinent des taches marron foncé sur sa robe[76]. Les Mojaves croient que rêver souvent d’un objet ou d’un être vivant leur donne leurs caractéristiques. S’ils rêvent des deux divinités que représentent le lynx et le puma, ils pensent que cela va leur donner des compétences à la chasse supérieures à celles des autres tribus[77]. Les colons européens ont aussi admiré ce félin, et aux États-Unis, il reste prééminent dans les anthologies du folklore national.
134
+
135
+ Le Lynx boréal est quasiment absent des mythologies européennes ; toutefois, il a fait l’objet de nombreuses superstitions colportées dans les bestiaires. Le lynx apparaît comme un loup aux taches de panthère, dont la femelle ne peut enfanter qu'une seule fois[78].
136
+
137
+ Une autre superstition veut que le lynx aient de bons yeux. Cette croyance est née d’une confusion avec l’argonaute Lyncée qui possédait une vision perçante[40]. On pensait également que les yeux brillants du lynx[Note 10] éclairaient la route et pouvaient rendre aveugle tant la lumière était intense[79]. Ses yeux étincelants avaient prétendument la faculté de voir à travers les murs[71]. La légende du loup-cervier raconte que le lynx peut se transformer en loup pour se nourrir de cervelle humaine[80].
138
+
139
+ L’urine de lynx avait la propriété de se solidifier pour former une pierre précieuse rouge, le lyncurium[71], lyncurius ou lapis lyncurius[78]. Afin de cacher cette pierre et par jalousie, le lynx recouvre son urine de terre. La pierre fabuleuse est capable de soigner l’ictère et de faire disparaître les calculs de la vessie[40]. Selon Theophrastus (Ve siècle av. J.-C.), la pierre attire à elle la paille, les copeaux de bois, le cuivre et le fer ; elle est de meilleure qualité si elle provient d'individus sauvages et masculins[78]. Bien que personne n'ait jamais vu cette pierre fabuleuse, les écrits de Theophrastus seront repris par plusieurs auteurs classiques comme Ovide (Ier siècle), Pline l'Ancien (Ier siècle) et Isidore de Séville (VIIe siècle)[78] jusqu'au XVIIe siècle où il disparaît progressivement des lapidaires, sans que les croyances de Theophrastus ne soient jamais remises en doute[81].
140
+
141
+ La première description du Lynx boréal nous vient de Pline l'Ancien, qui n'hésita pas à le comparer au loup : « Effligie lupi, pardorum macullis », c'est-à-dire « Ressemblant au loup, tacheté comme une panthère ». De plus, selon Pline l'ancien, il existe deux formes de lynx, le « loup-cervier » utilisé à Rome lors des jeux du cirque, et le « lynx », créature fabuleuse venue d'Éthiopie[79]. Ces descriptions, pourtant très peu précises, servirent de base à l'ensemble des travaux et écrits sur le lynx. Combiné à l'extrême discrétion de ce félin que personne ou presque ne rencontrait, il devint un animal fantasmagorique, réputé féroce. Ainsi, au Moyen Âge, le loup-cervier est toujours assimilé au loup. On appelait ainsi le lynx « loup à robe zébrée ou mouchetée », et tout le monde était terrifié par cet animal. Le lynx était très méconnu, absent de la Bible[40]. Il apparaît dans le livre de Marco Polo, le Devisement du monde[82] et pour la première fois illustré dans le Livre de chasse de Gaston Fébus[40]. Au Moyen Âge, les griffes et les dents du Lynx boréal servaient d’amulettes et il était également chassé pour sa fourrure[80].
142
+
143
+ Pendant longtemps, le lynx et le loup-cervier sont considérés comme deux espèces différentes. Bien que les premières superstitions soient écartées, les connaissances sur cet animal sont erronées ; par exemple, au XIXe siècle, Pierre Boitard écrit que « [Le loup-cervier] fait ensuite un trou derrière le crâne [de ses proies], et leur suce la cervelle par cette ouverture, au moyen de sa langue recouverte de petites épines[83]. ». L'animal est considéré comme féroce et sanguinaire. Ainsi, la bête de la Gargaille, sorte de bête du Gévaudan jurassienne, aurait terrorisé la population durant l'année 1819. Les descriptions très contradictoires pointent l'action d'un lynx. Cependant, l'histoire aurait été gonflée en véritable massacre par le préfet tandis que le louvetier décrivait de simples vêtements déchirés[79]. Le félin est si méconnu que les véritables dépouilles de lynx capturés en Europe de l'Ouest sont prises pour quelques « animaux exotiques » et cela jusqu'au XIXe siècle. Les écrits à propos du lynx restent empreints de légendes jusqu'au XXe siècle où des recherches sérieuses ne sont entreprises qu'à partir des années 1980[79].
144
+
145
+ En héraldique, lynx et loup-cervier sont deux figures différentes. Le lynx est passant dans l'écu et tout comme le loup-cervier symboliserait la perspicacité[84],[85]. Le loup-cervier, représenté comme une panthère tachetée avec la queue d'un chat et la face d'un lynx, est très peu présent. Le lynx par défaut est passant, la tête de front[86], et peut être confondu avec le loup bien qu'il ait le plus souvent la queue entre les jambes[87].
146
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147
+ Le lynx est considéré comme un symbole de la Macédoine et est présent sur le côté pile de la pièce de 5 denars[88]. Le lynx est choisi comme emblème par de nombreuses universités et équipes sportives d’Amérique du Nord, comme les Bobcats de Charlotte, ou les Lynx de Toronto[89].
148
+
149
+ Les lynx sont assez peu présents dans les œuvres de fiction. À la télévision, Bonkers D. Bobcat est un Lynx roux anthropomorphique créé par les studios Disney. Le Lynx roux Bubsy est un personnage de jeux vidéo ; une série de dessins animés consacrée au personnage a été produite, mais seul un épisode existe[90]. Le jeu vidéo Shelter 2, sorti en 2015, propose d'incarner une maman lynx devant protéger ses petits lors d'un voyage[91].
150
+
151
+ Au Moyen Âge, les griffes et les dents du Lynx boréal servaient d’amulettes et il était également chassé pour sa fourrure[80]. La fourrure du Lynx du Canada est recherchée depuis le début de la colonisation du Canada par les Européens. Les trappeurs de la côte nord du Canada et les peuples autochtones mangent sa chair[35].
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+ La peau de Lynx roux est la plus vendue parmi celles des félins. La fourrure de Lynx roux sert à faire des manteaux, des tapis ou des décorations murales ; c’est la fourrure du ventre qui est la plus recherchée[92]. La plupart des exportations viennent des États-Unis, dont les exportations annuelles moyennes sont passées de plus de 13 000 dans les années 1990 à un peu moins de 30 000 dans les années 2000[59].
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+ Le changement de mentalité de l'humain envers la nature et plus particulièrement envers les carnivores a été profitable au lynx. 70 à 80 % des habitants des pays d'Europe de l'Ouest sont favorables au retour des lynx, les citadins étant bien plus favorables au retour du lynx que les habitants des milieux ruraux. Les principaux détracteurs des lynx sont les chasseurs, qui l'accusent de faire diminuer la population de gibier, et les éleveurs, préoccupés par les prélèvements sur leurs troupeaux[93]. Pourtant, l'impact du lynx est considéré comme bénéfique au gibier[Note 11]. Par exemple en Suisse, la population de lynx, qui compte environ 150 individus, tue 8 000 chevreuils par an contre 40 000 tués par la chasse et 9 000 tués par la circulation automobile[25] sur un effectif d'environ 130 000 chevreuils[94],[Note 12]. De nombreux moyens ont été testés pour minimiser l'impact du lynx sur le bétail : les plus efficaces restent l'emploi du chien patou, le gardiennage et l'utilisation de clôtures. De plus, si la présence des lynx est parfois mal vécue lors de leur réintroduction, on constate que dans les pays où les lynx n'ont jamais disparu aucune accusation ni demande d'extermination n'est effectuée[95].
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+ Selon une étude menée au Cumberland Island National Seashore où le Lynx roux a été réintroduit, l’évaluation des connaissances a une note moyenne de 3,8/10, les chasseurs ayant obtenu les meilleurs scores (5,1/10). Selon les auteurs, ce score si faible peut être corrélé avec la nature discrète du Lynx roux : les opportunités d’apprentissage par contact direct sont faibles[96]. De plus, peu de reportages animaliers lui sont dédiés, à l’inverse de ce qu’on peut voir pour le lion, le tigre, ou encore le puma[97].
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+ Le conte merveilleux, ou conte de fées, est un sous-genre du conte. Dans ce type de littérature interviennent des éléments surnaturels ou féeriques, des opérations magiques, des événements miraculeux propres à enchanter le lecteur, ou l'auditeur, dans le cas d'une séance de conte, généralement empruntée au folklore. La plupart des récits appartenant à ce genre littéraire ont circulé de bouche à oreille, avant d'être l'objet au XVIIe siècle de collectages, retranscriptions à l'écrit et de se retrouver relativement fixés dans leur forme et contenu. On considère généralement que les contes merveilleux sont représentés par les contes-types AT 300 à AT 749 de la classification Aarne-Thompson-Uther (mais on trouve dans diverses cultures des contes merveilleux ne pouvant se rattacher à aucune de ces entrées).
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+ Les motifs des contes merveilleux sont extrêmement anciens, et pour certains (comme La Belle et la Bête et Nain Tracassin) pourraient remonter à la préhistoire. Cela les rend plus vieux encore que les plus anciens textes écrits connus. Ils se sont transmis oralement depuis le proto indo-européen[1]. Cette théorie reste cependant controversée, d'autres chercheurs estimant ces motifs plus récents. Il convient ici d'identifier la fonction des motifs narratifs dans le discours. Ce type de contes a subi en effet une évolution sur le très longue durée. Il faut identifier le référent, qui est souvent cosmologique ou remonte à une période très haute des sociétés. La périodisation est indispensable à l'analyse. On peut ainsi retracer la transmission depuis les locuteurs (de l'indo-européen puis de ses dialectes majeurs - celtique, germanique, grec, etc. -, ou bien du proto-ouralien, puis du finnois, etc.) jusqu'à leur dernier état connu. La mythologie comparative et reconstructive ne fonctionne pas autrement : il y avait déjà des "contes merveilleux" en Grèce classique et à Rome. La notion de tradition admet et nécessite celles de renouvellement formel et de conservation[2].
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+ Une étude récente publiée dans Royal Society Open Science en 2017 a évalué ces fables comme on étudie les espèces en évolution, et conclut que certains des contes d'occident pourraient dater d'au moins 6 000 ans[3], à partir d'un corpus massif de plus de 2 000 contes déposé en ligne, provenant de différentes cultures indo-européennes (index Aarne-Thompson-Uther, compilé en 2004) ainsi que de leurs voisines ouraliennes et, à l'ouest, aquitaniennes. Les cultures indo-européennes (englobant toute l'Europe et une grande partie de l'Asie) descendrait des peuples Proto-Indo-européens néolithique établis en Europe du Nord et de l'Est (10.200 BCE-2000 BCE), aussi à l'origine d'une grande partie des langues européennes contemporaines et de certaines langues apportées en Asie [3]. Les universitaires, encadrés par Jamshid Tehrani, (anthropologue à l'Université de Durham) ont analysé le dépôt en ne retenant que les contes contenant des éléments magiques et surnaturels (qui sont aussi les plus célèbres). Ces 275 contes comprenaient notamment Hansel et Gretel et La Belle et la Bête. Comme la tradition orale n'a pas laissé de traces fossiles (quoique les mythes d'Aurores étudiés par Georges Dumézil soient effectivement la strate la plus ancienne de la religion cosmique des Indo-Européens), des méthodes statistiques calquées sur celles de la phylogénétique ont été utilisées pour tracer les lignées d'histoires se ramifiant dans le temps, en différentes langues[3]. Ainsi quand une même histoire peut être retrouvée en langues slaves et celtiques (ex : Jack et le Haricot magique) elle est considérée comme ayant un « ancêtre commun » (Proto-ouest-Indo-Européen) dont ces deux lignages ont divergé il y a au moins 6 800 ans (point de départ des IE, mais Celtes et Slaves sont des ramifications récentes des âges des Métaux). Les auteurs ont cherché à aussi tenir compte de la transmission horizontale d'une culture à l'autre. À partir d'un groupe de 76 contes de fées (comme Smith et le diable, qui est l'histoire d'un forgeron faisant affaire avec le diable en échange de prouesses de forge inégalées) on remonte à des milliers d'années vers les peuples indo-européens qui en semblent à l'origine, c'est-à-dire selon les comptes entre 2 500 et 6 000 ans)[3]. D'autres histoires seraient bien plus récentes. Mark Pagel (biologiste de l'évolution) suggère de maintenant s'intéresser aux facteurs qui ont fait que ces histoires particulières ont résisté à l'épreuve du temps. Une hypothèse est qu'ils seraient des récits minimaux contenant des leçons facile à comprendre, mais avec des éléments contre-intuitifs (c'est-à-dire contenant des dissonances cognitives, avec notamment le mélange du monde réel et d'un monde impossible : créatures fantastiques, magie)[4].
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+ Si la littérature du Moyen Âge est très empreinte d’éléments appartenant au merveilleux (avec Chrétien de Troyes par exemple), le genre du conte merveilleux (appelé aussi conte de fées) apparaît réellement au XVIIe siècle avec des auteurs comme Marie-Jeanne L'Héritier de Villandon, Charles Perrault, Madame d'Aulnoy ou Henriette-Julie de Castelnau de Murat[5].
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+ Ce désir de (ré)introduire du merveilleux, de l'irrationnel dans la société émerge en même temps que commence à apparaître la pensée philosophique rationalisante des Lumières.
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+ Pourtant le conte merveilleux écrit naît dès le XVIe siècle en Italie, avec les deux recueils Pentamerone de Basile et Les Nuits facétieuses de Straparole, mais c'est au XVIIe siècle que le genre se diffuse par l'intermédiaire des auteurs et éditeurs fréquentant les salons littéraires mondains. Ces derniers empruntent à la tradition orale, aux mythes, aux histoires d'amour et aux textes classiques de l'Antiquité[6]. La plupart des contes de fées sont écrits par des femmes qui trouvent dans les salons mondains une forme d'émancipation et la possibilité de prouver leur intelligence[7]. Madame d'Aulnoy est l'une de ces précieuses s'inspirant de l'oralité, elle est l'inventrice du terme « contes de fées »[8], raconte oralement ses histoires à l'origine, et devient si populaire à Paris qu'elle les couche sur le papier. Charles Perrault donne à ses contes une forme assez éloignée de celle des contes mondains à la langue raffinée, et les Contes de ma mère l'Oye obtiennent un succès phénoménal, en partie parce que les contes écrits par des femmes étaient plutôt subversifs et mal vus, là où Perrault met en scène des femmes passives.[réf. nécessaire] Au XVIIIe siècle, les salons mondains disparaissent et Les Mille et Une Nuits obtiennent à leur tour un succès phénoménal[9],[10]. Au milieu du XVIIIe siècle, le conte de fées voit une nouvelle vague de popularité avec La Belle et la Bête tandis que l'idée d'écrire des histoires spécialement pour les enfants fait son chemin[11], et ces ouvrages se diffusent par le biais de la littérature de colportage. À partir de 1785 et alors que la vogue pour le conte diminue à nouveau, Le Cabinet des fées réédite une centaine de ces œuvres, dont une majorité ont été écrites par des femmes. Pourtant, seuls quatre noms d'hommes sont bien connus dans l'histoire du conte de fées : Charles Perrault, Jacob et Wilhelm Grimm, et Hans Christian Andersen[12].
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+ Il existe de nombreuses relations entre les histoires inventées dans les cabinets et les pièces produites pour l'opéra[13]. Certaines histoires, à l'exemple de Serpentin Vert de Madame d'Aulnoy, ont été adaptées pour la scène.
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+ Les premières éditions de contes étaient illustrées par une vignette en couverture de chaque livre. Peu à peu l’illustration conquiert les livres de contes, qui deviennent de vraies œuvres d’art. Ainsi les illustrateurs donnent aux contes un nouveau souffle et offrent aux lecteurs leurs propres représentations du merveilleux. Gustave Doré en 1867 illustre une édition des contes de Perrault, de manière dramatique et violente, avec des représentations très réalistes et détaillées, créant ainsi un univers très troublant. D’autres au contraire donnent à leurs illustrations des dimensions plus féeriques, tels Kay Nielsen ou encore Arthur Rackham. Dans les années 1820, le célèbre caricaturiste politique anglais George Cruikshank est le premier illustrateur à interpréter les contes des Frères Grimm de façon humoristique. Les contes prennent alors une dimension grotesque par les caricatures des lieux et des personnages.
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+ Au début du XXe siècle apparaissent des illustrations fantastiques telles qu’on les connait aujourd’hui avec des représentations plus enfantines. De nombreux illustrateurs se prêtent à ces exercices de représentation, comme Félix Lorioux qui réalise une série de contes illustrés destinés à un public jeune pour les éditions Hachette.
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+ Les illustrateurs ne cessent de réinventer le genre merveilleux. Au cours du XXIe siècle les dessinateurs créent des exercices de style, comme Warja Lavater qui a remplacé le texte du conte par une longue bande de 4,74 mètres de long, couverte de points. Chaque personnage, chaque élément du décor est représenté par un signe selon un code annoncé en préambule. La bande se replie en accordéon pour former des doubles pages.
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+ Les contes merveilleux ont également séduit le 7e art. Georges Méliès en 1899 a réalisé Cendrillon sous la version de Charles Perrault. La féerie y prend alors toute sa place avec des costumes étincelants, de grands décors et également des astuces de machinerie créant alors la vraie magie du conte. La Belle et la Bête de Jean Cocteau en 1945 et Peau d’âne réalisé par Jacques Demy sont aujourd’hui considérés comme des références cinématographiques. Par la suite les studios d’animation Disney reprennent les plus grands contes merveilleux. Blanche-Neige et les Sept Nains en 1937 est considéré à l’époque comme un chef-d’œuvre. Il ouvrira la porte à de nombreux autres films, reprenant le genre des contes merveilleux. Les nouvelles prouesses techniques et effets spéciaux des Walt Disney Pictures dépoussièrent leurs dessins d’animation pour créer en 2010 Alice au pays des merveilles réalisé par Tim Burton. Le film utilise une technique de combinaison entre les prises de vue réelles et l'animation donnant ainsi un nouveau souffle aux Contes de Fées.
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22
+ Ainsi meurt l'esprit des contes, s'éloignent les fées, se dérobe l'aurore à l'écoute de tant d'arrogantes sottises. Ainsi se fanent les fleurs aux pétasseries salonnardes d'une autre marquise de Sévigné décrivant la campagne[14].
23
+
24
+ Bruno Bettelheim s'est penché sur le pouvoir libérateur du conte de fées lorsqu'il est raconté aux enfants. Dans Psychanalyse des contes de fées, il se base sur les théories de J. R. R. Tolkien (Faërie) et ses propres recherches afin d'évoquer l'évolution que subit l'enfant à travers le conte. De la menace à la libération, l'enfant accompagne le héros à travers ses peurs (forêt dense, marâtre, etc.). Certains personnages seront ses alliés, comme la fée, et lui permettront également d'être rassuré.
25
+
26
+ Pierre Dubois pense que les conteurs français du XVIIe siècle ont considérablement modifié la perception de la fée en faisant des « belles de mai » mentionnées dans les anciennes croyances des femmes raffinées, délicates et élégantes fréquentant la cour dans leurs contes, détruisant ainsi leur symbolisme originel lié au renouveau de la nature[14].
27
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28
+ Le philosophe Emmanuel d'Hooghvorst lit dans les contes de fées, surtout ceux de Charles Perrault, un sens hermétique. Il s'efforce de démontrer leur cohésion traditionnelle au moyen de références kabbalistiques, alchimiques, bibliques et mythologiques[15]. ce qui revient à méconnaître les traditions d'origine (erreur de méthode abordé par Lévy-Strauss (Un regard éloigné, Paris, 1983, 56 ss) et par Bernard Dubant (Some Questions about Indian Tales, Poona, 1992).
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+ Entités précédentes :
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+ L'Empire romain (en latin : Imperium romanum ; en italien : Impero romano) est le nom donné par les historiens à la période de la Rome antique s'étendant entre 27 av. J.-C. et 476 apr. J.-C.. Pour la période postérieure, de 476 à 1453 apr. J.-C., qui concerne surtout la partie orientale de l'Empire, avec Constantinople pour capitale, les historiens modernes parlent aujourd'hui d'Empire byzantin. Ce terme n'est toutefois apparu qu'au XVIe siècle, ses habitants de l'époque l'appelant toujours « empire des Romains ». La distinction entre Empire romain et Empire byzantin, ainsi que la date de naissance assignée à ce dernier sont d’ailleurs une question de convention entre chercheurs modernes[2]. En Europe de l'Ouest et centrale, l'Empire d'Occident (800-924) des rois carolingiens, puis le Saint-Empire romain germanique (962-1806), dont les souverains se faisaient encore appeler « Empereur des Romains », se considéraient également comme les successeurs légitimes de l'Empire latin.
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+ L'année 27 av. J.-C. correspond à l'octroi par le Sénat à Octave du surnom d'Augustus (« Auguste »), date traditionnellement considérée comme le début du principat.
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+ Durant la période de cinq siècles allant de 27 av. J.-C. à 476 apr. J.-C., l'État romain s'est agrandi au point d'englober un territoire allant de la Maurétanie tingitane (Maroc) jusqu'à la Mésopotamie, et de la Britannie (Angleterre) jusqu'à l'Égypte, créant ainsi l'une des plus grandes entités politiques de l'Histoire, qui influença profondément le monde méditerranéen, sur le plan culturel, linguistique et finalement religieux, tout en assurant la conservation de la civilisation grecque antique reçue en héritage. La période impériale fut aussi un temps de développement des échanges économiques, facilité par la construction d'un important réseau routier parfois encore existant.
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+ L'Empire fut fondé par Auguste, qui mit fin à la Dernière Guerre civile de la République romaine, au cours de la toute fin de la République romaine. Contrairement à la République, qui était oligarchique, l'Empire fut une autocratie, tout en conservant durant le principat des apparences républicaines : le pouvoir politique était principalement détenu par un seul homme, l'empereur, qui s'appuyait sur une bureaucratie sans cesse plus développée, sur une administration territoriale importante et sur une puissante armée. De sa fondation par Auguste jusqu'à la déposition de son dernier empereur, Romulus Augustule, l'Empire eut une histoire intérieure et extérieure complexe, caractérisée, au départ, par une certaine stabilité politique (période du principat), puis, à partir du IIIe siècle, par une instabilité de plus en plus importante : crise du troisième siècle et dominat. Les coups d'État et les guerres civiles se multiplièrent, et l'Empire avait à affronter un nombre grandissant d'ennemis extérieurs.
22
+
23
+ En effet, à partir de la fin du IIe siècle, l'Empire est confronté à ce que l'historiographie ultérieure a appelé les invasions barbares. Il s'agissait, en réalité, de mouvements de populations de très grande ampleur, réalisés sur de longues durées. Les peuples dits « barbares », en se déplaçant vers l'ouest, finirent par se heurter à la frontière romaine, militairement gardée, et, poussés par d'autres peuples plus à l'est, tentèrent de la percer. Si l'Empire parvint, dans un premier temps, à repousser les envahisseurs, la crise du troisième siècle vit les frontières céder une première fois. En réaction aux périls extérieurs, le pouvoir romain, à partir de la tétrarchie, chercha à se renforcer : les centres de décision politique et militaire furent multipliés, l'administration développée et militarisée, et la taille de l'armée augmentée. Le IVe siècle fut l'époque des guerres civiles entre les successeurs des tétrarques, et il fut dominé par la personnalité de Constantin Ier, qui rénova profondément l'Empire romain, en lui donnant ses caractéristiques définitives.
24
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25
+ À cette époque, le pouvoir était devenu un régime absolu, avec une cour et un protocole de type oriental. La fin de la proscription du christianisme par Constantin, puis son établissement comme religion d'État par Théodose Ier est le fait le plus marquant de la civilisation romaine dans cette période, l'Antiquité tardive. Appuyée sur l'appareil administratif romain, extrêmement développé, l'Église acquit une place prépondérante dans tous les territoires romains avant d'être chassée, par l'expansion de l'islam, d'une partie de ceux-ci.
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+ Après la division de l'Empire en deux entités, l'Empire romain d'Orient (pars orientalis) et l'Empire romain d'Occident (pars occidentalis), la partie occidentale est marquée, à partir du Ve siècle, par un délitement continu de l'autorité politique au profit des royaumes germaniques : la puissance militaire s'effondre, l'économie est exsangue et la domination territoriale se réduit, jusqu'à ne plus dépasser l'Italie. L'Empire s'effondre d'une manière progressive, et la déposition, par Odoacre, du dernier empereur Romulus Augustule, est finalement un événement mineur, surtout symbolique.
28
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29
+ Éteint en Occident en 476, l'Empire romain persista en Orient, autour de sa capitale, Constantinople. À l'Est, il mêla, comme jadis à l'Ouest, des éléments de civilisation grecs et latins, mais la part grecque est devenue prépondérante. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'appellation « byzantin » (qui date du XVIe siècle mais était peu utilisée) se généralise pour l'Empire romain d'Orient, mais en fait, il n'existe pas de fondation ou de début de l'Empire byzantin, qui n'est que la période médiévale et finale de l'Empire romain et prend fin en 1453[2].
30
+
31
+ La période dite du « Haut-Empire[N 2] » couvre plus de deux siècles. Cette période, qui commence avec le principat d'Auguste et qui met fin à la République romaine, s'étend jusqu'à la crise du IIIe siècle, incluant le règne idéalisé de la dynastie des Antonins. C'est une période d'extension et de consolidation de l'Empire, marquée par des périodes de stabilité intérieure et de prospérité économique.
32
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33
+ Le Sénat confère à Octave le titre « d'Auguste ». Tout en maintenant le fonctionnement des anciennes magistratures et du Sénat, Auguste concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Ses successeurs, les empereurs Julio-Claudiens, suivis par les Flaviens et les Antonins mènent l'Empire romain à son apogée. Au IIe siècle, la superficie de l'Empire romain est à son maximum, et compte entre 50 et 80 millions d'habitants. Rome est avec un million d'habitants la plus grande ville du monde méditerranéen.
34
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35
+ Après avoir vaincu Marc Antoine à la bataille navale d'Actium par l'intermédiaire de Vipsanius Agrippa en septembre 31 av. J.-C.[p 1],[m 1], Octave, fils adoptif et héritier de Jules César, devient seul détenteur du pouvoir et « maître incontesté de tout l'Empire »[p 1]. S'ouvre alors une période nouvelle et décisive dans l'instauration du principat, un régime politique qui apparaît comme un retour aux institutions républicaines[m 2]. Cependant, un rétablissement de la République semble impossible après près d'un siècle de guerres civiles, où les chefs de guerres et hommes politiques prennent, en tant qu'individu, une place prééminente, et admise par tous[m 2]. De plus, Octave est le premier à réussir à trouver le soutien du peuple et de la noblesse, le « consensus universorum »[m 2],[p 2].
36
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37
+ En 30 av. J.-C., il reçoit le ius auxilii des tribuns, qui fait de lui le « protecteur de la plèbe »[p 1],[m 3]. Le 1er janvier 29 av. J.-C., les magistrats et le Sénat prêtent le serment de respecter les dispositions prises par l'imperator[m 3]. En août, Octave célèbre trois triomphes puis dédicace le temple du divin César et inaugure la Curie Julia[m 3].
38
+
39
+ L'année suivante, avec Agrippa, il révise la liste des sénateurs (lectio senatus) et recense la population (censoria potestas) grâce à des pouvoirs détachés de la magistrature républicaine de censeur[p 1],[m 3]. Il revêt le consulat pour la sixième fois, avec Vipsanius Agrippa, cette magistrature étant de nouveau légalement partagée[p 1], et sera renouvelé dans cette fonction jusqu'en 23 av. J.-C.[m 3].
40
+
41
+ Le 13 janvier 27 av. J.-C., au terme d'un long discours au Sénat, Octave rend au Sénat et au peuple romain ses pouvoirs et l'État, auquel il a rendu sa liberté et la paix[m 3],[p 1]. Les sénateurs refusent et, selon un scénario certainement préparé, ils lui attribuent le pouvoir proconsulaire pour dix ans[m 3],[p 1]. Les terres romaines sont divisées en provinces sénatoriales (pacifiées) et impériales (où se trouvent les forces armées)[m 3],[p 1]. Le 16 janvier, il reçoit le titre sacré « d'Augustus » sur l'initiative du sénateur Munatius Plancus[p 1],[m 4].
42
+
43
+ Par ce règlement constitutionnel, le régime personnel, régime d'exception jusque-là, entre dans sa période organique[p 3],[m 5]. Auguste, reconnu comme princeps, ce qui signifie le « Prince du Sénat », devient le chef officiel de l'État romain[p 3],[m 5]. Il prend le contrôle absolu de l'armée, 28 légions, dont il assure le financement et est protégé en permanence par la garde prétorienne, stationnée dans l'Urbs[p 4],[p 5] (jusqu'alors aucune troupe n'a résidé à Rome).
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+ Par définition, le régime comporte un partage d'attribution entre le nouveau pouvoir — le princeps — et les pouvoirs traditionnels — les assemblées législatives, les magistratures et le Sénat.
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+ Jusqu'en 23 av. J.-C., la situation institutionnelle n'évolue pas, avec le onzième consulat de l'empereur. Cette année-là, une grave crise secoue l'État due à plusieurs causes : une grande épidémie de « peste » ravage l'Italie, une conspiration vise à assassiner Auguste et ce dernier tombe régulièrement malade[p 3],[m 4]. L'empereur dépose le consulat[p 6], qu'il détient depuis 31 av. J.-C. sans interruption, et qu'il n'occupe plus que deux fois en 5 et en 2 av. J.-C. En échange, le Sénat et le peuple de Rome lui octroient la puissance tribunitienne complète et à vie, base civile de son pouvoir, et un imperium proconsularius maius (plus grand que celui des proconsuls des provinces sénatoriales)[p 6],[m 4]. À partir de ce moment, Auguste détient un pouvoir absolu[p 6],[m 4],[m 5].
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+
49
+ Malgré un aspect civil et démocratique des pouvoirs de l'empereur, détenant légalement la puissance tribunitienne au lieu du consulat annuel, les troubles persistent à chaque absence d'Auguste ou d'Agrippa. Ces pouvoirs militaires et civils sont légitimes, et il refuse le consulat perpétuel ainsi que la censure et la dictature, ce qui permet sous les apparences de maintenir les institutions républicaines[p 6], et met fin aux troubles à son retour à Rome[p 7]. En 19 av. J.-C., il refuse une nouvelle fois la censure, reçoit les insignes consulaires à vie et partage le pouvoir pour cinq ans : Agrippa reçoit l'imperium proconsulaire majeur ainsi que la puissance tribunitienne[p 7].
50
+
51
+ La mort en 12 av. J.-C. de Lépide, pontifex maximus depuis le second triumvirat, permet à Auguste de se faire élire à la plus haute charge religieuse[p 7],[m 6]. En 2 av. J.-C., il reçoit le titre de « Père de la patrie », qui place sous sa protection l'ensemble du peuple romain[p 8].
52
+
53
+ Ainsi est fondé le principat, reposant sur trois bases : militaire — par l'imperium proconsulaire majeur —, civile — par la puissance tribunitienne —, et religieuse — par le grand-pontificat.
54
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55
+ Auguste affermit la puissance romaine autour du bassin méditerranéen, cherchant à la fois à organiser et optimiser les frontières de l'Empire[m 7],[p 9].
56
+
57
+ À la suite de l'ajout de l'Égypte en 30 av. J.-C.[m 7],[p 10], il annexe une partie des vassaux, clients et alliés de l'Empire, notamment en Syrie et en Anatolie[m 7],[p 11], puis termine la conquête de l'Hispanie[m 8],[p 12] après avoir pacifié la Gaule[m 8],[p 13]. Ensuite, c'est la Norique et la Rhétie qui deviennent romaines, grâce aux campagnes de Tibère et de son frère Drusus[m 8],[p 13]. La Dalmatie et la Pannonie se révoltent à l'orée d'une campagne contre les Marcomans menée par Tibère, qui se retourne contre les révoltés, qu'il bat difficilement, ayant eu besoin de dégarnir le Rhin pour en venir à bout[p 14],[m 9]. Les Marcomans n'ont pas rejoint la révolte et négocient alors de devenir « ami des Romains »[p 14],[m 9].
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59
+ En Orient, contrairement à Jules César, il cherche à assurer la paix, pensant qu'une campagne militaire serait trop incertaine[m 7]. Il négocie avec le roi Phraatès IV, l'Arménie revient sous la coupe romaine, Auguste récupère les enseignes prises aux légions de Crassus trente ans plus tôt, ainsi que les prisonniers encore en vie[m 7],[p 11]. Ce succès diplomatique a, pour les Romains, la même importance qu'une victoire militaire, mettant l'Empire parthe au même titre qu'un vassal de Rome[m 7].
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+ Il s'attaque à reculer la frontière à l'Elbe et non au Rhin, et c'est Drusus qui lance l'offensive et conquiert les terres germaines[m 10],[p 15], puis Tibère lui succède à sa mort[m 9],[p 14]. Mais le désastre arrive en 9, lorsque Varus se rend en Germanie pour organiser la nouvelle province, et se fait écraser avec trois légions, provoquant la perte de toutes les terres germaines alors conquises[m 9],[p 16]. Ce sera le seul échec d'Auguste[m 9],[p 16].
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+ À sa mort, tout le bassin méditerranéen est sous domination romaine, tous les territoires intérieurs difficiles sont pacifiés[p 16] et l'« Empire est plus cohérent, plus fort, plus équilibré et mieux organisé qu'il ne l'était auparavant »[m 9].
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+
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+ La paix, tant intérieure qu'extérieure, permet à Auguste de renouveler les structures administratives sans heurter l'opinion[m 5],[p 17]. Il se base sur la hiérarchie existante sous la République et l'adapte au nouveau régime[m 5],[p 17]. L'ordre sénatorial est remanié, l'empereur prenant le contrôle de l'album sénatorial et fixe un cens spécifique pour être sénateur, diminuant aussi fortement le nombre de membres du Sénat[m 11],[p 17].
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+ Les chevaliers romains peuvent dorénavant prétendre à se charger des biens de l'État ou de l'empereur[m 11],[p 18]. Une carrière équestre est créée et ils deviennent les meilleurs auxiliaires de l'empereur, en devenant gouverneurs des provinces en son nom ou en occupant les préfectures à Rome[m 12],[p 18].
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+
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+ Après avoir permis à nombre de membres des élites provinciales de devenir citoyens et en élargissant la citoyenneté à des zones entières, Auguste rend plus rigoureux son accès et limite les affranchissements[m 12]. En outre, l'empereur veut se présenter comme le restaurateur des mœurs, il réforme la justice et promulgue des lois pour limiter la dépopulation des couches élevées de la société mutilées par les guerres civiles[m 12]. Son règne voit le retour de la paix et de l'ordre politique[m 12].
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+
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+ Auguste s'intéresse particulièrement aux problèmes religieux, cherchant avant tout des solutions dans la tradition mais n'hésitant pas non plus à faire quelques innovations très importantes pour l'empire romain[m 13],[p 19].
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+ Les guerres civiles sont des guerres impies, et chaque Romain qui y a participé y est souillé, signe que les dieux ont abandonné Rome[m 14]. La paix étant revenu sous le long règne d'Auguste, la concorde entre les dieux et les hommes peut avoir lieu[m 6]
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+
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+ Bien qu'Auguste ne soit pontifex maximus qu'à partir de 12 av. J.-C., il est membre du collège des pontifes depuis 45 av. J.-C., année à laquelle Jules César l'y a introduit[m 6],[p 20]. Il est ensuite augure pendant deux ans et occupe d'autres postes religieux, avant d'intégrer plusieurs collèges religieux en tant que Augustus[m 6],[p 20]. Lui-même, en divinisant son père adoptif Jules César, se place au-dessus des hommes[m 6],[p 20].
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+ Les sacerdoces sont rétablis puis réorganisés[m 6],[p 19], notamment la charge de Flamine de Jupiter tombée en désuétude depuis le début du siècle, il réforme plusieurs collèges religieux, renouvelant avec les anciennes traditions en y intégrant plus de patriciens que de plébéiens, notamment la confrérie des Frères Arvales, qui devient prédominante[m 6],[p 19]. De nombreux anciens rites sont rétablis, et des monuments religieux sont rénovés ou construit (82 temples[p 19],[m 15]). Il entame l'édification d'un important Forum[m 15], dominé par le temple de Mars vengeur[m 15], du Temple d’Apollon Palatin[m 15], et de l'Autel de la paix d'Auguste[m 16],[p 19].
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+ Cette rénovation de la religion romaine traditionnelle à laquelle s'ajoute la puissance de l'empereur, se plaçant sous la protection de Mars et d'Apollon, devenant un élément essentiel dans la religion, permet aux Romains de penser que l'entente entre les dieux et les hommes est de retour, et que cette harmonie renaissante est annonciateur d'un nouvel âge d'or[m 17],[p 20].
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+ Auguste se doit d'assurer la stabilité du régime après sa mort. L'empereur est souvent malade, et dès le début de son règne, il doit se préoccuper de nommer un successeur, qui se doit d'être un membre de la famille impériale[m 18].
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+ Dès 29 av. J.-C., son premier choix est Marcellus, son neveu, qui épouse alors Julia, fille d'Auguste, mais il décède en 23 av. J.-C.[m 19],[p 6] et l'empereur se tourne vers Agrippa, son plus fidèle et ancien allié[m 19],[p 6]. Agrippa est plus un dépositaire du trône en cas de disparition de l'empereur qu'un successeur. Lorsque le princeps tombe gravement malade en 23 av. J.-C., celui-ci lui octroie la bague qui lui sert de sceau authentifiant les actes officiels[m 19],[p 7]. Ensuite, Agrippa reçoit un imperium supérieur à tout autre sur toute la partie orientale de l'Empire puis épouse Julia[m 19],[p 7].
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+
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+ Les véritables successeurs auxquels pense Auguste sont les enfants de cette union, ses petits-fils Caius et Lucius, qui naissent respectivement en 20 et 17 av. J.-C., et qui sont adoptés par l'empereur[m 19],[p 7]. Agrippa joue le rôle de collègue de l'empereur ayant autant de pouvoirs mais il décède en 12 av. J.-C., et c'est Tibère qui reprend le rôle de protecteur, se mariant à son tour avec Julia[m 19],[p 8]. Tibère et son frère Drusus reçoivent l'imperium proconsulaire, mais Drusus meurt en 9 av. J.-C. Tibère reçoit ensuite la puissance tribunitienne et son imperium est renouvelé, à l'instar d'Agrippa quelques années plus tôt, mais il se retire soudainement de la vie politique[m 20],[p 8]. Caius et Lucius, les héritiers, atteignent l'âge adulte, et l'empereur les favorise, mais ils décèdent tour à tour[m 20],[p 8].
86
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+ Tibère revient d'exil après sept années et est adopté par Auguste[m 20],[p 8]. De nouveau détenteur des deux pouvoirs majeurs, Tibère devient le collègue d'Auguste, et ses nombreuses campagnes militaires victorieuses le légitiment[m 20],[p 21]. À la mort d'Auguste, Tibère détient toujours l'imperium proconsulaire et la puissance tribunitienne, ce qui fait de lui l'unique détenteur du pouvoir suprême[m 20].
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+ Les évènements autour de la succession d'Auguste sont très importants pour toute la suite du Haut Empire romain, déterminant les principes de succession pour toute la durée du principat[m 20]. Le successeur doit être membre de la famille de l'empereur, et si ce dernier a un fils (naturel ou adopté), c'est celui-ci qui est le successeur légitime, aux yeux de tous[m 20]. De plus, Auguste associe les deux pouvoirs majeurs, l'imperium proconsulaire et la puissance tribunitienne à la désignation d'un successeur[m 20]. Enfin, la place tenue par sa fille, qui épouse trois de ses successeurs possibles, préfigure l'importance des femmes dans la famille impériale[m 20]. La succession impériale se fonde dès lors sur des principes héréditaires[m 20].
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+ Tibère devient empereur en 14, succédant officiellement à Auguste car il est depuis 12 associé au gouvernement de l'Empire romain, détenant aussi l'imperium proconsulaire et la puissance tribunitienne[m 21],[p 22]. Cependant, il tarde à accepter de devenir empereur, par orgueil — Tibère aurait mal vécu d'être le dernier successeur d'Auguste et souhaite voir les sénateurs le supplier — ou humilité, hésite sur la marche à suivre surprenant le peuple et le Sénat, puis accepte finalement les pleins pouvoirs[m 22],[p 22].
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93
+ Âgé de 56 ans, il a une grande expérience de l'administration civile et militaire[m 23] et met en place d'importantes réformes dans les domaines économiques et politiques[p 23]. Il fait preuve d'un strict respect de la tradition augustéenne, essayant de respecter toutes les instructions de son père adoptif[p 24]. Son but est de préserver l'Empire, d'assurer la paix interne et externe tout en consolidant le nouvel ordre politique. Il met un terme à la politique d'expansion militaire, se limitant à sécuriser les frontières[p 25].
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+ Au début de son règne, il fait preuve d'un grand respect envers le Sénat qu'il consulte fréquemment[m 23],[p 26]. Sous son règne, l'Empire prospère et accumule des fonds qui contribuent alors à assainir les finances[p 27].
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+ Tibère, sur ordre d'Auguste, avait adopté son neveu Germanicus, jeune et populaire, contrairement à l'empereur[m 23],[p 28]. Sa mort, suspecte, prive l'Empire d'un appui solide et Tibère d'un successeur possible[m 23],[p 29].
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+ Son principat est entaché par une impopularité croissante[m 23],[p 29], due à la préfecture de Séjan — pendant laquelle les procès[m 23],[p 29] et les meurtres se multiplient, dont celui de Drusus[p 29], fils et successeur de Tibère —, à son caractère — il se renferme sur lui-même et ignore son impopularité croissante — et à son éloignement de Rome à la suite de la perte de son fils — à Capri où les rumeurs lui prêtent toute sorte de débauches[m 24],[p 29]. Séjan élimine un à un tous ses rivaux potentiels à l'Empire, instaure dans Rome un climat de terreur, diminue les pouvoirs du Sénat mais le préfet du prétoire tombe à son tour, accusé par l'empereur de trahison[m 24],[p 27].
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+ L'empereur ne retourne cependant plus dans la capitale où il est haï jusqu'à sa mort en 37, bien qu'il continue de mener l'Empire d'une main ferme et responsable[p 27]. Sans désigner de successeur, l'empereur défunt favorise la montée de Caligula, fils de Germanicus, et de Tiberius Gemellus, son petit-fils[m 24],[p 27].
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+ Caligula est le seul à se présenter pour prendre le pouvoir à l'annonce de la mort de Tibère[m 24],[p 30]. Pendant six mois, les Romains peuvent se féliciter d'un empereur juste, utile et libéral, qui leur fait oublier la sinistre fin du règne de Tibère[m 25],[p 30]. Il adopte tout d'abord Tiberius Gemellus, avant de le faire assassiner pour trahison[m 25].
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105
+ Cependant, une grave maladie fait changer dramatiquement Caligula, dont les troubles mentaux ressurgissent, qui devient un tyran[p 31]. Les conspirations se multiplient, l'empereur vide les caisses de l'État par ses nombreuses extravagances et fait preuve d'une extrême cruauté, gouvernant en monarque oriental[m 25],[p 32]. Une énième conspiration a raison de lui en 41[m 25],[p 33].
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+ Le règne de Tibère, qui laisse un mauvais souvenir aux Romains, suivi par l'autorité tyrannique de Caligula, ainsi que la disparition du dernier représentant direct des Iulii, aurait pu mettre à mal le nouveau régime. Mais le principat est ancré dans les esprits, surtout après le long et heureux règne d'Auguste. À sa mort, il n'y a déjà plus personne qui a vécu sous une République stable et prospère. Ainsi, le nouvel empereur se doit d'être un membre de la famille impériale, celle qui a été choisie et protégée par les dieux[m 25],[p 33].
108
+
109
+ Ainsi, c'est Claude, jugé inapte par Tibère quelques années plus tôt, qui lui succède, choisi par la garde prétorienne, alors qu'il se terrait par crainte d'être lui aussi assassiné. Frère de Germanicus, il a toujours été épargné et laissé de côté, jugeant son physique ingrat, ses capacités à gouverner limitées, et n'ayant jamais occupé aucune charge importante, hormis un consulat. Le Sénat s'empresse de valider le choix des prétoriens[m 25],[p 33].
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+ Malgré son manque d'expérience politique, Claude se montre un administrateur capable et un grand bâtisseur public. Son règne voit l'Empire s'agrandir : cinq provinces s'ajoutent à l'Empire dont la Bretagne, ainsi que, en 43, la Lycie, les deux Maurétanies et la Thrace. Il étend la citoyenneté romaine à beaucoup de provinces, dont la Gaule où il est né[m 26],[p 34].
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+ Mais c'est un empereur faible, et il meurt empoisonné à l'instigation d'Agrippine en 54, après avoir, sur les conseils de celle-ci, adopté son fils Néron, qui lui succède en lieu et place de Britannicus, le fils de Claude, qui meurt peu de temps après lui, dans des conditions troublantes[m 27],[p 35].
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+ Néron accède au pouvoir grâce à sa mère qui a fait pression sur Claude pour faire de Néron son successeur et non Britannicus (qui est le fils biologique de Claude).
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+ Les premières années du règne de Néron, très jeune empereur de 17 ans, sont connues comme des exemples de bonne administration. Le préfet du prétoire Burrus et Sénèque lui font appliquer une politique modérée et populaire. Après la mort de Britannicus en 55, Néron écarte sa mère, trop entreprenante, des affaires avant de la faire assassiner en 59. Durant les huit premières années de son règne, l'empereur mène une politique commune avec le Sénat, laissant à l'assemblée d'importants pouvoirs. Mais ses deux mentors disparaissent : Burrus meurt en 62 et Sénèque se retire[m 27],[p 36].
118
+
119
+ Néron fonde alors sa nouvelle politique sur l'exploit artistique, prenant part à des spectacles, chantant et jouant la comédie et de la lyre. Les premiers procès politiques de son règne commencent pour lèse-majesté dès 62. De nombreux scandales éclatent, ainsi que le grand incendie de Rome, qui détruit la plus grande partie de la ville pendant près d'une semaine. Mal entouré, il prend de mauvaises décisions, se voit accusé par une partie de la population de l'incendie, et se met à craindre son entourage et les exploits de certains généraux. Sa popularité, excellente jusque là, tombe en flèche, des conspirations naissent et échouent, telle la conjuration de Pison, et les exécutions se multiplient, Néron poussant même Sénèque au suicide[m 27],[p 37].
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121
+ Néron ordonne un dernier suicide, celui d'un excellent général, Corbulo, ce qui provoque la rébellion de plusieurs militaires, dont Galba soutenu par Othon. Néron se trouve rapidement sans défense et Galba est proclamé empereur, le Sénat démet Néron de ses fonctions et le déclare « ennemi public ». Ce dernier s'enfuit et se suicide[m 28],[p 38].
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+ Néron meurt jeune, à peine trente ans, et sans descendance. Aucun membre de la lignée des Julio-Claudiens n'est apte à prendre le pouvoir, et son règne, désastreux, ternit définitivement l'image de sa famille, qui n'est plus bénie et protégée par les Dieux. C'est la fin des Julio-Claudiens, et pour la première fois, un problème de succession se pose : « il faut recréer une légitimité »[m 28].
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+
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+ À la mort de Néron, l'Empire connaît une première crise. Des généraux, Galba, Othon et Vitellius sont tour à tour nommés empereurs par leurs troupes puis assassinés en 69.
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+ Pendant près de deux ans, la guerre civile affecte tout l'Empire qui vit dans l'incertitude en attendant la prise de pouvoir du plus fort. Durant cette crise, le Sénat, qui a vu son pouvoir décliner sous les derniers Julio-Claudiens, se trouve impuissant. C'est la garde prétorienne et les armées provinciales qui font et défont les empereurs[m 28].
128
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+ Lorsque Vespasien est proclamé empereur, et qu'il met fin au court règne sanglant de Vitellius, la population et le Sénat, las d'une nouvelle guerre civile meurtrière, accepte que ce soit la victoire militaire qui décide de celui qui deviendra empereur entre deux dynasties. C'est considéré comme le signe de capacités militaires et stratégiques importantes et de la protection des Dieux[m 29].
130
+
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+ C'est finalement le chef de l'armée d'Orient, Vespasien, un Italien, qui devient empereur. Par une loi, il reçoit tous les pouvoirs qu'ont détenus les Julio-Claudiens. Cependant, contrairement à ces derniers, il n'est pas patricien et descend d'une famille de simples notables italiens. Il fonde immédiatement une dynastie, mettant ses deux fils en avant : Titus, qui met fin à la révolte juive que son père combattait avant la guerre civile, et Domitien, présent à Rome lors du règne de Vitellius et qui est salué « César » avant l'arrivée de son père. Ils sont tous deux considérés comme étant protégés des Dieux à l'instar de Vespasien, et la nouvelle famille régnante se légitime, donnant ainsi naissance à la dynastie des Flaviens[m 29],[p 39].
132
+
133
+ Il rétablit l'ordre et la paix à Rome ainsi que dans les provinces révoltées. Pour asseoir son pouvoir, l'empereur va s'inspirer du modèle augustéen en reprenant les grands thèmes de son règne ainsi qu'en monopolisant les magistratures supérieures. Cependant, le Sénat reste sceptique concernant ses origines, bien qu'appréciant ses décisions politiques. De plus, la famille impériale règne en maître absolu, bien que faisant preuve de bonne volonté et gouvernant avec sagesse. Une opposition se forme et Vespasien réorganise le Sénat à l'avantage des élites italienne, narbonnaise et hispanique, d'où proviendront d'ailleurs les Antonins[p 40].
134
+
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+ À l'échelle de l'Empire, il mène une politique entre continuité et innovation. Tout comme ses prédécesseurs, il multiplie les dépenses publiques, notamment le Colisée qu'il entreprend, la reconstruction du Capitole et la création d'un nouveau forum à Rome. Il n'oublie pas les provinces où il prend de très nombreuses décisions. Il ne lésine pas sur l'entretien des frontières et fait bâtir de nouvelles voies romaines[p 41].
136
+
137
+ D'autre part, il recourt �� de véritables innovations dans le domaine financier. Les biens de la dynastie julio-claudienne sont versés dans le domaine public, l'empereur ordonne de nombreux cens et cadastre pour lutter contre les fraudes et pour que chacun paie son dû. Le trésor, vidé par le règne de Néron et lors de la guerre civile, accumule à nouveau des fonds[p 42].
138
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139
+ Titus succède à son père sans heurt, tel que c'est prévu, lui qui a joué un grand rôle au côté de Vespasien. Jeune général compétent, il est mis en avant par son père, faisant quasiment office de coempereur, occupant le poste de préfet du prétoire pendant huit années et multipliant les consulats[m 30],[p 43].
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+ Devenu empereur, de nombreux vices rappelant ceux de Néron, apparus lors de sa préfecture, s’effacent devant « les plus rares vertus ». Ce changement radical dans son comportement est suivi par une série de catastrophes qui vont, en deux ans, mettre en relief le caractère exemplaire de l’empereur. Lors de sa mort prématurée, il est salué comme l'un des meilleurs empereurs que Rome ait connu, bon et respectueux. Pour beaucoup, s'il avait vécu plus longtemps, son règne aurait tourné au « néronisme »[p 43].
142
+
143
+ Le deuxième fils de Vespasien devient alors à son tour empereur, alors que la succession de Titus n'est pas préparée. Il est reconnu sans problème par les prétoriens le soir même du décès de l'empereur, puis le Sénat, qui ne remettent pas en cause le caractère familial de la fonction impériale. Domitien n'a pas été réellement écarté du pouvoir par son père et son frère pendant leurs règnes, mais il n'a pas un rôle majeur, bien qu'il soit membre de tous les collèges religieux et plusieurs fois consul[m 30],[p 44].
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145
+ Contrairement à ses deux prédécesseurs, il ne cache pas ses prétentions au despotisme. Au début du règne Domitien se montre libéral et juste. Il est loué pour son sens de la justice, de la religion, et suit de près la politique amorcée par Vespasien, faisant preuve d'une bonne administration de l'Empire[p 45].
146
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+ La conquête de la Bretagne par Agricola se poursuit avec brio et Domitien lance une offensive surprise contre le peuple germain du Rhin le plus puissant à l'époque, les Chattes, qu'il vainc. La présence romaine en Bretagne et en Germanie est sérieusement renforcée. Il abandonne la politique augustéenne des états-clients et préfère l'annexion pure et simple[p 46].
148
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149
+ Mais très vite la situation se dégrade sur le Danube. Les Daces viennent de s'unir et Domitien intervient en personne avec la garde prétorienne pour les chasser. Finalement, après des revers de généraux romains, Domitien préfère traiter et fait la paix avec le roi dace, Décébale, qui devient un roi client et perçoit des subsides[p 47].
150
+
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+ Cependant le naturel inquiet de Domitien, sa tendance à voir des complots partout, sa violence et son autoritarisme assombrissent la fin de son règne. Il connaît une opposition inexpiable dès le début de son règne, et se met à dos les sénateurs, pourtant nommés en majorité par son père. Cela le rend impitoyable, lui qui a toujours été écarté du pouvoir réel, ne supporte pas l'opposition, et les procès et les exécutions sommaires se multiplient, à l'instar de la fin de règne de Néron. Il est assassiné en 96 par une conspiration de palais[p 48].
152
+
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+ Après la pacification des provinces conquises, les citoyens romains et les soldats ayant fini leur service (véterans) s'installent dans les villes subjuguées et, bénéficiant de plusieurs privilèges en tant que citoyens romains, développent l'agriculture et le commerce. Ainsi commença l'essor économique et culturel dans les provinces occidentales de l'empire[3]
154
+
155
+ Nerva donne naissance à la dynastie des Antonins. Cinq empereurs remarquables sur six choisissent, de leur vivant leur successeur car ils n'ont pas de fils, toutefois le choix se porte toujours sur de proches parents. Les règnes de Trajan et de son successeur Hadrien correspondent à l'apogée de l'Empire romain.
156
+
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+ En septembre 96, c’est un sénateur qui monte sur le trône : Nerva, 65 ans, le princeps senatus, qui a une carrière exemplaire et paraît l'antithèse de Domitien[m 31]. En dépit de ses réalisations politiques, son règne révèle de nombreuses faiblesses, typiques d’un règne de transition[4],[p 49]. La question de la succession demeure alors ouverte mais une guerre civile marquant la fin de la dynastie des Flaviens est évitée, contrairement à la fin de la dynastie Julio-claudienne. Nerva, dont le pouvoir est fragilisé par les prétoriens et qui manque de renom militaire, adopte alors solennellement Trajan le 28 octobre 97[m 31].
158
+
159
+ Trajan est le premier empereur romain issu d'une famille établie dans une province, mais celle-ci est en fait originaire d'Italie et s'est installée en Bétique en tant que colons. Il est resté dans l’historiographie comme le « meilleur des empereurs romains » (optimus princeps). Après le règne de Domitien, dont les dernières années sont marquées par les persécutions et les exécutions de sénateurs romains, et la fin de la dynastie des Flaviens, le court règne de Nerva et surtout celui de Trajan marquent le fondement de la dynastie dite des « Antonins ».
160
+
161
+ On considère généralement que c’est sous son règne que l’Empire romain connaît sa plus grande extension avec les conquêtes éphémères de l’Arménie et de la Mésopotamie et celle plus pérenne de la Dacie ainsi qu'avec l'annexion du royaume nabatéen de Pétra qui donne naissance à la province d'Arabie Pétrée. Sa conquête de la Dacie enrichit considérablement l'Empire, la nouvelle province possédant plusieurs mines de métal de grande valeur. Par contre, sa conquête des territoires parthes reste inachevée et en péril à la suite d'une grande révolte judéo-parthe, et il laisse à sa mort une situation économique peu florissante ainsi que la partie orientale de l’Empire exsangue.
162
+
163
+ En parallèle de cette politique expansionniste, Trajan mène de grands travaux de construction et engage une politique de mesures sociales d'une ampleur inédite. Il est surtout connu pour son vaste programme de construction publique qui a remodelé la ville de Rome et laissé plusieurs monuments durables tels que les thermes, le forum et les marchés de Trajan ainsi que la colonne Trajane. Il renforce aussi le rôle prépondérant de l’Italie dans l’Empire et la romanisation des provinces.
164
+
165
+ L'empereur Hadrien s'attache à mener une politique plus défensive. Sous son règne, dans plusieurs régions frontières, en Afrique et en Bretagne notamment, des fortifications importantes se développent, souvent appelées limes. Par ailleurs Hadrien s'attèle à améliorer le fonctionnement de l'Empire.
166
+
167
+ Dans la continuité d'un effort commencé par d'autres empereurs, il s'attache à favoriser l'intégration des provinciaux, notamment par la création de colonies honoraires : alors que le terme colonie désignait le plus souvent l'installation de colons romains, il est désormais un titre honorifique concédé à une cité et qui donne la citoyenneté romaine à tous ses habitants.
168
+
169
+ Le règne d'Antonin le Pieux n'est pas marqué de conquêtes, mais plutôt par une volonté de consolidation de l'état actuel. C'est traditionnellement durant son règne qu'on considère que l'Empire romain est à son apogée, du fait de l'absence de guerre et de révolte majeure en province.
170
+
171
+ C'est pourtant cette politique défensive et attentiste qui annonce les difficultés financières et militaires de l'Empire romain.
172
+
173
+ Les conquêtes récentes par la dynastie des Julio-Claudiens affaiblissent et éparpillent les légions romaines autour du bassin méditerranéen. Le IIe siècle est donc plus un siècle de consolidation que d'expansion. La dernière grande phase d'expansion se déroule entre 101 et 117, pendant le règne de Trajan, avec l'ajout de la Dacie et celle très éphémère de Mésopotamie à l'Empire[réf. nécessaire].
174
+
175
+ Marc Aurèle et Lucius Verus succèdent à Antonin. Le second meurt au bout de 8 ans de règne, sans grand acte. Le premier est connu pour être un empereur-philosophe stoïcien.
176
+
177
+ Sur le plan intérieur, il accomplit une œuvre législative importante.
178
+
179
+ Il passe 15 ans sur le front du Danube à lutter contre les Barbares. L'Empire entre en effet dans une période bien moins propice : ses voisins aux frontières semblent plus puissants, l'Empire doit faire face à des difficultés agraires, des famines, à l'épidémie de la peste antonine.
180
+
181
+ Marc Aurèle choisit son fils, Commode comme successeur. L'assassinat de celui-ci, qui s'est comporté en tyran durant une grande partie de son règne, met fin à la dynastie des Antonins.
182
+
183
+ Son assassinat en décembre 192 ouvre une crise politique comme à la fin de la dynastie des Julio-Claudiens. La garde prétorienne assassine le nouvel empereur Pertinax et porte au pouvoir Didius Julianus.
184
+
185
+ C'est finalement le général de l'armée du Danube, l'Africain Septime Sévère qui prend le pouvoir. Il comble de bienfaits l'armée dont il augmente les effectifs et renforce le pouvoir impérial. Les prétoriens qui ont fait et défait tant d'empereurs sont recrutées parmi les légions du Danube fidèles à Septime Sévère. Il sauve un temps l'Empire de l'anarchie et entame d'importantes réformes politiques, militaires, économiques et sociales. Le brassage culturel qu'apporte l'Empire s'accroît, les religions venues d'Orient deviennent plus populaires dans l'Empire, en particulier le culte de Mithra parmi les militaires. Cet aspect a parfois été exagéré par les historiens qui ont décrit les Sévères comme une dynastie orientale, jugement considérablement relativisé aujourd'hui.
186
+
187
+ Il nomme ses deux fils Auguste mais à sa mort, Caracalla s'empresse de tuer son jeune frère Geta. Il est connu pour avoir publié en 212, le célèbre édit qui porte son nom donnant à tous les hommes libres de l'Empire la citoyenneté romaine. Il meurt assassiné sur le front parthe sur ordre du préfet du prétoire Macrin qui ne réussit à prendre sa place que peu de temps. Il nomme son propre fils Diaduménien César puis Auguste en 218, mais sont tous deux assassinés.
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+ Le cousin de Caracalla, Élagabal devient ensuite empereur mais tout occupé au culte du dieu du même nom il laisse le gouvernement à sa grand-mère, Julia Maesa.
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+ Il est tué par les prétoriens et son cousin Sévère Alexandre lui succède pour un règne de 13 ans. Après son assassinat, l'Empire sombre dans une période bien plus troublée, traditionnellement qualifiée d'« anarchie militaire », terme cependant impropre car si le pouvoir impérial est parfois divisé, il n'est jamais absent.
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+ Les historiens s'interrogent encore sur les raisons de la crise profonde que traverse l'Empire romain au IIIe siècle. Certaines causes extérieures à l'Empire peuvent l'expliquer. En Orient, l'Empire parthe déliquescent laisse la place à l'Empire Sassanide dans le second quart du IIIe siècle. Cet empire puissant, bien structuré et agressif fait peser une pression constante sur les provinces d'Asie. Au nord-est de l'Europe, les Germains orientaux qui vivent dans les régions de la mer Baltique entament une lente migration vers le Sud et le Sud-Est européen. Ce faisant, ils chassent les autres tribus qui se trouvent sur les territoires qu'ils traversent. Celles-ci cherchent à trouver refuge dans l'Empire romain en espérant y trouver de nouvelles terres et un riche butin[5]. Leurs incursions mettent en évidence la faiblesse de la stratégie défensive romaine. En effet, les légions sont massées aux frontières et une fois qu'elles sont franchies, les barbares peuvent ravager les provinces sans pratiquement aucune entrave. Le dispositif militaire romain, et l'organisation du pouvoir impérial sont aussi très peu adaptés à une guerre simultanée sur deux fronts, en Orient et sur l'ensemble Rhin-Danube.
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+ Les difficultés internes sont dues à l'éloignement de plus en plus grand des militaires prêts à imposer de lourds sacrifices aux civils pour protéger l'Empire des menaces d'invasions et de la classe possédante qui accepte difficilement l'accroissement de ses charges fiscales. Sur le plan politique, cela se traduit par la montée de l'ordre équestre, titulaire des grandes préfectures et de plus en plus présente dans les provinces comme gouverneur à la place de la classe sénatoriale[6]. De plus à partir de 250, l'Empire romain est touché par des épidémies qui entraînent, au moins régionalement, une dépopulation et une crise économique dont souffrent principalement l'Occident déjà ravagé par les incursions germaniques.
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+ L'état le plus récent de la recherche relativise cependant le caractère général et continu de la crise. Le IIIe siècle est désormais plutôt décrit comme marqués par quelques grandes crises mieux définies du point de vue chronologiques : crise politique en 238, deux graves crises dans les années 250 et 260, la période la plus dure pour le pouvoir impérial. Mais l'accent est désormais aussi mis sur la diversité des situations régionales, le maintien d'une prospérité en Afrique, sur l'existence de périodes de redressement ou sur les capacités de relèvement et de résistance, induisant plus une période de mutation qu'une crise et un déclin continus.
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+ La période comprise entre 235 et 268 est assez mal connue. Seize empereurs se sont succédé, faits et défaits par le sort des armes. Les empereurs sont créés par un nouveau groupe, l'État-major de l'armée. Il choisit le nouvel empereur, qui est ensuite avalisé par le Sénat. Le rang impérial est devenu, aux yeux des militaires, le grade le plus élevé dans la hiérarchie des officiers. Ainsi Maximin Ier le Thrace est le premier militaire de carrière à devenir empereur par la volonté seule de ses soldats. Il déploie une grande énergie pour sécuriser la frontière face aux Daces et aux Sarmates. Il exige de la classe sénatoriale et des provinces de lourds impôts pour faire face aux dépenses militaires. Cette pression fiscale provoque la révolte des grands propriétaires de la province d'Afrique qui portent officieusement à la tête de l'Empire Gordien Ier, lequel associe au pouvoir son fils Gordien II en 238. Rapidement, ceux-ci obtiennent le ralliement de nombreux gouverneurs et de nobles, à l'instar de Timésithée, mais surtout du Sénat. Ils sont battus par le gouverneur, resté loyal à Maximin, de la province voisine de Maurétanie.
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+ Maximin, ayant eu vent de l'appui accordé par le Sénat aux deux Gordiens, est tué devant Aquilée par les troupes de Pupien, choisi avec Balbin comme nouvel Auguste. En portant deux empereurs à la tête de l'État, les sénateurs cherchent à recréer les conditions de la République, où le rôle du Sénat était plus important et sur laquelle régnait deux Consuls aux pouvoirs égaux. En mai-juin 238, Gordien III, le petit-fils de Gordien Ier devient empereur[7]. Alors que l'Empire subit sur ses frontières septentrionales des pressions barbares, l'empereur sassanide du moment attaque entre 238 et 242 et à plusieurs reprises des villes et des camps romains basées en Mésopotamie, en Syrie et en Arménie. En 243, Gordien III, accompagné de son beau-père préfet du prétoire et véritable décisionnaire des affaires de l'empire Timésithée, attaque l'Empire sassanide de Shapur Ier. Il périt des suites de ses blessures après la défaite de l'armée romaine marchant sur Ctesiphon. Timésithée étant lui aussi décédé (de maladie), il est remplacé par Philippe l'Arabe qui remplace ensuite Gordien à la tête de l'empire. Contrairement aux dire de certains historiens, la thèse de l'assassinat de Gordien par Philippe (celui-ci ayant remplacé le préfet du prétoire puis l'empereur, tous deux décédés à peu de temps d'intervalle) est aujourd'hui le plus souvent écartée.
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+ Philippe doit éliminer plusieurs concurrents avant d'être tué en affrontant Dèce. Dèce est le premier empereur tué par des barbares, lors de la lourde défaite d'Abrittus face aux Goths en 251. Trébonien Galle et Émilien se succèdent à un rythme rapproché. Ce dernier ne règne que quatre-vingt-huit jours. La légitimité impériale qui reposait sur la victoire est soumise à rude épreuve : la crise militaire encourage les usurpations : les armées cherchant un général efficace et les régions menacées désirant un empereur proche pour les protéger.
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+ Valérien règne associé à son fils Gallien. Celui-ci est le dernier aristocrate à parvenir à l'Empire[8]. Ils doivent faire face aux incursions des Alamans et des Francs en Gaule et à l'offensive du souverain sassanide Sapor en Syrie. En 260, Valérien est même fait prisonnier par les Perses et finit ses jours comme esclave en Iran. Gallien resté seul empereur parvient à stopper une invasion des Alamans en les battant en Italie du Nord. Il abandonne la Dacie conquise par Trajan qui est devenue trop difficile à défendre et fixe la frontière de l'Empire sur le Danube. Mais il doit faire face à de nombreuses usurpations, celle de Macrien et de Quiétus en Orient, de Régalien en Pannonie et de Postume en Gaule qui proclame l'Empire des Gaules.
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+ Les successeurs de Gallien sont tous des militaires à qui l'armée a donné une grande rigueur et la foi en l'éternité de l'Empire romain. L'Empire est devenu militaire. À partir de réformes entamées sous Gallien — exclusion des sénateurs du commandement militaire — les empereurs illyriens font face à la crise et réorganisent la défense de l'Empire. Aurélien réunifie l'Empire en mettant un terme aux sécessions palmyrénienne et gauloise et fortifie Rome.
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+ Gallien (253-268) entame une mutation profonde de la stratégie militaire. Il répartit plus en profondeur les moyens de défense, en plaçant des détachements (vexillationes) des légions frontalières à l'intérieur du territoire romain — à Milan ou Aquilée en Italie, ou Sirmium ou Siscia en Illyrie[p 50]. Il constitue une importante cavalerie, techniquement différente de la cavalerie légionnaire, qu'il place sous le commandement autonome d'un magister equitum[p 50]. Il exclut les sénateurs, souvent incompétents, des emplois militaires et les remplace par des chevaliers, issus de la troupe[p 51]. Il fait entrer dans l'armée des barbares vaincus amorçant par là même la « barbarisation » de l'armée[9]. L'armée absorbe une part toujours plus grande des ressources de l'État. Un impôt spécial, l'annone militaire, est prélevé pour son entretien.
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+ Les fonctions de général en chef et de chef de guerre victorieux que tient traditionnellement l'empereur sont renforcées dans ces périodes de guerres incessantes, et la fonction impériale devient progressivement le sommet de la carrière militaire[10]. À côté des qualificatifs habituels comme felix (« chanceux, heureux »), on associe de plus en plus le terme invictus (« invaincu »). La victoire et l'armée deviennent la source de la légitimité des empereurs[11]. Les empereurs essaient cependant de trouver une légitimité plus grande en s'appuyant sur la religion. Aurélien place ainsi l'Empire sous la protection de Sol Invictus (« le Soleil invaincu »), dont il tire son pouvoir[p 52], et il se fait appeler sur ses monnaies deus et dominus (« dieu et seigneur »)[p 52].
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+ Les difficultés du IIIe siècle donnent à penser aux Romains qu'ils ont été abandonnés par les dieux et il s'ensuit une période où les citoyens refusant de participer aux cultes publics, comme les chrétiens et les Juifs sont persécutés. Dèce, à partir de 250[p 53] puis Valérien[p 54] renouvellent l'obligation de sacrifices, ce qui entraine des persécutions envers les réfractaires. En 260, son fils Gallien publie un édit de tolérance maintenu par ses successeurs pendant quarante ans[p 55].
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+ L'opposition entre la nobilitas et l'homme nouveau est plus vivace que jamais. L'Empire passe entre les mains de familles n'ayant jamais exercé la fonction impériale. Les empereurs novi laissent à leur famille la noblesse en héritage. Les honestiores des provinces d'Occident et les dirigeants des peuples barbares voisins, acquièrent eux aussi la nobilitas qui les incorpore aux couches les plus élevées. En ce qui concerne la noblesse romaine, elle garde un immense prestige social mais perd presque toute son autorité politique.
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+ La période dite du « Bas-Empire » ou de « l'Antiquité tardive » couvre près de deux siècles[N 2] (de 284 à 476 en ce qui concerne la Rome antique). C'est une période complexe où l'Empire est profondément réformé et transformé devant les périls intérieurs et extérieurs qui le menacent, au prix d'une mobilisation toujours plus importante et lourde de la société. Dans le même temps, le christianisme, d'abord persécuté, est progressivement accepté, encouragé, avant de devenir, en 380, la religion officielle et unique du monde romain (par l'édit de Thessalonique).
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+
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+ Détails
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+ « Tétrarchie » est le nom donné au régime politique construit petit à petit par Dioclétien, qui a consisté dans les faits pour l'empereur à se choisir des collègues (un auguste et un césar par auguste) pour l'aider à assurer la défense et l'administration d'un empire immense, attaqué de toutes parts, auquel un seul homme ne peut suffire. Ainsi, l'autorité, « loin d'être divisée en quatre, […] est multipliée par quatre »[13]. D'autres réformes, administratives, militaires et fiscales en particulier, ont été entreprises durant cette période, qui cherchent à mettre fin aux problèmes issus de la Crise du IIIe siècle.
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+ Le 20 novembre 284, Dioclétien, suivant l'habitude de l'époque, est proclamé auguste par une des armées régionales, celle d'Orient, à Nicomédie, après qu'il a tué l'assassin de l'empereur Numérien[p 56]. L'empereur légitime, Carin, refuse de le reconnaître[14], et l'affronte sur la Morava. Il gagne la bataille, mais est assassiné peu après, et Dioclétien devient ainsi le seul empereur du monde romain[p 57].
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+ L'époque est alors troublée : l'usurpateur Carausius gouverne la Bretagne, la Gaule est en proie à la révolte des Bagaudes, les frontières du Rhin et du Danube sont menacées par les barbares, les Perses suscitent des troubles en Orient et l'Égypte est très agitée[p 56]. Quelques mois après son arrivée au pouvoir, Dioclétien comprend qu'il ne peut diriger seul l'Empire et confie à Maximien le soin de s'occuper de la Gaule et de la Germanie en tant que césar puis, l'année suivante, d'auguste[p 56]. C'est alors le système dit de la « dyarchie ».
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+ En 293, devant l'échec face à Carausius, Dioclétien renforce la division des tâches : il donne à Maximien un adjoint qui porte le titre de césar, Constance Chlore et s'en choisit lui-même un, Galère[15]. C'est ainsi que les besoins de l'Empire donnent par hasard naissance à la « Tétrarchie »[N 3], c'est-à-dire « le pouvoir à quatre ». Il n'y a pas de partage territorial de l'Empire romain[N 4] — il y a toujours une préfecture du prétoire par exemple, « ce qui est décisif »[p 58] —, mais les quatre hommes se répartissent le commandement des troupes et les secteurs dans lesquels ils interviennent.
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+ Dioclétien reste cependant au sommet[16]. Il domine par sa personnalité ses collègues, il est le plus ancien des augustes et il est qualifié de Jovius, « Jovien », c'est-à-dire « descendant de Jupiter », ce qui lui confère une primauté religieuse[17]. Il faut également se souvenir que c'est Dioclétien qui a choisi ses collègues, présentés par lui à l'armée — et leur dies imperii (jour anniversaire de leur arrivée au pouvoir) est le jour de leur désignation[p 59].
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+ Grâce à la collaboration de ces quatre hommes, la défense de l'Empire est assurée avec efficacité. Les Bagaudes sont vaincus en 285 ou 286, Allectus, successeur de Carausius, est vaincu en 296 par Constance Chlore, les peuplades germaniques vaincues également (soumission du roi des Francs, Gennobaud, victoire sur les Alamans à Vindonissa vers 297)[p 60]. En Afrique, Maximien Hercule rétablit le calme et la sécurité en 296 et 297[p 61], et il fortifie la frontière, abandonnant peut-être certaines portions du territoire romain, en Maurétanie Tingitane notamment[18]. En 290-294, depuis Sirmium, Dioclétien défend le Danube, contre les Iazyges notamment, et construit de nouveaux forts pour solidifier la frontière[p 61]. En 297, Galère mène une importante campagne contre les Carpes et les Bastarnes sur le Bas-Danube, et les vainc, rétablissant la tranquillité dans la région pour une dizaine d'années[p 61].
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+ En Égypte, province en proie à une grande agitation intérieure renforcée par une réforme fiscale sévère en 287, Dioclétien combat l'usurpateur Domitius Domitianus en 297-298[p 61]. Il fortifie ensuite le pays contre les Blemmyes, renforce les garnisons pour garantir la paix civile et réforme l'administration provinciale (division en trois provinces, nomination de commandants militaires distincts des gouverneurs civils)[19],[p 62].
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+ À l'automne 296 ou en 297, la guerre contre les Perses reprend à l'initiative du roi Narseh[19]. En 297, Galère, accouru du Bas-Danube, est vaincu en Mésopotamie durant le printemps[19]. Quelques mois plus tard, une campagne bien mieux préparée permet au césar de remporter une victoire sur l'Araxe contre Narseh, de prendre Nisibe et de pousser jusqu'à Ctésiphon[p 63]. La paix est signée avec les Sassanides en 298 à Nisibe, en présence de Dioclétien : le roi d'Arménie Tiridate, favorable aux Romains, est reconnu par les Perses, des territoires au-delà du Tigre sont annexés et placés sous l'autorité de satrapes arméniens, la frontière plus au sud revient à celle de Septime Sévère[p 63]. La frontière en Syrie est consolidée par la construction de la Strata diocletiana[N 5],[p 64].
236
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+ Le régime tétrarchique a ainsi montré son efficacité — il a rétabli l'ordre aux frontières, compromis depuis un demi-siècle — et sa souplesse — les augustes n'hésitant pas à prendre en charge le ressort territorial des césars si nécessaire[20]. Les tétrarques exaltent alors la tranquillitas, la « tranquillité » retrouvée dans leur propagande[20].
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+
239
+ À partir de l'année 298, la paix est assurée aux frontières, et Dioclétien se concentre alors sur les réformes intérieures[p 64]. Elles portent principalement sur l'organisation administrative de l'Empire, sur l'armée et sur la fiscalité.
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+ Sur le plan administratif, Dioclétien multiplie les provinces pour rapprocher le gouverneur des cités, renforcer le contrôle sur ces dernières[21] et affaiblir les gouverneurs[22] — on passe ainsi d'une quarantaine de provinces en 284 à une centaine en 305. Il compense cela par une nouvelle circonscription administrative, le « diocèse », qui est regroupement de provinces, à la tête desquels il place un vicaire.
242
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243
+ Il accentue également (mais ne systématise pas) la séparation entre les pouvoirs militaires et civils, déjà entamée durant la Crise du IIIe siècle[23]. Les gouverneurs sont ainsi dépouillés le plus souvent du commandement des troupes stationnées dans leur province — ce qui a aussi pour but de rendre les sécessions plus difficiles à mener[23]. Tous les chefs militaires, gouverneurs et vicaires sont nommés par l'empereur, et souvent pris dans l'ordre équestre, dont les membres doivent leurs privilèges à l'empereur[23]. Les troupes les aguerries — c'est-à-dire les légions — sont placées sous le commandement d'un duc (dux), indépendant du pouvoir civil, et dont la zone d'action s'étend bien souvent à plusieurs provinces[24].
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+ L'institution des vicaires (responsables des diocèses) permet d'affaiblir également les préfets du prétoire, qu'ils remplacent dans leur zone géographique[p 65].
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247
+ Sur le plan fiscal, remettant en ordre un système éprouvé par l'anarchie militaire, et désirant procurer de nouvelle ressources à l'État[25], Dioclétien dès 287 réforme les impôts en créant la « capitation » (capitatio)[26], dont le fonctionnement est complexe et encore débattu aujourd'hui[p 66]. Il met également en place un nouveau système de recrutement pour l'armée, original, qui assimile la fourniture d'une recrue à un impôt[27]. Le principe est de fournir soit une ou plusieurs recrues (c'est la praebitio tironicum) selon le taux d'imposition, soit payer une somme en espèce (l'aurum tironicum) qui permet à l'État d'acheter des recrues[28],[pi 1].
248
+
249
+ Pour lutter contre l'inflation enfin, Dioclétien en 301 promulgue « l'édit des prix », ou « édit du Maximum ». Cette mesure de limitation des prix est toutefois un échec[29].
250
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251
+ Sur le plan militaire, Dioclétien revient à la stratégie du Haut-Empire de la défense aux frontières : les troupes sont positionnées en un « cordon frontalier »[24]. L'instauration de la Tétrarchie, avec ses quatre dirigeants, permet une décentralisation du commandement[30]. Philippe Richardot souligne que l'on affaire ici à « stratégie de riposte immédiate. […] l'objectif de Dioclétien est d'arrêter l'ennemi aux frontières et non pas à l'intérieur du territoire romain »[31].
252
+
253
+ La période tétrarchique est marquée par un grand nombre de constructions militaires dans tout l'Empire[32] : la frontière un peu partout est renforcée par de nouveaux forts, des tours et des routes en rocades[p 67] — telle la Strata diocletiana en Syrie.
254
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255
+ Pour certains historiens, comme Paul Petit, Dioclétien constitue auprès de chaque tétrarque une petite force d'accompagnement (comitatus), sans commune mesure avec la réserve qu'avait créée Gallien[p 68], pour d'autres, à l'instar de René Rémondon, une telle armée de campagne n'a été réunie qu'exceptionnellement, pour des opérations militaires précises[24]. Quoi qu'il en soit, cette force d'accompagnement des empereurs est faite avec les prétoriens renforcés par des détachements (vexillationes) des troupes frontalières, et elle est appelée comitatus[N 7]. Ces armées d'accompagnement sont placées sous le commandement direct des tétrarques et sont en fait des « gardes impériales élargies »[p 68].
256
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+ La plupart des historiens (Theodor Mommsen, A. H. M. Jones, André Piganiol notamment) penchent pour une augmentation des effectifs sous Dioclétien[33]. D'autres, comme Jean-Michel Carrié, remettent en cause cette idée, héritée de Lactance notamment, et lui préfère une constante augmentation durant tout le IIIe siècle, stabilisée durant la Tétrarchie[34]. Il est en revanche certain que le nombre de légions est augmenté (de 39 à 53[31]) et que la taille des légions, qui comptaient entre 5 000 et 6 000 hommes durant les périodes précédentes, est diminuée aux alentours d'un millier de soldats[35].
258
+
259
+ Dès 287 sont attestées les appellations de « Jovien » (Jovius, de Jupiter) et de « Herculéen » (Herculius, et d'Hercule), qui font de Dioclétien et de Maximien les descendants des deux dieux[36], mais, à la différence de certains prédécesseurs[N 8], les tétrarques ne sont pas des dieux mais ils sont « engendrés par les dieux »[p 69] quand ils accèdent au trône impérial[p 69]. Ils ne deviennent fils de dieux et ne sont inspirés par la grâce divine qu'à partir du jour de leur investiture (le dies natalis)[37], et perdent cette filiation après leur abdication : la présence divine est attachée à leur fonction, non à leur personne[p 69].
260
+
261
+ La filiation divine est renforcée par la sacralisation de l'empereur dans la vie de tous les jours. Celui-ci porte un diadème[N 9] orné de pierres précieuses qui symbolise son pouvoir, et baiser le bas du grand manteau pourpre qui couvre l'empereur (rite de l'adoratio) est un honneur pour ses sujets[pi 2]. Le rituel de la cour se raidit, il souligne la « surhumanité » de l'empereur[38].
262
+
263
+ Le vocabulaire change également : la titulature impériale s'enrichit, à côté des mentions habituelles, d'une « terminologie adulatrice et emphatique »[pi 3] à partir d'Aurélien. L'appellation de dominus noster (« notre maître ») fait son apparition, l'empereur est dit victor ac triumphator (« victorieux et triomphant »)[pi 4].
264
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265
+ Il ne faut pas pour autant voir Dioclétien comme un homme bouleversant la mentalité romaine. À bien des égards, il est plus romain que certains de ces prédécesseurs : le dieu Sol Invictus est abandonné pour un retour à la divinité tutélaire traditionnelle de Rome, Jupiter, les empereurs ne sont pas divinisés, mais inspirés par les dieux[N 10], le latin est imposé dans les provinces d'Orient… Pour Roger Rémondon, « les innovations de Dioclétien ne sont souvent que des méthodes révolutionnaires de conservation »[39].
266
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267
+ Le 20 novembre 303, pour la célébration des vingt ans de règne (vicennalia) du premier auguste, Dioclétien, le collège impérial tout entier se réunit — pour la seule fois de son histoire — et se rend à Rome[40]. Galère est rappelé sur le Danube, mais les quatre hommes ont eu le temps de se concerter en Italie du Nord. C'est peut-être à cette occasion que Dioclétien fait promettre à Maximien d'abdiquer conjointement avec lui en 305, après avoir accompli ses propres vingt ans de règne[p 70].
268
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269
+ Cette hypothèse est contestée, mais il demeure qu'en 305, les deux augustes abdiquent le même jour (1er mai 305) pour laisser la place à leurs Césars, Galère (Orient) et Constance Chlore (Occident), qui deviennent à leur tour augustes[p 71]. Constance est le primus Augustus, le « premier auguste »[41].
270
+
271
+ Les raisons profondes qui ont conduit les empereurs à abdiquer sont inconnues. On a émis de nombreuses hypothèses, religieuses ou pratiques, dont l'une est de vouloir éviter des successions « à chaud », après le décès d'un des augustes[p 72]. Dioclétien écarte ainsi de la succession les fils naturels de ses césars, Constantin — fils de Constance Chlore — et Maxence — fils de Maximien[p 72]. Le principe de l'hérédité, qui conserve toujours les faveurs des armées, est donc balayé[42].
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273
+ Les deux nouveaux césars sont Sévère en Occident et Maximin II Daïa en Orient, tous deux amis de Galère[p 71]. Le territoire impérial semble à cette occasion divisé d'une manière plus arrêtée.
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+ Après l'abdication des deux augustes le 1er mai 305, le régime fonctionne bien jusqu'au 25 juillet 306, jusqu'à ce que meure Constance Chlore, et que soit proclamé empereur par ses troupes son fils, Constantin, le futur Constantin Ier. La crise ouverte à cette date dure près de vingt ans, et ne prend fin qu'avec la réunion de tout l'Empire sous le pouvoir de Constantin.
276
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+ Les causes de l'échec de la deuxième Tétrarchie sont multiples. La rivalité entre Galère et Constance Chlore en est une, la déception des fils naturels des anciens césars en est une autre[p 71]. Roger Rémondon analyse également la faillite du système dioclétianien par l'incompatibilité des deux règles sur lesquels il était fixé[41] : la cooptation, choix arbitraire et humain qui désigne les successeurs — et même les empereurs : Licinius en 308, qui est d'emblée coopté comme auguste —, et l'automaticité de la succession — les césars deviennent automatiquement augustes, et le plus ancien devient le primus Augustus, « premier auguste ». « Or Dioclétien fait reposer cette automaticité sur la cooptation »[43]. Le mode de transmission du pouvoir ne saurait donc être stable.
278
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279
+ De même, le pouvoir impérial, légitimé par la religion (la filiation divine des augustes), s'en trouve paradoxalement affaibli[44] : sa légitimité ne demeure que tant qu'on croit aux dieux sur lesquels elle repose. Dans le même ordre d'idées, l'inspiration divine revendiquée par les augustes, indépendante de leur personne, attachée à leur fonction, signifie qu'il suffit de s'emparer du pouvoir pour s'en trouver pourvu ; Dioclétien n'a pas défini rigoureusement les conditions d'accès à cette filiation / inspiration divine[41].
280
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281
+ Ainsi, l'équilibre précaire établi en 305 lors de l'avènement de la deuxième Tétrarchie est compromis par un événement imprévu dès 306 : le 25 juillet 306, Constance Chlore meurt à Eburacum (York). Le même jour, les soldats présents sur place, sans doute soudoyés par Constantin (fils du défunt), proclament ce dernier empereur[p 71]. C'est le retour du principe héréditaire et du choix des armées, comme durant l'Anarchie militaire. Galère, hostile à cette usurpation, s'y résout car il est trop loin pour la combattre : il élève Sévère au rang d'auguste, et lui adjoint Constantin pour césar[p 73].
282
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283
+ Maxence, fils de l'ancien auguste Maximien, jaloux de la réussite de Constantin, prend le pouvoir à Rome le 26 octobre 306 grâce à l'appui des prétoriens et de la plèbe mécontente des impôts, en tant que princeps seulement. Son père Maximien revient à ses côtés et reprend son titre d'auguste. L'empereur légitime, Sévère, envoyé contre les usurpateurs par Galère, est tué par ses soldats — qui avaient servi sous Maximien — en septembre 307. Galère marche à son tour contre les rebelles mais, craignant de connaître le même sort, fait machine arrière[p 73].
284
+
285
+ La même année (307), Maximien se fait reconnaître auguste par Constantin, et son fils Maxence se proclame auguste également[p 73]. La Tétrarchie est ruinée : le pouvoir est partagé entre quatre augustes (Galère, Constantin, Maximien et Maxence) et un césar (Maximin Daïa).
286
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287
+ En 308 le vicaire d'Afrique, Domitius Alexander, se révolte contre Maxence, mettant en péril le ravitaillement de l'Italie[p 74]. Pour résoudre cette situation, Galère fait appel à Dioclétien. Celui-ci prend le consulat et réunit à Carnuntum en novembre 308 Maximien et Galère[p 74].
288
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289
+ Il force alors Maximien à se retirer une seconde fois, et reconstitue une tétrarchie : en Orient, Galère reste auguste avec Maximin II Daïa pour césar ; en Occident, Constantin est reconnu césar, et un nouvel auguste est envoyé, Licinius. C'est, pour reprendre Paul Petit, « un replâtrage hasardeux » : le principe d'hérédité n'est pas démenti puisque Constantin reste césar, et Licinius devient auguste sans passer par le césarat, ce qui contrevient à la théorie[p 74]. De plus, deux usurpateurs sont exclus de ces négociations : Maxence continue de gouverner l'Italie, et Domitius Alexander l'Afrique.
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+
291
+ Les deux césars protestent alors d'être maintenus dans des rôles subalternes. En 310, Galère cède et les reconnaît comme augustes — Maximin s'étant déjà fait proclamer empereur par ses troupes auparavant. Ainsi, en 310, l'Empire compte sept augustes (car Maximien a repris une fois de plus son titre)[p 74].
292
+
293
+ Les événements suivants simplifient la situation : en janvier 310, Maximien, assiégé dans Marseille par Constantin, est contraint au suicide. En 311, Domitius Alexander est battu par le préfet du prétoire de Maxence, Volusianus, et tué. La même année, Galère meurt, le 5 mai. Son décès rétablit un pouvoir à quatre : sont augustes en Occident Constantin et Maxence ; en Orient, Maximin II Daïa et Licinius[N 11].
294
+
295
+ Après s'être assuré de la neutralité de Licinius, Constantin franchit les Alpes en 312, et défait Maxence à la bataille du pont Milvius le 28 octobre 312[p 75]. Il entre ensuite triomphalement à Rome. En février ou mars 313, Constantin rencontre Licinius à Milan ; les deux hommes s'accordent sur une politique tolérante vis-à-vis des chrétiens, qu'ils précisent dans une lettre à leur fonctionnaire (dite « édit de Milan »)[45]. Dans les faits, ils reprennent les dispositions de l'édit de tolérance de Galère, promulgué en avril 311, peu avant sa mort, tout en supprimant ce qui en diminuait la portée[p 76]. Le 30 avril 313, Licinius vainc Maximin près de Périnthe, en Thrace[p 77]. L'Empire est donc maintenant dominé par deux augustes seulement.
296
+
297
+ Après deux années d'intrigue, la guerre entre les deux rivaux éclate, en 316. Licinius est vaincu à Cibalae en Pannonie puis en Thrace, mais il coupe les arrières de Constantin[p 78]. Les deux empereurs font alors la paix. Constantin obtient les diocèses des Pannonies (en) et de Macédoine (en), et les deux hommes élèvent au rang de césar leurs fils respectifs[46].
298
+
299
+ Les deux hommes se préparent alors longuement à l'affrontement suivant, réunissant des forces terrestres et navales importantes — Paul Petit parle de 150 à 170 000 soldats[p 79]. La guerre finale éclate en 324, à l'instigation de Constantin. Licinius est battu près d'Andrinople, sa flotte détruite par le fils de Constantin, Crispus, et Byzance assiégée. En septembre 324, Licinius, passé en Asie, est vaincu définitivement à Chrysopolis. Il se rend, et est exécuté l'année suivante[p 79].
300
+
301
+ L'Empire est réunifié sous un seul empereur, pour la première fois depuis 285.
302
+
303
+ Constantin Ier règne alors seul pendant treize ans, jusqu'en 337. Comme le souligne Jean-Michel Carrié, tout en tournant la page de la Tétrarchie, il ne ramène pas toutefois l'Empire à sa situation de 283. La plupart des réformes dioclétianiennes sont maintenues, et modifiées pour les pérenniser — et seul le système, idéaliste, de transmission du pouvoir, est complètement abandonné.
304
+
305
+ L'administration territoriale, l'administration centrale de l'État, sont transformées, l'armée est profondément réformée et acquiert une organisation durable, qu'elle conserve durant tout le IVe siècle. Le christianisme, sans devenir religion d'État, est, sous Constantin, favorisé par le pouvoir. C'est également à Constantin que revient la fondation de la ville de Constantinople, sur le site de l'ancienne Byzance, qui sera la capitale de l'Empire romain d'Orient jusqu'en 1453.
306
+
307
+ L'importance et la nature de l'œuvre de Constantin justifient à la fois les jugements d'Ammien Marcellin, défavorable à l'empereur, mis dans la bouche de Julien, et de Jean-Michel Carrié, plus neutre : il est pour le premier le novator turbatorque priscarum legum et moris antiquitus receptui, « le novateur et violateur des anciennes lois et des coutumes reçues de toute antiquité »[47], et, pour le second, « [situé] au niveau d'un nouvel Octavien Auguste donnant lui aussi forme achevée aux expériences qui l'avaient précédé »[48].
308
+
309
+ Le premier événement notable de son règne en tant que seul maître de l'Empire est la réunion du concile de Nicée en 325, que l'empereur a convoqué et préside. Il agit alors pour préserver l'unité de l'Église, menacée par l'arianisme. Constantin, qui considère tenir son pouvoir de Dieu, s'investit grandement dans les affaires ecclésiastiques[p 80]. Il consacre également, le 8 novembre 324, le site de la future Constantinople[pi 5].
310
+
311
+ En 326, Constantin se rend à Rome pour fêter ses vicennalia (vingt ans de règne). Il fait tuer, à Pola, son fils, Crispus, accusé d'avoir violenté sa belle-mère, l'impératrice, puis, peu après les festivités, son épouse Fausta, accusée d'adultère[pi 6] — ces accusations surviennent alors que l'empereur promulgue des lois moralisatrices (qui lui ordonnent ainsi d'agir aussi sévèrement qu'il l'a fait)[pi 7]. À la suite de ces crimes, sa mère Hélène fait un pèlerinage en Terre sainte, resté célèbre[pi 8]. La plupart des auteurs s'accordent pour dire que le traumatisme de ces événements a renforcé l'influence des chrétiens sur Constantin[p 81].
312
+
313
+ Dans les années 327-329 il s'établit principalement sur la frontière danubienne, et il lutte contre les barbares, Goths notamment. En Gaule, le césar Constantin II se fixe, sur ordre de son père, à Trèves en 328. Il lutte alors contre les Alamans, et le calme revient sur cette frontière[pi 9].
314
+
315
+ Ensuite, à partir de 330, il passe la plus grande partie de son temps dans sa nouvelle capitale, Constantinople, où la cour et l'administration centrale se sont installées[pi 10]. L'année suivante il fait dresser un inventaire des biens des temples païens et confisque les métaux utilisables, pour lutter contre la crise financière (l'empereur dépense beaucoup)[pi 11].
316
+
317
+ De 332 à 334 il lutte sur le Danube. Contre les Goths, le césar Constantin remporte une victoire, qui aboutit à un traité de paix — les Goths obtiennent alors le statut de peuple fédéré[N 13]. Il se porte en 334 sur le Bas Danube[pi 12]. Un projet de partage de l'Empire est conçu en 335 (Constantin se sentant affaibli) : l'État est partagé entre les trois fils de l'empereur, ainsi que Dalmatius et Hannibalianus, ses neveux[pi 13]. La prééminence de l'aîné, Constantin II, n'est pas reconnue[p 82], tous sont césars.
318
+
319
+ Constantin meurt en 337, à la veille d'une reprise du conflit avec les Perses, avec qui les relations ont commencé à se dégrader dès 333 (Constance puis Hannibalianus, ce dernier en tant que « roi des rois », furent envoyés pour gérer la situation et peut-être même faire campagne en Arménie[p 83]).
320
+
321
+ Dans le domaine de l'administration de l'Empire, Constantin Ier a opéré plusieurs réformes, dont la plus importante est la « régionalisation » de la préfecture du prétoire.
322
+
323
+ À la suite de la bataille du pont Milvius en 312, les cohortes prétoriennes sont supprimées[49]. Leur chef, le préfet du prétoire, perd ainsi ses attributions militaires. Ensuite, à partir probablement de 317, Constantin fait assister les césars[N 14] qu'il envoie en mission par un préfet du prétoire, tout en conservant à ses côtés un préfet. L'évolution est donc empirique, et elle se concrétise lors du partage territorial de 335 : chaque césar possède un préfet du prétoire. À la mort de l'empereur, la division du territoire opéré par ses fils fixe définitivement « le caractère régional de cette institution »[p 84].
324
+
325
+ Le rôle de ces préfet du prétoire d'un nouveau genre est d'être des « vice-rois »[pi 14]. Ils représentent l'empereur dans des vastes circonscriptions territoriales, qui regroupent plusieurs diocèses. Leur rôle est civil et judiciaire, ils n'ont aucune prérogative militaire[p 84].
326
+
327
+ L'autre réforme principale du règne de Constantin Ier est le développement de la cour et de l'administration centrale. La cour grossit par l'augmentation du personnel du palais (organisé autour de la « chambre sacrée » — sacrum cubiculum) et par la multiplication des comites[N 15], c'est-à-dire des « compagnons » (francisés souvent en comtes). Ce sont des hommes de confiance chargés de divers missions qui court-circuitent l'administration traditionnelle. À la fin du règne, le titre devient purement honorifique[pi 15]. L'administration centrale est elle aussi agrandie, par Licinius et Constantin[p 84] et organisée militairement[pi 16]. Les agentes in rebus, porteurs de dépêches et espion de l'empereur, apparaissent à cette époque[p 85].
328
+
329
+ Les hauts-fonctionnaires et certains comtes privilégiés participent au conseil privé de l'empereur, appelé consistorium (sacrum), « consistoire (sacré) ». C'est une institution permanente qui remplace le consilium principis du Haut-Empire[50]. Si le terme de « consistoire » n'est attesté qu'à partir de Constance II, la réalité de ce qu'il désigne date de l'époque de Constantin Ier[pi 17].
330
+
331
+ Constantin Ier a passé une bonne partie de son règne en campagne : contre les barbares et contre ses compétiteurs durant les guerres civiles de la Tétrarchie. Comme le souligne Yann Le Bohec, c'est un « empereur à cheval »[51]. Les différentes réformes qu'il a menées sont empiriques, et répondent aux nécessités du moment[49].
332
+
333
+ La première réforme concerne la garde impériale : après la bataille du pont Milvius (312), Constantin dissout les corps qui ont soutenu avec le plus d'ardeur Maxence : la garde prétorienne et les equites singulares[N 16]. Pour les remplacer, il crée les scholes palatines (environ 2 500 cavaliers), recrutées chez les Germains[49].
334
+
335
+ La suppression des cohortes prétoriennes entraîne une réforme du haut-commandement : les préfets du prétoire perdent leurs attributions militaires. Ils sont remplacés par des magistri militum, « maîtres des milices »[N 17]. Des commandements territoriaux sont également formés, avec un maître de la cavalerie (magister equitum) et un maître de l'infanterie (magister peditum), subordonné au premier, en Gaule, Illyrie et Orient[52].
336
+
337
+ L'autre grande réforme qu'on a souvent imputée à Constantin est celle de la stratégie globale de défense : il aurait réuni autour de lui une armée de manœuvre puissante, les comitatenses, dérivés des comitatus pré-tétrarchiques et tétrarchiques, et installé aux frontières des « soldats-paysans » de qualité médiocre[p 86]. Les travaux les plus récents ont profondément remis en cause cette façon de voir les choses.
338
+
339
+ Pour Yann Le Bohec ou Jean-Michel Carrié par exemple, les unités dites comitatenses[N 18] sont des unités des armées frontalières qu'on a voulu honorer d'un titre spécial, et non des unités d'une armée centrale[53],[54]. La qualification de limitanei (« troupes frontalières ») n'est plus péjorative par ailleurs : elle désigne simplement les soldats des frontières[55]. La majorité des soldats de l'armée romaine demeurent cantonnée dans les provinces, mais une armée centrale, qu'on dit « d'intervention » a bien été développée au cours du IVe siècle[55]. Elle est constituée de troupes « palatines » (légions palatines et auxiliaires palatins)[56], et de la garde impériale du Bas-Empire (scholes palatines notamment).
340
+
341
+ Un des césars, Julien, responsable de la Gaule, remporte une grande victoire sur les Alamans en 357 (bataille d'Argentoratum), et il se montre bon général et homme d'État[p 87]. Ses soldats le proclament empereur à son corps défendant à Lutèce en février 360, mécontentés par la volonté de Constance II d'affaiblir un césar trop puissant[p 87]. Celui-ci meurt l'année suivante, alors qu'il marche contre l'usurpateur, en désignant Julien comme successeur[p 87]. Julien, cousin du défunt empereur, renonce au christianisme par amour de la pensée grecque[p 87], d'où son surnom « d'apostat ». Il tente de restaurer le paganisme, en abolissant les mesures persécutrices de Constance II et en essayant d'organiser un clergé païen[p 88]. Il meurt après 18 mois de règne, en 363, dans une escarmouche (bataille de Ctesiphon) au cours de la retraite qui suivit une campagne contre les Perses.
342
+ De nos jours, le surnom d'apostat, jugé insultant, est plutôt remplacé par celui de « philosophe ».
343
+
344
+ Ses successeurs sont Jovien puis Valentinien Ier en Occident et Valens en Orient. En 364 en effet, Valentinien, devant l'ampleur des menaces extérieures[pi 18], et conscient que les tâches sont trop nombreuses pour un seul empereur[57] prend son frère Valens comme coempereur et lui confie la partie orientale de l'Empire. Les deux frères se divisent « l'armée, les fonctionnaires, les ressources de l'État »[57]. Pour la première fois, au lieu de l'Empire indivisible où il n'y a que des partages d'attributions, on voit apparaître deux États distincts[pi 19]. Les deux parties de l'Empire se referment alors sur elles-mêmes[58].
345
+
346
+ Les deux nouveaux empereurs reviennent à une politique religieuse plus mesurée. Celle de Valentinien est tolérante vis-à-vis des païens[p 89], celle de Valens persécute certaines doctrines chrétiennes hétérodoxes, comme les nicéens[59]. L'empereur d'Orient Valens doit gérer la menace perse, l'usurpation de Procope et les difficultés engendrées par la présence au-delà du Danube des Goths[p 90]. Le règne de Valentinien Ier est marqué par d'importantes opérations militaires : lutte contre les Alamans, reconstruction des fortifications du Rhin et du Danube, reconquête de la Bretagne par Théodose l'Ancien[p 91]. Valentinien meurt brusquement en 375, et le pouvoir passe à son fils Gratien, proclamé auguste dès 367[pi 20]. Valens est défait et tué à la bataille d'Andrinople en 378 par les Goths : c'est la fin du mythe d'invincibilité de Rome.
347
+
348
+ Après la mort de Valens contre les Goths lors de la bataille d'Andrinople en 378, Gratien se choisit un nouveau collègue pour l'Orient, Théodose Ier. Gratien est assassiné en 383[p 92] sur ordre de Maxime, proclamé en Bretagne. Maxime, reconnu auguste par Théodose Ier à la fin 384, étend son autorité sur les Gaules, les Germanies romaines, la Bretagne, et une partie de l'Espagne, et installe son quartier général à Trèves. Valentinien II, le jeune frère de Gratien, reste alors auguste du reste de l'Occident avec à ses côtés le général franc, Arbogast. Maxime est éliminé à Aquilée en 388. Valentinien II meurt, en se suicidant, ou assassiné, en 392[p 93]. Arbogast fait proclamer auguste un professeur de rhétorique, Eugène[N 19],[p 94]. En 392, Théodose publie une loi[60] qui condamne radicalement les sacrifices païens, même domestiques, interdit d'honorer les dieux Lares, de célébrer les Jeux olympiques[pi 21] et il nomme auguste pour l'Occident son fils, Honorius[p 94]. En 394, Théodose bat l'usurpateur à la bataille de la Rivière Froide. Il réunit alors légitimement l'Empire tout entier sous son pouvoir.
349
+
350
+ Le 17 janvier 395, Théodose Ier meurt, après avoir partagé l'Empire entre ses deux jeunes fils : Arcadius l'aîné reçoit l'Orient et Honorius l'Occident. Ce partage est dans la continuité des règnes précédents — notamment celui de Valentinien et Valens — et l'unité de l'Empire demeure, renforcée par Stilicon, qui doit veiller sur eux[p 95]. Le partage se veut donc purement administratif. Les circonstances ont toutefois fait que ce partage a été le dernier.
351
+
352
+ Les deux parties de l'Empire se séparent donc en 395.
353
+
354
+ Honorius né le 9 septembre 384 et mort le 15 août 423 est un des empereurs romains régnant lors des invasions barbares.
355
+
356
+ Fait co-empereur de l'Empire Romain avec son frère aîné Arcadius en 393, Honorius hérite de la partie occidentale de l'Empire en 395.
357
+
358
+ Son règne, durant pourtant 30 ans est marqué par son incompréhension des crises secouant l'Empire ainsi que de son incapacité à y répondre.
359
+
360
+ Dès le début de son règne, le pouvoir est exercé majoritairement par un régent : Stilicon. Celui-ci dirige réellement l'Empire de 395 à 408. Stilicon se rend célèbre pour son ardeur plus importante à combattre d'autres romains que les « barbares » arrivant dans l'Empire.
361
+
362
+ C'est sous le règne d'Honorius, en hiver 406-407, que des groupes de barbares (Suèves, Alains et Vandales) franchissent le Rhin et pénètrent dans l'Empire. En 410, les Wisigoths d'Alaric pillent Rome ce qui est un véritable choc dans l'empire. Honorius négocie alors avec les Wisigoths un foedus : ils obtiennent le statut de fédérés, c'est-à-dire d'alliés de Rome, et des terres en échange d'un service militaire. Ainsi, 418 correspond à la date de création du premier royaume barbare, celui du royaume wisigothique en Aquitaine.
363
+
364
+ Genséric, roi des Vendales, occupe l'Afrique du Nord et obtient le statut de fédéré en 435.
365
+ En 451, à la bataille des champs catalauniques, le général Aetius repousse les Huns d'Attila de Gaule mais les laisse piller l'Italie.Valentinien III l'égorge en 454 par vengeance et jalousie. Des proches d'Aetius le tuent à son tour.
366
+
367
+ En 475, Flavius Oreste, ancien secrétaire d'Attila, chassa l'empereur Julius Nepos de Ravenne et proclama son propre fils, Romulus Augustule, empereur.
368
+
369
+ En 476, Oreste refusa d'accorder aux Hérules d'Odoacre le statut de fédérés, poussant Odoacre à prendre Rome et à envoyer les insignes impériaux à Constantinople, s'établissant comme roi d'Italie. Si le pouvoir romain se maintint dans des poches isolées après 476, la cité de Rome elle-même était gouvernée par des barbares, et le contrôle de Rome sur l'Occident avait pris fin. La convention veut que l'Empire d'Occident ait disparu le 4 septembre 476, lorsque Odoacre déposa Romulus Augustule. Mais dans les faits, les choses ne sont pas aussi simples.
370
+
371
+ Julius Nepos prétendait toujours au titre d'empereur d'Occident depuis son réduit de Dalmatie, et était reconnu comme tel par l'empereur byzantin Zénon, ainsi que par Syagrius, qui était parvenu à sauvegarder une enclave romaine dans le nord de la Gaule. Odoacre, souverain autoproclamé de l'Italie, commença à négocier avec Zénon, qui finit par lui accorder le titre de patrice, le reconnaissant comme son vice-roi en Italie. Zénon insista cependant pour qu'Odoacre rende hommage à Nepos comme empereur d'Occident. Odoacre accepta, allant jusqu'à frapper des pièces au nom de Nepos dans toute l'Italie. Il ne s'agissait cependant que d'un geste purement politique, et Odoacre ne rendit aucun territoire à Nepos. Ce dernier fut finalement assassiné en 480, et Odoacre conquit peu après la Dalmatie.
372
+
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+ Romulus Augustule fut épargné par Odoacre qui, bien qu'ayant assassiné son père, eut pitié de lui et lui donna une pension et une villa en Campanie, villa qui devint un monastère. On trouve trace de lui au milieu des années 500, ce qui laisse à penser qu'il aurait survécu à Julius Népos.
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375
+ Voici la liste des pays actuels dont le territoire a été soumis à un moment donné, totalement ou en partie, à l'autorité directe ou indirecte de l'Empire romain :
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3
+ Le mur[a] de Berlin (en allemand Berliner Mauer)[b], « mur de la honte » pour les Allemands de l'Ouest et officiellement appelé par le gouvernement est-allemand « mur de protection antifasciste », est érigé en plein Berlin dans la nuit du 12 au 13 août 1961 par la République démocratique allemande (RDA)[1], qui tente ainsi de mettre fin à l'exode croissant de ses habitants vers la République fédérale d'Allemagne (RFA)[1],[c].
4
+
5
+ Le mur, composante de la frontière intérieure allemande, sépare physiquement la ville en Berlin-Est et Berlin-Ouest pendant plus de vingt-huit ans, et constitue le symbole le plus marquant d'une Europe divisée par le rideau de fer. Plus qu'un simple mur, il s'agit d'un dispositif militaire complexe comportant deux murs de 3,6 mètres de haut[2], avec un chemin de ronde, 302 miradors et dispositifs d'alarme, 14 000 gardes, 600 chiens et des barbelés dressés vers le ciel. Un nombre indéterminé de personnes furent victimes des tentatives de franchissement du mur. En effet, des gardes-frontière est-allemands et des soldats soviétiques n'hésitèrent pas à tirer sur des fugitifs.
6
+
7
+ L'affaiblissement de l'Union soviétique, la perestroïka conduite par Mikhaïl Gorbatchev, et la détermination des Allemands de l'Est qui organisent de grandes manifestations, provoquent le 9 novembre 1989 la chute du mur de Berlin, suscitant l'admiration incrédule du « Monde libre » et ouvrant la voie à la réunification allemande. Presque totalement détruit, le Mur laisse cependant dans l'organisation urbaine de la capitale allemande des cicatrices qui ne sont toujours pas effacées aujourd'hui. Le mur de Berlin, symbole du clivage idéologique et politique de la guerre froide, a inspiré de nombreux livres et films. Plusieurs musées lui sont consacrés.
8
+
9
+ Après sa capitulation le 8 mai 1945, l'Allemagne est divisée en trois, puis quatre zones d'occupation sous administrations soviétique, américaine, britannique et française, conformément à l'accord conclu à la conférence de Yalta. Berlin, la capitale du Troisième Reich, d'abord totalement occupée par l'Armée rouge doit également être partagée en quatre secteurs répartis entre les alliés. Les Soviétiques laissent alors aux Occidentaux les districts ouest de la ville qui se retrouvent ainsi totalement enclavés dans leur zone d'occupation, le secteur resté sous contrôle soviétique représentant à lui seul 409 km2, soit 45,6 % de la superficie de la ville[1]. La position et l'importance de Berlin en font un enjeu majeur de la guerre froide qui s'engage dès la fin des hostilités.
10
+
11
+ La coopération entre les quatre puissances occupantes de l'Allemagne prend fin en 1948 lorsque l’Union soviétique suspend sa participation au Conseil de contrôle allié et du commandement interallié le 19 mars 1948[3]. Les Soviétiques s'emploient dès lors à gêner les communications des Occidentaux avec Berlin-Ouest, sans doute pour les forcer à abandonner l'ancienne capitale du Reich. Du 24 juin 1948 au 12 mai 1949, Staline instaure le blocus de Berlin. Tous les transits terrestres et fluviaux entre Berlin-Ouest et l'Allemagne de l'Ouest sont coupés. Cet événement constitue la première crise majeure entre l'Union soviétique et les Occidentaux. Grâce à un gigantesque pont aérien organisé sous l'égide des États-Unis, Berlin-Ouest survit au blocus[4].
12
+
13
+ L'année 1949 voit la création de la République fédérale d'Allemagne (RFA) dans la trizone constituée par les zones française, britannique et américaine, suivie de près par celle de la République démocratique allemande (RDA) dans la zone sous occupation soviétique[3]. La création de deux États consolide la division politique de Berlin. On commence alors des deux côtés à sécuriser et à fermer la frontière entre les deux États. Des douaniers et des soldats détachés à la surveillance frontalière patrouillent entre la RDA et la RFA ; de solides clôtures seront plus tard érigées du côté RDA.
14
+
15
+ Légalement, Berlin garde le statut de ville démilitarisée (absence de soldats allemands) partagée en quatre secteurs, et indépendante des deux États que sont la RFA et RDA. En réalité, la portée pratique de cette indépendance est très limitée. En effet, le statut de Berlin-Ouest s'apparente à celui d'un Land, avec des représentants sans droit de vote au Bundestag, tandis que Berlin-Est devient, en violation de son statut, capitale de la RDA. La ville reste cependant le seul endroit où les Allemands de l'Est comme de l'Ouest peuvent transiter.
16
+
17
+ Le 27 novembre 1958, l'URSS tente un nouveau coup de force lors de l'« ultimatum de Khrouchtchev » proposant le départ des troupes occidentales dans les six mois pour faire de Berlin une « ville libre » démilitarisée. Les alliés occidentaux refusent[5]. Cet ultimatum marque le début de la crise de Berlin qui sera au cœur des relations Est-Ouest pendant quatre ans.
18
+
19
+ Depuis sa création en 1949, la RDA subit un flot d'émigration croissant vers la RFA, particulièrement à Berlin. La frontière urbaine est difficilement contrôlable, contrairement aux zones rurales déjà très surveillées. Entre 2,6 et 3,6 millions d'Allemands fuient la RDA par Berlin entre 1949 et 1961, privant le pays d’une main-d'œuvre indispensable au moment de sa reconstruction et montrant à la face du monde leur faible adhésion au régime communiste[1],[c]. Émigrer ne pose pas de difficulté majeure car, jusqu’en août 1961, il suffit de prendre le métro ou le chemin de fer berlinois pour passer d'Est en Ouest[6], ce que font quotidiennement des Berlinois pour aller travailler. Les Allemands appellent cette migration de la RDA communiste à la RFA capitaliste : « voter avec ses pieds ». Pendant les deux premières semaines d'août 1961, riches en rumeurs, plus de 47 000 citoyens est-allemands passent en Allemagne de l'Ouest via Berlin. De plus, Berlin-Ouest joue aussi le rôle de porte vers l'Ouest pour de nombreux Tchécoslovaques et Polonais. Comme l'émigration concerne particulièrement les jeunes actifs, elle pose un problème économique majeur et menace l'existence même de la RDA.
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21
+ En outre, environ 50 000 Berlinois sont des travailleurs frontaliers, travaillant à Berlin-Ouest mais habitant à Berlin-Est ou dans sa banlieue où le coût de la vie et de l'immobilier est plus favorable. Le 4 août 1961, un décret oblige les travailleurs frontaliers à s'enregistrer comme tels et à payer leurs loyers en Deutsche Mark (monnaie de la RFA). Avant même la construction du Mur, la police de la RDA surveille intensivement aux points d'accès à Berlin-Ouest ceux qu'elle désigne comme « contrebandiers » ou « déserteurs de la République ».
22
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23
+ Comme tous les pays communistes, la RDA s'est vu imposer une économie planifiée par Moscou. Le plan septennal (1959-1965) est un échec dès le début. La production industrielle augmente moins vite que prévu. En effet, les investissements sont insuffisants. La collectivisation des terres agricoles entraîne une baisse de la production et une pénurie alimentaire. Les salaires augmentent plus vite que prévu à cause d'un manque de main-d'œuvre provoqué en grande partie par les fuites à l'Ouest. Un important trafic de devises et de marchandises, néfaste à l'économie est-allemande, passe par Berlin. La RDA se trouve en 1961 au bord de l’effondrement économique et social[3].
24
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25
+ L'auteur William Blum avance comme cause de la construction du Mur, outre la captation de la main d'œuvre qualifiée de la RDA par l'Ouest, le sabotage des infrastructures par des agents occidentaux qui aurait alors sévi en RDA[7].
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27
+ Le programme de construction du Mur est un secret d'État du gouvernement est-allemand. Il commence dans la nuit du 12 au 13 août 1961 avec la pose de grillages et de barbelés autour de Berlin-Ouest[1].
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29
+ Son édification est effectuée par des maçons, sous la protection et la surveillance de policiers et de soldats – en contradiction avec les assurances du président du Conseil d'État de la RDA, Walter Ulbricht, qui déclarait le 15 juin 1961 lors d'une conférence de presse internationale à Berlin-Est en réponse à une journaliste ouest-allemande[8] :
30
+ « Si je comprends bien votre question, il y a des gens en Allemagne de l'Ouest qui souhaitent que nous mobilisions les ouvriers du bâtiment de la capitale de la RDA pour ériger un mur, c'est cela ? Je n'ai pas connaissance d'un tel projet ; car les maçons de la capitale sont principalement occupés à construire des logements et y consacrent toute leur force de travail. Personne n'a l'intention de construire un mur[d] ! »
31
+
32
+ Ulbricht est ainsi le premier à employer le mot « Mur », deux mois avant qu'il ne soit érigé.
33
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34
+ Si les Alliés sont au courant d'un plan de « mesures drastiques » visant au verrouillage de Berlin-Ouest, ils se montrent cependant surpris par son calendrier et son ampleur. Comme leurs droits d'accès à Berlin-Ouest sont respectés, ils décident de ne pas intervenir militairement. Le BND (Services secrets de la RFA) avait lui aussi reçu début juillet des informations semblables. Après la rencontre entre Ulbricht et Nikita Khrouchtchev lors du sommet des pays membres du Pacte de Varsovie (3-5 août 1961), le BND note dans son rapport hebdomadaire du 9 août :
35
+ « Les informations disponibles montrent que le régime de Pankow[e] s'efforce d'obtenir l'accord de Moscou pour l'entrée en vigueur de mesures rigoureuses de blocage ; en particulier le bouclage de la frontière de Berlin, avec interruption du trafic de métros et de tramways entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. (...) Il reste à voir si Ulbricht est capable de faire accepter de telles exigences par Moscou, et jusqu'où. »
36
+
37
+ La déclaration publique du sommet du Pacte de Varsovie propose de « contrecarrer à la frontière avec Berlin-Ouest les agissements nuisibles aux pays du camp socialiste et d'assurer autour de Berlin-Ouest une surveillance fiable et un contrôle efficace. »
38
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39
+ Le 11 août 1961, la Chambre du peuple (« Volkskammer »), le parlement de la RDA, approuve la concertation avec Moscou et donne les pleins pouvoirs au conseil des ministres pour en assurer la réalisation. Ce dernier adopte le 12 août un décret dénonçant la politique d'agression impérialiste des Occidentaux à son encontre. Un contrôle très strict des frontières séparant Berlin-Ouest et Berlin-Est est instauré[9]. Il décide de l'emploi des forces armées pour occuper la frontière avec Berlin-Ouest et y ériger un barrage.
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+
41
+ Le samedi 12 août, le BND reçoit l'information qu'« une conférence a eu lieu à Berlin-Est au centre de décision du Parti communiste est-allemand (SED) en présence de hauts responsables du parti. On a pu y apprendre que (…) la situation d'émigration croissante de fugitifs rend nécessaire le bouclage du secteur d'occupation soviétique et de Berlin-Ouest dans les jours prochains — sans plus de précisions — et non dans deux semaines comme il était prévu initialement. »
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+ Dans la nuit du 12 au 13 août, 14 500 membres des forces armées bloquent les rues et les voies ferrées menant à Berlin-Ouest. Des troupes soviétiques se tiennent prêtes au combat et se massent aux postes frontières des Alliés. Tous les moyens de transport entre les deux parties de la ville sont interrompus. En septembre 1961, des métros et des S-Bahn (réseau ferré de banlieue) de Berlin-Ouest continueront à circuler sous Berlin-Est sans cependant s'y arrêter, les stations desservant le secteur oriental (qu'on appellera désormais les « stations fantômes ») ayant été fermées.
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+ Erich Honecker, en tant que secrétaire du comité central du SED pour les questions de sécurité, assure la responsabilité politique de la planification et de la réalisation de la construction du Mur pour le parti, qu’il présente comme un « mur de protection antifasciste »[1]. Les pays membres du pacte de Varsovie publient, le même jour, une déclaration pour soutenir le bouclage de la frontière entre les deux Berlin[10]. Jusqu'en septembre 1961, la frontière reste « franchissable » et parmi les seules forces de surveillance, 85 hommes passent à l'Ouest — imités en cela par 400 civils, dont 216 réussissent. Les images du jeune douanier Conrad Schumann enjambant les barbelés, ainsi que de fugitifs descendant par une corde en draps de lit ou sautant par les fenêtres des immeubles situées à la frontière marquent les esprits.
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47
+ La construction du Mur autour des trois secteurs de l'Ouest consiste tout d'abord en un rideau de fils de fer barbelés. Les pavés des axes de circulation entre les deux moitiés de la ville sont retournés afin d’interrompre immédiatement le trafic[11]. Dans les semaines suivantes, il est complété par un mur de béton et de briques, puis muni de divers dispositifs de sécurité. Ce mur sépare physiquement la cité et entoure complètement la partie ouest de Berlin qui devient une enclave au milieu des pays de l'Est.
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49
+ Le chancelier fédéral Adenauer appelle le jour même la population de l'Ouest au calme et à la raison, évoquant sans plus de précisions les réactions qu'il s'apprête à prendre avec les Alliés. Il attend deux semaines après la construction du Mur avant de se rendre à Berlin-Ouest. Seul le maire de Berlin-Ouest Willy Brandt émet une protestation énergique – mais impuissante – contre l'emmurement de Berlin et sa coupure définitive en deux. Sa déclaration est sans ambiguïté : « Sous le regard de la communauté mondiale des peuples, Berlin accuse les séparateurs de la ville, qui oppressent Berlin-Est et menacent Berlin-Ouest, de crime contre le droit international et contre l’humanité (...)[11] ». Le 16 août 1961, une manifestation de 300 000 personnes entoure Willy Brandt pour protester devant la mairie de Schöneberg, siège du gouvernement de Berlin-Ouest.
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+ Les Länder de la RFA fondent la même année à Salzgitter un centre de documentation judiciaire sur les violations des droits de l'homme perpétrées par la RDA, pour marquer symboliquement leur opposition à ce régime.
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+ La réaction des Alliés tarde : il faut attendre vingt heures avant que les colonnes militaires ne se présentent à la frontière. Le 15 août 1961, les commandants des secteurs occidentaux de Berlin adressent à leur homologue soviétique une note de protestation contre l'édification du Mur[12]. Des rumeurs incessantes circulent, selon lesquelles Moscou aurait assuré les Alliés de ne pas empiéter sur leurs droits à Berlin-Ouest. Le blocus de Berlin a effectivement montré aux yeux des Alliés que le statut de la ville était constamment menacé. La construction du Mur représente ainsi une confirmation matérielle du statu quo : l'Union soviétique abandonne son exigence d'un Berlin-Ouest « libre » déserté par les troupes alliées, tel qu'il avait encore été formulé en 1958 dans l'ultimatum de Khrouchtchev.
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+ Les réactions internationales sont ambiguës. Dès le 13 août, Dean Rusk, secrétaire d'État américain, condamne la restriction de la liberté de déplacement des Berlinois[13]. Les Alliés considèrent que l'URSS est à l'initiative de la construction du Mur entre sa zone d'occupation et celle des alliés comme l'indiquent les notes de protestation envoyées au gouvernement soviétique par les ambassadeurs américain et français[14]. Cependant, Kennedy qualifie la construction du Mur de « solution peu élégante, mais mille fois préférable à la guerre ». Le Premier ministre britannique MacMillan n'y voit « rien d'illégal ». En effet, la mesure touche d'abord les Allemands de l'Est et ne remet pas en question l'équilibre géopolitique de l'Allemagne. Après une lettre que Willy Brandt lui a fait parvenir le 16 août[15], Kennedy affiche un soutien symbolique[16],[17] à la ville libre de Berlin-Ouest en y envoyant une unité supplémentaire de 1 500 soldats et fait reprendre du service au général Lucius D. Clay. Le 19 août 1961, Clay et le vice-président américain Lyndon B. Johnson se rendent à Berlin.
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+ Le 27 octobre, on en vient à une confrontation visible et directe entre troupes américaines et soviétiques à Checkpoint Charlie. Des gardes-frontières de RDA exigent de contrôler des membres des forces alliées occidentales voulant se rendre en secteur soviétique. Cette exigence est contraire au droit de libre circulation, dont bénéficient tous les membres des forces d’occupation. Pendant trois jours[11], dix chars américains et dix chars soviétiques se postent de chaque côté, à proximité immédiate de Checkpoint Charlie. Les blindés se retirent finalement, aucune des deux parties ne voulant déclencher une escalade qui aurait risqué de se terminer en guerre nucléaire. La libre circulation par le poste-frontière Checkpoint Charlie est rétablie. Paradoxalement, cette situation explosive, aussi bien à Berlin que dans le reste de l'Europe, va déboucher sur la plus longue période de paix qu'ait connue l'Europe occidentale[18].
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+ Les ressortissants de Berlin-Ouest ne pouvaient déjà plus entrer librement en RDA depuis le 1er juin 1952. L'encerclement est rendu plus efficace par la diminution des points de passage : 69 points de passage sur les 81 existants sont fermés dès le 13 août. La porte de Brandebourg est fermée le 14 août et quatre autres le 23 août. Fin 1961, il ne reste plus que sept points de passages entre l'Est et l'Ouest de Berlin. La Potsdamer Platz est coupée en deux. Le centre historique de la ville devient progressivement un grand vide sur la carte, composé du No man’s land entre les murs de séparation à l’Est et d’un terrain vague à l’Ouest[19]. Les conséquences économiques et sociales sont immédiates : 63 000 Berlinois de l'Est perdent leur emploi à l'Ouest, et 10 000 de l'Ouest perdent leur emploi à Berlin-Est[1].
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+ Le mur de Berlin est devenu dès sa construction le symbole de la guerre froide et de la séparation du monde en deux camps. Le 26 juin 1963, John Kennedy prononce à Berlin un discours historique. Il déclare « Ich bin ein Berliner » (« Je suis un Berlinois »), marquant la solidarité du Monde libre pour les Berlinois[20]. De plus, la construction du Mur donne une image très négative du bloc de l'Est et prouve de manière symbolique son échec économique face au bloc occidental. « Le bloc soviétique s’apparente désormais à une vaste prison dans laquelle les dirigeants sont obligés d’enfermer des citoyens qui n’ont qu’une idée : fuir ! Le Mur est un aveu d’échec et une humiliation pour toute l’Europe orientale »[21]. Le Mur sape l'image du monde communiste.
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+ Le 17 décembre 1963, après de longues négociations, le premier accord sur le règlement des visites de Berlinois de l'Ouest chez leurs parents de l'Est de la ville est signé. Il permet à 1,2 million de Berlinois de rendre visite à leurs parents dans la partie orientale de la ville mais seulement du 19 décembre 1963 au 5 janvier 1964. D'autres arrangements suivent en 1964, 1965 et 1966[11]. Après l'accord quadripartite de 1971, le nombre des points de passage entre l'Est et l'Ouest est porté à dix. À partir du début des années 1970, la politique suivie par Willy Brandt et Erich Honecker de rapprochement entre la RDA et la RFA (Ostpolitik) rend la frontière entre les deux pays un peu plus perméable. La RDA simplifie les autorisations de voyage hors de la RDA, en particulier pour les « improductifs » comme les retraités, et autorise les visites de courte durée d'Allemands de l'Ouest dans les régions frontalières. Comme prix d'une plus grande liberté de circulation, la RDA exige la reconnaissance de son statut d'État souverain ainsi que l'extradition de ses citoyens ayant fui vers la RFA. Ces exigences se heurtent à la loi fondamentale de la RFA qui les rejette donc catégoriquement. Pour beaucoup d’Allemands, l’édification du Mur est, de fait, un déchirement et une humiliation qui accentuent les ressentiments de la partition. Une conséquence inattendue de la construction du Mur est de faire renaître dans le cœur des Allemands l’idée de la réunification[21].
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+ Les deux parties de la ville connaissent des évolutions différentes. Berlin-Est, capitale de la RDA, se dote de bâtiments prestigieux autour de l'Alexanderplatz et de la Marx-Engels-Platz. Le centre (Mitte) de Berlin qui se trouve du côté Est perd son animation. En effet, l'entretien des bâtiments laisse à désirer surtout les magnifiques bâtiments situés sur l'île des musées, en particulier l'important musée de Pergame[1]. Poursuivant le développement d'une économie socialiste, le régime inaugure en 1967, dans la zone industrielle d'Oberschöneweide, le premier combinat industriel de la RDA, le Kombinat VEB Kabelwerke Oberspree (KWO) dans la câblerie. En 1970, débute la construction d'immeubles de onze à vingt-cinq étages dans la Leipzigerstrasse qui défigurent l'espace urbain[11]. La propagande de la RDA désigne le Mur ainsi que toutes les défenses frontalières avec la RFA comme un « mur de protection antifasciste » protégeant la RDA contre l'« émigration, le noyautage, l'espionnage, le sabotage, la contrebande et l'agression en provenance de l'Ouest ». En réalité, les systèmes de défense de la RDA se dressent principalement contre ses propres citoyens.
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+ Berlin-Ouest devient vite la vitrine de l’Occident. La réforme monétaire met fin à la pénurie et la reconstruction est bien plus rapide qu’à l’Est. Potsdamer Platz reste un lieu de souvenir. Une plate-forme panoramique permet de regarder par-dessus le Mur. Elle attire les visiteurs au cours des années 1970 et 1980[19]. La partition fragilise cependant l'économie du secteur ouest. En effet, les industriels doivent exporter leur production en dehors de la RDA. De plus, pour éviter l'espionnage industriel, les industries de pointe s'implantent rarement à Berlin-Ouest[22]. La partie ouest se singularise à partir de 1967 par son mouvement étudiant, point de mire de l'opinion publique. En effet, la ville est traditionnellement une ville universitaire. La vie culturelle y est très développée.
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+ Le 12 juin 1987, à l'occasion des festivités commémorant les 750 ans de la ville, le président américain Ronald Reagan prononce devant la porte de Brandebourg un discours resté dans les mémoires sous le nom de Tear down this wall!. Il s'agit d'un défi lancé à Gorbatchev, lequel est apostrophé à plusieurs reprises dans le discours[23].
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+ En 1989, la situation géopolitique change. Au printemps, la Hongrie ouvre son « rideau de fer ». En août, Tadeusz Mazowiecki, membre de Solidarność, devient Premier ministre de Pologne. Certains observateurs pensent qu'une contagion de liberté va gagner aussi les Allemands[24]. À la fin de l'été, les Allemands de l'Est se mettent à quitter le pays par centaines, puis par milliers, sous prétexte de vacances en Hongrie, où les frontières sont ouvertes. En trois semaines, 25 000 citoyens de la RDA rejoignent la RFA par la Hongrie et l'Autriche. Des tentes et des sanitaires sont installées dans le parc de l'ambassade de la RFA à Prague où se pressent des réfugiés est-allemands, mais fin septembre les conditions d'accueil des quelque 4 000 réfugiés sont précaires. Dans la nuit du 30 septembre, Hans-Dietrich Genscher vient à Prague leur dire qu'un accord a été conclu avec la RDA pour qu'ils puissent légalement émigrer en RFA. Le 1er octobre 1989, un premier train spécial part pour l'Allemagne de l'Ouest, via le territoire de l'Allemagne de l'Est. L'exode continue tout au long du mois d'octobre[25],[26].
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+ En RDA, la contestation enfle. Les églises protestantes, comme celle de Saint Nikolai à Leipzig, accueillent les prières pour la paix. Elles sont le germe des manifestations du lundi à partir de septembre[27]. 200 000 manifestants défilent dans les rues de Leipzig le 16 octobre 1989. Mikhaïl Gorbatchev, venu à Berlin-Est célébrer le quarantième anniversaire de la naissance de la RDA, indique à ses dirigeants que le recours à la répression armée est à exclure[28]. Malgré une tentative de reprise en main par des rénovateurs du Parti communiste, les manifestations continuent. Sur l'Alexanderplatz à Berlin-Est, 250 000 à 500 000 personnes manifestent en appelant à la liberté d'expression, à une presse libre et à la liberté de réunion. La police (Volkspolizei) n'intervient pas, mais des unités de l'armée (Nationale Volksarmee) sont positionnées près de la porte de Brandebourg pour empêcher toute tentative de franchissement du Mur. D'importantes manifestations ont aussi lieu dans une quarantaine de villes de la RDA[29].
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+ Le 9 novembre, une conférence de presse est tenue par Günter Schabowski, secrétaire du Comité central chargé des médias en RDA, membre du bureau politique du SED, retransmise en direct par la télévision du centre de presse de Berlin-Est, à une heure de grande écoute. À 18 h 57, vers la fin de la conférence, Schabowski lit de manière plutôt détachée une décision du conseil des ministres sur une nouvelle réglementation des voyages, dont il s'avère plus tard qu'elle n'était pas encore définitivement approuvée, ou, selon d'autres sources, ne devait être communiquée à la presse qu'à partir de 4 h le lendemain matin, le temps d'informer les organismes concernés :
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+ « 
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+ Présents sur le podium à côté de Schabowski : les membres du comité central du SED : Helga Labs, Gerhard Beil et Manfred Banaschak. Schabowski lit un projet de décision du conseil des ministres qu'on a placé devant lui : « Les voyages privés vers l'étranger peuvent être autorisés sans présentation de justificatifs — motif du voyage ou lien de famille. Les autorisations seront délivrées sans retard. Une circulaire en ce sens va être bientôt diffusée. Les départements de la police populaire responsables des visas et de l'enregistrement du domicile sont mandatés pour accorder sans délai des autorisations permanentes de voyage, sans que les conditions actuellement en vigueur n'aient à être remplies. Les voyages y compris à durée permanente peuvent se faire à tout poste-frontière avec la RFA. »
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+ Question d'un journaliste : « Quand ceci entre-t-il en vigueur ? »
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+ Schabowski, feuilletant ses notes : « Autant que je sache — immédiatement. »[30]
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+  »
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+ Après les annonces des radios et télévisions de la RFA et de Berlin-Ouest, intitulées « Le Mur est ouvert ! », plusieurs milliers de Berlinois de l'Est se pressent aux points de passage et exigent de passer[31]. À ce moment, ni les troupes frontalières, ni même les fonctionnaires du ministère chargé de la Sécurité d'État responsables du contrôle des visas n'avaient été informés. Sans ordre concret ni consigne mais sous la pression de la foule, le point de passage de la Bornholmer Straße, sous la responsabilité du lieutenant-colonel Harald Jäger, est ouvert peu après 23 h, suivi d'autres points de passage tant à Berlin qu'à la frontière avec la RFA. Beaucoup assistent en direct à la télévision à cette nuit du 9 novembre et se mettent en chemin. C'est ainsi que le mur « tombe » dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 novembre 1989, après plus de 28 années d'existence. Cet événement a été appelé dans l'histoire de l'Allemagne die Wende (« le tournant »). Dès l'annonce de la nouvelle de l'ouverture du Mur, le Bundestag interrompt sa séance à Bonn et les députés entonnent spontanément l'hymne national allemand[32].
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+ Cependant la véritable ruée a lieu le lendemain matin, beaucoup s'étant couchés trop tôt cette nuit-là pour assister à l'ouverture de la frontière. Ce jour-là, d'immenses colonnes de ressortissants est-allemands et de voitures se dirigent vers Berlin-Ouest. Les citoyens de la RDA sont accueillis à bras ouverts par la population de Berlin-Ouest. Un concert de klaxons résonne dans Berlin et des inconnus tombent dans les bras les uns des autres. Dans l'euphorie de cette nuit, de nombreux Ouest-Berlinois escaladent le Mur et se massent près de la porte de Brandebourg accessible à tous, alors que l'on ne pouvait l'atteindre auparavant. Une impressionnante marée humaine sonne ainsi le glas de la Guerre froide.
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+ Présent à Berlin, le violoncelliste virtuose Mstislav Rostropovitch, qui avait dû s'exiler à l'Ouest pour ses prises de position en URSS, vient encourager les démolisseurs (surnommés en allemand Mauerspechte, en français les « piverts du mur ») en jouant du violoncelle au pied du Mur le 11 novembre. Cet événement, largement médiatisé, deviendra célèbre et sera l'un des symboles de la chute du bloc de l'Est.
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+ Le 9 novembre est un temps évoqué pour devenir la nouvelle fête nationale de l'Allemagne, d'autant qu'elle célèbre également la proclamation de la République de Weimar en 1918, dans le cadre de la Révolution allemande. Toutefois, c'est aussi la date anniversaire du putsch de la Brasserie mené par Hitler à Munich en 1923, ainsi que celle de la nuit de Cristal, le pogrom antijuif commis par les nazis en 1938. Le 3 octobre, jour de la réunification des deux Allemagne, lui est donc finalement préféré.
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+ Le partage de l'Europe en deux blocs était devenu un fait établi. Aussi, l'ouverture du Mur et la chute des régimes communistes d'Europe centrale qui s'ensuivit ont stupéfié le monde occidental. Peu de spécialistes avaient compris les mouvements de fond qui laminaient les régimes communistes[33]. Seuls certains observateurs pensaient qu'une contagion de la liberté, après les changements en Pologne et en Hongrie, allait gagner aussi les Allemands[24].
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+ Le délitement du régime est-allemand est tel que très vite, pour le chancelier Helmut Kohl, la seule solution qui s'impose, c'est la réunification, c'est-à-dire l'absorption de la RDA par la RFA. Dès le 28 novembre, il présente un plan en dix points pour réunifier les deux Allemagne. Soucieux de stopper le flot migratoire de la RDA vers la RFA, de ne pas laisser le temps aux vainqueurs de 1945 de demander des conditions trop strictes, il veut mener l'affaire le plus vite possible[34]. La paix qui n'avait jamais été signée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale l’est le 12 septembre 1990 à Moscou. Le traité de Moscou rend à l'Allemagne sa pleine souveraineté[35]. La chute du mur de Berlin a donc abouti, presque un an plus tard, à la réunification des deux Allemagne (RFA et RDA) le 3 octobre 1990. Le 3 octobre est aujourd'hui la fête nationale allemande (Tag der Deutschen Einheit, « jour de l'unité allemande »).
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99
+ Les télévisions du monde entier relaient l'événement extraordinaire qu'est l'ouverture du Mur. Elles le décrivent comme un symbole de paix, de retour à la liberté et de communion du peuple allemand. Les diplomates, eux, évaluent les conséquences de la chute du Mur. La diplomatie française fait une erreur de jugement importante. Les diplomates et responsables politiques français pensent que l'URSS ne laissera pas la RDA s'unir à la RFA. Ainsi, François Mitterrand, effectuant une visite officielle en RDA, du 20 au 22 décembre 1989, déclara même au cours d'un dîner officiel : « République démocratique d'Allemagne et France, nous avons encore beaucoup à faire ensemble »[36]. Les dirigeants ouest-allemands sont surpris et déçus de l'attitude de la France. La réaction américaine est totalement différente. L'ambassadeur américain à Bonn, Vernon Walters, comprend immédiatement que la chute du Mur ne peut avoir pour conséquence que la réunification. Il parvient à convaincre George Bush que l'intérêt des États-Unis est d'accompagner le mouvement pour obtenir des conditions qui leur conviennent plutôt que de s'opposer à la réunification allemande[37]. Helmut Kohl a mené une politique de rapprochement avec l'URSS de Gorbatchev depuis 1988. Le premier secrétaire du parti communiste soviétique prône un rapprochement entre les deux Allemagne mais il ne songe pas à une réunification. Aussi l'ouverture du mur de Berlin provoque-t-elle son mécontentement. Moyennant quelques concessions à l’URSS et un crédit de cinq milliards de marks, Helmut Kohl arrive à ses fins[21].
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+ La seconde conséquence de l'ouverture du Mur est la désagrégation de l’empire soviétique. À Prague, la révolution de Velours (17-18 novembre 1989) met fin au communisme. Au même moment, en Bulgarie, le président Todor Jivkov doit accepter son remplacement par un communiste plus ouvert, Petar Mladenov. En Roumanie, Nicolae Ceaușescu est éliminé plus violemment lors de la révolution de 1989. En Union soviétique, les États baltes proclament leur indépendance en mars et mai 1990, provoquant ainsi les premières brèches qui allaient remettre en cause l'unité et l'existence même du plus vaste état du monde qu'était alors l'URSS, lequel disparut à son tour dix-huit mois plus tard, le 26 décembre 1991. La destruction du Mur signifie la fin d'une Europe coupée en deux[21].
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103
+ À la suite de la chute du mur de Berlin, plusieurs pays anciennement communistes d'Europe de l'Est ont adhéré à l'Union européenne (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Slovénie et Estonie en 2004, Roumanie et Bulgarie en 2007, Croatie en 2013), certains même à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).
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105
+ Le Mur, long de 155 kilomètres (dont 43,1 km sur sa longueur intraberlinoise), venait en complément des 1 393 kilomètres de la longue frontière RFA-RDA et, dans une moindre mesure, des frontières ouest des pays du Pacte de Varsovie, le tout donnant un visage palpable au rideau de fer.
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107
+ Le tracé du mur ne correspondait d'ailleurs pas toujours à celui de la frontière politique entre les deux secteurs et, en de nombreux endroits, les autorités est-allemandes durent abandonner du terrain afin d'effectuer un « repli stratégique » vers des zones plus faciles à surveiller. Il coupait 193 rues principales et adjacentes[38].
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+ Comme le reste de la frontière des deux Allemagne, le mur de Berlin était pourvu d'un système très complet de fils de fer barbelés, de fossés, de pièges à tank, de chemins de ronde et de miradors. Au début des années 1980, la frontière ne mobilisait pas moins de mille chiens de garde. Le système se perfectionnait d'année en année. En particulier, les maisons du secteur est proches du Mur (la limite entre les deux Berlin passait parfois au pied des façades des immeubles situés en secteur oriental) étaient progressivement vidées de leurs habitants puis murées. Ce processus dura jusqu'au 28 janvier 1985, avec la démolition de l'église de la Réconciliation, dans la Bernauer Straße. Une trouée claire comme le jour divise alors un Berlin autrefois dense et sombre.
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111
+ Dans leur état final, qui ne vit le jour à bien des endroits qu'à la fin des années 1980, les installations frontalières consistaient en :
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113
+ La largeur totale de ces installations dépendait de la densité des maisons près de la frontière et allait d'environ trente jusqu'à cinq cents mètres sur la Potsdamer Platz. On ne construisit pas de champs de mines ni d'installations de tir automatique au voisinage du Mur, contrairement à la frontière allemande intérieure (mais ce point ne fut pas connu en général en RDA).
114
+
115
+ Le détail de ces installations – désignées en interne par les troupes frontalières comme « zone d'action » – était placé sous secret militaire et donc mal connu des citoyens de la RDA. Les soldats détachés à la frontière devaient garder le silence. Comme nul ne savait exactement quel espion de la Stasi pouvait faire un rapport sur un bavardage inconséquent, tous s'astreignaient fermement au silence. Quiconque s'intéressait de trop près aux installations frontalières risquait pour le moins d'être arrêté et mené au poste de police, pour contrôle d'identité. Cela pouvait déboucher sur une condamnation à la prison pour planification de tentative d'évasion. La zone à proximité immédiate de la frontière avec Berlin-Ouest était interdite sauf sur autorisation spéciale.
116
+
117
+ Au sein du no man's land, se trouvaient des milliers de lapins qui avaient élu domicile là. Lors de la chute du Mur, ils se sont éparpillés dans toute la ville[40]. Le documentaire Le Lapin à la berlinoise relate le phénomène.
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+
119
+ La frontière extérieure de la ville de Berlin-Ouest croisait à de nombreux endroits des voies navigables. Le tracé de la frontière avait été matérialisé par le Sénat de Berlin-Ouest (gouvernement berlinois) par des lignes de bouées blanches portant l'inscription Sektorengrenze (« limite de secteur »). Les bateaux de tourisme ou de sport naviguant dans Berlin-Ouest devaient respecter les limites du secteur ainsi marquées par les bouées. Du côté RDA, des bateaux des troupes frontalières patrouillaient à l'occasion.
120
+
121
+ Les fortifications frontalières de la RDA se trouvaient toujours sur leurs rives, ce qui imposait des détours parfois importants et « emmurait » les rivages de plusieurs lacs de la Havel. Cette aberration était telle qu'en certains endroits du cours de la Spree, seules les rives étaient inaccessibles : ce fut le cas, des 150 mètres situés en aval du Marschallbrücke[41], non loin du palais du Reichstag[42]. Le plus grand détour était situé sur le lac Jungfern, où le Mur se trouvait jusqu'à deux kilomètres du tracé réel de la frontière. En plusieurs endroits, la bande frontalière passait à travers d'anciennes pièces d'eau et les rendait inutilisables pour les habitants, comme sur la rive ouest du lac de Groß-Glienicke (en) et sur la rive Sud du lac Griebnitz.
122
+
123
+ Sur les cours d'eau de la frontière intérieure, celle-ci passait partout le long de la rive ouest ou est, de sorte qu'aucun marquage de son tracé ne se trouvait dans l'eau. Le véritable mur y était toujours sur la rive est. Cependant, les cours d'eau appartenant à Berlin-Est étaient toujours surveillés.
124
+
125
+ Sur les canaux et rivières affluents, la situation devenait parfois inextricable. Bien des nageurs et des bateaux de Berlin-Ouest se sont trouvés, par mégarde ou légèreté, en territoire est-berlinois et ont essuyé des tirs qui ont fait plusieurs morts.
126
+
127
+ En quelques endroits sur la Spree, il y avait des barrières immergées contre les nageurs. Pour les fugitifs, il n'était pas évident de savoir quand ils atteignaient Berlin-Ouest et ils couraient encore le risque d'être abattus après avoir dépassé les limites du Mur.
128
+
129
+ Les soldats à la frontière est-allemande avaient l'« ordre de tirer », c'est-à-dire l'obligation d'empêcher les tentatives d'évasion par tous les moyens, même au risque de la mort du fugitif. Ramenés à la longueur de la frontière, on peut même dire qu'il y eut beaucoup plus de morts à Berlin qu'en moyenne sur le reste du Mur. Lors des grands jours fériés ou de visites d'État, l'ordre de tirer était parfois suspendu, pour éviter les répercussions négatives dans la presse de l'Ouest. Des découvertes récentes ont mis en lumière la responsabilité de l'État est-allemand dans les exécutions de fugitifs. En octobre 1973, un ordre est adressé aux agents de la Stasi infiltrés dans les unités de gardes-frontières. Ceux-ci doivent empêcher que des soldats ne passent à l'Ouest. L'ordre est très clair : « N'hésitez pas à faire usage de votre arme, même si la violation de la frontière concerne des femmes et des enfants, ce qui est une stratégie souvent utilisée par les traîtres »[43],[44].
130
+
131
+ Selon les indications du ministère de la Sécurité d'État, au printemps 1989, les troupes de garde-frontières de Berlin comprenaient 11 500 soldats et 500 civils.
132
+
133
+ Outre les unités affectées au commandement du GK-centre - environ 1 000 agents au siège de Berlin-Karlshorst - la sécurité frontalière était assurée par sept régiments de gardes-frontières (GR), à Treptow, Pankow, Rummelsburg, Hennigsdorf, Groß-Glienicke, Potsdam-Babelsberg et Kleinmachnow, ainsi que par deux régiments frontaliers à Wilhelmshagen et à Oranienbourg.
134
+
135
+ Chaque régiment comprenait cinq compagnies commandées directement avec le support d'un groupe de génie, de transmissions, du train, une batterie de mortiers et une d'artillerie, un groupe de reconnaissance et un de lance-flammes, ainsi qu'une meute de chiens de garde et, en cas de besoin, une compagnie de bateaux et des compagnies de sécurité pour les points de passage.
136
+
137
+ Au total, à la frontière « centre », il y avait 567 véhicules blindés de tir, 48 mortiers, 48 canons antichars, 114 lance-flammes. En outre, il y avait 156 chars ou appareils lourds du génie et 2 295 véhicules à moteur (motos, voitures et camions). Dans la dotation figuraient également 992 chiens.
138
+
139
+ Dans un jour calendaire normal, environ 2 300 agents étaient engagés dans la zone d'action et l'espace voisin.
140
+
141
+ La sécurité renforcée découlait de circonstances particulières comme des sommets politiques ou une météo difficile (brouillard, neige). Dans certains cas, l'effectif engagé était encore augmenté de 200 à 300 agents supplémentaires.
142
+
143
+ Il y avait vingt-cinq postes de passage à travers le Mur : treize par la route, quatre par voie ferrée et huit par voie d'eau, ce qui représentait 60 % du total des passages entre RDA, et RFA ou Berlin-Ouest. Les points de passage étaient fortement équipés du côté RDA. Ceux qui désiraient passer devaient s'attendre à des contrôles très stricts, multiples et successifs de la part des douaniers et des services d'émigration et d'immigration ; cependant les formalités se déroulaient de façon ostensiblement correcte. Les véhicules étaient fouillés de manière particulièrement minutieuse (ouverture du coffre, du capot moteur, examen des sièges, passage au-dessus de miroir pour examen du châssis). Les formalités ne permettaient qu'un trafic très réduit.
144
+
145
+ Le transit par moyens de transports terrestres entre l'Allemagne de l'Ouest et Berlin-Ouest à travers le territoire de la RDA était également soumis à des restrictions draconiennes :
146
+
147
+ Malgré toutes ces précautions, il s'avéra par la suite qu'il existait cependant des passages secrets sous le Mur, utilisés à l'occasion, souterrains creusés aussi bien par les services secrets de RDA que par des passeurs.
148
+
149
+ Du côté Ouest, on franchissait des postes de police et de douane, mais les simples personnes n'étaient en général pas contrôlées. Ce n'est que pour les passages en transit que les voyageurs étaient contrôlés de façon statistique (demande de la destination) et, à l'occasion, contrôlés plus étroitement, notamment s'il y avait quelque soupçon d'un motif de poursuites (recherche restreinte).
150
+
151
+ Le trafic de marchandises vers l'étranger était soumis au contrôle douanier, tandis que vers la RFA, on ne faisait que des enquêtes statistiques. Les policiers ouest-allemands et des patrouilles alliées faisaient des rapports sur les activités suspectes, afin d'éviter au mieux une infiltration d'espions de l'Est.
152
+
153
+ Pour les officiels, les forces d'occupation alliées avaient installé des points de contrôle au Checkpoint Bravo (Dreilinden) et au Checkpoint Charlie (Friedrichstrasse), mais ceci n'avait aucune influence sur le trafic des voyageurs et des visiteurs.
154
+
155
+ Le 1er juillet 1990, date de la première phase de la réunification allemande (union monétaire), tous les postes frontières furent abandonnés. Par suite, lors du démantèlement du mur, seules quelques installations restèrent érigées en guise de mémorial.
156
+
157
+ Le nombre exact des victimes du Mur fait l'objet de controverses : il est en effet difficile à évaluer car les nouvelles victimes étaient passées sous silence en RDA. D'après des recherches de la collectivité berlinoise de travailleurs « Collectif du 13 Août », 1 135 personnes y ont laissé la vie. La Staatsanwaltschaft (bureau du Procureur général) de Berlin en a dénombré 270 où on a pu démontrer un acte de violence de la RDA. Le Zentrale Ermittlungsgruppe für Regierungs- und Vereinigungskriminalität (Groupe de recherches central sur la criminalité du gouvernement et de la réunification) ne recense que 421 morts susceptibles d'être imputées aux forces armées de la RDA. D'autres sources indiquent 125 morts à Berlin[44].
158
+
159
+ Dans le Mauer Park, ensemble commémoratif, un panneau recense 136 morts : 98 « fugitifs », 8 autres Allemands de l'Est, 22 Allemands de l'Ouest et 8 soldats. Quarante-deux sont des enfants ou adolescents.
160
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161
+ Les premières balles mortelles sont tirées par la police de la route le 24 août 1961 sur Günter Litfin[45] (24 ans) près de la gare de Friedrichstraße, onze jours après la fermeture de la frontière, au cours d'une tentative d'évasion. Le 17 août 1962, Peter Fechter (18 ans) perd tout son sang sur la « piste de la mort ». En 1966, deux enfants de 10 et 13 ans sont abattus par un total de quarante balles.
162
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+ Chris Gueffroy le 5 février 1989[45] et Winfried Freudenberg le 8 mars 1989 sont les dernières victimes du Mur.
164
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165
+ Des estimations parlent de 75 000 hommes et femmes condamnés jusqu'à deux ans de prison en tant que « déserteurs de la république ». La peine dépassait en général cinq ans si le fugitif dégradait les installations frontalières, était armé, soldat ou détenteur de secrets.
166
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+ Parmi les victimes du Mur figurent aussi quelques soldats, dont le premier est Jörgen Schmidtchen en 1962, tué par un camarade transfuge. Le cas le plus connu est sans doute celui du soldat Reinhold Huhn, abattu par un passeur[46].
168
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169
+ Une série de procès a duré jusqu'au printemps 2004 pour savoir qui portait la responsabilité juridique d'avoir donné l'ordre de tirer sur les fugitifs. Parmi les accusés figuraient entre autres le président du Conseil d'État Erich Honecker, son successeur Egon Krenz, les membres du Conseil national de défense Erich Mielke, Willi Stoph, Heinz Keßler, Fritz Streletz et Hans Albrecht, le chef du SED pour le district de Suhl et quelques généraux comme Klaus-Dieter Baumgarten, général de corps d'armée commandant les troupes frontalières de 1979 à 1990. Ce procès a suscité une vive controverse en Allemagne, bon nombre d'accusés faisant valoir que leurs actes, à l'époque, ne constituaient pas des crimes au regard du droit est-allemand. Ils accusent les tribunaux actuels de pratiquer la « justice des vainqueurs »[43].
170
+
171
+ Les tireurs exécutants étaient recrutés en grande partie dans la NVA (Armée nationale populaire) ou dans les troupes frontalières. Parmi les accusés, trente-cinq furent acquittés, quarante-quatre condamnés avec sursis et mise à l'épreuve et onze à une peine ferme : entre autres Albrecht, Streletz, Keßler et Baumgarten (de quatre ans et demi à six ans et demi de prison). Le dernier dirigeant communiste de la RDA, Egon Krenz, a été condamné en 1997 à une peine de six ans et demi de prison pour la mort de quatre personnes le long du mur de Berlin dans les années 1980[43]. Günter Schabowski sera lui définitivement condamné en 1999, et après avoir commencé à exécuter sa peine, sera gracié un an plus tard[47]. En août 2004, le tribunal de Berlin condamne deux ex-membres du Politbüro avec sursis et mise à l'épreuve. Le dernier procès des tireurs du Mur se termine par une condamnation le 9 novembre 2004, quinze ans jour pour jour après la chute du mur de Berlin.
172
+
173
+ En souvenir des victimes du mur de Berlin, divers mémoriaux de types très différents ont été construits. Outre les petites croix ou autres signes, avant tout érigés en mémoire de fugitifs abattus, souvent d'initiative privée, et que l'on trouve en divers endroits de l'ex-frontière, un ensemble de lieux de souvenir plus importants a été créé.
174
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175
+ Il y a toujours eu des controverses sur le style des monuments, comme à la fin des années 1990 à propos du mémorial de la Bernauerstraße. Pour l'instant, le paroxysme des débats publics a été atteint à propos du « monument de la Liberté », construit à proximité du Checkpoint Charlie, puis démoli. Le sénat de Berlin, pour contrer le reproche qui lui était fait de ne pas avoir de politique précise, proposa une politique au printemps 2005.
176
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177
+ Le tracé historique du mur de Berlin est marqué au sol par une double rangée de pavés et des plaques en fonte portant l’inscription Berliner Mauer 1961-1989. Il existe un parcours historique du Mur en 29 étapes, avec des illustrations et des explications en quatre langues sur les événements qui s’y sont déroulés[48].
178
+
179
+ Le musée du Mur au Checkpoint Charlie est ouvert en 1963, juste en face de la frontière, par l'historien Rainer Hildebrandt. Il est exploité par le Collectif du 13 août. C'est l'un des musées de Berlin les plus visités. Il montre le système de sécurité du Mur et relate les tentatives de fuite réussies, avec leurs moyens tels que montgolfières, autos, téléphériques, ULM bricolé, coffre de voiture, valise et même un mini sous-marin. Le musée du Mur de Checkpoint Charlie est un musée privé, il n'est soumis à aucun contrôle officiel, il s'agit donc de faire attention aux informations qu'on y trouve. Checkpoint Charlie est devenu, lui, un lieu folklorique. Le célèbre panneau qui y figurait — « You are leaving the American sector », « vous quittez le secteur américain » — est représenté sur d’innombrables cartes postales[49].
180
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181
+ Depuis la fin des années 1990, dans la Bernauer Straße, à la limite des anciens districts de Wedding et du Centre, se trouve un ensemble mémorial du mur de Berlin, qui a entre autres permis de contrer le refus du projet de conservation du mur dans la Bernauerstraße. Il comprend le mémorial du mur de Berlin, le centre de documentation, la chapelle de la Réconciliation, divers mémoriaux commémoratifs de l'ancien cimetière de la Sophienkirchengemeinde, la fenêtre de souvenir, ainsi que des fenêtres archéologiques.
182
+
183
+ Le Mémorial issu d'un concours fédéral d'architecture a été inauguré, après de longues et vigoureuses discussions, le 13 août 1998. Il présente un fragment de soixante-quatre mètres de mur et de No Man's Land, délimités à leurs extrémités par deux immenses parois en acier, hautes de six mètres et implantées à angle droit. Leurs côtés extérieurs sont rouillés et créent l'association avec le rideau de fer. Leurs faces intérieures, qui forment un angle droit avec le mur, sont en acier inoxydable poli, ce qui en fait d'immenses miroirs, dans lesquels le mur se projette à l'infini.
184
+
185
+ Le centre de documentation est ouvert le 9 novembre 1999. Il a été complété en 2003 par une tour d'observation qui permet de bien voir une portion du dispositif frontalier, conservé dans son intégralité, avec le mur d'arrière-plan, le No Man’s Land, le chemin de ronde, les pylônes d'éclairage, la clôture de signalisation, puis le mur extérieur… Outre une exposition (ouverte depuis 2001 sous le titre Berlin, 13 août 1961), on peut y trouver diverses possibilités d'information sur l'histoire du Mur.
186
+
187
+ La chapelle de la Réconciliation a été conçue par les architectes berlinois Peter Sassenroth et Rudolf Reitermann et inaugurée le 9 novembre 2000. Elle a été construite sur les fondations du chœur de l'église de la Réconciliation, située sur la « piste de la mort » et démolie en 1985. Cette église, bâtie en 1894, devint inaccessible dès la séparation de Berlin, car elle se trouvait dans le No Man's Land. En 1985, le gouvernement est-allemand décida la destruction de l'édifice puis, en 1995, après la chute du mur, l'emplacement fut rendu à la paroisse, avec l'obligation d'y bâtir un nouveau lieu de culte. C'est ainsi que ce lieu de culte a connu la résurrection de son nom et d'une partie de son architecture : en effet, la paroi intérieure de la nouvelle chapelle est en glaise pilonnée et intègre des pierres concassées de l'ancienne église. Le noyau ovale de l'édifice est enveloppé d'une façade translucide en lamelles de bois.
188
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189
+ La Fenêtre de Souvenir, achevée en 2010, est un élément central de ce secteur commémoratif pour les victimes du mur de Berlin.
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191
+ Les fenêtres archéologiques sur Bergstrasse, une rue qui a été en grande partie préservée au-dessous de la zone frontière, montrent les couches plus vieilles des fortifications de frontière qui ont été retranchées dans la rue et les détails du système de fortification de frontière.
192
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193
+ Enfin, le « Mille historique du mur de Berlin » est une exposition permanente en quatre langues, consistant en vingt-et-un panneaux d'information. Ceux-ci sont répartis le long du tracé de la frontière intérieure et présentent des photographies et des textes se référant à des événements, comme des fuites, qui se sont produits à l'endroit même où sont placés les panneaux.
194
+
195
+ Il ne reste plus grand-chose du Mur dans les années 2010. Les chasseurs de souvenirs, désignés dans le langage populaire par Mauerspecht (soit « pic de mur »), ont arraché de nombreux fragments, donnant naissance à un véritable marché noir. Même la CIA s'est approprié un morceau du Mur artistiquement décoré pour son nouveau bâtiment dans son fort de Langley. Entre la fin 1989 et le début de l'année 1990, le Mur est démantelé à raison de cent mètres en moyenne par nuit. La RDA s'efforce ensuite de démonter le plus vite et le plus complètement possible les installations[1]. À partir du 13 juin 1990, 300 garde-frontières de l'Est et 600 sapeurs de l'Ouest, 175 camions, 65 grues, 55 pelleteuses et 13 bulldozers y ont été affectés. Le Mur a disparu du centre-ville en novembre 1990, le reste en novembre 1991. Au total, il a été physiquement détruit à peu près partout, à l'exception de six sections, conservées en souvenir.
196
+
197
+ Volker Pawlowski, un ancien ouvrier de la RDA, détient le quasi-monopole des morceaux du Mur arrachés et qui sont vendus depuis dans les magasins de souvenirs de Berlin. Il s'en vend des petits bouts, à six euros pièce, comme des blocs entiers (3,60 mètres de haut sur 1,20 mètre de large) pour 10 000 euros. Il possède un entrepôt contenant des centaines de mètres de murs. Il ne se cache pas de les colorer avec de la peinture ; certains experts doutent par ailleurs de l'authenticité de tous les morceaux. Pawlowski avait aidé, dès la chute du Mur, des ouvriers qui transportaient les gravats dans un centre de recyclage à la périphérie de Berlin ; déjà des vendeurs les récupéraient pour alimenter les marchés aux puces. La question de la propriété des morceaux est alors compliquée puisque construits par la RDA, ils étaient officiellement « propriété du peuple ». Certains achètent des morceaux directement à d'anciens gardes-frontière ou à l'entreprise chargée de la démolition pour quelques centaines de marks, l'argent de la vente compensant les frais de destruction. L'ancien ouvrier fonde alors son entreprise en récupérant une grande partie des morceaux, qu'il vend encapsulé dans une carte postale avec un petit certificat aux armes de la RDA que Pawlowski délivre lui-même[50].
198
+
199
+ Le reste le plus connu du Mur, l'East Side Gallery, est situé le long de la Spree, entre la gare de l'Est et le pont de l'Oberbaum qui enjambe la Spree. Il mesure 1,3 km[51]. Il a été peint par 118 artistes du monde entier, tel Thierry Noir ou Dmitrij Vrubel et comporte 106 peintures murales. Classé monument historique, il tombe aujourd'hui en ruines. De ce fait, la ville de Berlin a alloué une subvention pour permettre sa reconstruction à l'identique. Les artistes ont accepté de repeindre leur œuvre sur un nouveau Mur[51].
200
+
201
+ Un des fragments du mur (réel) le mieux conservé se trouve le long de la Niederkirchnerstraße, dans le district centre, à proximité de la chambre des députés de Berlin. Il a aussi été classé monument historique en 1990.
202
+
203
+ Un autre fragment du mur (réel) de « type 75 » se trouve le long de la Bernauer Straße. Ce fragment de 212 mètres de mur d'origine, qui sépare la Ackerstraße de la Bergstraße, a été classé au patrimoine historique depuis le 2 octobre 1990. Malheureusement, ce fragment de mur a été creusé et excavé jusqu'à la charpente en acier, par les chasseurs de souvenirs. La Bernauer Straße étant le seul endroit à Berlin où une portion du dispositif frontalier a été conservée dans son intégralité, une partie du mur, longue de 64 mètres, a été assainie et restaurée, afin de retrouver son état originel afin de témoigner le renforcement interminable de ce dispositif, poursuivi autrefois par la RDA. Au sud du mémorial, dans l'enclos du cimetière, un tronçon assez important de mur en plaques de béton, qui faisait partie du périmètre de sécurité aux abords de la zone frontalière, a également été conservé. Ce dernier figure, lui aussi, au patrimoine historique depuis 2001.
204
+
205
+ Cinq des trois cent deux miradors subsistent :
206
+
207
+ La chute du Mur a changé considérablement le trafic dans l'agglomération. On circule sans problème d'est en ouest sur des réseaux métropolitain, ferroviaire et de bus totalement modernisés au cours des années 1990[1]. La bande frontalière se reconnaît encore bien aujourd'hui par les grands espaces vides, comme sur des parties de la Bernauer Straße ou le long de la Vieille Jakobstraße. La large trouée entre les deux ex-Murs s'appelle actuellement la « Piste des murs ». Dans ce centre ville précédemment densément construit, la plus grande partie de cette piste a été convertie en espaces d'utilité publique. Il comporte également des parcs et des lieux commémoratifs du Mur[48]. C'est aussi dans l'ancien no man's land que la nouvelle gare centrale a été inaugurée le vendredi 26 mai 2006[52]. La Potsdamer Platz, cœur du Berlin chic et bourgeois d'avant-guerre et devenue un vaste terrain en friche, au cœur du no man's land, symbolise le désir de retrouver l'unité de la ville. Sa reconstruction est en passe d'être achevée. On peut y voir un échantillonnage d'architecture contemporaine, constitué des immeubles construits par Renzo Piano, Richard Rogers et Helmut Jahn. La semaine, les salariés des bureaux et les ouvriers des chantiers y côtoient les touristes. Le week-end, la Potsdamer Platz est déjà l'un des lieux les plus fréquentés de Berlin[53].
208
+
209
+ Pourtant, le Mur, c'est-à-dire le clivage entre Berlin-Ouest et Berlin-Est, est toujours là. À l'Ouest, les autorités ont tenu à préserver des marques du passé de la ville, comme la ruine de l'église commémorative de l'empereur Guillaume (Kaiser Wilhelm), surnommée « dent creuse » par les Berlinois. Le Reichstag, incendié en 1933 et devenu une ruine en 1945, n'a pas été reconstruit entièrement à l'identique. La coupole en verre conçue par Norman Foster symbolise la démocratie allemande qui se veut résolument transparente. À l'Est, la RDA n'a laissé subsister aucun trait du nazisme. Aujourd'hui, ce passé est rappelé dans le quartier juif où la synagogue a été reconstruite[1]. Le Mur a aussi donné naissance a des curiosités architecturales qui seront conservées à sa chute, notamment la cabane dans les arbres du mur de Berlin devenue une attraction du quartier de Kreuzberg[54].
210
+
211
+ Sur le plan architectural, les deux parties de la ville sont également très différentes. Berlin-Ouest comporte de vastes espaces de campagne, car son enclavement passé dans la RDA a été un puissant frein à son expansion démographique et économique. En revanche, la RDA, dont Berlin était la capitale, a voulu faire de la ville une vitrine du socialisme, avec l'Alexanderplatz et la construction de banlieues « grandiosement répétitives ». La statuaire socialiste est toujours présente, par endroits, à Berlin-Est, avec Marx, Lénine, la faucille et le marteau. Le palais de la République des années 1970, construit à la place de l'ancien palais impérial détruit en 1950 sur l'ordre de Walter Ulbricht, voulait rappeler la victoire du régime communiste[1]. Il est toutefois à son tour aujourd'hui détruit.
212
+
213
+ La partition de la ville avait fait perdre à Berlin sa place de grande métropole industrielle. Depuis la chute du Mur, le développement économique de la ville reste modeste et inférieur aux espoirs. L'île des musées, anciennement à Berlin-Est, est devenue un haut lieu touristique, mais les commerces ne se sont pas développés autour. Il n'y a même pas de kiosques à journaux. En revanche, un marché périodique propose essentiellement tous les restes de la période socialiste (insignes militaires, sculptures miniatures de Lénine)[1].
214
+
215
+ Le mur de Berlin laisse donc dans l'histoire architecturale, économique, comportementale, démographique, des traces certaines malgré les milliards d'euros dépensés pour relever Berlin depuis 1989, et bien que la ville exerce de nouveau la fonction de capitale de l'Allemagne.
216
+
217
+ Kapelleufer
218
+
219
+ Lohmühlenbrücke (de)
220
+
221
+ Stresemannstraße-Köthener Straße
222
+
223
+ Au printemps 1990, un hélicoptère de type Mil Mi-8 survole pour la première fois, à 50 mètres d'altitude, tout le côté est du Mur, depuis Potsdam jusqu'au point de passage de la Bornholmer Straße. Un caméraman filme le début de la destruction du mur de Berlin, avec notamment l'abattage des miradors[réf. nécessaire].
224
+
225
+ Un millier de dominos géants et colorés ont été installés sur le tracé du mur et renversés le 9 novembre 2009 par Lech Wałęsa pour célébrer le 20e anniversaire de sa chute[55].
226
+
227
+ Le prix Grand Témoin, prix littéraire de La France Mutualiste, a été remis le 5 novembre 2009, sur le thème du 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin. Ce prix a pour thème principal le « devoir de mémoire ». Les récipiendaires :
228
+
229
+ Pour les 25 ans de la chute du Mur, trente fragments vierges d'environ un mètre sur 1,20 m, appartenant à un collectionneur privé, sont décorés d'œuvres uniques réalisées pour l'occasion par plusieurs artistes internationaux d'art urbain[56] et exposés, d'avril à juillet 2015, sur le parvis de la gare de l'Est à Paris[57] en compagnie de trois Trabant peintes par Thierry Noir, Christophe-Emmanuel Bouchet (de) et Kiddy Citny (de).
230
+
231
+ Un pan du mur de Berlin, appelé « Kennedy », est installé sur l'esplanade en face du bâtiment du Berlaymont (Bruxelles) le 9 novembre 2015[58].
232
+
233
+ Le Parlement des arbres est un lieu commémoratif composé, entre autres, de fragments du mur[59].
234
+
235
+ En réaction à la construction du mur, Christo et Jeanne-Claude édifient rue Visconti à Paris un mur de barils de pétrole le 27 juin 1962. 240 barils de pétrole y ont été placés pour bloquer la circulation.
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1
+ L'énergie solaire est la fraction de l'énergie électromagnétique provenant du Soleil, traversant l’atmosphère qui en absorbe une partie, et parvenant à la surface de la Terre.
2
+
3
+ Sur Terre, l'énergie solaire est à l'origine du cycle de l'eau, du vent et de la photosynthèse réalisée par le règne végétal, dont dépend le règne animal via les chaînes alimentaires. Le Soleil est à l'origine de la plupart des énergies sur Terre, à l'exception de l'énergie nucléaire et de la géothermie profonde[a].
4
+
5
+ Les sources d'énergie issues indirectement de l'énergie solaire sont notamment : l'énergie hydraulique, dérivée de l'énergie cinétique de l'eau dont le cycle dépend du Soleil ; l'énergie éolienne, provenant de l'énergie cinétique du vent lié à l'échauffement et à l'évaporation de l'eau, générés par le Soleil, la rotation de la Terre et la force de Coriolis ; l'énergie hydrolienne et l'énergie des vagues, liées aux mouvements des océans et des cours d'eau ; le bois énergie et l'énergie de la biomasse ainsi que la géothermie de très basse température, provenant des couches superficielles du sol réchauffées par le Soleil. On peut ajouter les combustibles fossiles, provenant de matières organiques créées par photosynthèse (charbon, pétrole, gaz naturel…)[2] auxquelles s'ajoute l'énergie biochimique de la matière organique vivante.
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+ Cet article traite de l'énergie produite par l'homme en captant le rayonnement solaire, principalement sous forme électrique ou thermique. C'est l'une des principales formes d'énergies renouvelables.
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+ L'utilisation de l'énergie solaire remonte à l'Antiquité. Par exemple, les Grecs allumaient la flamme olympique grâce à un système de miroirs concentrant les rayons du Soleil.
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+ Les applications pratiques apparaissent au XVIIe siècle.
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+ Le Français Salomon de Caus construit en 1615 une pompe solaire, grâce à l'utilisation d'air chauffé par le rayonnement solaire.
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+ François Villette, opticien au château de Versailles, conçoit un miroir en bronze (appelé « miroir ardent ») d'un mètre de diamètre, grâce auquel il fait des démonstrations de fusion d'objets[3].
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+ En 1747, Georges-Louis de Buffon expérimente un miroir qui concentre la lumière du soleil en un point focal. Il arrive à faire fondre un morceau d'argent (soit plus de 1 044 °C).
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+ Dans les années 1780, Horace-Bénédict de Saussure invente un instrument de mesure lui permettant d'étudier les effets calorifiques des rayons du soleil qu'il nomme « hélio thermomètre ». Cet instrument utilise l'effet de serre obtenu par un vitrage placé au-dessus d'un absorbeur dans un caisson isolé. Il crée ainsi un capteur solaire thermique à basse température[4].
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+ À la fin du XVIIIe siècle, grâce à une lentille à liquide qui concentre les rayons solaires, Antoine Lavoisier construit un four solaire qui atteint la température de 1 800 °C.
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23
+ La conversion de la lumière en électricité, appelée effet photovoltaïque, est découverte par Edmond Becquerel en 1839[5], mais il faut attendre près d'un siècle pour que les scientifiques approfondissent et exploitent ce phénomène physique.
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+ En 1875, Werner von Siemens expose devant l'Académie royale des sciences de Prusse un article sur l'effet photovoltaïque dans les semi-conducteurs[réf. souhaitée].
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+ En 1913, William Coblentz dépose le premier brevet pour une cellule solaire, qui ne pourra jamais fonctionner.
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+ En 1916, Robert Andrews Millikan est le premier à produire de l'électricité avec une cellule solaire, mais pendant les quarante années suivantes, personne ne fera beaucoup de progrès en énergie solaire car les cellules photovoltaïques ont un trop mauvais rendement pour transformer la lumière du soleil en énergie. Le phénomène reste encore une découverte anecdotique.
30
+
31
+ Pendant l'année 1954, trois chercheurs américains (Chapin, Pearson et Prince) mettent au point une cellule photovoltaïque à « haut rendement » (9 %) et les Laboratoires Bell construisent le premier panneau solaire mais il était trop coûteux pour être produit en série. C'est la conquête spatiale qui fera réellement progresser l'énergie solaire ; le panneau solaire est le seul moyen non-nucléaire d'alimenter des satellites en énergie, de plus l'énergie solaire est une source d'énergie constante pour les satellites en orbite. En effet, c'est en 1958 qu'a lieu le premier lancement d'un satellite fonctionnant à l'énergie photovoltaïque. L'industrie spatiale investira beaucoup de fonds dans le développement des panneaux solaires. C'est la première utilisation importante de la technologie solaire photovoltaïque.
32
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+ Pendant les années 1970 et 1980, des efforts sont faits pour réduire les coûts de sorte que l'énergie photovoltaïque soit également utilisable pour des applications terrestres. L'énergie solaire connaîtra un second élan au cours du premier choc pétrolier dans les années 1970. Alors que le prix du pétrole augmente de façon spectaculaire, les panneaux solaires photovoltaïques commencent à être utilisés pour la première fois dans les maisons. En effet, en 1973, la première maison alimentée par des cellules photovoltaïques est construite à l'université du Delaware et en 1983, la première voiture alimentée par énergie photovoltaïque parcourt une distance de 4 000 km en Australie. Depuis les panneaux solaires se sont développés lentement. Pendant longtemps, ils ont été considérés comme des sources d'énergies naturelles. L'énergie solaire est de nouveau en plein essor car on prévoit une pénurie de pétrole prochaine, on se préoccupe du réchauffement de la planète et les prix de l'énergie n'ont jamais été aussi hauts.
34
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+ L'énergie solaire devient une priorité pour de plus en plus de pays. Des centrales solaires sont en cours de construction dans le monde entier. Les entreprises investissent également. Les entreprises d'électricité et les gouvernements ont offert des subventions et des réductions pour encourager les propriétaires à investir dans l'énergie solaire pour leur maison. En effet, en 1995, des programmes de toits photovoltaïques raccordés au réseau ont été lancés, au Japon et en Allemagne, et se généralisent depuis 2001.
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+ De nouveaux types de panneaux solaires ont été développés ; panneaux solaires très fins (4 mm d'épaisseur) et flexibles, des peintures solaires. L'objectif est de réduire très fortement le coût de l'énergie solaire.
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+ En novembre 2015, l'Alliance solaire internationale (ou ISA, pour International solar alliance) est créée. Le projet est porté par Narendra Modi, alors Premier ministre de l'Inde. Cette alliance, soutenue par le secteur privé, doit réunir les États disposant d'importantes ressources solaires afin de mieux coordonner le développement de leur exploitation (thermique et photovoltaïque) via des actions de formation, de standardisation de matériels, de partage d'expériences, des coentreprises, etc. La cérémonie de lancement, organisée par l'Inde et la France, a lieu lors de la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques[6].
40
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41
+ L'énergie solaire totale absorbée par l'atmosphère terrestre, les océans et les masses continentales est approximativement de 3 850 000 exajoules (EJ) par an[7] ; en 2002, c'est plus d'énergie reçue en une heure que l'humanité n'en utilise pendant une année[8].
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+ En France, 10 m2 de panneaux photovoltaïques produisent chaque année environ 1 000 kWh d'électricité, de sorte qu'une surface de 5 000 km2 de panneaux (soit 1 % de la superficie) permettrait de produire l'équivalent de la consommation électrique du pays[9].
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+ Le parc photovoltaïque mondial représentait à la fin 2010 plus de 34 GW, en augmentation de 70 % depuis 2009[10] ; l'énergie ainsi produite est d'environ 40 TWh, soit 2.5⁄1000 de l'ensemble de l'électricité produite dans le monde (40 TWh contre 16 000 TWh[11]).
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+ L'énergie solaire vient de la fusion nucléaire qui se produit au centre du Soleil. Elle se propage dans le Système solaire et dans l'Univers essentiellement sous la forme d'un rayonnement électromagnétique dont la lumière n'est que la partie visible.
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+ L'énergie solaire reçue en un point du globe dépend de :
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+ Globalement, la Terre reçoit en permanence une puissance de 170 millions de gigawatt (soit 170 millions de milliards de watts, ou 1,7 × 1017 joules par seconde), dont 122 sont absorbés alors que le reste est réfléchi. L'énergie totale absorbée sur une année est de 3 850 zettajoules (1021 joules) ; par comparaison, la photosynthèse capte 3 ZJ[12], le vent contient 2,2 ZJ[13], et l'ensemble des usages humains de l'énergie, 0,5 ZJ[11] dont 0,06 ZJ sous forme d'électricité[14].
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+ Le flux maximum d'énergie solaire reçu au sol terrestre se rencontre sous les tropiques secs (ou arides), c'est-à-dire dans les déserts chauds où les conditions météorologiques et géographiques sont optimales : basse latitude, vaste espace, ensoleillement ininterrompu, ciel clair, grande sécheresse de l'air. Le Sahara, le plus grand désert chaud du monde, est la région de la Terre qui reçoit le plus amplement la chaleur et la lumière du Soleil[15]. C'est en effet la contrée du globe où la durée de l'insolation moyenne est la plus élevée (jusqu'à 4 300 h/an soit entre 97 et 98 % du jour)[16] et où l'irradiation solaire moyenne est la plus grande, avec plus de 280 W/m2 en moyenne sur l'année, nuits comprises[17],[18].
54
+
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+ La collecte et le transport de cette énergie depuis le Sahara vers les pays développés bute sur des obstacles techniques et politiques, aussi les projets comme Desertec ne sont-ils pas encore d'actualité. Toutefois, les zones développés, à la consommation importante et disposant de la technique requise, voient des réalisations de plus en plus importantes apparaître à leurs confins. Ainsi, dans le désert des Mojaves (Californie et Arizona) se trouvent les plus grandes centrales solaires thermodynamiques au monde, notamment la centrale solaire SEGS, d'une puissance totale de 354 MW[19] et celle de Solana, d'une puissance de 280 MW.
56
+
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+ Les techniques pour capter directement une partie de cette énergie peuvent être classées entre solaire « passif », solaire « photovoltaïque » et solaire « thermique ».
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+ La plus ancienne et certainement la plus importante, quoique discrète, utilisation de l'énergie solaire consiste à bénéficier de l'apport direct du rayonnement solaire, c'est-à-dire l'énergie solaire passive. Pour qu'un bâtiment bénéficie au mieux des rayons du Soleil, on doit tenir compte de l'énergie solaire lors de la conception architecturale (façades doubles, surface vitrée orientée vers le Sud, isolation thermique, etc.). L'apport solaire passif représente alors une part importante du chauffage et de l'éclairage du bâtiment et les économies d'énergies peuvent être importantes.
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+ L'habitat passif désigne un bâtiment dont les dépenses d'énergie de chauffage sont réduites d'environ 80 % par rapport à une maison neuve construite selon les normes allemandes d'isolation thermique de 1995[réf. nécessaire]. L'énergie solaire passive permet donc de chauffer tout ou partie d'un bâtiment pour un coût proportionnel quasi nul, en tirant parti des conditions d'un site et de son environnement, selon les principes de l'architecture bioclimatique.
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+ L'énergie solaire thermique consiste à utiliser la chaleur issue du rayonnement solaire. Ce rayonnement se décline de différentes façons :
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+ Apparue dans les années 1970, la cuisine solaire consiste à préparer des plats à l'aide d'un cuiseur ou d'un four solaire. Les petits fours solaires permettent des températures de cuisson de l'ordre de 150 °C, les paraboles solaires permettent de préparer les mêmes plats qu'une cuisinière classique à gaz ou électrique.
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+ L'utilisation de l'énergie solaire pour la cuisson des aliments, au-delà d'être gratuite et abondante sur certaines zones géographiques, permet également de réduire la déforestation dans certains pays où la cuisine au bois et au charbon est la norme. Elle permet par la même occasion la diminution des émissions de CO2 dans l'atmosphère, d'environ quatre tonnes de CO2 par an pour une famille africaine cuisinant au bois par exemple[20].
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+
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+ Gâteau dans un four solaire Global Sun Oven.
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+ Four solaire parabolique Alsol 1.4.
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+ Cuisinière solaire.
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+ Four solaire de campagne (hauts-plateaux tibétains).
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Le solaire thermodynamique est une technique solaire qui consiste à concentrer l'énergie solaire (via des héliostats, miroirs, etc.) pour produire[21] :
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+ Une centrale solaire thermodynamique à concentration est un système qui concentre les rayons du soleil à l'aide de miroirs afin de chauffer un fluide caloporteur permettant de produire de l'électricité grâce à une turbine qui actionne un générateur d'électricité.
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+
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+ Des moteurs Stirling utilisant l'énergie solaire comme source chaude ont été conçus. Ainsi du moteur « Stirling SOLO V160 » de la Plataforma Solar de Almería (en), une première installation datant de 1992 et initialement composée de trois unités paraboliques de 7,5 m de diamètre, en mesure de recueillir jusqu'à 40 kWth d'énergie au moyen du moteur et qui pouvait générer jusqu'à 9 kW en zone focale. Le projet a été suivi par une unité parabolique de 8,5 m, le moteur pouvant générer 10 kWe[23].
84
+
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+ Parmi d'autres projets de ce type figure la Sunmachine solaire, présentée au Salon des énergies renouvelables à Paris, en juin 2008[24].
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+
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+ Le terme « photovoltaïque » peut désigner le phénomène physique d'effet photovoltaïque ou la technique associée. L'énergie solaire photovoltaïque est l'électricité produite par transformation d'une partie du rayonnement solaire par une cellule photovoltaïque. Plusieurs cellules sont reliées entre elles dans un module photovoltaïque, puis les modules sont regroupés pour former des panneaux solaires, installés chez un particulier ou dans une centrale solaire photovoltaïque. Après transformation en courant alternatif grâce à un onduleur, l'installation solaire peut satisfaire un besoin local (en association avec un moyen de stockage) ou être injectée dans un réseau de distribution électrique (le stockage n'étant alors pas nécessaire).
88
+
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+ À l'échelle des villes, des cadastres solaires, établis à l'aide de modèles 3D, permettent d'optimiser le positionnement des panneaux solaires[25].
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+ En 2015 en France métropolitaine, la part d'électricité produite par le photovoltaïque a été de 1,4 %[26].
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+ La recherche mondiale actuelle dans le solaire porte surtout sur l'amélioration des systèmes (augmentation du rendement) et sur la baisse des coûts des équipements[27].
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+ Dans l'espace, la pression de rayonnement de la lumière du Soleil peut être utilisée directement pour propulser une voile solaire.
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+ La recherche en France est surtout faite par le secteur privé, mais le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) ont inauguré en novembre 2010 à Chambéry, Certisolis[28], un laboratoire qui sera à la fois un lieu d'essais et de certification selon les standards internationaux NF EN 61215, NF EN 61646, NF EN 61730 et au regard des performances environnementales et énergétiques des modules photovoltaïques. Une trentaine de tests portent sur la production et la sécurité électriques (flash test ou simulateur pulsé, essais diélectriques et de tension, d'impulsion ou d'essais de foudre). Des essais climatiques et d'ensoleillement estiment les effets du vieillissement des modules, (en enceinte climatique, avec expositions au spectre solaire). Des tests mécaniques portent sur la résistance du module et du système de fixation.
98
+
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+ Sur le long terme, les prix du charbon, du gaz naturel et du pétrole augmentent avec l'épuisement de la ressource. Le solaire apporte une source virtuellement inépuisable d'énergie et la commission européenne pour les énergies renouvelables prévoit que l'énergie solaire représentera une proportion de 20 % dans les énergies renouvelables, celles-ci devant apporter 20 % de l'énergie en 2020 et 50 % en 2040.
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+ Les systèmes de production d'énergie solaire ont un coût proportionnel quasi-nul : il n'y a pas de combustible, seulement des frais (entretien, gardiennage, réparation...) qui dépendent très peu de la production. Il faut cependant tenir compte des coûts d'investissement, beaucoup plus élevés que pour les techniques fossiles ou les autres renouvelables (éolien, hydraulique…).
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+ L'usage de capteurs thermiques permet de produire de l'eau chaude sanitaire à faible coût. Une fois l'installation réalisée, l'entretien est très peu coûteux et permet de faire des économies substantielles de combustible fossile ou d'électricité.
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+ En revanche, pour la production d'électricité, le coût de l'installation est important (pour le solaire thermodynamique) ou très élevé (pour le photovoltaïque), et ces techniques ne sont pas encore matures pour une généralisation. De nombreux pays ont donc mis en place des systèmes d'incitation financière (sous forme de détaxation, de subventions, ou de tarifs avantageux pour le rachat de l'énergie produite).
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+ L'usage de systèmes de production d'énergie solaire se justifie aussi dans les situations où il est très coûteux de transporter des combustibles (fossiles) ou de procéder à un raccordement au réseau électrique, comme pour des appareils isolés (balises marines, horodateurs), ou dans des zones isolées ou peu peuplées. En France, l'électrification de nombreux refuges en montagne et de villages isolés (en Guyane) a été réalisée par des modules photovoltaïques, parfois couplés à un groupe électrogène d'appoint.
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109
+ En dépit de sa profusion, et à cause de ses coûts d'investissements lourds, l'énergie solaire est aujourd'hui une énergie peu compétitive, sauf situations particulières, et qui ne se développe que grâce aux aides gouvernementales. Toutefois, un nombre croissant d'acteurs estiment qu'il serait imprudent d'attendre les effets du pic de production du pétrole sur le prix (économique et politique) des énergies fossiles, ou ceux des éventuels changements climatiques dus à leur combustion (effet de serre) ; Quand ces phénomènes se manifesteront, il sera trop tard pour réagir, ce qui justifie un soutien des États à cette technique qui a un grand potentiel de réduction de prix, passant notamment par une augmentation de la production.
110
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111
+ La filière solaire française a pâti, tout comme son homologue allemande, de la baisse du prix de rachat de l'électricité produite par énergie solaire: Photowatt, leader du secteur installé à Bourgoin-Jallieu (Isère) avec plus de 400 salariés, en a fait les frais, en étant contraint de déposer le bilan en novembre 2011 avant d'être rachetée par EDF Énergies Nouvelles Réparties en février 2012[29].
112
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113
+ Un pôle de compétitivité, Tenerrdis[30], est créé en 2007 et regroupe une centaine d'acteurs de la filière solaire française[31] (dont le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et 60 « PME innovantes »), participant à 43 projets labellisés bénéficiant d'un financement total de 100 M€[32], visant à aider la France à rattraper son retard dans le domaine du solaire. Ce pôle travaille notamment sur l'amont de la filière, sur les équipements de production, les matériaux (silicium notamment), les cellules solaires, les panneaux PV et les systèmes électriques (6 500 emplois en France en 2010[32]).
114
+
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+ En 2010 et 2011, Geneviève Fioraso, alors députée de l'Isère, vice-présidente de la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes Métropole et administratrice du pôle Tenerrdis, incite le gouvernement à au moins tripler l'objectif annoncé de 5,4 GW à l'horizon 2020, afin notamment de répondre aux objectifs du Grenelle de l'environnement. Elle appelle également les grands groupes à investir dans la filière en France en alertant sur les retards pris pour la seconde phase de l'Institut national de l'énergie solaire (INES) en raison de financements qui ont été bloqués. Selon Jean-Pierre Vial, sénateur UMP et vice-président du conseil général de la Savoie, coprésident de l'INES et administrateur du pôle Tenerrdis, si ces projets d'investissement sont bloqués et que les grands groupes l'investissement pas en France c'est également parce qu'il y a une responsabilité de la part de l'État qui ne s'est pas assez investi dans cette filière[33].
116
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+ Fin 2010, Tenerrdis avait labellisé plus de 400 projets de recherche et développement depuis sa création, dont 146 aidés à hauteur de 142 M€ (pour un budget global de 322 M€). 41 projets de R&D ont concerné le solaire photovoltaïque (labellisés et financés)[34].
118
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+ Un procédé Photosil (silicium métallurgique) a été soutenu par l'INES, Apollon Solar et FerroAtlantica avec une pré-production industrielle annoncée pour 2011. Des fabricants français de silicium cristallin et applicatifs (ECM Technologies, Vesuvius, Mersen (ex-Carbone Lorraine), Emix et Photowatt Technologies) se font connaître dans le monde[32]. SolarForce et S'tile innovent dans les technologies couches minces. Concentrix (racheté par Soitec), et Heliotrop se développent sur le domaine du photovoltaïque à concentration[32]. Le premier champ français opérationnel de trackers, qui comprend quatre-vingts unités réparties sur un peu plus de deux hectares, réalisé par Concentrix, se trouve en production sur la commune de RIANS, non loin du CEA de Cadarache, dans le département du Var. Son raccordement au réseau ERDF sera effectif en mai 2011.
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+ L'INES et le consortium PV Alliance (Photowatt, EDF ENR et le CEA) ont monté un projet « NanoCrystal » (190 M€) qui devrait permettre de produire des cellules à haut rendement et peu chères (unité pilote de démonstration « LabFab » (25 MW) en cours), avec un projet PV20 (porté par MPO Énergie). Nexcis et Screen Solar travaillent de leur côté aux couches minces CIGS. Le procédé Nice (de l'anglais New Industrial Cell Encapsulation) développé avec l'INES, Apollon Solar et Vincent Industries. Il assemble des cellules solaires sous vide, sans soudure (chaînes en cours de montage en France et Tunisie en 2010)[32]. Des projets d'usines d'assemblage de panneaux PV étaient portés en 2010 par Tenesol et Photowatt, mais aussi par Sillia, Auversun, Fonroche Énergie, Solarezo, France Watts, Elifrance qui s'appuient sur des fournisseurs de composants et matériaux tels que Micel Films, Toray, Arkema, MAP, Saint-Gobain, Versaplast, A. Raymond, Air liquide, Komax, Semco Engineering, Machines Dubuit, check Up Solar, IBS, Ardeje[32], etc.
122
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123
+ La filière aval a vu naître de nouvelles entreprises (Nexans, Ogire, Schneider Electric, Radiall, Heliotrop, Exosun, Greenercos, Fleet technologies, EHW Research, Multicontact)[32].
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+ En 2012, le groupe Total revendique être « le premier employeur de l'industrie solaire en France avec deux usines de fabrication de panneaux solaires et plus de 400 salariés »[35]: il est en effet propriétaire de Sunpower, qui doit ouvrir une usine à Porcelette, en Moselle, ainsi que de Tenesol[35]. Avec les DOM, la France atteint alors une puissance photovoltaïque installée de 4 286 MWc.
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+ Un des 17 objectifs de développement durable des Nations unies est d’assurer l’accès à l’énergie renouvelable pour tous[36]. Ces objectifs visent à encourager le développement durable dans le monde d’ici 2030. De plus, le Traité de Lisbonne, entré en vigueur au 1er décembre 2009, comprend un chapitre sur l'énergie renouvelable en Europe[37]. Afin d’atteindre les objectifs formulés dans le cadre de ce traité, divers pays développent des textes de loi et des réglementations, parmi lesquels certains promeuvent la production d’électricité produite à partir de panneaux solaires et son rachat par les agences gouvernementales. La France, le Royaume-Uni et la Suisse ont des programmes législatifs et des soutiens gouvernementaux différents.
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+ En France, un exemple d’initiative gouvernementale pour l’encouragement de l’énergie solaire est la loi Énergie Climat, adoptée le 8 novembre 2019, qui vise à diminuer la dépendance nationale aux énergies fossiles et encourage à cette fin l'utilisation d'énergies renouvelables et notamment solaire[38]. Cette loi a entraîné la modification de deux articles du Code de l’urbanisme, créant de nouvelles opportunités en matière d’installations photovoltaïques :
130
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+ La réglementation en matière de pose de panneaux solaires dépend de la localité concernée (région, département, commune) et des critères esthétiques, propres à ces localités, peuvent contraindre cette installation. Le plan local d'urbanisme (PLU) aide les citoyens à savoir si et comment ils peuvent poser des panneaux solaires sur leurs maisons. Le document précise ainsi par exemple qu’il est interdit de faire poser des panneaux solaires sur un bâtiment listé au patrimoine national ou comme héritage local. Pour poser des panneaux solaires individuels, les démarches administratives à suivre sont :
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+ Au Royaume-Uni, le gouvernement britannique cherchait à multiplier par quatre sa puissance solaire entre 2014 et 2020, soit passer de 5,5 à 22 GW/an[c]. Pour cela, des mesures ont été prises pour faciliter la production d’électricité chez les particuliers, comme le Smart Export Guarantee (SEG), approuvé en juin 2019, et entré en vigueur le 1er janvier 2020. Ce dernier permet à des particuliers et à des entreprises de revendre leur électricité au réseau national s'ils ont une installation allant jusqu'à 5 MW de puissance, ce pour plusieurs énergies renouvelables comme le photovoltaïque, l’éolien ou l’hydroélectrique. Le prix de revente est déterminé par l’acheteur, qui doit être un fournisseur officiel d’électricité[41].
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+ Plusieurs règles lors de la pose de panneaux solaires doivent être respectées. Par exemple, ces derniers ne peuvent être installés plus haut que la partie la plus haute du toit, et ne peuvent pas dépasser le bord du toit de plus de 20 cm. Comme en France, si le bâtiment concerné est listé comme faisant partie d'un patrimoine ou d’un héritage nationale, aucun panneau solaire ne peut être posé dessus. Pour les panneaux isolés ne faisant pas partie d’un bâtiment, d’autres règles sont appliquées[42].
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+ En France, le gouvernement soutient le développement de l'énergie solaire au travers de tarifs d’obligation d’achat pour les petites installations (<100 kWc) et des appels d’offre pour les installations plus puissantes. Les tarifs d’obligation d’achat sont fixés par la loi 2000-108 du 10 février 2000, et obligent les distributeurs d’énergie nationaux à acheter l'électricité produite par les producteurs éligibles à un prix fixé[43]. Les producteurs éligibles sont les installations photovoltaïques d’une puissance de moins de 12 MW ayant obtenu un dossier auprès de la direction régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement.
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+ Au Royaume-Uni, le Energy Entrepreneur Fund, un fond soutenu majoritairement par l’État, soutient le développement de technologies, de produits et de processus dans le domaine de l’énergie renouvelables. Il recherche les meilleurs idées des secteurs privé et public en privilégiant le soutiens aux petites et moyennes entreprises. Depuis 2012, ce fonds a déjà investi 75 millions de livres dans plus de 130 sociétés[44].
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+ En Suisse, une votation populaire du 21 mai 2017 a résulté en la mise en place d’une rétribution unique (RU) pour remplacer la « rétribution à prix coûtant » (RPC), qui ne bénéficiait pas d'assez de fonds. La RU est une aide à l’investissement unique qui couvre entre 20 et 30 % du coût d’investissement d’une installation. La rétribution dépend fortement de la puissance du dispositif et de sa date d'installation. Le système de rétribution unique différencie le cas d’une petite installation (<100 kWc), qui peut bénéficier d’une « petite rétribution unique » (PRU), des grandes installations (>100 kWc) qui peuvent bénéficier de la « grande rétribution unique » (GRU). Cependant, le temps d’attente de ces rétributions est relativement long: environ un an et demi pour la PRU et environ deux ans pour la GRU[45].
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+ Dans de nombreux pays d’Afrique, des dispositifs de soutien au solaire se retrouvent aussi, souvent sous forme de projets et d’initiatives soutenus par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne. L’Alliance solaire internationale (ASI) a été lancée par la France et l’Inde et comporte 47 membres, dont plus de la moitié sont des États africains. Son premier axe de travail est l'amélioration des cadres réglementaires dans le cadre de l’énergie solaire. L’ASI a lancé depuis 2018 des programmes de soutien pour les réseaux à échelle locale et les toitures solaires. Un autre programme, « Terawatt Initiative », a été lancé en 2015, porté par des entreprises privées comme Engie, Total, IBM, et cherche à structurer le dialogue entre les États et les secteurs privés pour déployer un térawatt de capacité voltaïque dans le monde d’ici à 2030[46].
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145
+ L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), fondée en 2011, rassemble 159 États. Elle vise à faciliter la création de projets en mettant des outils à disposition (Project navigator, Marketplace) et des aides financières.
146
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147
+ Pour la totalité des descriptifs de soutiens gouvernementaux européens, un outil de recherche sur les dispositifs de soutiens aux énergies renouvelables a été créé par la Commission européenne[47].
148
+
149
+ Dans une étude menée en Suède entre 2008/2009 et 2014/2016 évaluant la perspective des propriétaires, les motifs principaux avancés pour acheter et installer des panneaux solaires sont la volonté de diminuer l’impact environnemental du foyer et d’économiser de l’argent en achetant moins d’électricité. Les possesseurs de panneaux solaires souhaitent ainsi dans l’idéal subvenir à leur propres besoins énergétiques. Toutefois, les lois en Suède stipulent pour la période 2008/2009 que produire de l’électricité sur sa propriété est synonyme d’activité économique, et que des taxes s’imposent donc, représentant un premier frein à l’achat de ces dispositifs[48].
150
+
151
+ Un problème administratif est également évoqué : les propriétaires jugent manquer d'informations fiables et non-biaisées. Les autorités locales sont mal informées et ne peuvent pas répondre aux questions que posent les propriétaires sur les potentiels avantages (économiques notamment) à devenir prosommateur[48].
152
+
153
+ L'achat de panneaux solaires est relativement simple : il peut se faire sur Internet, mais l'installation pose divers problèmes, car les propriétaires ne peuvent souvent pas procéder à l'installation eux-mêmes, au risque d’entraver le fonctionnement optimal du dispositif. De plus, l'installation requiert un changement du compteur électrique qui mesure la quantité d'électricité consommée. L'électricité produite en excès doit être décomptée, et certains compteurs électriques plus traditionnels ne peuvent tourner à l'envers. Ce remplacement est sur la période 2008/2009 à la charge des propriétaires.
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+
155
+ Pour la période 2014/2016, les mêmes problèmes sont évoqués, avec un plus fort accent mis sur les problèmes administratifs : avant de devenir prosommateur, il faut remplir de nombreux contrats pour obtenir des subsides de l'état ou pour pouvoir revendre l'excès d'électricité produit aux compagnies électriques. Il faut également parfois obtenir un permis de construire avant de pouvoir installer des panneaux solaires, démarche qui peut impliquer de longs délais.
156
+
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+ Les modalités pour pouvoir revendre l'excédent produit sont contraignantes : par exemple, certaines compagnies d'électricité requièrent que le propriétaire soit déjà leur client avant l'acquisition de panneaux solaires[48].
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+ Afin d'atteindre ses objectifs climatiques fixés pour 2030, la Californie mise fortement sur les panneaux photovoltaïques. Une loi intitulée "The California solar mandate"[49] adoptée en mai 2018 rend obligatoire l'installation de panneaux photovoltaïques sur les nouvelles résidences dès le 1er janvier 2020 pour compenser leur consommation énergétique. Cependant, l'électricité excédentaire est réinjectée dans le réseau urbain qui en est surchargé le jour. Une telle situation s’est produite au printemps 2018, où les centrales solaires photovoltaïques étaient contraintes de diminuer de 95 000 MWh leur production afin d'empêcher une saturation. A contrario, avec l'absence de soleil la nuit, et les autres sources d'électricité renouvelables n’arrivant pas à combler cet écart, l'électricité tend à manquer, surtout quand le vent est trop faible pour les éoliennes. Ces déficits sont actuellement compensés par des sources d’énergies non renouvelables, souvent émettrices de gaz à effet de serre[50].
160
+
161
+ Une solution proposée est de stocker l'énergie pour la réutiliser en différé. Les infrastructures de stockage sont cependant très coûteuses et nécessitent des conditions géographiques spécifiques, telles qu’un paysage montagneux pour les barrages hydroélectriques ou un certain type de sol pour le stockage d’énergie sous forme d’air comprimé. Ces contraintes limitent leur utilisation[source insuffisante][50].
162
+
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+ Une stratégie parallèle serait d'encourager la population à effectuer certaines tâches coûteuses en énergie le jour plutôt que la nuit, par effacement de consommation. Un exemple est la recharge des véhicules électriques, très consommatrice d'électricité. Inciter la population à recharger ses véhicules en plein jour permettrait de répondre à la demande en stockage d'énergie et d'équilibrer la surcharge du réseau aux pics de rayonnement solaire[50].
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+
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+ La politique actuelle de la Californie concernant le photovoltaïque, qui ne prévoit pas suffisamment de stockage, a pour conséquence directe une chute du prix de l'électricité. Ceci rend désavantageuse l'installation d'autres dispositifs de production d'énergie renouvelable et conventionnelle, posant de grands problèmes aux entreprises concernées qui voient leurs profits fortement diminuer[50][source insuffisante].
166
+
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+ Au niveau individuel, il y a un scepticisme des citoyens envers le financement direct de tels projets, l’investissement semblant conséquent et les gains faibles à court terme[51].
168
+
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+ Une alternative proposée par certains fournisseurs est l'installation sans frais des panneaux. Les résidents payent l'électricité produite chez eux à l'entreprise qui se charge du maintient des infrastructures. Un rachat des panneaux est possible ultérieurement. Cette stratégie permet de pondérer cette peur de l’investissement initial et facilite donc l’achat de panneaux solaires[51][source insuffisante].
170
+
171
+ Les régions rurales des pays en développement, principalement en Afrique mais également en Amérique latine, des régions généralement ensoleillées, offrent un grand potentiel pour l’énergie solaire. Cependant, de nombreux facteurs rendent son intégration socio-matérielle difficile.
172
+
173
+ Un biais de genre a également été rapporté : dans les régions rurales, les femmes passent plus de temps que les hommes à pratiquer des activités requérant de l'énergie. Les hommes sont généralement responsables des décisions budgétaires, comme l'achat d'une installation solaire, et ils ne sont souvent pas prêts à investir leur capital dans des dispositifs dont l’utilisation bénéficierait principalement aux femmes[52]. Ce sont elles par exemple qui font la cuisine, ou fabriquent des vêtements, des tâches qui requièrent de l’énergie[54].
174
+
175
+ Chargeurs de batteries, ventilateurs, lampes de jardin, pompes hydrauliques, tables[55], etc. De plus en plus d'appareils peuvent fonctionner à l'énergie solaire. On peut désormais emporter dans son sac un GPS équipé d'un chargeur solaire, et des panneaux photovoltaïques se multiplient sur les toits. Indispensable à la vie sur Terre, le Soleil peut nous rendre de nombreux autres services : chauffer nos habitations, alimenter en énergie les lieux les plus reculés.
176
+
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+ Dans le monde, des projets de centrales électriques voient le jour presque partout, basés sur un immense potentiel : « 5 % de la surface des déserts permettrait de produire toute l'électricité de la planète », affirment Patrick Jourde et Jean-Claude Muller[56], chercheurs au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et au CNRS.
178
+
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+ Il existe également des moyens de transport individuels, du vélo à assistance électrique à la voiture électrique, en passant par le scooter et la moto électrique, pour des puissances de 500 W à 45 kW (60 ch) voire plus. Certaines voitures électriques peuvent être rechargées par une production individuelle (dans les bonnes conditions climatiques).
180
+
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+ Le principal obstacle à l'exploitation industrielle de l'énergie solaire est son intermittence dans la plupart des régions ayant un besoin régulier d'énergie. Pour cette raison, l'avenir de cette ressource énergétique est intimement lié à l'amélioration des techniques de stockage et de transport de l'énergie, notamment électrique.
182
+
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+ Dans les années 1990 apparaissait la calculatrice de poche solaire. Quelques cellules photovoltaïques y remplaçaient avantageusement les piles électriques, toxiques pour l'environnement. En 2013, des magasins dédiés à l'écologie, mais aussi des enseignes plus grand public, proposent de nombreux objets fonctionnant à l'énergie solaire : torches, lampes de jardin, radioréveils, mobiles animés, montres... Preuve que l'énergie solaire séduit les consommateurs par l'image « verte » qu'elle véhicule. Son autre atout est son côté nomade : des chargeurs solaires permettent désormais d'alimenter en électricité, où que l'on se trouve, un téléphone mobile, un GPS ou un ordinateur portable. Pour les voyageurs au long cours, il existe même des sacs à dos équipés de capteurs solaires. Certains imaginent des vêtements également dotés de cellules photovoltaïques, pour y brancher directement son baladeur MP3 ou même son téléphone portable.
184
+
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+ Le principe d'une centrale électrique thermique solaire est de concentrer les rayons du Soleil, à l'aide de miroirs paraboliques, vers des tubes ou une chaudière contenant un fluide caloporteur. La chaleur ainsi récupérée est transmise à de l'eau. L'eau se transforme en vapeur, qui actionne une turbine couplée à un générateur produisant de l'électricité.
186
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+ L'Espagne mise sur cette technologie plutôt que sur le photovoltaïque, dont le coût de production s'avère plus élevé en raison du prix du silicium des cellules photoélectriques. L'Espagne possède depuis 2009 la plus puissante centrale solaire thermodynamique d'Europe Andasol, d'une puissance de 150 MW. Quelque 400 000 miroirs, soit une superficie de 1,5 million de mètres carrés, recueillent l'énergie du Soleil et approvisionne en électricité 45 000 foyers[57].
188
+
189
+ Le Maroc aussi s'est lancé début 2010, profitant de son désert, avec un investissement de deux milliards d'euros, dans la construction d'une des plus grandes centrales solaires à concentration du monde à Ouarzazate d'une puissance de 510 MW, sur 3 040 hectares[58]. La centrale solaire Noor Ouarzazate a été suivie par d'autres centrales à concentration qui ont été programmées dans le cadre du plan solaire marocain. L'objectif est d'installer 2 000 MW à l'horizon 2020. Les centrales solaires thermiques marocaines en service à la fin de l'année 2019 sont Noor Ouarzazate I, II et III (510 MW)[59][source insuffisante] et Aïn Beni Mathar (20 MW).
190
+
191
+ Aux États-Unis, l'entreprise Florida Power & Light a annoncé l'ouverture pour fin 2010 d'une centrale solaire de 190 000 miroirs[60] et 75 MW. Elle se situe en Floride sur la côte orientale, au nord du comté de Palm Beach et s'étend sur plus de 200 hectares[60].
192
+
193
+ Les panneaux photovoltaïques convertissent la lumière du Soleil en électricité. Des années 2000 à 2013, en France et en Belgique, grâce aux aides fiscales de l'État, les particuliers ont été de plus en plus nombreux à s'en équiper. En France, le producteur a le choix entre l'autoconsommation et la vente de l'intégralité de sa production à EDF, qui est tenue depuis 2002 de racheter l'électricité d'origine renouvelable produite par les particuliers ou les collectivités.
194
+
195
+ À la suite d'une augmentation plus forte que prévu des demandes de raccordement d'installations photovoltaïques, un moratoire a été décidé en décembre 2010 par l'État français pour les installations de plus de 3 kWc : « L'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne pouvait être déposée durant la période de suspension »[61],[62], moratoire critiqué par les parties prenantes impliquées dans des opérations déjà lancées ou que l'État devait financer[63].
196
+
197
+ Malgré ces moratoires, la puissance solaire installée début 2012 sur les toits et dans les parcs solaires équipés de cellules photovoltaïques représentait 2 672 MW en France[64] et 1 500 MW en Belgique[65]. À titre de comparaison, en 2010, plus de 7 400 MW photovoltaïques ont été vendus et raccordés au réseau en Allemagne (pays leader dans le domaine photovoltaïque)[66] pour un parc installé total de 17 320 MW.
198
+
199
+ Une nouvelle génération de panneaux, dit panneaux solaires hybrides, apparaît en 2010 sur le marché, produisant à la fois chaleur et électricité, avec un rendement photovoltaïque amélioré grâce au refroidissement du panneau et à la cogénération[réf. souhaitée].
200
+
201
+ Un enjeu prospectif, notamment identifié par Jeremy Rifkin avec son concept de Troisième révolution industrielle, est d'associer une domotique poussée à un réseau électrique intelligent (il parle d'un « Internet de l'énergie »), pour orienter le surplus d'électricité produite vers le besoin le plus proche et ainsi éviter les pertes en ligne ou liées au stockage. Des ensembles de toitures solaires pourraient ainsi devenir l'équivalent de vastes centrales solaires dont les éléments sont distribués au plus près des besoins. Des véhicules électriques peuvent aussi servir de stockage tampon du surplus d'électricité produite. Vers 2010 apparaissent des outils logiciels et modèles 3D permettant de positionner idéalement les panneaux solaires dans les villes, également utiles pour prévoir l'ensoleillement de terrasses végétalisées ; ainsi un « cadastre solaire » sera disponible pour tous les Parisiens en 2012[67]. Ces mêmes outils peuvent généralement intégrer la thermographie aérienne qui permet de profiter d'opérations de rénovation thermique de toiture pour les remplacer par des panneaux solaires.
202
+
203
+ En 2011, les centrales solaires photovoltaïques les plus puissantes au monde sont celles de Sarnia[68] au Canada, de Finsterwalde en Allemagne et d'Okhotnykovo en Ukraine. Occupant chacune plus de 300 hectares, avec une puissance installée d'environ 80 MWc, elles sont composées de plus d'un million de panneaux photovoltaïques fixes, dans la plupart des cas ou pouvant s'orienter automatiquement vers le Soleil, pour les autres.
204
+
205
+ Dans une cheminée solaire, un vaste collecteur solaire en verre chauffe de l'air, lequel en montant à grande vitesse dans la tour, actionne des turbines générant de l'électricité.Un premier prototype avait été mis en service en 1982 à Manzanares en Espagne ; on envisagea ensuite la construction d'une tour solaire de 750 mètres de hauteur, capable d'alimenter 120 000 foyers.
206
+
207
+ Dans les pays suffisamment proches de l'équateur terrestre, où l'ensoleillement est souvent très important, le solaire peut fournir aux régions rurales et urbaines une énergie décentralisée pour l'éclairage et l'alimentation des réfrigérateurs, pompes hydrauliques, installations de télécommunication, etc.
208
+
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+ Soutenus par des ONG, des projets d'électrification de villages sont en cours dans de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique du Sud[74].
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Araignées
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+
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+ Ordre
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+
5
+ Sous-ordres de rang inférieur
6
+
7
+ Les araignées ou Aranéides (ordre des Araneae de la classe des Arachnides, à laquelle il a donné son nom) sont des prédateurs invertébrés arthropodes. Comme tous les chélicérates, leur corps est divisé en deux tagmes, le prosome ou céphalothorax (partie antérieure dépourvue de mandibules et d'antennes, dotée de huit pattes) et l’opisthosome ou abdomen qui porte à l'arrière des filières. Elles sécrètent par ces appendices de la soie qui sert à produire le fil qui leur permet de se déplacer, de tisser leur toile ou des cocons emprisonnant leurs proies ou protégeant leurs œufs ou petits, voire de faire une réserve provisoire de sperme ou un dôme leur permettant de stocker de l’air sous l’eau douce. Contrairement aux insectes, elles ne disposent ni d'ailes ni d'antennes ni de pièces masticatrices dans la bouche. Elles possèdent en général six à huit yeux qui peuvent être simples ou multiples.
8
+
9
+ Parmi les 47 000 espèces connues que compte cet ordre en 2017, une seule est majoritairement herbivore, Bagheera kiplingi, et une seule immergée, Argyroneta aquatica.
10
+
11
+ L'ordre des Araneae est très homogène aux points de vue morphologique et anatomique, mais de biologie extrêmement variée, tant par les divers usages de la soie que par les modalités du comportement lors de prédation ou de la reproduction.
12
+
13
+ En tant que prédatrices, les araignées jouent un rôle majeur dans la régulation des populations d'insectes, et elles sont elles-mêmes régulées par des prédateurs souvent spécifiques (reptiles, oiseaux ou insectes de la famille des pompilidae). Elles se sont adaptées à presque tous les milieux, de cavernicoles à montagneux, des milieux arctiques à équatoriaux. Seuls les eaux salées, les très hautes altitudes et les milieux très froids n’ont pas été colonisés par les Araneae.
14
+
15
+ La branche de l'arachnologie qui leur est consacrée est l'aranéologie. La peur des araignées ou arachnophobie est une des phobies les plus communes.
16
+
17
+ À l'exception de celles appartenant à deux familles (les Uloboridae et les Holarchaeidae) et au groupe des Mesothelae (350 espèces en tout), les araignées peuvent inoculer un venin pour se protéger ou paralyser leurs proies en liquéfiant leurs organes internes au moyen d'enzymes.
18
+
19
+ Les morsures de grandes espèces sont souvent douloureuses mais ne laissent pas de séquelles. Seules 200 espèces connues infligent des morsures susceptibles d'affecter la santé de l'Homme.
20
+
21
+ L’anatomie de l'araignée est celle des Arthropodes Chélicérates : corps divisé en deux tagmes, le prosome ou céphalothorax (partie antérieure dépourvue de mandibules et d'antennes, recouverte par une carapace en bouclier) et l’opisthosome dont les deux premiers métamères sont modifiés en organe génital. Le prosome a une première paire d’appendices transformée en chélicères et une deuxième paire d’appendices transformée en pédipalpes. Le prosome et l'opisthosome sont séparés par un pédicelle, appelé aussi le pédicule.
22
+
23
+ L’anatomie de l'araignée est également celle des Arachnides : prosoma équipé de paires d'yeux simples et de six paires d’appendices chez l’adulte (chélicères, pédipalpes et quatre paires de pattes ambulatoires) ; réduction voire perte des appendices de l’opisthosome ; développement d’un système respiratoire aérien qui peut avoir la forme d’un système trachéen ou d’un système pulmonaire.
24
+
25
+ Mais les araignées ont des adaptations qui les distinguent des autres arachnides : le prosome et l’opisthosome sont articulés par le pédicule ; les sternites du prosome sont fusionnés au niveau ventral pour former un sternum ; la paire de chélicères biarticulés en crochets est parfois reliée à une glande à venin ; un bulbe copulateur est généralement présent sur le pédipalpe des mâles ; parmi les quatre paires de pattes locomotrices, les deux premières paires de pattes antérieures sont dites tractives et les deux paires postérieures sont dites pulsives ; l’opisthosome non segmenté est muni en position postérieure de glandes séricigènes qui produisent de la soie filée par une à six paires de filières, appendices spécialisés excréteurs. Il est également équipé d'un organe sexuel externe féminin spécialisé, l'épigyne (plaque chitineuse en position ventrale qui contient un crochet et un réceptacle séminal).
26
+
27
+ Le prosome assume au point de vue physiologique l'intégration neuro-sensorielle (vision généralement mauvaise, fonction tactile grâce à des mécanorécepteurs, odorat grâce aux chimiorécepteurs), la prise de nourriture, la locomotion grâce à quatre paires de pattes ambulatoires, une partie de l'activité sexuelle (pédipalpes, pièces buccales) et un rôle glandulaire phéromonal, surtout chez le mâle. L'opisthosome assume sur le plan physiologique des fonctions végétatives (digestion, circulation intérieure, respiration, excrétion, reproduction et fabrication de la soie).
28
+
29
+ Le nom d'araignée vient du mythe Arachné (en grec ancien Ἀράχνη / Arákhnê), qui se vantait de tisser mieux qu'Athéna. C'était vrai, Athéna furieuse détruisit son travail. Humiliée, Arachné alla se pendre. La déesse, prise de remords, décida d'offrir une seconde vie à Arachné : elle la changea en araignée suspendue à son fil, la condamnant à tisser sa toile pour l'éternité.
30
+
31
+ Les araignées (47 000 espèces connues en 2017[1] selon le World Spider Catalog[2] dont 7 000 recensées dans la région ouest-paléarctique — Europe et bassin méditerranéen[3] et 1 700 dans une cinquantaine de familles en France[4]) ont conquis presque tout le domaine terrestre émergé hors haute montagne et zones polaires, certaines étant même capables de vivre en grande partie dans des bulles qu'elles construisent sous l'eau (en eau douce exclusivement). Elles sont donc ubiquistes. Beaucoup ont développé un mimétisme les rendant discrètes voire presque indétectables dans leur habitat. D'autres ont des comportements sociaux très développés.
32
+
33
+ Elles sont plutôt a priori généralistes en termes de proies, mais spécialisées en termes d'habitat. Pour la plupart des araignées, les proies sont cependant exclusivement des insectes ou leur larves et parfois d'autres arachnides ou de petits crustacés terrestres (ex : cloportes..). Les araignées sont cannibales et n'hésitent pas à se nourrir d'autres araignées, qu'elles soient d'espèce différente ou même de leur propre espèce ou de leur propre fratrie.
34
+
35
+ Les araignées interagissent avec leur environnement et entre elles en adaptant, pour certaines espèces au moins, leurs stratégies de chasse ;
36
+ Par exemple, deux araignées sympatriques (occupant le même habitat forestier en Europe), Frontinellina frutetorum (CL Koch) et Neriene radiata (Walckenaer) (Araneae : Linyphiidae) vivent normalement à la même hauteur dans les arbres forestiers. Quand elles coexistent, ces deux espèces se montrent capables d'utiliser des hauteurs sensiblement différentes sur les arbres pour tisser leur toile. F. frutetorum sélectionne plutôt la strate plus élevée, alors que N. radiata tissera ses toiles, plus près du sol, ce qui permet aux deux espèces de limiter leur concurrence dans la même niche écologique. Cela laisse penser qu'une plus grande diversité d'espèces invite les araignées à exploiter une plus large partie de leur environnement.
37
+
38
+ Les populations d'araignées sont dans la nature contrôlées par divers prédateurs, dont :
39
+
40
+ Les araignées sont aussi victimes de maladies dues à des bactéries, virus, parasites (dont certains champignons parasites par exemple les Cordyceps[5],[6] ou champignons du genre Gibellula[7],[8]) qui peuvent les tuer[9] comme cela existe assez fréquemment aussi chez d'autres arthropodes[10], dont on découvre encore de nouvelles espèces[11].
41
+
42
+ Les espèces connues d'araignées sont prédatrices, à l'exception très marginale de quelques espèces très dérivées comme Bagheera kiplingi, araignée sud-américaine, qui se nourrit principalement de pousses d'acacia[12].
43
+ Carnassières, elles se nourrissent exclusivement de proies vivantes qu'elles chassent à l'aide de pièges (toile d'araignée, araignée gladiateur, araignées-lasso ou araignées Bolas (en)), à courre ou à l'affût. Pour ne pas perdre leur proies, la plupart des espèces l'enroulent de soie. Nombre d'espèces sont nocturnes ou plus actives la nuit. Elles se nourrissent principalement d'arthropodes, mais certaines grandes araignées chassent des vertébrés (les veuves noires, par exemple, peuvent piéger des petits lézards). Sur tous les continents sauf l'Antarctique, des espèces se nourrissent parfois de poissons[13]. La majorité des espèces sont des prédateurs généralistes et opportunistes. Quelques rares espèces ont une spécialisation alimentaire stricte : le genre Zodarion se nourrit exclusivement de fourmis ; les genres Zora, Ero et Mimetus sont cannibales[14].
44
+
45
+ Comme tous les arachnides, l'araignée n'absorbe que des liquides : elle doit donc lyser ses proies par digestion extra-orale ou exodigestion — c'est-à-dire les liquéfier au moyen d'enzymes digestives injectées par les chélicères — avant de pouvoir s'en nourrir[15].
46
+
47
+ Les araignées ont un rôle écologique capital en capturant chaque année 400 millions d'insectes par hectare (loin devant les oiseaux)[16] : cette estimation est basée sur les données relatives au spectre des proies de l'Argiope frelon qui peut capturer, durant toute sa vie (d'avril à novembre) jusqu'à 900 proies, principalement des pucerons ailés (30 %), des Diptères (26,8 %), des Sauterelles (17,9 %) et des Hyménoptères (12,6 %)[17]. Elles sont capables de consommer quotidiennement 10 à 20 % de leur poids[18]. En tout, les araignées consommeraient ainsi entre 400 et 800 millions de tonnes d'insectes par an[19], ce qui en fait très probablement le premier groupe de prédateurs au monde (70 millions de tonnes pour les oiseaux marins, entre 280 et 500 millions de tonnes pour les baleines, et 400 millions de tonnes pour l'humanité)[20]. Elles constituent donc le principal levier de contrôle des populations d'insectes, et jouent à ce titre un rôle stratégique pour l'agriculture et l'équilibre des écosystèmes.
48
+
49
+ Selon une étude en mars 2017, chaque année l'ensemble des araignées de la planète (qui rassemblées pèseraient le poids de 478 Titanics) capturent et mangent environ 400 à 800 millions de tonnes de proies ; c'est autant de "viande" que ce que mangent les humains voire deux fois plus dans l'estimation haute (les humains consomment environ 400 millions de t/an de viande et de poisson). Pour donner une autre référence : c'est aussi une à deux fois la biomasse totale de tous les humains peuplant la planète[21].
50
+
51
+ Si les araignées sont traditionnellement considérées comme des prédateurs à l’alimentation exclusivement carnivore, des études plus fines montrent que les ressources alimentaires d’origine végétale peuvent représenter un complément important (jusqu'à 25 % de leur régime alimentaire). Les araignées peuvent en effet absorber les particules d'aéroplancton (spores de champignons, grains de pollen) piégés par les toiles et qui sont ingérés au moment où elles récupèrent la soie des fils, pendant le recyclage normal de la toile ou lors de sa réparation[22]. De nombreuses familles d'araignées complémentent également leur alimentation par du nectar[23].
52
+
53
+ En conditions défavorables, elles sont capables de jeûner pendant des mois, voire près d'une année[24].
54
+
55
+ Les soins parentaux sont assurés par les femelles, parfois par les deux parents ou par les mâles[25] : transport des œufs, protection de la progéniture, alimentation (régurgitation, ponte d'œufs stériles, sorte d'« allaitement » chez Toxeus magnus[26]).
56
+
57
+ Les glandes séricigènes produisent de la soie filée par de petites protubérances articulées (les filières), le plus souvent au nombre de 6, situées sur la face ventrale plus ou moins à l'extrémité de l'abdomen. La soie est liquide dans les glandes, mais se solidifie en fibrilles une fois sortie par les fusules, sous l'effet de la traction exercée par les pattes de l'animal et au contact de l'air. Le fil de soie est en fait constitué par un entrelacement d'un nombre élevé de fibrilles élémentaires, de 0,05 µm de diamètre chacun. Le diamètre du fil de soie varie entre 25 et 70 µm (à diamètre équivalent, ces fils sont réputés plus résistants que l'acier et possèdent une mémoire de forme 5 à 12 fois plus grande que le latex).
58
+
59
+ Les araignées produisent plusieurs types de soies en fonction de l'usage qu'elles vont en faire. La soie collante n'est qu'un des types existants.
60
+
61
+ Principaux usages de la soie :
62
+
63
+ On considère que l'usage initial de la soie était la fabrication du cocon pour protéger les œufs, car les araignées considérées comme « primitives » ne tissent pas de toile.
64
+
65
+ Plus de la moitié des espèces ne construisent pas de toile. D'ailleurs, la tendance évolutive de la stratégie de chasse chez les araignées est d'abandonner la chasse à l'aide de ce piège au profit de la chasse à courre ou à l'affût[28]. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet abandon : la prédation par les toiles exerce de fortes pressions sélectives sur les populations de proies qui développent une « course aux armes » (écailles des lépidoptères qui restent collées à la toile alors que les papillons peuvent se dégager) ; les araignées tisseuses de toiles sont elles-mêmes plus vulnérables aux prédateurs spécialisés (guêpes arachnophages du genre Sceliphron, araignées cannibales de la famille des Mimetidae, oiseaux, lézards ou petits mammifères)[29].
66
+
67
+ La plupart des espèces d'araignées possèdent des glandes à venin[30].
68
+
69
+ L'envenimation humaine après une morsure d'araignée, appelée aranéisme, cause des troubles provoqués par des arachnotoxines. Des quelque 42 000 espèces décrites, seules 200 espèces de 20 genres différents peuvent provoquer une réaction épidermique chez l'homme (depuis de simples boutons[31] jusqu'aux dermonécroses) et une vingtaine présente un danger pour les êtres humains[32]. Les morsures d'araignées sont rares chez l'homme, soit parce que les araignées sont trop petites pour pouvoir percer la peau humaine[33], soit parce qu'elles n'ont pas de comportement agressif, la morsure étant une attitude de défense utilisée qu'en dernier recours[34]. Enfin, la rencontre physique avec ces animaux est rare[35].
70
+
71
+ Des espèces appartenant aux mygalomorphes possèdent des poils urticants sur l'abdomen.
72
+
73
+ Parmi les espèces potentiellement dangereuses, citons certaines veuves noires, l’Atrax robustus présent en Australie, et les "araignées-bananes" du genre Phoneutria au Brésil. Une dizaine de morts attribuées aux araignées sont recensées annuellement, et encore les causes ne sont pas dues uniquement à l'envenimation mais aussi aux surinfections[36]. Dans ces rares cas, toutefois, la preuve qu'il s'agit bien d'une morsure d'araignée est souvent absente[37].
74
+
75
+ Les araignées possèdent deux chélicères à l'avant du corps qui encadrent la bouche : ce sont ces appendices qui injectent du venin. Elles sont constituées d'un gros stipe et d'un crochet mobile au bout duquel débouche le canal à venin. Ces chélicères peuvent aussi servir à transporter des proies, à les dilacérer, à transporter le cocon ovigère, etc.
76
+
77
+ Le venin peut être composé de nombreuses toxines nécrotiques (genre Loxosceles) ou neurotoxines. Parmi ces dernières, signalons celles de type polyamine agissant sur le système nerveux central, en particulier en inhibant la fonction des canaux NMDA. Il existe beaucoup de molécules décrites provenant de venin d'araignée. Leur étude a permis le développement de plusieurs molécules d'intérêt clinique. Elles donnent aussi quelques outils de choix dans des recherches plus fondamentales. Des centaines, voire des milliers de publications scientifiques traitent des nombreuses toxines isolées du venin des araignées et l'énoncé des propriétés spécifiques à chacune dépasse largement le cadre d'une encyclopédie.
78
+
79
+ Comme chez tous les arthropodes, la croissance se fait par mues successives de l'exosquelette. Selon les espèces, il y a de 8 à 13 mues pour atteindre l'état adulte. Les mygales continuent de muer à peu près une fois par an après avoir atteint l'âge adulte.
80
+
81
+ Le dimorphisme sexuel des araignées est généralement faible, les femelles se distinguant par une taille supérieure et un abdomen plus gros. Les mâles adultes se reconnaissent, en plus de leur petite taille, à leurs pédipalpes qui portent à leur extrémité un organe de stockage de sperme appelé bulbe copulatoire.
82
+ La différence de taille est parfois spectaculaire, comme chez les néphiles où il est difficile de croire qu'il s'agit de la même espèce.
83
+
84
+ Les araignées sont ovipares : elles pondent des œufs, qui sont emballés dans un cocon de soie. En fonction de la taille de l'espèce, le nombre d'œufs varie de un à plusieurs milliers. Si certaines espèces abandonnent le cocon, d'autres le transportent accroché aux filières ou maintenu par les chélicères. Chez ces dernières espèces, dès leur éclosion, les jeunes montent sur le dos de leur mère qui les protège et les nourrit jusqu'à ce qu'ils soient capables de se défendre.
85
+
86
+ Beaucoup d'espèces ont une parade nuptiale élaborée consistant surtout pour le mâle à se faire distinguer d'une proie pour éviter d'être dévoré par la femelle. Il développe plusieurs stratégies de survie pour lutter contre ce cannibalisme sexuel : il peut attacher les pattes de sa femelle avant l'accouplement ou lui apporter directement un cadeau comestible[38]. Le cannibalisme nuptial après l'accouplement fournit un complément nutritif à la femelle qui augmente sa fécondité (cas de la veuve noire Latrodectus mactans, de l'épeire Araneus diadematus). Ce cannibalisme sexuel serait un mécanisme adaptatif visant à favoriser la reproduction en augmentant la durée de l'accouplement[39].
87
+
88
+ Le mâle tisse une toile spermatique sur laquelle il dépose son sperme, qu'il aspire ensuite dans ses bulbes copulateurs.
89
+
90
+ Les araignées sont réputées pour leur vie solitaire. Cependant, une trentaine d'espèces présentent une « vie sociale » élaborée[40]. Ces espèces dont Agelena consociata ou Anelosimus eximius sont généralement localisées dans des régions tropicales. Les colonies peuvent inclure des dizaines voire des centaines d'individus de tous âges et présentent une organisation sociale sophistiquée incluant la construction collective d'un piège soyeux pouvant atteindre un volume de plusieurs m³, la coopération dans la chasse et les soins aux jeunes. La communication entre les individus est phéromonale mais également basée sur les vibrations de la toile, qui permettent de transmettre rapidement des informations au groupe[41]. À la différence des insectes eusociaux (fourmis, certaines espèces d'abeilles), les araignées sociales ne présentent pas de division du travail reproductif. Toutes les espèces d'araignées solitaires présentent néanmoins une phase grégaire temporaire suite de l'émergence du cocon des juvéniles. À l'issue de cette phase grégaire, dont la durée est variable selon les espèces, les araignées se dispersent pour mener une vie solitaire[40].
91
+
92
+ Les consommateurs occasionnels des araignées sont des prédateurs qui, entre autres proies, se nourrissent d'araignées à tous les stades de développement. On compte les Arachnides et surtout les araignées[42], mais également des oiseaux[43], des reptiles comme le lézard vivipare pour lequel les araignées occupent une très forte proportion dans son alimentation[44], ou encore de micro-mammifères telle la musaraigne qui peut limiter sensiblement des populations d'araignées[45]. Des acariens ont été mentionnés détruisant des œufs d'araignée dans certaines conditions[46]. Les insectes[47] occupent une place privilégiée en tant que consommateurs spécialisés d'araignées, que ce soit comme consommateurs d’œufs, endoparasites ou ectoparasites[48]. Les insectes qui recherchent les cocons d'araignées pour y déposer leur ponte sont les plus abondants, tel le Tromatobia ornata en liaison avec les caractéristiques des cocons d'Argiope bruennichi qu'il infeste[49].
93
+
94
+ Bien que les araignées soient rarement bien préservées dans les couches fossiles du fait de leur fragilité et d'un corps mou (ce qui explique que les sources les plus fréquentes proviennent d'inclusions dans l'ambre), les arachnologues ont identifié parmi tous les fossiles examinés près de 1 000 espèces différentes[50].
95
+
96
+ Le plus ancien fossile d'Arachnide connu, découvert en 1987, est l'espèce Attercopus fimbriunguis datant de 386 millions d'années (période du Dévonien), soit 100 millions d'années avant les dinosaures et juste une dizaine de millions d'années après la sortie des eaux des Arthropodes au Silurien[51]. Possédant une mâchoire pourvue de crochets sur lesquels se trouvent des canaux à poison et les plus vieux organes producteurs de soie connus, ce fossile a depuis fait l'objet d'une réinterprétation qui le place désormais dans un genre éteint d'arachnide. La soie débouche en effet au niveau de simples conduits sur la face ventrale de l'abdomen et non sur des appendices pluriarticulés, les filières, organes éminemment caractéristiques des Araignées[52]. Les plus anciens fossiles d'araignées à ce jour appartiennent au sous-ordre des Mesothelae, avec notamment l'espèce Paleothele montceauensis qui date de 299 million d'années (période du carbonifère inférieur)[53]. À partir du Trias, la diversification des Aranae est rapide et, au Crétacé, les principales familles actuelles sont déjà présentes[54].
97
+
98
+ Les études génomiques et biomoléculaires complètes sont encore rares, mais de nombreux travaux ont porté sur les gènes et les protéines d'araignées, qui aideront à éclairer leur biologie des araignées. Ces travaux montrent des chemins évolutifs complexes qui ont permis de développer une grande variété de comportements, de soies et de venins[55]. En 2017, trois génomes complets ont été séquencés (Nephila, une araignée sociale africaine de la famille des Eresidae et une araignée domestique commune[55].
99
+
100
+ L'ordre des Araneae se subdivise aujourd'hui en deux sous-ordres : le sous-ordre des Mesothelae (0,2 % des espèces décrites), dont les membres sont des espèces primitives de l'Asie, présentes dès le Carbonifère ; et le sous-ordre des Opisthothelae présent dès le Trias, qui est constitué des infra-ordres des Araneomorphae (les espèces modernes, 93,4 % des espèces d'araignées décrites à ce jour) et des Mygalomorphae (mygales, 6,4 % des espèces décrites)[56].
101
+
102
+ Certaines araignées fréquentent les milieux humides. L'Argyroneta est inféodée au milieu aquatique. Des membres de la famille des Pisauridae, notamment ceux du genre Dolomedes, vivent au bord des cours d'eau, sur les plantes aquatiques et chassent leurs proies dans le milieu liquide. Des araignées marines vivent dans la zone de balancement des marées et sont régulièrement immergées à marée haute (Mygales tropicales de la famille des Barychelidae, représentants de la famille des Amaurobioidae[57] et des Desidae[58]). D'autres sont capables de coloniser de hauts glaciers d'altitude, telle l’Euophrys omnisuperstes découverte à 6 700 m d'altitude dans le massif de l'Everest[59].
103
+
104
+ Les 47 000 espèces d'araignées recensées à ce jour sont diverses : de 10 cm chez certaines mygales à 0,2 mm chez les plus petites (araignée Patu marplesi)[60].
105
+
106
+ Heteropoda maxima est la plus grande araignée connue à ce jour, avec une envergure pattes étalées de 25 à 30 cm pour un corps de 46 mm au maximum[61].
107
+
108
+ La Tégénaire géante détient le record de vitesse de déplacement dans le Livre Guinness des records, cette espèce pouvant parcourir 0,53 mètre par seconde[62].
109
+
110
+ Pour les Araignées, les densités observées varient en moyenne de 20 à 120 individus par m2 selon les types d'agrosystèmes[63]. Elles peuvent atteindre plus de 800 individus au m2 dans les prairies les plus fertiles[64].
111
+
112
+ Il y aurait 117 familles d'Arachnea selon le World Spider Catalog[65].
113
+
114
+ Quelques familles et regroupements importants :
115
+
116
+ Araignée-loup et son Cephalothorax (vue de face)
117
+
118
+ Pisaura mirabilis
119
+
120
+ Pisaura mirabilis ou Pisaure admirable.
121
+
122
+ Araneus diadematus
123
+
124
+ Araneus marmoreus
125
+
126
+ Argiope
127
+
128
+ Selon les cultures, les araignées sont perçues avec crainte, méfiance ou respect. Les toiles que tissent de nombreuses espèces a inspiré des légendes. Quelques espèces d'araignées se sont adaptées à la présence humaine et sont devenues synanthropes (tégénaires, pholques, zygielle des fenêtres). Une espèce est consommée au Cambodge.
129
+
130
+ Malgré la crainte qu'elles provoquent chez certaines personnes, les araignées ne représentent pas une menace sérieuse pour l'Homme : selon la spécialiste Christine Rollard, professeure au Muséum National d'Histoire Naturelle, « Pour les araignées, nous ne sommes pas des proies : nous ne sommes rien ! », et celles-ci n'ont aucune raison de s'attaquer gratuitement à un être humain, car leur venin est précieux et représente leur seul moyen de défense comme d'alimentation, et ne doit donc pas être gaspillé. Ainsi, une grande partie des « morsures d'araignées » signalées sont en réalité dues à d'autres animaux, et les morsures de défense (par exemple si l'animal est saisi et se sent menacé) se font souvent sans injection de venin, par économie. Toujours selon Christine Rollard, « quand bien même elles en injecteraient, celui-ci est très peu actif sur les gros mammifères que nous sommes. Aucune araignée n’est mortelle pour l’Homme. »[66]. La morsure de quelques espèces est potentiellement dangereuse à cause de l'envenimation, mais surtout à cause des réactions inflammatoires et des surinfections[67].
131
+
132
+ Depuis au moins quatre mille ans, l'araignée est utilisée comme symbole dans de nombreuses civilisations, soit comme prédatrice (on la retrouve dans de nombreux films d'épouvante), soit en raison de sa toile étonnamment régulière, fragile[68] et évoquant la fragilité de nos certitudes et des apparences trompeuses[69], régulièrement reconstruite (1 à 2 fois par jour pour certaines espèces), mais si bien adaptée au piégeage des insectes, soit en raison du fil qu'elle tisse, qui évoque celui des Parques. L'araignée (ou sa toile) est présente dans certains décors, et dans divers mythes fondateurs en tant que démiurge, créatrice cosmique. Connue sous le nom de « Anansi » en Afrique de l'Ouest, elle est présentée comme ayant préparé le matériau qui a produit les premiers hommes. Créatrice du Soleil rayonnant, de la Lune et des étoiles, elle aurait aussi apporté les céréales et la houe aux hommes. Au Mali, une légende raconte que déguisée en oiseau, elle régule le temps et initie la rosée (Tegh 56). En Inde, les Upanishad voient un symbole de liberté dans l'araignée qui peut descendre, mais surtout s'élever le long du fil qu'elle crée selon ses besoins ; le fil équivalent du yogi étant la syllabe « Om̐ » qui doit lui permettre de s'élever jusqu'à la révélation et à la libération[70].
133
+
134
+ Au Cameroun, les Bamouns pensaient autrefois que la mygale pouvait déchiffrer l'avenir. Le Ngaame (un des noms de la mygale) est lié au destin des hommes qu'il peut lire et traduire. On place des signes divinatoires au-dessus du trou d'une mygale et on interprète leur position après que celle-ci les a déplacés la nuit[71].
135
+ Certains initiés Bambara ont le droit d'être appelés araignées, pour avoir atteint un niveau de vie intérieure et d'intuition réalisatrice très élevés[72].
136
+
137
+ Les Incas du Pérou utilisaient aussi l'araignée pour la divination (une araignée qui n'a pas au moins une patte pliée lorsqu'on soulève le pot sous lequel elle était maintenue prisonnière était un mauvais présage). Les Muisca lui attribuaient le pouvoir, sur un bateau en toile d'araignée, de transporter les âmes sur le fleuve des âmes des morts, et pour les Aztèques, elle symbolisait le dieu des enfers[73].
138
+ Elle est un symbole parfois très positif, tel que chez les peuples altaïques de Sibérie et d'Asie centrale où on pensait qu'elle était une âme libérée d'un corps, ou un animal psychopompe. Les peuples montagnards du Sud-Viêt Nam ne doivent pas tuer d'araignées, car c'est une âme échappée de personnes qui dorment. La tuer pourrait tuer le dormeur.
139
+
140
+ On la retrouve plus ambigüe dans le mythe d'Arachné en zone méditerranéenne ; Arachné était une belle jeune fille ayant défié les dieux, qui s'est suicidée après avoir été frappée par Athéna qui n'avait pas supporté la beauté de ses toiles, mais à laquelle Athéna a ensuite donné une seconde vie en la transformant en araignée[74].
141
+
142
+ En Micronésie, dans les îles Gilbert, le seigneur araignée est l'être initiateur de tous les autres[75].
143
+
144
+ Les Ashantis pensent que les hommes ont été créés par une araignée primordiale.
145
+ Des psychologues, sociologues, ethnologues et psychanalystes (Beaudoin par exemple) se sont intéressés au symbole que peut représenter l'araignée dans l'arachnophobie, l'araignée prédatrice, mais dont la vie ne tient qu'à un fil, certains y voyant aussi un symbole sexuel.
146
+
147
+ Le réseau de fils de la toile d’araignée (spiderweb) est à l’origine de l'utilisation du mot anglais Web, symbolisant le système d’interconnexion complexe de ce réseau.
148
+
149
+ À part dans certains films (notamment ceux qui parlent de Spider-Man), l'araignée est souvent utilisée pour la peur et l'épouvante qu'elle véhicule. Ainsi, elle est souvent associée à l'ennemi du héros, à un monstre angoissant ou un nuisible qu'il faut éradiquer.
150
+
151
+ Ainsi, Arachne, est un des monstres que doit combattre le héros de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Pour les raisons précitées, l'araignée est souvent utilisée dans des films d'épouvante. Un des films qui exploitent le mieux son caractère monstrueusement angoissant est Arachnophobie de Frank Marshall, avec Jeff Daniels, sorti en 1990. Plus ancien, le téléfilm américain La Malédiction de la veuve noire de Dan Curtis sorti en 1977 met en scène une histoire fantastique où, pendant la pleine lune, une femme présentant une marque rouge en forme de sablier sur l'abdomen (tout comme la veuve noire d'Amérique du Nord Latrodectus mactans) se transforme en araignée à taille humaine et tue ses victimes avant de les emmailloter dans sa toile et de les dévorer. Beaucoup plus ancien et improbable, Tarantula ! de Jack Arnold avec John Agar et Leo G. Carroll, sorti en 1955 met en scène une araignée géante qui effraie les populations à la façon de Godzilla. Ce film a la particularité d'incruster une véritable mygale agrandie par effet optique, ce qui donne un effet d'un réalisme saisissant pour l'époque. En 1957, L'Homme qui rétrécit met en scène un combat entre Grant Williams rétrécissant inexorablement face à une araignée. Enfin, le film d'auteur s'est également penché de façon métaphorique sur l'étrangeté de l'animal grâce à Spider de David Cronenberg en 2002. La même année, sortait le film d'horreur grand public Arac Attack, les monstres à huit pattes, teinté d'une dose d'humour. En 2014 sort en France le film Enemy, de Denis Villeneuve, où l'araignée possède une symbolique propre et permet de déchiffrer l'intrigue du film.
152
+
153
+ En bande dessinée, on évoquera l'album de Tintin, L'Étoile mystérieuse, qui joue à deux reprises sur la peur des araignées.
154
+
155
+ Plusieurs facteurs de menace s'additionnent :
156
+
157
+ Dans certains pays asiatiques, comme au Cambodge (à Skun), on mange des araignées grillées ou frites.[réf. nécessaire]
158
+
159
+ Une étude a porté sur les communautés arachnologiques de pommiers, en termes de stratégies de chasse, cycle biologique des espèces et localisation dans l'environnement (sol, tronc, branches…). Elle a mis en évidence des groupes fonctionnels complémentaires, ayant une incidence démontrée sur chaque type de proies consommées. Les araignées, si on considère leurs espèces séparément, sont des prédateurs relativement spécialisés.
160
+
161
+ Conserver ou restaurer une grande biodiversité arachnologique sur un site cultivé accroît les potentialités de trouver l'espèce adaptée à protéger l'agro-écosystème considéré aux différentes époques de l'année. En complément d'autres espèces insectivores (reptiles, amphibiens, hirondelles et autres oiseaux, chauves-souris et autres mammifères insectivores), les araignées peuvent être incluses dans les stratégies de lutte biologique contre les insectes dits nuisibles[77].
162
+
163
+ En Europe, le labour ou les pesticides dans les vergers ont fait régresser, ou localement disparaitre, les espèces de plus grande taille (Clubionidae et Philodromidae[78]), qui comme plusieurs dizaines d'autres espèces européennes hibernent dans les fentes ou anfractuosités de troncs d'arbres (à condition que l'écorce n'en soit pas lisse)[78]. En l'absence de vieux arbres à écorces rugueuses, Pekar recommande la pose de gîtes artificiels d'hivernage, faits de bandes de carton sur les troncs de jeunes arbres aux écorces encore lisses[78] pour faciliter l'hivernage de ces espèces (retrouvées dans des vergers abandonnés, mais éliminées des vergers commerciaux non bio)[78].
164
+
165
+ Les Araneae sont des prédateurs polyphages de nombreux invertébrés dont certains peuvent être considérés comme nuisibles pour l'agriculture. Il existe une étroite correspondance entre la richesse, l'architecture et l'âge de la végétation, et la composition de la communauté d'araignées associées, au point que pour plusieurs pays européens, des auteurs ont pu proposer des méthodes de classifications écologiques des habitats naturels uniquement fondées sur la diversité des araignées.
166
+
167
+ L'écologue, l'agriculteur ou l'arboriculteur peuvent les considérer comme des auxiliaires efficaces, mais aussi les utiliser comme des bioindicateurs de l'état général du milieu[79], dans le cadre de l'évaluation environnementale d'une parcelle (biodiagnostic) agricole ou d'un diagnostic agroenvironnemental[79].
168
+
169
+ Le taux de croissance ou le taux de reproduction observés dans les populations naturelles peut être corrélé avec la quantité de proies ingérées dans le domaine[79]. En outre, en zone tempérée européenne, une corrélation négative significative a été observée entre grosses araignées (Philodromidae) et petites espèces (Theridiidae, Dictynidae)[78]. Néanmoins, il ne semble pas y avoir de corrélation linéaire entre Philodromidae : Clubionidae, Clubionidae: Theridiidae, et Clubionidae: Dictynidae, ce qui laisse penser que les Clubionidae n'interagissent pas avec les autres espèces sur les sites d'hivernage où l'activité de prédation est de toute façon très limitée[78].
170
+
171
+ Les araignées semblent pouvoir aussi être utilisées dans la bioindication de pollutions de l'air et du sol par les pesticides, y compris dans les vergers, où près de 30 espèces peuvent hiverner sur les troncs (comptages faits en Tchéquie[78]). Les vergers commerciaux ont perdu leurs grosses araignées au profit de quelques petites espèces qui semblent plus « tolérantes » aux pesticides (ou qui sont apportées par le vent)[78].
172
+
173
+ Les araignées peuvent aussi renseigner sur la pollution par les métaux lourds[79] ou d'autres modifications anthropiques de l'environnement, ainsi que pour la gestion ou gestion restauratoire des agroécosystèmes[80].
174
+
175
+ Selon les espèces, la durée et les possibilités de recolonisation d'un champ (après un labour ou un traitement pesticides par exemple) ou d'un site particulier varient fortement. Certaines espèces se laissant porter par le vent ont un haut pouvoir de recolonisation, d'autres espèces sont peu mobiles[79]. La conservation ou restauration d'une trame verte et bleue incluant des bandes enherbées et du bocage sont nécessaires à la préservation d'une bonne biodiversité en araignées.
176
+
177
+ Les venins d'araignées ont été étudiés, notamment pour produire des sérums ou médicaments.
178
+ Le fil produit par certaines araignées est plus solide que l'acier, à épaisseur égale (il est utilisé pour fabriquer le réticule des télescopes). Le gène qui en contrôle la production a été isolé, et l'industrie biotechnologique tente de l'introduire par transgenèse dans le génome d'autres espèces pour en faire un OGM capable de produire un fil solide permettant par exemple de fabriquer des gilets pare-balles plus légers.
179
+
180
+ Le fil de l'araignée (plus solide et plus élastique que l'acier, à épaisseur égale) a inspiré des chercheurs en génie génétique qui cherchent à le valoriser pour des textiles spéciaux. Des espèces sont capables de se déplacer en sautant ou en se laissant porter par le vent ou en marchant sur l'eau, ou encore en se laissant rouler (dont une araignée du genre Cebrennus qui dans le Sahara utilise ses pattes de manière à accélérer ses roulades le long des pentes), ce qui inspire aussi certains chercheurs et auteurs de science-fiction pour de nouveaux modèles de robots ou véhicules[81].
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Lentille est un nom de lieu notamment porté par :
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+ Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références »
2
+
3
+ En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment ajouter mes sources ?
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+
5
+ Une lentille optique est un composant fait d'un matériau généralement isotrope et transparent pour la lumière dans le domaine spectral d'intérêt. C'est le plus souvent un type de verre optique, ou des verres plus classiques, des plastiques, des matériaux organiques, voire des métalloïdes tels que le germanium. Les lentilles sont destinées à faire converger ou diverger la lumière.
6
+
7
+ Leur utilisation implique que leur indice de réfraction soit différent de celui du milieu dans lequel elles sont plongées (air, huile, eau…). Les lentilles possèdent la plupart du temps un axe de symétrie confondu avec l’axe optique mais les techniques récentes et les besoins de l'industrie et de la recherche font qu'une part non négligeable des lentilles n'ont pas d'axe de symétrie.
8
+
9
+ Il existe aussi des lentilles qui agissent sur d’autres types de rayonnement électromagnétique, au moyen d’un champ électrique et/ou d’un champ magnétique.
10
+
11
+ C'est à Ninive, ancienne capitale de l'empire assyrien, qu'au XIXe siècle, Sir Austen Henry Layard découvre les premiers verres lentiformes, dans des couches datant de 4 000 ans avant notre ère. On ignore à quoi ils servaient exactement mais cette découverte soulève de nombreuses questions car cette ville fut pendant longtemps le grand centre commercial et culturel du Moyen-Orient, et parce que la vulgarisation des connaissances acquises est une pratique rare dans l'Antiquité.
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+
13
+ Les premières mentions sans équivoque de l'utilisation d’une lentille proviennent de la Grèce antique. Aristophane évoque notamment dans sa pièce Les Nuées, écrite en 423 av. J.-C., un « verre à feu » (une lentille convexe utilisée pour produire du feu en focalisant le rayonnement solaire). Les écrits de Pline l'Ancien (23-79) montrent également qu’un tel dispositif était connu dans l’Empire romain. Ils mentionnent ce qui peut être interprété comme la première utilisation d’une lentille pour corriger la vue en décrivant l’utilisation que fait Néron d’une émeraude de forme convexe lors des spectacles de gladiateurs (probablement pour corriger un défaut de vision). Sénèque (3 av. J.-C. - 65) décrit l’effet grossissant d’un globe en verre rempli d’eau.
14
+
15
+ Le mathématicien arabe Alhazen (965-1038), a écrit le premier traité d'optique qui décrit comment le cristallin forme une image sur la rétine.
16
+
17
+ Les lentilles n’ont cependant pas été utilisées par le grand public avant la généralisation des lunettes de vue, probablement inventées en Italie dans les années 1280.
18
+
19
+ Lorsque l’onde lumineuse rencontre un dioptre (surface séparant deux milieux homogènes d’indices différents), la lumière est réfractée en suivant les lois de Snell-Descartes. Une lentille est l'association de deux dioptres et par conséquent va appliquer deux réfractions à la lumière incidente.
20
+
21
+ Dans le cadre de l'optique géométrique, on considère ainsi que les rayons lumineux issus d'un objet sont réfractés par la lentille, sauf ceux passant par le centre optique de la lentille.
22
+
23
+ Lentille plan convexe convergente.
24
+
25
+ Lentille plan concave divergente.
26
+
27
+ Dans le cadre plus général de l'optique physique où l'approximation des rayons lumineux n'est pas prise en compte mais où l'on considère que la lumière est une onde électromagnétique, l'effet des lentilles se considère différemment. Les surfaces d'onde arrivant sur la lentille vont voir leur propagation altérée par le nouveau milieu transparent et la lentille va ainsi modifier la surface d'onde. Ainsi on considère souvent qu'une onde plane est transformée en onde quasi sphérique par une lentille optique parfaite.
28
+
29
+ Les lentilles sphériques possèdent un axe optique qui est confondu avec leur axe de révolution. D'autres types de lentilles dont les dioptres ne sont pas des portions de sphère à symétrie de révolution, ne possèdent pas à proprement parler un axe optique. Par exemple les lentilles asphériques, freeform ou cylindriques n'ont pas d'axe optique en soi. On appelle centre optique le point de l'axe optique par lequel les rayons peuvent passer sans être déviés.
30
+
31
+ Lentille convergente.
32
+
33
+ Lentille convergente.
34
+
35
+ Lentille divergente.
36
+
37
+ Lentille divergente.
38
+
39
+ Le plan perpendiculaire à l’axe optique et passant par F′ est appelé plan focal image, et ses points sont des foyers image secondaires.
40
+ De même, le plan perpendiculaire à l'axe optique et passant par le foyer objet F est appelé plan focal objet.
41
+
42
+ Dans le cas d'une lentille épaisse, on utilise
43
+
44
+ et
45
+
46
+ où H et H’ sont les points principaux objet et image du système centré équivalent à la lentille.
47
+
48
+ La distance algébrique
49
+
50
+
51
+
52
+
53
+ f
54
+
55
+
56
+
57
+
58
+ {\displaystyle f'}
59
+
60
+ est positive si
61
+
62
+
63
+
64
+
65
+ F
66
+
67
+
68
+
69
+
70
+ {\displaystyle F'}
71
+
72
+ est situé en aval de la lentille (lentille convergente) et négative si
73
+
74
+
75
+
76
+
77
+ F
78
+
79
+
80
+
81
+
82
+ {\displaystyle F'}
83
+
84
+ est en amont de la lentille (lentille divergente).
85
+
86
+ La détermination expérimentale de la distance focale f′ d'une lentille optique s’appelle la focométrie.
87
+
88
+ On considère une onde lumineuse se propageant selon un sens donné. Le demi-espace situé en amont de la lentille par rapport à ce sens de propagation est appelé espace objet. Le demi-espace situé en aval de la lentille est appelé espace image.
89
+
90
+ Si A est un objet situé en aval de la lentille, A est un objet virtuel et
91
+
92
+
93
+
94
+
95
+
96
+
97
+
98
+ S
99
+
100
+ 2
101
+
102
+
103
+ A
104
+
105
+ ¯
106
+
107
+
108
+
109
+
110
+ {\displaystyle {\overline {S_{2}A}}}
111
+
112
+ est positif ; si A est un objet réel situé en amont de la lentille, cette distance est négative. Pour une image réelle A′ située en aval de la lentille,
113
+
114
+
115
+
116
+
117
+
118
+
119
+
120
+ S
121
+
122
+ 1
123
+
124
+
125
+
126
+ A
127
+
128
+
129
+
130
+ ¯
131
+
132
+
133
+
134
+
135
+ {\displaystyle {\overline {S_{1}A'}}}
136
+
137
+ est positif, et pour une image virtuelle située en amont de la lentille,
138
+
139
+
140
+
141
+
142
+
143
+
144
+
145
+ S
146
+
147
+ 1
148
+
149
+
150
+
151
+ A
152
+
153
+
154
+
155
+ ¯
156
+
157
+
158
+
159
+
160
+ {\displaystyle {\overline {S_{1}A'}}}
161
+
162
+ est négatif (pour une lentille divergente, en prenant les notations des images ci-dessus, il faut inverser S1 et S2).
163
+
164
+ Le stigmatisme d'une optique désigne la propriété d'une lentille à former pour un point objet un unique point image[2]. Cette propriété n'est pas vérifiée en général pour des lentilles sphériques sauf dans 2 cas particuliers :
165
+
166
+ Une optique non stigmatique forme une tache image au lieu d'un point. En fonction de la configuration du système optique il peut donc être préférable d'opter pour des lentilles asphériques. Par exemple, dans le cas d'un objet situé à l'infini, une lentille à face parabolique est stigmatique[3].
167
+
168
+ Un système optique est dit aplanétique si l'image d'un objet perpendiculaire à l'axe de symétrie du système est elle même perpendiculaire à ce dernier.
169
+
170
+ Les lentilles optiques ne forment pas des images parfaites : l’image d’un point n’est généralement pas un point, mais une tache du fait de la diffraction et des aberrations. Ces aberrations affectent la qualité des images, mais peuvent cependant être minimisées par l’association de deux lentilles de verres optiques différents qui agissent en correction.
171
+
172
+ On classe les aberrations en deux grandes familles :
173
+
174
+ Une lentille mince est une lentille qui remplit les trois conditions suivantes :
175
+
176
+ Les lentilles épaisses n’ont pas les mêmes propriétés que les lentilles minces.
177
+
178
+ Les lentilles sphériques se divisent en deux grandes familles[4] :
179
+
180
+ Le symbole en double flèche est utilisé dans le cas des lentilles minces, qui permet de simplifier les constructions grâce à certaines approximations lorsque l’on respecte les conditions de Gauss, c’est-à-dire lorsque les rayons qui frappent la lentille frappent à proximité du centre optique de la lentille et que leur direction est proche de l’axe optique.
181
+
182
+ Détermination de la vergence
183
+
184
+
185
+
186
+
187
+
188
+ n
189
+
190
+
191
+ {\displaystyle n}
192
+
193
+ désigne l'indice du matériau utilisé,
194
+
195
+
196
+
197
+
198
+ n
199
+
200
+ o
201
+
202
+
203
+
204
+
205
+ {\displaystyle n_{o}}
206
+
207
+ l'indice du milieu ambiant,
208
+
209
+
210
+
211
+
212
+ f
213
+
214
+
215
+
216
+
217
+
218
+
219
+
220
+
221
+
222
+ {\displaystyle f^{'}}
223
+
224
+ la distance focale image,
225
+
226
+
227
+
228
+
229
+ R
230
+
231
+ 1
232
+
233
+
234
+
235
+
236
+ {\displaystyle R_{1}}
237
+
238
+ et
239
+
240
+
241
+
242
+
243
+ R
244
+
245
+ 2
246
+
247
+
248
+
249
+
250
+ {\displaystyle R_{2}}
251
+
252
+ les rayons de courbure des 2 dioptres et
253
+
254
+
255
+
256
+ e
257
+
258
+
259
+ {\displaystyle e}
260
+
261
+ la distance entre les deux sommets des dioptres.
262
+
263
+ Dans le cas particulier d'une lentille mince,
264
+
265
+
266
+
267
+ e
268
+
269
+ 0
270
+
271
+
272
+ {\displaystyle e\approx 0}
273
+
274
+ et donc le second terme est négligé.
275
+
276
+ Applications
277
+
278
+ Les lentilles cylindriques sont des cylindres au sens large (forme obtenue en faisant translater une courbe selon une génératrice). Les dioptres sont eux-mêmes des cylindres. Elles sont parfois désignées sous l’appellation "lentilles anamorphiques" (en particulier dans le monde du cinéma) car elles peuvent être utilisées pour réaliser des anamorphoses.
279
+
280
+ Pour les rayons se propageant dans un plan contenant une génératrice, elles se comportent comme une vitre, le rayon n’est pas dévié. Pour les rayons se propageant dans un plan perpendiculaire aux génératrices, elles se comportent comme une lentille classique à symétrie axiale.
281
+
282
+ Elles sont principalement utilisées pour :
283
+
284
+ Les lentilles dites diffractives peuvent être utilisées pour réduire le nombre d'éléments dans les systèmes de lentilles conventionnels et éliminer le besoin de matériaux pour corriger les aberrations chromatiques. Elles sont des éléments très minces avec une hauteur totale égale à λ / (n - 1), où λ est la longueur d'onde de fonctionnement et n est l'indice de réfraction.Composée d'une série de zones qui deviennent plus fines vers le bord de la lentille.
285
+
286
+ Les éléments diffractifs fonctionnent le mieux sur une seule longueur d'onde, sur toute autre longueur d'onde l'efficacité et le contraste de l'image sont réduits.
287
+
288
+ Les gouttes d’eau comme la rosée peuvent être une forme de lentille naturelle. De petites tailles, elles ont la forme d'une calotte sphérique. Plus grosses, elles se déforment sous leur propre poids. La valeur limite est de quelques millimètres pour l'eau. Elles sont ainsi employées dans certaines optiques des appareils photos des téléphones mobiles, permettant d'avoir une focale variable en déformant électriquement la lentille[5].
289
+
290
+ Le cristallin de l'œil peut être modélisé en optique géométrique comme une lentille convergente de vergence variable (proche de 60 dioptries pour un œil emmétrope au repos)[6]. Grâce à l'action des muscles ciliaires, le cristallin (constitué de cellules souples) peut sensiblement se déformer pour s'adapter à une vision de près ou de loin. Cette capacité d'adaptation est l'accommodation, elle diminue progressivement avec l'âge pouvant aboutir à une presbytie.
291
+
292
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/3294.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,3 @@
 
 
 
 
1
+ Sur les autres projets Wikimedia :
2
+
3
+ Lentille est un nom de lieu notamment porté par :
fr/3295.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,358 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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+
3
+ Léonard de Vinci (italien : Leonardo di ser Piero da Vinci écouter, dit Leonardo da Vinci[Note 2]), né le 15 avril 1452 à Vinci (Toscane) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), est un peintre italien[1],[2] et un homme d'esprit universel, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes[3], scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
4
+
5
+ Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur florentin Andrea del Verrocchio. Ses premiers travaux importants sont réalisés au service du duc Ludovic Sforza à Milan. Il œuvre ensuite à Rome, Bologne et Venise et passe les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François Ier.
6
+
7
+ Léonard de Vinci est souvent décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace »[Note 3], et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention[5]. Nombre d'auteurs et d'historiens le considèrent comme l'un des plus grands peintres de tous les temps et certains comme la personne la plus talentueuse dans le plus grand nombre de domaines différents ayant jamais vécu[Note 4],[Note 5].
8
+
9
+ C'est d'abord comme peintre que Léonard de Vinci est reconnu. Deux de ses œuvres, La Joconde et La Cène, sont des peintures mondialement célèbres, souvent copiées et parodiées[5], et son dessin de l’Homme de Vitruve est également repris dans de nombreux travaux dérivés. Seule une quinzaine de tableaux sont parvenus jusqu'à nous[Note 6]. Ce petit nombre est dû à ses expérimentations constantes et parfois désastreuses de nouvelles techniques et à sa procrastination chronique[7]. Néanmoins, ces quelques œuvres, jointes à ses carnets contenant plus de 6 000 pages[8] de notes, dessins, documents scientifiques et réflexions sur la nature de la peinture (rassemblés en dix Codex publiés au XIXe siècle), sont un legs aux générations d'artistes qui lui ont succédé. Nombre de ces derniers le considèrent comme n'ayant été égalé que par Michel-Ange.
10
+
11
+ Comme ingénieur et inventeur, Léonard développe des idées très en avance sur son temps, comme l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et même jusqu'à l'automobile. Très peu de ses projets sont réalisés ou même seulement réalisables de son vivant[Note 7], mais certaines de ses plus petites inventions comme une machine pour mesurer la limite élastique d'un câble entrent dans le monde de la manufacture[Note 8]. En tant que scientifique, Léonard de Vinci a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines de l'anatomie, du génie civil, de l'optique et de l'hydrodynamique.
12
+
13
+ Léonard de Vinci est né le samedi 15 avril 1452 « à la troisième heure de la nuit », c'est-à-dire trois heures après l'Ave Maria, soit 22 h 30[9], d’une relation amoureuse illégitime entre Messer Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, chancelier et ambassadeur de la République florentine et descendant d’une riche famille de notables italiens, et une certaine Caterina, dans le petit village toscan d’Anchiano, à deux kilomètres de Vinci[Note 9], sur le territoire de Florence en Italie[10],[11]. Caterina serait, selon la tradition, fille de paysans pauvres. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-Orient[12]. Depuis lors, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux l'ont identifiée respectivement à une pauvre orpheline, Caterina di Meo Lippi, ou à Caterina di Antonio di Cambio, fille de petits cultivateurs[13].
14
+
15
+ Léonard, ou plutôt Lionardo selon son nom de baptême[14], est baptisé puis passe ses cinq premières années chez sa mère à Anchiano. Il a cinq marraines et cinq parrains, tous habitant le village de Vinci[14], dont le nom provient de celui des « vinchi », plantes assimilables à des joncs, utilisées dans l'artisanat toscan et poussant près du ruisseau Vincio[14].
16
+
17
+ À cette époque, les conventions d’appellation modernes ne se sont pas encore développées en Europe. Seules, les grandes familles font usage du nom de leur appartenance patronymique. L’homme du peuple est désigné par son prénom, auquel on adjoint toute précision utile : le nom du père, le lieu d’origine, un surnom, le nom du maître pour un artisan, etc. Par conséquent, le nom de l’artiste est Leonardo di ser Piero Da Vinci, ce qui signifie Leonardo, fils de maître Piero De Vinci ; néanmoins le « Da » porte une majuscule afin de distinguer qu'il s'agit d'un patronyme[14]. Léonard lui-même signe simplement ses travaux Leonardo ou Io, Leonardo (« Moi, Léonard »). La plupart des autorités rapportent donc ses travaux à Leonardo sans le da Vinci. Vraisemblablement, il n’emploie pas le nom de son père parce qu’il est un enfant illégitime.
18
+
19
+ En 1457, il a cinq ans quand sa mère se marie avec Antonio di Piero Buti del Vacca da Vinci, un paysan de la ville, avec lequel elle aura cinq enfants[14]. Il est alors admis dans la maison de la famille de son père, du village de Vinci qui, entre-temps, a épousé une jeune fille d'une riche famille de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori[14]. Celle-ci, sans enfant, reporte toute son affection sur Léonard, mais elle meurt très jeune en couches, en 1464[14]. Considéré dès sa naissance comme un fils à part entière par son père[15], il ne fut cependant jamais légitimé. Son père se maria quatre fois et lui donna dix frères et deux sœurs légitimes venus après Léonard. Il aura de bons rapports avec la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, et laissera une note l'appelant « chère et douce mère »[14].
20
+
21
+ Léonard est également élevé par son oncle Francesco qui joue un rôle important dans sa formation, et par son grand-père Antonio da Vinci qui lui apprend le don d'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !)[16].
22
+
23
+ Livré à lui-même, il reçoit une éducation assez libre comme les autres villageois de son âge, apprend entre douze et quinze ans les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique dans une scuola d’abaco (école d'abaco) destinée aux fils de commerçants et artisans[17]. Non « lettré », il n'y étudie pas le grec et le latin (il n'apprendra imparfaitement ces deux langues que doivent maîtriser les savants et les lettrés qu'en autodidacte seulement à l'âge de 40 ans[18]), et une orthographe chaotique montre que cette instruction n'est pas sans lacunes ; en tout cas, il ne peut prétendre à des études universitaires[19].
24
+
25
+ Sa grand-mère paternelle, Lucia di ser Piero di Zoso, céramiste et proche de Léonard, est peut-être la personne qui l'initia aux arts[14]. Un présage connu rapporte qu'un milan venu du ciel aurait fait un vol stationnaire au-dessus de son berceau, la queue de l'oiseau le touchant au visage[20],[21].
26
+
27
+ Giorgio Vasari, le biographe du XVIe siècle des peintres de la Renaissance, raconte, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[22] (1568), l'histoire d'un paysan local qui demanda à ser (Signore) Piero[Note 10] que son talentueux fils peigne une image sur un bouclier de bois utilisé comme épouvantail, une rondache. Léonard, rassemblant différentes parties d'animaux qu'il observait attentivement lors de ses pérégrinations dans la campagne, peignit une image représentant un dragon crachant du feu, si réussie que ser Piero la vendit à un marchand d'art florentin, lui-même la revendant au duc de Milan. Entre-temps, après avoir réalisé un bénéfice, ser Piero acheta une plaque décorée d'un cœur transpercé d'une flèche qu'il donna au paysan[23]. Cette anecdote est cependant à prendre avec précaution car, selon Paul Barolsky, de nombreux récits des Vies constituent de pures inventions poétiques[24].
28
+
29
+ Le jeune Léonard est proche de la nature qu’il observe avec une vive curiosité et s’intéresse à tout. Il dessine déjà des caricatures et pratique l'écriture spéculaire en dialecte toscan.
30
+
31
+ Giorgio Vasari, dans sa biographie de Léonard, raconte une anecdote sur les premiers pas dans la carrière artistique de celui qui allait devenir un des plus grands peintres de la Renaissance. Un jour, le père de Léonard, ser Piero, « prit plusieurs de ses dessins et les soumit à son ami Andrea del Verrocchio, en le priant instamment de lui dire si Léonard devait se consacrer à l’art du dessin et s’il pourrait parvenir à quelque chose en cette matière. Andrea s’étonna fort des débuts extraordinaires de Léonard et exhorta ser Piero à lui permettre de choisir ce métier ; sur quoi, ser Piero résolut que Léonard entrerait à l’atelier d’Andrea. Léonard ne se fit pas prier ; non content d’exercer ce métier, il exerça ensuite tous ceux qui se rattachent à l’art du dessin ». C’est ainsi que Léonard est placé comme élève apprenti à partir de 1469 dans un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance de Florence sous le patronage d’Andrea del Verrocchio. Il doit à ce dernier sa formation multidisciplinaire d’excellence et côtoie alors dans sa bottega (atelier d'artistes réunissant maîtres et élèves) d’autres artistes comme Sandro Botticelli, Le Pérugin et Domenico Ghirlandaio[20],[25].
32
+
33
+ En effet, jusqu'en 1468, Léonard est recensé comme résident de la commune de Vinci, mais il est très souvent à Florence où son père travaille[14].
34
+
35
+ Verrocchio est un artiste renommé[Note 11] très éclectique : orfèvre et forgeron de formation[25], peintre, sculpteur et fondeur qui travaille notamment pour le riche mécène Laurent de Médicis. Les commandes principales sont des retables et des statues commémoratives pour les églises. Cependant, les plus grandes commandes sont constituées de fresques pour les chapelles — comme celles créées par Domenico Ghirlandaio et son atelier pour la Chapelle Tornabuoni — et de grandes statues, telles que les statues équestres de Gattamelata par Donatello et Bartolomeo Colleoni de Verrocchio[26].
36
+
37
+ Après un an passé au nettoyage des pinceaux et autres petits travaux d’apprenti, Léonard est initié par Verrocchio aux nombreuses techniques pratiquées dans un atelier traditionnel, bien que certains artisans soient spécialisés dans des tâches telles que l’encadrement, les dorures et le travail du bronze. Il a donc eu l’occasion d’apprendre notamment des bases de la chimie, de la métallurgie, du travail du cuir et du plâtre, de la mécanique et de la menuiserie, ainsi que des techniques artistiques de dessin, de peinture et de sculpture sur marbre et sur bronze[27],[28]. Il est également initié à la préparation des couleurs, à la gravure et à la peinture des fresques. Par la suite, Verrocchio confie à son élève — qu’il trouve exceptionnel — le soin privilégié de terminer ses tableaux.
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+ Mais la formation reçue lors de son apprentissage à l'atelier Verrocchio semble plus large encore. Léonard acquiert la connaissance du calcul algorithmique et il cite les deux abacistes florentins les plus en vue, Paolo Toscanelli del Pazzo et Leonardo Chernionese[19]. Plus tard, Léonard paraît bien faire allusion à la Nobel opera de arithmética, de Piero Borgi, imprimée à Venise en 1484, et qui représente bien la science de ces écoles d'abaques[19].
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+ Il n’y a pas d’œuvre de Léonard connue pendant cette période mais, selon Vasari, il aurait collaboré à une peinture nommée Le Baptême du Christ (1472-1475)[29]. C’est d’ailleurs, selon la légende, à cause de la qualité du petit ange peint par Vinci pour ce tableau que Verrocchio, se sentant surpassé par son jeune assistant, décide de ne plus peindre[15]. Selon la tradition qui veut que ce soit l’apprenti qui prenne la pose[10], Léonard aurait servi de modèle à la statue en bronze du David de Verrocchio. Il est également supposé que l’Archange Raphaël dans l’œuvre Tobie et l’Ange de Verrocchio est le portrait de Léonard[10].
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+ En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de Saint-Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence, le Campagnia de Pittori. Il y a quelques traces de cette période de la vie de Léonard, dont la date d’un de ses premiers travaux, un dessin fait à la plume et à l’encre, Paysage de Santa Maria della neve (1473).
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+ Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables, telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.
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+ Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui[20]. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).
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+ Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : en 1478, il offre de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement[19].
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+ Les archives judiciaires de 1476 montrent que, avec trois autres hommes, il a été accusé de sodomie sur Jacopo Saltarelli, pratique à l’époque illégale à Florence. Tous ont été acquittés des charges retenues[30], probablement grâce à l'intervention de Laurent de Médicis, mais Léonard a dû passer deux mois en prison pendant l'enquête judiciaire[31]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[32].
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+ Deux années plus tard, à 26 ans, il quitte son maître après l'avoir brillamment dépassé dans toutes les disciplines. Léonard de Vinci devient alors maître-peintre indépendant.
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+ En 1481, le monastère de San Donato lui commande L’Adoration des mages, mais Léonard ne terminera jamais ce tableau, probablement déçu ou vexé de ne pas être choisi par le pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle Sixtine du Vatican à Rome, où il se trouve en concurrence avec plusieurs peintres[33]. Le néoplatonisme — en vogue à l’époque à Florence — joue peut-être également un rôle dans son départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan[33]. Cela est probablement plus en phase avec son esprit, qui s'appuie sur un développement empirique, grâce à ses multiples expériences.
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+ Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486) pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San Francesco Grande de Milan, mais ce tableau sera au centre d’un conflit entre l’auteur et ses commanditaires pendant plusieurs années[33]. En effet, Léonard s'engage avec le droit de pouvoir copier l'œuvre, mais cela lui est refusé par la suite ; il se voit donc contraint de stopper son travail, provoquant du retard. Le problème ne sera résolu que par des décisions de justice et les interventions d'amis.
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+ À Florence, le travail de Léonard ne passe pas inaperçu. Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc de Milan, Ludovic Sforza. Le but de cette manœuvre est de rester en bonnes relations avec ce rival important[34].
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+ Léonard est très probablement accompagné par le musicien Atalante Migliorotti[33]. Il écrit également une lettre à Sforza, lettre qui figure dans le Codex Atlanticus et qui décrit les nombreuses et diverses choses merveilleuses qu’il pourrait faire dans le domaine de l’ingénierie ; il informe le seigneur qu’il peut aussi peindre[35],[25]. Ce texte est bien dans la tradition des ingénieurs qui l'ont précédé. Il reprend ainsi le même programme, les mêmes curiosités et les mêmes recherches : désormais, c'est bien en ingénieur que Léonard va vivre et travailler[19]. Sforza l’emploie à des tâches diverses sous le titre mythique d’« Apelle florentin », réservé aux grands peintres[33]. L’artiste est ainsi « ordonnateur de fêtes et spectacles aux décors somptueux » du palais et invente des machines de théâtre qui émerveillent le public. Il peint plusieurs portraits de la cour milanaise. Léonard de Vinci est porté sur la liste des ingénieurs des Sforza et lorsqu'on l'envoie à Pavie, il est qualifié d'« ingeniarius ducalis »[19]. Mais des contacts avec les cercles éclairés de Milan lui montrent également toutes les lacunes de sa formation[19].
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+ Il s’occupe également de l’étude pour le dôme de la cathédrale de Milan et d’une version en argile pour faire un moule pour le Gran Cavallo (« Il Cavallo »), le cheval de Léonard), une imposante statue équestre en l’honneur de Francesco Sforza, le père et prédécesseur de Ludovic ; faite de soixante-dix tonnes de bronze, elle constitue une véritable prouesse technique pour l’époque. Cette statue reste pourtant inachevée pendant plusieurs années, Michel-Ange reconnaissant lui-même qu’il est incapable de la fondre[20]. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France[25].
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+ En 1490, il participe à une sorte de congrès d'architectes et d'ingénieurs, réunis pour l'achèvement du Dôme de Milan, et fait la connaissance d'un autre ingénieur dont la renommée est bien établie, Francesco di Giorgio Martini. Ce dernier l'emmène à Parme, avec Giovanni Antonio Amadeo et Luca Fancelli, où on lui a demandé une autre consultation pour la construction de la cathédrale[19].
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+ C’est à cette époque que Léonard réfléchit à des projets techniques et militaires. Il améliore les horloges, le métier à tisser, les grues et de nombreux autres outils. Il étudie aussi l’urbanisme et propose des plans de cités idéales. Il s'intéresse à l'aménagement hydraulique et un document de 1498 le cite comme ingénieur et chargé de travaux sur les fleuves et les canaux[19].
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+ Bien que vivant à Milan entre 1493 et 1495, Léonard a noté dans ses documents d’imposition qu’il a, à sa charge, une femme appelée Caterina. À la mort de celle-ci, en 1495, la liste détaillée des dépenses relatives à ses funérailles laisse à penser que c’était sa mère Caterina, plutôt qu’une servante[36],[20].
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+ Vers 1490, il crée une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités. La fresque La Cène (1494-1498) est peinte pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie[20]. En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan ; Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione[19]. Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza[33].
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+ En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza — lequel s’enfuit en Allemagne chez son neveu Maximilien Ier du Saint-Empire[37] — sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement[Note 12].
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+ Louis XII revendique ses droits à la succession des Visconti[37]. Louis XII envisage de découper le mur représentant La Cène pour l’emporter en France, comme l’imaginera également Napoléon Ier quelques siècles plus tard[33]. Avec la chute de Sforza, Léonard entre au service du comte de Ligny, Louis de Luxembourg[38] ; celui-ci lui demande de préparer un rapport sur l'état de la défense militaire de la Toscane[19]. Le retour inopiné de Ludovic Sforza modifie ses projets et, avec son assistant Salai, il fuit Milan en février 1499 pour Mantoue puis pour Venise.
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+ En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire[20],[10] par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise[19].
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+ En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este. Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau[39]. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges[19]. Il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata en 1501 et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival »[29],[Note 13].
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+ Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli[37]. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France[37].
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+ En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général »[40]. Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse[19].
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+ Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno[41],[42].
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+ Le 18 octobre 1503, il retourne à Florence où il remplit les fonctions d'ingénieur de guerre (il dessine notamment des arquebuses, une bombarde chargée par la culasse, des engins de siège comme la catapulte, le mortier ou la baliste)[43]. Il y est aussi architecte et ingénieur hydraulicien[19]. Il se réinscrit à la guilde de Saint-Luc et passe deux années à préparer et réaliser La bataille d'Anghiari (1503-1505), une fresque murale imposante[10] de sept mètres sur dix-sept[37], avec Michel-Ange faisant La bataille de Cascina sur la paroi opposée[37]. Les deux œuvres seront perdues[Note 14], la peinture de Michel-Ange est connue à partir d'une copie d'Aristotole da Sangallo en 1542[44] et la peinture de Léonard est connue uniquement à partir de croquis préparatoires et de plusieurs copies de la section centrale, dont la plus connue est probablement celle de Pierre Paul Rubens[10]. Un feu utilisé pour sécher plus rapidement la peinture ou la qualité du matériel semblent être à l'origine de l’altération de l'œuvre, laquelle a par la suite probablement été recouverte par une fresque de Giorgio Vasari[37].
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+ Léonard est consulté à plusieurs reprises comme expert, notamment pour étudier la stabilité du campanile de San Miniato al Monte et lors du choix de l’emplacement du David de Michel-Ange[37] où son avis s’oppose à celui de Michel-Ange. C'est à cette période qu'il présente à la cité de Florence son projet de déviation de l'Arno destiné à créer une voie navigable capable de relier Florence à la mer avec la maîtrise des terribles inondations[19]. Cette période est importante pour la formation scientifique de Léonard qui, dans ses recherches hydrauliques, pratique l'expérience. En 1504, il revient travailler à Milan, qui est désormais sous le contrôle de Maximilien Sforza, grâce au soutien des mercenaires suisses. Beaucoup des élèves et des adeptes les plus en vue dans la peinture connaissent ou travaillent avec Léonard à Milan[20], y compris Bernardino Luini, Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono[Note 15].
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+ Son père meurt le 9 juillet 1504 et Léonard est écarté de l’héritage en raison de son illégitimité ; cependant, son oncle fera plus tard de lui son légataire universel[37]. La même année, Léonard réalise des études anatomiques et tente de classer ses innombrables notes. Il commence à travailler La Joconde (1503-1506 puis 1510-1515) qui est habituellement considérée comme un portrait de Mona Lisa del Giocondo, née Lisa Maria Gherardini. Pourtant, de nombreuses interprétations au sujet de ce tableau sont encore discutées.
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+ En 1505, il étudie le vol des oiseaux et rédige le codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux. Désormais, observations, expériences et reconstructions a posteriori se succèdent[19]. Une année plus tard, le gouvernement de Florence lui permet de rejoindre le gouverneur français de Milan Charles d’Amboise qui le retient auprès de lui, malgré les protestations de la seigneurie. Léonard est tiraillé entre Français et Toscans ; il est pressé par le tribunal de finir La Vierge aux rochers avec son élève Giovanni Ambrogio de Predis, alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari[37].
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+ Le peintre devient l’unique héritier de son oncle Francesco en 1507, mais les frères de Léonard entament une procédure pour casser le testament[37]. Léonard fait appel à Charles d’Amboise et Florimond Robertet pour qu'ils interviennent en sa faveur[37]. Louis XII de France est à Milan, et Léonard est de nouveau l’ordonnateur des fêtes données dans la capitale lombarde.
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+ En 1508, il vit dans la maison de Piero di Braccio Martelli avec le sculpteur Giovanni Francesco Rustici à Florence[45] mais part habiter à Milan, à la Porta Orientale dans la paroisse de Santa Babila[10]. Louis XII revient bientôt en Italie et entre à Milan en mai 1509. Presque aussitôt, il dirige ses armées contre Venise, et Léonard suit le roi en qualité d'ingénieur militaire ; il assiste à la bataille d'Agnadel[19]. À la mort du gouverneur Charles d’Amboise en 1511 et après la bataille de Ravenne en 1512, la France quitte le Milanais. Cette seconde période milanaise permet à Léonard de Vinci d'approfondir ses recherches en science pure. La parution, en 1509, du De expendentis et fugiendis rebus de Giorgio Valla eut certainement une grande influence sur lui[19].
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+ En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à cette époque[10]. Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée[19], l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis[19]. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
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101
+ « Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris[19].
102
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+ En septembre 1515, le nouveau roi de France François Ier reconquiert le Milanais lors de la bataille de Marignan[46]. En novembre 1515, Léonard se penche sur un nouveau projet d’aménagement du quartier Médicis à Florence. Le 19 décembre, il est présent à Bologne pour la réunion entre François Ier et le pape Léon X[20],[47],[48]. François Ier charge Léonard de concevoir un lion mécanique pouvant marcher et dont la poitrine s'ouvre pour révéler des lys[29]. On ne sait pas pour quelle occasion ce lion a été conçu, mais il peut avoir été lié à l'arrivée du roi à Lyon ou aux pourparlers de paix entre le roi et le pape[Note 16].
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+ Il part travailler en France en 1516 avec son assistant artiste-peintre Francesco Melzi et Salai[45], où son nouveau mécène et protecteur, le roi François Ier, l’installe au manoir du Cloux — actuel château du Clos Lucé —, propriété de sa mère Louise de Savoie[49].
106
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+ Âgé de 64 ans, Léonard de Vinci arrive en France, apportant avec lui trois de ses toiles majeures : Saint Jean Baptiste, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne et La Joconde[50]. Selon la légende, il aurait fait ce voyage à travers les Alpes à dos de mulet, or aucun document de l'époque ne le prouve[51]. Il aurait très bien pu arriver en bateau, puis prendre des chevaux.
108
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109
+ Au château du Clos Lucé, Léonard se trouve ainsi à proximité du château d'Amboise, la demeure du roi. Le souverain le nomme « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi »[15] avec une pension annuelle de mille écus[52]. Peut-être à la cour de France s'intéressait-on plus au peintre, à l'artiste qu'à l'ingénieur et, jusque-là, seuls des Français s'étaient attaché l'illustre Florentin en qualité d'artiste : en Italie, il n'avait jamais été engagé que comme ingénieur[19].
110
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+ En lui donnant le château du Clos Lucé, François Ier dit à Léonard : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». Il n'est pas le premier artiste à recevoir cet honneur ; Andrea Solario et Giovanni Giocondo l'avaient précédé quelques années avant[45].
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113
+ Au Clos Lucé, Léonard travaille comme ingénieur, architecte et metteur en scène, organisant pour la Cour des réceptions et fêtes somptueuses. Il inspire autour de lui la pensée et la mode. Il travaille à de nombreux projets pour le roi.
114
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+ François Ier est fasciné par Léonard de Vinci et le considère comme un père. Selon la légende, le château du Clos Lucé et le château d'Amboise étaient d'ailleurs reliés par un souterrain permettant au souverain de rendre visite à l’homme de science en toute discrétion.
116
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117
+ Il projette et réalise pour la reine Louise de Savoie (mère de François Ier) la construction d’une nouvelle demeure à Romorantin, sur la base d'un château médiéval pré-existant, intégrant le détournement d’un fleuve dans la Sauldre. Les travaux de dérivation, d'aménagement et de terrassement ont lieu entre 1516 et 1518. La construction est initiée, une aile de 70 mètres de long est réalisée mais les travaux restent inachevés en 1519, peut-être à cause de la peste, mais plus probablement à cause de la mort de Léonard[53].
118
+ L'aile construite par Louise de Savoie est détruite en 1723[54]. Il reste aujourd'hui, outre les plans de Leonard de Vinci dans le Codex Atlanticus, des traces archéologiques nombreuses dont les ruines du château et les remblais, qui font de ce projet inachevé un prototype du château de Chambord et de son fameux escalier à vis, dont l'architecte Dominique de Cortone vient rencontrer Leonard en 1518 au Clos Lucé[55].
119
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120
+ Il esquisse un projet de canal entre la Loire et la Saône et organise des fêtes, comme celle que le roi donne au château d'Argentan en octobre 1517 en l'honneur de sa sœur Marguerite d'Angoulême[19].
121
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+ Une paralysie a frappé Léonard de Vinci à la fin de sa vie. Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, lorsque, tous deux en 1517, visitèrent Léonard de Vinci à Amboise expliquait combien le maître était en difficulté et comment les élèves l'aidaient[56].
123
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124
+ « Même si de lui, pour être venu à lui une certaine paralysie à droite, on ne peut plus attendre une bonne chose. Il a bien formé un créateur milanais qui travaille très bien. Et bien que Léonard de Vinci ne puisse pas colorier avec cette douceur habituelle, il peut aussi faire des dessins et en enseigner à d'autres[57]. »
125
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+ Le 23 avril 1519, Léonard de Vinci, malade depuis de longs mois, rédige son testament devant un notaire d’Amboise. La lettre de naturalité octroyée par François Ier lui permet de contourner le droit d'aubaine. Il demande un prêtre pour recevoir sa confession et lui donner l'extrême onction[29]. Il est emporté par la maladie le 2 mai 1519[45] au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.
127
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+ La tradition selon laquelle il mourut dans les bras de François Ier est racontée par Giorgio Vasari dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[58]. Elle repose peut-être sur une interprétation erronément littérale d'une épitaphe, rapportée par Vasari dans l'édition de 1550 des Vies, mais qui ne figure plus dans celle de 1568[59]. Cette inscription — qui n'a jamais été vue sur aucun monument — contient les mots « Sinu Regio » pouvant signifier au sens propre : sur la poitrine d'un roi ; mais aussi, dans un sens métaphorique, dans l'affection d'un roi, et peuvent n'être qu'une allusion à la mort de Léonard dans un château royal[60]. De plus à cette époque, la Cour est au château de Saint-Germain-en-Laye, où la reine accouche du futur Henri II — le 31 mars —, et les ordonnances royales données le 1er mai sont datées de cet endroit. Le journal de François Ier ne signale d'ailleurs aucun voyage du roi jusqu’au mois de juillet. Pour finir, l’élève de Léonard de Vinci, Francesco Melzi, auquel il lègue ses livres et ses pinceaux et qui est dépositaire de son testament, écrit au frère du grand peintre une lettre où il raconte la mort de son maître. Pas un mot n’y fait allusion à la circonstance mentionnée plus haut qui, si elle avait été avérée, n’aurait certainement pas été oubliée[61],[62].
129
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+ Selon ses dernières volontés, soixante mendiants suivent son cortège vers la collégiale Saint-Florentin du château d'Amboise, où il est enterré. Les ossements attribués à Léonard de Vinci sont supposés placés depuis 1874 sous la pierre tombale de la chapelle Saint-Hubert, dans l’enceinte du château d'Amboise et dominant la ville[63]. Sa tombe fut refaite de 1934 à 1936 par le sculpteur Francis La Monaca.
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+ Léonard de Vinci, toute sa vie célibataire et n’ayant jamais eu ni femme ni enfant, lègue l’ensemble de son œuvre considérable, pour la faire publier, à son disciple préféré et élève depuis ses dix ans, Francesco Melzi. Il lui offre notamment ses manuscrits, carnets, documents et instruments[64].
133
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134
+ Après l’avoir accompagné en France, il reste près de Léonard de Vinci jusqu’à sa mort. Cependant, il ne publiera rien de l'œuvre de Léonard et de nombreuses peintures — dont la Joconde — qui se trouvaient encore en sa possession dans son atelier, certains tableaux ayant été déjà vendus à François Ier, d'autres donnés en héritage à Salai pendant son séjour au Clos Lucé en 1518[65]. Les vignes de Léonard seront divisées entre Salai, un autre élève et disciple très apprécié par Léonard et entré à son service à l’âge de 15 ans, ainsi que son servant Battista de Vilanis[64]. Le terrain sera légué aux frères de Léonard et sa servante Mathurine reçut un manteau noir à bords de fourrure[66].
135
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136
+ Vingt ans après la mort de Léonard, François Ier dira au sculpteur Benvenuto Cellini :
137
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138
+ « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe[67]. »
139
+
140
+ Léonard commence son apprentissage avec Andrea del Verrocchio en 1466, année où le maître de Verrocchio, le grand sculpteur Donatello, meurt. Le peintre Paolo Uccello, dont les premières expériences avec la perspective influencèrent le développement de la peinture des paysages, est alors très âgé. De même, les peintres Piero della Francesca et Fra Filippo Lippi, le sculpteur Luca della Robbia et l'architecte et écrivain Leon Battista Alberti ont environ 60 ans. Les artistes les plus renommés de la génération suivante sont le maître de Léonard : Andrea del Verrocchio, Antonio Pollaiuolo et le sculpteur Mino da Fiesole.
141
+
142
+ La jeunesse de Léonard se déroule dans une maison de Florence ornée des œuvres de ces artistes et par les contemporains de Donatello, Masaccio — dont les fresques figuratives et réalistes sont imprégnées d'émotion — et Lorenzo Ghiberti, dont la Porte du Paradis montre la complexité des compositions, alliant travaux architecturaux et soin des détails. Piero della Francesca a fait une étude détaillée de la perspective et sera le premier peintre à faire une étude scientifique de la lumière. Ces études et les traités de Leone Battista Alberti doivent avoir un effet profond sur les jeunes artistes et, en particulier, sur les propres observations de Léonard et ses œuvres d'art[68],[69],[70].
143
+
144
+ La représentation du nu de Masaccio montrant Adam et Ève quittant le paradis, avec Adam sans ses organes génitaux — masqués par une feuille de vigne —, crée une image très expressive des formes humaines qui influencera beaucoup la peinture, notamment parce qu'elles sont exprimées en trois dimensions par une utilisation novatrice de la lumière et de l'ombre que Léonard développera dans ses propres œuvres. L'humanisme de la Renaissance, influençant le David de Donatello, peut être vu dans les peintures les plus tardives de Léonard, en particulier Saint Jean Baptiste[68].
145
+
146
+ Florence est dirigée à l'époque par Laurent de Médicis et son jeune frère Julien, tué lors de la conjuration des Pazzi en 1478. Ludovic Sforza, qui gouverne Milan entre 1479 et 1499 et chez qui Léonard a été envoyé comme ambassadeur de la cour des Médicis, est aussi son contemporain[68],[69].
147
+
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+ C'est également par l'intermédiaire des Médicis que Léonard fait la connaissance d'anciens philosophes humanistes dont Marsile Ficin, partisan du néoplatonisme, et Cristoforo Landino, auteur de commentaires sur les écrits classiques. Jean Pic de la Mirandole est également associé à l'académie des Médicis[70],[71]. Léonard écrit plus tard, dans la marge d'un journal : « Les Médicis m’ont fait et les Médicis m’ont détruit » ; mais le sens de ce commentaire reste discuté[20].
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+ Bien que l'on cite ensemble les trois « géants » de la haute Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne sont pas de la même génération. Léonard a 23 ans quand nait Michel-Ange et 31 ans à la naissance de Raphaël. Raphaël mourra en 1520, une année après de Vinci et Michel-Ange vivra encore quarante-cinq ans[69],[70].
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+ Gian Giacomo Caprotti da Oreno[72], dit « il Salaino » (« le petit diable ») ou Salai, a été décrit par Giorgio Vasari comme « un gracieux et beau jeune homme avec des cheveux fins et bouclés, en lequel Léonard était grandement ravi »[29]. Salai entre au service de Léonard en 1490 à l'âge de 10 ans. Leur relation n'est pas facile. Un an plus tard, Léonard fait une liste des délits du garçon, le qualifiant de « voleur », « menteur », « têtu » et « glouton ». Le « petit diable » avait volé de l'argent et des objets de valeur au moins à cinq reprises, et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures[73]. Néanmoins, les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d'images de l'adolescent. Salai est resté son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes[10].
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+ En 1506, Léonard prend comme élève Francesco Melzi, âgé de 15 ans, fils d'un aristocrate lombard. Melzi devient le compagnon de vie de Léonard et il est considéré comme son élève favori. Il se rend en France avec Léonard et Salai, et reste avec lui jusqu'à sa mort[20]. Salai quitte cependant la France en 1518 pour retourner à Milan. Il y construit une maison dans le vignoble de la propriété de Léonard qu'il s'est finalement vu léguer. En 1525, Salai meurt d'une mort violente, soit assassiné, soit à la suite d'un duel[74].
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+ Salai exécute un certain nombre de tableaux sous le nom d'« Andrea Salai », mais, bien que Giorgio Vasari prétende que Léonard « lui a appris beaucoup de choses sur la peinture »[29], son travail est généralement considéré comme étant de moindre valeur artistique que celui des autres élèves de Léonard, comme Marco d'Oggiono ou Giovanni Antonio Boltraffio. En 1515, il peint une version nue de La Joconde, dite « Monna Vanna »[75]. À sa mort en 1525, la Joconde appartenant à Salai a été évaluée à cinq cent cinq lires, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée pour un portrait de petite taille[74].
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+ Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono rejoignent l'atelier de Léonard lorsqu'il est de retour à Milan, mais de nombreux autres élèves moins connus tels que Giovanni Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Francesco Napoletano ou encore Andrea Solario sont aussi présents.
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+ Léonard de Vinci a eu beaucoup d'amis qui sont reconnus dans leurs domaines respectifs ou ont eu une influence importante sur l'Histoire. Il s'agit notamment du mathématicien Luca Pacioli avec qui il a collaboré pour un livre, César Borgia au service duquel il a passé deux années, Laurent de Médicis et le médecin Marcantonio della Torre. Il a rencontré Michel-Ange dont il a été le rival et a témoigné une « connivence intime » avec Nicolas Machiavel, les deux hommes ayant pu développer une étroite amitié épistolaire[41]. Parmi ses amis, se trouvent également Franchini Gaffurio et Isabelle d'Este. Léonard semble ne pas avoir eu d'étroites relations avec les femmes, sauf avec Isabelle. Il a fait un portrait d'elle, au cours d'un voyage qui le mena à Mantoue, qui semble avoir été utilisé pour créer une peinture, aujourd'hui perdue[20]. Il était également ami de l'architecte Jacopo Andrea da Ferrara jusqu'à son assassinat[37].
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+ Au-delà de l'amitié, Léonard garde sa vie privée secrète. De son vivant, ses capacités extraordinaires d'invention, son « exceptionnelle beauté physique », sa « grâce infinie », sa « grande force et générosité », la « formidable ampleur de son esprit », telles que décrites par Vasari[29], ont attisé la curiosité. De nombreux auteurs ont spéculé sur les différents aspects de la personnalité de Léonard. Sa sexualité a souvent été l'objet d'études, d'analyses et de spéculations. Cette tendance a commencé au milieu du XVIe siècle et a été relancée au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par Sigmund Freud[76].
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+ Les relations les plus intimes de Léonard sont avec ses élèves : Salai et Francesco Melzi. Melzi a écrit que les sentiments de Léonard étaient un mélange d'amour et de passion. Il a été décrit depuis le XVIe siècle que ces relations étaient d'un caractère érotique. Depuis cette date, des auteurs[77],[78] ont beaucoup écrit au sujet de son homosexualité, voire de sa pédérastie présumée et du rôle de cette sexualité dans son art, en particulier dans l'impression androgyne et érotique qui se manifeste dans Bacchus et plus explicitement dans un certain nombre de ses dessins[79]. Cependant, l'homosexualité supposée platonique et courtoise, voire refoulée, de l'artiste, reste très hypothétique et il est difficile de se prononcer sur les mœurs de Léonard[80].
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+ Léonard est passionné par la nature et les animaux au point d’acheter des oiseaux en cage pour leur rendre leur liberté[81]. Il est également très bon musicien. Il est admis que Léonard était gaucher et ambidextre, ce qui expliquerait son utilisation de l'écriture spéculaire[14].
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+ Malgré la relativement récente prise de conscience et l'admiration vouée à Léonard comme scientifique et inventeur, son immense renommée de la plus grande partie de ces quatre cents dernières années a reposé sur ses réalisations en tant que peintre et sur une poignée d'œuvres — authentifiées ou lui étant attribuées — qui ont été considérées comme faisant partie des plus beaux chefs-d'œuvre jamais créés[Note 17].
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+ Ces peintures sont célèbres pour de nombreuses raisons et qualités qui ont été beaucoup imitées par les étudiants et discutées très longuement par les connaisseurs et les critiques. Parmi les qualités qui font des travaux de Léonard, des pièces uniques sont souvent citées, les techniques novatrices qu'il a utilisées dans l'application de la peinture, sa connaissance approfondie de l'anatomie humaine et animale, de la botanique et la géologie, mais aussi son utilisation de la lumière, son intérêt pour la physiognomonie et la façon dont les humains utilisent le registre des émotions et les expressions gestuelles, son sens de la composition et celui, subtil, des dégradés de couleurs. Il maîtrisait notamment la technique du « sfumato » et le rendu des ombres et des lumières. Toutes ces qualités sont réunies dans ses tableaux les plus connus, La Joconde, La Cène et La Vierge aux rochers[82].
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+ Léonard a réalisé de très nombreux portraits de femmes, mais un seul portrait d’homme — celui d’un musicien — a été retrouvé à ce jour. On lui prête souvent la phrase suivante : « Le personnage le plus digne d’éloges est celui qui, par son mouvement, traduit le mieux les passions de l’âme », qui explique bien sa pensée de peintre. Cependant, il a aussi dessiné des croquis caricaturaux de ses contemporains dans la mode du grotesque.
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+ Léonard est célèbre pour ses dessins et ses peintures dans lesquels il introduit une conception innovante[83] de la perspective. Vinci estimait que les arts picturaux forment une science[84]. Mais l'utilisation, souvent supposée, du nombre d’or dans son œuvre n'est pas avérée[85]. Son travail sur les proportions, à l'image de l’Homme de Vitruve, se limite à l'usage de fractions d'entiers.
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+ Les premiers travaux de Léonard de Vinci commencent avec Le Baptême du Christ peint avec Andrea del Verrocchio, à qui il est attribué, et ses autres élèves. Deux autres peintures semblent dater de cette période à l'atelier et qui sont toutes les deux des « Annonciations » ; l'une est petite, large de cinquante-neuf centimètres pour seulement quatorze de haut. Il s'agit d'une prédelle se plaçant à la base d'une composition plus large, et, dans ce cas, pour un tableau de Lorenzo di Credi duquel il fut séparé. L'autre est un travail beaucoup plus important, de deux cent dix-sept centimètres de large[40].
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+ Dans ces deux annonciations, Léonard a dépeint la Vierge Marie, assise ou agenouillée à la droite de l'image, et un ange de profil s'approchant d'elle par la gauche. Un gros travail est fait sur les mouvements des vêtements et les ailes de l'ange. Bien que précédemment attribuée à Domenico Ghirlandaio, l'œuvre est désormais presque universellement attribuée à de Vinci[86].
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+ Dans le tableau le plus petit, Marie détourne ses yeux et plie ses mains dans un geste qui symbolise la soumission à la volonté de Dieu. Dans le tableau le plus grand cependant, Marie ne semble pas aussi docile ; la jeune femme, interrompue dans sa lecture par ce messager inattendu qu'est l'ange, place son doigt dans le livre saint pour repérer la page de sa lecture interrompue et lève la main dans un geste de salutation ou de surprise[68]. Son calme semble montrer qu'elle accepte son rôle de mère de Dieu, non pas avec résignation, mais avec confiance. Dans ce tableau, le jeune Léonard présente le visage humaniste de la Vierge Marie, reconnaissant le rôle de l'humanité dans l'incarnation de Dieu[Note 18]. Ce dernier tableau a visiblement été travaillé par plusieurs personnes, puisque certaines discontinuités de style sont perceptibles, comme une « erreur » de perspective sur le bras droit de Marie, le pré fleuri comme une broderie ou bien les ailes de rapace de l'ange[30]. Le style du lutrin du tableau pourrait être un clin d'œil au style du tombeau de Pierre de Médicis réalisé par Verrocchio en 1472[30].
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+ Dans les années 1480, Vinci reçoit deux très importantes commandes et commence à travailler à une autre œuvre qui est également d'une grande importance en termes de composition. Malheureusement, deux des trois œuvres n'ont jamais été terminées et la troisième a été si longue à créer qu'elle fut soumise à de longues négociations sur son achèvement et son paiement. L'un de ces tableaux est Saint Jérôme. Liana Bortolon, dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967), associe ce tableau à une période difficile de la vie de Léonard. Les signes de la mélancolie peuvent se lire dans son journal : « Je pensais que j'apprenais à vivre ; j'apprenais seulement à mourir[20]. »
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+ La composition du tableau est très inhabituelle, même s'il est vrai que certaines parties de celui-ci furent découpées[Note 19]. Le tableau dépeint la pénitence de Jérôme de Stridon dans le désert. Pénitent, Jérôme occupe le milieu de l'image, le corps légèrement en diagonale. Sa posture agenouillée prend une forme trapézoïdale, avec un bras tendu vers le bord extérieur de la peinture et son regard allant dans la direction opposée. Jack Wasserman souligne le lien entre cette peinture et les études anatomiques de Léonard[46]. Au premier plan de l'ensemble s'étend son symbole, un grand lion, dont le corps et la queue effectuent une double courbe à travers la base de l'image. L'autre caractéristique intéressante est l'aspect superficiel du paysage de pierres rocailleuses où se trouve le personnage.
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+ L'affichage audacieux et novateur de la composition, avec les éléments du paysage et le drame personnel, apparaît également dans le grand chef-d'œuvre inachevé qu'est L'Adoration des mages, une commande des moines de San Donato à Scopeto. C'est un tableau à la composition très complexe, et Léonard a fait de nombreux dessins et études préparatoires, y compris une très détaillée pour la perspective linéaire d'une ruine d'architecture classique qui sert de toile de fond à la scène. Mais, en 1482, Léonard part à Milan, à la demande de Laurent de Médicis, afin de gagner les bonnes grâces de Ludovic Sforza. Il abandonne donc son tableau[86],[10].
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+ Le troisième travail important de cette période est La Vierge aux rochers qui a été commandée à Milan pour la confrérie de l'Immaculée Conception. La peinture, faite avec l'assistance des frères, devait combler un grand retable, déjà construit[46]. Léonard a choisi de peindre un passage de l'enfance du Christ tiré des évangiles apocryphes, lorsque le petit Jean le Baptiste, sous la protection d'un ange, a rencontré la sainte Famille sur la route de l'Égypte. Dans cette scène, telle qu'elle a été peinte par Léonard de Vinci, Jean reconnaît et vénère Jésus comme le Christ. Le tableau montre des personnages gracieux s'agenouillant en adoration devant le Christ dans un environnement sauvage et un paysage rocheux[87]. Le tableau est quasiment aussi complexe que la peinture commandée par les moines de San Donato, même s'il a seulement quatre personnages — et non cinquante — et s'il dépeint un paysage plutôt qu'un fond architectural. Le tableau a été achevé, mais deux versions de la peinture ont en fait été réalisées : celle qui est restée à la chapelle de la confrérie et l'autre qu'a emportée Léonard en France. Mais les frères n'ont pas eu leur peinture avant le siècle suivant[10],[25]. Une seconde version de ce tableau, avec l'ajout des auréoles et du bâton de Jean le Baptiste sera faite quelques années plus tard.
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190
+ La plus célèbre peinture de Léonard pour la période des années 1490 est La Cène. Elle est peinte directement sur un mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan. La peinture représente le dernier repas partagé par Jésus et ses disciples avant sa capture et sa mort. Il montre précisément le moment où Jésus déclare : « l'un de vous va me trahir ». Léonard dépeint la consternation que cette déclaration a causée à l'ensemble des douze disciples de Jésus[25].
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192
+ Matteo Bandello a observé Léonard au travail et il écrit, dans une de ses nouvelles que, certains jours, il peint de l'aube au crépuscule sans même s'arrêter pour manger, et puis ne peint plus les trois ou quatre jours suivants[46]. Selon Vasari, cela provoque l'incompréhension du père supérieur, le prieur, qui chasse le peintre jusqu'à ce que Léonard demande au duc de Milan, Ludovic Sforza, d'intervenir. Vasari décrit également comment Vinci doute de sa capacité à peindre proprement les visages de Jésus et de Judas, affirmant au duc qu'il a peut-être utilisé le moine pour modèle[29].
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194
+ La fresque, achevée, est saluée comme un chef-d'œuvre de conception et de caractérisation[29], obtenant même plus tard l'admiration de Pierre Paul Rubens et de Rembrandt[33]. L'œuvre a été restaurée sans cesse, la peinture se détachant du support en plâtre[15]. La peinture s'est détériorée rapidement, de telle sorte qu'avant même le centième anniversaire de sa création, elle a été décrite par un témoin comme « totalement dévastée »[10]. Léonard, au lieu d'utiliser la technique éprouvée de la fresque, a utilisé la « technique de la tempera », un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments, alors que le support est principalement « gesso », un type de craie fait de carbonate de calcium minéral, ce qui a produit une surface sujette à la moisissure et à l'écaillage[10].
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196
+ Malgré ces déboires, la Cène est restée l'une des œuvres d'art les plus reproduites. Heureusement, une toile d'époque de grandes dimensions est exposée en l'abbaye de Tongerlo à Westerlo. Elle est une des copies les plus fidèles et les plus anciennes du chef-d'œuvre du maître italien : œuvre des élèves de Léonard, il semblerait qu'il aurait peint lui-même la tête de Jésus et celle de l'apôtre Jean. Les restaurateurs viennent chercher à Westerlo les couleurs exactes pour leurs travaux avant d'aller à Milan.
197
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198
+ Parmi les œuvres créées par Léonard dans les années 1500, se trouve un petit portrait connu sous le nom de La Joconde (1503-1506) ou, notamment pour les anglophones, sous le nom de « Mona Lisa ». Le tableau est connu, en particulier, pour l'insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s'accordent à dire qu'il s'agit de Lisa Gherardini. La qualité de la peinture est peut-être liée au fait que l'artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. La qualité des ombres, pour lesquelles le travail est réputé, a été appelée « sfumato » ou « la fumée de Léonard ». Giorgio Vasari a écrit que « le sourire est si agréable qu'il semble divin plutôt qu'humain ; ceux qui l'ont vu ont été très surpris de constater qu'il semble aussi vivant que l'original »[29]. Néanmoins, et pendant longtemps, les experts ont généralement admis que Vasari a pu n'avoir jamais connu la peinture autrement que par sa renommée, car il l'a décrite comme ayant des sourcils. Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l'hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que Léonard ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu'ils ont ensuite été enlevés, notamment parce qu'ils n'étaient pas en vogue au milieu du XVIe siècle. Effectivement, La Joconde aurait eu des sourcils et des cils qui ont, par la suite, été enlevés[88].
199
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200
+ Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire, laissant les yeux et les mains non concurrencés par d'autres détails, le paysage de fond spectaculaire[89], le travail des couleurs et la nature de la technique de peinture très douce employant des huiles, mais posées un peu comme la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables. Vasari a exprimé l'avis que la façon de peindre ferait même « le plus confiant des maîtres [de la peinture]… désespérer et perdre courage »[29]. L'état de conservation remarquable et le fait qu'il n'y ait aucun signe visible de réparations ou de surcouches repeintes sont extrêmement rares pour une peinture de cette période[40].
201
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202
+ Dans La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, la composition reprend de nouveau le thème de personnages dans un paysage que Jack Wasserman, dans son livre Leonardo da Vinci (1975), qualifie de « saisissant par sa beauté »[46] et renvoie à la peinture inachevée de saint Jérôme avec le personnage faisant un angle oblique avec l'un de ses bras. Ce qui rend La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne si rare est la présence de deux ensembles dans une perspective différente, mais se superposant. Marie est assise sur les genoux de sa mère, sainte Anne. Elle se penche en avant pour prendre dans ses bras l'enfant Jésus qui joue avec un agneau, signe de l'imminence de son propre sacrifice[25]. Ce tableau, copié à plusieurs reprises, a influencé Michel-Ange, Raphaël et Andrea del Sarto[10] et, à travers eux, Pontormo et Le Corrège. Le style de la composition a été adopté en particulier par les peintres vénitiens Le Tintoret et Paul Véronèse.
203
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204
+ Vinci n'a pas été un peintre prolifique, mais il l'a été comme dessinateur, remplissant ses journaux de petits croquis et de dessins détaillés afin de garder une trace de tout ce qui avait attiré son attention. En plus de ses notes, il existe de nombreuses études pour ses peintures, dont certaines peuvent être considérées comme préparatoires à des travaux tels que L'Adoration des mages, La Vierge aux rochers et La Cène[90]. Son premier dessin daté est un paysage, Paysage de la vallée de l'Arno (1473), qui montre la rivière, les montagnes, le château Montelupo et les exploitations agricoles au-delà de celui-ci dans le plus grand détail[20],[90].
205
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206
+ Parmi ses célèbres dessins, il y a l’homme de Vitruve, une étude des proportions du corps humain, la Tête de jeune femme préparatoire à la tête de l'ange dans La Vierge aux rochers et La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste, qui est un grand carton (160 × 100 cm) en craie blanche et noire sur un papier de couleur de sainte Anne[90]. Ce thème de sainte Anne sera, avec la sainte Famille, la dominance de l'œuvre de Léonard de 1500 à 1517[37]. Ce dessin emploie la technique subtile du sfumato, à la manière de La Joconde. Léonard ne semble jamais avoir fait une peinture à partir de ce dessin, mais un tableau assez proche en est La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne[10].
207
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208
+ Les autres dessins d'intérêt comprennent de nombreuses études généralement dénommées « caricatures » parce que, bien qu'exagérées, elles semblent être fondées sur l'observation de modèles vivants. Giorgio Vasari rapporte que, si Léonard voyait une personne qui avait un visage intéressant, il la suivait toute la journée pour l'observer[29]. Il existe de nombreuses études de beaux jeunes hommes, souvent associées à Salai, avec le visage rare, très admiré et caractéristique que l'on appelle le « profil grec »[Note 20]. Ces visages sont souvent en contraste avec ceux d'un guerrier[90]. Salai est souvent dépeint dans des costumes et des déguisements. Léonard est connu pour avoir conçu des décors pour des processions traditionnelles. D'autres dessins, souvent minutieux, montrent des études de draperies. Le Musée Léon-Bonnat de Bayonne conserve un dessin de Léonard de Vinci représentant Bernardo di Bandino Baronchelli (l'un des assassins de Julien de Médicis lors de la conjuration des Pazzi), après sa pendaison à l’une des fenêtres du Palazzo del Capitano di Giustizia à Florence, le 29 décembre 1479[91].
209
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210
+ L'humanisme de la Renaissance ne lie pas les sciences et les arts. Cependant, les études de Vinci en sciences et en ingénierie sont aussi impressionnantes et novatrices que son travail artistique, enregistrées dans des carnets de notes comprenant quelque treize mille pages d'écriture et de dessins, qui associent art et philosophie naturelle (la base de la science moderne). Ces notes ont été réalisées et mises à jour quotidiennement pendant toute la vie et les voyages de Léonard. Continuellement, il s'efforce de faire des observations du monde qui l'entourait[25], conscient et fier d'être, comme il se définissait, un « homme sans lettres », autodidacte et lucide sur les phénomènes naturels souvent bien éloignés de ce qui était appris à l'école[33].
211
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212
+ Ces journaux sont, pour la plupart, rédigés en toscan dans une écriture spéculaire plus communément appelée « écriture en miroir ». La raison peut avoir été davantage un besoin pratique, pour être plus rapide, que pour des raisons de chiffrement afin d'échapper à la censure de son temps ou de garder ses notes de travail secrètes, comme cela est souvent suggéré (thèse du mathématicien Luca Pacioli dès le XVe siècle, réfutée car cette écriture se lit facilement à l'aide d'un miroir, par ailleurs Léonard truffe ses notes d'abréviations et c'est plutôt cette caractéristique qui en rendent la lecture plus difficile). Comme Léonard écrivait avec sa main gauche, il devait être plus facile pour lui d'écrire de droite à gauche. En effet la main fournit moins d'effort et cette technique évite de laisser des traînées ou effacer l'encre humide en passant dessus sa main qui tient la plume d'oie. Néanmoins, il rédige occasionnellement de gauche à droite, ce qui montre qu'il maîtrise aussi cette technique[92].
213
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214
+ Ses notes et dessins, dont les plus anciens sont datés de 1475[30], montrent une grande variété d'intérêts et de préoccupations, mais aussi certaines listes quelconques d'épicerie ou de ses débiteurs. Il y a des compositions pour des peintures, des études de détails et de tapisseries, des études de visages et d'émotions, des animaux, des bébés, des dissections, des études botaniques et géologiques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux architecturaux[25].
215
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216
+ Ces carnets de notes — initialement des feuilles volantes de différentes tailles et de différents types, données par ses amis après sa mort — ont trouvé leur place dans les collections importantes comme celles exposées au château de Windsor, à la Bibliothèque de l'Institut de France[93], à la Bibliothèque nationale d'Espagne, à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, au Victoria and Albert Museum et à la British Library de Londres. La British Library a mis une sélection à partir de ses notes (BL Arundel MS 263) sur l'Internet dans les pages de son site abordant ce chapitre[94]. Le Codex Leicester est le seul grand travail scientifique de Vinci qui soit entre les mains d'un propriétaire privé (Bill Gates).
217
+
218
+ Les journaux de Léonard semblent avoir été destinés à la publication, car beaucoup de feuilles ont une forme et un ordre qui en faciliteraient l'édition. Dans de nombreux cas, un seul thème, par exemple, le cœur ou le fœtus humain, est traité en détail à la fois dans les mots et les images, sur une seule feuille[95]. Ce mode d'organisation minimise également la perte de données dans le cas où les pages seraient mélangées ou détruites. La raison pour laquelle ces journaux n'ont pas été publiés alors que Léonard était encore en vie est inconnue[25], mais certains estiment que la société n'était pas prête pour cela, notamment l'Église vis-à-vis de ses travaux anatomiques.
219
+
220
+ En 2019, une étude scientifique menés par des chercheurs du musée des Offices de Florence démontre que Léonard de Vinci est ambidextre à partir de l'analyse du dessin le Paesaggio[96].
221
+
222
+ L'approche de la science par Léonard est très liée à l'observation : si « la Science est le capitaine, la pratique est le soldat »[33]. Sa science, ses recherches scientifiques ne portent exclusivement que sur les parties qu'il a pratiquées en technicien[19]. Léonard de Vinci a essayé de comprendre un phénomène en le décrivant et en l'illustrant dans les plus grands détails, en n'insistant pas trop sur les explications théoriques. Ses études sur le vol ou le mouvement de l'eau sont sans doute ce qu'il y a de plus remarquable à ce sujet. Comme il manquait d'instruction initiale en latin et en mathématiques, les chercheurs contemporains ont largement ignoré le savant Léonard, bien qu'il ait appris par lui-même le latin.
223
+
224
+ Dans les années 1490, il a étudié les mathématiques à la suite de Luca Pacioli et a fait une série de dessins de solides réguliers dans une forme squelettique afin de les faire graver pour son livre Divina Proportione (1509)[25]. Il est alors particulièrement fasciné par l'idée de l'absolu et de l'universel[33]. Cependant, sa culture mathématique est celle d'un praticien : elle a les objectifs limités des abacistes de son temps, il pénètre avec peine la géométrie des Grecs, sa perspective est celle de tous les théoriciens de son temps. Néanmoins, au-delà du simple aspect géométrique de la représentation de la perspective, il propose dans son Traité de la Peinture, une triple définition de la perspective :
225
+
226
+ 1° : perspective linéaire (diminution de la taille des objets proportionnellement à leur distance à l'observateur, perspective géométrique ss)[98],
227
+
228
+ 2° : perspective des couleurs (atténuation des couleurs proportionnellement à leur distance à l'observateur)[99],
229
+
230
+ 3° : perspective d’effacement (diminution de la précision des détails proportionnellement à leur distance à l'observateur)[100].
231
+
232
+ Également, Léonard a conçu un instrument à système articulé destiné à construire une solution mécanique du problème d'Alhazen, problème essentiellement technique, et qui témoigne d'une connaissance sur les lois de la réflexion[19].
233
+
234
+ De même, la mécanique de Léonard est celle de ses contemporains, avec ses faiblesses, ses incertitudes, ses erreurs et il ne paraît pas qu'il ait apporté beaucoup de découvertes en la matière. Sa physique est assez confuse et vague. Il ne fut certainement jamais artilleur et n'a pas de théorie relative à la balistique. Pourtant, comme l’attestent certains de ses schémas, Léonard de Vinci eut peut-être l’intuition, comme on pouvait l’observer sur un jet d’eau, qu’il n’existait pas de partie rectiligne dans la trajectoire d’un projectile d’artillerie contrairement à ce qui était couramment admis à l’époque. Mais il s’arrêta très vite sur une voie que Tartaglia puis Benedetti allaient suivre et qui mena à Galilée[19].
235
+
236
+ Si Alberti ou Francesco di Giorgio Martini se préoccupèrent de la solidité des poutres, jamais ils n’avaient cherché de formulations mathématiques. Léonard de Vinci s’intéresse au problème de la flexion, sans doute à l’aide d’expériences, et parvient à définir des lois, encore imparfaites[Note 21], de la ligne élastique pour des poutres de différentes sections, libres ou encastrées dont le problème de Galilée (problème du balcon). Ce faisant, il élimine le module d’élasticité et le moment auquel avait pourtant fait allusion Jordanus Nemorarius[19].
237
+
238
+ Sa chimie se borne à la mise au point d'un alambic et aux quelques recherches d'alchimie qu'il pratiqua à Rome[19].
239
+
240
+ Paul Valéry met en avant la manière dont Léonard de Vinci a découvert intuitivement, par l'observation, « le premier germe de la théorie des ondulations lumineuses », sans cependant pouvoir la valider de manière expérimentale : « L'air est rempli d'infinies lignes droites et rayonnantes, entrecroisées et tissées sans que l'une n'emprunte jamais le parcours d'une autre, et elles représentent pour chaque objet la vraie forme de leur raison (de leur explication)[101]. »
241
+
242
+ Léonard de Vinci étudia aussi beaucoup la lumière et l'optique[45] ; en hydrologie, la seule véritable loi qu'il ait formulée est celle du débit des cours d'eau.
243
+
244
+ Il semble que, à partir du contenu de ses carnets, il ait envisagé de publier une série de traités sur une grande variété de sujets. À plusieurs reprises il mentionne un projet de traité de l'eau, mais qui paraît avoir été si considérable dans sa pensée qu'il semblait irréalisable[19]. Un traité d'anatomie aurait été observé au cours d'une visite par le secrétaire du cardinal Louis d'Aragon en 1517[102].
245
+
246
+ Son élève Francesco Melzi, chercha à reconstituer le Traité de la peinture que Léonard de Vinci avait projeté toute sa vie d'écrire. Il compila pour cela les aspects de son travail sur l'anatomie, la lumière et les ombres, les drapés, les paysages. Une édition partielle et incomplète du travail de Francesco Melzi parut en 1651, en italien, puis en français. Charles Le Brun présenta l’édition française du Traité de la peinture aux membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme le livre qui devait leur servir désormais de référence (malgré les critiques d‘Abraham Bosse et le scepticisme de Félibien[103]). C’est ainsi que Léonard de Vinci fut transformé « en précurseur de la pensée académique », selon la formule de Daniel Arasse[25].
247
+
248
+ La formation initiale de Léonard à l'anatomie du corps humain a commencé lors de son apprentissage avec Andrea del Verrocchio, son maître insistant sur le fait que tous ses élèves apprennent l'anatomie. Comme artiste, il est rapidement devenu maître de l'anatomie topographique, en s'inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d'autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l'anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition. Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à cause des problèmes d'hygiène et de conservation des corps.
249
+
250
+ Comme artiste connu, il a reçu l'autorisation de disséquer des cadavres humains à l'hôpital de Santa Maria Nuova à Florence et, plus tard, dans les hôpitaux de Milan et de Rome (de 1513 et 1516, il y dirige plusieurs autopsies dans l'hôpital romain Santo Spirito in Sassia). Il réalise ainsi une vingtaine de dissections à partir de 1487 pour composer un traité d'anatomie[104] qui ne verra jamais le jour[105]. De 1510 à 1511, il a collaboré dans ses recherches avec le médecin Marcantonio della Torre.
251
+
252
+ Léonard a dessiné de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d'autres organes internes. Ces observations contiennent parfois des inexactitudes dues aux méconnaissances de l'époque[15]. Il n'a par exemple jamais entrevu la circulation du sang[19]. Il a par contre identifié quatre cavités cardiaques dans le cœur (Vésale et Descartes n'y en verront que deux), fait l'un des premiers dessins scientifiques d'un fœtus dans l'utérus[90] et la première constatation scientifique de la rigidité des artères à la suite d'une crise cardiaque. Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l'âge et de l'émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d'importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie[25],[90].
253
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254
+ Il a aussi étudié et dessiné l'anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l'homme. Il étudia également les chevaux.
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256
+ « Combien de biographies n'a-t-on pas écrites, qui ne mentionnent cette activité scientifique ou technique que pour montrer l'étendue d'un savoir qu'on veut universel […] Tout ceci n'a pu se faire que péniblement, par une recherche constante de ce qu'avaient écrit les anciens ou les prédécesseurs immédiats […] Et faute de connaître tout ce passé qui l'avait fait, on a présenté Léonard comme un inventeur fécond »
257
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+ — Bertrand Gille, dans Les ingénieurs de la Renaissance[19]
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+
260
+ Léonard de Vinci s’inscrit dans le courant technicien de la Renaissance et, comme tel, il eut des prédécesseurs immédiats ou plus lointains parmi lesquels on peut citer Konrad Kyeser, Taccola, Roberto Valturio, Filippo Brunelleschi, Jacomo Fontana ou encore Leon Battista Alberti à qui il doit sans doute beaucoup[19].
261
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262
+ Certains furent des personnalités plus puissantes, des esprits plus complets, des curiosités plus larges encore. C’est le cas de Francesco di Giorgio Martini qui fut son supérieur lors de la construction du dôme de Milan et à qui il emprunta certainement beaucoup[19]. Étant sans doute moins occupé par ses réalisations que ce dernier du fait d’un carnet de commandes moins rempli, Léonard de Vinci sera à la fois plus prolifique, mais surtout capable d’un changement de méthode.
263
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264
+ La légende fait de Léonard le précurseur de plusieurs machines modernes mais nombre d'entre elles ont été inventées par des prédécesseurs (tels le bateau à roues à aubes existant sous la dynastie des Song du Sud au Ve siècle, l'hélicoptère, le véhicule à chenilles, la machine à tisser des scies hydrauliques, le sous-marin ou le char d'assaut blindé que Léonard perfectionne après avoir puisé ses idées notamment dans les carnets de Taccola et de son maître Giorgio, eux-mêmes copiant des manuscrits de penseurs contemporains ou médiévaux[106]) et, au-delà de l'étonnement éprouvé face à l’imagination prospective de l’auteur, on peut vite constater que le fonctionnement réel de la machine n’a pas dû être son souci premier. Comme le moine Eilmer de Malmesbury au XIe siècle qui avait oublié la queue dans sa machine volante, les inventions de Léonard butent sur de nombreuses difficultés : l’hélicoptère s’envolerait comme une toupie, le scaphandrier s’asphyxierait, le bateau à aubes n’avancerait pas, le parachute en pyramide s'enroulerait sur lui-même, etc.[107]. De plus, dans ces épures, Léonard ne pose jamais le problème de la force motrice[108].
265
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266
+ Dans une lettre d'emploi adressée à Ludovic Sforza[Note 22], qui est une véritable lettre de candidature en dix points, il lui présente son profil professionnel, le meilleur du marché, avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre. Il énumère : ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, c'est-à-dire toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège[109].
267
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268
+ Quand il a fui à Venise en 1499, il a trouvé un emploi d'ingénieur et a développé un système de barrières mobiles pour protéger la ville contre les attaques terrestres. Il a également eu pour projet de détourner la circulation de l'Arno afin d'irriguer les champs toscans, de faciliter le transport et même de gêner l'approvisionnement maritime de Pise, la rivale de Florence[37].
269
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270
+ Ses carnets présentent un grand nombre d'« inventions » (inventions propres ou perfectionnement de machines et d'instruments) à la fois pratiques et réalistes[110], notamment des pompes hydrauliques, des mécanismes à manivelle comme la machine à tailler les vis de bois, des ailettes pour les obus de mortier, un canon à vapeur[20],[25], le sous-marin, plusieurs automates, le char de combat, l'automobile, des flotteurs pour « marcher sur l'eau », la concentration d'énergie solaire, la calculatrice, le scaphandre à casque, la double coque ou encore le roulement à billes. La paternité de la bicyclette est, quant à elle, très controversée[Note 23].
271
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272
+ Un examen attentif de ces épures indique cependant que nombre de ces techniques furent, soit empruntées à quelques prédécesseurs immédiats (la turbine hydraulique à Francesco di Giorgio Martini, la chaîne articulée pour la transmission des mouvements à Taccola, etc.), soit l'héritage d'une tradition encore plus ancienne (le martinet hydraulique est connu au XIIIe siècle, les siphons et aqueducs sont visibles chez Frontin, les automates de divertissement décrits par les mécaniciens grecs…)[19]. Pourtant Léonard fut aussi novateur ; il est sans doute l'un des premiers dans le cercle des ingénieurs de l'époque à s'intéresser au travail mécanique du métal et en particulier de l'or, plus malléable. Avec la machine volante, les quelques machines textiles, pour lesquelles la régularité des mouvements mis en œuvre lui permet d'appliquer son sens de l'observation, signent son originalité. Le métier mécanique, la machine à carder et celle à tondre les draps font sans doute de Léonard, le premier qui chercha à mécaniser une fabrication industrielle. La machine à polir les miroirs qui supposait la résolution d'un certain nombre de problèmes pour obtenir des surfaces régulières, planes ou concaves, a été imaginée pendant son séjour romain alors qu'il étudiait la fabrication des images. Paradoxalement, Léonard de Vinci s'intéressa peu à des inventions que nous jugeons aujourd'hui très importantes, telles que l'imprimerie, même s'il est un des premiers à nous donner une représentation d'une presse d'imprimerie[19].
273
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274
+ Si la guerre peut répondre à une nécessité, elle est pazzia bestialissima (« folie sauvage »)[33]. Il étudie donc les armes tout en gardant du recul quant à leur utilisation.
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276
+ En 1502, Léonard a dessiné un pont de deux cent quarante mètres dans le cadre d'un projet de génie civil pour le sultan ottoman Bayezid II d'Istanbul. Ce pont était destiné à franchir l'embouchure du Bosphore, connue sous le nom de la « Corne d'Or ». Beyazid ne poursuit pas le projet, car il estime que cette construction serait impossible. La vision de Léonard a été ressuscitée en 2001 quand un petit pont conçu selon ses idées a été construit en Norvège. Le 17 mai 2006, le gouvernement turc a décidé de construire le pont de Léonard pour la Corne d'Or[111].
277
+
278
+ Pendant la majeure partie de sa vie, Léonard a été, comme Icare, fasciné par le vol. Il a produit de nombreuses études sur ce phénomène en s'inspirant des oiseaux et des plans de vol de plusieurs appareils, dont les prémices d'hélicoptère nommées la « vis aérienne », le parachute et une sorte de deltaplane[25] en bambou. Sur ce nombre, la plupart étaient irréalisables, mais le deltaplane a été construit et, avec l'ajout un empennage pour la stabilité, a volé avec succès. Néanmoins, il semble probable qu'il estimait que les systèmes proches des chauves-souris avaient le plus gros potentiel[33]. Il inventa également la soufflerie aérodynamique pour ses travaux.
279
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280
+ Le musée du clos Lucé à Amboise, le musée Il Castello situé au château de comtes Guidi de Vinci et le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci de Milan contiennent de nombreuses maquettes, des objets grandeur nature établis sur l’étude de ses carnets et des explications sur son travail.
281
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282
+ De Vinci a également étudié l'architecture. Il est influencé par les travaux de Filippo Brunelleschi et a projeté de surélever le baptistère Saint-Jean de Florence[30] ou de créer une tour-lanterne pour la cathédrale de Milan[33]. Il utilise souvent la forme octogonale pour les bâtiments religieux et le cercle pour les militaires[37]. À la suite de la peste qui frappe Milan vers 1484 et 1485, il conçoit une ville parfaite théorique avec des axes de circulation optimaux et des conditions de vie de qualité, sa vision n'est pas marquée par des distinctions sociales, mais fonctionnelles, tels des organes dans un corps humain[33]. Il travaille également sur les jardins[45]. Néanmoins, beaucoup de ses travaux sur l'architecture seront perdus.
283
+
284
+ Léonard de Vinci a un besoin de rationaliser inconnu jusqu’alors chez les techniciens. Avec lui la technique n’est plus affaire d’artisans, de personnes ignorantes et de traditions plus ou moins valables et plus ou moins comprises par ceux qui étaient chargés de l’appliquer. George Sarton, historien des sciences, indique que Léonard de Vinci a recueilli une « tradition orale et manuelle, non une tradition littéraire[112]. »
285
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286
+ C’est d’abord par les échecs, par les erreurs, par les catastrophes qu’il essaie de définir la vérité : les lézardes des murs, les affouillements destructeurs des berges, les mauvais mélanges de métaux sont autant d’occasions de connaître les bonnes pratiques.
287
+
288
+ Progressivement, il élabore une sorte de doctrine technique, née d’observations bientôt suivies d’expériences qui furent parfois conduites sur de petits modèles. Harald Höffding présente sa pensée comme un mélange d’empirisme et de naturalisme[113]. En effet, si pour Léonard de Vinci « La sagesse est la fille de l'expérience »[114], elle permet de vérifier constamment ses intuitions et théories, car « L'expérience ne se trompe jamais ; ce sont vos jugements qui se trompent en se promettant des effets qui ne sont pas causés par vos expérimentations »[114].
289
+
290
+ La méthode de Léonard de Vinci a certainement consisté dans la recherche de données chiffrées[112] et son intérêt pour les instruments de mesure en témoigne. Ces données étaient relativement faciles à obtenir dans le cas des poutres en flexion par exemple, beaucoup plus compliquées dans le domaine des arcs ou de la maçonnerie. La formulation des résultats ne pouvait être que simple, c’est-à-dire exprimée le plus souvent par des rapports. Cette recherche effrénée de l’exactitude est devenue la devise de Léonard de Vinci, Hostinato rigore (« obstinée rigueur »)[115]. C’est néanmoins la première fois qu’on voit appliquer de telles méthodes dans les métiers où on dut longtemps se contenter de moyens irraisonnés d’appréciation.
291
+
292
+ Ce faisant, Léonard en est arrivé à pouvoir poser des problèmes en termes généraux. Ce qu’il cherche avant tout ce sont des connaissances générales, applicables dans tous les cas, et qui sont autant de moyens d’action sur le monde matériel. Pour autant sa « science technique » reste fragmentaire. Elle s’attache à un certain nombre de problèmes particuliers, traités très étroitement, mais il y manque encore la cohérence d’ensemble qu'on trouvera bientôt chez ses successeurs[19].
293
+
294
+ Pour lui, cette recherche dans tous les domaines de la science et de l'art est normale, car tout est lié. Sa curiosité et son activité perpétuelle constituent le moyen de garder un esprit vivace, car « Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit »[114]. Léonard de Vinci considère la peinture, par exemple, comme l'expression visuelle d'un tout ; l'art, la philosophie et la science sont, selon lui, indissociables et pouvant expliquer en partie son approche de polymathe et « Qui blâme la peinture n'aime ni la philosophie ni la nature »[114]. En proposant une « synthèse par la beauté », Léonard de Vinci illustre à lui seul ce que fut le grand courant d'innovation de la Renaissance[116].
295
+
296
+ Cependant, cette tentative de grande synthèse - art-science - fût un échec et marqua la séparation « croissante et définitive » des domaines que sont l’art et les sciences, et marque ainsi le début de l’âge moderne[Note 24].
297
+
298
+ Léonard de Vinci pense que l'homme doit s'engager activement à combattre le mal et faire le bien, car « Celui qui néglige de punir le mal aide à sa réalisation »[114]. Il indique également qu'il ne se fait aucune illusion sur la nature de l'homme et de la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fait en préambule à une présentation du sous-marin :
299
+
300
+ « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent[118]. »
301
+
302
+ Léonard de Vinci place également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles :
303
+
304
+ « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit[114]. »
305
+
306
+ Léonard de Vinci, connu de son vivant pour acheter des oiseaux en cage afin de les libérer[119], était aussi célèbre pour être végétarien par refus de nuire aux animaux (à la manière des « Guzzarati » ou hindous)[120], ce qui peut ainsi le mettre dans la lignée de la philosophie de Pythagore ou d'Empédocle d'Agrigente (qui inspirèrent aussi Giordano Bruno). Léonard de Vinci écrit à ce propos :
307
+
308
+ « Homme, si vous êtes vraiment, comme vous le décrivez, le roi des animaux, — j'aurai dit plutôt le roi des brutes, la plus grande de toutes ! — pourquoi prenez-vous vos sujets et enfants pour satisfaire votre palais, pour des raisons qui vous transforment en une tombe pour tous les animaux ? […] La Nature ne produit-elle peut-être pas en abondance des aliments simples ? Et si vous ne pouvez pas vous contenter de tels aliments simples, pourquoi ne préparez-vous point vos repas en mélangeant entre eux ces aliments [d'origines végétales] de façon sophistiquée ? »
309
+
310
+ — Quaderni d’Anatomia II 14 r.
311
+
312
+ Léonard de Vinci incarne parfaitement l’esprit de la Renaissance, époque des « Grandes Découvertes ». Génie universel, curieux de tout, parfois vu comme un personnage entre Faust et Platon[45], il a consacré sa vie à la recherche de la connaissance. Il imagine de multiples appareils et machines, dont la première « machine volante », qui resteront au stade de dessins. Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploie dans l’ensemble des activités qu’il aborde, aussi bien en art qu’en technique — les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit — notamment en horlogerie, procède d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés çà et là, qui tend vers un surpassement de ce qui existe déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure. « Léonard de Vinci se classe mal et c'est en ce sens qu'il a paru exceptionnel »[19].
313
+
314
+ De son vivant, Léonard a déjà une renommée telle que le roi François Ier l'a ramené en France comme un trophée, et a affirmé l'avoir accompagné dans sa vieillesse et l'avoir tenu dans ses bras quand il est mort. La Mort de Léonard de Vinci, telle que représentée par Dominique Ingres, constitue cependant une vision apparemment très romancée. En réalité, François Ier était probablement à Saint-Germain-en-Laye au moment de son décès, en effet il y a signé un édit royal le lendemain du décès de Léonard de Vinci, le 3 mai[121].
315
+
316
+ L'intérêt pour de Vinci n'a jamais diminué depuis cette période. Giorgio Vasari, dans Le Vite, édition de 1568[29], introduit son chapitre sur Léonard de Vinci avec les mots suivants :
317
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318
+ « Dans le cours normal des événements, beaucoup d'hommes et de femmes sont nés avec des talents remarquables ; mais, parfois, d'une manière qui transcende la nature, une seule personne est merveilleusement dotée par le paradis avec beauté, la grâce et le talent dans une telle abondance qu'il laisse les autres hommes loin derrière. Tous ses actes semblent inspirés et, de fait, tout ce qu'il fait vient clairement de Dieu plutôt que de compétences humaines. Tout le monde reconnaît que c'était vrai pour Léonard de Vinci, un artiste d'une beauté physique étonnante, qui a affiché une grâce infinie dans tout ce qu'il a fait et qui cultivait son génie si brillamment que tous les problèmes qu'il a étudiés, il les résolvait avec facilité[29]. »
319
+
320
+ Giorgio Vasari pose ainsi les premiers jalons du mythe de Léonard de Vinci : peintre parfait, courtisan et bel homme, génie ombrageux fasciné par la laideur, mais incapable d'achever ses travaux, les anecdotes de Vasari étant reprises et remaniées dans les biographies de Léonard de Vinci jusqu'à aujourd'hui[122].
321
+
322
+ L'admiration continue qu'ont eue, pour Léonard, les peintres, les critiques et les historiens, se reflète dans de nombreux autres hommages écrits. Baldassare Castiglione, auteur du Livre du courtisan, écrit, en 1528 : « Un autre des plus grands peintres de ce monde, qui regarde d'en haut son art dans lequel il est sans égal »[123] tandis que le biographe « Anonimo » Gaddiano a écrit, vers 1540 : « Il fut si exceptionnel et universel qu'on peut le dire né d'un miracle de la nature »[124].
323
+
324
+ Les écrits de Léonard de Vinci ne sont publiés qu'un siècle après sa mort ; l'édition bilingue français-italien de son Traité de la peinture (Trattato della pittura di Leonardo da Vinci), est éditée à Paris en 1651. Ses tableaux ne sont alors pas étudiés, n'étant redécouverts, comme ses Carnets (le premier carnet à être étudié correspond à des extraits inédits des manuscrits du Codex Atlanticus que le physicien italien Giovanni Battista Venturi déchiffre en 1797 à Paris[125]), qu'au XVIIIe et surtout au XIXe siècle qui voit en lui un prophète de la modernité[122].
325
+
326
+ Le XIXe siècle a introduit une certaine admiration pour le génie Léonard, Johann Heinrich Füssli écrivant en 1801 : « Ainsi fut l'aube de l'art moderne, lorsque Léonard de Vinci apparut avec une splendeur qui distançait l'excellence habituelle : composé de tous les éléments qui constituent l'essence même du génie »[126], ce qui est repris par A. E. Rio, qui écrit en 1861 : « Il était au-dessus de tous les autres artistes grâce à la force et la noblesse de ses talents »[127]. La variété du champ d'application de Léonard, transmise par ses carnets est connue, ainsi que ses peintures. Hippolyte Taine écrit en 1866 : « Il ne peut sans doute pas y avoir dans le monde un exemple d'un génie si universel, si capable de s'épanouir, si empli de nostalgie envers l'infini, si naturellement raffiné, si autant en avance sur son propre siècle et les siècles suivants[128]. » Le célèbre historien d'art Bernard Berenson écrit en 1896 : « Léonard est un artiste dont on peut dire avec une parfaite littéralité : tout ce qu'il a touché s'est transformé en une chose d'une éternelle beauté. Qu'il s'agisse de la section transversale d'un crâne, la structure d'une mauvaise herbe ou une étude des muscles, il l'a, avec son sens de la ligne et de la lumière et de l'ombre, à jamais transformée en des valeurs qui communiquent la vie[129]. Charles Baudelaire le cite même dans Les Fleurs du mal (1857)[130]. »
327
+
328
+ L'intérêt pour le génie Léonard s'est maintenu sans relâche ; des experts étudient et traduisent ses écrits, analysent ses tableaux en utilisant des techniques scientifiques, argumentent sur les œuvres qu'on lui attribue et recherchent des œuvres qui ont été enregistrées, mais jamais découvertes[131]. La critique d'art Liana Bortolon (it) écrit dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967) : « En raison de la multiplicité des intérêts qui l'ont incité à poursuivre tous les domaines de connaissances, […] Léonard peut être considéré, à juste titre, d'avoir été le génie universel par excellence et avec toutes les harmoniques inhérentes à ce terme. L'homme est aussi mal à l'aise aujourd'hui face à un génie qu'il l'a été au XVIe siècle. Cinq siècles se sont écoulés et nous voyons encore Léonard avec une grande frayeur[20]. » Les foules font toujours la queue pour voir ses plus célèbres œuvres d'art : par exemple, le Musée du Louvre doit une grande part de sa notoriété à La Joconde.
329
+
330
+ Avec le best-seller Da Vinci Code, roman mêlant faits historiques et artifices scénaristiques, Dan Brown a donné un nouvel élan à l'intérêt pour de Vinci en 2003. Le roman a été adapté au cinéma par Ron Howard.
331
+
332
+ D'après un article du Monde[132], la boîte de vitesses de la Tata Nano a été imaginée à partir d'un modèle Léonard de Vinci : il s'agit tout simplement d'une lanterne en forme de tronc de cône qu'il était sans doute difficile de manœuvrer pour la laisser en contact avec la roue dentée sur laquelle elle s'engrenait[19].
333
+
334
+ En 2007, un couple de chercheurs italiens a émis une hypothèse sur la présence d'une partition de musique cachée à l'intérieur de La Cène. La disposition des mains des personnages et des pains sur la table donnerait une petite mélodie[133].
335
+
336
+ Le 26 avril 2008, un saut a été réalisé avec un parachute conçu selon les croquis et textes de Léonard de Vinci datant de 1485. Le Suisse Olivier Vietti-Teppa s'est élancé au-dessus de l'aéroport militaire de Payerne depuis un hélicoptère en vol stationnaire à 650 mètres d'altitude, avec une réplique du parachute fabriquée avec des matériaux modernes[134],[135] : il mesura une vitesse de chute de 3,9 m/s et put atterrir normalement[136]. En 2000, le Britannique Adrian Nicholas avait également réalisé un saut avec une réplique du parachute, mais celui-ci étant plus fidèle à l'original, il pesait 80 kg et présentait des risques à l'atterrissage. L'homme avait abandonné la réplique en vol pour faire un atterrissage avec un parachute actuel.
337
+
338
+ Le 18 décembre 2008, lors d'une restauration, des membres du personnel du Musée du Louvre à Paris découvrent trois dessins représentant une tête de cheval, un crâne et un enfant au dos de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, vraisemblablement de Léonard de Vinci[137].
339
+
340
+ En France, en 2015, 94 établissements scolaires portent son nom, fait rarissime pour une personnalité étrangère[138].
341
+
342
+ Le 15 novembre 2017, son tableau Salvator Mundi reconnu authentique en 2005, est vendu à New York chez Christie's pour la somme de 450,3 millions de dollars, ce qui en fait la toile la plus chère du monde et de l'histoire[139].
343
+
344
+ A l'occasion des 500 ans de sa mort en 2019, le musée du Louvre à Paris consacre une exposition évènement regroupant un très grand nombre de chef-d'oeuvres attribués à Léonard de Vinci[140].
345
+
346
+ Ce classement est fait selon les tendances générales des experts. La difficulté étant que les travaux « d'atelier » ne sont signés que par le propriétaire de cet atelier et qu'il manque d'œuvres de références pour Vinci, notamment dans la sculpture.
347
+
348
+ Francesco Melzi s‘efforça jusqu’à sa mort de reconstituer le Trattato della pittura projeté par Léonard de Vinci. Son manuscrit, un travail « très avancé, mais inachevé », selon André Chastel, est conservé à la Bibliothèque du Vatican sous la référence Codex Urbinas latinus 1270. La première édition du Tratatto della pittura, parue en 1651, en italien puis en français, est établie sur une copie du Codex Urbinas latinus 1270 que possédait Cassiano Dal Pozzo. L’édition de Guglielmo Manzi, parue en 1817, est la première établie directement sur le Codex Urbinas latinus 1270.
349
+
350
+ La relation amoureuse entre Léonard et Salai, le rôle de ce dernier comme modèle de la Joconde se retrouve dans les bandes dessinées :
351
+
352
+ Dans sa série en deux parties S.H.I.E.L.D. entre 2010 et 2018, Jonathan Hickman scénarise un Léonard De Vinci au sein d'une structure secrète protégeant l'humanité contre toute sorte de fléaux depuis des siècles. Cette Confrérie du Bouclier donnera naissance au SHIELD dans les aventures des héros Marvel. Léonard y est opposé à Isaac Newton.
353
+
354
+ Dans la bande dessinée Le Guide ou le secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky)[143] de Bruno Bertin (Éd. P'tit Louis, 2012), un ouvrier qui travaille dans une chambre du Clos Lucé découvre une petite boite de métal dans un mur. Des enfants qui se rendent en Touraine pour faire un exposé tombent sur cette boîte... L'histoire, qui se déroule à Amboise, au château d'Amboise et au Château du Clos Lucé, sert de prétexte à la découverte de Léonard de Vinci, d'Amboise et de ses monuments historiques[144]. La bande dessinée est déclinée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P'tit Louis, 2013).
355
+
356
+ Des disques permettent de mettre en relation des compositions de la Renaissance avec la vie de Léonard de Vinci :
357
+
358
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+ Léonard de Vinci (italien : Leonardo di ser Piero da Vinci écouter, dit Leonardo da Vinci[Note 2]), né le 15 avril 1452 à Vinci (Toscane) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), est un peintre italien[1],[2] et un homme d'esprit universel, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes[3], scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
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+ Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur florentin Andrea del Verrocchio. Ses premiers travaux importants sont réalisés au service du duc Ludovic Sforza à Milan. Il œuvre ensuite à Rome, Bologne et Venise et passe les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François Ier.
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+ Léonard de Vinci est souvent décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace »[Note 3], et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention[5]. Nombre d'auteurs et d'historiens le considèrent comme l'un des plus grands peintres de tous les temps et certains comme la personne la plus talentueuse dans le plus grand nombre de domaines différents ayant jamais vécu[Note 4],[Note 5].
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+ C'est d'abord comme peintre que Léonard de Vinci est reconnu. Deux de ses œuvres, La Joconde et La Cène, sont des peintures mondialement célèbres, souvent copiées et parodiées[5], et son dessin de l’Homme de Vitruve est également repris dans de nombreux travaux dérivés. Seule une quinzaine de tableaux sont parvenus jusqu'à nous[Note 6]. Ce petit nombre est dû à ses expérimentations constantes et parfois désastreuses de nouvelles techniques et à sa procrastination chronique[7]. Néanmoins, ces quelques œuvres, jointes à ses carnets contenant plus de 6 000 pages[8] de notes, dessins, documents scientifiques et réflexions sur la nature de la peinture (rassemblés en dix Codex publiés au XIXe siècle), sont un legs aux générations d'artistes qui lui ont succédé. Nombre de ces derniers le considèrent comme n'ayant été égalé que par Michel-Ange.
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+ Comme ingénieur et inventeur, Léonard développe des idées très en avance sur son temps, comme l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et même jusqu'à l'automobile. Très peu de ses projets sont réalisés ou même seulement réalisables de son vivant[Note 7], mais certaines de ses plus petites inventions comme une machine pour mesurer la limite élastique d'un câble entrent dans le monde de la manufacture[Note 8]. En tant que scientifique, Léonard de Vinci a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines de l'anatomie, du génie civil, de l'optique et de l'hydrodynamique.
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+ Léonard de Vinci est né le samedi 15 avril 1452 « à la troisième heure de la nuit », c'est-à-dire trois heures après l'Ave Maria, soit 22 h 30[9], d’une relation amoureuse illégitime entre Messer Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, chancelier et ambassadeur de la République florentine et descendant d’une riche famille de notables italiens, et une certaine Caterina, dans le petit village toscan d’Anchiano, à deux kilomètres de Vinci[Note 9], sur le territoire de Florence en Italie[10],[11]. Caterina serait, selon la tradition, fille de paysans pauvres. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-Orient[12]. Depuis lors, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux l'ont identifiée respectivement à une pauvre orpheline, Caterina di Meo Lippi, ou à Caterina di Antonio di Cambio, fille de petits cultivateurs[13].
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+ Léonard, ou plutôt Lionardo selon son nom de baptême[14], est baptisé puis passe ses cinq premières années chez sa mère à Anchiano. Il a cinq marraines et cinq parrains, tous habitant le village de Vinci[14], dont le nom provient de celui des « vinchi », plantes assimilables à des joncs, utilisées dans l'artisanat toscan et poussant près du ruisseau Vincio[14].
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+ À cette époque, les conventions d’appellation modernes ne se sont pas encore développées en Europe. Seules, les grandes familles font usage du nom de leur appartenance patronymique. L’homme du peuple est désigné par son prénom, auquel on adjoint toute précision utile : le nom du père, le lieu d’origine, un surnom, le nom du maître pour un artisan, etc. Par conséquent, le nom de l’artiste est Leonardo di ser Piero Da Vinci, ce qui signifie Leonardo, fils de maître Piero De Vinci ; néanmoins le « Da » porte une majuscule afin de distinguer qu'il s'agit d'un patronyme[14]. Léonard lui-même signe simplement ses travaux Leonardo ou Io, Leonardo (« Moi, Léonard »). La plupart des autorités rapportent donc ses travaux à Leonardo sans le da Vinci. Vraisemblablement, il n’emploie pas le nom de son père parce qu’il est un enfant illégitime.
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19
+ En 1457, il a cinq ans quand sa mère se marie avec Antonio di Piero Buti del Vacca da Vinci, un paysan de la ville, avec lequel elle aura cinq enfants[14]. Il est alors admis dans la maison de la famille de son père, du village de Vinci qui, entre-temps, a épousé une jeune fille d'une riche famille de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori[14]. Celle-ci, sans enfant, reporte toute son affection sur Léonard, mais elle meurt très jeune en couches, en 1464[14]. Considéré dès sa naissance comme un fils à part entière par son père[15], il ne fut cependant jamais légitimé. Son père se maria quatre fois et lui donna dix frères et deux sœurs légitimes venus après Léonard. Il aura de bons rapports avec la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, et laissera une note l'appelant « chère et douce mère »[14].
20
+
21
+ Léonard est également élevé par son oncle Francesco qui joue un rôle important dans sa formation, et par son grand-père Antonio da Vinci qui lui apprend le don d'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !)[16].
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+ Livré à lui-même, il reçoit une éducation assez libre comme les autres villageois de son âge, apprend entre douze et quinze ans les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique dans une scuola d’abaco (école d'abaco) destinée aux fils de commerçants et artisans[17]. Non « lettré », il n'y étudie pas le grec et le latin (il n'apprendra imparfaitement ces deux langues que doivent maîtriser les savants et les lettrés qu'en autodidacte seulement à l'âge de 40 ans[18]), et une orthographe chaotique montre que cette instruction n'est pas sans lacunes ; en tout cas, il ne peut prétendre à des études universitaires[19].
24
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25
+ Sa grand-mère paternelle, Lucia di ser Piero di Zoso, céramiste et proche de Léonard, est peut-être la personne qui l'initia aux arts[14]. Un présage connu rapporte qu'un milan venu du ciel aurait fait un vol stationnaire au-dessus de son berceau, la queue de l'oiseau le touchant au visage[20],[21].
26
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27
+ Giorgio Vasari, le biographe du XVIe siècle des peintres de la Renaissance, raconte, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[22] (1568), l'histoire d'un paysan local qui demanda à ser (Signore) Piero[Note 10] que son talentueux fils peigne une image sur un bouclier de bois utilisé comme épouvantail, une rondache. Léonard, rassemblant différentes parties d'animaux qu'il observait attentivement lors de ses pérégrinations dans la campagne, peignit une image représentant un dragon crachant du feu, si réussie que ser Piero la vendit à un marchand d'art florentin, lui-même la revendant au duc de Milan. Entre-temps, après avoir réalisé un bénéfice, ser Piero acheta une plaque décorée d'un cœur transpercé d'une flèche qu'il donna au paysan[23]. Cette anecdote est cependant à prendre avec précaution car, selon Paul Barolsky, de nombreux récits des Vies constituent de pures inventions poétiques[24].
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29
+ Le jeune Léonard est proche de la nature qu’il observe avec une vive curiosité et s’intéresse à tout. Il dessine déjà des caricatures et pratique l'écriture spéculaire en dialecte toscan.
30
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31
+ Giorgio Vasari, dans sa biographie de Léonard, raconte une anecdote sur les premiers pas dans la carrière artistique de celui qui allait devenir un des plus grands peintres de la Renaissance. Un jour, le père de Léonard, ser Piero, « prit plusieurs de ses dessins et les soumit à son ami Andrea del Verrocchio, en le priant instamment de lui dire si Léonard devait se consacrer à l’art du dessin et s’il pourrait parvenir à quelque chose en cette matière. Andrea s’étonna fort des débuts extraordinaires de Léonard et exhorta ser Piero à lui permettre de choisir ce métier ; sur quoi, ser Piero résolut que Léonard entrerait à l’atelier d’Andrea. Léonard ne se fit pas prier ; non content d’exercer ce métier, il exerça ensuite tous ceux qui se rattachent à l’art du dessin ». C’est ainsi que Léonard est placé comme élève apprenti à partir de 1469 dans un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance de Florence sous le patronage d’Andrea del Verrocchio. Il doit à ce dernier sa formation multidisciplinaire d’excellence et côtoie alors dans sa bottega (atelier d'artistes réunissant maîtres et élèves) d’autres artistes comme Sandro Botticelli, Le Pérugin et Domenico Ghirlandaio[20],[25].
32
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33
+ En effet, jusqu'en 1468, Léonard est recensé comme résident de la commune de Vinci, mais il est très souvent à Florence où son père travaille[14].
34
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35
+ Verrocchio est un artiste renommé[Note 11] très éclectique : orfèvre et forgeron de formation[25], peintre, sculpteur et fondeur qui travaille notamment pour le riche mécène Laurent de Médicis. Les commandes principales sont des retables et des statues commémoratives pour les églises. Cependant, les plus grandes commandes sont constituées de fresques pour les chapelles — comme celles créées par Domenico Ghirlandaio et son atelier pour la Chapelle Tornabuoni — et de grandes statues, telles que les statues équestres de Gattamelata par Donatello et Bartolomeo Colleoni de Verrocchio[26].
36
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37
+ Après un an passé au nettoyage des pinceaux et autres petits travaux d’apprenti, Léonard est initié par Verrocchio aux nombreuses techniques pratiquées dans un atelier traditionnel, bien que certains artisans soient spécialisés dans des tâches telles que l’encadrement, les dorures et le travail du bronze. Il a donc eu l’occasion d’apprendre notamment des bases de la chimie, de la métallurgie, du travail du cuir et du plâtre, de la mécanique et de la menuiserie, ainsi que des techniques artistiques de dessin, de peinture et de sculpture sur marbre et sur bronze[27],[28]. Il est également initié à la préparation des couleurs, à la gravure et à la peinture des fresques. Par la suite, Verrocchio confie à son élève — qu’il trouve exceptionnel — le soin privilégié de terminer ses tableaux.
38
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+ Mais la formation reçue lors de son apprentissage à l'atelier Verrocchio semble plus large encore. Léonard acquiert la connaissance du calcul algorithmique et il cite les deux abacistes florentins les plus en vue, Paolo Toscanelli del Pazzo et Leonardo Chernionese[19]. Plus tard, Léonard paraît bien faire allusion à la Nobel opera de arithmética, de Piero Borgi, imprimée à Venise en 1484, et qui représente bien la science de ces écoles d'abaques[19].
40
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41
+ Il n’y a pas d’œuvre de Léonard connue pendant cette période mais, selon Vasari, il aurait collaboré à une peinture nommée Le Baptême du Christ (1472-1475)[29]. C’est d’ailleurs, selon la légende, à cause de la qualité du petit ange peint par Vinci pour ce tableau que Verrocchio, se sentant surpassé par son jeune assistant, décide de ne plus peindre[15]. Selon la tradition qui veut que ce soit l’apprenti qui prenne la pose[10], Léonard aurait servi de modèle à la statue en bronze du David de Verrocchio. Il est également supposé que l’Archange Raphaël dans l’œuvre Tobie et l’Ange de Verrocchio est le portrait de Léonard[10].
42
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43
+ En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de Saint-Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence, le Campagnia de Pittori. Il y a quelques traces de cette période de la vie de Léonard, dont la date d’un de ses premiers travaux, un dessin fait à la plume et à l’encre, Paysage de Santa Maria della neve (1473).
44
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45
+ Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables, telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.
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+ Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui[20]. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).
48
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+ Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : en 1478, il offre de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement[19].
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+ Les archives judiciaires de 1476 montrent que, avec trois autres hommes, il a été accusé de sodomie sur Jacopo Saltarelli, pratique à l’époque illégale à Florence. Tous ont été acquittés des charges retenues[30], probablement grâce à l'intervention de Laurent de Médicis, mais Léonard a dû passer deux mois en prison pendant l'enquête judiciaire[31]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[32].
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+ Deux années plus tard, à 26 ans, il quitte son maître après l'avoir brillamment dépassé dans toutes les disciplines. Léonard de Vinci devient alors maître-peintre indépendant.
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+ En 1481, le monastère de San Donato lui commande L’Adoration des mages, mais Léonard ne terminera jamais ce tableau, probablement déçu ou vexé de ne pas être choisi par le pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle Sixtine du Vatican à Rome, où il se trouve en concurrence avec plusieurs peintres[33]. Le néoplatonisme — en vogue à l’époque à Florence — joue peut-être également un rôle dans son départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan[33]. Cela est probablement plus en phase avec son esprit, qui s'appuie sur un développement empirique, grâce à ses multiples expériences.
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57
+ Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486) pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San Francesco Grande de Milan, mais ce tableau sera au centre d’un conflit entre l’auteur et ses commanditaires pendant plusieurs années[33]. En effet, Léonard s'engage avec le droit de pouvoir copier l'œuvre, mais cela lui est refusé par la suite ; il se voit donc contraint de stopper son travail, provoquant du retard. Le problème ne sera résolu que par des décisions de justice et les interventions d'amis.
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59
+ À Florence, le travail de Léonard ne passe pas inaperçu. Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc de Milan, Ludovic Sforza. Le but de cette manœuvre est de rester en bonnes relations avec ce rival important[34].
60
+
61
+ Léonard est très probablement accompagné par le musicien Atalante Migliorotti[33]. Il écrit également une lettre à Sforza, lettre qui figure dans le Codex Atlanticus et qui décrit les nombreuses et diverses choses merveilleuses qu’il pourrait faire dans le domaine de l’ingénierie ; il informe le seigneur qu’il peut aussi peindre[35],[25]. Ce texte est bien dans la tradition des ingénieurs qui l'ont précédé. Il reprend ainsi le même programme, les mêmes curiosités et les mêmes recherches : désormais, c'est bien en ingénieur que Léonard va vivre et travailler[19]. Sforza l’emploie à des tâches diverses sous le titre mythique d’« Apelle florentin », réservé aux grands peintres[33]. L’artiste est ainsi « ordonnateur de fêtes et spectacles aux décors somptueux » du palais et invente des machines de théâtre qui émerveillent le public. Il peint plusieurs portraits de la cour milanaise. Léonard de Vinci est porté sur la liste des ingénieurs des Sforza et lorsqu'on l'envoie à Pavie, il est qualifié d'« ingeniarius ducalis »[19]. Mais des contacts avec les cercles éclairés de Milan lui montrent également toutes les lacunes de sa formation[19].
62
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63
+ Il s’occupe également de l’étude pour le dôme de la cathédrale de Milan et d’une version en argile pour faire un moule pour le Gran Cavallo (« Il Cavallo »), le cheval de Léonard), une imposante statue équestre en l’honneur de Francesco Sforza, le père et prédécesseur de Ludovic ; faite de soixante-dix tonnes de bronze, elle constitue une véritable prouesse technique pour l’époque. Cette statue reste pourtant inachevée pendant plusieurs années, Michel-Ange reconnaissant lui-même qu’il est incapable de la fondre[20]. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France[25].
64
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65
+ En 1490, il participe à une sorte de congrès d'architectes et d'ingénieurs, réunis pour l'achèvement du Dôme de Milan, et fait la connaissance d'un autre ingénieur dont la renommée est bien établie, Francesco di Giorgio Martini. Ce dernier l'emmène à Parme, avec Giovanni Antonio Amadeo et Luca Fancelli, où on lui a demandé une autre consultation pour la construction de la cathédrale[19].
66
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67
+ C’est à cette époque que Léonard réfléchit à des projets techniques et militaires. Il améliore les horloges, le métier à tisser, les grues et de nombreux autres outils. Il étudie aussi l’urbanisme et propose des plans de cités idéales. Il s'intéresse à l'aménagement hydraulique et un document de 1498 le cite comme ingénieur et chargé de travaux sur les fleuves et les canaux[19].
68
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+ Bien que vivant à Milan entre 1493 et 1495, Léonard a noté dans ses documents d’imposition qu’il a, à sa charge, une femme appelée Caterina. À la mort de celle-ci, en 1495, la liste détaillée des dépenses relatives à ses funérailles laisse à penser que c’était sa mère Caterina, plutôt qu’une servante[36],[20].
70
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71
+ Vers 1490, il crée une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités. La fresque La Cène (1494-1498) est peinte pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie[20]. En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan ; Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione[19]. Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza[33].
72
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73
+ En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza — lequel s’enfuit en Allemagne chez son neveu Maximilien Ier du Saint-Empire[37] — sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement[Note 12].
74
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75
+ Louis XII revendique ses droits à la succession des Visconti[37]. Louis XII envisage de découper le mur représentant La Cène pour l’emporter en France, comme l’imaginera également Napoléon Ier quelques siècles plus tard[33]. Avec la chute de Sforza, Léonard entre au service du comte de Ligny, Louis de Luxembourg[38] ; celui-ci lui demande de préparer un rapport sur l'état de la défense militaire de la Toscane[19]. Le retour inopiné de Ludovic Sforza modifie ses projets et, avec son assistant Salai, il fuit Milan en février 1499 pour Mantoue puis pour Venise.
76
+
77
+ En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire[20],[10] par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise[19].
78
+
79
+ En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este. Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau[39]. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges[19]. Il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata en 1501 et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival »[29],[Note 13].
80
+
81
+ Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli[37]. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France[37].
82
+
83
+ En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général »[40]. Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse[19].
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85
+ Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno[41],[42].
86
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87
+ Le 18 octobre 1503, il retourne à Florence où il remplit les fonctions d'ingénieur de guerre (il dessine notamment des arquebuses, une bombarde chargée par la culasse, des engins de siège comme la catapulte, le mortier ou la baliste)[43]. Il y est aussi architecte et ingénieur hydraulicien[19]. Il se réinscrit à la guilde de Saint-Luc et passe deux années à préparer et réaliser La bataille d'Anghiari (1503-1505), une fresque murale imposante[10] de sept mètres sur dix-sept[37], avec Michel-Ange faisant La bataille de Cascina sur la paroi opposée[37]. Les deux œuvres seront perdues[Note 14], la peinture de Michel-Ange est connue à partir d'une copie d'Aristotole da Sangallo en 1542[44] et la peinture de Léonard est connue uniquement à partir de croquis préparatoires et de plusieurs copies de la section centrale, dont la plus connue est probablement celle de Pierre Paul Rubens[10]. Un feu utilisé pour sécher plus rapidement la peinture ou la qualité du matériel semblent être à l'origine de l’altération de l'œuvre, laquelle a par la suite probablement été recouverte par une fresque de Giorgio Vasari[37].
88
+
89
+ Léonard est consulté à plusieurs reprises comme expert, notamment pour étudier la stabilité du campanile de San Miniato al Monte et lors du choix de l’emplacement du David de Michel-Ange[37] où son avis s’oppose à celui de Michel-Ange. C'est à cette période qu'il présente à la cité de Florence son projet de déviation de l'Arno destiné à créer une voie navigable capable de relier Florence à la mer avec la maîtrise des terribles inondations[19]. Cette période est importante pour la formation scientifique de Léonard qui, dans ses recherches hydrauliques, pratique l'expérience. En 1504, il revient travailler à Milan, qui est désormais sous le contrôle de Maximilien Sforza, grâce au soutien des mercenaires suisses. Beaucoup des élèves et des adeptes les plus en vue dans la peinture connaissent ou travaillent avec Léonard à Milan[20], y compris Bernardino Luini, Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono[Note 15].
90
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91
+ Son père meurt le 9 juillet 1504 et Léonard est écarté de l’héritage en raison de son illégitimité ; cependant, son oncle fera plus tard de lui son légataire universel[37]. La même année, Léonard réalise des études anatomiques et tente de classer ses innombrables notes. Il commence à travailler La Joconde (1503-1506 puis 1510-1515) qui est habituellement considérée comme un portrait de Mona Lisa del Giocondo, née Lisa Maria Gherardini. Pourtant, de nombreuses interprétations au sujet de ce tableau sont encore discutées.
92
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93
+ En 1505, il étudie le vol des oiseaux et rédige le codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux. Désormais, observations, expériences et reconstructions a posteriori se succèdent[19]. Une année plus tard, le gouvernement de Florence lui permet de rejoindre le gouverneur français de Milan Charles d’Amboise qui le retient auprès de lui, malgré les protestations de la seigneurie. Léonard est tiraillé entre Français et Toscans ; il est pressé par le tribunal de finir La Vierge aux rochers avec son élève Giovanni Ambrogio de Predis, alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari[37].
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+ Le peintre devient l’unique héritier de son oncle Francesco en 1507, mais les frères de Léonard entament une procédure pour casser le testament[37]. Léonard fait appel à Charles d’Amboise et Florimond Robertet pour qu'ils interviennent en sa faveur[37]. Louis XII de France est à Milan, et Léonard est de nouveau l’ordonnateur des fêtes données dans la capitale lombarde.
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+ En 1508, il vit dans la maison de Piero di Braccio Martelli avec le sculpteur Giovanni Francesco Rustici à Florence[45] mais part habiter à Milan, à la Porta Orientale dans la paroisse de Santa Babila[10]. Louis XII revient bientôt en Italie et entre à Milan en mai 1509. Presque aussitôt, il dirige ses armées contre Venise, et Léonard suit le roi en qualité d'ingénieur militaire ; il assiste à la bataille d'Agnadel[19]. À la mort du gouverneur Charles d’Amboise en 1511 et après la bataille de Ravenne en 1512, la France quitte le Milanais. Cette seconde période milanaise permet à Léonard de Vinci d'approfondir ses recherches en science pure. La parution, en 1509, du De expendentis et fugiendis rebus de Giorgio Valla eut certainement une grande influence sur lui[19].
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+ En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à cette époque[10]. Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée[19], l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis[19]. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
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+ « Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris[19].
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+ En septembre 1515, le nouveau roi de France François Ier reconquiert le Milanais lors de la bataille de Marignan[46]. En novembre 1515, Léonard se penche sur un nouveau projet d’aménagement du quartier Médicis à Florence. Le 19 décembre, il est présent à Bologne pour la réunion entre François Ier et le pape Léon X[20],[47],[48]. François Ier charge Léonard de concevoir un lion mécanique pouvant marcher et dont la poitrine s'ouvre pour révéler des lys[29]. On ne sait pas pour quelle occasion ce lion a été conçu, mais il peut avoir été lié à l'arrivée du roi à Lyon ou aux pourparlers de paix entre le roi et le pape[Note 16].
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+ Il part travailler en France en 1516 avec son assistant artiste-peintre Francesco Melzi et Salai[45], où son nouveau mécène et protecteur, le roi François Ier, l’installe au manoir du Cloux — actuel château du Clos Lucé —, propriété de sa mère Louise de Savoie[49].
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+ Âgé de 64 ans, Léonard de Vinci arrive en France, apportant avec lui trois de ses toiles majeures : Saint Jean Baptiste, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne et La Joconde[50]. Selon la légende, il aurait fait ce voyage à travers les Alpes à dos de mulet, or aucun document de l'époque ne le prouve[51]. Il aurait très bien pu arriver en bateau, puis prendre des chevaux.
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+ Au château du Clos Lucé, Léonard se trouve ainsi à proximité du château d'Amboise, la demeure du roi. Le souverain le nomme « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi »[15] avec une pension annuelle de mille écus[52]. Peut-être à la cour de France s'intéressait-on plus au peintre, à l'artiste qu'à l'ingénieur et, jusque-là, seuls des Français s'étaient attaché l'illustre Florentin en qualité d'artiste : en Italie, il n'avait jamais été engagé que comme ingénieur[19].
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+ En lui donnant le château du Clos Lucé, François Ier dit à Léonard : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». Il n'est pas le premier artiste à recevoir cet honneur ; Andrea Solario et Giovanni Giocondo l'avaient précédé quelques années avant[45].
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+ Au Clos Lucé, Léonard travaille comme ingénieur, architecte et metteur en scène, organisant pour la Cour des réceptions et fêtes somptueuses. Il inspire autour de lui la pensée et la mode. Il travaille à de nombreux projets pour le roi.
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+ François Ier est fasciné par Léonard de Vinci et le considère comme un père. Selon la légende, le château du Clos Lucé et le château d'Amboise étaient d'ailleurs reliés par un souterrain permettant au souverain de rendre visite à l’homme de science en toute discrétion.
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+ Il projette et réalise pour la reine Louise de Savoie (mère de François Ier) la construction d’une nouvelle demeure à Romorantin, sur la base d'un château médiéval pré-existant, intégrant le détournement d’un fleuve dans la Sauldre. Les travaux de dérivation, d'aménagement et de terrassement ont lieu entre 1516 et 1518. La construction est initiée, une aile de 70 mètres de long est réalisée mais les travaux restent inachevés en 1519, peut-être à cause de la peste, mais plus probablement à cause de la mort de Léonard[53].
118
+ L'aile construite par Louise de Savoie est détruite en 1723[54]. Il reste aujourd'hui, outre les plans de Leonard de Vinci dans le Codex Atlanticus, des traces archéologiques nombreuses dont les ruines du château et les remblais, qui font de ce projet inachevé un prototype du château de Chambord et de son fameux escalier à vis, dont l'architecte Dominique de Cortone vient rencontrer Leonard en 1518 au Clos Lucé[55].
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+ Il esquisse un projet de canal entre la Loire et la Saône et organise des fêtes, comme celle que le roi donne au château d'Argentan en octobre 1517 en l'honneur de sa sœur Marguerite d'Angoulême[19].
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+ Une paralysie a frappé Léonard de Vinci à la fin de sa vie. Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, lorsque, tous deux en 1517, visitèrent Léonard de Vinci à Amboise expliquait combien le maître était en difficulté et comment les élèves l'aidaient[56].
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+ « Même si de lui, pour être venu à lui une certaine paralysie à droite, on ne peut plus attendre une bonne chose. Il a bien formé un créateur milanais qui travaille très bien. Et bien que Léonard de Vinci ne puisse pas colorier avec cette douceur habituelle, il peut aussi faire des dessins et en enseigner à d'autres[57]. »
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+ Le 23 avril 1519, Léonard de Vinci, malade depuis de longs mois, rédige son testament devant un notaire d’Amboise. La lettre de naturalité octroyée par François Ier lui permet de contourner le droit d'aubaine. Il demande un prêtre pour recevoir sa confession et lui donner l'extrême onction[29]. Il est emporté par la maladie le 2 mai 1519[45] au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.
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+ La tradition selon laquelle il mourut dans les bras de François Ier est racontée par Giorgio Vasari dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[58]. Elle repose peut-être sur une interprétation erronément littérale d'une épitaphe, rapportée par Vasari dans l'édition de 1550 des Vies, mais qui ne figure plus dans celle de 1568[59]. Cette inscription — qui n'a jamais été vue sur aucun monument — contient les mots « Sinu Regio » pouvant signifier au sens propre : sur la poitrine d'un roi ; mais aussi, dans un sens métaphorique, dans l'affection d'un roi, et peuvent n'être qu'une allusion à la mort de Léonard dans un château royal[60]. De plus à cette époque, la Cour est au château de Saint-Germain-en-Laye, où la reine accouche du futur Henri II — le 31 mars —, et les ordonnances royales données le 1er mai sont datées de cet endroit. Le journal de François Ier ne signale d'ailleurs aucun voyage du roi jusqu’au mois de juillet. Pour finir, l’élève de Léonard de Vinci, Francesco Melzi, auquel il lègue ses livres et ses pinceaux et qui est dépositaire de son testament, écrit au frère du grand peintre une lettre où il raconte la mort de son maître. Pas un mot n’y fait allusion à la circonstance mentionnée plus haut qui, si elle avait été avérée, n’aurait certainement pas été oubliée[61],[62].
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+ Selon ses dernières volontés, soixante mendiants suivent son cortège vers la collégiale Saint-Florentin du château d'Amboise, où il est enterré. Les ossements attribués à Léonard de Vinci sont supposés placés depuis 1874 sous la pierre tombale de la chapelle Saint-Hubert, dans l’enceinte du château d'Amboise et dominant la ville[63]. Sa tombe fut refaite de 1934 à 1936 par le sculpteur Francis La Monaca.
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+ Léonard de Vinci, toute sa vie célibataire et n’ayant jamais eu ni femme ni enfant, lègue l’ensemble de son œuvre considérable, pour la faire publier, à son disciple préféré et élève depuis ses dix ans, Francesco Melzi. Il lui offre notamment ses manuscrits, carnets, documents et instruments[64].
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+ Après l’avoir accompagné en France, il reste près de Léonard de Vinci jusqu’à sa mort. Cependant, il ne publiera rien de l'œuvre de Léonard et de nombreuses peintures — dont la Joconde — qui se trouvaient encore en sa possession dans son atelier, certains tableaux ayant été déjà vendus à François Ier, d'autres donnés en héritage à Salai pendant son séjour au Clos Lucé en 1518[65]. Les vignes de Léonard seront divisées entre Salai, un autre élève et disciple très apprécié par Léonard et entré à son service à l’âge de 15 ans, ainsi que son servant Battista de Vilanis[64]. Le terrain sera légué aux frères de Léonard et sa servante Mathurine reçut un manteau noir à bords de fourrure[66].
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+ Vingt ans après la mort de Léonard, François Ier dira au sculpteur Benvenuto Cellini :
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+ « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe[67]. »
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+ Léonard commence son apprentissage avec Andrea del Verrocchio en 1466, année où le maître de Verrocchio, le grand sculpteur Donatello, meurt. Le peintre Paolo Uccello, dont les premières expériences avec la perspective influencèrent le développement de la peinture des paysages, est alors très âgé. De même, les peintres Piero della Francesca et Fra Filippo Lippi, le sculpteur Luca della Robbia et l'architecte et écrivain Leon Battista Alberti ont environ 60 ans. Les artistes les plus renommés de la génération suivante sont le maître de Léonard : Andrea del Verrocchio, Antonio Pollaiuolo et le sculpteur Mino da Fiesole.
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+ La jeunesse de Léonard se déroule dans une maison de Florence ornée des œuvres de ces artistes et par les contemporains de Donatello, Masaccio — dont les fresques figuratives et réalistes sont imprégnées d'émotion — et Lorenzo Ghiberti, dont la Porte du Paradis montre la complexité des compositions, alliant travaux architecturaux et soin des détails. Piero della Francesca a fait une étude détaillée de la perspective et sera le premier peintre à faire une étude scientifique de la lumière. Ces études et les traités de Leone Battista Alberti doivent avoir un effet profond sur les jeunes artistes et, en particulier, sur les propres observations de Léonard et ses œuvres d'art[68],[69],[70].
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+ La représentation du nu de Masaccio montrant Adam et Ève quittant le paradis, avec Adam sans ses organes génitaux — masqués par une feuille de vigne —, crée une image très expressive des formes humaines qui influencera beaucoup la peinture, notamment parce qu'elles sont exprimées en trois dimensions par une utilisation novatrice de la lumière et de l'ombre que Léonard développera dans ses propres œuvres. L'humanisme de la Renaissance, influençant le David de Donatello, peut être vu dans les peintures les plus tardives de Léonard, en particulier Saint Jean Baptiste[68].
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146
+ Florence est dirigée à l'époque par Laurent de Médicis et son jeune frère Julien, tué lors de la conjuration des Pazzi en 1478. Ludovic Sforza, qui gouverne Milan entre 1479 et 1499 et chez qui Léonard a été envoyé comme ambassadeur de la cour des Médicis, est aussi son contemporain[68],[69].
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+ C'est également par l'intermédiaire des Médicis que Léonard fait la connaissance d'anciens philosophes humanistes dont Marsile Ficin, partisan du néoplatonisme, et Cristoforo Landino, auteur de commentaires sur les écrits classiques. Jean Pic de la Mirandole est également associé à l'académie des Médicis[70],[71]. Léonard écrit plus tard, dans la marge d'un journal : « Les Médicis m’ont fait et les Médicis m’ont détruit » ; mais le sens de ce commentaire reste discuté[20].
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150
+ Bien que l'on cite ensemble les trois « géants » de la haute Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne sont pas de la même génération. Léonard a 23 ans quand nait Michel-Ange et 31 ans à la naissance de Raphaël. Raphaël mourra en 1520, une année après de Vinci et Michel-Ange vivra encore quarante-cinq ans[69],[70].
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152
+ Gian Giacomo Caprotti da Oreno[72], dit « il Salaino » (« le petit diable ») ou Salai, a été décrit par Giorgio Vasari comme « un gracieux et beau jeune homme avec des cheveux fins et bouclés, en lequel Léonard était grandement ravi »[29]. Salai entre au service de Léonard en 1490 à l'âge de 10 ans. Leur relation n'est pas facile. Un an plus tard, Léonard fait une liste des délits du garçon, le qualifiant de « voleur », « menteur », « têtu » et « glouton ». Le « petit diable » avait volé de l'argent et des objets de valeur au moins à cinq reprises, et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures[73]. Néanmoins, les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d'images de l'adolescent. Salai est resté son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes[10].
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+ En 1506, Léonard prend comme élève Francesco Melzi, âgé de 15 ans, fils d'un aristocrate lombard. Melzi devient le compagnon de vie de Léonard et il est considéré comme son élève favori. Il se rend en France avec Léonard et Salai, et reste avec lui jusqu'à sa mort[20]. Salai quitte cependant la France en 1518 pour retourner à Milan. Il y construit une maison dans le vignoble de la propriété de Léonard qu'il s'est finalement vu léguer. En 1525, Salai meurt d'une mort violente, soit assassiné, soit à la suite d'un duel[74].
155
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156
+ Salai exécute un certain nombre de tableaux sous le nom d'« Andrea Salai », mais, bien que Giorgio Vasari prétende que Léonard « lui a appris beaucoup de choses sur la peinture »[29], son travail est généralement considéré comme étant de moindre valeur artistique que celui des autres élèves de Léonard, comme Marco d'Oggiono ou Giovanni Antonio Boltraffio. En 1515, il peint une version nue de La Joconde, dite « Monna Vanna »[75]. À sa mort en 1525, la Joconde appartenant à Salai a été évaluée à cinq cent cinq lires, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée pour un portrait de petite taille[74].
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+ Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono rejoignent l'atelier de Léonard lorsqu'il est de retour à Milan, mais de nombreux autres élèves moins connus tels que Giovanni Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Francesco Napoletano ou encore Andrea Solario sont aussi présents.
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160
+ Léonard de Vinci a eu beaucoup d'amis qui sont reconnus dans leurs domaines respectifs ou ont eu une influence importante sur l'Histoire. Il s'agit notamment du mathématicien Luca Pacioli avec qui il a collaboré pour un livre, César Borgia au service duquel il a passé deux années, Laurent de Médicis et le médecin Marcantonio della Torre. Il a rencontré Michel-Ange dont il a été le rival et a témoigné une « connivence intime » avec Nicolas Machiavel, les deux hommes ayant pu développer une étroite amitié épistolaire[41]. Parmi ses amis, se trouvent également Franchini Gaffurio et Isabelle d'Este. Léonard semble ne pas avoir eu d'étroites relations avec les femmes, sauf avec Isabelle. Il a fait un portrait d'elle, au cours d'un voyage qui le mena à Mantoue, qui semble avoir été utilisé pour créer une peinture, aujourd'hui perdue[20]. Il était également ami de l'architecte Jacopo Andrea da Ferrara jusqu'à son assassinat[37].
161
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162
+ Au-delà de l'amitié, Léonard garde sa vie privée secrète. De son vivant, ses capacités extraordinaires d'invention, son « exceptionnelle beauté physique », sa « grâce infinie », sa « grande force et générosité », la « formidable ampleur de son esprit », telles que décrites par Vasari[29], ont attisé la curiosité. De nombreux auteurs ont spéculé sur les différents aspects de la personnalité de Léonard. Sa sexualité a souvent été l'objet d'études, d'analyses et de spéculations. Cette tendance a commencé au milieu du XVIe siècle et a été relancée au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par Sigmund Freud[76].
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164
+ Les relations les plus intimes de Léonard sont avec ses élèves : Salai et Francesco Melzi. Melzi a écrit que les sentiments de Léonard étaient un mélange d'amour et de passion. Il a été décrit depuis le XVIe siècle que ces relations étaient d'un caractère érotique. Depuis cette date, des auteurs[77],[78] ont beaucoup écrit au sujet de son homosexualité, voire de sa pédérastie présumée et du rôle de cette sexualité dans son art, en particulier dans l'impression androgyne et érotique qui se manifeste dans Bacchus et plus explicitement dans un certain nombre de ses dessins[79]. Cependant, l'homosexualité supposée platonique et courtoise, voire refoulée, de l'artiste, reste très hypothétique et il est difficile de se prononcer sur les mœurs de Léonard[80].
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166
+ Léonard est passionné par la nature et les animaux au point d’acheter des oiseaux en cage pour leur rendre leur liberté[81]. Il est également très bon musicien. Il est admis que Léonard était gaucher et ambidextre, ce qui expliquerait son utilisation de l'écriture spéculaire[14].
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+
168
+ Malgré la relativement récente prise de conscience et l'admiration vouée à Léonard comme scientifique et inventeur, son immense renommée de la plus grande partie de ces quatre cents dernières années a reposé sur ses réalisations en tant que peintre et sur une poignée d'œuvres — authentifiées ou lui étant attribuées — qui ont été considérées comme faisant partie des plus beaux chefs-d'œuvre jamais créés[Note 17].
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170
+ Ces peintures sont célèbres pour de nombreuses raisons et qualités qui ont été beaucoup imitées par les étudiants et discutées très longuement par les connaisseurs et les critiques. Parmi les qualités qui font des travaux de Léonard, des pièces uniques sont souvent citées, les techniques novatrices qu'il a utilisées dans l'application de la peinture, sa connaissance approfondie de l'anatomie humaine et animale, de la botanique et la géologie, mais aussi son utilisation de la lumière, son intérêt pour la physiognomonie et la façon dont les humains utilisent le registre des émotions et les expressions gestuelles, son sens de la composition et celui, subtil, des dégradés de couleurs. Il maîtrisait notamment la technique du « sfumato » et le rendu des ombres et des lumières. Toutes ces qualités sont réunies dans ses tableaux les plus connus, La Joconde, La Cène et La Vierge aux rochers[82].
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172
+ Léonard a réalisé de très nombreux portraits de femmes, mais un seul portrait d’homme — celui d’un musicien — a été retrouvé à ce jour. On lui prête souvent la phrase suivante : « Le personnage le plus digne d’éloges est celui qui, par son mouvement, traduit le mieux les passions de l’âme », qui explique bien sa pensée de peintre. Cependant, il a aussi dessiné des croquis caricaturaux de ses contemporains dans la mode du grotesque.
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+ Léonard est célèbre pour ses dessins et ses peintures dans lesquels il introduit une conception innovante[83] de la perspective. Vinci estimait que les arts picturaux forment une science[84]. Mais l'utilisation, souvent supposée, du nombre d’or dans son œuvre n'est pas avérée[85]. Son travail sur les proportions, à l'image de l’Homme de Vitruve, se limite à l'usage de fractions d'entiers.
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+ Les premiers travaux de Léonard de Vinci commencent avec Le Baptême du Christ peint avec Andrea del Verrocchio, à qui il est attribué, et ses autres élèves. Deux autres peintures semblent dater de cette période à l'atelier et qui sont toutes les deux des « Annonciations » ; l'une est petite, large de cinquante-neuf centimètres pour seulement quatorze de haut. Il s'agit d'une prédelle se plaçant à la base d'une composition plus large, et, dans ce cas, pour un tableau de Lorenzo di Credi duquel il fut séparé. L'autre est un travail beaucoup plus important, de deux cent dix-sept centimètres de large[40].
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+ Dans ces deux annonciations, Léonard a dépeint la Vierge Marie, assise ou agenouillée à la droite de l'image, et un ange de profil s'approchant d'elle par la gauche. Un gros travail est fait sur les mouvements des vêtements et les ailes de l'ange. Bien que précédemment attribuée à Domenico Ghirlandaio, l'œuvre est désormais presque universellement attribuée à de Vinci[86].
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+ Dans le tableau le plus petit, Marie détourne ses yeux et plie ses mains dans un geste qui symbolise la soumission à la volonté de Dieu. Dans le tableau le plus grand cependant, Marie ne semble pas aussi docile ; la jeune femme, interrompue dans sa lecture par ce messager inattendu qu'est l'ange, place son doigt dans le livre saint pour repérer la page de sa lecture interrompue et lève la main dans un geste de salutation ou de surprise[68]. Son calme semble montrer qu'elle accepte son rôle de mère de Dieu, non pas avec résignation, mais avec confiance. Dans ce tableau, le jeune Léonard présente le visage humaniste de la Vierge Marie, reconnaissant le rôle de l'humanité dans l'incarnation de Dieu[Note 18]. Ce dernier tableau a visiblement été travaillé par plusieurs personnes, puisque certaines discontinuités de style sont perceptibles, comme une « erreur » de perspective sur le bras droit de Marie, le pré fleuri comme une broderie ou bien les ailes de rapace de l'ange[30]. Le style du lutrin du tableau pourrait être un clin d'œil au style du tombeau de Pierre de Médicis réalisé par Verrocchio en 1472[30].
181
+
182
+ Dans les années 1480, Vinci reçoit deux très importantes commandes et commence à travailler à une autre œuvre qui est également d'une grande importance en termes de composition. Malheureusement, deux des trois œuvres n'ont jamais été terminées et la troisième a été si longue à créer qu'elle fut soumise à de longues négociations sur son achèvement et son paiement. L'un de ces tableaux est Saint Jérôme. Liana Bortolon, dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967), associe ce tableau à une période difficile de la vie de Léonard. Les signes de la mélancolie peuvent se lire dans son journal : « Je pensais que j'apprenais à vivre ; j'apprenais seulement à mourir[20]. »
183
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+ La composition du tableau est très inhabituelle, même s'il est vrai que certaines parties de celui-ci furent découpées[Note 19]. Le tableau dépeint la pénitence de Jérôme de Stridon dans le désert. Pénitent, Jérôme occupe le milieu de l'image, le corps légèrement en diagonale. Sa posture agenouillée prend une forme trapézoïdale, avec un bras tendu vers le bord extérieur de la peinture et son regard allant dans la direction opposée. Jack Wasserman souligne le lien entre cette peinture et les études anatomiques de Léonard[46]. Au premier plan de l'ensemble s'étend son symbole, un grand lion, dont le corps et la queue effectuent une double courbe à travers la base de l'image. L'autre caractéristique intéressante est l'aspect superficiel du paysage de pierres rocailleuses où se trouve le personnage.
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+ L'affichage audacieux et novateur de la composition, avec les éléments du paysage et le drame personnel, apparaît également dans le grand chef-d'œuvre inachevé qu'est L'Adoration des mages, une commande des moines de San Donato à Scopeto. C'est un tableau à la composition très complexe, et Léonard a fait de nombreux dessins et études préparatoires, y compris une très détaillée pour la perspective linéaire d'une ruine d'architecture classique qui sert de toile de fond à la scène. Mais, en 1482, Léonard part à Milan, à la demande de Laurent de Médicis, afin de gagner les bonnes grâces de Ludovic Sforza. Il abandonne donc son tableau[86],[10].
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+ Le troisième travail important de cette période est La Vierge aux rochers qui a été commandée à Milan pour la confrérie de l'Immaculée Conception. La peinture, faite avec l'assistance des frères, devait combler un grand retable, déjà construit[46]. Léonard a choisi de peindre un passage de l'enfance du Christ tiré des évangiles apocryphes, lorsque le petit Jean le Baptiste, sous la protection d'un ange, a rencontré la sainte Famille sur la route de l'Égypte. Dans cette scène, telle qu'elle a été peinte par Léonard de Vinci, Jean reconnaît et vénère Jésus comme le Christ. Le tableau montre des personnages gracieux s'agenouillant en adoration devant le Christ dans un environnement sauvage et un paysage rocheux[87]. Le tableau est quasiment aussi complexe que la peinture commandée par les moines de San Donato, même s'il a seulement quatre personnages — et non cinquante — et s'il dépeint un paysage plutôt qu'un fond architectural. Le tableau a été achevé, mais deux versions de la peinture ont en fait été réalisées : celle qui est restée à la chapelle de la confrérie et l'autre qu'a emportée Léonard en France. Mais les frères n'ont pas eu leur peinture avant le siècle suivant[10],[25]. Une seconde version de ce tableau, avec l'ajout des auréoles et du bâton de Jean le Baptiste sera faite quelques années plus tard.
189
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190
+ La plus célèbre peinture de Léonard pour la période des années 1490 est La Cène. Elle est peinte directement sur un mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan. La peinture représente le dernier repas partagé par Jésus et ses disciples avant sa capture et sa mort. Il montre précisément le moment où Jésus déclare : « l'un de vous va me trahir ». Léonard dépeint la consternation que cette déclaration a causée à l'ensemble des douze disciples de Jésus[25].
191
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192
+ Matteo Bandello a observé Léonard au travail et il écrit, dans une de ses nouvelles que, certains jours, il peint de l'aube au crépuscule sans même s'arrêter pour manger, et puis ne peint plus les trois ou quatre jours suivants[46]. Selon Vasari, cela provoque l'incompréhension du père supérieur, le prieur, qui chasse le peintre jusqu'à ce que Léonard demande au duc de Milan, Ludovic Sforza, d'intervenir. Vasari décrit également comment Vinci doute de sa capacité à peindre proprement les visages de Jésus et de Judas, affirmant au duc qu'il a peut-être utilisé le moine pour modèle[29].
193
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194
+ La fresque, achevée, est saluée comme un chef-d'œuvre de conception et de caractérisation[29], obtenant même plus tard l'admiration de Pierre Paul Rubens et de Rembrandt[33]. L'œuvre a été restaurée sans cesse, la peinture se détachant du support en plâtre[15]. La peinture s'est détériorée rapidement, de telle sorte qu'avant même le centième anniversaire de sa création, elle a été décrite par un témoin comme « totalement dévastée »[10]. Léonard, au lieu d'utiliser la technique éprouvée de la fresque, a utilisé la « technique de la tempera », un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments, alors que le support est principalement « gesso », un type de craie fait de carbonate de calcium minéral, ce qui a produit une surface sujette à la moisissure et à l'écaillage[10].
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+ Malgré ces déboires, la Cène est restée l'une des œuvres d'art les plus reproduites. Heureusement, une toile d'époque de grandes dimensions est exposée en l'abbaye de Tongerlo à Westerlo. Elle est une des copies les plus fidèles et les plus anciennes du chef-d'œuvre du maître italien : œuvre des élèves de Léonard, il semblerait qu'il aurait peint lui-même la tête de Jésus et celle de l'apôtre Jean. Les restaurateurs viennent chercher à Westerlo les couleurs exactes pour leurs travaux avant d'aller à Milan.
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198
+ Parmi les œuvres créées par Léonard dans les années 1500, se trouve un petit portrait connu sous le nom de La Joconde (1503-1506) ou, notamment pour les anglophones, sous le nom de « Mona Lisa ». Le tableau est connu, en particulier, pour l'insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s'accordent à dire qu'il s'agit de Lisa Gherardini. La qualité de la peinture est peut-être liée au fait que l'artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. La qualité des ombres, pour lesquelles le travail est réputé, a été appelée « sfumato » ou « la fumée de Léonard ». Giorgio Vasari a écrit que « le sourire est si agréable qu'il semble divin plutôt qu'humain ; ceux qui l'ont vu ont été très surpris de constater qu'il semble aussi vivant que l'original »[29]. Néanmoins, et pendant longtemps, les experts ont généralement admis que Vasari a pu n'avoir jamais connu la peinture autrement que par sa renommée, car il l'a décrite comme ayant des sourcils. Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l'hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que Léonard ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu'ils ont ensuite été enlevés, notamment parce qu'ils n'étaient pas en vogue au milieu du XVIe siècle. Effectivement, La Joconde aurait eu des sourcils et des cils qui ont, par la suite, été enlevés[88].
199
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200
+ Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire, laissant les yeux et les mains non concurrencés par d'autres détails, le paysage de fond spectaculaire[89], le travail des couleurs et la nature de la technique de peinture très douce employant des huiles, mais posées un peu comme la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables. Vasari a exprimé l'avis que la façon de peindre ferait même « le plus confiant des maîtres [de la peinture]… désespérer et perdre courage »[29]. L'état de conservation remarquable et le fait qu'il n'y ait aucun signe visible de réparations ou de surcouches repeintes sont extrêmement rares pour une peinture de cette période[40].
201
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202
+ Dans La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, la composition reprend de nouveau le thème de personnages dans un paysage que Jack Wasserman, dans son livre Leonardo da Vinci (1975), qualifie de « saisissant par sa beauté »[46] et renvoie à la peinture inachevée de saint Jérôme avec le personnage faisant un angle oblique avec l'un de ses bras. Ce qui rend La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne si rare est la présence de deux ensembles dans une perspective différente, mais se superposant. Marie est assise sur les genoux de sa mère, sainte Anne. Elle se penche en avant pour prendre dans ses bras l'enfant Jésus qui joue avec un agneau, signe de l'imminence de son propre sacrifice[25]. Ce tableau, copié à plusieurs reprises, a influencé Michel-Ange, Raphaël et Andrea del Sarto[10] et, à travers eux, Pontormo et Le Corrège. Le style de la composition a été adopté en particulier par les peintres vénitiens Le Tintoret et Paul Véronèse.
203
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204
+ Vinci n'a pas été un peintre prolifique, mais il l'a été comme dessinateur, remplissant ses journaux de petits croquis et de dessins détaillés afin de garder une trace de tout ce qui avait attiré son attention. En plus de ses notes, il existe de nombreuses études pour ses peintures, dont certaines peuvent être considérées comme préparatoires à des travaux tels que L'Adoration des mages, La Vierge aux rochers et La Cène[90]. Son premier dessin daté est un paysage, Paysage de la vallée de l'Arno (1473), qui montre la rivière, les montagnes, le château Montelupo et les exploitations agricoles au-delà de celui-ci dans le plus grand détail[20],[90].
205
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206
+ Parmi ses célèbres dessins, il y a l’homme de Vitruve, une étude des proportions du corps humain, la Tête de jeune femme préparatoire à la tête de l'ange dans La Vierge aux rochers et La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste, qui est un grand carton (160 × 100 cm) en craie blanche et noire sur un papier de couleur de sainte Anne[90]. Ce thème de sainte Anne sera, avec la sainte Famille, la dominance de l'œuvre de Léonard de 1500 à 1517[37]. Ce dessin emploie la technique subtile du sfumato, à la manière de La Joconde. Léonard ne semble jamais avoir fait une peinture à partir de ce dessin, mais un tableau assez proche en est La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne[10].
207
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208
+ Les autres dessins d'intérêt comprennent de nombreuses études généralement dénommées « caricatures » parce que, bien qu'exagérées, elles semblent être fondées sur l'observation de modèles vivants. Giorgio Vasari rapporte que, si Léonard voyait une personne qui avait un visage intéressant, il la suivait toute la journée pour l'observer[29]. Il existe de nombreuses études de beaux jeunes hommes, souvent associées à Salai, avec le visage rare, très admiré et caractéristique que l'on appelle le « profil grec »[Note 20]. Ces visages sont souvent en contraste avec ceux d'un guerrier[90]. Salai est souvent dépeint dans des costumes et des déguisements. Léonard est connu pour avoir conçu des décors pour des processions traditionnelles. D'autres dessins, souvent minutieux, montrent des études de draperies. Le Musée Léon-Bonnat de Bayonne conserve un dessin de Léonard de Vinci représentant Bernardo di Bandino Baronchelli (l'un des assassins de Julien de Médicis lors de la conjuration des Pazzi), après sa pendaison à l’une des fenêtres du Palazzo del Capitano di Giustizia à Florence, le 29 décembre 1479[91].
209
+
210
+ L'humanisme de la Renaissance ne lie pas les sciences et les arts. Cependant, les études de Vinci en sciences et en ingénierie sont aussi impressionnantes et novatrices que son travail artistique, enregistrées dans des carnets de notes comprenant quelque treize mille pages d'écriture et de dessins, qui associent art et philosophie naturelle (la base de la science moderne). Ces notes ont été réalisées et mises à jour quotidiennement pendant toute la vie et les voyages de Léonard. Continuellement, il s'efforce de faire des observations du monde qui l'entourait[25], conscient et fier d'être, comme il se définissait, un « homme sans lettres », autodidacte et lucide sur les phénomènes naturels souvent bien éloignés de ce qui était appris à l'école[33].
211
+
212
+ Ces journaux sont, pour la plupart, rédigés en toscan dans une écriture spéculaire plus communément appelée « écriture en miroir ». La raison peut avoir été davantage un besoin pratique, pour être plus rapide, que pour des raisons de chiffrement afin d'échapper à la censure de son temps ou de garder ses notes de travail secrètes, comme cela est souvent suggéré (thèse du mathématicien Luca Pacioli dès le XVe siècle, réfutée car cette écriture se lit facilement à l'aide d'un miroir, par ailleurs Léonard truffe ses notes d'abréviations et c'est plutôt cette caractéristique qui en rendent la lecture plus difficile). Comme Léonard écrivait avec sa main gauche, il devait être plus facile pour lui d'écrire de droite à gauche. En effet la main fournit moins d'effort et cette technique évite de laisser des traînées ou effacer l'encre humide en passant dessus sa main qui tient la plume d'oie. Néanmoins, il rédige occasionnellement de gauche à droite, ce qui montre qu'il maîtrise aussi cette technique[92].
213
+
214
+ Ses notes et dessins, dont les plus anciens sont datés de 1475[30], montrent une grande variété d'intérêts et de préoccupations, mais aussi certaines listes quelconques d'épicerie ou de ses débiteurs. Il y a des compositions pour des peintures, des études de détails et de tapisseries, des études de visages et d'émotions, des animaux, des bébés, des dissections, des études botaniques et géologiques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux architecturaux[25].
215
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216
+ Ces carnets de notes — initialement des feuilles volantes de différentes tailles et de différents types, données par ses amis après sa mort — ont trouvé leur place dans les collections importantes comme celles exposées au château de Windsor, à la Bibliothèque de l'Institut de France[93], à la Bibliothèque nationale d'Espagne, à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, au Victoria and Albert Museum et à la British Library de Londres. La British Library a mis une sélection à partir de ses notes (BL Arundel MS 263) sur l'Internet dans les pages de son site abordant ce chapitre[94]. Le Codex Leicester est le seul grand travail scientifique de Vinci qui soit entre les mains d'un propriétaire privé (Bill Gates).
217
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218
+ Les journaux de Léonard semblent avoir été destinés à la publication, car beaucoup de feuilles ont une forme et un ordre qui en faciliteraient l'édition. Dans de nombreux cas, un seul thème, par exemple, le cœur ou le fœtus humain, est traité en détail à la fois dans les mots et les images, sur une seule feuille[95]. Ce mode d'organisation minimise également la perte de données dans le cas où les pages seraient mélangées ou détruites. La raison pour laquelle ces journaux n'ont pas été publiés alors que Léonard était encore en vie est inconnue[25], mais certains estiment que la société n'était pas prête pour cela, notamment l'Église vis-à-vis de ses travaux anatomiques.
219
+
220
+ En 2019, une étude scientifique menés par des chercheurs du musée des Offices de Florence démontre que Léonard de Vinci est ambidextre à partir de l'analyse du dessin le Paesaggio[96].
221
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222
+ L'approche de la science par Léonard est très liée à l'observation : si « la Science est le capitaine, la pratique est le soldat »[33]. Sa science, ses recherches scientifiques ne portent exclusivement que sur les parties qu'il a pratiquées en technicien[19]. Léonard de Vinci a essayé de comprendre un phénomène en le décrivant et en l'illustrant dans les plus grands détails, en n'insistant pas trop sur les explications théoriques. Ses études sur le vol ou le mouvement de l'eau sont sans doute ce qu'il y a de plus remarquable à ce sujet. Comme il manquait d'instruction initiale en latin et en mathématiques, les chercheurs contemporains ont largement ignoré le savant Léonard, bien qu'il ait appris par lui-même le latin.
223
+
224
+ Dans les années 1490, il a étudié les mathématiques à la suite de Luca Pacioli et a fait une série de dessins de solides réguliers dans une forme squelettique afin de les faire graver pour son livre Divina Proportione (1509)[25]. Il est alors particulièrement fasciné par l'idée de l'absolu et de l'universel[33]. Cependant, sa culture mathématique est celle d'un praticien : elle a les objectifs limités des abacistes de son temps, il pénètre avec peine la géométrie des Grecs, sa perspective est celle de tous les théoriciens de son temps. Néanmoins, au-delà du simple aspect géométrique de la représentation de la perspective, il propose dans son Traité de la Peinture, une triple définition de la perspective :
225
+
226
+ 1° : perspective linéaire (diminution de la taille des objets proportionnellement à leur distance à l'observateur, perspective géométrique ss)[98],
227
+
228
+ 2° : perspective des couleurs (atténuation des couleurs proportionnellement à leur distance à l'observateur)[99],
229
+
230
+ 3° : perspective d’effacement (diminution de la précision des détails proportionnellement à leur distance à l'observateur)[100].
231
+
232
+ Également, Léonard a conçu un instrument à système articulé destiné à construire une solution mécanique du problème d'Alhazen, problème essentiellement technique, et qui témoigne d'une connaissance sur les lois de la réflexion[19].
233
+
234
+ De même, la mécanique de Léonard est celle de ses contemporains, avec ses faiblesses, ses incertitudes, ses erreurs et il ne paraît pas qu'il ait apporté beaucoup de découvertes en la matière. Sa physique est assez confuse et vague. Il ne fut certainement jamais artilleur et n'a pas de théorie relative à la balistique. Pourtant, comme l’attestent certains de ses schémas, Léonard de Vinci eut peut-être l’intuition, comme on pouvait l’observer sur un jet d’eau, qu’il n’existait pas de partie rectiligne dans la trajectoire d’un projectile d’artillerie contrairement à ce qui était couramment admis à l’époque. Mais il s’arrêta très vite sur une voie que Tartaglia puis Benedetti allaient suivre et qui mena à Galilée[19].
235
+
236
+ Si Alberti ou Francesco di Giorgio Martini se préoccupèrent de la solidité des poutres, jamais ils n’avaient cherché de formulations mathématiques. Léonard de Vinci s’intéresse au problème de la flexion, sans doute à l’aide d’expériences, et parvient à définir des lois, encore imparfaites[Note 21], de la ligne élastique pour des poutres de différentes sections, libres ou encastrées dont le problème de Galilée (problème du balcon). Ce faisant, il élimine le module d’élasticité et le moment auquel avait pourtant fait allusion Jordanus Nemorarius[19].
237
+
238
+ Sa chimie se borne à la mise au point d'un alambic et aux quelques recherches d'alchimie qu'il pratiqua à Rome[19].
239
+
240
+ Paul Valéry met en avant la manière dont Léonard de Vinci a découvert intuitivement, par l'observation, « le premier germe de la théorie des ondulations lumineuses », sans cependant pouvoir la valider de manière expérimentale : « L'air est rempli d'infinies lignes droites et rayonnantes, entrecroisées et tissées sans que l'une n'emprunte jamais le parcours d'une autre, et elles représentent pour chaque objet la vraie forme de leur raison (de leur explication)[101]. »
241
+
242
+ Léonard de Vinci étudia aussi beaucoup la lumière et l'optique[45] ; en hydrologie, la seule véritable loi qu'il ait formulée est celle du débit des cours d'eau.
243
+
244
+ Il semble que, à partir du contenu de ses carnets, il ait envisagé de publier une série de traités sur une grande variété de sujets. À plusieurs reprises il mentionne un projet de traité de l'eau, mais qui paraît avoir été si considérable dans sa pensée qu'il semblait irréalisable[19]. Un traité d'anatomie aurait été observé au cours d'une visite par le secrétaire du cardinal Louis d'Aragon en 1517[102].
245
+
246
+ Son élève Francesco Melzi, chercha à reconstituer le Traité de la peinture que Léonard de Vinci avait projeté toute sa vie d'écrire. Il compila pour cela les aspects de son travail sur l'anatomie, la lumière et les ombres, les drapés, les paysages. Une édition partielle et incomplète du travail de Francesco Melzi parut en 1651, en italien, puis en français. Charles Le Brun présenta l’édition française du Traité de la peinture aux membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme le livre qui devait leur servir désormais de référence (malgré les critiques d‘Abraham Bosse et le scepticisme de Félibien[103]). C’est ainsi que Léonard de Vinci fut transformé « en précurseur de la pensée académique », selon la formule de Daniel Arasse[25].
247
+
248
+ La formation initiale de Léonard à l'anatomie du corps humain a commencé lors de son apprentissage avec Andrea del Verrocchio, son maître insistant sur le fait que tous ses élèves apprennent l'anatomie. Comme artiste, il est rapidement devenu maître de l'anatomie topographique, en s'inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d'autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l'anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition. Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à cause des problèmes d'hygiène et de conservation des corps.
249
+
250
+ Comme artiste connu, il a reçu l'autorisation de disséquer des cadavres humains à l'hôpital de Santa Maria Nuova à Florence et, plus tard, dans les hôpitaux de Milan et de Rome (de 1513 et 1516, il y dirige plusieurs autopsies dans l'hôpital romain Santo Spirito in Sassia). Il réalise ainsi une vingtaine de dissections à partir de 1487 pour composer un traité d'anatomie[104] qui ne verra jamais le jour[105]. De 1510 à 1511, il a collaboré dans ses recherches avec le médecin Marcantonio della Torre.
251
+
252
+ Léonard a dessiné de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d'autres organes internes. Ces observations contiennent parfois des inexactitudes dues aux méconnaissances de l'époque[15]. Il n'a par exemple jamais entrevu la circulation du sang[19]. Il a par contre identifié quatre cavités cardiaques dans le cœur (Vésale et Descartes n'y en verront que deux), fait l'un des premiers dessins scientifiques d'un fœtus dans l'utérus[90] et la première constatation scientifique de la rigidité des artères à la suite d'une crise cardiaque. Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l'âge et de l'émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d'importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie[25],[90].
253
+
254
+ Il a aussi étudié et dessiné l'anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l'homme. Il étudia également les chevaux.
255
+
256
+ « Combien de biographies n'a-t-on pas écrites, qui ne mentionnent cette activité scientifique ou technique que pour montrer l'étendue d'un savoir qu'on veut universel […] Tout ceci n'a pu se faire que péniblement, par une recherche constante de ce qu'avaient écrit les anciens ou les prédécesseurs immédiats […] Et faute de connaître tout ce passé qui l'avait fait, on a présenté Léonard comme un inventeur fécond »
257
+
258
+ — Bertrand Gille, dans Les ingénieurs de la Renaissance[19]
259
+
260
+ Léonard de Vinci s’inscrit dans le courant technicien de la Renaissance et, comme tel, il eut des prédécesseurs immédiats ou plus lointains parmi lesquels on peut citer Konrad Kyeser, Taccola, Roberto Valturio, Filippo Brunelleschi, Jacomo Fontana ou encore Leon Battista Alberti à qui il doit sans doute beaucoup[19].
261
+
262
+ Certains furent des personnalités plus puissantes, des esprits plus complets, des curiosités plus larges encore. C’est le cas de Francesco di Giorgio Martini qui fut son supérieur lors de la construction du dôme de Milan et à qui il emprunta certainement beaucoup[19]. Étant sans doute moins occupé par ses réalisations que ce dernier du fait d’un carnet de commandes moins rempli, Léonard de Vinci sera à la fois plus prolifique, mais surtout capable d’un changement de méthode.
263
+
264
+ La légende fait de Léonard le précurseur de plusieurs machines modernes mais nombre d'entre elles ont été inventées par des prédécesseurs (tels le bateau à roues à aubes existant sous la dynastie des Song du Sud au Ve siècle, l'hélicoptère, le véhicule à chenilles, la machine à tisser des scies hydrauliques, le sous-marin ou le char d'assaut blindé que Léonard perfectionne après avoir puisé ses idées notamment dans les carnets de Taccola et de son maître Giorgio, eux-mêmes copiant des manuscrits de penseurs contemporains ou médiévaux[106]) et, au-delà de l'étonnement éprouvé face à l’imagination prospective de l’auteur, on peut vite constater que le fonctionnement réel de la machine n’a pas dû être son souci premier. Comme le moine Eilmer de Malmesbury au XIe siècle qui avait oublié la queue dans sa machine volante, les inventions de Léonard butent sur de nombreuses difficultés : l’hélicoptère s’envolerait comme une toupie, le scaphandrier s’asphyxierait, le bateau à aubes n’avancerait pas, le parachute en pyramide s'enroulerait sur lui-même, etc.[107]. De plus, dans ces épures, Léonard ne pose jamais le problème de la force motrice[108].
265
+
266
+ Dans une lettre d'emploi adressée à Ludovic Sforza[Note 22], qui est une véritable lettre de candidature en dix points, il lui présente son profil professionnel, le meilleur du marché, avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre. Il énumère : ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, c'est-à-dire toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège[109].
267
+
268
+ Quand il a fui à Venise en 1499, il a trouvé un emploi d'ingénieur et a développé un système de barrières mobiles pour protéger la ville contre les attaques terrestres. Il a également eu pour projet de détourner la circulation de l'Arno afin d'irriguer les champs toscans, de faciliter le transport et même de gêner l'approvisionnement maritime de Pise, la rivale de Florence[37].
269
+
270
+ Ses carnets présentent un grand nombre d'« inventions » (inventions propres ou perfectionnement de machines et d'instruments) à la fois pratiques et réalistes[110], notamment des pompes hydrauliques, des mécanismes à manivelle comme la machine à tailler les vis de bois, des ailettes pour les obus de mortier, un canon à vapeur[20],[25], le sous-marin, plusieurs automates, le char de combat, l'automobile, des flotteurs pour « marcher sur l'eau », la concentration d'énergie solaire, la calculatrice, le scaphandre à casque, la double coque ou encore le roulement à billes. La paternité de la bicyclette est, quant à elle, très controversée[Note 23].
271
+
272
+ Un examen attentif de ces épures indique cependant que nombre de ces techniques furent, soit empruntées à quelques prédécesseurs immédiats (la turbine hydraulique à Francesco di Giorgio Martini, la chaîne articulée pour la transmission des mouvements à Taccola, etc.), soit l'héritage d'une tradition encore plus ancienne (le martinet hydraulique est connu au XIIIe siècle, les siphons et aqueducs sont visibles chez Frontin, les automates de divertissement décrits par les mécaniciens grecs…)[19]. Pourtant Léonard fut aussi novateur ; il est sans doute l'un des premiers dans le cercle des ingénieurs de l'époque à s'intéresser au travail mécanique du métal et en particulier de l'or, plus malléable. Avec la machine volante, les quelques machines textiles, pour lesquelles la régularité des mouvements mis en œuvre lui permet d'appliquer son sens de l'observation, signent son originalité. Le métier mécanique, la machine à carder et celle à tondre les draps font sans doute de Léonard, le premier qui chercha à mécaniser une fabrication industrielle. La machine à polir les miroirs qui supposait la résolution d'un certain nombre de problèmes pour obtenir des surfaces régulières, planes ou concaves, a été imaginée pendant son séjour romain alors qu'il étudiait la fabrication des images. Paradoxalement, Léonard de Vinci s'intéressa peu à des inventions que nous jugeons aujourd'hui très importantes, telles que l'imprimerie, même s'il est un des premiers à nous donner une représentation d'une presse d'imprimerie[19].
273
+
274
+ Si la guerre peut répondre à une nécessité, elle est pazzia bestialissima (« folie sauvage »)[33]. Il étudie donc les armes tout en gardant du recul quant à leur utilisation.
275
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276
+ En 1502, Léonard a dessiné un pont de deux cent quarante mètres dans le cadre d'un projet de génie civil pour le sultan ottoman Bayezid II d'Istanbul. Ce pont était destiné à franchir l'embouchure du Bosphore, connue sous le nom de la « Corne d'Or ». Beyazid ne poursuit pas le projet, car il estime que cette construction serait impossible. La vision de Léonard a été ressuscitée en 2001 quand un petit pont conçu selon ses idées a été construit en Norvège. Le 17 mai 2006, le gouvernement turc a décidé de construire le pont de Léonard pour la Corne d'Or[111].
277
+
278
+ Pendant la majeure partie de sa vie, Léonard a été, comme Icare, fasciné par le vol. Il a produit de nombreuses études sur ce phénomène en s'inspirant des oiseaux et des plans de vol de plusieurs appareils, dont les prémices d'hélicoptère nommées la « vis aérienne », le parachute et une sorte de deltaplane[25] en bambou. Sur ce nombre, la plupart étaient irréalisables, mais le deltaplane a été construit et, avec l'ajout un empennage pour la stabilité, a volé avec succès. Néanmoins, il semble probable qu'il estimait que les systèmes proches des chauves-souris avaient le plus gros potentiel[33]. Il inventa également la soufflerie aérodynamique pour ses travaux.
279
+
280
+ Le musée du clos Lucé à Amboise, le musée Il Castello situé au château de comtes Guidi de Vinci et le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci de Milan contiennent de nombreuses maquettes, des objets grandeur nature établis sur l’étude de ses carnets et des explications sur son travail.
281
+
282
+ De Vinci a également étudié l'architecture. Il est influencé par les travaux de Filippo Brunelleschi et a projeté de surélever le baptistère Saint-Jean de Florence[30] ou de créer une tour-lanterne pour la cathédrale de Milan[33]. Il utilise souvent la forme octogonale pour les bâtiments religieux et le cercle pour les militaires[37]. À la suite de la peste qui frappe Milan vers 1484 et 1485, il conçoit une ville parfaite théorique avec des axes de circulation optimaux et des conditions de vie de qualité, sa vision n'est pas marquée par des distinctions sociales, mais fonctionnelles, tels des organes dans un corps humain[33]. Il travaille également sur les jardins[45]. Néanmoins, beaucoup de ses travaux sur l'architecture seront perdus.
283
+
284
+ Léonard de Vinci a un besoin de rationaliser inconnu jusqu’alors chez les techniciens. Avec lui la technique n’est plus affaire d’artisans, de personnes ignorantes et de traditions plus ou moins valables et plus ou moins comprises par ceux qui étaient chargés de l’appliquer. George Sarton, historien des sciences, indique que Léonard de Vinci a recueilli une « tradition orale et manuelle, non une tradition littéraire[112]. »
285
+
286
+ C’est d’abord par les échecs, par les erreurs, par les catastrophes qu’il essaie de définir la vérité : les lézardes des murs, les affouillements destructeurs des berges, les mauvais mélanges de métaux sont autant d’occasions de connaître les bonnes pratiques.
287
+
288
+ Progressivement, il élabore une sorte de doctrine technique, née d’observations bientôt suivies d’expériences qui furent parfois conduites sur de petits modèles. Harald Höffding présente sa pensée comme un mélange d’empirisme et de naturalisme[113]. En effet, si pour Léonard de Vinci « La sagesse est la fille de l'expérience »[114], elle permet de vérifier constamment ses intuitions et théories, car « L'expérience ne se trompe jamais ; ce sont vos jugements qui se trompent en se promettant des effets qui ne sont pas causés par vos expérimentations »[114].
289
+
290
+ La méthode de Léonard de Vinci a certainement consisté dans la recherche de données chiffrées[112] et son intérêt pour les instruments de mesure en témoigne. Ces données étaient relativement faciles à obtenir dans le cas des poutres en flexion par exemple, beaucoup plus compliquées dans le domaine des arcs ou de la maçonnerie. La formulation des résultats ne pouvait être que simple, c’est-à-dire exprimée le plus souvent par des rapports. Cette recherche effrénée de l’exactitude est devenue la devise de Léonard de Vinci, Hostinato rigore (« obstinée rigueur »)[115]. C’est néanmoins la première fois qu’on voit appliquer de telles méthodes dans les métiers où on dut longtemps se contenter de moyens irraisonnés d’appréciation.
291
+
292
+ Ce faisant, Léonard en est arrivé à pouvoir poser des problèmes en termes généraux. Ce qu’il cherche avant tout ce sont des connaissances générales, applicables dans tous les cas, et qui sont autant de moyens d’action sur le monde matériel. Pour autant sa « science technique » reste fragmentaire. Elle s’attache à un certain nombre de problèmes particuliers, traités très étroitement, mais il y manque encore la cohérence d’ensemble qu'on trouvera bientôt chez ses successeurs[19].
293
+
294
+ Pour lui, cette recherche dans tous les domaines de la science et de l'art est normale, car tout est lié. Sa curiosité et son activité perpétuelle constituent le moyen de garder un esprit vivace, car « Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit »[114]. Léonard de Vinci considère la peinture, par exemple, comme l'expression visuelle d'un tout ; l'art, la philosophie et la science sont, selon lui, indissociables et pouvant expliquer en partie son approche de polymathe et « Qui blâme la peinture n'aime ni la philosophie ni la nature »[114]. En proposant une « synthèse par la beauté », Léonard de Vinci illustre à lui seul ce que fut le grand courant d'innovation de la Renaissance[116].
295
+
296
+ Cependant, cette tentative de grande synthèse - art-science - fût un échec et marqua la séparation « croissante et définitive » des domaines que sont l’art et les sciences, et marque ainsi le début de l’âge moderne[Note 24].
297
+
298
+ Léonard de Vinci pense que l'homme doit s'engager activement à combattre le mal et faire le bien, car « Celui qui néglige de punir le mal aide à sa réalisation »[114]. Il indique également qu'il ne se fait aucune illusion sur la nature de l'homme et de la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fait en préambule à une présentation du sous-marin :
299
+
300
+ « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent[118]. »
301
+
302
+ Léonard de Vinci place également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles :
303
+
304
+ « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit[114]. »
305
+
306
+ Léonard de Vinci, connu de son vivant pour acheter des oiseaux en cage afin de les libérer[119], était aussi célèbre pour être végétarien par refus de nuire aux animaux (à la manière des « Guzzarati » ou hindous)[120], ce qui peut ainsi le mettre dans la lignée de la philosophie de Pythagore ou d'Empédocle d'Agrigente (qui inspirèrent aussi Giordano Bruno). Léonard de Vinci écrit à ce propos :
307
+
308
+ « Homme, si vous êtes vraiment, comme vous le décrivez, le roi des animaux, — j'aurai dit plutôt le roi des brutes, la plus grande de toutes ! — pourquoi prenez-vous vos sujets et enfants pour satisfaire votre palais, pour des raisons qui vous transforment en une tombe pour tous les animaux ? […] La Nature ne produit-elle peut-être pas en abondance des aliments simples ? Et si vous ne pouvez pas vous contenter de tels aliments simples, pourquoi ne préparez-vous point vos repas en mélangeant entre eux ces aliments [d'origines végétales] de façon sophistiquée ? »
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+ — Quaderni d’Anatomia II 14 r.
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+ Léonard de Vinci incarne parfaitement l’esprit de la Renaissance, époque des « Grandes Découvertes ». Génie universel, curieux de tout, parfois vu comme un personnage entre Faust et Platon[45], il a consacré sa vie à la recherche de la connaissance. Il imagine de multiples appareils et machines, dont la première « machine volante », qui resteront au stade de dessins. Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploie dans l’ensemble des activités qu’il aborde, aussi bien en art qu’en technique — les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit — notamment en horlogerie, procède d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés çà et là, qui tend vers un surpassement de ce qui existe déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure. « Léonard de Vinci se classe mal et c'est en ce sens qu'il a paru exceptionnel »[19].
313
+
314
+ De son vivant, Léonard a déjà une renommée telle que le roi François Ier l'a ramené en France comme un trophée, et a affirmé l'avoir accompagné dans sa vieillesse et l'avoir tenu dans ses bras quand il est mort. La Mort de Léonard de Vinci, telle que représentée par Dominique Ingres, constitue cependant une vision apparemment très romancée. En réalité, François Ier était probablement à Saint-Germain-en-Laye au moment de son décès, en effet il y a signé un édit royal le lendemain du décès de Léonard de Vinci, le 3 mai[121].
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+ L'intérêt pour de Vinci n'a jamais diminué depuis cette période. Giorgio Vasari, dans Le Vite, édition de 1568[29], introduit son chapitre sur Léonard de Vinci avec les mots suivants :
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+ « Dans le cours normal des événements, beaucoup d'hommes et de femmes sont nés avec des talents remarquables ; mais, parfois, d'une manière qui transcende la nature, une seule personne est merveilleusement dotée par le paradis avec beauté, la grâce et le talent dans une telle abondance qu'il laisse les autres hommes loin derrière. Tous ses actes semblent inspirés et, de fait, tout ce qu'il fait vient clairement de Dieu plutôt que de compétences humaines. Tout le monde reconnaît que c'était vrai pour Léonard de Vinci, un artiste d'une beauté physique étonnante, qui a affiché une grâce infinie dans tout ce qu'il a fait et qui cultivait son génie si brillamment que tous les problèmes qu'il a étudiés, il les résolvait avec facilité[29]. »
319
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320
+ Giorgio Vasari pose ainsi les premiers jalons du mythe de Léonard de Vinci : peintre parfait, courtisan et bel homme, génie ombrageux fasciné par la laideur, mais incapable d'achever ses travaux, les anecdotes de Vasari étant reprises et remaniées dans les biographies de Léonard de Vinci jusqu'à aujourd'hui[122].
321
+
322
+ L'admiration continue qu'ont eue, pour Léonard, les peintres, les critiques et les historiens, se reflète dans de nombreux autres hommages écrits. Baldassare Castiglione, auteur du Livre du courtisan, écrit, en 1528 : « Un autre des plus grands peintres de ce monde, qui regarde d'en haut son art dans lequel il est sans égal »[123] tandis que le biographe « Anonimo » Gaddiano a écrit, vers 1540 : « Il fut si exceptionnel et universel qu'on peut le dire né d'un miracle de la nature »[124].
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+ Les écrits de Léonard de Vinci ne sont publiés qu'un siècle après sa mort ; l'édition bilingue français-italien de son Traité de la peinture (Trattato della pittura di Leonardo da Vinci), est éditée à Paris en 1651. Ses tableaux ne sont alors pas étudiés, n'étant redécouverts, comme ses Carnets (le premier carnet à être étudié correspond à des extraits inédits des manuscrits du Codex Atlanticus que le physicien italien Giovanni Battista Venturi déchiffre en 1797 à Paris[125]), qu'au XVIIIe et surtout au XIXe siècle qui voit en lui un prophète de la modernité[122].
325
+
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+ Le XIXe siècle a introduit une certaine admiration pour le génie Léonard, Johann Heinrich Füssli écrivant en 1801 : « Ainsi fut l'aube de l'art moderne, lorsque Léonard de Vinci apparut avec une splendeur qui distançait l'excellence habituelle : composé de tous les éléments qui constituent l'essence même du génie »[126], ce qui est repris par A. E. Rio, qui écrit en 1861 : « Il était au-dessus de tous les autres artistes grâce à la force et la noblesse de ses talents »[127]. La variété du champ d'application de Léonard, transmise par ses carnets est connue, ainsi que ses peintures. Hippolyte Taine écrit en 1866 : « Il ne peut sans doute pas y avoir dans le monde un exemple d'un génie si universel, si capable de s'épanouir, si empli de nostalgie envers l'infini, si naturellement raffiné, si autant en avance sur son propre siècle et les siècles suivants[128]. » Le célèbre historien d'art Bernard Berenson écrit en 1896 : « Léonard est un artiste dont on peut dire avec une parfaite littéralité : tout ce qu'il a touché s'est transformé en une chose d'une éternelle beauté. Qu'il s'agisse de la section transversale d'un crâne, la structure d'une mauvaise herbe ou une étude des muscles, il l'a, avec son sens de la ligne et de la lumière et de l'ombre, à jamais transformée en des valeurs qui communiquent la vie[129]. Charles Baudelaire le cite même dans Les Fleurs du mal (1857)[130]. »
327
+
328
+ L'intérêt pour le génie Léonard s'est maintenu sans relâche ; des experts étudient et traduisent ses écrits, analysent ses tableaux en utilisant des techniques scientifiques, argumentent sur les œuvres qu'on lui attribue et recherchent des œuvres qui ont été enregistrées, mais jamais découvertes[131]. La critique d'art Liana Bortolon (it) écrit dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967) : « En raison de la multiplicité des intérêts qui l'ont incité à poursuivre tous les domaines de connaissances, […] Léonard peut être considéré, à juste titre, d'avoir été le génie universel par excellence et avec toutes les harmoniques inhérentes à ce terme. L'homme est aussi mal à l'aise aujourd'hui face à un génie qu'il l'a été au XVIe siècle. Cinq siècles se sont écoulés et nous voyons encore Léonard avec une grande frayeur[20]. » Les foules font toujours la queue pour voir ses plus célèbres œuvres d'art : par exemple, le Musée du Louvre doit une grande part de sa notoriété à La Joconde.
329
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330
+ Avec le best-seller Da Vinci Code, roman mêlant faits historiques et artifices scénaristiques, Dan Brown a donné un nouvel élan à l'intérêt pour de Vinci en 2003. Le roman a été adapté au cinéma par Ron Howard.
331
+
332
+ D'après un article du Monde[132], la boîte de vitesses de la Tata Nano a été imaginée à partir d'un modèle Léonard de Vinci : il s'agit tout simplement d'une lanterne en forme de tronc de cône qu'il était sans doute difficile de manœuvrer pour la laisser en contact avec la roue dentée sur laquelle elle s'engrenait[19].
333
+
334
+ En 2007, un couple de chercheurs italiens a émis une hypothèse sur la présence d'une partition de musique cachée à l'intérieur de La Cène. La disposition des mains des personnages et des pains sur la table donnerait une petite mélodie[133].
335
+
336
+ Le 26 avril 2008, un saut a été réalisé avec un parachute conçu selon les croquis et textes de Léonard de Vinci datant de 1485. Le Suisse Olivier Vietti-Teppa s'est élancé au-dessus de l'aéroport militaire de Payerne depuis un hélicoptère en vol stationnaire à 650 mètres d'altitude, avec une réplique du parachute fabriquée avec des matériaux modernes[134],[135] : il mesura une vitesse de chute de 3,9 m/s et put atterrir normalement[136]. En 2000, le Britannique Adrian Nicholas avait également réalisé un saut avec une réplique du parachute, mais celui-ci étant plus fidèle à l'original, il pesait 80 kg et présentait des risques à l'atterrissage. L'homme avait abandonné la réplique en vol pour faire un atterrissage avec un parachute actuel.
337
+
338
+ Le 18 décembre 2008, lors d'une restauration, des membres du personnel du Musée du Louvre à Paris découvrent trois dessins représentant une tête de cheval, un crâne et un enfant au dos de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, vraisemblablement de Léonard de Vinci[137].
339
+
340
+ En France, en 2015, 94 établissements scolaires portent son nom, fait rarissime pour une personnalité étrangère[138].
341
+
342
+ Le 15 novembre 2017, son tableau Salvator Mundi reconnu authentique en 2005, est vendu à New York chez Christie's pour la somme de 450,3 millions de dollars, ce qui en fait la toile la plus chère du monde et de l'histoire[139].
343
+
344
+ A l'occasion des 500 ans de sa mort en 2019, le musée du Louvre à Paris consacre une exposition évènement regroupant un très grand nombre de chef-d'oeuvres attribués à Léonard de Vinci[140].
345
+
346
+ Ce classement est fait selon les tendances générales des experts. La difficulté étant que les travaux « d'atelier » ne sont signés que par le propriétaire de cet atelier et qu'il manque d'œuvres de références pour Vinci, notamment dans la sculpture.
347
+
348
+ Francesco Melzi s‘efforça jusqu’à sa mort de reconstituer le Trattato della pittura projeté par Léonard de Vinci. Son manuscrit, un travail « très avancé, mais inachevé », selon André Chastel, est conservé à la Bibliothèque du Vatican sous la référence Codex Urbinas latinus 1270. La première édition du Tratatto della pittura, parue en 1651, en italien puis en français, est établie sur une copie du Codex Urbinas latinus 1270 que possédait Cassiano Dal Pozzo. L’édition de Guglielmo Manzi, parue en 1817, est la première établie directement sur le Codex Urbinas latinus 1270.
349
+
350
+ La relation amoureuse entre Léonard et Salai, le rôle de ce dernier comme modèle de la Joconde se retrouve dans les bandes dessinées :
351
+
352
+ Dans sa série en deux parties S.H.I.E.L.D. entre 2010 et 2018, Jonathan Hickman scénarise un Léonard De Vinci au sein d'une structure secrète protégeant l'humanité contre toute sorte de fléaux depuis des siècles. Cette Confrérie du Bouclier donnera naissance au SHIELD dans les aventures des héros Marvel. Léonard y est opposé à Isaac Newton.
353
+
354
+ Dans la bande dessinée Le Guide ou le secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky)[143] de Bruno Bertin (Éd. P'tit Louis, 2012), un ouvrier qui travaille dans une chambre du Clos Lucé découvre une petite boite de métal dans un mur. Des enfants qui se rendent en Touraine pour faire un exposé tombent sur cette boîte... L'histoire, qui se déroule à Amboise, au château d'Amboise et au Château du Clos Lucé, sert de prétexte à la découverte de Léonard de Vinci, d'Amboise et de ses monuments historiques[144]. La bande dessinée est déclinée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P'tit Louis, 2013).
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+ Des disques permettent de mettre en relation des compositions de la Renaissance avec la vie de Léonard de Vinci :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Léonard de Vinci (italien : Leonardo di ser Piero da Vinci écouter, dit Leonardo da Vinci[Note 2]), né le 15 avril 1452 à Vinci (Toscane) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), est un peintre italien[1],[2] et un homme d'esprit universel, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes[3], scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
4
+
5
+ Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur florentin Andrea del Verrocchio. Ses premiers travaux importants sont réalisés au service du duc Ludovic Sforza à Milan. Il œuvre ensuite à Rome, Bologne et Venise et passe les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François Ier.
6
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7
+ Léonard de Vinci est souvent décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace »[Note 3], et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention[5]. Nombre d'auteurs et d'historiens le considèrent comme l'un des plus grands peintres de tous les temps et certains comme la personne la plus talentueuse dans le plus grand nombre de domaines différents ayant jamais vécu[Note 4],[Note 5].
8
+
9
+ C'est d'abord comme peintre que Léonard de Vinci est reconnu. Deux de ses œuvres, La Joconde et La Cène, sont des peintures mondialement célèbres, souvent copiées et parodiées[5], et son dessin de l’Homme de Vitruve est également repris dans de nombreux travaux dérivés. Seule une quinzaine de tableaux sont parvenus jusqu'à nous[Note 6]. Ce petit nombre est dû à ses expérimentations constantes et parfois désastreuses de nouvelles techniques et à sa procrastination chronique[7]. Néanmoins, ces quelques œuvres, jointes à ses carnets contenant plus de 6 000 pages[8] de notes, dessins, documents scientifiques et réflexions sur la nature de la peinture (rassemblés en dix Codex publiés au XIXe siècle), sont un legs aux générations d'artistes qui lui ont succédé. Nombre de ces derniers le considèrent comme n'ayant été égalé que par Michel-Ange.
10
+
11
+ Comme ingénieur et inventeur, Léonard développe des idées très en avance sur son temps, comme l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et même jusqu'à l'automobile. Très peu de ses projets sont réalisés ou même seulement réalisables de son vivant[Note 7], mais certaines de ses plus petites inventions comme une machine pour mesurer la limite élastique d'un câble entrent dans le monde de la manufacture[Note 8]. En tant que scientifique, Léonard de Vinci a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines de l'anatomie, du génie civil, de l'optique et de l'hydrodynamique.
12
+
13
+ Léonard de Vinci est né le samedi 15 avril 1452 « à la troisième heure de la nuit », c'est-à-dire trois heures après l'Ave Maria, soit 22 h 30[9], d’une relation amoureuse illégitime entre Messer Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, chancelier et ambassadeur de la République florentine et descendant d’une riche famille de notables italiens, et une certaine Caterina, dans le petit village toscan d’Anchiano, à deux kilomètres de Vinci[Note 9], sur le territoire de Florence en Italie[10],[11]. Caterina serait, selon la tradition, fille de paysans pauvres. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-Orient[12]. Depuis lors, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux l'ont identifiée respectivement à une pauvre orpheline, Caterina di Meo Lippi, ou à Caterina di Antonio di Cambio, fille de petits cultivateurs[13].
14
+
15
+ Léonard, ou plutôt Lionardo selon son nom de baptême[14], est baptisé puis passe ses cinq premières années chez sa mère à Anchiano. Il a cinq marraines et cinq parrains, tous habitant le village de Vinci[14], dont le nom provient de celui des « vinchi », plantes assimilables à des joncs, utilisées dans l'artisanat toscan et poussant près du ruisseau Vincio[14].
16
+
17
+ À cette époque, les conventions d’appellation modernes ne se sont pas encore développées en Europe. Seules, les grandes familles font usage du nom de leur appartenance patronymique. L’homme du peuple est désigné par son prénom, auquel on adjoint toute précision utile : le nom du père, le lieu d’origine, un surnom, le nom du maître pour un artisan, etc. Par conséquent, le nom de l’artiste est Leonardo di ser Piero Da Vinci, ce qui signifie Leonardo, fils de maître Piero De Vinci ; néanmoins le « Da » porte une majuscule afin de distinguer qu'il s'agit d'un patronyme[14]. Léonard lui-même signe simplement ses travaux Leonardo ou Io, Leonardo (« Moi, Léonard »). La plupart des autorités rapportent donc ses travaux à Leonardo sans le da Vinci. Vraisemblablement, il n’emploie pas le nom de son père parce qu’il est un enfant illégitime.
18
+
19
+ En 1457, il a cinq ans quand sa mère se marie avec Antonio di Piero Buti del Vacca da Vinci, un paysan de la ville, avec lequel elle aura cinq enfants[14]. Il est alors admis dans la maison de la famille de son père, du village de Vinci qui, entre-temps, a épousé une jeune fille d'une riche famille de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori[14]. Celle-ci, sans enfant, reporte toute son affection sur Léonard, mais elle meurt très jeune en couches, en 1464[14]. Considéré dès sa naissance comme un fils à part entière par son père[15], il ne fut cependant jamais légitimé. Son père se maria quatre fois et lui donna dix frères et deux sœurs légitimes venus après Léonard. Il aura de bons rapports avec la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, et laissera une note l'appelant « chère et douce mère »[14].
20
+
21
+ Léonard est également élevé par son oncle Francesco qui joue un rôle important dans sa formation, et par son grand-père Antonio da Vinci qui lui apprend le don d'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !)[16].
22
+
23
+ Livré à lui-même, il reçoit une éducation assez libre comme les autres villageois de son âge, apprend entre douze et quinze ans les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique dans une scuola d’abaco (école d'abaco) destinée aux fils de commerçants et artisans[17]. Non « lettré », il n'y étudie pas le grec et le latin (il n'apprendra imparfaitement ces deux langues que doivent maîtriser les savants et les lettrés qu'en autodidacte seulement à l'âge de 40 ans[18]), et une orthographe chaotique montre que cette instruction n'est pas sans lacunes ; en tout cas, il ne peut prétendre à des études universitaires[19].
24
+
25
+ Sa grand-mère paternelle, Lucia di ser Piero di Zoso, céramiste et proche de Léonard, est peut-être la personne qui l'initia aux arts[14]. Un présage connu rapporte qu'un milan venu du ciel aurait fait un vol stationnaire au-dessus de son berceau, la queue de l'oiseau le touchant au visage[20],[21].
26
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27
+ Giorgio Vasari, le biographe du XVIe siècle des peintres de la Renaissance, raconte, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[22] (1568), l'histoire d'un paysan local qui demanda à ser (Signore) Piero[Note 10] que son talentueux fils peigne une image sur un bouclier de bois utilisé comme épouvantail, une rondache. Léonard, rassemblant différentes parties d'animaux qu'il observait attentivement lors de ses pérégrinations dans la campagne, peignit une image représentant un dragon crachant du feu, si réussie que ser Piero la vendit à un marchand d'art florentin, lui-même la revendant au duc de Milan. Entre-temps, après avoir réalisé un bénéfice, ser Piero acheta une plaque décorée d'un cœur transpercé d'une flèche qu'il donna au paysan[23]. Cette anecdote est cependant à prendre avec précaution car, selon Paul Barolsky, de nombreux récits des Vies constituent de pures inventions poétiques[24].
28
+
29
+ Le jeune Léonard est proche de la nature qu’il observe avec une vive curiosité et s’intéresse à tout. Il dessine déjà des caricatures et pratique l'écriture spéculaire en dialecte toscan.
30
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31
+ Giorgio Vasari, dans sa biographie de Léonard, raconte une anecdote sur les premiers pas dans la carrière artistique de celui qui allait devenir un des plus grands peintres de la Renaissance. Un jour, le père de Léonard, ser Piero, « prit plusieurs de ses dessins et les soumit à son ami Andrea del Verrocchio, en le priant instamment de lui dire si Léonard devait se consacrer à l’art du dessin et s’il pourrait parvenir à quelque chose en cette matière. Andrea s’étonna fort des débuts extraordinaires de Léonard et exhorta ser Piero à lui permettre de choisir ce métier ; sur quoi, ser Piero résolut que Léonard entrerait à l’atelier d’Andrea. Léonard ne se fit pas prier ; non content d’exercer ce métier, il exerça ensuite tous ceux qui se rattachent à l’art du dessin ». C’est ainsi que Léonard est placé comme élève apprenti à partir de 1469 dans un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance de Florence sous le patronage d’Andrea del Verrocchio. Il doit à ce dernier sa formation multidisciplinaire d’excellence et côtoie alors dans sa bottega (atelier d'artistes réunissant maîtres et élèves) d’autres artistes comme Sandro Botticelli, Le Pérugin et Domenico Ghirlandaio[20],[25].
32
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33
+ En effet, jusqu'en 1468, Léonard est recensé comme résident de la commune de Vinci, mais il est très souvent à Florence où son père travaille[14].
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35
+ Verrocchio est un artiste renommé[Note 11] très éclectique : orfèvre et forgeron de formation[25], peintre, sculpteur et fondeur qui travaille notamment pour le riche mécène Laurent de Médicis. Les commandes principales sont des retables et des statues commémoratives pour les églises. Cependant, les plus grandes commandes sont constituées de fresques pour les chapelles — comme celles créées par Domenico Ghirlandaio et son atelier pour la Chapelle Tornabuoni — et de grandes statues, telles que les statues équestres de Gattamelata par Donatello et Bartolomeo Colleoni de Verrocchio[26].
36
+
37
+ Après un an passé au nettoyage des pinceaux et autres petits travaux d’apprenti, Léonard est initié par Verrocchio aux nombreuses techniques pratiquées dans un atelier traditionnel, bien que certains artisans soient spécialisés dans des tâches telles que l’encadrement, les dorures et le travail du bronze. Il a donc eu l’occasion d’apprendre notamment des bases de la chimie, de la métallurgie, du travail du cuir et du plâtre, de la mécanique et de la menuiserie, ainsi que des techniques artistiques de dessin, de peinture et de sculpture sur marbre et sur bronze[27],[28]. Il est également initié à la préparation des couleurs, à la gravure et à la peinture des fresques. Par la suite, Verrocchio confie à son élève — qu’il trouve exceptionnel — le soin privilégié de terminer ses tableaux.
38
+
39
+ Mais la formation reçue lors de son apprentissage à l'atelier Verrocchio semble plus large encore. Léonard acquiert la connaissance du calcul algorithmique et il cite les deux abacistes florentins les plus en vue, Paolo Toscanelli del Pazzo et Leonardo Chernionese[19]. Plus tard, Léonard paraît bien faire allusion à la Nobel opera de arithmética, de Piero Borgi, imprimée à Venise en 1484, et qui représente bien la science de ces écoles d'abaques[19].
40
+
41
+ Il n’y a pas d’œuvre de Léonard connue pendant cette période mais, selon Vasari, il aurait collaboré à une peinture nommée Le Baptême du Christ (1472-1475)[29]. C’est d’ailleurs, selon la légende, à cause de la qualité du petit ange peint par Vinci pour ce tableau que Verrocchio, se sentant surpassé par son jeune assistant, décide de ne plus peindre[15]. Selon la tradition qui veut que ce soit l’apprenti qui prenne la pose[10], Léonard aurait servi de modèle à la statue en bronze du David de Verrocchio. Il est également supposé que l’Archange Raphaël dans l’œuvre Tobie et l’Ange de Verrocchio est le portrait de Léonard[10].
42
+
43
+ En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de Saint-Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence, le Campagnia de Pittori. Il y a quelques traces de cette période de la vie de Léonard, dont la date d’un de ses premiers travaux, un dessin fait à la plume et à l’encre, Paysage de Santa Maria della neve (1473).
44
+
45
+ Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables, telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.
46
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47
+ Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui[20]. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).
48
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49
+ Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : en 1478, il offre de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement[19].
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+ Les archives judiciaires de 1476 montrent que, avec trois autres hommes, il a été accusé de sodomie sur Jacopo Saltarelli, pratique à l’époque illégale à Florence. Tous ont été acquittés des charges retenues[30], probablement grâce à l'intervention de Laurent de Médicis, mais Léonard a dû passer deux mois en prison pendant l'enquête judiciaire[31]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[32].
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+ Deux années plus tard, à 26 ans, il quitte son maître après l'avoir brillamment dépassé dans toutes les disciplines. Léonard de Vinci devient alors maître-peintre indépendant.
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+ En 1481, le monastère de San Donato lui commande L’Adoration des mages, mais Léonard ne terminera jamais ce tableau, probablement déçu ou vexé de ne pas être choisi par le pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle Sixtine du Vatican à Rome, où il se trouve en concurrence avec plusieurs peintres[33]. Le néoplatonisme — en vogue à l’époque à Florence — joue peut-être également un rôle dans son départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan[33]. Cela est probablement plus en phase avec son esprit, qui s'appuie sur un développement empirique, grâce à ses multiples expériences.
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+ Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486) pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San Francesco Grande de Milan, mais ce tableau sera au centre d’un conflit entre l’auteur et ses commanditaires pendant plusieurs années[33]. En effet, Léonard s'engage avec le droit de pouvoir copier l'œuvre, mais cela lui est refusé par la suite ; il se voit donc contraint de stopper son travail, provoquant du retard. Le problème ne sera résolu que par des décisions de justice et les interventions d'amis.
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+ À Florence, le travail de Léonard ne passe pas inaperçu. Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc de Milan, Ludovic Sforza. Le but de cette manœuvre est de rester en bonnes relations avec ce rival important[34].
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+ Léonard est très probablement accompagné par le musicien Atalante Migliorotti[33]. Il écrit également une lettre à Sforza, lettre qui figure dans le Codex Atlanticus et qui décrit les nombreuses et diverses choses merveilleuses qu’il pourrait faire dans le domaine de l’ingénierie ; il informe le seigneur qu’il peut aussi peindre[35],[25]. Ce texte est bien dans la tradition des ingénieurs qui l'ont précédé. Il reprend ainsi le même programme, les mêmes curiosités et les mêmes recherches : désormais, c'est bien en ingénieur que Léonard va vivre et travailler[19]. Sforza l’emploie à des tâches diverses sous le titre mythique d’« Apelle florentin », réservé aux grands peintres[33]. L’artiste est ainsi « ordonnateur de fêtes et spectacles aux décors somptueux » du palais et invente des machines de théâtre qui émerveillent le public. Il peint plusieurs portraits de la cour milanaise. Léonard de Vinci est porté sur la liste des ingénieurs des Sforza et lorsqu'on l'envoie à Pavie, il est qualifié d'« ingeniarius ducalis »[19]. Mais des contacts avec les cercles éclairés de Milan lui montrent également toutes les lacunes de sa formation[19].
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+ Il s’occupe également de l’étude pour le dôme de la cathédrale de Milan et d’une version en argile pour faire un moule pour le Gran Cavallo (« Il Cavallo »), le cheval de Léonard), une imposante statue équestre en l’honneur de Francesco Sforza, le père et prédécesseur de Ludovic ; faite de soixante-dix tonnes de bronze, elle constitue une véritable prouesse technique pour l’époque. Cette statue reste pourtant inachevée pendant plusieurs années, Michel-Ange reconnaissant lui-même qu’il est incapable de la fondre[20]. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France[25].
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+ En 1490, il participe à une sorte de congrès d'architectes et d'ingénieurs, réunis pour l'achèvement du Dôme de Milan, et fait la connaissance d'un autre ingénieur dont la renommée est bien établie, Francesco di Giorgio Martini. Ce dernier l'emmène à Parme, avec Giovanni Antonio Amadeo et Luca Fancelli, où on lui a demandé une autre consultation pour la construction de la cathédrale[19].
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+ C’est à cette époque que Léonard réfléchit à des projets techniques et militaires. Il améliore les horloges, le métier à tisser, les grues et de nombreux autres outils. Il étudie aussi l’urbanisme et propose des plans de cités idéales. Il s'intéresse à l'aménagement hydraulique et un document de 1498 le cite comme ingénieur et chargé de travaux sur les fleuves et les canaux[19].
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+ Bien que vivant à Milan entre 1493 et 1495, Léonard a noté dans ses documents d’imposition qu’il a, à sa charge, une femme appelée Caterina. À la mort de celle-ci, en 1495, la liste détaillée des dépenses relatives à ses funérailles laisse à penser que c’était sa mère Caterina, plutôt qu’une servante[36],[20].
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+ Vers 1490, il crée une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités. La fresque La Cène (1494-1498) est peinte pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie[20]. En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan ; Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione[19]. Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza[33].
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+ En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza — lequel s’enfuit en Allemagne chez son neveu Maximilien Ier du Saint-Empire[37] — sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement[Note 12].
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+ Louis XII revendique ses droits à la succession des Visconti[37]. Louis XII envisage de découper le mur représentant La Cène pour l’emporter en France, comme l’imaginera également Napoléon Ier quelques siècles plus tard[33]. Avec la chute de Sforza, Léonard entre au service du comte de Ligny, Louis de Luxembourg[38] ; celui-ci lui demande de préparer un rapport sur l'état de la défense militaire de la Toscane[19]. Le retour inopiné de Ludovic Sforza modifie ses projets et, avec son assistant Salai, il fuit Milan en février 1499 pour Mantoue puis pour Venise.
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+ En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire[20],[10] par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise[19].
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+ En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este. Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau[39]. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges[19]. Il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata en 1501 et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival »[29],[Note 13].
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+ Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli[37]. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France[37].
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+ En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général »[40]. Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse[19].
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+ Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno[41],[42].
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+ Le 18 octobre 1503, il retourne à Florence où il remplit les fonctions d'ingénieur de guerre (il dessine notamment des arquebuses, une bombarde chargée par la culasse, des engins de siège comme la catapulte, le mortier ou la baliste)[43]. Il y est aussi architecte et ingénieur hydraulicien[19]. Il se réinscrit à la guilde de Saint-Luc et passe deux années à préparer et réaliser La bataille d'Anghiari (1503-1505), une fresque murale imposante[10] de sept mètres sur dix-sept[37], avec Michel-Ange faisant La bataille de Cascina sur la paroi opposée[37]. Les deux œuvres seront perdues[Note 14], la peinture de Michel-Ange est connue à partir d'une copie d'Aristotole da Sangallo en 1542[44] et la peinture de Léonard est connue uniquement à partir de croquis préparatoires et de plusieurs copies de la section centrale, dont la plus connue est probablement celle de Pierre Paul Rubens[10]. Un feu utilisé pour sécher plus rapidement la peinture ou la qualité du matériel semblent être à l'origine de l’altération de l'œuvre, laquelle a par la suite probablement été recouverte par une fresque de Giorgio Vasari[37].
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+ Léonard est consulté à plusieurs reprises comme expert, notamment pour étudier la stabilité du campanile de San Miniato al Monte et lors du choix de l’emplacement du David de Michel-Ange[37] où son avis s’oppose à celui de Michel-Ange. C'est à cette période qu'il présente à la cité de Florence son projet de déviation de l'Arno destiné à créer une voie navigable capable de relier Florence à la mer avec la maîtrise des terribles inondations[19]. Cette période est importante pour la formation scientifique de Léonard qui, dans ses recherches hydrauliques, pratique l'expérience. En 1504, il revient travailler à Milan, qui est désormais sous le contrôle de Maximilien Sforza, grâce au soutien des mercenaires suisses. Beaucoup des élèves et des adeptes les plus en vue dans la peinture connaissent ou travaillent avec Léonard à Milan[20], y compris Bernardino Luini, Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono[Note 15].
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+ Son père meurt le 9 juillet 1504 et Léonard est écarté de l’héritage en raison de son illégitimité ; cependant, son oncle fera plus tard de lui son légataire universel[37]. La même année, Léonard réalise des études anatomiques et tente de classer ses innombrables notes. Il commence à travailler La Joconde (1503-1506 puis 1510-1515) qui est habituellement considérée comme un portrait de Mona Lisa del Giocondo, née Lisa Maria Gherardini. Pourtant, de nombreuses interprétations au sujet de ce tableau sont encore discutées.
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+ En 1505, il étudie le vol des oiseaux et rédige le codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux. Désormais, observations, expériences et reconstructions a posteriori se succèdent[19]. Une année plus tard, le gouvernement de Florence lui permet de rejoindre le gouverneur français de Milan Charles d’Amboise qui le retient auprès de lui, malgré les protestations de la seigneurie. Léonard est tiraillé entre Français et Toscans ; il est pressé par le tribunal de finir La Vierge aux rochers avec son élève Giovanni Ambrogio de Predis, alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari[37].
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+ Le peintre devient l’unique héritier de son oncle Francesco en 1507, mais les frères de Léonard entament une procédure pour casser le testament[37]. Léonard fait appel à Charles d’Amboise et Florimond Robertet pour qu'ils interviennent en sa faveur[37]. Louis XII de France est à Milan, et Léonard est de nouveau l’ordonnateur des fêtes données dans la capitale lombarde.
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+ En 1508, il vit dans la maison de Piero di Braccio Martelli avec le sculpteur Giovanni Francesco Rustici à Florence[45] mais part habiter à Milan, à la Porta Orientale dans la paroisse de Santa Babila[10]. Louis XII revient bientôt en Italie et entre à Milan en mai 1509. Presque aussitôt, il dirige ses armées contre Venise, et Léonard suit le roi en qualité d'ingénieur militaire ; il assiste à la bataille d'Agnadel[19]. À la mort du gouverneur Charles d’Amboise en 1511 et après la bataille de Ravenne en 1512, la France quitte le Milanais. Cette seconde période milanaise permet à Léonard de Vinci d'approfondir ses recherches en science pure. La parution, en 1509, du De expendentis et fugiendis rebus de Giorgio Valla eut certainement une grande influence sur lui[19].
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+ En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à cette époque[10]. Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée[19], l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis[19]. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
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+ « Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris[19].
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+ En septembre 1515, le nouveau roi de France François Ier reconquiert le Milanais lors de la bataille de Marignan[46]. En novembre 1515, Léonard se penche sur un nouveau projet d’aménagement du quartier Médicis à Florence. Le 19 décembre, il est présent à Bologne pour la réunion entre François Ier et le pape Léon X[20],[47],[48]. François Ier charge Léonard de concevoir un lion mécanique pouvant marcher et dont la poitrine s'ouvre pour révéler des lys[29]. On ne sait pas pour quelle occasion ce lion a été conçu, mais il peut avoir été lié à l'arrivée du roi à Lyon ou aux pourparlers de paix entre le roi et le pape[Note 16].
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+ Il part travailler en France en 1516 avec son assistant artiste-peintre Francesco Melzi et Salai[45], où son nouveau mécène et protecteur, le roi François Ier, l’installe au manoir du Cloux — actuel château du Clos Lucé —, propriété de sa mère Louise de Savoie[49].
106
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+ Âgé de 64 ans, Léonard de Vinci arrive en France, apportant avec lui trois de ses toiles majeures : Saint Jean Baptiste, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne et La Joconde[50]. Selon la légende, il aurait fait ce voyage à travers les Alpes à dos de mulet, or aucun document de l'époque ne le prouve[51]. Il aurait très bien pu arriver en bateau, puis prendre des chevaux.
108
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109
+ Au château du Clos Lucé, Léonard se trouve ainsi à proximité du château d'Amboise, la demeure du roi. Le souverain le nomme « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi »[15] avec une pension annuelle de mille écus[52]. Peut-être à la cour de France s'intéressait-on plus au peintre, à l'artiste qu'à l'ingénieur et, jusque-là, seuls des Français s'étaient attaché l'illustre Florentin en qualité d'artiste : en Italie, il n'avait jamais été engagé que comme ingénieur[19].
110
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+ En lui donnant le château du Clos Lucé, François Ier dit à Léonard : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». Il n'est pas le premier artiste à recevoir cet honneur ; Andrea Solario et Giovanni Giocondo l'avaient précédé quelques années avant[45].
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113
+ Au Clos Lucé, Léonard travaille comme ingénieur, architecte et metteur en scène, organisant pour la Cour des réceptions et fêtes somptueuses. Il inspire autour de lui la pensée et la mode. Il travaille à de nombreux projets pour le roi.
114
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+ François Ier est fasciné par Léonard de Vinci et le considère comme un père. Selon la légende, le château du Clos Lucé et le château d'Amboise étaient d'ailleurs reliés par un souterrain permettant au souverain de rendre visite à l’homme de science en toute discrétion.
116
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+ Il projette et réalise pour la reine Louise de Savoie (mère de François Ier) la construction d’une nouvelle demeure à Romorantin, sur la base d'un château médiéval pré-existant, intégrant le détournement d’un fleuve dans la Sauldre. Les travaux de dérivation, d'aménagement et de terrassement ont lieu entre 1516 et 1518. La construction est initiée, une aile de 70 mètres de long est réalisée mais les travaux restent inachevés en 1519, peut-être à cause de la peste, mais plus probablement à cause de la mort de Léonard[53].
118
+ L'aile construite par Louise de Savoie est détruite en 1723[54]. Il reste aujourd'hui, outre les plans de Leonard de Vinci dans le Codex Atlanticus, des traces archéologiques nombreuses dont les ruines du château et les remblais, qui font de ce projet inachevé un prototype du château de Chambord et de son fameux escalier à vis, dont l'architecte Dominique de Cortone vient rencontrer Leonard en 1518 au Clos Lucé[55].
119
+
120
+ Il esquisse un projet de canal entre la Loire et la Saône et organise des fêtes, comme celle que le roi donne au château d'Argentan en octobre 1517 en l'honneur de sa sœur Marguerite d'Angoulême[19].
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122
+ Une paralysie a frappé Léonard de Vinci à la fin de sa vie. Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, lorsque, tous deux en 1517, visitèrent Léonard de Vinci à Amboise expliquait combien le maître était en difficulté et comment les élèves l'aidaient[56].
123
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124
+ « Même si de lui, pour être venu à lui une certaine paralysie à droite, on ne peut plus attendre une bonne chose. Il a bien formé un créateur milanais qui travaille très bien. Et bien que Léonard de Vinci ne puisse pas colorier avec cette douceur habituelle, il peut aussi faire des dessins et en enseigner à d'autres[57]. »
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+ Le 23 avril 1519, Léonard de Vinci, malade depuis de longs mois, rédige son testament devant un notaire d’Amboise. La lettre de naturalité octroyée par François Ier lui permet de contourner le droit d'aubaine. Il demande un prêtre pour recevoir sa confession et lui donner l'extrême onction[29]. Il est emporté par la maladie le 2 mai 1519[45] au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.
127
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+ La tradition selon laquelle il mourut dans les bras de François Ier est racontée par Giorgio Vasari dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[58]. Elle repose peut-être sur une interprétation erronément littérale d'une épitaphe, rapportée par Vasari dans l'édition de 1550 des Vies, mais qui ne figure plus dans celle de 1568[59]. Cette inscription — qui n'a jamais été vue sur aucun monument — contient les mots « Sinu Regio » pouvant signifier au sens propre : sur la poitrine d'un roi ; mais aussi, dans un sens métaphorique, dans l'affection d'un roi, et peuvent n'être qu'une allusion à la mort de Léonard dans un château royal[60]. De plus à cette époque, la Cour est au château de Saint-Germain-en-Laye, où la reine accouche du futur Henri II — le 31 mars —, et les ordonnances royales données le 1er mai sont datées de cet endroit. Le journal de François Ier ne signale d'ailleurs aucun voyage du roi jusqu’au mois de juillet. Pour finir, l’élève de Léonard de Vinci, Francesco Melzi, auquel il lègue ses livres et ses pinceaux et qui est dépositaire de son testament, écrit au frère du grand peintre une lettre où il raconte la mort de son maître. Pas un mot n’y fait allusion à la circonstance mentionnée plus haut qui, si elle avait été avérée, n’aurait certainement pas été oubliée[61],[62].
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+ Selon ses dernières volontés, soixante mendiants suivent son cortège vers la collégiale Saint-Florentin du château d'Amboise, où il est enterré. Les ossements attribués à Léonard de Vinci sont supposés placés depuis 1874 sous la pierre tombale de la chapelle Saint-Hubert, dans l’enceinte du château d'Amboise et dominant la ville[63]. Sa tombe fut refaite de 1934 à 1936 par le sculpteur Francis La Monaca.
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+ Léonard de Vinci, toute sa vie célibataire et n’ayant jamais eu ni femme ni enfant, lègue l’ensemble de son œuvre considérable, pour la faire publier, à son disciple préféré et élève depuis ses dix ans, Francesco Melzi. Il lui offre notamment ses manuscrits, carnets, documents et instruments[64].
133
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134
+ Après l’avoir accompagné en France, il reste près de Léonard de Vinci jusqu’à sa mort. Cependant, il ne publiera rien de l'œuvre de Léonard et de nombreuses peintures — dont la Joconde — qui se trouvaient encore en sa possession dans son atelier, certains tableaux ayant été déjà vendus à François Ier, d'autres donnés en héritage à Salai pendant son séjour au Clos Lucé en 1518[65]. Les vignes de Léonard seront divisées entre Salai, un autre élève et disciple très apprécié par Léonard et entré à son service à l’âge de 15 ans, ainsi que son servant Battista de Vilanis[64]. Le terrain sera légué aux frères de Léonard et sa servante Mathurine reçut un manteau noir à bords de fourrure[66].
135
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136
+ Vingt ans après la mort de Léonard, François Ier dira au sculpteur Benvenuto Cellini :
137
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+ « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe[67]. »
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140
+ Léonard commence son apprentissage avec Andrea del Verrocchio en 1466, année où le maître de Verrocchio, le grand sculpteur Donatello, meurt. Le peintre Paolo Uccello, dont les premières expériences avec la perspective influencèrent le développement de la peinture des paysages, est alors très âgé. De même, les peintres Piero della Francesca et Fra Filippo Lippi, le sculpteur Luca della Robbia et l'architecte et écrivain Leon Battista Alberti ont environ 60 ans. Les artistes les plus renommés de la génération suivante sont le maître de Léonard : Andrea del Verrocchio, Antonio Pollaiuolo et le sculpteur Mino da Fiesole.
141
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142
+ La jeunesse de Léonard se déroule dans une maison de Florence ornée des œuvres de ces artistes et par les contemporains de Donatello, Masaccio — dont les fresques figuratives et réalistes sont imprégnées d'émotion — et Lorenzo Ghiberti, dont la Porte du Paradis montre la complexité des compositions, alliant travaux architecturaux et soin des détails. Piero della Francesca a fait une étude détaillée de la perspective et sera le premier peintre à faire une étude scientifique de la lumière. Ces études et les traités de Leone Battista Alberti doivent avoir un effet profond sur les jeunes artistes et, en particulier, sur les propres observations de Léonard et ses œuvres d'art[68],[69],[70].
143
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144
+ La représentation du nu de Masaccio montrant Adam et Ève quittant le paradis, avec Adam sans ses organes génitaux — masqués par une feuille de vigne —, crée une image très expressive des formes humaines qui influencera beaucoup la peinture, notamment parce qu'elles sont exprimées en trois dimensions par une utilisation novatrice de la lumière et de l'ombre que Léonard développera dans ses propres œuvres. L'humanisme de la Renaissance, influençant le David de Donatello, peut être vu dans les peintures les plus tardives de Léonard, en particulier Saint Jean Baptiste[68].
145
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146
+ Florence est dirigée à l'époque par Laurent de Médicis et son jeune frère Julien, tué lors de la conjuration des Pazzi en 1478. Ludovic Sforza, qui gouverne Milan entre 1479 et 1499 et chez qui Léonard a été envoyé comme ambassadeur de la cour des Médicis, est aussi son contemporain[68],[69].
147
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148
+ C'est également par l'intermédiaire des Médicis que Léonard fait la connaissance d'anciens philosophes humanistes dont Marsile Ficin, partisan du néoplatonisme, et Cristoforo Landino, auteur de commentaires sur les écrits classiques. Jean Pic de la Mirandole est également associé à l'académie des Médicis[70],[71]. Léonard écrit plus tard, dans la marge d'un journal : « Les Médicis m’ont fait et les Médicis m’ont détruit » ; mais le sens de ce commentaire reste discuté[20].
149
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150
+ Bien que l'on cite ensemble les trois « géants » de la haute Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne sont pas de la même génération. Léonard a 23 ans quand nait Michel-Ange et 31 ans à la naissance de Raphaël. Raphaël mourra en 1520, une année après de Vinci et Michel-Ange vivra encore quarante-cinq ans[69],[70].
151
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152
+ Gian Giacomo Caprotti da Oreno[72], dit « il Salaino » (« le petit diable ») ou Salai, a été décrit par Giorgio Vasari comme « un gracieux et beau jeune homme avec des cheveux fins et bouclés, en lequel Léonard était grandement ravi »[29]. Salai entre au service de Léonard en 1490 à l'âge de 10 ans. Leur relation n'est pas facile. Un an plus tard, Léonard fait une liste des délits du garçon, le qualifiant de « voleur », « menteur », « têtu » et « glouton ». Le « petit diable » avait volé de l'argent et des objets de valeur au moins à cinq reprises, et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures[73]. Néanmoins, les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d'images de l'adolescent. Salai est resté son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes[10].
153
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154
+ En 1506, Léonard prend comme élève Francesco Melzi, âgé de 15 ans, fils d'un aristocrate lombard. Melzi devient le compagnon de vie de Léonard et il est considéré comme son élève favori. Il se rend en France avec Léonard et Salai, et reste avec lui jusqu'à sa mort[20]. Salai quitte cependant la France en 1518 pour retourner à Milan. Il y construit une maison dans le vignoble de la propriété de Léonard qu'il s'est finalement vu léguer. En 1525, Salai meurt d'une mort violente, soit assassiné, soit à la suite d'un duel[74].
155
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156
+ Salai exécute un certain nombre de tableaux sous le nom d'« Andrea Salai », mais, bien que Giorgio Vasari prétende que Léonard « lui a appris beaucoup de choses sur la peinture »[29], son travail est généralement considéré comme étant de moindre valeur artistique que celui des autres élèves de Léonard, comme Marco d'Oggiono ou Giovanni Antonio Boltraffio. En 1515, il peint une version nue de La Joconde, dite « Monna Vanna »[75]. À sa mort en 1525, la Joconde appartenant à Salai a été évaluée à cinq cent cinq lires, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée pour un portrait de petite taille[74].
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+ Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono rejoignent l'atelier de Léonard lorsqu'il est de retour à Milan, mais de nombreux autres élèves moins connus tels que Giovanni Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Francesco Napoletano ou encore Andrea Solario sont aussi présents.
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+ Léonard de Vinci a eu beaucoup d'amis qui sont reconnus dans leurs domaines respectifs ou ont eu une influence importante sur l'Histoire. Il s'agit notamment du mathématicien Luca Pacioli avec qui il a collaboré pour un livre, César Borgia au service duquel il a passé deux années, Laurent de Médicis et le médecin Marcantonio della Torre. Il a rencontré Michel-Ange dont il a été le rival et a témoigné une « connivence intime » avec Nicolas Machiavel, les deux hommes ayant pu développer une étroite amitié épistolaire[41]. Parmi ses amis, se trouvent également Franchini Gaffurio et Isabelle d'Este. Léonard semble ne pas avoir eu d'étroites relations avec les femmes, sauf avec Isabelle. Il a fait un portrait d'elle, au cours d'un voyage qui le mena à Mantoue, qui semble avoir été utilisé pour créer une peinture, aujourd'hui perdue[20]. Il était également ami de l'architecte Jacopo Andrea da Ferrara jusqu'à son assassinat[37].
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+ Au-delà de l'amitié, Léonard garde sa vie privée secrète. De son vivant, ses capacités extraordinaires d'invention, son « exceptionnelle beauté physique », sa « grâce infinie », sa « grande force et générosité », la « formidable ampleur de son esprit », telles que décrites par Vasari[29], ont attisé la curiosité. De nombreux auteurs ont spéculé sur les différents aspects de la personnalité de Léonard. Sa sexualité a souvent été l'objet d'études, d'analyses et de spéculations. Cette tendance a commencé au milieu du XVIe siècle et a été relancée au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par Sigmund Freud[76].
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+ Les relations les plus intimes de Léonard sont avec ses élèves : Salai et Francesco Melzi. Melzi a écrit que les sentiments de Léonard étaient un mélange d'amour et de passion. Il a été décrit depuis le XVIe siècle que ces relations étaient d'un caractère érotique. Depuis cette date, des auteurs[77],[78] ont beaucoup écrit au sujet de son homosexualité, voire de sa pédérastie présumée et du rôle de cette sexualité dans son art, en particulier dans l'impression androgyne et érotique qui se manifeste dans Bacchus et plus explicitement dans un certain nombre de ses dessins[79]. Cependant, l'homosexualité supposée platonique et courtoise, voire refoulée, de l'artiste, reste très hypothétique et il est difficile de se prononcer sur les mœurs de Léonard[80].
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+ Léonard est passionné par la nature et les animaux au point d’acheter des oiseaux en cage pour leur rendre leur liberté[81]. Il est également très bon musicien. Il est admis que Léonard était gaucher et ambidextre, ce qui expliquerait son utilisation de l'écriture spéculaire[14].
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+ Malgré la relativement récente prise de conscience et l'admiration vouée à Léonard comme scientifique et inventeur, son immense renommée de la plus grande partie de ces quatre cents dernières années a reposé sur ses réalisations en tant que peintre et sur une poignée d'œuvres — authentifiées ou lui étant attribuées — qui ont été considérées comme faisant partie des plus beaux chefs-d'œuvre jamais créés[Note 17].
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+ Ces peintures sont célèbres pour de nombreuses raisons et qualités qui ont été beaucoup imitées par les étudiants et discutées très longuement par les connaisseurs et les critiques. Parmi les qualités qui font des travaux de Léonard, des pièces uniques sont souvent citées, les techniques novatrices qu'il a utilisées dans l'application de la peinture, sa connaissance approfondie de l'anatomie humaine et animale, de la botanique et la géologie, mais aussi son utilisation de la lumière, son intérêt pour la physiognomonie et la façon dont les humains utilisent le registre des émotions et les expressions gestuelles, son sens de la composition et celui, subtil, des dégradés de couleurs. Il maîtrisait notamment la technique du « sfumato » et le rendu des ombres et des lumières. Toutes ces qualités sont réunies dans ses tableaux les plus connus, La Joconde, La Cène et La Vierge aux rochers[82].
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+ Léonard a réalisé de très nombreux portraits de femmes, mais un seul portrait d’homme — celui d’un musicien — a été retrouvé à ce jour. On lui prête souvent la phrase suivante : « Le personnage le plus digne d’éloges est celui qui, par son mouvement, traduit le mieux les passions de l’âme », qui explique bien sa pensée de peintre. Cependant, il a aussi dessiné des croquis caricaturaux de ses contemporains dans la mode du grotesque.
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+ Léonard est célèbre pour ses dessins et ses peintures dans lesquels il introduit une conception innovante[83] de la perspective. Vinci estimait que les arts picturaux forment une science[84]. Mais l'utilisation, souvent supposée, du nombre d’or dans son œuvre n'est pas avérée[85]. Son travail sur les proportions, à l'image de l’Homme de Vitruve, se limite à l'usage de fractions d'entiers.
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+ Les premiers travaux de Léonard de Vinci commencent avec Le Baptême du Christ peint avec Andrea del Verrocchio, à qui il est attribué, et ses autres élèves. Deux autres peintures semblent dater de cette période à l'atelier et qui sont toutes les deux des « Annonciations » ; l'une est petite, large de cinquante-neuf centimètres pour seulement quatorze de haut. Il s'agit d'une prédelle se plaçant à la base d'une composition plus large, et, dans ce cas, pour un tableau de Lorenzo di Credi duquel il fut séparé. L'autre est un travail beaucoup plus important, de deux cent dix-sept centimètres de large[40].
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+ Dans ces deux annonciations, Léonard a dépeint la Vierge Marie, assise ou agenouillée à la droite de l'image, et un ange de profil s'approchant d'elle par la gauche. Un gros travail est fait sur les mouvements des vêtements et les ailes de l'ange. Bien que précédemment attribuée à Domenico Ghirlandaio, l'œuvre est désormais presque universellement attribuée à de Vinci[86].
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+ Dans le tableau le plus petit, Marie détourne ses yeux et plie ses mains dans un geste qui symbolise la soumission à la volonté de Dieu. Dans le tableau le plus grand cependant, Marie ne semble pas aussi docile ; la jeune femme, interrompue dans sa lecture par ce messager inattendu qu'est l'ange, place son doigt dans le livre saint pour repérer la page de sa lecture interrompue et lève la main dans un geste de salutation ou de surprise[68]. Son calme semble montrer qu'elle accepte son rôle de mère de Dieu, non pas avec résignation, mais avec confiance. Dans ce tableau, le jeune Léonard présente le visage humaniste de la Vierge Marie, reconnaissant le rôle de l'humanité dans l'incarnation de Dieu[Note 18]. Ce dernier tableau a visiblement été travaillé par plusieurs personnes, puisque certaines discontinuités de style sont perceptibles, comme une « erreur » de perspective sur le bras droit de Marie, le pré fleuri comme une broderie ou bien les ailes de rapace de l'ange[30]. Le style du lutrin du tableau pourrait être un clin d'œil au style du tombeau de Pierre de Médicis réalisé par Verrocchio en 1472[30].
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+ Dans les années 1480, Vinci reçoit deux très importantes commandes et commence à travailler à une autre œuvre qui est également d'une grande importance en termes de composition. Malheureusement, deux des trois œuvres n'ont jamais été terminées et la troisième a été si longue à créer qu'elle fut soumise à de longues négociations sur son achèvement et son paiement. L'un de ces tableaux est Saint Jérôme. Liana Bortolon, dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967), associe ce tableau à une période difficile de la vie de Léonard. Les signes de la mélancolie peuvent se lire dans son journal : « Je pensais que j'apprenais à vivre ; j'apprenais seulement à mourir[20]. »
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+ La composition du tableau est très inhabituelle, même s'il est vrai que certaines parties de celui-ci furent découpées[Note 19]. Le tableau dépeint la pénitence de Jérôme de Stridon dans le désert. Pénitent, Jérôme occupe le milieu de l'image, le corps légèrement en diagonale. Sa posture agenouillée prend une forme trapézoïdale, avec un bras tendu vers le bord extérieur de la peinture et son regard allant dans la direction opposée. Jack Wasserman souligne le lien entre cette peinture et les études anatomiques de Léonard[46]. Au premier plan de l'ensemble s'étend son symbole, un grand lion, dont le corps et la queue effectuent une double courbe à travers la base de l'image. L'autre caractéristique intéressante est l'aspect superficiel du paysage de pierres rocailleuses où se trouve le personnage.
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+ L'affichage audacieux et novateur de la composition, avec les éléments du paysage et le drame personnel, apparaît également dans le grand chef-d'œuvre inachevé qu'est L'Adoration des mages, une commande des moines de San Donato à Scopeto. C'est un tableau à la composition très complexe, et Léonard a fait de nombreux dessins et études préparatoires, y compris une très détaillée pour la perspective linéaire d'une ruine d'architecture classique qui sert de toile de fond à la scène. Mais, en 1482, Léonard part à Milan, à la demande de Laurent de Médicis, afin de gagner les bonnes grâces de Ludovic Sforza. Il abandonne donc son tableau[86],[10].
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+ Le troisième travail important de cette période est La Vierge aux rochers qui a été commandée à Milan pour la confrérie de l'Immaculée Conception. La peinture, faite avec l'assistance des frères, devait combler un grand retable, déjà construit[46]. Léonard a choisi de peindre un passage de l'enfance du Christ tiré des évangiles apocryphes, lorsque le petit Jean le Baptiste, sous la protection d'un ange, a rencontré la sainte Famille sur la route de l'Égypte. Dans cette scène, telle qu'elle a été peinte par Léonard de Vinci, Jean reconnaît et vénère Jésus comme le Christ. Le tableau montre des personnages gracieux s'agenouillant en adoration devant le Christ dans un environnement sauvage et un paysage rocheux[87]. Le tableau est quasiment aussi complexe que la peinture commandée par les moines de San Donato, même s'il a seulement quatre personnages — et non cinquante — et s'il dépeint un paysage plutôt qu'un fond architectural. Le tableau a été achevé, mais deux versions de la peinture ont en fait été réalisées : celle qui est restée à la chapelle de la confrérie et l'autre qu'a emportée Léonard en France. Mais les frères n'ont pas eu leur peinture avant le siècle suivant[10],[25]. Une seconde version de ce tableau, avec l'ajout des auréoles et du bâton de Jean le Baptiste sera faite quelques années plus tard.
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+ La plus célèbre peinture de Léonard pour la période des années 1490 est La Cène. Elle est peinte directement sur un mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan. La peinture représente le dernier repas partagé par Jésus et ses disciples avant sa capture et sa mort. Il montre précisément le moment où Jésus déclare : « l'un de vous va me trahir ». Léonard dépeint la consternation que cette déclaration a causée à l'ensemble des douze disciples de Jésus[25].
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+ Matteo Bandello a observé Léonard au travail et il écrit, dans une de ses nouvelles que, certains jours, il peint de l'aube au crépuscule sans même s'arrêter pour manger, et puis ne peint plus les trois ou quatre jours suivants[46]. Selon Vasari, cela provoque l'incompréhension du père supérieur, le prieur, qui chasse le peintre jusqu'à ce que Léonard demande au duc de Milan, Ludovic Sforza, d'intervenir. Vasari décrit également comment Vinci doute de sa capacité à peindre proprement les visages de Jésus et de Judas, affirmant au duc qu'il a peut-être utilisé le moine pour modèle[29].
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194
+ La fresque, achevée, est saluée comme un chef-d'œuvre de conception et de caractérisation[29], obtenant même plus tard l'admiration de Pierre Paul Rubens et de Rembrandt[33]. L'œuvre a été restaurée sans cesse, la peinture se détachant du support en plâtre[15]. La peinture s'est détériorée rapidement, de telle sorte qu'avant même le centième anniversaire de sa création, elle a été décrite par un témoin comme « totalement dévastée »[10]. Léonard, au lieu d'utiliser la technique éprouvée de la fresque, a utilisé la « technique de la tempera », un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments, alors que le support est principalement « gesso », un type de craie fait de carbonate de calcium minéral, ce qui a produit une surface sujette à la moisissure et à l'écaillage[10].
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+ Malgré ces déboires, la Cène est restée l'une des œuvres d'art les plus reproduites. Heureusement, une toile d'époque de grandes dimensions est exposée en l'abbaye de Tongerlo à Westerlo. Elle est une des copies les plus fidèles et les plus anciennes du chef-d'œuvre du maître italien : œuvre des élèves de Léonard, il semblerait qu'il aurait peint lui-même la tête de Jésus et celle de l'apôtre Jean. Les restaurateurs viennent chercher à Westerlo les couleurs exactes pour leurs travaux avant d'aller à Milan.
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198
+ Parmi les œuvres créées par Léonard dans les années 1500, se trouve un petit portrait connu sous le nom de La Joconde (1503-1506) ou, notamment pour les anglophones, sous le nom de « Mona Lisa ». Le tableau est connu, en particulier, pour l'insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s'accordent à dire qu'il s'agit de Lisa Gherardini. La qualité de la peinture est peut-être liée au fait que l'artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. La qualité des ombres, pour lesquelles le travail est réputé, a été appelée « sfumato » ou « la fumée de Léonard ». Giorgio Vasari a écrit que « le sourire est si agréable qu'il semble divin plutôt qu'humain ; ceux qui l'ont vu ont été très surpris de constater qu'il semble aussi vivant que l'original »[29]. Néanmoins, et pendant longtemps, les experts ont généralement admis que Vasari a pu n'avoir jamais connu la peinture autrement que par sa renommée, car il l'a décrite comme ayant des sourcils. Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l'hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que Léonard ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu'ils ont ensuite été enlevés, notamment parce qu'ils n'étaient pas en vogue au milieu du XVIe siècle. Effectivement, La Joconde aurait eu des sourcils et des cils qui ont, par la suite, été enlevés[88].
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200
+ Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire, laissant les yeux et les mains non concurrencés par d'autres détails, le paysage de fond spectaculaire[89], le travail des couleurs et la nature de la technique de peinture très douce employant des huiles, mais posées un peu comme la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables. Vasari a exprimé l'avis que la façon de peindre ferait même « le plus confiant des maîtres [de la peinture]… désespérer et perdre courage »[29]. L'état de conservation remarquable et le fait qu'il n'y ait aucun signe visible de réparations ou de surcouches repeintes sont extrêmement rares pour une peinture de cette période[40].
201
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202
+ Dans La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, la composition reprend de nouveau le thème de personnages dans un paysage que Jack Wasserman, dans son livre Leonardo da Vinci (1975), qualifie de « saisissant par sa beauté »[46] et renvoie à la peinture inachevée de saint Jérôme avec le personnage faisant un angle oblique avec l'un de ses bras. Ce qui rend La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne si rare est la présence de deux ensembles dans une perspective différente, mais se superposant. Marie est assise sur les genoux de sa mère, sainte Anne. Elle se penche en avant pour prendre dans ses bras l'enfant Jésus qui joue avec un agneau, signe de l'imminence de son propre sacrifice[25]. Ce tableau, copié à plusieurs reprises, a influencé Michel-Ange, Raphaël et Andrea del Sarto[10] et, à travers eux, Pontormo et Le Corrège. Le style de la composition a été adopté en particulier par les peintres vénitiens Le Tintoret et Paul Véronèse.
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204
+ Vinci n'a pas été un peintre prolifique, mais il l'a été comme dessinateur, remplissant ses journaux de petits croquis et de dessins détaillés afin de garder une trace de tout ce qui avait attiré son attention. En plus de ses notes, il existe de nombreuses études pour ses peintures, dont certaines peuvent être considérées comme préparatoires à des travaux tels que L'Adoration des mages, La Vierge aux rochers et La Cène[90]. Son premier dessin daté est un paysage, Paysage de la vallée de l'Arno (1473), qui montre la rivière, les montagnes, le château Montelupo et les exploitations agricoles au-delà de celui-ci dans le plus grand détail[20],[90].
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206
+ Parmi ses célèbres dessins, il y a l’homme de Vitruve, une étude des proportions du corps humain, la Tête de jeune femme préparatoire à la tête de l'ange dans La Vierge aux rochers et La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste, qui est un grand carton (160 × 100 cm) en craie blanche et noire sur un papier de couleur de sainte Anne[90]. Ce thème de sainte Anne sera, avec la sainte Famille, la dominance de l'œuvre de Léonard de 1500 à 1517[37]. Ce dessin emploie la technique subtile du sfumato, à la manière de La Joconde. Léonard ne semble jamais avoir fait une peinture à partir de ce dessin, mais un tableau assez proche en est La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne[10].
207
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208
+ Les autres dessins d'intérêt comprennent de nombreuses études généralement dénommées « caricatures » parce que, bien qu'exagérées, elles semblent être fondées sur l'observation de modèles vivants. Giorgio Vasari rapporte que, si Léonard voyait une personne qui avait un visage intéressant, il la suivait toute la journée pour l'observer[29]. Il existe de nombreuses études de beaux jeunes hommes, souvent associées à Salai, avec le visage rare, très admiré et caractéristique que l'on appelle le « profil grec »[Note 20]. Ces visages sont souvent en contraste avec ceux d'un guerrier[90]. Salai est souvent dépeint dans des costumes et des déguisements. Léonard est connu pour avoir conçu des décors pour des processions traditionnelles. D'autres dessins, souvent minutieux, montrent des études de draperies. Le Musée Léon-Bonnat de Bayonne conserve un dessin de Léonard de Vinci représentant Bernardo di Bandino Baronchelli (l'un des assassins de Julien de Médicis lors de la conjuration des Pazzi), après sa pendaison à l’une des fenêtres du Palazzo del Capitano di Giustizia à Florence, le 29 décembre 1479[91].
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210
+ L'humanisme de la Renaissance ne lie pas les sciences et les arts. Cependant, les études de Vinci en sciences et en ingénierie sont aussi impressionnantes et novatrices que son travail artistique, enregistrées dans des carnets de notes comprenant quelque treize mille pages d'écriture et de dessins, qui associent art et philosophie naturelle (la base de la science moderne). Ces notes ont été réalisées et mises à jour quotidiennement pendant toute la vie et les voyages de Léonard. Continuellement, il s'efforce de faire des observations du monde qui l'entourait[25], conscient et fier d'être, comme il se définissait, un « homme sans lettres », autodidacte et lucide sur les phénomènes naturels souvent bien éloignés de ce qui était appris à l'école[33].
211
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212
+ Ces journaux sont, pour la plupart, rédigés en toscan dans une écriture spéculaire plus communément appelée « écriture en miroir ». La raison peut avoir été davantage un besoin pratique, pour être plus rapide, que pour des raisons de chiffrement afin d'échapper à la censure de son temps ou de garder ses notes de travail secrètes, comme cela est souvent suggéré (thèse du mathématicien Luca Pacioli dès le XVe siècle, réfutée car cette écriture se lit facilement à l'aide d'un miroir, par ailleurs Léonard truffe ses notes d'abréviations et c'est plutôt cette caractéristique qui en rendent la lecture plus difficile). Comme Léonard écrivait avec sa main gauche, il devait être plus facile pour lui d'écrire de droite à gauche. En effet la main fournit moins d'effort et cette technique évite de laisser des traînées ou effacer l'encre humide en passant dessus sa main qui tient la plume d'oie. Néanmoins, il rédige occasionnellement de gauche à droite, ce qui montre qu'il maîtrise aussi cette technique[92].
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+ Ses notes et dessins, dont les plus anciens sont datés de 1475[30], montrent une grande variété d'intérêts et de préoccupations, mais aussi certaines listes quelconques d'épicerie ou de ses débiteurs. Il y a des compositions pour des peintures, des études de détails et de tapisseries, des études de visages et d'émotions, des animaux, des bébés, des dissections, des études botaniques et géologiques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux architecturaux[25].
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216
+ Ces carnets de notes — initialement des feuilles volantes de différentes tailles et de différents types, données par ses amis après sa mort — ont trouvé leur place dans les collections importantes comme celles exposées au château de Windsor, à la Bibliothèque de l'Institut de France[93], à la Bibliothèque nationale d'Espagne, à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, au Victoria and Albert Museum et à la British Library de Londres. La British Library a mis une sélection à partir de ses notes (BL Arundel MS 263) sur l'Internet dans les pages de son site abordant ce chapitre[94]. Le Codex Leicester est le seul grand travail scientifique de Vinci qui soit entre les mains d'un propriétaire privé (Bill Gates).
217
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218
+ Les journaux de Léonard semblent avoir été destinés à la publication, car beaucoup de feuilles ont une forme et un ordre qui en faciliteraient l'édition. Dans de nombreux cas, un seul thème, par exemple, le cœur ou le fœtus humain, est traité en détail à la fois dans les mots et les images, sur une seule feuille[95]. Ce mode d'organisation minimise également la perte de données dans le cas où les pages seraient mélangées ou détruites. La raison pour laquelle ces journaux n'ont pas été publiés alors que Léonard était encore en vie est inconnue[25], mais certains estiment que la société n'était pas prête pour cela, notamment l'Église vis-à-vis de ses travaux anatomiques.
219
+
220
+ En 2019, une étude scientifique menés par des chercheurs du musée des Offices de Florence démontre que Léonard de Vinci est ambidextre à partir de l'analyse du dessin le Paesaggio[96].
221
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222
+ L'approche de la science par Léonard est très liée à l'observation : si « la Science est le capitaine, la pratique est le soldat »[33]. Sa science, ses recherches scientifiques ne portent exclusivement que sur les parties qu'il a pratiquées en technicien[19]. Léonard de Vinci a essayé de comprendre un phénomène en le décrivant et en l'illustrant dans les plus grands détails, en n'insistant pas trop sur les explications théoriques. Ses études sur le vol ou le mouvement de l'eau sont sans doute ce qu'il y a de plus remarquable à ce sujet. Comme il manquait d'instruction initiale en latin et en mathématiques, les chercheurs contemporains ont largement ignoré le savant Léonard, bien qu'il ait appris par lui-même le latin.
223
+
224
+ Dans les années 1490, il a étudié les mathématiques à la suite de Luca Pacioli et a fait une série de dessins de solides réguliers dans une forme squelettique afin de les faire graver pour son livre Divina Proportione (1509)[25]. Il est alors particulièrement fasciné par l'idée de l'absolu et de l'universel[33]. Cependant, sa culture mathématique est celle d'un praticien : elle a les objectifs limités des abacistes de son temps, il pénètre avec peine la géométrie des Grecs, sa perspective est celle de tous les théoriciens de son temps. Néanmoins, au-delà du simple aspect géométrique de la représentation de la perspective, il propose dans son Traité de la Peinture, une triple définition de la perspective :
225
+
226
+ 1° : perspective linéaire (diminution de la taille des objets proportionnellement à leur distance à l'observateur, perspective géométrique ss)[98],
227
+
228
+ 2° : perspective des couleurs (atténuation des couleurs proportionnellement à leur distance à l'observateur)[99],
229
+
230
+ 3° : perspective d’effacement (diminution de la précision des détails proportionnellement à leur distance à l'observateur)[100].
231
+
232
+ Également, Léonard a conçu un instrument à système articulé destiné à construire une solution mécanique du problème d'Alhazen, problème essentiellement technique, et qui témoigne d'une connaissance sur les lois de la réflexion[19].
233
+
234
+ De même, la mécanique de Léonard est celle de ses contemporains, avec ses faiblesses, ses incertitudes, ses erreurs et il ne paraît pas qu'il ait apporté beaucoup de découvertes en la matière. Sa physique est assez confuse et vague. Il ne fut certainement jamais artilleur et n'a pas de théorie relative à la balistique. Pourtant, comme l’attestent certains de ses schémas, Léonard de Vinci eut peut-être l’intuition, comme on pouvait l’observer sur un jet d’eau, qu’il n’existait pas de partie rectiligne dans la trajectoire d’un projectile d’artillerie contrairement à ce qui était couramment admis à l’époque. Mais il s’arrêta très vite sur une voie que Tartaglia puis Benedetti allaient suivre et qui mena à Galilée[19].
235
+
236
+ Si Alberti ou Francesco di Giorgio Martini se préoccupèrent de la solidité des poutres, jamais ils n’avaient cherché de formulations mathématiques. Léonard de Vinci s’intéresse au problème de la flexion, sans doute à l’aide d’expériences, et parvient à définir des lois, encore imparfaites[Note 21], de la ligne élastique pour des poutres de différentes sections, libres ou encastrées dont le problème de Galilée (problème du balcon). Ce faisant, il élimine le module d’élasticité et le moment auquel avait pourtant fait allusion Jordanus Nemorarius[19].
237
+
238
+ Sa chimie se borne à la mise au point d'un alambic et aux quelques recherches d'alchimie qu'il pratiqua à Rome[19].
239
+
240
+ Paul Valéry met en avant la manière dont Léonard de Vinci a découvert intuitivement, par l'observation, « le premier germe de la théorie des ondulations lumineuses », sans cependant pouvoir la valider de manière expérimentale : « L'air est rempli d'infinies lignes droites et rayonnantes, entrecroisées et tissées sans que l'une n'emprunte jamais le parcours d'une autre, et elles représentent pour chaque objet la vraie forme de leur raison (de leur explication)[101]. »
241
+
242
+ Léonard de Vinci étudia aussi beaucoup la lumière et l'optique[45] ; en hydrologie, la seule véritable loi qu'il ait formulée est celle du débit des cours d'eau.
243
+
244
+ Il semble que, à partir du contenu de ses carnets, il ait envisagé de publier une série de traités sur une grande variété de sujets. À plusieurs reprises il mentionne un projet de traité de l'eau, mais qui paraît avoir été si considérable dans sa pensée qu'il semblait irréalisable[19]. Un traité d'anatomie aurait été observé au cours d'une visite par le secrétaire du cardinal Louis d'Aragon en 1517[102].
245
+
246
+ Son élève Francesco Melzi, chercha à reconstituer le Traité de la peinture que Léonard de Vinci avait projeté toute sa vie d'écrire. Il compila pour cela les aspects de son travail sur l'anatomie, la lumière et les ombres, les drapés, les paysages. Une édition partielle et incomplète du travail de Francesco Melzi parut en 1651, en italien, puis en français. Charles Le Brun présenta l’édition française du Traité de la peinture aux membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme le livre qui devait leur servir désormais de référence (malgré les critiques d‘Abraham Bosse et le scepticisme de Félibien[103]). C’est ainsi que Léonard de Vinci fut transformé « en précurseur de la pensée académique », selon la formule de Daniel Arasse[25].
247
+
248
+ La formation initiale de Léonard à l'anatomie du corps humain a commencé lors de son apprentissage avec Andrea del Verrocchio, son maître insistant sur le fait que tous ses élèves apprennent l'anatomie. Comme artiste, il est rapidement devenu maître de l'anatomie topographique, en s'inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d'autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l'anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition. Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à cause des problèmes d'hygiène et de conservation des corps.
249
+
250
+ Comme artiste connu, il a reçu l'autorisation de disséquer des cadavres humains à l'hôpital de Santa Maria Nuova à Florence et, plus tard, dans les hôpitaux de Milan et de Rome (de 1513 et 1516, il y dirige plusieurs autopsies dans l'hôpital romain Santo Spirito in Sassia). Il réalise ainsi une vingtaine de dissections à partir de 1487 pour composer un traité d'anatomie[104] qui ne verra jamais le jour[105]. De 1510 à 1511, il a collaboré dans ses recherches avec le médecin Marcantonio della Torre.
251
+
252
+ Léonard a dessiné de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d'autres organes internes. Ces observations contiennent parfois des inexactitudes dues aux méconnaissances de l'époque[15]. Il n'a par exemple jamais entrevu la circulation du sang[19]. Il a par contre identifié quatre cavités cardiaques dans le cœur (Vésale et Descartes n'y en verront que deux), fait l'un des premiers dessins scientifiques d'un fœtus dans l'utérus[90] et la première constatation scientifique de la rigidité des artères à la suite d'une crise cardiaque. Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l'âge et de l'émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d'importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie[25],[90].
253
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254
+ Il a aussi étudié et dessiné l'anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l'homme. Il étudia également les chevaux.
255
+
256
+ « Combien de biographies n'a-t-on pas écrites, qui ne mentionnent cette activité scientifique ou technique que pour montrer l'étendue d'un savoir qu'on veut universel […] Tout ceci n'a pu se faire que péniblement, par une recherche constante de ce qu'avaient écrit les anciens ou les prédécesseurs immédiats […] Et faute de connaître tout ce passé qui l'avait fait, on a présenté Léonard comme un inventeur fécond »
257
+
258
+ — Bertrand Gille, dans Les ingénieurs de la Renaissance[19]
259
+
260
+ Léonard de Vinci s’inscrit dans le courant technicien de la Renaissance et, comme tel, il eut des prédécesseurs immédiats ou plus lointains parmi lesquels on peut citer Konrad Kyeser, Taccola, Roberto Valturio, Filippo Brunelleschi, Jacomo Fontana ou encore Leon Battista Alberti à qui il doit sans doute beaucoup[19].
261
+
262
+ Certains furent des personnalités plus puissantes, des esprits plus complets, des curiosités plus larges encore. C’est le cas de Francesco di Giorgio Martini qui fut son supérieur lors de la construction du dôme de Milan et à qui il emprunta certainement beaucoup[19]. Étant sans doute moins occupé par ses réalisations que ce dernier du fait d’un carnet de commandes moins rempli, Léonard de Vinci sera à la fois plus prolifique, mais surtout capable d’un changement de méthode.
263
+
264
+ La légende fait de Léonard le précurseur de plusieurs machines modernes mais nombre d'entre elles ont été inventées par des prédécesseurs (tels le bateau à roues à aubes existant sous la dynastie des Song du Sud au Ve siècle, l'hélicoptère, le véhicule à chenilles, la machine à tisser des scies hydrauliques, le sous-marin ou le char d'assaut blindé que Léonard perfectionne après avoir puisé ses idées notamment dans les carnets de Taccola et de son maître Giorgio, eux-mêmes copiant des manuscrits de penseurs contemporains ou médiévaux[106]) et, au-delà de l'étonnement éprouvé face à l’imagination prospective de l’auteur, on peut vite constater que le fonctionnement réel de la machine n’a pas dû être son souci premier. Comme le moine Eilmer de Malmesbury au XIe siècle qui avait oublié la queue dans sa machine volante, les inventions de Léonard butent sur de nombreuses difficultés : l’hélicoptère s’envolerait comme une toupie, le scaphandrier s’asphyxierait, le bateau à aubes n’avancerait pas, le parachute en pyramide s'enroulerait sur lui-même, etc.[107]. De plus, dans ces épures, Léonard ne pose jamais le problème de la force motrice[108].
265
+
266
+ Dans une lettre d'emploi adressée à Ludovic Sforza[Note 22], qui est une véritable lettre de candidature en dix points, il lui présente son profil professionnel, le meilleur du marché, avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre. Il énumère : ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, c'est-à-dire toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège[109].
267
+
268
+ Quand il a fui à Venise en 1499, il a trouvé un emploi d'ingénieur et a développé un système de barrières mobiles pour protéger la ville contre les attaques terrestres. Il a également eu pour projet de détourner la circulation de l'Arno afin d'irriguer les champs toscans, de faciliter le transport et même de gêner l'approvisionnement maritime de Pise, la rivale de Florence[37].
269
+
270
+ Ses carnets présentent un grand nombre d'« inventions » (inventions propres ou perfectionnement de machines et d'instruments) à la fois pratiques et réalistes[110], notamment des pompes hydrauliques, des mécanismes à manivelle comme la machine à tailler les vis de bois, des ailettes pour les obus de mortier, un canon à vapeur[20],[25], le sous-marin, plusieurs automates, le char de combat, l'automobile, des flotteurs pour « marcher sur l'eau », la concentration d'énergie solaire, la calculatrice, le scaphandre à casque, la double coque ou encore le roulement à billes. La paternité de la bicyclette est, quant à elle, très controversée[Note 23].
271
+
272
+ Un examen attentif de ces épures indique cependant que nombre de ces techniques furent, soit empruntées à quelques prédécesseurs immédiats (la turbine hydraulique à Francesco di Giorgio Martini, la chaîne articulée pour la transmission des mouvements à Taccola, etc.), soit l'héritage d'une tradition encore plus ancienne (le martinet hydraulique est connu au XIIIe siècle, les siphons et aqueducs sont visibles chez Frontin, les automates de divertissement décrits par les mécaniciens grecs…)[19]. Pourtant Léonard fut aussi novateur ; il est sans doute l'un des premiers dans le cercle des ingénieurs de l'époque à s'intéresser au travail mécanique du métal et en particulier de l'or, plus malléable. Avec la machine volante, les quelques machines textiles, pour lesquelles la régularité des mouvements mis en œuvre lui permet d'appliquer son sens de l'observation, signent son originalité. Le métier mécanique, la machine à carder et celle à tondre les draps font sans doute de Léonard, le premier qui chercha à mécaniser une fabrication industrielle. La machine à polir les miroirs qui supposait la résolution d'un certain nombre de problèmes pour obtenir des surfaces régulières, planes ou concaves, a été imaginée pendant son séjour romain alors qu'il étudiait la fabrication des images. Paradoxalement, Léonard de Vinci s'intéressa peu à des inventions que nous jugeons aujourd'hui très importantes, telles que l'imprimerie, même s'il est un des premiers à nous donner une représentation d'une presse d'imprimerie[19].
273
+
274
+ Si la guerre peut répondre à une nécessité, elle est pazzia bestialissima (« folie sauvage »)[33]. Il étudie donc les armes tout en gardant du recul quant à leur utilisation.
275
+
276
+ En 1502, Léonard a dessiné un pont de deux cent quarante mètres dans le cadre d'un projet de génie civil pour le sultan ottoman Bayezid II d'Istanbul. Ce pont était destiné à franchir l'embouchure du Bosphore, connue sous le nom de la « Corne d'Or ». Beyazid ne poursuit pas le projet, car il estime que cette construction serait impossible. La vision de Léonard a été ressuscitée en 2001 quand un petit pont conçu selon ses idées a été construit en Norvège. Le 17 mai 2006, le gouvernement turc a décidé de construire le pont de Léonard pour la Corne d'Or[111].
277
+
278
+ Pendant la majeure partie de sa vie, Léonard a été, comme Icare, fasciné par le vol. Il a produit de nombreuses études sur ce phénomène en s'inspirant des oiseaux et des plans de vol de plusieurs appareils, dont les prémices d'hélicoptère nommées la « vis aérienne », le parachute et une sorte de deltaplane[25] en bambou. Sur ce nombre, la plupart étaient irréalisables, mais le deltaplane a été construit et, avec l'ajout un empennage pour la stabilité, a volé avec succès. Néanmoins, il semble probable qu'il estimait que les systèmes proches des chauves-souris avaient le plus gros potentiel[33]. Il inventa également la soufflerie aérodynamique pour ses travaux.
279
+
280
+ Le musée du clos Lucé à Amboise, le musée Il Castello situé au château de comtes Guidi de Vinci et le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci de Milan contiennent de nombreuses maquettes, des objets grandeur nature établis sur l’étude de ses carnets et des explications sur son travail.
281
+
282
+ De Vinci a également étudié l'architecture. Il est influencé par les travaux de Filippo Brunelleschi et a projeté de surélever le baptistère Saint-Jean de Florence[30] ou de créer une tour-lanterne pour la cathédrale de Milan[33]. Il utilise souvent la forme octogonale pour les bâtiments religieux et le cercle pour les militaires[37]. À la suite de la peste qui frappe Milan vers 1484 et 1485, il conçoit une ville parfaite théorique avec des axes de circulation optimaux et des conditions de vie de qualité, sa vision n'est pas marquée par des distinctions sociales, mais fonctionnelles, tels des organes dans un corps humain[33]. Il travaille également sur les jardins[45]. Néanmoins, beaucoup de ses travaux sur l'architecture seront perdus.
283
+
284
+ Léonard de Vinci a un besoin de rationaliser inconnu jusqu’alors chez les techniciens. Avec lui la technique n’est plus affaire d’artisans, de personnes ignorantes et de traditions plus ou moins valables et plus ou moins comprises par ceux qui étaient chargés de l’appliquer. George Sarton, historien des sciences, indique que Léonard de Vinci a recueilli une « tradition orale et manuelle, non une tradition littéraire[112]. »
285
+
286
+ C’est d’abord par les échecs, par les erreurs, par les catastrophes qu’il essaie de définir la vérité : les lézardes des murs, les affouillements destructeurs des berges, les mauvais mélanges de métaux sont autant d’occasions de connaître les bonnes pratiques.
287
+
288
+ Progressivement, il élabore une sorte de doctrine technique, née d’observations bientôt suivies d’expériences qui furent parfois conduites sur de petits modèles. Harald Höffding présente sa pensée comme un mélange d’empirisme et de naturalisme[113]. En effet, si pour Léonard de Vinci « La sagesse est la fille de l'expérience »[114], elle permet de vérifier constamment ses intuitions et théories, car « L'expérience ne se trompe jamais ; ce sont vos jugements qui se trompent en se promettant des effets qui ne sont pas causés par vos expérimentations »[114].
289
+
290
+ La méthode de Léonard de Vinci a certainement consisté dans la recherche de données chiffrées[112] et son intérêt pour les instruments de mesure en témoigne. Ces données étaient relativement faciles à obtenir dans le cas des poutres en flexion par exemple, beaucoup plus compliquées dans le domaine des arcs ou de la maçonnerie. La formulation des résultats ne pouvait être que simple, c’est-à-dire exprimée le plus souvent par des rapports. Cette recherche effrénée de l’exactitude est devenue la devise de Léonard de Vinci, Hostinato rigore (« obstinée rigueur »)[115]. C’est néanmoins la première fois qu’on voit appliquer de telles méthodes dans les métiers où on dut longtemps se contenter de moyens irraisonnés d’appréciation.
291
+
292
+ Ce faisant, Léonard en est arrivé à pouvoir poser des problèmes en termes généraux. Ce qu’il cherche avant tout ce sont des connaissances générales, applicables dans tous les cas, et qui sont autant de moyens d’action sur le monde matériel. Pour autant sa « science technique » reste fragmentaire. Elle s’attache à un certain nombre de problèmes particuliers, traités très étroitement, mais il y manque encore la cohérence d’ensemble qu'on trouvera bientôt chez ses successeurs[19].
293
+
294
+ Pour lui, cette recherche dans tous les domaines de la science et de l'art est normale, car tout est lié. Sa curiosité et son activité perpétuelle constituent le moyen de garder un esprit vivace, car « Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit »[114]. Léonard de Vinci considère la peinture, par exemple, comme l'expression visuelle d'un tout ; l'art, la philosophie et la science sont, selon lui, indissociables et pouvant expliquer en partie son approche de polymathe et « Qui blâme la peinture n'aime ni la philosophie ni la nature »[114]. En proposant une « synthèse par la beauté », Léonard de Vinci illustre à lui seul ce que fut le grand courant d'innovation de la Renaissance[116].
295
+
296
+ Cependant, cette tentative de grande synthèse - art-science - fût un échec et marqua la séparation « croissante et définitive » des domaines que sont l’art et les sciences, et marque ainsi le début de l’âge moderne[Note 24].
297
+
298
+ Léonard de Vinci pense que l'homme doit s'engager activement à combattre le mal et faire le bien, car « Celui qui néglige de punir le mal aide à sa réalisation »[114]. Il indique également qu'il ne se fait aucune illusion sur la nature de l'homme et de la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fait en préambule à une présentation du sous-marin :
299
+
300
+ « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent[118]. »
301
+
302
+ Léonard de Vinci place également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles :
303
+
304
+ « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit[114]. »
305
+
306
+ Léonard de Vinci, connu de son vivant pour acheter des oiseaux en cage afin de les libérer[119], était aussi célèbre pour être végétarien par refus de nuire aux animaux (à la manière des « Guzzarati » ou hindous)[120], ce qui peut ainsi le mettre dans la lignée de la philosophie de Pythagore ou d'Empédocle d'Agrigente (qui inspirèrent aussi Giordano Bruno). Léonard de Vinci écrit à ce propos :
307
+
308
+ « Homme, si vous êtes vraiment, comme vous le décrivez, le roi des animaux, — j'aurai dit plutôt le roi des brutes, la plus grande de toutes ! — pourquoi prenez-vous vos sujets et enfants pour satisfaire votre palais, pour des raisons qui vous transforment en une tombe pour tous les animaux ? […] La Nature ne produit-elle peut-être pas en abondance des aliments simples ? Et si vous ne pouvez pas vous contenter de tels aliments simples, pourquoi ne préparez-vous point vos repas en mélangeant entre eux ces aliments [d'origines végétales] de façon sophistiquée ? »
309
+
310
+ — Quaderni d’Anatomia II 14 r.
311
+
312
+ Léonard de Vinci incarne parfaitement l’esprit de la Renaissance, époque des « Grandes Découvertes ». Génie universel, curieux de tout, parfois vu comme un personnage entre Faust et Platon[45], il a consacré sa vie à la recherche de la connaissance. Il imagine de multiples appareils et machines, dont la première « machine volante », qui resteront au stade de dessins. Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploie dans l’ensemble des activités qu’il aborde, aussi bien en art qu’en technique — les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit — notamment en horlogerie, procède d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés çà et là, qui tend vers un surpassement de ce qui existe déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure. « Léonard de Vinci se classe mal et c'est en ce sens qu'il a paru exceptionnel »[19].
313
+
314
+ De son vivant, Léonard a déjà une renommée telle que le roi François Ier l'a ramené en France comme un trophée, et a affirmé l'avoir accompagné dans sa vieillesse et l'avoir tenu dans ses bras quand il est mort. La Mort de Léonard de Vinci, telle que représentée par Dominique Ingres, constitue cependant une vision apparemment très romancée. En réalité, François Ier était probablement à Saint-Germain-en-Laye au moment de son décès, en effet il y a signé un édit royal le lendemain du décès de Léonard de Vinci, le 3 mai[121].
315
+
316
+ L'intérêt pour de Vinci n'a jamais diminué depuis cette période. Giorgio Vasari, dans Le Vite, édition de 1568[29], introduit son chapitre sur Léonard de Vinci avec les mots suivants :
317
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318
+ « Dans le cours normal des événements, beaucoup d'hommes et de femmes sont nés avec des talents remarquables ; mais, parfois, d'une manière qui transcende la nature, une seule personne est merveilleusement dotée par le paradis avec beauté, la grâce et le talent dans une telle abondance qu'il laisse les autres hommes loin derrière. Tous ses actes semblent inspirés et, de fait, tout ce qu'il fait vient clairement de Dieu plutôt que de compétences humaines. Tout le monde reconnaît que c'était vrai pour Léonard de Vinci, un artiste d'une beauté physique étonnante, qui a affiché une grâce infinie dans tout ce qu'il a fait et qui cultivait son génie si brillamment que tous les problèmes qu'il a étudiés, il les résolvait avec facilité[29]. »
319
+
320
+ Giorgio Vasari pose ainsi les premiers jalons du mythe de Léonard de Vinci : peintre parfait, courtisan et bel homme, génie ombrageux fasciné par la laideur, mais incapable d'achever ses travaux, les anecdotes de Vasari étant reprises et remaniées dans les biographies de Léonard de Vinci jusqu'à aujourd'hui[122].
321
+
322
+ L'admiration continue qu'ont eue, pour Léonard, les peintres, les critiques et les historiens, se reflète dans de nombreux autres hommages écrits. Baldassare Castiglione, auteur du Livre du courtisan, écrit, en 1528 : « Un autre des plus grands peintres de ce monde, qui regarde d'en haut son art dans lequel il est sans égal »[123] tandis que le biographe « Anonimo » Gaddiano a écrit, vers 1540 : « Il fut si exceptionnel et universel qu'on peut le dire né d'un miracle de la nature »[124].
323
+
324
+ Les écrits de Léonard de Vinci ne sont publiés qu'un siècle après sa mort ; l'édition bilingue français-italien de son Traité de la peinture (Trattato della pittura di Leonardo da Vinci), est éditée à Paris en 1651. Ses tableaux ne sont alors pas étudiés, n'étant redécouverts, comme ses Carnets (le premier carnet à être étudié correspond à des extraits inédits des manuscrits du Codex Atlanticus que le physicien italien Giovanni Battista Venturi déchiffre en 1797 à Paris[125]), qu'au XVIIIe et surtout au XIXe siècle qui voit en lui un prophète de la modernité[122].
325
+
326
+ Le XIXe siècle a introduit une certaine admiration pour le génie Léonard, Johann Heinrich Füssli écrivant en 1801 : « Ainsi fut l'aube de l'art moderne, lorsque Léonard de Vinci apparut avec une splendeur qui distançait l'excellence habituelle : composé de tous les éléments qui constituent l'essence même du génie »[126], ce qui est repris par A. E. Rio, qui écrit en 1861 : « Il était au-dessus de tous les autres artistes grâce à la force et la noblesse de ses talents »[127]. La variété du champ d'application de Léonard, transmise par ses carnets est connue, ainsi que ses peintures. Hippolyte Taine écrit en 1866 : « Il ne peut sans doute pas y avoir dans le monde un exemple d'un génie si universel, si capable de s'épanouir, si empli de nostalgie envers l'infini, si naturellement raffiné, si autant en avance sur son propre siècle et les siècles suivants[128]. » Le célèbre historien d'art Bernard Berenson écrit en 1896 : « Léonard est un artiste dont on peut dire avec une parfaite littéralité : tout ce qu'il a touché s'est transformé en une chose d'une éternelle beauté. Qu'il s'agisse de la section transversale d'un crâne, la structure d'une mauvaise herbe ou une étude des muscles, il l'a, avec son sens de la ligne et de la lumière et de l'ombre, à jamais transformée en des valeurs qui communiquent la vie[129]. Charles Baudelaire le cite même dans Les Fleurs du mal (1857)[130]. »
327
+
328
+ L'intérêt pour le génie Léonard s'est maintenu sans relâche ; des experts étudient et traduisent ses écrits, analysent ses tableaux en utilisant des techniques scientifiques, argumentent sur les œuvres qu'on lui attribue et recherchent des œuvres qui ont été enregistrées, mais jamais découvertes[131]. La critique d'art Liana Bortolon (it) écrit dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967) : « En raison de la multiplicité des intérêts qui l'ont incité à poursuivre tous les domaines de connaissances, […] Léonard peut être considéré, à juste titre, d'avoir été le génie universel par excellence et avec toutes les harmoniques inhérentes à ce terme. L'homme est aussi mal à l'aise aujourd'hui face à un génie qu'il l'a été au XVIe siècle. Cinq siècles se sont écoulés et nous voyons encore Léonard avec une grande frayeur[20]. » Les foules font toujours la queue pour voir ses plus célèbres œuvres d'art : par exemple, le Musée du Louvre doit une grande part de sa notoriété à La Joconde.
329
+
330
+ Avec le best-seller Da Vinci Code, roman mêlant faits historiques et artifices scénaristiques, Dan Brown a donné un nouvel élan à l'intérêt pour de Vinci en 2003. Le roman a été adapté au cinéma par Ron Howard.
331
+
332
+ D'après un article du Monde[132], la boîte de vitesses de la Tata Nano a été imaginée à partir d'un modèle Léonard de Vinci : il s'agit tout simplement d'une lanterne en forme de tronc de cône qu'il était sans doute difficile de manœuvrer pour la laisser en contact avec la roue dentée sur laquelle elle s'engrenait[19].
333
+
334
+ En 2007, un couple de chercheurs italiens a émis une hypothèse sur la présence d'une partition de musique cachée à l'intérieur de La Cène. La disposition des mains des personnages et des pains sur la table donnerait une petite mélodie[133].
335
+
336
+ Le 26 avril 2008, un saut a été réalisé avec un parachute conçu selon les croquis et textes de Léonard de Vinci datant de 1485. Le Suisse Olivier Vietti-Teppa s'est élancé au-dessus de l'aéroport militaire de Payerne depuis un hélicoptère en vol stationnaire à 650 mètres d'altitude, avec une réplique du parachute fabriquée avec des matériaux modernes[134],[135] : il mesura une vitesse de chute de 3,9 m/s et put atterrir normalement[136]. En 2000, le Britannique Adrian Nicholas avait également réalisé un saut avec une réplique du parachute, mais celui-ci étant plus fidèle à l'original, il pesait 80 kg et présentait des risques à l'atterrissage. L'homme avait abandonné la réplique en vol pour faire un atterrissage avec un parachute actuel.
337
+
338
+ Le 18 décembre 2008, lors d'une restauration, des membres du personnel du Musée du Louvre à Paris découvrent trois dessins représentant une tête de cheval, un crâne et un enfant au dos de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, vraisemblablement de Léonard de Vinci[137].
339
+
340
+ En France, en 2015, 94 établissements scolaires portent son nom, fait rarissime pour une personnalité étrangère[138].
341
+
342
+ Le 15 novembre 2017, son tableau Salvator Mundi reconnu authentique en 2005, est vendu à New York chez Christie's pour la somme de 450,3 millions de dollars, ce qui en fait la toile la plus chère du monde et de l'histoire[139].
343
+
344
+ A l'occasion des 500 ans de sa mort en 2019, le musée du Louvre à Paris consacre une exposition évènement regroupant un très grand nombre de chef-d'oeuvres attribués à Léonard de Vinci[140].
345
+
346
+ Ce classement est fait selon les tendances générales des experts. La difficulté étant que les travaux « d'atelier » ne sont signés que par le propriétaire de cet atelier et qu'il manque d'œuvres de références pour Vinci, notamment dans la sculpture.
347
+
348
+ Francesco Melzi s‘efforça jusqu’à sa mort de reconstituer le Trattato della pittura projeté par Léonard de Vinci. Son manuscrit, un travail « très avancé, mais inachevé », selon André Chastel, est conservé à la Bibliothèque du Vatican sous la référence Codex Urbinas latinus 1270. La première édition du Tratatto della pittura, parue en 1651, en italien puis en français, est établie sur une copie du Codex Urbinas latinus 1270 que possédait Cassiano Dal Pozzo. L’édition de Guglielmo Manzi, parue en 1817, est la première établie directement sur le Codex Urbinas latinus 1270.
349
+
350
+ La relation amoureuse entre Léonard et Salai, le rôle de ce dernier comme modèle de la Joconde se retrouve dans les bandes dessinées :
351
+
352
+ Dans sa série en deux parties S.H.I.E.L.D. entre 2010 et 2018, Jonathan Hickman scénarise un Léonard De Vinci au sein d'une structure secrète protégeant l'humanité contre toute sorte de fléaux depuis des siècles. Cette Confrérie du Bouclier donnera naissance au SHIELD dans les aventures des héros Marvel. Léonard y est opposé à Isaac Newton.
353
+
354
+ Dans la bande dessinée Le Guide ou le secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky)[143] de Bruno Bertin (Éd. P'tit Louis, 2012), un ouvrier qui travaille dans une chambre du Clos Lucé découvre une petite boite de métal dans un mur. Des enfants qui se rendent en Touraine pour faire un exposé tombent sur cette boîte... L'histoire, qui se déroule à Amboise, au château d'Amboise et au Château du Clos Lucé, sert de prétexte à la découverte de Léonard de Vinci, d'Amboise et de ses monuments historiques[144]. La bande dessinée est déclinée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P'tit Louis, 2013).
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356
+ Des disques permettent de mettre en relation des compositions de la Renaissance avec la vie de Léonard de Vinci :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Léonard de Vinci (italien : Leonardo di ser Piero da Vinci écouter, dit Leonardo da Vinci[Note 2]), né le 15 avril 1452 à Vinci (Toscane) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), est un peintre italien[1],[2] et un homme d'esprit universel, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes[3], scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
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+ Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur florentin Andrea del Verrocchio. Ses premiers travaux importants sont réalisés au service du duc Ludovic Sforza à Milan. Il œuvre ensuite à Rome, Bologne et Venise et passe les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François Ier.
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+ Léonard de Vinci est souvent décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace »[Note 3], et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention[5]. Nombre d'auteurs et d'historiens le considèrent comme l'un des plus grands peintres de tous les temps et certains comme la personne la plus talentueuse dans le plus grand nombre de domaines différents ayant jamais vécu[Note 4],[Note 5].
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+ C'est d'abord comme peintre que Léonard de Vinci est reconnu. Deux de ses œuvres, La Joconde et La Cène, sont des peintures mondialement célèbres, souvent copiées et parodiées[5], et son dessin de l’Homme de Vitruve est également repris dans de nombreux travaux dérivés. Seule une quinzaine de tableaux sont parvenus jusqu'à nous[Note 6]. Ce petit nombre est dû à ses expérimentations constantes et parfois désastreuses de nouvelles techniques et à sa procrastination chronique[7]. Néanmoins, ces quelques œuvres, jointes à ses carnets contenant plus de 6 000 pages[8] de notes, dessins, documents scientifiques et réflexions sur la nature de la peinture (rassemblés en dix Codex publiés au XIXe siècle), sont un legs aux générations d'artistes qui lui ont succédé. Nombre de ces derniers le considèrent comme n'ayant été égalé que par Michel-Ange.
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+ Comme ingénieur et inventeur, Léonard développe des idées très en avance sur son temps, comme l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et même jusqu'à l'automobile. Très peu de ses projets sont réalisés ou même seulement réalisables de son vivant[Note 7], mais certaines de ses plus petites inventions comme une machine pour mesurer la limite élastique d'un câble entrent dans le monde de la manufacture[Note 8]. En tant que scientifique, Léonard de Vinci a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines de l'anatomie, du génie civil, de l'optique et de l'hydrodynamique.
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+ Léonard de Vinci est né le samedi 15 avril 1452 « à la troisième heure de la nuit », c'est-à-dire trois heures après l'Ave Maria, soit 22 h 30[9], d’une relation amoureuse illégitime entre Messer Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, chancelier et ambassadeur de la République florentine et descendant d’une riche famille de notables italiens, et une certaine Caterina, dans le petit village toscan d’Anchiano, à deux kilomètres de Vinci[Note 9], sur le territoire de Florence en Italie[10],[11]. Caterina serait, selon la tradition, fille de paysans pauvres. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-Orient[12]. Depuis lors, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux l'ont identifiée respectivement à une pauvre orpheline, Caterina di Meo Lippi, ou à Caterina di Antonio di Cambio, fille de petits cultivateurs[13].
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+ Léonard, ou plutôt Lionardo selon son nom de baptême[14], est baptisé puis passe ses cinq premières années chez sa mère à Anchiano. Il a cinq marraines et cinq parrains, tous habitant le village de Vinci[14], dont le nom provient de celui des « vinchi », plantes assimilables à des joncs, utilisées dans l'artisanat toscan et poussant près du ruisseau Vincio[14].
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+ À cette époque, les conventions d’appellation modernes ne se sont pas encore développées en Europe. Seules, les grandes familles font usage du nom de leur appartenance patronymique. L’homme du peuple est désigné par son prénom, auquel on adjoint toute précision utile : le nom du père, le lieu d’origine, un surnom, le nom du maître pour un artisan, etc. Par conséquent, le nom de l’artiste est Leonardo di ser Piero Da Vinci, ce qui signifie Leonardo, fils de maître Piero De Vinci ; néanmoins le « Da » porte une majuscule afin de distinguer qu'il s'agit d'un patronyme[14]. Léonard lui-même signe simplement ses travaux Leonardo ou Io, Leonardo (« Moi, Léonard »). La plupart des autorités rapportent donc ses travaux à Leonardo sans le da Vinci. Vraisemblablement, il n’emploie pas le nom de son père parce qu’il est un enfant illégitime.
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+ En 1457, il a cinq ans quand sa mère se marie avec Antonio di Piero Buti del Vacca da Vinci, un paysan de la ville, avec lequel elle aura cinq enfants[14]. Il est alors admis dans la maison de la famille de son père, du village de Vinci qui, entre-temps, a épousé une jeune fille d'une riche famille de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori[14]. Celle-ci, sans enfant, reporte toute son affection sur Léonard, mais elle meurt très jeune en couches, en 1464[14]. Considéré dès sa naissance comme un fils à part entière par son père[15], il ne fut cependant jamais légitimé. Son père se maria quatre fois et lui donna dix frères et deux sœurs légitimes venus après Léonard. Il aura de bons rapports avec la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, et laissera une note l'appelant « chère et douce mère »[14].
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+ Léonard est également élevé par son oncle Francesco qui joue un rôle important dans sa formation, et par son grand-père Antonio da Vinci qui lui apprend le don d'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !)[16].
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+ Livré à lui-même, il reçoit une éducation assez libre comme les autres villageois de son âge, apprend entre douze et quinze ans les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique dans une scuola d’abaco (école d'abaco) destinée aux fils de commerçants et artisans[17]. Non « lettré », il n'y étudie pas le grec et le latin (il n'apprendra imparfaitement ces deux langues que doivent maîtriser les savants et les lettrés qu'en autodidacte seulement à l'âge de 40 ans[18]), et une orthographe chaotique montre que cette instruction n'est pas sans lacunes ; en tout cas, il ne peut prétendre à des études universitaires[19].
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+ Sa grand-mère paternelle, Lucia di ser Piero di Zoso, céramiste et proche de Léonard, est peut-être la personne qui l'initia aux arts[14]. Un présage connu rapporte qu'un milan venu du ciel aurait fait un vol stationnaire au-dessus de son berceau, la queue de l'oiseau le touchant au visage[20],[21].
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+ Giorgio Vasari, le biographe du XVIe siècle des peintres de la Renaissance, raconte, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[22] (1568), l'histoire d'un paysan local qui demanda à ser (Signore) Piero[Note 10] que son talentueux fils peigne une image sur un bouclier de bois utilisé comme épouvantail, une rondache. Léonard, rassemblant différentes parties d'animaux qu'il observait attentivement lors de ses pérégrinations dans la campagne, peignit une image représentant un dragon crachant du feu, si réussie que ser Piero la vendit à un marchand d'art florentin, lui-même la revendant au duc de Milan. Entre-temps, après avoir réalisé un bénéfice, ser Piero acheta une plaque décorée d'un cœur transpercé d'une flèche qu'il donna au paysan[23]. Cette anecdote est cependant à prendre avec précaution car, selon Paul Barolsky, de nombreux récits des Vies constituent de pures inventions poétiques[24].
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+ Le jeune Léonard est proche de la nature qu’il observe avec une vive curiosité et s’intéresse à tout. Il dessine déjà des caricatures et pratique l'écriture spéculaire en dialecte toscan.
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+ Giorgio Vasari, dans sa biographie de Léonard, raconte une anecdote sur les premiers pas dans la carrière artistique de celui qui allait devenir un des plus grands peintres de la Renaissance. Un jour, le père de Léonard, ser Piero, « prit plusieurs de ses dessins et les soumit à son ami Andrea del Verrocchio, en le priant instamment de lui dire si Léonard devait se consacrer à l’art du dessin et s’il pourrait parvenir à quelque chose en cette matière. Andrea s’étonna fort des débuts extraordinaires de Léonard et exhorta ser Piero à lui permettre de choisir ce métier ; sur quoi, ser Piero résolut que Léonard entrerait à l’atelier d’Andrea. Léonard ne se fit pas prier ; non content d’exercer ce métier, il exerça ensuite tous ceux qui se rattachent à l’art du dessin ». C’est ainsi que Léonard est placé comme élève apprenti à partir de 1469 dans un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance de Florence sous le patronage d’Andrea del Verrocchio. Il doit à ce dernier sa formation multidisciplinaire d’excellence et côtoie alors dans sa bottega (atelier d'artistes réunissant maîtres et élèves) d’autres artistes comme Sandro Botticelli, Le Pérugin et Domenico Ghirlandaio[20],[25].
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+ En effet, jusqu'en 1468, Léonard est recensé comme résident de la commune de Vinci, mais il est très souvent à Florence où son père travaille[14].
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+ Verrocchio est un artiste renommé[Note 11] très éclectique : orfèvre et forgeron de formation[25], peintre, sculpteur et fondeur qui travaille notamment pour le riche mécène Laurent de Médicis. Les commandes principales sont des retables et des statues commémoratives pour les églises. Cependant, les plus grandes commandes sont constituées de fresques pour les chapelles — comme celles créées par Domenico Ghirlandaio et son atelier pour la Chapelle Tornabuoni — et de grandes statues, telles que les statues équestres de Gattamelata par Donatello et Bartolomeo Colleoni de Verrocchio[26].
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+ Après un an passé au nettoyage des pinceaux et autres petits travaux d’apprenti, Léonard est initié par Verrocchio aux nombreuses techniques pratiquées dans un atelier traditionnel, bien que certains artisans soient spécialisés dans des tâches telles que l’encadrement, les dorures et le travail du bronze. Il a donc eu l’occasion d’apprendre notamment des bases de la chimie, de la métallurgie, du travail du cuir et du plâtre, de la mécanique et de la menuiserie, ainsi que des techniques artistiques de dessin, de peinture et de sculpture sur marbre et sur bronze[27],[28]. Il est également initié à la préparation des couleurs, à la gravure et à la peinture des fresques. Par la suite, Verrocchio confie à son élève — qu’il trouve exceptionnel — le soin privilégié de terminer ses tableaux.
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+ Mais la formation reçue lors de son apprentissage à l'atelier Verrocchio semble plus large encore. Léonard acquiert la connaissance du calcul algorithmique et il cite les deux abacistes florentins les plus en vue, Paolo Toscanelli del Pazzo et Leonardo Chernionese[19]. Plus tard, Léonard paraît bien faire allusion à la Nobel opera de arithmética, de Piero Borgi, imprimée à Venise en 1484, et qui représente bien la science de ces écoles d'abaques[19].
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+ Il n’y a pas d’œuvre de Léonard connue pendant cette période mais, selon Vasari, il aurait collaboré à une peinture nommée Le Baptême du Christ (1472-1475)[29]. C’est d’ailleurs, selon la légende, à cause de la qualité du petit ange peint par Vinci pour ce tableau que Verrocchio, se sentant surpassé par son jeune assistant, décide de ne plus peindre[15]. Selon la tradition qui veut que ce soit l’apprenti qui prenne la pose[10], Léonard aurait servi de modèle à la statue en bronze du David de Verrocchio. Il est également supposé que l’Archange Raphaël dans l’œuvre Tobie et l’Ange de Verrocchio est le portrait de Léonard[10].
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+ En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de Saint-Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence, le Campagnia de Pittori. Il y a quelques traces de cette période de la vie de Léonard, dont la date d’un de ses premiers travaux, un dessin fait à la plume et à l’encre, Paysage de Santa Maria della neve (1473).
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+ Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables, telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.
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+ Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui[20]. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).
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+ Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : en 1478, il offre de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement[19].
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+ Les archives judiciaires de 1476 montrent que, avec trois autres hommes, il a été accusé de sodomie sur Jacopo Saltarelli, pratique à l’époque illégale à Florence. Tous ont été acquittés des charges retenues[30], probablement grâce à l'intervention de Laurent de Médicis, mais Léonard a dû passer deux mois en prison pendant l'enquête judiciaire[31]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[32].
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+ Deux années plus tard, à 26 ans, il quitte son maître après l'avoir brillamment dépassé dans toutes les disciplines. Léonard de Vinci devient alors maître-peintre indépendant.
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+ En 1481, le monastère de San Donato lui commande L’Adoration des mages, mais Léonard ne terminera jamais ce tableau, probablement déçu ou vexé de ne pas être choisi par le pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle Sixtine du Vatican à Rome, où il se trouve en concurrence avec plusieurs peintres[33]. Le néoplatonisme — en vogue à l’époque à Florence — joue peut-être également un rôle dans son départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan[33]. Cela est probablement plus en phase avec son esprit, qui s'appuie sur un développement empirique, grâce à ses multiples expériences.
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+ Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486) pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San Francesco Grande de Milan, mais ce tableau sera au centre d’un conflit entre l’auteur et ses commanditaires pendant plusieurs années[33]. En effet, Léonard s'engage avec le droit de pouvoir copier l'œuvre, mais cela lui est refusé par la suite ; il se voit donc contraint de stopper son travail, provoquant du retard. Le problème ne sera résolu que par des décisions de justice et les interventions d'amis.
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+ À Florence, le travail de Léonard ne passe pas inaperçu. Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc de Milan, Ludovic Sforza. Le but de cette manœuvre est de rester en bonnes relations avec ce rival important[34].
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+ Léonard est très probablement accompagné par le musicien Atalante Migliorotti[33]. Il écrit également une lettre à Sforza, lettre qui figure dans le Codex Atlanticus et qui décrit les nombreuses et diverses choses merveilleuses qu’il pourrait faire dans le domaine de l’ingénierie ; il informe le seigneur qu’il peut aussi peindre[35],[25]. Ce texte est bien dans la tradition des ingénieurs qui l'ont précédé. Il reprend ainsi le même programme, les mêmes curiosités et les mêmes recherches : désormais, c'est bien en ingénieur que Léonard va vivre et travailler[19]. Sforza l’emploie à des tâches diverses sous le titre mythique d’« Apelle florentin », réservé aux grands peintres[33]. L’artiste est ainsi « ordonnateur de fêtes et spectacles aux décors somptueux » du palais et invente des machines de théâtre qui émerveillent le public. Il peint plusieurs portraits de la cour milanaise. Léonard de Vinci est porté sur la liste des ingénieurs des Sforza et lorsqu'on l'envoie à Pavie, il est qualifié d'« ingeniarius ducalis »[19]. Mais des contacts avec les cercles éclairés de Milan lui montrent également toutes les lacunes de sa formation[19].
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+ Il s’occupe également de l’étude pour le dôme de la cathédrale de Milan et d’une version en argile pour faire un moule pour le Gran Cavallo (« Il Cavallo »), le cheval de Léonard), une imposante statue équestre en l’honneur de Francesco Sforza, le père et prédécesseur de Ludovic ; faite de soixante-dix tonnes de bronze, elle constitue une véritable prouesse technique pour l’époque. Cette statue reste pourtant inachevée pendant plusieurs années, Michel-Ange reconnaissant lui-même qu’il est incapable de la fondre[20]. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France[25].
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+ En 1490, il participe à une sorte de congrès d'architectes et d'ingénieurs, réunis pour l'achèvement du Dôme de Milan, et fait la connaissance d'un autre ingénieur dont la renommée est bien établie, Francesco di Giorgio Martini. Ce dernier l'emmène à Parme, avec Giovanni Antonio Amadeo et Luca Fancelli, où on lui a demandé une autre consultation pour la construction de la cathédrale[19].
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+ C’est à cette époque que Léonard réfléchit à des projets techniques et militaires. Il améliore les horloges, le métier à tisser, les grues et de nombreux autres outils. Il étudie aussi l’urbanisme et propose des plans de cités idéales. Il s'intéresse à l'aménagement hydraulique et un document de 1498 le cite comme ingénieur et chargé de travaux sur les fleuves et les canaux[19].
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+ Bien que vivant à Milan entre 1493 et 1495, Léonard a noté dans ses documents d’imposition qu’il a, à sa charge, une femme appelée Caterina. À la mort de celle-ci, en 1495, la liste détaillée des dépenses relatives à ses funérailles laisse à penser que c’était sa mère Caterina, plutôt qu’une servante[36],[20].
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+ Vers 1490, il crée une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités. La fresque La Cène (1494-1498) est peinte pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie[20]. En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan ; Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione[19]. Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza[33].
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+ En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza — lequel s’enfuit en Allemagne chez son neveu Maximilien Ier du Saint-Empire[37] — sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement[Note 12].
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+ Louis XII revendique ses droits à la succession des Visconti[37]. Louis XII envisage de découper le mur représentant La Cène pour l’emporter en France, comme l’imaginera également Napoléon Ier quelques siècles plus tard[33]. Avec la chute de Sforza, Léonard entre au service du comte de Ligny, Louis de Luxembourg[38] ; celui-ci lui demande de préparer un rapport sur l'état de la défense militaire de la Toscane[19]. Le retour inopiné de Ludovic Sforza modifie ses projets et, avec son assistant Salai, il fuit Milan en février 1499 pour Mantoue puis pour Venise.
76
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+ En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire[20],[10] par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise[19].
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+ En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este. Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau[39]. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges[19]. Il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata en 1501 et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival »[29],[Note 13].
80
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+ Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli[37]. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France[37].
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+ En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général »[40]. Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse[19].
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+ Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno[41],[42].
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+ Le 18 octobre 1503, il retourne à Florence où il remplit les fonctions d'ingénieur de guerre (il dessine notamment des arquebuses, une bombarde chargée par la culasse, des engins de siège comme la catapulte, le mortier ou la baliste)[43]. Il y est aussi architecte et ingénieur hydraulicien[19]. Il se réinscrit à la guilde de Saint-Luc et passe deux années à préparer et réaliser La bataille d'Anghiari (1503-1505), une fresque murale imposante[10] de sept mètres sur dix-sept[37], avec Michel-Ange faisant La bataille de Cascina sur la paroi opposée[37]. Les deux œuvres seront perdues[Note 14], la peinture de Michel-Ange est connue à partir d'une copie d'Aristotole da Sangallo en 1542[44] et la peinture de Léonard est connue uniquement à partir de croquis préparatoires et de plusieurs copies de la section centrale, dont la plus connue est probablement celle de Pierre Paul Rubens[10]. Un feu utilisé pour sécher plus rapidement la peinture ou la qualité du matériel semblent être à l'origine de l’altération de l'œuvre, laquelle a par la suite probablement été recouverte par une fresque de Giorgio Vasari[37].
88
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+ Léonard est consulté à plusieurs reprises comme expert, notamment pour étudier la stabilité du campanile de San Miniato al Monte et lors du choix de l’emplacement du David de Michel-Ange[37] où son avis s’oppose à celui de Michel-Ange. C'est à cette période qu'il présente à la cité de Florence son projet de déviation de l'Arno destiné à créer une voie navigable capable de relier Florence à la mer avec la maîtrise des terribles inondations[19]. Cette période est importante pour la formation scientifique de Léonard qui, dans ses recherches hydrauliques, pratique l'expérience. En 1504, il revient travailler à Milan, qui est désormais sous le contrôle de Maximilien Sforza, grâce au soutien des mercenaires suisses. Beaucoup des élèves et des adeptes les plus en vue dans la peinture connaissent ou travaillent avec Léonard à Milan[20], y compris Bernardino Luini, Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono[Note 15].
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+ Son père meurt le 9 juillet 1504 et Léonard est écarté de l’héritage en raison de son illégitimité ; cependant, son oncle fera plus tard de lui son légataire universel[37]. La même année, Léonard réalise des études anatomiques et tente de classer ses innombrables notes. Il commence à travailler La Joconde (1503-1506 puis 1510-1515) qui est habituellement considérée comme un portrait de Mona Lisa del Giocondo, née Lisa Maria Gherardini. Pourtant, de nombreuses interprétations au sujet de ce tableau sont encore discutées.
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+ En 1505, il étudie le vol des oiseaux et rédige le codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux. Désormais, observations, expériences et reconstructions a posteriori se succèdent[19]. Une année plus tard, le gouvernement de Florence lui permet de rejoindre le gouverneur français de Milan Charles d’Amboise qui le retient auprès de lui, malgré les protestations de la seigneurie. Léonard est tiraillé entre Français et Toscans ; il est pressé par le tribunal de finir La Vierge aux rochers avec son élève Giovanni Ambrogio de Predis, alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari[37].
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+ Le peintre devient l’unique héritier de son oncle Francesco en 1507, mais les frères de Léonard entament une procédure pour casser le testament[37]. Léonard fait appel à Charles d’Amboise et Florimond Robertet pour qu'ils interviennent en sa faveur[37]. Louis XII de France est à Milan, et Léonard est de nouveau l’ordonnateur des fêtes données dans la capitale lombarde.
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+ En 1508, il vit dans la maison de Piero di Braccio Martelli avec le sculpteur Giovanni Francesco Rustici à Florence[45] mais part habiter à Milan, à la Porta Orientale dans la paroisse de Santa Babila[10]. Louis XII revient bientôt en Italie et entre à Milan en mai 1509. Presque aussitôt, il dirige ses armées contre Venise, et Léonard suit le roi en qualité d'ingénieur militaire ; il assiste à la bataille d'Agnadel[19]. À la mort du gouverneur Charles d’Amboise en 1511 et après la bataille de Ravenne en 1512, la France quitte le Milanais. Cette seconde période milanaise permet à Léonard de Vinci d'approfondir ses recherches en science pure. La parution, en 1509, du De expendentis et fugiendis rebus de Giorgio Valla eut certainement une grande influence sur lui[19].
98
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99
+ En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à cette époque[10]. Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée[19], l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis[19]. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
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+ « Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris[19].
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+ En septembre 1515, le nouveau roi de France François Ier reconquiert le Milanais lors de la bataille de Marignan[46]. En novembre 1515, Léonard se penche sur un nouveau projet d’aménagement du quartier Médicis à Florence. Le 19 décembre, il est présent à Bologne pour la réunion entre François Ier et le pape Léon X[20],[47],[48]. François Ier charge Léonard de concevoir un lion mécanique pouvant marcher et dont la poitrine s'ouvre pour révéler des lys[29]. On ne sait pas pour quelle occasion ce lion a été conçu, mais il peut avoir été lié à l'arrivée du roi à Lyon ou aux pourparlers de paix entre le roi et le pape[Note 16].
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+ Il part travailler en France en 1516 avec son assistant artiste-peintre Francesco Melzi et Salai[45], où son nouveau mécène et protecteur, le roi François Ier, l’installe au manoir du Cloux — actuel château du Clos Lucé —, propriété de sa mère Louise de Savoie[49].
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+ Âgé de 64 ans, Léonard de Vinci arrive en France, apportant avec lui trois de ses toiles majeures : Saint Jean Baptiste, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne et La Joconde[50]. Selon la légende, il aurait fait ce voyage à travers les Alpes à dos de mulet, or aucun document de l'époque ne le prouve[51]. Il aurait très bien pu arriver en bateau, puis prendre des chevaux.
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+ Au château du Clos Lucé, Léonard se trouve ainsi à proximité du château d'Amboise, la demeure du roi. Le souverain le nomme « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi »[15] avec une pension annuelle de mille écus[52]. Peut-être à la cour de France s'intéressait-on plus au peintre, à l'artiste qu'à l'ingénieur et, jusque-là, seuls des Français s'étaient attaché l'illustre Florentin en qualité d'artiste : en Italie, il n'avait jamais été engagé que comme ingénieur[19].
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+ En lui donnant le château du Clos Lucé, François Ier dit à Léonard : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». Il n'est pas le premier artiste à recevoir cet honneur ; Andrea Solario et Giovanni Giocondo l'avaient précédé quelques années avant[45].
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+ Au Clos Lucé, Léonard travaille comme ingénieur, architecte et metteur en scène, organisant pour la Cour des réceptions et fêtes somptueuses. Il inspire autour de lui la pensée et la mode. Il travaille à de nombreux projets pour le roi.
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+ François Ier est fasciné par Léonard de Vinci et le considère comme un père. Selon la légende, le château du Clos Lucé et le château d'Amboise étaient d'ailleurs reliés par un souterrain permettant au souverain de rendre visite à l’homme de science en toute discrétion.
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+ Il projette et réalise pour la reine Louise de Savoie (mère de François Ier) la construction d’une nouvelle demeure à Romorantin, sur la base d'un château médiéval pré-existant, intégrant le détournement d’un fleuve dans la Sauldre. Les travaux de dérivation, d'aménagement et de terrassement ont lieu entre 1516 et 1518. La construction est initiée, une aile de 70 mètres de long est réalisée mais les travaux restent inachevés en 1519, peut-être à cause de la peste, mais plus probablement à cause de la mort de Léonard[53].
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+ L'aile construite par Louise de Savoie est détruite en 1723[54]. Il reste aujourd'hui, outre les plans de Leonard de Vinci dans le Codex Atlanticus, des traces archéologiques nombreuses dont les ruines du château et les remblais, qui font de ce projet inachevé un prototype du château de Chambord et de son fameux escalier à vis, dont l'architecte Dominique de Cortone vient rencontrer Leonard en 1518 au Clos Lucé[55].
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+ Il esquisse un projet de canal entre la Loire et la Saône et organise des fêtes, comme celle que le roi donne au château d'Argentan en octobre 1517 en l'honneur de sa sœur Marguerite d'Angoulême[19].
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+ Une paralysie a frappé Léonard de Vinci à la fin de sa vie. Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, lorsque, tous deux en 1517, visitèrent Léonard de Vinci à Amboise expliquait combien le maître était en difficulté et comment les élèves l'aidaient[56].
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+ « Même si de lui, pour être venu à lui une certaine paralysie à droite, on ne peut plus attendre une bonne chose. Il a bien formé un créateur milanais qui travaille très bien. Et bien que Léonard de Vinci ne puisse pas colorier avec cette douceur habituelle, il peut aussi faire des dessins et en enseigner à d'autres[57]. »
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+ Le 23 avril 1519, Léonard de Vinci, malade depuis de longs mois, rédige son testament devant un notaire d’Amboise. La lettre de naturalité octroyée par François Ier lui permet de contourner le droit d'aubaine. Il demande un prêtre pour recevoir sa confession et lui donner l'extrême onction[29]. Il est emporté par la maladie le 2 mai 1519[45] au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.
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+ La tradition selon laquelle il mourut dans les bras de François Ier est racontée par Giorgio Vasari dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[58]. Elle repose peut-être sur une interprétation erronément littérale d'une épitaphe, rapportée par Vasari dans l'édition de 1550 des Vies, mais qui ne figure plus dans celle de 1568[59]. Cette inscription — qui n'a jamais été vue sur aucun monument — contient les mots « Sinu Regio » pouvant signifier au sens propre : sur la poitrine d'un roi ; mais aussi, dans un sens métaphorique, dans l'affection d'un roi, et peuvent n'être qu'une allusion à la mort de Léonard dans un château royal[60]. De plus à cette époque, la Cour est au château de Saint-Germain-en-Laye, où la reine accouche du futur Henri II — le 31 mars —, et les ordonnances royales données le 1er mai sont datées de cet endroit. Le journal de François Ier ne signale d'ailleurs aucun voyage du roi jusqu’au mois de juillet. Pour finir, l’élève de Léonard de Vinci, Francesco Melzi, auquel il lègue ses livres et ses pinceaux et qui est dépositaire de son testament, écrit au frère du grand peintre une lettre où il raconte la mort de son maître. Pas un mot n’y fait allusion à la circonstance mentionnée plus haut qui, si elle avait été avérée, n’aurait certainement pas été oubliée[61],[62].
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+ Selon ses dernières volontés, soixante mendiants suivent son cortège vers la collégiale Saint-Florentin du château d'Amboise, où il est enterré. Les ossements attribués à Léonard de Vinci sont supposés placés depuis 1874 sous la pierre tombale de la chapelle Saint-Hubert, dans l’enceinte du château d'Amboise et dominant la ville[63]. Sa tombe fut refaite de 1934 à 1936 par le sculpteur Francis La Monaca.
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+ Léonard de Vinci, toute sa vie célibataire et n’ayant jamais eu ni femme ni enfant, lègue l’ensemble de son œuvre considérable, pour la faire publier, à son disciple préféré et élève depuis ses dix ans, Francesco Melzi. Il lui offre notamment ses manuscrits, carnets, documents et instruments[64].
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+ Après l’avoir accompagné en France, il reste près de Léonard de Vinci jusqu’à sa mort. Cependant, il ne publiera rien de l'œuvre de Léonard et de nombreuses peintures — dont la Joconde — qui se trouvaient encore en sa possession dans son atelier, certains tableaux ayant été déjà vendus à François Ier, d'autres donnés en héritage à Salai pendant son séjour au Clos Lucé en 1518[65]. Les vignes de Léonard seront divisées entre Salai, un autre élève et disciple très apprécié par Léonard et entré à son service à l’âge de 15 ans, ainsi que son servant Battista de Vilanis[64]. Le terrain sera légué aux frères de Léonard et sa servante Mathurine reçut un manteau noir à bords de fourrure[66].
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+ Vingt ans après la mort de Léonard, François Ier dira au sculpteur Benvenuto Cellini :
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+ « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe[67]. »
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+ Léonard commence son apprentissage avec Andrea del Verrocchio en 1466, année où le maître de Verrocchio, le grand sculpteur Donatello, meurt. Le peintre Paolo Uccello, dont les premières expériences avec la perspective influencèrent le développement de la peinture des paysages, est alors très âgé. De même, les peintres Piero della Francesca et Fra Filippo Lippi, le sculpteur Luca della Robbia et l'architecte et écrivain Leon Battista Alberti ont environ 60 ans. Les artistes les plus renommés de la génération suivante sont le maître de Léonard : Andrea del Verrocchio, Antonio Pollaiuolo et le sculpteur Mino da Fiesole.
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+ La jeunesse de Léonard se déroule dans une maison de Florence ornée des œuvres de ces artistes et par les contemporains de Donatello, Masaccio — dont les fresques figuratives et réalistes sont imprégnées d'émotion — et Lorenzo Ghiberti, dont la Porte du Paradis montre la complexité des compositions, alliant travaux architecturaux et soin des détails. Piero della Francesca a fait une étude détaillée de la perspective et sera le premier peintre à faire une étude scientifique de la lumière. Ces études et les traités de Leone Battista Alberti doivent avoir un effet profond sur les jeunes artistes et, en particulier, sur les propres observations de Léonard et ses œuvres d'art[68],[69],[70].
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+ La représentation du nu de Masaccio montrant Adam et Ève quittant le paradis, avec Adam sans ses organes génitaux — masqués par une feuille de vigne —, crée une image très expressive des formes humaines qui influencera beaucoup la peinture, notamment parce qu'elles sont exprimées en trois dimensions par une utilisation novatrice de la lumière et de l'ombre que Léonard développera dans ses propres œuvres. L'humanisme de la Renaissance, influençant le David de Donatello, peut être vu dans les peintures les plus tardives de Léonard, en particulier Saint Jean Baptiste[68].
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+ Florence est dirigée à l'époque par Laurent de Médicis et son jeune frère Julien, tué lors de la conjuration des Pazzi en 1478. Ludovic Sforza, qui gouverne Milan entre 1479 et 1499 et chez qui Léonard a été envoyé comme ambassadeur de la cour des Médicis, est aussi son contemporain[68],[69].
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+ C'est également par l'intermédiaire des Médicis que Léonard fait la connaissance d'anciens philosophes humanistes dont Marsile Ficin, partisan du néoplatonisme, et Cristoforo Landino, auteur de commentaires sur les écrits classiques. Jean Pic de la Mirandole est également associé à l'académie des Médicis[70],[71]. Léonard écrit plus tard, dans la marge d'un journal : « Les Médicis m’ont fait et les Médicis m’ont détruit » ; mais le sens de ce commentaire reste discuté[20].
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+ Bien que l'on cite ensemble les trois « géants » de la haute Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne sont pas de la même génération. Léonard a 23 ans quand nait Michel-Ange et 31 ans à la naissance de Raphaël. Raphaël mourra en 1520, une année après de Vinci et Michel-Ange vivra encore quarante-cinq ans[69],[70].
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+ Gian Giacomo Caprotti da Oreno[72], dit « il Salaino » (« le petit diable ») ou Salai, a été décrit par Giorgio Vasari comme « un gracieux et beau jeune homme avec des cheveux fins et bouclés, en lequel Léonard était grandement ravi »[29]. Salai entre au service de Léonard en 1490 à l'âge de 10 ans. Leur relation n'est pas facile. Un an plus tard, Léonard fait une liste des délits du garçon, le qualifiant de « voleur », « menteur », « têtu » et « glouton ». Le « petit diable » avait volé de l'argent et des objets de valeur au moins à cinq reprises, et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures[73]. Néanmoins, les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d'images de l'adolescent. Salai est resté son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes[10].
153
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154
+ En 1506, Léonard prend comme élève Francesco Melzi, âgé de 15 ans, fils d'un aristocrate lombard. Melzi devient le compagnon de vie de Léonard et il est considéré comme son élève favori. Il se rend en France avec Léonard et Salai, et reste avec lui jusqu'à sa mort[20]. Salai quitte cependant la France en 1518 pour retourner à Milan. Il y construit une maison dans le vignoble de la propriété de Léonard qu'il s'est finalement vu léguer. En 1525, Salai meurt d'une mort violente, soit assassiné, soit à la suite d'un duel[74].
155
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156
+ Salai exécute un certain nombre de tableaux sous le nom d'« Andrea Salai », mais, bien que Giorgio Vasari prétende que Léonard « lui a appris beaucoup de choses sur la peinture »[29], son travail est généralement considéré comme étant de moindre valeur artistique que celui des autres élèves de Léonard, comme Marco d'Oggiono ou Giovanni Antonio Boltraffio. En 1515, il peint une version nue de La Joconde, dite « Monna Vanna »[75]. À sa mort en 1525, la Joconde appartenant à Salai a été évaluée à cinq cent cinq lires, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée pour un portrait de petite taille[74].
157
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158
+ Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono rejoignent l'atelier de Léonard lorsqu'il est de retour à Milan, mais de nombreux autres élèves moins connus tels que Giovanni Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Francesco Napoletano ou encore Andrea Solario sont aussi présents.
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160
+ Léonard de Vinci a eu beaucoup d'amis qui sont reconnus dans leurs domaines respectifs ou ont eu une influence importante sur l'Histoire. Il s'agit notamment du mathématicien Luca Pacioli avec qui il a collaboré pour un livre, César Borgia au service duquel il a passé deux années, Laurent de Médicis et le médecin Marcantonio della Torre. Il a rencontré Michel-Ange dont il a été le rival et a témoigné une « connivence intime » avec Nicolas Machiavel, les deux hommes ayant pu développer une étroite amitié épistolaire[41]. Parmi ses amis, se trouvent également Franchini Gaffurio et Isabelle d'Este. Léonard semble ne pas avoir eu d'étroites relations avec les femmes, sauf avec Isabelle. Il a fait un portrait d'elle, au cours d'un voyage qui le mena à Mantoue, qui semble avoir été utilisé pour créer une peinture, aujourd'hui perdue[20]. Il était également ami de l'architecte Jacopo Andrea da Ferrara jusqu'à son assassinat[37].
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162
+ Au-delà de l'amitié, Léonard garde sa vie privée secrète. De son vivant, ses capacités extraordinaires d'invention, son « exceptionnelle beauté physique », sa « grâce infinie », sa « grande force et générosité », la « formidable ampleur de son esprit », telles que décrites par Vasari[29], ont attisé la curiosité. De nombreux auteurs ont spéculé sur les différents aspects de la personnalité de Léonard. Sa sexualité a souvent été l'objet d'études, d'analyses et de spéculations. Cette tendance a commencé au milieu du XVIe siècle et a été relancée au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par Sigmund Freud[76].
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164
+ Les relations les plus intimes de Léonard sont avec ses élèves : Salai et Francesco Melzi. Melzi a écrit que les sentiments de Léonard étaient un mélange d'amour et de passion. Il a été décrit depuis le XVIe siècle que ces relations étaient d'un caractère érotique. Depuis cette date, des auteurs[77],[78] ont beaucoup écrit au sujet de son homosexualité, voire de sa pédérastie présumée et du rôle de cette sexualité dans son art, en particulier dans l'impression androgyne et érotique qui se manifeste dans Bacchus et plus explicitement dans un certain nombre de ses dessins[79]. Cependant, l'homosexualité supposée platonique et courtoise, voire refoulée, de l'artiste, reste très hypothétique et il est difficile de se prononcer sur les mœurs de Léonard[80].
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+ Léonard est passionné par la nature et les animaux au point d’acheter des oiseaux en cage pour leur rendre leur liberté[81]. Il est également très bon musicien. Il est admis que Léonard était gaucher et ambidextre, ce qui expliquerait son utilisation de l'écriture spéculaire[14].
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+ Malgré la relativement récente prise de conscience et l'admiration vouée à Léonard comme scientifique et inventeur, son immense renommée de la plus grande partie de ces quatre cents dernières années a reposé sur ses réalisations en tant que peintre et sur une poignée d'œuvres — authentifiées ou lui étant attribuées — qui ont été considérées comme faisant partie des plus beaux chefs-d'œuvre jamais créés[Note 17].
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+ Ces peintures sont célèbres pour de nombreuses raisons et qualités qui ont été beaucoup imitées par les étudiants et discutées très longuement par les connaisseurs et les critiques. Parmi les qualités qui font des travaux de Léonard, des pièces uniques sont souvent citées, les techniques novatrices qu'il a utilisées dans l'application de la peinture, sa connaissance approfondie de l'anatomie humaine et animale, de la botanique et la géologie, mais aussi son utilisation de la lumière, son intérêt pour la physiognomonie et la façon dont les humains utilisent le registre des émotions et les expressions gestuelles, son sens de la composition et celui, subtil, des dégradés de couleurs. Il maîtrisait notamment la technique du « sfumato » et le rendu des ombres et des lumières. Toutes ces qualités sont réunies dans ses tableaux les plus connus, La Joconde, La Cène et La Vierge aux rochers[82].
171
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172
+ Léonard a réalisé de très nombreux portraits de femmes, mais un seul portrait d’homme — celui d’un musicien — a été retrouvé à ce jour. On lui prête souvent la phrase suivante : « Le personnage le plus digne d’éloges est celui qui, par son mouvement, traduit le mieux les passions de l’âme », qui explique bien sa pensée de peintre. Cependant, il a aussi dessiné des croquis caricaturaux de ses contemporains dans la mode du grotesque.
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174
+ Léonard est célèbre pour ses dessins et ses peintures dans lesquels il introduit une conception innovante[83] de la perspective. Vinci estimait que les arts picturaux forment une science[84]. Mais l'utilisation, souvent supposée, du nombre d’or dans son œuvre n'est pas avérée[85]. Son travail sur les proportions, à l'image de l’Homme de Vitruve, se limite à l'usage de fractions d'entiers.
175
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176
+ Les premiers travaux de Léonard de Vinci commencent avec Le Baptême du Christ peint avec Andrea del Verrocchio, à qui il est attribué, et ses autres élèves. Deux autres peintures semblent dater de cette période à l'atelier et qui sont toutes les deux des « Annonciations » ; l'une est petite, large de cinquante-neuf centimètres pour seulement quatorze de haut. Il s'agit d'une prédelle se plaçant à la base d'une composition plus large, et, dans ce cas, pour un tableau de Lorenzo di Credi duquel il fut séparé. L'autre est un travail beaucoup plus important, de deux cent dix-sept centimètres de large[40].
177
+
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+ Dans ces deux annonciations, Léonard a dépeint la Vierge Marie, assise ou agenouillée à la droite de l'image, et un ange de profil s'approchant d'elle par la gauche. Un gros travail est fait sur les mouvements des vêtements et les ailes de l'ange. Bien que précédemment attribuée à Domenico Ghirlandaio, l'œuvre est désormais presque universellement attribuée à de Vinci[86].
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+ Dans le tableau le plus petit, Marie détourne ses yeux et plie ses mains dans un geste qui symbolise la soumission à la volonté de Dieu. Dans le tableau le plus grand cependant, Marie ne semble pas aussi docile ; la jeune femme, interrompue dans sa lecture par ce messager inattendu qu'est l'ange, place son doigt dans le livre saint pour repérer la page de sa lecture interrompue et lève la main dans un geste de salutation ou de surprise[68]. Son calme semble montrer qu'elle accepte son rôle de mère de Dieu, non pas avec résignation, mais avec confiance. Dans ce tableau, le jeune Léonard présente le visage humaniste de la Vierge Marie, reconnaissant le rôle de l'humanité dans l'incarnation de Dieu[Note 18]. Ce dernier tableau a visiblement été travaillé par plusieurs personnes, puisque certaines discontinuités de style sont perceptibles, comme une « erreur » de perspective sur le bras droit de Marie, le pré fleuri comme une broderie ou bien les ailes de rapace de l'ange[30]. Le style du lutrin du tableau pourrait être un clin d'œil au style du tombeau de Pierre de Médicis réalisé par Verrocchio en 1472[30].
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+ Dans les années 1480, Vinci reçoit deux très importantes commandes et commence à travailler à une autre œuvre qui est également d'une grande importance en termes de composition. Malheureusement, deux des trois œuvres n'ont jamais été terminées et la troisième a été si longue à créer qu'elle fut soumise à de longues négociations sur son achèvement et son paiement. L'un de ces tableaux est Saint Jérôme. Liana Bortolon, dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967), associe ce tableau à une période difficile de la vie de Léonard. Les signes de la mélancolie peuvent se lire dans son journal : « Je pensais que j'apprenais à vivre ; j'apprenais seulement à mourir[20]. »
183
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+ La composition du tableau est très inhabituelle, même s'il est vrai que certaines parties de celui-ci furent découpées[Note 19]. Le tableau dépeint la pénitence de Jérôme de Stridon dans le désert. Pénitent, Jérôme occupe le milieu de l'image, le corps légèrement en diagonale. Sa posture agenouillée prend une forme trapézoïdale, avec un bras tendu vers le bord extérieur de la peinture et son regard allant dans la direction opposée. Jack Wasserman souligne le lien entre cette peinture et les études anatomiques de Léonard[46]. Au premier plan de l'ensemble s'étend son symbole, un grand lion, dont le corps et la queue effectuent une double courbe à travers la base de l'image. L'autre caractéristique intéressante est l'aspect superficiel du paysage de pierres rocailleuses où se trouve le personnage.
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+ L'affichage audacieux et novateur de la composition, avec les éléments du paysage et le drame personnel, apparaît également dans le grand chef-d'œuvre inachevé qu'est L'Adoration des mages, une commande des moines de San Donato à Scopeto. C'est un tableau à la composition très complexe, et Léonard a fait de nombreux dessins et études préparatoires, y compris une très détaillée pour la perspective linéaire d'une ruine d'architecture classique qui sert de toile de fond à la scène. Mais, en 1482, Léonard part à Milan, à la demande de Laurent de Médicis, afin de gagner les bonnes grâces de Ludovic Sforza. Il abandonne donc son tableau[86],[10].
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+ Le troisième travail important de cette période est La Vierge aux rochers qui a été commandée à Milan pour la confrérie de l'Immaculée Conception. La peinture, faite avec l'assistance des frères, devait combler un grand retable, déjà construit[46]. Léonard a choisi de peindre un passage de l'enfance du Christ tiré des évangiles apocryphes, lorsque le petit Jean le Baptiste, sous la protection d'un ange, a rencontré la sainte Famille sur la route de l'Égypte. Dans cette scène, telle qu'elle a été peinte par Léonard de Vinci, Jean reconnaît et vénère Jésus comme le Christ. Le tableau montre des personnages gracieux s'agenouillant en adoration devant le Christ dans un environnement sauvage et un paysage rocheux[87]. Le tableau est quasiment aussi complexe que la peinture commandée par les moines de San Donato, même s'il a seulement quatre personnages — et non cinquante — et s'il dépeint un paysage plutôt qu'un fond architectural. Le tableau a été achevé, mais deux versions de la peinture ont en fait été réalisées : celle qui est restée à la chapelle de la confrérie et l'autre qu'a emportée Léonard en France. Mais les frères n'ont pas eu leur peinture avant le siècle suivant[10],[25]. Une seconde version de ce tableau, avec l'ajout des auréoles et du bâton de Jean le Baptiste sera faite quelques années plus tard.
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190
+ La plus célèbre peinture de Léonard pour la période des années 1490 est La Cène. Elle est peinte directement sur un mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan. La peinture représente le dernier repas partagé par Jésus et ses disciples avant sa capture et sa mort. Il montre précisément le moment où Jésus déclare : « l'un de vous va me trahir ». Léonard dépeint la consternation que cette déclaration a causée à l'ensemble des douze disciples de Jésus[25].
191
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192
+ Matteo Bandello a observé Léonard au travail et il écrit, dans une de ses nouvelles que, certains jours, il peint de l'aube au crépuscule sans même s'arrêter pour manger, et puis ne peint plus les trois ou quatre jours suivants[46]. Selon Vasari, cela provoque l'incompréhension du père supérieur, le prieur, qui chasse le peintre jusqu'à ce que Léonard demande au duc de Milan, Ludovic Sforza, d'intervenir. Vasari décrit également comment Vinci doute de sa capacité à peindre proprement les visages de Jésus et de Judas, affirmant au duc qu'il a peut-être utilisé le moine pour modèle[29].
193
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194
+ La fresque, achevée, est saluée comme un chef-d'œuvre de conception et de caractérisation[29], obtenant même plus tard l'admiration de Pierre Paul Rubens et de Rembrandt[33]. L'œuvre a été restaurée sans cesse, la peinture se détachant du support en plâtre[15]. La peinture s'est détériorée rapidement, de telle sorte qu'avant même le centième anniversaire de sa création, elle a été décrite par un témoin comme « totalement dévastée »[10]. Léonard, au lieu d'utiliser la technique éprouvée de la fresque, a utilisé la « technique de la tempera », un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments, alors que le support est principalement « gesso », un type de craie fait de carbonate de calcium minéral, ce qui a produit une surface sujette à la moisissure et à l'écaillage[10].
195
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196
+ Malgré ces déboires, la Cène est restée l'une des œuvres d'art les plus reproduites. Heureusement, une toile d'époque de grandes dimensions est exposée en l'abbaye de Tongerlo à Westerlo. Elle est une des copies les plus fidèles et les plus anciennes du chef-d'œuvre du maître italien : œuvre des élèves de Léonard, il semblerait qu'il aurait peint lui-même la tête de Jésus et celle de l'apôtre Jean. Les restaurateurs viennent chercher à Westerlo les couleurs exactes pour leurs travaux avant d'aller à Milan.
197
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198
+ Parmi les œuvres créées par Léonard dans les années 1500, se trouve un petit portrait connu sous le nom de La Joconde (1503-1506) ou, notamment pour les anglophones, sous le nom de « Mona Lisa ». Le tableau est connu, en particulier, pour l'insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s'accordent à dire qu'il s'agit de Lisa Gherardini. La qualité de la peinture est peut-être liée au fait que l'artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. La qualité des ombres, pour lesquelles le travail est réputé, a été appelée « sfumato » ou « la fumée de Léonard ». Giorgio Vasari a écrit que « le sourire est si agréable qu'il semble divin plutôt qu'humain ; ceux qui l'ont vu ont été très surpris de constater qu'il semble aussi vivant que l'original »[29]. Néanmoins, et pendant longtemps, les experts ont généralement admis que Vasari a pu n'avoir jamais connu la peinture autrement que par sa renommée, car il l'a décrite comme ayant des sourcils. Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l'hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que Léonard ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu'ils ont ensuite été enlevés, notamment parce qu'ils n'étaient pas en vogue au milieu du XVIe siècle. Effectivement, La Joconde aurait eu des sourcils et des cils qui ont, par la suite, été enlevés[88].
199
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200
+ Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire, laissant les yeux et les mains non concurrencés par d'autres détails, le paysage de fond spectaculaire[89], le travail des couleurs et la nature de la technique de peinture très douce employant des huiles, mais posées un peu comme la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables. Vasari a exprimé l'avis que la façon de peindre ferait même « le plus confiant des maîtres [de la peinture]… désespérer et perdre courage »[29]. L'état de conservation remarquable et le fait qu'il n'y ait aucun signe visible de réparations ou de surcouches repeintes sont extrêmement rares pour une peinture de cette période[40].
201
+
202
+ Dans La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, la composition reprend de nouveau le thème de personnages dans un paysage que Jack Wasserman, dans son livre Leonardo da Vinci (1975), qualifie de « saisissant par sa beauté »[46] et renvoie à la peinture inachevée de saint Jérôme avec le personnage faisant un angle oblique avec l'un de ses bras. Ce qui rend La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne si rare est la présence de deux ensembles dans une perspective différente, mais se superposant. Marie est assise sur les genoux de sa mère, sainte Anne. Elle se penche en avant pour prendre dans ses bras l'enfant Jésus qui joue avec un agneau, signe de l'imminence de son propre sacrifice[25]. Ce tableau, copié à plusieurs reprises, a influencé Michel-Ange, Raphaël et Andrea del Sarto[10] et, à travers eux, Pontormo et Le Corrège. Le style de la composition a été adopté en particulier par les peintres vénitiens Le Tintoret et Paul Véronèse.
203
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204
+ Vinci n'a pas été un peintre prolifique, mais il l'a été comme dessinateur, remplissant ses journaux de petits croquis et de dessins détaillés afin de garder une trace de tout ce qui avait attiré son attention. En plus de ses notes, il existe de nombreuses études pour ses peintures, dont certaines peuvent être considérées comme préparatoires à des travaux tels que L'Adoration des mages, La Vierge aux rochers et La Cène[90]. Son premier dessin daté est un paysage, Paysage de la vallée de l'Arno (1473), qui montre la rivière, les montagnes, le château Montelupo et les exploitations agricoles au-delà de celui-ci dans le plus grand détail[20],[90].
205
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206
+ Parmi ses célèbres dessins, il y a l’homme de Vitruve, une étude des proportions du corps humain, la Tête de jeune femme préparatoire à la tête de l'ange dans La Vierge aux rochers et La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste, qui est un grand carton (160 × 100 cm) en craie blanche et noire sur un papier de couleur de sainte Anne[90]. Ce thème de sainte Anne sera, avec la sainte Famille, la dominance de l'œuvre de Léonard de 1500 à 1517[37]. Ce dessin emploie la technique subtile du sfumato, à la manière de La Joconde. Léonard ne semble jamais avoir fait une peinture à partir de ce dessin, mais un tableau assez proche en est La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne[10].
207
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208
+ Les autres dessins d'intérêt comprennent de nombreuses études généralement dénommées « caricatures » parce que, bien qu'exagérées, elles semblent être fondées sur l'observation de modèles vivants. Giorgio Vasari rapporte que, si Léonard voyait une personne qui avait un visage intéressant, il la suivait toute la journée pour l'observer[29]. Il existe de nombreuses études de beaux jeunes hommes, souvent associées à Salai, avec le visage rare, très admiré et caractéristique que l'on appelle le « profil grec »[Note 20]. Ces visages sont souvent en contraste avec ceux d'un guerrier[90]. Salai est souvent dépeint dans des costumes et des déguisements. Léonard est connu pour avoir conçu des décors pour des processions traditionnelles. D'autres dessins, souvent minutieux, montrent des études de draperies. Le Musée Léon-Bonnat de Bayonne conserve un dessin de Léonard de Vinci représentant Bernardo di Bandino Baronchelli (l'un des assassins de Julien de Médicis lors de la conjuration des Pazzi), après sa pendaison à l’une des fenêtres du Palazzo del Capitano di Giustizia à Florence, le 29 décembre 1479[91].
209
+
210
+ L'humanisme de la Renaissance ne lie pas les sciences et les arts. Cependant, les études de Vinci en sciences et en ingénierie sont aussi impressionnantes et novatrices que son travail artistique, enregistrées dans des carnets de notes comprenant quelque treize mille pages d'écriture et de dessins, qui associent art et philosophie naturelle (la base de la science moderne). Ces notes ont été réalisées et mises à jour quotidiennement pendant toute la vie et les voyages de Léonard. Continuellement, il s'efforce de faire des observations du monde qui l'entourait[25], conscient et fier d'être, comme il se définissait, un « homme sans lettres », autodidacte et lucide sur les phénomènes naturels souvent bien éloignés de ce qui était appris à l'école[33].
211
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212
+ Ces journaux sont, pour la plupart, rédigés en toscan dans une écriture spéculaire plus communément appelée « écriture en miroir ». La raison peut avoir été davantage un besoin pratique, pour être plus rapide, que pour des raisons de chiffrement afin d'échapper à la censure de son temps ou de garder ses notes de travail secrètes, comme cela est souvent suggéré (thèse du mathématicien Luca Pacioli dès le XVe siècle, réfutée car cette écriture se lit facilement à l'aide d'un miroir, par ailleurs Léonard truffe ses notes d'abréviations et c'est plutôt cette caractéristique qui en rendent la lecture plus difficile). Comme Léonard écrivait avec sa main gauche, il devait être plus facile pour lui d'écrire de droite à gauche. En effet la main fournit moins d'effort et cette technique évite de laisser des traînées ou effacer l'encre humide en passant dessus sa main qui tient la plume d'oie. Néanmoins, il rédige occasionnellement de gauche à droite, ce qui montre qu'il maîtrise aussi cette technique[92].
213
+
214
+ Ses notes et dessins, dont les plus anciens sont datés de 1475[30], montrent une grande variété d'intérêts et de préoccupations, mais aussi certaines listes quelconques d'épicerie ou de ses débiteurs. Il y a des compositions pour des peintures, des études de détails et de tapisseries, des études de visages et d'émotions, des animaux, des bébés, des dissections, des études botaniques et géologiques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux architecturaux[25].
215
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216
+ Ces carnets de notes — initialement des feuilles volantes de différentes tailles et de différents types, données par ses amis après sa mort — ont trouvé leur place dans les collections importantes comme celles exposées au château de Windsor, à la Bibliothèque de l'Institut de France[93], à la Bibliothèque nationale d'Espagne, à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, au Victoria and Albert Museum et à la British Library de Londres. La British Library a mis une sélection à partir de ses notes (BL Arundel MS 263) sur l'Internet dans les pages de son site abordant ce chapitre[94]. Le Codex Leicester est le seul grand travail scientifique de Vinci qui soit entre les mains d'un propriétaire privé (Bill Gates).
217
+
218
+ Les journaux de Léonard semblent avoir été destinés à la publication, car beaucoup de feuilles ont une forme et un ordre qui en faciliteraient l'édition. Dans de nombreux cas, un seul thème, par exemple, le cœur ou le fœtus humain, est traité en détail à la fois dans les mots et les images, sur une seule feuille[95]. Ce mode d'organisation minimise également la perte de données dans le cas où les pages seraient mélangées ou détruites. La raison pour laquelle ces journaux n'ont pas été publiés alors que Léonard était encore en vie est inconnue[25], mais certains estiment que la société n'était pas prête pour cela, notamment l'Église vis-à-vis de ses travaux anatomiques.
219
+
220
+ En 2019, une étude scientifique menés par des chercheurs du musée des Offices de Florence démontre que Léonard de Vinci est ambidextre à partir de l'analyse du dessin le Paesaggio[96].
221
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222
+ L'approche de la science par Léonard est très liée à l'observation : si « la Science est le capitaine, la pratique est le soldat »[33]. Sa science, ses recherches scientifiques ne portent exclusivement que sur les parties qu'il a pratiquées en technicien[19]. Léonard de Vinci a essayé de comprendre un phénomène en le décrivant et en l'illustrant dans les plus grands détails, en n'insistant pas trop sur les explications théoriques. Ses études sur le vol ou le mouvement de l'eau sont sans doute ce qu'il y a de plus remarquable à ce sujet. Comme il manquait d'instruction initiale en latin et en mathématiques, les chercheurs contemporains ont largement ignoré le savant Léonard, bien qu'il ait appris par lui-même le latin.
223
+
224
+ Dans les années 1490, il a étudié les mathématiques à la suite de Luca Pacioli et a fait une série de dessins de solides réguliers dans une forme squelettique afin de les faire graver pour son livre Divina Proportione (1509)[25]. Il est alors particulièrement fasciné par l'idée de l'absolu et de l'universel[33]. Cependant, sa culture mathématique est celle d'un praticien : elle a les objectifs limités des abacistes de son temps, il pénètre avec peine la géométrie des Grecs, sa perspective est celle de tous les théoriciens de son temps. Néanmoins, au-delà du simple aspect géométrique de la représentation de la perspective, il propose dans son Traité de la Peinture, une triple définition de la perspective :
225
+
226
+ 1° : perspective linéaire (diminution de la taille des objets proportionnellement à leur distance à l'observateur, perspective géométrique ss)[98],
227
+
228
+ 2° : perspective des couleurs (atténuation des couleurs proportionnellement à leur distance à l'observateur)[99],
229
+
230
+ 3° : perspective d’effacement (diminution de la précision des détails proportionnellement à leur distance à l'observateur)[100].
231
+
232
+ Également, Léonard a conçu un instrument à système articulé destiné à construire une solution mécanique du problème d'Alhazen, problème essentiellement technique, et qui témoigne d'une connaissance sur les lois de la réflexion[19].
233
+
234
+ De même, la mécanique de Léonard est celle de ses contemporains, avec ses faiblesses, ses incertitudes, ses erreurs et il ne paraît pas qu'il ait apporté beaucoup de découvertes en la matière. Sa physique est assez confuse et vague. Il ne fut certainement jamais artilleur et n'a pas de théorie relative à la balistique. Pourtant, comme l’attestent certains de ses schémas, Léonard de Vinci eut peut-être l’intuition, comme on pouvait l’observer sur un jet d’eau, qu’il n’existait pas de partie rectiligne dans la trajectoire d’un projectile d’artillerie contrairement à ce qui était couramment admis à l’époque. Mais il s’arrêta très vite sur une voie que Tartaglia puis Benedetti allaient suivre et qui mena à Galilée[19].
235
+
236
+ Si Alberti ou Francesco di Giorgio Martini se préoccupèrent de la solidité des poutres, jamais ils n’avaient cherché de formulations mathématiques. Léonard de Vinci s’intéresse au problème de la flexion, sans doute à l’aide d’expériences, et parvient à définir des lois, encore imparfaites[Note 21], de la ligne élastique pour des poutres de différentes sections, libres ou encastrées dont le problème de Galilée (problème du balcon). Ce faisant, il élimine le module d’élasticité et le moment auquel avait pourtant fait allusion Jordanus Nemorarius[19].
237
+
238
+ Sa chimie se borne à la mise au point d'un alambic et aux quelques recherches d'alchimie qu'il pratiqua à Rome[19].
239
+
240
+ Paul Valéry met en avant la manière dont Léonard de Vinci a découvert intuitivement, par l'observation, « le premier germe de la théorie des ondulations lumineuses », sans cependant pouvoir la valider de manière expérimentale : « L'air est rempli d'infinies lignes droites et rayonnantes, entrecroisées et tissées sans que l'une n'emprunte jamais le parcours d'une autre, et elles représentent pour chaque objet la vraie forme de leur raison (de leur explication)[101]. »
241
+
242
+ Léonard de Vinci étudia aussi beaucoup la lumière et l'optique[45] ; en hydrologie, la seule véritable loi qu'il ait formulée est celle du débit des cours d'eau.
243
+
244
+ Il semble que, à partir du contenu de ses carnets, il ait envisagé de publier une série de traités sur une grande variété de sujets. À plusieurs reprises il mentionne un projet de traité de l'eau, mais qui paraît avoir été si considérable dans sa pensée qu'il semblait irréalisable[19]. Un traité d'anatomie aurait été observé au cours d'une visite par le secrétaire du cardinal Louis d'Aragon en 1517[102].
245
+
246
+ Son élève Francesco Melzi, chercha à reconstituer le Traité de la peinture que Léonard de Vinci avait projeté toute sa vie d'écrire. Il compila pour cela les aspects de son travail sur l'anatomie, la lumière et les ombres, les drapés, les paysages. Une édition partielle et incomplète du travail de Francesco Melzi parut en 1651, en italien, puis en français. Charles Le Brun présenta l’édition française du Traité de la peinture aux membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme le livre qui devait leur servir désormais de référence (malgré les critiques d‘Abraham Bosse et le scepticisme de Félibien[103]). C’est ainsi que Léonard de Vinci fut transformé « en précurseur de la pensée académique », selon la formule de Daniel Arasse[25].
247
+
248
+ La formation initiale de Léonard à l'anatomie du corps humain a commencé lors de son apprentissage avec Andrea del Verrocchio, son maître insistant sur le fait que tous ses élèves apprennent l'anatomie. Comme artiste, il est rapidement devenu maître de l'anatomie topographique, en s'inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d'autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l'anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition. Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à cause des problèmes d'hygiène et de conservation des corps.
249
+
250
+ Comme artiste connu, il a reçu l'autorisation de disséquer des cadavres humains à l'hôpital de Santa Maria Nuova à Florence et, plus tard, dans les hôpitaux de Milan et de Rome (de 1513 et 1516, il y dirige plusieurs autopsies dans l'hôpital romain Santo Spirito in Sassia). Il réalise ainsi une vingtaine de dissections à partir de 1487 pour composer un traité d'anatomie[104] qui ne verra jamais le jour[105]. De 1510 à 1511, il a collaboré dans ses recherches avec le médecin Marcantonio della Torre.
251
+
252
+ Léonard a dessiné de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d'autres organes internes. Ces observations contiennent parfois des inexactitudes dues aux méconnaissances de l'époque[15]. Il n'a par exemple jamais entrevu la circulation du sang[19]. Il a par contre identifié quatre cavités cardiaques dans le cœur (Vésale et Descartes n'y en verront que deux), fait l'un des premiers dessins scientifiques d'un fœtus dans l'utérus[90] et la première constatation scientifique de la rigidité des artères à la suite d'une crise cardiaque. Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l'âge et de l'émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d'importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie[25],[90].
253
+
254
+ Il a aussi étudié et dessiné l'anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l'homme. Il étudia également les chevaux.
255
+
256
+ « Combien de biographies n'a-t-on pas écrites, qui ne mentionnent cette activité scientifique ou technique que pour montrer l'étendue d'un savoir qu'on veut universel […] Tout ceci n'a pu se faire que péniblement, par une recherche constante de ce qu'avaient écrit les anciens ou les prédécesseurs immédiats […] Et faute de connaître tout ce passé qui l'avait fait, on a présenté Léonard comme un inventeur fécond »
257
+
258
+ — Bertrand Gille, dans Les ingénieurs de la Renaissance[19]
259
+
260
+ Léonard de Vinci s’inscrit dans le courant technicien de la Renaissance et, comme tel, il eut des prédécesseurs immédiats ou plus lointains parmi lesquels on peut citer Konrad Kyeser, Taccola, Roberto Valturio, Filippo Brunelleschi, Jacomo Fontana ou encore Leon Battista Alberti à qui il doit sans doute beaucoup[19].
261
+
262
+ Certains furent des personnalités plus puissantes, des esprits plus complets, des curiosités plus larges encore. C’est le cas de Francesco di Giorgio Martini qui fut son supérieur lors de la construction du dôme de Milan et à qui il emprunta certainement beaucoup[19]. Étant sans doute moins occupé par ses réalisations que ce dernier du fait d’un carnet de commandes moins rempli, Léonard de Vinci sera à la fois plus prolifique, mais surtout capable d’un changement de méthode.
263
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264
+ La légende fait de Léonard le précurseur de plusieurs machines modernes mais nombre d'entre elles ont été inventées par des prédécesseurs (tels le bateau à roues à aubes existant sous la dynastie des Song du Sud au Ve siècle, l'hélicoptère, le véhicule à chenilles, la machine à tisser des scies hydrauliques, le sous-marin ou le char d'assaut blindé que Léonard perfectionne après avoir puisé ses idées notamment dans les carnets de Taccola et de son maître Giorgio, eux-mêmes copiant des manuscrits de penseurs contemporains ou médiévaux[106]) et, au-delà de l'étonnement éprouvé face à l’imagination prospective de l’auteur, on peut vite constater que le fonctionnement réel de la machine n’a pas dû être son souci premier. Comme le moine Eilmer de Malmesbury au XIe siècle qui avait oublié la queue dans sa machine volante, les inventions de Léonard butent sur de nombreuses difficultés : l’hélicoptère s’envolerait comme une toupie, le scaphandrier s’asphyxierait, le bateau à aubes n’avancerait pas, le parachute en pyramide s'enroulerait sur lui-même, etc.[107]. De plus, dans ces épures, Léonard ne pose jamais le problème de la force motrice[108].
265
+
266
+ Dans une lettre d'emploi adressée à Ludovic Sforza[Note 22], qui est une véritable lettre de candidature en dix points, il lui présente son profil professionnel, le meilleur du marché, avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre. Il énumère : ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, c'est-à-dire toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège[109].
267
+
268
+ Quand il a fui à Venise en 1499, il a trouvé un emploi d'ingénieur et a développé un système de barrières mobiles pour protéger la ville contre les attaques terrestres. Il a également eu pour projet de détourner la circulation de l'Arno afin d'irriguer les champs toscans, de faciliter le transport et même de gêner l'approvisionnement maritime de Pise, la rivale de Florence[37].
269
+
270
+ Ses carnets présentent un grand nombre d'« inventions » (inventions propres ou perfectionnement de machines et d'instruments) à la fois pratiques et réalistes[110], notamment des pompes hydrauliques, des mécanismes à manivelle comme la machine à tailler les vis de bois, des ailettes pour les obus de mortier, un canon à vapeur[20],[25], le sous-marin, plusieurs automates, le char de combat, l'automobile, des flotteurs pour « marcher sur l'eau », la concentration d'énergie solaire, la calculatrice, le scaphandre à casque, la double coque ou encore le roulement à billes. La paternité de la bicyclette est, quant à elle, très controversée[Note 23].
271
+
272
+ Un examen attentif de ces épures indique cependant que nombre de ces techniques furent, soit empruntées à quelques prédécesseurs immédiats (la turbine hydraulique à Francesco di Giorgio Martini, la chaîne articulée pour la transmission des mouvements à Taccola, etc.), soit l'héritage d'une tradition encore plus ancienne (le martinet hydraulique est connu au XIIIe siècle, les siphons et aqueducs sont visibles chez Frontin, les automates de divertissement décrits par les mécaniciens grecs…)[19]. Pourtant Léonard fut aussi novateur ; il est sans doute l'un des premiers dans le cercle des ingénieurs de l'époque à s'intéresser au travail mécanique du métal et en particulier de l'or, plus malléable. Avec la machine volante, les quelques machines textiles, pour lesquelles la régularité des mouvements mis en œuvre lui permet d'appliquer son sens de l'observation, signent son originalité. Le métier mécanique, la machine à carder et celle à tondre les draps font sans doute de Léonard, le premier qui chercha à mécaniser une fabrication industrielle. La machine à polir les miroirs qui supposait la résolution d'un certain nombre de problèmes pour obtenir des surfaces régulières, planes ou concaves, a été imaginée pendant son séjour romain alors qu'il étudiait la fabrication des images. Paradoxalement, Léonard de Vinci s'intéressa peu à des inventions que nous jugeons aujourd'hui très importantes, telles que l'imprimerie, même s'il est un des premiers à nous donner une représentation d'une presse d'imprimerie[19].
273
+
274
+ Si la guerre peut répondre à une nécessité, elle est pazzia bestialissima (« folie sauvage »)[33]. Il étudie donc les armes tout en gardant du recul quant à leur utilisation.
275
+
276
+ En 1502, Léonard a dessiné un pont de deux cent quarante mètres dans le cadre d'un projet de génie civil pour le sultan ottoman Bayezid II d'Istanbul. Ce pont était destiné à franchir l'embouchure du Bosphore, connue sous le nom de la « Corne d'Or ». Beyazid ne poursuit pas le projet, car il estime que cette construction serait impossible. La vision de Léonard a été ressuscitée en 2001 quand un petit pont conçu selon ses idées a été construit en Norvège. Le 17 mai 2006, le gouvernement turc a décidé de construire le pont de Léonard pour la Corne d'Or[111].
277
+
278
+ Pendant la majeure partie de sa vie, Léonard a été, comme Icare, fasciné par le vol. Il a produit de nombreuses études sur ce phénomène en s'inspirant des oiseaux et des plans de vol de plusieurs appareils, dont les prémices d'hélicoptère nommées la « vis aérienne », le parachute et une sorte de deltaplane[25] en bambou. Sur ce nombre, la plupart étaient irréalisables, mais le deltaplane a été construit et, avec l'ajout un empennage pour la stabilité, a volé avec succès. Néanmoins, il semble probable qu'il estimait que les systèmes proches des chauves-souris avaient le plus gros potentiel[33]. Il inventa également la soufflerie aérodynamique pour ses travaux.
279
+
280
+ Le musée du clos Lucé à Amboise, le musée Il Castello situé au château de comtes Guidi de Vinci et le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci de Milan contiennent de nombreuses maquettes, des objets grandeur nature établis sur l’étude de ses carnets et des explications sur son travail.
281
+
282
+ De Vinci a également étudié l'architecture. Il est influencé par les travaux de Filippo Brunelleschi et a projeté de surélever le baptistère Saint-Jean de Florence[30] ou de créer une tour-lanterne pour la cathédrale de Milan[33]. Il utilise souvent la forme octogonale pour les bâtiments religieux et le cercle pour les militaires[37]. À la suite de la peste qui frappe Milan vers 1484 et 1485, il conçoit une ville parfaite théorique avec des axes de circulation optimaux et des conditions de vie de qualité, sa vision n'est pas marquée par des distinctions sociales, mais fonctionnelles, tels des organes dans un corps humain[33]. Il travaille également sur les jardins[45]. Néanmoins, beaucoup de ses travaux sur l'architecture seront perdus.
283
+
284
+ Léonard de Vinci a un besoin de rationaliser inconnu jusqu’alors chez les techniciens. Avec lui la technique n’est plus affaire d’artisans, de personnes ignorantes et de traditions plus ou moins valables et plus ou moins comprises par ceux qui étaient chargés de l’appliquer. George Sarton, historien des sciences, indique que Léonard de Vinci a recueilli une « tradition orale et manuelle, non une tradition littéraire[112]. »
285
+
286
+ C’est d’abord par les échecs, par les erreurs, par les catastrophes qu’il essaie de définir la vérité : les lézardes des murs, les affouillements destructeurs des berges, les mauvais mélanges de métaux sont autant d’occasions de connaître les bonnes pratiques.
287
+
288
+ Progressivement, il élabore une sorte de doctrine technique, née d’observations bientôt suivies d’expériences qui furent parfois conduites sur de petits modèles. Harald Höffding présente sa pensée comme un mélange d’empirisme et de naturalisme[113]. En effet, si pour Léonard de Vinci « La sagesse est la fille de l'expérience »[114], elle permet de vérifier constamment ses intuitions et théories, car « L'expérience ne se trompe jamais ; ce sont vos jugements qui se trompent en se promettant des effets qui ne sont pas causés par vos expérimentations »[114].
289
+
290
+ La méthode de Léonard de Vinci a certainement consisté dans la recherche de données chiffrées[112] et son intérêt pour les instruments de mesure en témoigne. Ces données étaient relativement faciles à obtenir dans le cas des poutres en flexion par exemple, beaucoup plus compliquées dans le domaine des arcs ou de la maçonnerie. La formulation des résultats ne pouvait être que simple, c’est-à-dire exprimée le plus souvent par des rapports. Cette recherche effrénée de l’exactitude est devenue la devise de Léonard de Vinci, Hostinato rigore (« obstinée rigueur »)[115]. C’est néanmoins la première fois qu’on voit appliquer de telles méthodes dans les métiers où on dut longtemps se contenter de moyens irraisonnés d’appréciation.
291
+
292
+ Ce faisant, Léonard en est arrivé à pouvoir poser des problèmes en termes généraux. Ce qu’il cherche avant tout ce sont des connaissances générales, applicables dans tous les cas, et qui sont autant de moyens d’action sur le monde matériel. Pour autant sa « science technique » reste fragmentaire. Elle s’attache à un certain nombre de problèmes particuliers, traités très étroitement, mais il y manque encore la cohérence d’ensemble qu'on trouvera bientôt chez ses successeurs[19].
293
+
294
+ Pour lui, cette recherche dans tous les domaines de la science et de l'art est normale, car tout est lié. Sa curiosité et son activité perpétuelle constituent le moyen de garder un esprit vivace, car « Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit »[114]. Léonard de Vinci considère la peinture, par exemple, comme l'expression visuelle d'un tout ; l'art, la philosophie et la science sont, selon lui, indissociables et pouvant expliquer en partie son approche de polymathe et « Qui blâme la peinture n'aime ni la philosophie ni la nature »[114]. En proposant une « synthèse par la beauté », Léonard de Vinci illustre à lui seul ce que fut le grand courant d'innovation de la Renaissance[116].
295
+
296
+ Cependant, cette tentative de grande synthèse - art-science - fût un échec et marqua la séparation « croissante et définitive » des domaines que sont l’art et les sciences, et marque ainsi le début de l’âge moderne[Note 24].
297
+
298
+ Léonard de Vinci pense que l'homme doit s'engager activement à combattre le mal et faire le bien, car « Celui qui néglige de punir le mal aide à sa réalisation »[114]. Il indique également qu'il ne se fait aucune illusion sur la nature de l'homme et de la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fait en préambule à une présentation du sous-marin :
299
+
300
+ « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent[118]. »
301
+
302
+ Léonard de Vinci place également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles :
303
+
304
+ « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit[114]. »
305
+
306
+ Léonard de Vinci, connu de son vivant pour acheter des oiseaux en cage afin de les libérer[119], était aussi célèbre pour être végétarien par refus de nuire aux animaux (à la manière des « Guzzarati » ou hindous)[120], ce qui peut ainsi le mettre dans la lignée de la philosophie de Pythagore ou d'Empédocle d'Agrigente (qui inspirèrent aussi Giordano Bruno). Léonard de Vinci écrit à ce propos :
307
+
308
+ « Homme, si vous êtes vraiment, comme vous le décrivez, le roi des animaux, — j'aurai dit plutôt le roi des brutes, la plus grande de toutes ! — pourquoi prenez-vous vos sujets et enfants pour satisfaire votre palais, pour des raisons qui vous transforment en une tombe pour tous les animaux ? […] La Nature ne produit-elle peut-être pas en abondance des aliments simples ? Et si vous ne pouvez pas vous contenter de tels aliments simples, pourquoi ne préparez-vous point vos repas en mélangeant entre eux ces aliments [d'origines végétales] de façon sophistiquée ? »
309
+
310
+ — Quaderni d’Anatomia II 14 r.
311
+
312
+ Léonard de Vinci incarne parfaitement l’esprit de la Renaissance, époque des « Grandes Découvertes ». Génie universel, curieux de tout, parfois vu comme un personnage entre Faust et Platon[45], il a consacré sa vie à la recherche de la connaissance. Il imagine de multiples appareils et machines, dont la première « machine volante », qui resteront au stade de dessins. Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploie dans l’ensemble des activités qu’il aborde, aussi bien en art qu’en technique — les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit — notamment en horlogerie, procède d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés çà et là, qui tend vers un surpassement de ce qui existe déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure. « Léonard de Vinci se classe mal et c'est en ce sens qu'il a paru exceptionnel »[19].
313
+
314
+ De son vivant, Léonard a déjà une renommée telle que le roi François Ier l'a ramené en France comme un trophée, et a affirmé l'avoir accompagné dans sa vieillesse et l'avoir tenu dans ses bras quand il est mort. La Mort de Léonard de Vinci, telle que représentée par Dominique Ingres, constitue cependant une vision apparemment très romancée. En réalité, François Ier était probablement à Saint-Germain-en-Laye au moment de son décès, en effet il y a signé un édit royal le lendemain du décès de Léonard de Vinci, le 3 mai[121].
315
+
316
+ L'intérêt pour de Vinci n'a jamais diminué depuis cette période. Giorgio Vasari, dans Le Vite, édition de 1568[29], introduit son chapitre sur Léonard de Vinci avec les mots suivants :
317
+
318
+ « Dans le cours normal des événements, beaucoup d'hommes et de femmes sont nés avec des talents remarquables ; mais, parfois, d'une manière qui transcende la nature, une seule personne est merveilleusement dotée par le paradis avec beauté, la grâce et le talent dans une telle abondance qu'il laisse les autres hommes loin derrière. Tous ses actes semblent inspirés et, de fait, tout ce qu'il fait vient clairement de Dieu plutôt que de compétences humaines. Tout le monde reconnaît que c'était vrai pour Léonard de Vinci, un artiste d'une beauté physique étonnante, qui a affiché une grâce infinie dans tout ce qu'il a fait et qui cultivait son génie si brillamment que tous les problèmes qu'il a étudiés, il les résolvait avec facilité[29]. »
319
+
320
+ Giorgio Vasari pose ainsi les premiers jalons du mythe de Léonard de Vinci : peintre parfait, courtisan et bel homme, génie ombrageux fasciné par la laideur, mais incapable d'achever ses travaux, les anecdotes de Vasari étant reprises et remaniées dans les biographies de Léonard de Vinci jusqu'à aujourd'hui[122].
321
+
322
+ L'admiration continue qu'ont eue, pour Léonard, les peintres, les critiques et les historiens, se reflète dans de nombreux autres hommages écrits. Baldassare Castiglione, auteur du Livre du courtisan, écrit, en 1528 : « Un autre des plus grands peintres de ce monde, qui regarde d'en haut son art dans lequel il est sans égal »[123] tandis que le biographe « Anonimo » Gaddiano a écrit, vers 1540 : « Il fut si exceptionnel et universel qu'on peut le dire né d'un miracle de la nature »[124].
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+ Les écrits de Léonard de Vinci ne sont publiés qu'un siècle après sa mort ; l'édition bilingue français-italien de son Traité de la peinture (Trattato della pittura di Leonardo da Vinci), est éditée à Paris en 1651. Ses tableaux ne sont alors pas étudiés, n'étant redécouverts, comme ses Carnets (le premier carnet à être étudié correspond à des extraits inédits des manuscrits du Codex Atlanticus que le physicien italien Giovanni Battista Venturi déchiffre en 1797 à Paris[125]), qu'au XVIIIe et surtout au XIXe siècle qui voit en lui un prophète de la modernité[122].
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+ Le XIXe siècle a introduit une certaine admiration pour le génie Léonard, Johann Heinrich Füssli écrivant en 1801 : « Ainsi fut l'aube de l'art moderne, lorsque Léonard de Vinci apparut avec une splendeur qui distançait l'excellence habituelle : composé de tous les éléments qui constituent l'essence même du génie »[126], ce qui est repris par A. E. Rio, qui écrit en 1861 : « Il était au-dessus de tous les autres artistes grâce à la force et la noblesse de ses talents »[127]. La variété du champ d'application de Léonard, transmise par ses carnets est connue, ainsi que ses peintures. Hippolyte Taine écrit en 1866 : « Il ne peut sans doute pas y avoir dans le monde un exemple d'un génie si universel, si capable de s'épanouir, si empli de nostalgie envers l'infini, si naturellement raffiné, si autant en avance sur son propre siècle et les siècles suivants[128]. » Le célèbre historien d'art Bernard Berenson écrit en 1896 : « Léonard est un artiste dont on peut dire avec une parfaite littéralité : tout ce qu'il a touché s'est transformé en une chose d'une éternelle beauté. Qu'il s'agisse de la section transversale d'un crâne, la structure d'une mauvaise herbe ou une étude des muscles, il l'a, avec son sens de la ligne et de la lumière et de l'ombre, à jamais transformée en des valeurs qui communiquent la vie[129]. Charles Baudelaire le cite même dans Les Fleurs du mal (1857)[130]. »
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328
+ L'intérêt pour le génie Léonard s'est maintenu sans relâche ; des experts étudient et traduisent ses écrits, analysent ses tableaux en utilisant des techniques scientifiques, argumentent sur les œuvres qu'on lui attribue et recherchent des œuvres qui ont été enregistrées, mais jamais découvertes[131]. La critique d'art Liana Bortolon (it) écrit dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967) : « En raison de la multiplicité des intérêts qui l'ont incité à poursuivre tous les domaines de connaissances, […] Léonard peut être considéré, à juste titre, d'avoir été le génie universel par excellence et avec toutes les harmoniques inhérentes à ce terme. L'homme est aussi mal à l'aise aujourd'hui face à un génie qu'il l'a été au XVIe siècle. Cinq siècles se sont écoulés et nous voyons encore Léonard avec une grande frayeur[20]. » Les foules font toujours la queue pour voir ses plus célèbres œuvres d'art : par exemple, le Musée du Louvre doit une grande part de sa notoriété à La Joconde.
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330
+ Avec le best-seller Da Vinci Code, roman mêlant faits historiques et artifices scénaristiques, Dan Brown a donné un nouvel élan à l'intérêt pour de Vinci en 2003. Le roman a été adapté au cinéma par Ron Howard.
331
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332
+ D'après un article du Monde[132], la boîte de vitesses de la Tata Nano a été imaginée à partir d'un modèle Léonard de Vinci : il s'agit tout simplement d'une lanterne en forme de tronc de cône qu'il était sans doute difficile de manœuvrer pour la laisser en contact avec la roue dentée sur laquelle elle s'engrenait[19].
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334
+ En 2007, un couple de chercheurs italiens a émis une hypothèse sur la présence d'une partition de musique cachée à l'intérieur de La Cène. La disposition des mains des personnages et des pains sur la table donnerait une petite mélodie[133].
335
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336
+ Le 26 avril 2008, un saut a été réalisé avec un parachute conçu selon les croquis et textes de Léonard de Vinci datant de 1485. Le Suisse Olivier Vietti-Teppa s'est élancé au-dessus de l'aéroport militaire de Payerne depuis un hélicoptère en vol stationnaire à 650 mètres d'altitude, avec une réplique du parachute fabriquée avec des matériaux modernes[134],[135] : il mesura une vitesse de chute de 3,9 m/s et put atterrir normalement[136]. En 2000, le Britannique Adrian Nicholas avait également réalisé un saut avec une réplique du parachute, mais celui-ci étant plus fidèle à l'original, il pesait 80 kg et présentait des risques à l'atterrissage. L'homme avait abandonné la réplique en vol pour faire un atterrissage avec un parachute actuel.
337
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+ Le 18 décembre 2008, lors d'une restauration, des membres du personnel du Musée du Louvre à Paris découvrent trois dessins représentant une tête de cheval, un crâne et un enfant au dos de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, vraisemblablement de Léonard de Vinci[137].
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340
+ En France, en 2015, 94 établissements scolaires portent son nom, fait rarissime pour une personnalité étrangère[138].
341
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+ Le 15 novembre 2017, son tableau Salvator Mundi reconnu authentique en 2005, est vendu à New York chez Christie's pour la somme de 450,3 millions de dollars, ce qui en fait la toile la plus chère du monde et de l'histoire[139].
343
+
344
+ A l'occasion des 500 ans de sa mort en 2019, le musée du Louvre à Paris consacre une exposition évènement regroupant un très grand nombre de chef-d'oeuvres attribués à Léonard de Vinci[140].
345
+
346
+ Ce classement est fait selon les tendances générales des experts. La difficulté étant que les travaux « d'atelier » ne sont signés que par le propriétaire de cet atelier et qu'il manque d'œuvres de références pour Vinci, notamment dans la sculpture.
347
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348
+ Francesco Melzi s‘efforça jusqu’à sa mort de reconstituer le Trattato della pittura projeté par Léonard de Vinci. Son manuscrit, un travail « très avancé, mais inachevé », selon André Chastel, est conservé à la Bibliothèque du Vatican sous la référence Codex Urbinas latinus 1270. La première édition du Tratatto della pittura, parue en 1651, en italien puis en français, est établie sur une copie du Codex Urbinas latinus 1270 que possédait Cassiano Dal Pozzo. L’édition de Guglielmo Manzi, parue en 1817, est la première établie directement sur le Codex Urbinas latinus 1270.
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+ La relation amoureuse entre Léonard et Salai, le rôle de ce dernier comme modèle de la Joconde se retrouve dans les bandes dessinées :
351
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352
+ Dans sa série en deux parties S.H.I.E.L.D. entre 2010 et 2018, Jonathan Hickman scénarise un Léonard De Vinci au sein d'une structure secrète protégeant l'humanité contre toute sorte de fléaux depuis des siècles. Cette Confrérie du Bouclier donnera naissance au SHIELD dans les aventures des héros Marvel. Léonard y est opposé à Isaac Newton.
353
+
354
+ Dans la bande dessinée Le Guide ou le secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky)[143] de Bruno Bertin (Éd. P'tit Louis, 2012), un ouvrier qui travaille dans une chambre du Clos Lucé découvre une petite boite de métal dans un mur. Des enfants qui se rendent en Touraine pour faire un exposé tombent sur cette boîte... L'histoire, qui se déroule à Amboise, au château d'Amboise et au Château du Clos Lucé, sert de prétexte à la découverte de Léonard de Vinci, d'Amboise et de ses monuments historiques[144]. La bande dessinée est déclinée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P'tit Louis, 2013).
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+ Des disques permettent de mettre en relation des compositions de la Renaissance avec la vie de Léonard de Vinci :
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+ Léonard de Vinci (italien : Leonardo di ser Piero da Vinci écouter, dit Leonardo da Vinci[Note 2]), né le 15 avril 1452 à Vinci (Toscane) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), est un peintre italien[1],[2] et un homme d'esprit universel, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes[3], scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
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5
+ Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur florentin Andrea del Verrocchio. Ses premiers travaux importants sont réalisés au service du duc Ludovic Sforza à Milan. Il œuvre ensuite à Rome, Bologne et Venise et passe les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François Ier.
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+
7
+ Léonard de Vinci est souvent décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace »[Note 3], et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention[5]. Nombre d'auteurs et d'historiens le considèrent comme l'un des plus grands peintres de tous les temps et certains comme la personne la plus talentueuse dans le plus grand nombre de domaines différents ayant jamais vécu[Note 4],[Note 5].
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9
+ C'est d'abord comme peintre que Léonard de Vinci est reconnu. Deux de ses œuvres, La Joconde et La Cène, sont des peintures mondialement célèbres, souvent copiées et parodiées[5], et son dessin de l’Homme de Vitruve est également repris dans de nombreux travaux dérivés. Seule une quinzaine de tableaux sont parvenus jusqu'à nous[Note 6]. Ce petit nombre est dû à ses expérimentations constantes et parfois désastreuses de nouvelles techniques et à sa procrastination chronique[7]. Néanmoins, ces quelques œuvres, jointes à ses carnets contenant plus de 6 000 pages[8] de notes, dessins, documents scientifiques et réflexions sur la nature de la peinture (rassemblés en dix Codex publiés au XIXe siècle), sont un legs aux générations d'artistes qui lui ont succédé. Nombre de ces derniers le considèrent comme n'ayant été égalé que par Michel-Ange.
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11
+ Comme ingénieur et inventeur, Léonard développe des idées très en avance sur son temps, comme l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et même jusqu'à l'automobile. Très peu de ses projets sont réalisés ou même seulement réalisables de son vivant[Note 7], mais certaines de ses plus petites inventions comme une machine pour mesurer la limite élastique d'un câble entrent dans le monde de la manufacture[Note 8]. En tant que scientifique, Léonard de Vinci a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines de l'anatomie, du génie civil, de l'optique et de l'hydrodynamique.
12
+
13
+ Léonard de Vinci est né le samedi 15 avril 1452 « à la troisième heure de la nuit », c'est-à-dire trois heures après l'Ave Maria, soit 22 h 30[9], d’une relation amoureuse illégitime entre Messer Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, chancelier et ambassadeur de la République florentine et descendant d’une riche famille de notables italiens, et une certaine Caterina, dans le petit village toscan d’Anchiano, à deux kilomètres de Vinci[Note 9], sur le territoire de Florence en Italie[10],[11]. Caterina serait, selon la tradition, fille de paysans pauvres. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-Orient[12]. Depuis lors, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux l'ont identifiée respectivement à une pauvre orpheline, Caterina di Meo Lippi, ou à Caterina di Antonio di Cambio, fille de petits cultivateurs[13].
14
+
15
+ Léonard, ou plutôt Lionardo selon son nom de baptême[14], est baptisé puis passe ses cinq premières années chez sa mère à Anchiano. Il a cinq marraines et cinq parrains, tous habitant le village de Vinci[14], dont le nom provient de celui des « vinchi », plantes assimilables à des joncs, utilisées dans l'artisanat toscan et poussant près du ruisseau Vincio[14].
16
+
17
+ À cette époque, les conventions d’appellation modernes ne se sont pas encore développées en Europe. Seules, les grandes familles font usage du nom de leur appartenance patronymique. L’homme du peuple est désigné par son prénom, auquel on adjoint toute précision utile : le nom du père, le lieu d’origine, un surnom, le nom du maître pour un artisan, etc. Par conséquent, le nom de l’artiste est Leonardo di ser Piero Da Vinci, ce qui signifie Leonardo, fils de maître Piero De Vinci ; néanmoins le « Da » porte une majuscule afin de distinguer qu'il s'agit d'un patronyme[14]. Léonard lui-même signe simplement ses travaux Leonardo ou Io, Leonardo (« Moi, Léonard »). La plupart des autorités rapportent donc ses travaux à Leonardo sans le da Vinci. Vraisemblablement, il n’emploie pas le nom de son père parce qu’il est un enfant illégitime.
18
+
19
+ En 1457, il a cinq ans quand sa mère se marie avec Antonio di Piero Buti del Vacca da Vinci, un paysan de la ville, avec lequel elle aura cinq enfants[14]. Il est alors admis dans la maison de la famille de son père, du village de Vinci qui, entre-temps, a épousé une jeune fille d'une riche famille de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori[14]. Celle-ci, sans enfant, reporte toute son affection sur Léonard, mais elle meurt très jeune en couches, en 1464[14]. Considéré dès sa naissance comme un fils à part entière par son père[15], il ne fut cependant jamais légitimé. Son père se maria quatre fois et lui donna dix frères et deux sœurs légitimes venus après Léonard. Il aura de bons rapports avec la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, et laissera une note l'appelant « chère et douce mère »[14].
20
+
21
+ Léonard est également élevé par son oncle Francesco qui joue un rôle important dans sa formation, et par son grand-père Antonio da Vinci qui lui apprend le don d'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !)[16].
22
+
23
+ Livré à lui-même, il reçoit une éducation assez libre comme les autres villageois de son âge, apprend entre douze et quinze ans les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique dans une scuola d’abaco (école d'abaco) destinée aux fils de commerçants et artisans[17]. Non « lettré », il n'y étudie pas le grec et le latin (il n'apprendra imparfaitement ces deux langues que doivent maîtriser les savants et les lettrés qu'en autodidacte seulement à l'âge de 40 ans[18]), et une orthographe chaotique montre que cette instruction n'est pas sans lacunes ; en tout cas, il ne peut prétendre à des études universitaires[19].
24
+
25
+ Sa grand-mère paternelle, Lucia di ser Piero di Zoso, céramiste et proche de Léonard, est peut-être la personne qui l'initia aux arts[14]. Un présage connu rapporte qu'un milan venu du ciel aurait fait un vol stationnaire au-dessus de son berceau, la queue de l'oiseau le touchant au visage[20],[21].
26
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27
+ Giorgio Vasari, le biographe du XVIe siècle des peintres de la Renaissance, raconte, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[22] (1568), l'histoire d'un paysan local qui demanda à ser (Signore) Piero[Note 10] que son talentueux fils peigne une image sur un bouclier de bois utilisé comme épouvantail, une rondache. Léonard, rassemblant différentes parties d'animaux qu'il observait attentivement lors de ses pérégrinations dans la campagne, peignit une image représentant un dragon crachant du feu, si réussie que ser Piero la vendit à un marchand d'art florentin, lui-même la revendant au duc de Milan. Entre-temps, après avoir réalisé un bénéfice, ser Piero acheta une plaque décorée d'un cœur transpercé d'une flèche qu'il donna au paysan[23]. Cette anecdote est cependant à prendre avec précaution car, selon Paul Barolsky, de nombreux récits des Vies constituent de pures inventions poétiques[24].
28
+
29
+ Le jeune Léonard est proche de la nature qu’il observe avec une vive curiosité et s’intéresse à tout. Il dessine déjà des caricatures et pratique l'écriture spéculaire en dialecte toscan.
30
+
31
+ Giorgio Vasari, dans sa biographie de Léonard, raconte une anecdote sur les premiers pas dans la carrière artistique de celui qui allait devenir un des plus grands peintres de la Renaissance. Un jour, le père de Léonard, ser Piero, « prit plusieurs de ses dessins et les soumit à son ami Andrea del Verrocchio, en le priant instamment de lui dire si Léonard devait se consacrer à l’art du dessin et s’il pourrait parvenir à quelque chose en cette matière. Andrea s’étonna fort des débuts extraordinaires de Léonard et exhorta ser Piero à lui permettre de choisir ce métier ; sur quoi, ser Piero résolut que Léonard entrerait à l’atelier d’Andrea. Léonard ne se fit pas prier ; non content d’exercer ce métier, il exerça ensuite tous ceux qui se rattachent à l’art du dessin ». C’est ainsi que Léonard est placé comme élève apprenti à partir de 1469 dans un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance de Florence sous le patronage d’Andrea del Verrocchio. Il doit à ce dernier sa formation multidisciplinaire d’excellence et côtoie alors dans sa bottega (atelier d'artistes réunissant maîtres et élèves) d’autres artistes comme Sandro Botticelli, Le Pérugin et Domenico Ghirlandaio[20],[25].
32
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33
+ En effet, jusqu'en 1468, Léonard est recensé comme résident de la commune de Vinci, mais il est très souvent à Florence où son père travaille[14].
34
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35
+ Verrocchio est un artiste renommé[Note 11] très éclectique : orfèvre et forgeron de formation[25], peintre, sculpteur et fondeur qui travaille notamment pour le riche mécène Laurent de Médicis. Les commandes principales sont des retables et des statues commémoratives pour les églises. Cependant, les plus grandes commandes sont constituées de fresques pour les chapelles — comme celles créées par Domenico Ghirlandaio et son atelier pour la Chapelle Tornabuoni — et de grandes statues, telles que les statues équestres de Gattamelata par Donatello et Bartolomeo Colleoni de Verrocchio[26].
36
+
37
+ Après un an passé au nettoyage des pinceaux et autres petits travaux d’apprenti, Léonard est initié par Verrocchio aux nombreuses techniques pratiquées dans un atelier traditionnel, bien que certains artisans soient spécialisés dans des tâches telles que l’encadrement, les dorures et le travail du bronze. Il a donc eu l’occasion d’apprendre notamment des bases de la chimie, de la métallurgie, du travail du cuir et du plâtre, de la mécanique et de la menuiserie, ainsi que des techniques artistiques de dessin, de peinture et de sculpture sur marbre et sur bronze[27],[28]. Il est également initié à la préparation des couleurs, à la gravure et à la peinture des fresques. Par la suite, Verrocchio confie à son élève — qu’il trouve exceptionnel — le soin privilégié de terminer ses tableaux.
38
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39
+ Mais la formation reçue lors de son apprentissage à l'atelier Verrocchio semble plus large encore. Léonard acquiert la connaissance du calcul algorithmique et il cite les deux abacistes florentins les plus en vue, Paolo Toscanelli del Pazzo et Leonardo Chernionese[19]. Plus tard, Léonard paraît bien faire allusion à la Nobel opera de arithmética, de Piero Borgi, imprimée à Venise en 1484, et qui représente bien la science de ces écoles d'abaques[19].
40
+
41
+ Il n’y a pas d’œuvre de Léonard connue pendant cette période mais, selon Vasari, il aurait collaboré à une peinture nommée Le Baptême du Christ (1472-1475)[29]. C’est d’ailleurs, selon la légende, à cause de la qualité du petit ange peint par Vinci pour ce tableau que Verrocchio, se sentant surpassé par son jeune assistant, décide de ne plus peindre[15]. Selon la tradition qui veut que ce soit l’apprenti qui prenne la pose[10], Léonard aurait servi de modèle à la statue en bronze du David de Verrocchio. Il est également supposé que l’Archange Raphaël dans l’œuvre Tobie et l’Ange de Verrocchio est le portrait de Léonard[10].
42
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43
+ En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de Saint-Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence, le Campagnia de Pittori. Il y a quelques traces de cette période de la vie de Léonard, dont la date d’un de ses premiers travaux, un dessin fait à la plume et à l’encre, Paysage de Santa Maria della neve (1473).
44
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45
+ Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables, telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.
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+ Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui[20]. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).
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49
+ Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : en 1478, il offre de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement[19].
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+ Les archives judiciaires de 1476 montrent que, avec trois autres hommes, il a été accusé de sodomie sur Jacopo Saltarelli, pratique à l’époque illégale à Florence. Tous ont été acquittés des charges retenues[30], probablement grâce à l'intervention de Laurent de Médicis, mais Léonard a dû passer deux mois en prison pendant l'enquête judiciaire[31]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[32].
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+ Deux années plus tard, à 26 ans, il quitte son maître après l'avoir brillamment dépassé dans toutes les disciplines. Léonard de Vinci devient alors maître-peintre indépendant.
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+ En 1481, le monastère de San Donato lui commande L’Adoration des mages, mais Léonard ne terminera jamais ce tableau, probablement déçu ou vexé de ne pas être choisi par le pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle Sixtine du Vatican à Rome, où il se trouve en concurrence avec plusieurs peintres[33]. Le néoplatonisme — en vogue à l’époque à Florence — joue peut-être également un rôle dans son départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan[33]. Cela est probablement plus en phase avec son esprit, qui s'appuie sur un développement empirique, grâce à ses multiples expériences.
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57
+ Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486) pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San Francesco Grande de Milan, mais ce tableau sera au centre d’un conflit entre l’auteur et ses commanditaires pendant plusieurs années[33]. En effet, Léonard s'engage avec le droit de pouvoir copier l'œuvre, mais cela lui est refusé par la suite ; il se voit donc contraint de stopper son travail, provoquant du retard. Le problème ne sera résolu que par des décisions de justice et les interventions d'amis.
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59
+ À Florence, le travail de Léonard ne passe pas inaperçu. Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc de Milan, Ludovic Sforza. Le but de cette manœuvre est de rester en bonnes relations avec ce rival important[34].
60
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61
+ Léonard est très probablement accompagné par le musicien Atalante Migliorotti[33]. Il écrit également une lettre à Sforza, lettre qui figure dans le Codex Atlanticus et qui décrit les nombreuses et diverses choses merveilleuses qu’il pourrait faire dans le domaine de l’ingénierie ; il informe le seigneur qu’il peut aussi peindre[35],[25]. Ce texte est bien dans la tradition des ingénieurs qui l'ont précédé. Il reprend ainsi le même programme, les mêmes curiosités et les mêmes recherches : désormais, c'est bien en ingénieur que Léonard va vivre et travailler[19]. Sforza l’emploie à des tâches diverses sous le titre mythique d’« Apelle florentin », réservé aux grands peintres[33]. L’artiste est ainsi « ordonnateur de fêtes et spectacles aux décors somptueux » du palais et invente des machines de théâtre qui émerveillent le public. Il peint plusieurs portraits de la cour milanaise. Léonard de Vinci est porté sur la liste des ingénieurs des Sforza et lorsqu'on l'envoie à Pavie, il est qualifié d'« ingeniarius ducalis »[19]. Mais des contacts avec les cercles éclairés de Milan lui montrent également toutes les lacunes de sa formation[19].
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+ Il s’occupe également de l’étude pour le dôme de la cathédrale de Milan et d’une version en argile pour faire un moule pour le Gran Cavallo (« Il Cavallo »), le cheval de Léonard), une imposante statue équestre en l’honneur de Francesco Sforza, le père et prédécesseur de Ludovic ; faite de soixante-dix tonnes de bronze, elle constitue une véritable prouesse technique pour l’époque. Cette statue reste pourtant inachevée pendant plusieurs années, Michel-Ange reconnaissant lui-même qu’il est incapable de la fondre[20]. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France[25].
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+ En 1490, il participe à une sorte de congrès d'architectes et d'ingénieurs, réunis pour l'achèvement du Dôme de Milan, et fait la connaissance d'un autre ingénieur dont la renommée est bien établie, Francesco di Giorgio Martini. Ce dernier l'emmène à Parme, avec Giovanni Antonio Amadeo et Luca Fancelli, où on lui a demandé une autre consultation pour la construction de la cathédrale[19].
66
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67
+ C’est à cette époque que Léonard réfléchit à des projets techniques et militaires. Il améliore les horloges, le métier à tisser, les grues et de nombreux autres outils. Il étudie aussi l’urbanisme et propose des plans de cités idéales. Il s'intéresse à l'aménagement hydraulique et un document de 1498 le cite comme ingénieur et chargé de travaux sur les fleuves et les canaux[19].
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+ Bien que vivant à Milan entre 1493 et 1495, Léonard a noté dans ses documents d’imposition qu’il a, à sa charge, une femme appelée Caterina. À la mort de celle-ci, en 1495, la liste détaillée des dépenses relatives à ses funérailles laisse à penser que c’était sa mère Caterina, plutôt qu’une servante[36],[20].
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+ Vers 1490, il crée une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités. La fresque La Cène (1494-1498) est peinte pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie[20]. En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan ; Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione[19]. Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza[33].
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+ En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza — lequel s’enfuit en Allemagne chez son neveu Maximilien Ier du Saint-Empire[37] — sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement[Note 12].
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+ Louis XII revendique ses droits à la succession des Visconti[37]. Louis XII envisage de découper le mur représentant La Cène pour l’emporter en France, comme l’imaginera également Napoléon Ier quelques siècles plus tard[33]. Avec la chute de Sforza, Léonard entre au service du comte de Ligny, Louis de Luxembourg[38] ; celui-ci lui demande de préparer un rapport sur l'état de la défense militaire de la Toscane[19]. Le retour inopiné de Ludovic Sforza modifie ses projets et, avec son assistant Salai, il fuit Milan en février 1499 pour Mantoue puis pour Venise.
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+ En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire[20],[10] par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise[19].
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+ En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este. Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau[39]. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges[19]. Il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata en 1501 et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival »[29],[Note 13].
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+ Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli[37]. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France[37].
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+ En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général »[40]. Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse[19].
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+ Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno[41],[42].
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+ Le 18 octobre 1503, il retourne à Florence où il remplit les fonctions d'ingénieur de guerre (il dessine notamment des arquebuses, une bombarde chargée par la culasse, des engins de siège comme la catapulte, le mortier ou la baliste)[43]. Il y est aussi architecte et ingénieur hydraulicien[19]. Il se réinscrit à la guilde de Saint-Luc et passe deux années à préparer et réaliser La bataille d'Anghiari (1503-1505), une fresque murale imposante[10] de sept mètres sur dix-sept[37], avec Michel-Ange faisant La bataille de Cascina sur la paroi opposée[37]. Les deux œuvres seront perdues[Note 14], la peinture de Michel-Ange est connue à partir d'une copie d'Aristotole da Sangallo en 1542[44] et la peinture de Léonard est connue uniquement à partir de croquis préparatoires et de plusieurs copies de la section centrale, dont la plus connue est probablement celle de Pierre Paul Rubens[10]. Un feu utilisé pour sécher plus rapidement la peinture ou la qualité du matériel semblent être à l'origine de l’altération de l'œuvre, laquelle a par la suite probablement été recouverte par une fresque de Giorgio Vasari[37].
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+ Léonard est consulté à plusieurs reprises comme expert, notamment pour étudier la stabilité du campanile de San Miniato al Monte et lors du choix de l’emplacement du David de Michel-Ange[37] où son avis s’oppose à celui de Michel-Ange. C'est à cette période qu'il présente à la cité de Florence son projet de déviation de l'Arno destiné à créer une voie navigable capable de relier Florence à la mer avec la maîtrise des terribles inondations[19]. Cette période est importante pour la formation scientifique de Léonard qui, dans ses recherches hydrauliques, pratique l'expérience. En 1504, il revient travailler à Milan, qui est désormais sous le contrôle de Maximilien Sforza, grâce au soutien des mercenaires suisses. Beaucoup des élèves et des adeptes les plus en vue dans la peinture connaissent ou travaillent avec Léonard à Milan[20], y compris Bernardino Luini, Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono[Note 15].
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+ Son père meurt le 9 juillet 1504 et Léonard est écarté de l’héritage en raison de son illégitimité ; cependant, son oncle fera plus tard de lui son légataire universel[37]. La même année, Léonard réalise des études anatomiques et tente de classer ses innombrables notes. Il commence à travailler La Joconde (1503-1506 puis 1510-1515) qui est habituellement considérée comme un portrait de Mona Lisa del Giocondo, née Lisa Maria Gherardini. Pourtant, de nombreuses interprétations au sujet de ce tableau sont encore discutées.
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+ En 1505, il étudie le vol des oiseaux et rédige le codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux. Désormais, observations, expériences et reconstructions a posteriori se succèdent[19]. Une année plus tard, le gouvernement de Florence lui permet de rejoindre le gouverneur français de Milan Charles d’Amboise qui le retient auprès de lui, malgré les protestations de la seigneurie. Léonard est tiraillé entre Français et Toscans ; il est pressé par le tribunal de finir La Vierge aux rochers avec son élève Giovanni Ambrogio de Predis, alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari[37].
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+ Le peintre devient l’unique héritier de son oncle Francesco en 1507, mais les frères de Léonard entament une procédure pour casser le testament[37]. Léonard fait appel à Charles d’Amboise et Florimond Robertet pour qu'ils interviennent en sa faveur[37]. Louis XII de France est à Milan, et Léonard est de nouveau l’ordonnateur des fêtes données dans la capitale lombarde.
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+ En 1508, il vit dans la maison de Piero di Braccio Martelli avec le sculpteur Giovanni Francesco Rustici à Florence[45] mais part habiter à Milan, à la Porta Orientale dans la paroisse de Santa Babila[10]. Louis XII revient bientôt en Italie et entre à Milan en mai 1509. Presque aussitôt, il dirige ses armées contre Venise, et Léonard suit le roi en qualité d'ingénieur militaire ; il assiste à la bataille d'Agnadel[19]. À la mort du gouverneur Charles d’Amboise en 1511 et après la bataille de Ravenne en 1512, la France quitte le Milanais. Cette seconde période milanaise permet à Léonard de Vinci d'approfondir ses recherches en science pure. La parution, en 1509, du De expendentis et fugiendis rebus de Giorgio Valla eut certainement une grande influence sur lui[19].
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+ En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à cette époque[10]. Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée[19], l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis[19]. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
100
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+ « Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris[19].
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+ En septembre 1515, le nouveau roi de France François Ier reconquiert le Milanais lors de la bataille de Marignan[46]. En novembre 1515, Léonard se penche sur un nouveau projet d’aménagement du quartier Médicis à Florence. Le 19 décembre, il est présent à Bologne pour la réunion entre François Ier et le pape Léon X[20],[47],[48]. François Ier charge Léonard de concevoir un lion mécanique pouvant marcher et dont la poitrine s'ouvre pour révéler des lys[29]. On ne sait pas pour quelle occasion ce lion a été conçu, mais il peut avoir été lié à l'arrivée du roi à Lyon ou aux pourparlers de paix entre le roi et le pape[Note 16].
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+ Il part travailler en France en 1516 avec son assistant artiste-peintre Francesco Melzi et Salai[45], où son nouveau mécène et protecteur, le roi François Ier, l’installe au manoir du Cloux — actuel château du Clos Lucé —, propriété de sa mère Louise de Savoie[49].
106
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+ Âgé de 64 ans, Léonard de Vinci arrive en France, apportant avec lui trois de ses toiles majeures : Saint Jean Baptiste, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne et La Joconde[50]. Selon la légende, il aurait fait ce voyage à travers les Alpes à dos de mulet, or aucun document de l'époque ne le prouve[51]. Il aurait très bien pu arriver en bateau, puis prendre des chevaux.
108
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109
+ Au château du Clos Lucé, Léonard se trouve ainsi à proximité du château d'Amboise, la demeure du roi. Le souverain le nomme « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi »[15] avec une pension annuelle de mille écus[52]. Peut-être à la cour de France s'intéressait-on plus au peintre, à l'artiste qu'à l'ingénieur et, jusque-là, seuls des Français s'étaient attaché l'illustre Florentin en qualité d'artiste : en Italie, il n'avait jamais été engagé que comme ingénieur[19].
110
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111
+ En lui donnant le château du Clos Lucé, François Ier dit à Léonard : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». Il n'est pas le premier artiste à recevoir cet honneur ; Andrea Solario et Giovanni Giocondo l'avaient précédé quelques années avant[45].
112
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113
+ Au Clos Lucé, Léonard travaille comme ingénieur, architecte et metteur en scène, organisant pour la Cour des réceptions et fêtes somptueuses. Il inspire autour de lui la pensée et la mode. Il travaille à de nombreux projets pour le roi.
114
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+ François Ier est fasciné par Léonard de Vinci et le considère comme un père. Selon la légende, le château du Clos Lucé et le château d'Amboise étaient d'ailleurs reliés par un souterrain permettant au souverain de rendre visite à l’homme de science en toute discrétion.
116
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+ Il projette et réalise pour la reine Louise de Savoie (mère de François Ier) la construction d’une nouvelle demeure à Romorantin, sur la base d'un château médiéval pré-existant, intégrant le détournement d’un fleuve dans la Sauldre. Les travaux de dérivation, d'aménagement et de terrassement ont lieu entre 1516 et 1518. La construction est initiée, une aile de 70 mètres de long est réalisée mais les travaux restent inachevés en 1519, peut-être à cause de la peste, mais plus probablement à cause de la mort de Léonard[53].
118
+ L'aile construite par Louise de Savoie est détruite en 1723[54]. Il reste aujourd'hui, outre les plans de Leonard de Vinci dans le Codex Atlanticus, des traces archéologiques nombreuses dont les ruines du château et les remblais, qui font de ce projet inachevé un prototype du château de Chambord et de son fameux escalier à vis, dont l'architecte Dominique de Cortone vient rencontrer Leonard en 1518 au Clos Lucé[55].
119
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120
+ Il esquisse un projet de canal entre la Loire et la Saône et organise des fêtes, comme celle que le roi donne au château d'Argentan en octobre 1517 en l'honneur de sa sœur Marguerite d'Angoulême[19].
121
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122
+ Une paralysie a frappé Léonard de Vinci à la fin de sa vie. Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, lorsque, tous deux en 1517, visitèrent Léonard de Vinci à Amboise expliquait combien le maître était en difficulté et comment les élèves l'aidaient[56].
123
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124
+ « Même si de lui, pour être venu à lui une certaine paralysie à droite, on ne peut plus attendre une bonne chose. Il a bien formé un créateur milanais qui travaille très bien. Et bien que Léonard de Vinci ne puisse pas colorier avec cette douceur habituelle, il peut aussi faire des dessins et en enseigner à d'autres[57]. »
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+ Le 23 avril 1519, Léonard de Vinci, malade depuis de longs mois, rédige son testament devant un notaire d’Amboise. La lettre de naturalité octroyée par François Ier lui permet de contourner le droit d'aubaine. Il demande un prêtre pour recevoir sa confession et lui donner l'extrême onction[29]. Il est emporté par la maladie le 2 mai 1519[45] au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.
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128
+ La tradition selon laquelle il mourut dans les bras de François Ier est racontée par Giorgio Vasari dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[58]. Elle repose peut-être sur une interprétation erronément littérale d'une épitaphe, rapportée par Vasari dans l'édition de 1550 des Vies, mais qui ne figure plus dans celle de 1568[59]. Cette inscription — qui n'a jamais été vue sur aucun monument — contient les mots « Sinu Regio » pouvant signifier au sens propre : sur la poitrine d'un roi ; mais aussi, dans un sens métaphorique, dans l'affection d'un roi, et peuvent n'être qu'une allusion à la mort de Léonard dans un château royal[60]. De plus à cette époque, la Cour est au château de Saint-Germain-en-Laye, où la reine accouche du futur Henri II — le 31 mars —, et les ordonnances royales données le 1er mai sont datées de cet endroit. Le journal de François Ier ne signale d'ailleurs aucun voyage du roi jusqu’au mois de juillet. Pour finir, l’élève de Léonard de Vinci, Francesco Melzi, auquel il lègue ses livres et ses pinceaux et qui est dépositaire de son testament, écrit au frère du grand peintre une lettre où il raconte la mort de son maître. Pas un mot n’y fait allusion à la circonstance mentionnée plus haut qui, si elle avait été avérée, n’aurait certainement pas été oubliée[61],[62].
129
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+ Selon ses dernières volontés, soixante mendiants suivent son cortège vers la collégiale Saint-Florentin du château d'Amboise, où il est enterré. Les ossements attribués à Léonard de Vinci sont supposés placés depuis 1874 sous la pierre tombale de la chapelle Saint-Hubert, dans l’enceinte du château d'Amboise et dominant la ville[63]. Sa tombe fut refaite de 1934 à 1936 par le sculpteur Francis La Monaca.
131
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132
+ Léonard de Vinci, toute sa vie célibataire et n’ayant jamais eu ni femme ni enfant, lègue l’ensemble de son œuvre considérable, pour la faire publier, à son disciple préféré et élève depuis ses dix ans, Francesco Melzi. Il lui offre notamment ses manuscrits, carnets, documents et instruments[64].
133
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134
+ Après l’avoir accompagné en France, il reste près de Léonard de Vinci jusqu’à sa mort. Cependant, il ne publiera rien de l'œuvre de Léonard et de nombreuses peintures — dont la Joconde — qui se trouvaient encore en sa possession dans son atelier, certains tableaux ayant été déjà vendus à François Ier, d'autres donnés en héritage à Salai pendant son séjour au Clos Lucé en 1518[65]. Les vignes de Léonard seront divisées entre Salai, un autre élève et disciple très apprécié par Léonard et entré à son service à l’âge de 15 ans, ainsi que son servant Battista de Vilanis[64]. Le terrain sera légué aux frères de Léonard et sa servante Mathurine reçut un manteau noir à bords de fourrure[66].
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136
+ Vingt ans après la mort de Léonard, François Ier dira au sculpteur Benvenuto Cellini :
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138
+ « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe[67]. »
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140
+ Léonard commence son apprentissage avec Andrea del Verrocchio en 1466, année où le maître de Verrocchio, le grand sculpteur Donatello, meurt. Le peintre Paolo Uccello, dont les premières expériences avec la perspective influencèrent le développement de la peinture des paysages, est alors très âgé. De même, les peintres Piero della Francesca et Fra Filippo Lippi, le sculpteur Luca della Robbia et l'architecte et écrivain Leon Battista Alberti ont environ 60 ans. Les artistes les plus renommés de la génération suivante sont le maître de Léonard : Andrea del Verrocchio, Antonio Pollaiuolo et le sculpteur Mino da Fiesole.
141
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142
+ La jeunesse de Léonard se déroule dans une maison de Florence ornée des œuvres de ces artistes et par les contemporains de Donatello, Masaccio — dont les fresques figuratives et réalistes sont imprégnées d'émotion — et Lorenzo Ghiberti, dont la Porte du Paradis montre la complexité des compositions, alliant travaux architecturaux et soin des détails. Piero della Francesca a fait une étude détaillée de la perspective et sera le premier peintre à faire une étude scientifique de la lumière. Ces études et les traités de Leone Battista Alberti doivent avoir un effet profond sur les jeunes artistes et, en particulier, sur les propres observations de Léonard et ses œuvres d'art[68],[69],[70].
143
+
144
+ La représentation du nu de Masaccio montrant Adam et Ève quittant le paradis, avec Adam sans ses organes génitaux — masqués par une feuille de vigne —, crée une image très expressive des formes humaines qui influencera beaucoup la peinture, notamment parce qu'elles sont exprimées en trois dimensions par une utilisation novatrice de la lumière et de l'ombre que Léonard développera dans ses propres œuvres. L'humanisme de la Renaissance, influençant le David de Donatello, peut être vu dans les peintures les plus tardives de Léonard, en particulier Saint Jean Baptiste[68].
145
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146
+ Florence est dirigée à l'époque par Laurent de Médicis et son jeune frère Julien, tué lors de la conjuration des Pazzi en 1478. Ludovic Sforza, qui gouverne Milan entre 1479 et 1499 et chez qui Léonard a été envoyé comme ambassadeur de la cour des Médicis, est aussi son contemporain[68],[69].
147
+
148
+ C'est également par l'intermédiaire des Médicis que Léonard fait la connaissance d'anciens philosophes humanistes dont Marsile Ficin, partisan du néoplatonisme, et Cristoforo Landino, auteur de commentaires sur les écrits classiques. Jean Pic de la Mirandole est également associé à l'académie des Médicis[70],[71]. Léonard écrit plus tard, dans la marge d'un journal : « Les Médicis m’ont fait et les Médicis m’ont détruit » ; mais le sens de ce commentaire reste discuté[20].
149
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150
+ Bien que l'on cite ensemble les trois « géants » de la haute Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne sont pas de la même génération. Léonard a 23 ans quand nait Michel-Ange et 31 ans à la naissance de Raphaël. Raphaël mourra en 1520, une année après de Vinci et Michel-Ange vivra encore quarante-cinq ans[69],[70].
151
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152
+ Gian Giacomo Caprotti da Oreno[72], dit « il Salaino » (« le petit diable ») ou Salai, a été décrit par Giorgio Vasari comme « un gracieux et beau jeune homme avec des cheveux fins et bouclés, en lequel Léonard était grandement ravi »[29]. Salai entre au service de Léonard en 1490 à l'âge de 10 ans. Leur relation n'est pas facile. Un an plus tard, Léonard fait une liste des délits du garçon, le qualifiant de « voleur », « menteur », « têtu » et « glouton ». Le « petit diable » avait volé de l'argent et des objets de valeur au moins à cinq reprises, et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures[73]. Néanmoins, les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d'images de l'adolescent. Salai est resté son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes[10].
153
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154
+ En 1506, Léonard prend comme élève Francesco Melzi, âgé de 15 ans, fils d'un aristocrate lombard. Melzi devient le compagnon de vie de Léonard et il est considéré comme son élève favori. Il se rend en France avec Léonard et Salai, et reste avec lui jusqu'à sa mort[20]. Salai quitte cependant la France en 1518 pour retourner à Milan. Il y construit une maison dans le vignoble de la propriété de Léonard qu'il s'est finalement vu léguer. En 1525, Salai meurt d'une mort violente, soit assassiné, soit à la suite d'un duel[74].
155
+
156
+ Salai exécute un certain nombre de tableaux sous le nom d'« Andrea Salai », mais, bien que Giorgio Vasari prétende que Léonard « lui a appris beaucoup de choses sur la peinture »[29], son travail est généralement considéré comme étant de moindre valeur artistique que celui des autres élèves de Léonard, comme Marco d'Oggiono ou Giovanni Antonio Boltraffio. En 1515, il peint une version nue de La Joconde, dite « Monna Vanna »[75]. À sa mort en 1525, la Joconde appartenant à Salai a été évaluée à cinq cent cinq lires, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée pour un portrait de petite taille[74].
157
+
158
+ Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono rejoignent l'atelier de Léonard lorsqu'il est de retour à Milan, mais de nombreux autres élèves moins connus tels que Giovanni Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Francesco Napoletano ou encore Andrea Solario sont aussi présents.
159
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160
+ Léonard de Vinci a eu beaucoup d'amis qui sont reconnus dans leurs domaines respectifs ou ont eu une influence importante sur l'Histoire. Il s'agit notamment du mathématicien Luca Pacioli avec qui il a collaboré pour un livre, César Borgia au service duquel il a passé deux années, Laurent de Médicis et le médecin Marcantonio della Torre. Il a rencontré Michel-Ange dont il a été le rival et a témoigné une « connivence intime » avec Nicolas Machiavel, les deux hommes ayant pu développer une étroite amitié épistolaire[41]. Parmi ses amis, se trouvent également Franchini Gaffurio et Isabelle d'Este. Léonard semble ne pas avoir eu d'étroites relations avec les femmes, sauf avec Isabelle. Il a fait un portrait d'elle, au cours d'un voyage qui le mena à Mantoue, qui semble avoir été utilisé pour créer une peinture, aujourd'hui perdue[20]. Il était également ami de l'architecte Jacopo Andrea da Ferrara jusqu'à son assassinat[37].
161
+
162
+ Au-delà de l'amitié, Léonard garde sa vie privée secrète. De son vivant, ses capacités extraordinaires d'invention, son « exceptionnelle beauté physique », sa « grâce infinie », sa « grande force et générosité », la « formidable ampleur de son esprit », telles que décrites par Vasari[29], ont attisé la curiosité. De nombreux auteurs ont spéculé sur les différents aspects de la personnalité de Léonard. Sa sexualité a souvent été l'objet d'études, d'analyses et de spéculations. Cette tendance a commencé au milieu du XVIe siècle et a été relancée au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par Sigmund Freud[76].
163
+
164
+ Les relations les plus intimes de Léonard sont avec ses élèves : Salai et Francesco Melzi. Melzi a écrit que les sentiments de Léonard étaient un mélange d'amour et de passion. Il a été décrit depuis le XVIe siècle que ces relations étaient d'un caractère érotique. Depuis cette date, des auteurs[77],[78] ont beaucoup écrit au sujet de son homosexualité, voire de sa pédérastie présumée et du rôle de cette sexualité dans son art, en particulier dans l'impression androgyne et érotique qui se manifeste dans Bacchus et plus explicitement dans un certain nombre de ses dessins[79]. Cependant, l'homosexualité supposée platonique et courtoise, voire refoulée, de l'artiste, reste très hypothétique et il est difficile de se prononcer sur les mœurs de Léonard[80].
165
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166
+ Léonard est passionné par la nature et les animaux au point d’acheter des oiseaux en cage pour leur rendre leur liberté[81]. Il est également très bon musicien. Il est admis que Léonard était gaucher et ambidextre, ce qui expliquerait son utilisation de l'écriture spéculaire[14].
167
+
168
+ Malgré la relativement récente prise de conscience et l'admiration vouée à Léonard comme scientifique et inventeur, son immense renommée de la plus grande partie de ces quatre cents dernières années a reposé sur ses réalisations en tant que peintre et sur une poignée d'œuvres — authentifiées ou lui étant attribuées — qui ont été considérées comme faisant partie des plus beaux chefs-d'œuvre jamais créés[Note 17].
169
+
170
+ Ces peintures sont célèbres pour de nombreuses raisons et qualités qui ont été beaucoup imitées par les étudiants et discutées très longuement par les connaisseurs et les critiques. Parmi les qualités qui font des travaux de Léonard, des pièces uniques sont souvent citées, les techniques novatrices qu'il a utilisées dans l'application de la peinture, sa connaissance approfondie de l'anatomie humaine et animale, de la botanique et la géologie, mais aussi son utilisation de la lumière, son intérêt pour la physiognomonie et la façon dont les humains utilisent le registre des émotions et les expressions gestuelles, son sens de la composition et celui, subtil, des dégradés de couleurs. Il maîtrisait notamment la technique du « sfumato » et le rendu des ombres et des lumières. Toutes ces qualités sont réunies dans ses tableaux les plus connus, La Joconde, La Cène et La Vierge aux rochers[82].
171
+
172
+ Léonard a réalisé de très nombreux portraits de femmes, mais un seul portrait d’homme — celui d’un musicien — a été retrouvé à ce jour. On lui prête souvent la phrase suivante : « Le personnage le plus digne d’éloges est celui qui, par son mouvement, traduit le mieux les passions de l’âme », qui explique bien sa pensée de peintre. Cependant, il a aussi dessiné des croquis caricaturaux de ses contemporains dans la mode du grotesque.
173
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174
+ Léonard est célèbre pour ses dessins et ses peintures dans lesquels il introduit une conception innovante[83] de la perspective. Vinci estimait que les arts picturaux forment une science[84]. Mais l'utilisation, souvent supposée, du nombre d’or dans son œuvre n'est pas avérée[85]. Son travail sur les proportions, à l'image de l’Homme de Vitruve, se limite à l'usage de fractions d'entiers.
175
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176
+ Les premiers travaux de Léonard de Vinci commencent avec Le Baptême du Christ peint avec Andrea del Verrocchio, à qui il est attribué, et ses autres élèves. Deux autres peintures semblent dater de cette période à l'atelier et qui sont toutes les deux des « Annonciations » ; l'une est petite, large de cinquante-neuf centimètres pour seulement quatorze de haut. Il s'agit d'une prédelle se plaçant à la base d'une composition plus large, et, dans ce cas, pour un tableau de Lorenzo di Credi duquel il fut séparé. L'autre est un travail beaucoup plus important, de deux cent dix-sept centimètres de large[40].
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+ Dans ces deux annonciations, Léonard a dépeint la Vierge Marie, assise ou agenouillée à la droite de l'image, et un ange de profil s'approchant d'elle par la gauche. Un gros travail est fait sur les mouvements des vêtements et les ailes de l'ange. Bien que précédemment attribuée à Domenico Ghirlandaio, l'œuvre est désormais presque universellement attribuée à de Vinci[86].
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+ Dans le tableau le plus petit, Marie détourne ses yeux et plie ses mains dans un geste qui symbolise la soumission à la volonté de Dieu. Dans le tableau le plus grand cependant, Marie ne semble pas aussi docile ; la jeune femme, interrompue dans sa lecture par ce messager inattendu qu'est l'ange, place son doigt dans le livre saint pour repérer la page de sa lecture interrompue et lève la main dans un geste de salutation ou de surprise[68]. Son calme semble montrer qu'elle accepte son rôle de mère de Dieu, non pas avec résignation, mais avec confiance. Dans ce tableau, le jeune Léonard présente le visage humaniste de la Vierge Marie, reconnaissant le rôle de l'humanité dans l'incarnation de Dieu[Note 18]. Ce dernier tableau a visiblement été travaillé par plusieurs personnes, puisque certaines discontinuités de style sont perceptibles, comme une « erreur » de perspective sur le bras droit de Marie, le pré fleuri comme une broderie ou bien les ailes de rapace de l'ange[30]. Le style du lutrin du tableau pourrait être un clin d'œil au style du tombeau de Pierre de Médicis réalisé par Verrocchio en 1472[30].
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+ Dans les années 1480, Vinci reçoit deux très importantes commandes et commence à travailler à une autre œuvre qui est également d'une grande importance en termes de composition. Malheureusement, deux des trois œuvres n'ont jamais été terminées et la troisième a été si longue à créer qu'elle fut soumise à de longues négociations sur son achèvement et son paiement. L'un de ces tableaux est Saint Jérôme. Liana Bortolon, dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967), associe ce tableau à une période difficile de la vie de Léonard. Les signes de la mélancolie peuvent se lire dans son journal : « Je pensais que j'apprenais à vivre ; j'apprenais seulement à mourir[20]. »
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+ La composition du tableau est très inhabituelle, même s'il est vrai que certaines parties de celui-ci furent découpées[Note 19]. Le tableau dépeint la pénitence de Jérôme de Stridon dans le désert. Pénitent, Jérôme occupe le milieu de l'image, le corps légèrement en diagonale. Sa posture agenouillée prend une forme trapézoïdale, avec un bras tendu vers le bord extérieur de la peinture et son regard allant dans la direction opposée. Jack Wasserman souligne le lien entre cette peinture et les études anatomiques de Léonard[46]. Au premier plan de l'ensemble s'étend son symbole, un grand lion, dont le corps et la queue effectuent une double courbe à travers la base de l'image. L'autre caractéristique intéressante est l'aspect superficiel du paysage de pierres rocailleuses où se trouve le personnage.
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+ L'affichage audacieux et novateur de la composition, avec les éléments du paysage et le drame personnel, apparaît également dans le grand chef-d'œuvre inachevé qu'est L'Adoration des mages, une commande des moines de San Donato à Scopeto. C'est un tableau à la composition très complexe, et Léonard a fait de nombreux dessins et études préparatoires, y compris une très détaillée pour la perspective linéaire d'une ruine d'architecture classique qui sert de toile de fond à la scène. Mais, en 1482, Léonard part à Milan, à la demande de Laurent de Médicis, afin de gagner les bonnes grâces de Ludovic Sforza. Il abandonne donc son tableau[86],[10].
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+ Le troisième travail important de cette période est La Vierge aux rochers qui a été commandée à Milan pour la confrérie de l'Immaculée Conception. La peinture, faite avec l'assistance des frères, devait combler un grand retable, déjà construit[46]. Léonard a choisi de peindre un passage de l'enfance du Christ tiré des évangiles apocryphes, lorsque le petit Jean le Baptiste, sous la protection d'un ange, a rencontré la sainte Famille sur la route de l'Égypte. Dans cette scène, telle qu'elle a été peinte par Léonard de Vinci, Jean reconnaît et vénère Jésus comme le Christ. Le tableau montre des personnages gracieux s'agenouillant en adoration devant le Christ dans un environnement sauvage et un paysage rocheux[87]. Le tableau est quasiment aussi complexe que la peinture commandée par les moines de San Donato, même s'il a seulement quatre personnages — et non cinquante — et s'il dépeint un paysage plutôt qu'un fond architectural. Le tableau a été achevé, mais deux versions de la peinture ont en fait été réalisées : celle qui est restée à la chapelle de la confrérie et l'autre qu'a emportée Léonard en France. Mais les frères n'ont pas eu leur peinture avant le siècle suivant[10],[25]. Une seconde version de ce tableau, avec l'ajout des auréoles et du bâton de Jean le Baptiste sera faite quelques années plus tard.
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190
+ La plus célèbre peinture de Léonard pour la période des années 1490 est La Cène. Elle est peinte directement sur un mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan. La peinture représente le dernier repas partagé par Jésus et ses disciples avant sa capture et sa mort. Il montre précisément le moment où Jésus déclare : « l'un de vous va me trahir ». Léonard dépeint la consternation que cette déclaration a causée à l'ensemble des douze disciples de Jésus[25].
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+ Matteo Bandello a observé Léonard au travail et il écrit, dans une de ses nouvelles que, certains jours, il peint de l'aube au crépuscule sans même s'arrêter pour manger, et puis ne peint plus les trois ou quatre jours suivants[46]. Selon Vasari, cela provoque l'incompréhension du père supérieur, le prieur, qui chasse le peintre jusqu'à ce que Léonard demande au duc de Milan, Ludovic Sforza, d'intervenir. Vasari décrit également comment Vinci doute de sa capacité à peindre proprement les visages de Jésus et de Judas, affirmant au duc qu'il a peut-être utilisé le moine pour modèle[29].
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194
+ La fresque, achevée, est saluée comme un chef-d'œuvre de conception et de caractérisation[29], obtenant même plus tard l'admiration de Pierre Paul Rubens et de Rembrandt[33]. L'œuvre a été restaurée sans cesse, la peinture se détachant du support en plâtre[15]. La peinture s'est détériorée rapidement, de telle sorte qu'avant même le centième anniversaire de sa création, elle a été décrite par un témoin comme « totalement dévastée »[10]. Léonard, au lieu d'utiliser la technique éprouvée de la fresque, a utilisé la « technique de la tempera », un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments, alors que le support est principalement « gesso », un type de craie fait de carbonate de calcium minéral, ce qui a produit une surface sujette à la moisissure et à l'écaillage[10].
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196
+ Malgré ces déboires, la Cène est restée l'une des œuvres d'art les plus reproduites. Heureusement, une toile d'époque de grandes dimensions est exposée en l'abbaye de Tongerlo à Westerlo. Elle est une des copies les plus fidèles et les plus anciennes du chef-d'œuvre du maître italien : œuvre des élèves de Léonard, il semblerait qu'il aurait peint lui-même la tête de Jésus et celle de l'apôtre Jean. Les restaurateurs viennent chercher à Westerlo les couleurs exactes pour leurs travaux avant d'aller à Milan.
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198
+ Parmi les œuvres créées par Léonard dans les années 1500, se trouve un petit portrait connu sous le nom de La Joconde (1503-1506) ou, notamment pour les anglophones, sous le nom de « Mona Lisa ». Le tableau est connu, en particulier, pour l'insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s'accordent à dire qu'il s'agit de Lisa Gherardini. La qualité de la peinture est peut-être liée au fait que l'artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. La qualité des ombres, pour lesquelles le travail est réputé, a été appelée « sfumato » ou « la fumée de Léonard ». Giorgio Vasari a écrit que « le sourire est si agréable qu'il semble divin plutôt qu'humain ; ceux qui l'ont vu ont été très surpris de constater qu'il semble aussi vivant que l'original »[29]. Néanmoins, et pendant longtemps, les experts ont généralement admis que Vasari a pu n'avoir jamais connu la peinture autrement que par sa renommée, car il l'a décrite comme ayant des sourcils. Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l'hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que Léonard ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu'ils ont ensuite été enlevés, notamment parce qu'ils n'étaient pas en vogue au milieu du XVIe siècle. Effectivement, La Joconde aurait eu des sourcils et des cils qui ont, par la suite, été enlevés[88].
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200
+ Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire, laissant les yeux et les mains non concurrencés par d'autres détails, le paysage de fond spectaculaire[89], le travail des couleurs et la nature de la technique de peinture très douce employant des huiles, mais posées un peu comme la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables. Vasari a exprimé l'avis que la façon de peindre ferait même « le plus confiant des maîtres [de la peinture]… désespérer et perdre courage »[29]. L'état de conservation remarquable et le fait qu'il n'y ait aucun signe visible de réparations ou de surcouches repeintes sont extrêmement rares pour une peinture de cette période[40].
201
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202
+ Dans La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, la composition reprend de nouveau le thème de personnages dans un paysage que Jack Wasserman, dans son livre Leonardo da Vinci (1975), qualifie de « saisissant par sa beauté »[46] et renvoie à la peinture inachevée de saint Jérôme avec le personnage faisant un angle oblique avec l'un de ses bras. Ce qui rend La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne si rare est la présence de deux ensembles dans une perspective différente, mais se superposant. Marie est assise sur les genoux de sa mère, sainte Anne. Elle se penche en avant pour prendre dans ses bras l'enfant Jésus qui joue avec un agneau, signe de l'imminence de son propre sacrifice[25]. Ce tableau, copié à plusieurs reprises, a influencé Michel-Ange, Raphaël et Andrea del Sarto[10] et, à travers eux, Pontormo et Le Corrège. Le style de la composition a été adopté en particulier par les peintres vénitiens Le Tintoret et Paul Véronèse.
203
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204
+ Vinci n'a pas été un peintre prolifique, mais il l'a été comme dessinateur, remplissant ses journaux de petits croquis et de dessins détaillés afin de garder une trace de tout ce qui avait attiré son attention. En plus de ses notes, il existe de nombreuses études pour ses peintures, dont certaines peuvent être considérées comme préparatoires à des travaux tels que L'Adoration des mages, La Vierge aux rochers et La Cène[90]. Son premier dessin daté est un paysage, Paysage de la vallée de l'Arno (1473), qui montre la rivière, les montagnes, le château Montelupo et les exploitations agricoles au-delà de celui-ci dans le plus grand détail[20],[90].
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206
+ Parmi ses célèbres dessins, il y a l’homme de Vitruve, une étude des proportions du corps humain, la Tête de jeune femme préparatoire à la tête de l'ange dans La Vierge aux rochers et La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste, qui est un grand carton (160 × 100 cm) en craie blanche et noire sur un papier de couleur de sainte Anne[90]. Ce thème de sainte Anne sera, avec la sainte Famille, la dominance de l'œuvre de Léonard de 1500 à 1517[37]. Ce dessin emploie la technique subtile du sfumato, à la manière de La Joconde. Léonard ne semble jamais avoir fait une peinture à partir de ce dessin, mais un tableau assez proche en est La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne[10].
207
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208
+ Les autres dessins d'intérêt comprennent de nombreuses études généralement dénommées « caricatures » parce que, bien qu'exagérées, elles semblent être fondées sur l'observation de modèles vivants. Giorgio Vasari rapporte que, si Léonard voyait une personne qui avait un visage intéressant, il la suivait toute la journée pour l'observer[29]. Il existe de nombreuses études de beaux jeunes hommes, souvent associées à Salai, avec le visage rare, très admiré et caractéristique que l'on appelle le « profil grec »[Note 20]. Ces visages sont souvent en contraste avec ceux d'un guerrier[90]. Salai est souvent dépeint dans des costumes et des déguisements. Léonard est connu pour avoir conçu des décors pour des processions traditionnelles. D'autres dessins, souvent minutieux, montrent des études de draperies. Le Musée Léon-Bonnat de Bayonne conserve un dessin de Léonard de Vinci représentant Bernardo di Bandino Baronchelli (l'un des assassins de Julien de Médicis lors de la conjuration des Pazzi), après sa pendaison à l’une des fenêtres du Palazzo del Capitano di Giustizia à Florence, le 29 décembre 1479[91].
209
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210
+ L'humanisme de la Renaissance ne lie pas les sciences et les arts. Cependant, les études de Vinci en sciences et en ingénierie sont aussi impressionnantes et novatrices que son travail artistique, enregistrées dans des carnets de notes comprenant quelque treize mille pages d'écriture et de dessins, qui associent art et philosophie naturelle (la base de la science moderne). Ces notes ont été réalisées et mises à jour quotidiennement pendant toute la vie et les voyages de Léonard. Continuellement, il s'efforce de faire des observations du monde qui l'entourait[25], conscient et fier d'être, comme il se définissait, un « homme sans lettres », autodidacte et lucide sur les phénomènes naturels souvent bien éloignés de ce qui était appris à l'école[33].
211
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212
+ Ces journaux sont, pour la plupart, rédigés en toscan dans une écriture spéculaire plus communément appelée « écriture en miroir ». La raison peut avoir été davantage un besoin pratique, pour être plus rapide, que pour des raisons de chiffrement afin d'échapper à la censure de son temps ou de garder ses notes de travail secrètes, comme cela est souvent suggéré (thèse du mathématicien Luca Pacioli dès le XVe siècle, réfutée car cette écriture se lit facilement à l'aide d'un miroir, par ailleurs Léonard truffe ses notes d'abréviations et c'est plutôt cette caractéristique qui en rendent la lecture plus difficile). Comme Léonard écrivait avec sa main gauche, il devait être plus facile pour lui d'écrire de droite à gauche. En effet la main fournit moins d'effort et cette technique évite de laisser des traînées ou effacer l'encre humide en passant dessus sa main qui tient la plume d'oie. Néanmoins, il rédige occasionnellement de gauche à droite, ce qui montre qu'il maîtrise aussi cette technique[92].
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214
+ Ses notes et dessins, dont les plus anciens sont datés de 1475[30], montrent une grande variété d'intérêts et de préoccupations, mais aussi certaines listes quelconques d'épicerie ou de ses débiteurs. Il y a des compositions pour des peintures, des études de détails et de tapisseries, des études de visages et d'émotions, des animaux, des bébés, des dissections, des études botaniques et géologiques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux architecturaux[25].
215
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216
+ Ces carnets de notes — initialement des feuilles volantes de différentes tailles et de différents types, données par ses amis après sa mort — ont trouvé leur place dans les collections importantes comme celles exposées au château de Windsor, à la Bibliothèque de l'Institut de France[93], à la Bibliothèque nationale d'Espagne, à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, au Victoria and Albert Museum et à la British Library de Londres. La British Library a mis une sélection à partir de ses notes (BL Arundel MS 263) sur l'Internet dans les pages de son site abordant ce chapitre[94]. Le Codex Leicester est le seul grand travail scientifique de Vinci qui soit entre les mains d'un propriétaire privé (Bill Gates).
217
+
218
+ Les journaux de Léonard semblent avoir été destinés à la publication, car beaucoup de feuilles ont une forme et un ordre qui en faciliteraient l'édition. Dans de nombreux cas, un seul thème, par exemple, le cœur ou le fœtus humain, est traité en détail à la fois dans les mots et les images, sur une seule feuille[95]. Ce mode d'organisation minimise également la perte de données dans le cas où les pages seraient mélangées ou détruites. La raison pour laquelle ces journaux n'ont pas été publiés alors que Léonard était encore en vie est inconnue[25], mais certains estiment que la société n'était pas prête pour cela, notamment l'Église vis-à-vis de ses travaux anatomiques.
219
+
220
+ En 2019, une étude scientifique menés par des chercheurs du musée des Offices de Florence démontre que Léonard de Vinci est ambidextre à partir de l'analyse du dessin le Paesaggio[96].
221
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222
+ L'approche de la science par Léonard est très liée à l'observation : si « la Science est le capitaine, la pratique est le soldat »[33]. Sa science, ses recherches scientifiques ne portent exclusivement que sur les parties qu'il a pratiquées en technicien[19]. Léonard de Vinci a essayé de comprendre un phénomène en le décrivant et en l'illustrant dans les plus grands détails, en n'insistant pas trop sur les explications théoriques. Ses études sur le vol ou le mouvement de l'eau sont sans doute ce qu'il y a de plus remarquable à ce sujet. Comme il manquait d'instruction initiale en latin et en mathématiques, les chercheurs contemporains ont largement ignoré le savant Léonard, bien qu'il ait appris par lui-même le latin.
223
+
224
+ Dans les années 1490, il a étudié les mathématiques à la suite de Luca Pacioli et a fait une série de dessins de solides réguliers dans une forme squelettique afin de les faire graver pour son livre Divina Proportione (1509)[25]. Il est alors particulièrement fasciné par l'idée de l'absolu et de l'universel[33]. Cependant, sa culture mathématique est celle d'un praticien : elle a les objectifs limités des abacistes de son temps, il pénètre avec peine la géométrie des Grecs, sa perspective est celle de tous les théoriciens de son temps. Néanmoins, au-delà du simple aspect géométrique de la représentation de la perspective, il propose dans son Traité de la Peinture, une triple définition de la perspective :
225
+
226
+ 1° : perspective linéaire (diminution de la taille des objets proportionnellement à leur distance à l'observateur, perspective géométrique ss)[98],
227
+
228
+ 2° : perspective des couleurs (atténuation des couleurs proportionnellement à leur distance à l'observateur)[99],
229
+
230
+ 3° : perspective d’effacement (diminution de la précision des détails proportionnellement à leur distance à l'observateur)[100].
231
+
232
+ Également, Léonard a conçu un instrument à système articulé destiné à construire une solution mécanique du problème d'Alhazen, problème essentiellement technique, et qui témoigne d'une connaissance sur les lois de la réflexion[19].
233
+
234
+ De même, la mécanique de Léonard est celle de ses contemporains, avec ses faiblesses, ses incertitudes, ses erreurs et il ne paraît pas qu'il ait apporté beaucoup de découvertes en la matière. Sa physique est assez confuse et vague. Il ne fut certainement jamais artilleur et n'a pas de théorie relative à la balistique. Pourtant, comme l’attestent certains de ses schémas, Léonard de Vinci eut peut-être l’intuition, comme on pouvait l’observer sur un jet d’eau, qu’il n’existait pas de partie rectiligne dans la trajectoire d’un projectile d’artillerie contrairement à ce qui était couramment admis à l’époque. Mais il s’arrêta très vite sur une voie que Tartaglia puis Benedetti allaient suivre et qui mena à Galilée[19].
235
+
236
+ Si Alberti ou Francesco di Giorgio Martini se préoccupèrent de la solidité des poutres, jamais ils n’avaient cherché de formulations mathématiques. Léonard de Vinci s’intéresse au problème de la flexion, sans doute à l’aide d’expériences, et parvient à définir des lois, encore imparfaites[Note 21], de la ligne élastique pour des poutres de différentes sections, libres ou encastrées dont le problème de Galilée (problème du balcon). Ce faisant, il élimine le module d’élasticité et le moment auquel avait pourtant fait allusion Jordanus Nemorarius[19].
237
+
238
+ Sa chimie se borne à la mise au point d'un alambic et aux quelques recherches d'alchimie qu'il pratiqua à Rome[19].
239
+
240
+ Paul Valéry met en avant la manière dont Léonard de Vinci a découvert intuitivement, par l'observation, « le premier germe de la théorie des ondulations lumineuses », sans cependant pouvoir la valider de manière expérimentale : « L'air est rempli d'infinies lignes droites et rayonnantes, entrecroisées et tissées sans que l'une n'emprunte jamais le parcours d'une autre, et elles représentent pour chaque objet la vraie forme de leur raison (de leur explication)[101]. »
241
+
242
+ Léonard de Vinci étudia aussi beaucoup la lumière et l'optique[45] ; en hydrologie, la seule véritable loi qu'il ait formulée est celle du débit des cours d'eau.
243
+
244
+ Il semble que, à partir du contenu de ses carnets, il ait envisagé de publier une série de traités sur une grande variété de sujets. À plusieurs reprises il mentionne un projet de traité de l'eau, mais qui paraît avoir été si considérable dans sa pensée qu'il semblait irréalisable[19]. Un traité d'anatomie aurait été observé au cours d'une visite par le secrétaire du cardinal Louis d'Aragon en 1517[102].
245
+
246
+ Son élève Francesco Melzi, chercha à reconstituer le Traité de la peinture que Léonard de Vinci avait projeté toute sa vie d'écrire. Il compila pour cela les aspects de son travail sur l'anatomie, la lumière et les ombres, les drapés, les paysages. Une édition partielle et incomplète du travail de Francesco Melzi parut en 1651, en italien, puis en français. Charles Le Brun présenta l’édition française du Traité de la peinture aux membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme le livre qui devait leur servir désormais de référence (malgré les critiques d‘Abraham Bosse et le scepticisme de Félibien[103]). C’est ainsi que Léonard de Vinci fut transformé « en précurseur de la pensée académique », selon la formule de Daniel Arasse[25].
247
+
248
+ La formation initiale de Léonard à l'anatomie du corps humain a commencé lors de son apprentissage avec Andrea del Verrocchio, son maître insistant sur le fait que tous ses élèves apprennent l'anatomie. Comme artiste, il est rapidement devenu maître de l'anatomie topographique, en s'inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d'autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l'anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition. Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à cause des problèmes d'hygiène et de conservation des corps.
249
+
250
+ Comme artiste connu, il a reçu l'autorisation de disséquer des cadavres humains à l'hôpital de Santa Maria Nuova à Florence et, plus tard, dans les hôpitaux de Milan et de Rome (de 1513 et 1516, il y dirige plusieurs autopsies dans l'hôpital romain Santo Spirito in Sassia). Il réalise ainsi une vingtaine de dissections à partir de 1487 pour composer un traité d'anatomie[104] qui ne verra jamais le jour[105]. De 1510 à 1511, il a collaboré dans ses recherches avec le médecin Marcantonio della Torre.
251
+
252
+ Léonard a dessiné de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d'autres organes internes. Ces observations contiennent parfois des inexactitudes dues aux méconnaissances de l'époque[15]. Il n'a par exemple jamais entrevu la circulation du sang[19]. Il a par contre identifié quatre cavités cardiaques dans le cœur (Vésale et Descartes n'y en verront que deux), fait l'un des premiers dessins scientifiques d'un fœtus dans l'utérus[90] et la première constatation scientifique de la rigidité des artères à la suite d'une crise cardiaque. Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l'âge et de l'émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d'importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie[25],[90].
253
+
254
+ Il a aussi étudié et dessiné l'anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l'homme. Il étudia également les chevaux.
255
+
256
+ « Combien de biographies n'a-t-on pas écrites, qui ne mentionnent cette activité scientifique ou technique que pour montrer l'étendue d'un savoir qu'on veut universel […] Tout ceci n'a pu se faire que péniblement, par une recherche constante de ce qu'avaient écrit les anciens ou les prédécesseurs immédiats […] Et faute de connaître tout ce passé qui l'avait fait, on a présenté Léonard comme un inventeur fécond »
257
+
258
+ — Bertrand Gille, dans Les ingénieurs de la Renaissance[19]
259
+
260
+ Léonard de Vinci s’inscrit dans le courant technicien de la Renaissance et, comme tel, il eut des prédécesseurs immédiats ou plus lointains parmi lesquels on peut citer Konrad Kyeser, Taccola, Roberto Valturio, Filippo Brunelleschi, Jacomo Fontana ou encore Leon Battista Alberti à qui il doit sans doute beaucoup[19].
261
+
262
+ Certains furent des personnalités plus puissantes, des esprits plus complets, des curiosités plus larges encore. C’est le cas de Francesco di Giorgio Martini qui fut son supérieur lors de la construction du dôme de Milan et à qui il emprunta certainement beaucoup[19]. Étant sans doute moins occupé par ses réalisations que ce dernier du fait d’un carnet de commandes moins rempli, Léonard de Vinci sera à la fois plus prolifique, mais surtout capable d’un changement de méthode.
263
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264
+ La légende fait de Léonard le précurseur de plusieurs machines modernes mais nombre d'entre elles ont été inventées par des prédécesseurs (tels le bateau à roues à aubes existant sous la dynastie des Song du Sud au Ve siècle, l'hélicoptère, le véhicule à chenilles, la machine à tisser des scies hydrauliques, le sous-marin ou le char d'assaut blindé que Léonard perfectionne après avoir puisé ses idées notamment dans les carnets de Taccola et de son maître Giorgio, eux-mêmes copiant des manuscrits de penseurs contemporains ou médiévaux[106]) et, au-delà de l'étonnement éprouvé face à l’imagination prospective de l’auteur, on peut vite constater que le fonctionnement réel de la machine n’a pas dû être son souci premier. Comme le moine Eilmer de Malmesbury au XIe siècle qui avait oublié la queue dans sa machine volante, les inventions de Léonard butent sur de nombreuses difficultés : l’hélicoptère s’envolerait comme une toupie, le scaphandrier s’asphyxierait, le bateau à aubes n’avancerait pas, le parachute en pyramide s'enroulerait sur lui-même, etc.[107]. De plus, dans ces épures, Léonard ne pose jamais le problème de la force motrice[108].
265
+
266
+ Dans une lettre d'emploi adressée à Ludovic Sforza[Note 22], qui est une véritable lettre de candidature en dix points, il lui présente son profil professionnel, le meilleur du marché, avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre. Il énumère : ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, c'est-à-dire toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège[109].
267
+
268
+ Quand il a fui à Venise en 1499, il a trouvé un emploi d'ingénieur et a développé un système de barrières mobiles pour protéger la ville contre les attaques terrestres. Il a également eu pour projet de détourner la circulation de l'Arno afin d'irriguer les champs toscans, de faciliter le transport et même de gêner l'approvisionnement maritime de Pise, la rivale de Florence[37].
269
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270
+ Ses carnets présentent un grand nombre d'« inventions » (inventions propres ou perfectionnement de machines et d'instruments) à la fois pratiques et réalistes[110], notamment des pompes hydrauliques, des mécanismes à manivelle comme la machine à tailler les vis de bois, des ailettes pour les obus de mortier, un canon à vapeur[20],[25], le sous-marin, plusieurs automates, le char de combat, l'automobile, des flotteurs pour « marcher sur l'eau », la concentration d'énergie solaire, la calculatrice, le scaphandre à casque, la double coque ou encore le roulement à billes. La paternité de la bicyclette est, quant à elle, très controversée[Note 23].
271
+
272
+ Un examen attentif de ces épures indique cependant que nombre de ces techniques furent, soit empruntées à quelques prédécesseurs immédiats (la turbine hydraulique à Francesco di Giorgio Martini, la chaîne articulée pour la transmission des mouvements à Taccola, etc.), soit l'héritage d'une tradition encore plus ancienne (le martinet hydraulique est connu au XIIIe siècle, les siphons et aqueducs sont visibles chez Frontin, les automates de divertissement décrits par les mécaniciens grecs…)[19]. Pourtant Léonard fut aussi novateur ; il est sans doute l'un des premiers dans le cercle des ingénieurs de l'époque à s'intéresser au travail mécanique du métal et en particulier de l'or, plus malléable. Avec la machine volante, les quelques machines textiles, pour lesquelles la régularité des mouvements mis en œuvre lui permet d'appliquer son sens de l'observation, signent son originalité. Le métier mécanique, la machine à carder et celle à tondre les draps font sans doute de Léonard, le premier qui chercha à mécaniser une fabrication industrielle. La machine à polir les miroirs qui supposait la résolution d'un certain nombre de problèmes pour obtenir des surfaces régulières, planes ou concaves, a été imaginée pendant son séjour romain alors qu'il étudiait la fabrication des images. Paradoxalement, Léonard de Vinci s'intéressa peu à des inventions que nous jugeons aujourd'hui très importantes, telles que l'imprimerie, même s'il est un des premiers à nous donner une représentation d'une presse d'imprimerie[19].
273
+
274
+ Si la guerre peut répondre à une nécessité, elle est pazzia bestialissima (« folie sauvage »)[33]. Il étudie donc les armes tout en gardant du recul quant à leur utilisation.
275
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276
+ En 1502, Léonard a dessiné un pont de deux cent quarante mètres dans le cadre d'un projet de génie civil pour le sultan ottoman Bayezid II d'Istanbul. Ce pont était destiné à franchir l'embouchure du Bosphore, connue sous le nom de la « Corne d'Or ». Beyazid ne poursuit pas le projet, car il estime que cette construction serait impossible. La vision de Léonard a été ressuscitée en 2001 quand un petit pont conçu selon ses idées a été construit en Norvège. Le 17 mai 2006, le gouvernement turc a décidé de construire le pont de Léonard pour la Corne d'Or[111].
277
+
278
+ Pendant la majeure partie de sa vie, Léonard a été, comme Icare, fasciné par le vol. Il a produit de nombreuses études sur ce phénomène en s'inspirant des oiseaux et des plans de vol de plusieurs appareils, dont les prémices d'hélicoptère nommées la « vis aérienne », le parachute et une sorte de deltaplane[25] en bambou. Sur ce nombre, la plupart étaient irréalisables, mais le deltaplane a été construit et, avec l'ajout un empennage pour la stabilité, a volé avec succès. Néanmoins, il semble probable qu'il estimait que les systèmes proches des chauves-souris avaient le plus gros potentiel[33]. Il inventa également la soufflerie aérodynamique pour ses travaux.
279
+
280
+ Le musée du clos Lucé à Amboise, le musée Il Castello situé au château de comtes Guidi de Vinci et le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci de Milan contiennent de nombreuses maquettes, des objets grandeur nature établis sur l’étude de ses carnets et des explications sur son travail.
281
+
282
+ De Vinci a également étudié l'architecture. Il est influencé par les travaux de Filippo Brunelleschi et a projeté de surélever le baptistère Saint-Jean de Florence[30] ou de créer une tour-lanterne pour la cathédrale de Milan[33]. Il utilise souvent la forme octogonale pour les bâtiments religieux et le cercle pour les militaires[37]. À la suite de la peste qui frappe Milan vers 1484 et 1485, il conçoit une ville parfaite théorique avec des axes de circulation optimaux et des conditions de vie de qualité, sa vision n'est pas marquée par des distinctions sociales, mais fonctionnelles, tels des organes dans un corps humain[33]. Il travaille également sur les jardins[45]. Néanmoins, beaucoup de ses travaux sur l'architecture seront perdus.
283
+
284
+ Léonard de Vinci a un besoin de rationaliser inconnu jusqu’alors chez les techniciens. Avec lui la technique n’est plus affaire d’artisans, de personnes ignorantes et de traditions plus ou moins valables et plus ou moins comprises par ceux qui étaient chargés de l’appliquer. George Sarton, historien des sciences, indique que Léonard de Vinci a recueilli une « tradition orale et manuelle, non une tradition littéraire[112]. »
285
+
286
+ C’est d’abord par les échecs, par les erreurs, par les catastrophes qu’il essaie de définir la vérité : les lézardes des murs, les affouillements destructeurs des berges, les mauvais mélanges de métaux sont autant d’occasions de connaître les bonnes pratiques.
287
+
288
+ Progressivement, il élabore une sorte de doctrine technique, née d’observations bientôt suivies d’expériences qui furent parfois conduites sur de petits modèles. Harald Höffding présente sa pensée comme un mélange d’empirisme et de naturalisme[113]. En effet, si pour Léonard de Vinci « La sagesse est la fille de l'expérience »[114], elle permet de vérifier constamment ses intuitions et théories, car « L'expérience ne se trompe jamais ; ce sont vos jugements qui se trompent en se promettant des effets qui ne sont pas causés par vos expérimentations »[114].
289
+
290
+ La méthode de Léonard de Vinci a certainement consisté dans la recherche de données chiffrées[112] et son intérêt pour les instruments de mesure en témoigne. Ces données étaient relativement faciles à obtenir dans le cas des poutres en flexion par exemple, beaucoup plus compliquées dans le domaine des arcs ou de la maçonnerie. La formulation des résultats ne pouvait être que simple, c’est-à-dire exprimée le plus souvent par des rapports. Cette recherche effrénée de l’exactitude est devenue la devise de Léonard de Vinci, Hostinato rigore (« obstinée rigueur »)[115]. C’est néanmoins la première fois qu’on voit appliquer de telles méthodes dans les métiers où on dut longtemps se contenter de moyens irraisonnés d’appréciation.
291
+
292
+ Ce faisant, Léonard en est arrivé à pouvoir poser des problèmes en termes généraux. Ce qu’il cherche avant tout ce sont des connaissances générales, applicables dans tous les cas, et qui sont autant de moyens d’action sur le monde matériel. Pour autant sa « science technique » reste fragmentaire. Elle s’attache à un certain nombre de problèmes particuliers, traités très étroitement, mais il y manque encore la cohérence d’ensemble qu'on trouvera bientôt chez ses successeurs[19].
293
+
294
+ Pour lui, cette recherche dans tous les domaines de la science et de l'art est normale, car tout est lié. Sa curiosité et son activité perpétuelle constituent le moyen de garder un esprit vivace, car « Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit »[114]. Léonard de Vinci considère la peinture, par exemple, comme l'expression visuelle d'un tout ; l'art, la philosophie et la science sont, selon lui, indissociables et pouvant expliquer en partie son approche de polymathe et « Qui blâme la peinture n'aime ni la philosophie ni la nature »[114]. En proposant une « synthèse par la beauté », Léonard de Vinci illustre à lui seul ce que fut le grand courant d'innovation de la Renaissance[116].
295
+
296
+ Cependant, cette tentative de grande synthèse - art-science - fût un échec et marqua la séparation « croissante et définitive » des domaines que sont l’art et les sciences, et marque ainsi le début de l’âge moderne[Note 24].
297
+
298
+ Léonard de Vinci pense que l'homme doit s'engager activement à combattre le mal et faire le bien, car « Celui qui néglige de punir le mal aide à sa réalisation »[114]. Il indique également qu'il ne se fait aucune illusion sur la nature de l'homme et de la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fait en préambule à une présentation du sous-marin :
299
+
300
+ « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent[118]. »
301
+
302
+ Léonard de Vinci place également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles :
303
+
304
+ « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit[114]. »
305
+
306
+ Léonard de Vinci, connu de son vivant pour acheter des oiseaux en cage afin de les libérer[119], était aussi célèbre pour être végétarien par refus de nuire aux animaux (à la manière des « Guzzarati » ou hindous)[120], ce qui peut ainsi le mettre dans la lignée de la philosophie de Pythagore ou d'Empédocle d'Agrigente (qui inspirèrent aussi Giordano Bruno). Léonard de Vinci écrit à ce propos :
307
+
308
+ « Homme, si vous êtes vraiment, comme vous le décrivez, le roi des animaux, — j'aurai dit plutôt le roi des brutes, la plus grande de toutes ! — pourquoi prenez-vous vos sujets et enfants pour satisfaire votre palais, pour des raisons qui vous transforment en une tombe pour tous les animaux ? […] La Nature ne produit-elle peut-être pas en abondance des aliments simples ? Et si vous ne pouvez pas vous contenter de tels aliments simples, pourquoi ne préparez-vous point vos repas en mélangeant entre eux ces aliments [d'origines végétales] de façon sophistiquée ? »
309
+
310
+ — Quaderni d’Anatomia II 14 r.
311
+
312
+ Léonard de Vinci incarne parfaitement l’esprit de la Renaissance, époque des « Grandes Découvertes ». Génie universel, curieux de tout, parfois vu comme un personnage entre Faust et Platon[45], il a consacré sa vie à la recherche de la connaissance. Il imagine de multiples appareils et machines, dont la première « machine volante », qui resteront au stade de dessins. Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploie dans l’ensemble des activités qu’il aborde, aussi bien en art qu’en technique — les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit — notamment en horlogerie, procède d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés çà et là, qui tend vers un surpassement de ce qui existe déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure. « Léonard de Vinci se classe mal et c'est en ce sens qu'il a paru exceptionnel »[19].
313
+
314
+ De son vivant, Léonard a déjà une renommée telle que le roi François Ier l'a ramené en France comme un trophée, et a affirmé l'avoir accompagné dans sa vieillesse et l'avoir tenu dans ses bras quand il est mort. La Mort de Léonard de Vinci, telle que représentée par Dominique Ingres, constitue cependant une vision apparemment très romancée. En réalité, François Ier était probablement à Saint-Germain-en-Laye au moment de son décès, en effet il y a signé un édit royal le lendemain du décès de Léonard de Vinci, le 3 mai[121].
315
+
316
+ L'intérêt pour de Vinci n'a jamais diminué depuis cette période. Giorgio Vasari, dans Le Vite, édition de 1568[29], introduit son chapitre sur Léonard de Vinci avec les mots suivants :
317
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318
+ « Dans le cours normal des événements, beaucoup d'hommes et de femmes sont nés avec des talents remarquables ; mais, parfois, d'une manière qui transcende la nature, une seule personne est merveilleusement dotée par le paradis avec beauté, la grâce et le talent dans une telle abondance qu'il laisse les autres hommes loin derrière. Tous ses actes semblent inspirés et, de fait, tout ce qu'il fait vient clairement de Dieu plutôt que de compétences humaines. Tout le monde reconnaît que c'était vrai pour Léonard de Vinci, un artiste d'une beauté physique étonnante, qui a affiché une grâce infinie dans tout ce qu'il a fait et qui cultivait son génie si brillamment que tous les problèmes qu'il a étudiés, il les résolvait avec facilité[29]. »
319
+
320
+ Giorgio Vasari pose ainsi les premiers jalons du mythe de Léonard de Vinci : peintre parfait, courtisan et bel homme, génie ombrageux fasciné par la laideur, mais incapable d'achever ses travaux, les anecdotes de Vasari étant reprises et remaniées dans les biographies de Léonard de Vinci jusqu'à aujourd'hui[122].
321
+
322
+ L'admiration continue qu'ont eue, pour Léonard, les peintres, les critiques et les historiens, se reflète dans de nombreux autres hommages écrits. Baldassare Castiglione, auteur du Livre du courtisan, écrit, en 1528 : « Un autre des plus grands peintres de ce monde, qui regarde d'en haut son art dans lequel il est sans égal »[123] tandis que le biographe « Anonimo » Gaddiano a écrit, vers 1540 : « Il fut si exceptionnel et universel qu'on peut le dire né d'un miracle de la nature »[124].
323
+
324
+ Les écrits de Léonard de Vinci ne sont publiés qu'un siècle après sa mort ; l'édition bilingue français-italien de son Traité de la peinture (Trattato della pittura di Leonardo da Vinci), est éditée à Paris en 1651. Ses tableaux ne sont alors pas étudiés, n'étant redécouverts, comme ses Carnets (le premier carnet à être étudié correspond à des extraits inédits des manuscrits du Codex Atlanticus que le physicien italien Giovanni Battista Venturi déchiffre en 1797 à Paris[125]), qu'au XVIIIe et surtout au XIXe siècle qui voit en lui un prophète de la modernité[122].
325
+
326
+ Le XIXe siècle a introduit une certaine admiration pour le génie Léonard, Johann Heinrich Füssli écrivant en 1801 : « Ainsi fut l'aube de l'art moderne, lorsque Léonard de Vinci apparut avec une splendeur qui distançait l'excellence habituelle : composé de tous les éléments qui constituent l'essence même du génie »[126], ce qui est repris par A. E. Rio, qui écrit en 1861 : « Il était au-dessus de tous les autres artistes grâce à la force et la noblesse de ses talents »[127]. La variété du champ d'application de Léonard, transmise par ses carnets est connue, ainsi que ses peintures. Hippolyte Taine écrit en 1866 : « Il ne peut sans doute pas y avoir dans le monde un exemple d'un génie si universel, si capable de s'épanouir, si empli de nostalgie envers l'infini, si naturellement raffiné, si autant en avance sur son propre siècle et les siècles suivants[128]. » Le célèbre historien d'art Bernard Berenson écrit en 1896 : « Léonard est un artiste dont on peut dire avec une parfaite littéralité : tout ce qu'il a touché s'est transformé en une chose d'une éternelle beauté. Qu'il s'agisse de la section transversale d'un crâne, la structure d'une mauvaise herbe ou une étude des muscles, il l'a, avec son sens de la ligne et de la lumière et de l'ombre, à jamais transformée en des valeurs qui communiquent la vie[129]. Charles Baudelaire le cite même dans Les Fleurs du mal (1857)[130]. »
327
+
328
+ L'intérêt pour le génie Léonard s'est maintenu sans relâche ; des experts étudient et traduisent ses écrits, analysent ses tableaux en utilisant des techniques scientifiques, argumentent sur les œuvres qu'on lui attribue et recherchent des œuvres qui ont été enregistrées, mais jamais découvertes[131]. La critique d'art Liana Bortolon (it) écrit dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967) : « En raison de la multiplicité des intérêts qui l'ont incité à poursuivre tous les domaines de connaissances, […] Léonard peut être considéré, à juste titre, d'avoir été le génie universel par excellence et avec toutes les harmoniques inhérentes à ce terme. L'homme est aussi mal à l'aise aujourd'hui face à un génie qu'il l'a été au XVIe siècle. Cinq siècles se sont écoulés et nous voyons encore Léonard avec une grande frayeur[20]. » Les foules font toujours la queue pour voir ses plus célèbres œuvres d'art : par exemple, le Musée du Louvre doit une grande part de sa notoriété à La Joconde.
329
+
330
+ Avec le best-seller Da Vinci Code, roman mêlant faits historiques et artifices scénaristiques, Dan Brown a donné un nouvel élan à l'intérêt pour de Vinci en 2003. Le roman a été adapté au cinéma par Ron Howard.
331
+
332
+ D'après un article du Monde[132], la boîte de vitesses de la Tata Nano a été imaginée à partir d'un modèle Léonard de Vinci : il s'agit tout simplement d'une lanterne en forme de tronc de cône qu'il était sans doute difficile de manœuvrer pour la laisser en contact avec la roue dentée sur laquelle elle s'engrenait[19].
333
+
334
+ En 2007, un couple de chercheurs italiens a émis une hypothèse sur la présence d'une partition de musique cachée à l'intérieur de La Cène. La disposition des mains des personnages et des pains sur la table donnerait une petite mélodie[133].
335
+
336
+ Le 26 avril 2008, un saut a été réalisé avec un parachute conçu selon les croquis et textes de Léonard de Vinci datant de 1485. Le Suisse Olivier Vietti-Teppa s'est élancé au-dessus de l'aéroport militaire de Payerne depuis un hélicoptère en vol stationnaire à 650 mètres d'altitude, avec une réplique du parachute fabriquée avec des matériaux modernes[134],[135] : il mesura une vitesse de chute de 3,9 m/s et put atterrir normalement[136]. En 2000, le Britannique Adrian Nicholas avait également réalisé un saut avec une réplique du parachute, mais celui-ci étant plus fidèle à l'original, il pesait 80 kg et présentait des risques à l'atterrissage. L'homme avait abandonné la réplique en vol pour faire un atterrissage avec un parachute actuel.
337
+
338
+ Le 18 décembre 2008, lors d'une restauration, des membres du personnel du Musée du Louvre à Paris découvrent trois dessins représentant une tête de cheval, un crâne et un enfant au dos de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, vraisemblablement de Léonard de Vinci[137].
339
+
340
+ En France, en 2015, 94 établissements scolaires portent son nom, fait rarissime pour une personnalité étrangère[138].
341
+
342
+ Le 15 novembre 2017, son tableau Salvator Mundi reconnu authentique en 2005, est vendu à New York chez Christie's pour la somme de 450,3 millions de dollars, ce qui en fait la toile la plus chère du monde et de l'histoire[139].
343
+
344
+ A l'occasion des 500 ans de sa mort en 2019, le musée du Louvre à Paris consacre une exposition évènement regroupant un très grand nombre de chef-d'oeuvres attribués à Léonard de Vinci[140].
345
+
346
+ Ce classement est fait selon les tendances générales des experts. La difficulté étant que les travaux « d'atelier » ne sont signés que par le propriétaire de cet atelier et qu'il manque d'œuvres de références pour Vinci, notamment dans la sculpture.
347
+
348
+ Francesco Melzi s‘efforça jusqu’à sa mort de reconstituer le Trattato della pittura projeté par Léonard de Vinci. Son manuscrit, un travail « très avancé, mais inachevé », selon André Chastel, est conservé à la Bibliothèque du Vatican sous la référence Codex Urbinas latinus 1270. La première édition du Tratatto della pittura, parue en 1651, en italien puis en français, est établie sur une copie du Codex Urbinas latinus 1270 que possédait Cassiano Dal Pozzo. L’édition de Guglielmo Manzi, parue en 1817, est la première établie directement sur le Codex Urbinas latinus 1270.
349
+
350
+ La relation amoureuse entre Léonard et Salai, le rôle de ce dernier comme modèle de la Joconde se retrouve dans les bandes dessinées :
351
+
352
+ Dans sa série en deux parties S.H.I.E.L.D. entre 2010 et 2018, Jonathan Hickman scénarise un Léonard De Vinci au sein d'une structure secrète protégeant l'humanité contre toute sorte de fléaux depuis des siècles. Cette Confrérie du Bouclier donnera naissance au SHIELD dans les aventures des héros Marvel. Léonard y est opposé à Isaac Newton.
353
+
354
+ Dans la bande dessinée Le Guide ou le secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky)[143] de Bruno Bertin (Éd. P'tit Louis, 2012), un ouvrier qui travaille dans une chambre du Clos Lucé découvre une petite boite de métal dans un mur. Des enfants qui se rendent en Touraine pour faire un exposé tombent sur cette boîte... L'histoire, qui se déroule à Amboise, au château d'Amboise et au Château du Clos Lucé, sert de prétexte à la découverte de Léonard de Vinci, d'Amboise et de ses monuments historiques[144]. La bande dessinée est déclinée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P'tit Louis, 2013).
355
+
356
+ Des disques permettent de mettre en relation des compositions de la Renaissance avec la vie de Léonard de Vinci :
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+
358
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/33.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,158 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
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+
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+ Un acier est un alliage métallique constitué principalement de fer et de carbone (dans des proportions comprises entre 0,02 % et 2 % en masse pour le carbone)[1].
4
+
5
+ C’est essentiellement la teneur en carbone qui confère à l’alliage les propriétés de l'acier. Il existe d’autres alliages à base de fer qui ne sont pas des aciers, comme les fontes et les ferroalliages.
6
+
7
+ L’acier est élaboré pour résister à des sollicitations mécaniques ou chimiques ou une combinaison des deux.
8
+
9
+ Pour résister à ces sollicitations, des éléments chimiques peuvent être ajoutés à sa composition en plus du carbone. Ces éléments sont appelés éléments d’additions, les principaux sont le manganèse (Mn), le chrome (Cr), le nickel (Ni), le molybdène (Mo).
10
+
11
+ Les éléments chimiques présents dans l’acier peuvent être classés en trois catégories :
12
+
13
+ La teneur en carbone a une influence considérable (et assez complexe) sur les propriétés de l’acier : en dessous de 0,008 %, l’alliage est plutôt malléable et on parle de « fer » ; au-delà de 2,1 %[4], on entre dans le domaine de l'eutectique fer/carbure de fer ou bien fer/graphite, ce qui modifie profondément la température de fusion et les propriétés mécaniques de l'alliage, et l'on parle de fonte.
14
+
15
+ Entre ces deux valeurs, l’augmentation de la teneur en carbone a tendance à améliorer la dureté de l’alliage et à diminuer son allongement à la rupture ; on parle d’aciers « doux, mi-doux, mi-durs, durs ou extra-durs » selon la « classification traditionnelle ».
16
+
17
+ Dans les manuels de métallurgie un peu anciens, on peut trouver comme définition de l'acier un alliage fer-carbone où le carbone varie de 0,2 à 1,7 % ; la limite actuelle a été établie à partir du diagramme binaire fer/carbone. Toutefois, il y a des aciers avec des concentrations de carbone supérieures à ces limites (acier lédéburitiques), obtenus par frittage.
18
+
19
+ On modifie également les propriétés des aciers en ajoutant d’autres éléments, principalement métalliques, et on parle d’aciers « alliés ». On peut encore améliorer grandement leurs caractéristiques par des traitements thermiques (notamment les trempes ou la cémentation) prenant en surface ou à cœur de la matière ; on parle alors d’aciers « traités ».
20
+
21
+ Outre ces diverses potentialités, et comparativement aux autres alliages métalliques, l’intérêt majeur des aciers réside d’une part dans le cumul de valeurs élevées dans les propriétés mécaniques fondamentales :
22
+
23
+ D’autre part, leur coût d’élaboration reste relativement modéré, car le minerai de fer est abondant sur terre (environ 5 % de l’écorce) et sa réduction assez simple (par addition de carbone à haute température). Enfin les aciers sont pratiquement entièrement recyclables grâce à la filière ferraille.
24
+
25
+ On peut néanmoins leur reconnaître quelques inconvénients, notamment leur mauvaise résistance à la corrosion à laquelle on peut toutefois remédier, soit par divers traitements de surface (peinture, brunissage, zingage, galvanisation à chaud, etc.), soit par l’utilisation de nuances d’acier dites « inoxydables ». Par ailleurs, les aciers sont difficilement moulables, donc peu recommandés pour les pièces volumineuses de formes complexes (bâtis de machines, par exemple). On leur préfère alors des fontes. Enfin, lorsque leur grande masse volumique est pénalisante (dans le secteur aéronautique par exemple), on se tourne vers des matériaux plus légers (alliages à base d’aluminium, titane, composites, etc.), qui ont l’inconvénient d’être plus chers.
26
+
27
+ Lorsque le prix est un critère de choix important, les aciers restent privilégiés dans presque tous les domaines d’application technique : équipements publics (ponts et chaussées, signalisation), industrie chimique, pétrochimique, pharmaceutique et nucléaire (équipements sous pression, équipements soumis à l’action de la flamme, capacités de stockage, récipients divers), agroalimentaire (conditionnement et stockage), bâtiment (armatures, charpentes, ferronnerie, quincaillerie), industrie mécanique et thermique (moteurs, turbines, compresseurs), automobile (carrosserie, équipements), ferroviaire, aéronautique et aérospatial, construction navale, médical (instruments, appareils et prothèses), composants mécaniques (visserie, ressorts, câbles, roulements, engrenages), outillage de frappe (marteaux, burins, matrices) et de coupe (fraises, forets, porte-plaquette), mobilier, design et équipements électroménagers, etc.
28
+
29
+ L’Âge du fer se caractérise par l’adaptation du bas fourneau à la réduction du fer[5],[6],[n 2]. Ce bas fourneau produit une loupe, un mélange hétérogène de fer, d’acier et de laitier, dont les meilleurs morceaux doivent être sélectionnés, puis cinglés pour en chasser le laitier[7].
30
+
31
+ En poussant le vent, on attise la combustion et la température de fusion du métal est atteinte. On extrait le métal par vidange du creuset : c’est la production au haut fourneau. On obtient alors de la fonte, le fer liquide se chargeant de carbone au contact du charbon de bois. En effet, deux phénomènes complémentaires se déroulent dans le creuset du haut fourneau : le fer se charge de carbone lorsqu’il arrive au contact du charbon de bois, ce qui abaisse son point de fusion. Puis ce métal fondu continue à s’enrichir en carbone, en dissolvant le charbon de bois[n 3]. Les premières coulées de fonte ont été réalisées par les Chinois durant la période des Royaumes combattants (entre -453 et -221)[8]. Ceux-ci savent aussi brûler le carbone de la fonte, en le faisant réagir avec de l’air, pour obtenir de l’acier. Il s’agit du procédé indirect, car l’élaboration de l’acier se fait après l’obtention de la fonte[9],[10]. En Europe et en Asie, durant l’Antiquité, on produisait également de l’acier en recarburant le fer avec des gaz de combustion et du charbon de bois (acier de cémentation).
32
+
33
+ Réaumur, en réalisant de très nombreuses expériences et en publiant les résultats de ses observations en 1722, fonde la sidérurgie moderne : il est le premier à théoriser le fait que l’acier est un état intermédiaire entre la fonte et le fer pur, mais les connaissances du temps ne lui permettent pas d’être scientifiquement précis[11]. Il faut attendre 1786 pour que la métallurgie devienne scientifique : cette année-là, trois savants français de l’école de Lavoisier, Berthollet, Monge et Vandermonde[12] présentent devant l’Académie royale des sciences un Mémoire sur le fer[13] dans lequel ils définissent les trois types de produits ferreux : le fer, la fonte et l’acier. L’acier est alors obtenu à partir du fer, lui-même produit par affinage de la fonte issue du haut fourneau. L’acier est plus tenace que le fer et moins fragile que la fonte, mais chaque transformation intermédiaire pour l’obtenir augmente son coût.
34
+
35
+ La révolution industrielle apparait grâce à la mise au point de nouvelles méthodes de fabrication et conversion de la fonte en acier. En 1856, le procédé Bessemer est capable d’élaborer directement l’acier à partir de la fonte. Son amélioration par Thomas et Gilchrist permet sa généralisation[14],[15]. Ces découvertes mènent à la fabrication en masse d’un acier de qualité (pour l’époque). Enfin, vers la seconde moitié du XIXe siècle, Dmitri Tchernov découvre les transformations polymorphes de l’acier et établit le diagramme binaire fer/carbone, faisant passer la métallurgie de l’état d’artisanat à celui de science.
36
+
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+ On distingue plusieurs types d’aciers selon le pourcentage massique de carbone qu’ils contiennent :
38
+
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+ La limite de 2,11 % correspond à la zone d’influence de l’eutectique (lédéburite) ; il existe toutefois des aciers lédéburitiques.
40
+
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+ La structure cristalline des aciers à l’équilibre thermodynamique dépend de leur concentration (essentiellement en carbone mais aussi d’autres éléments d’alliage), et de la température. On peut aussi avoir des structures hors équilibre (par exemple dans le cas d’une trempe).
42
+
43
+ La structure du fer pur dépend de la température :
44
+
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+ La structure du fer + carbone évolue d’une façon plus complexe en fonction de la température et de la teneur en carbone. Les règles diffèrent selon que l’on est hors de la « zone d’influence » de l’eutectoïde (entre 0 % et 0,022 %), entre 0,022 % et 0,77 % (hypoeutectoïde) ou entre 0,77 % et 2,11 % (hypereutectoïde ; au-delà, il s’agit de fonte). Voir l’étude du diagramme fer-carbone.
46
+
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+ D’une manière simplifiée, pour un carbone compris entre 0,022 % et 2,11 % :
48
+
49
+ Les aciers non alliés (au carbone) peuvent contenir jusqu’à 2,11 % en masse de carbone. Certains aciers alliés peuvent contenir plus de carbone par l’ajout d’éléments dits « gammagènes ».
50
+
51
+ Les différentes phases de l’acier :
52
+
53
+ Le carbone a une importance primordiale car c’est lui qui, associé au fer, confère à l’alliage le nom d’acier. Son influence sur les propriétés mécaniques de l'acier est prépondérante. Par exemple, en ce qui concerne l'amélioration de la propriété de dureté, l’addition de carbone est trente fois plus efficace que l'addition de manganèse.
54
+
55
+ L’aluminium : excellent désoxydant. Associé à l’oxygène, réduit la croissance du grain en phase austénitique. Au-delà d'un certain seuil, il peut rendre l’acier inapte à la galvanisation à chaud.
56
+
57
+ Le chrome : c’est l’élément d’addition qui confère à l’acier la propriété de résistance mécanique à chaud et à l’oxydation (aciers réfractaires). Il joue aussi un rôle déterminant dans la résistance à la corrosion lorsqu’il est présent à une teneur de plus de 12 à 13 % (selon la teneur en carbone). Additionné de 0,5 % à 9 % il augmente la trempabilité et la conservation des propriétés mécaniques aux températures supérieures à l’ambiante (famille des aciers alliés au chrome). Il a un rôle alphagène.
58
+
59
+ Le cobalt : utilisé dans de nombreux alliages magnétiques. Provoque une résistance à l’adoucissement lors du revenu.
60
+
61
+ Le manganèse : forme des sulfures qui améliorent l’usinabilité. Augmente modérément la trempabilité.
62
+
63
+ Le molybdène : augmente la température de surchauffe, la résistance à haute température et la résistance au fluage. Augmente la trempabilité.
64
+
65
+ Le nickel : rend austénitiques (rôle gammagène) les aciers à forte teneur en chrome. Sert à produire des aciers de trempabilité modérée ou élevée (selon les autres éléments présents), à basse température d’austénitisation et à ténacité élevée après traitement de revenu. C’est l’élément d’alliage par excellence pour l’élaboration des aciers ductiles à basses températures (acier à 9 % Ni pour la construction des réservoirs cryogéniques, acier à 36 % Ni dit « Invar » pour la construction des cuves de méthaniers et des instruments de mesure de précision).
66
+
67
+ Le niobium : même avantage que le titane mais beaucoup moins volatil. Dans le domaine du soudage il le remplace donc dans les métaux d’apport.
68
+
69
+ Le phosphore : augmente fortement la trempabilité. Augmente la résistance à la corrosion. Peut contribuer à la fragilité de revenu.
70
+
71
+ Le silicium : favorise l’orientation cristalline requise pour la fabrication d’un acier magnétique, augmente la résistivité électrique. Améliore la résistance à l’oxydation de certains aciers réfractaires. Utilisé comme élément désoxydant.
72
+
73
+ Le titane : pouvoir carburigène élevé (comme le niobium) et réduit donc la dureté de la martensite. Capture le carbone en solution à haute température et, de ce fait, réduit le risque de corrosion intergranulaire des aciers inoxydables (TiC se forme avant Cr23C6 et évite donc l’appauvrissement en chrome au joint de grain).
74
+
75
+ Le tungstène : améliore la dureté à haute température des aciers trempés revenus. Fonctions sensiblement identiques à celles du molybdène.
76
+
77
+ Le vanadium : augmente la trempabilité. Élève la température de surchauffe. Provoque une résistance à l’adoucissement par revenu (effet de durcissement secondaire marqué).
78
+
79
+ Lors du refroidissement d’un lingot, l’acier se solidifie à l’état austénitique. Au cours du refroidissement, à 727 °C, l’austénite se décompose, soit en ferrite + perlite, soit en perlite + cémentite. La vitesse de refroidissement ainsi que les éléments d’alliage ont une importance capitale sur la structure obtenue, et donc sur les propriétés de l’acier. En effet :
80
+
81
+ De manière générale :
82
+
83
+ Certains éléments chimiques peuvent « piéger » le carbone pour former des carbures (par exemple le titane ou l’aluminium). Ils empêchent ainsi la formation de cémentite.
84
+
85
+ On peut modifier la structure de l’acier par des traitements thermomécaniques :
86
+
87
+ La métallurgie des poudres consiste à compacter de la poudre d’acier et de la chauffer en dessous de la température de fusion, mais suffisamment pour que les grains se « soudent » (frittage). Cela permet de maîtriser la structure de l’acier et son état de surface (en particulier pas de retrait ni de retassure), mais introduit de la porosité.
88
+
89
+ Il existe des aciers faiblement alliés, à faible teneur en carbone, et au contraire des aciers contenant beaucoup d’éléments d’alliage (par exemple, un acier inoxydable typique contient 8 % de nickel et 18 % de chrome en masse).
90
+
91
+ Chaque pays a son mode de désignation des aciers. Le schéma ci-contre indique la désignation européenne selon les normes EN 10027-1[16] et -2[17]. Cette norme distingue quatre catégories :
92
+
93
+ Ils sont destinés à la construction soudée, à l’usinage, au pliage, etc. On distingue :
94
+
95
+ La désignation de ces aciers comprend la lettre indiquant le type d’usage, suivie de la valeur de la limite élastique minimale (Re) exprimée en mégapascals (MPa). À noter qu’il s’agit de la valeur à faible épaisseur, les résistances décroissant avec l’épaisseur.
96
+
97
+ S’il s’agit d’un acier moulé, la désignation est précédée de la lettre G. La désignation peut être complétée par des indications supplémentaires (pureté, application dédiée, etc.).
98
+
99
+ Exemples :
100
+
101
+ La teneur en manganèse est inférieure à 1 %, et aucun élément d'addition ne dépasse 5 % en masse. Leur composition est plus précise et plus pure et correspond à des usages définis à l’avance.
102
+
103
+ Leurs applications courantes sont les forets (perceuses), ressorts, arbres de transmission, matrices (moules), etc.
104
+
105
+ Leur désignation comprend la lettre C suivie de la teneur en carbone multipliée par 100.
106
+ S’il s’agit d’un acier moulé, on précède la désignation de la lettre G.
107
+
108
+ Exemples :
109
+
110
+ La teneur en manganèse est supérieure à 1 % et aucun élément d’addition ne doit dépasser 5 % en masse. Ils sont utilisés pour des applications nécessitant une haute résistance.
111
+
112
+ Exemples de désignation normalisée :
113
+
114
+ Au moins un élément d’addition dépasse les 5 % en masse, destinés à des usages bien spécifiques, on y trouve des aciers à outils, réfractaires, maraging (très haute résistance, utilisés dans l’aéronautique et pour la fabrication de coque de sous-marins), Hadfields (très grande résistance à l’usure), Invar (faible coefficient de dilatation).
115
+
116
+ Un exemple de désignation normalisée est « X2CrNi18-9 » (il s'agit d'un acier inoxydable).
117
+
118
+ Les aciers rapides spéciaux (ARS, ou high speed steels, HSS) font partie de cette famille.
119
+
120
+ Ces aciers présentent une grande résistance à la corrosion, à l’oxydation à chaud et au fluage (déformation irréversible). Ils sont essentiellement alliés au chrome, élément qui confère la propriété d’inoxydabilité, et au nickel, élément qui confère de bonnes propriétés mécaniques. Les aciers inoxydables sont classés en quatre familles : ferritique, austénitique, martensitique et austéno-ferritique. Les aciers inoxydables austénitiques sont les plus malléables et conservent cette propriété à très basse température (−200 °C).
121
+
122
+ Leurs applications sont multiples : chimie, nucléaire, alimentaire, mais aussi coutellerie et équipements ménagers. Ces aciers contiennent au moins 10,5 % de chrome et moins de 1,2 % de carbone.
123
+
124
+ Ces aciers sont conçus suivant les principes des composites : par des traitements thermiques et mécaniques, on parvient à enrichir localement la matière de certains éléments d’alliage. On obtient alors un mélange de phases dures et de phases ductiles, dont la combinaison permet l’obtention de meilleures caractéristiques mécaniques. On citera, par exemple :
125
+
126
+ L’acier est un alliage essentiellement composé de fer, sa densité varie donc autour de celle du fer (7,32 à 7,86), suivant sa composition chimique et ses traitements thermiques. La densité d’un acier inox austénitique est typiquement un peu supérieure à 8, en raison de la structure cristalline. Par exemple, la densité d’un acier inoxydable de type AISI 304[19] (X2CrNi18-10) est environ 8,02.
127
+
128
+ Les aciers ont un module de Young d’environ 200 GPa (200 milliards de pascals), indépendamment de leur composition. Les autres propriétés varient énormément en fonction de leur composition, du traitement thermomécanique et des traitements de surface auxquels ils ont été soumis.
129
+
130
+ Le coefficient de dilatation thermique de l'acier vaut 11,7×10-6 °C-1[20].
131
+
132
+ Le traitement thermomécanique est l’association :
133
+
134
+ Le traitement de surface consiste à modifier la composition chimique ou la structure d’une couche extérieure d’acier. Cela peut être :
135
+
136
+ Voir aussi l’article détaillé traitements anti-usure.
137
+
138
+ La soudabilité des aciers est inversement proportionnelle à la teneur en carbone. Toutes les nuances d’acier n’ont pas la même aptitude au soudage et affichent des degrés de soudabilité différents (voir l’article sur le soudage). Certains aciers sont d’ailleurs intrinsèquement non soudables. Pour qu’un acier soit soudable il est primordial que les aciéristes se préoccupent de la soudabilité des aciers qu’ils produisent dès l’élaboration dans le souci d’optimiser la mise en œuvre ultérieure.
139
+
140
+ À titre d’exemple, on signalera que le code ASME (American Society of Mechanical Engineers), dans son volume spécifique à la construction d’équipements sous pression, exige que l’attestation de conformité d’un acier utilisé ne serait-ce que comme pièce provisoire soudée à titre temporaire sur un ouvrage soumis au dit code mentionne sans ambiguïté la qualité d’« acier soudable ».
141
+
142
+ Sept facteurs au moins déterminent le coût de production d’un acier :
143
+
144
+ L’impact des six premières exigences peut avoir une incidence de quelques dizaines d’euros la tonne à plus de 50 % du prix de base (le prix de base étant le prix de l’acier standard conforme à la norme et sans aucune option), d’où l’importance, avant toute passation de commande, de consulter le vendeur ou l’aciériste (qu’on appelle aussi « forge » ou « fonderie ») sur la base d’une spécification technique d’achat rédigée en accord avec les exigences techniques contractuelles et/ou administratives. Le 7e point quant à lui n’a pas de limite rationnelle.
145
+
146
+ De nouveaux types d'aciers spéciaux pourraient être bioinspirés, par exemple en imitant le principe constructif de l'os. Ainsi en 2016-2017 des chercheurs ont produit un acier imitant l'os[21] (Au sein de l'os des fibres nanométriques de collagène forment une structure stratifiée, dont les couches sont orientées dans des directions différentes. Aux échelles millimétriques l'os a une structure en mie de pain organisée en Treillis (ensemble ordonné) qui le consolide en empêchant la propagation de fissures dans toutes les directions et à partir de n’importe quel point[21]. Des métallurgistes s'en sont inspirés pour produire un acier nanostructuré incluant des alliages différents (avec des duretés différentes) [21]. Pour s’y propager une fissure doit suivre un chemin complexe et vaincre de nombreuses résistances, car les nano-parties souples de l’assemblage absorbent l'énergie des contraintes, même répétées, pouvant même refermer les microfissures juste après leur apparition[21]. Des aciers légers (éventuellement "imprimés en 3D") deviennent envisageables pour créer des ponts, robots, engins spatiaux ou sous-marins ou véhicules terrestres ou des structures qu’on veut rendre plus résistants aux fissures ou plus exactement à la propagation de fissures risquant de conduire à une fracture de l’ensemble[21].
147
+
148
+ « Les alliages fer-carbone contenant plus de 2 % de carbone constituent les fontes. »
149
+
150
+ — Philibert et al. , Métallurgie du minerai au matériau (Dunod, 2002), p. 660
151
+
152
+ « Les fontes sont des alliages de fer et de carbone en quantité supérieure à 2 %. »
153
+
154
+ — Hazard et al. , Mémotech — Structures métalliques (Casteilla, 2000), p. 14
155
+
156
+ Cependant, les valeurs retenues varient selon les auteurs, entre 1,67 et 2,11 %, selon que l’on se base sur les teneurs habituellement utilisées par les fabricants ou les valeurs des diagrammes obtenus en laboratoire.
157
+
158
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/330.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,182 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Araignées
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+
3
+ Ordre
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+
5
+ Sous-ordres de rang inférieur
6
+
7
+ Les araignées ou Aranéides (ordre des Araneae de la classe des Arachnides, à laquelle il a donné son nom) sont des prédateurs invertébrés arthropodes. Comme tous les chélicérates, leur corps est divisé en deux tagmes, le prosome ou céphalothorax (partie antérieure dépourvue de mandibules et d'antennes, dotée de huit pattes) et l’opisthosome ou abdomen qui porte à l'arrière des filières. Elles sécrètent par ces appendices de la soie qui sert à produire le fil qui leur permet de se déplacer, de tisser leur toile ou des cocons emprisonnant leurs proies ou protégeant leurs œufs ou petits, voire de faire une réserve provisoire de sperme ou un dôme leur permettant de stocker de l’air sous l’eau douce. Contrairement aux insectes, elles ne disposent ni d'ailes ni d'antennes ni de pièces masticatrices dans la bouche. Elles possèdent en général six à huit yeux qui peuvent être simples ou multiples.
8
+
9
+ Parmi les 47 000 espèces connues que compte cet ordre en 2017, une seule est majoritairement herbivore, Bagheera kiplingi, et une seule immergée, Argyroneta aquatica.
10
+
11
+ L'ordre des Araneae est très homogène aux points de vue morphologique et anatomique, mais de biologie extrêmement variée, tant par les divers usages de la soie que par les modalités du comportement lors de prédation ou de la reproduction.
12
+
13
+ En tant que prédatrices, les araignées jouent un rôle majeur dans la régulation des populations d'insectes, et elles sont elles-mêmes régulées par des prédateurs souvent spécifiques (reptiles, oiseaux ou insectes de la famille des pompilidae). Elles se sont adaptées à presque tous les milieux, de cavernicoles à montagneux, des milieux arctiques à équatoriaux. Seuls les eaux salées, les très hautes altitudes et les milieux très froids n’ont pas été colonisés par les Araneae.
14
+
15
+ La branche de l'arachnologie qui leur est consacrée est l'aranéologie. La peur des araignées ou arachnophobie est une des phobies les plus communes.
16
+
17
+ À l'exception de celles appartenant à deux familles (les Uloboridae et les Holarchaeidae) et au groupe des Mesothelae (350 espèces en tout), les araignées peuvent inoculer un venin pour se protéger ou paralyser leurs proies en liquéfiant leurs organes internes au moyen d'enzymes.
18
+
19
+ Les morsures de grandes espèces sont souvent douloureuses mais ne laissent pas de séquelles. Seules 200 espèces connues infligent des morsures susceptibles d'affecter la santé de l'Homme.
20
+
21
+ L’anatomie de l'araignée est celle des Arthropodes Chélicérates : corps divisé en deux tagmes, le prosome ou céphalothorax (partie antérieure dépourvue de mandibules et d'antennes, recouverte par une carapace en bouclier) et l’opisthosome dont les deux premiers métamères sont modifiés en organe génital. Le prosome a une première paire d’appendices transformée en chélicères et une deuxième paire d’appendices transformée en pédipalpes. Le prosome et l'opisthosome sont séparés par un pédicelle, appelé aussi le pédicule.
22
+
23
+ L’anatomie de l'araignée est également celle des Arachnides : prosoma équipé de paires d'yeux simples et de six paires d’appendices chez l’adulte (chélicères, pédipalpes et quatre paires de pattes ambulatoires) ; réduction voire perte des appendices de l’opisthosome ; développement d’un système respiratoire aérien qui peut avoir la forme d’un système trachéen ou d’un système pulmonaire.
24
+
25
+ Mais les araignées ont des adaptations qui les distinguent des autres arachnides : le prosome et l’opisthosome sont articulés par le pédicule ; les sternites du prosome sont fusionnés au niveau ventral pour former un sternum ; la paire de chélicères biarticulés en crochets est parfois reliée à une glande à venin ; un bulbe copulateur est généralement présent sur le pédipalpe des mâles ; parmi les quatre paires de pattes locomotrices, les deux premières paires de pattes antérieures sont dites tractives et les deux paires postérieures sont dites pulsives ; l’opisthosome non segmenté est muni en position postérieure de glandes séricigènes qui produisent de la soie filée par une à six paires de filières, appendices spécialisés excréteurs. Il est également équipé d'un organe sexuel externe féminin spécialisé, l'épigyne (plaque chitineuse en position ventrale qui contient un crochet et un réceptacle séminal).
26
+
27
+ Le prosome assume au point de vue physiologique l'intégration neuro-sensorielle (vision généralement mauvaise, fonction tactile grâce à des mécanorécepteurs, odorat grâce aux chimiorécepteurs), la prise de nourriture, la locomotion grâce à quatre paires de pattes ambulatoires, une partie de l'activité sexuelle (pédipalpes, pièces buccales) et un rôle glandulaire phéromonal, surtout chez le mâle. L'opisthosome assume sur le plan physiologique des fonctions végétatives (digestion, circulation intérieure, respiration, excrétion, reproduction et fabrication de la soie).
28
+
29
+ Le nom d'araignée vient du mythe Arachné (en grec ancien Ἀράχνη / Arákhnê), qui se vantait de tisser mieux qu'Athéna. C'était vrai, Athéna furieuse détruisit son travail. Humiliée, Arachné alla se pendre. La déesse, prise de remords, décida d'offrir une seconde vie à Arachné : elle la changea en araignée suspendue à son fil, la condamnant à tisser sa toile pour l'éternité.
30
+
31
+ Les araignées (47 000 espèces connues en 2017[1] selon le World Spider Catalog[2] dont 7 000 recensées dans la région ouest-paléarctique — Europe et bassin méditerranéen[3] et 1 700 dans une cinquantaine de familles en France[4]) ont conquis presque tout le domaine terrestre émergé hors haute montagne et zones polaires, certaines étant même capables de vivre en grande partie dans des bulles qu'elles construisent sous l'eau (en eau douce exclusivement). Elles sont donc ubiquistes. Beaucoup ont développé un mimétisme les rendant discrètes voire presque indétectables dans leur habitat. D'autres ont des comportements sociaux très développés.
32
+
33
+ Elles sont plutôt a priori généralistes en termes de proies, mais spécialisées en termes d'habitat. Pour la plupart des araignées, les proies sont cependant exclusivement des insectes ou leur larves et parfois d'autres arachnides ou de petits crustacés terrestres (ex : cloportes..). Les araignées sont cannibales et n'hésitent pas à se nourrir d'autres araignées, qu'elles soient d'espèce différente ou même de leur propre espèce ou de leur propre fratrie.
34
+
35
+ Les araignées interagissent avec leur environnement et entre elles en adaptant, pour certaines espèces au moins, leurs stratégies de chasse ;
36
+ Par exemple, deux araignées sympatriques (occupant le même habitat forestier en Europe), Frontinellina frutetorum (CL Koch) et Neriene radiata (Walckenaer) (Araneae : Linyphiidae) vivent normalement à la même hauteur dans les arbres forestiers. Quand elles coexistent, ces deux espèces se montrent capables d'utiliser des hauteurs sensiblement différentes sur les arbres pour tisser leur toile. F. frutetorum sélectionne plutôt la strate plus élevée, alors que N. radiata tissera ses toiles, plus près du sol, ce qui permet aux deux espèces de limiter leur concurrence dans la même niche écologique. Cela laisse penser qu'une plus grande diversité d'espèces invite les araignées à exploiter une plus large partie de leur environnement.
37
+
38
+ Les populations d'araignées sont dans la nature contrôlées par divers prédateurs, dont :
39
+
40
+ Les araignées sont aussi victimes de maladies dues à des bactéries, virus, parasites (dont certains champignons parasites par exemple les Cordyceps[5],[6] ou champignons du genre Gibellula[7],[8]) qui peuvent les tuer[9] comme cela existe assez fréquemment aussi chez d'autres arthropodes[10], dont on découvre encore de nouvelles espèces[11].
41
+
42
+ Les espèces connues d'araignées sont prédatrices, à l'exception très marginale de quelques espèces très dérivées comme Bagheera kiplingi, araignée sud-américaine, qui se nourrit principalement de pousses d'acacia[12].
43
+ Carnassières, elles se nourrissent exclusivement de proies vivantes qu'elles chassent à l'aide de pièges (toile d'araignée, araignée gladiateur, araignées-lasso ou araignées Bolas (en)), à courre ou à l'affût. Pour ne pas perdre leur proies, la plupart des espèces l'enroulent de soie. Nombre d'espèces sont nocturnes ou plus actives la nuit. Elles se nourrissent principalement d'arthropodes, mais certaines grandes araignées chassent des vertébrés (les veuves noires, par exemple, peuvent piéger des petits lézards). Sur tous les continents sauf l'Antarctique, des espèces se nourrissent parfois de poissons[13]. La majorité des espèces sont des prédateurs généralistes et opportunistes. Quelques rares espèces ont une spécialisation alimentaire stricte : le genre Zodarion se nourrit exclusivement de fourmis ; les genres Zora, Ero et Mimetus sont cannibales[14].
44
+
45
+ Comme tous les arachnides, l'araignée n'absorbe que des liquides : elle doit donc lyser ses proies par digestion extra-orale ou exodigestion — c'est-à-dire les liquéfier au moyen d'enzymes digestives injectées par les chélicères — avant de pouvoir s'en nourrir[15].
46
+
47
+ Les araignées ont un rôle écologique capital en capturant chaque année 400 millions d'insectes par hectare (loin devant les oiseaux)[16] : cette estimation est basée sur les données relatives au spectre des proies de l'Argiope frelon qui peut capturer, durant toute sa vie (d'avril à novembre) jusqu'à 900 proies, principalement des pucerons ailés (30 %), des Diptères (26,8 %), des Sauterelles (17,9 %) et des Hyménoptères (12,6 %)[17]. Elles sont capables de consommer quotidiennement 10 à 20 % de leur poids[18]. En tout, les araignées consommeraient ainsi entre 400 et 800 millions de tonnes d'insectes par an[19], ce qui en fait très probablement le premier groupe de prédateurs au monde (70 millions de tonnes pour les oiseaux marins, entre 280 et 500 millions de tonnes pour les baleines, et 400 millions de tonnes pour l'humanité)[20]. Elles constituent donc le principal levier de contrôle des populations d'insectes, et jouent à ce titre un rôle stratégique pour l'agriculture et l'équilibre des écosystèmes.
48
+
49
+ Selon une étude en mars 2017, chaque année l'ensemble des araignées de la planète (qui rassemblées pèseraient le poids de 478 Titanics) capturent et mangent environ 400 à 800 millions de tonnes de proies ; c'est autant de "viande" que ce que mangent les humains voire deux fois plus dans l'estimation haute (les humains consomment environ 400 millions de t/an de viande et de poisson). Pour donner une autre référence : c'est aussi une à deux fois la biomasse totale de tous les humains peuplant la planète[21].
50
+
51
+ Si les araignées sont traditionnellement considérées comme des prédateurs à l’alimentation exclusivement carnivore, des études plus fines montrent que les ressources alimentaires d’origine végétale peuvent représenter un complément important (jusqu'à 25 % de leur régime alimentaire). Les araignées peuvent en effet absorber les particules d'aéroplancton (spores de champignons, grains de pollen) piégés par les toiles et qui sont ingérés au moment où elles récupèrent la soie des fils, pendant le recyclage normal de la toile ou lors de sa réparation[22]. De nombreuses familles d'araignées complémentent également leur alimentation par du nectar[23].
52
+
53
+ En conditions défavorables, elles sont capables de jeûner pendant des mois, voire près d'une année[24].
54
+
55
+ Les soins parentaux sont assurés par les femelles, parfois par les deux parents ou par les mâles[25] : transport des œufs, protection de la progéniture, alimentation (régurgitation, ponte d'œufs stériles, sorte d'« allaitement » chez Toxeus magnus[26]).
56
+
57
+ Les glandes séricigènes produisent de la soie filée par de petites protubérances articulées (les filières), le plus souvent au nombre de 6, situées sur la face ventrale plus ou moins à l'extrémité de l'abdomen. La soie est liquide dans les glandes, mais se solidifie en fibrilles une fois sortie par les fusules, sous l'effet de la traction exercée par les pattes de l'animal et au contact de l'air. Le fil de soie est en fait constitué par un entrelacement d'un nombre élevé de fibrilles élémentaires, de 0,05 µm de diamètre chacun. Le diamètre du fil de soie varie entre 25 et 70 µm (à diamètre équivalent, ces fils sont réputés plus résistants que l'acier et possèdent une mémoire de forme 5 à 12 fois plus grande que le latex).
58
+
59
+ Les araignées produisent plusieurs types de soies en fonction de l'usage qu'elles vont en faire. La soie collante n'est qu'un des types existants.
60
+
61
+ Principaux usages de la soie :
62
+
63
+ On considère que l'usage initial de la soie était la fabrication du cocon pour protéger les œufs, car les araignées considérées comme « primitives » ne tissent pas de toile.
64
+
65
+ Plus de la moitié des espèces ne construisent pas de toile. D'ailleurs, la tendance évolutive de la stratégie de chasse chez les araignées est d'abandonner la chasse à l'aide de ce piège au profit de la chasse à courre ou à l'affût[28]. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet abandon : la prédation par les toiles exerce de fortes pressions sélectives sur les populations de proies qui développent une « course aux armes » (écailles des lépidoptères qui restent collées à la toile alors que les papillons peuvent se dégager) ; les araignées tisseuses de toiles sont elles-mêmes plus vulnérables aux prédateurs spécialisés (guêpes arachnophages du genre Sceliphron, araignées cannibales de la famille des Mimetidae, oiseaux, lézards ou petits mammifères)[29].
66
+
67
+ La plupart des espèces d'araignées possèdent des glandes à venin[30].
68
+
69
+ L'envenimation humaine après une morsure d'araignée, appelée aranéisme, cause des troubles provoqués par des arachnotoxines. Des quelque 42 000 espèces décrites, seules 200 espèces de 20 genres différents peuvent provoquer une réaction épidermique chez l'homme (depuis de simples boutons[31] jusqu'aux dermonécroses) et une vingtaine présente un danger pour les êtres humains[32]. Les morsures d'araignées sont rares chez l'homme, soit parce que les araignées sont trop petites pour pouvoir percer la peau humaine[33], soit parce qu'elles n'ont pas de comportement agressif, la morsure étant une attitude de défense utilisée qu'en dernier recours[34]. Enfin, la rencontre physique avec ces animaux est rare[35].
70
+
71
+ Des espèces appartenant aux mygalomorphes possèdent des poils urticants sur l'abdomen.
72
+
73
+ Parmi les espèces potentiellement dangereuses, citons certaines veuves noires, l’Atrax robustus présent en Australie, et les "araignées-bananes" du genre Phoneutria au Brésil. Une dizaine de morts attribuées aux araignées sont recensées annuellement, et encore les causes ne sont pas dues uniquement à l'envenimation mais aussi aux surinfections[36]. Dans ces rares cas, toutefois, la preuve qu'il s'agit bien d'une morsure d'araignée est souvent absente[37].
74
+
75
+ Les araignées possèdent deux chélicères à l'avant du corps qui encadrent la bouche : ce sont ces appendices qui injectent du venin. Elles sont constituées d'un gros stipe et d'un crochet mobile au bout duquel débouche le canal à venin. Ces chélicères peuvent aussi servir à transporter des proies, à les dilacérer, à transporter le cocon ovigère, etc.
76
+
77
+ Le venin peut être composé de nombreuses toxines nécrotiques (genre Loxosceles) ou neurotoxines. Parmi ces dernières, signalons celles de type polyamine agissant sur le système nerveux central, en particulier en inhibant la fonction des canaux NMDA. Il existe beaucoup de molécules décrites provenant de venin d'araignée. Leur étude a permis le développement de plusieurs molécules d'intérêt clinique. Elles donnent aussi quelques outils de choix dans des recherches plus fondamentales. Des centaines, voire des milliers de publications scientifiques traitent des nombreuses toxines isolées du venin des araignées et l'énoncé des propriétés spécifiques à chacune dépasse largement le cadre d'une encyclopédie.
78
+
79
+ Comme chez tous les arthropodes, la croissance se fait par mues successives de l'exosquelette. Selon les espèces, il y a de 8 à 13 mues pour atteindre l'état adulte. Les mygales continuent de muer à peu près une fois par an après avoir atteint l'âge adulte.
80
+
81
+ Le dimorphisme sexuel des araignées est généralement faible, les femelles se distinguant par une taille supérieure et un abdomen plus gros. Les mâles adultes se reconnaissent, en plus de leur petite taille, à leurs pédipalpes qui portent à leur extrémité un organe de stockage de sperme appelé bulbe copulatoire.
82
+ La différence de taille est parfois spectaculaire, comme chez les néphiles où il est difficile de croire qu'il s'agit de la même espèce.
83
+
84
+ Les araignées sont ovipares : elles pondent des œufs, qui sont emballés dans un cocon de soie. En fonction de la taille de l'espèce, le nombre d'œufs varie de un à plusieurs milliers. Si certaines espèces abandonnent le cocon, d'autres le transportent accroché aux filières ou maintenu par les chélicères. Chez ces dernières espèces, dès leur éclosion, les jeunes montent sur le dos de leur mère qui les protège et les nourrit jusqu'à ce qu'ils soient capables de se défendre.
85
+
86
+ Beaucoup d'espèces ont une parade nuptiale élaborée consistant surtout pour le mâle à se faire distinguer d'une proie pour éviter d'être dévoré par la femelle. Il développe plusieurs stratégies de survie pour lutter contre ce cannibalisme sexuel : il peut attacher les pattes de sa femelle avant l'accouplement ou lui apporter directement un cadeau comestible[38]. Le cannibalisme nuptial après l'accouplement fournit un complément nutritif à la femelle qui augmente sa fécondité (cas de la veuve noire Latrodectus mactans, de l'épeire Araneus diadematus). Ce cannibalisme sexuel serait un mécanisme adaptatif visant à favoriser la reproduction en augmentant la durée de l'accouplement[39].
87
+
88
+ Le mâle tisse une toile spermatique sur laquelle il dépose son sperme, qu'il aspire ensuite dans ses bulbes copulateurs.
89
+
90
+ Les araignées sont réputées pour leur vie solitaire. Cependant, une trentaine d'espèces présentent une « vie sociale » élaborée[40]. Ces espèces dont Agelena consociata ou Anelosimus eximius sont généralement localisées dans des régions tropicales. Les colonies peuvent inclure des dizaines voire des centaines d'individus de tous âges et présentent une organisation sociale sophistiquée incluant la construction collective d'un piège soyeux pouvant atteindre un volume de plusieurs m³, la coopération dans la chasse et les soins aux jeunes. La communication entre les individus est phéromonale mais également basée sur les vibrations de la toile, qui permettent de transmettre rapidement des informations au groupe[41]. À la différence des insectes eusociaux (fourmis, certaines espèces d'abeilles), les araignées sociales ne présentent pas de division du travail reproductif. Toutes les espèces d'araignées solitaires présentent néanmoins une phase grégaire temporaire suite de l'émergence du cocon des juvéniles. À l'issue de cette phase grégaire, dont la durée est variable selon les espèces, les araignées se dispersent pour mener une vie solitaire[40].
91
+
92
+ Les consommateurs occasionnels des araignées sont des prédateurs qui, entre autres proies, se nourrissent d'araignées à tous les stades de développement. On compte les Arachnides et surtout les araignées[42], mais également des oiseaux[43], des reptiles comme le lézard vivipare pour lequel les araignées occupent une très forte proportion dans son alimentation[44], ou encore de micro-mammifères telle la musaraigne qui peut limiter sensiblement des populations d'araignées[45]. Des acariens ont été mentionnés détruisant des œufs d'araignée dans certaines conditions[46]. Les insectes[47] occupent une place privilégiée en tant que consommateurs spécialisés d'araignées, que ce soit comme consommateurs d’œufs, endoparasites ou ectoparasites[48]. Les insectes qui recherchent les cocons d'araignées pour y déposer leur ponte sont les plus abondants, tel le Tromatobia ornata en liaison avec les caractéristiques des cocons d'Argiope bruennichi qu'il infeste[49].
93
+
94
+ Bien que les araignées soient rarement bien préservées dans les couches fossiles du fait de leur fragilité et d'un corps mou (ce qui explique que les sources les plus fréquentes proviennent d'inclusions dans l'ambre), les arachnologues ont identifié parmi tous les fossiles examinés près de 1 000 espèces différentes[50].
95
+
96
+ Le plus ancien fossile d'Arachnide connu, découvert en 1987, est l'espèce Attercopus fimbriunguis datant de 386 millions d'années (période du Dévonien), soit 100 millions d'années avant les dinosaures et juste une dizaine de millions d'années après la sortie des eaux des Arthropodes au Silurien[51]. Possédant une mâchoire pourvue de crochets sur lesquels se trouvent des canaux à poison et les plus vieux organes producteurs de soie connus, ce fossile a depuis fait l'objet d'une réinterprétation qui le place désormais dans un genre éteint d'arachnide. La soie débouche en effet au niveau de simples conduits sur la face ventrale de l'abdomen et non sur des appendices pluriarticulés, les filières, organes éminemment caractéristiques des Araignées[52]. Les plus anciens fossiles d'araignées à ce jour appartiennent au sous-ordre des Mesothelae, avec notamment l'espèce Paleothele montceauensis qui date de 299 million d'années (période du carbonifère inférieur)[53]. À partir du Trias, la diversification des Aranae est rapide et, au Crétacé, les principales familles actuelles sont déjà présentes[54].
97
+
98
+ Les études génomiques et biomoléculaires complètes sont encore rares, mais de nombreux travaux ont porté sur les gènes et les protéines d'araignées, qui aideront à éclairer leur biologie des araignées. Ces travaux montrent des chemins évolutifs complexes qui ont permis de développer une grande variété de comportements, de soies et de venins[55]. En 2017, trois génomes complets ont été séquencés (Nephila, une araignée sociale africaine de la famille des Eresidae et une araignée domestique commune[55].
99
+
100
+ L'ordre des Araneae se subdivise aujourd'hui en deux sous-ordres : le sous-ordre des Mesothelae (0,2 % des espèces décrites), dont les membres sont des espèces primitives de l'Asie, présentes dès le Carbonifère ; et le sous-ordre des Opisthothelae présent dès le Trias, qui est constitué des infra-ordres des Araneomorphae (les espèces modernes, 93,4 % des espèces d'araignées décrites à ce jour) et des Mygalomorphae (mygales, 6,4 % des espèces décrites)[56].
101
+
102
+ Certaines araignées fréquentent les milieux humides. L'Argyroneta est inféodée au milieu aquatique. Des membres de la famille des Pisauridae, notamment ceux du genre Dolomedes, vivent au bord des cours d'eau, sur les plantes aquatiques et chassent leurs proies dans le milieu liquide. Des araignées marines vivent dans la zone de balancement des marées et sont régulièrement immergées à marée haute (Mygales tropicales de la famille des Barychelidae, représentants de la famille des Amaurobioidae[57] et des Desidae[58]). D'autres sont capables de coloniser de hauts glaciers d'altitude, telle l’Euophrys omnisuperstes découverte à 6 700 m d'altitude dans le massif de l'Everest[59].
103
+
104
+ Les 47 000 espèces d'araignées recensées à ce jour sont diverses : de 10 cm chez certaines mygales à 0,2 mm chez les plus petites (araignée Patu marplesi)[60].
105
+
106
+ Heteropoda maxima est la plus grande araignée connue à ce jour, avec une envergure pattes étalées de 25 à 30 cm pour un corps de 46 mm au maximum[61].
107
+
108
+ La Tégénaire géante détient le record de vitesse de déplacement dans le Livre Guinness des records, cette espèce pouvant parcourir 0,53 mètre par seconde[62].
109
+
110
+ Pour les Araignées, les densités observées varient en moyenne de 20 à 120 individus par m2 selon les types d'agrosystèmes[63]. Elles peuvent atteindre plus de 800 individus au m2 dans les prairies les plus fertiles[64].
111
+
112
+ Il y aurait 117 familles d'Arachnea selon le World Spider Catalog[65].
113
+
114
+ Quelques familles et regroupements importants :
115
+
116
+ Araignée-loup et son Cephalothorax (vue de face)
117
+
118
+ Pisaura mirabilis
119
+
120
+ Pisaura mirabilis ou Pisaure admirable.
121
+
122
+ Araneus diadematus
123
+
124
+ Araneus marmoreus
125
+
126
+ Argiope
127
+
128
+ Selon les cultures, les araignées sont perçues avec crainte, méfiance ou respect. Les toiles que tissent de nombreuses espèces a inspiré des légendes. Quelques espèces d'araignées se sont adaptées à la présence humaine et sont devenues synanthropes (tégénaires, pholques, zygielle des fenêtres). Une espèce est consommée au Cambodge.
129
+
130
+ Malgré la crainte qu'elles provoquent chez certaines personnes, les araignées ne représentent pas une menace sérieuse pour l'Homme : selon la spécialiste Christine Rollard, professeure au Muséum National d'Histoire Naturelle, « Pour les araignées, nous ne sommes pas des proies : nous ne sommes rien ! », et celles-ci n'ont aucune raison de s'attaquer gratuitement à un être humain, car leur venin est précieux et représente leur seul moyen de défense comme d'alimentation, et ne doit donc pas être gaspillé. Ainsi, une grande partie des « morsures d'araignées » signalées sont en réalité dues à d'autres animaux, et les morsures de défense (par exemple si l'animal est saisi et se sent menacé) se font souvent sans injection de venin, par économie. Toujours selon Christine Rollard, « quand bien même elles en injecteraient, celui-ci est très peu actif sur les gros mammifères que nous sommes. Aucune araignée n’est mortelle pour l’Homme. »[66]. La morsure de quelques espèces est potentiellement dangereuse à cause de l'envenimation, mais surtout à cause des réactions inflammatoires et des surinfections[67].
131
+
132
+ Depuis au moins quatre mille ans, l'araignée est utilisée comme symbole dans de nombreuses civilisations, soit comme prédatrice (on la retrouve dans de nombreux films d'épouvante), soit en raison de sa toile étonnamment régulière, fragile[68] et évoquant la fragilité de nos certitudes et des apparences trompeuses[69], régulièrement reconstruite (1 à 2 fois par jour pour certaines espèces), mais si bien adaptée au piégeage des insectes, soit en raison du fil qu'elle tisse, qui évoque celui des Parques. L'araignée (ou sa toile) est présente dans certains décors, et dans divers mythes fondateurs en tant que démiurge, créatrice cosmique. Connue sous le nom de « Anansi » en Afrique de l'Ouest, elle est présentée comme ayant préparé le matériau qui a produit les premiers hommes. Créatrice du Soleil rayonnant, de la Lune et des étoiles, elle aurait aussi apporté les céréales et la houe aux hommes. Au Mali, une légende raconte que déguisée en oiseau, elle régule le temps et initie la rosée (Tegh 56). En Inde, les Upanishad voient un symbole de liberté dans l'araignée qui peut descendre, mais surtout s'élever le long du fil qu'elle crée selon ses besoins ; le fil équivalent du yogi étant la syllabe « Om̐ » qui doit lui permettre de s'élever jusqu'à la révélation et à la libération[70].
133
+
134
+ Au Cameroun, les Bamouns pensaient autrefois que la mygale pouvait déchiffrer l'avenir. Le Ngaame (un des noms de la mygale) est lié au destin des hommes qu'il peut lire et traduire. On place des signes divinatoires au-dessus du trou d'une mygale et on interprète leur position après que celle-ci les a déplacés la nuit[71].
135
+ Certains initiés Bambara ont le droit d'être appelés araignées, pour avoir atteint un niveau de vie intérieure et d'intuition réalisatrice très élevés[72].
136
+
137
+ Les Incas du Pérou utilisaient aussi l'araignée pour la divination (une araignée qui n'a pas au moins une patte pliée lorsqu'on soulève le pot sous lequel elle était maintenue prisonnière était un mauvais présage). Les Muisca lui attribuaient le pouvoir, sur un bateau en toile d'araignée, de transporter les âmes sur le fleuve des âmes des morts, et pour les Aztèques, elle symbolisait le dieu des enfers[73].
138
+ Elle est un symbole parfois très positif, tel que chez les peuples altaïques de Sibérie et d'Asie centrale où on pensait qu'elle était une âme libérée d'un corps, ou un animal psychopompe. Les peuples montagnards du Sud-Viêt Nam ne doivent pas tuer d'araignées, car c'est une âme échappée de personnes qui dorment. La tuer pourrait tuer le dormeur.
139
+
140
+ On la retrouve plus ambigüe dans le mythe d'Arachné en zone méditerranéenne ; Arachné était une belle jeune fille ayant défié les dieux, qui s'est suicidée après avoir été frappée par Athéna qui n'avait pas supporté la beauté de ses toiles, mais à laquelle Athéna a ensuite donné une seconde vie en la transformant en araignée[74].
141
+
142
+ En Micronésie, dans les îles Gilbert, le seigneur araignée est l'être initiateur de tous les autres[75].
143
+
144
+ Les Ashantis pensent que les hommes ont été créés par une araignée primordiale.
145
+ Des psychologues, sociologues, ethnologues et psychanalystes (Beaudoin par exemple) se sont intéressés au symbole que peut représenter l'araignée dans l'arachnophobie, l'araignée prédatrice, mais dont la vie ne tient qu'à un fil, certains y voyant aussi un symbole sexuel.
146
+
147
+ Le réseau de fils de la toile d’araignée (spiderweb) est à l’origine de l'utilisation du mot anglais Web, symbolisant le système d’interconnexion complexe de ce réseau.
148
+
149
+ À part dans certains films (notamment ceux qui parlent de Spider-Man), l'araignée est souvent utilisée pour la peur et l'épouvante qu'elle véhicule. Ainsi, elle est souvent associée à l'ennemi du héros, à un monstre angoissant ou un nuisible qu'il faut éradiquer.
150
+
151
+ Ainsi, Arachne, est un des monstres que doit combattre le héros de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Pour les raisons précitées, l'araignée est souvent utilisée dans des films d'épouvante. Un des films qui exploitent le mieux son caractère monstrueusement angoissant est Arachnophobie de Frank Marshall, avec Jeff Daniels, sorti en 1990. Plus ancien, le téléfilm américain La Malédiction de la veuve noire de Dan Curtis sorti en 1977 met en scène une histoire fantastique où, pendant la pleine lune, une femme présentant une marque rouge en forme de sablier sur l'abdomen (tout comme la veuve noire d'Amérique du Nord Latrodectus mactans) se transforme en araignée à taille humaine et tue ses victimes avant de les emmailloter dans sa toile et de les dévorer. Beaucoup plus ancien et improbable, Tarantula ! de Jack Arnold avec John Agar et Leo G. Carroll, sorti en 1955 met en scène une araignée géante qui effraie les populations à la façon de Godzilla. Ce film a la particularité d'incruster une véritable mygale agrandie par effet optique, ce qui donne un effet d'un réalisme saisissant pour l'époque. En 1957, L'Homme qui rétrécit met en scène un combat entre Grant Williams rétrécissant inexorablement face à une araignée. Enfin, le film d'auteur s'est également penché de façon métaphorique sur l'étrangeté de l'animal grâce à Spider de David Cronenberg en 2002. La même année, sortait le film d'horreur grand public Arac Attack, les monstres à huit pattes, teinté d'une dose d'humour. En 2014 sort en France le film Enemy, de Denis Villeneuve, où l'araignée possède une symbolique propre et permet de déchiffrer l'intrigue du film.
152
+
153
+ En bande dessinée, on évoquera l'album de Tintin, L'Étoile mystérieuse, qui joue à deux reprises sur la peur des araignées.
154
+
155
+ Plusieurs facteurs de menace s'additionnent :
156
+
157
+ Dans certains pays asiatiques, comme au Cambodge (à Skun), on mange des araignées grillées ou frites.[réf. nécessaire]
158
+
159
+ Une étude a porté sur les communautés arachnologiques de pommiers, en termes de stratégies de chasse, cycle biologique des espèces et localisation dans l'environnement (sol, tronc, branches…). Elle a mis en évidence des groupes fonctionnels complémentaires, ayant une incidence démontrée sur chaque type de proies consommées. Les araignées, si on considère leurs espèces séparément, sont des prédateurs relativement spécialisés.
160
+
161
+ Conserver ou restaurer une grande biodiversité arachnologique sur un site cultivé accroît les potentialités de trouver l'espèce adaptée à protéger l'agro-écosystème considéré aux différentes époques de l'année. En complément d'autres espèces insectivores (reptiles, amphibiens, hirondelles et autres oiseaux, chauves-souris et autres mammifères insectivores), les araignées peuvent être incluses dans les stratégies de lutte biologique contre les insectes dits nuisibles[77].
162
+
163
+ En Europe, le labour ou les pesticides dans les vergers ont fait régresser, ou localement disparaitre, les espèces de plus grande taille (Clubionidae et Philodromidae[78]), qui comme plusieurs dizaines d'autres espèces européennes hibernent dans les fentes ou anfractuosités de troncs d'arbres (à condition que l'écorce n'en soit pas lisse)[78]. En l'absence de vieux arbres à écorces rugueuses, Pekar recommande la pose de gîtes artificiels d'hivernage, faits de bandes de carton sur les troncs de jeunes arbres aux écorces encore lisses[78] pour faciliter l'hivernage de ces espèces (retrouvées dans des vergers abandonnés, mais éliminées des vergers commerciaux non bio)[78].
164
+
165
+ Les Araneae sont des prédateurs polyphages de nombreux invertébrés dont certains peuvent être considérés comme nuisibles pour l'agriculture. Il existe une étroite correspondance entre la richesse, l'architecture et l'âge de la végétation, et la composition de la communauté d'araignées associées, au point que pour plusieurs pays européens, des auteurs ont pu proposer des méthodes de classifications écologiques des habitats naturels uniquement fondées sur la diversité des araignées.
166
+
167
+ L'écologue, l'agriculteur ou l'arboriculteur peuvent les considérer comme des auxiliaires efficaces, mais aussi les utiliser comme des bioindicateurs de l'état général du milieu[79], dans le cadre de l'évaluation environnementale d'une parcelle (biodiagnostic) agricole ou d'un diagnostic agroenvironnemental[79].
168
+
169
+ Le taux de croissance ou le taux de reproduction observés dans les populations naturelles peut être corrélé avec la quantité de proies ingérées dans le domaine[79]. En outre, en zone tempérée européenne, une corrélation négative significative a été observée entre grosses araignées (Philodromidae) et petites espèces (Theridiidae, Dictynidae)[78]. Néanmoins, il ne semble pas y avoir de corrélation linéaire entre Philodromidae : Clubionidae, Clubionidae: Theridiidae, et Clubionidae: Dictynidae, ce qui laisse penser que les Clubionidae n'interagissent pas avec les autres espèces sur les sites d'hivernage où l'activité de prédation est de toute façon très limitée[78].
170
+
171
+ Les araignées semblent pouvoir aussi être utilisées dans la bioindication de pollutions de l'air et du sol par les pesticides, y compris dans les vergers, où près de 30 espèces peuvent hiverner sur les troncs (comptages faits en Tchéquie[78]). Les vergers commerciaux ont perdu leurs grosses araignées au profit de quelques petites espèces qui semblent plus « tolérantes » aux pesticides (ou qui sont apportées par le vent)[78].
172
+
173
+ Les araignées peuvent aussi renseigner sur la pollution par les métaux lourds[79] ou d'autres modifications anthropiques de l'environnement, ainsi que pour la gestion ou gestion restauratoire des agroécosystèmes[80].
174
+
175
+ Selon les espèces, la durée et les possibilités de recolonisation d'un champ (après un labour ou un traitement pesticides par exemple) ou d'un site particulier varient fortement. Certaines espèces se laissant porter par le vent ont un haut pouvoir de recolonisation, d'autres espèces sont peu mobiles[79]. La conservation ou restauration d'une trame verte et bleue incluant des bandes enherbées et du bocage sont nécessaires à la préservation d'une bonne biodiversité en araignées.
176
+
177
+ Les venins d'araignées ont été étudiés, notamment pour produire des sérums ou médicaments.
178
+ Le fil produit par certaines araignées est plus solide que l'acier, à épaisseur égale (il est utilisé pour fabriquer le réticule des télescopes). Le gène qui en contrôle la production a été isolé, et l'industrie biotechnologique tente de l'introduire par transgenèse dans le génome d'autres espèces pour en faire un OGM capable de produire un fil solide permettant par exemple de fabriquer des gilets pare-balles plus légers.
179
+
180
+ Le fil de l'araignée (plus solide et plus élastique que l'acier, à épaisseur égale) a inspiré des chercheurs en génie génétique qui cherchent à le valoriser pour des textiles spéciaux. Des espèces sont capables de se déplacer en sautant ou en se laissant porter par le vent ou en marchant sur l'eau, ou encore en se laissant rouler (dont une araignée du genre Cebrennus qui dans le Sahara utilise ses pattes de manière à accélérer ses roulades le long des pentes), ce qui inspire aussi certains chercheurs et auteurs de science-fiction pour de nouveaux modèles de robots ou véhicules[81].
181
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+ Léonard de Vinci (italien : Leonardo di ser Piero da Vinci écouter, dit Leonardo da Vinci[Note 2]), né le 15 avril 1452 à Vinci (Toscane) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), est un peintre italien[1],[2] et un homme d'esprit universel, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes[3], scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
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+ Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur florentin Andrea del Verrocchio. Ses premiers travaux importants sont réalisés au service du duc Ludovic Sforza à Milan. Il œuvre ensuite à Rome, Bologne et Venise et passe les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François Ier.
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+ Léonard de Vinci est souvent décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace »[Note 3], et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention[5]. Nombre d'auteurs et d'historiens le considèrent comme l'un des plus grands peintres de tous les temps et certains comme la personne la plus talentueuse dans le plus grand nombre de domaines différents ayant jamais vécu[Note 4],[Note 5].
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+ C'est d'abord comme peintre que Léonard de Vinci est reconnu. Deux de ses œuvres, La Joconde et La Cène, sont des peintures mondialement célèbres, souvent copiées et parodiées[5], et son dessin de l’Homme de Vitruve est également repris dans de nombreux travaux dérivés. Seule une quinzaine de tableaux sont parvenus jusqu'à nous[Note 6]. Ce petit nombre est dû à ses expérimentations constantes et parfois désastreuses de nouvelles techniques et à sa procrastination chronique[7]. Néanmoins, ces quelques œuvres, jointes à ses carnets contenant plus de 6 000 pages[8] de notes, dessins, documents scientifiques et réflexions sur la nature de la peinture (rassemblés en dix Codex publiés au XIXe siècle), sont un legs aux générations d'artistes qui lui ont succédé. Nombre de ces derniers le considèrent comme n'ayant été égalé que par Michel-Ange.
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+ Comme ingénieur et inventeur, Léonard développe des idées très en avance sur son temps, comme l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et même jusqu'à l'automobile. Très peu de ses projets sont réalisés ou même seulement réalisables de son vivant[Note 7], mais certaines de ses plus petites inventions comme une machine pour mesurer la limite élastique d'un câble entrent dans le monde de la manufacture[Note 8]. En tant que scientifique, Léonard de Vinci a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines de l'anatomie, du génie civil, de l'optique et de l'hydrodynamique.
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+ Léonard de Vinci est né le samedi 15 avril 1452 « à la troisième heure de la nuit », c'est-à-dire trois heures après l'Ave Maria, soit 22 h 30[9], d’une relation amoureuse illégitime entre Messer Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, chancelier et ambassadeur de la République florentine et descendant d’une riche famille de notables italiens, et une certaine Caterina, dans le petit village toscan d’Anchiano, à deux kilomètres de Vinci[Note 9], sur le territoire de Florence en Italie[10],[11]. Caterina serait, selon la tradition, fille de paysans pauvres. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-Orient[12]. Depuis lors, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux l'ont identifiée respectivement à une pauvre orpheline, Caterina di Meo Lippi, ou à Caterina di Antonio di Cambio, fille de petits cultivateurs[13].
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+ Léonard, ou plutôt Lionardo selon son nom de baptême[14], est baptisé puis passe ses cinq premières années chez sa mère à Anchiano. Il a cinq marraines et cinq parrains, tous habitant le village de Vinci[14], dont le nom provient de celui des « vinchi », plantes assimilables à des joncs, utilisées dans l'artisanat toscan et poussant près du ruisseau Vincio[14].
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+ À cette époque, les conventions d’appellation modernes ne se sont pas encore développées en Europe. Seules, les grandes familles font usage du nom de leur appartenance patronymique. L’homme du peuple est désigné par son prénom, auquel on adjoint toute précision utile : le nom du père, le lieu d’origine, un surnom, le nom du maître pour un artisan, etc. Par conséquent, le nom de l’artiste est Leonardo di ser Piero Da Vinci, ce qui signifie Leonardo, fils de maître Piero De Vinci ; néanmoins le « Da » porte une majuscule afin de distinguer qu'il s'agit d'un patronyme[14]. Léonard lui-même signe simplement ses travaux Leonardo ou Io, Leonardo (« Moi, Léonard »). La plupart des autorités rapportent donc ses travaux à Leonardo sans le da Vinci. Vraisemblablement, il n’emploie pas le nom de son père parce qu’il est un enfant illégitime.
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19
+ En 1457, il a cinq ans quand sa mère se marie avec Antonio di Piero Buti del Vacca da Vinci, un paysan de la ville, avec lequel elle aura cinq enfants[14]. Il est alors admis dans la maison de la famille de son père, du village de Vinci qui, entre-temps, a épousé une jeune fille d'une riche famille de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori[14]. Celle-ci, sans enfant, reporte toute son affection sur Léonard, mais elle meurt très jeune en couches, en 1464[14]. Considéré dès sa naissance comme un fils à part entière par son père[15], il ne fut cependant jamais légitimé. Son père se maria quatre fois et lui donna dix frères et deux sœurs légitimes venus après Léonard. Il aura de bons rapports avec la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, et laissera une note l'appelant « chère et douce mère »[14].
20
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21
+ Léonard est également élevé par son oncle Francesco qui joue un rôle important dans sa formation, et par son grand-père Antonio da Vinci qui lui apprend le don d'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !)[16].
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+ Livré à lui-même, il reçoit une éducation assez libre comme les autres villageois de son âge, apprend entre douze et quinze ans les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique dans une scuola d’abaco (école d'abaco) destinée aux fils de commerçants et artisans[17]. Non « lettré », il n'y étudie pas le grec et le latin (il n'apprendra imparfaitement ces deux langues que doivent maîtriser les savants et les lettrés qu'en autodidacte seulement à l'âge de 40 ans[18]), et une orthographe chaotique montre que cette instruction n'est pas sans lacunes ; en tout cas, il ne peut prétendre à des études universitaires[19].
24
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25
+ Sa grand-mère paternelle, Lucia di ser Piero di Zoso, céramiste et proche de Léonard, est peut-être la personne qui l'initia aux arts[14]. Un présage connu rapporte qu'un milan venu du ciel aurait fait un vol stationnaire au-dessus de son berceau, la queue de l'oiseau le touchant au visage[20],[21].
26
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27
+ Giorgio Vasari, le biographe du XVIe siècle des peintres de la Renaissance, raconte, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[22] (1568), l'histoire d'un paysan local qui demanda à ser (Signore) Piero[Note 10] que son talentueux fils peigne une image sur un bouclier de bois utilisé comme épouvantail, une rondache. Léonard, rassemblant différentes parties d'animaux qu'il observait attentivement lors de ses pérégrinations dans la campagne, peignit une image représentant un dragon crachant du feu, si réussie que ser Piero la vendit à un marchand d'art florentin, lui-même la revendant au duc de Milan. Entre-temps, après avoir réalisé un bénéfice, ser Piero acheta une plaque décorée d'un cœur transpercé d'une flèche qu'il donna au paysan[23]. Cette anecdote est cependant à prendre avec précaution car, selon Paul Barolsky, de nombreux récits des Vies constituent de pures inventions poétiques[24].
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29
+ Le jeune Léonard est proche de la nature qu’il observe avec une vive curiosité et s’intéresse à tout. Il dessine déjà des caricatures et pratique l'écriture spéculaire en dialecte toscan.
30
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31
+ Giorgio Vasari, dans sa biographie de Léonard, raconte une anecdote sur les premiers pas dans la carrière artistique de celui qui allait devenir un des plus grands peintres de la Renaissance. Un jour, le père de Léonard, ser Piero, « prit plusieurs de ses dessins et les soumit à son ami Andrea del Verrocchio, en le priant instamment de lui dire si Léonard devait se consacrer à l’art du dessin et s’il pourrait parvenir à quelque chose en cette matière. Andrea s’étonna fort des débuts extraordinaires de Léonard et exhorta ser Piero à lui permettre de choisir ce métier ; sur quoi, ser Piero résolut que Léonard entrerait à l’atelier d’Andrea. Léonard ne se fit pas prier ; non content d’exercer ce métier, il exerça ensuite tous ceux qui se rattachent à l’art du dessin ». C’est ainsi que Léonard est placé comme élève apprenti à partir de 1469 dans un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance de Florence sous le patronage d’Andrea del Verrocchio. Il doit à ce dernier sa formation multidisciplinaire d’excellence et côtoie alors dans sa bottega (atelier d'artistes réunissant maîtres et élèves) d’autres artistes comme Sandro Botticelli, Le Pérugin et Domenico Ghirlandaio[20],[25].
32
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33
+ En effet, jusqu'en 1468, Léonard est recensé comme résident de la commune de Vinci, mais il est très souvent à Florence où son père travaille[14].
34
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35
+ Verrocchio est un artiste renommé[Note 11] très éclectique : orfèvre et forgeron de formation[25], peintre, sculpteur et fondeur qui travaille notamment pour le riche mécène Laurent de Médicis. Les commandes principales sont des retables et des statues commémoratives pour les églises. Cependant, les plus grandes commandes sont constituées de fresques pour les chapelles — comme celles créées par Domenico Ghirlandaio et son atelier pour la Chapelle Tornabuoni — et de grandes statues, telles que les statues équestres de Gattamelata par Donatello et Bartolomeo Colleoni de Verrocchio[26].
36
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37
+ Après un an passé au nettoyage des pinceaux et autres petits travaux d’apprenti, Léonard est initié par Verrocchio aux nombreuses techniques pratiquées dans un atelier traditionnel, bien que certains artisans soient spécialisés dans des tâches telles que l’encadrement, les dorures et le travail du bronze. Il a donc eu l’occasion d’apprendre notamment des bases de la chimie, de la métallurgie, du travail du cuir et du plâtre, de la mécanique et de la menuiserie, ainsi que des techniques artistiques de dessin, de peinture et de sculpture sur marbre et sur bronze[27],[28]. Il est également initié à la préparation des couleurs, à la gravure et à la peinture des fresques. Par la suite, Verrocchio confie à son élève — qu’il trouve exceptionnel — le soin privilégié de terminer ses tableaux.
38
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+ Mais la formation reçue lors de son apprentissage à l'atelier Verrocchio semble plus large encore. Léonard acquiert la connaissance du calcul algorithmique et il cite les deux abacistes florentins les plus en vue, Paolo Toscanelli del Pazzo et Leonardo Chernionese[19]. Plus tard, Léonard paraît bien faire allusion à la Nobel opera de arithmética, de Piero Borgi, imprimée à Venise en 1484, et qui représente bien la science de ces écoles d'abaques[19].
40
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41
+ Il n’y a pas d’œuvre de Léonard connue pendant cette période mais, selon Vasari, il aurait collaboré à une peinture nommée Le Baptême du Christ (1472-1475)[29]. C’est d’ailleurs, selon la légende, à cause de la qualité du petit ange peint par Vinci pour ce tableau que Verrocchio, se sentant surpassé par son jeune assistant, décide de ne plus peindre[15]. Selon la tradition qui veut que ce soit l’apprenti qui prenne la pose[10], Léonard aurait servi de modèle à la statue en bronze du David de Verrocchio. Il est également supposé que l’Archange Raphaël dans l’œuvre Tobie et l’Ange de Verrocchio est le portrait de Léonard[10].
42
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43
+ En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de Saint-Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence, le Campagnia de Pittori. Il y a quelques traces de cette période de la vie de Léonard, dont la date d’un de ses premiers travaux, un dessin fait à la plume et à l’encre, Paysage de Santa Maria della neve (1473).
44
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45
+ Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables, telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.
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+ Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui[20]. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).
48
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+ Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : en 1478, il offre de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement[19].
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+ Les archives judiciaires de 1476 montrent que, avec trois autres hommes, il a été accusé de sodomie sur Jacopo Saltarelli, pratique à l’époque illégale à Florence. Tous ont été acquittés des charges retenues[30], probablement grâce à l'intervention de Laurent de Médicis, mais Léonard a dû passer deux mois en prison pendant l'enquête judiciaire[31]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[32].
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+ Deux années plus tard, à 26 ans, il quitte son maître après l'avoir brillamment dépassé dans toutes les disciplines. Léonard de Vinci devient alors maître-peintre indépendant.
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+ En 1481, le monastère de San Donato lui commande L’Adoration des mages, mais Léonard ne terminera jamais ce tableau, probablement déçu ou vexé de ne pas être choisi par le pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle Sixtine du Vatican à Rome, où il se trouve en concurrence avec plusieurs peintres[33]. Le néoplatonisme — en vogue à l’époque à Florence — joue peut-être également un rôle dans son départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan[33]. Cela est probablement plus en phase avec son esprit, qui s'appuie sur un développement empirique, grâce à ses multiples expériences.
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57
+ Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486) pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San Francesco Grande de Milan, mais ce tableau sera au centre d’un conflit entre l’auteur et ses commanditaires pendant plusieurs années[33]. En effet, Léonard s'engage avec le droit de pouvoir copier l'œuvre, mais cela lui est refusé par la suite ; il se voit donc contraint de stopper son travail, provoquant du retard. Le problème ne sera résolu que par des décisions de justice et les interventions d'amis.
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59
+ À Florence, le travail de Léonard ne passe pas inaperçu. Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc de Milan, Ludovic Sforza. Le but de cette manœuvre est de rester en bonnes relations avec ce rival important[34].
60
+
61
+ Léonard est très probablement accompagné par le musicien Atalante Migliorotti[33]. Il écrit également une lettre à Sforza, lettre qui figure dans le Codex Atlanticus et qui décrit les nombreuses et diverses choses merveilleuses qu’il pourrait faire dans le domaine de l’ingénierie ; il informe le seigneur qu’il peut aussi peindre[35],[25]. Ce texte est bien dans la tradition des ingénieurs qui l'ont précédé. Il reprend ainsi le même programme, les mêmes curiosités et les mêmes recherches : désormais, c'est bien en ingénieur que Léonard va vivre et travailler[19]. Sforza l’emploie à des tâches diverses sous le titre mythique d’« Apelle florentin », réservé aux grands peintres[33]. L’artiste est ainsi « ordonnateur de fêtes et spectacles aux décors somptueux » du palais et invente des machines de théâtre qui émerveillent le public. Il peint plusieurs portraits de la cour milanaise. Léonard de Vinci est porté sur la liste des ingénieurs des Sforza et lorsqu'on l'envoie à Pavie, il est qualifié d'« ingeniarius ducalis »[19]. Mais des contacts avec les cercles éclairés de Milan lui montrent également toutes les lacunes de sa formation[19].
62
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63
+ Il s’occupe également de l’étude pour le dôme de la cathédrale de Milan et d’une version en argile pour faire un moule pour le Gran Cavallo (« Il Cavallo »), le cheval de Léonard), une imposante statue équestre en l’honneur de Francesco Sforza, le père et prédécesseur de Ludovic ; faite de soixante-dix tonnes de bronze, elle constitue une véritable prouesse technique pour l’époque. Cette statue reste pourtant inachevée pendant plusieurs années, Michel-Ange reconnaissant lui-même qu’il est incapable de la fondre[20]. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France[25].
64
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65
+ En 1490, il participe à une sorte de congrès d'architectes et d'ingénieurs, réunis pour l'achèvement du Dôme de Milan, et fait la connaissance d'un autre ingénieur dont la renommée est bien établie, Francesco di Giorgio Martini. Ce dernier l'emmène à Parme, avec Giovanni Antonio Amadeo et Luca Fancelli, où on lui a demandé une autre consultation pour la construction de la cathédrale[19].
66
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67
+ C’est à cette époque que Léonard réfléchit à des projets techniques et militaires. Il améliore les horloges, le métier à tisser, les grues et de nombreux autres outils. Il étudie aussi l’urbanisme et propose des plans de cités idéales. Il s'intéresse à l'aménagement hydraulique et un document de 1498 le cite comme ingénieur et chargé de travaux sur les fleuves et les canaux[19].
68
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+ Bien que vivant à Milan entre 1493 et 1495, Léonard a noté dans ses documents d’imposition qu’il a, à sa charge, une femme appelée Caterina. À la mort de celle-ci, en 1495, la liste détaillée des dépenses relatives à ses funérailles laisse à penser que c’était sa mère Caterina, plutôt qu’une servante[36],[20].
70
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71
+ Vers 1490, il crée une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités. La fresque La Cène (1494-1498) est peinte pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie[20]. En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan ; Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione[19]. Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza[33].
72
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73
+ En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza — lequel s’enfuit en Allemagne chez son neveu Maximilien Ier du Saint-Empire[37] — sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement[Note 12].
74
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75
+ Louis XII revendique ses droits à la succession des Visconti[37]. Louis XII envisage de découper le mur représentant La Cène pour l’emporter en France, comme l’imaginera également Napoléon Ier quelques siècles plus tard[33]. Avec la chute de Sforza, Léonard entre au service du comte de Ligny, Louis de Luxembourg[38] ; celui-ci lui demande de préparer un rapport sur l'état de la défense militaire de la Toscane[19]. Le retour inopiné de Ludovic Sforza modifie ses projets et, avec son assistant Salai, il fuit Milan en février 1499 pour Mantoue puis pour Venise.
76
+
77
+ En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire[20],[10] par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise[19].
78
+
79
+ En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este. Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau[39]. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges[19]. Il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata en 1501 et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival »[29],[Note 13].
80
+
81
+ Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli[37]. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France[37].
82
+
83
+ En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général »[40]. Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse[19].
84
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85
+ Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno[41],[42].
86
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87
+ Le 18 octobre 1503, il retourne à Florence où il remplit les fonctions d'ingénieur de guerre (il dessine notamment des arquebuses, une bombarde chargée par la culasse, des engins de siège comme la catapulte, le mortier ou la baliste)[43]. Il y est aussi architecte et ingénieur hydraulicien[19]. Il se réinscrit à la guilde de Saint-Luc et passe deux années à préparer et réaliser La bataille d'Anghiari (1503-1505), une fresque murale imposante[10] de sept mètres sur dix-sept[37], avec Michel-Ange faisant La bataille de Cascina sur la paroi opposée[37]. Les deux œuvres seront perdues[Note 14], la peinture de Michel-Ange est connue à partir d'une copie d'Aristotole da Sangallo en 1542[44] et la peinture de Léonard est connue uniquement à partir de croquis préparatoires et de plusieurs copies de la section centrale, dont la plus connue est probablement celle de Pierre Paul Rubens[10]. Un feu utilisé pour sécher plus rapidement la peinture ou la qualité du matériel semblent être à l'origine de l’altération de l'œuvre, laquelle a par la suite probablement été recouverte par une fresque de Giorgio Vasari[37].
88
+
89
+ Léonard est consulté à plusieurs reprises comme expert, notamment pour étudier la stabilité du campanile de San Miniato al Monte et lors du choix de l’emplacement du David de Michel-Ange[37] où son avis s’oppose à celui de Michel-Ange. C'est à cette période qu'il présente à la cité de Florence son projet de déviation de l'Arno destiné à créer une voie navigable capable de relier Florence à la mer avec la maîtrise des terribles inondations[19]. Cette période est importante pour la formation scientifique de Léonard qui, dans ses recherches hydrauliques, pratique l'expérience. En 1504, il revient travailler à Milan, qui est désormais sous le contrôle de Maximilien Sforza, grâce au soutien des mercenaires suisses. Beaucoup des élèves et des adeptes les plus en vue dans la peinture connaissent ou travaillent avec Léonard à Milan[20], y compris Bernardino Luini, Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono[Note 15].
90
+
91
+ Son père meurt le 9 juillet 1504 et Léonard est écarté de l’héritage en raison de son illégitimité ; cependant, son oncle fera plus tard de lui son légataire universel[37]. La même année, Léonard réalise des études anatomiques et tente de classer ses innombrables notes. Il commence à travailler La Joconde (1503-1506 puis 1510-1515) qui est habituellement considérée comme un portrait de Mona Lisa del Giocondo, née Lisa Maria Gherardini. Pourtant, de nombreuses interprétations au sujet de ce tableau sont encore discutées.
92
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93
+ En 1505, il étudie le vol des oiseaux et rédige le codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux. Désormais, observations, expériences et reconstructions a posteriori se succèdent[19]. Une année plus tard, le gouvernement de Florence lui permet de rejoindre le gouverneur français de Milan Charles d’Amboise qui le retient auprès de lui, malgré les protestations de la seigneurie. Léonard est tiraillé entre Français et Toscans ; il est pressé par le tribunal de finir La Vierge aux rochers avec son élève Giovanni Ambrogio de Predis, alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari[37].
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+ Le peintre devient l’unique héritier de son oncle Francesco en 1507, mais les frères de Léonard entament une procédure pour casser le testament[37]. Léonard fait appel à Charles d’Amboise et Florimond Robertet pour qu'ils interviennent en sa faveur[37]. Louis XII de France est à Milan, et Léonard est de nouveau l’ordonnateur des fêtes données dans la capitale lombarde.
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+ En 1508, il vit dans la maison de Piero di Braccio Martelli avec le sculpteur Giovanni Francesco Rustici à Florence[45] mais part habiter à Milan, à la Porta Orientale dans la paroisse de Santa Babila[10]. Louis XII revient bientôt en Italie et entre à Milan en mai 1509. Presque aussitôt, il dirige ses armées contre Venise, et Léonard suit le roi en qualité d'ingénieur militaire ; il assiste à la bataille d'Agnadel[19]. À la mort du gouverneur Charles d’Amboise en 1511 et après la bataille de Ravenne en 1512, la France quitte le Milanais. Cette seconde période milanaise permet à Léonard de Vinci d'approfondir ses recherches en science pure. La parution, en 1509, du De expendentis et fugiendis rebus de Giorgio Valla eut certainement une grande influence sur lui[19].
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+ En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à cette époque[10]. Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée[19], l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis[19]. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
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+ « Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris[19].
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+ En septembre 1515, le nouveau roi de France François Ier reconquiert le Milanais lors de la bataille de Marignan[46]. En novembre 1515, Léonard se penche sur un nouveau projet d’aménagement du quartier Médicis à Florence. Le 19 décembre, il est présent à Bologne pour la réunion entre François Ier et le pape Léon X[20],[47],[48]. François Ier charge Léonard de concevoir un lion mécanique pouvant marcher et dont la poitrine s'ouvre pour révéler des lys[29]. On ne sait pas pour quelle occasion ce lion a été conçu, mais il peut avoir été lié à l'arrivée du roi à Lyon ou aux pourparlers de paix entre le roi et le pape[Note 16].
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+ Il part travailler en France en 1516 avec son assistant artiste-peintre Francesco Melzi et Salai[45], où son nouveau mécène et protecteur, le roi François Ier, l’installe au manoir du Cloux — actuel château du Clos Lucé —, propriété de sa mère Louise de Savoie[49].
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+ Âgé de 64 ans, Léonard de Vinci arrive en France, apportant avec lui trois de ses toiles majeures : Saint Jean Baptiste, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne et La Joconde[50]. Selon la légende, il aurait fait ce voyage à travers les Alpes à dos de mulet, or aucun document de l'époque ne le prouve[51]. Il aurait très bien pu arriver en bateau, puis prendre des chevaux.
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+ Au château du Clos Lucé, Léonard se trouve ainsi à proximité du château d'Amboise, la demeure du roi. Le souverain le nomme « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi »[15] avec une pension annuelle de mille écus[52]. Peut-être à la cour de France s'intéressait-on plus au peintre, à l'artiste qu'à l'ingénieur et, jusque-là, seuls des Français s'étaient attaché l'illustre Florentin en qualité d'artiste : en Italie, il n'avait jamais été engagé que comme ingénieur[19].
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+ En lui donnant le château du Clos Lucé, François Ier dit à Léonard : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». Il n'est pas le premier artiste à recevoir cet honneur ; Andrea Solario et Giovanni Giocondo l'avaient précédé quelques années avant[45].
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+ Au Clos Lucé, Léonard travaille comme ingénieur, architecte et metteur en scène, organisant pour la Cour des réceptions et fêtes somptueuses. Il inspire autour de lui la pensée et la mode. Il travaille à de nombreux projets pour le roi.
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+ François Ier est fasciné par Léonard de Vinci et le considère comme un père. Selon la légende, le château du Clos Lucé et le château d'Amboise étaient d'ailleurs reliés par un souterrain permettant au souverain de rendre visite à l’homme de science en toute discrétion.
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+ Il projette et réalise pour la reine Louise de Savoie (mère de François Ier) la construction d’une nouvelle demeure à Romorantin, sur la base d'un château médiéval pré-existant, intégrant le détournement d’un fleuve dans la Sauldre. Les travaux de dérivation, d'aménagement et de terrassement ont lieu entre 1516 et 1518. La construction est initiée, une aile de 70 mètres de long est réalisée mais les travaux restent inachevés en 1519, peut-être à cause de la peste, mais plus probablement à cause de la mort de Léonard[53].
118
+ L'aile construite par Louise de Savoie est détruite en 1723[54]. Il reste aujourd'hui, outre les plans de Leonard de Vinci dans le Codex Atlanticus, des traces archéologiques nombreuses dont les ruines du château et les remblais, qui font de ce projet inachevé un prototype du château de Chambord et de son fameux escalier à vis, dont l'architecte Dominique de Cortone vient rencontrer Leonard en 1518 au Clos Lucé[55].
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+ Il esquisse un projet de canal entre la Loire et la Saône et organise des fêtes, comme celle que le roi donne au château d'Argentan en octobre 1517 en l'honneur de sa sœur Marguerite d'Angoulême[19].
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+ Une paralysie a frappé Léonard de Vinci à la fin de sa vie. Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, lorsque, tous deux en 1517, visitèrent Léonard de Vinci à Amboise expliquait combien le maître était en difficulté et comment les élèves l'aidaient[56].
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+ « Même si de lui, pour être venu à lui une certaine paralysie à droite, on ne peut plus attendre une bonne chose. Il a bien formé un créateur milanais qui travaille très bien. Et bien que Léonard de Vinci ne puisse pas colorier avec cette douceur habituelle, il peut aussi faire des dessins et en enseigner à d'autres[57]. »
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+ Le 23 avril 1519, Léonard de Vinci, malade depuis de longs mois, rédige son testament devant un notaire d’Amboise. La lettre de naturalité octroyée par François Ier lui permet de contourner le droit d'aubaine. Il demande un prêtre pour recevoir sa confession et lui donner l'extrême onction[29]. Il est emporté par la maladie le 2 mai 1519[45] au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.
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+ La tradition selon laquelle il mourut dans les bras de François Ier est racontée par Giorgio Vasari dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[58]. Elle repose peut-être sur une interprétation erronément littérale d'une épitaphe, rapportée par Vasari dans l'édition de 1550 des Vies, mais qui ne figure plus dans celle de 1568[59]. Cette inscription — qui n'a jamais été vue sur aucun monument — contient les mots « Sinu Regio » pouvant signifier au sens propre : sur la poitrine d'un roi ; mais aussi, dans un sens métaphorique, dans l'affection d'un roi, et peuvent n'être qu'une allusion à la mort de Léonard dans un château royal[60]. De plus à cette époque, la Cour est au château de Saint-Germain-en-Laye, où la reine accouche du futur Henri II — le 31 mars —, et les ordonnances royales données le 1er mai sont datées de cet endroit. Le journal de François Ier ne signale d'ailleurs aucun voyage du roi jusqu’au mois de juillet. Pour finir, l’élève de Léonard de Vinci, Francesco Melzi, auquel il lègue ses livres et ses pinceaux et qui est dépositaire de son testament, écrit au frère du grand peintre une lettre où il raconte la mort de son maître. Pas un mot n’y fait allusion à la circonstance mentionnée plus haut qui, si elle avait été avérée, n’aurait certainement pas été oubliée[61],[62].
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+ Selon ses dernières volontés, soixante mendiants suivent son cortège vers la collégiale Saint-Florentin du château d'Amboise, où il est enterré. Les ossements attribués à Léonard de Vinci sont supposés placés depuis 1874 sous la pierre tombale de la chapelle Saint-Hubert, dans l’enceinte du château d'Amboise et dominant la ville[63]. Sa tombe fut refaite de 1934 à 1936 par le sculpteur Francis La Monaca.
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+ Léonard de Vinci, toute sa vie célibataire et n’ayant jamais eu ni femme ni enfant, lègue l’ensemble de son œuvre considérable, pour la faire publier, à son disciple préféré et élève depuis ses dix ans, Francesco Melzi. Il lui offre notamment ses manuscrits, carnets, documents et instruments[64].
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+ Après l’avoir accompagné en France, il reste près de Léonard de Vinci jusqu’à sa mort. Cependant, il ne publiera rien de l'œuvre de Léonard et de nombreuses peintures — dont la Joconde — qui se trouvaient encore en sa possession dans son atelier, certains tableaux ayant été déjà vendus à François Ier, d'autres donnés en héritage à Salai pendant son séjour au Clos Lucé en 1518[65]. Les vignes de Léonard seront divisées entre Salai, un autre élève et disciple très apprécié par Léonard et entré à son service à l’âge de 15 ans, ainsi que son servant Battista de Vilanis[64]. Le terrain sera légué aux frères de Léonard et sa servante Mathurine reçut un manteau noir à bords de fourrure[66].
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+ Vingt ans après la mort de Léonard, François Ier dira au sculpteur Benvenuto Cellini :
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+ « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe[67]. »
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+ Léonard commence son apprentissage avec Andrea del Verrocchio en 1466, année où le maître de Verrocchio, le grand sculpteur Donatello, meurt. Le peintre Paolo Uccello, dont les premières expériences avec la perspective influencèrent le développement de la peinture des paysages, est alors très âgé. De même, les peintres Piero della Francesca et Fra Filippo Lippi, le sculpteur Luca della Robbia et l'architecte et écrivain Leon Battista Alberti ont environ 60 ans. Les artistes les plus renommés de la génération suivante sont le maître de Léonard : Andrea del Verrocchio, Antonio Pollaiuolo et le sculpteur Mino da Fiesole.
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+ La jeunesse de Léonard se déroule dans une maison de Florence ornée des œuvres de ces artistes et par les contemporains de Donatello, Masaccio — dont les fresques figuratives et réalistes sont imprégnées d'émotion — et Lorenzo Ghiberti, dont la Porte du Paradis montre la complexité des compositions, alliant travaux architecturaux et soin des détails. Piero della Francesca a fait une étude détaillée de la perspective et sera le premier peintre à faire une étude scientifique de la lumière. Ces études et les traités de Leone Battista Alberti doivent avoir un effet profond sur les jeunes artistes et, en particulier, sur les propres observations de Léonard et ses œuvres d'art[68],[69],[70].
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+ La représentation du nu de Masaccio montrant Adam et Ève quittant le paradis, avec Adam sans ses organes génitaux — masqués par une feuille de vigne —, crée une image très expressive des formes humaines qui influencera beaucoup la peinture, notamment parce qu'elles sont exprimées en trois dimensions par une utilisation novatrice de la lumière et de l'ombre que Léonard développera dans ses propres œuvres. L'humanisme de la Renaissance, influençant le David de Donatello, peut être vu dans les peintures les plus tardives de Léonard, en particulier Saint Jean Baptiste[68].
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146
+ Florence est dirigée à l'époque par Laurent de Médicis et son jeune frère Julien, tué lors de la conjuration des Pazzi en 1478. Ludovic Sforza, qui gouverne Milan entre 1479 et 1499 et chez qui Léonard a été envoyé comme ambassadeur de la cour des Médicis, est aussi son contemporain[68],[69].
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+ C'est également par l'intermédiaire des Médicis que Léonard fait la connaissance d'anciens philosophes humanistes dont Marsile Ficin, partisan du néoplatonisme, et Cristoforo Landino, auteur de commentaires sur les écrits classiques. Jean Pic de la Mirandole est également associé à l'académie des Médicis[70],[71]. Léonard écrit plus tard, dans la marge d'un journal : « Les Médicis m’ont fait et les Médicis m’ont détruit » ; mais le sens de ce commentaire reste discuté[20].
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150
+ Bien que l'on cite ensemble les trois « géants » de la haute Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne sont pas de la même génération. Léonard a 23 ans quand nait Michel-Ange et 31 ans à la naissance de Raphaël. Raphaël mourra en 1520, une année après de Vinci et Michel-Ange vivra encore quarante-cinq ans[69],[70].
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152
+ Gian Giacomo Caprotti da Oreno[72], dit « il Salaino » (« le petit diable ») ou Salai, a été décrit par Giorgio Vasari comme « un gracieux et beau jeune homme avec des cheveux fins et bouclés, en lequel Léonard était grandement ravi »[29]. Salai entre au service de Léonard en 1490 à l'âge de 10 ans. Leur relation n'est pas facile. Un an plus tard, Léonard fait une liste des délits du garçon, le qualifiant de « voleur », « menteur », « têtu » et « glouton ». Le « petit diable » avait volé de l'argent et des objets de valeur au moins à cinq reprises, et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures[73]. Néanmoins, les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d'images de l'adolescent. Salai est resté son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes[10].
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+ En 1506, Léonard prend comme élève Francesco Melzi, âgé de 15 ans, fils d'un aristocrate lombard. Melzi devient le compagnon de vie de Léonard et il est considéré comme son élève favori. Il se rend en France avec Léonard et Salai, et reste avec lui jusqu'à sa mort[20]. Salai quitte cependant la France en 1518 pour retourner à Milan. Il y construit une maison dans le vignoble de la propriété de Léonard qu'il s'est finalement vu léguer. En 1525, Salai meurt d'une mort violente, soit assassiné, soit à la suite d'un duel[74].
155
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156
+ Salai exécute un certain nombre de tableaux sous le nom d'« Andrea Salai », mais, bien que Giorgio Vasari prétende que Léonard « lui a appris beaucoup de choses sur la peinture »[29], son travail est généralement considéré comme étant de moindre valeur artistique que celui des autres élèves de Léonard, comme Marco d'Oggiono ou Giovanni Antonio Boltraffio. En 1515, il peint une version nue de La Joconde, dite « Monna Vanna »[75]. À sa mort en 1525, la Joconde appartenant à Salai a été évaluée à cinq cent cinq lires, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée pour un portrait de petite taille[74].
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+ Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono rejoignent l'atelier de Léonard lorsqu'il est de retour à Milan, mais de nombreux autres élèves moins connus tels que Giovanni Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Francesco Napoletano ou encore Andrea Solario sont aussi présents.
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160
+ Léonard de Vinci a eu beaucoup d'amis qui sont reconnus dans leurs domaines respectifs ou ont eu une influence importante sur l'Histoire. Il s'agit notamment du mathématicien Luca Pacioli avec qui il a collaboré pour un livre, César Borgia au service duquel il a passé deux années, Laurent de Médicis et le médecin Marcantonio della Torre. Il a rencontré Michel-Ange dont il a été le rival et a témoigné une « connivence intime » avec Nicolas Machiavel, les deux hommes ayant pu développer une étroite amitié épistolaire[41]. Parmi ses amis, se trouvent également Franchini Gaffurio et Isabelle d'Este. Léonard semble ne pas avoir eu d'étroites relations avec les femmes, sauf avec Isabelle. Il a fait un portrait d'elle, au cours d'un voyage qui le mena à Mantoue, qui semble avoir été utilisé pour créer une peinture, aujourd'hui perdue[20]. Il était également ami de l'architecte Jacopo Andrea da Ferrara jusqu'à son assassinat[37].
161
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162
+ Au-delà de l'amitié, Léonard garde sa vie privée secrète. De son vivant, ses capacités extraordinaires d'invention, son « exceptionnelle beauté physique », sa « grâce infinie », sa « grande force et générosité », la « formidable ampleur de son esprit », telles que décrites par Vasari[29], ont attisé la curiosité. De nombreux auteurs ont spéculé sur les différents aspects de la personnalité de Léonard. Sa sexualité a souvent été l'objet d'études, d'analyses et de spéculations. Cette tendance a commencé au milieu du XVIe siècle et a été relancée au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par Sigmund Freud[76].
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164
+ Les relations les plus intimes de Léonard sont avec ses élèves : Salai et Francesco Melzi. Melzi a écrit que les sentiments de Léonard étaient un mélange d'amour et de passion. Il a été décrit depuis le XVIe siècle que ces relations étaient d'un caractère érotique. Depuis cette date, des auteurs[77],[78] ont beaucoup écrit au sujet de son homosexualité, voire de sa pédérastie présumée et du rôle de cette sexualité dans son art, en particulier dans l'impression androgyne et érotique qui se manifeste dans Bacchus et plus explicitement dans un certain nombre de ses dessins[79]. Cependant, l'homosexualité supposée platonique et courtoise, voire refoulée, de l'artiste, reste très hypothétique et il est difficile de se prononcer sur les mœurs de Léonard[80].
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166
+ Léonard est passionné par la nature et les animaux au point d’acheter des oiseaux en cage pour leur rendre leur liberté[81]. Il est également très bon musicien. Il est admis que Léonard était gaucher et ambidextre, ce qui expliquerait son utilisation de l'écriture spéculaire[14].
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+
168
+ Malgré la relativement récente prise de conscience et l'admiration vouée à Léonard comme scientifique et inventeur, son immense renommée de la plus grande partie de ces quatre cents dernières années a reposé sur ses réalisations en tant que peintre et sur une poignée d'œuvres — authentifiées ou lui étant attribuées — qui ont été considérées comme faisant partie des plus beaux chefs-d'œuvre jamais créés[Note 17].
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170
+ Ces peintures sont célèbres pour de nombreuses raisons et qualités qui ont été beaucoup imitées par les étudiants et discutées très longuement par les connaisseurs et les critiques. Parmi les qualités qui font des travaux de Léonard, des pièces uniques sont souvent citées, les techniques novatrices qu'il a utilisées dans l'application de la peinture, sa connaissance approfondie de l'anatomie humaine et animale, de la botanique et la géologie, mais aussi son utilisation de la lumière, son intérêt pour la physiognomonie et la façon dont les humains utilisent le registre des émotions et les expressions gestuelles, son sens de la composition et celui, subtil, des dégradés de couleurs. Il maîtrisait notamment la technique du « sfumato » et le rendu des ombres et des lumières. Toutes ces qualités sont réunies dans ses tableaux les plus connus, La Joconde, La Cène et La Vierge aux rochers[82].
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172
+ Léonard a réalisé de très nombreux portraits de femmes, mais un seul portrait d’homme — celui d’un musicien — a été retrouvé à ce jour. On lui prête souvent la phrase suivante : « Le personnage le plus digne d’éloges est celui qui, par son mouvement, traduit le mieux les passions de l’âme », qui explique bien sa pensée de peintre. Cependant, il a aussi dessiné des croquis caricaturaux de ses contemporains dans la mode du grotesque.
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+ Léonard est célèbre pour ses dessins et ses peintures dans lesquels il introduit une conception innovante[83] de la perspective. Vinci estimait que les arts picturaux forment une science[84]. Mais l'utilisation, souvent supposée, du nombre d’or dans son œuvre n'est pas avérée[85]. Son travail sur les proportions, à l'image de l’Homme de Vitruve, se limite à l'usage de fractions d'entiers.
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+ Les premiers travaux de Léonard de Vinci commencent avec Le Baptême du Christ peint avec Andrea del Verrocchio, à qui il est attribué, et ses autres élèves. Deux autres peintures semblent dater de cette période à l'atelier et qui sont toutes les deux des « Annonciations » ; l'une est petite, large de cinquante-neuf centimètres pour seulement quatorze de haut. Il s'agit d'une prédelle se plaçant à la base d'une composition plus large, et, dans ce cas, pour un tableau de Lorenzo di Credi duquel il fut séparé. L'autre est un travail beaucoup plus important, de deux cent dix-sept centimètres de large[40].
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+ Dans ces deux annonciations, Léonard a dépeint la Vierge Marie, assise ou agenouillée à la droite de l'image, et un ange de profil s'approchant d'elle par la gauche. Un gros travail est fait sur les mouvements des vêtements et les ailes de l'ange. Bien que précédemment attribuée à Domenico Ghirlandaio, l'œuvre est désormais presque universellement attribuée à de Vinci[86].
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+ Dans le tableau le plus petit, Marie détourne ses yeux et plie ses mains dans un geste qui symbolise la soumission à la volonté de Dieu. Dans le tableau le plus grand cependant, Marie ne semble pas aussi docile ; la jeune femme, interrompue dans sa lecture par ce messager inattendu qu'est l'ange, place son doigt dans le livre saint pour repérer la page de sa lecture interrompue et lève la main dans un geste de salutation ou de surprise[68]. Son calme semble montrer qu'elle accepte son rôle de mère de Dieu, non pas avec résignation, mais avec confiance. Dans ce tableau, le jeune Léonard présente le visage humaniste de la Vierge Marie, reconnaissant le rôle de l'humanité dans l'incarnation de Dieu[Note 18]. Ce dernier tableau a visiblement été travaillé par plusieurs personnes, puisque certaines discontinuités de style sont perceptibles, comme une « erreur » de perspective sur le bras droit de Marie, le pré fleuri comme une broderie ou bien les ailes de rapace de l'ange[30]. Le style du lutrin du tableau pourrait être un clin d'œil au style du tombeau de Pierre de Médicis réalisé par Verrocchio en 1472[30].
181
+
182
+ Dans les années 1480, Vinci reçoit deux très importantes commandes et commence à travailler à une autre œuvre qui est également d'une grande importance en termes de composition. Malheureusement, deux des trois œuvres n'ont jamais été terminées et la troisième a été si longue à créer qu'elle fut soumise à de longues négociations sur son achèvement et son paiement. L'un de ces tableaux est Saint Jérôme. Liana Bortolon, dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967), associe ce tableau à une période difficile de la vie de Léonard. Les signes de la mélancolie peuvent se lire dans son journal : « Je pensais que j'apprenais à vivre ; j'apprenais seulement à mourir[20]. »
183
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+ La composition du tableau est très inhabituelle, même s'il est vrai que certaines parties de celui-ci furent découpées[Note 19]. Le tableau dépeint la pénitence de Jérôme de Stridon dans le désert. Pénitent, Jérôme occupe le milieu de l'image, le corps légèrement en diagonale. Sa posture agenouillée prend une forme trapézoïdale, avec un bras tendu vers le bord extérieur de la peinture et son regard allant dans la direction opposée. Jack Wasserman souligne le lien entre cette peinture et les études anatomiques de Léonard[46]. Au premier plan de l'ensemble s'étend son symbole, un grand lion, dont le corps et la queue effectuent une double courbe à travers la base de l'image. L'autre caractéristique intéressante est l'aspect superficiel du paysage de pierres rocailleuses où se trouve le personnage.
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+ L'affichage audacieux et novateur de la composition, avec les éléments du paysage et le drame personnel, apparaît également dans le grand chef-d'œuvre inachevé qu'est L'Adoration des mages, une commande des moines de San Donato à Scopeto. C'est un tableau à la composition très complexe, et Léonard a fait de nombreux dessins et études préparatoires, y compris une très détaillée pour la perspective linéaire d'une ruine d'architecture classique qui sert de toile de fond à la scène. Mais, en 1482, Léonard part à Milan, à la demande de Laurent de Médicis, afin de gagner les bonnes grâces de Ludovic Sforza. Il abandonne donc son tableau[86],[10].
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+ Le troisième travail important de cette période est La Vierge aux rochers qui a été commandée à Milan pour la confrérie de l'Immaculée Conception. La peinture, faite avec l'assistance des frères, devait combler un grand retable, déjà construit[46]. Léonard a choisi de peindre un passage de l'enfance du Christ tiré des évangiles apocryphes, lorsque le petit Jean le Baptiste, sous la protection d'un ange, a rencontré la sainte Famille sur la route de l'Égypte. Dans cette scène, telle qu'elle a été peinte par Léonard de Vinci, Jean reconnaît et vénère Jésus comme le Christ. Le tableau montre des personnages gracieux s'agenouillant en adoration devant le Christ dans un environnement sauvage et un paysage rocheux[87]. Le tableau est quasiment aussi complexe que la peinture commandée par les moines de San Donato, même s'il a seulement quatre personnages — et non cinquante — et s'il dépeint un paysage plutôt qu'un fond architectural. Le tableau a été achevé, mais deux versions de la peinture ont en fait été réalisées : celle qui est restée à la chapelle de la confrérie et l'autre qu'a emportée Léonard en France. Mais les frères n'ont pas eu leur peinture avant le siècle suivant[10],[25]. Une seconde version de ce tableau, avec l'ajout des auréoles et du bâton de Jean le Baptiste sera faite quelques années plus tard.
189
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190
+ La plus célèbre peinture de Léonard pour la période des années 1490 est La Cène. Elle est peinte directement sur un mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan. La peinture représente le dernier repas partagé par Jésus et ses disciples avant sa capture et sa mort. Il montre précisément le moment où Jésus déclare : « l'un de vous va me trahir ». Léonard dépeint la consternation que cette déclaration a causée à l'ensemble des douze disciples de Jésus[25].
191
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192
+ Matteo Bandello a observé Léonard au travail et il écrit, dans une de ses nouvelles que, certains jours, il peint de l'aube au crépuscule sans même s'arrêter pour manger, et puis ne peint plus les trois ou quatre jours suivants[46]. Selon Vasari, cela provoque l'incompréhension du père supérieur, le prieur, qui chasse le peintre jusqu'à ce que Léonard demande au duc de Milan, Ludovic Sforza, d'intervenir. Vasari décrit également comment Vinci doute de sa capacité à peindre proprement les visages de Jésus et de Judas, affirmant au duc qu'il a peut-être utilisé le moine pour modèle[29].
193
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194
+ La fresque, achevée, est saluée comme un chef-d'œuvre de conception et de caractérisation[29], obtenant même plus tard l'admiration de Pierre Paul Rubens et de Rembrandt[33]. L'œuvre a été restaurée sans cesse, la peinture se détachant du support en plâtre[15]. La peinture s'est détériorée rapidement, de telle sorte qu'avant même le centième anniversaire de sa création, elle a été décrite par un témoin comme « totalement dévastée »[10]. Léonard, au lieu d'utiliser la technique éprouvée de la fresque, a utilisé la « technique de la tempera », un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments, alors que le support est principalement « gesso », un type de craie fait de carbonate de calcium minéral, ce qui a produit une surface sujette à la moisissure et à l'écaillage[10].
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+ Malgré ces déboires, la Cène est restée l'une des œuvres d'art les plus reproduites. Heureusement, une toile d'époque de grandes dimensions est exposée en l'abbaye de Tongerlo à Westerlo. Elle est une des copies les plus fidèles et les plus anciennes du chef-d'œuvre du maître italien : œuvre des élèves de Léonard, il semblerait qu'il aurait peint lui-même la tête de Jésus et celle de l'apôtre Jean. Les restaurateurs viennent chercher à Westerlo les couleurs exactes pour leurs travaux avant d'aller à Milan.
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198
+ Parmi les œuvres créées par Léonard dans les années 1500, se trouve un petit portrait connu sous le nom de La Joconde (1503-1506) ou, notamment pour les anglophones, sous le nom de « Mona Lisa ». Le tableau est connu, en particulier, pour l'insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s'accordent à dire qu'il s'agit de Lisa Gherardini. La qualité de la peinture est peut-être liée au fait que l'artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. La qualité des ombres, pour lesquelles le travail est réputé, a été appelée « sfumato » ou « la fumée de Léonard ». Giorgio Vasari a écrit que « le sourire est si agréable qu'il semble divin plutôt qu'humain ; ceux qui l'ont vu ont été très surpris de constater qu'il semble aussi vivant que l'original »[29]. Néanmoins, et pendant longtemps, les experts ont généralement admis que Vasari a pu n'avoir jamais connu la peinture autrement que par sa renommée, car il l'a décrite comme ayant des sourcils. Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l'hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que Léonard ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu'ils ont ensuite été enlevés, notamment parce qu'ils n'étaient pas en vogue au milieu du XVIe siècle. Effectivement, La Joconde aurait eu des sourcils et des cils qui ont, par la suite, été enlevés[88].
199
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200
+ Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire, laissant les yeux et les mains non concurrencés par d'autres détails, le paysage de fond spectaculaire[89], le travail des couleurs et la nature de la technique de peinture très douce employant des huiles, mais posées un peu comme la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables. Vasari a exprimé l'avis que la façon de peindre ferait même « le plus confiant des maîtres [de la peinture]… désespérer et perdre courage »[29]. L'état de conservation remarquable et le fait qu'il n'y ait aucun signe visible de réparations ou de surcouches repeintes sont extrêmement rares pour une peinture de cette période[40].
201
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202
+ Dans La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, la composition reprend de nouveau le thème de personnages dans un paysage que Jack Wasserman, dans son livre Leonardo da Vinci (1975), qualifie de « saisissant par sa beauté »[46] et renvoie à la peinture inachevée de saint Jérôme avec le personnage faisant un angle oblique avec l'un de ses bras. Ce qui rend La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne si rare est la présence de deux ensembles dans une perspective différente, mais se superposant. Marie est assise sur les genoux de sa mère, sainte Anne. Elle se penche en avant pour prendre dans ses bras l'enfant Jésus qui joue avec un agneau, signe de l'imminence de son propre sacrifice[25]. Ce tableau, copié à plusieurs reprises, a influencé Michel-Ange, Raphaël et Andrea del Sarto[10] et, à travers eux, Pontormo et Le Corrège. Le style de la composition a été adopté en particulier par les peintres vénitiens Le Tintoret et Paul Véronèse.
203
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204
+ Vinci n'a pas été un peintre prolifique, mais il l'a été comme dessinateur, remplissant ses journaux de petits croquis et de dessins détaillés afin de garder une trace de tout ce qui avait attiré son attention. En plus de ses notes, il existe de nombreuses études pour ses peintures, dont certaines peuvent être considérées comme préparatoires à des travaux tels que L'Adoration des mages, La Vierge aux rochers et La Cène[90]. Son premier dessin daté est un paysage, Paysage de la vallée de l'Arno (1473), qui montre la rivière, les montagnes, le château Montelupo et les exploitations agricoles au-delà de celui-ci dans le plus grand détail[20],[90].
205
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206
+ Parmi ses célèbres dessins, il y a l’homme de Vitruve, une étude des proportions du corps humain, la Tête de jeune femme préparatoire à la tête de l'ange dans La Vierge aux rochers et La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste, qui est un grand carton (160 × 100 cm) en craie blanche et noire sur un papier de couleur de sainte Anne[90]. Ce thème de sainte Anne sera, avec la sainte Famille, la dominance de l'œuvre de Léonard de 1500 à 1517[37]. Ce dessin emploie la technique subtile du sfumato, à la manière de La Joconde. Léonard ne semble jamais avoir fait une peinture à partir de ce dessin, mais un tableau assez proche en est La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne[10].
207
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208
+ Les autres dessins d'intérêt comprennent de nombreuses études généralement dénommées « caricatures » parce que, bien qu'exagérées, elles semblent être fondées sur l'observation de modèles vivants. Giorgio Vasari rapporte que, si Léonard voyait une personne qui avait un visage intéressant, il la suivait toute la journée pour l'observer[29]. Il existe de nombreuses études de beaux jeunes hommes, souvent associées à Salai, avec le visage rare, très admiré et caractéristique que l'on appelle le « profil grec »[Note 20]. Ces visages sont souvent en contraste avec ceux d'un guerrier[90]. Salai est souvent dépeint dans des costumes et des déguisements. Léonard est connu pour avoir conçu des décors pour des processions traditionnelles. D'autres dessins, souvent minutieux, montrent des études de draperies. Le Musée Léon-Bonnat de Bayonne conserve un dessin de Léonard de Vinci représentant Bernardo di Bandino Baronchelli (l'un des assassins de Julien de Médicis lors de la conjuration des Pazzi), après sa pendaison à l’une des fenêtres du Palazzo del Capitano di Giustizia à Florence, le 29 décembre 1479[91].
209
+
210
+ L'humanisme de la Renaissance ne lie pas les sciences et les arts. Cependant, les études de Vinci en sciences et en ingénierie sont aussi impressionnantes et novatrices que son travail artistique, enregistrées dans des carnets de notes comprenant quelque treize mille pages d'écriture et de dessins, qui associent art et philosophie naturelle (la base de la science moderne). Ces notes ont été réalisées et mises à jour quotidiennement pendant toute la vie et les voyages de Léonard. Continuellement, il s'efforce de faire des observations du monde qui l'entourait[25], conscient et fier d'être, comme il se définissait, un « homme sans lettres », autodidacte et lucide sur les phénomènes naturels souvent bien éloignés de ce qui était appris à l'école[33].
211
+
212
+ Ces journaux sont, pour la plupart, rédigés en toscan dans une écriture spéculaire plus communément appelée « écriture en miroir ». La raison peut avoir été davantage un besoin pratique, pour être plus rapide, que pour des raisons de chiffrement afin d'échapper à la censure de son temps ou de garder ses notes de travail secrètes, comme cela est souvent suggéré (thèse du mathématicien Luca Pacioli dès le XVe siècle, réfutée car cette écriture se lit facilement à l'aide d'un miroir, par ailleurs Léonard truffe ses notes d'abréviations et c'est plutôt cette caractéristique qui en rendent la lecture plus difficile). Comme Léonard écrivait avec sa main gauche, il devait être plus facile pour lui d'écrire de droite à gauche. En effet la main fournit moins d'effort et cette technique évite de laisser des traînées ou effacer l'encre humide en passant dessus sa main qui tient la plume d'oie. Néanmoins, il rédige occasionnellement de gauche à droite, ce qui montre qu'il maîtrise aussi cette technique[92].
213
+
214
+ Ses notes et dessins, dont les plus anciens sont datés de 1475[30], montrent une grande variété d'intérêts et de préoccupations, mais aussi certaines listes quelconques d'épicerie ou de ses débiteurs. Il y a des compositions pour des peintures, des études de détails et de tapisseries, des études de visages et d'émotions, des animaux, des bébés, des dissections, des études botaniques et géologiques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux architecturaux[25].
215
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216
+ Ces carnets de notes — initialement des feuilles volantes de différentes tailles et de différents types, données par ses amis après sa mort — ont trouvé leur place dans les collections importantes comme celles exposées au château de Windsor, à la Bibliothèque de l'Institut de France[93], à la Bibliothèque nationale d'Espagne, à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, au Victoria and Albert Museum et à la British Library de Londres. La British Library a mis une sélection à partir de ses notes (BL Arundel MS 263) sur l'Internet dans les pages de son site abordant ce chapitre[94]. Le Codex Leicester est le seul grand travail scientifique de Vinci qui soit entre les mains d'un propriétaire privé (Bill Gates).
217
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218
+ Les journaux de Léonard semblent avoir été destinés à la publication, car beaucoup de feuilles ont une forme et un ordre qui en faciliteraient l'édition. Dans de nombreux cas, un seul thème, par exemple, le cœur ou le fœtus humain, est traité en détail à la fois dans les mots et les images, sur une seule feuille[95]. Ce mode d'organisation minimise également la perte de données dans le cas où les pages seraient mélangées ou détruites. La raison pour laquelle ces journaux n'ont pas été publiés alors que Léonard était encore en vie est inconnue[25], mais certains estiment que la société n'était pas prête pour cela, notamment l'Église vis-à-vis de ses travaux anatomiques.
219
+
220
+ En 2019, une étude scientifique menés par des chercheurs du musée des Offices de Florence démontre que Léonard de Vinci est ambidextre à partir de l'analyse du dessin le Paesaggio[96].
221
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222
+ L'approche de la science par Léonard est très liée à l'observation : si « la Science est le capitaine, la pratique est le soldat »[33]. Sa science, ses recherches scientifiques ne portent exclusivement que sur les parties qu'il a pratiquées en technicien[19]. Léonard de Vinci a essayé de comprendre un phénomène en le décrivant et en l'illustrant dans les plus grands détails, en n'insistant pas trop sur les explications théoriques. Ses études sur le vol ou le mouvement de l'eau sont sans doute ce qu'il y a de plus remarquable à ce sujet. Comme il manquait d'instruction initiale en latin et en mathématiques, les chercheurs contemporains ont largement ignoré le savant Léonard, bien qu'il ait appris par lui-même le latin.
223
+
224
+ Dans les années 1490, il a étudié les mathématiques à la suite de Luca Pacioli et a fait une série de dessins de solides réguliers dans une forme squelettique afin de les faire graver pour son livre Divina Proportione (1509)[25]. Il est alors particulièrement fasciné par l'idée de l'absolu et de l'universel[33]. Cependant, sa culture mathématique est celle d'un praticien : elle a les objectifs limités des abacistes de son temps, il pénètre avec peine la géométrie des Grecs, sa perspective est celle de tous les théoriciens de son temps. Néanmoins, au-delà du simple aspect géométrique de la représentation de la perspective, il propose dans son Traité de la Peinture, une triple définition de la perspective :
225
+
226
+ 1° : perspective linéaire (diminution de la taille des objets proportionnellement à leur distance à l'observateur, perspective géométrique ss)[98],
227
+
228
+ 2° : perspective des couleurs (atténuation des couleurs proportionnellement à leur distance à l'observateur)[99],
229
+
230
+ 3° : perspective d’effacement (diminution de la précision des détails proportionnellement à leur distance à l'observateur)[100].
231
+
232
+ Également, Léonard a conçu un instrument à système articulé destiné à construire une solution mécanique du problème d'Alhazen, problème essentiellement technique, et qui témoigne d'une connaissance sur les lois de la réflexion[19].
233
+
234
+ De même, la mécanique de Léonard est celle de ses contemporains, avec ses faiblesses, ses incertitudes, ses erreurs et il ne paraît pas qu'il ait apporté beaucoup de découvertes en la matière. Sa physique est assez confuse et vague. Il ne fut certainement jamais artilleur et n'a pas de théorie relative à la balistique. Pourtant, comme l’attestent certains de ses schémas, Léonard de Vinci eut peut-être l’intuition, comme on pouvait l’observer sur un jet d’eau, qu’il n’existait pas de partie rectiligne dans la trajectoire d’un projectile d’artillerie contrairement à ce qui était couramment admis à l’époque. Mais il s’arrêta très vite sur une voie que Tartaglia puis Benedetti allaient suivre et qui mena à Galilée[19].
235
+
236
+ Si Alberti ou Francesco di Giorgio Martini se préoccupèrent de la solidité des poutres, jamais ils n’avaient cherché de formulations mathématiques. Léonard de Vinci s’intéresse au problème de la flexion, sans doute à l’aide d’expériences, et parvient à définir des lois, encore imparfaites[Note 21], de la ligne élastique pour des poutres de différentes sections, libres ou encastrées dont le problème de Galilée (problème du balcon). Ce faisant, il élimine le module d’élasticité et le moment auquel avait pourtant fait allusion Jordanus Nemorarius[19].
237
+
238
+ Sa chimie se borne à la mise au point d'un alambic et aux quelques recherches d'alchimie qu'il pratiqua à Rome[19].
239
+
240
+ Paul Valéry met en avant la manière dont Léonard de Vinci a découvert intuitivement, par l'observation, « le premier germe de la théorie des ondulations lumineuses », sans cependant pouvoir la valider de manière expérimentale : « L'air est rempli d'infinies lignes droites et rayonnantes, entrecroisées et tissées sans que l'une n'emprunte jamais le parcours d'une autre, et elles représentent pour chaque objet la vraie forme de leur raison (de leur explication)[101]. »
241
+
242
+ Léonard de Vinci étudia aussi beaucoup la lumière et l'optique[45] ; en hydrologie, la seule véritable loi qu'il ait formulée est celle du débit des cours d'eau.
243
+
244
+ Il semble que, à partir du contenu de ses carnets, il ait envisagé de publier une série de traités sur une grande variété de sujets. À plusieurs reprises il mentionne un projet de traité de l'eau, mais qui paraît avoir été si considérable dans sa pensée qu'il semblait irréalisable[19]. Un traité d'anatomie aurait été observé au cours d'une visite par le secrétaire du cardinal Louis d'Aragon en 1517[102].
245
+
246
+ Son élève Francesco Melzi, chercha à reconstituer le Traité de la peinture que Léonard de Vinci avait projeté toute sa vie d'écrire. Il compila pour cela les aspects de son travail sur l'anatomie, la lumière et les ombres, les drapés, les paysages. Une édition partielle et incomplète du travail de Francesco Melzi parut en 1651, en italien, puis en français. Charles Le Brun présenta l’édition française du Traité de la peinture aux membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme le livre qui devait leur servir désormais de référence (malgré les critiques d‘Abraham Bosse et le scepticisme de Félibien[103]). C’est ainsi que Léonard de Vinci fut transformé « en précurseur de la pensée académique », selon la formule de Daniel Arasse[25].
247
+
248
+ La formation initiale de Léonard à l'anatomie du corps humain a commencé lors de son apprentissage avec Andrea del Verrocchio, son maître insistant sur le fait que tous ses élèves apprennent l'anatomie. Comme artiste, il est rapidement devenu maître de l'anatomie topographique, en s'inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d'autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l'anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition. Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à cause des problèmes d'hygiène et de conservation des corps.
249
+
250
+ Comme artiste connu, il a reçu l'autorisation de disséquer des cadavres humains à l'hôpital de Santa Maria Nuova à Florence et, plus tard, dans les hôpitaux de Milan et de Rome (de 1513 et 1516, il y dirige plusieurs autopsies dans l'hôpital romain Santo Spirito in Sassia). Il réalise ainsi une vingtaine de dissections à partir de 1487 pour composer un traité d'anatomie[104] qui ne verra jamais le jour[105]. De 1510 à 1511, il a collaboré dans ses recherches avec le médecin Marcantonio della Torre.
251
+
252
+ Léonard a dessiné de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d'autres organes internes. Ces observations contiennent parfois des inexactitudes dues aux méconnaissances de l'époque[15]. Il n'a par exemple jamais entrevu la circulation du sang[19]. Il a par contre identifié quatre cavités cardiaques dans le cœur (Vésale et Descartes n'y en verront que deux), fait l'un des premiers dessins scientifiques d'un fœtus dans l'utérus[90] et la première constatation scientifique de la rigidité des artères à la suite d'une crise cardiaque. Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l'âge et de l'émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d'importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie[25],[90].
253
+
254
+ Il a aussi étudié et dessiné l'anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l'homme. Il étudia également les chevaux.
255
+
256
+ « Combien de biographies n'a-t-on pas écrites, qui ne mentionnent cette activité scientifique ou technique que pour montrer l'étendue d'un savoir qu'on veut universel […] Tout ceci n'a pu se faire que péniblement, par une recherche constante de ce qu'avaient écrit les anciens ou les prédécesseurs immédiats […] Et faute de connaître tout ce passé qui l'avait fait, on a présenté Léonard comme un inventeur fécond »
257
+
258
+ — Bertrand Gille, dans Les ingénieurs de la Renaissance[19]
259
+
260
+ Léonard de Vinci s’inscrit dans le courant technicien de la Renaissance et, comme tel, il eut des prédécesseurs immédiats ou plus lointains parmi lesquels on peut citer Konrad Kyeser, Taccola, Roberto Valturio, Filippo Brunelleschi, Jacomo Fontana ou encore Leon Battista Alberti à qui il doit sans doute beaucoup[19].
261
+
262
+ Certains furent des personnalités plus puissantes, des esprits plus complets, des curiosités plus larges encore. C’est le cas de Francesco di Giorgio Martini qui fut son supérieur lors de la construction du dôme de Milan et à qui il emprunta certainement beaucoup[19]. Étant sans doute moins occupé par ses réalisations que ce dernier du fait d’un carnet de commandes moins rempli, Léonard de Vinci sera à la fois plus prolifique, mais surtout capable d’un changement de méthode.
263
+
264
+ La légende fait de Léonard le précurseur de plusieurs machines modernes mais nombre d'entre elles ont été inventées par des prédécesseurs (tels le bateau à roues à aubes existant sous la dynastie des Song du Sud au Ve siècle, l'hélicoptère, le véhicule à chenilles, la machine à tisser des scies hydrauliques, le sous-marin ou le char d'assaut blindé que Léonard perfectionne après avoir puisé ses idées notamment dans les carnets de Taccola et de son maître Giorgio, eux-mêmes copiant des manuscrits de penseurs contemporains ou médiévaux[106]) et, au-delà de l'étonnement éprouvé face à l’imagination prospective de l’auteur, on peut vite constater que le fonctionnement réel de la machine n’a pas dû être son souci premier. Comme le moine Eilmer de Malmesbury au XIe siècle qui avait oublié la queue dans sa machine volante, les inventions de Léonard butent sur de nombreuses difficultés : l’hélicoptère s’envolerait comme une toupie, le scaphandrier s’asphyxierait, le bateau à aubes n’avancerait pas, le parachute en pyramide s'enroulerait sur lui-même, etc.[107]. De plus, dans ces épures, Léonard ne pose jamais le problème de la force motrice[108].
265
+
266
+ Dans une lettre d'emploi adressée à Ludovic Sforza[Note 22], qui est une véritable lettre de candidature en dix points, il lui présente son profil professionnel, le meilleur du marché, avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre. Il énumère : ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, c'est-à-dire toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège[109].
267
+
268
+ Quand il a fui à Venise en 1499, il a trouvé un emploi d'ingénieur et a développé un système de barrières mobiles pour protéger la ville contre les attaques terrestres. Il a également eu pour projet de détourner la circulation de l'Arno afin d'irriguer les champs toscans, de faciliter le transport et même de gêner l'approvisionnement maritime de Pise, la rivale de Florence[37].
269
+
270
+ Ses carnets présentent un grand nombre d'« inventions » (inventions propres ou perfectionnement de machines et d'instruments) à la fois pratiques et réalistes[110], notamment des pompes hydrauliques, des mécanismes à manivelle comme la machine à tailler les vis de bois, des ailettes pour les obus de mortier, un canon à vapeur[20],[25], le sous-marin, plusieurs automates, le char de combat, l'automobile, des flotteurs pour « marcher sur l'eau », la concentration d'énergie solaire, la calculatrice, le scaphandre à casque, la double coque ou encore le roulement à billes. La paternité de la bicyclette est, quant à elle, très controversée[Note 23].
271
+
272
+ Un examen attentif de ces épures indique cependant que nombre de ces techniques furent, soit empruntées à quelques prédécesseurs immédiats (la turbine hydraulique à Francesco di Giorgio Martini, la chaîne articulée pour la transmission des mouvements à Taccola, etc.), soit l'héritage d'une tradition encore plus ancienne (le martinet hydraulique est connu au XIIIe siècle, les siphons et aqueducs sont visibles chez Frontin, les automates de divertissement décrits par les mécaniciens grecs…)[19]. Pourtant Léonard fut aussi novateur ; il est sans doute l'un des premiers dans le cercle des ingénieurs de l'époque à s'intéresser au travail mécanique du métal et en particulier de l'or, plus malléable. Avec la machine volante, les quelques machines textiles, pour lesquelles la régularité des mouvements mis en œuvre lui permet d'appliquer son sens de l'observation, signent son originalité. Le métier mécanique, la machine à carder et celle à tondre les draps font sans doute de Léonard, le premier qui chercha à mécaniser une fabrication industrielle. La machine à polir les miroirs qui supposait la résolution d'un certain nombre de problèmes pour obtenir des surfaces régulières, planes ou concaves, a été imaginée pendant son séjour romain alors qu'il étudiait la fabrication des images. Paradoxalement, Léonard de Vinci s'intéressa peu à des inventions que nous jugeons aujourd'hui très importantes, telles que l'imprimerie, même s'il est un des premiers à nous donner une représentation d'une presse d'imprimerie[19].
273
+
274
+ Si la guerre peut répondre à une nécessité, elle est pazzia bestialissima (« folie sauvage »)[33]. Il étudie donc les armes tout en gardant du recul quant à leur utilisation.
275
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276
+ En 1502, Léonard a dessiné un pont de deux cent quarante mètres dans le cadre d'un projet de génie civil pour le sultan ottoman Bayezid II d'Istanbul. Ce pont était destiné à franchir l'embouchure du Bosphore, connue sous le nom de la « Corne d'Or ». Beyazid ne poursuit pas le projet, car il estime que cette construction serait impossible. La vision de Léonard a été ressuscitée en 2001 quand un petit pont conçu selon ses idées a été construit en Norvège. Le 17 mai 2006, le gouvernement turc a décidé de construire le pont de Léonard pour la Corne d'Or[111].
277
+
278
+ Pendant la majeure partie de sa vie, Léonard a été, comme Icare, fasciné par le vol. Il a produit de nombreuses études sur ce phénomène en s'inspirant des oiseaux et des plans de vol de plusieurs appareils, dont les prémices d'hélicoptère nommées la « vis aérienne », le parachute et une sorte de deltaplane[25] en bambou. Sur ce nombre, la plupart étaient irréalisables, mais le deltaplane a été construit et, avec l'ajout un empennage pour la stabilité, a volé avec succès. Néanmoins, il semble probable qu'il estimait que les systèmes proches des chauves-souris avaient le plus gros potentiel[33]. Il inventa également la soufflerie aérodynamique pour ses travaux.
279
+
280
+ Le musée du clos Lucé à Amboise, le musée Il Castello situé au château de comtes Guidi de Vinci et le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci de Milan contiennent de nombreuses maquettes, des objets grandeur nature établis sur l’étude de ses carnets et des explications sur son travail.
281
+
282
+ De Vinci a également étudié l'architecture. Il est influencé par les travaux de Filippo Brunelleschi et a projeté de surélever le baptistère Saint-Jean de Florence[30] ou de créer une tour-lanterne pour la cathédrale de Milan[33]. Il utilise souvent la forme octogonale pour les bâtiments religieux et le cercle pour les militaires[37]. À la suite de la peste qui frappe Milan vers 1484 et 1485, il conçoit une ville parfaite théorique avec des axes de circulation optimaux et des conditions de vie de qualité, sa vision n'est pas marquée par des distinctions sociales, mais fonctionnelles, tels des organes dans un corps humain[33]. Il travaille également sur les jardins[45]. Néanmoins, beaucoup de ses travaux sur l'architecture seront perdus.
283
+
284
+ Léonard de Vinci a un besoin de rationaliser inconnu jusqu’alors chez les techniciens. Avec lui la technique n’est plus affaire d’artisans, de personnes ignorantes et de traditions plus ou moins valables et plus ou moins comprises par ceux qui étaient chargés de l’appliquer. George Sarton, historien des sciences, indique que Léonard de Vinci a recueilli une « tradition orale et manuelle, non une tradition littéraire[112]. »
285
+
286
+ C’est d’abord par les échecs, par les erreurs, par les catastrophes qu’il essaie de définir la vérité : les lézardes des murs, les affouillements destructeurs des berges, les mauvais mélanges de métaux sont autant d’occasions de connaître les bonnes pratiques.
287
+
288
+ Progressivement, il élabore une sorte de doctrine technique, née d’observations bientôt suivies d’expériences qui furent parfois conduites sur de petits modèles. Harald Höffding présente sa pensée comme un mélange d’empirisme et de naturalisme[113]. En effet, si pour Léonard de Vinci « La sagesse est la fille de l'expérience »[114], elle permet de vérifier constamment ses intuitions et théories, car « L'expérience ne se trompe jamais ; ce sont vos jugements qui se trompent en se promettant des effets qui ne sont pas causés par vos expérimentations »[114].
289
+
290
+ La méthode de Léonard de Vinci a certainement consisté dans la recherche de données chiffrées[112] et son intérêt pour les instruments de mesure en témoigne. Ces données étaient relativement faciles à obtenir dans le cas des poutres en flexion par exemple, beaucoup plus compliquées dans le domaine des arcs ou de la maçonnerie. La formulation des résultats ne pouvait être que simple, c’est-à-dire exprimée le plus souvent par des rapports. Cette recherche effrénée de l’exactitude est devenue la devise de Léonard de Vinci, Hostinato rigore (« obstinée rigueur »)[115]. C’est néanmoins la première fois qu’on voit appliquer de telles méthodes dans les métiers où on dut longtemps se contenter de moyens irraisonnés d’appréciation.
291
+
292
+ Ce faisant, Léonard en est arrivé à pouvoir poser des problèmes en termes généraux. Ce qu’il cherche avant tout ce sont des connaissances générales, applicables dans tous les cas, et qui sont autant de moyens d’action sur le monde matériel. Pour autant sa « science technique » reste fragmentaire. Elle s’attache à un certain nombre de problèmes particuliers, traités très étroitement, mais il y manque encore la cohérence d’ensemble qu'on trouvera bientôt chez ses successeurs[19].
293
+
294
+ Pour lui, cette recherche dans tous les domaines de la science et de l'art est normale, car tout est lié. Sa curiosité et son activité perpétuelle constituent le moyen de garder un esprit vivace, car « Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit »[114]. Léonard de Vinci considère la peinture, par exemple, comme l'expression visuelle d'un tout ; l'art, la philosophie et la science sont, selon lui, indissociables et pouvant expliquer en partie son approche de polymathe et « Qui blâme la peinture n'aime ni la philosophie ni la nature »[114]. En proposant une « synthèse par la beauté », Léonard de Vinci illustre à lui seul ce que fut le grand courant d'innovation de la Renaissance[116].
295
+
296
+ Cependant, cette tentative de grande synthèse - art-science - fût un échec et marqua la séparation « croissante et définitive » des domaines que sont l’art et les sciences, et marque ainsi le début de l’âge moderne[Note 24].
297
+
298
+ Léonard de Vinci pense que l'homme doit s'engager activement à combattre le mal et faire le bien, car « Celui qui néglige de punir le mal aide à sa réalisation »[114]. Il indique également qu'il ne se fait aucune illusion sur la nature de l'homme et de la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fait en préambule à une présentation du sous-marin :
299
+
300
+ « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent[118]. »
301
+
302
+ Léonard de Vinci place également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles :
303
+
304
+ « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit[114]. »
305
+
306
+ Léonard de Vinci, connu de son vivant pour acheter des oiseaux en cage afin de les libérer[119], était aussi célèbre pour être végétarien par refus de nuire aux animaux (à la manière des « Guzzarati » ou hindous)[120], ce qui peut ainsi le mettre dans la lignée de la philosophie de Pythagore ou d'Empédocle d'Agrigente (qui inspirèrent aussi Giordano Bruno). Léonard de Vinci écrit à ce propos :
307
+
308
+ « Homme, si vous êtes vraiment, comme vous le décrivez, le roi des animaux, — j'aurai dit plutôt le roi des brutes, la plus grande de toutes ! — pourquoi prenez-vous vos sujets et enfants pour satisfaire votre palais, pour des raisons qui vous transforment en une tombe pour tous les animaux ? […] La Nature ne produit-elle peut-être pas en abondance des aliments simples ? Et si vous ne pouvez pas vous contenter de tels aliments simples, pourquoi ne préparez-vous point vos repas en mélangeant entre eux ces aliments [d'origines végétales] de façon sophistiquée ? »
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+
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+ — Quaderni d’Anatomia II 14 r.
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+ Léonard de Vinci incarne parfaitement l’esprit de la Renaissance, époque des « Grandes Découvertes ». Génie universel, curieux de tout, parfois vu comme un personnage entre Faust et Platon[45], il a consacré sa vie à la recherche de la connaissance. Il imagine de multiples appareils et machines, dont la première « machine volante », qui resteront au stade de dessins. Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploie dans l’ensemble des activités qu’il aborde, aussi bien en art qu’en technique — les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit — notamment en horlogerie, procède d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés çà et là, qui tend vers un surpassement de ce qui existe déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure. « Léonard de Vinci se classe mal et c'est en ce sens qu'il a paru exceptionnel »[19].
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+ De son vivant, Léonard a déjà une renommée telle que le roi François Ier l'a ramené en France comme un trophée, et a affirmé l'avoir accompagné dans sa vieillesse et l'avoir tenu dans ses bras quand il est mort. La Mort de Léonard de Vinci, telle que représentée par Dominique Ingres, constitue cependant une vision apparemment très romancée. En réalité, François Ier était probablement à Saint-Germain-en-Laye au moment de son décès, en effet il y a signé un édit royal le lendemain du décès de Léonard de Vinci, le 3 mai[121].
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+ L'intérêt pour de Vinci n'a jamais diminué depuis cette période. Giorgio Vasari, dans Le Vite, édition de 1568[29], introduit son chapitre sur Léonard de Vinci avec les mots suivants :
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+ « Dans le cours normal des événements, beaucoup d'hommes et de femmes sont nés avec des talents remarquables ; mais, parfois, d'une manière qui transcende la nature, une seule personne est merveilleusement dotée par le paradis avec beauté, la grâce et le talent dans une telle abondance qu'il laisse les autres hommes loin derrière. Tous ses actes semblent inspirés et, de fait, tout ce qu'il fait vient clairement de Dieu plutôt que de compétences humaines. Tout le monde reconnaît que c'était vrai pour Léonard de Vinci, un artiste d'une beauté physique étonnante, qui a affiché une grâce infinie dans tout ce qu'il a fait et qui cultivait son génie si brillamment que tous les problèmes qu'il a étudiés, il les résolvait avec facilité[29]. »
319
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320
+ Giorgio Vasari pose ainsi les premiers jalons du mythe de Léonard de Vinci : peintre parfait, courtisan et bel homme, génie ombrageux fasciné par la laideur, mais incapable d'achever ses travaux, les anecdotes de Vasari étant reprises et remaniées dans les biographies de Léonard de Vinci jusqu'à aujourd'hui[122].
321
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322
+ L'admiration continue qu'ont eue, pour Léonard, les peintres, les critiques et les historiens, se reflète dans de nombreux autres hommages écrits. Baldassare Castiglione, auteur du Livre du courtisan, écrit, en 1528 : « Un autre des plus grands peintres de ce monde, qui regarde d'en haut son art dans lequel il est sans égal »[123] tandis que le biographe « Anonimo » Gaddiano a écrit, vers 1540 : « Il fut si exceptionnel et universel qu'on peut le dire né d'un miracle de la nature »[124].
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+ Les écrits de Léonard de Vinci ne sont publiés qu'un siècle après sa mort ; l'édition bilingue français-italien de son Traité de la peinture (Trattato della pittura di Leonardo da Vinci), est éditée à Paris en 1651. Ses tableaux ne sont alors pas étudiés, n'étant redécouverts, comme ses Carnets (le premier carnet à être étudié correspond à des extraits inédits des manuscrits du Codex Atlanticus que le physicien italien Giovanni Battista Venturi déchiffre en 1797 à Paris[125]), qu'au XVIIIe et surtout au XIXe siècle qui voit en lui un prophète de la modernité[122].
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+ Le XIXe siècle a introduit une certaine admiration pour le génie Léonard, Johann Heinrich Füssli écrivant en 1801 : « Ainsi fut l'aube de l'art moderne, lorsque Léonard de Vinci apparut avec une splendeur qui distançait l'excellence habituelle : composé de tous les éléments qui constituent l'essence même du génie »[126], ce qui est repris par A. E. Rio, qui écrit en 1861 : « Il était au-dessus de tous les autres artistes grâce à la force et la noblesse de ses talents »[127]. La variété du champ d'application de Léonard, transmise par ses carnets est connue, ainsi que ses peintures. Hippolyte Taine écrit en 1866 : « Il ne peut sans doute pas y avoir dans le monde un exemple d'un génie si universel, si capable de s'épanouir, si empli de nostalgie envers l'infini, si naturellement raffiné, si autant en avance sur son propre siècle et les siècles suivants[128]. » Le célèbre historien d'art Bernard Berenson écrit en 1896 : « Léonard est un artiste dont on peut dire avec une parfaite littéralité : tout ce qu'il a touché s'est transformé en une chose d'une éternelle beauté. Qu'il s'agisse de la section transversale d'un crâne, la structure d'une mauvaise herbe ou une étude des muscles, il l'a, avec son sens de la ligne et de la lumière et de l'ombre, à jamais transformée en des valeurs qui communiquent la vie[129]. Charles Baudelaire le cite même dans Les Fleurs du mal (1857)[130]. »
327
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+ L'intérêt pour le génie Léonard s'est maintenu sans relâche ; des experts étudient et traduisent ses écrits, analysent ses tableaux en utilisant des techniques scientifiques, argumentent sur les œuvres qu'on lui attribue et recherchent des œuvres qui ont été enregistrées, mais jamais découvertes[131]. La critique d'art Liana Bortolon (it) écrit dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967) : « En raison de la multiplicité des intérêts qui l'ont incité à poursuivre tous les domaines de connaissances, […] Léonard peut être considéré, à juste titre, d'avoir été le génie universel par excellence et avec toutes les harmoniques inhérentes à ce terme. L'homme est aussi mal à l'aise aujourd'hui face à un génie qu'il l'a été au XVIe siècle. Cinq siècles se sont écoulés et nous voyons encore Léonard avec une grande frayeur[20]. » Les foules font toujours la queue pour voir ses plus célèbres œuvres d'art : par exemple, le Musée du Louvre doit une grande part de sa notoriété à La Joconde.
329
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330
+ Avec le best-seller Da Vinci Code, roman mêlant faits historiques et artifices scénaristiques, Dan Brown a donné un nouvel élan à l'intérêt pour de Vinci en 2003. Le roman a été adapté au cinéma par Ron Howard.
331
+
332
+ D'après un article du Monde[132], la boîte de vitesses de la Tata Nano a été imaginée à partir d'un modèle Léonard de Vinci : il s'agit tout simplement d'une lanterne en forme de tronc de cône qu'il était sans doute difficile de manœuvrer pour la laisser en contact avec la roue dentée sur laquelle elle s'engrenait[19].
333
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334
+ En 2007, un couple de chercheurs italiens a émis une hypothèse sur la présence d'une partition de musique cachée à l'intérieur de La Cène. La disposition des mains des personnages et des pains sur la table donnerait une petite mélodie[133].
335
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336
+ Le 26 avril 2008, un saut a été réalisé avec un parachute conçu selon les croquis et textes de Léonard de Vinci datant de 1485. Le Suisse Olivier Vietti-Teppa s'est élancé au-dessus de l'aéroport militaire de Payerne depuis un hélicoptère en vol stationnaire à 650 mètres d'altitude, avec une réplique du parachute fabriquée avec des matériaux modernes[134],[135] : il mesura une vitesse de chute de 3,9 m/s et put atterrir normalement[136]. En 2000, le Britannique Adrian Nicholas avait également réalisé un saut avec une réplique du parachute, mais celui-ci étant plus fidèle à l'original, il pesait 80 kg et présentait des risques à l'atterrissage. L'homme avait abandonné la réplique en vol pour faire un atterrissage avec un parachute actuel.
337
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338
+ Le 18 décembre 2008, lors d'une restauration, des membres du personnel du Musée du Louvre à Paris découvrent trois dessins représentant une tête de cheval, un crâne et un enfant au dos de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, vraisemblablement de Léonard de Vinci[137].
339
+
340
+ En France, en 2015, 94 établissements scolaires portent son nom, fait rarissime pour une personnalité étrangère[138].
341
+
342
+ Le 15 novembre 2017, son tableau Salvator Mundi reconnu authentique en 2005, est vendu à New York chez Christie's pour la somme de 450,3 millions de dollars, ce qui en fait la toile la plus chère du monde et de l'histoire[139].
343
+
344
+ A l'occasion des 500 ans de sa mort en 2019, le musée du Louvre à Paris consacre une exposition évènement regroupant un très grand nombre de chef-d'oeuvres attribués à Léonard de Vinci[140].
345
+
346
+ Ce classement est fait selon les tendances générales des experts. La difficulté étant que les travaux « d'atelier » ne sont signés que par le propriétaire de cet atelier et qu'il manque d'œuvres de références pour Vinci, notamment dans la sculpture.
347
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348
+ Francesco Melzi s‘efforça jusqu’à sa mort de reconstituer le Trattato della pittura projeté par Léonard de Vinci. Son manuscrit, un travail « très avancé, mais inachevé », selon André Chastel, est conservé à la Bibliothèque du Vatican sous la référence Codex Urbinas latinus 1270. La première édition du Tratatto della pittura, parue en 1651, en italien puis en français, est établie sur une copie du Codex Urbinas latinus 1270 que possédait Cassiano Dal Pozzo. L’édition de Guglielmo Manzi, parue en 1817, est la première établie directement sur le Codex Urbinas latinus 1270.
349
+
350
+ La relation amoureuse entre Léonard et Salai, le rôle de ce dernier comme modèle de la Joconde se retrouve dans les bandes dessinées :
351
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352
+ Dans sa série en deux parties S.H.I.E.L.D. entre 2010 et 2018, Jonathan Hickman scénarise un Léonard De Vinci au sein d'une structure secrète protégeant l'humanité contre toute sorte de fléaux depuis des siècles. Cette Confrérie du Bouclier donnera naissance au SHIELD dans les aventures des héros Marvel. Léonard y est opposé à Isaac Newton.
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354
+ Dans la bande dessinée Le Guide ou le secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky)[143] de Bruno Bertin (Éd. P'tit Louis, 2012), un ouvrier qui travaille dans une chambre du Clos Lucé découvre une petite boite de métal dans un mur. Des enfants qui se rendent en Touraine pour faire un exposé tombent sur cette boîte... L'histoire, qui se déroule à Amboise, au château d'Amboise et au Château du Clos Lucé, sert de prétexte à la découverte de Léonard de Vinci, d'Amboise et de ses monuments historiques[144]. La bande dessinée est déclinée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P'tit Louis, 2013).
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+ Des disques permettent de mettre en relation des compositions de la Renaissance avec la vie de Léonard de Vinci :
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+ Leonhard Euler ( audio), né le 15 avril 1707 à Bâle (Suisse) et mort à 76 ans le 7 septembre 1783 (18 septembre 1783 dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg (Empire russe)[1], est un mathématicien et physicien suisse, qui passa la plus grande partie de sa vie dans l'Empire russe et en Allemagne. Il était notamment membre de l'Académie royale des sciences de Prusse à Berlin.
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+ Euler fit d'importantes découvertes dans des domaines aussi variés que le calcul infinitésimal et la théorie des graphes. Il introduisit également une grande partie de la terminologie et de la notation des mathématiques modernes, en particulier pour l'analyse mathématique, comme la notion de fonction mathématique[2]. Il est aussi connu pour ses travaux en mécanique, en dynamique des fluides, en optique et en astronomie.
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+ Euler est considéré comme un éminent mathématicien du XVIIIe siècle et l'un des plus grands et des plus prolifiques de tous les temps. Une déclaration attribuée à Pierre-Simon de Laplace exprime l'influence d'Euler sur les mathématiques : « Lisez Euler, lisez Euler, c'est notre maître à tous[3] ». Il était un fervent chrétien, croyant en l'inerrance biblique, et s'opposa avec force aux athées éminents de son temps.
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+ Leonhard Euler naît le 15 avril 1707 à Bâle[1], il est le fils de Paul Euler (1670-1745), modeste pasteur des Églises réformées de Suisse, affecté provisoirement à la paroisse Saint-Jacques au cœur de la cité bâloise et de Margaretha Brucker (1677-1761), fille de pasteur. Il a deux jeunes sœurs du nom d'Anna Maria et de Maria Magdalena[4]. En 1708, alors que Leonhard n'a pas un an, la famille Euler déménage de Bâle pour rejoindre la campagne voisine à Riehen, où Paul Euler est nommé pasteur de la paroisse homonyme. Leonhard passe la plus grande partie de sa prime enfance entre Riehen, modeste village où se situe la maison du pasteur Euler, centre d'un foyer familial pieux et dévot, et Bâle, où résident ses grands-parents, ainsi que la plupart des amis de son père, anciens collègues à l'université de confession calviniste affirmée. Paul Euler, qui a suivi les cours de Jakob Bernoulli, est un ami du médecin, à la fois mathématicien et érudit humaniste, Johann Bernoulli, le frère de Jakob, depuis leurs jeunes années d'études universitaires. Paul donne les premières leçons de mathématiques à son fils et constate rapidement sa précocité d'assimilation et son esprit vif en calcul et géométrie. Lycéen à neuf ans dans la ville de Bâle, le jeune Leonhard réside chez sa grand-mère maternelle et il est déjà familier de la maison Bernoulli. Son père a souhaité au départ le confier au tutorat bienveillant de son ami, qui s'impose petit à petit comme un des principaux mathématiciens européens après avoir repris inopinément la charge de mathématicien de son défunt frère à l'université de Bâle en 1705. Mais le professeur Bernoulli refuse se disant accaparé par sa recherche et les fonctions de sa chaire : il ne peut que conseiller de bonnes lectures d'initiation à Leonhard, le laisser jouer avec son jeune fils Jean comme il en a pris l'habitude, et l'inviter comme un fils au sein de sa famille, pour le grand plaisir de sa femme, si sa grand-mère accepte et s'il est libre, durant les veilles de dimanches et de fêtes religieuses. Conscient des lacunes scientifiques du modeste lycée auquel il l'a inscrit, Paul Euler réserve à son fils des leçons particulières auprès du maître Johannes Burckhardt (1691-1743), à la fois théologien et mathématicien.
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+ À l'âge de treize ans, en 1720, Leonhard est inscrit à l'université de Bâle, et en 1723 obtient sa maîtrise de philosophie ou Magister Philosophiae, grâce à une dissertation qui compare les idées maîtresses de Descartes à celles de Newton. À cette époque, tous les samedis après-midi, l'étudiant peut poser des questions sur les difficultés rencontrées durant ses lectures d'ouvrages recommandés à Johann Bernoulli, qui ne lui donne pas à vrai dire de leçons particulières, mais lui explique au gré de la conversation ouverte les principes et raisonnements à mettre en œuvre. Ce faisant, Johann découvre un intérêt et un certain talent de Leonhard pour les questions mathématiques[5].
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+ Après ces trois années de tronc commun conclues en 1723, le jeune titulaire de la maîtrise doit en principe étudier la théologie, le grec et l'hébreu à la demande de son père, afin de devenir comme lui un bon pasteur, mais Jean Bernoulli parvient à convaincre Paul Euler que Leonhard a des remarquables dispositions pour devenir un excellent mathématicien. En 1726, il termine brillamment ses études de mathématiques. Il recherche en vain un poste universitaire d'assistant en mathématiques. Mais en septembre 1726 lui parvient une invitation de l'académie de sciences de Saint-Pétersbourg sur recommandation des fils de Johann, Daniel et Nicolaus Bernoulli, déjà expatriés en Russie depuis plus d'un an, avec une première offre d'une chaire de physiologie (sic) qui s'explique par la disparition tragique de Nicolaus. En novembre 1726, Leonhard Euler se résigne à accepter finalement l'offre après avoir longtemps hésité, car ses connaissances en physiologie ne sont que rudimentaires, malgré un début de formation, et il espère encore un poste de professeur de physique à l'université de Bâle[6]. Ainsi, après une formation rapide et intense à la faculté de médecine de Bâle, il part le 5 avril 1727 vers les lointaines rives de la Néva. Il n'a pas encore vingt ans.
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+ En 1727, Leonhard participe au concours de l'Académie des sciences de Paris qui consiste à résoudre un problème scientifique. Cette année-là, le problème concret retenu consiste à justifier la meilleure façon de placer les mâts d'un navire. Euler remporte la deuxième place, derrière Pierre Bouguer, aujourd'hui reconnu comme le « père de l'architecture navale ». Par la suite, Euler, assidu participant à ce concours, gagnera le prestigieux prix annuel douze fois dans sa carrière[7].
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+ Créée en 1724 par Pierre le Grand, l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg était destinée à améliorer l'éducation en Russie et à combler le retard scientifique qui la séparait de l'Europe occidentale. En conséquence, elle était particulièrement intéressante pour les jeunes diplômés de l'université, aventureux, et les maîtres soucieux d'obtenir une chaire. L'académie possède dès l'origine suffisamment de ressources financières et une bibliothèque complète tirée de la bibliothèque privée de Pierre le Grand et de la noblesse russe. Très peu d'étudiants sont inscrits dans l'Académie, de façon à diminuer la charge des professeurs, à mettre l'accent sur la recherche et à offrir à son corps professoral à la fois le temps et la liberté d'effectuer des recherches scientifiques[8].
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+ Répondant à l'appel dès sa fondation, les deux fils de Johannes Bernoulli, Daniel et Nicolaus, travaillent dès l'année 1725 à l'Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg. En juillet 1726, Nicolas meurt de l'appendicite et la reprise par le cadet Daniel du poste de son frère en mathématiques et en physique explique la vacance du poste en physiologie qu'il avait préalablement occupé.
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+ Euler arrive dans la capitale russe le 17 mai 1727, le jour de la mort de Catherine Ire de Russie, veuve de Pierre le Grand. Il s'attend à sa grande hantise à être affecté au département médical de l'académie, mais entretemps, un poste d'assistant s'est libéré au département de mathématiques. Il loge et travaille alors auprès de Daniel Bernoulli, qui, nommé professeur, n'est autre que son supérieur direct. Euler maîtrise assez rapidement le russe, puis il s'installe de manière indépendante à Saint-Pétersbourg. Il prend également un emploi additionnel de médecin dans la marine russe[9].
24
+
25
+ La défunte Catherine Ire de Russie s'était efforcée de suivre la politique de son défunt mari. La noblesse russe reprend lentement le pouvoir lors de l'ascension de Pierre II de Russie, âgé de douze ans. Les membres éminents de la noblesse se méfient des chercheurs étrangers ; le gouvernement réduit le financement universitaire et semble causer diverses tracasseries et difficultés aux recrues étrangères. Leurs conditions de travail semblent toutefois s'améliorer à la mort de Pierre II[10]. Alors qu'Euler peut rapidement gravir les échelons au sein de l'Académie, jusqu'à devenir professeur de physique en 1731, Daniel Bernoulli se lasse de la censure et de l'hostilité dont il fait l'objet à Saint-Pétersbourg. Deux ans plus tard, il repart pour Bâle. Euler lui succède alors à la tête du département de mathématiques[11].
26
+
27
+ Le 7 janvier 1734, il épouse Katharina Gsell (1707-1773), fille du peintre émigré en Russie, Georg Gsell (de) (1673-1740)[12]. Georg Gsell est un peintre suisse originaire de Saint-Gall, recruté par Pierre le Grand en 1716 pendant son voyage en Europe, il est à la fois marchand d'art et conservateur de la Kunstkamera.
28
+
29
+ Le jeune couple achète une maison avec vue sur la Neva. De leurs treize enfants, cinq seulement atteignent l'âge adulte[13]. Leonhard Euler, après le décès de Katharina Gsell en 1773, épouse l'année suivante une demi-sœur de celle-ci, Salomé Abigail Gsell (1723-1794), fille de Dorothea Graff (1678-1743) et de Georg Gsell (1673-1740). Dorothea Graff, fille de Anna Maria Sibylla Merian était comme elle peintre et naturaliste, et avait accompagné sa mère dans ses expéditions au Surinam[14].
30
+
31
+ L'intense activité professionnelle d'Euler ne l'empêche pas de s'intéresser à la situation politique du pays. À la guerre russo-ottomane qui, en 1739, vient de prendre fin s'ajoute le mécontentement de l'aristocratie locale, provoqué par la très forte présence germanique aux plus hauts postes du gouvernement et de l'administration. Avec l'accession au pouvoir, en 1740, de la fille de Pierre le Grand, la crainte de sévères purges contre l'élite germanique — et, par extension, tous les étrangers — pousse Euler à occuper un poste à l'Académie prussienne des sciences, sise à Berlin, qui lui est proposé par Frédéric II de Prusse[15].
32
+
33
+ Euler quitte Saint-Pétersbourg le 19 juin 1741, pour Berlin où il écrira plus de 380 articles. À Berlin, il publie deux célèbres ouvrages : l'Introductio in analysin infinitorum (« Introduction à l’analyse des infiniment petits »)[1], un texte sur les fonctions publié en 1748 et Institutiones calculi differentialis (« Traité du calcul différentiel »)[16],[1], publié en 1755 et traitant du calcul différentiel[17].
34
+
35
+ En outre, Euler est invité à être le professeur de la princesse d'Anhalt-Dessau, la nièce de Frédéric II. Euler lui écrit plus de 200 lettres, qui sont ensuite rassemblées dans un best-seller intitulé Lettres à une princesse d'Allemagne (en) sur divers sujets de physique et de philosophie. Cet ouvrage contient des publications d'Euler sur divers sujets se rapportant à la physique et aux mathématiques, mais également sur des sujets philosophiques. Ce livre est devenu le plus largement lu de tous ses travaux mathématiques, et il a été publié en Europe et aux États-Unis. La popularité des « Lettres » témoigne de la capacité d'Euler à communiquer efficacement sur les questions scientifiques au public, une capacité rare pour un chercheur scientifique[17].
36
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37
+ Malgré l'immense contribution d'Euler au prestige de l'Académie, il est finalement contraint de quitter Berlin, en partie à cause d'un conflit de personnalité avec Frédéric II. En effet, le monarque a moins de considération pour Euler que pour son cercle de philosophes. Voltaire fait partie de ceux qui sont aux côtés de Frédéric II, et il a une bonne place dans le cercle du roi. Euler, homme simple, religieux et travailleur acharné, est très classique dans ses convictions et ses goûts. Il est, à bien des égards, l'opposé de Voltaire. Euler a une formation limitée en rhétorique, et a tendance à débattre sur des questions qu'il connaît peu, faisant de lui une cible fréquente de l'esprit de Voltaire[17]. Frédéric II exprime également sa déception vis-à-vis des capacités d'ingénierie d'Euler :
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+
39
+ « Je voulais avoir un jet d'eau dans mon jardin : Euler a calculé la force des roues nécessaire afin d'élever l'eau jusqu'à un réservoir, d'où elle doit redescendre à travers des canaux, pour enfin sortir de la fontaine. Mon moulin a été réalisé géométriquement mais ne peut pas élever une goutte d'eau à moins de cinquante pas du réservoir. Vanité des vanités ! Vanité de la géométrie[18] ! »
40
+
41
+ La vue d'Euler empire tout au long de sa carrière en mathématiques[1]. Trois ans après avoir souffert d'une fièvre quasi mortelle en 1735, il devient presque aveugle de l'œil droit. Euler attribue plutôt son état au travail minutieux qu'il a effectué en cartographie pour l'Académie de Saint-Pétersbourg. La vue de son œil droit empire tout au long de son séjour en Allemagne, si bien que Frédéric II le surnomme « Cyclope »[20],[21],[22]. Euler souffre ensuite d'une cataracte de l'œil gauche, le rendant presque totalement aveugle[23]. Il semble que ce mauvais état ait peu d'effet sur sa productivité, Euler compensant son handicap par ses compétences en calcul mental et par sa mémoire eidétique. Par exemple, Euler peut répéter l'Énéide de Virgile, du début à la fin, sans hésitation, et pour chaque page de son édition, il peut citer la première ligne et la dernière. Avec l'aide de ses scribes, la productivité d'Euler dans de nombreux domaines d'étude augmente en fait. Ainsi, il produit en moyenne un document de mathématiques par semaine au cours de l'année 1775[24].
42
+
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+ Pendant son séjour à Berlin, il n'a pas complètement rompu le lien avec la Russie et il est de notoriété publique qu'il envoie de nombreux articles à l'Académie de Saint-Pétersbourg lorsque ceux-ci traitent de questions en rapport avec les écrits de son premier séjour en Russie. En 1742, il reçoit à Berlin, depuis la Russie, la promesse du versement d'une pension en contrepartie de ses travaux pour l'Académie de Saint-Pétersbourg. Une anecdote singulière permet de se faire une idée précise de la nature conflictuelle de ses relations avec son patron. Avec ironie, Frédéric II le Grand évoque , dans une lettre à d'Alembert, la perte d'une série de notes personnelles par le mathématicien lors du naufrage d'une embarcation qui le conduit à Saint-Pétersbourg : « Quel dommage ! Quand on pense qu'il aurait pu en tirer six tomes pleins de chiffres, du début à la fin ! L'Europe risque fort de se voir privée d'une lecture qui aurait été si plaisante. »
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+ La situation en Russie s'est grandement améliorée depuis l'accession au trône de Catherine II de Russie. En 1766, Euler accepte son invitation à venir renforcer le prestige de la nouvelle Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Un solde très avantageux de 3 000 roubles lui est offert à son retour en Russie. En outre, la tsarine met un cuisinier à sa disposition sur ses deniers royaux. Elle nomme la princesse Dashkova à la Direction de l'Académie, celle-ci accompagne le savant jusqu'à la salle de réunion. Puis un professeur particulièrement imbu de sa personne exige le fauteuil d'honneur, à côté de la présidence. La princesse se dirige alors vers Euler et lui adresse ces paroles exquises : « Prenez le siège que vous souhaitez, Monsieur, car il sera, nous n'en doutons pas, le plus distingué, le premier de tous. »
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47
+ C'est ainsi qu'il passa le reste de sa vie en Russie. Son second séjour dans le pays est cependant marqué par la tragédie. Un incendie à Saint-Pétersbourg en 1771 lui coûte son domicile, et manque de lui ôter la vie. En 1773, il perd son épouse Katharina après presque 40 ans de mariage. Trois ans après la mort de sa femme, Euler se remarie avec la demi-sœur de celle-ci, Salomé Abigail Gsell (1723-1794). Ce mariage va durer jusqu'à sa mort[25],[26].
48
+
49
+ Le 18 septembre 1783, Euler décéde à Saint-Pétersbourg d'une hémorragie intra-cérébrale[23] et est enterré auprès de son épouse Katharina au cimetière luthérien de Smolensk, sur l'île Vassilievski (au XXe siècle le cimetière a été fermé, les restes d'Euler ont été transférés au cimetière Saint-Lazare du monastère Alexandre-Nevski). Son éloge funèbre est écrit pour l'Académie française par le mathématicien et philosophe français Nicolas de Condorcet. Le récit de sa vie, avec une liste de ses œuvres, sera écrit par Nikolaus von Fuss, son secrétaire permanent à l'Académie des sciences de Russie, qui avait épousé en 1784 une de ses petites-filles. Condorcet écrit dans son Éloge : « … il cessa de calculer et de vivre[27] ».
50
+
51
+ Leonhard Euler a travaillé dans presque tous les domaines des mathématiques : la géométrie, le calcul infinitésimal, la trigonométrie, l'algèbre et la théorie des nombres. Il est une figure capitale de l'histoire des mathématiques : s'ils étaient imprimés, ses écrits, dont beaucoup sont d'un intérêt fondamental, pourraient occuper entre quarante et soixante ouvrages[24]. Le nom d'Euler est associé à un grand nombre de sujets.
52
+
53
+ Euler a introduit et popularisé plusieurs conventions de notation par le biais de ses nombreux ouvrages largement diffusés. Plus particulièrement, il a introduit la notion de fonction[2] et a été le premier à écrire f(x) pour désigner la fonction f appliquée à l'argument x, en 1734[28]. Il a également introduit la notation moderne des fonctions trigonométriques, la lettre e pour la base du logarithme naturel (également connue sous le nom de nombre d'Euler) en 1727[28], la lettre grecque Σ pour désigner une somme en 1755[28] et la lettre i pour représenter l'unité imaginaire, en 1777[29]. L'utilisation de la lettre grecque π pour désigner le rapport de la circonférence d'un cercle à son diamètre a également été popularisée par Euler, mais celui-ci n'est pas à l'origine de la notation.
54
+
55
+ Le développement du calcul infinitésimal a été au premier plan des recherches mathématiques du XVIIIe siècle, et la famille Bernoulli — amis d'Euler — est à l'origine de nombreux progrès dans ce domaine. Grâce à leur influence, l'étude du calcul infinitésimal est devenu l'un des axes principaux du travail d'Euler. Bien que certaines des démonstrations d'Euler ne soient pas acceptables au regard des normes modernes de rigueur mathématique[30], ses idées ont tout de même conduit à de grandes avancées.
56
+
57
+ Euler est bien connu dans le domaine de l'analyse pour son usage fréquent des séries numériques et des séries entières. Il a notamment montré que le nombre e est la somme de la série de terme général 1/n ! :
58
+
59
+ Il a trouvé le « développement en série entière » de la fonction exponentielle :
60
+
61
+ et celui de la fonction arc tangente.
62
+
63
+ Sa ténacité à utiliser les développements en séries lui a permis de résoudre le fameux problème de Bâle en 1735[30] :
64
+
65
+ Euler est pleinement conscient de la nécessité de démontrer rigoureusement les résultats de convergence dont il se sert, mais cela ne l'empêche pas d'écrire également des formules « paradoxales » telle que 1 + 2 + 4 + 8 + 16 + ... = –1, de définir des règles d'emploi et de calcul avec de telles séries divergentes, et de les utiliser pour obtenir des résultats inattendus concernant, par exemple, la fonction zêta[31].
66
+
67
+ Euler a introduit l'utilisation de la fonction exponentielle et des logarithmes dans les démonstrations en analyse. Il a découvert des moyens d'exprimer différentes fonctions logarithmiques en utilisant les séries entières, et il a étendu la notion de logarithme aux nombres négatifs et aux nombres complexes[29]. Il a également défini la fonction exponentielle pour les nombres complexes, et a découvert la relation qui la lie aux fonctions trigonométriques :
68
+
69
+ Un cas particulier de cette « formule d'Euler », obtenu en donnant à φ la valeur
70
+
71
+
72
+
73
+ π
74
+
75
+
76
+ {\displaystyle \pi }
77
+
78
+ est
79
+
80
+ formule connue sous le nom d'identité d'Euler, et qualifiée de « formule la plus remarquable des mathématiques » par Richard Feynman, car elle réunit en seulement 7 caractères l'addition, la multiplication, l'exponentiation, l'égalité et les constantes remarquables 0, 1, e, i et π[32]. En 1988, les lecteurs de The Mathematical Intelligencer l'ont désignée comme « la plus belle formule mathématique de tous les temps[33],[34] ». Au total, le nom d'Euler figurait dans trois des cinq formules arrivées en tête de ce vote[33],[34].
81
+
82
+ La formule de De Moivre
83
+
84
+ est une conséquence directe de la formule d'Euler.
85
+
86
+ En outre, Euler a contribué à la théorie des fonctions transcendantes avec l'introduction de la fonction bêta et de la fonction gamma. Il a également introduit une nouvelle méthode pour résoudre les équations quartiques. Il a aussi trouvé une façon de calculer des intégrales avec des limites complexes, préfigurant le développement moderne de l'analyse complexe, et a inventé le calcul des variations, qui inclut l'un de ses résultats les plus célèbres, nommé l'équation d'Euler-Lagrange.
87
+
88
+ Euler fut le pionnier de l'utilisation de méthodes d'analyse pour résoudre des problèmes de la théorie des nombres. Ce faisant, il a réuni deux branches différentes des mathématiques et introduit un nouveau champ d'étude : la théorie analytique des nombres. Euler a aussi introduit la théorie des séries hypergéométriques, des fonctions hyperboliques et la théorie analytique des fractions continues. Par exemple, il a prouvé l'infinité des nombres premiers en utilisant la divergence de la série harmonique, et il a utilisé les méthodes analytiques pour avoir une meilleure compréhension de la répartition des nombres premiers. Les travaux d'Euler dans ce domaine ont contribué à l'élaboration du théorème des nombres premiers[35].
89
+
90
+ L'intérêt d'Euler dans la théorie des nombres peut être attribué à l'influence de Christian Goldbach, son ami[36] à l'Académie de Saint-Pétersbourg. Un grand nombre des premiers travaux d'Euler en théorie des nombres est fondé sur les travaux de Pierre de Fermat. Euler a développé quelques idées de Fermat, et a réfuté certaines de ses conjectures.
91
+
92
+ Euler a fait le lien entre la distribution des nombres premiers et l'analyse. Il a démontré que la série des inverses des nombres premiers diverge[37]. Pour ce faire, il a découvert le lien entre la fonction zêta de Riemann et les nombres premiers.
93
+
94
+ Euler a démontré les identités de Newton, le petit théorème de Fermat, le théorème des deux carrés de Fermat, et il a également travaillé sur le théorème des quatre carrés de Lagrange. Il a aussi défini la fonction φ qui associe à tout entier
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+
96
+
97
+
98
+ n
99
+
100
+
101
+ {\displaystyle n}
102
+
103
+ le nombre d'entiers positifs inférieurs à n et qui sont premiers avec n. En utilisant les propriétés de cette « indicatrice », il a généralisé le petit théorème de Fermat pour aboutir à ce qui est maintenant connu sous le nom de théorème d'Euler. Il a contribué de manière significative à la recherche sur les nombres parfaits, qui ont fasciné les mathématiciens depuis Euclide. Euler a également conjecturé la loi de réciprocité quadratique. Cet énoncé est considéré comme un théorème fondamental de la théorie des nombres, et en cela Euler a ouvert la voie aux travaux de Carl Friedrich Gauss[38].
104
+
105
+ En 1772, Euler a démontré que 231 – 1 = 2 147 483 647 est un nombre de Mersenne premier. Il est resté le plus grand nombre premier connu jusqu'en 1867[39].
106
+
107
+ Comme dans les autres domaines des mathématiques, les contributions d'Euler à la géométrie sont exceptionnelles : angles d'Euler, droite d'Euler, cercle d'Euler, relation entre cercle inscrit et circonscrit, etc.
108
+
109
+ À titre d'exemple, il a montré que, pour tout triangle, les neuf points suivants :
110
+
111
+ sont situés sur un même cercle[40]. Ce « cercle des neuf points » est encore appelé « cercle d'Euler » associé au triangle.
112
+
113
+ Euler a démontré aussi que, dans tout triangle, l'orthocentre, le centre du cercle circonscrit, le centre de gravité et le centre du cercle des neuf points sont alignés[40]. La droite qui les porte est appelée « droite d'Euler » associée au triangle.
114
+
115
+ En 1736, Euler résout le problème des sept ponts de Königsberg[41]. La ville de Königsberg[42], en Prusse, est traversée par la rivière Pregolia, qui entoure deux grandes îles reliées entre elles et aux deux rives par sept ponts. Le problème était de savoir s'il est possible de suivre un chemin qui emprunte chaque pont une fois et une seule et revienne au point de départ. Euler établit que, pour que ce soit possible, il aurait fallu que chacune des quatre zones géographiques (les deux îles et les deux rives) soit atteinte par un nombre pair de ponts — en termes modernes : que chacun des quatre « sommets » du « graphe » soit adjacent à un nombre pair d'« arêtes » (un graphe ayant cette propriété est dit « eulérien »). La résolution de ce problème est considérée comme le premier théorème de la théorie des graphes[41].
116
+
117
+ Euler a également établi la formule S – A + F = 2 liant le nombre de sommets, d'arêtes et de faces d'un polyèdre convexe[43], et donc d'un graphe planaire. La constante de cette formule est maintenant connue comme la caractéristique d'Euler pour un graphe (ou pour un autre objet mathématique), et est liée au genre de l'objet[44]. L'étude et la généralisation de cette formule, notamment par Cauchy[45] et L'Huillier[46], est à l'origine de la topologie.
118
+
119
+ En outre, Leonhard Euler est le premier à avoir étudié le problème du cavalier, en 1759. Il publiera ses recherches sur la question dans « Solution d'une question curieuse qui ne paraît soumise à aucune analyse »[47].
120
+
121
+ Certains des plus grands succès d'Euler ont été dans la résolution des problèmes analytiques dans des domaines autres que les mathématiques et dans la description de nombreuses applications des nombres de Bernoulli, des séries de Fourier, des diagrammes de Venn, des nombres d'Euler, des constantes e et π, des fractions continues et des intégrales. Il a développé des outils qui rendent plus faciles à appliquer certains problèmes physiques. Il a fait progresser le domaine de l'amélioration de l'approximation numérique d'intégrales, en inventant ce qui est maintenant connu sous le nom de méthode d'Euler. Euler a également démontré, en même temps que l'Écossais Colin Maclaurin — mais indépendamment — la formule d'Euler-Maclaurin. Il a aussi facilité l'utilisation des équations différentielles, en particulier en introduisant la constante d'Euler-Mascheroni :
122
+
123
+ Un des domaines les moins communs qui intéressaient Euler était l'application des idées mathématiques à la musique. En 1739, il écrivit Tentamen novae theoriae musicae, dans l'espoir de finalement intégrer la théorie musicale aux mathématiques. Cette partie de son travail, cependant, n'a pas reçu une grande attention et a été décrite comme trop mathématique pour les musiciens mais aussi trop musicale pour les mathématiciens[48]. On y trouve cependant le tout premier exemple de théorie des graphes avec une disposition des notes couramment utilisée de nos jours en analyse musicale, le Tonnetz, mieux développé dans De harmoniae veris principiis per speculum musicum repraesentatis en 1774.
124
+
125
+ Leonhard Euler a également contribué à d'autres sciences, comme certains domaines des sciences physiques, en étudiant par exemple le mouvement de la Lune.
126
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127
+ Euler a contribué à l'élaboration de la théorie d'Euler-Bernoulli, qui est un modèle utilisé dans le domaine de la résistance des matériaux. En dehors de l'application avec succès de ses outils d'analyse aux problèmes liés à la mécanique newtonienne, Euler a également appliqué ses techniques à des problèmes d'astronomie. Ses travaux dans cette science ont été reconnus par un certain nombre de prix décernés par l'Académie de Paris au cours de sa carrière[49]. Ses réalisations comprennent la détermination avec une grande précision des orbites des comètes et des autres corps célestes, mais aussi la compréhension de la nature des comètes, et le calcul de la parallaxe du Soleil. Ses calculs ont également contribué à l'élaboration de tables précises de longitudes[50],[51].
128
+
129
+ En dynamique des fluides, Euler fut le premier à poser les équations désormais connues sous le nom d'équations d'Euler des fluides parfaits, dans « Mémoires de l'Académie royale des sciences et des belles lettres de Berlin » (1757). Elles permettent le calcul de nombreux écoulements, comme la circulation sanguine, l'aérodynamique des automobiles et des avions, l'hydraulique, l'océanographie, la météorologie ou la grande tache rouge de Jupiter[52].
130
+
131
+ En outre, Euler a fait d'importantes contributions en optique. Il a exprimé son désaccord avec la théorie corpusculaire de la lumière de Newton dans Opticks, qui était alors la théorie dominante. Ses documents des années 1740 sur l'optique ont contribué à faire en sorte que la théorie ondulatoire de la lumière proposée par Christian Huygens devienne la théorie la plus largement répandue, au moins jusqu'au développement de la théorie quantique de la lumière[53].
132
+
133
+ Il est aussi crédité pour avoir, avec l'aide des courbes fermées, illustré le raisonnement syllogistique, en 1768. Ces schémas sont désormais connus sous le nom de diagrammes d'Euler[54].
134
+
135
+ Leonhard Euler et son ami Daniel Bernoulli ont été des adversaires de la Monadologie de Leibniz et de la philosophie de Christian Wolff. Euler a insisté sur le fait que la connaissance est fondée en partie sur la base de lois quantitatives précises. Les tendances religieuses d'Euler pourraient aussi avoir eu une incidence sur son aversion de la doctrine, il est allé jusqu'à qualifier les idées de Wolff de « sauvages et athées[55] ».
136
+
137
+ Beaucoup de ce qui est connu des croyances religieuses d'Euler peut être déduit de ses Lettres à une princesse d'Allemagne sur divers sujets de physique et de philosophie et d'un ouvrage antérieur, Rettung der Göttlichen Offenbahrung Gegen die Einwürfe der Freygeister. Ces écrits montrent qu'Euler était un fervent chrétien qui estimait que la Bible avait été inspirée[56].
138
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139
+ Une anecdote rapportée par Dieudonné Thiébault[57] met en scène les croyances religieuses d'Euler. Le philosophe français Denis Diderot, en visite à Saint-Pétersbourg en 1773-1774, avait accepté, à la demande de l'impératrice Catherine II, de voir la preuve de l'existence de Dieu qu'Euler prétendait pouvoir produire. Les deux hommes se rencontrèrent donc et Euler, sur un ton d'une parfaite conviction annonça « Monsieur, (a + bn)/n = x ; donc Dieu existe, répondez[58] ! » Le désarroi de Diderot, pour qui, (selon l'anecdote) les mathématiques étaient incompréhensibles, provoqua les rires de la cour. Gêné, il demanda à quitter la Russie. Il est plus que probable que l'anecdote soit apocryphe[58] et Thiébault ne prétend pas le contraire. De toute évidence, ce dernier n'était pas présent, ses mémoires sont tardifs, la formule soi-disant donnée par Euler n'a aucun sens et Diderot n'était pas étranger aux mathématiques — comme en atteste la réputation qu'il s'était faite avec ses Mémoires sur différents sujets de mathématiques entre autres.
140
+
141
+ Leonhard Euler a beaucoup écrit[59]. Ses ouvrages les plus connus sont :
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+
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+ Nommée Opera Omnia, la publication des écrits d'Euler par la Commission Euler (de)[61] de l'Académie suisse des sciences naturelles a débuté en 1911. Initialement prévue en trois séries, la décision d'en ajouter une quatrième comprenant sa correspondance est prise en 1967[62]. Ces quatre séries, pour un total de plus de 80 volumes, se décomposent ainsi :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Leonhard Euler ( audio), né le 15 avril 1707 à Bâle (Suisse) et mort à 76 ans le 7 septembre 1783 (18 septembre 1783 dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg (Empire russe)[1], est un mathématicien et physicien suisse, qui passa la plus grande partie de sa vie dans l'Empire russe et en Allemagne. Il était notamment membre de l'Académie royale des sciences de Prusse à Berlin.
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+ Euler fit d'importantes découvertes dans des domaines aussi variés que le calcul infinitésimal et la théorie des graphes. Il introduisit également une grande partie de la terminologie et de la notation des mathématiques modernes, en particulier pour l'analyse mathématique, comme la notion de fonction mathématique[2]. Il est aussi connu pour ses travaux en mécanique, en dynamique des fluides, en optique et en astronomie.
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+ Euler est considéré comme un éminent mathématicien du XVIIIe siècle et l'un des plus grands et des plus prolifiques de tous les temps. Une déclaration attribuée à Pierre-Simon de Laplace exprime l'influence d'Euler sur les mathématiques : « Lisez Euler, lisez Euler, c'est notre maître à tous[3] ». Il était un fervent chrétien, croyant en l'inerrance biblique, et s'opposa avec force aux athées éminents de son temps.
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+ Leonhard Euler naît le 15 avril 1707 à Bâle[1], il est le fils de Paul Euler (1670-1745), modeste pasteur des Églises réformées de Suisse, affecté provisoirement à la paroisse Saint-Jacques au cœur de la cité bâloise et de Margaretha Brucker (1677-1761), fille de pasteur. Il a deux jeunes sœurs du nom d'Anna Maria et de Maria Magdalena[4]. En 1708, alors que Leonhard n'a pas un an, la famille Euler déménage de Bâle pour rejoindre la campagne voisine à Riehen, où Paul Euler est nommé pasteur de la paroisse homonyme. Leonhard passe la plus grande partie de sa prime enfance entre Riehen, modeste village où se situe la maison du pasteur Euler, centre d'un foyer familial pieux et dévot, et Bâle, où résident ses grands-parents, ainsi que la plupart des amis de son père, anciens collègues à l'université de confession calviniste affirmée. Paul Euler, qui a suivi les cours de Jakob Bernoulli, est un ami du médecin, à la fois mathématicien et érudit humaniste, Johann Bernoulli, le frère de Jakob, depuis leurs jeunes années d'études universitaires. Paul donne les premières leçons de mathématiques à son fils et constate rapidement sa précocité d'assimilation et son esprit vif en calcul et géométrie. Lycéen à neuf ans dans la ville de Bâle, le jeune Leonhard réside chez sa grand-mère maternelle et il est déjà familier de la maison Bernoulli. Son père a souhaité au départ le confier au tutorat bienveillant de son ami, qui s'impose petit à petit comme un des principaux mathématiciens européens après avoir repris inopinément la charge de mathématicien de son défunt frère à l'université de Bâle en 1705. Mais le professeur Bernoulli refuse se disant accaparé par sa recherche et les fonctions de sa chaire : il ne peut que conseiller de bonnes lectures d'initiation à Leonhard, le laisser jouer avec son jeune fils Jean comme il en a pris l'habitude, et l'inviter comme un fils au sein de sa famille, pour le grand plaisir de sa femme, si sa grand-mère accepte et s'il est libre, durant les veilles de dimanches et de fêtes religieuses. Conscient des lacunes scientifiques du modeste lycée auquel il l'a inscrit, Paul Euler réserve à son fils des leçons particulières auprès du maître Johannes Burckhardt (1691-1743), à la fois théologien et mathématicien.
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+ À l'âge de treize ans, en 1720, Leonhard est inscrit à l'université de Bâle, et en 1723 obtient sa maîtrise de philosophie ou Magister Philosophiae, grâce à une dissertation qui compare les idées maîtresses de Descartes à celles de Newton. À cette époque, tous les samedis après-midi, l'étudiant peut poser des questions sur les difficultés rencontrées durant ses lectures d'ouvrages recommandés à Johann Bernoulli, qui ne lui donne pas à vrai dire de leçons particulières, mais lui explique au gré de la conversation ouverte les principes et raisonnements à mettre en œuvre. Ce faisant, Johann découvre un intérêt et un certain talent de Leonhard pour les questions mathématiques[5].
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+ Après ces trois années de tronc commun conclues en 1723, le jeune titulaire de la maîtrise doit en principe étudier la théologie, le grec et l'hébreu à la demande de son père, afin de devenir comme lui un bon pasteur, mais Jean Bernoulli parvient à convaincre Paul Euler que Leonhard a des remarquables dispositions pour devenir un excellent mathématicien. En 1726, il termine brillamment ses études de mathématiques. Il recherche en vain un poste universitaire d'assistant en mathématiques. Mais en septembre 1726 lui parvient une invitation de l'académie de sciences de Saint-Pétersbourg sur recommandation des fils de Johann, Daniel et Nicolaus Bernoulli, déjà expatriés en Russie depuis plus d'un an, avec une première offre d'une chaire de physiologie (sic) qui s'explique par la disparition tragique de Nicolaus. En novembre 1726, Leonhard Euler se résigne à accepter finalement l'offre après avoir longtemps hésité, car ses connaissances en physiologie ne sont que rudimentaires, malgré un début de formation, et il espère encore un poste de professeur de physique à l'université de Bâle[6]. Ainsi, après une formation rapide et intense à la faculté de médecine de Bâle, il part le 5 avril 1727 vers les lointaines rives de la Néva. Il n'a pas encore vingt ans.
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+ En 1727, Leonhard participe au concours de l'Académie des sciences de Paris qui consiste à résoudre un problème scientifique. Cette année-là, le problème concret retenu consiste à justifier la meilleure façon de placer les mâts d'un navire. Euler remporte la deuxième place, derrière Pierre Bouguer, aujourd'hui reconnu comme le « père de l'architecture navale ». Par la suite, Euler, assidu participant à ce concours, gagnera le prestigieux prix annuel douze fois dans sa carrière[7].
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+
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+ Créée en 1724 par Pierre le Grand, l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg était destinée à améliorer l'éducation en Russie et à combler le retard scientifique qui la séparait de l'Europe occidentale. En conséquence, elle était particulièrement intéressante pour les jeunes diplômés de l'université, aventureux, et les maîtres soucieux d'obtenir une chaire. L'académie possède dès l'origine suffisamment de ressources financières et une bibliothèque complète tirée de la bibliothèque privée de Pierre le Grand et de la noblesse russe. Très peu d'étudiants sont inscrits dans l'Académie, de façon à diminuer la charge des professeurs, à mettre l'accent sur la recherche et à offrir à son corps professoral à la fois le temps et la liberté d'effectuer des recherches scientifiques[8].
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+
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+ Répondant à l'appel dès sa fondation, les deux fils de Johannes Bernoulli, Daniel et Nicolaus, travaillent dès l'année 1725 à l'Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg. En juillet 1726, Nicolas meurt de l'appendicite et la reprise par le cadet Daniel du poste de son frère en mathématiques et en physique explique la vacance du poste en physiologie qu'il avait préalablement occupé.
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23
+ Euler arrive dans la capitale russe le 17 mai 1727, le jour de la mort de Catherine Ire de Russie, veuve de Pierre le Grand. Il s'attend à sa grande hantise à être affecté au département médical de l'académie, mais entretemps, un poste d'assistant s'est libéré au département de mathématiques. Il loge et travaille alors auprès de Daniel Bernoulli, qui, nommé professeur, n'est autre que son supérieur direct. Euler maîtrise assez rapidement le russe, puis il s'installe de manière indépendante à Saint-Pétersbourg. Il prend également un emploi additionnel de médecin dans la marine russe[9].
24
+
25
+ La défunte Catherine Ire de Russie s'était efforcée de suivre la politique de son défunt mari. La noblesse russe reprend lentement le pouvoir lors de l'ascension de Pierre II de Russie, âgé de douze ans. Les membres éminents de la noblesse se méfient des chercheurs étrangers ; le gouvernement réduit le financement universitaire et semble causer diverses tracasseries et difficultés aux recrues étrangères. Leurs conditions de travail semblent toutefois s'améliorer à la mort de Pierre II[10]. Alors qu'Euler peut rapidement gravir les échelons au sein de l'Académie, jusqu'à devenir professeur de physique en 1731, Daniel Bernoulli se lasse de la censure et de l'hostilité dont il fait l'objet à Saint-Pétersbourg. Deux ans plus tard, il repart pour Bâle. Euler lui succède alors à la tête du département de mathématiques[11].
26
+
27
+ Le 7 janvier 1734, il épouse Katharina Gsell (1707-1773), fille du peintre émigré en Russie, Georg Gsell (de) (1673-1740)[12]. Georg Gsell est un peintre suisse originaire de Saint-Gall, recruté par Pierre le Grand en 1716 pendant son voyage en Europe, il est à la fois marchand d'art et conservateur de la Kunstkamera.
28
+
29
+ Le jeune couple achète une maison avec vue sur la Neva. De leurs treize enfants, cinq seulement atteignent l'âge adulte[13]. Leonhard Euler, après le décès de Katharina Gsell en 1773, épouse l'année suivante une demi-sœur de celle-ci, Salomé Abigail Gsell (1723-1794), fille de Dorothea Graff (1678-1743) et de Georg Gsell (1673-1740). Dorothea Graff, fille de Anna Maria Sibylla Merian était comme elle peintre et naturaliste, et avait accompagné sa mère dans ses expéditions au Surinam[14].
30
+
31
+ L'intense activité professionnelle d'Euler ne l'empêche pas de s'intéresser à la situation politique du pays. À la guerre russo-ottomane qui, en 1739, vient de prendre fin s'ajoute le mécontentement de l'aristocratie locale, provoqué par la très forte présence germanique aux plus hauts postes du gouvernement et de l'administration. Avec l'accession au pouvoir, en 1740, de la fille de Pierre le Grand, la crainte de sévères purges contre l'élite germanique — et, par extension, tous les étrangers — pousse Euler à occuper un poste à l'Académie prussienne des sciences, sise à Berlin, qui lui est proposé par Frédéric II de Prusse[15].
32
+
33
+ Euler quitte Saint-Pétersbourg le 19 juin 1741, pour Berlin où il écrira plus de 380 articles. À Berlin, il publie deux célèbres ouvrages : l'Introductio in analysin infinitorum (« Introduction à l’analyse des infiniment petits »)[1], un texte sur les fonctions publié en 1748 et Institutiones calculi differentialis (« Traité du calcul différentiel »)[16],[1], publié en 1755 et traitant du calcul différentiel[17].
34
+
35
+ En outre, Euler est invité à être le professeur de la princesse d'Anhalt-Dessau, la nièce de Frédéric II. Euler lui écrit plus de 200 lettres, qui sont ensuite rassemblées dans un best-seller intitulé Lettres à une princesse d'Allemagne (en) sur divers sujets de physique et de philosophie. Cet ouvrage contient des publications d'Euler sur divers sujets se rapportant à la physique et aux mathématiques, mais également sur des sujets philosophiques. Ce livre est devenu le plus largement lu de tous ses travaux mathématiques, et il a été publié en Europe et aux États-Unis. La popularité des « Lettres » témoigne de la capacité d'Euler à communiquer efficacement sur les questions scientifiques au public, une capacité rare pour un chercheur scientifique[17].
36
+
37
+ Malgré l'immense contribution d'Euler au prestige de l'Académie, il est finalement contraint de quitter Berlin, en partie à cause d'un conflit de personnalité avec Frédéric II. En effet, le monarque a moins de considération pour Euler que pour son cercle de philosophes. Voltaire fait partie de ceux qui sont aux côtés de Frédéric II, et il a une bonne place dans le cercle du roi. Euler, homme simple, religieux et travailleur acharné, est très classique dans ses convictions et ses goûts. Il est, à bien des égards, l'opposé de Voltaire. Euler a une formation limitée en rhétorique, et a tendance à débattre sur des questions qu'il connaît peu, faisant de lui une cible fréquente de l'esprit de Voltaire[17]. Frédéric II exprime également sa déception vis-à-vis des capacités d'ingénierie d'Euler :
38
+
39
+ « Je voulais avoir un jet d'eau dans mon jardin : Euler a calculé la force des roues nécessaire afin d'élever l'eau jusqu'à un réservoir, d'où elle doit redescendre à travers des canaux, pour enfin sortir de la fontaine. Mon moulin a été réalisé géométriquement mais ne peut pas élever une goutte d'eau à moins de cinquante pas du réservoir. Vanité des vanités ! Vanité de la géométrie[18] ! »
40
+
41
+ La vue d'Euler empire tout au long de sa carrière en mathématiques[1]. Trois ans après avoir souffert d'une fièvre quasi mortelle en 1735, il devient presque aveugle de l'œil droit. Euler attribue plutôt son état au travail minutieux qu'il a effectué en cartographie pour l'Académie de Saint-Pétersbourg. La vue de son œil droit empire tout au long de son séjour en Allemagne, si bien que Frédéric II le surnomme « Cyclope »[20],[21],[22]. Euler souffre ensuite d'une cataracte de l'œil gauche, le rendant presque totalement aveugle[23]. Il semble que ce mauvais état ait peu d'effet sur sa productivité, Euler compensant son handicap par ses compétences en calcul mental et par sa mémoire eidétique. Par exemple, Euler peut répéter l'Énéide de Virgile, du début à la fin, sans hésitation, et pour chaque page de son édition, il peut citer la première ligne et la dernière. Avec l'aide de ses scribes, la productivité d'Euler dans de nombreux domaines d'étude augmente en fait. Ainsi, il produit en moyenne un document de mathématiques par semaine au cours de l'année 1775[24].
42
+
43
+ Pendant son séjour à Berlin, il n'a pas complètement rompu le lien avec la Russie et il est de notoriété publique qu'il envoie de nombreux articles à l'Académie de Saint-Pétersbourg lorsque ceux-ci traitent de questions en rapport avec les écrits de son premier séjour en Russie. En 1742, il reçoit à Berlin, depuis la Russie, la promesse du versement d'une pension en contrepartie de ses travaux pour l'Académie de Saint-Pétersbourg. Une anecdote singulière permet de se faire une idée précise de la nature conflictuelle de ses relations avec son patron. Avec ironie, Frédéric II le Grand évoque , dans une lettre à d'Alembert, la perte d'une série de notes personnelles par le mathématicien lors du naufrage d'une embarcation qui le conduit à Saint-Pétersbourg : « Quel dommage ! Quand on pense qu'il aurait pu en tirer six tomes pleins de chiffres, du début à la fin ! L'Europe risque fort de se voir privée d'une lecture qui aurait été si plaisante. »
44
+
45
+ La situation en Russie s'est grandement améliorée depuis l'accession au trône de Catherine II de Russie. En 1766, Euler accepte son invitation à venir renforcer le prestige de la nouvelle Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Un solde très avantageux de 3 000 roubles lui est offert à son retour en Russie. En outre, la tsarine met un cuisinier à sa disposition sur ses deniers royaux. Elle nomme la princesse Dashkova à la Direction de l'Académie, celle-ci accompagne le savant jusqu'à la salle de réunion. Puis un professeur particulièrement imbu de sa personne exige le fauteuil d'honneur, à côté de la présidence. La princesse se dirige alors vers Euler et lui adresse ces paroles exquises : « Prenez le siège que vous souhaitez, Monsieur, car il sera, nous n'en doutons pas, le plus distingué, le premier de tous. »
46
+
47
+ C'est ainsi qu'il passa le reste de sa vie en Russie. Son second séjour dans le pays est cependant marqué par la tragédie. Un incendie à Saint-Pétersbourg en 1771 lui coûte son domicile, et manque de lui ôter la vie. En 1773, il perd son épouse Katharina après presque 40 ans de mariage. Trois ans après la mort de sa femme, Euler se remarie avec la demi-sœur de celle-ci, Salomé Abigail Gsell (1723-1794). Ce mariage va durer jusqu'à sa mort[25],[26].
48
+
49
+ Le 18 septembre 1783, Euler décéde à Saint-Pétersbourg d'une hémorragie intra-cérébrale[23] et est enterré auprès de son épouse Katharina au cimetière luthérien de Smolensk, sur l'île Vassilievski (au XXe siècle le cimetière a été fermé, les restes d'Euler ont été transférés au cimetière Saint-Lazare du monastère Alexandre-Nevski). Son éloge funèbre est écrit pour l'Académie française par le mathématicien et philosophe français Nicolas de Condorcet. Le récit de sa vie, avec une liste de ses œuvres, sera écrit par Nikolaus von Fuss, son secrétaire permanent à l'Académie des sciences de Russie, qui avait épousé en 1784 une de ses petites-filles. Condorcet écrit dans son Éloge : « … il cessa de calculer et de vivre[27] ».
50
+
51
+ Leonhard Euler a travaillé dans presque tous les domaines des mathématiques : la géométrie, le calcul infinitésimal, la trigonométrie, l'algèbre et la théorie des nombres. Il est une figure capitale de l'histoire des mathématiques : s'ils étaient imprimés, ses écrits, dont beaucoup sont d'un intérêt fondamental, pourraient occuper entre quarante et soixante ouvrages[24]. Le nom d'Euler est associé à un grand nombre de sujets.
52
+
53
+ Euler a introduit et popularisé plusieurs conventions de notation par le biais de ses nombreux ouvrages largement diffusés. Plus particulièrement, il a introduit la notion de fonction[2] et a été le premier à écrire f(x) pour désigner la fonction f appliquée à l'argument x, en 1734[28]. Il a également introduit la notation moderne des fonctions trigonométriques, la lettre e pour la base du logarithme naturel (également connue sous le nom de nombre d'Euler) en 1727[28], la lettre grecque Σ pour désigner une somme en 1755[28] et la lettre i pour représenter l'unité imaginaire, en 1777[29]. L'utilisation de la lettre grecque π pour désigner le rapport de la circonférence d'un cercle à son diamètre a également été popularisée par Euler, mais celui-ci n'est pas à l'origine de la notation.
54
+
55
+ Le développement du calcul infinitésimal a été au premier plan des recherches mathématiques du XVIIIe siècle, et la famille Bernoulli — amis d'Euler — est à l'origine de nombreux progrès dans ce domaine. Grâce à leur influence, l'étude du calcul infinitésimal est devenu l'un des axes principaux du travail d'Euler. Bien que certaines des démonstrations d'Euler ne soient pas acceptables au regard des normes modernes de rigueur mathématique[30], ses idées ont tout de même conduit à de grandes avancées.
56
+
57
+ Euler est bien connu dans le domaine de l'analyse pour son usage fréquent des séries numériques et des séries entières. Il a notamment montré que le nombre e est la somme de la série de terme général 1/n ! :
58
+
59
+ Il a trouvé le « développement en série entière » de la fonction exponentielle :
60
+
61
+ et celui de la fonction arc tangente.
62
+
63
+ Sa ténacité à utiliser les développements en séries lui a permis de résoudre le fameux problème de Bâle en 1735[30] :
64
+
65
+ Euler est pleinement conscient de la nécessité de démontrer rigoureusement les résultats de convergence dont il se sert, mais cela ne l'empêche pas d'écrire également des formules « paradoxales » telle que 1 + 2 + 4 + 8 + 16 + ... = –1, de définir des règles d'emploi et de calcul avec de telles séries divergentes, et de les utiliser pour obtenir des résultats inattendus concernant, par exemple, la fonction zêta[31].
66
+
67
+ Euler a introduit l'utilisation de la fonction exponentielle et des logarithmes dans les démonstrations en analyse. Il a découvert des moyens d'exprimer différentes fonctions logarithmiques en utilisant les séries entières, et il a étendu la notion de logarithme aux nombres négatifs et aux nombres complexes[29]. Il a également défini la fonction exponentielle pour les nombres complexes, et a découvert la relation qui la lie aux fonctions trigonométriques :
68
+
69
+ Un cas particulier de cette « formule d'Euler », obtenu en donnant à φ la valeur
70
+
71
+
72
+
73
+ π
74
+
75
+
76
+ {\displaystyle \pi }
77
+
78
+ est
79
+
80
+ formule connue sous le nom d'identité d'Euler, et qualifiée de « formule la plus remarquable des mathématiques » par Richard Feynman, car elle réunit en seulement 7 caractères l'addition, la multiplication, l'exponentiation, l'égalité et les constantes remarquables 0, 1, e, i et π[32]. En 1988, les lecteurs de The Mathematical Intelligencer l'ont désignée comme « la plus belle formule mathématique de tous les temps[33],[34] ». Au total, le nom d'Euler figurait dans trois des cinq formules arrivées en tête de ce vote[33],[34].
81
+
82
+ La formule de De Moivre
83
+
84
+ est une conséquence directe de la formule d'Euler.
85
+
86
+ En outre, Euler a contribué à la théorie des fonctions transcendantes avec l'introduction de la fonction bêta et de la fonction gamma. Il a également introduit une nouvelle méthode pour résoudre les équations quartiques. Il a aussi trouvé une façon de calculer des intégrales avec des limites complexes, préfigurant le développement moderne de l'analyse complexe, et a inventé le calcul des variations, qui inclut l'un de ses résultats les plus célèbres, nommé l'équation d'Euler-Lagrange.
87
+
88
+ Euler fut le pionnier de l'utilisation de méthodes d'analyse pour résoudre des problèmes de la théorie des nombres. Ce faisant, il a réuni deux branches différentes des mathématiques et introduit un nouveau champ d'étude : la théorie analytique des nombres. Euler a aussi introduit la théorie des séries hypergéométriques, des fonctions hyperboliques et la théorie analytique des fractions continues. Par exemple, il a prouvé l'infinité des nombres premiers en utilisant la divergence de la série harmonique, et il a utilisé les méthodes analytiques pour avoir une meilleure compréhension de la répartition des nombres premiers. Les travaux d'Euler dans ce domaine ont contribué à l'élaboration du théorème des nombres premiers[35].
89
+
90
+ L'intérêt d'Euler dans la théorie des nombres peut être attribué à l'influence de Christian Goldbach, son ami[36] à l'Académie de Saint-Pétersbourg. Un grand nombre des premiers travaux d'Euler en théorie des nombres est fondé sur les travaux de Pierre de Fermat. Euler a développé quelques idées de Fermat, et a réfuté certaines de ses conjectures.
91
+
92
+ Euler a fait le lien entre la distribution des nombres premiers et l'analyse. Il a démontré que la série des inverses des nombres premiers diverge[37]. Pour ce faire, il a découvert le lien entre la fonction zêta de Riemann et les nombres premiers.
93
+
94
+ Euler a démontré les identités de Newton, le petit théorème de Fermat, le théorème des deux carrés de Fermat, et il a également travaillé sur le théorème des quatre carrés de Lagrange. Il a aussi défini la fonction φ qui associe à tout entier
95
+
96
+
97
+
98
+ n
99
+
100
+
101
+ {\displaystyle n}
102
+
103
+ le nombre d'entiers positifs inférieurs à n et qui sont premiers avec n. En utilisant les propriétés de cette « indicatrice », il a généralisé le petit théorème de Fermat pour aboutir à ce qui est maintenant connu sous le nom de théorème d'Euler. Il a contribué de manière significative à la recherche sur les nombres parfaits, qui ont fasciné les mathématiciens depuis Euclide. Euler a également conjecturé la loi de réciprocité quadratique. Cet énoncé est considéré comme un théorème fondamental de la théorie des nombres, et en cela Euler a ouvert la voie aux travaux de Carl Friedrich Gauss[38].
104
+
105
+ En 1772, Euler a démontré que 231 – 1 = 2 147 483 647 est un nombre de Mersenne premier. Il est resté le plus grand nombre premier connu jusqu'en 1867[39].
106
+
107
+ Comme dans les autres domaines des mathématiques, les contributions d'Euler à la géométrie sont exceptionnelles : angles d'Euler, droite d'Euler, cercle d'Euler, relation entre cercle inscrit et circonscrit, etc.
108
+
109
+ À titre d'exemple, il a montré que, pour tout triangle, les neuf points suivants :
110
+
111
+ sont situés sur un même cercle[40]. Ce « cercle des neuf points » est encore appelé « cercle d'Euler » associé au triangle.
112
+
113
+ Euler a démontré aussi que, dans tout triangle, l'orthocentre, le centre du cercle circonscrit, le centre de gravité et le centre du cercle des neuf points sont alignés[40]. La droite qui les porte est appelée « droite d'Euler » associée au triangle.
114
+
115
+ En 1736, Euler résout le problème des sept ponts de Königsberg[41]. La ville de Königsberg[42], en Prusse, est traversée par la rivière Pregolia, qui entoure deux grandes îles reliées entre elles et aux deux rives par sept ponts. Le problème était de savoir s'il est possible de suivre un chemin qui emprunte chaque pont une fois et une seule et revienne au point de départ. Euler établit que, pour que ce soit possible, il aurait fallu que chacune des quatre zones géographiques (les deux îles et les deux rives) soit atteinte par un nombre pair de ponts — en termes modernes : que chacun des quatre « sommets » du « graphe » soit adjacent à un nombre pair d'« arêtes » (un graphe ayant cette propriété est dit « eulérien »). La résolution de ce problème est considérée comme le premier théorème de la théorie des graphes[41].
116
+
117
+ Euler a également établi la formule S – A + F = 2 liant le nombre de sommets, d'arêtes et de faces d'un polyèdre convexe[43], et donc d'un graphe planaire. La constante de cette formule est maintenant connue comme la caractéristique d'Euler pour un graphe (ou pour un autre objet mathématique), et est liée au genre de l'objet[44]. L'étude et la généralisation de cette formule, notamment par Cauchy[45] et L'Huillier[46], est à l'origine de la topologie.
118
+
119
+ En outre, Leonhard Euler est le premier à avoir étudié le problème du cavalier, en 1759. Il publiera ses recherches sur la question dans « Solution d'une question curieuse qui ne paraît soumise à aucune analyse »[47].
120
+
121
+ Certains des plus grands succès d'Euler ont été dans la résolution des problèmes analytiques dans des domaines autres que les mathématiques et dans la description de nombreuses applications des nombres de Bernoulli, des séries de Fourier, des diagrammes de Venn, des nombres d'Euler, des constantes e et π, des fractions continues et des intégrales. Il a développé des outils qui rendent plus faciles à appliquer certains problèmes physiques. Il a fait progresser le domaine de l'amélioration de l'approximation numérique d'intégrales, en inventant ce qui est maintenant connu sous le nom de méthode d'Euler. Euler a également démontré, en même temps que l'Écossais Colin Maclaurin — mais indépendamment — la formule d'Euler-Maclaurin. Il a aussi facilité l'utilisation des équations différentielles, en particulier en introduisant la constante d'Euler-Mascheroni :
122
+
123
+ Un des domaines les moins communs qui intéressaient Euler était l'application des idées mathématiques à la musique. En 1739, il écrivit Tentamen novae theoriae musicae, dans l'espoir de finalement intégrer la théorie musicale aux mathématiques. Cette partie de son travail, cependant, n'a pas reçu une grande attention et a été décrite comme trop mathématique pour les musiciens mais aussi trop musicale pour les mathématiciens[48]. On y trouve cependant le tout premier exemple de théorie des graphes avec une disposition des notes couramment utilisée de nos jours en analyse musicale, le Tonnetz, mieux développé dans De harmoniae veris principiis per speculum musicum repraesentatis en 1774.
124
+
125
+ Leonhard Euler a également contribué à d'autres sciences, comme certains domaines des sciences physiques, en étudiant par exemple le mouvement de la Lune.
126
+
127
+ Euler a contribué à l'élaboration de la théorie d'Euler-Bernoulli, qui est un modèle utilisé dans le domaine de la résistance des matériaux. En dehors de l'application avec succès de ses outils d'analyse aux problèmes liés à la mécanique newtonienne, Euler a également appliqué ses techniques à des problèmes d'astronomie. Ses travaux dans cette science ont été reconnus par un certain nombre de prix décernés par l'Académie de Paris au cours de sa carrière[49]. Ses réalisations comprennent la détermination avec une grande précision des orbites des comètes et des autres corps célestes, mais aussi la compréhension de la nature des comètes, et le calcul de la parallaxe du Soleil. Ses calculs ont également contribué à l'élaboration de tables précises de longitudes[50],[51].
128
+
129
+ En dynamique des fluides, Euler fut le premier à poser les équations désormais connues sous le nom d'équations d'Euler des fluides parfaits, dans « Mémoires de l'Académie royale des sciences et des belles lettres de Berlin » (1757). Elles permettent le calcul de nombreux écoulements, comme la circulation sanguine, l'aérodynamique des automobiles et des avions, l'hydraulique, l'océanographie, la météorologie ou la grande tache rouge de Jupiter[52].
130
+
131
+ En outre, Euler a fait d'importantes contributions en optique. Il a exprimé son désaccord avec la théorie corpusculaire de la lumière de Newton dans Opticks, qui était alors la théorie dominante. Ses documents des années 1740 sur l'optique ont contribué à faire en sorte que la théorie ondulatoire de la lumière proposée par Christian Huygens devienne la théorie la plus largement répandue, au moins jusqu'au développement de la théorie quantique de la lumière[53].
132
+
133
+ Il est aussi crédité pour avoir, avec l'aide des courbes fermées, illustré le raisonnement syllogistique, en 1768. Ces schémas sont désormais connus sous le nom de diagrammes d'Euler[54].
134
+
135
+ Leonhard Euler et son ami Daniel Bernoulli ont été des adversaires de la Monadologie de Leibniz et de la philosophie de Christian Wolff. Euler a insisté sur le fait que la connaissance est fondée en partie sur la base de lois quantitatives précises. Les tendances religieuses d'Euler pourraient aussi avoir eu une incidence sur son aversion de la doctrine, il est allé jusqu'à qualifier les idées de Wolff de « sauvages et athées[55] ».
136
+
137
+ Beaucoup de ce qui est connu des croyances religieuses d'Euler peut être déduit de ses Lettres à une princesse d'Allemagne sur divers sujets de physique et de philosophie et d'un ouvrage antérieur, Rettung der Göttlichen Offenbahrung Gegen die Einwürfe der Freygeister. Ces écrits montrent qu'Euler était un fervent chrétien qui estimait que la Bible avait été inspirée[56].
138
+
139
+ Une anecdote rapportée par Dieudonné Thiébault[57] met en scène les croyances religieuses d'Euler. Le philosophe français Denis Diderot, en visite à Saint-Pétersbourg en 1773-1774, avait accepté, à la demande de l'impératrice Catherine II, de voir la preuve de l'existence de Dieu qu'Euler prétendait pouvoir produire. Les deux hommes se rencontrèrent donc et Euler, sur un ton d'une parfaite conviction annonça « Monsieur, (a + bn)/n = x ; donc Dieu existe, répondez[58] ! » Le désarroi de Diderot, pour qui, (selon l'anecdote) les mathématiques étaient incompréhensibles, provoqua les rires de la cour. Gêné, il demanda à quitter la Russie. Il est plus que probable que l'anecdote soit apocryphe[58] et Thiébault ne prétend pas le contraire. De toute évidence, ce dernier n'était pas présent, ses mémoires sont tardifs, la formule soi-disant donnée par Euler n'a aucun sens et Diderot n'était pas étranger aux mathématiques — comme en atteste la réputation qu'il s'était faite avec ses Mémoires sur différents sujets de mathématiques entre autres.
140
+
141
+ Leonhard Euler a beaucoup écrit[59]. Ses ouvrages les plus connus sont :
142
+
143
+ Nommée Opera Omnia, la publication des écrits d'Euler par la Commission Euler (de)[61] de l'Académie suisse des sciences naturelles a débuté en 1911. Initialement prévue en trois séries, la décision d'en ajouter une quatrième comprenant sa correspondance est prise en 1967[62]. Ces quatre séries, pour un total de plus de 80 volumes, se décomposent ainsi :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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1
+ Panthera pardus orientalis
2
+
3
+ Statut de conservation UICN
4
+
5
+ CR A1c, B1+2cd, E : En danger critique d'extinction
6
+
7
+ Sous-espèce
8
+
9
+ Le léopard de l’Amour (Panthera pardus orientalis), aussi appelé panthère de l'Amour et panthère de Chine, est une sous-espèce du léopard vivant dans le sud-est de la Russie (région du Primorié) et dans le nord-est de la Chine (province du Jilin).
10
+
11
+ Elle est classée « en danger critique d'extinction » depuis 1996 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Seuls 50 individus sauvages ont été recensés en 2012, en plus de 200 individus en captivité[1].
12
+
13
+ Son nom fait référence au fleuve Amour, qui coule en Sibérie et en Chine.
14
+
15
+ La première référence écrite au léopard de l'Amour remonte à 1637, dans un accord entre la Corée et la Chine où la première devait envoyer à la seconde 142 peaux chaque année entre 1637 et 1732[2].
16
+
17
+ Hermann Schlegel fut le premier explorateur à étudier le léopard de l'Amour en 1857[3]. Il le classa comme une espèce indépendante, Felis orientalis. La taxonimie actuelle, Panthera pardus orientalis, date de 1961.
18
+
19
+ La panthère de l’Amour diffère des autres sous-espèces par une épaisse fourrure tachetée qui ne ressemble à aucune autre. Le pelage des panthères du bassin de la rivière Amour, des montagnes du nord-est de la Chine et de la péninsule Coréenne est de couleur crème, surtout en hiver. Les rosettes des flancs sont de 5 cm × 5 cm, elles sont épaisses et bien espacées, les cercles sont épais et plus foncés au centre[4].
20
+
21
+ Leur pelage est doux et leur fourrure est longue et épaisse. La longueur des poils du dos varie de 20-25 mm en été et jusqu’à 50 mm en hiver. Leur pelage d’hiver varie d’un jaune clair à un jaune-roux teinté de doré. Leur pelage d’été est plus brillant et les rosettes sont d’une couleur plus vive. Les panthères de l’Amour sont assez petites, les mâles mesurent entre 107 et 136 cm, avec une longueur de queue de 82 à 90 cm et une hauteur de 64 à 78 cm. Ils pèsent entre 32,2 et 53 kg (certains spécimens ont même atteint les 60 kg[5]) et les femelles entre 25 et 42,5 kg[6]. Le poids moyen pour les mâles est de 55 kg et pour les femelles de 34 kg[7].
22
+
23
+ En 1857, à l'époque où Hermann Schlegel découvrit ces animaux, ils couvraient alors un large territoire d’environ 3 000 km2 comprenant la frontière entre la Chine et la Corée du Nord[3].
24
+
25
+ Les panthères de l’Amour vivaient au nord-est de l'Asie, depuis probablement Pékin et la péninsule coréenne. Dans les années 1950, leur répartition en Russie était limitée à l’extrême sud de la région de l’Oussouri. Elles ont été observées à 50 km au nord de Vladivostok et dans la Réserve naturelle de Kedrovaïa Pad. Les panthères de l’Amour vivent dans les zones montagneuses. On les retrouve là où vivent les cerfs Sika et où l’élevage de cerfs est pratiqué. En hiver, elles restent sur les pentes rocheuses non enneigées[6].
26
+
27
+ Dans les années 1970, la population russe s’est fragmentée en trois petites populations distinctes. Au début du siècle suivant, la seule population restante était celle du Sud-Ouest de Primorié, où elle occupait un territoire d’environ 3 000 km2 le long de la frontière entre la Chine et la Corée du Nord[8].
28
+
29
+ En 2009, l’unique site Web officiel de la Corée du Nord a rapporté qu’il y avait quelques léopards dans la réserve naturelle des monts Myohyang dans l'arrondissement de Hyangsan. C’est probablement la population vivant le plus au sud.
30
+
31
+ En Chine, plusieurs panthères de l’Amour ont été photographiées par des pièges photographiques à Wangqing et Hunchun, à l’est de la province de Jilin.
32
+
33
+ Les panthères de l’Amour sont extrêmement protectrices en ce qui concerne leur choix de territoire. Le territoire d’un individu est généralement situé dans le bassin d’une rivière et s’étend jusqu’aux frontières topographiques naturelles de la zone. Le territoire de deux individus peut parfois légèrement se chevaucher. Selon le sexe, l’âge et la taille de la famille, le territoire d’un individu peut mesurer entre 5 000 et 30 000 ha. Elles peuvent emprunter les mêmes sentiers, les mêmes trajets de migration et parfois se reposer aux mêmes endroits[9]. Là où les animaux sauvages sont présents en abondance, les léopards y vivent de manière permanente ou y migrent verticalement, suivant les troupeaux d’ongulés et évitant la neige. Dans la région de l’Ussuri, leurs proies principales sont les chevreuils, les cerfs Sika, les wapitis Manchurian, les cerfs porte-musc, les élans et les sangliers. Ils se nourrissent plus rarement de lièvres, de blaireaux, de volailles et de souris. Dans la Kedrovaya Pad Nature Reserve, les chevreuils constituent leurs proies principales tout au long de l’année, mais ils chassent également de jeunes ours noirs d’Asie de moins de deux ans[6].
34
+
35
+ Les panthères de l’Amour sont sexuellement matures entre 2 et 3 ans et peuvent se reproduire jusqu’à l’âge de 10-15 ans. Les chaleurs durent entre 12 et 18 jours, et dans des cas exceptionnels, jusqu’à 25 jours. La gestation dure entre 90 et 105 jours. À la naissance, les petits pèsent entre 500 et 700 grammes, ils ouvrent leurs yeux au 7e-10e jour et commencent à ramper au 12e-15e jour. Ils sortent de leur tanière au deuxième mois et commencent alors à manger de la viande. Ils continuent parallèlement à se nourrir de lait pendant cinq ou six mois. Les jeunes restent généralement avec leur mère jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau en chaleur. Jusque dans les années 1970, les petits (de deux à trois) étaient vus dans la réserve naturelle de Kedrovaïa Pad, dans le Primorsky Krai et au nord-est de la Chine, généralement entre mars et mai. En captivité, certains individus ont vécu jusqu’à 21 ans[6].
36
+
37
+ Des études ont confirmé que les jeunes pouvaient rester avec leurs mères pendant deux ans. Dans la Kedrovaya Pad Nature Reserve, il a déjà été constaté que des petits de deux portées différentes restaient avec leur mère en même temps[9].
38
+
39
+ Les panthères de l’Amour sont menacées par le braconnage, l’empiètement de la civilisation, la construction de routes, l’exploitation des forêts et les changements climatiques.
40
+
41
+ Les tigres peuvent éliminer les panthères si la densité de proies de grande et moyenne taille est faible. La compétition entre les deux prédateurs est censée diminuer en été, lorsque les petites proies sont plus abondantes. Les conditions hivernales sont moins favorables aux tigres, la compétition avec les panthères de l’Amour atteint donc un pic.
42
+
43
+ En 2015, un Léopard de l'Amour femelle est recueilli par un centre de réhabilitation de la faune atteinte par la maladie de Carré[7]. La propagation de cette maladie, peut-être par des contacts avec des chiens ou de petits carnivores sauvages[7], est une menace d'épizootie pour les petites populations du Léopard de l'Amour[7].
44
+
45
+ Le braconnage des léopards constitue l'une des principales menaces à sa survie. Entre février 2002 et avril 2003, sept peaux ou parties de peaux ont été confisquées, six en Russie et une en Chine. Le plus souvent, les léopards sont tués par des habitants de petits villages russes proches du territoire du félin. La plupart de ces villageois chassent de manière totalement illégale, ils n’ont pas de permis pour chasser ni pour posséder des armes. La plupart vivent près de zones protégées dans lesquelles il est interdit de chasser et même d’emmener une arme ou un chien dans la forêt[8].
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+ Les feux allumés par les hommes représentent une menace majeure pour la panthère de l’Amour. Mettre le feu aux champs est une habitude dans la plupart des cas. Certains incendies sont commencés pour augmenter la fertilité des pâturages, tuer les tiques et d’autres insectes, faire apparaître les débris métalliques afin qu’ils puissent être facilement ramassés, abattre la végétation le long des voies de chemins de fer et stimuler la pousse des fougères qui sont vendues dans les magasins, servies au restaurant et exportées en Chine car elles constituent un plat populaire. Des études utilisant des images satellites et des techniques SIG ont révélé qu'environ 19 % du Sud-Ouest du Primorié brûle tous les ans, et qu’un total de 46 % a été brûlé en six ans. À cause de cela, la plupart des terres du Sud-Ouest du Primorié ont été converties en des prairies permanentes. Ces feux fréquents sont à l’origine de la dégradation de l’habitat des panthères, qui devient inhabitable. Les incendies répétés ont créé un paysage de savane que les léopards semblent éviter, sûrement, une fois encore, à cause de la faible densité d’ongulés[8].
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+ Un certain nombre de plans pour développer les activités économiques au sud-ouest du Primorié ont vu le jour et ont commencé à constituer une sérieuse menace à la survie de la panthère de l’Amour. Le projet de construction d’un pipeline du centre de la Sibérie à la côte de la mer du Japon en traversant le Primorié a été abandonné. Le projet de construction d’une mine de charbon en plein cœur de territoire du léopard a également été abandonné grâce aux pressions des écologistes et du ministère des Ressources naturelles. La situation stratégique du sud-ouest du Primorié, proche du Primorski Krai, de la mer du Japon et de la frontière entre la Chine et la Corée le rend très attractif pour les activités économiques telles que le transport, l’industrie, le tourisme et le développement d’infrastructures[8].
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+ Un problème majeur est la consanguinité potentielle, la population restante pourrait disparaître à cause d’une dégénération génétique, et ce, même sans l’influence humaine directe. Le taux de diversité est incroyablement bas, ce qui témoigne de la consanguinité au sein de la population depuis plusieurs générations. Ceci cause des sérieuses anormalités congénitales et reproductrices qui touchent la santé, la survie et la reproduction chez certaines petites populations dont la densité génétique est faible. Le taux de survie chez les petites a chuté de 1,9 pour une femelle en 1973, à 1,7 en 1984 et 1,0 en 1991. À part le déclin du remplacement naturel, il existe une forte probabilité de mortalité pour tous les âges en conséquence de maladies ou d’impacts humains directs[10].
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+ La Panthera pardus est inscrite sur l’Annexe I de la CITES[11].
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+ La Amur Leopard and Tiger Alliance (ALTA) est une initiative d’organisations de conservation russe et occidentale pour conserver la panthère de l’Amour et le tigre de Sibérie, et assurer un futur aux deux espèces dans l’Est russe et le Nord-Est chinois. L’ALTA opère dans l’Asie du Nord-Est en se fondant sur le principe que seules des actions de conservation coordonnées et faites en coopération avec toutes les parties concernées peuvent sauver ces espèces menacées de l’extinction. L’ALTA travaille main dans la main avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales locales, régionales et fédérales à la protection de la richesse biologique de la région à travers la conservation, le développement durable et la participation des communautés locales. Le Phoenix Fund (en) et la Wildlife Conservation Society fournissent un cadre local pour mettre en place les projets de l’ALTA, en collaborant étroitement avec de nombreuses agences russes et chinoises. En ce qui concerne la conservation de la panthère de l’Amour, l’ALTA a pour objectif de garder une population de 35 femelles adultes (100 au total) dans le sud-ouest du Primorié et dans la région de Jilin-Heilongjiang, et de créer une deuxième population de 20 femelles adultes (60 au total) sur l’ancien territoire de la panthère de l’Amour. Les projets de conservation de la panthère de l’Amour incluent[8] :
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+ Depuis 1996, l’idée de réintroduire les panthères au sud du Sikhote-Aline a été évoquée parmi les membres de l’ALTA. Lors d’un séminaire en 2001, les grandes lignes et les principes d’un plan pour le développement d’une deuxième population de panthères de l’Amour à l’Extrême-Orient de la Russie ont été préparés. Afin que la réintroduction soit un succès, une question fondamentale doit trouver une réponse : pourquoi les panthères ont-elles disparu du Sud du Sikhote-Alin dans les années 1950 ? Il a été recommandé d’estimer les raisons de l’extinction locale, d’obtenir le soutien du peuple local, d’augmenter le nombre de proies dans les zones proposées pour la réintroduction, de s’assurer que les conditions sont propices à la réintroduction dans les zones sélectionnées, et d’assurer la survie de la population existante. Il y a deux sources de léopards pour la réintroduction : les panthères nées et élevées dans les zoos et les panthères élevées dans un centre de réintroduction qui sont passées par un programme de réhabilitation à la vie sauvage[10].
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+ Si cette réintroduction réussit, il est clair que la conception du centre d’élevage et de réintroduction, et la gestion des panthères qui s’y trouvent, devront faire tout leur possible pour surmonter les difficultés imposées par l’origine captive des félins. Trois comportements nécessaires doivent être acquis avant de pouvoir les réintroduire : chasser et tuer des proies vivantes, éviter les hommes et éviter les tigres[12].
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+ En mars 2009, durant sa rencontre avec Vladimir Poutine, le ministre des Ressources naturelles russe a assuré que le ministère prévoyait d’introduire des panthères de l’Amour nouvellement « importées » dans la zone et d’y créer en environnement approprié et protégé pour eux. Le gouvernement a déjà alloué les fonds nécessaires au projet[13].
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+ En 2012, le parc national de la Terre du Léopard est créé par les autorités russes pour protéger le territoire du Léopard de l'Amour et du Tigre de Sibérie[7]. Le centre de réhabilitation du tigre TRNGO, situé près de Vladivostok, est également habilité à sauver le Léopard de l'Amour[7]. En 2015, deux léopards sont soignés par le centre. Si l'un d'entre eux décède, le second, dont les blessures ne permettent plus de le relâcher dans la nature, a été transféré au zoo de Moscou pour intégrer le programme d'élevage de l'Association européenne des zoos et aquariums[7].
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+ Afin d'assurer la pérennité de la population captive, le Léopard de l'Amour est l'objet d'un programme d'élevage européen en captivité (EEP) géré par le zoo de Londres et le zoo de Moscou[14] et d'un programme américain pour les espèces menacées (SSP) géré par le zoo Henry Doorly[15].
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67
+ Une population captive des panthères de l’Amour a été établie en 1961 à partir de neuf individus capturés dans la nature. Une étude de génétique moléculaire a révélé qu’au moins deux de ces panthères avaient des informations génétiques plus proches de Panthera pardus japonensis que de P. p. orientalis. Cette observation confirme donc les suspicions de mélange génétique entre les panthères de l’Amour et celles de la Chine du Nord parmi les individus captifs[16]. La population des zoos en Amérique et en Europe comprend une contribution considérable de gènes de l’individu d’origine 2 qui n’était pas une panthère de l’Amour. La stratégie du programme européen pour les espèces menacées (EEP) consiste à faire se reproduire les panthères en apportant le moins possible de ces gènes, tout en maintenant un niveau de diversité génétique acceptable. Tous les léopards contenant plus de 41 % de gènes de l’individu d’origine 2 ont été écartés de la reproduction depuis 1999. Grâce à cette stratégie, une diminution de la prédominance des gènes de l’individu d’origine 2 et une augmentation du nombre de léopards avec un faible pourcentage de ceux-ci ont été constatées[12].
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+ Depuis décembre 2011, on dénombre 176 panthères de l’Amour réparties dans les zoos du monde entier. Au sein de l’EEP, 54 mâles, 40 femelles et 7 autres individus sont conservés. Dans les zoos américains et canadiens, 31 autres mâles et 41 femelles sont conservés au sein du Population Management Program[17].
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+ Depuis novembre 2008, le zoo de Tallinn a lancé un programme diffusé sur le Web. Il permet aux internautes de suivre la vie des panthères de l’Amour du zoo en temps réel grâce à trois webcams, y compris une caméra infrarouge montrant leur tanière[18],[19].
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+ En 2009, le WWF a demandé aux gens d’adopter l’une des dernières panthères de l’Amour à l’état sauvage pour soutenir les efforts de conservation.
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+ Le documentaire d’Animal Planet The Last Leopard (2008) parle du sort des panthères de l’Amour en Russie.
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/3304.html.txt ADDED
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+ Panthera pardus orientalis
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+ Statut de conservation UICN
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+ CR A1c, B1+2cd, E : En danger critique d'extinction
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+ Sous-espèce
8
+
9
+ Le léopard de l’Amour (Panthera pardus orientalis), aussi appelé panthère de l'Amour et panthère de Chine, est une sous-espèce du léopard vivant dans le sud-est de la Russie (région du Primorié) et dans le nord-est de la Chine (province du Jilin).
10
+
11
+ Elle est classée « en danger critique d'extinction » depuis 1996 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Seuls 50 individus sauvages ont été recensés en 2012, en plus de 200 individus en captivité[1].
12
+
13
+ Son nom fait référence au fleuve Amour, qui coule en Sibérie et en Chine.
14
+
15
+ La première référence écrite au léopard de l'Amour remonte à 1637, dans un accord entre la Corée et la Chine où la première devait envoyer à la seconde 142 peaux chaque année entre 1637 et 1732[2].
16
+
17
+ Hermann Schlegel fut le premier explorateur à étudier le léopard de l'Amour en 1857[3]. Il le classa comme une espèce indépendante, Felis orientalis. La taxonimie actuelle, Panthera pardus orientalis, date de 1961.
18
+
19
+ La panthère de l’Amour diffère des autres sous-espèces par une épaisse fourrure tachetée qui ne ressemble à aucune autre. Le pelage des panthères du bassin de la rivière Amour, des montagnes du nord-est de la Chine et de la péninsule Coréenne est de couleur crème, surtout en hiver. Les rosettes des flancs sont de 5 cm × 5 cm, elles sont épaisses et bien espacées, les cercles sont épais et plus foncés au centre[4].
20
+
21
+ Leur pelage est doux et leur fourrure est longue et épaisse. La longueur des poils du dos varie de 20-25 mm en été et jusqu’à 50 mm en hiver. Leur pelage d’hiver varie d’un jaune clair à un jaune-roux teinté de doré. Leur pelage d’été est plus brillant et les rosettes sont d’une couleur plus vive. Les panthères de l’Amour sont assez petites, les mâles mesurent entre 107 et 136 cm, avec une longueur de queue de 82 à 90 cm et une hauteur de 64 à 78 cm. Ils pèsent entre 32,2 et 53 kg (certains spécimens ont même atteint les 60 kg[5]) et les femelles entre 25 et 42,5 kg[6]. Le poids moyen pour les mâles est de 55 kg et pour les femelles de 34 kg[7].
22
+
23
+ En 1857, à l'époque où Hermann Schlegel découvrit ces animaux, ils couvraient alors un large territoire d’environ 3 000 km2 comprenant la frontière entre la Chine et la Corée du Nord[3].
24
+
25
+ Les panthères de l’Amour vivaient au nord-est de l'Asie, depuis probablement Pékin et la péninsule coréenne. Dans les années 1950, leur répartition en Russie était limitée à l’extrême sud de la région de l’Oussouri. Elles ont été observées à 50 km au nord de Vladivostok et dans la Réserve naturelle de Kedrovaïa Pad. Les panthères de l’Amour vivent dans les zones montagneuses. On les retrouve là où vivent les cerfs Sika et où l’élevage de cerfs est pratiqué. En hiver, elles restent sur les pentes rocheuses non enneigées[6].
26
+
27
+ Dans les années 1970, la population russe s’est fragmentée en trois petites populations distinctes. Au début du siècle suivant, la seule population restante était celle du Sud-Ouest de Primorié, où elle occupait un territoire d’environ 3 000 km2 le long de la frontière entre la Chine et la Corée du Nord[8].
28
+
29
+ En 2009, l’unique site Web officiel de la Corée du Nord a rapporté qu’il y avait quelques léopards dans la réserve naturelle des monts Myohyang dans l'arrondissement de Hyangsan. C’est probablement la population vivant le plus au sud.
30
+
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+ En Chine, plusieurs panthères de l’Amour ont été photographiées par des pièges photographiques à Wangqing et Hunchun, à l’est de la province de Jilin.
32
+
33
+ Les panthères de l’Amour sont extrêmement protectrices en ce qui concerne leur choix de territoire. Le territoire d’un individu est généralement situé dans le bassin d’une rivière et s’étend jusqu’aux frontières topographiques naturelles de la zone. Le territoire de deux individus peut parfois légèrement se chevaucher. Selon le sexe, l’âge et la taille de la famille, le territoire d’un individu peut mesurer entre 5 000 et 30 000 ha. Elles peuvent emprunter les mêmes sentiers, les mêmes trajets de migration et parfois se reposer aux mêmes endroits[9]. Là où les animaux sauvages sont présents en abondance, les léopards y vivent de manière permanente ou y migrent verticalement, suivant les troupeaux d’ongulés et évitant la neige. Dans la région de l’Ussuri, leurs proies principales sont les chevreuils, les cerfs Sika, les wapitis Manchurian, les cerfs porte-musc, les élans et les sangliers. Ils se nourrissent plus rarement de lièvres, de blaireaux, de volailles et de souris. Dans la Kedrovaya Pad Nature Reserve, les chevreuils constituent leurs proies principales tout au long de l’année, mais ils chassent également de jeunes ours noirs d’Asie de moins de deux ans[6].
34
+
35
+ Les panthères de l’Amour sont sexuellement matures entre 2 et 3 ans et peuvent se reproduire jusqu’à l’âge de 10-15 ans. Les chaleurs durent entre 12 et 18 jours, et dans des cas exceptionnels, jusqu’à 25 jours. La gestation dure entre 90 et 105 jours. À la naissance, les petits pèsent entre 500 et 700 grammes, ils ouvrent leurs yeux au 7e-10e jour et commencent à ramper au 12e-15e jour. Ils sortent de leur tanière au deuxième mois et commencent alors à manger de la viande. Ils continuent parallèlement à se nourrir de lait pendant cinq ou six mois. Les jeunes restent généralement avec leur mère jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau en chaleur. Jusque dans les années 1970, les petits (de deux à trois) étaient vus dans la réserve naturelle de Kedrovaïa Pad, dans le Primorsky Krai et au nord-est de la Chine, généralement entre mars et mai. En captivité, certains individus ont vécu jusqu’à 21 ans[6].
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+
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+ Des études ont confirmé que les jeunes pouvaient rester avec leurs mères pendant deux ans. Dans la Kedrovaya Pad Nature Reserve, il a déjà été constaté que des petits de deux portées différentes restaient avec leur mère en même temps[9].
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+ Les panthères de l’Amour sont menacées par le braconnage, l’empiètement de la civilisation, la construction de routes, l’exploitation des forêts et les changements climatiques.
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+ Les tigres peuvent éliminer les panthères si la densité de proies de grande et moyenne taille est faible. La compétition entre les deux prédateurs est censée diminuer en été, lorsque les petites proies sont plus abondantes. Les conditions hivernales sont moins favorables aux tigres, la compétition avec les panthères de l’Amour atteint donc un pic.
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+ En 2015, un Léopard de l'Amour femelle est recueilli par un centre de réhabilitation de la faune atteinte par la maladie de Carré[7]. La propagation de cette maladie, peut-être par des contacts avec des chiens ou de petits carnivores sauvages[7], est une menace d'épizootie pour les petites populations du Léopard de l'Amour[7].
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+ Le braconnage des léopards constitue l'une des principales menaces à sa survie. Entre février 2002 et avril 2003, sept peaux ou parties de peaux ont été confisquées, six en Russie et une en Chine. Le plus souvent, les léopards sont tués par des habitants de petits villages russes proches du territoire du félin. La plupart de ces villageois chassent de manière totalement illégale, ils n’ont pas de permis pour chasser ni pour posséder des armes. La plupart vivent près de zones protégées dans lesquelles il est interdit de chasser et même d’emmener une arme ou un chien dans la forêt[8].
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+ Les feux allumés par les hommes représentent une menace majeure pour la panthère de l’Amour. Mettre le feu aux champs est une habitude dans la plupart des cas. Certains incendies sont commencés pour augmenter la fertilité des pâturages, tuer les tiques et d’autres insectes, faire apparaître les débris métalliques afin qu’ils puissent être facilement ramassés, abattre la végétation le long des voies de chemins de fer et stimuler la pousse des fougères qui sont vendues dans les magasins, servies au restaurant et exportées en Chine car elles constituent un plat populaire. Des études utilisant des images satellites et des techniques SIG ont révélé qu'environ 19 % du Sud-Ouest du Primorié brûle tous les ans, et qu’un total de 46 % a été brûlé en six ans. À cause de cela, la plupart des terres du Sud-Ouest du Primorié ont été converties en des prairies permanentes. Ces feux fréquents sont à l’origine de la dégradation de l’habitat des panthères, qui devient inhabitable. Les incendies répétés ont créé un paysage de savane que les léopards semblent éviter, sûrement, une fois encore, à cause de la faible densité d’ongulés[8].
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+ Un certain nombre de plans pour développer les activités économiques au sud-ouest du Primorié ont vu le jour et ont commencé à constituer une sérieuse menace à la survie de la panthère de l’Amour. Le projet de construction d’un pipeline du centre de la Sibérie à la côte de la mer du Japon en traversant le Primorié a été abandonné. Le projet de construction d’une mine de charbon en plein cœur de territoire du léopard a également été abandonné grâce aux pressions des écologistes et du ministère des Ressources naturelles. La situation stratégique du sud-ouest du Primorié, proche du Primorski Krai, de la mer du Japon et de la frontière entre la Chine et la Corée le rend très attractif pour les activités économiques telles que le transport, l’industrie, le tourisme et le développement d’infrastructures[8].
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+ Un problème majeur est la consanguinité potentielle, la population restante pourrait disparaître à cause d’une dégénération génétique, et ce, même sans l’influence humaine directe. Le taux de diversité est incroyablement bas, ce qui témoigne de la consanguinité au sein de la population depuis plusieurs générations. Ceci cause des sérieuses anormalités congénitales et reproductrices qui touchent la santé, la survie et la reproduction chez certaines petites populations dont la densité génétique est faible. Le taux de survie chez les petites a chuté de 1,9 pour une femelle en 1973, à 1,7 en 1984 et 1,0 en 1991. À part le déclin du remplacement naturel, il existe une forte probabilité de mortalité pour tous les âges en conséquence de maladies ou d’impacts humains directs[10].
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+ La Panthera pardus est inscrite sur l’Annexe I de la CITES[11].
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+ La Amur Leopard and Tiger Alliance (ALTA) est une initiative d’organisations de conservation russe et occidentale pour conserver la panthère de l’Amour et le tigre de Sibérie, et assurer un futur aux deux espèces dans l’Est russe et le Nord-Est chinois. L’ALTA opère dans l’Asie du Nord-Est en se fondant sur le principe que seules des actions de conservation coordonnées et faites en coopération avec toutes les parties concernées peuvent sauver ces espèces menacées de l’extinction. L’ALTA travaille main dans la main avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales locales, régionales et fédérales à la protection de la richesse biologique de la région à travers la conservation, le développement durable et la participation des communautés locales. Le Phoenix Fund (en) et la Wildlife Conservation Society fournissent un cadre local pour mettre en place les projets de l’ALTA, en collaborant étroitement avec de nombreuses agences russes et chinoises. En ce qui concerne la conservation de la panthère de l’Amour, l’ALTA a pour objectif de garder une population de 35 femelles adultes (100 au total) dans le sud-ouest du Primorié et dans la région de Jilin-Heilongjiang, et de créer une deuxième population de 20 femelles adultes (60 au total) sur l’ancien territoire de la panthère de l’Amour. Les projets de conservation de la panthère de l’Amour incluent[8] :
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+ Depuis 1996, l’idée de réintroduire les panthères au sud du Sikhote-Aline a été évoquée parmi les membres de l’ALTA. Lors d’un séminaire en 2001, les grandes lignes et les principes d’un plan pour le développement d’une deuxième population de panthères de l’Amour à l’Extrême-Orient de la Russie ont été préparés. Afin que la réintroduction soit un succès, une question fondamentale doit trouver une réponse : pourquoi les panthères ont-elles disparu du Sud du Sikhote-Alin dans les années 1950 ? Il a été recommandé d’estimer les raisons de l’extinction locale, d’obtenir le soutien du peuple local, d’augmenter le nombre de proies dans les zones proposées pour la réintroduction, de s’assurer que les conditions sont propices à la réintroduction dans les zones sélectionnées, et d’assurer la survie de la population existante. Il y a deux sources de léopards pour la réintroduction : les panthères nées et élevées dans les zoos et les panthères élevées dans un centre de réintroduction qui sont passées par un programme de réhabilitation à la vie sauvage[10].
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+ Si cette réintroduction réussit, il est clair que la conception du centre d’élevage et de réintroduction, et la gestion des panthères qui s’y trouvent, devront faire tout leur possible pour surmonter les difficultés imposées par l’origine captive des félins. Trois comportements nécessaires doivent être acquis avant de pouvoir les réintroduire : chasser et tuer des proies vivantes, éviter les hommes et éviter les tigres[12].
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+ En mars 2009, durant sa rencontre avec Vladimir Poutine, le ministre des Ressources naturelles russe a assuré que le ministère prévoyait d’introduire des panthères de l’Amour nouvellement « importées » dans la zone et d’y créer en environnement approprié et protégé pour eux. Le gouvernement a déjà alloué les fonds nécessaires au projet[13].
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+ En 2012, le parc national de la Terre du Léopard est créé par les autorités russes pour protéger le territoire du Léopard de l'Amour et du Tigre de Sibérie[7]. Le centre de réhabilitation du tigre TRNGO, situé près de Vladivostok, est également habilité à sauver le Léopard de l'Amour[7]. En 2015, deux léopards sont soignés par le centre. Si l'un d'entre eux décède, le second, dont les blessures ne permettent plus de le relâcher dans la nature, a été transféré au zoo de Moscou pour intégrer le programme d'élevage de l'Association européenne des zoos et aquariums[7].
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+ Afin d'assurer la pérennité de la population captive, le Léopard de l'Amour est l'objet d'un programme d'élevage européen en captivité (EEP) géré par le zoo de Londres et le zoo de Moscou[14] et d'un programme américain pour les espèces menacées (SSP) géré par le zoo Henry Doorly[15].
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+ Une population captive des panthères de l’Amour a été établie en 1961 à partir de neuf individus capturés dans la nature. Une étude de génétique moléculaire a révélé qu’au moins deux de ces panthères avaient des informations génétiques plus proches de Panthera pardus japonensis que de P. p. orientalis. Cette observation confirme donc les suspicions de mélange génétique entre les panthères de l’Amour et celles de la Chine du Nord parmi les individus captifs[16]. La population des zoos en Amérique et en Europe comprend une contribution considérable de gènes de l’individu d’origine 2 qui n’était pas une panthère de l’Amour. La stratégie du programme européen pour les espèces menacées (EEP) consiste à faire se reproduire les panthères en apportant le moins possible de ces gènes, tout en maintenant un niveau de diversité génétique acceptable. Tous les léopards contenant plus de 41 % de gènes de l’individu d’origine 2 ont été écartés de la reproduction depuis 1999. Grâce à cette stratégie, une diminution de la prédominance des gènes de l’individu d’origine 2 et une augmentation du nombre de léopards avec un faible pourcentage de ceux-ci ont été constatées[12].
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+ Depuis décembre 2011, on dénombre 176 panthères de l’Amour réparties dans les zoos du monde entier. Au sein de l’EEP, 54 mâles, 40 femelles et 7 autres individus sont conservés. Dans les zoos américains et canadiens, 31 autres mâles et 41 femelles sont conservés au sein du Population Management Program[17].
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+ Depuis novembre 2008, le zoo de Tallinn a lancé un programme diffusé sur le Web. Il permet aux internautes de suivre la vie des panthères de l’Amour du zoo en temps réel grâce à trois webcams, y compris une caméra infrarouge montrant leur tanière[18],[19].
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+ En 2009, le WWF a demandé aux gens d’adopter l’une des dernières panthères de l’Amour à l’état sauvage pour soutenir les efforts de conservation.
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+ Le documentaire d’Animal Planet The Last Leopard (2008) parle du sort des panthères de l’Amour en Russie.
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+ Petit panda, Panda éclatant, Panda roux
2
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3
+ Genre
4
+
5
+ Espèce
6
+
7
+ Statut CITES
8
+
9
+ Statut de conservation UICN
10
+
11
+ ENC1[1] : En danger
12
+
13
+ Répartition géographique
14
+
15
+ Le Petit panda, Panda roux ou Panda éclatant (Ailurus fulgens) est un mammifère de la famille des Ailuridés. Il a un régime alimentaire omnivore, essentiellement végétarien, bien qu'appartenant à l'ordre des carnivores. Le panda roux est originaire de l'Himalaya et du Sud-Ouest de la Chine. C'est une espèce protégée car elle est en danger de disparition.
16
+
17
+ Ailurus fulgens est le seul représentant du genre Ailurus.
18
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19
+ Son nom occidental provient probablement d'une langue de l'Himalaya, peut-être le népalais, mais sa signification reste incertaine. Selon une théorie, le mot « panda » serait une anglicisation de poonya qui signifie le « mangeur de bambou ». Son nom chinois 小熊猫 (xiǎoxióngmāo) s'analyse morphologiquement comme « petit ours-chat»[note 1].
20
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21
+ Ce petit animal est parfois appelé firefox en anglais, une traduction de son surnom chinois moins utilisé hǔo hú (火狐), littéralement « renard de feu » également par référence à sa couleur[réf. nécessaire].
22
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23
+ Le nom scientifique Ailurus est une latinisation du grec ancien ailuros, désignant le chat et signifiant littéralement « balance-queue » (aiol + ouros). Quant à fulgens, il signifie éclatant, brillant (comme un éclair)[réf. nécessaire].
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25
+ L'espèce est désignée en français par divers noms vulgaires et noms vernaculaires : petit panda[9], panda éclatant[11],[9],[3], panda fuligineux[11],[9], panda rouge[12],[11], panda roux[9], etc.
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27
+ En anglais : lesser panda[3], red panda[3], cat-bear[3], small panda[11], firefox.
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29
+ Les sous-espèces sont nommées :
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31
+ Le panda roux fait de 50 à 64 cm de long pour la tête et le corps tandis que sa queue fait de 28 à 59 cm. Les mâles pèsent de 3,7 à 6,2 kg et les femelles de 3 à 6,0 kg[15],[16],[17].
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+ L'espèce a une fourrure longue, douce, brun rougeâtre sur les parties supérieures, une fourrure noirâtre sur les parties inférieures, et un visage clair avec des marquages faciaux en forme de larmes ainsi que des caractéristiques dentaires cranio-dentaires robustes (en). Le visage clair a des insignes blancs semblables à ceux d'un raton laveur, mais chaque individu peut avoir des marques distinctives. La tête arrondie a des oreilles droites de taille moyenne, un nez noir et des yeux noirâtres. Sa longue queue touffue avec six anneaux ocre transversaux alternés[18] et une pointe noire[réf. nécessaire] fournit un équilibre et un excellent camouflage pour leur habitat d'arbres recouverts de mousse et de lichen. Les jambes sont noires et courtes avec une fourrure épaisse sur la plante des pattes. Cette fourrure sert d'isolation thermique sur les surfaces enneigées ou glacées et dissimule les glandes olfactives qui sont également présentes sur l'anus[18].
34
+
35
+ Le panda roux est spécialisé dans l'alimentation au bambou avec des griffes fortes, courbes et semi-rétractiles[15] pour saisir les branches d'arbres étroites, les feuilles et les fruits. Comme le panda géant, il a un « faux pouce » qui est une extension de l'os du poignet. Quand il descend un arbre tête la première, le panda roux tourne sa cheville pour contrôler sa descente, ce qui en fait une des rares espèces grimpantes à en être capable[19].
36
+
37
+ Les petits pandas sont principalement nocturnes[20]. Ils ne font pas beaucoup plus que manger et dormir en raison de leur régime alimentaire hypocalorique[21],[22].
38
+
39
+ Les pandas roux sont d'excellents grimpeurs et se nourrissent surtout dans les arbres. Ils mangent surtout du bambou et peuvent se nourrir de petits mammifères, d'oiseaux, d'œufs, de fleurs et de baies. En captivité, ils ont été observés en train de manger des oiseaux, des fleurs, des feuilles d'érable et de mûrier, de l'écorce et des fruits de l'érable, du hêtre et du mûrier[15].
40
+
41
+ La reproduction du Panda roux est encore mal comprise des biologistes. Il reste ainsi des questions non résolues, telles si la femelle peut avoir une ovulation induite (en), entre en chaleurs une ou plusieurs fois pendant la saison des amours, et si oui ou non l'implantation de l'embryon dans l'utérus est différée (en). Déchiffrer les particularités de la reproduction de l'espèce permettrait de recréer des environnements fidèles au milieu naturel, pour réduire la mortalité à la naissance des individus captifs puis réintroduire des pandas roux à l'état sauvage[23].
42
+
43
+ Dans la nature, le Panda roux vit probablement en solitaire la plupart du temps et ne se trouve en petits groupes que pendant la saison de reproduction[24]. Elle correspond à la période typique d'activité des gonades dans l'espèce. Selon les individus élevés en captivité, la période d'œstrus de la femelle s'étale sur la fin de l'hiver, soit de janvier à mars dans l’hémisphère nord et de juin à août dans l'hémisphère sud[25],[24]. Cela permet aux petits de naître au printemps, lorsque la disponibilité de la nourriture, des matériaux de nidification et la sécurité des autres prédateurs à la mise bas sont favorables à leur survie[24].
44
+
45
+ La gestation dure en moyenne 135 jours et la femelle met en général deux petits au monde mais il peut y en avoir trois ou quatre. À la naissance, les petits ont déjà une fourrure (grise qui devient rousse en grandissant), ne mesurent que 6 cm et ne pèsent que 100 grammes. Ils sont d'abord aveugles et n'ouvrent les yeux qu'au bout de 18 jours. Dépendants, ils ne sortent de la tanière qu'après 90 jours et vivent avec leur mère jusqu'à la période de reproduction suivante. Ils sont sevrés après 5 mois. Ils atteignent leur maturité sexuelle entre 18 et 20 mois[réf. nécessaire].
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+
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+ Les pandas roux peuvent se reproduire vers l'âge de 18 mois et atteignent leur pleine maturité à l'âge de deux ou trois ans. Les adultes interagissent rarement dans la nature, sauf pour s'accoupler. Les deux sexes peuvent s'accoupler avec plus d'un partenaire pendant la saison des amours, de la mi-janvier au début mars. Quelques jours avant la naissance, les femelles commencent à rassembler des matériaux, comme des broussailles, de l'herbe et des feuilles, pour construire un nid, qui se trouve normalement dans un arbre creux ou une fissure rocheuse. Après une période de gestation de 112 à 158 jours, la femelle donne naissance, de la mi-juin à la fin juillet, de un à quatre (habituellement 1 à 2) petits aveugles et sourds pesant de 110 à 130 g chacun[15].
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+ Après la naissance, la mère nettoie les petits et peut reconnaître chacun d'eux par son odeur. Au début, elle passe de 60 % à 90 % de son temps avec les petits. Après la première semaine, la mère commence à passer plus de temps à l'extérieur du nid, revenant toutes les quelques heures pour allaiter et toiletter les petits. Elle déplace fréquemment les jeunes parmi plusieurs nids, qu'elle garde propres. Les petits commencent à ouvrir les yeux vers l'âge de 18 jours. À environ 90 jours, ils ont atteint la pleine fourrure d'adulte et la coloration, et commencent à s'aventurer hors du nid. Ils commencent aussi à manger des aliments solides à ce moment-là, en se sevrant vers l'âge de six à huit mois. Les petits restent avec leur mère jusqu'à ce que la prochaine portée naisse l'été suivant. Les mâles aident rarement à élever les jeunes, et seulement s'ils vivent en paires ou en petits groupes[15].
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51
+ À l'état sauvage, la durée de vie typique d'un panda roux se situe entre huit et dix ans, mais peut aller jusqu'à 14 ans[26]. En captivité, l'espérance de vie est d'en moyenne 13,4 ans[26], et un individu a réussi à atteindre l'âge de 19 ans[27].
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+ En fonction de son état émotionnel, le panda aboie, couine ou émet d'autres sons.
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+ Comme le panda géant, le petit panda ne peut pas digérer la cellulose et doit donc consommer un grand volume de bambou pour survivre. Leur régime alimentaire se compose d'environ deux tiers de bambou, de préférence les feuilles et jeunes pousses, mais ils mangent aussi des champignons, des racines, des glands, des lichens et des graminées. À l'occasion, ils complètent leur alimentation avec des poissons, des insectes[21],[22], des oiseaux[15] ou de petits mammifères[28].
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+ Les pousses de bambou sont plus faciles à digérer que les feuilles, présentant la digestibilité la plus élevée en été et en automne, intermédiaire au printemps et la plus faible en hiver. Ces variations sont liées à la teneur en nutriments du bambou. Les pandas roux transforment mal le bambou, en particulier la cellulose et les composants de la paroi cellulaire. Cela sous-entend que la digestion microbienne ne joue qu'un rôle mineur dans leur stratégie digestive. Pour survivre avec ce régime alimentaire de mauvaise qualité, ils doivent manger les sections de haute qualité de la plante de bambou, comme les feuilles et les pousses tendres, en grande quantité, soit plus de 1,5 kg de feuilles fraîches et 4 kg de pousses fraîches par jour. Cet aliment traverse le tube digestif assez vite (environ 2 à 4 heures) afin de maximiser l'apport quotidien en nutriments[29]. Les petits pandas peuvent détecter le goût d'édulcorants artificiels comme l'aspartame, et sont les seuls non-primates connus à pouvoir le faire[30].
58
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59
+ Au Japon, ont été rapportés un cas de petit panda souffrant de schistosomiase japonaise, un cas de douve pulmonaire ayant causé la mort du sujet par pneumonie et des cas d'infections à Dirofilaria immitis[31],[32],[33].
60
+
61
+ Le petit panda vit entre 2 200 et 4 800 m d'altitude et habite des zones aux températures modérées entre 10 et 25 °C avec peu de variations annuelles. Il préfère les forêts montagneuses mixtes de feuillus et de conifères, surtout celles avec de vieux arbres et des sous-bois denses de bambou[15],[34].
62
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63
+ Le panda roux est endémique des forêts tempérées de l'Himalaya, et des chaînes de piedmont du Népal à l'Ouest et de la Chine à l'Est[34]. Sa limite la plus à l'Est est la chaîne des Monts Qinling de la province du Shaanxi en Chine. Sa répartition inclut le Tibet méridional, le Sikkim et Assam en Inde, le Bhoutan, les montagnes septentrionales de Birmanie, et le Sud-Ouest de la Chine, dans les Monts Hengduan de la province du Sichuan, ainsi que les monts Gongshan de la province du Yunnan. Il peut également vivre au Sud-Ouest du Tibet et au Nord de l'Arunachal Pradesh, mais cela n'a pas été documenté. Les lieux comportant la plus grande densité de pandas roux incluent une aire de l'Himalaya supposée avoir été le refuge d'un ensemble d'espèces endémiques durant le Pléistocène. L'aire de répartition du panda roux doit être considérée comme constituée d'aires séparées plutôt que comme un ensemble continu[15]. Une population relique distincte pourrait habiter les forêts sous-tropicales du plateau du Meghalaya, au Nord-Est de l'Inde[35], mais des investigations plus poussées sont nécessaires pour confirmer sa présence[36].
64
+
65
+ Lors d'une étude durant les années 1970, des signes de présence de pandas roux ont été trouvés dans la réserve de chasse de Dhorpatan, au Népal[37]. Leur présence a été confirmée au printemps 2007 lorsque quatre individus ont été observés à des altitudes allant de 3 220 à 3 610 m[38]. La limite orientale de l'espèce se trouve dans le parc national de Rara, situé à l'ouest de la réserve de chasse de Dhorpatan[39] Leur présence a été confirmée en 2008[40].
66
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67
+ Les populations de panda roux dans la province du Sichuan sont plus importantes et plus stables que celle du Yunnan, laissant penser à une expansion vers le Sud, depuis le Sichuan vers Yunnan durant l'Holocène[41].
68
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69
+ Le panda roux a été extirpé des provinces chinoises du Guizhou, Gansu, Shaanxi, et Qinghai[42].
70
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71
+ La première trace écrite connue sur le Petit panda se trouve dans un rouleau chinois du XIIIe siècle qui représente une scène de chasse entre des chasseurs et le Panda roux[43],[44].
72
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73
+ La présentation en 1821 par le major-général Thomas Hardwicke d'un article intitulé « Description d'un nouveau genre de mammifères de la classe Mammalia, de la chaîne des collines de l'Himalaya entre le Népal et les montagnes enneigées »[note 2] à la Société linnéenne de Londres est souvent considérée comme le moment où le Panda roux est devenu une espèce authentique dans la science occidentale. Hardwicke a proposé le nom « wha » et expliqué : « Il est fréquemment découvert par son cri ou son appel, ressemblant au mot « Wha », répétant souvent le même : c'est pourquoi il est dérivé d'un des noms locaux par lesquels il est connu. Il est aussi appelé Chitwa. »[note 3] Le document d'Hardwicke n'a pas été publié avant 1827, où Frédéric Cuvier avait alors publié sa description et une figure. Le nom taxonomique proposé à l'origine par Hardwicke a été retiré de la publication de son article en 1827 avec sa permission, et le nom est maintenant attribué à Cuvier[45].
74
+
75
+ Frédéric Cuvier avait reçu le spécimen qu'il a décrit du beau-fils de son frère, Alfred Duvaucel, qui l'avait envoyé « des montagnes du nord de l'Inde ». Il a été le premier à utiliser le nom binomial Ailurus fulgens et le nom vernaculaire panda dans sa description de l'espèce publiée en 1825 dans l'Histoire naturelle des mammifères[46],[47]. Ailurus est adopté du mot grec ancien αἴλουρος (ailouros), qui signifie « chat »[48]. L'épithète spécifique fulgens signifie « brillant » en latin[49]. Panda (en) est une déesse romaine de la paix et des voyageurs qui était appelée avant de commencer un voyage difficile[50]. On ignore s'il s'agit de l'origine du nom vernaculaire français panda[réf. nécessaire]. Des publications ultérieures affirment que le nom a été adopté à partir d'une langue himalayenne[réf. nécessaire].
76
+
77
+ En 1847, Hodgson a décrit un panda roux sous le nom d'Ailurus ochraceus. Pocock a conclu qu'il représente le même type qu'Ailurus fulgens car la description des deux est très proche. Il a subordonné les deux types à la sous-espèce de panda roux de l'Himalaya Ailurus fulgens fulgens[18].
78
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79
+ La classification taxonomique du panda roux fait l'objet de controverses dès sa découverte. Le zoologiste français Frédéric Cuvier a d'abord décrit le panda roux en 1825 et l'a classé comme un proche parent du raton laveur (Procyonidae), bien qu'il lui ait donné le nom de genre Ailurus, (du grec ancien αἴλουρος, « chat ») en se basant sur des similitudes superficielles avec les chats domestiques. L'épithète spécifique est l'adjectif latin fulgens (« brillant »)[51].
80
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81
+ L'espèce a été placée à différents moments dans les Procyonidae, dans les Ursidae avec Ailuropoda (panda géant) chez les Ailuropodinae (jusqu'à ce que cette famille soit déplacée dans les Ursidae), puis dans sa propre famille, les Ailuridae. Cette incertitude vient de la difficulté à déterminer si certaines caractéristiques d'Ailurus sont phylogénétiquement conservatrices ou si elles sont dérivées et convergentes avec des espèces aux habitudes écologiques similaires[15].
82
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83
+ Les preuves basées sur les fossiles, la sérologie, la caryologie, le comportement, l'anatomie et la reproduction reflètent des affinités plus étroites avec les Procyonidae qu'avec les Ursidae. Cependant, des spécialisations écologiques et de fourrageage, ainsi qu'une distribution géographique distincte par rapport aux Procyonidés modernes soutiennent la classification dans la famille distincte des Ailuridés[52],[15],[53].
84
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85
+ Des recherches ADN systématiques moléculaires récentes placent également le panda roux dans sa propre famille, les Ailuridae, une partie de la grande super-famille Musteloidea qui comprend également la mouffette, le raton laveur et la belette[53],[54],[55]. Il serait la seule espèce encore vivante de la famille.
86
+
87
+ It is not a bear, nor closely related to the giant panda, nor a raccoon, nor a lineage of uncertain affinities. Rather it is a basal lineage of musteloid, with a long history of independence from its closest relatives (skunks, raccoons, and otters/weasels/badgers).
88
+
89
+ — Flynn et al., Whence the Red Panda[55] p. 197
90
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91
+ « Ce n'est ni un ours, ni un proche parent du panda géant, ni un raton laveur, ni une lignée d'affinités incertaines. Il s'agit plutôt d'une lignée basale de mustéloïdes, avec une longue histoire d'indépendance par rapport à ses parents les plus proches (mouffettes, ratons laveurs, loutres, belettes et blaireaux). »
92
+
93
+ — Whence the Red Panda[55] p. 197
94
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95
+ Le panda roux est considéré comme un fossile vivant et seulement très vaguement apparenté au panda géant (Ailuropoda melanoleuca), car il est naturellement plus proche des autres membres de la super-famille Musteloidea à laquelle il appartient. L'ancêtre commun des deux pandas était aussi un ancêtre pour tous les ours vivants, les pinnipèdes comme les phoques et les morses, et les membres de la famille Musteloidea comme les belettes et les loutres. Il peut être retracé jusqu'à la période du Tertiaire Inférieur il y a des dizaines de millions d'années, avec une répartition importante à travers l'Eurasie.
96
+
97
+ Des fossiles du panda roux éteint Parailurus anglicus ont été déterrés de la Chine à l'Est jusqu'à la Grande-Bretagne à l'ouest[56]. En 1977, une dent seule de Parailurus a été découverte dans la Formation pliocène de Ringold, au Washington. Ce premier signalement nord-américain est presque identique aux spécimens européens et révèle l'immigration de cette espèce en provenance d'Asie[57]. En 2004, la dent d'une espèce de panda roux jamais vue auparavant en Amérique du Nord a été découverte sur le site de fossiles de Gray (en), dans le Tennessee. La dent date d'il y a 4,5 à 7 millions d'années. Cette espèce, décrite sous le nom Pristinailurus bristoli (en), indique qu'une deuxième lignée ailurine plus primitive habitait l'Amérique du Nord pendant le Miocène. L'analyse cladiste suggère que Parailurus et Ailurus sont des taxons frères[56],[58]. D'autres fossiles de Pristinailurus bristoli ont depuis été découverts sur le site de fossiles de Gray en 2010[59] et en 2012[60]. La fréquence à laquelle on trouve des fossiles de panda sur le site de fossiles de Gray suggère que l'espèce a joué un rôle important dans l'écosystème global de la région[réf. nécessaire].
98
+
99
+ La découverte en Espagne des restes post-crâniens (en) de Simocyon batalleri, un parent du panda roux vivant au Miocène, soutient l'hypothèse d'une relation de groupes frères entre pandas roux et ours. Cette découverte suggère que le « faux pouce » du panda roux est une adaptation à la locomotion arboricole, indépendante de l'adaptation du panda géant pour manipuler le bambou. Il s'agit en zoologie d'un des cas les plus remarquables de convergence évolutive chez les vertébrés[61].
100
+
101
+ La classification du panda roux en deux espèces ou deux sous-espèces est débattue dans la communauté scientifique. Dans l'ouvrage de référence de 2011 Red Panda, Colin Groves affirme à partir de comparaisons crâniennes, d'analyses des éléments extérieurs et de génétique moléculaire faites sur différents spécimens qu'il existe deux espèces distinctes. Ainsi, le panda roux peut être divisé en Panda roux himalayen (Ailurus fulgens ou A. f. fulgens ) et en Panda roux de Styan (Ailurus styani ou A. f. styani). Il fait aussi remarquer l'absence de données sur de grandes parties de l'aire de répartition d'Ailurus. Cela laisse ouvert la possibilité qu'il existe d'autres espèces ou sous-espèces de panda roux[62],[63].
102
+
103
+ Cependant, le nom Ailurus fulgens refulgens est parfois utilisé à tort pour A. f. styani. Il s'agit d'un lapsus réalisé par Henri Milne-Edwards dans son article de 1874 « Recherches pour servir à l'histoire naturelle des mammifères comprenant des considérations sur la classification de ces animaux »[64], faisant de A. f. refulgens un nomen nudum[18],[65]. L'édition la plus récente de Mammal Species of the World (littéralement en français « Espèces de mammifères du monde ») montre toujours la sous-espèce A. f. refulgens[52]. Cela a été corrigé dans des ouvrages plus récents, notamment dans A guide to the Mammals of China et le Handbook of the Mammals of the World, Volume 1 : Carnivores[66].
104
+
105
+ Selon Yibo Hu, de l’Académie chinoise des sciences de Pékin, il n'y a pas une mais deux espèces de panda roux différentes, Ailurus fulgens et Ailurus styani. L'étude[67] réalisée montre une différence génétique entre ces deux pandas.
106
+
107
+ Les principales menaces qui pèsent sur les pandas roux sont la capture directe dans la nature, vivants ou morts, la compétition avec le bétail domestique entraînant la dégradation de l'habitat et la déforestation conduisant à la perte ou la fragmentation de l'habitat. L'importance relative de ces facteurs varie d'une région à l'autre et n'est pas bien comprise[34].
108
+ Par exemple, en Inde, la plus grande menace semble être la perte d'habitat suivie du braconnage, alors qu'en Chine, les plus grandes menaces semblent être la chasse et le braconnage[4]. Une diminution de 40 % des populations de panda roux a été signalée en Chine au cours des 50 dernières années, et les populations des régions occidentales de l'Himalaya sont considérées comme étant plus réduites[42].
109
+
110
+ La déforestation entrave la propagation des pandas roux et aggrave le morcellement naturel de la population par la topographie et l'écologie, ce qui provoque une grave fragmentation de la population sauvage restante. Moins de 40 animaux de quatre groupes distincts partagent les ressources avec les humains dans le Parc national de Langtang au Népal, où seulement 6 % de ses 1 710 km2 est l'habitat préféré du panda roux. Même si la concurrence directe pour la nourriture avec le bétail domestique n'est pas significative, ce bétail peut ralentir la croissance du bambou en le piétinant[68].
111
+
112
+ Les petits groupes d'animaux ayant peu de possibilités d'échange entre eux sont confrontés au risque de consanguinité, de diminution de la diversité génétique et même d'extinction. En plus, la coupe rase pour le bois de chauffage ou l'agriculture, y compris le terrassement à flanc de colline, enlève les vieux arbres qui fournissent des tanières aux mères et diminue la capacité de certaines espèces de bambou à se régénérer[34].
113
+
114
+ Dans le sud-ouest de la Chine, les pandas roux sont chassés pour leur fourrure, surtout pour leurs queues touffues très appréciées pour produire des toques. Dans ces régions, la fourrure est souvent utilisée pour les cérémonies culturelles locales. Dans les mariages, le marié porte traditionnellement la peau. Les chapeaux « porte-bonheurs » à queue de panda roux sont également utilisés par les jeunes mariés locaux[42]. Cette pratique est probablement assez ancienne car le panda roux semble être représenté dans un parchemin chinois du XIIIe siècle à l'encre de Chine montrant une scène de chasse. Il n'existe peu ou pas de mention du panda roux dans la culture et le folklore népalais[43].
115
+
116
+ Dans le passé, les pandas roux étaient capturés et vendus aux zoos. Angela Glatston, conservatrice au zoo de Rotterdam, a indiqué qu'elle avait personnellement géré 350 pandas roux en 17 ans[69].
117
+
118
+ En raison de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, ces captures pour les zoos ont considérablement diminué ces dernières années, mais le braconnage se poursuit et les pandas roux sont souvent vendus à des collectionneurs privés à des prix exorbitants. Dans certaines parties du Népal et de l'Inde, les pandas roux sont gardés comme animaux de compagnie[70].
119
+
120
+ Le panda roux a un taux de natalité naturellement bas (généralement une naissance simple ou jumelée par an), et un taux de mortalité élevé dans la nature[réf. nécessaire].
121
+
122
+ Le Petit panda est inscrit à l'Annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction[71]. L'espèce est classée en danger dans la Liste rouge de l'UICN depuis 2008 parce que la population mondiale est estimée à environ 10 000 individus, avec une tendance à la baisse de la population, et parce qu'il n'y a qu'environ la moitié de la superficie totale de l'habitat potentiel de 142 000 km2 qui est effectivement utilisée par l'espèce. En raison de leur nature timide et secrète, et de leurs habitudes largement nocturnes, l'observation des pandas roux est difficile. Par conséquent, les chiffres de population à l'état sauvage sont déterminés par des estimations de la densité de population et non par des comptages directs[4].
123
+
124
+ Les estimations de la population mondiale varient de moins de 2 500[72] pour l'estimation basse à entre 16 000 et 20 000 individus[35] pour l'estimation haute. En 1999, la population totale en Chine était estimée entre 3 000 et 7 000 pandas roux[42]. En 2001, la population sauvage en l'Inde était estimée entre 5 000 et 6 000 individus[35]. Les estimations pour le Népal n'indiquent que quelques centaines d'individus[73]. Il n'existe aucun chiffre pour le Bhoutan ou la Birmanie.
125
+
126
+ Il est difficile de trouver des chiffres de population fiables, en partie parce que d'autres animaux ont été confondus avec le panda roux. Par exemple, un rapport de Birmanie indique que les pandas roux sont encore assez fréquents dans certaines régions ; cependant, la preuve photographique du « panda roux » qui l'accompagne est en fait une espèce de civette[74].
127
+
128
+ Le panda roux est protégé dans tous les pays de son aire de répartition et sa chasse est illégale[4]. Au-delà, les efforts de protection sont très variables d'un pays à l'autre :
129
+
130
+ Une forêt gérée par la communauté dans le district d'Ilam, dans l'est du Népal, abrite 15 pandas roux qui génèrent des revenus pour les ménages locaux grâce à des activités touristiques, y compris des séjours à domicile. Les villageois des zones de haute altitude de l'Arunachal Pradesh ont formé l'Alliance pour la conservation du panda roux de Pangchen (« Pangchen Red Panda Conservation Alliance »), qui comprend cinq villages avec une zone forestière communautaire de 200 km2 à une altitude entre 2 500 et plus de 4 000 m[76].
131
+
132
+ Le petit roux s'adapte bien à la vie en captivité et est commun dans les zoos du monde entier. En 1992, plus de 300 naissances avaient eu lieu en captivité et plus de 300 individus vivaient dans 85 institutions à travers le monde[77]
133
+ . En 2001, 182 individus se trouvaient dans les seuls zoos nord-américains[78]. En 2006, le stud-book international répertoriait plus de 800 individus dans les zoos et les parcs du monde entier. Dans ce nombre, 511 individus de la sous-espèce A. f. fulgens étaient gardés dans 173 institutions[79] et 306 individus de la sous-espèce A. f. styani étaient gardés dans 81 institutions[80].
134
+
135
+ Le stud-book international est actuellement géré au zoo de Rotterdam aux Pays-Bas. En coopération avec l'International Red Panda Management Group, ils coordonnent le programme américain pour les espèces menacées en Amérique du Nord, le Programme européen pour les espèces menacées et d'autres programmes d'élevage en captivité en Australie, en Inde, au Japon et en Chine[80],[81]. En 2009, Sarah Glass, conservatrice des pandas roux et des expositions spéciales au zoo de Knoxville (en), à Knoxville au Tennessee, a été nommée coordonnatrice du North American Red Panda Species Survival Plan. Le zoo de Knoxville compte le plus grand nombre de naissances de panda roux en captivité dans l'hémisphère occidental (101 en août 2011). Seul le zoo de Rotterdam a eu plus de naissances en captivité dans le monde entier[79],[80].
136
+
137
+ Le parc zoologique himalayen de Padmaja Naidu (en) à Darjeeling, en Inde, a relâché avec succès quatre pandas roux élevés en captivité dans la nature en août et novembre 2003[81].
138
+
139
+ Un exemple notable de pandas roux gardé comme animaux de compagnie est le cas de l'ancienne Première ministre indienne Indira Gandhi. Les pandas ont été présentés à sa famille en tant que cadeau, avant d'être ensuite hébergés dans « une maison spéciale dans un arbre »[82].
140
+
141
+ Le panda roux est considéré comme l'animal symbole du Sikkim depuis le début des années 1990[83] et a été la mascotte du Darjeeling Tea Festival[43].
142
+
143
+ En 2005, Babu, un panda roux mâle du Birmingham Nature Centre à Birmingham, au Royaume-Uni, s'est échappé et est devenu brièvement une célébrité médiatique[84],[85] avant d'être recapturé. Il a ensuite été élu « Brummie (en) de l'année », devenant ainsi le premier animal à recevoir cet honneur[84],[85]. Rusty, un panda roux mâle au zoo national de Washington DC, a également attiré l'attention des médias lorsqu'il s'est brièvement échappé en 2013[86],[87].
144
+
145
+ En fiction, Bambou, personnage principal dans la série d'animation Bambou et Compagnie, est un panda roux[réf. nécessaire]. L'animal-totem de Li Xiong Mao[88], dans Freaks' Squeele, une série de bande dessinée entamée en 2008 de Florent Maudoux ; Maître Shifu est un panda roux anthropomorphe professeur de kung fu, dans le film Kung Fu Panda de 2008 ainsi que dans les autres histoires se déroulant dans le même univers[89]. Le panda roux Futa a inspiré le personnage de Pabu, le « furet de feu » accompagnant le groupe de héros (principalement de Bolin) dans la série télévisée animée américaine La Légende de Korra[90].
146
+
147
+ Le petit panda donne son nom au navigateur web Firefox, dérivé de la suite logicielle libre Mozilla. En effet, le mot « firefox » est en anglais un surnom du panda roux[91],[92]. Cependant, l'animal montré dans le logo est un renard stylisé[93]. La Fondation Mozilla a adopté, en décembre 2010, deux bébés panda roux pendant quelques mois[94].
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+ Le mot anglais Firefox (renard de feu) est souvent annoncé comme étant une traduction littérale du mot Chinois pour Red Panda[95],[96],[97],[98],[99]. Cependant le mot chinois 火狐 dont il est question concerne[100],[101],[102] le logiciel Mozilla Firefox et non l'animal qui se dit 小熊貓[103] et 红熊猫[104].
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Ordre
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+
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+ Les Lépidoptères (Lepidoptera) sont un ordre d'insectes holométaboles dont la forme adulte (ou imago) est communément appelée papillon, dont la larve est appelée chenille, et la nymphe chrysalide.
4
+
5
+ Il s'agit d'un des ordres d'insectes les plus répandus et les plus largement connus dans le monde, comprenant entre 155 100 et 174 233 espèces décrites[1] (dont près de 7 000 en Europe et 5 000 en France[2]) réparties dans 136 familles et 43 super-familles[3]. Les plus anciennes traces fossiles de papillons montrent que ces insectes ailés vivaient déjà sur la planète il y a 201 millions d’années, au côté des premiers dinosaures[4].
6
+
7
+ Ils se caractérisent à l'état adulte par trois paires de pattes (comme tous les insectes) et par deux paires d'ailes recouvertes d’écailles de couleurs très variées selon les espèces. Ils pondent des œufs qui donnent naissance à des chenilles. Ces dernières se transforment ensuite en chrysalides (s'abritant ou non dans un cocon préalablement tissé). Il en émerge enfin l'imago, ou papillon. Leur cycle biologique se trouve donc composé de quatre stades distincts : œuf, chenille, chrysalide et papillon. Ce sont des insectes à métamorphose complète.
8
+
9
+ Comme les abeilles et la plupart des pollinisateurs, dans une grande partie du monde, les papillons sont en forte régression, principalement en raison de l'intensification de certaines pratiques de l'agriculture[5] (monocultures, pesticides) et, localement, de la mortalité routière et de la pollution lumineuse ; ainsi, la mise à jour 2016 de la liste rouge de l'UICN montre que pour 462 espèces de papillons indigènes évaluées en zone méditerranéenne, 19 sont menacées d'extinction (dont 15 endémiques de cette écorégion)[5].
10
+
11
+ Le terme « lépidoptère » dérive du latin scientifique lepidoptera, terme construit lui-même à partir du grec ancien λεπίς « écaille » et πτερόν « aile »)[6]. Bon nombre d’espèces sont désignées par un nom vernaculaire différent suivant leur stade de développement. Souvent seul le papillon est nommé, parfois, seule la chenille, car ravageuse, porte un nom. Plus exceptionnellement, les deux formes sont nommées, comme pour les espèces Nymphalis antiopa ou Bombyx mori.
12
+
13
+ Le mot « papillon » est dérivé du latin papilio « lui-même tiré de la racine pil (« aller, vaciller ») dont papilio serait une forme à redoublement (allusion probable aux battements des ailes et aux déplacements vifs de ces insectes) »[7].
14
+
15
+ Voir : liste de Lépidoptères par nom scientifique, de Lépidoptères par nom vernaculaire et de chenilles par nom vernaculaire.
16
+
17
+ Les Lépidoptères sont des holométaboles comme les diptères ou les coléoptères.
18
+
19
+ Au stade de l'imago, le papillon a une longévité variable selon l'espèce, de quelques jours (Bombyx du mûrier) ou semaines (Flambé, Machaon) à plusieurs mois (jusqu'à dix pour le Citron Gonepteryx rhamni).
20
+
21
+ Les Lépidoptères, sous la forme adulte (papillon), sont caractérisés par deux paires d'ailes membraneuses recouvertes d’écailles colorées, qui sont des soies aplaties ; le mot « lépidoptère » vient de cette caractéristique : lepidos veut dire « écaille » en grec et pteros, « aile »[9].
22
+
23
+ Une écaille alaire est une minuscule plaque chitineuse le plus souvent pigmentée dotée d'un pédicelle à sa base permettant son insertion sur la membrane. Certaines couleurs métalliques sont optiques par diffraction de la lumière (cas par exemple pour l'Europe du genre Apatura Grand mars changeant, Petit mars changeant).
24
+
25
+ Chez les papillons, les dessins et les couleurs alaires ont des fonctions multiples, comme la thermorégulation, l'évitement de la prédation et la reproduction. Parmi ces fonctions, le camouflage, l'aposématisme et le mimétisme sont phylogénétiquement très répandus et présentent une grande diversification évolutive[10]. La sélection naturelle privilégie les espèces qui réalisent le meilleur compromis évolutif (trade-offtrade-off dans la littérature scientifique) d’allocation des ressources entre ces différents traits d'histoire de vie[11],[12].
26
+
27
+ Des écailles spécialisées, qui forment les androconies, sont présentes sur la face supérieure des ailes des mâles et diffusent des phéromones sexuelles, notamment la danaidone, issues de glandes lors des parades nuptiales.
28
+
29
+ Les ocelles ou yeux peuvent être des ornementations de défense (chez le Paon du jour par exemple), c'est un bon moyen de reconnaissance des espèces (comme l'ocelle orange centré de noir à l'aile antérieure du Petit mars changeant absent chez le Grand mars changeant[13]).
30
+
31
+ Le revers brun ou noir de ses ailes présente souvent une livrée homochrome qui permet de se cacher à de nombreuses espèces présentant des couleurs vives sur le recto de leurs ailes (Paon du jour par exemple).
32
+
33
+ Certaines espèces présentent la particularité de ne porter que très peu d'écailles : cas du genre Cithaerias.
34
+
35
+ Les papillons sont des organismes héliophiles et souvent thermophiles, leurs ailes jouant un rôle de thermorégulation afin d'optimiser l'efficacité de leurs activités (vol, recherche de nourriture). Au repos, posé à l'ombre, l'échauffement est un processus endothermique et se manifeste par de rapides frémissements des ailes assez proches dans leur principe du frissonnement[14]. Au repos par temps ensoleillé, ils orientent les ailes par rapport aux rayons du soleil en fonction de la température ambiante (processus exothermique). Par temps frais et peu ensoleillé, ils adoptent la posture dorsale (ailes étalées comme celles d'un avion : ouverture totale ≥ 180°, partielle < 180°), prenant de véritables bains de soleil. Au contraire, lors de journées chaudes et ensoleillées, ils adoptent la posture latérale (ailes plaquées verticalement l'une contre l'autre au-dessus du corps) de façon à limiter la surface exposée aux rayons. Ils se protègent également de la surchauffe thoracique en volant énergiquement de place en place pour limiter le temps d'exposition[15]. Certains grands papillons de jour (comme le Flambé ou le Machaon)[16] alternent entre des phases de vol actif avec battements d'ailes et des phases de vol plané, ces dernières évitant également la surchauffe thoracique[17]. L'hypothèse du réchauffement corporel par un mécanisme direct (ailes absorbant directement le rayonnement du soleil et transmettant la chaleur au thorax via l'hémolymphe[18] est infirmée par les calculs et expérimentalement, la membrane alaire étant assez mauvaise conductrice de chaleur et la circulation de l'hémolymphe trop faible[19],[20]. L'hypothèse privilégiée est un mécanisme indirect : la chaleur émise par le rayonnement solaire est transférée au thorax par les ailes qui agissent comme des déflecteurs de chaleur par convection, leur angle plus ou moins ouvert favorisant la concentration du flux solaire sur la face dorsale du thorax[21]. Les bandes claires sur les ailes jouent également un rôle thermorégulateur : elles permettent à des papillons de réduire le stress thermique dans des environnements très chauds[22].
36
+
37
+ Paon du jour (Aglais io).
38
+
39
+ Mégère (Lasiommata megera).
40
+
41
+ Cithaerias andromeda esmeralda.
42
+
43
+ Acraea pharsalus.
44
+
45
+ Cymothoe caenis.
46
+
47
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
48
+
49
+ En raison de la structure de leur œil multiple, les papillons ont une vision probablement moins nette que celle d'un être humain, mais bien plus performante selon d'autres points de vue :
50
+
51
+ Leur corps est souvent caché par un épais revêtement de phanères.
52
+
53
+ Leurs pièces buccales sont transformées en proboscis (sauf chez certains petits groupes très primitifs pour ce caractère, tels les Micropterigidae munis de mandibules broyant le pollen), trompe enroulée en spirale au repos, pour aspirer le nectar. La trompe est formée par les galeas des maxilles qui sont fortement allongées et reliées entre elles par deux coaptations : l’antérieure formée de soies et la postérieure formée de crochets qui les solidarisent fortement, formant ainsi un canal qui permet l’aspiration du nectar. Toutes les autres pièces buccales sont atrophiées ou absentes, à l’exception des palpes labiaux qui protègent la trompe lorsqu’elle est enroulée au repos. La trompe des papillons est un outil de haute précision qui cumule les prouesses techniques. Au repos, elle reste enroulée en spirale comme un ressort de montre, sous l'effet d'une lame élastique qui court tout au long de sa paroi supérieure. Une succession d'anneaux de chitine - substance très résistante - maintient la canalisation béante quelle que soit sa courbure. Lorsque le papillon veut se nourrir, il contracte une série de plusieurs centaines de minuscules muscles obliques, situés dans l'épaisseur de la trompe, dont ils provoquent le déroulement. Au premier tiers de la longueur, des muscles spéciaux coudent la trompe vers le bas. Cette articulation souple favorise en particulier la recherche du nectar dans les corolles les plus étroites et les plus profondes. Sans même avoir à baisser la tête, le papillon déplace sa trompe pour explorer tous les recoins des fleurs qu'il visite. Dans la tête de l'insecte, une sorte de poire peut se dilater sous l'action de muscles puissants. Elle fait office d'aspirateur. Grâce à des organes gustatifs très sensibles situés au bout de leurs pattes, ils savent immédiatement s'il y a lieu de déployer leur encombrant attirail d'aspiration.
54
+
55
+ Trompe et œil de papillon
56
+
57
+ Papillon aspirant du nectar de banane
58
+
59
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
60
+
61
+ L'œuf est pondu sur ou à proximité de la plante-hôte de la chenille qui souvent qualifie l'espèce (Piéride du chou ou Azuré du serpolet).
62
+
63
+ La larve, ou chenille, est de type broyeur avec deux glandes labiales séricigènes c’est-à-dire fabriquant un fil de soie.
64
+
65
+ La chrysalide se trouve ou non dans un cocon. Le développement des chenilles s’effectue généralement en cinq stades marqués par des mues jusqu’à la transformation en nymphe, ou chrysalide. Suivant les espèces, la nymphose a lieu sous terre ou à l’air libre et la chenille s’entoure parfois d’un cocon de fils de soie avant de se transformer.
66
+
67
+ Accouplement de piérides du navet
68
+
69
+ Œufs d'un papillon mexicain (Caligo eurilochus)
70
+
71
+ Chrysalide de Machaon
72
+
73
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
74
+
75
+ 99 % des espèces connues sont phytophages[24], c’est-à-dire se nourrissent de plantes. Les adultes se nourrissent pour la plupart de nectar des plantes à fleurs. Certains ont les pièces buccales classiques des Insectes, ce qui est un caractère primitif, d’autres ont une trompe atrophiée et ne se nourrissent pas à l’état adulte.
76
+
77
+ Chaque espèce de Lépidoptères peut présenter différents types de variabilité. Il existe des variations de taille, les individus pouvant être plus ou moins grands en fonction de la génération, de l'altitude ou encore du climat. Il existe également des variations, parfois très importantes, dans l'ornementation alaire[25] :
78
+
79
+ Dessus du mâle.
80
+
81
+ Dessus de la femelle.
82
+
83
+ Accouplement (vue de dessous, mâle à gauche).
84
+
85
+ Sous-espèce Limenitis arthemis arthemis.
86
+
87
+ Sous-espèce Limenitis arthemis astyanax.
88
+
89
+ Forme printanière levana.
90
+
91
+ Forme estivale prorsa.
92
+
93
+ Forme ilia.
94
+
95
+ Forme clytie.
96
+
97
+ Aglais io, spécimen classique.
98
+
99
+ Aglais io, spécimen aberrant.
100
+
101
+ La forme actuelle des stades de développement, de l'œuf à l'imago, existe sans doute depuis 150 Ma. Les 220 000 espèces vivent partout dans le monde excepté dans l'Antarctique et sont particulièrement nombreuses dans la région des tropiques. Elles sont presque toujours associées à des plantes supérieures (des angiospermes ou plantes à fleurs) et ont donc coévolué. Il est en effet vraisemblable que l'évolution qui a conduit à ce groupe qui possède un organe hautement spécialisé comme la trompe s’est accomplie en même temps que le développement des plantes à fleurs avant la fin du Tertiaire. Comme presque toutes les espèces ont des chenilles inféodées à une plante-hôte précise, l'évolution n'a sûrement dû se faire qu'en présence d'une seule plante-hôte ancestrale, donc pas avant le Tertiaire.
102
+
103
+ Les Lépidoptères fossiles ont tendance à être plus rares que ceux des autres insectes, parce qu’ils étaient moins abondants dans des types d'environnement comme les lacs et les étangs propices à la fossilisation et que les stades larvaires n’ont que la tête chitineuse comme partie dure susceptible d'être fossilisée.
104
+
105
+ Il existe cependant quelques fossiles, dans l’ambre ou dans des sédiments très fins. Des traces de galeries peuvent être observées sur des feuilles fossiles mais leur interprétation est délicate[26].
106
+
107
+ Le fossile le plus ancien Archaeolepis mane, issu de roches britanniques, a été daté d’environ 190 Ma[26], au jurassique. Ce sont des restes d’ailes qui montrent des écailles à cannelures parallèles sous microscope électronique et le réseau de nervures caractéristique commun aux Lépidoptères et Trichoptères. On ne connaît que deux autres fossiles du jurassique et treize du crétacé[26]. La période suivante, le tertiaire, est beaucoup plus riche en fossiles[27]. L’éocène en particulier, avec les gisements d’ambre de la Baltique est riche. Ceux-ci ne sont pas d’une grande utilité pour établir la phylogénie des Lépidoptères car ils sont déjà très proches des espèces modernes. Plus rarement, les Lépidoptères peuvent se trouver dans des sédiments de type lacustre : diatomite. Un bel exemple a été publié dans le Bulletin des lépidoptères de France[28].
108
+
109
+ D'après les fossiles du Jurassique d'Amphiesménoptères découverts (groupe constitué des ancêtres des Trichoptères et Lépidoptères, selon la classification de Willi Hennig), ces groupes se sont différenciés il y 56 Ma[29].
110
+
111
+ Les Kalligrammatidae, famille de névroptères dont on connaît plusieurs fossiles plus anciens que ceux des Lépidoptères, ont une morphologie similaire à ces derniers mais ne leur sont pas directement apparentés : il s'agit d'une convergence évolutive.[réf. nécessaire]
112
+
113
+ Les Lépidoptères constituent un ordre. Au sein de la classe des insectes, celui-ci est placé dans la sous-classe des ptérygotes, l'infra-classe des néoptères et le super-ordre des holométaboles (ou endoptérygotes, qui se caractérisent par leur cycle de développement à métamorphose complète).
114
+
115
+ L'étude des relations de parenté (phylogénie) entre les différents ordres d'insectes montre que les Lépidoptères sont le groupe frère de l'ordre des Trichoptères.
116
+
117
+ Phylogénie des ordres actuels d'insectes holométaboles, d'après Peters et al., 2014[30] et Misof et al., 2014[31] :
118
+
119
+ Hymenoptera (symphytes, guêpes, fourmis et abeilles)
120
+
121
+ Lepidoptera (papillons)
122
+
123
+ Trichoptera
124
+
125
+ Diptera (mouches, syrphes, moustiques, taons...)
126
+
127
+ Mecoptera (panorpes...)
128
+
129
+ Siphonaptera (puces)
130
+
131
+ Coleoptera (scarabées, coccinelles, hannetons...)
132
+
133
+ Strepsiptera
134
+
135
+ Raphidioptera
136
+
137
+ Megaloptera
138
+
139
+ Neuroptera (planipennes)
140
+
141
+
142
+
143
+ Carl von Linné dans Systema Naturae (1758) reconnaît trois groupes de Lépidoptères : les Papilio, les Sphinx et les Phalaena avec sept sous-groupes dans les Phalaena (Scoble, 1995). Cette séparation se retrouve aujourd’hui dans 9 des super-familles de Lépidoptères.
144
+
145
+ Après Linné, Denis et Schiffermüller (1775) sont suivis par Fabricius (1775) et Latreille (1796). Ils identifient beaucoup plus d’espèces en les regroupant dans ce qui sera reconnu comme des genres.
146
+
147
+ Hübner décrit beaucoup des genres modernes et Ochsenheimer et Friedrich Treitschke (1776-1842), dans une série de volumes sur la faune de Lépidoptères européens publiés entre 1807 et 1835, renforcent les fondements de leur classification en genres (Scoble, 1995).
148
+
149
+ G.A.W. Herrich-Schaffer (plusieurs volumes, 1843-1856), et Edward Meyrick (1895) basent leur classification sur le nervurage des ailes. Au même moment, Sir George Hampson travaille sur la distinction entre Microlepidoptera et Macrolepidoptera.
150
+
151
+ Parmi les premiers entomologistes à étudier les fossiles d’insectes et leur évolution, Samuel Hubbard Scudder (1837-1911) travaille sur les papillons. Il publiera une étude des gisements du Colorado. Andrey Vasilyevich Martynov (1879-1938) met en évidence la proximité des Lépidoptères et des Trichoptères (Grimaldi et Engel, 2005).
152
+
153
+ Parmi les apports majeurs du XXe siècle figure la séparation basée sur la structure de l’appareil génital des femelles en Monotrysia et Ditrysia par Carl Julius Bernhard Börner (1880-1953) en 1925 et 1939 (Scoble, 1995).
154
+
155
+ Willi Hennig (1913-1976) développe l’analyse cladistique et l’applique à la phylogénie des insectes. Niels P. Kristensen, E. S. Nielsen et D.R. Davis étudient les relations entre les familles de Monotrysia, Kristensen ayant travaillé sur la phylogénie des insectes et des grands groupes de Lépidoptères (Scoble 1995, Grimaldi et Engel, 2005). Alors qu’en général, les phylogénies basées sur les analyses de l’ADN diffèrent des phylogénies basées sur les analyses morphologiques, ce n'est pas le cas pour les Lépidoptères, au moins à grande échelle (Grimaldi et Engel, 2005). Les tentatives de regroupement des super-familles de Lépidoptères en grand groupes naturels ont toutes échoué car les critères actuels Microlepidoptera et Macrolepidoptera, Heterocera et Rhopalocera, Jugatae et Frenatae, Monotrysia et Ditrysia (Scoble, 1995) ne permettent pas de définir des groupes monophylétiques.
156
+
157
+ Ces classifications étaient basées essentiellement sur des caractères superficiels. Elles ont progressivement été abandonnées au profit d’analyses phylogénétiques fondées sur des critères morphologiques et moléculaires.
158
+
159
+ Dans une de ces classifications, les Lépidoptères se divisaient en :
160
+
161
+ Dans une autre classification, les Lépidoptères étaient divisés en quatre sous-ordres :
162
+
163
+ Une nouvelle classification phylogénétique s'est progressivement développée, qui n’est pas entièrement adoptée et fait l’objet d’une révision continue (toutes les analyses moléculaires n’ont pas encore été faites, pour plus d’informations sur la classification lire l’article sur la systématique).
164
+
165
+ Outre qu'il y a encore des désaccords sur certaines espèces, il est parfois délicat d'établir l'appartenance d'un papillon à une espèce ou à une autre, à cause du phénomène d'hybridation ou parce qu'un nom d'espèce couvre parfois en réalité plusieurs sous-espèces morphologiquement très proches et non encore identifiées en tant qu'espèces. Ces deux phénomènes sont plus fréquents que ne l'indiquent les guides de naturalistes[33]. Les taxonomistes ne prennent pas en compte des individus « douteux » (probablement des hybrides le plus souvent), parce que ces derniers rendent plus difficile la discrimination des espèces. L'hybridation naturelle se produirait entre environ 10 % de toutes les espèces animales, assez rarement en moyenne, mais avec des taux d'hybridation qui peuvent être plus importants pour certaines espèces (Mallet, 2005). Les données disponibles pour les papillons d'Europe (l'un des plus étudiés dans le monde) laissent penser qu'environ 16 % des 440 espèces de papillons européens sont connus pour hybrider dans la nature avec au moins une autre espèce proche de la leur. Parmi ceux-ci peut-être la moitié ou plus sont fertiles et ont montré des preuves de « rétrocroisements » dans la nature[34].
166
+
167
+ Une vaste synthèse publiée dans la revue Zootaxa en 2011[3] aboutit à la taxinomie suivante :
168
+
169
+ Ils sont présents partout dans le monde, mais chaque papillon a une aire de distribution qui lui est spécifique. Certaines espèces sont sédentaires, d'autres se disséminent, d'autres encore sont migratrices sur des distances plus ou moins longues.
170
+
171
+ Les papillons sont présents dans presque tous les environnements terrestres (hors zones très froides). Ils y représentent près de 10 % des 1 450 000 espèces d'insectes connues à la surface de la Terre, derrière les coléoptères (25 %). Assez facile à observer, les papillons diurnes sont les espèces d'insectes (hors espèces-nuisibles) les mieux connues et suivies au monde[38].
172
+
173
+ Très divers en termes d'exigences écologiques et souvent associés à une ou quelques espèces de plantes ou à un type d'habitat (la plupart des espèces sont monophages ou oligophages et étroitement inféodées à des plantes-hôtes sensibles et vulnérables) ils sont d'excellents indicateurs biologiques)[39]. Ils sont vulnérables à de nombreux facteurs de dégradation de l'environnement et sont des pollinisateurs, ce qui en fait d'intéressants bioindicateurs. En Europe notamment on les utilise pour évaluer l'état et la santé des écosystèmes, l'état de certains services écosystémiques qui sont des ressources (et des indicateurs) important pour les questions de wikt:soutenabilité du développement.
174
+
175
+ Rien qu'au Royaume-Uni, il a été parcouru environ 750 000 km (l'équivalent de la distance terre-lune) pour réaliser des transects répétées d'échantillonnages de Lépidoptères depuis 1976[38]. Ces comptages ont permis de documenter les phénomènes de déclin et d'extinctions régionales et nationales, qui ont commencé avant 1900 (des inventaires des papillons butinant sur la pimprenelle étaient déjà fait en 1840 dans une zone protégée de Bavière en Allemagne)[38]. Partout, les résultats révèlent de graves pertes d'espèces en montrant que les espèces rares et spécialisées sont celles qui ont largement disparu et avant les autres, laissant des écosystèmes appauvris et dominés par quelques espèces communes et plus généralistes[38].
176
+
177
+ La disparition des papillons ne cesse de s'accélérer depuis quelques décennies[38]. Elle en dit donc long sur l’état de santé de l’environnement : ainsi un rapport de l'Agence européenne de l'environnement alerte sur le fait qu'en France comme en Europe, les papillons des prairies ont régressé de 50 % entre 1990 et 2011, principalement en raison de la dégradation progressive des écosystèmes, de l'agriculture intensive (pesticides) ou encore du réchauffement climatique[38]. En Grande-Bretagne, environ 70 % de la totalité des espèces de papillons auraient ainsi disparu en vingt ans[40].
178
+
179
+ La disparition des papillons, comme celle des abeilles et d'autres pollinisateurs) dans tout ou partie de leur aire de répartition, est en partie liée aux pesticides (désherbants qui tuent certaines de leurs plantes-hôtes, et insecticides, y compris depuis peu des insecticides dits biologiques produits à partir du bacille de thuringe (Bacillus thuringiensis ou Bt), très utilisés et ciblant les Lépidoptères, devenant une nouvelle et importante cause de disparition). Leur régression est aussi en partie causée par la réduction de la biodiversité florale du fait de la monoculture et de la transformation du paysage végétal par l'homme, qui a ainsi réduit la quantité des ressources alimentaires et leur diversité qualitative.
180
+
181
+ Quelques espèces, peu nombreuses, ont une aire en extension, voire un comportement invasif lié à l'extension de certaines cultures, comme c'est le cas de la pyrale du maïs, ou encore de la mineuse du marronnier, pour des raisons mal comprises ; mais de nombreuses espèces de Lépidoptères sont en forte régression ou ont récemment disparu de tout ou partie de leurs habitats naturels.
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+
183
+ La destruction et la fragmentation de leurs habitats (notamment par l'agriculture intensive, l'urbanisation, la déforestation, l'assèchement des milieux humides, les gyrobroyages) et l'usage croissant de pesticides semblent être les principales causes de cette régression ; les insecticides mais aussi les désherbants ciblent en effet les plantes-hôtes de certaines chenilles. Le dérèglement climatique est une autre cause, qui explique aussi des changements rapides d'aires de répartition[42] ou des disjonctions de cycles de vie.
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+
185
+ Les rhopalocères sont en forte voie de régression, depuis les années 1970 notamment, probablement en raison d'un usage croissant de pesticides insecticides, mais aussi à cause du recul du bocage, des prairies, en raison de la fragmentation écopaysagère croissante, par les routes notamment (le phénomène de roadkill touche aussi les papillons quand ils traversent les routes).
186
+
187
+ En France métropolitaine, seules une quinzaine d'espèces sont protégées en 2012. Or au moins 16 papillons de jour sont menacés de disparition à court terme, alertent l'Union internationale pour la conservation de la nature[43], le Muséum national d'histoire naturelle et l'Office pour les insectes et leur environnement[44]. 18 papillons sont quasi-menacés selon la dernière liste rouge des espèces menacées en France, et beaucoup d'autres sont en voie de régression, parmi 253 espèces[44].
188
+
189
+ À titre d'exemple, l'Hespérie du barbon (non revu depuis plus de 10 ans, en 2012) a été récemment classée « en danger critique » en France, probablement victime de l'urbanisation, de la périurbanisation et de la fragmentation écopaysagère du littoral méditerranéen (roadkill).
190
+
191
+ Le Mélibée inféodé aux prairies humides acides à molinie voit ses habitats (landes humides et tourbières notamment) détruits, drainés, amendés ou boisés ; il ne survit que dans quelques tourbières des Vosges ou du Jura, et est au bord de l'extinction.
192
+
193
+ L'Azuré de la sanguisorbe régresse en raison de la destruction des prairies humides où vit la plante-hôte à laquelle il est inféodé (Sanguisorbe officinale). De plus, sa chenille est durant quelque temps protégée dans une fourmilière.
194
+
195
+ Par exemple l'hermite, un papillon autrefois largement répandu en France, a subi une régression de ses effectifs de l’ordre de 30 % rien que sur les 10 dernières années, ce qui le classe dans la catégorie « vulnérable »[44].
196
+
197
+ L'Azuré du mélilot est lui classé « quasi menacé », alors que le mélilot est une plante abondante sur de nombreuses friches.
198
+
199
+ Les éclairages nocturnes forment des remparts infranchissables pour de nombreuses espèces de papillons de nuit (Phototropisme négatif) qui ont besoin de se déplacer entre leurs zones de reproduction et nourrissage, et pour leurs migrations, bon nombre d'entre eux meurt d'épuisement en s'approchant de ces éclairages qui, dans ce cas, deviennent un piège dont ils ne sortiront plus (Phototropisme positif). Les Lépidoptères nocturnes sont majoritaires par rapport aux diurnes et participent grandement à la pollinisation parfois de façon spécifique, ils sont aussi la source alimentaire quasiment exclusive des Chiroptères qui sont, eux aussi, en grand danger.
200
+
201
+ La convention de Berne qui a pour but d'assurer la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe par une coopération entre les États a été signée le 19 septembre 1979 à Berne en Suisse (entrée en vigueur le 1er juin 1982). Elle comporte en annexe une liste d'espèces qui comprend des papillons. Voici quelques exemples :
202
+
203
+ Une espèce est considérée comme nuisible Cacyreus marshalli le brun des pelargonium.
204
+
205
+ Des recommandations sont émises au niveau national en direction des Maires et Mairies qui convie à réduire voir éteindre quant cela est possible les éclairages nocturnes aillant pas ou peut d'utilité publique pour rétablir les Corridor biologique, Les ultraviolets sont particulièrement à proscrire des éclairages nocturnes, un label et décerné aux communes sous la forme d'étoiles (communes étoilées) cette appellation concerne toutefois principalement la réappropriation du ciel nocturne, la redécouverte de la voute céleste.
206
+
207
+ Début juillet 1608, les faubourgs d'Aix-en-Provence furent recouverts d'une pluie de sang. Nicolas-Claude Fabri de Peiresc fit des relevés de cette pluie en recueillant quelques gouttes sur la muraille du cimetière de la cathédrale. Il découvrit que c'étaient les excréments des chrysalides des papillons qui avaient été observés récemment. Le centre ville n'ayant pas été envahi, il était resté épargné. Cette explication scientifique ne calma pas la terreur populaire[51].
208
+
209
+ Grâce et légèreté, le papillon est, au Japon, un emblème de la femme ; et deux papillons figurent le bonheur conjugal. Légèreté subtile : les papillons sont des esprits voyageurs ; leur vue annonce une visite, ou la mort d’un proche.
210
+
211
+ Un autre aspect du symbolisme du papillon est fondé sur ses métamorphoses : la chrysalide est l’œuf qui contient la potentialité de l’être ; le papillon qui en sort est un symbole de résurrection. C’est encore, si l’on préfère la sortie du tombeau.
212
+
213
+ Symbole du feu solaire et diurne, et pour cette raison de l’âme des guerriers, il représente le soleil dans le temple des guerriers aztèques et le dieu de feu porte comme emblème un pectoral nommé papillon d’obsidienne. L’obsidienne, comme le silex, est une pierre de feu. Toutes ces interprétations découlent probablement de l’association analogique du papillon et de la flamme, du fait de ses couleurs et du battement de ses ailes[52].
214
+
215
+ Dans la mythologie grecque, Psyché (l'âme), mariée à Éros (l'amour), acquiert des ailes de papillon ; la peinture française, nourrie de mythologie, fait figurer des papillons à côté de Psyché dans les tableaux qui la représentent. En grec ancien, psukhê signifie à la fois « âme » et « papillon ».
216
+
217
+ Les papillons ont été représentés et il en reste des peintures datant pour la plus ancienne, en Égypte dans la tombe de Neferhotep de vers 3 000 ans avant notre ère.
218
+
219
+ En Europe, les plus anciennes peintures de papillons retrouvées sont celles d'enluminures du IXe siècle, puis dans divers tableaux de la peinture flamande, de la peinture hollandaise et de la peinture italienne mais ils sont particulièrement présents dans les natures mortes flamandes et hollandaises du XVIIe siècle.
220
+
221
+ Égypte ancienne tombe de Nakht
222
+
223
+ Livre d'heures d'Hastings
224
+
225
+ Lettrine enluminée, encre et peinture sur parchemin, XVIe siècle (Renaissance).
226
+
227
+ Philips de Marlier
228
+
229
+ Vincent van Gogh
230
+
231
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
232
+
233
+ Chine (voir aussi le plus grand parc mondial des papillons dans le District de Xishan)
234
+
235
+ Corée
236
+
237
+ États-Unis d'Amérique (Martin Johnson Heade)
238
+
239
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
240
+
241
+ Dessin de Jacob HübnerParnassius phoebusssp sacerdos
242
+
243
+ Alfred Brehm
244
+
245
+ Moses Harris
246
+
247
+ Per Olof Christopher Aurivillius
248
+
249
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
250
+
251
+ De très nombreux papillons ont fait l'objet de tirages dans de nombreux pays.
252
+
253
+ Timbre de la poste allemande, le Gonepteryx rhamni
254
+
255
+ Timbre de la poste d'Azerbaïdjan, le Zegris menestho
256
+
257
+ Timbre de la poste de Russie
258
+
259
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
260
+
261
+ Des blasons représentant des papillons, par exemple celui de la ville de Monnières en Loire-Atlantique.
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+
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+ Tapisserie de Dubois et RedoutéSalon des Fleurs, château de Compiègne
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+ Céramique italienne
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+ The Princess Nobody illustrée par Richard Doyle
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+ À La Parisienne, hiver 1913-1914
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+ Le Parthénon — grec ancien : Ὁ Παρθενών / Parthenṓn (à l'origine génitif pluriel de παρθένος, nom féminin, « jeune fille, vierge »), littéralement « la « salle » ou la « demeure » des vierges[1] » —, est un temple grec[2],[3], situé sur l'Acropole d'Athènes, dédié à la déesse Athéna, que les Athéniens considéraient comme la patronne de leur cité.
4
+
5
+ Réalisé entièrement en marbre pentélique, le Parthénon est à la fois un temple et un trésor, au sens antique du terme[4]. Le naos du Parthénon fut conçu pour abriter la statue chryséléphantine de la déesse Athéna Parthénos, œuvre monumentale de Phidias, à laquelle les Athéniens présentaient leurs offrandes. Si le culte rendu à la déesse avait habituellement lieu dans l'ancien temple d'Athéna de l'Acropole, qui abritait un xoanon représentant Athéna Polias, le Parthénon fut spécialement consacré à la déesse Athéna Parthénos[5], protectrice de la cité et déesse de la guerre et de la sagesse. Mais, concrètement, le Parthénon devait aussi protéger le trésor de la cité. Ce dépôt, composé essentiellement de métaux précieux, était conservé dans l'adyton du temple, regroupant en un même lieu, les fonds de la ville d'Athènes et de la ligue de Délos[6]. Les 1 150 kilos d’or de la statue d'Athéna pouvaient accessoirement être fondus en cas de nécessité.
6
+
7
+ Symbole architectural de la suprématie athénienne à l'époque classique, le Parthénon est probablement le temple qui a le plus inspiré les architectes néo-classiques. Il a servi de modèle dans de nombreux pays occidentaux[N 1]. Ainsi, dans le courant du XIXe siècle, de nombreuses nations occidentales s'en inspirèrent pour héberger leurs institutions politiques — parlements, assemblées ou palais de justice — mais aussi leurs institutions culturelles — bibliothèques, universités ou musées — ou encore leurs institutions financières, comme les sièges de banques ou les bourses.
8
+
9
+ L'origine du nom du Parthénon provient du mot grec παρθενών (parthénon), qui fait référence aux « appartements pour femmes célibataires » dans une maison et dans le cas du Parthénon semble avoir été utilisé au début uniquement pour une pièce particulière du temple[7]. On se demande de quelle salle il s'agit et comment elle a reçu ce nom. Le lexique grec-anglais de Liddell–Scott–Jones indique que cette salle était la cella occidentale du Parthénon, J. B. Bury[8], Jamauri D. Green soutiennent que le Parthénon était la pièce dans laquelle le peplos était présenté à Athéna lors des Panathénées, robes tissées par l'arrephoroi, un groupe de quatre jeunes filles choisies pour servir Athéna chaque année[9]. Christopher Pelling affirme qu'Athéna Parthénos aurait pu constituer un culte distinct d’Athéna, intimement lié à celui d’Athéna Polias, mais pas identique à celui-ci. Selon cette théorie, le nom du Parthénon signifierait « le temple de la déesse vierge » et fait référence au culte d'Athéna Parthénos qui était associé au temple. L'épithète parthénos νος (παρθένος) signifiait « jeune fille », mais aussi « femme vierge, célibataire »[10] et était surtout utilisée pour Artémis, la déesse des animaux sauvages, la chasse et la végétation, et pour Athéna stratégie et tactique, artisanat et raison pratique. Il a également été suggéré que le nom du temple fait allusion aux demoiselles (parthenoi), dont le sacrifice suprême garantissait la sécurité de la ville.
10
+
11
+ Le premier cas dans lequel le mot Parthénon désigne clairement l'ensemble du bâtiment se trouve dans les écrits du IVe siècle av. J.-C. Dans les comptes du Ve siècle av. J.-C., la structure s'appelle simplement « ho naos » (« le temple »). Les architectes Iktinos et Callicrates auraient appelé le bâtiment Hekatompedos (« le cent pied ») dans leur traité (perdu) sur l'architecture athénienne, au IVe siècle av. J.-C. et plus tard, le bâtiment fut appelé Hekatompedos ou le Hekatompedon ainsi que le Parthénon. Plutarque, écrivain du Ier siècle, le décrivait comme le bâtiment Hekatompedos Parthenon, le Parthénon des Hekatompédos.
12
+
13
+ Du fait que le Parthénon était dédié à la déesse grecque Athéna, il a parfois été appelé, en particulier au XIXe siècle, temple de Minerve, nom romain d’Athéna.
14
+
15
+ Le Parthénon est érigé à l'instigation du stratège Périclès, entre -447 et -438, date de sa dédicace[11], par les architectes Ictinos et Callicratès, Phidias, le maître d'œuvre, assumant aussi la supervision de l'ensemble des sculptures[12]. Plus de 1 000 ouvriers auraient travaillé sur le chantier qui nécessita 22 000 tonnes de marbre extraits du mont Pentélique, à 17 km de l'acropole (et 700 m d'altitude). Les blocs circulaient certainement du côté sud du rocher[N 2] et montaient par le flanc ouest, le plus pratique, mais avec encore une pente à 30 degrés. Le chantier devait composer avec les lieux sacrés sur le plateau. Il est donc probable que les sculpteurs étaient installés à l'extrémité est du rocher et les tailleurs de pierre du côté ouest, devant le futur bâtiment. Il fallut cependant certainement dégager de la place, en disposant des offrandes qui s'étaient à nouveau accumulées. Les travaux de gros œuvre commencèrent en 447-446 av. J.-C. ; les colonnes furent érigées à partir de 442-441 av. J.-C. ; les portes furent terminées en 440-439 av. J.-C. ; la statue chryséléphantine fut installée en 438 av. J.-C. Les derniers comptes relatifs aux travaux évoquent un paiement, pour les sculpteurs des frontons, en 434-433 av. J.-C. Il est donc probable que le Parthénon fut terminé l'année suivante, en 432 av. J.-C.[13],[14].
16
+
17
+ Le Parthénon est construit sur l'emplacement de deux édifices successivement détruits[15]. Le premier est un temple périptère et hexastyle en pōros, souvent qualifié d’Urparthenon (« Parthénon primitif ») ou d’Arkitektur H[16], probablement bâti au début du VIe siècle av. J.-C. et consacré vers -566-565 av. J.-C., lors de l'institution des Grandes Panathénées par Pisistrate[17]. Le second est ce que les archéologues appellent le « pré-Parthénon », dont le chantier commence probablement vers 500 av. J.-C., initialement en pōros[18]. Après la bataille de Marathon, les dimensions du bâtiment sont revues à la baisse (33,68 × 72,31 mètres) et l'on décide d'employer le marbre du Pentélique. Les travaux sont suspendus pendant les guerres médiques, probablement sur décision de Thémistocle[18]. L'édifice est détruit lors du sac de l'Acropole en 480 av. J.-C., par les Perses de Xerxès Ier, lors de la deuxième guerre médique[19].
18
+
19
+ On possède encore quelques-uns des comptes financiers du chantier. Le Parthénon avec la statue d'Athéna et les Propylées aurait coûté 2 000 talents, somme colossale[N 3], qui provenait en partie du trésor de la ligue de Délos. Plutarque rapporte dans sa Vie de Périclès[20] que celui-ci proposa de prendre à sa charge les dépenses, pourvu qu'on inscrivît son nom sur le monument. L'anecdote témoigne des résistances rencontrées à l'époque face à ce projet pharaonique, y compris parmi les alliés d'Athènes. Théophraste indique que les poutres du Parthénon étaient faites en bois de cyprès, soulignant au passage la qualité de conservation du bois et de son essence[21].
20
+
21
+ Le Parthénon est un bâtiment dorique, périptère, et octostyle, construit sur une crépis à trois degrés de 0,55 m de chacun. Le dernier degré sur lequel reposent les colonnes doriques est le stylobate tandis que le stéréobate est réalisé en pôros, variété de tuf tendre. Le bâtiment de 10 mètres de haut mesure 69,51 mètres sur 30,88 mètres, dimensions qui ne peuvent être comparées qu'à celles de grands temples ioniques, comme l’Héraion de Samos, les temples romains de Baalbeck ou l'Artémision d'Éphèse, qui dépassent la centaine de mètres[22].
22
+
23
+ Bien que le nombre d'or ait pu être remarqué dans les rapports de certaines longueurs, il existe un autre rapport qui est de 4/9[23]. En effet, lorsqu'on divise la largeur de l'édifice par sa longueur, le résultat est de l'ordre de 4/9 : on retrouve ce rapport entre la largeur des colonnes et la distance qui les sépare, ainsi qu'entre la hauteur de la façade et sa largeur[24].
24
+
25
+ La façade principale ouvre à l'est, ce qui n'est pas habituel dans les temples doriques[25]. Elle dispose d'un escalier avec des marches deux fois moins hautes que les degrés du crépis[22].
26
+
27
+ La colonnade extérieure (péristasis) est octostyle et non hexastyle, comme c'est l'usage à l'époque. Elle est dessinée selon un plan rigoureusement dorique et compte 46 colonnes, chacune composée de 10 à 12 tambours de 20 cannelures chacun. Le conflit d'angle propre aux édifices d'ordre dorique est ici résolu par la réduction du dernier entrecolonnement.
28
+
29
+ Le sékos (partie fermée de l'édifice) est surélevé de deux degrés. Il est amphiprostyle, c'est-à-dire que sa colonnade est limitée aux petits côtés, et hexastyle (6 colonnes ioniques[N 4] plus hautes et plus étroites d'un tiers que les colonnes doriques)[26]. Sa nef centrale a une portée de onze mètres, encore jamais atteinte à l'époque ; ses étroites nefs latérales sont éclairées par deux fenêtres (9,75 × 4,20 m) de part et d’autre de la porte d’entrée, qui éclaire l’espace central. Le naos, large de 9,815 m., est entouré d'une colonnade faisant un retour derrière la statue[22].
30
+
31
+ L'édifice est aménagé de manière à mettre en valeur la statue de Phidias : la péristasis (espace de la colonnade extérieure), le pronaos (vestibule d'entrée dans le naos) et l'opisthodome (symétrique, à l'arrière du pronaos) sont fortement réduits pour ménager de la place. L'opisthodome ouvre sur une quatrième pièce assez rare dans les monuments grecs de l'époque classique : l’oikostôn parthenôn, lieu de réunion des jeunes filles chargées du service d’Athéna et qui donne son nom à l'édifice[22].
32
+
33
+ Le Parthénon est construit en marbre du Pentélique. Son toit était couvert de 8 480 tuiles plates de marbre de 50 kg chacune, agrémentées d'antéfixes en palmettes polychromes et figurant des têtes de lions aux angles, qui faisaient office de gargouilles[22].
34
+
35
+ Un système de correction optique très précis permettait de donner l'illusion d'une verticalité et d'une horizontalité parfaites alors que les marches du stylobate convexe sont incurvées, le centre étant situé à 6,75 cm au-dessus des extrémités (stylobate des faces), 11 cm (stylobate des côtés)[27] ; les architraves sont incurvés aussi, ceux de la longueur ayant une convexité de 12 cm. En outre, les colonnes ne sont pas parallèles, mais leurs axes verticaux se rencontrent en un point de fuite situé à environ 5 km d'altitude (ce qui se perçoit d'autant plus que la colonne est loin du centre de l'édifice). Enfin, les colonnes elles-mêmes sont modifiées pour ces raisons optiques : les colonnes d'angles sont plus épaisses pour éviter de paraître trop minces si elles se détachaient sur le vide et ont une inclinaison diagonale accrue (10 cm) de manière à prévenir les poussées plus fortes qui s'exercent sur elles[28]. Technique courante, toutes les colonnes sont renflées de 4 cm au tiers de leur hauteur en partant du pied (c'est ce qu'on appelle l'entasis), l'œil ayant tendance à voir à cet endroit un étranglement. Le rayon de courbure des renflements dépassant 1,5 km, il semblerait que, pour fabriquer les tambours d'une même colonne, les ouvriers aient utilisé un modèle réduit « saucissonné » de cette colonne, de même largeur, mais n'ayant que le seizième de la hauteur réelle. De même, toujours dans ce souci d'atteindre la perfection visuelle, aucun des blocs de marbre constituant les murs n'était rigoureusement parallélépipédique. Tout cela permet d'expliquer en partie la durée et le coût des travaux de réfection actuels : il est absolument impossible d'intervertir deux constituants de l'édifice sous peine de voir son esthétique et sa stabilité en pâtir.
36
+
37
+ Une question néanmoins demeure : comment les bâtisseurs du siècle de Périclès ont-ils pu achever cette construction en moins de neuf ans avec des outils beaucoup plus rustiques que les nôtres ? Actuellement on pense qu'ils utilisaient des procédures standardisées permettant une construction modulaire : l'architecte choisit les dimensions de l'ensemble et du détail en fonction d'une unité, le module de construction (en l'occurrence la largeur du triglyphe du Parthénon, sa largeur faisant 36 modules, sa longueur 81, ses colonnes 16 et l'entrecolonnement 5 modules) de façon à obtenir en plan et en élévation l'eurythmie[29].
38
+
39
+ Outre l'aspect esthétique recherché, ces corrections visuelles apportent des avantages techniques : elles facilitent l'écoulement des eaux par la courbure du sol et renforcent la structure de l'ensemble par l'élargissement des colonnes d'angle. Cependant, elles rendent plus délicats non seulement la taille des blocs de pierre, mais aussi leur empilement et tout le travail de jointoiement :
40
+
41
+ - ainsi, pour le montage d'une colonne, fallait-il être capable de déposer en douceur un tambour de plus d'une tonne suspendu au-dessus de celui qui allait le supporter, tout en ayant la possibilité de le déplacer facilement pour l'ajuster à la perfection ; pour cela, on encastrait les deux parties d'une broche métallique (en fer malléable ou en bronze) scellée avec du plomb fondu et d'une clavette en bois de cèdre dans deux demi-cubes en bois de cyprès (système à empolia et poloi) ménagés au centre de chacune des deux faces à mettre en contact pour maintenir deux tambours de colonne. On en avait retrouvé un certain nombre (la partie « mâle » dans l'une et la partie « femelle » dans l'autre), le guidage et le positionnement recherchés s'effectuant au cours de l'emboîtement progressif jusqu'au blocage final.
42
+
43
+ - de même, après l'analyse d'une fissure qui traversait deux blocs jointés, on a mis en évidence des joints plus fins qu'un cheveu et d'une résistance telle que les deux éléments se sont comportés comme un seul bloc lors d'un tremblement de terre... De plus, selon un modèle de l'époque, on a pu reconstituer une meule métallique qui se manie à deux, qui porte des sortes d'entonnoirs sur le dessus (dans lesquels on verse du sable fin) et qui permet de poncer les faces d'un bloc de marbre sur une épaisseur de l'ordre du vingtième de millimètre.
44
+
45
+ À l'origine, le Parthénon avait un riche décor de marbre peint, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du bâtiment.
46
+
47
+ Le Parthénon est un bâtiment dorique périptère octostyle, avec des traits architecturaux ioniques. Il abritait la statue chryséléphantine d'Athéna Parthénos sculptée par Phidias et consacrée en -439/-438.
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49
+ Il a été consacré à Athéna à cette date, même si sa construction s'est poursuivie jusqu'en -432, presque au début de la guerre du Péloponnèse. Le décor sculpté des métopes doriques de la frise surmontant le péristyle extérieur et de la frise ionique située sur la partie supérieure des murs de la cella a été achevée en -438.
50
+
51
+ La richesse du décor sculpté de la frise et des métopes du Parthénon est en accord avec sa fonction de trésor. Dans l'opisthodome, situé à l'arrière de la cella, étaient gardées les contributions financières de la Ligue de Délos, dirigée par Athènes. Le décor en pierre était, à l'origine, très colorée.
52
+
53
+ Le voyageur Pausanias[30], lors de sa visite à l'Acropole, à la fin du IIe siècle de notre ère, évoque brièvement les sculptures des frontons du bâtiment, réservant l'essentiel de sa description à la statue d'or et d'ivoire de la déesse. Les deux frontons sont actuellement très mutilés.
54
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55
+ Le fronton est de l'édifice dépeint l'épisode de la naissance d'Athéna, sortie toute armée du crâne de Zeus, son père. Selon la mythologie grecque, Athéna est la fille de Zeus et de Métis : celle-ci était enceinte, et sur le point de donner le jour à une fille, lorsque Zeus l'avala. Il le fit sur le conseil d'Ouranos et de Gaïa, qui lui révélèrent que si Métis avait une fille, elle aurait ensuite un garçon qui enlèverait à Zeus l'empire du ciel. Quand le temps de la délivrance fut venu, il éprouva un terrible mal de tête pour lequel il sollicita l'aide d'Héphaïstos, dieu du feu et de la forge. Pour soulager sa douleur, Zeus ordonna à Héphaïstos de lui fendre la tête d'un coup de hache. Ainsi fut fait, et de la tête de Zeus sauta la déesse Athéna toute armée : en s'élançant, elle poussa un cri de guerre dont retentirent le ciel et la terre[31]. La scène sculpturale représente le moment de la naissance d'Athéna.
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+ Malheureusement, les pièces du centre du fronton ont été détruites pour faire place à une croix lorsque le bâtiment fut transformé en église, probablement au Ve siècle, donc bien avant même que Jacques Carrey eût exécuté ses précieux dessins de 1674, de sorte que toutes les reconstructions ne sont que conjectures. Les principaux dieux olympiens se tenaient, selon toute vraisemblance, auprès de Zeus et Athéna pour assister au merveilleux événement, avec Héphaïstos et Héra probablement à leurs côtés. Les dessins de Carrey sont déterminants pour la reconstitution des côtés de la scène[32].
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+ Actuellement la majeure partie du fronton est exposé au British Museum à Londres.
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+ Les éléments visibles à Londres représentent respectivement, à l'angle gauche Helios qui émerge avec son char et marquait l'apparition du jour, Dionysos, Déméter et Perséphone, Iris.
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+ Sur la partie droite, Hestia, Dioné, sa fille Aphrodite, dans l'angle droit, la tête d'un des chevaux du char de Séléné qui disparaît à l'horizon (deux autres chevaux ainsi que le torse de Séléné sont conservés au Musée de l'Acropole d'Athènes.).
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+ Sur le fronton, le temps est représenté dans les deux coins par les chariots des frères et sœurs Hélios et Séléné, le premier étant la personnification du soleil ; le chariot émerge du coin gauche, alors que celui de Séléné qui, elle, est une déesse de la Lune, disparaît à l'horizon dans le coin droit.
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+ Partie gauche du fronton est du Parthénon, respectivement Dionysos, Déméter et Perséphone (Helios n'est pas visible sur la photo).
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+ Hestia, Dioné et sa fille Aphrodite. Figures K, L et M du fronton Est du Parthénon, vers 447-433 av. J.-C. British Museum
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+ Fronton est : naissance d'Athéna et métopes de la Centauromachie, British Museum, salle 18.
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Le fronton ouest, face aux Propylées, dépeint la querelle entre Athéna et Poséidon pour l'honneur de l'attribution de la ville (voir aussi : Athènes). Athéna et Poséidon figurent au centre de la composition, opposés en diagonale, la déesse tenant l'olivier et le dieu de la mer brandissant son trident pour fendre la terre. À leurs côtés se tiennent deux groupes de chevaux attelés à des chars et toute une foule de personnages légendaires de la mythologie athénienne qui emplit l'espace jusqu'aux extrémités du fronton.
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+ Les travaux sur les frontons se sont échelonnés de -438 à -432, et les sculptures des frontons du Parthénon figurent parmi les plus beaux exemples de l'art grec classique. Les figures sont sculptées dans un mouvement naturel, avec des corps pleins d'énergie qui jaillissent des minces vêtements. La distinction entre les dieux et les humains est floue dans cette composition où se mêlent idéalisme et naturalisme[32].
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+ La frise dorique extérieure est faite de triglyphes (trois bandes verticales) alternant avec des métopes (parties plates) sur lesquelles sont sculptées des scènes traditionnelles :
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+ Les quatre-vingt-douze métopes du Parthénon ont été sculptées en haut-relief, une pratique jusqu'alors réservée aux trésors (bâtiments utilisés pour conserver les offrandes aux dieux). Selon les archives de la construction du Parthénon, les sculptures des métopes datent des années -446 à -440. Leur conception est attribuée au sculpteur Calamis. Chacune des faces est conçue autour d'un thème.
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+ Les métopes conservent des traits du style sévère dans les visages et dans la limitation aux contours des détails corporels, sans indication des muscles, mais avec des veines saillantes bien visibles sur les personnages de la Centauromachie. Quelques-unes de ces métopes sont encore en place sur le bâtiment, mais elles sont gravement endommagées. Certaines d'entre elles sont conservées au musée de l'Acropole, d'autres sont au British Museum et l'une d'entre elles peut être vue au musée du Louvre[33].
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+ Les métopes du côté est du Parthénon, au-dessus de l'entrée principale, décrivent une Gigantomachie (bataille mythique entre les dieux de l'Olympe et les Géants). Zeus (no 8) figure au centre, suivi de son frère Poséidon (no 6) jetant l'île de Nisyros sur un géant vaincu. La victoire des dieux est célébrée par le Soleil qui émerge de la nuit avec son char (no 14), inaugurant une nouvelle ère. Ces métopes du côté est sont en très mauvais état et l'interprétation des leurs figures demeure très conjecturale.
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+ Les métopes du côté sud (I-XII et XXI-XXXVII), à l'exception des problématiques métopes XIII-XX aujourd'hui perdues, montrent la Centauromachie ou combat des Lapithes et des Centaures (combat mythique des Lapithes aidés par Thésée contre les Centaures, mi-hommes, mi-chevaux, en Thessalie). Les Centaures sont figurés avec des traits rappelant ceux des masques de théâtre ; ils sont vêtus de peaux d'animaux et sont armés de branches d'arbres. Les Lapithes sont figurés nus ou vêtus de la chlamyde ; ils portent des épées et des boucliers, avec des éléments métalliques véritables qui se trouvaient insérés dans la pierre. On distingue aussi des hydries, qui semblent indiquer une bataille se déroulant à l'intérieur de bâtiments. Contrairement à ce qu'on attendrait d'un point de vue moral, ce sont les Centaures qui semblent l'emporter sur les Lapithes, du moins à cette phase de la bataille.
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+ Le bombardement vénitien de 1687 a gravement endommagé nombre de métopes du côté sud, surtout au centre du mur. Les métopes détruites ne nous sont connues que par les dessins attribués à Jacques Carrey (1674) et par quelques fragments parvenus jusqu'à nous. On ne peut déterminer avec certitudes ce qu'elles représentaient, probablement des scènes de mythes attiques, à mettre en rapport avec la Centauromachie déjà mentionnée.
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+ Les métopes de l'ouest montrent le combat contre les Amazones (combat consécutif à l'invasion légendaire d'Athènes par les Amazones en habits perses, en référence aux guerres médiques).
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+ Du côté nord du Parthénon, les métopes sont mal conservées, mais elles semblent avoir pour thème le sac de Troie.
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+ Le naos (ou cella) est décoré, de façon inattendue, au-dessus de l'architrave dorique, d'une frise ionique en continu, que l'on nomme généralement « frise du Parthénon » ou « frise des Panathénées », car elle semble représenter la grande procession qui se déroulait au cours de cette fête.
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+ De structure complexe, mesurant 160 m de long, comprenant 360 personnages, elle représente une procession comprenant hommes, héros éponymes des tribus grecques, dieux, chevaux d'une cavalcade et divers objets cultuels. De nombreux chars pour les apobatai (pluriel d'ἀποϐάτης / apobátês) sont aussi présents. Ce sont des guerriers en armes sautant en marche des chars pour y remonter après avoir couru à côté ; ces athlètes participaient à un concours et le meilleur d'entre eux recevait comme prix une amphore d'huile tirée des oliviers sacrés. Il est possible que cet exercice d'essence religieuse provienne du fait qu'Érichthonios passait pour l'inventeur du char.
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+ Parmi les mortels se trouvent peut-être — les exégètes ne s'accordent pas — les ergastinai / ἐργαστῖναι, femmes chargées de tisser le péplos dont on habillait une statue de bois d'olivier d'Athéna Polias (Πολιάς, « protectrice de la cité », gardée dans l'ancien temple d'Athéna) pendant les Panathénées. Il est notable que des mortelles soient représentées : en effet c'est une des rares cérémonies auxquelles elles étaient conviées.
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+ L'archéologue américaine Joan Breton Connelly a proposé une interprétation[34], qui, en général, n'est pas acceptée, du sujet de cette frise.
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+ Elle évoque une légende connue grâce aux bribes d'une pièce d'Euripide retrouvées sur un morceau de papyrus. Il s'agit de l'histoire d'Érechthée, l'un des premiers rois d'Athènes, qui dut repousser l'armée d'un rival, Eumolpe. Il consulte l'oracle de Delphes qui lui dit qu'il doit sacrifier l'une de ses filles, vierge, pour sauver la cité. Il va le faire et ainsi sauver son peuple.
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+ Si l'on suppose que la frise représente cette légende :
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+ Selon J.B. Connelly, cette proposition permet également d'expliquer la présence des dieux olympiens et la juxtaposition des éléments du sacrifice. Elle relève que de nombreux arguments alimentent cette interprétation, en particulier, le fait qu'Érechthée devait avoir son temple sur l'Acropole.
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+ Les descriptions d'Athéna Parthénos parlent d'une statue chryséléphantine (d'or pour les draperies et d'ivoire pour les chairs), réalisée par Phidias à l'intérieur du Parthénon, de 12 m de hauteur (15 mètres avec sa base), composée d'une structure de bois sur laquelle étaient fixées des plaques d'ivoire et d'or. Ce matériau fragile et sujet à dessiccation était entretenu à l'aide d'une eau huilée qu'on laissait à disposition dans un bassin, au pied de la statue. La couche d'huile laissait une pellicule protectrice empêchant l'évaporation et donnant un lustre à l'ivoire[35].
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109
+ Il existe plusieurs copies en marbre de cette statue : Athéna est figurée en armes, portant un casque et un bouclier orné d'une scène de combat contre les Amazones. Périclès et Phidias y auraient été inclus en tant que personnages, ce qui, pour l'époque, a pu passer pour scandaleux, l'art religieux devant rester anonyme et ne pas glorifier ses auteurs[réf. souhaitée].
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111
+ Bien que le Parthénon reprenne le modèle architectural du temple grec et soit habituellement qualifié comme tel dès l'Antiquité (« naôs »), il n'est pas un temple au sens conventionnel du terme[36]. Un petit autel a bien été découvert à l'intérieur du bâtiment, sur l'emplacement d'un temple plus ancien probablement consacré à Athéna Erganê[36], mais l'Athéna qui fait l'objet du culte principal sur l'Acropole, notamment lors de la célébration des Panathénées, est Athéna Polias, dont la statue cultuelle, un xoanon (statue en bois), est conservée dans l'ancien temple d'Athéna, qui était le véritable temple de l'Acropole[37].
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113
+ La statue d'Athéna Parthénos qui occupe la salle principale à l'est n'est pas une statue de culte mais une offrande : elle n'a fait l'objet d'aucun rite connu[38]. On ne connaît aucun témoignage de ferveur religieuse à son endroit[37]. Aucune prêtresse n'y était attachée et on ne lui connaît aucun autel ou nom cultuel[39]. Selon Thucydide, Périclès la mentionne comme une réserve d'or : « la statue comport[e] de l'or affiné pour un poids de quarante talents et celui-ci p[eut] entièrement s'enlever[40]. » Il implique ainsi que le métal, obtenu par la fonte de monnaies contemporaines[41], peut être réutilisé sans risque d'impiété[39]. En outre, le Parthénon devrait plutôt s'appeler Parthénion (de la même façon que l'Artémision est le temple d'Artémis, l'Héraion le temple d'Héra, etc.) s'il était le temple d'Athéna Parthénos[réf. nécessaire]. À l'origine, le terme de Parthénon ne désigne que la salle Ouest du bâtiment, qui contient les offrandes et les réserves de métal monnayé, auparavant conservées dans le Vieux Temple d'Athéna Polias. Il n'y a pas pour l'instant d'explication convaincante pour cette appellation.
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115
+ Le Parthénon a été conçu comme le trésor destiné à accueillir la statue colossale d'Athéna Parthénos[42], œuvre de Phidias, et les réserves de métal monnayé d'Athènes et le trésor de la Ligue de Délos, initialement constitué pour financer la guerre en cas d'attaque perse[6], mais en partie utilisé par Périclès, stratège d'Athènes, pour construire le Parthénon lui-même et embellir la cité. Ce détournement sera d'ailleurs dénoncé par les autres cités-États membres de la ligue de Délos. Le Parthénon est donc du point de vue de sa fonction comparable aux bâtiments votifs de Delphes (le Trésor des Athéniens par exemple), d'Olympie ou de Délos.
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+ Le Parthénon fut ravagé par un incendie durant l'Antiquité tardive. La charpente en bois brûla et le toit s'effondra à l'intérieur du bâtiment, y causant de graves dégâts. La chaleur intense fissura de nombreux éléments de marbre (murs, frontons, colonnades intérieures, etc.). Une restauration extensive fut réalisée. Les colonnes du naos furent remplacées par des colonnes prises sur deux portiques hellénistiques de l'agora romaine. Les deux niveaux furent dorénavant d'ordre dorique et les colonnes du premier niveau n'étaient plus cannelées. Les entablures des portiques furent récupérées pour restaurer les portes est du bâtiment, les blocs utilisés pour les portes ouest provenaient de multiples sources et certains portaient des inscriptions. De nouvelles poutres de marbre furent sculptées. Cependant, à de nombreux endroits, du plâtre fut utilisé et tenu par des rivets métalliques. Le toit fut refait avec des tuiles de terre cuite, mais il ne couvrait plus que l'intérieur, laissant découvert le péristyle. Des rigoles y furent donc creusées pour évacuer l'eau de pluie[43].
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+ Il est cependant difficile de lier cet incendie à un événement précis. Une première hypothèse[N 5] le datait d'après la conversion du bâtiment en église. Mais, comme le portail a été restauré alors que l'église l'avait remplacé par une abside, cette hypothèse ne tient pas. Il fut ensuite suggéré que la destruction était due à l'attaque hérule vers 267-268 et la restauration à Julien vers 362. Une autre hypothèse attribue la destruction aux Wisigoths d'Alaric vers 395-396 et la restauration au proconsul d'Illyrie Herculius entre 402 et 410, dont la statue fut érigée à côté de l'Athéna Promachos. Enfin, certains auteurs proposent que l'incendie n'aurait eu aucun lien avec ces attaques[44].
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+ Vers le Ve siècle, la statue d'Athéna aurait été emmenée à Constantinople par un empereur romain. On perd ensuite sa trace : elle fut peut-être détruite pendant le pillage de Constantinople lors de la quatrième croisade, en 1204.
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+ Il n'existe aucun texte permettant de dater avec précision la transformation du Parthénon en église. Il est probable qu'après les édits de Théodose, le Parthénon est resté une coquille vide sur l'Acropole, symbole de la défaite des dieux anciens tandis que le christianisme triomphant s'exprimait dans la cathédrale d'Athènes construite dans le complexe de la « bibliothèque d'Hadrien » au début du Ve siècle[45]. Les éléments archéologiques sont maigres. Des tombes chrétiennes ont été retrouvées du côté sud du bâtiment. Les monnaies qui y furent découvertes dataient des empereurs Justin Ier (518-527), Justinien (527-565) et Tibère II Constantin (578-582). Donc, la conversion pourrait dater du règne de l'un de ces empereurs. Une hypothèse probable serait que la cathédrale de la ville basse aurait été détruite ou endommagée par l'attaque slave de 582-583. Le siège épiscopal aurait alors été déplacé sur l'Acropole, plus sûre. Il est cependant difficile de savoir si le Parthénon était déjà une église avant de devenir cathédrale ou s'il devint l'un et l'autre en même temps. Par ailleurs, le graffiti chrétien le plus ancien remonte à 693. Il fait référence à la mort de l'évêque Andreas et désigne explicitement le Parthénon comme sa cathédrale. Il n'est donc certain que le bâtiment est devenu église (et cathédrale) qu'à cette date[46].
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+ La conversion en église a conduit à diverses transformations. L'orientation du bâtiment a été inversée, avec l'entrée principale, élargie, à l'ouest. Une petite abside a été construite, avec des éléments pris à divers bâtiments voisins, à l'emplacement du pronaos, entraînant la dépose d'une partie de la frise intérieure et de la partie centrale du fronton est[47],[48]. La salle ouest est devenue la nef de l'église, avec un baptistère installé au coin nord-ouest. Cette petite pièce était séparée du reste par une iconostase en pierre percée de deux portes. Les fonts étaient construits à partir de plaques de marbre réutilisées. Trois portes ont été ouvertes pour faire communiquer les salles ouest et est. Le naos originel fut peu modifié. Cependant, un plancher de bois fut installé entre les deux niveaux de colonnes pour créer une galerie. La colonne axiale fut détruite et remplacée par une arche afin que la galerie fasse le tour de la salle, du côté ouest. Les escaliers devaient se trouver au coin nord-ouest, le plus loin possible du sanctuaire[N 6]. Trois fenêtres furent creusées au niveau de la galerie de chaque côté, entraînant la dépose d'une plaque de la frise à chaque fois. Un exonarthex fut installé dans l'opisthodome, à l'ouest, fermé par des plaques posées entre les colonnes. Le péristyle extérieur resta sans toit, mais fut fermé par des murets percés à intervalles réguliers de portes et fenêtres[48].
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+ Les sculptures du Parthénon subirent le vandalisme chrétien, avant même la crise iconoclaste. Des éléments des frontons furent, parfois irrémédiablement, détruits. Les métopes ouest, est et nord furent abîmées au point qu'il n'est plus possible de connaître avec certitude ce qu'elles représentaient. La métope 32 du côté nord (représentant deux femmes discutant, peut-être Héra et Hébé) y a échappé, peut-être fut-elle interprétée comme une Annonciation. Les métopes sud, peu vues, y échappèrent aussi ; peut-être aussi parce que le programme iconographique (des centaures) se trouvaient encore dans l'art byzantin de l'époque. Enfin, la frise y a échappé, peut-être parce qu'elle était difficilement accessible, et peu visible[47],[49].
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+ Ce n'est qu'au Xe siècle que le Parthénon est de façon attestée devenu une église dédiée à la Vierge Marie. Lorsque Basile II passe par Athènes vers 1018-1019, de retour de sa campagne victorieuse contre les Bulgares, il y remercie Sainte Marie en faisant de nombreux cadeaux à son église, le Parthénon. Au XIIe siècle, l'épiclèse « Atheniotissa » était donnée à Marie, qui avait dès lors remplacé définitivement Athéna comme protectrice de la ville ; on trouve aussi « Panaghia Parthene », cependant la connexion directe n'était pas faite entre les deux figures. Les textes byzantins faisaient même la différence entre les deux virginités. Il n'y a donc pas substitution directe d'Athéna par Marie au Parthénon, mais remplacement d'une divinité ancienne, « pseudoparthénos », par la Vierge véritable, selon les chroniqueurs byzantins[50].
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+ Au XIIe siècle, l'église dans le Parthénon change à nouveau d'aspect. L'abside paléochrétienne est remplacée par une nouvelle abside plus grande qui intègre les deux colonnes centrales de l'ancien pronaos, nécessitant à nouveau la dépose d'une partie de la frise. Les fenêtres creusées dans l'abside réutilisent les éléments de l'architrave déposée. Le baptistère disparu, est remplacé par un bénitier de marbre. Le sanctuaire s'avance davantage dans la nef dont il est séparé par un templon de six petites colonnes de pierre verte. Le sol du sanctuaire est surélevé par rapport au reste du bâtiment. L'autel est installé sous un ciborium soutenu par quatre colonnes de porphyre. La courbe de l'abside accueille le synthronon, avec un trône central pour l'évêque métropolite. Un décor chrétien est alors réalisé : des fresques (disparues dans la nef) et une mosaïque (une vierge à l'enfant) dans l'abside. Cette dernière subsista quand le bâtiment fut transformé en mosquée et ne disparut que dans la démolition de 1765-1766[N 7]. Des fragments de fresques ont été retrouvés dans le narthex et l'exonarthex. Il semblerait qu'il y ait eu plusieurs niveaux de décor : avant l'iconoclasme et une restauration à l'époque de Basile II. Il subsiste aujourd'hui dans l'exonarthex une Vierge à l'enfant sur un trône, adorée par des anges, peinte directement sur le marbre, dans les tons rouge sombre. Dans le narthex, se discernent encore : à l'ouest, une Passion du Christ (avec des éléments d'une Crucifixion, une Déploration et les trois Marie au tombeau de Jésus ; au nord, trois registres de saints : en bas, des saintes, au milieu, des saints évêques et au-dessus, le groupe de la déisis ; au sud, trois bandes similaires sont seulement discernables[51].
132
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133
+ Après la Quatrième croisade et la création du duché d'Athènes, le Parthénon passe de la liturgie orthodoxe à la liturgie catholique, mais reste cathédrale. Un clocher est construit, à partir d'éléments récupérés sur les ruines des monuments avoisinants, au coin sud-est, à l'intérieur de l'exonarthex. On y accédait grâce à une porte dans le mur ouest du narthex ; il disposait d'un escalier en spirale et dépassait du toit du bâtiment. Certaines hypothèses en ont aussi fait une tour de vigie. Une arche de briques fut construite pour soutenir le fronton ouest. Un nouveau décor fut peint dans l'exonarthex jusque sur la base de la tour. On pouvait y voir une Vierge et un Jugement dernier. En 1970, un monstre écailleux chevauché par une figure humaine était encore visible[52].
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135
+ En 1456, Athènes est conquise par les Ottomans qui transforment le Parthénon-église en mosquée, dès avant 1460, peut-être au moment de la seconde visite du sultan Mehmet II dans la ville. Même s'il n'existe aucune source datant précisément la conversion, il était traditionnel dans le fonctionnement ottoman de transformer rapidement l'église principale ou la cathédrale de la ville conquise en mosquée afin de montrer symboliquement le changement politique[53]. Le bâtiment est peu modifié à cette époque, d'abord parce que Mehmet II admirait les monuments antiques et voulait qu'ils soient respectés. La tour-clocher fut transformée en minaret. L'église fut « vidée » pour devenir mosquée : meubles et partitions furent enlevés ; les fenêtres furent petit à petit murées ; un mihrab fut construit du côté sud de l'abside, pour indiquer la direction de La Mecque et un minbar fut installé en face. Cependant, le bénitier à l'entrée, le ciborium, le synthronon et le décor de mosaïque de l'abside furent conservés. Les décors antiques et chrétiens furent donc respectés[54].
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137
+ La fonction et l'histoire du bâtiment se sont perdues. Le « guide » écrit pour Mehmet II, daté de 1458-1460, appelle le Parthénon « l'église de la Mère de Dieu » et précise qu'il avait été à l'origine un temple dédié au dieu inconnu, construit par Apollon et un dénommé Eulogios. Des sources du XVIe siècle en parlent comme du « Panthéon » ou comme dédié encore au dieu inconnu[55]. Evliya Çelebi dans la première moitié du XVIIe siècle décrit le Parthénon en détail et avec exactitude. Cependant, il considère que c'était là que Platon enseignait (on montrait même alors son trône) et ne mentionne pas du tout que le bâtiment avait été une église. Il ne donne pas non plus de nom spécifique à la mosquée qui y était installée. Dans les documents de l'époque, elle est d'ailleurs juste appelée « mosquée d'Athènes », « mosquée du château d'Athènes » ou « grande mosquée »[56]. De nombreux visiteurs du XVIIe siècle ont témoigné du bon état de conservation du bâtiment. Contrairement à la réputation que leur firent les Européens plus tard, les Ottomans étaient généralement respectueux des monuments anciens qui se trouvaient sur leur territoire.
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139
+ En 1674, l'édifice est minutieusement dessiné, selon les hypothèses, par un artiste anonyme ou Arnould de Vuez, accompagnateur du marquis de Nointel, ambassadeur de Louis XIV de France auprès de la Sublime Porte. Ces relevés, dits à tort « de Carrey », sont aujourd'hui très précieux pour identifier les nombreux fragments des décors du Parthénon.
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141
+ En 1687, au cours de la Guerre de Morée, les Vénitiens attaquent Athènes et les Ottomans se fortifient sur l'Acropole, en utilisant le naos du Parthénon comme poudrière (peut-être parce qu'il semblait être ce qu'il y avait de plus solide sur l'Acropole)[57],[58]. Le 26 septembre, un tir de mortier vénitien touche le bâtiment et met le feu aux poudres qui finissent par exploser[59],[58]. Le toit et les murs s'effondrent, tout comme vingt et une colonnes[59],[58]. De nombreuses sculptures sont gravement endommagées, tant par l'explosion que par les tentatives de Francesco Morosini de s'emparer du fronton ouest qui tombe et se brise[58]. Les Vénitiens se retirent dès 1688. Les Ottomans se réinstallent sur l'Acropole et de nombreux débris du Parthénon sont réemployés dans la construction des maisons. Dans les décennies qui suivent, les voyageurs occidentaux se servent dans les ruines[58].
142
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143
+ Une nouvelle mosquée est construite à l'intérieur du Parthénon après 1699. L'ambassadeur français Charles de Ferriol d'Argental visite le site à cette date et ne la mentionne pas. Sa construction a pu avoir lieu au moment de la restauration des remparts de l'Acropole en 1708. La nouvelle mosquée est même construite à l'intérieur de l'ancienne mosquée. Ce petit bâtiment carré est orienté nord-ouest sud-est et ne devait servir qu'à la garnison ottomane. Il est construit à partir de pierres de réemploi et n'a pas de minaret. Le minaret de l'ancienne mosquée (le clocher de l'ancienne église) avait beaucoup souffert lors de l'explosion de 1687 ; il fut définitivement rasé en 1765-1766. La mosquée fut rasée en 1843, au moment du début des grandes fouilles de l'Acropole[60].
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+ Au XVIIIe siècle, les relations diplomatiques entre l'Europe et l'empire ottoman s'améliorent si bien que plus d'Européens voyagent à Athènes et dessinent ou peignent les ruines pittoresques du Parthénon, stimulant le philhellénisme. La société britannique des Dilettanti y envoie en 1751 le peintre James Stuart et l'architecte Nicholas Revett pour mesurer et dessiner les antiquités d'Athènes, notamment celle du Parthénon, et établir un plan de l'Acropole. Leur publication en 1787 fait date et autorité et marque la redécouverte scientifique de l'édifice[61]. Leur travail est poursuivi au XIXe siècle par l'École française d'Athènes qui détaille la polychromie de l'édifice et la pratique de courber les lignes horizontales[62].
146
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+ En 1801-1802, Lord Elgin, ambassadeur britannique à Constantinople, envoie à Londres l'essentiel des sculptures en marbre de la frise du Parthénon, des frontons et des métopes. Ils sont aujourd'hui encore exposés au British Museum qui les a acquis en 1816[63]. La Grèce en réclame depuis longtemps la restitution, notamment par l'entremise de son Ministre de la Culture, Melina Mercouri, de 1983 à 1989, et de 1993 à sa mort, en 1994.
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+ La frise du Parthénon, au British Museum
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151
+ Visite au British Museum : marbres du fronton est
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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155
+ Plan des restaurations de 2007
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+ Restaurations de 2007
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159
+ Les doctrines de restauration
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+ Restaurations en cours
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Un important programme de restauration du Parthénon a été entrepris après un tremblement de terre en 1893. De 1894 et 1933 l'architecte et ingénieur en chef Nikolaos Balanos a conduit ce chantier[64].
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+ Une seconde campagne de restaurations, depuis les années 1980, tente de corriger les erreurs commises antérieurement : tambours et chapiteaux des 46 colonnes replacés au bon endroit, crampons de fer (leur oxydation provoquant une rouille qui, par dilatation, faisait exploser les blocs de marbre alors que les Grecs anciens les avaient revêtu de plomb qui évitait la rouille et dont la malléabilité prévenait les fissures lors des séismes) fixant les blocs ensemble remplacés par des éléments en titane[65]. Ce travail s'appuie sur les recherches de l'architecte Manolis Korres (ru). Prévue initialement pour une dizaine d'années, la campagne devrait finalement se terminer pour 2020 avec un budget de 100 millions de dollars[5].
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+ Le chantier a débuté par le recensement des 100 000 fragments de marbre jonchant le sol (ce qui représente 20 000 tonnes de marbre)[5].
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+ De 1986 à 1991, ont lieu les travaux de restauration de la façade est[65]. Les restaurations en septembre 2012 mettent en évidence les pierres restaurées par remplacement par des pierres blanches afin de les distinguer des éléments d’origine. C’est la solution retenue en Grèce pour l’application des doctrines et techniques de conservation - restauration recommandées par la « Charte de Venise ».
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+ La charte de Venise est une « charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites » (1964).
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+ Elle stipule notamment que les adjonctions du restaurateur ne doivent pas travestir l’édifice considéré en tant que source documentaire. L’exigence scientifique moderne est à ce point incontournable que reconstruire un mur peut sembler a priori une falsification du monument. Cependant, fermer des brèches et compléter ou rebâtir des tronçons peut s’avérer nécessaire et même indispensable pour garantir une conservation à long terme. Ne pas intervenir pour maintenir une ruine entraînerait une perte irrémédiable de témoins essentiels. Il faut alors délimiter nettement l’apport du restaurateur et du créateur, par exemple par une frontière incluse dans la maçonnerie tels des rangs de tuiles comme cela est pratiqué en Italie ou utiliser une pierre de couleur différente comme en Grèce.
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+
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+ Pour prendre en compte l’esprit de la Charte de Venise sur la lisibilité des apports contemporains, il faut en effet veiller à maintenir la cohérence, la force et le charme de l’image que le public s’est formée de l’édifice. La restauration s’arrête là où commence l’hypothèse. Par sa rigueur, sa prudence et son respect de la matière ancienne, par sa clarté et sa concision, la Charte de Venise est d’une actualité qui ne se dément pas. La protection des ruines, relève d’une logique à la fois historique et paysagère, doctrine qui a bénéficié d’une avancée philosophique et scientifique.
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+ « The Parthenon (Plate 1, Fig. 17) is probably the most celebrated of all Greek temples. »
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+ Le Petit Chaperon rouge est un conte de tradition orale d'origine française. Il s'agit d'un conte-type 333 selon la classification Aarne-Thompson[1].
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5
+ Il est surtout connu par le biais de deux versions collectées, retranscrites et interprétées par les moralistes Charles Perrault en France et les frères Grimm en Allemagne. Depuis le milieu du XXe siècle, il a fait l'objet de nombreux détournements opérant un retour aux sources de la tradition orale et populaire du conte.
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+ Le Petit Chaperon rouge est un conte de la tradition populaire française qui a connu de nombreuses versions au cours de l’histoire et selon les pays où il a été repris. On dénombre une centaine de variantes du conte[2],[3],[4].
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9
+ Les paysans français racontaient l’histoire dès le XIVe siècle. L'une des versions orales du conte est des plus sanglantes : le loup, arrivé chez la mère-grand, la dévore en en gardant toutefois un peu de côté, et prend sa place. La petite-fille arrive et, ne se doutant de rien, obéit à la fausse grand-mère lui disant de manger un peu de viande et de boire un peu de vin, en fait la chair et le sang de l'aïeule (la petite-fille s'interrogerait même quant aux dents présentes dans la chair, question à laquelle le loup lui répondrait qu'il s'agit de haricots).
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+ Une version de l'histoire du Petit Chaperon rouge est sculptée au palais Jacques-Cœur de Bourges (en France), palais du XVe siècle, ce qui atteste encore de l'ancienneté de ce conte populaire.
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13
+ On retrouve trace de l’histoire d'un Petit Chaperon rouge dans la tradition orale de nombreux pays européens, sous différentes versions, antérieures au XVIIe siècle. Dans ses versions européennes, le conte oppose le plus souvent, dans une convention toute médiévale, l’univers sûr du village aux dangers de la forêt, même si aucune version écrite ne remonte à cette époque[5].
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15
+ En fait la version écrite la plus ancienne remonte à un poème « De puella a lupellis servata » compris dans le recueil Fecunda ratis, rédigé au Xe siècle par l’écolâtre Egbert de Liège[6].
16
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17
+ L’anthropologue britannique Jamie Tehrani, de l’Université de Durham, a ainsi mené une étude mathématique sur 58 variantes du conte en se concentrant sur 72 variables (nombre et sexe des protagonistes, le type d'animal, la fin, les ruses utilisées, etc.)[3] : cette étude présente cependant de nombreux problèmes[7]. Dans certaines des versions les plus anciennes, le Petit Chaperon rouge est un jeune homme déguisé en fille et envoyé par Mère-Grand dans la forêt hostile entourant le village pour tuer le loup. Le conte porte d'abord sur le travestissement et la dissimulation. La couleur du Chaperon servant au travestissement est une référence symbolique au meurtre du Loup. Dans la version italienne, intitulée La Finta Nonna[8] (La Fausse Grand-mère), la petite fille l’emporte sur le Loup grâce à sa propre ruse, sans l’aide d’un homme ou d’une femme plus âgée. Dans cette version également, le conte insiste sur la dissimulation et la ruse.
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19
+ Le conte du Petit Chaperon rouge est devenu l’un des plus populaires en Europe et dans le monde grâce à la grande versatilité de la situation triangulaire entre le Petit Chaperon rouge, le loup et mère-Grand. Il permettait aux conteurs de décliner différentes variantes en fonction de leur public et de l'objectif visé[4].
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21
+ Le personnage du chasseur (ou d'un bûcheron, selon les versions), inexistant au départ, n'apparaîtra que dans une des versions les plus tardives du conte, celle des frères Grimm[9], reléguant le Petit Chaperon rouge, qu'il soit homme ou femme, dans un rôle plus passif.
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23
+ Il existe une version chinoise du conte : dans celle-ci, c'est la grand-mère qui se rend chez ses trois petites filles. Elle rencontre le loup qui, après l'avoir interrogée, la tue et prend son apparence dans le but de tromper et de manger les trois filles. Ces dernières, cependant, finissent par comprendre l'imposture et par tuer le loup par la ruse. On peut aussi citer les versions coréennes où l'agresseur est un tigre, la victime, la mère et les enfants, au moins un garçon et une fille.
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25
+ La plus ancienne version retranscrite et figée est celle de Charles Perrault, parue dans Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités le 11 janvier 1697[10]. Cette version sera plus malheureuse et moralisatrice que celles qui suivront. L’héroïne en est une jeune fille bien élevée, la plus jolie du village, qui court à sa perte en donnant au loup qu’elle rencontre dans la forêt les indications nécessaires pour trouver la maison de sa grand-mère. Le loup mange la vieille dame en se cachant des bûcherons qui travaillent dans la forêt voisine. Il tend ensuite un piège au Petit Chaperon rouge et finit par la manger. L’histoire en finit là, sur la victoire du loup. Pas de fin heureuse pour l’héroïne, la morale de Perrault est sans appel.
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27
+ Au XIXe siècle, deux versions distinctes furent rapportées par Jacob et Wilhelm Grimm : la première par Jeanette Hassenpflug (1791–1860) et la seconde par Marie Hassenpflug (1788–1856). Les deux frères firent de la première version l’histoire principale et de la seconde une suite. L’histoire de Rotkäppchen (La Capuche rouge) parut dans la première édition de leur collection Kinder- und Hausmärchen (Contes de l'enfance et du foyer, 1812). Dans cette version, la fillette et sa grand-mère sont sauvées par un chasseur qui suivait la piste du Loup. La suite montre la fillette et sa grand-mère piégeant et tuant un autre loup, anticipant ses gestes grâce à l’expérience acquise au cours de la première histoire.
28
+ Les frères Grimm modifièrent l’histoire dans les éditions postérieures, jusqu’à atteindre la version la plus connue dans l’édition de 1857. Cette version édulcorée, largement répandue, raconte l’histoire d’une petite fille qui traverse la forêt pour apporter un morceau de galette, du beurre à sa grand-mère. En chemin, la fillette fait la rencontre d’un loup, qui la piège à la fin et la dévore elle et sa grand-mère. Un chasseur vient néanmoins pour les sauver en ouvrant le ventre du Loup. Le Petit Chaperon rouge et sa grand-mère en sortent saines et sauves.
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+
30
+ Le chaperon que porte Le Petit Chaperon rouge est, à l’époque de Charles Perrault, une coiffure féminine[11] populaire et bourgeoise, mais déjà démodée. La chose est naturelle : le costume des enfants des classes aisées du XVIIe siècle se caractérise par son archaïsme et ses emprunts aux modes populaires. Ce petit chaperon rouge serait donc la marque du désir des protagonistes villageois de se distinguer socialement, un signe de l’affection de la mère et de la grand-mère pour leur ravissante petite fille[12]. Certains chercheurs (notamment Pierre Saintyves) ont vu dans le chaperon rouge une couronne de fleurs, ce qui ferait de l'héroïne une reine de Mai, personnage du folklore populaire. Cette interprétation est combattue par les comparatistes qui font remarquer que les différentes versions du conte n'insistent pas toutes sur ce trait qui paraît avoir été mis en exergue (voire inventé) par Perrault et les frères Grimm[1].
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32
+ Il faut aussi savoir que les frères Grimm ont essentiellement recensé les contes dans le Land de Hesse, où le costume traditionnel porté par les femmes comporte une petite coiffe de velours qui changeait de couleur selon l'âge et la condition de sa propriétaire: rouge pour les enfants et les jeunes filles, vert pour les femmes mariées, et noire pour les veuves. Il n'est donc pas étonnant que la grand-mère ait coiffé ainsi sa petite-fille[réf. souhaitée].
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+ Le conte dans les versions des moralistes, est codé, selon plusieurs auteurs dont le psychanalyste Bruno Bettelheim et le sociologue Jack Zipes.
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36
+ À propos du Petit Chaperon rouge, et reprenant les mots du romancier Charles Dickens, Bruno Bettelheim écrit dans Psychanalyse des contes de fées[13] : « Le Petit Chaperon rouge a été mon premier amour. Je sens que, si j'avais pu l'épouser, j'aurais connu le parfait bonheur ».
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38
+ Le conte met en scène l'opposition des principes de plaisir et de réalité. La fillette et sa grand-mère sont les deux principales figures féminines du conte. Le loup est, lui, une figure masculine ambiguë : il est à la fois un séducteur, comme Le Petit Chaperon rouge, mais aussi un meurtrier. Enfin, dans la seule version des frères Grimm, apparaît une seconde figure masculine : le personnage du chasseur qui tue le loup et lui ouvre le ventre pour libérer le Chaperon rouge et sa grand-mère. Le chasseur, introduit par les frères Grimm, est une seconde figure masculine, paternelle cette fois, qui s'oppose au Loup. La délivrance du Chaperon rouge introduite par les frères Grimm a une symbolique forte et peut être interprétée comme une renaissance ou une métamorphose…
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40
+ Toutefois, il existe aussi des versions dans lesquels le héros est lui-même de sexe masculin[14].
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42
+ Tout au long du conte, et dans le titre comme dans le nom de l'héroïne, l'importance de la couleur rouge, arborée par l'enfant est fortement soulignée. Selon Bruno Bettelheim, le rouge est « la couleur qui symbolise les émotions violentes et particulièrement celles qui renvoient à la sexualité[15]. » Le bonnet de velours rouge a été offert par Mère-Grand : « Il lui allait si bien, que partout on l'appelait le Petit Chaperon rouge. » Le couvre-chef peut ainsi être considéré comme le symbole du transfert prématuré du pouvoir de
43
+ séduction sexuelle au Petit Chaperon rouge. Cette interprétation est contestée par l'historien Michel Pastoureau qui rappelle que la signification des couleurs était différente lors de la rédaction du conte : au XVIIe siècle, c'était le vert qui était associé à la sexualité. Le rouge avait une connotation religieuse, voire de protection.
44
+
45
+ Le sociologue américain Jack Zipes, de l’université de Minnesota, germaniste spécialiste des contes de fées, propose une lecture darwinienne du conte : manger ou être mangé, telle est la question posée par le conte[16]. Jack Zipes, comme dans les versions originelle du conte, interprète le conte comme un art vivant de la subversion[17] mélangeant ruses, arnaques et dissimulation.
46
+
47
+ L'histoire du Petit Chaperon rouge, dans la version moralisatrice de Charles Perrault, a été maintes fois détournée, dans les livres, les films ou encore les dessins animés. Cette entreprise de détournement peut être vue comme un retour aux sources médiévales du conte.
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+
49
+ L'un des plus célèbres détournements est celui réalisé par Tex Avery dans Red Hot Riding Hood en 1943 : le Loup est un prédateur sexuel, Mère-Grand est l'heureuse résidente du dernier étage d'un gratte-ciel et le Petit Chaperon rouge travaille dans un Night club d'Hollywood. Vamp préfigurant la future Marilyn Monroe, le Petit Chaperon rouge rend le Loup fou. Ce dernier tente d'attirer le Petit Chaperon rouge qui décline fermement l'invitation avant de se réfugier chez Mère-Grand, attirant le Loup à sa poursuite. Il se trouve que Mère-Grand, dame pourtant d'un certain âge, se révèle être particulièrement friande de loups vigoureux. Piégé dans le loft de Mère-Grand, le Loup finit par se jeter du haut du gratte-ciel pour échapper aux baisers dégoulinants de l'épais rouge à lèvres d'une Mère-Grand toute vêtue de rouge. Le Loup croise à nouveau le Petit Chaperon rouge et se suicide à sa vue. Le dessin animé de Tex Avery fut censuré dans un premier temps, sauf pour les G.I.'s qui purent le voir en intégrale grâce à la demande de certains de leurs officiers[18].
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51
+ Dans Little Rural Riding Hood (1949), la situation du Loup empire : il est massacré par un Petit Chaperon rouge de la campagne, puis humilié par un cousin Loup de la ville devant un Petit Chaperon rouge citadin.
52
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53
+ La versatilité du conte n'avait pas échappé au réalisateur de film d'animation américain. Ainsi, dans le livre The 50 Greatest Cartoons, écrit par l'historien du cinéma d'animation Jerry Beck (en), trois dessins animés réalisés par Tex Avery apparaissent dans le top 50 des meilleurs dessins animés de tous les temps : Red Hot Riding Hood (7e), Bad Luck Blackie (15e) et Little Rural Riding Hood (22e).
54
+ Un grand classique des marionnettes pour enfants rassemble en une seule création les trois personnages du Petit Chaperon rouge, du Loup et de Mère-Grand, permettant aux enfants d'intervertir les rôles dans un jeu triangulaire sans fin[19].
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56
+ Le conte a également servi de référence dans le domaine de l'espionnage. Dans Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers), le personnage de Mère-Grand (Grandmother ou Mother selon les épisodes) est le chef excentrique, mais handicapé et se déplaçant en chaise roulante, d'un service de contre-espionnage très britannique. À la DGSE, Mère-Grand est le surnom d'une figure historique du service, ayant dirigé la Direction du Renseignement, responsable des agents de renseignement et d'influence[20]. Dans le même ordre d'idées et plus récemment, dans La Revanche du Petit Chaperon rouge de Mike Disa, le Petit Chaperon rouge, le Loup, et la Mère-Grand dirigent une agence d'espionnage ultra moderne. Ce long-métrage est la suite de La Véritable Histoire du Petit Chaperon rouge (titre anglais : Hoodwinked!).
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+ La pièce de théâtre Le Procès du Loup écrite par Žarko Petan est une suite du conte où le loup arrêté se retrouve jugé dans un tribunal.
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+ Freeway (film, 1996) revisite l'histoire du Petit Chaperon rouge en mêlant thriller, drame et humour noir.
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+ Dans Once Upon a Time, le Petit Chaperon Rouge est en fait un loup-garou (le Loup), qui ne reprend sa forme humaine qu’en se recouvrant d’un manteau rouge magique.
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64
+ Il existe un enregistrement de 78 tours cher E.Berliner's Gramophone (catalogue allemande)
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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68
+ Charles Perrault
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+ Les frères Grimm
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+ Charles Deulin
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+ Le Petit Chaperon rouge est un conte de tradition orale d'origine française. Il s'agit d'un conte-type 333 selon la classification Aarne-Thompson[1].
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+ Il est surtout connu par le biais de deux versions collectées, retranscrites et interprétées par les moralistes Charles Perrault en France et les frères Grimm en Allemagne. Depuis le milieu du XXe siècle, il a fait l'objet de nombreux détournements opérant un retour aux sources de la tradition orale et populaire du conte.
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+ Le Petit Chaperon rouge est un conte de la tradition populaire française qui a connu de nombreuses versions au cours de l’histoire et selon les pays où il a été repris. On dénombre une centaine de variantes du conte[2],[3],[4].
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+ Les paysans français racontaient l’histoire dès le XIVe siècle. L'une des versions orales du conte est des plus sanglantes : le loup, arrivé chez la mère-grand, la dévore en en gardant toutefois un peu de côté, et prend sa place. La petite-fille arrive et, ne se doutant de rien, obéit à la fausse grand-mère lui disant de manger un peu de viande et de boire un peu de vin, en fait la chair et le sang de l'aïeule (la petite-fille s'interrogerait même quant aux dents présentes dans la chair, question à laquelle le loup lui répondrait qu'il s'agit de haricots).
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+ Une version de l'histoire du Petit Chaperon rouge est sculptée au palais Jacques-Cœur de Bourges (en France), palais du XVe siècle, ce qui atteste encore de l'ancienneté de ce conte populaire.
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+ On retrouve trace de l’histoire d'un Petit Chaperon rouge dans la tradition orale de nombreux pays européens, sous différentes versions, antérieures au XVIIe siècle. Dans ses versions européennes, le conte oppose le plus souvent, dans une convention toute médiévale, l’univers sûr du village aux dangers de la forêt, même si aucune version écrite ne remonte à cette époque[5].
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+ En fait la version écrite la plus ancienne remonte à un poème « De puella a lupellis servata » compris dans le recueil Fecunda ratis, rédigé au Xe siècle par l’écolâtre Egbert de Liège[6].
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+ L’anthropologue britannique Jamie Tehrani, de l’Université de Durham, a ainsi mené une étude mathématique sur 58 variantes du conte en se concentrant sur 72 variables (nombre et sexe des protagonistes, le type d'animal, la fin, les ruses utilisées, etc.)[3] : cette étude présente cependant de nombreux problèmes[7]. Dans certaines des versions les plus anciennes, le Petit Chaperon rouge est un jeune homme déguisé en fille et envoyé par Mère-Grand dans la forêt hostile entourant le village pour tuer le loup. Le conte porte d'abord sur le travestissement et la dissimulation. La couleur du Chaperon servant au travestissement est une référence symbolique au meurtre du Loup. Dans la version italienne, intitulée La Finta Nonna[8] (La Fausse Grand-mère), la petite fille l’emporte sur le Loup grâce à sa propre ruse, sans l’aide d’un homme ou d’une femme plus âgée. Dans cette version également, le conte insiste sur la dissimulation et la ruse.
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+ Le conte du Petit Chaperon rouge est devenu l’un des plus populaires en Europe et dans le monde grâce à la grande versatilité de la situation triangulaire entre le Petit Chaperon rouge, le loup et mère-Grand. Il permettait aux conteurs de décliner différentes variantes en fonction de leur public et de l'objectif visé[4].
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+ Le personnage du chasseur (ou d'un bûcheron, selon les versions), inexistant au départ, n'apparaîtra que dans une des versions les plus tardives du conte, celle des frères Grimm[9], reléguant le Petit Chaperon rouge, qu'il soit homme ou femme, dans un rôle plus passif.
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+ Il existe une version chinoise du conte : dans celle-ci, c'est la grand-mère qui se rend chez ses trois petites filles. Elle rencontre le loup qui, après l'avoir interrogée, la tue et prend son apparence dans le but de tromper et de manger les trois filles. Ces dernières, cependant, finissent par comprendre l'imposture et par tuer le loup par la ruse. On peut aussi citer les versions coréennes où l'agresseur est un tigre, la victime, la mère et les enfants, au moins un garçon et une fille.
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+ La plus ancienne version retranscrite et figée est celle de Charles Perrault, parue dans Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités le 11 janvier 1697[10]. Cette version sera plus malheureuse et moralisatrice que celles qui suivront. L’héroïne en est une jeune fille bien élevée, la plus jolie du village, qui court à sa perte en donnant au loup qu’elle rencontre dans la forêt les indications nécessaires pour trouver la maison de sa grand-mère. Le loup mange la vieille dame en se cachant des bûcherons qui travaillent dans la forêt voisine. Il tend ensuite un piège au Petit Chaperon rouge et finit par la manger. L’histoire en finit là, sur la victoire du loup. Pas de fin heureuse pour l’héroïne, la morale de Perrault est sans appel.
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+ Au XIXe siècle, deux versions distinctes furent rapportées par Jacob et Wilhelm Grimm : la première par Jeanette Hassenpflug (1791–1860) et la seconde par Marie Hassenpflug (1788–1856). Les deux frères firent de la première version l’histoire principale et de la seconde une suite. L’histoire de Rotkäppchen (La Capuche rouge) parut dans la première édition de leur collection Kinder- und Hausmärchen (Contes de l'enfance et du foyer, 1812). Dans cette version, la fillette et sa grand-mère sont sauvées par un chasseur qui suivait la piste du Loup. La suite montre la fillette et sa grand-mère piégeant et tuant un autre loup, anticipant ses gestes grâce à l’expérience acquise au cours de la première histoire.
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+ Les frères Grimm modifièrent l’histoire dans les éditions postérieures, jusqu’à atteindre la version la plus connue dans l’édition de 1857. Cette version édulcorée, largement répandue, raconte l’histoire d’une petite fille qui traverse la forêt pour apporter un morceau de galette, du beurre à sa grand-mère. En chemin, la fillette fait la rencontre d’un loup, qui la piège à la fin et la dévore elle et sa grand-mère. Un chasseur vient néanmoins pour les sauver en ouvrant le ventre du Loup. Le Petit Chaperon rouge et sa grand-mère en sortent saines et sauves.
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+ Le chaperon que porte Le Petit Chaperon rouge est, à l’époque de Charles Perrault, une coiffure féminine[11] populaire et bourgeoise, mais déjà démodée. La chose est naturelle : le costume des enfants des classes aisées du XVIIe siècle se caractérise par son archaïsme et ses emprunts aux modes populaires. Ce petit chaperon rouge serait donc la marque du désir des protagonistes villageois de se distinguer socialement, un signe de l’affection de la mère et de la grand-mère pour leur ravissante petite fille[12]. Certains chercheurs (notamment Pierre Saintyves) ont vu dans le chaperon rouge une couronne de fleurs, ce qui ferait de l'héroïne une reine de Mai, personnage du folklore populaire. Cette interprétation est combattue par les comparatistes qui font remarquer que les différentes versions du conte n'insistent pas toutes sur ce trait qui paraît avoir été mis en exergue (voire inventé) par Perrault et les frères Grimm[1].
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+ Il faut aussi savoir que les frères Grimm ont essentiellement recensé les contes dans le Land de Hesse, où le costume traditionnel porté par les femmes comporte une petite coiffe de velours qui changeait de couleur selon l'âge et la condition de sa propriétaire: rouge pour les enfants et les jeunes filles, vert pour les femmes mariées, et noire pour les veuves. Il n'est donc pas étonnant que la grand-mère ait coiffé ainsi sa petite-fille[réf. souhaitée].
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+ Le conte dans les versions des moralistes, est codé, selon plusieurs auteurs dont le psychanalyste Bruno Bettelheim et le sociologue Jack Zipes.
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+ À propos du Petit Chaperon rouge, et reprenant les mots du romancier Charles Dickens, Bruno Bettelheim écrit dans Psychanalyse des contes de fées[13] : « Le Petit Chaperon rouge a été mon premier amour. Je sens que, si j'avais pu l'épouser, j'aurais connu le parfait bonheur ».
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+ Le conte met en scène l'opposition des principes de plaisir et de réalité. La fillette et sa grand-mère sont les deux principales figures féminines du conte. Le loup est, lui, une figure masculine ambiguë : il est à la fois un séducteur, comme Le Petit Chaperon rouge, mais aussi un meurtrier. Enfin, dans la seule version des frères Grimm, apparaît une seconde figure masculine : le personnage du chasseur qui tue le loup et lui ouvre le ventre pour libérer le Chaperon rouge et sa grand-mère. Le chasseur, introduit par les frères Grimm, est une seconde figure masculine, paternelle cette fois, qui s'oppose au Loup. La délivrance du Chaperon rouge introduite par les frères Grimm a une symbolique forte et peut être interprétée comme une renaissance ou une métamorphose…
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+ Toutefois, il existe aussi des versions dans lesquels le héros est lui-même de sexe masculin[14].
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+ Tout au long du conte, et dans le titre comme dans le nom de l'héroïne, l'importance de la couleur rouge, arborée par l'enfant est fortement soulignée. Selon Bruno Bettelheim, le rouge est « la couleur qui symbolise les émotions violentes et particulièrement celles qui renvoient à la sexualité[15]. » Le bonnet de velours rouge a été offert par Mère-Grand : « Il lui allait si bien, que partout on l'appelait le Petit Chaperon rouge. » Le couvre-chef peut ainsi être considéré comme le symbole du transfert prématuré du pouvoir de
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+ séduction sexuelle au Petit Chaperon rouge. Cette interprétation est contestée par l'historien Michel Pastoureau qui rappelle que la signification des couleurs était différente lors de la rédaction du conte : au XVIIe siècle, c'était le vert qui était associé à la sexualité. Le rouge avait une connotation religieuse, voire de protection.
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+ Le sociologue américain Jack Zipes, de l’université de Minnesota, germaniste spécialiste des contes de fées, propose une lecture darwinienne du conte : manger ou être mangé, telle est la question posée par le conte[16]. Jack Zipes, comme dans les versions originelle du conte, interprète le conte comme un art vivant de la subversion[17] mélangeant ruses, arnaques et dissimulation.
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+ L'histoire du Petit Chaperon rouge, dans la version moralisatrice de Charles Perrault, a été maintes fois détournée, dans les livres, les films ou encore les dessins animés. Cette entreprise de détournement peut être vue comme un retour aux sources médiévales du conte.
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+ L'un des plus célèbres détournements est celui réalisé par Tex Avery dans Red Hot Riding Hood en 1943 : le Loup est un prédateur sexuel, Mère-Grand est l'heureuse résidente du dernier étage d'un gratte-ciel et le Petit Chaperon rouge travaille dans un Night club d'Hollywood. Vamp préfigurant la future Marilyn Monroe, le Petit Chaperon rouge rend le Loup fou. Ce dernier tente d'attirer le Petit Chaperon rouge qui décline fermement l'invitation avant de se réfugier chez Mère-Grand, attirant le Loup à sa poursuite. Il se trouve que Mère-Grand, dame pourtant d'un certain âge, se révèle être particulièrement friande de loups vigoureux. Piégé dans le loft de Mère-Grand, le Loup finit par se jeter du haut du gratte-ciel pour échapper aux baisers dégoulinants de l'épais rouge à lèvres d'une Mère-Grand toute vêtue de rouge. Le Loup croise à nouveau le Petit Chaperon rouge et se suicide à sa vue. Le dessin animé de Tex Avery fut censuré dans un premier temps, sauf pour les G.I.'s qui purent le voir en intégrale grâce à la demande de certains de leurs officiers[18].
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+ Dans Little Rural Riding Hood (1949), la situation du Loup empire : il est massacré par un Petit Chaperon rouge de la campagne, puis humilié par un cousin Loup de la ville devant un Petit Chaperon rouge citadin.
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+ La versatilité du conte n'avait pas échappé au réalisateur de film d'animation américain. Ainsi, dans le livre The 50 Greatest Cartoons, écrit par l'historien du cinéma d'animation Jerry Beck (en), trois dessins animés réalisés par Tex Avery apparaissent dans le top 50 des meilleurs dessins animés de tous les temps : Red Hot Riding Hood (7e), Bad Luck Blackie (15e) et Little Rural Riding Hood (22e).
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+ Un grand classique des marionnettes pour enfants rassemble en une seule création les trois personnages du Petit Chaperon rouge, du Loup et de Mère-Grand, permettant aux enfants d'intervertir les rôles dans un jeu triangulaire sans fin[19].
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+ Le conte a également servi de référence dans le domaine de l'espionnage. Dans Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers), le personnage de Mère-Grand (Grandmother ou Mother selon les épisodes) est le chef excentrique, mais handicapé et se déplaçant en chaise roulante, d'un service de contre-espionnage très britannique. À la DGSE, Mère-Grand est le surnom d'une figure historique du service, ayant dirigé la Direction du Renseignement, responsable des agents de renseignement et d'influence[20]. Dans le même ordre d'idées et plus récemment, dans La Revanche du Petit Chaperon rouge de Mike Disa, le Petit Chaperon rouge, le Loup, et la Mère-Grand dirigent une agence d'espionnage ultra moderne. Ce long-métrage est la suite de La Véritable Histoire du Petit Chaperon rouge (titre anglais : Hoodwinked!).
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+ La pièce de théâtre Le Procès du Loup écrite par Žarko Petan est une suite du conte où le loup arrêté se retrouve jugé dans un tribunal.
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+ Freeway (film, 1996) revisite l'histoire du Petit Chaperon rouge en mêlant thriller, drame et humour noir.
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+ Dans Once Upon a Time, le Petit Chaperon Rouge est en fait un loup-garou (le Loup), qui ne reprend sa forme humaine qu’en se recouvrant d’un manteau rouge magique.
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+ Il existe un enregistrement de 78 tours cher E.Berliner's Gramophone (catalogue allemande)
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Charles Perrault
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+ Les frères Grimm
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+ Charles Deulin
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+ Araignées
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+ Ordre
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+
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+ Sous-ordres de rang inférieur
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+
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+ Les araignées ou Aranéides (ordre des Araneae de la classe des Arachnides, à laquelle il a donné son nom) sont des prédateurs invertébrés arthropodes. Comme tous les chélicérates, leur corps est divisé en deux tagmes, le prosome ou céphalothorax (partie antérieure dépourvue de mandibules et d'antennes, dotée de huit pattes) et l’opisthosome ou abdomen qui porte à l'arrière des filières. Elles sécrètent par ces appendices de la soie qui sert à produire le fil qui leur permet de se déplacer, de tisser leur toile ou des cocons emprisonnant leurs proies ou protégeant leurs œufs ou petits, voire de faire une réserve provisoire de sperme ou un dôme leur permettant de stocker de l’air sous l’eau douce. Contrairement aux insectes, elles ne disposent ni d'ailes ni d'antennes ni de pièces masticatrices dans la bouche. Elles possèdent en général six à huit yeux qui peuvent être simples ou multiples.
8
+
9
+ Parmi les 47 000 espèces connues que compte cet ordre en 2017, une seule est majoritairement herbivore, Bagheera kiplingi, et une seule immergée, Argyroneta aquatica.
10
+
11
+ L'ordre des Araneae est très homogène aux points de vue morphologique et anatomique, mais de biologie extrêmement variée, tant par les divers usages de la soie que par les modalités du comportement lors de prédation ou de la reproduction.
12
+
13
+ En tant que prédatrices, les araignées jouent un rôle majeur dans la régulation des populations d'insectes, et elles sont elles-mêmes régulées par des prédateurs souvent spécifiques (reptiles, oiseaux ou insectes de la famille des pompilidae). Elles se sont adaptées à presque tous les milieux, de cavernicoles à montagneux, des milieux arctiques à équatoriaux. Seuls les eaux salées, les très hautes altitudes et les milieux très froids n’ont pas été colonisés par les Araneae.
14
+
15
+ La branche de l'arachnologie qui leur est consacrée est l'aranéologie. La peur des araignées ou arachnophobie est une des phobies les plus communes.
16
+
17
+ À l'exception de celles appartenant à deux familles (les Uloboridae et les Holarchaeidae) et au groupe des Mesothelae (350 espèces en tout), les araignées peuvent inoculer un venin pour se protéger ou paralyser leurs proies en liquéfiant leurs organes internes au moyen d'enzymes.
18
+
19
+ Les morsures de grandes espèces sont souvent douloureuses mais ne laissent pas de séquelles. Seules 200 espèces connues infligent des morsures susceptibles d'affecter la santé de l'Homme.
20
+
21
+ L’anatomie de l'araignée est celle des Arthropodes Chélicérates : corps divisé en deux tagmes, le prosome ou céphalothorax (partie antérieure dépourvue de mandibules et d'antennes, recouverte par une carapace en bouclier) et l’opisthosome dont les deux premiers métamères sont modifiés en organe génital. Le prosome a une première paire d’appendices transformée en chélicères et une deuxième paire d’appendices transformée en pédipalpes. Le prosome et l'opisthosome sont séparés par un pédicelle, appelé aussi le pédicule.
22
+
23
+ L’anatomie de l'araignée est également celle des Arachnides : prosoma équipé de paires d'yeux simples et de six paires d’appendices chez l’adulte (chélicères, pédipalpes et quatre paires de pattes ambulatoires) ; réduction voire perte des appendices de l’opisthosome ; développement d’un système respiratoire aérien qui peut avoir la forme d’un système trachéen ou d’un système pulmonaire.
24
+
25
+ Mais les araignées ont des adaptations qui les distinguent des autres arachnides : le prosome et l’opisthosome sont articulés par le pédicule ; les sternites du prosome sont fusionnés au niveau ventral pour former un sternum ; la paire de chélicères biarticulés en crochets est parfois reliée à une glande à venin ; un bulbe copulateur est généralement présent sur le pédipalpe des mâles ; parmi les quatre paires de pattes locomotrices, les deux premières paires de pattes antérieures sont dites tractives et les deux paires postérieures sont dites pulsives ; l’opisthosome non segmenté est muni en position postérieure de glandes séricigènes qui produisent de la soie filée par une à six paires de filières, appendices spécialisés excréteurs. Il est également équipé d'un organe sexuel externe féminin spécialisé, l'épigyne (plaque chitineuse en position ventrale qui contient un crochet et un réceptacle séminal).
26
+
27
+ Le prosome assume au point de vue physiologique l'intégration neuro-sensorielle (vision généralement mauvaise, fonction tactile grâce à des mécanorécepteurs, odorat grâce aux chimiorécepteurs), la prise de nourriture, la locomotion grâce à quatre paires de pattes ambulatoires, une partie de l'activité sexuelle (pédipalpes, pièces buccales) et un rôle glandulaire phéromonal, surtout chez le mâle. L'opisthosome assume sur le plan physiologique des fonctions végétatives (digestion, circulation intérieure, respiration, excrétion, reproduction et fabrication de la soie).
28
+
29
+ Le nom d'araignée vient du mythe Arachné (en grec ancien Ἀράχνη / Arákhnê), qui se vantait de tisser mieux qu'Athéna. C'était vrai, Athéna furieuse détruisit son travail. Humiliée, Arachné alla se pendre. La déesse, prise de remords, décida d'offrir une seconde vie à Arachné : elle la changea en araignée suspendue à son fil, la condamnant à tisser sa toile pour l'éternité.
30
+
31
+ Les araignées (47 000 espèces connues en 2017[1] selon le World Spider Catalog[2] dont 7 000 recensées dans la région ouest-paléarctique — Europe et bassin méditerranéen[3] et 1 700 dans une cinquantaine de familles en France[4]) ont conquis presque tout le domaine terrestre émergé hors haute montagne et zones polaires, certaines étant même capables de vivre en grande partie dans des bulles qu'elles construisent sous l'eau (en eau douce exclusivement). Elles sont donc ubiquistes. Beaucoup ont développé un mimétisme les rendant discrètes voire presque indétectables dans leur habitat. D'autres ont des comportements sociaux très développés.
32
+
33
+ Elles sont plutôt a priori généralistes en termes de proies, mais spécialisées en termes d'habitat. Pour la plupart des araignées, les proies sont cependant exclusivement des insectes ou leur larves et parfois d'autres arachnides ou de petits crustacés terrestres (ex : cloportes..). Les araignées sont cannibales et n'hésitent pas à se nourrir d'autres araignées, qu'elles soient d'espèce différente ou même de leur propre espèce ou de leur propre fratrie.
34
+
35
+ Les araignées interagissent avec leur environnement et entre elles en adaptant, pour certaines espèces au moins, leurs stratégies de chasse ;
36
+ Par exemple, deux araignées sympatriques (occupant le même habitat forestier en Europe), Frontinellina frutetorum (CL Koch) et Neriene radiata (Walckenaer) (Araneae : Linyphiidae) vivent normalement à la même hauteur dans les arbres forestiers. Quand elles coexistent, ces deux espèces se montrent capables d'utiliser des hauteurs sensiblement différentes sur les arbres pour tisser leur toile. F. frutetorum sélectionne plutôt la strate plus élevée, alors que N. radiata tissera ses toiles, plus près du sol, ce qui permet aux deux espèces de limiter leur concurrence dans la même niche écologique. Cela laisse penser qu'une plus grande diversité d'espèces invite les araignées à exploiter une plus large partie de leur environnement.
37
+
38
+ Les populations d'araignées sont dans la nature contrôlées par divers prédateurs, dont :
39
+
40
+ Les araignées sont aussi victimes de maladies dues à des bactéries, virus, parasites (dont certains champignons parasites par exemple les Cordyceps[5],[6] ou champignons du genre Gibellula[7],[8]) qui peuvent les tuer[9] comme cela existe assez fréquemment aussi chez d'autres arthropodes[10], dont on découvre encore de nouvelles espèces[11].
41
+
42
+ Les espèces connues d'araignées sont prédatrices, à l'exception très marginale de quelques espèces très dérivées comme Bagheera kiplingi, araignée sud-américaine, qui se nourrit principalement de pousses d'acacia[12].
43
+ Carnassières, elles se nourrissent exclusivement de proies vivantes qu'elles chassent à l'aide de pièges (toile d'araignée, araignée gladiateur, araignées-lasso ou araignées Bolas (en)), à courre ou à l'affût. Pour ne pas perdre leur proies, la plupart des espèces l'enroulent de soie. Nombre d'espèces sont nocturnes ou plus actives la nuit. Elles se nourrissent principalement d'arthropodes, mais certaines grandes araignées chassent des vertébrés (les veuves noires, par exemple, peuvent piéger des petits lézards). Sur tous les continents sauf l'Antarctique, des espèces se nourrissent parfois de poissons[13]. La majorité des espèces sont des prédateurs généralistes et opportunistes. Quelques rares espèces ont une spécialisation alimentaire stricte : le genre Zodarion se nourrit exclusivement de fourmis ; les genres Zora, Ero et Mimetus sont cannibales[14].
44
+
45
+ Comme tous les arachnides, l'araignée n'absorbe que des liquides : elle doit donc lyser ses proies par digestion extra-orale ou exodigestion — c'est-à-dire les liquéfier au moyen d'enzymes digestives injectées par les chélicères — avant de pouvoir s'en nourrir[15].
46
+
47
+ Les araignées ont un rôle écologique capital en capturant chaque année 400 millions d'insectes par hectare (loin devant les oiseaux)[16] : cette estimation est basée sur les données relatives au spectre des proies de l'Argiope frelon qui peut capturer, durant toute sa vie (d'avril à novembre) jusqu'à 900 proies, principalement des pucerons ailés (30 %), des Diptères (26,8 %), des Sauterelles (17,9 %) et des Hyménoptères (12,6 %)[17]. Elles sont capables de consommer quotidiennement 10 à 20 % de leur poids[18]. En tout, les araignées consommeraient ainsi entre 400 et 800 millions de tonnes d'insectes par an[19], ce qui en fait très probablement le premier groupe de prédateurs au monde (70 millions de tonnes pour les oiseaux marins, entre 280 et 500 millions de tonnes pour les baleines, et 400 millions de tonnes pour l'humanité)[20]. Elles constituent donc le principal levier de contrôle des populations d'insectes, et jouent à ce titre un rôle stratégique pour l'agriculture et l'équilibre des écosystèmes.
48
+
49
+ Selon une étude en mars 2017, chaque année l'ensemble des araignées de la planète (qui rassemblées pèseraient le poids de 478 Titanics) capturent et mangent environ 400 à 800 millions de tonnes de proies ; c'est autant de "viande" que ce que mangent les humains voire deux fois plus dans l'estimation haute (les humains consomment environ 400 millions de t/an de viande et de poisson). Pour donner une autre référence : c'est aussi une à deux fois la biomasse totale de tous les humains peuplant la planète[21].
50
+
51
+ Si les araignées sont traditionnellement considérées comme des prédateurs à l’alimentation exclusivement carnivore, des études plus fines montrent que les ressources alimentaires d’origine végétale peuvent représenter un complément important (jusqu'à 25 % de leur régime alimentaire). Les araignées peuvent en effet absorber les particules d'aéroplancton (spores de champignons, grains de pollen) piégés par les toiles et qui sont ingérés au moment où elles récupèrent la soie des fils, pendant le recyclage normal de la toile ou lors de sa réparation[22]. De nombreuses familles d'araignées complémentent également leur alimentation par du nectar[23].
52
+
53
+ En conditions défavorables, elles sont capables de jeûner pendant des mois, voire près d'une année[24].
54
+
55
+ Les soins parentaux sont assurés par les femelles, parfois par les deux parents ou par les mâles[25] : transport des œufs, protection de la progéniture, alimentation (régurgitation, ponte d'œufs stériles, sorte d'« allaitement » chez Toxeus magnus[26]).
56
+
57
+ Les glandes séricigènes produisent de la soie filée par de petites protubérances articulées (les filières), le plus souvent au nombre de 6, situées sur la face ventrale plus ou moins à l'extrémité de l'abdomen. La soie est liquide dans les glandes, mais se solidifie en fibrilles une fois sortie par les fusules, sous l'effet de la traction exercée par les pattes de l'animal et au contact de l'air. Le fil de soie est en fait constitué par un entrelacement d'un nombre élevé de fibrilles élémentaires, de 0,05 µm de diamètre chacun. Le diamètre du fil de soie varie entre 25 et 70 µm (à diamètre équivalent, ces fils sont réputés plus résistants que l'acier et possèdent une mémoire de forme 5 à 12 fois plus grande que le latex).
58
+
59
+ Les araignées produisent plusieurs types de soies en fonction de l'usage qu'elles vont en faire. La soie collante n'est qu'un des types existants.
60
+
61
+ Principaux usages de la soie :
62
+
63
+ On considère que l'usage initial de la soie était la fabrication du cocon pour protéger les œufs, car les araignées considérées comme « primitives » ne tissent pas de toile.
64
+
65
+ Plus de la moitié des espèces ne construisent pas de toile. D'ailleurs, la tendance évolutive de la stratégie de chasse chez les araignées est d'abandonner la chasse à l'aide de ce piège au profit de la chasse à courre ou à l'affût[28]. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet abandon : la prédation par les toiles exerce de fortes pressions sélectives sur les populations de proies qui développent une « course aux armes » (écailles des lépidoptères qui restent collées à la toile alors que les papillons peuvent se dégager) ; les araignées tisseuses de toiles sont elles-mêmes plus vulnérables aux prédateurs spécialisés (guêpes arachnophages du genre Sceliphron, araignées cannibales de la famille des Mimetidae, oiseaux, lézards ou petits mammifères)[29].
66
+
67
+ La plupart des espèces d'araignées possèdent des glandes à venin[30].
68
+
69
+ L'envenimation humaine après une morsure d'araignée, appelée aranéisme, cause des troubles provoqués par des arachnotoxines. Des quelque 42 000 espèces décrites, seules 200 espèces de 20 genres différents peuvent provoquer une réaction épidermique chez l'homme (depuis de simples boutons[31] jusqu'aux dermonécroses) et une vingtaine présente un danger pour les êtres humains[32]. Les morsures d'araignées sont rares chez l'homme, soit parce que les araignées sont trop petites pour pouvoir percer la peau humaine[33], soit parce qu'elles n'ont pas de comportement agressif, la morsure étant une attitude de défense utilisée qu'en dernier recours[34]. Enfin, la rencontre physique avec ces animaux est rare[35].
70
+
71
+ Des espèces appartenant aux mygalomorphes possèdent des poils urticants sur l'abdomen.
72
+
73
+ Parmi les espèces potentiellement dangereuses, citons certaines veuves noires, l’Atrax robustus présent en Australie, et les "araignées-bananes" du genre Phoneutria au Brésil. Une dizaine de morts attribuées aux araignées sont recensées annuellement, et encore les causes ne sont pas dues uniquement à l'envenimation mais aussi aux surinfections[36]. Dans ces rares cas, toutefois, la preuve qu'il s'agit bien d'une morsure d'araignée est souvent absente[37].
74
+
75
+ Les araignées possèdent deux chélicères à l'avant du corps qui encadrent la bouche : ce sont ces appendices qui injectent du venin. Elles sont constituées d'un gros stipe et d'un crochet mobile au bout duquel débouche le canal à venin. Ces chélicères peuvent aussi servir à transporter des proies, à les dilacérer, à transporter le cocon ovigère, etc.
76
+
77
+ Le venin peut être composé de nombreuses toxines nécrotiques (genre Loxosceles) ou neurotoxines. Parmi ces dernières, signalons celles de type polyamine agissant sur le système nerveux central, en particulier en inhibant la fonction des canaux NMDA. Il existe beaucoup de molécules décrites provenant de venin d'araignée. Leur étude a permis le développement de plusieurs molécules d'intérêt clinique. Elles donnent aussi quelques outils de choix dans des recherches plus fondamentales. Des centaines, voire des milliers de publications scientifiques traitent des nombreuses toxines isolées du venin des araignées et l'énoncé des propriétés spécifiques à chacune dépasse largement le cadre d'une encyclopédie.
78
+
79
+ Comme chez tous les arthropodes, la croissance se fait par mues successives de l'exosquelette. Selon les espèces, il y a de 8 à 13 mues pour atteindre l'état adulte. Les mygales continuent de muer à peu près une fois par an après avoir atteint l'âge adulte.
80
+
81
+ Le dimorphisme sexuel des araignées est généralement faible, les femelles se distinguant par une taille supérieure et un abdomen plus gros. Les mâles adultes se reconnaissent, en plus de leur petite taille, à leurs pédipalpes qui portent à leur extrémité un organe de stockage de sperme appelé bulbe copulatoire.
82
+ La différence de taille est parfois spectaculaire, comme chez les néphiles où il est difficile de croire qu'il s'agit de la même espèce.
83
+
84
+ Les araignées sont ovipares : elles pondent des œufs, qui sont emballés dans un cocon de soie. En fonction de la taille de l'espèce, le nombre d'œufs varie de un à plusieurs milliers. Si certaines espèces abandonnent le cocon, d'autres le transportent accroché aux filières ou maintenu par les chélicères. Chez ces dernières espèces, dès leur éclosion, les jeunes montent sur le dos de leur mère qui les protège et les nourrit jusqu'à ce qu'ils soient capables de se défendre.
85
+
86
+ Beaucoup d'espèces ont une parade nuptiale élaborée consistant surtout pour le mâle à se faire distinguer d'une proie pour éviter d'être dévoré par la femelle. Il développe plusieurs stratégies de survie pour lutter contre ce cannibalisme sexuel : il peut attacher les pattes de sa femelle avant l'accouplement ou lui apporter directement un cadeau comestible[38]. Le cannibalisme nuptial après l'accouplement fournit un complément nutritif à la femelle qui augmente sa fécondité (cas de la veuve noire Latrodectus mactans, de l'épeire Araneus diadematus). Ce cannibalisme sexuel serait un mécanisme adaptatif visant à favoriser la reproduction en augmentant la durée de l'accouplement[39].
87
+
88
+ Le mâle tisse une toile spermatique sur laquelle il dépose son sperme, qu'il aspire ensuite dans ses bulbes copulateurs.
89
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90
+ Les araignées sont réputées pour leur vie solitaire. Cependant, une trentaine d'espèces présentent une « vie sociale » élaborée[40]. Ces espèces dont Agelena consociata ou Anelosimus eximius sont généralement localisées dans des régions tropicales. Les colonies peuvent inclure des dizaines voire des centaines d'individus de tous âges et présentent une organisation sociale sophistiquée incluant la construction collective d'un piège soyeux pouvant atteindre un volume de plusieurs m³, la coopération dans la chasse et les soins aux jeunes. La communication entre les individus est phéromonale mais également basée sur les vibrations de la toile, qui permettent de transmettre rapidement des informations au groupe[41]. À la différence des insectes eusociaux (fourmis, certaines espèces d'abeilles), les araignées sociales ne présentent pas de division du travail reproductif. Toutes les espèces d'araignées solitaires présentent néanmoins une phase grégaire temporaire suite de l'émergence du cocon des juvéniles. À l'issue de cette phase grégaire, dont la durée est variable selon les espèces, les araignées se dispersent pour mener une vie solitaire[40].
91
+
92
+ Les consommateurs occasionnels des araignées sont des prédateurs qui, entre autres proies, se nourrissent d'araignées à tous les stades de développement. On compte les Arachnides et surtout les araignées[42], mais également des oiseaux[43], des reptiles comme le lézard vivipare pour lequel les araignées occupent une très forte proportion dans son alimentation[44], ou encore de micro-mammifères telle la musaraigne qui peut limiter sensiblement des populations d'araignées[45]. Des acariens ont été mentionnés détruisant des œufs d'araignée dans certaines conditions[46]. Les insectes[47] occupent une place privilégiée en tant que consommateurs spécialisés d'araignées, que ce soit comme consommateurs d’œufs, endoparasites ou ectoparasites[48]. Les insectes qui recherchent les cocons d'araignées pour y déposer leur ponte sont les plus abondants, tel le Tromatobia ornata en liaison avec les caractéristiques des cocons d'Argiope bruennichi qu'il infeste[49].
93
+
94
+ Bien que les araignées soient rarement bien préservées dans les couches fossiles du fait de leur fragilité et d'un corps mou (ce qui explique que les sources les plus fréquentes proviennent d'inclusions dans l'ambre), les arachnologues ont identifié parmi tous les fossiles examinés près de 1 000 espèces différentes[50].
95
+
96
+ Le plus ancien fossile d'Arachnide connu, découvert en 1987, est l'espèce Attercopus fimbriunguis datant de 386 millions d'années (période du Dévonien), soit 100 millions d'années avant les dinosaures et juste une dizaine de millions d'années après la sortie des eaux des Arthropodes au Silurien[51]. Possédant une mâchoire pourvue de crochets sur lesquels se trouvent des canaux à poison et les plus vieux organes producteurs de soie connus, ce fossile a depuis fait l'objet d'une réinterprétation qui le place désormais dans un genre éteint d'arachnide. La soie débouche en effet au niveau de simples conduits sur la face ventrale de l'abdomen et non sur des appendices pluriarticulés, les filières, organes éminemment caractéristiques des Araignées[52]. Les plus anciens fossiles d'araignées à ce jour appartiennent au sous-ordre des Mesothelae, avec notamment l'espèce Paleothele montceauensis qui date de 299 million d'années (période du carbonifère inférieur)[53]. À partir du Trias, la diversification des Aranae est rapide et, au Crétacé, les principales familles actuelles sont déjà présentes[54].
97
+
98
+ Les études génomiques et biomoléculaires complètes sont encore rares, mais de nombreux travaux ont porté sur les gènes et les protéines d'araignées, qui aideront à éclairer leur biologie des araignées. Ces travaux montrent des chemins évolutifs complexes qui ont permis de développer une grande variété de comportements, de soies et de venins[55]. En 2017, trois génomes complets ont été séquencés (Nephila, une araignée sociale africaine de la famille des Eresidae et une araignée domestique commune[55].
99
+
100
+ L'ordre des Araneae se subdivise aujourd'hui en deux sous-ordres : le sous-ordre des Mesothelae (0,2 % des espèces décrites), dont les membres sont des espèces primitives de l'Asie, présentes dès le Carbonifère ; et le sous-ordre des Opisthothelae présent dès le Trias, qui est constitué des infra-ordres des Araneomorphae (les espèces modernes, 93,4 % des espèces d'araignées décrites à ce jour) et des Mygalomorphae (mygales, 6,4 % des espèces décrites)[56].
101
+
102
+ Certaines araignées fréquentent les milieux humides. L'Argyroneta est inféodée au milieu aquatique. Des membres de la famille des Pisauridae, notamment ceux du genre Dolomedes, vivent au bord des cours d'eau, sur les plantes aquatiques et chassent leurs proies dans le milieu liquide. Des araignées marines vivent dans la zone de balancement des marées et sont régulièrement immergées à marée haute (Mygales tropicales de la famille des Barychelidae, représentants de la famille des Amaurobioidae[57] et des Desidae[58]). D'autres sont capables de coloniser de hauts glaciers d'altitude, telle l’Euophrys omnisuperstes découverte à 6 700 m d'altitude dans le massif de l'Everest[59].
103
+
104
+ Les 47 000 espèces d'araignées recensées à ce jour sont diverses : de 10 cm chez certaines mygales à 0,2 mm chez les plus petites (araignée Patu marplesi)[60].
105
+
106
+ Heteropoda maxima est la plus grande araignée connue à ce jour, avec une envergure pattes étalées de 25 à 30 cm pour un corps de 46 mm au maximum[61].
107
+
108
+ La Tégénaire géante détient le record de vitesse de déplacement dans le Livre Guinness des records, cette espèce pouvant parcourir 0,53 mètre par seconde[62].
109
+
110
+ Pour les Araignées, les densités observées varient en moyenne de 20 à 120 individus par m2 selon les types d'agrosystèmes[63]. Elles peuvent atteindre plus de 800 individus au m2 dans les prairies les plus fertiles[64].
111
+
112
+ Il y aurait 117 familles d'Arachnea selon le World Spider Catalog[65].
113
+
114
+ Quelques familles et regroupements importants :
115
+
116
+ Araignée-loup et son Cephalothorax (vue de face)
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+ Pisaura mirabilis
119
+
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+ Pisaura mirabilis ou Pisaure admirable.
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+ Araneus diadematus
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+ Araneus marmoreus
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+ Argiope
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+ Selon les cultures, les araignées sont perçues avec crainte, méfiance ou respect. Les toiles que tissent de nombreuses espèces a inspiré des légendes. Quelques espèces d'araignées se sont adaptées à la présence humaine et sont devenues synanthropes (tégénaires, pholques, zygielle des fenêtres). Une espèce est consommée au Cambodge.
129
+
130
+ Malgré la crainte qu'elles provoquent chez certaines personnes, les araignées ne représentent pas une menace sérieuse pour l'Homme : selon la spécialiste Christine Rollard, professeure au Muséum National d'Histoire Naturelle, « Pour les araignées, nous ne sommes pas des proies : nous ne sommes rien ! », et celles-ci n'ont aucune raison de s'attaquer gratuitement à un être humain, car leur venin est précieux et représente leur seul moyen de défense comme d'alimentation, et ne doit donc pas être gaspillé. Ainsi, une grande partie des « morsures d'araignées » signalées sont en réalité dues à d'autres animaux, et les morsures de défense (par exemple si l'animal est saisi et se sent menacé) se font souvent sans injection de venin, par économie. Toujours selon Christine Rollard, « quand bien même elles en injecteraient, celui-ci est très peu actif sur les gros mammifères que nous sommes. Aucune araignée n’est mortelle pour l’Homme. »[66]. La morsure de quelques espèces est potentiellement dangereuse à cause de l'envenimation, mais surtout à cause des réactions inflammatoires et des surinfections[67].
131
+
132
+ Depuis au moins quatre mille ans, l'araignée est utilisée comme symbole dans de nombreuses civilisations, soit comme prédatrice (on la retrouve dans de nombreux films d'épouvante), soit en raison de sa toile étonnamment régulière, fragile[68] et évoquant la fragilité de nos certitudes et des apparences trompeuses[69], régulièrement reconstruite (1 à 2 fois par jour pour certaines espèces), mais si bien adaptée au piégeage des insectes, soit en raison du fil qu'elle tisse, qui évoque celui des Parques. L'araignée (ou sa toile) est présente dans certains décors, et dans divers mythes fondateurs en tant que démiurge, créatrice cosmique. Connue sous le nom de « Anansi » en Afrique de l'Ouest, elle est présentée comme ayant préparé le matériau qui a produit les premiers hommes. Créatrice du Soleil rayonnant, de la Lune et des étoiles, elle aurait aussi apporté les céréales et la houe aux hommes. Au Mali, une légende raconte que déguisée en oiseau, elle régule le temps et initie la rosée (Tegh 56). En Inde, les Upanishad voient un symbole de liberté dans l'araignée qui peut descendre, mais surtout s'élever le long du fil qu'elle crée selon ses besoins ; le fil équivalent du yogi étant la syllabe « Om̐ » qui doit lui permettre de s'élever jusqu'à la révélation et à la libération[70].
133
+
134
+ Au Cameroun, les Bamouns pensaient autrefois que la mygale pouvait déchiffrer l'avenir. Le Ngaame (un des noms de la mygale) est lié au destin des hommes qu'il peut lire et traduire. On place des signes divinatoires au-dessus du trou d'une mygale et on interprète leur position après que celle-ci les a déplacés la nuit[71].
135
+ Certains initiés Bambara ont le droit d'être appelés araignées, pour avoir atteint un niveau de vie intérieure et d'intuition réalisatrice très élevés[72].
136
+
137
+ Les Incas du Pérou utilisaient aussi l'araignée pour la divination (une araignée qui n'a pas au moins une patte pliée lorsqu'on soulève le pot sous lequel elle était maintenue prisonnière était un mauvais présage). Les Muisca lui attribuaient le pouvoir, sur un bateau en toile d'araignée, de transporter les âmes sur le fleuve des âmes des morts, et pour les Aztèques, elle symbolisait le dieu des enfers[73].
138
+ Elle est un symbole parfois très positif, tel que chez les peuples altaïques de Sibérie et d'Asie centrale où on pensait qu'elle était une âme libérée d'un corps, ou un animal psychopompe. Les peuples montagnards du Sud-Viêt Nam ne doivent pas tuer d'araignées, car c'est une âme échappée de personnes qui dorment. La tuer pourrait tuer le dormeur.
139
+
140
+ On la retrouve plus ambigüe dans le mythe d'Arachné en zone méditerranéenne ; Arachné était une belle jeune fille ayant défié les dieux, qui s'est suicidée après avoir été frappée par Athéna qui n'avait pas supporté la beauté de ses toiles, mais à laquelle Athéna a ensuite donné une seconde vie en la transformant en araignée[74].
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+
142
+ En Micronésie, dans les îles Gilbert, le seigneur araignée est l'être initiateur de tous les autres[75].
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+
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+ Les Ashantis pensent que les hommes ont été créés par une araignée primordiale.
145
+ Des psychologues, sociologues, ethnologues et psychanalystes (Beaudoin par exemple) se sont intéressés au symbole que peut représenter l'araignée dans l'arachnophobie, l'araignée prédatrice, mais dont la vie ne tient qu'à un fil, certains y voyant aussi un symbole sexuel.
146
+
147
+ Le réseau de fils de la toile d’araignée (spiderweb) est à l’origine de l'utilisation du mot anglais Web, symbolisant le système d’interconnexion complexe de ce réseau.
148
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+ À part dans certains films (notamment ceux qui parlent de Spider-Man), l'araignée est souvent utilisée pour la peur et l'épouvante qu'elle véhicule. Ainsi, elle est souvent associée à l'ennemi du héros, à un monstre angoissant ou un nuisible qu'il faut éradiquer.
150
+
151
+ Ainsi, Arachne, est un des monstres que doit combattre le héros de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Pour les raisons précitées, l'araignée est souvent utilisée dans des films d'épouvante. Un des films qui exploitent le mieux son caractère monstrueusement angoissant est Arachnophobie de Frank Marshall, avec Jeff Daniels, sorti en 1990. Plus ancien, le téléfilm américain La Malédiction de la veuve noire de Dan Curtis sorti en 1977 met en scène une histoire fantastique où, pendant la pleine lune, une femme présentant une marque rouge en forme de sablier sur l'abdomen (tout comme la veuve noire d'Amérique du Nord Latrodectus mactans) se transforme en araignée à taille humaine et tue ses victimes avant de les emmailloter dans sa toile et de les dévorer. Beaucoup plus ancien et improbable, Tarantula ! de Jack Arnold avec John Agar et Leo G. Carroll, sorti en 1955 met en scène une araignée géante qui effraie les populations à la façon de Godzilla. Ce film a la particularité d'incruster une véritable mygale agrandie par effet optique, ce qui donne un effet d'un réalisme saisissant pour l'époque. En 1957, L'Homme qui rétrécit met en scène un combat entre Grant Williams rétrécissant inexorablement face à une araignée. Enfin, le film d'auteur s'est également penché de façon métaphorique sur l'étrangeté de l'animal grâce à Spider de David Cronenberg en 2002. La même année, sortait le film d'horreur grand public Arac Attack, les monstres à huit pattes, teinté d'une dose d'humour. En 2014 sort en France le film Enemy, de Denis Villeneuve, où l'araignée possède une symbolique propre et permet de déchiffrer l'intrigue du film.
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+
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+ En bande dessinée, on évoquera l'album de Tintin, L'Étoile mystérieuse, qui joue à deux reprises sur la peur des araignées.
154
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+ Plusieurs facteurs de menace s'additionnent :
156
+
157
+ Dans certains pays asiatiques, comme au Cambodge (à Skun), on mange des araignées grillées ou frites.[réf. nécessaire]
158
+
159
+ Une étude a porté sur les communautés arachnologiques de pommiers, en termes de stratégies de chasse, cycle biologique des espèces et localisation dans l'environnement (sol, tronc, branches…). Elle a mis en évidence des groupes fonctionnels complémentaires, ayant une incidence démontrée sur chaque type de proies consommées. Les araignées, si on considère leurs espèces séparément, sont des prédateurs relativement spécialisés.
160
+
161
+ Conserver ou restaurer une grande biodiversité arachnologique sur un site cultivé accroît les potentialités de trouver l'espèce adaptée à protéger l'agro-écosystème considéré aux différentes époques de l'année. En complément d'autres espèces insectivores (reptiles, amphibiens, hirondelles et autres oiseaux, chauves-souris et autres mammifères insectivores), les araignées peuvent être incluses dans les stratégies de lutte biologique contre les insectes dits nuisibles[77].
162
+
163
+ En Europe, le labour ou les pesticides dans les vergers ont fait régresser, ou localement disparaitre, les espèces de plus grande taille (Clubionidae et Philodromidae[78]), qui comme plusieurs dizaines d'autres espèces européennes hibernent dans les fentes ou anfractuosités de troncs d'arbres (à condition que l'écorce n'en soit pas lisse)[78]. En l'absence de vieux arbres à écorces rugueuses, Pekar recommande la pose de gîtes artificiels d'hivernage, faits de bandes de carton sur les troncs de jeunes arbres aux écorces encore lisses[78] pour faciliter l'hivernage de ces espèces (retrouvées dans des vergers abandonnés, mais éliminées des vergers commerciaux non bio)[78].
164
+
165
+ Les Araneae sont des prédateurs polyphages de nombreux invertébrés dont certains peuvent être considérés comme nuisibles pour l'agriculture. Il existe une étroite correspondance entre la richesse, l'architecture et l'âge de la végétation, et la composition de la communauté d'araignées associées, au point que pour plusieurs pays européens, des auteurs ont pu proposer des méthodes de classifications écologiques des habitats naturels uniquement fondées sur la diversité des araignées.
166
+
167
+ L'écologue, l'agriculteur ou l'arboriculteur peuvent les considérer comme des auxiliaires efficaces, mais aussi les utiliser comme des bioindicateurs de l'état général du milieu[79], dans le cadre de l'évaluation environnementale d'une parcelle (biodiagnostic) agricole ou d'un diagnostic agroenvironnemental[79].
168
+
169
+ Le taux de croissance ou le taux de reproduction observés dans les populations naturelles peut être corrélé avec la quantité de proies ingérées dans le domaine[79]. En outre, en zone tempérée européenne, une corrélation négative significative a été observée entre grosses araignées (Philodromidae) et petites espèces (Theridiidae, Dictynidae)[78]. Néanmoins, il ne semble pas y avoir de corrélation linéaire entre Philodromidae : Clubionidae, Clubionidae: Theridiidae, et Clubionidae: Dictynidae, ce qui laisse penser que les Clubionidae n'interagissent pas avec les autres espèces sur les sites d'hivernage où l'activité de prédation est de toute façon très limitée[78].
170
+
171
+ Les araignées semblent pouvoir aussi être utilisées dans la bioindication de pollutions de l'air et du sol par les pesticides, y compris dans les vergers, où près de 30 espèces peuvent hiverner sur les troncs (comptages faits en Tchéquie[78]). Les vergers commerciaux ont perdu leurs grosses araignées au profit de quelques petites espèces qui semblent plus « tolérantes » aux pesticides (ou qui sont apportées par le vent)[78].
172
+
173
+ Les araignées peuvent aussi renseigner sur la pollution par les métaux lourds[79] ou d'autres modifications anthropiques de l'environnement, ainsi que pour la gestion ou gestion restauratoire des agroécosystèmes[80].
174
+
175
+ Selon les espèces, la durée et les possibilités de recolonisation d'un champ (après un labour ou un traitement pesticides par exemple) ou d'un site particulier varient fortement. Certaines espèces se laissant porter par le vent ont un haut pouvoir de recolonisation, d'autres espèces sont peu mobiles[79]. La conservation ou restauration d'une trame verte et bleue incluant des bandes enherbées et du bocage sont nécessaires à la préservation d'une bonne biodiversité en araignées.
176
+
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+ Les venins d'araignées ont été étudiés, notamment pour produire des sérums ou médicaments.
178
+ Le fil produit par certaines araignées est plus solide que l'acier, à épaisseur égale (il est utilisé pour fabriquer le réticule des télescopes). Le gène qui en contrôle la production a été isolé, et l'industrie biotechnologique tente de l'introduire par transgenèse dans le génome d'autres espèces pour en faire un OGM capable de produire un fil solide permettant par exemple de fabriquer des gilets pare-balles plus légers.
179
+
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+ Le fil de l'araignée (plus solide et plus élastique que l'acier, à épaisseur égale) a inspiré des chercheurs en génie génétique qui cherchent à le valoriser pour des textiles spéciaux. Des espèces sont capables de se déplacer en sautant ou en se laissant porter par le vent ou en marchant sur l'eau, ou encore en se laissant rouler (dont une araignée du genre Cebrennus qui dans le Sahara utilise ses pattes de manière à accélérer ses roulades le long des pentes), ce qui inspire aussi certains chercheurs et auteurs de science-fiction pour de nouveaux modèles de robots ou véhicules[81].
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+ Le pétrole (en latin petroleum, du grec petra, « roche », et du latin oleum, « huile »), dit aussi naphte dans l'antiquité, est une roche liquide d'origine naturelle, une huile minérale composée d'une multitude de composés organiques, essentiellement des hydrocarbures, piégée dans des formations géologiques particulières.
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3
+ L'exploitation de cette source d'énergie fossile et d'hydrocarbures est l’un des piliers de l’économie industrielle contemporaine, car le pétrole fournit la quasi-totalité des carburants liquides — fioul, gazole, kérosène, essence, GPL — tandis que le naphta produit par le raffinage est à la base de la pétrochimie, dont sont issus un très grand nombre de matériaux usuels — plastiques, textiles synthétiques, caoutchoucs synthétiques (élastomères), détergents, adhésifs, engrais, cosmétiques, etc. — et que les fractions les plus lourdes conduisent aux bitumes, paraffines et lubrifiants. Le pétrole dans son gisement est fréquemment associé à des fractions légères qui se séparent spontanément du liquide à la pression atmosphérique, ainsi que diverses impuretés comme le dioxyde de carbone, le sulfure d'hydrogène, l'eau de formation et des traces métalliques.
4
+
5
+ Avec 32,0 % de l'énergie primaire consommée en 2017, le pétrole est la source d'énergie la plus utilisée dans le monde devant le charbon (27,1 %) et le gaz naturel (22,2 %) ; sa part a fortement reculé : elle atteignait 46,3 % en 1973.
6
+
7
+ En 2019, selon BP, les réserves mondiales prouvées de pétrole atteignaient 244,6 Gt (milliards de tonnes), en progression de 13,2 % par rapport à 2009 et de 35,8 % par rapport à 1999. Elles représentaient 49,9 années de production au rythme de 2019, soit 4,48 Gt, dont 37,5 % produits par les pays membres de l'OPEP ; les trois principaux producteurs totalisaient 42,4 % de la production mondiale : États-Unis 17,9 %, Russie 12,1 % et Arabie saoudite 12,4 %. Les principaux importateurs de pétrole sont l'Europe, la Chine, les États-Unis, l'Inde et le Japon ; les principaux exportateurs sont l'Arabie saoudite, la Russie, l'Irak, le Canada, les Émirats arabes unis et le Koweït.
8
+
9
+ L'Agence internationale de l'énergie évalue les émissions mondiales de CO2 dues au pétrole à 11 232 Mt (millions de tonnes) en 2016, en progression de 32,2 % depuis 1990 ; ces émissions représentent 34,6 % des émissions dues à l'énergie en 2017, contre 44,2 % pour le charbon et 20,5 % pour le gaz naturel.
10
+
11
+ Le substantif masculin[1],[2],[3],[4] pétrole est un emprunt[1],[2] au latin médiéval petroleum, proprement « huile de pierre »[2], composé de petra et oleum, respectivement « pierre » et « huile » en latin classique.
12
+
13
+ Chaque gisement pétrolier recèle une qualité particulière de pétrole, déterminée par la proportion relative en molécules lourdes et légères, mais aussi par la quantité d'impuretés. L'industrie pétrolière caractérise la qualité d'un pétrole à l'aide de sa densité API, correspondant à sa « légèreté » : un brut de moins de 10 °API est plus dense que l'eau et correspond à un bitume, tandis qu'une huile de plus de 31,1 °API correspond à un brut léger. Les pétroles compris entre 10 et 45 °API étaient dits conventionnels, tandis qu'en dehors de cet intervalle les pétroles étaient dits non conventionnels ; cette définition est néanmoins évolutive car les technologies actuelles permettent de traiter par des procédés standards des pétroles jusqu'alors considérés comme exotiques : les condensats, situés au-delà des 45 °API, en sont une bonne illustration.
14
+
15
+ Les diverses catégories de pétrole non conventionnel constituent aujourd'hui un axe majeur du développement de l'industrie pétrolière. Une de ces catégories est le pétrole brut de synthèse issu du schiste bitumineux et des sables bitumineux. BP estime les réserves de sables bitumineux fin 2019 à 424 Mds bl (261,8 Mds bl au Venezuela et 162,4 Mds bl au Canada) ; l'intégration du pétrole de schiste a plus que doublé les réserves des États-Unis, de 29,7 Mds bl en 2009 à 68,9 Mds bl en 2019. Les réserves de sables bitumineux de l'Athabasca, dans la province de l'Alberta au Canada, dépassent de loin les réserves de brut conventionnel canadien, estimées à 7,3 Mds bl[b 1].
16
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+ Si les quantités sont impressionnantes, la rentabilité économique de l'exploitation de ces gisements est sensiblement inférieure à celle des gisements de brut conventionnel du Moyen-Orient, avec des coûts d'exploitation de 10 à 14 CAD par baril[5] contre quelques USD par baril en Arabie saoudite. Mais les coûts complets de production, y compris investissements, sont beaucoup plus élevés, entre 40 et 80 Dollars canadiens par baril[6]. Les chiffres sont assez variables à ce sujet, tout en restant nettement plus élevés que ceux des productions traditionnelles. En 2011, le cours du baril à proximité de 100 USD rendait toutes ces opérations très rentables, ce qui n'est plus le cas en 2015 avec l'effondrement des cours du pétrole à 50 USD par baril, et encore moins début 2020 avec la chute de 45 % à environ $25 Dollars le baril.
18
+
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+ Par ailleurs, l'exploitation (production et raffinage primaire) des sables bitumineux est fortement polluante (air, eau, terre) et est de ce fait fortement contestée tant au niveau de la production que des échanges.
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+
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+ D'autres variétés de pétrole non conventionnelles sont également envisagées, telles que le charbon liquéfié, l'essence synthétique et les pétroles issus de la biomasse.
22
+
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+ Le pétrole, tout comme le charbon, s'est formé par la décomposition de résidus d'organismes vivants qui se sont transformés en pétrole par des processus chimiques sur des millions d'années. Des scientifiques ont réussi à produire du pétrole à l'aide de certains types d'algues[7].
24
+
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+ Le pétrole est un produit de l'histoire géologique d’une région[8], et particulièrement de la succession de trois conditions :
26
+
27
+ De grandes quantités de pétrole se sont ainsi formées il y a 20 à 350 millions d’années. Ensuite, comme un gisement de pétrole est entraîné dans la tectonique des plaques, l’histoire peut se poursuivre. Il peut être enfoui plus profondément et se pyrolyser à nouveau, donnant un gisement de gaz naturel - on parle alors de « gaz thermogénique secondaire », par opposition au « gaz thermogénique primaire » formé directement par pyrolyse du kérogène. Le gisement peut également fuir, et le pétrole migrer à nouveau, vers la surface ou un autre piège.
28
+
29
+ Il faut ainsi un concours de circonstances favorables pour que naisse un gisement de pétrole (ou de gaz), ce qui explique d’une part que seule une infime partie de la matière organique formée au cours des ères géologiques ait été transformée en énergie fossile et, d’autre part, que ces précieuses ressources soient réparties de manière très disparate dans le monde.
30
+
31
+ En règle générale, la biosphère recycle la quasi-totalité des sous-produits et débris. Cependant, une petite minorité de la matière « morte » sédimente, c’est-à-dire qu’elle s'accumule par gravité et est enfouie au sein de la matière minérale, et dès lors coupée de la biosphère. Ce phénomène concerne des environnements particuliers, tels que les endroits confinés (milieux paraliques : lagunes, deltas…), surtout en milieu tropical et lors de périodes de réchauffement climatique intense (comme le silurien, le jurassique et le crétacé), où le volume de débris organiques excède la capacité de « recyclage » de l’écosystème local. C’est durant ces périodes que ces sédiments riches en matières organiques (surtout des lipides) s’accumulent.
32
+
33
+ Au fur et à mesure que des couches de sédiments se déposent au-dessus de cette strate riche en matières organiques, la « roche-mère » ou « roche-source », croît en température et en pression. Dans ces conditions, avec certaines bactéries anaérobies, la matière organique se transforme en kérogène, un « extrait sec » disséminé dans la roche sous forme de petits grumeaux.
34
+ Si la température devient suffisante (le seuil est à au moins 50 °C, généralement plus selon la nature de la roche et du kérogène), et si le milieu est réducteur, le kérogène sera pyrolysé, extrêmement lentement[9].
35
+
36
+ Le kérogène produit du pétrole et/ou du « gaz naturel », qui sont des matières plus riches en hydrogène, selon sa composition et les conditions d’enfouissement. Si la pression devient suffisante, ces fluides s’échappent, ce qu’on appelle la migration primaire. En général, la roche source a plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’années quand cette migration se produit. Le kérogène lui-même reste en place, appauvri en hydrogène.
37
+
38
+ Quant aux hydrocarbures expulsés, plus légers que l’eau, ils s’échappent en règle générale jusqu’à la surface de la Terre où ils sont oxydés, ou bio dégradés (ce dernier cas donne des sables bitumineux), mais une minime quantité est piégée : elle se retrouve dans une roche réservoir, zone perméable (généralement du sable, des carbonates ou des dolomites) d'où il ne peut s’échapper à cause d’une roche couverture couche imperméable (composée d’argile, de schiste et d'évaporites), la « roche piège » formant une structure-piège.
39
+
40
+ Il existe plusieurs types de pièges. Les plus grands gisements sont en général logés dans des pièges anticlinaux. On trouve aussi des pièges sur faille ou mixtes anticlinal-faille, des pièges formés par la traversée des couches par un dôme salin, ou encore créés par un récif corallien fossilisé.
41
+
42
+ La théorie du pétrole abiotique (aussi connue sous la dénomination anglaise de modern Russian-Ukrainian theory) fut essentiellement soutenue par les Soviétiques dans les années 1950 et 1960. Son principal promoteur, Nikolai Kudryavtsev, postulait la formation de pétrole dans le manteau terrestre à partir d'oxyde de fer II (FeO), de carbonate de calcium (CaCO3) et d'eau. Il indiquait également que cette réaction devait théoriquement se produire si la pression est supérieure à 30 kbar (correspondant aux conditions qui règnent naturellement à une profondeur supérieure à 100 km dans le manteau terrestre).
43
+
44
+ Rendue obsolète au fur et à mesure que la compréhension des phénomènes géologiques et thermodynamiques en jeu progressaient[10], la théorie du pétrole abiotique reste marginale au sein de la communauté scientifique. En pratique, elle n'a jamais pu être utilisée avec succès pour découvrir de nouveaux gisements.
45
+
46
+ On distingue les pétroles en fonction de leur origine et donc de leur composition chimique. Le mélange d’hydrocarbures issu de ce long processus comprend des chaînes carbonées linéaires plus ou moins longues, ainsi que des chaînes carbonées cycliques naphténiques ou aromatiques.
47
+
48
+ Il est aussi possible de distinguer les différents types de pétrole selon leur densité, leur fluidité, leur teneur en soufre et autres impuretés (vanadium, mercure et sels) et leurs proportions en différentes classes d’hydrocarbures. Le pétrole est alors paraffinique, naphténique ou aromatique.
49
+
50
+ On classe aussi les pétroles selon leur provenance (golfe Persique, mer du Nord, Venezuela, Nigeria), car le pétrole issu de gisements voisins a souvent des propriétés proches.
51
+
52
+ Il existe des centaines de bruts de par le monde ; certains servent d'étalon pour établir le prix du pétrole d’une région donnée : les plus utilisés sont l'Arabian Light (brut de référence du Moyen-Orient), le Brent (brut de référence européen) et le West Texas Intermediate (WTI, brut de référence américain). A un moindre niveau, les pétroles produits dans les provinces de l'ouest du Canada, en particulier l'Alberta ont un indice de prix moyen dit 'WCS' pour Western Canadian Select.
53
+ Organisation des pays exportateurs de pétrole ('OPEP', 'OPEC' en anglais) publie un indice de référence de prix moyen établi sur un panier de différents types de pétroles produits par ses membres, dit 'ORB' (OPEC Reference Basket).
54
+
55
+ Selon sa provenance, le brut peut contenir du gaz dissous, de l’eau salée, du soufre et des produits sulfurés (thiols, mercaptans surtout). Il a une composition trop riche pour être décrite en détail. Il faut distinguer simplement trois catégories de brut :
56
+
57
+ De plus, il existe des bruts aptes à faire du bitume, ce sont des bruts très lourds de type Boscan, Tia Juana, Bachaquero ou Safaniyah. Les deux principaux critères pour classer les centaines de bruts différents qui existent sont la densité et la teneur en soufre, depuis le plus léger et le moins sulfureux (qui a la plus haute valeur commerciale) qui est du condensat, jusqu’au plus lourd et au plus sulfureux qui contient 90 % de bitume environ : c’est un brut d’Italie.
58
+
59
+ Le pétrole est connu et utilisé depuis la plus haute Antiquité. Il forme des affleurements[11] dans les lieux où il est abondant en sous-sol ; ces affleurements ont été utilisés de nombreuses façons : calfatage des bateaux[12], ciment pour le pavage des rues, source de chauffage et d'éclairage, et même produit pharmaceutique. Sa distillation, décrite dès le Moyen Âge, donne un intérêt supplémentaire à ce produit pour les lampes à pétrole.
60
+
61
+ D'après le Dictionnaire Général des Drogues[13] de Lemery revu et corrigé par Simon Morelot en 1807, « on se sert du pétrole en médecine, dans les maladies des muscles, la paralysie, la faiblesse des nerfs, et pour les membres gelés, en friction. On s'en sert aussi pour les ulcères des chevaux ».
62
+
63
+ À partir des années 1850, le pétrole fait l'objet d'une exploitation et d'une utilisation industrielle. Il est exploité en 1857 en Roumanie, en 1859 aux États-Unis, dans l'État de Pennsylvanie, et en 1861 à Boryslav en Ukraine. À partir de 1910, il est considéré comme une matière première stratégique, à l'origine de la géopolitique du pétrole. La période 1920-1970 est marquée par une série de grandes découvertes de gisements, particulièrement au Moyen-Orient, qui fait l'objet de toutes les convoitises. Les marchés des produits pétroliers se développent également ; outre les carburants comme l'essence, le gazole et le fioul lourd, qui accompagnent l'essor des transports dans leur ensemble, l'industrie pétrolière génère une myriade de produits dérivés, au nombre desquels les matières plastiques, les textiles et le caoutchouc artificiels, les colorants, les intermédiaires de synthèse pour la chimie et la pharmacie. Ces marchés permettent de valoriser la totalité des composants du pétrole. En 1970, la production de pétrole des États-Unis atteint un maximum, qu'avait prédit le géophysicien Marion King Hubbert.
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+
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+ La période 1973-1980 marque l'histoire du monde avec les premier et deuxième chocs pétroliers. À partir de 1986, le contre-choc pétrolier voit le prix du baril s'effondrer. En 2003, le prix du baril remonte, en dépit d'une production toujours assurée et d'une relative paix mondiale, à cause de la spéculation sur les matières premières en général ; quand cette spéculation s'arrêtera brutalement en 2008, le prix du baril suivra cette évolution spectaculaire. Les années 2000 voient plusieurs nouveaux géants du secteur public dans les BRICS, comme Petrobras et Petrochina, réaliser les plus grandes introductions en Bourse de l'histoire du pétrole, avec des valorisations symboles de la confiance des investisseurs dans leur croissance.
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+ Source : BP[b 2]
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+ Les unités couramment utilisées pour quantifier le volume de pétrole sont les Mbbl ou Gbbl pour les réserves mondiales, les Mbbl/j pour la production, « bbl » signifiant « blue barrel », les préfixes « M » et « G » signifiant respectivement million et milliard (méga et giga). Un baril représente exactement 42 gallons (américains), soit 158,987 litres. Cette unité, bien qu’universellement utilisée pour le pétrole, n’est pas une unité légale, même aux États-Unis. Un tonne métrique de pétrole (1 000 kg) représente 7,3 barils, soit 306,6 gallons, soit 1 161 litres ; son contenu énergétique avoisine les 10 Gcal, soit à peu près 42 GJ, ou 11,6 MWh (thermiques), pour un pétrole de qualité "moyenne" ; cette quantité d'énergie permet de définir la tonne d'équivalent pétrole (tep, ou toe en anglais "tonne of oil equivalent").
70
+
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+ On trouve également des données en tonnes. Afin de permettre les comparaisons entre pétroles de pouvoir calorifique différent et avec les autres sources d'énergie, l'Agence internationale de l'énergie et nombre d'autres organismes (Eurostat, ministères de l'énergie de la plupart des pays) utilisent la tonne d'équivalent pétrole.
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+
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+ Pour avoir une idée des ordres de grandeur, il est possible d’examiner la capacité du plus grand réservoir connu de pétrole, Ghawar, qui est d’environ 70 Gbbl extractibles[N 1] et de la comparer à la production mondiale qui est de 81 Mbbl/j[N 2],[N 3]. On en déduit que le plus grand réservoir connu correspond à environ deux ans et demi de la consommation mondiale totale actuelle[N 4].
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+
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+ En 2019, selon BP, les réserves mondiales prouvées (réserves estimées récupérables avec une certitude raisonnable dans les conditions techniques et économiques existantes) de pétrole atteignaient 244,6 milliards de tonnes (1 733,9 milliards de barils), en baisse de 0,1 % par rapport à l'année précédente, mais en hausse de 13,2 % par rapport à 2009 et de 35,8 % par rapport à 1999. Elles représentaient 49,9 années de production au rythme de 2019[b 1].
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+
77
+ Les volumes d'hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) découverts ont chuté de 13 % en 2017 pour atteindre 11 milliards de barils, niveau le plus bas depuis les années 1990. Les dépenses d'exploration des compagnies ont chuté de 60 % depuis leur record atteint en 2014, et la taille des découvertes est de plus en plus petite[15].
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+
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+ Les réserves pétrolières désignent le volume de pétrole récupérable, à partir de champs de pétrole découverts, sur la base des contraintes économiques et techniques actuelles. Ce volume est estimé à partir de l'évaluation de la quantité de pétrole présente dans les champs déjà connus, affectée d'un coefficient minorant dépendant de la capacité des technologies existantes à extraire ce pétrole du sous-sol. Ce coefficient dépend de chaque champ, il peut varier de 10 à 50 %, avec une moyenne mondiale de l'ordre de 35 % en 2009. L'évolution des techniques tend à accroître ce coefficient (techniques de récupération assistée du pétrole).
80
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+ Les réserves sont rangées dans différentes catégories, selon leur probabilité d'existence dans le sous-sol : réserves prouvées (probabilité de plus de 90 %), réserves probables (de 50 à 90 %) et réserves possibles (de 10 à 50 %).
82
+
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+ On distingue également différentes sortes de réserves en fonction du type de pétrole : pétrole conventionnel ou pétroles non conventionnels. Les pétroles non conventionnels sont essentiellement constitués des huiles extra-lourdes, du sable bitumineux et des schistes bitumineux. La rentabilité des gisements de pétrole non conventionnels est incertaine, car la quantité d'énergie nécessaire à leur extraction est plus importante.
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+ Jusqu'au début des années 2000, les statistiques de réserves correspondaient aux réserves prouvées de pétrole conventionnel. Mais l'intégration des réserves des sables bitumineux (Canada, Venezuela) et des schistes bitumineux (États-Unis) a fortement relevé l'estimation des réserves mondiales, qui est passée de 1 277 Mds bl (milliards de barils) en 1999 à 1 532 Mds bl en 2009, dont 303 Mds bl de sables bitumineux (133,4 Mds bl au Venezuela et 169,8 Mds bl au Canada) ; les réserves mondiales sont passées à 1 734 Mds bl en 2009 du fait d'une réévaluation de celles du Venezuela à 261,8 Mds bl, ainsi que de l'intégration du pétrole de schiste, qui a plus que doublé les réserves des États-Unis, de 29,7 Mds bl en 2009 à 68,9 Mds bl en 2019[b 1].
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+
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+ La quantité de réserves dépend d'estimations très variables dans leur qualité et leur ancienneté. Elles sont donc remises à jour chaque année, au fur et à mesure que des informations plus précises sont apportées sur les gisements déjà découverts. Toutefois, les réserves des pays de l'OPEP, qui représentent les trois quarts des réserves mondiales, ont souvent été considérées comme sujettes à caution, car d'une part elles ont été artificiellement augmentées dans les années 1980, et d'autre part, les quantités de réserves annoncées par ces pays ne varient pas depuis cette augmentation malgré l'absence de découvertes majeures[16]. Ainsi, les réserves totales de onze pays de l'OPEP en 2003 varient entre 891 milliards de barils selon l'OPEP et 491 milliards de barils selon Colin Campbell, expert à l'ASPO[17].
88
+
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+ La courbe d'évolution des réserves dépend en outre de la façon dont les mises à jour sont comptabilisées dans le temps. Si les mises à jour sont comptabilisées à la date de découverte du gisement, les réserves sont dites backdated. Selon cette méthode d'estimation, préconisée par les experts de l'ASPO, la quantité des réserves mondiales de pétrole décroît depuis l'année 1980[18].
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+
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+ Les réserves ne tiennent pas compte des régions pétrolifères non connues. En 2009, la découverte de pétrole non conventionnel dans la région de l'Orénoque au Venezuela avec une réserve de 513 milliards de barils, a permis de compenser en partie la diminution des réserves de pétrole conventionnel (voir réserves du Venezuela[19]).
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+ Cependant, la tendance est à une diminution des découvertes de gisements depuis 1965. Au cours des années 2000, les quantités de pétrole découvertes chaque année représentaient approximativement un tiers de la production mondiale[20]. Les dix premiers gisements mondiaux en termes de débit de production ont tous été découverts avant 1976[21].
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+ Pour autant, selon une étude datant de juin 2012 publiée par l'université Harvard, la production de brut devrait largement augmenter les prochaines années grâce notamment au pétrole non conventionnel[22]. L'Agence internationale de l'énergie prévoit que la production de pétrole continuera à progresser de 90 mb/j (millions de barils par jour) en 2013 à 104 mb/j en 2040[23].
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+ La production mondiale de pétrole brut est estimée par l'AIE à 4 482 Mt en 2018 contre 2 869 Mt en 1973, soit une progression de 56 % en 45 ans ; les États-Unis sont en tête des pays producteurs avec 666 Mt, soit 14,9 % du total mondial, devant l'Arabie saoudite (575 Mt, 12,8 %) et la Russie (554 Mt, 12,4 %)[k 1]. La part du pétrole dans la production mondiale d'énergie primaire était en 2017 de 32,0 % contre 27,1 % pour le charbon et 22,2 % pour le gaz naturel ; cette part a fortement décliné : elle atteignait 46,3 % en 1973[k 2].
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+ Selon l'AIE, l'Arabie saoudite avait retrouvé en 2016 le premier rang parmi les producteurs de pétrole, que les États-Unis lui avaient repris depuis 2014 grâce au boom du pétrole de schiste ; la chute des cours du brut, tombés de 110 dollars mi-2014 à 44,90 dollars en septembre 2016, a plombé l'équilibre financier de nombreux producteurs américains, qui ont sensiblement ralenti leur production ; à l'inverse, l'Arabie saoudite, dont les coûts de production sont particulièrement bas, a poussé ses pompes au maximum afin de maximiser ses revenus ; la production de brut est ainsi tombée à 8,7 millions de barils par jour (Mb/j) aux États-Unis en juin 2016, alors qu'elle atteignait 10,5 Mb/j en Arabie saoudite[25].
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+ Selon BP, la production mondiale s'élevait en 2019 à 95,19 Mbbl/j, soit 4 484,5 Mt (millions de tonnes), en baisse de 0,3 % en 2019, mais en progression de 15 % en dix ans (2009-2019) ; sur ce total, 35,57 Mbbl/j, soit 1 680 Mt (37,4 %), proviennent des pays membres de l’OPEP incluant en 2019 les pays suivants : Arabie saoudite, Iran, Irak, Émirats arabes unis, Koweït, Venezuela, Nigeria, Qatar (qui a quitté l'OPEP début 2019), Angola, Algérie, Libye, Équateur, Gabon, Guinée équatoriale, République du Congo. Le Moyen-orient représentait 31,9 % de la production mondiale de pétrole en 2019 (dont Arabie saoudite : 12,4 %), l'Amérique du Nord 25,9 % (dont États-Unis : 17,9 %) et la Russie 12,1 %[b 2].
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+ Agence internationale de l'énergie (AIE) annonce en janvier 2018 que les États-Unis vont battre en 2018 leur record de production de brut qui datait de 1970, devenant le deuxième producteur d'or noir derrière la Russie et passant devant l'Arabie saoudite, reléguée au troisième rang. La Russie restera à la première place mais les États-Unis pourraient la rattraper dès 2019 ou 2020 si la tendance se poursuit. Si l'on ajoute au pétrole brut les liquides de gaz naturel, les États-Unis étaient déjà numéro un mondial, devant l'Arabie saoudite et la Russie, depuis 2014. La production américaine devrait augmenter de 1,35 Mbbl/j (million de barils par jour) en 2018 ; avec un baril de WTI à plus de 60 dollars, la plupart des forages de pétrole de schiste américains sont redevenus rentables. La production aux États-Unis a déjà augmenté de 5 % en 2017, alors que la production saoudienne a reculé de 3 % et celle du Koweït de 6 %[26].
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+ Production de pétrole des six principaux producteurs - Source : BP[b 4]
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+ Le tableau ci-dessous classe les principaux pays producteurs par ordre décroissant de production estimée en 2019, avec :
108
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+ D'importants pays producteurs de pétrole, dont certains sont exportateurs nets, ne sont pas membres de l'OPEP : les États-Unis, la Russie, le Canada, la Chine, le Mexique, le Qatar, le Brésil, la Norvège, le Kazakhstan, la Colombie, le Royaume-Uni, le Soudan et Oman.
110
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+ La part de l'OPEP dans les réserves prouvées est de 70,1 % et dans la production de 37,4 %.
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+ Avec 32,0 % de l'énergie primaire consommée en 2017, le pétrole est la source d'énergie la plus utilisée dans le monde devant le charbon (27,1 %) et le gaz naturel (22,2 %) ; sa part a fortement reculé : elle atteignait 46,3 % en 1973[k 1].
114
+
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+ La consommation estimée des principaux pays consommateurs en 2019 dans le tableau qui suit est indiquée en exajoules par an et en millions de barils par jour :
116
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+ L’industrie pétrolière se subdivise schématiquement en « amont » (exploration, production) et en « aval » (raffinage, distribution).
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+
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+ L’exploration, c’est-à-dire la recherche de gisements, et la production sont souvent associées : les États accordent aux compagnies des concessions, pour lesquelles ces dernières assument le coût de l’exploration, en échange de quoi elles exploitent (pour une certaine durée) les gisements trouvés. Les mécanismes financiers sont variés : prêts à long terme, participation au capital, financement via des emprunts faits auprès de banques nationales, etc.
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+
121
+ L’exploration commence par la connaissance géologique de la région, puis passe par l’étude détaillée des structures géologiques (principalement par imagerie sismique, même si la magnétométrie et la gravitométrie peuvent être utilisées) et la réalisation de puits. On parle d’exploration « frontière » lorsque la région n’a pas encore de réserve mondiale prouvée, le risque est alors très élevé mais le prix d’entrée est faible, et le retour peut être important.
122
+
123
+ La production, ou plutôt l’extraction du pétrole, peut être une opération complexe : pour maximiser la production finale, il faut gérer un réservoir composé de différents liquides aux propriétés physico-chimiques très différentes (densité, fluidité, température de combustion et toxicité, entre autres). Au cours de la vie d’un gisement, on ouvre de nouveaux puits pour accéder aux poches restées inexploitées. En règle générale, on injecte de l’eau et/ou du gaz dans le gisement, via des puits distincts de ceux qui extraient le pétrole. Une mauvaise stratégie d’exploitation (mauvais emplacement des puits, injection inadaptée, production trop rapide) peut diminuer de façon irréversible la quantité de pétrole extractible. Par exemple, l'interface entre la nappe de pétrole et celle d’un liquide chargé en soufre peut être brisée par simple brassage, polluant ainsi le pétrole.
124
+
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+ Contrairement à une image répandue, un gisement de pétrole ne ressemble en rien à un lac souterrain. En effet, mélangé à de l'eau ainsi qu'à du gaz dissous, le pétrole occupe, en fait, les interstices microscopiques de la roche poreuse. Comparer un gisement à une éponge très rigide serait surement plus approprié[27].
126
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+ Au cours des dernières décennies, l’exploration et la production se font en proportion croissante en offshore : l’onshore, plus facile d’accès, a été exploité le premier. La loi de Ricardo s’applique très bien au pétrole, et, en règle générale, le retour sur investissement tend à diminuer : les gisements sont de plus en plus petits, dispersés, et difficiles à exploiter. Il y a bien sûr des exceptions, comme dans des pays où l’exploration a longtemps été paralysée pour des raisons politiques.
128
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+ Plus de 700 plates-formes pétrolières en mer du Nord devront être démantelées après la fin de l'exploitation des champs d'hydrocarbures, et plus de 7 000 puits rebouchés. Le Boston Consulting Group estime la facture totale entre 100 et 150 milliards de dollars de 2020 à 2050. Une grande part de cette facture est prise en charge par les contribuables car les États concernés (Royaume-Uni, Norvège, Pays-Bas et Danemark) accordent des déductions fiscales aux groupes pétroliers. L'État britannique prend en charge 50 % des dépenses, les Pays-Bas plus de 60 % et la Norvège près de 80 %, malgré les protestations des associations de défense de l'environnement[28].
130
+
131
+ Le raffinage consistait simplement, à l’origine, en la distillation du pétrole, pour séparer les hydrocarbures plus ou moins lourds. La distillation sous pression atmosphérique s’est vue complétée d’une distillation sous vide, qui permet d’aller plus loin dans la séparation des différents hydrocarbures lourds. Au fil du temps, nombre de procédés ont été ajoutés, dans le but de maximiser la production des coupes les plus profitables (essence et gazole, entre autres) et de diminuer celle de fioul lourd, ainsi que de rendre les carburants plus propres à l’emploi (moins de soufre, de particules et de métaux lourds). Ces procédés, qui notamment comprennent le reformage, le désasphaltage, la viscoréduction, la désulfuration, l’hydrocraquage, consomment de l'énergie.
132
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+ Ces procédés continuent à se multiplier, les raffineurs devant satisfaire des exigences de plus en plus grandes sur la qualité des produits (du fait de l’évolution de la structure du marché et des normes environnementales) alors que la qualité des pétroles bruts tend à diminuer, les pétroles plus lourds et plus riches en soufre représentant une part accrue de la production. Une autre évolution importante est la valorisation améliorée des gaz (GPL) et des solides (cokes de pétrole, asphalte) coproduits par le raffinage.
134
+
135
+ Les raffineries sont en général des infrastructures considérables, traitant des dizaines, voire des centaines de milliers de barils par jour. En France métropolitaine, il ne reste plus que huit raffineries en activité en 2014, dont quatre (représentant la moitié de la capacité) sont contrôlées par Total. Les raffineries alimentent directement les réseaux de distribution de carburants, et la pétrochimie avec des produits de base.
136
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137
+ Le transport du pétrole, tant du brut que des produits raffinés, utilise principalement les pétroliers et les oléoducs pour les grandes distances et les volumes importants. Le transport par chemin de fer, par barge en eau douce et par camion est surtout utilisé pour la distribution finale des produits. Le transport du pétrole est à lui seul un secteur économique important : ainsi, les pétroliers représentent environ 35 % du tonnage de la marine marchande mondiale[29].
138
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+ L’industrie pétrolière est un pilier de l’économie mondiale : sur les douze plus grandes compagnies de la planète en 2014, sept sont des compagnies pétrolières[30]. De plus, certaines compagnies nationales dépassent largement la taille de ces majors privées. En effet, il existe plusieurs sortes de compagnies pétrolières :
140
+
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+ Le pétrole est utilisé dans tous les secteurs énergétiques, mais c’est dans les transports que sa domination est la plus nette. Seul le transport ferroviaire est en grande partie électrifié, ainsi qu'une part des transports urbains (tramways et trolleybus) ; pour les autres moyens de transports, les alternatives sont encore marginales et coûteuses, bien que la voiture électrique et hybride rechargeable ainsi que divers types de véhicules électriques (bus, vélos, bateaux, etc) se développent. En 2017, 65,2 % des produits pétroliers étaient consommés dans le secteur des transports, couvrant 92,2 % de ses besoins en énergie[24].
142
+
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+ La situation est différente dans la production d’électricité, où la part du pétrole a constamment diminué depuis plus de 30 ans pour tomber à 3,3 % en 2017 contre 11,1 % en 1990[31]. Le charbon, le gaz naturel, le nucléaire et les énergies renouvelables s’y sont largement substitués, sauf pour des cas particuliers (pays producteurs disposant de pétrole bon marché, îles et autres lieux difficiles d’accès). De plus, le produit pétrolier utilisé dans la production d’électricité est en majorité du fioul lourd, difficile à employer dans d’autres domaines (excepté la marine) sans transformation profonde.
144
+
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+ L’agriculture ne représente qu’une fraction modeste de la consommation de pétrole, mais c’est peut-être ce secteur qui en est le plus dépendant, les engrais synthétiques et pesticides étant produits à partir du pétrole ou du gaz naturel. Parmi les engrais fréquemment utilisés, c'est-à-dire ceux basés sur l'azote, le phosphore et le potassium (N, P, K), les engrais azotés sont synthétisés à partir de gaz naturel.
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+ Plus la demande est importante, plus il y a d’investissements dans l'exploration pétrolière, permettant ainsi de développer de nouveaux champs pétrolifères. Cependant les réserves sont limitées et seront épuisées à terme. Dans les situations où l'offre dépasse la demande, comme en 2014-2015, les prix du pétrole s'effondrent et les investissements subissent des coupes draconiennes ; la production décline alors progressivement, jusqu'à ce que le marché retrouve son équilibre.
148
+
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+ La valeur d’un pétrole brut dépend de sa provenance et de ses caractéristiques physico-chimiques propres qui permettent, après traitement, de générer une plus ou moins grande quantité de produits à haute valeur marchande. Pour simplifier, on peut dire que plus le brut est léger (c’est-à-dire apte à fournir, après traitement, une grande quantité de produits à forte valeur marchande) et moins il contient de soufre, plus sa valeur est élevée. Dans une moindre mesure, la distance entre le lieu de consommation du pétrole et les régions productrices intervient également. Le pétrole brut entre ensuite dans un processus de transformation industriel, dans lequel il sera raffiné et transformé en produits tels que le plastique, le verre...
150
+
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+ Les acteurs du marché cherchant à se protéger des fluctuations de cours, le NYMEX introduit en 1978 les contrats futures sur le fioul domestique (heating oil). Le même type de contrat à terme existe pour le pétrole brut et les divers produits pétroliers : naphta, kérosène, carburants, fioul lourd, etc.
152
+
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+ Le développement de l’industrie pétrolière a fourni les carburants liquides qui ont permis la deuxième révolution industrielle et a donc considérablement changé le cours de l’Histoire. En ce sens, le pétrole est véritablement le successeur du charbon, qui avait rendu possible la première révolution industrielle. Son utilisation est également source de controverses, car elle cause des dégradations majeures à l'environnement : réchauffement climatique, pollutions.
154
+
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+ Le pétrole étant le plus gros commerce international de matières de la planète en valeur (et en volume), il a un poids important sur les équilibres commerciaux. Les grands pays producteurs disposent de recettes telles que leurs gouvernements ont souvent un excédent public à placer, qui leur donne un poids financier important. Par exemple, vers 1998, la Russie avait une dette publique très importante et semblait proche de la cessation de paiement. Depuis, la hausse du prix de pétrole et celle de sa production lui ont permis d’engranger des recettes fiscales telles que la dette a été pratiquement remboursée et que le pays avait la troisième réserve de devises au monde en 2006[32].
156
+
157
+ Les fluctuations du prix du pétrole ont un impact direct sur le budget des ménages, donc sur la consommation dans les pays développés. Elles influent aussi, en proportion variable, sur le prix d'une grande part des biens et services, car la plupart sont produits en utilisant du pétrole comme matière première ou comme source d'énergie.
158
+
159
+ La découverte de réserves de pétrole dans un pays est souvent perçue comme bénéfique pour son économie. Toutefois, l’afflux soudain de devises est parfois mal géré (voir syndrome hollandais), il peut encourager la corruption, des ingérences étrangères, des gaspillages et détourner les investissements et la main-d’œuvre des autres secteurs tels que l'agriculture. L’effet réel est donc souvent plus ambivalent, surtout pour les pays les plus pauvres, au point que l'on parle de malédiction pétrolière[33],[34],[35],[36].
160
+
161
+ Devenu indispensable à la vie quotidienne dans la plupart des pays développés, le pétrole a un impact social important. Des émeutes parfois violentes ont éclaté dans certains pays à la suite de hausses de prix. En 2006, certains syndicats français ont demandé l’instauration d’un « chèque transport » pour aider les salariés qui se déplacent beaucoup à faire face au prix des carburants, qui est constitué pour les deux tiers au moins, de taxes.
162
+
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+ Dans les pays développés, une hausse du prix du pétrole se traduit par un accroissement du budget consacré à la voiture, mais dans les pays les plus pauvres, elle signifie moins d’éclairage et moins d’aliments chauds, car le kérosène est souvent la seule source d’énergie domestique disponible.
164
+
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+ Outre que le pétrole est utilisé dans la plupart des industries mécanisées comme énergie de base, ses dérivés chimiques servent à la fabrication de toutes sortes de produits, qu’ils soient hygiéniques (shampooing), cosmétiques, alimentaires, de protection, de contenant (matière plastique), tissus, intrants agricoles, etc. Ce faisant, le pétrole est devenu indispensable et par conséquent très sensible stratégiquement.
166
+
167
+ L’impact environnemental le plus inquiétant du pétrole est l’émission de dioxyde de carbone aux différentes étapes de sa production, de son transport et surtout de sa consommation, en particulier sous la forme de combustion comme carburant.
168
+
169
+ L'Agence internationale de l'énergie évaluait les émissions mondiales de CO2 dues à la combustion du pétrole à 11 232 Mt (millions de tonnes) en 2016, contre 6 671 Mt en 1971 et 8 497 Mt en 1990 ; la progression depuis 1990 est de 32,2 %[37].
170
+
171
+ En 2017, ces émissions représentaient 34,6 % des émissions dues à l'énergie, contre 44,2 % pour le charbon et 20,5 % pour le gaz naturel[k 4].
172
+
173
+ La combustion du pétrole libère dans l’atmosphère d’autres polluants, comme le dioxyde de soufre (SO2), mais ceux-ci peuvent être maîtrisés, notamment par la désulfuration des carburants ou des suies. On estime cependant que si le pétrole est plus polluant que le gaz naturel, il le serait nettement moins que le charbon et les sables bitumineux.
174
+
175
+ L’extraction pétrolière elle-même n’est pas sans impact sur les écosystèmes locaux même si, comme dans toute industrie, les risques peuvent être réduits par des pratiques vigilantes. Néanmoins, certaines régions fragiles sont fermées à l’exploitation du pétrole, en raison des craintes pour les écosystèmes et la biodiversité. Enfin, les fuites de pétrole et de production peuvent être parfois désastreuses, l’exemple le plus spectaculaire étant celui des marées noires, ou encore celui des pollutions dues aux vols de pétrole dans le delta du Niger (cf Énergie au Nigeria). Les effets des dégazages ou même ceux plus cachés comme l’abandon des huiles usagées sont loin d'être négligeables.
176
+
177
+ Le pétrole peut être cancérogène sous certaines formes, ainsi que certains de ses dérivés.
178
+
179
+ Les conséquences géologiques de son exploitation comme les séismes induits sont très peu étudiées.
180
+
181
+ L’exploration et l'exploitation pétrolières ont exigé le progrès de nombreuses sciences et technologies pour leur développement, et particulièrement en géophysique. La gravimétrie, la sismique et la diagraphie (logging) ont été développés pour l'exploration pétrolière dès les années 1920. Depuis 2000 pour l'offshore, une nouvelle pratique, l'électrographie de fond de mer (seabed logging) s'est développée qui permet de détecter directement le pétrole[38]. La production a exigé de la sidérurgie des matériaux résistants aux gaz acides (gaz de Lacq), aux pressions et températures. L'industrie pétrolière est un terrain d'essai exigeant pour de nombreuses technologies naissantes, qui se révèleraient trop chères dans d'autres domaines : diamant synthétique pour les trépans, positionnement dynamique des navires, etc.
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+ Depuis le tout début du XXe siècle, le pétrole est devenu une donnée essentielle de la géopolitique. La dépendance des pays développés envers cette matière première est telle que sa convoitise a déclenché, ou influé sur le cours de plusieurs guerres ; les guerres civiles sur fond de gisement pétrolier ne se comptent plus. L’approvisionnement en pétrole des belligérants a plusieurs fois influé sur le sort des armes, comme lors des deux guerres mondiales.
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+ Le pétrole est devenu un symbole de la richesse et de la chance, supplantant en partie l’or qui avait longtemps tenu ce rôle. La culture populaire en a tiré des images stéréotypées, qu’on retrouve par exemple dans la série Dallas, ou dans l’expression « rois du pétrole ». Les compagnies pétrolières privées sont emblématiques du système économique capitaliste, ainsi les auteurs de romans ou de films en feront souvent usage pour tenir le rôle du « méchant ». À l'inverse, les compagnies pétrolières publiques de certains pays sont un emblème d'indépendance nationale et de puissance économique, on pourra en donner comme exemple la construction des tours Petronas.
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+ La compréhension du mécanisme de formation du pétrole laisse entendre que sa quantité totale sur la planète, léguée par des millions d'années de maturation, est limitée. Bien que cette quantité totale soit inconnue, elle laisse présager que l'exploitation qui en est faite s'approchera un jour de cette limite ultime.
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+ Ce qu'on appelle « réserve prouvée » aujourd'hui est, par convention, constitué par un gisement identifié, exploitable avec des techniques disponibles, et à un prix compatible avec le prix de vente en cours. Cette définition est restée la même depuis près d'un siècle ; l'évolution des techniques a donc fait glisser progressivement des gisements considérés inexploitables à une époque, dans la catégorie exploitable dès que les techniques ont été disponibles. Ainsi le pétrole offshore, considéré comme « non conventionnel » avant 1930, est en 2011 extrêmement répandu, et considéré comme « conventionnel » jusqu'à des profondeurs d'eau de 1 500 m. Les sables bitumineux, longtemps considérés inexploitables, sont en 2011 exploités de façon courante.
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+ BP annonce le 15 juin 2020 une révision majeure de ses prévisions après la crise du Covid-19 : « BP prévoit désormais que la pandémie pourrait avoir un impact durable sur l'économie mondiale, avec une demande en énergie potentiellement plus faible sur une période prolongée [...] la transition énergétique pourrait être accélérée ». En conséquence, BP a réduit ses prévisions de prix pour le pétrole et le gaz, prévoyant désormais un cours moyen du baril de Brent à 55 dollars entre 2021 et 2050, contre 70 dollars auparavant. BP prévoit de plus que le CO2 sera taxé à hauteur de 100 € la tonne en 2030, contre moins de 25 € en Europe actuellement. Ces évolutions des prix rendront les investissements dans le bas carbone plus attractifs ; BP va donc déprécier la valeur de ses actifs pour un montant compris entre 13 et 17,5 milliards de dollars, soit jusqu'à 20 % de la valeur totale du bilan du groupe[39].
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+ Un rapport de BNP Paribas Asset Management publié en 2019 conclut que « le déclin de l’économie du pétrole pour les véhicules à essence et au diesel par rapport aux véhicules électriques alimentés par le vent et l’énergie solaire, est désormais irrémédiable et irréversible ». Les projets les plus récents d’énergie éolienne et solaire pourront fournir à un véhicule électrique 6 à 7 fois plus d’énergie utile que le pétrole à un véhicule thermique. Environ 36 % de la demande mondiale de pétrole est engendrée par les véhicules à moteur thermique et environ 5 % par la production d’électricité : le pétrole va donc perdre à terme 40 % de son marché[40].
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+ L'AIE ne prévoit pas, en 2018, une baisse de la demande de pétrole dans le futur. Elle s'inquiète plutôt de la production qui n'arriverait pas à couvrir les besoins à partir de 2025[41].
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+ Une étude du Boston Consulting Group publiée le 20 juillet 2017 prévoit quatre scénarios possibles d'évolution de la demande de pétrole d'ici 2040 : le scénario de référence, prolongeant les tendances récentes avec une hausse du PIB mondial de 3,5 % par an entre 2015 et 2040 et un baril autour de 60 dollars, mène à une croissance de la demande de 0,9 % par an jusqu'en 2040 ; les trois autres scénarios débouchent sur un pic de la demande entre 2025 et 2030, le premier avec une baisse du coût des batteries de voitures électriques à 100 dollars le kilowattheure contre autour de 250 en 2016, et une amélioration des capacités de charge, portant la part de marché des voitures électriques à 90 % en 2040 dans les pays développés ; le deuxième avec une croissance mondiale limitée à 3 %, couplée à une amélioration de l'efficacité énergétique des véhicules à combustion (avec une consommation de 4,3 litres pour 100 kilomètres dans les pays de l'OCDE, contre le double actuellement) ; le troisième avec la découverte et l'exploitation de larges gisements de gaz de schiste dans d'autres régions que les États-Unis, notamment en Chine, produisant des effets de remplacement du pétrole par le gaz dans l'industrie pétrochimique[42].
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+ L'avenir de la production pétrolière mondiale dépendra d'un niveau technologique plus élevé et d'investissements plus importants, ainsi que de la prospection de territoires pour le moment inaccessibles. Ces points convergent pour aboutir à un pétrole plus cher.
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+ Le taux de récupération du pétrole sur un plan mondial est en 2008 de l'ordre de 35 % ; ce taux, en augmentation lente, joue considérablement sur la production ; les techniques modernes visent à améliorer ce taux.
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+ Certains territoires, comme l'Arctique, sont actuellement inaccessibles à l'exploration/production pour toutes sortes de raisons : politiques, climatiques, environnementales, zones enclavées, etc. Une augmentation éventuelle du cours du baril pourrait rendre rentable l'exploitation de ces régions.
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+ Le pétrole offshore, popularisé en Europe par la mise en exploitation des gisements de mer du Nord dans les années 1970, a été exploité par des profondeurs d'eau croissantes depuis cette époque ; en 2008 on atteint couramment 2 000 m d'eau. Cette profondeur d'eau devra elle aussi augmenter pour permettre l'exploitation de gisements actuellement inaccessibles. Dans le même domaine, certaines conformations géologiques qui rendaient les instruments d'exploration classiques « aveugles », font l'objet de recherches fructueuses, ainsi que l'a démontré la découverte du gisement géant de Tupi[43] en 2006. Ce gisement fait partie d'un ensemble considérable, le bassin de Santos, qui a fait entrer soudainement le Brésil dans les 10 premières réserves mondiales[44].
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+ Le pétrole profond fut lui aussi longtemps considéré inexploitable, soit pour des raisons de coût (en 2004, pour les puits d'une profondeur supérieure à 4 500 m, les 10 % ultimes du forage constituent 50 % de son coût[45]), soit en raison de problèmes techniques excédant la technologie disponible[45]. Le champ Elgin-Franklin présentait en 1995 le record des possibilités techniques, avec un gisement à 1 100 bar et 190 °C[46].
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+ Les sables bitumineux sont un mélange naturel de bitume brut, de sable, d'argile minérale et d'eau. Le gisement le plus connu est celui de l'Alberta ; déjà exploité, il fournit en 2011 plus de 2 millions de barils par jour, permettant ainsi au Canada d'être le deuxième fournisseur de pétrole des États-Unis. Leur extraction pose de gros problèmes environnementaux[47] ; ce gisement géant équivaut à la moitié des réserves de l'Arabie saoudite. Le pétrole lourd, très visqueux, est aujourd'hui difficilement exploitable ; il constitue des réserves considérables, avec 315 milliards de barils pour le seul Venezuela.
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+ Une méthode prédictive a été proposée par le géologue M. King Hubbert pour déterminer le moment où la production d’un champ pétrolifère atteint son point culminant. En 1956, il avait ainsi annoncé le pic pétrolier des États-Unis en 1970[48]. Selon le modèle de Hubbert, la production d’une ressource non renouvelable suit une courbe qui ressemble d’abord à une croissance exponentielle, puis plafonne et diminue. Cette méthode ne tient pas compte des éléments économiques, ni du développement d'alternatives technologiques. Quelles qu'en soient les raisons, la plupart des observateurs s'accordent à penser que la consommation mondiale de pétrole déclinera avant l'année 2040.
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+ Dans un rapport publié le 23 juin[49], utilisant les données de l’agence d’intelligence économique norvégienne Rystad Energy, le groupe de réflexion The Shift Project prévoit que l’Union européenne risque de connaître une contraction du volume total de ses sources actuelles d’approvisionnement en pétrole pouvant aller jusqu’à 8 % entre 2019 et 2030, en particulier la Russie et celle de l’ensemble des pays d’ex-URSS, qui fournissent plus de 40 % du pétrole de l’UE, et l'Afrique (10 %)[50].
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+ Les découvertes de nouvelles réserves de pétrole et de gaz ont atteint, de 2016 à 2018, leur niveau le plus bas depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et 2019 reste sur la même tendance. Les compagnies pétrolières hésitent à investir dans l'exploration, un métier coûteux et risqué dans un contexte déprimé pour les cours du brut ; le pétrole et le gaz de schiste américain, dont les réserves sont connues depuis des décennies et ne nécessitent donc pas d'exploration, offrent une grande flexibilité pour les producteurs, qui peuvent arrêter ou reporter les forages en quelques jours si les prix baissent. Les découvertes de 2019 ne représentent que 16 % des barils qui ont été consommés dans l'année, alors que ce taux frôlait les 40 % en 2015. Compte tenu du temps de développement des projets, le recul des découvertes des années 2015-2019 n'aura des conséquences sur la production qu'à partir du milieu de la décennie 2020[51].
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+ Le rapport annuel 2019 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit une forte augmentation de la production de pétrole des États-Unis, qui passerait de 11 Mbl/j (millions de barils par jour) en 2018 à 13,8 Mbl/j en 2022, ce qui représentera plus des deux tiers de l'accroissement des volumes mondiaux. L'essentiel proviendra du Bassin permien. La Russie et l'Arabie saoudite plafonneront entre 11 et 12 Mbl/j. Comme la consommation intérieure de pétrole des États-Unis stagne, le supplément de production sera exporté : les exportations brutes américaines atteindront 9 Mbl/j en 2024, dépassant la Russie et rattrapant l'Arabie saoudite. L'AIE reconnait que le rythme de l'expansion américaine n'est pas totalement certain, car il dépendra en partie de l'évolution du prix du baril. Mais les réserves sont gigantesques : 155 milliards de barils, soit 35 années de production au rythme actuel, et elles ne cessent d'être réévaluées à la hausse[52].
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+ Le rapport annuel 2018 de l’Agence internationale de l’énergie envisage un ralentissement global après 2020 du fait des programmes de diversification des sources d'énergie lancés dans plusieurs pays, en particulier en Chine : transports en commun roulant au gaz naturel, développement des véhicules électriques. Les États-Unis, dont la production a dépassé 10 Mbbl/j, devraient encore accélérer en 2018 puis devenir le premier producteur mondial en 2023 avec 12,1 Mbbl/j, devant la Russie ; le pétrole de schiste pesait un peu moins de la moitié de la production de brut américain en 2017 et pourrait en représenter les deux tiers en 2023. Les sables bitumineux du Canada, le Brésil et la Norvège connaîtront aussi une forte croissance[53].
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+ Le rapport 2015 de l’AIE (World Energy Outlook 2015 ) prévoyait la poursuite de la croissance de la consommation de pétrole, de 91 millions de barils par jour (Mbbl/j) en 2014 à 103,5 Mbbl/j en 2040. La crise pétrolière qui a fait chuter le prix du pétrole à 50 $/baril est due à un excès de production : le boom du pétrole de schiste aux États-Unis a créé une surcapacité mondiale de 1 à 2 millions de barils par jour, qui se résorbera progressivement : le prix du baril de Brent ne remontera pas à 80 $ avant 2020, pour atteindre 128 $ en 2040[54].
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+ Le rapport annuel 2015 de l'OPEP évalue la production de pétrole à 97,4 Mbbl/j en 2020 et à 109,8 Mbbl/j en 2040, contre 92,8 Mbbl/j en 2015. L’organisation a revu ses estimations à long terme à la baisse, pour tenir compte des efforts d'économies d’énergie et de réductions d’émissions de gaz à effet de serre : elle tablait un an auparavant sur plus de 111 Mbbl/j pour 2040. Ses projections n’en restent pas moins largement supérieures à celles de l’AIE : 103,5 Mbbl/j en 2040. L'OPEP prévoit une baisse de sa part de marché de 39,2 % en 2015 à 38,3 % en 2020, puis une remontée à 45,6 % en 2040. La production de pétrole de schiste américain passerait de 4,4 Mbbl/j à 5,2 Mbbl/j en 2020, puis retomberait à 4,6 Mbbl/j en 2040. Le cours du baril remonterait à 80 $ en 2020[55].
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+ La chute des prix du pétrole a eu un impact massif sur l'investissement des compagnies pétrolières : depuis que ces prix ont amorcé leur dégringolade mi-2014 jusqu'à fin 2015, les groupes pétroliers ont repoussé 68 grands projets de développement d'hydrocarbures, soit 380 milliards de dollars d'investissements, selon le cabinet Wood Mackenzie. Dans le pétrole, l'offshore profond a été le plus affecté, en Angola (75 milliards d'investissements décalés), au Nigeria et dans le golfe du Mexique. Le rapport cite aussi les sables bitumineux au Canada, particulièrement coûteux à développer. L'ampleur des chiffres cités est aussi liée au report de la phase 2 du méga-projet gazier de Kashagan, au Kazakhstan. Ces reports entraineront à la baisse la production future, dès le début de la prochaine décennie : Wood Mackenzie estime leur impact à 1,5 million de barils par jour (Mb/j) en 2021 et à 2,9 Mb/j en 2025[56].
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+ L'approvisionnement en pétrole pose aux pays importateurs de nombreux problèmes, principalement géopolitique, financier (devises), environnemental (émissions de CO2). De nombreux pays (européens entre autres) ont donc engagé une politique de réduction de leur dépendance au pétrole depuis les chocs pétroliers de la décennie 1970. Le tableau ci-dessous (qui inclue les pays hors UE, dont la Turquie, l'Ukraine, la Suisse, etc) montre un certain succès de cette politique, avec une décroissance de la consommation européenne de 12 % sur la période 1990-2019 (et de 17 % par rapport au pic de 843,1 Mt atteint en 1979), malgré l'accroissement de la population et l'élévation du niveau de vie ; une part importante de ces économies ont été obtenues au début des années 1990 dans les anciens pays du bloc communiste après la chute des régimes communistes en Europe, grâce à l'élimination de nombreux gaspillages. Mais on observe une nette remontée de la consommation de 2014 à 2017 : +7 %.
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+ Les alternatives sont :
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+ Citons pour mémoire la fusion nucléaire et l'exploitation des hydrates de méthanes, deux sources d'énergie aux réserves bien plus vastes, mais pour lesquelles nous ne disposons pas encore de technologie fonctionnelle.
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+ Le charbon est, comme le pétrole, un mélange d'hydrocarbures ; il lui est substituable soit de façon directe, soit sous forme transformée par une réaction de type Fischer-Tropsch. Le gaz naturel exige des installations fixes (gazoducs, méthaniers, terminaux gaziers, sites de stockage), ainsi que des contrats à très long terme qui ralentissent actuellement son expansion. Lui aussi peut se substituer au pétrole soit de façon directe, en source d'énergie, soit sous forme transformée.
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+ Accroitre l'efficacité énergétique[57],[58],[59] consiste à produire les mêmes biens et services avec moins d'énergie, et dans notre cas, de produits pétroliers. Puisqu'elle apporte une solution aux trois problèmes évoqués ci-dessus cette méthode apparaît comme satisfaisante lorsqu'elle n'est pas contrebalancée par un effet rebond équivalent ou supérieur. Les moyens de l'efficacité énergétique ont l'avantage d'être fréquemment intuitifs et connus de tous :
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+ Ces méthodes font lentement des progrès dans les pays développés où l'énergie est rendue artificiellement chère (taxes, subventions aux méthodes vertueuses). Entre autres, l’isolation se présente de plus en plus comme l'alternative du futur dans les pays tempérés (BedZED), mais peine à pénétrer le marché.
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+ L'éloignement des habitants de leur lieu de travail favorise aujourd’hui le recours à la voiture et donc la consommation de pétrole.
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+ En aidant les habitants à se rapprocher de leur lieu de travail, on contribuerait à diminuer la consommation de pétrole.
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+ Autres références :
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