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+ Melbourne (/mɛlbuʁn/[a] Écouter ; en anglais : /ˈmɛlbn̩/[b] Écouter) est la capitale de l'État du Victoria, en Australie. Deuxième agglomération urbaine du pays après Sydney, le « Grand Melbourne » (Greater Melbourne) compte 4 440 300 habitants au recensement officiel de 2014. La ville est située sur la baie de Port Phillip, laquelle ouvre sur le détroit de Bass. Ses habitants sont les Melbourniens (Melburnians en anglais)[c]. Melbourne est un important centre commercial, industriel et culturel. La ville est souvent qualifiée de capitale « sportive et culturelle » de l'Australie[2], car elle abrite de nombreuses manifestations et institutions culturelles et sportives parmi les plus importantes du pays.
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+ Elle a été classée, avec six points, ville mondiale gamma (ou mineure) au classement de 1998 de l'université de Loughborough[3], puis alpha- dans les classements de 2000, 2004, 2008, 2010 et 2012. Melbourne est connue pour son mélange d'architecture de l'époque victorienne et d'architecture contemporaine, son vaste réseau de tramway, ses parcs et jardins victoriens, ainsi que pour sa société multiculturelle. Elle a reçu les Jeux olympiques d'été de 1956 et les Jeux du Commonwealth de 2006. Melbourne est considérée par The Economist comme la ville la plus agréable à vivre au monde[4].
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+ Melbourne a été fondée par des colons libres en 1835, 47 ans après l'installation de la première colonie pénitentiaire européenne à Sydney, comme une zone de mise en valeur agricole autour du fleuve Yarra[5]. La ville s'est rapidement transformée en métropole lors de la ruée vers l'or au Victoria dans les années 1850, Melbourne la merveilleuse est devenue la plus grande ville d'Australie en 1865[6], mais a été rattrapée et dépassée par Sydney au début du XXe siècle[7]. Melbourne a servi de siège fédéral au gouvernement, au début de la création de la Fédération en 1901, jusqu'à ce que le parlement fédéral se déplace dans la ville nouvelle de Canberra en 1927, marquant la fin d'une période où l'Australie n'avait pas de capitale[8].
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+ Les régions du fleuve Yarra et de Port Phillip qui sont maintenant devenues le point d'implantation de la ville de Melbourne étaient à l'origine habitées par les Wurundjeris, un peuple de la nation Kulin. On estime que la région était occupée par les Aborigènes depuis au moins 40 000 ans[5]. La première colonie pénitentiaire britannique dans le district de Port Phillip a été créée en 1803 sur Sullivan Bay, mais cette colonie a été abandonnée après quelques mois d'occupation[9].
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+ En mai et juin 1835, la zone qui est maintenant située au centre et au nord de Melbourne a été explorée par John Batman, un membre éminent de la Port Phillip Association, qui négocia un accord pour l'occupation de 600 000 acres (2 400 km2) de terres avec huit chefs wurundjeris[5]. Il choisit un site sur la rive nord du fleuve Yarra, déclarant que « ce serait le lieu d'implantation d'un village » et retourna à Launceston en Tasmanie (alors connue sous le nom de Terre de Van Diemen). Toutefois, au moment où une partie des colons de l'Association arriva pour s'établir dans le nouveau village, un autre groupe dirigé par John Pascoe Fawkner était déjà arrivé à bord du Enterprize et avait établi un point de peuplement au même endroit, le 30 août 1835. Les deux groupes acceptèrent finalement de partager les lieux. L'accord de Batman avec les Aborigènes fut annulé par le gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud (qui régissait alors tout l'Est de l'Australie), qui dédommagea l'Association[5]. Bien que cela signifiât que les colons devenaient par la suite des occupants illégaux de terres de la Couronne, le gouvernement accepta le fait accompli des colons et leur permit de rester dans la nouvelle ville (d'abord connue sous différents noms, y compris « Bearbrass »[5]).
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+ En 1836, le gouverneur Richard Bourke déclara la ville capitale administrative du district de Port Phillip de Nouvelle-Galles du Sud, et commanda le premier plan de construction de la ville, un plan hippodamien, le Hoddle Grid en 1837 et, plus tard, cette même année, donna à la ville le nom de Melbourne d'après le nom du Premier ministre britannique William Lamb, deuxième vicomte Melbourne, qui résidait dans le village de Melbourne dans le Derbyshire. Melbourne a été déclarée city par lettre patente de la reine Victoria, publiée le 25 juin 1847[10].
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+ L'État du Victoria a été créé en 1851 avec Melbourne comme capitale, état devenu indépendant de la Nouvelle-Galles du Sud et de Sydney. Avec la découverte d'or au Victoria dans les années 1850, le pays connut une ruée de chercheurs et Melbourne eut une croissance rapide, offrant la majorité des services du secteur tertiaire et possédant le plus grand port de la région. Au cours de cette période d'euphorie des années 1850 et 1860, on commença la construction d'un grand nombre de bâtiments institutionnels, comme le Parlement, le Trésor public, la Bibliothèque d'État, la Cour suprême, l'Université, la poste centrale, Government House, la résidence du gouverneur ainsi que les cathédrales St Paul et St Patrick. Les plans de la proche banlieue furent mis en service, banlieue reliée au centre-ville par des boulevards et des jardins. Melbourne devint un grand centre financier, siège de plusieurs banques et de la première bourse australienne (fondée en 1861).
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+ Dans les années 1880, Melbourne connut une croissance explosive. La ville devint l'une des plus importantes cités de l'Empire britannique et eut la réputation d'être la plus riche du monde[11]. Au cours de cette décennie prospère, Melbourne accueillit cinq expositions internationales dans le vaste palais des expositions construit à cet effet. Le journaliste Henry George Augustus Sala, au cours d'une visite dans la ville en 1885, créa l'expression « Marvellous Melbourne » (« Merveilleuse Melbourne ») pour décrire la ville en plein essor, essor qui continua jusqu'au vingtième siècle.
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+ Cette activité de construction de plus en plus importante aboutit à un « boom immobilier » qui atteignit son pic en 1888 alimenté par l'optimisme général et l'escalade des prix. À la suite de cette explosion, les bureaux de standing, les bâtiments commerciaux, les cafés de luxe, les logements résidentiels et les palaces proliférèrent dans la ville[12]. Par la suite, la plupart des grands bâtiments du centre-ville (sur les conseils des services anti-incendie de la ville) de cette époque ont été démolis, mais les restes de l'architecture victorienne sont encore nombreux à Melbourne. Cette période a également vu la forte expansion du réseau radial ferroviaire de la ville[13].
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+ Le développement flamboyant qui caractérisa Melbourne au cours de cette période prit fin en 1891 lorsqu'une grande dépression commença à frapper l'économie de la ville, plongeant les finances locales et les industries de biens dans les abîmes[12]. Au cours de cette période, 16 petites banques et sociétés de construction firent faillite et 133 sociétés à responsabilité limitée furent mises en liquidation. La crise financière de Melbourne contribua à déclencher la dépression économique australienne des années 1890 et la crise bancaire connue par le pays en 1893. Les effets de la dépression furent profonds sur la ville, bien qu'elle continua à se développer mais avec un rythme beaucoup plus lent au début du XXe siècle.
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+ Au moment de la création de la Fédération australienne, le 1er janvier 1901, Melbourne devint le siège temporaire du gouvernement. La première réunion du parlement fédéral eut lieu le 9 mai 1901 au palais royal des expositions. En 1927, le Parlement fédéral fut transféré à Canberra, mais le gouverneur-général resta à Melbourne jusqu'en 1930 et de nombreuses grandes institutions nationales y séjournèrent pendant une grande partie du XXe siècle.
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+ Melbourne a abrité le quartier général des forces alliées du Pacifique de 1942 à 1944 où s'installa le général Douglas MacArthur pour diriger les opérations militaires. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'industrie de guerre fit la prospérité de Melbourne qui devint le premier centre industriel d'Australie. Après la guerre, Melbourne continua de connaître une expansion rapide, avec une croissance stimulée par un afflux d'immigrants et la ville eut le privilège d'accueillir les Jeux olympiques d'été de 1956. C'était en effet la première fois que les jeux avaient lieu dans l'hémisphère sud, la deuxième occasion étant Sydney en 2000. Au cours de ces décennies, d'importants travaux autoroutiers et le développement de l'utilisation de la voiture ont permis de désengorger le centre-ville en favorisant l'extension de la ville et les projets de rénovation urbaine ont sensiblement modernisé son centre. Les booms financiers et miniers australiens des années 1969 et 1970 se sont avérés bénéfiques pour Melbourne qui devint le siège d'un grand nombre de grandes entreprises (BHP et Rio Tinto, entre autres, et de la Réserve fédérale australienne). L'économie minière de Nauru étant en plein essor, la république fit plusieurs investissements ambitieux à Melbourne, comme la Nauru House. Melbourne resta le principal centre des affaires et des finances australien jusqu'à la fin des années 1970, quand elle commença à perdre sa primauté au bénéfice de Sydney[14].
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+ En tant que vieux centre industriel, Melbourne a connu les heures difficiles du marasme économique du Victoria entre 1989 et 1992, à la suite de la faillite de plusieurs de ses institutions financières. En 1992, le gouvernement libéral nouvellement élu de Jeff Kennett lança une campagne visant à relancer l'économie avec une politique agressive de développement de travaux publics centrés sur Melbourne notamment la construction de nouveaux bâtiments publics comme le Crown Casino, le Melbourne Museum, le Melbourne Exposition Centre, la réalisation du Square de la Fédération, la construction d'un réseau autoroutier à péage, le CityLink, et la promotion de la ville comme destination touristique en mettant l'accent sur de grandes manifestations sportives, réussissant à attirer le Grand Prix automobile d'Australie dans la ville. Une autre source de redressement de l'économie fut la privatisation de certains services publics de la ville comme l'électricité et les transports publics, mais aussi la réduction des crédits destinés aux services publics comme la santé et l'éducation.
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+ Depuis 1997, Melbourne a maintenu un important taux de croissance de sa population et de ses emplois. La ville a connu d'importants investissements internationaux dans les domaines industriels et immobiliers et, en 2006, les chiffres du Bureau australien des statistiques montrent que, depuis 2000, Melbourne a le plus fort taux de croissance en population et en économie de toutes les capitales australiennes[15].
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+ Logo de la ville de Melbourne avant 2008.
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+ Logo de la ville de Melbourne à partir de 2008.
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+ Melbourne est située dans le Sud-Est du continent australien. Géologiquement, elle est bâtie au confluent d'écoulements de laves du quaternaire à l'ouest, de grès du silurien à l'est[16] et de l'accumulation de sable de l'Holocène au sud-est, le long de la baie de Port Phillip.
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+ Melbourne s'étend le long de la vallée du Yarra vers les monts Dandenong à l'est. Elle s'étire vers le nord à travers les vallées et les vallons des affluents du Yarra : la Moonee Ponds Creek (vers l'aéroport de Tullamarine), la Merri Creek et la Plenty River vers les lointaines banlieues de Craigieburn et de Whittlesea. La ville s'étend, au sud-est, à travers le quartier de Dandenong, vers le nouveau quartier de Pakenham et le Gippsland beaucoup plus à l'ouest. Les banlieues sud s'étalent le long de la rivière Patterson, vers la péninsule Mornington avec l'arrondissement de Frankston et les quartiers d'Olivers Hill, Mount Martha et Arthurs Seat, s'étendant le long des plages de la baie de Port Phillip, formant une seule conurbation atteignant les quartiers chics de Portsea et de Nepean Point. À l'ouest, la ville s'étend le long de la rivière Maribyrnong et de ses affluents nord vers le pied de la chaîne Macedon et à l'ouest, à travers la plaine volcanique vers Melton, Werribee au pied des collines volcaniques des You Yangs plus au sud et Geelong qui forme l'extrémité sud-ouest de la métropole.
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+ Les principales plages de Melbourne sont, pour la plupart, situées sur les rives de la baie de Port Phillip le long des quartiers sud-est de la ville, tels que Port Melbourne, Albert Park, St Kilda, Elwood, Brighton, Sandringham, Frankston et Mentone bien que l'on trouve des plages à Altona et à Williamstown à l'ouest. Les plages de surf les plus proches sont situées à 85 kilomètres du centre-ville avec les plages océaniques de Rye, Sorrente et Portsea.
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+ Comme de nombreux autres centres urbains, Melbourne doit faire face à d'importantes questions environnementales. Melbourne est une des villes les plus étendues au monde en raison de sa faible densité de logement, de l'éparpillement de sa banlieue et de l'utilisation de l'automobile comme principal moyen de transport à cause d'un minimum de transport public en dehors du centre-ville. Une grande partie des espèces végétales plantées dans la ville sont des espèces non indigènes, la plupart d'origine européenne et, dans de nombreux cas, des espèces envahissantes considérées comme des mauvaises herbes. Des animaux importés parasitent la ville comme le martin triste[17], le pigeon biset[18], l'étourneau sansonnet, le rat brun, la guêpe germanique[19] et le renard roux[20]. De nombreuses banlieues périphériques, en particulier celles de la vallée du Yarra et les collines au nord-est et à l'est, sont restées pendant de longues périodes sans régénération par les incendies conduisant à un manque de jeunes arbres et de sous-bois dans les zones aux bois autochtones, le ministère de l'Environnement a partiellement résolu ce problème par des brûlis réguliers. La ville possède de nombreux parcs nationaux à proximité des zones urbaines, notamment le parc national de la péninsule de Mornington, le parc national marin de cap Port Phillip et le parc national de Nepean au sud-est de la ville, le parc national des tuyaux d'orgue au nord et le parc national de la chaîne Dandenong à l'est. Il existe également un certain nombre de parcs d'État à l'extérieur de Melbourne.
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+ La responsabilité de la règlementation de la pollution relève de la compétence de l'Agence de la protection de l'environnement du Victoria et de plusieurs conseils locaux. La pollution de l'air, selon les standards mondiaux, est classée satisfaisante, mais l'été et l'automne sont les pires périodes de l'année en raison de la brume qui enserre la ville[21].
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+ Le plus grand problème environnemental actuel de Melbourne est le projet du gouvernement du Victoria d'approfondir le chenal permettant d'accéder à Melbourne par le dragage de la baie de Port Phillip, entraînant pour beaucoup la crainte que les plages et la faune marine puissent être affectées par l'agitation de sédiments riches en métaux lourds et autres déchets industriels[22]. Parmi les autres grands problèmes de pollution rencontrés par Melbourne figurent la concentration en germes fécaux et autres bactéries, comme Escherichia coli dans le Yarra et ses affluents, provenant des fosses septiques de la ville[23] ainsi que par les 350 000 filtres de cigarettes emportés tous les jours par le ruissellement des eaux pluviales[24]. Plusieurs programmes sont mis en œuvre pour minimiser la pollution des plages et des rivières.
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+ Melbourne a un climat océanique (placé en Cfb dans la classification de Köppen[26]) et est célèbre pour la variabilité de ses conditions météorologiques. Cela est dû en partie à la topographie plate de la ville, à sa situation en bordure de la baie de Port Phillip ainsi qu'à la présence de la chaîne Dandenong à l'est, une association qui crée des systèmes météorologiques variés qui gravitent souvent autour de la baie. L'expression « quatre saisons en un jour » (four seasons in one day) fait partie de la culture populaire locale et est facilement vérifiée par de nombreux visiteurs de la ville[27].
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+ Melbourne est plus froide que les autres capitales continentales australiennes en hiver. Le maximum le plus bas connu par la ville est de −4,4 °C le 15 juillet 1984 (enregistrée à la station de Laverton)[28]. Toutefois, les chutes de neige sont extrêmement rares : la plus récente en centre-ville date du 25 juillet 1986 et les plus récentes chutes de neige en limite de ville ont eu lieu sur le mont Dandenong le 10 août 2005[29], le 15 novembre 2006, le 25 décembre 2006 — en été en Australie[30] — et le 10 août 2008[31]. Plus fréquemment, Melbourne connaît des gelées et du brouillard en hiver.
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+ Au printemps, Melbourne bénéficie couramment de longues périodes de temps doux et d'un ciel dégagé. Melbourne est aussi connue pour avoir, lors de certaines années, des étés très chauds et très secs avec des températures maximales au-dessus de 40 °C lorsque les vents chauds et secs des déserts australiens soufflent sur la ville.
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+ Dans l'histoire, Melbourne a connu un nombre inhabituel de grands évènements météorologiques et climatiques extrêmes ainsi que quelques rares cas de catastrophe naturelle[32]. En 1891, une importante inondation a porté la largeur du Yarra à 305 mètres. En 1897, un grand incendie a détruit tout un pâté de maisons entre Flinders Street, Flinders Lane, Swanston Street et Elizabeth Street, ainsi que le plus haut bâtiment de l'époque de la ville, un immeuble de bureaux haut de 43 mètres. En 1908, une canicule a frappé la ville. Le 2 février 1918, la tornade Brighton, une tornade de force F3 dans l'échelle de Fujita et la plus forte tornade à avoir frappé une grande ville australienne a frappé le quartier de Brighton en bordure de baie. En 1934, des tempêtes ont causé des dommages considérables à la ville. Le 7 février 2009, Melbourne a connu sa journée la plus chaude avec un record de 47,5 °C (enregistrée à la station de Laverton) et une vague de chaleur de quatre jours dans tout le pays[33]. C'est à ce moment-là que se situe le Black Friday (le « vendredi noir ») où les feux de brousse ont détruit des communes qui font maintenant partie de la banlieue de Melbourne. En 1951, il a neigé à la fois sur le centre-ville et sur les banlieues mais avec de faibles chutes enregistrées[28]. En février 1972, le centre-ville a été inondé et le ruisseau de la rue Elisabeth est devenue un torrent[34]. Le 8 février 1983, la ville a été enveloppée par une énorme tempête de poussière, qui a duré tout le jour et la nuit. Le 16 février 1983, Melbourne a été entourée par un arc de feu, incendies de brousse connus sous le nom d'incendies du Mercredi des Cendres de 1983 (Ash Wednesday fires) et qui ont mordu sur le pourtour de la ville. En 1997, Melbourne a été touchée par une vague de chaleur avec une température ne descendant pas au cours d'une période de 24 heures en dessous de 28,9 °C. De violentes tempêtes ont frappé la ville en janvier 2004 et février 2005. Le 9 décembre 2006, une épaisse fumée produite par des feux de brousse a plongé la ville dans l'obscurité[35]. Une vague de chaleur a sévi sur Melbourne en 2008 et 2009 et des feux de broussailles ont menacé ses banlieues[36].
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+ Le quartier de Southbank pourrait être submergé par la montée du niveau de la mer d'ici 2100[37]
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+ La vieille ville, conçue par Robert Hoddle est actuellement devenue le quartier central des affaires où CBD (Central Business District) a été bâtie sur un plan au carré d'un mille de long sur un demi-mille de large, la limite sud correspondant au fleuve Yarra. Le centre-ville est bien connu pour ses bâtiments historiques, ses rues et ses galeries marchandes (dont les plus importantes sont les Block et Royal Arcades) qui abritent une grande variété de boutiques et de cafés[38]. Le centre-ville et ses environs possèdent de nombreux monuments historiques comme le palais royal des expositions, l'hôtel de ville et le parlement. Bien que la vieille ville soit appelée le centre-ville, elle ne constitue pas le centre démographique de Melbourne en raison de l'étalement de la ville vers le sud-est, le centre démographique étant situé à St Bourne à Glen Iris[39].
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+ Melbourne est un exemple typique des villes australiennes conçues au début du XXe siècle, la ville ayant été bâtie avec l'idée sous-jacente permanente d'une maison individuelle et de son jardin pour chaque famille, conception souvent connue localement comme l'Australian Dream. Une grande partie de la métropole a une faible densité de population. La mise à disposition des habitants d'un vaste réseau de chemin de fer et de tramways dès les premières années de développement de la ville a favorisé un développement de faible densité, la plupart du temps, le long des couloirs de transport.
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+ Melbourne est souvent appelée la ville-jardin de l'Australie et l'État du Victoria était autrefois surnommé l'État-jardin. Il y a un grand nombre de parcs et jardins à Melbourne, dont de nombreux proches du centre-ville, avec une grande variété de plantes communes ou rares placées au milieu de parcs paysagers, en bordure de voies piétonnes et d'avenues bordées d'arbres. Il y a aussi beaucoup de parcs dans les banlieues de Melbourne, comme dans les arrondissements de Stonnington, Boroondara et de Port Phillip, au sud-est du centre-ville.
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+ L'agglomération de Melbourne est officiellement divisée en centaines de quartiers (essentiellement pour une distribution facile du courrier) qui sont administrés par des zones d'administration locale.
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+ Melbourne possède cinq des six plus hauts immeubles australiens, le plus haut étant la tour Eureka. Au total Melbourne compte 92 gratte-ciel.
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+ Allée d'ormes anglais, Fitzroy Gardens.
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+ Maison victorienne à terrasse commune dans la proche banlieue de la ville, type de maison en cours de gentrification.
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+ Automne dans la banlieue de Canterbury.
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+ Vue panoramique du centre-ville de Melbourne.
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+ Melbourne est largement connue comme capitale culturelle et sportive de l'Australie. Elle a été classée plusieurs fois par The Economist comme la ville la plus agréable au monde sur la base de ses attributs culturels, de son climat, du coût de la vie, et des conditions sociales telles que le taux de criminalité et les services de santé. Toutefois, la hausse des prix de l'immobilier au cours de ces dernières années a conduit Melbourne à être nommée 36e ville la moins abordable au monde et la deuxième en Australie[40].
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79
+ La ville organise chaque année une grande variété d'événements culturels et de spectacles. Melbourne est également considérée comme la capitale australienne de la musique live avec une forte proportion d'artistes émergents de la musique live ayant fait leurs premières armes sur les scènes de Melbourne. La ville est connue pour ses arts de la rue classés comme attraction majeure par les guides touristiques Lonely Planet (voir l'article sur les Arts de la rue à Melbourne (en)). La ville est également appréciée comme une des grandes villes de l'époque victorienne (1837-1901) et un centre urbain mélangeant une vigoureuse expansion avec une série impressionnante de bâtiments du XIXe et du début du XXe siècles[41].
80
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+ Au cours des dernières années, la ville a réclamé le titre de capitale mondiale des principaux sports[41]. La ville abrite le musée national des sports qui, jusqu'en 2006, était situé aux abords du stade de cricket et qui a été transféré en 2008 au Grand Stade Nord[42].
82
+
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+ Le football australien (en hiver) et le cricket (en été) sont les deux sports les plus pratiqués à Melbourne qui en est le principal centre en Australie. Les deux sont le plus souvent joués dans les mêmes stades (ils utilisent les mêmes terrains) que ce soit en centre-ville ou en banlieue. La toute première rencontre officielle de cricket en Australie a été jouée au stade de cricket de Melbourne, le Melbourne Cricket Ground en mars 1877; ce stade est maintenant le plus grand stade de cricket au monde. Les premiers matchs de football australien ont été joués à Melbourne en 1858 et la ligue de football australien, l'AFL, l'Australian Football League, a son siège au Telstra Dome. L'agglomération possède neuf grandes équipes de football australien et les cinq matchs hebdomadaires qui les opposent attirent en moyenne 40 000 personnes par partie[43]. En outre, la ville accueille chaque année la finale de l'AFL.
84
+
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+ La ville abrite également plusieurs équipes professionnelles d'autres sports nationaux, comme l'équipe de rugby à XIII du Melbourne Storm[44], les équipes de football de la Melbourne Victory et du Melbourne Heart qui jouent en ligue A (la première division australienne), l'équipe de netball, la Melbourne Vixens qui joue en championnat ANZ, l'équipe de basket-ball des Melbourne Tigers qui joue en Ligue nationale de basket-ball.
86
+
87
+ Melbourne abrite tous les ans trois des principales compétitions internationales les plus mondialement connues: l'Open d'Australie (en tennis), la Melbourne Cup (course de plat de chevaux qui a lieu le premier mardi de novembre et qui est jour férié à Melbourne et Canberra) et le Grand Prix automobile d'Australie de Formule 1.
88
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89
+ Melbourne a organisé les championnats du monde de cyclisme sur route 2010.
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+ Le square de la fédération.
92
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+ Le stade de cricket de Melbourne où se déroulent les matchs de cricket et de football australien.
94
+
95
+ Le lieu du souvenir (The shrine of Remembrance).
96
+
97
+ Gâteaux et pâtisseries dans un salon de thé sur la rue Collins.
98
+
99
+ Melbourne abrite le principal port maritime d'Australie avec un chiffre d'affaires dépassant les 70 milliards de dollars australiens (AUD) et un transport par conteneurs représentant 39 % de ce type de transport en Australie[45],[46] ainsi que la plus grande partie de l'industrie automobile australienne avec les usines Ford et Toyota et l'usine de fabrication de moteurs Holden. Elle abrite de nombreuses autres industries manufacturières en même temps qu'elle est un important centre financier[réf. souhaitée]. À la mi-novembre 2006, la ville a accueilli le sommet du G20 au milieu de violentes manifestations. Le transport international de marchandises occupe aussi un secteur important de l'économie de la ville.
100
+
101
+ Melbourne est également un important pôle technologique, avec une industrie des technologies de l'information et de la communication (TIC) qui emploie plus de 60 000 personnes, soit un tiers de la main d'œuvre australienne dans ce secteur d'activités, avec un chiffre d'affaires de 19,8 milliards de dollars et des recettes à l'exportation de 615 millions d'AUD[47].
102
+
103
+ Melbourne continue de jouer un rôle important comme centre financier pour l'Asie et le Pacifique sud. Deux des quatre plus grandes banques australiennes, la National Australia Bank (NAB) et l'Australia and New Zealand Banking Group (ANZ), ont leur siège social à Melbourne. La ville a su se tailler un nouveau créneau devenant le premier centre australien de gestion de fonds de pension, avec 40 % du total, dont 65 % pour les fonds de pensions de l'industrie[48]. Melbourne détient également quarante milliards de dollars du fonds d'investissement du gouvernement fédéral et pourrait abriter le siège de la plus grande entreprise mondiale si le projet de fusion entre BHP Billiton et le groupe Rio Tinto se faisait[49].
104
+
105
+ Le tourisme joue un rôle important dans l'économie de Melbourne, avec environ 18,3 millions de visiteurs nationaux[50] et 1,96 million de touristes internationaux[51] en 2013. Dès 2008, Melbourne avait dépassé Sydney comme principale destination touristique australienne[52].
106
+
107
+ La ville est le siège de nombreuses grandes entreprises australiennes dont cinq des dix plus grandes du pays (sur la base du chiffre d'affaires)[53] (ANZ, BHP Billiton, National Australia Bank (NAB), Rio Tinto et Telstra), ainsi que des organismes comme l'organisation patronale Business Council of Australia ou syndicale ouvrière, le Conseil australien des syndicats.
108
+
109
+ Melbourne est classée au 34e rang des 50 plus grands centres financiers par le Mastercard Worldwide Centers of Commerce Index (2007)[54] après Barcelone et derrière Genève, et le deuxième derrière Sydney (14e) en Australie.
110
+
111
+ Les plus récents grands projets aménagements, tels que le réfection de la gare de la croix du Sud (Southern Cross Station (ex-Spencer Street Station)), ont tourné autour des Jeux du Commonwealth de 2006, qui ont eu lieu dans la ville du 15 mars au 26 mars 2006. La pièce maîtresse des réalisations des Jeux du Commonwealth a été le réaménagement du stade de cricket de Melbourne qui a été utilisé pour l'ouverture et de clôture des Jeux. Le projet comprenait la reconstruction de la moitié nord du stade et la création d'une piste d'athlétisme temporaire pour un coût de 434 millions de dollars[55].
112
+
113
+ Melbourne a également su s'attirer une part croissante du marché des conférences nationales et internationales. En février 2006 a commencé la construction, pour un milliard d'AUD, d'un centre de conférences internationales de 5 000 places, d'un hôtel Hilton et d'un centre commercial adjacent au Melbourne Convention and Exhibition Centre qui reliera, le long du Yarra la Southbank et le nouveau quartier des docks en cours de réaménagement pour plusieurs milliards de dollars[56].
114
+
115
+ Aujourd'hui, Melbourne est une ville multiculturelle à la population multiethnique. En 2006, près d'un quart de la population de l'État du Victoria était née outre-mer et la ville abritait des résidents de 233 pays, qui parlaient plus de 180 langues et dialectes et pratiquaient 116 confessions religieuses[58]. Melbourne abrite la deuxième plus importante population asiatique d'Australie, avec les plus importantes communautés vietnamiennes, indiennes et sri-lankaises du pays.
116
+
117
+ Les premiers habitants de la zone géographique connue actuellement sous le nom de Melbourne ont été les Aborigènes d'Australie — en particulier, les peuples bunurong, wurundjeri et wathaurong. Melbourne est toujours un lieu de vie des Autochtones — composés de groupes locaux et d'indigènes en provenance d'autres régions d'Australie — {avec une communauté aborigène de plus de 20 000 personnes (0,6 % de la population[59]).
118
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119
+ Les premiers colons européens à Melbourne étaient britanniques et irlandais. Ces deux communautés représentaient pratiquement la quasi-totalité des nouveaux arrivants avant la ruée vers l'or, et ont fourni la plus grande partie des immigrants de la ville jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Melbourne a été transformée par la ruée vers l'or des années 1850, en quelques mois après la première découverte d'or en août 1852, la population de la ville a augmenté de près de trois quarts, passant de 25 000 à 40 000 habitants[60]. Par la suite, la croissance est devenue exponentielle et en 1865, Melbourne a dépassé Sydney et est devenue la ville la plus peuplée d'Australie[6]. Un grand nombre de chinois, d'allemands et de ressortissants des États-Unis sont venus travailler sur les champs aurifères, puis à Melbourne. Les différentes nationalités ayant participé à la révolte de l'Eureka Stockade en 1854 donnent une indication approximative des flux migratoires de la deuxième moitié du XIXe siècle.
120
+
121
+ Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Melbourne va voir arriver un flot sans précédent d'immigrants en provenance d'Europe du Sud, principalement de Grèce et d'Italie, mais aussi de Chypre et de Turquie. Au recensement de 2001, il y avait 151 785 personnes nées en Grèce vivant à Melbourne[61]. 47 % de tous les Australiens d'origine grecque vivent à Melbourne[62]. Les Australiens d'origine chinoise ou vietnamienne représentent également une fraction significative de la population.
122
+
123
+ Melbourne bénéficie d'un niveau relativement élevé d'intégration de ses migrants par rapport aux autres villes australiennes, mais certains groupes ethniques sont associés aux quartiers de banlieue dans lesquels ils se sont installés lors de leur arrivée : les Italiens à Carlton, Brunswick, Bulleen et Mille Park ; les Macédoniens à Thomastown ; les Indiens et les Sri Lankais à la banlieue sud-est telle qu'Hampton Park et Narre Warren ; les Grecs à Oakleigh, Northcote et Hughesdale ; les Vietnamiens à Richmond, Springvale et Footscray ; les Maltais à Sunshine, les Serbes, les Croates et les Bosniens à St Albans ; les Turcs à Coburg ; les Libanais à Broadmeadows et Coburg ; les Russes à Carnegie ; les Espagnols et les Mexicains à Fitzroy ; les Nord-Africains à Flemington ; les Africains du Sud du sahara à Noble Park ; les Cambodgiens à Keysborough ; les Éthiopiens à Footscray, Flemington et Sunshine ; les Soudanais à Flemington et Footscray ; les Philippins à Hoppers Crossing ; les Chinois à Springvale, Richmond et Box Hill ; les populations du Moyen-Orient comme les Afghans et les Iraniens à Thomas Street. Les villes de Dandenong, Monash, Casey et Whittlesea en limite de Melbourne sont notamment des points chauds de migrants[63].
124
+
125
+ Melbourne a une proportion de résidents nés outre-mer supérieure à la moyenne nationale: 34,8 % pour une moyenne nationale de 23,1 %. Selon les données nationales, la Grande-Bretagne est le pays de naissance le plus fréquemment rencontré avec 4,7 %, suivi par l'Italie (2,4 %), la Grèce (1,9 %) et la Chine (1,3 %). Melbourne dispose également d'importantes communautés d'origine vietnamienne, indienne et sri-lankaise, en plus de récentes arrivées d'Afrique du Sud et du Soudan.
126
+
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+ Plus des deux tiers des habitants de Melbourne parlent seulement anglais chez eux (68,8 %). L'italien est la deuxième langue la plus parlée à la maison (4,0 %), le grec et le chinois sont respectivement troisième et quatrième, avec plus de 100 000 pratiquants.
128
+
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+ Le recensement de 2006 montre que 28,3 % (1 018 113 personnes) des habitants de Melbourne se disent catholiques[64]. On trouve ensuite, par ordre décroissant, les personnes sans religion (20,0 %, 717 717), les anglicans (12,1 %, 433 546), les orthodoxes[65] (5,9 %, 212 887) et les protestants (Uniting Church) (4,0 %, 143 552)[64]. Bouddhistes, musulmans, juifs et hindous représentent collectivement 7,5 % de la population. Quatre juifs australiens sur dix habitent Melbourne. La ville abrite le plus grand nombre de survivants de la Shoah de toutes les villes australiennes[66], avec le plus fort pourcentage par habitant en dehors d'Israël lui-même[67].
130
+
131
+ La ville possède deux grandes cathédrales, Saint-Patrick (catholique), et Saint-Paul (anglicane). Les deux ont été construites à l'époque victorienne et figurent au patrimoine architectural de la ville.
132
+
133
+ Bien que le solde migratoire inter-États fluctue fortement selon les années, la population de Melbourne augmente d'environ 50 000 personnes par an depuis 2003. Melbourne est la capitale australienne qui attire le plus grand nombre d'immigrants venus d'outre-mer (48 000) devant Sydney, mais elle reçoit aussi des migrants venant de Sydney et d'autres capitales australiennes en raison du prix des logements plus abordables et d'un coût de la vie plus bas, deux facteurs clés qui ont contribué ces dernières années à la croissance de Melbourne[79],[80]. Au cours des dernières années, les arrondissements de Melton, Wyndham et Casey ont enregistré le plus fort taux de croissance de toutes les zones d'administration locale d'Australie. Bien qu'une étude démographique ait montré que Melbourne pourrait devancer Sydney en population d'ici à 2028[81], le Bureau australien des statistiques a conçu deux scénarios qui prévoient, pour l'un, que Sydney restera devant Melbourne au-delà de 2056, mais avec un écart inférieur trois pour cent contre douze pour cent aujourd'hui, pour l'autre, que la population de Melbourne dépassera celle de Sydney en 2039, principalement en raison du flux migratoire interne entre les deux capitales[78].
134
+
135
+ La densité de la population a diminué à Melbourne après la Seconde Guerre mondiale, le développement de l'automobile et les attraits d'un chez-soi à la campagne provoquant un agrandissement des banlieues, principalement vers l'est. Après beaucoup de discussions tant au niveau du grand public qu'à celui des organismes de planification dans les années 1980, on a voulu changer cela et la baisse s'est inversée depuis la récession du début des années 1990. La ville a augmenté sa densité dans le centre et la banlieue ouest. Depuis les années 1970, le gouvernement du Victoria envisage des plans, tels que Postcode 3000 et Melbourne 2030, pour limiter l'étalement urbain.
136
+
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+ Melbourne possède deux quotidiens, le Herald Sun, un tabloïd du groupe News Limited de Rupert Murdoch et The Age, un journal grand format du groupe Fairfax Media. Un journal gratuit mX est aussi distribué chaque après-midi de la semaine dans les gares et dans les rues du centre de Melbourne.
138
+
139
+ Melbourne a six réseaux de télévision :
140
+
141
+ Un certain nombre de stations de radio émettent sur Melbourne et au-delà aussi bien en AM qu'en FM. Les stations les plus populaires en FM sont Nova 100 et Mix 101,1, toutes deux installées à Richmond et Fox FM et Triple M de Austereo Radio Network dont les studios sont situés sur St Kilda Road. En modulation d'amplitude, on trouve 3AW, une importante station de radio de discussion, et son affiliée, Magic 1278, qui diffuse de la musique des années 1930-1960.
142
+
143
+ Le Conseil municipal de Melbourne prend en charge la gestion de la ville de Melbourne, qui comprend le centre-ville et les proches quartiers l'entourant. Toutefois, le responsable du conseil municipal de Melbourne, le lord-maire de Melbourne, est souvent considéré comme le représentant du « Grand Melbourne » (Greater Melbourne, désignant toute l'agglomération)[82] en particulier lorsqu'il se rend dans un autre État australien ou à l'étranger. L'actuel lord-maire est Sally Capp (en) , en fonction depuis mai 2018[83].
144
+
145
+ Le reste de l'agglomération est divisé en 30 zones d'administration locale qui sont :
146
+
147
+ Toutes ces zones sont désignées comme des citys, à l'exception de cinq d'entre elles à la toute périphérie de la ville qui ont le titre de comté (shire en anglais). Les habitants des zones élisent des conseillers, responsables d'un certain nombre de fonctions qui leur sont déléguées par le gouvernement de l'État du Victoria en vertu de la Local Government Act de 1989[84],[85], telles que la planification urbaine et la gestion des déchets.
148
+
149
+ La plus grande partie de la gestion de l'agglomération est sous le contrôle du gouvernement de l'État du Victoria, qui siège à la maison du Parlement dans Spring Street. C'est le cas notamment des transports publics, des grands axes routiers, du contrôle de la circulation, de la police, de l'éducation autre que préscolaire et de la planification des grands projets d'infrastructure. Parce que les trois quarts de la population du Victoria vivent à Melbourne, les différents gouvernements de l'État ont toujours été réticents à permettre le développement de l'autonomie de la ville, ceci pour éviter les conflits qui pourraient apparaître entre le conseil municipal et le gouvernement de l'État. C'est la raison pour laquelle la semi-autonome Melbourne and Metropolitan Board of Works a été supprimée en 1992 ce qui n'est pas sans analogie avec les autres États australiens où le gouvernement de l'État exerce les pouvoirs sur les grandes métropoles.
150
+
151
+ L'enseignement est sous le contrôle de l'État qui le supervise par le Ministère de l'Éducation et du Développement de la petite enfance (DEECD en anglais abrégé), dont le rôle est de « fournir des conseils en matière de planification et d'organisation de l'enseignement »[86]. Il est dirigé par deux ministres d'État, un pour l'éducation et pour les enfants et l'autre pour le développement de la petite enfance.
152
+
153
+ Le contrôle, l'élaboration des programmes éducatifs et les initiatives de recherche de l'enseignement primaire et secondaire sont effectués par la Victorian Curriculum and Assessment Authority (VCAA))[87].
154
+
155
+ La plupart des High Schools de Melbourne sont appelées « collèges secondaires », un héritage du gouvernement travailliste de Joan Kirner. Il y a deux écoles publiques très cotées à Melbourne et toutes les écoles publiques ont le droit de restreindre l'accès aux étudiants vivant dans leur « zone »[88],[89].
156
+
157
+ Bien que l'enseignement public soit gratuit, 35 % des élèves fréquentent une école primaire ou secondaire privée[90]. La plupart des nombreuses écoles privées sont catholiques, les autres sont indépendantes d'une confession.
158
+
159
+ Les deux principales universités de la ville sont l'université de Melbourne et l'université Monash, la plus importante université d'Australie par son nombre d'étudiants. Les deux sont membres du groupe des Huit. L'université de Melbourne a été placée au deuxième rang des universités australiennes en 2006 au classement international du Times Higher Education[91] tandis que le Times Higher Education Supplement avait classé l'université de Melbourne au 22e rang des meilleures universités du monde, l'université Monash avait été classée au 38e. Melbourne a été classée par le RMIT, quatrième ville universitaire en 2008, après Londres, Boston et Tokyo (Paris ayant été rétrogradée de la 3e à la 5e place entre 2006 et 2008)[92],[93].
160
+
161
+ Melbourne est le siège de certains des plus anciens établissements d'enseignement d'Australie, avec notamment les plus anciennes écoles de droit (1857), des sciences de l'ingénieur (1860), de médecine (1862), de dentaire (1897) et de musique (1891), toutes situées à l'université de Melbourne. L'université de Melbourne est aussi la plus ancienne université du Victoria et la deuxième plus ancienne université d'Australie.
162
+
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+ Les principales autres universités situées à Melbourne sont listées dans le tableau ci-dessous. L'université Deakin a deux campus principaux, l'un à Melbourne et l'autre à Geelong et est la troisième plus grande université du Victoria.
164
+
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+ Outre les universités majeures listées ci-dessous, il existe également le campus Saint-Patrick de l'université catholique australienne.
166
+
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+ Au cours des dernières années, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans une des universités de Melbourne a augmenté, résultat d'une augmentation du nombre de places mises à la disposition des étudiants payant plein tarif[94].
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+
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+ Le ministère de la Santé du gouvernement du Victoria supervise environ trente hôpitaux publics et treize organisations des services de santé dans la région de Melbourne[95]. Les principaux hôpitaux publics sont l'hôpital royal de Melbourne, l'hôpital Alfred de la faculté de médecine de l'université Monash, l'hôpital Austin et les importants hôpitaux privés : d'Epworth, St Francis Xavier Cabrini, Saint-Vincent. La ville abrite également de très importants centres de recherche en médecine et en biotechnologie comme l'institut St. Vincent de recherche médicale, l'institut Burnet, l'institut contre le cancer Peter MacCallum, l'institut de recherche médicale Walter et Eliza Hall, l'institut de recherche des enfants Murdoch, l'institut de cardiologie Baker et le synchrotron australien.
170
+
171
+ La ville dispose d'un réseau de tramway, de chemin de fer loco-régional et de bus, accessibles par un ticket commun qui s'appelle Myki card. La tarification est basée sur un découpage en deux zones urbaines.
172
+
173
+ Melbourne est la seule ville australienne à avoir conservé son réseau de tramway, qui dessert le centre-ville et la proche banlieue. C'est en fait un des réseaux les plus étendus au monde, qui continue doucement à croître. Les anciennes rames peintes en vert et or étaient un véritable symbole de la ville, mais la plupart des rames récentes sont recouvertes de publicité. Les anciens W-class trams en bois ont été progressivement retirés du service à cause de problèmes de freinage et ne circulent plus que sur quelques lignes touristiques. Des rames modernes construites par AlstomTransport ont fait leur apparition en 2001 et les abris des arrêts de tramway ont commencé à être systématiquement rénovés à partir de 2002.
174
+
175
+ Le réseau ferré suburbain comporte 15 lignes électrifiées qui desservent largement l'agglomération et la banlieue depuis la gare de Flinders Street. Elles se rejoignent au centre-ville, où les stations et les lignes sont souterraines ou en viaduc. La correspondance avec les chemins de fer régionaux s'effectue à la gare de Southern Cross, au centre-ville. Les rames sont en cours de rénovation, mais les plus anciennes n'ont pas encore de climatisation, ce qui provoque le mécontentement des usagers pendant la période estivale.
176
+
177
+ Les autobus sont principalement utilisés pour relier entre elles les zones de banlieues non desservies par le métro ou le tram, et pour accéder au réseau ferré.
178
+
179
+ Melbourne possède quatre aéroports dont un international (Melbourne-Tullamarine). Celui d'Essendon est situé dans la banlieue nord de la ville.
180
+
181
+ La ville dispose de son propre réseau de vélos en libre-service (Melbourne Bike Share) : en 2016, le réseau comprend 676 vélos et 53 stations. Ces derniers sont construits au Canada par l'entreprise PBSC Solutions Urbaines[96].
182
+
183
+ Le Melbourne Cricket Ground accueille les matchs de football australien et de cricket. D'avril à septembre (la saison hivernale en Australie), on y joue au football australien ou Footy. Ce sport spectaculaire et convivial est très apprécié dans ce pays et en particulier dans cet État du Victoria. On peut assister aux différents matchs du championnat pour un prix raisonnable. Pendant l'été, il y a bien entendu plusieurs compétitions de cricket, la plus importante étant celle du Boxing Day, qui se situe le lendemain de Noël.
184
+
185
+ Il accueille en janvier l'Open d'Australie, un des quatre tournois du Grand Chelem de tennis. La finale se joue dans la Rod Laver Arena.
186
+
187
+ Le musée de Melbourne est situé au nord-est du centre-ville, à proximité de l'ancien bâtiment construit pour l'exposition universelle de 1880. On peut y voir la dépouille du fameux cheval de course Phar Lap, véritable héros national australien des années 1920. Dans un registre plus technique, on y a également conservé le CSIRAC, cinquième ordinateur électronique construit, et le dernier de sa génération à être encore en état de marche. Le complexe abrite également un cinéma IMAX.
188
+
189
+ Elle est typique avec son immense salle de lecture en forme de dôme et un parterre gazonné orné de statues.
190
+
191
+ Récemment restaurée, elle abrite des collections d'art classique et contemporain.
192
+
193
+ Salle de concert installée non loin de la place de la Fédération.
194
+
195
+ Situé à Southgate, c'est là que se produisent les Melbourne Symphony Orchestra, Melbourne Theatre Company, Australian Ballet Company et Chunky Move (la plus célèbre formation de danse contemporaine australienne).
196
+
197
+ La Eureka Tower est, avec ses 92 étages et 300 m de haut, la plus haute tour habitable de Melbourne. Par vent fort, le sommet de la tour peut avoir une inclinaison allant jusqu'à 60 cm. Deux réservoirs de 300 m3 d'eau situés respectivement aux 90e et 91e étages aident à prévenir un déplacement latéral excessif. Au 88e étage de la tour, un observatoire entièrement vitré offre une vue superbe sur la ville.
198
+
199
+ Son nom lui vient de la ruée vers l'or qui a fait la fortune de la ville vers 1850. Cet épisode historique est également symbolisé par une section de panneaux dorés 24 carats dans les dix derniers étages de la tour et un groupe d'abeilles dorées ornant la terrasse au-dessus du portail principal. Une bande rouge verticale rappelle le sang versé lors de la révolte des chercheurs d'or contre le gouvernement. Les lignes blanches horizontales évoquent les repères sur un outil d'arpentage.
200
+
201
+ Situé le long du fleuve Yarra, c'est un énorme complexe de jeu, une sorte de Las Vegas miniature, avec ses restaurants, discothèques, hôtels, cinémas et boutiques de luxe.
202
+
203
+ Il a bénéficié d'aménagements récents et compte nombre de restaurants de qualité.
204
+
205
+ Melbourne est jumelée avec les 6 villes ci-dessous. Elle a par ailleurs conclu un accord stratégique avec New Dehli[97].
206
+
207
+ Boîtes de bain Brighton Beach
208
+
209
+ Pont de Bolte la nuit
210
+
211
+ Un tramway à côté d'un bus Melbourne Bus Link, avec un métro Trains X'Trapolis 100 passant au-dessus
212
+
213
+ Image satellite de Melbourne la nuit, vue de la NASA
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+ Les toits de Melbourne CBD et la rivière Yarra la nuit
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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1
+ Cucumis melo
2
+
3
+ Espèce
4
+
5
+ Classification phylogénétique
6
+
7
+ Le Melon (Cucumis melo) est une plante herbacée annuelle originaire d'Afrique intertropicale, appartenant à la famille des Cucurbitacées et largement cultivée comme plante potagère pour son faux-fruit comestible. Le terme désigne aussi le fruit climactérique lui-même très savoureux, sucré et parfumé.
8
+
9
+ À ne pas confondre avec le « melon d'eau » (pastèque), mais cette expression désigne aussi certaines variétés de melons à chair blanche.
10
+
11
+ Nom scientifique : Cucumis melo L. subsp. melo, famille des Cucurbitacées, sous-famille des Cucurbitoideae, tribu des Melothrieae, sous-tribu des Cucumerinae.
12
+
13
+ Le melon cultivé appartient à la sous-espèce Cucumis melo L. subsp. melo dont le faux-fruit est très polymorphe. Le fruit sauvage d'origine ne dépassait pas 30 à 50 g mais il a servi de base à la définition de très nombreuses variétés[1]. Celles-ci sont diversement rassemblées selon les auteurs en groupes, dont les plus importants sont :
14
+
15
+ Il existe un melon sauvage appelé localement « melon tsamma », présent dans le désert du Kalahari (voir aussi le Parc transfrontalier de Kgalagadi), qui avec les concombres sauvages est la seule source d'eau de la région pendant la période de sécheresse annuelle[2].
16
+
17
+ Le terme « melon » est issu vers 1256 du bas latin melonem, accusatif de melo, « fruit d'une cucurbitacée ». Ce terme est l'abréviation du latin classique melopepo emprunt au grec mêlopepôn, de mêlon, « fruit, pomme ou coing » (mot méditerranéen qui s'est substitué au nom européen de la pomme qui se dit malum en latin)[3].
18
+
19
+ Le melon est une plante herbacée annuelle à longues tiges sympodiales (pouvant atteindre 3 m) munies de vrilles simples (non ramifiées), rampantes ou grimpantes selon les variétés. La racine-pivot se ramifie en de nombreuses racines secondaires et tertiaires superficielles[4].
20
+
21
+ Les feuilles simples, alternes, à pétioles mais sans stipules, sont généralement entières. Elles sont faiblement palmatilobées (généralement 5-7 lobes), ont un limbe orbiculaire ou ovale à réniforme[4].
22
+
23
+ Les plantes sont monoïques (elles portent à la fois des fleurs mâles et des fleurs femelles) ou andromonoïques (elles portent des fleurs mâles et des fleurs hermaphrodites). La corolle jaune des fleurs est campanulée avec des pétales presque orbiculaires. L'inflorescence mâle est en fascicules de 2-4 fleurs et apparaît la première sur les 5e-12e nœud des rameaux primaires. Les fleurs femelles ou hermaphrodites sont solitaires, à corolle ovoïde et à ovaire infère. Elles apparaissent sur les rameaux tertiaires formés à partir du 14e nœud sur les rameaux primaires. Les fleurs ne s'ouvrent qu'une seule journée et sont à pollinisation principalement entomophile[5].
24
+
25
+ Le fruit est une fausse baie de forme ovale ou ronde, généralement volumineuse. Sa peau plus ou moins lisse, bosselée, côtelée, brodée ou galeuse et divisée en secteurs nettement dessinés varie en couleur de tous les tons du vert au jaune en passant par le blanc. La pulpe de couleur varie selon les variétés, de jaune à orangé ou de blanc à légèrement verdâtre, est très juteuse et parfumée à maturité. La cavité centrale, fibreuse, renferme de nombreux pépins, graines ellipsoïdes comprimées.
26
+
27
+ Le melon est une plante allogame qui se cultive aussi bien pour ses graines (consommées grillées ou utilisées pour leur huile comestible) que pour son légume-fruit, doux ou non doux (cas du melon serpent) qui s'emploie cru, cuit ou confit). Le semis en place ou en pots (les racines des cucurbitacées sont assez fragiles, rendant la transplantation à racines nues difficile) de deux ou trois graines, afin de sélectionner le meilleur plant, se fait tous les mètres car le melon a tendance à s'étaler. Il apprécie un emplacement chaud, ensoleillé et un sol riche (type fumier). En l'absence de fumier et pour faciliter le développement, on pourra apporter un engrais riche en potassium (la 3e lettre de la formule standard NPK). Le melon est particulièrement sensible à la carence en calcium et la culture en serre à haut rendement, qui provoque chez le fruit une vitrescence ou un cœur aqueux[6].
28
+
29
+ Pincer au-dessus des deux premières vraies feuilles. Puis, sur les deux tiges ainsi formées, repincer au-dessus de la 4e feuille. Pincer ensuite à trois feuilles après chaque melon. Ne conserver que trois à quatre fruits maximum par plant.
30
+
31
+ Veiller également à supprimer les feuilles masquant les fleurs femelles, afin que les insectes pollinisateurs y accèdent.
32
+
33
+ Lorsque le melon commence à faire une certaine taille, on peut le poser sur une tuile ou un tapis de gravier pour le protéger de l'humidité du sol et de façon que ce support lui apporte un maximum de chaleur propice à la maturation du fruit.
34
+
35
+ Le melon est mûr lorsque ses feuilles et son écorce commencent à jaunir et sa peau et son pédoncule à craqueler.
36
+
37
+ Il y a quatre facteurs qui jouent sur la qualité d'un melon : variété, ensoleillement, irrigation et maturité du fruit le jour de la récolte. Important : il faut récolter le melon après une bonne période d'ensoleillement et plutôt le soir que le matin (le matin, les sucres sont plus bas avec l'utilisation du sucre de la plante comme aliment pendant la nuit où la plante respire sans photosynthèse).
38
+
39
+ Le taux de sucre minimal pour être commercialisable est de 10 sur l'échelle de Brix. En dessous de 9, c'est une courge[réf. nécessaire].
40
+
41
+ Dans certains cas, le melon est greffé[7]. Le greffage en culture de melon a pour objectif de protéger les cultures contre certains agents
42
+ pathogènes :
43
+ • Verticillium dalhiae
44
+ • Phomopsis sclerotioides
45
+ • Fusarium oxysporum f. sp. melonis.
46
+ Le greffage permet également de cultiver en conditions limites de sol (température basse, salinité élevée, etc.), défavorables à la culture du melon. Enfin, dans certaines conditions, le greffage permet d’augmenter la productivité des plantes, voire la qualité des fruits.
47
+
48
+ Le melon a besoin d'un apport en eau régulier et d'un arrosage à la base en évitant de mouiller ses feuilles. Il est sensible à l'oïdium des cucurbitacées ; un bon paillage limite l'infection.
49
+
50
+ Il peut être sujet à la coulure et à la vitrescence.
51
+
52
+ Il est également sensible au Fusarium oxysporum, au mildiou et au virus mosaïque du concombre, de la pastèque et de la courgette, tous trois transmis par le même puceron (Aphis gossypii)[8].
53
+
54
+ Le Catalogue européen des espèces et variétés recense plus de 960 variétés de melon[9].
55
+
56
+ Ces melons se distinguent par leur forme (ronde, ovoïde, elliptique), par leur couleur (blanche, jaune crème, verte, ocre…), par l'aspect de leur surface (sillons[a], broderies[b], plis), par la présence ou non d'un pédoncule déhiscent :
57
+
58
+ Certaines variétés aromatiques et à faible durée de conservation sont climactériques et d'autres peu aromatiques mais de longue conservation ne le sont pas.
59
+ En France
60
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61
+ Environ 250 variétés de melon sont inscrites au Catalogue officiel français[10], dont 16 sur la liste SVI (anciennes variétés destinées aux amateurs).
62
+
63
+ Quatre types variétaux sont principalement cultivés : le « cantaloup charentais », le « charentais brodé » , le « vert olive » (écorce vert olive, forme ovale) et le « galia » .
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+
65
+ La grande majorité de ces variétés sont hybrides afin de les rendre plus vigoureuses et plus résistantes aux maladies mais quelques variétés non hybrides sont encore produites telles que : Boule d'or, Charentais, Cristel, De Cavaillon espagnol à chair rose, Jaune canari, Petit-gris de Rennes, Santon, Védrantais, Vert olive d'hiver, etc.
66
+
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+ L'hybridation interspécifique entre melon (cucurbita melo) et concombre (cucurbita sativus) a été tentée par de nombreux scientifiques depuis la fin du 19e siècle mais toujours sans succès. La raison de cet échec est très simple : le génome du melon compte 24 chromosomes alors que celui du concombre n'en compte que 14. Le croisement est donc génétiquement impossible. Ainsi, malgré la tenace légende très répandue via les groupes et forums Internet, il n'y a absolument aucun risque à cultiver melon et concombre à proximité et aucun des deux fruits n'aura le goût de l'autre[11].
68
+
69
+ Voatango est un vocable malgache qui désigne le melon cultivé à Madagascar. Il est odorant mais sa chair est blanche et fade.
70
+
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+ En France, trois productions bénéficient d'une IGP (indication géographique protégée), le melon du Haut-Poitou, le Melon du Quercy et, depuis 2012, le melon de Guadeloupe[12].
72
+ Le Melon de Lectoure est en cours.
73
+
74
+ La dénomination « Melon charentais » correspond depuis bien longtemps à un type et non pas à une appellation locale[13]. Les melons vendus sous cette dénomination peuvent provenir de différentes origines. De nombreux melons ayant des appellations sont de « type charentais ».
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+
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+ La production mondiale de melons s'élève à 28,3 millions de tonnes[14].
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+
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+ Les principaux pays producteurs sont la Chine (qui produit à elle seule plus de 50 % de la production mondiale soit 15,1 millions de tonnes), la Turquie et l'Iran (1,2 million de tonnes chacun), l'Espagne, les États-Unis, la Roumanie, l'Égypte et l'Inde.
79
+
80
+ Le rendement moyen est de 211 quintaux par hectare, mais il atteint 333 q/ha aux Pays-Bas (cultures en serres) et 346 aux Émirats arabes unis, pays toutefois de faible production.
81
+
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+ En Europe, les principaux producteurs sont l'Espagne (un million de tonnes), l'Italie (580 000 t), puis la France.
83
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+ La France en a produit 278 261 tonnes en 2017 sur une surface de 13 516 ha, soit un rendement de 20,5 tonnes par hectare [15]. Les principaux départements producteurs sont le Tarn et Garonne (38 859 t), l'Hérault (30 450 t), les Deux Sèvres (26 978 t), la Vienne (24 750 t) et le Vaucluse (22 454 t). En 2017 les exportations se sont élevées à 42 552 t et les importations à 180 409 t. en provenance principalement d'Espagne, du Maroc et d'Israël.
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+
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+ Au Japon, à Yūbari, lors de ventes aux enchères, le prix de vente des melons peut varier de 30 euros à plusieurs milliers d'euros[16] la paire.
87
+
88
+ Les fruits mûrs se mangent crus, soit en entrée, soit en dessert. On peut aussi les cuire pour en faire des compotes et des confitures.
89
+
90
+ Un bon melon doit être lourd (signe qu'il est gorgé de sucre : le taux de sucre doit dépasser 10 degrés Brix pour être commercialisé, en dessous il est classifié comme courge), exhaler une odeur typée (le humer du côté de l'auréole) qui est signe de maturité. Trop forte, cette odeur est signe de surmaturité. Au toucher, son écorce doit être souple mais pas molle. Dans le cas du melon de Cavaillon la présence d'une craquelure voire d'un détachement du pécou (pédoncule déhiscent qui se caractérise par un anneau translucide autour
91
+ de la queue, son décollement ou son détachement, par le phénomène d’abscission, qui laisse une cicatrice pédonculaire caractéristique[c]), est un signe de maturité, mais cela ne concerne pas tous les types de melons. Un bon melon lisse ou brodé doit avoir des tranches bien marquées par un trait vert bleuté. La plupart des melons commercialisés en France ont un taux de sucre garanti, grâce notamment à la mesure de leur indice réfractométrique . Le melon se conserve mieux dans un placard ou une cave fraîche qu'au réfrigérateur.
92
+
93
+ Pour certains gastronomes, la présence d'une petite aréole à la base du fruit, est un signe de qualité, indiquant un melon « femelle ». La largeur de l'aréole est selon une légende en rapport avec l'érotisation de ce légume, un indicateur selon lequel il serait meilleur et bien plein[17]. En réalité, il s'agit seulement d'un indicateur concernant la variété. À noter que les recherches du CNRS publiées en 2008, ont trouvé un gène qui contrôle le sexe chez le melon.
94
+ La majorité des variétés ont une andromonoécie, et possèdent des fleurs mâles et des fleurs hermaphrodites (avec les organes des deux sexes) sur un même plant. Le gène CmACS-7 a permis cette mutation du melon qui lui donne son andromonoécie. Ce gène provoque l'arrêt de la synthèse de l'éthylène ce qui a pour conséquence le développement des deux organes, de fleurs hermaphrodites qui se suffisent à elles-mêmes (pas d'insectes) pour produire des fruits.
95
+ Le melon est un thème iconographique fréquent et ambivalent dans les natures mortes : associé aux oignons et concombres, il symbolise le désir et la convoitise. En raison de ses nombreux pépins, il symbolise également la fécondité, d'opulence. Sa capacité de régénération peut être une allégorie de la force aveugle et incontrôlable. Inversement, la pourriture rapide du fruit peut symboliser la fragilité des biens terrestres[18].
96
+
97
+ En général, le melon ne dépasse pas les 40 kilocalories (Kcal) aux 100 grammes[19]
98
+
99
+ La région d'origine du melon n'est pas connue, mais il provient probablement d'Afrique intertropicale de l'Est où existent encore des variétés sauvages[21] ou bien du Sud-Ouest de l'Asie[22]. Des niveaux néolithiques de la Période prédynastique égyptienne ont livré des graines[22]. Il est attesté qu'il est domestiqué en Égypte 2700 ans avant notre ère et cultivé en Mésopotamie 2000 ans avant notre ère. 5 siècles av. J.-C., sa production du delta du Nil est renommée. De là, sa production passe en Grèce, puis en Italie au Ier siècle apr. J.-C.. Les Grecs désignent divers cucurbitacées à chair douce par le nom « pepon » (de peptein, « cuire », d'où le sens littéral « cuit par le soleil » - le soleil est sous entendu, « mûr »). De là découle « mêlopepôn » en grec (littéralement pomme-courge cuite au soleil, de « melo » qui veut dire pomme, et « pepon ») et donc « melopepo » en latin, abrégé en « pepo » qui désigne ce concombre mûri par le soleil. Le nom français dérive donc plus du mot qui désigne la pomme en grec, « melon »[23]. Selon Pline, les melons de cette époque ont la taille d'un coing mais constituent un plat de luxe consommé avec une sauce relevée par les riches Romains[22].
100
+
101
+ Il fait partie des plantes potagères énumérées dans le capitulaire De Villis par Charlemagne au début du IXe siècle et reste connu au XIIIe siècle grâce aux écrits des botanistes et savants arabes. En 1495, le roi Charles VIII de France, de retour des guerres d'Italie, le réintroduit en France. Cependant, les variétés d'alors cultivées, ovoïdes et aqueuses, étaient peu sucrées et consommées en salades.
102
+
103
+ Au siècle suivant, des moines ramènent à Rome depuis l'Arménie turque, une variété ronde à chair orangée et savoureuse, qui est cultivée dans les jardins de la résidence d'été des papes à Cantalupo (en), aux environs de Rome. Cette variété prend le nom en France de « Cantaloup » et dès le XVIe siècle sa culture se propage en Provence, dans la vallée du Rhône, dans le Languedoc, puis rejoint le Val de Loire, l'Anjou et la Touraine[d]. De là, il approvisionne la Cour et les marchés de Paris. Ce n'est que plus tard qu'il se propage en Charente, où par sélection, les célèbres « cantaloups charentais », puis le « charentais brodé », seront créés bien plus tard.
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+
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+ Ce légume est alors un mets aussi bien apprécié pour son goût que décrié pour les désagréments intestinaux qu'une consommation excessive procure. Au XVIe siècle, l'humaniste Jean La Bruyère-Champier accuse les melons d'engendrer le pire des sucs et de causer le choléra. Au XVIIe siècle, le médecin romain Dominique Panaroli parle du fruit comme une « humeur putride de la terre ». Jacques Pons, conseiller et médecin du roi Henri IV, est le premier à écrire un traité dessus[24]. À la fin de ce siècle, sept variétés de melon sont cultivées en France, la plupart dans le potager de Versailles à la demande de Louis XIV qui en est friand[25].
106
+
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+ Au XVIIIe siècle, les melons modernes (ronds et musqués) sont connus en Europe de l'Ouest. La marquise de Sévigné en villégiature à Grignan en devient friande et Voltaire les décrit comme une « outre de jus, un boulet de lumière, un chef d'œuvre de l'été ».
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+ Alexandre Dumas qui apprécie les melons et en particulier ceux de Cavaillon demande, en échange du don de la totalité de son œuvre publiée (près de 400 volumes) qu'il fait en 1864 à la bibliothèque de la ville, une rente viagère de 12 melons par an. Ce que le conseil municipal accepte et lui sert jusqu'à sa mort en 1870. C'est ainsi qu'est créée la confrérie des Chevaliers du melon de Cavaillon[26].
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+
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+ Le mot melon a, par métonymie, plusieurs usages dérivés.
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+ Dans le calendrier républicain français, le 3e jour du mois de Thermidor est dénommé jour du Melon[27].
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+ Au deuxième dimanche d'août chaque année a lieu le jour du melon (en) au Turkménistan dont le légume est une des spécialités[28].
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+ En français, l'expression « avoir le melon » signifie « avoir la grosse tête »[29].
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+ On trouve dans certains nuanciers un nom de couleur melon, qui se réfère à la couleur jaune ou orangée de la chair du fruit.
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+ Le nuancier RAL indique RAL 1028 jaune melon[30].
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+ Dans les nuanciers commerciaux on trouve 3824 melon[31].
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+ La couleur de la chair du melon est en fait assez variable, et a fait, comme ses autres caractéristiques, l'objet d'études[32].
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+ Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant (comment ?) selon les recommandations des projets correspondants.
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+ Consultez la liste des tâches à accomplir en page de discussion.
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+ Les membres inférieurs chez l'Homme sont les membres de la locomotion, permettant aux humains de se soutenir et de se déplacer d'un endroit à un autre en marchant.
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+ Les membres inférieurs sont formés de six parties ou régions principales :
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+ Les espèces animales se déplaçant sur deux membres inférieurs sont appelées bipèdes ; et les espèces sur quatre membres, des quadrupèdes.
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+ Note : dans l'article, le mot jambe réfère au segment de membre.
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+ L'artère fémorale fait suite à l'artère iliaque externe et se termine en devenant l'artère poplitée.
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+ Elle donne six collatérales :
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+ L'artère poplitée, palpable dans le creux poplité, irrigue le genou et donne :
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+ L'artère tibiale antérieure donne :
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+ L’arrière du genou et le genou arrière
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+ L'artère tibiale postérieure
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+ L'artère dorsale du pied est la prolongation pédieuse de l'artère tibiale antérieure.
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+ La jambe est innervée par 3 principales nerfs qui sont : Le nerf saphène qui est un nerf superficiel, Le nerf tibial et le nerf fibulaire commun qui prennent naissance à partir du nerf sciatique.
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+ Les jambes dérivent des pattes postérieures des tétrapodes.
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30
+ Douleurs concernant le système jambe-pied (groupe XXXI)[1]
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+ Douleurs d'origine musculosquelettiques de la Hanche et de la cuisse (GROUP XXXII)[1]
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+ Syndromes douloureux de la jambe, d'origine musculo-squelettique (groupe XXXIII)[1]
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+ Douleurs concernant le système jambe-pied (groupe XXXI)[1]
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+
3
+ Memphis est une ville située dans l'État du Tennessee, aux États-Unis. Ville portuaire située sur le fleuve Mississippi, Memphis représente le plus grand centre industriel du Tennessee ; elle est le siège du comté de Shelby. Memphis est considérée comme « le berceau du blues » et la célèbre rue Beale Street rassemble de nombreux clubs dont celui de B. B. King. La ville est aussi connue des amateurs de rock 'n' roll. Elvis Presley, qui a grandi à Memphis, y a acheté une demeure somptueuse, Graceland, dans laquelle il est mort le 16 août 1977.
4
+
5
+ La population de la commune de Memphis était de 646 889 habitants selon le recensement fédéral de 2010 (1 316 100 dans l'aire urbaine), ce qui en fait la deuxième plus grande ville du Tennessee, après Nashville. Memphis est la troisième localité la plus peuplée dans la région sud-est des États-Unis, juste après Jacksonville (Floride) et Houston (Texas) ; néanmoins, son aire urbaine reste beaucoup moins peuplée que celles d'Atlanta, de Houston, de Dallas et de Miami.
6
+
7
+ La région de Memphis était à l'origine habitée par les Amérindiens Chicachas. Elle fut ensuite explorée par les Européens, d'abord par le conquistador espagnol Hernando de Soto en 1540.
8
+
9
+ C'est en 1680 qu'une expédition française menée par René-Robert Cavelier de La Salle construisit le Fort Prud'homme, sur le site de l'actuelle Memphis.
10
+
11
+ En 1739, afin de renforcer les défenses orientales de la Louisiane française, le gouverneur de la Louisiane française, Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, fait édifier un nouveau fort, le fort de l'Assomption, situé à la confluence de la rivière à Margot et du fleuve Mississippi.
12
+
13
+ En 1763, après le traité de Paris, les Britanniques s'installèrent à cet endroit, marquant ainsi leur installation dans l'est du Tennessee. Le territoire resta très mal organisé pendant une large partie du XVIIIe siècle. Les frontières du Tennessee étaient beaucoup plus étendues qu'actuellement. Elles englobaient la Caroline du Nord et la Caroline du Sud. Ces avant-postes dans les terres étaient les plus à l’ouest de l’État.
14
+
15
+ Memphis fut officiellement fondée le 22 mai 1819 par John Overton, James Winchester et Andrew Jackson[2] et a été considérée comme ville en 1826. La cité fut nommée en l'honneur de l'ancienne capitale de l'Égypte sur le Nil.
16
+
17
+ Au temps de la guerre de Sécession, Memphis était une ville très importante du fait du fleuve Mississippi (liaison commerciale) et de ses lignes de chemin de fer (particulièrement la ligne Memphis and Charleston Railroad (en), partant de Memphis vers Stevenson (Alabama), inaugurée en 1857). Le Tennessee fit sécession avec l'Union en juin 1861 et la cité devint brièvement un bastion confédéré. Les forces de l'Union prirent Memphis aux confédérés lors de la bataille de Memphis le 6 juin 1862 et la ville resta sous leur contrôle tout au long de la guerre. Memphis représentait une base d'approvisionnement et continua de prospérer.
18
+
19
+ Après la guerre, les revendications des Noirs au sujet notamment du droit de vote entraînent des violences très dures. En 1866, les quartiers noirs sont attaqués et mis à sac : 90 maisons sont incendiées, des dizaines de femmes violées, et 44 personnes sont tuées[3].
20
+
21
+ L'épidémie de fièvre jaune dans les années 1870 dévasta la ville. À cette époque, on n'avait pas encore compris que le vecteur de cette maladie était le moustique, donc les efforts de lutte contre celle-ci étaient inutiles. Il y eut tellement de morts et de personnes fuyant l'épidémie que Memphis perdit son statut de ville jusqu'en 1893. Par la suite, les mesures d'hygiène ont permis de relancer la croissance démographique. La pyramide de Memphis fut érigée en 1897 à l'occasion du centenaire de l'État du Tennessee.
22
+
23
+ Memphis continua de grandir et développa le plus grand marché de coton des États-Unis (40 % du commerce de coton du pays) et le plus grand marché de bois destiné à la construction.
24
+ Memphis est également connu comme l'endroit où Martin Luther King Jr. fut assassiné, le 4 avril 1968 au Lorraine Motel. La ville est connue pour sa contribution à la culture des Américains du Sud, notamment au point de vue culinaire et musical. Beaucoup de grands musiciens de blues ont grandi à Memphis dès les années 1900, comme Muddy Waters, Robert Johnson, B. B. King et Howlin' Wolf. La première radio afro-américaine fut créée dans la ville en 1947 par Bert Ferguson et John Pepper et avait pour DJ B. B. King.
25
+
26
+ Memphis occupe une superficie de 763 km2 dont 40 km2 d'eau et est localisée sur la rive orientale du Mississippi. La ville se trouve sur une élévation surplombant la rivière à l'ouest de l'État du Tennessee. Comme son homonyme antique d'Égypte, la ville se trouve en amont du sommet du delta du fleuve. Memphis est le trait d'union entre deux Amériques radicalement différentes : au sud les pauvres fermes des Dixie, les bayous marécageux de Louisiane et cette grande ville portuaire au flair européen qu'est La Nouvelle-Orléans ; au nord et à l'ouest, les riches fermes des plaines du Midwest et les villes du nord industrialisées comme Chicago et Détroit. La ville est située dans la zone d'un tri-state, là où trois États se rejoignent : le Tennessee, l'Arkansas et le Mississippi.
27
+
28
+ Memphis est structurée en cinq districts majeurs : Downtown, Midtown, Memphis-Nord, Memphis-Sud, Memphis-Est. Durant les dernières décennies, la ville s'est étendue en annexant des territoires environnants.
29
+ À l'exception de la capitale, les centres de toutes les grandes villes américaines possèdent des gratte-ciel et Memphis n'échappe pas à la règle.
30
+
31
+ Memphis se trouve au nord d'une zone de climat subtropical humide, avec quatre saisons distinctes. Les mois d'été (de fin mai à fin septembre) sont généralement très chauds (avec des températures qui dépassent facilement les 35 °C et baissant peu la nuit) et humides à cause des influences tropicales provenant du golfe du Mexique. Les orages accompagnés de courtes averses chaudes sont alors fréquents mais généralement brefs (ils ne durent que rarement plus d'une heure). Le début de l'automne est plus sec et il peut faire chaud jusqu'à la fin octobre mais les températures peuvent connaître des chutes brutales. La fin de l'automne est généralement pluvieuse et plus froide. Les hivers sont beaucoup plus froids et se caractérisent par des périodes de gel diurne. Ces périodes sont généralement de courte durée (deux à trois jours). Le record de la plus basse température est de −25 °C, relevé le 24 décembre 1963.
32
+ La neige n'est pas abondante mais tombe chaque année. Le printemps commence en général entre la fin février et le début du mois de mars, avec des températures plus agréables. Le printemps est connu pour ses tornades qui se manifestent surtout en avril, accompagnées de grêle et de vents violents. Cependant, Memphis reste une ville très bien ensoleillée à l'année, la durée totale d'ensoleillement représente 64 % du temps, soit un peu plus que la ville majeure la plus ensoleillée de France : Marseille.
33
+
34
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35
+
36
+ Selon l'American Community Survey pour la période 2010-2014, 90,39 % de la population âgée de plus de 5 ans déclare parler l'anglais à la maison, 6,13 % déclare parler l'espagnol, 0,56 % le vietnamien et 2,91 % une autre langue[7].
37
+
38
+ L'aire urbaine de Memphis est la deuxième des États-Unis en termes de population afro-américaine (avec 45,7 % de Noirs) juste après celle de Jackson avec 47,7 % d'Afro-Américains. La ville de Memphis quant à elle est, avec une population composée de 63,3 % d'Afro-Américains, la sixième ville du pays ou ce pourcentage est le plus élevé.
39
+
40
+ Il y a, à Memphis, environ 250 000 ménages dont 31,3 % hébergent des enfants de moins de 18 ans ; 34,1 % sont des couples mariés et environ 30 % sont des personnes seules (8 % de plus de 65 ans).
41
+
42
+ Le revenu moyen pour un ménage est de 32 285 $ et le revenu moyen pour une famille est de 37 767 $.
43
+ Un homme gagne en moyenne 31 236 $ alors qu'une femme ne gagne que 25 183 $.
44
+ Le revenu par habitant est de 17 838 $. 17,2 % des familles et 20,6 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, 30,1 % d'entre eux sont âgés de moins de 18 ans et 15,4 % ont plus de 65 ans.
45
+
46
+ En 2004, Memphis a connu le taux de violence le plus bas depuis une décennie, mais la tendance a changé. En 2005, Memphis est la quatrième ville de plus de 500 000 habitants la plus dangereuse des États-Unis. Les crimes se sont accrus en 2005 et ont atteint un taux critique au premier semestre 2006. Au niveau national, on peut dire que les grandes villes suivent également cette ascension. Les criminologues et les experts citent le recrutement intensif des gangs et la réduction de 66 % des fonds destinés à la police de Memphis comme principales causes de cette augmentation.
47
+
48
+ Au premier semestre 2006, les vols dans les entreprises ont grimpé de 52,5 %, les vols chez les particuliers de 28,5 % et les homicides de 18 % pour la même période en 2005.
49
+ Le département de la police de Memphis a réagi en déclenchant l'opération CRUSH (réduction du crime utilisant les données statistiques), qui vise des points névralgiques du crime et les récidivistes. Memphis a fini l'année 2005 avec 154 meurtres et l'année 2006 avec 160 meurtres. En 2006, la zone métropolitaine de Memphis était la deuxième ville la plus dangereuse des États-Unis.
50
+
51
+ En 2007, après le rebond de criminalité qui a touché les États-Unis, Memphis était la quatrième[8] ville américaine la plus dangereuse avec un taux de criminalité de 19,9 pour 1 000 habitants, derrière Détroit (24,2), Saint-Louis (24,8) et Flint (26).
52
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53
+ Selon le recensement fédéral de 2010, la ville de Memphis est la 20e plus grande des États-Unis et la première du Tennessee avec une population de 646 889 habitants, cependant son aire urbaine de 1 316 100 habitants est surpassée par celle de Nashville et ses quelque 1 589 935 habitants, ainsi respectivement 38e et 41e aire urbaine des États-Unis en 2010[9].
54
+ L'aire urbaine inclut les comtés du Tennessee de Shelby, Tipton et Fayette, ainsi que les comtés du Mississippi de DeSoto, Marshall, Tate et Tunica, de même que le comté de Crittenden en Arkansas.
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+ L'événement culturel de grande ampleur est « Memphis in May ». Tout au long du mois de mai se déroulent diverses activités sur le thème de l'héritage culturel de Memphis. Chaque année, un pays différent est mis à l'honneur afin de mettre en avant la culture et l'histoire de cette nation. Depuis sa création, « Memphis in May » a un impact économique et éducatif très important. L'événement inclut un certain nombre d'activités aussi diverses les unes que les autres : on peut citer le festival de musique de rue de Beale, le championnat du monde de cuisson sur barbecue ou encore le tournoi de golf de St. Jude.
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+ Le carnaval de Memphis (autrefois connu sous le nom de « carnaval du coton ») célèbre les différents aspects de la ville comme ses industries par exemple. Un roi et une reine du carnaval sont désignés.
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+ Le festival d'art de Cooper-young (intersection de deux avenues de Memphis) attire des artistes venus de toute l'Amérique du Nord. Dans sa dix-neuvième année maintenant, ce festival est l'un des plus attendu de Memphis. Plus de 50 000 personnes viendront admirer les quelque 300 artisans présents sur le site.
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+ En raison de l'ouragan Katrina, en août 2005, Memphis a accueilli le festival de musique vaudou qui normalement est l'un des plus importants événements du festival d'Halloween à La Nouvelle-Orléans.
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+ Memphis est l'endroit où ont débuté ou se sont installés de nombreux genres de musique américaine comme le blues, le gospel, le rock 'n' roll et la musique country. Johnny Cash, Elvis Presley, Jerry Lee Lewis et B. B. King sont de ceux qui y ont connu leurs débuts dans les années 1950 grâce notamment à Sun Records. Beaucoup d'autres chanteurs ou musiciens ont grandi ou débuté à Memphis comme The Box Tops, les Grifters (en), Aretha Franklin, Carl Perkins, Peter Chatman (Memphis Slim), John Lee Hooker, Justin Timberlake, Howlin' Wolf, Bobby Blue Bland, Charlie Rich, Al Green, Muddy Waters, Big Star, Tina Turner, Roy Orbison, Willie Mae Ford Smith (en), Sam Cooke, Booker T. and the M.G.'s, Otis Redding, les The Blackwood Brothers (en), Isaac Hayes, Rufus Thomas, Carla Thomas, Shawn Lane, The Sylvers (en), Anita Ward et « le père du Blues » William Christopher Handy.
65
+ La Blues Foundation (dont le siège se trouve à Memphis) y organise chaque année début février dans plusieurs clubs de la ville l'International Blues Challenge et les International Blues Awards.
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+ Plus récemment, Memphis a été le berceau d'un style de hip-hop sudiste plutôt agressif, reposant sur des basses puissantes : le crunk. Des artistes originaires de la ville tels que Three 6 Mafia, Al Kapone (en), 8Ball and MJG sont réputés pour être les précurseurs de ce style de rap. Le hip-hop de Memphis se voit cependant très différent de celui des autres villes du sud des États-Unis (telles qu'Atlanta, Houston, La Nouvelle-Orléans ou encore Miami…). En effet, il est caractérisé par une ambiance beaucoup plus sombre et angoissante, que ce soit dans la musique ou les paroles, beaucoup moins destiné aux pistes de danse comme c'est le cas pour le crunk d'Atlanta. En mars 2005 le groupe Three 6 Mafia fut après Eminem en 2002, les seconds rappeurs à avoir remporté un Oscar. Le rappeur NLE Choppa est également originaire de Memphis.
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+ Memphis est également connue pour ses photographes très célèbres comme William Eggleston, le père de la photographie couleur.
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+ On trouve, dans la ville, beaucoup de galeries d'art qui ont fleuri depuis une décennie.
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+ Memphis est le berceau de plusieurs des plus grandes organisations de spectacles vivants telle que l'orchestre symphonique de Memphis.
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+ Ballet Memphis est la seule compagnie de ballet professionnelle de la région et se produit à l'Orpheum Theatre. La Fondation Ford l'a récompensé comme l'un des challengers les plus prestigieux en 2001 et l'a honoré en tant que trésor national du monde culturel. Opera Memphis, la compagnie d'opéra de la région, se produit au Clark Opera Memphis Center. Memphis compte d'autres théâtres majeurs tels le Playhouse, Theatre Memphis, et Theatre Works.
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+ Depuis sa fondation, Memphis a été l'hôte d'une multitude de religions. Aujourd'hui, des lieux de culte chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes et hindous existent.
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+ La synagogue de Baron Hirsch, qui a été fondée à la fin du XIXe siècle, attire le plus grand nombre de juifs orthodoxes des États-Unis.
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+ L'église baptiste de Memphis possède 27 000 membres.
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+ Le quartier général de la Church of God in Christ, une des plus importantes Églises pentecôtistes, se trouve aussi à Memphis.
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+ En plus d'un héritage musical très riche, Memphis revendique plusieurs spécialités culinaires comme les fameux barbecues. Le barbecue de Memphis se distingue par la seule présence de porc. Tous les ans, en mai, la ville organise un championnat de cuisson sur barbecue.
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+ Le centre de la ville a mené le développement de l'économie. Situé sur le fleuve Mississippi, à l'intersection de deux autoroutes "inter-États" et de sept autoroutes majeures, Memphis est idéalement placée pour l'import-export. La ville possède le plus important aéroport-cargo du monde (en termes de tonnage) et notamment grâce à FedEx qui y a installé son principal terminal d'exportation : l’aéroport international de Memphis, également plate-forme de correspondance de la compagnie aérienne Delta Air Lines.
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+ En outre, Memphis est considérée comme un pôle majeur de l'industrie du textile, du matériel de chauffage, du piano, de l'automobile et des camions.
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+ Memphis est la ville où ont grandi de nombreuses entreprises nationales et internationales, ce qui inclut environ 150 sociétés de 22 pays différents. On y trouve le quartier général de Fedex mais aussi d'AutoZone Incorporated et d'International Paper.
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+ L'aéroport de Memphis a une liaison quotidienne vers l'Europe, vers l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol plus précisément.
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+ L'industrie du cinéma a pris un essor considérable à Memphis. Beaucoup de films ont été tournés dans la ville ces dernières années : Mystery Train en 1989, Great Balls of Fire! la même année, La Firme en 1993, Larry Flynt en 1996, Seul au monde en 2000, 21 grammes en 2004, Hustle et Flow et Walk the Line en 2005 et Black Snake Moan en 2007 avec en guest l'enfant du pays : Justin Timberlake (natif de Memphis).
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+ La ville apparaît comme la 8e des 50 meilleurs aires métropolitaines où commencer et développer une entreprise d'après le magazine Inc. (2000). Southern Business and Development Magazine place, quant à lui, Memphis comme le premier modèle de développement économique du sud et l'a aussi reconnu comme l'un des 10 premiers marchés de ces dernières décennies.
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+ De toutes les villes de plus d'un million d'habitants dans le monde, Memphis est celle qui possède la plus faible densité. Contrairement à ce que dit une légende urbaine concernant Los Angeles ("personne ne marche à L.A."), Memphis elle, est véritablement une ville où les piétons sont quasiment inexistants en dehors du Downtown, à cause de sa densité extrêmement faible.
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+ Les transports en commun de Memphis sont au nom de la Memphis Area Transit Authority qui gère notamment bus et tramways (appelés "trolleys"), prévus d'ailleurs à une expansion du réseau à toute la région. Ils sont cependant de mauvaise qualité et nécessitent un long temps d'attente. La plupart des utilisateurs prennent le bus à défaut de pouvoir acquérir une voiture, et sont donc relativement peu fortunés.
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+ Un important fret ferroviaire passe par Memphis de par deux croisements de chemins de fer du Mississippi et la convergence des lignes Est-Ouest avec celles Nord-Sud. Memphis possédait autrefois deux gares majeures, la Memphis Union Station rasée en 1969 et la récemment rénovée Memphis Central Station où passe un Amtrak desservant Chicago à La Nouvelle-Orléans.
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+ L'aéroport de Memphis est, quant à lui, le premier du monde pour le fret, qui s'élevait en 2003 à 3,3 millions de tonnes[10] mais reste de petite taille comparé aux autres aéroports internationaux du pays.
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102
+ Les autoroutes Interstate I-40 (qui traversent les États-Unis d'est en ouest), I-240 et I-55 sont les principales dans les environs de Memphis. Cette dernière, avec l'I-40, enjambe le Mississippi par la ville en direction de l'Arkansas. Les futures I-22 et I-69 convergeront vers Memphis.
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+ Quatre ponts ferroviaires et auto-routiers traversent le Mississippi à Memphis. Ils sont - par ordre de construction - le Frisco, l'Harahan, le Memphis-Arkansas et enfin le pont Hernando de Soto.
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106
+ Memphis possède un nombre important de musées, ce qui témoigne d'une histoire très riche et d'une culture qui s'enracine dans la ville. Parmi les musées majeurs, on peut mentionner notamment le National Civil Rights Museum, situé dans un ancien motel où fut assassiné Martin Luther King Jr. où toute l'histoire du mouvement des droits civiques américains est retracée, de l'abolition de l'esclavage au mouvement plus récent LGBT.
107
+ Le Memphis Brooks Museum of Art (en), fondé en 1916, est le plus grand et ancien musée des Beaux-Arts du Tennessee. La collection permanente du Memphis Brooks Museum comprend des œuvres de la Renaissance et baroque italien à l'impressionnisme britannique et français et à des artistes plus récents notamment Carroll Cloar, originaire de la ville. Le musée est situé dans l'Overton Park où se trouve aussi le zoo de Memphis, l'Overton Shell Auditorium, et l'université des Arts de la ville. On trouve aussi dans le Downtown Memphis le Peabody Place Museum, la plus grande collection d'art chinois du XIXe siècle des États-Unis. Quant à l'Art Museum à l'université de Memphis, il possède la plus grande collection d'antiquités égyptiennes du Sud américain.
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109
+ Graceland désigne l'ancienne demeure de la légende du rock Elvis Presley ; elle est la seconde maison la plus visitée des États-Unis (après la Maison-Blanche) attirant plus de 600 000 visiteurs américains et étrangers par an. On peut y admirer, entre autres, deux des avions privés d'Elvis, son impressionnante collection de voitures et motos et plus encore... Elvis et d'autres membres de sa famille comme sa mère et son père, sont enterrés à côté de Graceland dans le Meditation Garden. Chaque année se déroule le Graceland Christmas lighting ceremony en novembre, l'anniversaire d'Elvis en janvier et l'Elvis Week en août pour commémorer la vie et la carrière du chanteur lors de l'anniversaire de sa mort. L'Hotel Heartbreak a été nommé d'après une de ses chansons les plus populaires. Graceland est définitivement un monument à la fois national et historique.
110
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111
+ Le Mud Island River Park et le Mississippi River Museum se trouvent tous deux sur la Mud Island. Le parc est réputé pour sa River Walk : on y trouve aussi un modèle réduit d'une partie du Mississippi de Cairo dans l'Illinois à La Nouvelle-Orléans ainsi que le golfe du Mexique. Aussi, le Victorian Village est un district historique de Memphis présentant une série de demeures de type victorien dont certaines sont ouvertes au public comme musée.
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113
+ Les fans de blues se doivent de visiter la Beale Street, une rue où s'amassent de nombreux clubs et restaurants toujours dans l'esprit très rock et blues, si chère à la ville. On y trouve beaucoup de gens qui jouent dans cette rue mythique et les bars et les clubs offrent souvent des lives. De nos jours, la Beale Street est la première attraction du Tennessee et est considérée comme la rue la plus empruntée du Sud américain après la rue Bourbon du Vieux carré français de La Nouvelle-Orléans.
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115
+ À voir aussi, les Sun studios là où Elvis a enregistré pour la première fois "My Happiness" et "That's When Your Heartaches Begin". D'autres artistes ont fait leurs débuts au Sun tels notamment Johnny Cash, Rufus Thomas, Charlie Rich, Howlin' Wolf, Roy Orbison, Carl Perkins, et Jerry Lee Lewis. Le zoo de Memphis possède une riche collection de mammifères, d'oiseaux, d'amphibiens et de poissons de toute la planète. Memphis possède aussi sa Walk of Fame située dans la Beale Street dont le design suit celle d'Hollywood mais qui reste dédiée exclusivement aux musiciens, chanteurs, écrivains et compositeurs de Memphis. Ces élus comptent W. C. Handy, B. B. King, Bobby Blue Bland, et Alberta Hunter parmi d'autres.
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+ Le sport à Memphis est présent depuis un grand nombre d'années, aussi bien en ce qui concerne le sport professionnel que les championnats universitaires.
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+ Les Grizzlies de Memphis de la National Basketball Association (NBA) sont la seule équipe de la ville appartenant à une des grandes ligues sportives américaines. Arrivant de Vancouver en 2001, l'équipe a joué dans la Pyramid Arena de 2001 à 2004, puis dans le FedExForum.
120
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+ Les Express de Memphis équipe de football américain évoluant au sein de la AAF.
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+ Memphis a eu plusieurs équipes professionnelles de baseball au fil du temps, comme les Chicks de Memphis (1902-1960, 1978-1997), les Blues de Memphis (1968-1976) et depuis 1998, les Redbirds de Memphis. Affiliés depuis sa création en 1998 à la formation de MLB des Cardinals de Saint-Louis, les Redbirds jouent au niveau Triple-A en Ligue de la côte du Pacifique. Ils évoluent depuis 2000 au AutoZone Park (14 320 places).
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+ Les Tigers de Memphis sont le club omnisports universitaire de l'Université de Memphis. Les équipes des Tigers participent aux compétitions universitaires organisées par la National Collegiate Athletic Association.
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+ Le golf est également un sport très populaire dans la région. Disposant de nombreux parcours, le tournoi Stanford St. Jude Championship du PGA Tour se déroule à Memphis depuis 1958.
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+ La ville est jumelée avec les villes suivantes :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ La menstruation, ou règles, désigne l'écoulement périodique d'un fluide biologique complexe composé de sang, de sécrétions vaginales, et de cellules endométriales de la paroi utérine, évacué par le vagin. Ce fluide d'apparence sanguine est une manifestation visible du cycle menstruel des femmes et des femelles en âge de procréer de certaines espèces de mammifères. Parmi ces espèces se trouvent majoritairement des primates : tous les Catarhiniens ou presque (singes de l'Ancien monde, dont fait partie l'espèce humaine), ainsi que certains Platyrhiniens (singes du Nouveau monde)[1]. Des chauves-souris et une espèce de musaraigne, le macroscélide de Peters présentent aussi cette caractéristique physiologique[2].
2
+
3
+ Les menstrues correspondent à l'évacuation de la couche superficielle de la muqueuse de l'utérus, l'endomètre, qui s'était constitué plus tôt durant le cycle menstruel pour accueillir un éventuel œuf fécondé. En l'absence de fécondation, la surface de l'endomètre, richement vascularisé, est alors évacuée par le vagin sous forme d'un saignement plus ou moins abondant, sur une période pouvant durer de trois à dix jours, et pouvant s'accompagner de douleurs.
4
+
5
+ Dans l'espèce humaine, la première menstruation ou « ménarche » apparaît entre la préadolescence et l'adolescence, et ce phénomène s’arrête définitivement lors de la ménopause. Les menstruations sont généralement interrompues durant la grossesse. Les saignements sont communément absorbés par des protections hygiéniques. Chez la femme, le volume des pertes menstruelles est compris entre 50 et 60 millilitres de sang, mais varie entre les individus et selon les cycles[3].
6
+
7
+ Le terme menstruation vient du mot latin mensis « mois » (proche du grec mene, la lune) qui évoque une parenté avec les cycles lunaires mensuels.
8
+
9
+ Les menstruations sont l'écoulement d'un fluide biologique complexe composé de sang, de sécrétions vaginales, et de cellules endométriales de la paroi utérine[4]. Elles surviennent après un cycle menstruel durant lequel l'ovule n'a pas été fécondé.
10
+
11
+ Tous les saignements qui peuvent apparaître durant le cycle menstruel ne sont pas des règles[5].
12
+
13
+ Les premières règles ou ménarches apparaissent à une âge variable selon les individus, estimé entre 12 et 13 ans. Elles peuvent toutefois survenir beaucoup plus tôt ou beaucoup plus tard, sans que cela ne soit révélateur d'une affection. Les règles peuvent mettre plusieurs cycles à devenir régulières[6].
14
+
15
+ L'hypothétique effet McClintock indiquerait que lorsque plusieurs femmes vivent ensemble, il y a synchronisation des règles. Cependant, cet effet est largement controversé et les preuves scientifiques actuelles tendent à indiquer l'absence de phénomène de synchronisation, la synchronisation constatée serait due au hasard. Ce phénomène a été observé chez d'autres animaux comme la souris sous la forme d'une synchronisation des œstrus au sein d'un même groupe, phénomène appelé effet Whitten[7].
16
+
17
+ Le nombre de menstruations au cours de la vie varie. Le fait que les femmes aient des menstrues tous les mois est relativement récent puisque leurs ancêtres alternaient fréquemment grossesse et allaitement, ce qui empêchait l'apparition des règles (aménorrhée de lactation)[8],[9].
18
+
19
+ Ce nombre de menstrues dépend aussi fortement de l'environnement sociétal. Il est estimé qu'une femme américaine a environ 450 menstruations durant sa vie, alors qu'une femme aborigène d'Australie en a environ 180, en raison du nombre plus élevé d'enfants conçus et de l'allaitement consécutif à la grossesse. Il est également estimé que les femmes du Paléolithique étaient peu réglées, en raison de leur courte espérance de vie, du nombre de grossesse vécues et de l'allaitement consécutif, mais aussi en raison de leur activité physique ou de leur mauvais état de santé, périodes pouvant provoquer une absence de règles[10].
20
+
21
+ Ces différences de comportement (grossesses plus espacées, périodes d'allaitement absentes ou raccourcies) ainsi qu'une puberté plus précoce impliquent pour la femme occidentale actuelle un risque plus élevé de carence en fer[9].
22
+
23
+ Les spermatozoïdes peuvent survivre dans le corps de la femme pendant une période de 2 à 5 jours et l'ovule environ 24 heures. La période de fécondation commence donc cinq jours avant l'ovulation et se termine une journée après celle-ci.
24
+
25
+ La période de menstruation, lorsque les cycles sont régulièrement établis, est donc peu fertile mais le reste néanmoins[11].
26
+
27
+ La fonction de reproduction, c'est-à-dire la production des gamètes et des hormones gonadiques, est contrôlée par l'axe hypothalamo-hypophysaire. L'hypothalamus synthétise et libère de manière pulsative une hormone peptidique (GnRH = hormone gonadolibérine) qui stimule la libération par l'hypophyse antérieure de deux hormones FSH et LH. Les hormones principales ovariennes impliquées dans le contrôle du cycle menstruel sont les œstrogènes, la progestérone et l'inhibine. Au début du cycle, l'hypophyse antérieure (glande pituitaire) libère la FSH (hormone stimulant la folliculogenèse) signalant au follicule immature de grandir dans les ovaires. Le follicule est un sac contenant l'ovocyte. Normalement, un seul ovule est produit par cycle. Il n'y a pas de coordination gauche/droite. Le même ovaire peut donc théoriquement émettre un ovule plusieurs mois de suite. En fait, la présence d'un corps jaune dans un ovaire perturbe fortement la sélection du follicule dominant, de telle sorte que chez 88 % des femmes, l'ovulation se produit alternativement dans un ovaire, puis dans l'autre. Le premier follicule à se développer sécrète de l'inhibine. Les niveaux d'œstrogènes montent quand l'hormone est sécrétée par le follicule qui se développe. Ce taux d'œstrogènes est à son maximum juste avant l'arrivée de l'ovulation. L'ovulation a lieu le 14e jour du cycle, environ 36 h après le pic de LH (hormone lutéotrophe) libérée par l'hypophyse antérieure.
28
+ Ce pic de L.H est provoqué par l'importante quantité d'œstrogènes qui étaient présents juste avant l'ovulation[12].
29
+
30
+ Après l'ovulation, œstrogènes et progestérone sont chacun sécrétés par le corpus luteum (ou corps jaune) qui se développe à partir du follicule rompu et reste dans l'ovaire. Le rôle de la progestérone est de préparer le corps pour une éventuelle grossesse. En particulier, la progestérone provoque une augmentation de la température basale d'environ 0,3 °C. Cette augmentation de la température peut être utilisée pour détecter l'ovulation.
31
+
32
+ Si aucune grossesse n'intervient le corpus luteum dégénère et le niveau des hormones chute brutalement, ce qui provoque l'élimination de l'endomètre lors de la menstruation.
33
+
34
+ S'il y a une grossesse, le placenta produit les hormones pour interrompre le cycle menstruel :
35
+
36
+ L'absence de règles est désignée sous le terme d'« aménorrhée ». Elle peut être primaire ou secondaire.
37
+
38
+ Une fois les premières menstruations apparues et régulièrement établies, l'absence de règles, ou aménorrhée secondaire, traduit généralement une grossesse et peut se prolonger pendant l'allaitement (aménorrhée de lactation). À partir de l'âge de 40 à 50 ans, il peut s'agir de l'apparition de la ménopause. D'autres facteurs très fréquents peuvent causer une disparition des règles : maladies graves, prises de certains médicaments, anorexie, pratique sportive intensive, origines psychogènes (stress métabolique ou psychique accrus, troubles alimentaires, conditions chroniques)[13], troubles d'origines utérine ou ovarienne[14].
39
+
40
+ L'allaitement consécutif à une grossesse aboutit à une anovulation ainsi qu'à la suspension des règles, dues à l'action sur l'axe hypothalamo-hypophysaire des stimulations mamelonnaires liés à la succion et aux stimuli neurosensoriels[15].
41
+
42
+ Il est possible de choisir d'avoir des règles ou non par l'utilisation d'un moyen de contraception hormonal comme une pilule combinée prise sans interruption, une pilule progestative prise en continu, un DIU hormonal, un implant progestatif, un anneau contraceptif ou encore un patch pris sans interruption[16].
43
+
44
+
45
+
46
+ Chez certaines femmes, une douleur pelvienne (au niveau du bassin) ou des crampes de l'utérus, appelées dysménorrhées peuvent précéder et accompagner la période des règles. Elle peut s'associer dans le cadre du syndrome prémenstruel (ou SPM) à des douleurs, des malaises, de la fatigue, dans certains cas à une anémie. Ces douleurs peuvent perturber la vie quotidienne ou le sommeil et entraîner une irritabilité. Certaines femmes peuvent également ressentir des maux de tête, une douleur dans le bas du dos ou une tension des seins (qui peuvent augmenter de volume en fin de cycle), et rendre nécessaire le changement de taille de soutien-gorge.
47
+
48
+ Une étude indique une correlation entre la présence d'anémie et les troubles menstruels notamment la dysménorrhée, le syndrome prémenstruel, et les cycles irréguliers ou d'une longueur anormale[17].
49
+
50
+ On distingue généralement les dysménorrhées primaires, liées à l'effet des prostaglandines, qui affectent en priorité les adolescentes lors des premières années de leurs règles, et qui sont le plus souvent sans gravité, bien que pouvant être invalidantes, et les dysménorrhées secondaires, liées à de nombreuses pathologies possibles, dont l'endométriose. Dans le premier cas, les pharmaciens peuvent délivrer des traitements de type anti-inflammatoire non stéroïdien, en l'absence de contre-indications. Dans le second cas, ou lorsque les traitements sont inefficaces, il est nécessaire de consulter un médecin[18].
51
+
52
+ Ces douleurs poussent certains pays à instituer un « congé menstruel » pour les femmes concernées :
53
+
54
+ En Italie, un projet de loi autorisant les femmes à prendre trois jours de congés payés par mois en cas de règles douloureuses, a été présenté en mars 2017[19].
55
+
56
+ Selon la gynécologue Brigitte Letombe, opposée à la mise en place de ce congé : « Les femmes ne doivent pas rester chez elles en cas de règles insupportables à chaque cycle. » et doivent consulter « Contrairement à une croyance populaire, il n’est pas normal d’avoir mal pendant cette période. Cela peut cacher une pathologie plus grave, comme l’endométriose. Selon l’Inserm, 40 % des femmes qui souffrent de douleurs chroniques pelviennes intenses, notamment au moment des règles, en sont atteintes »[21].
57
+
58
+ Chez la femme, le volume des pertes menstruelles est compris entre 50 et 60 mL de sang, mais varie entre les individus et selon les cycles[3]. Un millillitre de sang contenant 0,5 mg de fer[22].
59
+
60
+ Il y a un risque de carence martiale, déficit en fer avec anémie (anémie ferriprive) ou sans anémie (carence en fer sans anémie), chez la femme moderne[9].
61
+
62
+ Chez la femme en âge de procréer, les principales causes d'anémie ferriprive sont la menstruation et la perte de fer associée à la grossesse[23].
63
+
64
+ Dans le monde, 30 % des femmes agées entre 15 et 49 ans sont anémiques[24].
65
+
66
+ Les femmes qui ont des menstruations ont des besoins en fer (18 mg par jour) deux fois supérieurs aux hommes (8 mg par jour) et aux femmes allaitantes(9 mg par jour)[25].
67
+
68
+ Sachant que concernant le fer les apports nutritionnels conseillés, hors carence en fer, pour les femmes adultes (hors grossesse et allaitement) sont de 18 mg par jour, soit l'équivalent de 750 g de steak par jour (2,4 mg de fer dans 100 g de steak). Selon une étude, les femmes adultes avec des menstruations devraient avoir 18,9 mg ; les femmes adolescentes avec menstruation devraient avoir 21,4 mg de fer par jour[26].
69
+
70
+ Une étude indique qu'obtenir 18 mg de fer par jour peut rarement être atteint avec les aliments ordinaires disponibles[27]. Sachant que sur les 18 mg que contiennent la nourriture, seuls 10 % seront absorbés[27]. Il a été établit que 1,8 mg de fer doit être assimilé pour satisfaire les besoins de 80 à 90 % des femmes[27].
71
+
72
+ En 1994, l'alimentation de 92 % des femmes anglaises entre 16 et 50 ans n'atteignait pas 14,8 mg de fer[28].
73
+
74
+ La menstruation est un phénomène physiologique « spectaculaire », à l'origine de nombreux croyances et tabous culturels souvent liés à l'idée d'impureté.
75
+
76
+ Dans l'Europe pré-chrétienne les règles sont partie prenante d'une ritualisation du passage des saisons, qui concernent aussi bien la terre, les plantes que la reproduction humaine. L'ethnologue Sylvie Muller explique ainsi la place des règles dans le calendrier de l'ancienne Irlande paysanne :
77
+
78
+ « Au printemps, les fleurs signalent la disponibilité d’un potentiel fécond, exploité en Irlande par les mariages de février ; en été, se déroule la gestation des fruits ; en automne ont lieu la récolte et l’accouchement ; enfin, l’hiver correspond à la saison de la mort, de la menstruation et des sacrifices sanglants, pendant laquelle se constitue le terreau, lequel est composé des vies mortes qui nourriront le prochain cycle saisonnier[29]. »
79
+
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+ Chez les Oglalas, un rite de passage nommé Išnati Awicalowanpi isolait les jeunes filles en ménarche. On leur attribuait temporairement un tipi à l'extérieur du village. Une femme d'expérience, choisie par la famille, avait comme rôle de voir à ses besoins et de lui enseigner ses futures tâches d'épouse et de mère. Une dizaine de jours après l'apparition des premières menstruations, une cérémonie était menée par un chaman. L'invocation de l'esprit du bison avait pour but d'assurer la fécondité de la jeune fille et de marquer son passage du monde des enfants à celui des adultes.[30]
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+
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+ Les religions sémitiques (notamment juives et musulmanes) associent différentes croyances et interdits aux règles. Les femmes sont considérées en état d'impureté rituelle lorsqu'elles ont leurs règles. En Islam, pendant son cycle menstruel[31], la femme musulmane n'a pas le droit de faire sa prière ni son jeûne ni d'avoir un rapport sexuel (avec pénétration) avec son mari. Par ailleurs, pendant le pèlerinage de la Mecque, la circumambulation lui est interdite.
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+ Le Lévitique — un livre de l' Ancien Testament, et de la Torah — décrit l'impureté des objets qui touchent les règles de la femme :
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+
86
+ « La femme qui aura un écoulement de sang restera 7 jours dans la souillure de ses règles. Si quelqu'un la touche, il sera impur jusqu'au soir.
87
+ Tout lit sur lequel elle couchera pendant ses règles sera impur et tout objet sur lequel elle s'assiéra sera impur.
88
+ Si quelqu'un touche son lit, il lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau et sera impur jusqu'au soir.
89
+ Si quelqu'un touche un objet sur lequel elle s'est assise, il lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau et sera impur jusqu'au soir.
90
+ S'il y a quelque chose sur le lit ou l'objet sur lequel elle s'est assise, celui qui y touchera sera impur jusqu'au soir.
91
+ Si un homme couche avec elle, si la souillure des règles de cette femme vient sur lui, il sera impur pendant 7 jours et tout lit sur lequel il couchera sera impur.
92
+ La femme qui aura un écoulement de sang pendant plusieurs jours en dehors de ses règles, ou dont les règles dureront plus que d'habitude, sera impure pendant toute la période de son écoulement, comme pendant ses règles[32]. »
93
+
94
+ Les prescriptions dans le judaïsme sont très détaillées. La Niddah, qui interdit les relations sexuelles avec la femme pendant ses règles car elle est alors considérée comme « impure », prévoit un ensemble de vérifications (bedika) visant à éliminer toute trace d'une goutte de sang qui pourrait souiller l'époux, et sept jours plus tard, le bain rituel, le mikvé. La crainte du sang menstruel se retrouve comme une constante dans de nombreuses cultures, pour des raisons religieuses. Dans l'analyse psychanalytique, la mise en place de périodes d'interdit dans le judaïsme est aussi considéré comme propre à alimenter le désir sexuel, en retardant le moment du plaisir[33].
95
+
96
+ Dans les sociétés traditionnelles, il existe également des croyances très diverses liées aux menstruations. La question de la contamination est par exemple présente chez les Marquisiens :
97
+
98
+ « Les menstruations étaient entourées de plusieurs restrictions, et étaient la principale raison pour laquelle les femmes étaient regardées comme impures et impies. Les femmes ayant leurs règles devaient être évitées sous peine de contracter la lèpre, par contamination par contact avec elles, ou avec le fluide menstruel ou avec leurs vêtements. Les restrictions liées aux menstruations ont ensuite été étendues à toutes les femmes pubères à toutes les occasions. Il était interdit aux femmes de passer au-dessus de tout objet ou structure, ou de passer au-dessus de la tête d'une personne. Ainsi, une femme ne pouvait pas s'asseoir sur la selle d'un homme, aller en canoë, ou s'asseoir sur une chaise ou sous le porche d'une maison si un enfant était également en dessous. Car autrement elle contaminait l'objet ou la personne. Et la contamination ne pouvait être enlevée qu'en tuant la femme, ou en détruisant l'objet, ou en pratiquant le rituel ha'a tahe tahe[34]. »
99
+
100
+ Le supposé pouvoir contaminant des règles reçoit à l'époque moderne diverses justifications. Au XIXe siècle, le criminologue italien Cesare Lombroso, dans le cadre d'une théorie sexiste et naturalisante de la criminalité, liait ainsi les menstruations à la criminalité féminine[35]. Les sexologues Masters et Johnson font état, concernant la même époque, d'une tentative de justification médicale, en Angleterre, de la croyance en un pouvoir corrupteur des règles sur la nourriture :
101
+
102
+ « En 1878, le prestigieux British Medical Journal édita une série de lettres de médecins qui donnaient des « preuves » que le contact d’une femme qui avait ses règles pouvait abîmer le jambon qu’elle avait touché[36]. »
103
+
104
+ En 1846, Victor Hugo cite l’exemple des catacombes de Paris, vouées en partie à la culture des champignons, et interdites aux femmes, dont les menstrues pouvaient « faire tourner et pourrir » les plantations. Lui-même affirme que l’indisposition périodique des actrices « fait tomber le blanc et le rouge » dont elles se maquillent[37].
105
+
106
+ En 2017, un groupe multinational vendant des protections périodiques, Essity, lance dans de nombreux pays une campagne publicitaire montrant un liquide rouge simulant le sang menstruel, au lieu du liquide bleu habituellement utilisé pour le représenter, avec le slogan Le sang c'est normal, le montrer devrait l'être aussi. Cette campagne déclenche en Australie les foudres de 600 téléspectateurs, qui se plaignent auprès de l'autorité de contrôle du caractère « désagréable », « inutile », « choquant et inapproprié », « dérangeant », « dégradant pour les femmes » de la campagne et du fait qu’elle « ne convient pas aux enfants », sans toujours réaliser que le sang affiché lors de scènes de violence ne les fait pas réagir comme l'analyse une chargée de cours en études de genre. D'autres s'inquiètent que le spot publicitaire, passé à une heure de grande écoute, ne les expose à des questions de la part de leurs enfants sur ce que sont les règles. L'organisme de contrôle de la déontologie publicitaire, Ad Standards, rejette les plaintes et donne raison au fabricant, notant que « la publicité faisait partie d’une campagne conçue, au contraire, pour normaliser les règles et éliminer toute stigmatisation de honte ou de gêne envers les femmes ». Une étude parue après cet incident montre que pour 3 Australiennes sur 4 avoir ses règles est une honte, et 70 % d'entre elles préfèreraient rater un examen plutôt que leurs camarades apprennent qu'elles sont en période de menstruations[38].
107
+
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+ Dans la majorité des pays où le groupe a décliné sa campagne, celle-ci n'a été relayée que sur Internet, les autorités locales l'ayant jugé « inappropriée », dont la France pour la marque Nana qui a jugé que « le sang sur une serviette est susceptible d’offenser le public[38].»
109
+
110
+ En France aussi à l'époque contemporaine les premières règles sont généralement mal vécues par les jeunes filles. Les règles en effet sont largement associées à un sentiment de honte et de dégoût. Elles sont identifiées à une saleté à cacher, en particulier des hommes. Cela participe à faire considérer la condition féminine comme une contrainte[39].
111
+
112
+ En 2018, selon l'UNESCO dans certains pays, les 2/3 des jeunes filles ignorent encore ce qui leur arrive quand leurs règles apparaissent[40].
113
+
114
+ L'ONU a mis à jour début 2018 ses principes directeurs internationaux sur l’éducation sexuelle en plaidant pour une éducation sexuelle "complète et de qualité" promouvant la santé et le bien-être, le respect des droits de l'homme et l'égalité des sexes, pour un passage plus facile et sûr de l'enfance à la vie adulte[40]. La connaissance du phénomène de menstruation est l'un des nombreux sujets que l'éducation sexuelle aborde (dans la famille et/ou à l'école).
115
+
116
+ Plusieurs expressions désignent les menstrues d'une femme.
117
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118
+ Certaines font référence à la guerre : « les Anglais ont débarqué » remonte aux guerres napoléoniennes par référence aux armées britanniques qui ont débarqué en France suite à la bataille de Waterloo en 1815 et l'ont occupée jusqu'en 1818. Ces armées étaient en effet vêtues d'uniformes rouges et le lien avec le flux menstruel désagréable apparaît en 1820 dans le parler populaire parisien, en mauvais souvenir de l'occupant[41]. La métaphore de la couleur rouge est aussi utilisée en Belgique ou en Grèce avec l'expression « les Russes sont arrivés » (référence à l'Armée rouge), tandis qu'aux Pays-Bas on « hisse le drapeau rouge », voire le « drapeau japonais »[41].
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120
+ « Avoir ses ragnagnas » utilise le mot ragnagna qui semble dériver du gascon « arrouganh » signifiant le désir ou l'envie[42].
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+ « Avoir ses ourses » (ou « avoir ses ours ») est peut-être un glissement linguistique pour « avoir ses jours » (expression désuète) ou une référence à la déesse lunaire Artémis dont le nom signifie « ourse puissante »[43].
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+ « menstrual blood is a complex biological fluid composed of blood, vaginal secretions, and the endometrial cells of the uterine wall as they exist immediately prior to menses. »
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+ « This divergence between genders is aggravated by the lifestyle of modern women who have a very different reproductive history from their forebears. They reach sexual maturity at an earlier age, have fewer pregnancies and breastfeed for shorter periods of time; as a result they menstruate more frequently and therefore become more iron deficient. With the exception of a few countries, women of fertile years around the world have a negative iron balance. »
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+ « approximately 29 % of non-pregnant females aged 15–49 are anemic »
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ La menstruation, ou règles, désigne l'écoulement périodique d'un fluide biologique complexe composé de sang, de sécrétions vaginales, et de cellules endométriales de la paroi utérine, évacué par le vagin. Ce fluide d'apparence sanguine est une manifestation visible du cycle menstruel des femmes et des femelles en âge de procréer de certaines espèces de mammifères. Parmi ces espèces se trouvent majoritairement des primates : tous les Catarhiniens ou presque (singes de l'Ancien monde, dont fait partie l'espèce humaine), ainsi que certains Platyrhiniens (singes du Nouveau monde)[1]. Des chauves-souris et une espèce de musaraigne, le macroscélide de Peters présentent aussi cette caractéristique physiologique[2].
2
+
3
+ Les menstrues correspondent à l'évacuation de la couche superficielle de la muqueuse de l'utérus, l'endomètre, qui s'était constitué plus tôt durant le cycle menstruel pour accueillir un éventuel œuf fécondé. En l'absence de fécondation, la surface de l'endomètre, richement vascularisé, est alors évacuée par le vagin sous forme d'un saignement plus ou moins abondant, sur une période pouvant durer de trois à dix jours, et pouvant s'accompagner de douleurs.
4
+
5
+ Dans l'espèce humaine, la première menstruation ou « ménarche » apparaît entre la préadolescence et l'adolescence, et ce phénomène s’arrête définitivement lors de la ménopause. Les menstruations sont généralement interrompues durant la grossesse. Les saignements sont communément absorbés par des protections hygiéniques. Chez la femme, le volume des pertes menstruelles est compris entre 50 et 60 millilitres de sang, mais varie entre les individus et selon les cycles[3].
6
+
7
+ Le terme menstruation vient du mot latin mensis « mois » (proche du grec mene, la lune) qui évoque une parenté avec les cycles lunaires mensuels.
8
+
9
+ Les menstruations sont l'écoulement d'un fluide biologique complexe composé de sang, de sécrétions vaginales, et de cellules endométriales de la paroi utérine[4]. Elles surviennent après un cycle menstruel durant lequel l'ovule n'a pas été fécondé.
10
+
11
+ Tous les saignements qui peuvent apparaître durant le cycle menstruel ne sont pas des règles[5].
12
+
13
+ Les premières règles ou ménarches apparaissent à une âge variable selon les individus, estimé entre 12 et 13 ans. Elles peuvent toutefois survenir beaucoup plus tôt ou beaucoup plus tard, sans que cela ne soit révélateur d'une affection. Les règles peuvent mettre plusieurs cycles à devenir régulières[6].
14
+
15
+ L'hypothétique effet McClintock indiquerait que lorsque plusieurs femmes vivent ensemble, il y a synchronisation des règles. Cependant, cet effet est largement controversé et les preuves scientifiques actuelles tendent à indiquer l'absence de phénomène de synchronisation, la synchronisation constatée serait due au hasard. Ce phénomène a été observé chez d'autres animaux comme la souris sous la forme d'une synchronisation des œstrus au sein d'un même groupe, phénomène appelé effet Whitten[7].
16
+
17
+ Le nombre de menstruations au cours de la vie varie. Le fait que les femmes aient des menstrues tous les mois est relativement récent puisque leurs ancêtres alternaient fréquemment grossesse et allaitement, ce qui empêchait l'apparition des règles (aménorrhée de lactation)[8],[9].
18
+
19
+ Ce nombre de menstrues dépend aussi fortement de l'environnement sociétal. Il est estimé qu'une femme américaine a environ 450 menstruations durant sa vie, alors qu'une femme aborigène d'Australie en a environ 180, en raison du nombre plus élevé d'enfants conçus et de l'allaitement consécutif à la grossesse. Il est également estimé que les femmes du Paléolithique étaient peu réglées, en raison de leur courte espérance de vie, du nombre de grossesse vécues et de l'allaitement consécutif, mais aussi en raison de leur activité physique ou de leur mauvais état de santé, périodes pouvant provoquer une absence de règles[10].
20
+
21
+ Ces différences de comportement (grossesses plus espacées, périodes d'allaitement absentes ou raccourcies) ainsi qu'une puberté plus précoce impliquent pour la femme occidentale actuelle un risque plus élevé de carence en fer[9].
22
+
23
+ Les spermatozoïdes peuvent survivre dans le corps de la femme pendant une période de 2 à 5 jours et l'ovule environ 24 heures. La période de fécondation commence donc cinq jours avant l'ovulation et se termine une journée après celle-ci.
24
+
25
+ La période de menstruation, lorsque les cycles sont régulièrement établis, est donc peu fertile mais le reste néanmoins[11].
26
+
27
+ La fonction de reproduction, c'est-à-dire la production des gamètes et des hormones gonadiques, est contrôlée par l'axe hypothalamo-hypophysaire. L'hypothalamus synthétise et libère de manière pulsative une hormone peptidique (GnRH = hormone gonadolibérine) qui stimule la libération par l'hypophyse antérieure de deux hormones FSH et LH. Les hormones principales ovariennes impliquées dans le contrôle du cycle menstruel sont les œstrogènes, la progestérone et l'inhibine. Au début du cycle, l'hypophyse antérieure (glande pituitaire) libère la FSH (hormone stimulant la folliculogenèse) signalant au follicule immature de grandir dans les ovaires. Le follicule est un sac contenant l'ovocyte. Normalement, un seul ovule est produit par cycle. Il n'y a pas de coordination gauche/droite. Le même ovaire peut donc théoriquement émettre un ovule plusieurs mois de suite. En fait, la présence d'un corps jaune dans un ovaire perturbe fortement la sélection du follicule dominant, de telle sorte que chez 88 % des femmes, l'ovulation se produit alternativement dans un ovaire, puis dans l'autre. Le premier follicule à se développer sécrète de l'inhibine. Les niveaux d'œstrogènes montent quand l'hormone est sécrétée par le follicule qui se développe. Ce taux d'œstrogènes est à son maximum juste avant l'arrivée de l'ovulation. L'ovulation a lieu le 14e jour du cycle, environ 36 h après le pic de LH (hormone lutéotrophe) libérée par l'hypophyse antérieure.
28
+ Ce pic de L.H est provoqué par l'importante quantité d'œstrogènes qui étaient présents juste avant l'ovulation[12].
29
+
30
+ Après l'ovulation, œstrogènes et progestérone sont chacun sécrétés par le corpus luteum (ou corps jaune) qui se développe à partir du follicule rompu et reste dans l'ovaire. Le rôle de la progestérone est de préparer le corps pour une éventuelle grossesse. En particulier, la progestérone provoque une augmentation de la température basale d'environ 0,3 °C. Cette augmentation de la température peut être utilisée pour détecter l'ovulation.
31
+
32
+ Si aucune grossesse n'intervient le corpus luteum dégénère et le niveau des hormones chute brutalement, ce qui provoque l'élimination de l'endomètre lors de la menstruation.
33
+
34
+ S'il y a une grossesse, le placenta produit les hormones pour interrompre le cycle menstruel :
35
+
36
+ L'absence de règles est désignée sous le terme d'« aménorrhée ». Elle peut être primaire ou secondaire.
37
+
38
+ Une fois les premières menstruations apparues et régulièrement établies, l'absence de règles, ou aménorrhée secondaire, traduit généralement une grossesse et peut se prolonger pendant l'allaitement (aménorrhée de lactation). À partir de l'âge de 40 à 50 ans, il peut s'agir de l'apparition de la ménopause. D'autres facteurs très fréquents peuvent causer une disparition des règles : maladies graves, prises de certains médicaments, anorexie, pratique sportive intensive, origines psychogènes (stress métabolique ou psychique accrus, troubles alimentaires, conditions chroniques)[13], troubles d'origines utérine ou ovarienne[14].
39
+
40
+ L'allaitement consécutif à une grossesse aboutit à une anovulation ainsi qu'à la suspension des règles, dues à l'action sur l'axe hypothalamo-hypophysaire des stimulations mamelonnaires liés à la succion et aux stimuli neurosensoriels[15].
41
+
42
+ Il est possible de choisir d'avoir des règles ou non par l'utilisation d'un moyen de contraception hormonal comme une pilule combinée prise sans interruption, une pilule progestative prise en continu, un DIU hormonal, un implant progestatif, un anneau contraceptif ou encore un patch pris sans interruption[16].
43
+
44
+
45
+
46
+ Chez certaines femmes, une douleur pelvienne (au niveau du bassin) ou des crampes de l'utérus, appelées dysménorrhées peuvent précéder et accompagner la période des règles. Elle peut s'associer dans le cadre du syndrome prémenstruel (ou SPM) à des douleurs, des malaises, de la fatigue, dans certains cas à une anémie. Ces douleurs peuvent perturber la vie quotidienne ou le sommeil et entraîner une irritabilité. Certaines femmes peuvent également ressentir des maux de tête, une douleur dans le bas du dos ou une tension des seins (qui peuvent augmenter de volume en fin de cycle), et rendre nécessaire le changement de taille de soutien-gorge.
47
+
48
+ Une étude indique une correlation entre la présence d'anémie et les troubles menstruels notamment la dysménorrhée, le syndrome prémenstruel, et les cycles irréguliers ou d'une longueur anormale[17].
49
+
50
+ On distingue généralement les dysménorrhées primaires, liées à l'effet des prostaglandines, qui affectent en priorité les adolescentes lors des premières années de leurs règles, et qui sont le plus souvent sans gravité, bien que pouvant être invalidantes, et les dysménorrhées secondaires, liées à de nombreuses pathologies possibles, dont l'endométriose. Dans le premier cas, les pharmaciens peuvent délivrer des traitements de type anti-inflammatoire non stéroïdien, en l'absence de contre-indications. Dans le second cas, ou lorsque les traitements sont inefficaces, il est nécessaire de consulter un médecin[18].
51
+
52
+ Ces douleurs poussent certains pays à instituer un « congé menstruel » pour les femmes concernées :
53
+
54
+ En Italie, un projet de loi autorisant les femmes à prendre trois jours de congés payés par mois en cas de règles douloureuses, a été présenté en mars 2017[19].
55
+
56
+ Selon la gynécologue Brigitte Letombe, opposée à la mise en place de ce congé : « Les femmes ne doivent pas rester chez elles en cas de règles insupportables à chaque cycle. » et doivent consulter « Contrairement à une croyance populaire, il n’est pas normal d’avoir mal pendant cette période. Cela peut cacher une pathologie plus grave, comme l’endométriose. Selon l’Inserm, 40 % des femmes qui souffrent de douleurs chroniques pelviennes intenses, notamment au moment des règles, en sont atteintes »[21].
57
+
58
+ Chez la femme, le volume des pertes menstruelles est compris entre 50 et 60 mL de sang, mais varie entre les individus et selon les cycles[3]. Un millillitre de sang contenant 0,5 mg de fer[22].
59
+
60
+ Il y a un risque de carence martiale, déficit en fer avec anémie (anémie ferriprive) ou sans anémie (carence en fer sans anémie), chez la femme moderne[9].
61
+
62
+ Chez la femme en âge de procréer, les principales causes d'anémie ferriprive sont la menstruation et la perte de fer associée à la grossesse[23].
63
+
64
+ Dans le monde, 30 % des femmes agées entre 15 et 49 ans sont anémiques[24].
65
+
66
+ Les femmes qui ont des menstruations ont des besoins en fer (18 mg par jour) deux fois supérieurs aux hommes (8 mg par jour) et aux femmes allaitantes(9 mg par jour)[25].
67
+
68
+ Sachant que concernant le fer les apports nutritionnels conseillés, hors carence en fer, pour les femmes adultes (hors grossesse et allaitement) sont de 18 mg par jour, soit l'équivalent de 750 g de steak par jour (2,4 mg de fer dans 100 g de steak). Selon une étude, les femmes adultes avec des menstruations devraient avoir 18,9 mg ; les femmes adolescentes avec menstruation devraient avoir 21,4 mg de fer par jour[26].
69
+
70
+ Une étude indique qu'obtenir 18 mg de fer par jour peut rarement être atteint avec les aliments ordinaires disponibles[27]. Sachant que sur les 18 mg que contiennent la nourriture, seuls 10 % seront absorbés[27]. Il a été établit que 1,8 mg de fer doit être assimilé pour satisfaire les besoins de 80 à 90 % des femmes[27].
71
+
72
+ En 1994, l'alimentation de 92 % des femmes anglaises entre 16 et 50 ans n'atteignait pas 14,8 mg de fer[28].
73
+
74
+ La menstruation est un phénomène physiologique « spectaculaire », à l'origine de nombreux croyances et tabous culturels souvent liés à l'idée d'impureté.
75
+
76
+ Dans l'Europe pré-chrétienne les règles sont partie prenante d'une ritualisation du passage des saisons, qui concernent aussi bien la terre, les plantes que la reproduction humaine. L'ethnologue Sylvie Muller explique ainsi la place des règles dans le calendrier de l'ancienne Irlande paysanne :
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+ « Au printemps, les fleurs signalent la disponibilité d’un potentiel fécond, exploité en Irlande par les mariages de février ; en été, se déroule la gestation des fruits ; en automne ont lieu la récolte et l’accouchement ; enfin, l’hiver correspond à la saison de la mort, de la menstruation et des sacrifices sanglants, pendant laquelle se constitue le terreau, lequel est composé des vies mortes qui nourriront le prochain cycle saisonnier[29]. »
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+ Chez les Oglalas, un rite de passage nommé Išnati Awicalowanpi isolait les jeunes filles en ménarche. On leur attribuait temporairement un tipi à l'extérieur du village. Une femme d'expérience, choisie par la famille, avait comme rôle de voir à ses besoins et de lui enseigner ses futures tâches d'épouse et de mère. Une dizaine de jours après l'apparition des premières menstruations, une cérémonie était menée par un chaman. L'invocation de l'esprit du bison avait pour but d'assurer la fécondité de la jeune fille et de marquer son passage du monde des enfants à celui des adultes.[30]
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82
+ Les religions sémitiques (notamment juives et musulmanes) associent différentes croyances et interdits aux règles. Les femmes sont considérées en état d'impureté rituelle lorsqu'elles ont leurs règles. En Islam, pendant son cycle menstruel[31], la femme musulmane n'a pas le droit de faire sa prière ni son jeûne ni d'avoir un rapport sexuel (avec pénétration) avec son mari. Par ailleurs, pendant le pèlerinage de la Mecque, la circumambulation lui est interdite.
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84
+ Le Lévitique — un livre de l' Ancien Testament, et de la Torah — décrit l'impureté des objets qui touchent les règles de la femme :
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+ « La femme qui aura un écoulement de sang restera 7 jours dans la souillure de ses règles. Si quelqu'un la touche, il sera impur jusqu'au soir.
87
+ Tout lit sur lequel elle couchera pendant ses règles sera impur et tout objet sur lequel elle s'assiéra sera impur.
88
+ Si quelqu'un touche son lit, il lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau et sera impur jusqu'au soir.
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+ Si quelqu'un touche un objet sur lequel elle s'est assise, il lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau et sera impur jusqu'au soir.
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+ S'il y a quelque chose sur le lit ou l'objet sur lequel elle s'est assise, celui qui y touchera sera impur jusqu'au soir.
91
+ Si un homme couche avec elle, si la souillure des règles de cette femme vient sur lui, il sera impur pendant 7 jours et tout lit sur lequel il couchera sera impur.
92
+ La femme qui aura un écoulement de sang pendant plusieurs jours en dehors de ses règles, ou dont les règles dureront plus que d'habitude, sera impure pendant toute la période de son écoulement, comme pendant ses règles[32]. »
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94
+ Les prescriptions dans le judaïsme sont très détaillées. La Niddah, qui interdit les relations sexuelles avec la femme pendant ses règles car elle est alors considérée comme « impure », prévoit un ensemble de vérifications (bedika) visant à éliminer toute trace d'une goutte de sang qui pourrait souiller l'époux, et sept jours plus tard, le bain rituel, le mikvé. La crainte du sang menstruel se retrouve comme une constante dans de nombreuses cultures, pour des raisons religieuses. Dans l'analyse psychanalytique, la mise en place de périodes d'interdit dans le judaïsme est aussi considéré comme propre à alimenter le désir sexuel, en retardant le moment du plaisir[33].
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+ Dans les sociétés traditionnelles, il existe également des croyances très diverses liées aux menstruations. La question de la contamination est par exemple présente chez les Marquisiens :
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98
+ « Les menstruations étaient entourées de plusieurs restrictions, et étaient la principale raison pour laquelle les femmes étaient regardées comme impures et impies. Les femmes ayant leurs règles devaient être évitées sous peine de contracter la lèpre, par contamination par contact avec elles, ou avec le fluide menstruel ou avec leurs vêtements. Les restrictions liées aux menstruations ont ensuite été étendues à toutes les femmes pubères à toutes les occasions. Il était interdit aux femmes de passer au-dessus de tout objet ou structure, ou de passer au-dessus de la tête d'une personne. Ainsi, une femme ne pouvait pas s'asseoir sur la selle d'un homme, aller en canoë, ou s'asseoir sur une chaise ou sous le porche d'une maison si un enfant était également en dessous. Car autrement elle contaminait l'objet ou la personne. Et la contamination ne pouvait être enlevée qu'en tuant la femme, ou en détruisant l'objet, ou en pratiquant le rituel ha'a tahe tahe[34]. »
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+ Le supposé pouvoir contaminant des règles reçoit à l'époque moderne diverses justifications. Au XIXe siècle, le criminologue italien Cesare Lombroso, dans le cadre d'une théorie sexiste et naturalisante de la criminalité, liait ainsi les menstruations à la criminalité féminine[35]. Les sexologues Masters et Johnson font état, concernant la même époque, d'une tentative de justification médicale, en Angleterre, de la croyance en un pouvoir corrupteur des règles sur la nourriture :
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+ « En 1878, le prestigieux British Medical Journal édita une série de lettres de médecins qui donnaient des « preuves » que le contact d’une femme qui avait ses règles pouvait abîmer le jambon qu’elle avait touché[36]. »
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+ En 1846, Victor Hugo cite l’exemple des catacombes de Paris, vouées en partie à la culture des champignons, et interdites aux femmes, dont les menstrues pouvaient « faire tourner et pourrir » les plantations. Lui-même affirme que l’indisposition périodique des actrices « fait tomber le blanc et le rouge » dont elles se maquillent[37].
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+ En 2017, un groupe multinational vendant des protections périodiques, Essity, lance dans de nombreux pays une campagne publicitaire montrant un liquide rouge simulant le sang menstruel, au lieu du liquide bleu habituellement utilisé pour le représenter, avec le slogan Le sang c'est normal, le montrer devrait l'être aussi. Cette campagne déclenche en Australie les foudres de 600 téléspectateurs, qui se plaignent auprès de l'autorité de contrôle du caractère « désagréable », « inutile », « choquant et inapproprié », « dérangeant », « dégradant pour les femmes » de la campagne et du fait qu’elle « ne convient pas aux enfants », sans toujours réaliser que le sang affiché lors de scènes de violence ne les fait pas réagir comme l'analyse une chargée de cours en études de genre. D'autres s'inquiètent que le spot publicitaire, passé à une heure de grande écoute, ne les expose à des questions de la part de leurs enfants sur ce que sont les règles. L'organisme de contrôle de la déontologie publicitaire, Ad Standards, rejette les plaintes et donne raison au fabricant, notant que « la publicité faisait partie d’une campagne conçue, au contraire, pour normaliser les règles et éliminer toute stigmatisation de honte ou de gêne envers les femmes ». Une étude parue après cet incident montre que pour 3 Australiennes sur 4 avoir ses règles est une honte, et 70 % d'entre elles préfèreraient rater un examen plutôt que leurs camarades apprennent qu'elles sont en période de menstruations[38].
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+ Dans la majorité des pays où le groupe a décliné sa campagne, celle-ci n'a été relayée que sur Internet, les autorités locales l'ayant jugé « inappropriée », dont la France pour la marque Nana qui a jugé que « le sang sur une serviette est susceptible d’offenser le public[38].»
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+ En France aussi à l'époque contemporaine les premières règles sont généralement mal vécues par les jeunes filles. Les règles en effet sont largement associées à un sentiment de honte et de dégoût. Elles sont identifiées à une saleté à cacher, en particulier des hommes. Cela participe à faire considérer la condition féminine comme une contrainte[39].
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+ En 2018, selon l'UNESCO dans certains pays, les 2/3 des jeunes filles ignorent encore ce qui leur arrive quand leurs règles apparaissent[40].
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+ L'ONU a mis à jour début 2018 ses principes directeurs internationaux sur l’éducation sexuelle en plaidant pour une éducation sexuelle "complète et de qualité" promouvant la santé et le bien-être, le respect des droits de l'homme et l'égalité des sexes, pour un passage plus facile et sûr de l'enfance à la vie adulte[40]. La connaissance du phénomène de menstruation est l'un des nombreux sujets que l'éducation sexuelle aborde (dans la famille et/ou à l'école).
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+ Plusieurs expressions désignent les menstrues d'une femme.
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+ Certaines font référence à la guerre : « les Anglais ont débarqué » remonte aux guerres napoléoniennes par référence aux armées britanniques qui ont débarqué en France suite à la bataille de Waterloo en 1815 et l'ont occupée jusqu'en 1818. Ces armées étaient en effet vêtues d'uniformes rouges et le lien avec le flux menstruel désagréable apparaît en 1820 dans le parler populaire parisien, en mauvais souvenir de l'occupant[41]. La métaphore de la couleur rouge est aussi utilisée en Belgique ou en Grèce avec l'expression « les Russes sont arrivés » (référence à l'Armée rouge), tandis qu'aux Pays-Bas on « hisse le drapeau rouge », voire le « drapeau japonais »[41].
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+ « Avoir ses ragnagnas » utilise le mot ragnagna qui semble dériver du gascon « arrouganh » signifiant le désir ou l'envie[42].
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+ « Avoir ses ourses » (ou « avoir ses ours ») est peut-être un glissement linguistique pour « avoir ses jours » (expression désuète) ou une référence à la déesse lunaire Artémis dont le nom signifie « ourse puissante »[43].
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+ « menstrual blood is a complex biological fluid composed of blood, vaginal secretions, and the endometrial cells of the uterine wall as they exist immediately prior to menses. »
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+ « This divergence between genders is aggravated by the lifestyle of modern women who have a very different reproductive history from their forebears. They reach sexual maturity at an earlier age, have fewer pregnancies and breastfeed for shorter periods of time; as a result they menstruate more frequently and therefore become more iron deficient. With the exception of a few countries, women of fertile years around the world have a negative iron balance. »
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+ « approximately 29 % of non-pregnant females aged 15–49 are anemic »
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+ La menstruation, ou règles, désigne l'écoulement périodique d'un fluide biologique complexe composé de sang, de sécrétions vaginales, et de cellules endométriales de la paroi utérine, évacué par le vagin. Ce fluide d'apparence sanguine est une manifestation visible du cycle menstruel des femmes et des femelles en âge de procréer de certaines espèces de mammifères. Parmi ces espèces se trouvent majoritairement des primates : tous les Catarhiniens ou presque (singes de l'Ancien monde, dont fait partie l'espèce humaine), ainsi que certains Platyrhiniens (singes du Nouveau monde)[1]. Des chauves-souris et une espèce de musaraigne, le macroscélide de Peters présentent aussi cette caractéristique physiologique[2].
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+ Les menstrues correspondent à l'évacuation de la couche superficielle de la muqueuse de l'utérus, l'endomètre, qui s'était constitué plus tôt durant le cycle menstruel pour accueillir un éventuel œuf fécondé. En l'absence de fécondation, la surface de l'endomètre, richement vascularisé, est alors évacuée par le vagin sous forme d'un saignement plus ou moins abondant, sur une période pouvant durer de trois à dix jours, et pouvant s'accompagner de douleurs.
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+ Dans l'espèce humaine, la première menstruation ou « ménarche » apparaît entre la préadolescence et l'adolescence, et ce phénomène s’arrête définitivement lors de la ménopause. Les menstruations sont généralement interrompues durant la grossesse. Les saignements sont communément absorbés par des protections hygiéniques. Chez la femme, le volume des pertes menstruelles est compris entre 50 et 60 millilitres de sang, mais varie entre les individus et selon les cycles[3].
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+ Le terme menstruation vient du mot latin mensis « mois » (proche du grec mene, la lune) qui évoque une parenté avec les cycles lunaires mensuels.
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+ Les menstruations sont l'écoulement d'un fluide biologique complexe composé de sang, de sécrétions vaginales, et de cellules endométriales de la paroi utérine[4]. Elles surviennent après un cycle menstruel durant lequel l'ovule n'a pas été fécondé.
10
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+ Tous les saignements qui peuvent apparaître durant le cycle menstruel ne sont pas des règles[5].
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+ Les premières règles ou ménarches apparaissent à une âge variable selon les individus, estimé entre 12 et 13 ans. Elles peuvent toutefois survenir beaucoup plus tôt ou beaucoup plus tard, sans que cela ne soit révélateur d'une affection. Les règles peuvent mettre plusieurs cycles à devenir régulières[6].
14
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+ L'hypothétique effet McClintock indiquerait que lorsque plusieurs femmes vivent ensemble, il y a synchronisation des règles. Cependant, cet effet est largement controversé et les preuves scientifiques actuelles tendent à indiquer l'absence de phénomène de synchronisation, la synchronisation constatée serait due au hasard. Ce phénomène a été observé chez d'autres animaux comme la souris sous la forme d'une synchronisation des œstrus au sein d'un même groupe, phénomène appelé effet Whitten[7].
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17
+ Le nombre de menstruations au cours de la vie varie. Le fait que les femmes aient des menstrues tous les mois est relativement récent puisque leurs ancêtres alternaient fréquemment grossesse et allaitement, ce qui empêchait l'apparition des règles (aménorrhée de lactation)[8],[9].
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19
+ Ce nombre de menstrues dépend aussi fortement de l'environnement sociétal. Il est estimé qu'une femme américaine a environ 450 menstruations durant sa vie, alors qu'une femme aborigène d'Australie en a environ 180, en raison du nombre plus élevé d'enfants conçus et de l'allaitement consécutif à la grossesse. Il est également estimé que les femmes du Paléolithique étaient peu réglées, en raison de leur courte espérance de vie, du nombre de grossesse vécues et de l'allaitement consécutif, mais aussi en raison de leur activité physique ou de leur mauvais état de santé, périodes pouvant provoquer une absence de règles[10].
20
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21
+ Ces différences de comportement (grossesses plus espacées, périodes d'allaitement absentes ou raccourcies) ainsi qu'une puberté plus précoce impliquent pour la femme occidentale actuelle un risque plus élevé de carence en fer[9].
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23
+ Les spermatozoïdes peuvent survivre dans le corps de la femme pendant une période de 2 à 5 jours et l'ovule environ 24 heures. La période de fécondation commence donc cinq jours avant l'ovulation et se termine une journée après celle-ci.
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25
+ La période de menstruation, lorsque les cycles sont régulièrement établis, est donc peu fertile mais le reste néanmoins[11].
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27
+ La fonction de reproduction, c'est-à-dire la production des gamètes et des hormones gonadiques, est contrôlée par l'axe hypothalamo-hypophysaire. L'hypothalamus synthétise et libère de manière pulsative une hormone peptidique (GnRH = hormone gonadolibérine) qui stimule la libération par l'hypophyse antérieure de deux hormones FSH et LH. Les hormones principales ovariennes impliquées dans le contrôle du cycle menstruel sont les œstrogènes, la progestérone et l'inhibine. Au début du cycle, l'hypophyse antérieure (glande pituitaire) libère la FSH (hormone stimulant la folliculogenèse) signalant au follicule immature de grandir dans les ovaires. Le follicule est un sac contenant l'ovocyte. Normalement, un seul ovule est produit par cycle. Il n'y a pas de coordination gauche/droite. Le même ovaire peut donc théoriquement émettre un ovule plusieurs mois de suite. En fait, la présence d'un corps jaune dans un ovaire perturbe fortement la sélection du follicule dominant, de telle sorte que chez 88 % des femmes, l'ovulation se produit alternativement dans un ovaire, puis dans l'autre. Le premier follicule à se développer sécrète de l'inhibine. Les niveaux d'œstrogènes montent quand l'hormone est sécrétée par le follicule qui se développe. Ce taux d'œstrogènes est à son maximum juste avant l'arrivée de l'ovulation. L'ovulation a lieu le 14e jour du cycle, environ 36 h après le pic de LH (hormone lutéotrophe) libérée par l'hypophyse antérieure.
28
+ Ce pic de L.H est provoqué par l'importante quantité d'œstrogènes qui étaient présents juste avant l'ovulation[12].
29
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30
+ Après l'ovulation, œstrogènes et progestérone sont chacun sécrétés par le corpus luteum (ou corps jaune) qui se développe à partir du follicule rompu et reste dans l'ovaire. Le rôle de la progestérone est de préparer le corps pour une éventuelle grossesse. En particulier, la progestérone provoque une augmentation de la température basale d'environ 0,3 °C. Cette augmentation de la température peut être utilisée pour détecter l'ovulation.
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32
+ Si aucune grossesse n'intervient le corpus luteum dégénère et le niveau des hormones chute brutalement, ce qui provoque l'élimination de l'endomètre lors de la menstruation.
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+ S'il y a une grossesse, le placenta produit les hormones pour interrompre le cycle menstruel :
35
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36
+ L'absence de règles est désignée sous le terme d'« aménorrhée ». Elle peut être primaire ou secondaire.
37
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38
+ Une fois les premières menstruations apparues et régulièrement établies, l'absence de règles, ou aménorrhée secondaire, traduit généralement une grossesse et peut se prolonger pendant l'allaitement (aménorrhée de lactation). À partir de l'âge de 40 à 50 ans, il peut s'agir de l'apparition de la ménopause. D'autres facteurs très fréquents peuvent causer une disparition des règles : maladies graves, prises de certains médicaments, anorexie, pratique sportive intensive, origines psychogènes (stress métabolique ou psychique accrus, troubles alimentaires, conditions chroniques)[13], troubles d'origines utérine ou ovarienne[14].
39
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40
+ L'allaitement consécutif à une grossesse aboutit à une anovulation ainsi qu'à la suspension des règles, dues à l'action sur l'axe hypothalamo-hypophysaire des stimulations mamelonnaires liés à la succion et aux stimuli neurosensoriels[15].
41
+
42
+ Il est possible de choisir d'avoir des règles ou non par l'utilisation d'un moyen de contraception hormonal comme une pilule combinée prise sans interruption, une pilule progestative prise en continu, un DIU hormonal, un implant progestatif, un anneau contraceptif ou encore un patch pris sans interruption[16].
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45
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46
+ Chez certaines femmes, une douleur pelvienne (au niveau du bassin) ou des crampes de l'utérus, appelées dysménorrhées peuvent précéder et accompagner la période des règles. Elle peut s'associer dans le cadre du syndrome prémenstruel (ou SPM) à des douleurs, des malaises, de la fatigue, dans certains cas à une anémie. Ces douleurs peuvent perturber la vie quotidienne ou le sommeil et entraîner une irritabilité. Certaines femmes peuvent également ressentir des maux de tête, une douleur dans le bas du dos ou une tension des seins (qui peuvent augmenter de volume en fin de cycle), et rendre nécessaire le changement de taille de soutien-gorge.
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48
+ Une étude indique une correlation entre la présence d'anémie et les troubles menstruels notamment la dysménorrhée, le syndrome prémenstruel, et les cycles irréguliers ou d'une longueur anormale[17].
49
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50
+ On distingue généralement les dysménorrhées primaires, liées à l'effet des prostaglandines, qui affectent en priorité les adolescentes lors des premières années de leurs règles, et qui sont le plus souvent sans gravité, bien que pouvant être invalidantes, et les dysménorrhées secondaires, liées à de nombreuses pathologies possibles, dont l'endométriose. Dans le premier cas, les pharmaciens peuvent délivrer des traitements de type anti-inflammatoire non stéroïdien, en l'absence de contre-indications. Dans le second cas, ou lorsque les traitements sont inefficaces, il est nécessaire de consulter un médecin[18].
51
+
52
+ Ces douleurs poussent certains pays à instituer un « congé menstruel » pour les femmes concernées :
53
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54
+ En Italie, un projet de loi autorisant les femmes à prendre trois jours de congés payés par mois en cas de règles douloureuses, a été présenté en mars 2017[19].
55
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56
+ Selon la gynécologue Brigitte Letombe, opposée à la mise en place de ce congé : « Les femmes ne doivent pas rester chez elles en cas de règles insupportables à chaque cycle. » et doivent consulter « Contrairement à une croyance populaire, il n’est pas normal d’avoir mal pendant cette période. Cela peut cacher une pathologie plus grave, comme l’endométriose. Selon l’Inserm, 40 % des femmes qui souffrent de douleurs chroniques pelviennes intenses, notamment au moment des règles, en sont atteintes »[21].
57
+
58
+ Chez la femme, le volume des pertes menstruelles est compris entre 50 et 60 mL de sang, mais varie entre les individus et selon les cycles[3]. Un millillitre de sang contenant 0,5 mg de fer[22].
59
+
60
+ Il y a un risque de carence martiale, déficit en fer avec anémie (anémie ferriprive) ou sans anémie (carence en fer sans anémie), chez la femme moderne[9].
61
+
62
+ Chez la femme en âge de procréer, les principales causes d'anémie ferriprive sont la menstruation et la perte de fer associée à la grossesse[23].
63
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64
+ Dans le monde, 30 % des femmes agées entre 15 et 49 ans sont anémiques[24].
65
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66
+ Les femmes qui ont des menstruations ont des besoins en fer (18 mg par jour) deux fois supérieurs aux hommes (8 mg par jour) et aux femmes allaitantes(9 mg par jour)[25].
67
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68
+ Sachant que concernant le fer les apports nutritionnels conseillés, hors carence en fer, pour les femmes adultes (hors grossesse et allaitement) sont de 18 mg par jour, soit l'équivalent de 750 g de steak par jour (2,4 mg de fer dans 100 g de steak). Selon une étude, les femmes adultes avec des menstruations devraient avoir 18,9 mg ; les femmes adolescentes avec menstruation devraient avoir 21,4 mg de fer par jour[26].
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+ Une étude indique qu'obtenir 18 mg de fer par jour peut rarement être atteint avec les aliments ordinaires disponibles[27]. Sachant que sur les 18 mg que contiennent la nourriture, seuls 10 % seront absorbés[27]. Il a été établit que 1,8 mg de fer doit être assimilé pour satisfaire les besoins de 80 à 90 % des femmes[27].
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+ En 1994, l'alimentation de 92 % des femmes anglaises entre 16 et 50 ans n'atteignait pas 14,8 mg de fer[28].
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+ La menstruation est un phénomène physiologique « spectaculaire », à l'origine de nombreux croyances et tabous culturels souvent liés à l'idée d'impureté.
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+ Dans l'Europe pré-chrétienne les règles sont partie prenante d'une ritualisation du passage des saisons, qui concernent aussi bien la terre, les plantes que la reproduction humaine. L'ethnologue Sylvie Muller explique ainsi la place des règles dans le calendrier de l'ancienne Irlande paysanne :
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+ « Au printemps, les fleurs signalent la disponibilité d’un potentiel fécond, exploité en Irlande par les mariages de février ; en été, se déroule la gestation des fruits ; en automne ont lieu la récolte et l’accouchement ; enfin, l’hiver correspond à la saison de la mort, de la menstruation et des sacrifices sanglants, pendant laquelle se constitue le terreau, lequel est composé des vies mortes qui nourriront le prochain cycle saisonnier[29]. »
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+ Chez les Oglalas, un rite de passage nommé Išnati Awicalowanpi isolait les jeunes filles en ménarche. On leur attribuait temporairement un tipi à l'extérieur du village. Une femme d'expérience, choisie par la famille, avait comme rôle de voir à ses besoins et de lui enseigner ses futures tâches d'épouse et de mère. Une dizaine de jours après l'apparition des premières menstruations, une cérémonie était menée par un chaman. L'invocation de l'esprit du bison avait pour but d'assurer la fécondité de la jeune fille et de marquer son passage du monde des enfants à celui des adultes.[30]
81
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82
+ Les religions sémitiques (notamment juives et musulmanes) associent différentes croyances et interdits aux règles. Les femmes sont considérées en état d'impureté rituelle lorsqu'elles ont leurs règles. En Islam, pendant son cycle menstruel[31], la femme musulmane n'a pas le droit de faire sa prière ni son jeûne ni d'avoir un rapport sexuel (avec pénétration) avec son mari. Par ailleurs, pendant le pèlerinage de la Mecque, la circumambulation lui est interdite.
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84
+ Le Lévitique — un livre de l' Ancien Testament, et de la Torah — décrit l'impureté des objets qui touchent les règles de la femme :
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86
+ « La femme qui aura un écoulement de sang restera 7 jours dans la souillure de ses règles. Si quelqu'un la touche, il sera impur jusqu'au soir.
87
+ Tout lit sur lequel elle couchera pendant ses règles sera impur et tout objet sur lequel elle s'assiéra sera impur.
88
+ Si quelqu'un touche son lit, il lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau et sera impur jusqu'au soir.
89
+ Si quelqu'un touche un objet sur lequel elle s'est assise, il lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau et sera impur jusqu'au soir.
90
+ S'il y a quelque chose sur le lit ou l'objet sur lequel elle s'est assise, celui qui y touchera sera impur jusqu'au soir.
91
+ Si un homme couche avec elle, si la souillure des règles de cette femme vient sur lui, il sera impur pendant 7 jours et tout lit sur lequel il couchera sera impur.
92
+ La femme qui aura un écoulement de sang pendant plusieurs jours en dehors de ses règles, ou dont les règles dureront plus que d'habitude, sera impure pendant toute la période de son écoulement, comme pendant ses règles[32]. »
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94
+ Les prescriptions dans le judaïsme sont très détaillées. La Niddah, qui interdit les relations sexuelles avec la femme pendant ses règles car elle est alors considérée comme « impure », prévoit un ensemble de vérifications (bedika) visant à éliminer toute trace d'une goutte de sang qui pourrait souiller l'époux, et sept jours plus tard, le bain rituel, le mikvé. La crainte du sang menstruel se retrouve comme une constante dans de nombreuses cultures, pour des raisons religieuses. Dans l'analyse psychanalytique, la mise en place de périodes d'interdit dans le judaïsme est aussi considéré comme propre à alimenter le désir sexuel, en retardant le moment du plaisir[33].
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+ Dans les sociétés traditionnelles, il existe également des croyances très diverses liées aux menstruations. La question de la contamination est par exemple présente chez les Marquisiens :
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+ « Les menstruations étaient entourées de plusieurs restrictions, et étaient la principale raison pour laquelle les femmes étaient regardées comme impures et impies. Les femmes ayant leurs règles devaient être évitées sous peine de contracter la lèpre, par contamination par contact avec elles, ou avec le fluide menstruel ou avec leurs vêtements. Les restrictions liées aux menstruations ont ensuite été étendues à toutes les femmes pubères à toutes les occasions. Il était interdit aux femmes de passer au-dessus de tout objet ou structure, ou de passer au-dessus de la tête d'une personne. Ainsi, une femme ne pouvait pas s'asseoir sur la selle d'un homme, aller en canoë, ou s'asseoir sur une chaise ou sous le porche d'une maison si un enfant était également en dessous. Car autrement elle contaminait l'objet ou la personne. Et la contamination ne pouvait être enlevée qu'en tuant la femme, ou en détruisant l'objet, ou en pratiquant le rituel ha'a tahe tahe[34]. »
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+ Le supposé pouvoir contaminant des règles reçoit à l'époque moderne diverses justifications. Au XIXe siècle, le criminologue italien Cesare Lombroso, dans le cadre d'une théorie sexiste et naturalisante de la criminalité, liait ainsi les menstruations à la criminalité féminine[35]. Les sexologues Masters et Johnson font état, concernant la même époque, d'une tentative de justification médicale, en Angleterre, de la croyance en un pouvoir corrupteur des règles sur la nourriture :
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+ « En 1878, le prestigieux British Medical Journal édita une série de lettres de médecins qui donnaient des « preuves » que le contact d’une femme qui avait ses règles pouvait abîmer le jambon qu’elle avait touché[36]. »
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+ En 1846, Victor Hugo cite l’exemple des catacombes de Paris, vouées en partie à la culture des champignons, et interdites aux femmes, dont les menstrues pouvaient « faire tourner et pourrir » les plantations. Lui-même affirme que l’indisposition périodique des actrices « fait tomber le blanc et le rouge » dont elles se maquillent[37].
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+ En 2017, un groupe multinational vendant des protections périodiques, Essity, lance dans de nombreux pays une campagne publicitaire montrant un liquide rouge simulant le sang menstruel, au lieu du liquide bleu habituellement utilisé pour le représenter, avec le slogan Le sang c'est normal, le montrer devrait l'être aussi. Cette campagne déclenche en Australie les foudres de 600 téléspectateurs, qui se plaignent auprès de l'autorité de contrôle du caractère « désagréable », « inutile », « choquant et inapproprié », « dérangeant », « dégradant pour les femmes » de la campagne et du fait qu’elle « ne convient pas aux enfants », sans toujours réaliser que le sang affiché lors de scènes de violence ne les fait pas réagir comme l'analyse une chargée de cours en études de genre. D'autres s'inquiètent que le spot publicitaire, passé à une heure de grande écoute, ne les expose à des questions de la part de leurs enfants sur ce que sont les règles. L'organisme de contrôle de la déontologie publicitaire, Ad Standards, rejette les plaintes et donne raison au fabricant, notant que « la publicité faisait partie d’une campagne conçue, au contraire, pour normaliser les règles et éliminer toute stigmatisation de honte ou de gêne envers les femmes ». Une étude parue après cet incident montre que pour 3 Australiennes sur 4 avoir ses règles est une honte, et 70 % d'entre elles préfèreraient rater un examen plutôt que leurs camarades apprennent qu'elles sont en période de menstruations[38].
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+ Dans la majorité des pays où le groupe a décliné sa campagne, celle-ci n'a été relayée que sur Internet, les autorités locales l'ayant jugé « inappropriée », dont la France pour la marque Nana qui a jugé que « le sang sur une serviette est susceptible d’offenser le public[38].»
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+ En France aussi à l'époque contemporaine les premières règles sont généralement mal vécues par les jeunes filles. Les règles en effet sont largement associées à un sentiment de honte et de dégoût. Elles sont identifiées à une saleté à cacher, en particulier des hommes. Cela participe à faire considérer la condition féminine comme une contrainte[39].
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+ En 2018, selon l'UNESCO dans certains pays, les 2/3 des jeunes filles ignorent encore ce qui leur arrive quand leurs règles apparaissent[40].
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+ L'ONU a mis à jour début 2018 ses principes directeurs internationaux sur l’éducation sexuelle en plaidant pour une éducation sexuelle "complète et de qualité" promouvant la santé et le bien-être, le respect des droits de l'homme et l'égalité des sexes, pour un passage plus facile et sûr de l'enfance à la vie adulte[40]. La connaissance du phénomène de menstruation est l'un des nombreux sujets que l'éducation sexuelle aborde (dans la famille et/ou à l'école).
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+ Plusieurs expressions désignent les menstrues d'une femme.
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118
+ Certaines font référence à la guerre : « les Anglais ont débarqué » remonte aux guerres napoléoniennes par référence aux armées britanniques qui ont débarqué en France suite à la bataille de Waterloo en 1815 et l'ont occupée jusqu'en 1818. Ces armées étaient en effet vêtues d'uniformes rouges et le lien avec le flux menstruel désagréable apparaît en 1820 dans le parler populaire parisien, en mauvais souvenir de l'occupant[41]. La métaphore de la couleur rouge est aussi utilisée en Belgique ou en Grèce avec l'expression « les Russes sont arrivés » (référence à l'Armée rouge), tandis qu'aux Pays-Bas on « hisse le drapeau rouge », voire le « drapeau japonais »[41].
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+ « Avoir ses ragnagnas » utilise le mot ragnagna qui semble dériver du gascon « arrouganh » signifiant le désir ou l'envie[42].
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+ « Avoir ses ourses » (ou « avoir ses ours ») est peut-être un glissement linguistique pour « avoir ses jours » (expression désuète) ou une référence à la déesse lunaire Artémis dont le nom signifie « ourse puissante »[43].
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+ « menstrual blood is a complex biological fluid composed of blood, vaginal secretions, and the endometrial cells of the uterine wall as they exist immediately prior to menses. »
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+ « This divergence between genders is aggravated by the lifestyle of modern women who have a very different reproductive history from their forebears. They reach sexual maturity at an earlier age, have fewer pregnancies and breastfeed for shorter periods of time; as a result they menstruate more frequently and therefore become more iron deficient. With the exception of a few countries, women of fertile years around the world have a negative iron balance. »
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+ « approximately 29 % of non-pregnant females aged 15–49 are anemic »
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+ Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références »
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+ En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment ajouter mes sources ?
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+ L’armée de terre, la force terrestre, les forces terrestres — ou en simplifiant[a] par application d’une tradition linguistique dans certains pays l’armée[b] — est une des composantes des forces armées d'un État, combattant principalement au sol. Les forces terrestres peuvent être transportées dans les airs, comme cela peut être le cas des troupes aéroportées selon les circonstances, ou bien sur des bateaux, en prévision d'un débarquement ou d'un transbordement par exemple.
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+ Les forces terrestres ont constitué généralement, dans les organisations sociales les plus anciennes, la première force armée créée. D'ailleurs encore aujourd'hui, « armée de terre » et « armée » — d’une nation — font souvent l'objet de confusion. Rapidement, les puissances de l'Antiquité se sont également dotées de marines de guerre.
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+ L'infanterie a constitué jusqu'à la mécanisation des armées au début du XXe siècle la principale force de combat des armées.
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+ On distingue dans les armées professionnelles trois types d'armes (ou services), les armes de mêlée au contact direct avec l'ennemi (infanterie, cavalerie), d'appui soutenant le combat (artillerie, génie militaire) et de soutien (service de santé, transmissions, logistique militaire).
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+ Depuis la Première Guerre mondiale, et avec l'industrialisation de l'armement, les armées de terre ont été conduites à acheter et stocker de grandes quantités de matériel lourd, véhicules et munitions.
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+ Se posent donc les questions du démantèlement en fin de vie et du devenir des déchets militaires issus de ce démantèlement pour l'environnement[1].
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+ Les enjeux financiers et quantitatifs sont importants. À titre d'exemple, l’Armée de terre française avait déjà en 2008 un stock de plus de 250 000 matériels et équipements désaffectés (soit 28 250 tonnes en tout), surtout constitué de 5 735 véhicules non blindés (17 891 tonnes), de 236 blindés (5 665 tonnes) et de 5 093 matériels du génie (3 875 tonnes). En outre, de 10 000 à 12 000 tonnes de matériels supplémentaires sont sorties du service chaque année entre 2008 et 2015, soit 90 000 tonnes au total, ce qui nécessite des capacités de stockage tampon aux normes « ICPE[1] ».
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+ La revente des métaux au cours de 2008 correspond, pour environ 25 000 tonnes d’acier recyclable et 5 000 tonnes d’aluminium, à environ 50 millions d'euros. Si le cours des métaux est élevé, cette somme peut rembourser et dépasser les frais de dépollution, démantèlement et traitement des déchets ultimes[1].
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+ La mer Adriatique (du latin : Mare Hadriaticum ou Mare Adriaticum) est une mer séparant la péninsule italienne de la péninsule balkanique. L'Adriatique est le bras de la Méditerranée situé le plus au nord en s'étendant du canal d'Otrante (où elle rejoint la mer Ionienne) jusqu'aux villes de Venise et de Trieste et à l'embouchure du Pô. Les pays côtiers sont l'Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et l'Albanie, ainsi que la Grèce par l'île de Corfou.
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+ La mer Adriatique doit son nom à l'ancienne cité étrusque d'Adria (ou Hadria ou Atria), située sur le territoire de l'actuelle commune italienne du même nom, dans la province de Rovigo en Vénétie, fondée au VIe siècle av. J.-C. par les Étrusques, située jadis sur ses bords. Ce nom ne s'entendait primitivement que d’un petit golfe situé devant cette ville, et aujourd'hui comblé par les atterrissements du Pô.
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+ L'Organisation hydrographique internationale détermine les limites de la mer Adriatique de la façon suivante[1] :
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+ La mer Adriatique est une partie de la mer Méditerranée, sorte de golfe très allongé fermé vers le nord. L'historien français Fernand Braudel la désigne comme l'une des « plaines liquides » qui forment la Méditerranée. Elle est encadrée au nord et à l'ouest par l'Italie et à l'est par la péninsule balkanique. Au sud, la mer Adriatique est reliée à la mer Ionienne par le canal d'Otrante d'une largeur de 72 km.
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+ Sa surface est de 160 000 km2 ; sa profondeur moyenne est de 444 mètres inégalement répartie entre extrémité NO peu profonde et celle SE bien plus profonde d'environ 1000 m[2].
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+ L'Adriatique renferme plus de 1 300 îles, pour la plupart situées sur son flanc est, près de la côte croate. Elle est divisée en trois bassins, celui du nord étant le moins profond et celui du sud présentant la plus grande profondeur (1233 mètres). Les courants circulent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, à partir du canal d'Otrante en remontant vers le nord en suivant la côte est avant de redescendre le long de la côte italienne à l'ouest. Les marées sont modérées même si des amplitudes plus élevées sont parfois observées. La salinité de l'Adriatique est plus basse que celle de Méditerranée, elle forme un bassin versant qui collecte un tiers de l'eau douce arrivant dans la Méditerranée. La température à sa surface s'élève à environ 24 degrés en été et 12 degrés en hiver, ce qui a pour effet de rendre le climat autour du bassin adriatique assez doux.
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+ L'Adriatique se trouve sur la plaque adriatique qui s'était séparée de l'Afrique durant le Mésozoïque. Les mouvements de la plaque contribuèrent à la formation des Apennins. Durant l'Oligocène, la péninsule apennine se forma en premier, séparant le bassin adriatique du reste de la Méditerranée. L'Adriatique présente une grande diversité en termes de sédiments avec notamment les eaux du Pô qui drainent des alluvions depuis les plaines situées au nord de l'Italie. La partie ouest de la mer est alluviale tandis que la côte sur son flanc est s'avère beaucoup plus morcelée et karstique.
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+ Un seul grand fleuve, le Pô, se jette dans l'Adriatique. Il génère une pollution importante[3].
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+ Il y a une dizaine de sites protégés sur l'Adriatique qui garantissent la biodiversité : plus de 7 000 espèces sont présentes dans l'Adriatique, dont certaines sont endémiques, rares et menacées.
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+ Des colonies sont fondées par les Étrusques (Adria) et les Grecs (Epidamne, actuelle Durrës, et Apollonia, actuelle Vlorë) tandis que la rive orientale est peuplée par les Illyriens. Au IIIe siècle av. J.-C., la première guerre pour la domination de l'Adriatique oppose Teuta, reine d'Illyrie, à la République romaine. Sous l'Empire romain, Ravenne devient une base navale importante, puis le refuge des derniers empereurs romains d'Occident jusqu'à la conquête de l'Italie par les Ostrogoths. La reconquête de Justinien, au VIe siècle, restaure l'autorité de l'Empire romain, devenu Empire byzantin, sur les deux rives de la mer, avec un commandement byzantin, l'exarchat de Ravenne, sur la rive ouest ; des tribus de Slaves méridionaux comme les Narentanes commencent à s'installer sur la rive orientale. Venise n'est alors qu'un petit avant-poste byzantin qui résiste aux attaques des puissances continentales, le royaume des Lombards puis l'Empire franc carolingien. Avec la christianisation des Slaves, une ligne de partage s'établit entre l'Église catholique de langue latine, liée aux Carolingiens et à la papauté de Rome, et l'Église orthodoxe de rite grec, dépendant du patriarcat de Constantinople.
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+ L'époque médiévale voit l'affirmation d'une thalassocratie, la République de Venise : pendant longtemps, l'Adriatique a été dominée par la « Sérénissime République », à tel point qu'elle est souvent appelée « le golfe de Venise ». La Quatrième croisade (1202-1204) permet à Venise d'étendre son hégémonie sur la Dalmatie et les îles grecques même si elle doit compter avec l'archiduché d'Autriche, qui tient Trieste au nord, et le royaume de Naples, avec les ports des Pouilles, au sud. Aux XVe et XVIe siècle, Venise est menacée par deux vastes empires territoriaux : la monarchie de Habsbourg, dont la branche autrichienne tient Trieste et une partie de la côte nord tandis que la branche espagnole occupe les possessions napolitaines, et l'Empire ottoman, solidement établi dans les Balkans. Ancône, la ville des États pontificaux, ne joue qu'un rôle modeste jusqu'à son érection en port franc en 1734, les pirates uscoques représentent une nuisance mineure dans le nord du bassin adriatique tandis que la petite république de Raguse (Dubrovnik) maintient une neutralité précaire entre Ottomans et puissances chrétiennes.
23
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+ Au XVIIIe siècle, après le traité de Passarowitz en 1718, cet espace est complètement bouleversé politiquement. L'affirmation progressive des ports impériaux, Fiume (Rijeka), Trieste, Porto-Ré, la concurrence acharnée du port franc d'Ancône et la renaissance de Raguse remettent en question l'hégémonie vénitienne. Bari assure un trafic important, surtout tourné vers les Balkans et la Grèce.
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+ La dissolution de la Sérénissime République, au traité de Campo-Formio (1797), entraîne une lutte pour l'hégémonie adriatique au cours des Guerres napoléoniennes. Les campagnes de Dalmatie permettent à la Première République française, devenue Empire français, d'accéder à cette mer et d'établir un protectorat sur les provinces illyriennes mais, en 1813-1814, l'Empire d'Autriche, appuyé par le Royaume-Uni, met fin aux provinces illyriennes et au royaume d'Italie sous tutelle française. Cet équilibre est validé par le Congrès de Vienne en 1815, les Britanniques, pour prix de leurs services, conservant l'île grecque de Corfou, considérée comme la clé de l'Adriatique.
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+ L'Empire autrichien (devenu en 1867 austro-hongrois) doit faire face à la rivalité du nouveau royaume d'Italie proclamé en 1861, soutenu par le Second Empire français puis par le royaume de Prusse et qui s'empare de la Vénétie en 1866. La Marine austro-hongroise et la Marine royale italienne ne sont que des puissances navales de second plan et doivent limiter leurs ambitions tandis que l'Empire ottoman conserve l'Albanie jusqu'à la Première Guerre balkanique de 1912-1913.
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+ Après la Première Guerre mondiale et l'éclatement de l'Autriche-Hongrie, la côte orientale est partagée entre le Royaume de Yougoslavie et celui d'Albanie.
31
+
32
+ Les ambitions de l'Italie fasciste l’entraînent à la conquête de l'Albanie en 1939 puis à la participation à l'invasion de la Yougoslavie, aux côtés de l'Allemagne nazie, lors de la Seconde Guerre mondiale. La défaite de l'Axe Rome-Berlin en 1945 fait passer dans le bloc soviétique l'Albanie et la Yougoslavie, devenues communistes, tandis que l'Italie et la Grèce rejoignent l'Alliance atlantique puis l'Union européenne.
33
+
34
+ Les côtes de l'Adriatique sont peuplées par plus de 3,5 millions d'habitants. Les plus grandes villes sont Ancône, Bari, Venise, Trieste et Split. L'Italie et la Yougoslavie se sont accordées sur leurs limites maritimes en 1975 et ces frontières entre l'ouest et l'est sont reconnues après 1992 par les états issus de la dislocation de la Yougoslavie : la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro. Le siège de Dubrovnik en 1991-1992, pendant la guerre croato-yougoslave, est la dernière bataille livrée sur l'Adriatique et où la marine (Marine militaire yougoslave) ait joué un rôle important. Les États héritiers de la Yougoslavie n'ont pas totalement fixé leurs frontières réciproques.
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+ Les accords entre l'Italie et l'Albanie concernant leurs limites maritimes datent, eux, de 1992. Les difficultés dues à la chute du régime communiste albanais et à la crise albanaise de 1997 entraînent un exode maritime de dizaines de milliers d'Albanais vers les ports italiens[4].
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+ La pêche et le tourisme sont les activités économiques principales le long des côtes adriatiques. Le tourisme en Croatie s'est développé plus rapidement que dans le reste du bassin. Le transport maritime est également une branche vitale de l'économie de la région : on dénombre 19 ports qui prennent en charge plus d'un million de tonnes de fret chaque année. Le plus grand port de transport de marchandises est celui de Trieste en Italie, tandis que Split (en Croatie) accueille le plus grand nombre de passagers.
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+ La mer Baltique est une mer intracontinentale et intérieure de 364 800 km2 située dans le Nord de l'Europe et reliée à l'océan Atlantique par la mer du Nord. Elle communique au sud-ouest avec la mer du Nord par le Cattégat et le Skagerrak. Trois golfes principaux intègrent cet espace : le golfe de Botnie au nord, le golfe de Finlande à l'est et le golfe de Riga au sud-est.
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+ Les pays riverains sont :
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+ Ces pays riverains, ainsi que la mer proprement dite, font l'objet, depuis 2009, d'une « stratégie de la Commission européenne en faveur du développement de la région de la mer Baltique »[1], incluant un effort de dépollution de la Baltique et un système commun de surveillance maritime.
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9
+ Le nom de « mer Baltique » apparaît pour la première fois au XIe siècle, sous la plume du chroniqueur allemand Adam de Brême qui parle de Mare Balticum (dans l'Antiquité, Tacite l'appelle « mer des Suèves » (Mare Suebicum) et Ptolémée « océan des Sarmates » d'après les peuples du même nom. L'étymologie du mot Balticum est incertaine, mais il pourrait provenir du germanique belt (ceinture), Adam de Brême comparant la mer en question à une ceinture dans le même passage (« Balticus, eo quod in modum baltei longo tractu per Scithicas regiones tendatur usque in Greciam »). Toutefois, dans son Histoire naturelle, Pline l'Ancien mentionne une île qui aurait existé dans la même région, appelée Baltia ou Balcia. D'autres origines possibles ont été évoquées notamment la racine indo-européenne *bhel (blanc, clair) ou le dieu Baldr de la mythologie nordique.
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+
11
+ Différentes variations à partir de Balticum sont utilisées dans la plupart des langues romanes et slaves, ainsi qu'en anglais. En revanche, dans les langues germaniques (à l'exception de l'anglais), elle est appelée « mer de l'Est » (Østersøen en danois, Ostsee en allemand, Östersjön en suédois). Le finnois utilise un calque du suédois : Itämeri, qui signifie également « mer de l'Est ». En revanche, en estonien, elle est appelée « mer de l'Ouest » (Läänemeri).
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+
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+ Anciennement lac proglaciaire d'eau douce (le lac proglaciaire Baltique) et donc non rattachée à l’océan mondial de l’époque, la mer Baltique devient une mer lorsque les glaciers opprimant les reliefs qui les entourent alors se retirent et rendent alors possible l’élévation des terres autour (par un phénomène d’isostasie, c’est-à-dire que les terres longtemps opprimées se relèvent dans un mouvement de levier lorsque plus rien ne les oppresse). Alors se créent les deux Belts (Grand Belt et Petit Belt). La Baltique est alors intégrée à l’océan mondial et se salinise. Mais tout ce qui est aujourd’hui sous l’eau ne l’était pas à l’époque, et reste aujourd’hui un paysage glaciaire simplement recouvert d’une assez mince pellicule d’eau, la mer Baltique étant une mer peu profonde. Ce phénomène d’isostasie (qui pourrait augmenter avec la fonte des glaciers scandinaves) provoque aussi localement l’apparition de « jardins d’écueils » ou Skærgård. Ce sont de minuscules îlots ou de petits archipels qui apparaissent avec le temps, couplée à l’apparition d'îles réelles. En 130 ans, 130 nouvelles îles sont par exemple apparues au large de la ville de Vaasa (Finlande), posant des problèmes de navigation.
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+ La Baltique est formée de grands bassins (bassin de la mer de Botnie, au nord des îles d’Åland notamment) reliés entre eux par des seuils de haut-fonds, et d’îles (îles du Danemark et d’Åland). Sa profondeur maximale est de 459 m dans la fosse de Landsort, dans le bassin Ouest-Gotland, au large de l’île de Gotland et proche des côtes suédoises.
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+ Sa superficie est de 364 800 km2[2].
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+ L'Organisation Hydrographique Internationale détermine les limites de la mer Baltique de la façon suivante[3] :
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+ La profondeur moyenne de la mer Baltique est de 55 mètres. La marée est très faible (environ 30 centimètres) et parfois masquée par les oscillations climatiques (seiches hydrodynamiques, ondes de tempêtes).
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23
+ La Baltique est une mer peu salée (10 pour mille contre 35 pour mille dans le reste des océans). En effet, les apports d’eau douce des fleuves sont très importants au moment de la fonte des neiges et l’évaporation naturelle est seulement égale ou un peu supérieure aux précipitations directes. La variation annuelle de la salinité représente le négatif des régimes fluviaux. Autrement dit, lors de l’étiage des fleuves, en février, la salinité de la mer est maximale ; alors qu’elle est minimale quand les fleuves ont un débit fort, en mai, à la fonte des neiges. De manière générale, les eaux de l’Est et de surface sont plus faiblement salées (détroits danois : 10 ‰, golfe de Botnie : 5 ‰).
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+ L’amplitude thermale des eaux est importante : en été 16 °C dans le Sud, 12 °C dans le golfe de Botnie ; en hiver, la banquise recouvre le fond des golfes de Botnie et de Finlande, ainsi que de nombreuses côtes, globalement tout ce qui se trouve au nord de l’île de Gotland au large de Stockholm.
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+ Les courants subissent largement les effets du vent. De manière générale, ils suivent un mouvement senestre (sens inverse du mouvement des aiguilles d’une montre). Le courant longeant la péninsule scandinave sort de la Baltique vers la mer du Nord. C’est un courant de surface faiblement salé. Il atteint son débit maximal au printemps. Un biseau plus salé venant de la mer du Nord plonge alors dans la Baltique créant un courant plus profond qui longe les côtes méridionales.
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29
+ Des seuils freinent le renouvellement des eaux et le remaniement des fonds. En effet, il faut près de trente ans pour assurer le renouvellement total des eaux. Les êtres vivants (végétaux et animaux, dont le plancton) ne communiquent pas non plus beaucoup avec les autres mers. Ces seuils favorisent, pendant une grande partie de l’année, le ralentissement des courants thermohalins. L’appauvrissement en faune et en flore de la mer peut s’expliquer par cette stabilité mais aussi par son taux de salinité (certaines espèces ne supportent absolument pas le sel et ne peuvent pas y vivre, tandis que d’autres espèces qui ne vivent qu’en eau salée ne peuvent pas y vivre non plus). On compte en effet moins d’une centaine d’espèces[Quoi ?] vivant dans la mer Baltique (84 environ). L’absence de houle et de courants facilite le comblement des cuvettes ; en effet, au-dessous de 10 à 20 mètres, les particules fines s’agrègent et s’accumulent dans les dépressions vaseuses.
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+ La Baltique est la mer la plus jeune de la planète. Sa naissance est associée à la fonte de l'inlandsis scandinave, il y a 15 000 à 8 000 ans. Aux premières époques de son extension, elle était probablement une étendue d'eau douce qui s'est réduite avec le surélèvement des terrains géologiques ou isostasie. Ce phénomène de retrait maritime attestant le poids de la calotte glaciaire qui la recouvrait continue encore aujourd'hui dans le Nord.
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+ La salinité de l'eau en surface est variable selon la distance aux détroits danois, elle reste faible dans le golfe de Botnie à la fonte des glaces et neige. Protégée des influences océaniques, elle subit de fortes variations thermiques. En hiver, les golfes de Botnie et de Riga sont généralement pris par la banquise. En été, la température de l'eau tourne autour de 15 °C.
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+ La mer Baltique est mentionnée il y a près de 2 000 ans dans la Germania de Tacite, qui la nomme Mare Suebicum. Il voit cette mer comme une partie de l'océan qui entoure le monde.
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+ Dès cette époque, des voies de commerces sont ouvertes notamment pour le commerce de l'ambre que l'on trouve en quantité sur les côtes de la Baltique et qui est vendue dans tout l'Empire romain. Les fourrures et les peaux sont également des produits d'exportation. L'Empire romain exporte des objets en céramique, du vin et de l'huile en utilisant ces mêmes routes commerciales.
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+ L'essentiel des voies de cabotage et de navigation est contrôlé par les peuples germaniques du Ier siècle au VIe siècle. Puis, au VIIe siècle, les peuples slaves prennent le contrôle de la partie orientale de la mer, puis occidentale au VIIIe siècle. Les Wendes multiplient les raids de pillages dans les régions bordières. Les peuples dits lituaniens, les Prussiens ou Borusses, les Korse ou Coures, les Lituaniens, les Lettons et Semigalles s'installent sur ses rivages, respectivement en Prusse, en Courlande, en Lituanie, en Lettonie... La seconde partie du siècle suivant voit un essor maritime sans précédent des peuples scandinaves, notamment suédois et danois, sous la qualification erronée de vikings. Le terme désigne une piraterie endémique qui, en réalité, ne reprend qu'après 930. Les pirates wendes écument la mer Baltique. Les populations finnoises, soient les Lives, Tchoudes, Ingres, Caréliens et Tavastes, et estoniennes, sont plus actives sur le golfe de Riga.
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+ Au terme d'une longue lutte militaire, face à la piraterie wende, le royaume du Danemark contrôle les détroits aux Xe et XIe siècles. L'essor commercial en Baltique est encore entravé par la piraterie slave lorsque le roi danois Valdemar Ier déplace sa capitale de Roskilde au château de Copenhague en 1157. Les marchands danois, assurés du soutien du pouvoir royal, entreprennent de contrôler l'espace maritime de la Baltique. Ils fondent des succursales, en particulier Dantzig sur les bords de la Vistule. La pacification militaire s'opère, et, en 1182, Canut VI est suzerain de la Poméranie et du Mecklembourg. Il contrôle des parties de l'Empire romain germanique, Hambourg, Lübeck et le Holstein.
42
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+ Valdemar le Victorieux peut contempler au milieu de son règne une Baltique danoise, à l'exception de l'île de Gotland indépendante et de la Livonie des chevaliers teutoniques. Il a annexé le Lauenbourg, la petite Poméranie, le Samland et l'île Oesel. L'Estonie est placée sous hégémonie danoise par les Danois à la suite d'une croisade pendant laquelle ils fondent Stralsund et Reval. C'est durant la sanglante campagne estonienne que le Dannebrog ou drapeau danois tombe du ciel, dit la légende royale. Mais le vieux Valdemar II, à l'orée de sa disparition en 1241, voit déjà s'amorcer un rapide déclin de son emprise maritime exceptionnelle.
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+ L'intérêt marchand allemand était éveillé depuis un siècle. En 1159, les marchands de Brême s'installent aux bouches de la Dvina, où ils fondent tardivement Riga en 1200. La Livonie est un débouché des produits venus de Russie centrale. Pour assimiler sa population, elle est convertie par croisade militaire. Les chevaliers porte-glaive forment l'ordre dominant de 1201 à 1237. Ils construisent des châteaux-forts, des couvents, ainsi que des villes de commerce. Les chevaliers teutoniques de Prusse avec lesquels ils fusionnent pour former l'ordre des chevaliers teutoniques imitent leur action violente et répressive au sud, en fondant Koenigsberg en 1255 sur la Pregel et Marienbourg en 1280 sur le Nogat. Partout, la conquête militaire élimine sans pitié les récalcitrants ou assujettit les populations restantes au servage. La seule possibilité des survivants serfs est de trouver un pauvre refuge urbain. L'autorité conquérante, contrainte de nourrir par charité chrétienne une foule misérable qu'elle avait appauvrie, rationalise la production et fait appel à une élite de cultivateurs et d'artisans libres. Attiré par les offres de terres ou d'échoppes sans concurrence, des colons arrivent de Frise, de Hollande, de Flandres et de Brabant, apportant leurs techniques et spécialités.
46
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47
+ La mer Baltique joue, durant le Moyen Âge, un rôle essentiel en tant que voie de transport et de commerce en Europe. Les villes situées dans le voisinage de la Baltique et du Rhin s'unissent dans une alliance, la Hanse, et accumulent d'énormes richesses.
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+ Au départ, l'île de Gotland mi-allemande mi-wende a résisté à l'emprise danoise. Elle prend contact avec une association dirigée par des évangélisateurs et commerçants de Lübeck.
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+
51
+ Les villes hanséatiques les plus importantes de la mer Baltique sont Lübeck, Wismar, Rostock, Stralsund, Greifswald, Stettin, Danzig, Königsberg, Memel, Riga, Reval et Novgorod. La Hanse, association de défense des marchands allemands et de leur libre circulation, n'a aucun statut légal et encore moins étatique dans l'Empire allemand. Elle se permet simplement de faire une guerre économique et si besoin, une guerre maritime pour faire fléchir les royaumes.
52
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53
+ Lors de la Guerre de Trente Ans, la Suède essaie de s'étendre sur l'autre rive de la Baltique. À l'issue de ce conflit, la Suède gagne des territoires sur la rive sud de la mer Baltique qui resteront longtemps sa propriété (voir l'article consacré à la Poméranie suédoise).
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55
+ La Russie parvient, elle, à obtenir un accès à la Baltique au cours des guerres nordiques. Pierre le Grand fait bâtir Saint-Pétersbourg, qu'il considère comme étant une « porte sur le monde » pour la Russie.
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57
+ La mer Baltique est presque fermée, donc très sensible aux pollutions. Elle a été un important champ de bataille lors de la Première Guerre mondiale et lors de la Seconde Guerre mondiale, qui ont toutes deux laissé des séquelles environnementales et historiques graves. Non seulement de nombreux navires y ont coulé avec leurs charges toxiques de munitions, mais après ces deux guerres, des centaines de milliers de tonnes d’obus conventionnels et chimiques rassemblés en Europe y ont été immergés. En temps de paix, elle fut une destination d’entraînement d’été pour les navires-écoles, notamment allemands tel que l’ex-voilier Grossherzogin Elisabeth (devenu français), par exemple.
58
+
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+ Ensuite, ce sont l'agriculture et l'industrie lourde développées par le bloc de l'Est qui polluent la mer Baltique. Ainsi, les fleuves côtiers des Pays baltes — passés sous contrôle soviétique après la Seconde Guerre mondiale — amènent une pollution considérable, y compris radioactive, avant que le nuage de Tchernobyl ne survole et contamine cette zone. De nombreux foies et reins de poissons et mammifères marins dépassent les teneurs réputées admissibles pour plusieurs métaux lourds, et on trouve de nombreux polluants organiques dans leur chair. La Baltique contient une zone morte parmi les plus importantes au monde, qui s’est formée en moins de dix ans dans la région du Skagerrak.
60
+
61
+ Le gouvernement suédois a lancé des alertes sanitaires sur les poissons de la Baltique, et notamment les poissons gras comme le saumon ou le hareng, qui contiennent de fortes concentrations de « polluants organiques persistants », des polluants qui s'accumulent dans l'organisme et ne s'éliminent jamais, comme la dioxine, les pesticides ou les PCB[4].
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63
+ Mais cette pollution se transmet au saumon d'élevage produit en Norvège, un pays qui n'est pas riverain de la Baltique, par le biais des croquettes de farine de poisson utilisées pour nourrir le saumon d'élevage norvégien, fabriquées (entre autres au Danemark et en Suède) à partir de poissons gras de la mer Baltique comme des anguilles des sables[4].
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+ Les populations de cabillauds ont considérablement diminué ces dernières années en mer Baltique et la Suède envisage en 2019 d'en suspendre la pêche. Au contraire, la Commission européenne fixe pour 2019 un taux de capture de 50 % supérieur à ce que les scientifiques du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) recommandent[5].
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+ Le 19 juin 2011, l'équipe de plongée suédoise Ocean X affirme avoir détecté, sur une image sonar floue, la présence d'un objet non naturel d'origine inconnue au centre de la mer de Botnie. Le groupe a revisité le site l'année suivante dans l'intention d'obtenir une image plus claire, mais a prétendu en avoir été empêché par une "'interférence électrique mystérieuse". Certains journaux à sensation ont spéculé sur l'existence d'un OVNI submergé. Un consensus d'experts et de scientifiques affirme que l'image montre très probablement une formation géologique naturelle.
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+
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+ Une commission « HELCOM » gère la convention d’Helsinki signée en 1974 et en vigueur depuis 1980, pour la protection du milieu marin dans la zone mer Baltique, associant les pays baltes dans cet objectif. Sa mission est équivalente à celle de la commission OSPAR qui traite, elle, de l’Atlantique du Nord-Est. Ces deux commissions travaillent notamment à évaluer l’ampleur des problèmes posés par les munitions non explosées immergées.
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71
+ La convention d’Helsinki a été mise à jour en 1992 mais n'est en vigueur que depuis 2000. La Commission d’Helsinki (HELCOM) en reste le bras exécutif. Elle rassemble neuf pays (Allemagne, Danemark, Estonie, Russie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Pologne et Suède et l’UE).
72
+
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+ Le WWF International avait en février 2005 alerté sur le fait que la plupart des poissons de la Baltique étaient si pollués qu’ils ne devraient normalement pas pouvoir être vendus sur le marché européen[6],[7]. Fin août 2008, le WWF félicite la Lituanie et la Lettonie pour la lutte faite à la pêche illégale des morues, mais en alertant sur le fait que les actions des neuf gouvernements baltes n’ont néanmoins pas suffi : ni la convention d’Helsinki de 1974 sur la protection de l’environnement marin de la zone de la mer ni le plan d’actions de 2007 pour réduire la pollution n’ont atteint leurs objectifs.
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+ Il y aurait même en Baltique sept des dix zones mortes les plus importantes de la planète. Une explosion d’algues (eutrophisation), l’été 2008, a encore dégradé la situation. Le WWF a produit un rapport évaluant les performances des pays selon six critères : biodiversité, poissons, substances dangereuses, transport maritime, eutrophisation (apport excessif d’azote et de phosphore notamment), et développement d’un système intégré de gestion de l’utilisation de la mer. L’Allemagne et le Danemark sont les mieux placés mais avec un score encore moyen, alors que Pologne et Russie sont classés en dernière place[8].
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+
77
+ Le plan d’action pour la Baltique de novembre 2007 vise le retour d'un bon état écologique de l’environnement marin avant 2021. Il comprend des actions régionales ou nationales et des mesures ne pouvant être prises qu’au niveau de l’UE (pêche, agriculture, contrôle des produits chimiques) ou même au niveau mondial (transport maritime).
78
+
79
+ La Suède et la Finlande ont bilatéralement décidé le 19 mai 2009 de créer un nouveau fonds international pour l’amélioration de l’environnement en Mer Baltique[9], ouvert à tous les pays riverains, afin de concrétiser les engagements du plan d’action pour la mer Baltique de novembre (HELCOM, 2007). Il pourra financer des projets en amont, par exemple pour déphosphorer les effluents urbains ou agricoles. 50 millions de couronnes suédoises (SEK) sont prévues pour 2009.
80
+
81
+ La Commission européenne doit le 10 juin 2009 proposer une stratégie pour la région de la mer Baltique encourageant les États membres, régions, institutions financières et organisations gouvernementales et non gouvernementales intéressées à mettre en œuvre un développement plus soutenable de cette zone.
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+
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+ Les pays riverains de la mer Baltique sont (dans l'ordre alphabétique) :
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+ Ces neuf pays, ainsi que la Norvège et l'Union européenne, se sont regroupés au sein du Conseil des États de la mer Baltique.
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+ La population riveraine s'élève à 85 millions d'habitants environ.
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+ Les plus importantes villes côtières, par nombre d'habitants :
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+ Parmi les fleuves se jetant dans la mer Baltique, se trouvent (dans le sens des aiguilles d'une montre à partir d'Öresund) :
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+ La Baltique est peu poissonneuse, et de manière générale de flore et faune pauvres. Cela est dû au phénomène d'eutrophisation.
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+ Au Moyen Âge, la puissante ligue hanséatique s'est établie autour de la Baltique.
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+ À la chute de l'URSS, de nouvelles routes maritimes se sont ouvertes. Aujourd'hui, la Baltique intègre l'espace européen à part enti��re. Elle est sillonnée en permanence par deux mille navires, soit 15 % du fret maritime mondial[10]. Le golfe de Finlande est ainsi devenu une grande voie de transport de pétrole (20 millions de tonnes dans les années 1990, plus de 100 millions de tonnes en 2005) à cause de la présence de Primorsk, grand port exportateur de pétrole russe.
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+ La mer Caspienne est une vaste étendue d'eau située en Asie occidentale, principalement alimentée par la Volga, issue de la fermeture d’une mer océanique ancienne, l'océan ou mer Paratéthys. Bien qu'il s'agisse, d'un point de vue strictement juridique, d'un lac[2], on la qualifie couramment de plus grande mer fermée du monde. Elle est bordée au nord et à l’est par les steppes de l’Asie centrale, à l’ouest et au sud par des chaînes issues de l’orogénèse himalayo-alpine : respectivement Caucase et Elbourz. Les pays riverains sont (dans le sens des aiguilles d'une montre) : le Kazakhstan au nord-est, le Turkménistan au sud-est, l’Iran au sud, l’Azerbaïdjan au sud-ouest, et la Russie au nord-ouest (avec le Daghestan, la Kalmoukie et l’oblast d'Astrakhan). Son niveau varie selon les années, mais de 1995 à 2017 il diminue rapidement (−6,72 cm/an en moyenne, soit −1,5 m en 20 ans) principalement à cause d'une évaporation accrue par le réchauffement climatique, et cette tendance devrait se poursuivre[3].
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+ Caspien est emprunté au latin caspianus, dérivé du latin caspius.
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+ Son nom vient du peuple des Kassites des monts Zagros, une chaîne de montagne en Iran, dérivant d’une racine hourrite kas signifiant « montagnard » dont dérivent aussi les noms du Caucase et de Qazvin.
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+ Dans l’Antiquité, elle était appelée mer Hyrcanienne (en latin : mare Hyrcanum[4]) d'après la région Hyrcanie.
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+ Au Moyen Âge, elle se nommait aussi mer Hvalissienne[5] ou Choresmienne (lié aux Hvalis, les habitants du Choresm).
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+ Dans les sources arabes, elle se nomme la Bahr el-Qazvin d'après la ville iranienne Qazvin.
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+ En Iran, elle s’appelle aussi mer Khazare (Daryā-ye Khazar)[6] et parfois mer de Mazandaran (Daryā-ye Mazandaran), d'après la région iranienne qui la borde.
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+ Par extension, certains géographes emploient caspienne — avec un c minuscule — comme adjectif pour désigner une mer fermée[7].
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+ La mer Caspienne a un littoral d'environ 6 000 km (7 000 km avec les îles). La longueur du littoral dans chacun des États riverains est la suivante[8] :
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+ Les principales villes au bord de la mer Caspienne sont :
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+ Plusieurs projets de canaux sont en discussion :
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+ La mer Caspienne est, avec une superficie de 371 000 km2, la plus grande des masses d’eau enclavées du monde[8],[11],[12],[13],[14],[15],[Note 1]. Sa longueur maximale est de 1 030 km dans l’axe nord-sud, et sa largeur maximale est de 435 km est-ouest. Ses caractéristiques en font un phénomène hydrologique unique, qui transcende à bien des égards les classifications habituelles. L’expression « mer fermée », qu’on lui applique couramment (ainsi qu’à la mer d'Aral), est probablement la plus à même de mettre en évidence ses singularités, tant vis-à-vis des mers ouvertes que des lacs classiques.
26
+
27
+ Si on la compare aux mers épicontinentales européennes, elle est cinq fois plus grande que la Manche (75 000 km2), deux fois et demie plus grande que l’Adriatique (160 000 km2), deux fois plus grande que la mer Égée (180 000 km2)[16] et presque aussi grande que la mer Noire (411 000 km2). Si on la compare aux grands lacs endoréiques, elle est quatre-vingt-quatre fois plus grande que le Grand Lac Salé (4 400 km2), quarante fois plus grande que le lac Eyre (9 900 km2) et vingt fois plus grande que le lac Balkhach (18 200 km2).
28
+
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+ Ses dimensions et sa salinité font qu’on la dénomme toujours « mer », mais ses statuts scientifique et surtout juridique prêtent à débat, car elle n’a actuellement pas le statut officiel de mer, mais bien celui de lac (plus précisément, le plus grand des lacs salés), ce qui n’est pas sans poser de problèmes tant d’un point de vue juridique que scientifique. Objet des convoitises des pays riverains, ceux-ci souhaitent, en effet, qu’elle soit considérée comme une mer intérieure, la répartition des eaux territoriales et des richesses sous-marines ne se faisant pas de la même façon.
30
+
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+ D’un point de vue géologique, hydrographique et historique, la mer Caspienne est une mer résiduelle de l’océan ou mer Paratéthys. C’est la plus grande mer fermée du monde. Elle a la même origine que la mer Noire et la mer d'Aral. Durant le Pliocène l’ancienne Paratéthys se subdivisa en plusieurs mers intérieures qui finirent par ne plus être reliées les unes aux autres. Ce fut notamment le cas de la mer de Pannonie, une mer intérieure qui occupait l’actuelle plaine pannonienne. La plupart de ces mers fermées disparurent à la fin du Pléistocène. À présent seules la mer Noire, la mer Caspienne et la mer d'Aral subsistent. Elles gardent les caractéristiques géologiques, hydrologiques et même, sur certains points, biologiques de base de la mer océanique dont elles sont issues, modifiées au fil des millions d’années, pour les deux dernières, par leur enclavement et leur alimentation constante en eau douce, tandis que la première au contraire a reçu récemment (il y a 7 000 ans) d’importants apports d’eau salée méditerranéenne.
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+ La salinité de la mer Caspienne est d'environ 12 grammes de chlorures par litre d’eau, soit le tiers de la salinité de la plupart des mers ou océans (38 grammes de sel par litre en Méditerranée, 35 dans l'Atlantique). La salinité varie de 10 grammes au niveau de l’embouchure de la Volga, à 350 grammes dans l’immense bassin naturel de concentration de Kara-Bogaz-Gol dont l’eau ne cesse de s’évaporer, remplacée à mesure à travers l’étroite passe qui la relie à la Caspienne.
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+ La mer Caspienne se situe 27,6 mètres en dessous du niveau des océans[17].
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+ Elle s’isole de l’ancienne Paratéthys il y a environ 5,5 millions d'années, en raison du soulèvement tectonique du Caucase et de la baisse du niveau des océans (régression marine). Lors de périodes climatiques chaudes et arides, la Caspienne a pu s’assécher en partie, déposant des sédiments comme la halite, qui furent recouverts par des dépôts éoliens. La mer se serait ensuite remplie de nouveau lorsque le climat et l’eau douce des fleuves environnants l’ont permis. Le niveau de la mer Caspienne fluctue au cours du temps, selon le climat, donc l’évaporation, et selon le débit de la Volga, son principal tributaire, lequel dépend de l’abondance des précipitations sur l’ensemble de son très étendu bassin versant. Le niveau de la mer est descendu et monté de nombreuses fois au cours des siècles : par exemple, les sources de l’Antiquité la décrivent plus étendue au nord qu’aujourd’hui, et reliée à la mer d'Aral par un chenal aujourd’hui à sec à travers l’actuel Turkmenistan ; celles du Moyen Âge décrivent une montée des eaux provoquant l’inondation des villes côtières de Khazarie, comme celle d’Itil.
38
+
39
+ Le niveau de la mer Caspienne oscille saisonnièrement et annuellement, mais il a baissé de 3 mètres de 1929 à 1977 pour ensuite remonter de 3 mètres (ou 1,5 m selon le rapport Dobris[18]) de 1977 à 1995 pour à nouveau diminuer[3]. Le littoral iranien est ainsi un écotone particulièrement mouvant. Les causes de ces variations ne sont pas encore complètement comprises, mais elle pourrait être liée au phénomène ENSO[19] ; des perturbations nord-atlantiques plus fréquentes modifient la pluviométrie en Russie, en lien avec les cycles de l’oscillation nord-atlantique. Dans ce contexte, une tendance continue à la baisse de niveau, une salinisation avec eutrophisation sont attendues[3].
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+ Ces phénomènes font de la Caspienne un lieu intéressant d'étude des causes et effets du changement climatique qui affecte l'ensemble du globe[20].
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+ Les fleuves Volga, Oural, Koura et Emba se jettent dans la mer Caspienne. La Volga assure à elle seule 80 % des apports en eau douce de la mer Caspienne. Une grande partie de l'Europe de l’Est, drainée par la Volga, appartient au bassin versant de la Caspienne.
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+ Les précipitations atmosphériques, qui dépendent des reliefs côtiers, sont distribuées inégalement sur les littoraux de la Caspienne. La moyenne annuelle des précipitations est de 100 mm pour l'ensemble des côtes, réparties de la manière suivante[8]:
46
+
47
+ À l'instar de la Baltique, de la mer Noire et de nombreuses mers resserrées ou de faible étendue, la Caspienne n'a pas de marées véritablement appréciables[21]. Elle conserve cependant une dynamique continue en surface, avec des vagues et des courants. Pendant les deux tiers de l'année (250 jours), des vents forts et modérés s'apparentant parfois à des ouragans (35–40 m/s) peuvent soulever des vagues de 8 à 10 mètres de haut, ayant 100 à 150 mètres de longueur. De violentes vagues peuvent être observées dans le secteur central de la Caspienne, dans la péninsule d'Absheron et la ville Mahagegala. La période allant de mai à août est considérée comme la période la plus calme de l'année.
48
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+ Les eaux de la Caspienne sont en mouvement continuel, suivant la rotation antihoraire d'un cyclone. L'essentiel des courants est, comme pour les vagues, influencé par le vent. Une grande partie des courants, qui partent du Nord et descendent vers le sud, sont impulsés par le débit de la Volga. Les écarts de température entre le nord et le sud de la Caspienne causent des écarts de densité qui alimentent les flux de surface dans les secteurs centre et le sud de la mer, et causent des tourbillons cycloniques.
50
+
51
+ La vitesse moyenne des courants dans la mer Caspienne est de 15 à 20 cm/s. Cette valeur peut atteindre 100 cm/s entre les champs de pétrole de Chilov Island et Neft Dashlary.
52
+
53
+ La mer Caspienne offre aux pays riverains de l'ouest et du sud une influence maritime très appréciable, de type méditerranéenne, très proche à bien des égards de celle de la mer Noire, diffusée par les vents puissants qui balayent la région, et régulée par les chaînes de montagnes voisines.
54
+
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+ Alors que le climat de l'Iran est principalement aride ou semi-aride, la plaine côtière iranienne de la Caspienne fait exception avec un climat pontique : les températures y tombent rarement en dessous de 0 °C en hiver et le climat reste humide toute l’année.
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+ En Azerbaïdjan, le climat n'est tempéré que le long du littoral caspien, le reste du pays connaissant des situations et des températures plus extrêmes. Le climat est subtropical et semi-aride dans les parties centrales, orientales, et dans le sud-est du pays. Et il est continental dans l'ouest et froid dans les montagnes azerbaïdjanaises.
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+ En Russie, le Daghestan méridional bénéficie aussi d'un climat pontique similaire à celui des côtes de la Mer Noire. Les pluies présentent un maximum d'automne le long des côtes de la mer Caspienne.
60
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+ À l'est en revanche, contrairement au Lenkoran azerbaïdjanais, au Daghestan méridional et aux rivages iraniens, le littoral turkmène apparaît comme un milieu hostile du fait des vents défavorables, qui limitent l'influence de la Caspienne : il est faiblement peuplé, et sa principale ville est le port de Türkmenbaşy (ancienne Krasnovodsk), qui fut fondé dans le cadre de la conquête tsariste à la fin du XIXe siècle.
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+ Le climat de la mer Caspienne n'est pas homogène. Les grandes différences entre le climat méditerranéen de France et celui de type pontique de la Caspienne sont d'ordre hygrométrique et thermique. À l'ouest et au sud de la Caspienne, ce climat est humide l'été. À l'est de la Caspienne, « les hivers sont beaucoup plus froids, et même dans le sud azerbaïdjanais vers 40° de latitude ». Il y a environ trois mois de jours de gel par an à Yalta, et un manteau neigeux continu de deux mois, janvier et février. Les vagues d'air froid continental, voire arctique, glissent facilement l'hiver jusqu'à la mer Caspienne à 40° de latitude. L'effet d'abri au sud de la Chaîne Taurique et du Caucase occidental donnent naissance à des températures moins basses à latitudes égales au bord de la mer Noire[22]. La banquise peut même recouvrir le nord-est de la mer durant l'hiver.
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+
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+ La mer Caspienne est très poissonneuse. On y trouve des sterlets, des saumons, et surtout des esturgeons (grands esturgeons), qui fournissent du caviar. « La pêche fait vivre toute une population de pêcheurs, notamment aux environs d'Astrakhan, où l'on fabrique du caviar renommé[23]. » Depuis les années 1980, la surpêche ayant entraîné la pullulation de méduses de l'espèce Mnemiopsis leidyi, le développement du marché noir et de la désintermédiation à la suite de la chute de l'URSS, ainsi que la pollution des eaux à l'origine de la « myopathie de l'esturgeon », ont diminué fortement les populations d'esturgeons et expliquent la quasi-disparition de l'industrie du caviar de Béluga en mer Caspienne[24].
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+
67
+ Le fait que la mer Caspienne soit une mer résiduelle fermée issue d'un très ancien océan en fait à la fois un musée maritime à ciel ouvert et un écosystème fermé autonome et complexe. « On a notamment compté dans les eaux de la Caspienne une cinquantaine d'espèces de poissons endémiques qu'on ne rencontre pas dans les autres mers. Les coquillages sont peu nombreux à cause de la faible salinité des eaux. Il y a aussi des phoques[23]. »
68
+
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+ Le phoque de la Caspienne est une espèce endémique de la mer Caspienne. Parmi les oiseaux, on peut rencontrer le goéland pontique et la sterne caspienne.
70
+
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+ Les profondeurs de la mer recèlent encore d'importantes ressources pétrolières.
72
+
73
+ Ses littoraux permettent l'existence d'un tourisme balnéaire pour tous les pays riverains. Ils offrent un front de mer à Bakou, la plus importante ville du Caucase. Les longues plages de sable du Turkménistan ou du nord de l'Iran sont traditionnellement très appréciées par les touristes étrangers et les locaux. En Iran, la capitale est beaucoup plus près de la Caspienne que de l'océan Indien, et les plages de Babolsar ont longtemps été fréquentées par la bonne société de Téhéran. Aujourd'hui, les habitants se regroupent à Chalus et Ramsar, leurs stations balnéaires favorites.
74
+
75
+ La mer Caspienne est, de facto, un axe de circulation maritime international et un espace stratégique militaire majeur. Elle est « la grande voie de communication entre la Russie, le Caucase, l'Iran et le Turkménistan. Plusieurs compagnies de navigation entretiennent un trafic régulier sur ses eaux. »[23].
76
+
77
+ Après la dislocation de l'URSS et l'indépendance des républiques d’Asie centrale, le statut de la mer Caspienne est resté flou durant plus de deux décennies [25].
78
+
79
+ Une estimation a porté à 50 milliards de barils la quantité de pétrole (dont 13 milliards de barils au Kazakhstan) et à 300 mille milliards de mètres cubes de gaz, deux ressources situées sous une faible profondeur d'eau, mais difficiles à valoriser en raison du fait que ces hydrocarbures sont présents sous haute pression, de plus l'eau de cette région gèle en hiver, ce qui rend l'extraction plus difficile[25].
80
+
81
+ D'importantes flottes militaires de type océanique stationnent dans ses eaux (frégates, patrouilleurs, dragueurs de mines, etc.), héritières en partie de la flotte soviétique de la Caspienne. La plus grande puissance militaire de la région est la Russie. La base principale de la flotte russe est située à Astrakhan et sa zone opérationnelle recouvre toute la mer. La flotte russe est composée d'unités de surface, d'unités de soutien et de recherche et de sauvetage en mer, de forces aériennes, de troupes de défense des côtes et d'unités spécialisées pour la logistique technique. Ses principales missions sont « la protection des intérêts de la Russie dans la région de la Caspienne et la lutte contre le terrorisme »[26].
82
+
83
+ Dans les années 2010, les États-Unis ont formé et armé les marines militaires des pays bordant la mer Caspienne (notamment de l'Azerbaïdjan). Certains analystes, parlant de « militarisation de la Caspienne », considèrent que la politique des Américains vise à faire reculer l'influence de la Russie et à renforcer leur mainmise sur cette région riche en ressources énergétiques[27]. En 2011, le commandant en chef de la Marine russe a annoncé que, d'ici 2020, la flottille russe de la Caspienne serait dotée de 16 nouveaux navires de guerre. En 2012, le commandant adjoint de la marine iranienne, le contre-amiral Abbas Zamini, a indiqué que l'Iran avait l'intention de mettre à l'eau des sous-marins légers dans la mer Caspienne[28].
84
+
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+ En août 2018, après 20 ans de négociations sur les enjeux de l'exploitation partagée des fonds marins, du pétrole, du gaz, du poisson et du caviar (vendu jusqu'à 25 mille dollars le kilogramme, en 2018), cinq pays (Azerbaïdjan, Iran, Kazakhstan, Russie et Turkménistan) lors d'un sommet régional tenu à Aktaou (Kazakhstan) ont signé la Convention sur le statut de la mer Caspienne, un accord historique définissant un nouveau statut pour la mer Caspienne[25]. Ce cadre a permis au Turkménistan et à l’Azerbaïdjan de réaliser sur le fond de la Caspienne le gazoduc qu'ils projetaient depuis des années (pour ne plus dépendre des gazoducs russes ou chinois)[25]. La Russie a perdu son monopole sur le transport du gaz mais obtenu (comme l'Iran) qu’aucune puissance étrangère ne dispose de base ou de vaisseau militaire sur la mer Caspienne[25].
86
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+ L'Iran a la plus petite part de littoral et de mer, mais porte un projet maritime et ferroviaire et un projet de traité international de corridor nord-sud la reliant à la Russie au sud, et aux pays riverains vers l’Inde et l’océan Indien[25].
88
+
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+ Le problème du statut juridique de la mer Caspienne demande un traitement spécifique, séparé de son statut scientifique[29]. Il est l'objet d'un grand nombre d'études universitaires et d'articles critiques à travers le monde[30]. Bien que la mer Caspienne soit, sur le plan strictement juridique, considérée aujourd'hui comme un lac salé et non une mer, son statut définitif est encore en débat et « les États riverains ont pris des positions diverses au fil de leur histoire, en fonction de leurs intérêts et des problèmes posés ». « À cet égard l’examen des documents publiés par les États riverains aux Nations Unies est tout à fait significatif et donne des indications précieuses sur la pratique des États. »
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91
+ « Alors que la Russie part de l’idée que la mer Caspienne est un lac et non pas une mer, le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et le Turkménistan fondent leur position sur l’hypothèse que le droit de la mer, codifié en 1982, est applicable. » « Le gouvernement Iranien, qui n’emploie les qualificatifs ni de « lac » ni de « mer » pour désigner la mer Caspienne dans les documents publiés aux Nations Unies, insiste quant à lui sur la spécificité de cette étendue d’eau et de son régime juridique[29] : « La mer Caspienne est une étendue d’eau qui, par son caractère unique, présente une importance capitale pour les États riverains. Ces États sont conjointement responsables de son utilisation, de la mise en valeur de ses ressources naturelles et de la préservation de l’environnement. »[31]
92
+
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+ Dans les faits, les positions de l'Iran et de la Russie semblent varier en fonction de leurs intérêts stratégiques, et « la Caspienne paraît être [encore] entourée d'un épais brouillard juridique. Son régime se situe dans un no man's land ne bénéficiant guère de l'attention de ses États riverains ni de la doctrine[32]. »
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+ Le 12 août 2018, la Convention sur le statut de la mer Caspienne est signée lors du cinquième sommet de la mer Caspienne, par les présidents de la Russie, du Kazakhstan, d’Azerbaïdjan, d’Iran et du Turkménistan. Ce traité a pour vocation le partage des ressources naturelles et la régulation du trafic maritime civil et militaire entre les cinq signataires[33],[15].
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+ Le mercredi est habituellement considéré comme le troisième jour de la semaine, notamment dans le calendrier grégorien ; dans certains autres calendriers, c'est le quatrième jour. Le mercredi est le jour de la semaine qui succède au mardi et qui précède le jeudi.
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+ Le mot mercredi est issu du latin Mercurii dies, signifiant « jour de Mercure »[1]. La norme ISO code le mercredi par le chiffre 3.
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+ Selon le paganisme germanique, le mercredi est le jour du dieu Odin (Woden), qui donne par exemple « wednesday » en anglais, « woensdag » en néerlandais et « onsdag » en danois, norvégien et suédois. La langue allemande, qui nomme le mercredi Mittwoch (milieu de la semaine), situe implicitement ce jour comme le quatrième de la semaine. Le nom islandais « Miðvikudagur » suit le même schéma que le nom allemand.
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+ Les mercredis ainsi que les dimanches, on récite généralement les mystères glorieux du Saint Rosaire.
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+ Le nom propre Mercure (du latin Mercurius, le dieu ou la planète) et, par antonomase, le nom commun mercure, prennent différentes significations selon le contexte.
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+ Mercure est un titre d'œuvre notamment porté par :
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+ Le nom propre Mercure (du latin Mercurius, le dieu ou la planète) et, par antonomase, le nom commun mercure, prennent différentes significations selon le contexte.
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+ Mercure est la planète la plus proche du Soleil et la moins massive du Système solaire[N 1]. Son éloignement au Soleil est compris entre 0,31 et 0,47 unité astronomique (46 et 70 millions de kilomètres), ce qui correspond à une excentricité orbitale de 0,2 — plus de douze fois supérieure à celle de la Terre, et de loin la plus élevée pour une planète du système solaire. Elle est visible à l'œil nu depuis la Terre avec un diamètre apparent de 4,5 à 13 secondes d'arc, et une magnitude apparente de 5,7 à −2,3 ; son observation est toutefois rendue difficile par son élongation toujours inférieure à 28,3° qui la noie le plus souvent dans l'éclat du Soleil. En pratique, cette proximité avec le Soleil implique qu'elle ne peut être vue que près de l'horizon occidental après le coucher du Soleil ou près de l'horizon oriental avant le lever du soleil, en général au crépuscule.
4
+
5
+ Mercure a la particularité d'être en résonance spin-orbite 3:2, sa période de révolution (~88 jours) valant exactement 1,5 fois sa période de rotation (~59 jours), et donc la moitié d'un jour solaire (~176 jours). Ainsi, relativement aux étoiles fixes, elle tourne sur son axe exactement trois fois toutes les deux révolutions autour du Soleil.
6
+
7
+ Mercure est une planète tellurique, comme le sont également Vénus, la Terre et Mars. Elle est près de trois fois plus petite et presque vingt fois moins massive que la Terre mais presque aussi dense qu'elle, avec une gravité de surface pratiquement égale à celle de Mars, qui est pourtant près de deux fois plus massive. Sa densité remarquable — dépassée seulement par celle de la Terre, qui lui serait d'ailleurs inférieure sans l'effet de la compression gravitationnelle — est due à l'importance de son noyau métallique, qui représenterait 85 % de son rayon, contre environ 55 % pour la Terre.
8
+
9
+ Comme Vénus, Mercure est quasiment sphérique — son aplatissement pouvant être considéré comme nul — en raison de sa rotation très lente. Dépourvue de véritable atmosphère (il n'existe qu'une exosphère), sa surface est très fortement cratérisée, et globalement similaire à la face cachée de la Lune indiquant qu'elle est géologiquement inactive depuis des milliards d'années. La planète est dépourvue de satellites naturels.
10
+
11
+ Seules deux sondes spatiales ont étudié Mercure. Mariner 10, qui a survolé à trois reprises la planète en 1974–1975, a cartographié 45 % de sa surface et découvert son champ magnétique. La sonde Messenger, après trois survols en 2008-2009, s'est mise en orbite autour de Mercure en mars 2011 et a réalisé une étude détaillée notamment de sa topographie, son histoire géologique, son champ magnétique et son exosphère. La sonde BepiColombo a pour objectif de se mettre en orbite autour de Mercure en décembre 2025.
12
+
13
+ La quasi-absence d'atmosphère — il s'agit en fait d'une exosphère exerçant une pression au sol de moins de 1 nPa (10−14 atm) — combinée à la proximité du Soleil — dont l'irradiance à la surface de Mercure varie entre 4,6 et 10,6 fois la constante solaire — engendre des températures en surface allant de 90 K (−183 °C) au fond des cratères polaires (là où les rayons du Soleil ne parviennent jamais) jusqu'à 700 K (427 °C) au point subsolaire au périhélie.
14
+
15
+ La planète Mercure doit son nom au dieu du commerce et des voyages, messager des dieux dans la mythologie romaine, Mercure. La planète a été nommée ainsi par les Romains à cause de la vitesse à laquelle elle se déplace dans le ciel. Le symbole astronomique de Mercure est un cercle posé sur une croix et portant un demi-cercle en forme de cornes (Unicode : ☿). Il s'agit d'une représentation du caducée du dieu Hermès, équivalent de Mercure dans la mythologie grecque. Mercure a également donné son nom au troisième jour de la semaine, mercredi (« Mercurii dies »).
16
+
17
+ Mercure a l'excentricité orbitale la plus élevée des planètes du système solaire, avec pour valeur environ 0.21. Cela implique que sa distance au Soleil varie de 46 à 70 millions de kilomètres[3],[2] au cours de sa révolution. Le diagramme de gauche illustre les effets de l'excentricité, en montrant l'orbite de Mercure superposée à une orbite circulaire ayant le même demi-grand axe. Cette variation de distance par rapport au Soleil fait que la surface de Mercure est soumises à une force de marée exercée par le Soleil sur sa surface qui est environ 17 fois plus forte que celle de la Lune sur Terre[4]. Combiné avec sa résonance de 3:2 de la rotation de la planète autour de son axe, cela entraîne également des variations complexes de la température de surface[5],[6].
18
+
19
+ L'excentricité de l'orbite de Mercure varie de manière chaotique de 0 (orbite circulaire) à une valeur très importante de plus de 0.45 sur plusieurs millions d'années du fait de l'influence des autres planètes[7],[8]. En 1989, Jacques Laskar, du Bureau des longitudes, a démontré que les planètes intérieures du système solaire avaient toutes des courses chaotiques. Cependant, Mercure est celle dont le mouvement est le plus chaotique[8],[9].
20
+
21
+ L'orbite de Mercure est inclinée de 7 degrés par rapport au plan de l'orbite terrestre (écliptique), comme le montre le schéma de droite. Par conséquent, les transits de Mercure devant le Soleil ne peuvent avoir lieu que lorsque la planète traverse le plan de l'écliptique au moment où elle se trouve entre la Terre et le Soleil, c'est-à-dire en mai ou en novembre. Cela se produit environ tous les sept ans en moyenne[10].
22
+
23
+ L'inclinaison de l'axe de rotation de Mercure sur son plan orbital est la plus faible du système solaire, à peine 2 minutes d'arc soit environ 0,03 degrés[11]. Cela est significativement plus faible que celle de Jupiter, qui a la deuxième plus petite inclinaison axiale de toutes les planètes, à 3,1 degrés. Cela signifie que pour un observateur aux pôles de Mercure, le centre du Soleil ne s'élève jamais à plus de 2 minutes d'arc au-dessus de l'horizon[11].
24
+
25
+ En certains points de la surface de Mercure, un observateur pourrait voir le Soleil se lever à un peu plus des deux tiers de l'horizon, puis se coucher avant de se lever à nouveau, le tout au cours de la même journée mercurielle[N 2]. En effet, quatre jours terrestres avant le périhélie, la vitesse orbitale angulaire de Mercure est égale à sa vitesse de rotation angulaire, de sorte que le mouvement apparent du Soleil cesse ; plus près du périhélie, la vitesse orbitale angulaire de Mercure dépasse alors la vitesse de rotation angulaire. Ainsi, pour un observateur hypothétique sur Mercure, le Soleil semble se déplacer dans une direction rétrograde. Quatre jours terrestres après le périhélie, le mouvement apparent normal du Soleil reprend et il se lève à nouveau à l'est pour se coucher à l'ouest[12].
26
+
27
+ Pour la même raison, il y a un couple de points sur l'équateur de Mercure (l'un d'entre eux étant situé dans le bassin Caloris[13]), distants de 180 degrésen longitude, où à chacun desquels, un an mercurien sur deux (ce qui équivaut à une fois par jour mercurien), le Soleil passe au-dessus d'est en ouest, puis inverse son mouvement apparent et passe à nouveau au-dessus d'ouest en est (lors du mouvement rétrograde), puis inverse son mouvement une seconde fois et passe au-dessus une troisième fois d'est en ouest[14],[15]. Au cours de l'année mercurienne alternée, c'est à l'autre point de ce couple que ce phénomène se produit. L'amplitude du mouvement rétrograde étant faible en ces points, l'effet global est que, pendant deux ou trois semaines, le Soleil est presque stationnaire au-dessus du point et est à son plus haut niveau de brillance parce que Mercure est au périhélie[16]. Cette exposition prolongée au moment où la planète est au plus proche du Soleil fait de ces deux points les endroits les plus chauds sur Mercure (d'où le nom Caloris, signifiant « chaleur » en latin)[16],[17]. Un de ces points a servi de référence pour le méridien 0°[N 3].
28
+
29
+ Inversement, il y a deux autres points sur l'équateur, à 90 degrés de longitude de distance des premiers, où le Soleil ne passe au-dessus que lorsque la planète est à l'aphélie une année mercurienne sur deux, à un moment où le mouvement apparent du Soleil dans le ciel de Mercure est relativement rapide. Ces points reçoivent ainsi beaucoup moins de chaleur solaire que ceux du couple décrits ci-dessus[17]. Il en résulte une journée mercurienne également « étrange » pour un observateur qui y serait situé. Celui-ci verra le Soleil se lever puis se recoucher, puis se relever à l'horizon Est ; et à la fin de la journée à l'Ouest, le Soleil se couchera puis se relèvera, pour se recoucher[18]. Ce phénomène s'explique aussi par la variation de la vitesse orbitale de Mercure : quatre jours avant le périhélie, la vitesse (angulaire) orbitale de Mercure étant exactement égale à sa vitesse (angulaire) de rotation, le mouvement du Soleil semble s'arrêter[12],[17].
30
+
31
+ Mercure atteint sa conjonction inférieure (point où elle est au plus proche de la Terre) tous les 116 jours terrestres en moyenne (ce qu'on appelle la période synodique)[2], mais cet intervalle peut aller de 105 jours à 129 jours en raison de l'orbite excentrique de la planète[19],[20]. Entre 1900 et 2100, Mercure s'est approchée au minimum (et ne s'approchera donc pas plus) de la Terre d'environ 82,1 × 106 kilomètres (soit 0,55 unité astronomique), le 31 mai 2015[21]. Sa période de mouvement rétrograde peut varier de 8 à 15 jours terrestres de part et d'autre de la conjonction inférieure. Cette grande amplitude est aussi due à l'excentricité orbitale élevée de la planète[12].
32
+
33
+ De par sa proximité avec le Soleil, c'est Mercure et non Vénus qui est la planète la plus proche de la Terre en moyenne contrairement à ce que l'on pourrait imaginer en regardant les représentations classiques du système solaire le long d'une ligne[22],[23]. Ce raisonnement peut même être étendu et Mercure est en réalité la planète la plus proche pour chacune des autres planètes du système solaire, y compris Uranus et Neptune (orbitant respectivement à 19 et 30 UA)[24].
34
+
35
+ Alors qu'il étudiait Mercure afin d'en dresser une première carte, Schiaparelli avait remarqué après plusieurs années d'observation que la planète présentait toujours la même face au Soleil, comme la Lune le fait avec la Terre. Il en conclut alors en 1889 que Mercure était synchronisée par effet de marée avec le Soleil et que sa période de rotation équivalait à une année mercurienne, soit 88 jours terrestres[25]. Cette durée était cependant erronée et il fallut attendre les années 1960 avant que les astronomes ne la revoient à la baisse[26].
36
+
37
+ Ainsi, en 1962, des observations par radar à effet Doppler ont été effectuées par le radiotélescope d'Arecibo sur Mercure afin d'en apprendre plus sur la planète et de vérifier si la période de rotation était bien égale à la période de révolution. Les températures relevées du côté de la planète censé être toujours exposé à l'ombre étaient trop importantes, ce qui suggéra que cette face sombre était en réalité parfois exposée au Soleil. En 1965, les résultats obtenus par Gordon H. Pettengill et Rolf B. Dyce révèlent que la période de rotation de Mercure est en fait de 59 jours terrestres[27], avec une incertitude de 5 jours. Cette période sera ajustée plus tard, en 1971, à 58,65 jours à ± 0,25 jours grâce à des mesures plus précises — toujours par radar — effectuées par R.M. Goldstein[28]. Trois ans plus tard, la sonde Mariner 10 apportera une meilleure précision, mesurant la période de rotation à 58,646 ± 0,005 jours[28]. Il se trouve que cette période est exactement égale aux 2/3 de la révolution de Mercure autour du Soleil ; c'est ce qu'on appelle une résonance spin-orbite 3:2[29],[30].
38
+
39
+ Cette résonance 3:2, une spécificité de Mercure, est stabilisé par la variance de la force de marée le long de l'orbite excentrique de Mercure, agissant sur une composante dipolaire permanente de la distribution de masse de Mercure[31] et par le mouvement chaotique de son orbite[32]. Dans une orbite circulaire, il n'y a pas de telle variance, donc la seule résonance stabilisée pour une telle orbite est 1:1 (par exemple, Terre-Lune). Au périhélie, là où la force de marée atteint son maximum, elle stabilise les résonances, comme 3:2, en obligeant la planète à pointer son axe de moindre inertie (là où le diamètre de la planète est le plus grand) approximativement vers le Soleil[31],[33].
40
+
41
+ La raison pour laquelle les astronomes pensaient que Mercure était verrouillée avec le Soleil est que, à chaque fois que Mercure était la mieux placée pour être observée, elle se trouvait toujours au même point sur son orbite (en résonance 3:2), présentant ainsi la même face à la Terre ; ce qui serait aussi le cas si elle était totalement synchronisée avec le Soleil. Cela est dû au fait que la période de rotation réelle de Mercure de 58,6 jours est presque exactement la moitié de la période synodique de Mercure valant 115,9 jours (c'est-à-dire le temps mis par Mercure pour revenir à la même configuration Terre–Mercure–Soleil) par rapport à la Terre[12]. L'erreur Schiaparelli peut aussi être imputée à la difficulté d'observation de la planète avec les moyens de l'époque[25].
42
+
43
+ En raison de sa résonance 3:2, bien qu'un jour sidéral (la période de rotation) dure environ 58,7 jours terrestres, le jour solaire (durée entre deux retours successifs du Soleil au méridien local) dure 176 jours terrestres, c'est-à-dire deux années mercuriennes[34]. Cela implique qu'une journée et une nuit durent chacune exactement une année sur Mercure, soit 88 jours terrestres (presque un trimestre)[35].
44
+
45
+ Une modélisation précise basée sur un modèle des marées a démontré que Mercure a été capturé dans l'état de spin-orbite 3:2 à un stade très précoce de son histoire, entre 10 et 20 millions d'années après sa formation[36]. De plus, des simulations numériques ont montré qu'une future résonance séculaire avec Jupiter pourrait faire croître l'excentricité de Mercure jusqu'à un point où il y aurait 1% de chance que la planète entre en collision avec Vénus d'ici à 5 milliards d'années[N 4],[37],[38]. La prédiction à long terme de l'orbite de Mercure s'inscrit dans la mécanique du chaos : certaines simulations démontrent même que la planète pourrait être éjectée du système solaire[39].
46
+
47
+ Comme pour l'ensemble des planètes du système solaire, l'orbite de Mercure connaît une très lente précession du périhélie autour du Soleil, c'est-à-dire que son orbite est elle-même en rotation autour du Soleil. Cependant, contrairement aux autres planètes, la période de précession du périhélie de Mercure ne concorde pas avec les prédictions faites à l'aide de la mécanique newtonienne[40].
48
+
49
+ En effet, Mercure connaît une précession légèrement plus rapide que celle à laquelle on peut s'attendre en appliquant les lois de la mécanique céleste, et se trouve en avance d'environ 43 secondes d'arc par siècle[41],[42].
50
+
51
+ Les astronomes ont donc, dans un premier temps, pensé à la présence d'un ou plusieurs corps entre le Soleil et l'orbite de Mercure dont l'interaction gravitationnelle perturberait le mouvement de cette dernière. L'astronome français Urbain Le Verrier, qui avait découvert en 1846 la planète Neptune à partir d'anomalies dans l'orbite d'Uranus[43], se pencha sur le problème et suggéra la présence d'une planète inconnue ou d'une seconde ceinture d'astéroïdes entre le Soleil et Mercure[44]. Des calculs effectués, en prenant en compte l'influence gravitationnelle de ces corps, devaient alors concorder avec la précession observée.
52
+
53
+ Le 28 mars 1859, Le Verrier fut contacté par le médecin français Edmond Lescarbault à propos d'une tache noire qu'il aurait vu passer devant le Soleil deux jours avant et qui était probablement, d'après lui, une planète intramercurienne[45]. Le Verrier postula alors que cette planète — qu'il nomma Vulcain — était responsable des anomalies du mouvement de Mercure et se mit en tête de la découvrir. À partir des informations de Lescarbault, il conclut que Vulcain tournait autour du Soleil en 19 jours et 7 heures à une distance moyenne de 0,14 UA. Il en déduisit également un diamètre d'environ 2 000 km et une masse de 1/17e de celle de Mercure. Cette masse était cependant bien trop faible pour expliquer les anomalies, mais Vulcain était une bonne candidate au corps le plus gros d'une hypothétique ceinture d'astéroïdes interne à l'orbite de Mercure[46].
54
+
55
+ Le Verrier profita alors de l'éclipse de Soleil de 1860 pour mobiliser tous les astronomes français afin de repérer Vulcain, mais personne ne put la trouver. La planète fut ensuite recherchée pendant des décennies, sans succès même si certains astronomes pensèrent l'avoir vue[47],[48], jusqu'à ce qu'une explication relativiste ne soit proposée.
56
+
57
+ En 1916, Albert Einstein avança la théorie de la relativité générale. En appliquant les paramètres dits post-képlériens de sa théorie au mouvement de Mercure, Einstein fournit l'explication de la précession observée en formalisant la gravitation comme étant affectée par la courbure de l'espace-temps. La formule de précession subie par l'orbite obtenue par Einstein est :
58
+
59
+
60
+
61
+
62
+
63
+ a
64
+
65
+
66
+ {\displaystyle a}
67
+
68
+ est le demi-grand axe de l'ellipse,
69
+
70
+
71
+
72
+ e
73
+
74
+
75
+ {\displaystyle e}
76
+
77
+ son excentricité,
78
+
79
+
80
+
81
+ G
82
+
83
+
84
+ {\displaystyle G}
85
+
86
+ la constante gravitationnelle,
87
+
88
+
89
+
90
+
91
+ M
92
+
93
+ S
94
+
95
+
96
+
97
+
98
+ {\displaystyle M_{S}}
99
+
100
+ la masse du Soleil, et
101
+
102
+
103
+
104
+ T
105
+
106
+
107
+ {\displaystyle T}
108
+
109
+ la période de révolution sur l'ellipse[N 5].
110
+
111
+ Avec pour valeurs numériques,
112
+
113
+
114
+
115
+ G
116
+  
117
+
118
+  
119
+ 6.67
120
+  
121
+
122
+ 10
123
+
124
+
125
+ 11
126
+
127
+
128
+
129
+
130
+ SI
131
+
132
+
133
+
134
+ {\displaystyle G\ \simeq \ 6.67\ 10^{-11}\,{\text{SI}}}
135
+
136
+ ,
137
+
138
+
139
+
140
+
141
+ M
142
+
143
+ S
144
+
145
+
146
+  
147
+
148
+  
149
+ 2.0
150
+  
151
+
152
+ 10
153
+
154
+ 30
155
+
156
+
157
+
158
+
159
+ kg
160
+
161
+
162
+
163
+ {\displaystyle M_{S}\ \simeq \ 2.0\ 10^{30}\,{\text{kg}}}
164
+
165
+ ,
166
+
167
+
168
+
169
+ a
170
+  
171
+
172
+  
173
+ 5.8
174
+  
175
+
176
+ 10
177
+
178
+ +
179
+ 10
180
+
181
+
182
+
183
+
184
+ m
185
+
186
+
187
+
188
+ {\displaystyle a\ \simeq \ 5.8\ 10^{+10}\,{\text{m}}}
189
+
190
+ ,
191
+
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+
193
+
194
+ e
195
+  
196
+
197
+  
198
+ 0.2
199
+
200
+
201
+ {\displaystyle e\ \simeq \ 0.2}
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+
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+ et
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205
+
206
+
207
+ T
208
+  
209
+
210
+  
211
+ 88
212
+
213
+
214
+ jours
215
+
216
+
217
+
218
+ {\displaystyle T\ \simeq \ 88\,{\text{jours}}}
219
+
220
+ , on retrouve 0,1038 secondes d'arc par révolution, ce qui correspond avec les 415 révolutions de Mercure par siècle à :
221
+
222
+ L'effet est faible : seulement 43 secondes d'arc par siècle pour Mercure, il faut donc environ 2,8 millions d'années pour un tour complet en excès[N 6] (ou douze millions de révolutions), mais coïncide bien avec l'avance du périhélie précédemment mesurée. Cette prédiction validée constitua un des premiers grand succès de la relativité générale naissante.
223
+
224
+ Mercure est l'une des quatre planètes tellurique du système solaire, et possède un corps rocheux comme la Terre. C'est la plus petite planète du système solaire, avec un rayon équatorial de 2 439,7 km[2]. Mercure est également plus petite - bien que plus massive - que deux satellites naturels du système solaire, Ganymède et Titan. Mercure est composée d'environ 70 % de métaux (principalement dans le noyau) et de 30 % de silicate (principalement dans son manteau)[49],[17]. La densité de Mercure est la deuxième plus élevée dans le système solaire, avec 5,427 g/cm3, soit à peine moins que la densité de la Terre, qui est de 5,515 g/cm3 [2],[50]. Si l'effet de la compression gravitationnelle devait être ignoré, c'est Mercure qui serait plus dense avec 5,3 g/cm3 contre 4,4 g/cm3 pour la Terre[51], du fait d'une composition avec des matériaux plus denses.
225
+
226
+ La densité de Mercure peut être utilisée pour déduire des détails sur sa structure interne. Bien que la haute densité de la Terre résulte sensiblement de la compression gravitationnelle, en particulier au niveau du noyau terrestre, Mercure est beaucoup plus petite et ses régions internes ne sont pas aussi comprimées. Par conséquent, pour qu'elle ait une densité aussi élevée, son noyau doit être volumineux et riche en fer[52].
227
+
228
+ Les géologues estiment que le noyau de Mercure occupe environ 85 % de son rayon[53],[54], ce qui représenterait ainsi environ 61,4 % de son volume contre 17 % pour la Terre par exemple[N 7]. Des recherches publiées en 2007 ont un temps suggéré que le noyau de Mercure était totalement liquide (nickel et fer)[55],[56],[57]. Plus récemment, d'autres études utilisant des données de la mission MESSENGER, achevée en 2015, ont cependant amené les astronomes à penser que le noyau interne de la planète était en réalité solide[54],[58],[59]. Autour du noyau se trouve couche centrale externe solide de sulfure de fer et un manteau composé de silicates[60],[61]. D'après les données de la mission Mariner 10 et les observations terrestres, la croûte de Mercure aurait une épaisseur entre 35 et 54 km[62]. Une caractéristique distinctive de la surface de Mercure est la présence de nombreuses crêtes étroites, s'étendant jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres de longueur. On pense qu'elles se sont formées lorsque le noyau et le manteau de Mercure ont refroidi et se sont contractés à un moment où la croûte s'était déjà solidifiée[59].
229
+
230
+ Le noyau de Mercure a une teneur en fer plus élevée que celle de toute autre objet du système solaire[63]. Cette forte concentration en fer est la raison pour laquelle on la surnomme parfois « la planète métallique »[52] ou « la planète de fer »[64]. La réponse à cette question permettrait certainement d'en apprendre beaucoup sur la nébuleuse solaire primitive et les conditions dans lesquelles le système solaire s'est formé. Trois hypothèses ont été proposées pour expliquer la haute métallicité de Mercure et son noyau gigantesque.
231
+
232
+ La théorie la plus largement acceptée à ce sujet est que Mercure avait à l'origine un rapport de métal sur silicate similaire à celui des météorites de chondrite communes, que l'on pense être typiques de la matière rocheuse du système solaire, et avec une masse environ 2.25 fois supérieure à sa masse actuelle[65]. En suite, au début de l'histoire du système solaire, Mercure aurait été frappée par un planétésimal d'environ 1/6e de cette masse et de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre[65]. L'impact aurait enlevé une grande partie de la croûte et du manteau d'origine, laissant derrière lui le noyau métallique qui aurait fusionné avec celui du planétésimal, et un mince manteau. Un processus similaire, connu sous le nom d'hypothèse de l'impact géant, a été proposé pour expliquer la formation de la Lune[65] suite à la collision de la Terre avec l'impacteur Théia.
233
+
234
+ Alternativement, Mercure pourrait s'être formée à partir de la nébuleuse solaire avant que la production d'énergie du Soleil ne se soit stabilisée. Au départ, sa masse aurait été le double de cette actuelle mais lorsque la protoétoile s'est contractée, les températures à proximité de Mercure auraient pu se situer entre 2 500 et 3 500 K et peut-être même atteindre 10 000 K[66]. Une grande partie de la roche de surface de Mercure aurait ainsi pu être vaporisée à ces températures, formant une atmosphère de vapeur de roche qui aurait ensuite été emportée par le vent solaire[66].
235
+
236
+ Une troisième hypothèse propose que la nébuleuse solaire aurait provoqué une traînée sur les particules à partir desquelles Mercure s'accrétait, ce qui signifie que des particules plus légères ont été perdues du matériau d'accrétion et n'ont pas été recueillies par Mercure[63]. Ainsi, le taux d'éléments lourds, comme le fer, présents dans la nébuleuse solaire était plus important au voisinage du Soleil, voire ces éléments lourds étaient distribués graduellement autour du Soleil (plus on s'en éloignait, moins il y avait d'éléments lourds). Mercure, proche du Soleil, aurait donc amassé plus de matériaux lourds que les autres planètes pour former son noyau[67].
237
+
238
+ Cependant, chaque hypothèse prévoit une composition de surface différente. La mission MESSENGER a trouvé des niveaux de potassium et de soufre plus élevés que prévu à la surface, ce qui suggère que l'hypothèse d'un impact géant et d'une vaporisation de la croûte et du manteau ne s'est pas produite car le potassium et le soufre auraient été chassés par la chaleur extrême de ces événements[67]. Ainsi, les résultats obtenus jusqu'à présent semblent favoriser la troisième hypothèse mais une analyse plus approfondie des données est nécessaire[68]. BepiColombo, qui arrivera en orbite autour de Mercure en 2025, fera des observations pour tenter d'apporter une réponse[69].
239
+
240
+ La surface de Mercure est couverte d'un tapis poussiéreux, de cassures et de cratères[27]. La surface de Mercure est similaire à celle de la Lune, montrant de vastes plaines de minéraux (silicates) ressemblant à des mers lunaires et de nombreux cratères, ce qui indique qu'elle est géologiquement inactive depuis des milliards d'années[70],[71]. Pour les astronomes, ces cratères sont très anciens et racontent l'histoire de la formation du système solaire, lorsque les planétésimaux entraient en collision avec les jeunes planètes pour fusionner avec elles. Par opposition, certaines portions de la surface de Mercure semblent lisses, vierges de tout impact[72],[73]. Il s'agit probablement de coulées de lave recouvrant un sol plus ancien et plus marqué par les impacts. La lave, une fois refroidie, donnerait lieu à l'apparition d'une surface lisse, blanchâtre. Ces plaines datent d'une époque plus récente, postérieure à la période de bombardements intenses. La découverte des plaines volcaniques sur la surface permet de mettre en cause des chutes d'énormes astéroïdes atteignant le manteau, et pouvant créer en même temps des éruptions volcaniques à l'opposé de la planète.
241
+
242
+ La connaissance de la géologie de Mercure n'ayant été basée que sur le survol de Mariner 10 en 1975 et sur des observations terrestres, elle fut la moins bien connue des planètes telluriques jusqu'à 2011 et la mission MESSENGER[57]. Par exemple, un cratère inhabituel avec des creux rayonnants a été découvert grâce à cette mission, que les scientifiques ont appelé un temps cratère de l'Araignée avant de renommer Apollodorus[74],[75].
243
+
244
+ Mercure possède différents types de formations géologiques[76],[77],[78] :
245
+
246
+ Mercure a été lourdement bombardée par des comètes et des astéroïdes pendant et peu après sa formation, il y a 4,6 milliards d'années, ainsi que pendant un épisode ultérieur, peut-être distinct, appelé le Grand bombardement tardif, qui s'est terminé il y a 3,8 milliards d'années[79]. Pendant cette période de formation intense de cratères, Mercure a subi des impacts sur toute sa surface, facilités par l'absence de toute atmosphère pour ralentir les impacteurs[80]. Aussi, Mercure était alors volcaniquement active ; des bassins tels que le bassin Caloris étaient alors remplis de magma, produisant des plaines lisses semblables Mers lunaires[72],[73]. Après le grand bombardement, l'activité volcanique de Mercure aurait cessé, soit environ 800 millions d'années après sa formation[81].
247
+
248
+ La surface de Mercure est plus hétérogène que celle de Mars ou de la Lune, qui contiennent toutes deux des étendues importantes de géologie similaire, comme les maria et les planitiae[82].
249
+
250
+ Le diamètre des cratères de Mercure varie de petites cavités en forme de bol à des bassins d'impact multi-annulaires de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. Ils apparaissent dans tous les états de dégradation, des cratères rayonnés relativement frais aux restes de cratères très dégradés. Les cratères de Mercure diffèrent subtilement des cratères lunaires en ce que la zone couverte par leurs éjections est beaucoup plus petite, conséquence de la plus forte gravité de Mercure à sa surface[83]. Selon les règles de l'UAI, chaque nouveau cratère doit porter le nom d'un artiste célèbre depuis plus de cinquante ans, et mort depuis plus de trois ans, avant la date à laquelle le cratère est nommé[84].
251
+
252
+ Le plus grand cratère connu est le bassin Caloris, avec un diamètre de 1 550 km (soit près du tiers du diamètre de la planète), qui fut formé suite à la chute d'un astéroïde d'une taille avoisinant les 150 km, il y a près de 3,85 milliards d'années[85]. Son nom (Caloris, « chaleur » en latin) vient du fait qu'il est situé sur l'un des deux « pôles chauds » de la surface de Mercure, pôles faisant directement face au Soleil lorsque la planète est au périhélie[13]. L'impact qui a créé le bassin Caloris a été si puissant qu'il a provoqué des éruptions de lave qui ont laissé un anneau concentrique de plus de 2 km de haut entourant le cratère d'impact. Il s'agit d'une grande dépression circulaire, avec des anneaux concentriques. Plus tard, de la lave a certainement coulé dans ce grand cratère, et en a lissé la surface.
253
+
254
+ À l'antipode du bassin Caloris se trouve une grande région de terrain très vallonnée et accidentée, de la taille de la France et de l'Allemagne réunies, connue sous le nom de « Terrain étrange » (en anglais Weird Terrain)[86]. Une hypothèse pour son origine est que les ondes de choc générées lors de l'impact de Caloris ont voyagé autour de Mercure, convergeant à l'antipode du bassin (à 180 degrés). Les fortes contraintes qui en ont résulté ont fracturé la surface, soulevant le sol à une hauteur de 800 à 1 000 m et produisant cette région chaotique[87],[88]. Une autre hypothèse est que ce terrain s'est formé à la suite de la convergence des éjecta volcaniques à l'antipode de ce bassin[89].
255
+
256
+ L'impact ayant créé le bassin Caloris a également contribué à la formation de l'unique chaîne de montagnes de Mercure : les Caloris Montes[90],[91].
257
+
258
+ Au total, environ 15 bassins d'impact ont été identifiés sur Mercure. Un bassin notable est le bassin Tolstoï, de 400 km de large, avec de multiples anneaux et qui a une couverture d'éjectas s'étendant jusqu'à 500 km depuis son pourtour et dont l'apparition marque l'ère du Tolstoïen. Les bassins Rembrandt et Beethoven, ayant une couverture d'éjecta volcaniques de taille similaire, font également partie des plus gros cratères d'impact de la planète avec une largeur respective de 716 et 625 km[83].
259
+
260
+ Comme la Lune, la surface de Mercure a probablement subi les effets des processus d'érosion spatiale, notamment le vent solaire et les impacts de micrométéorites[83].
261
+
262
+ Il existe deux régions de plaines géologiquement distinctes sur Mercure[83],[92],[93].
263
+
264
+ Premièrement, les plaines légèrement vallonnées dans les régions situées entre les cratères sont les plus anciennes surfaces visibles de Mercure[83], antérieures aux terrains fortement cratérisés. Ces plaines entre les cratères semblent avoir effacé de nombreux cratères plus anciens, et montrent une rareté générale de petits cratères de moins de 30 km de diamètre environ[92].
265
+
266
+ Deuxièmement, les plaines lisses sont de vastes zones plates qui remplissent des dépressions de tailles diverses et ressemblent beaucoup à aux mers lunaires. Elles remplissent notamment un large anneau entourant le bassin Caloris. Contrairement aux mers lunaires, les plaines lisses de Mercure ont les mêmes albédos que les anciennes plaines entre les cratères. Malgré l'absence de caractéristiques volcaniques incontestables, la localisation et la forme arrondie et lobée de ces plaines soutiennent fortement des origines volcaniques[83]. Toutes les plaines lisses de Mercure se sont formées beaucoup plus tard que le bassin Caloris, comme indique leur densité de cratères sensiblement plus faible par rapport à celle de la couverture d'éjection de Caloris[83]. Le fond du bassin Caloris est rempli d'une plaine plate géologiquement distincte, fragmentée par des crêtes et des fractures selon un schéma à peu près polygonal. Il n'est pas clair s'il s'agit de laves volcaniques induites par l'impact ou des impactites[83].
267
+
268
+ Une caractéristique inhabituelle de la surface de Mercure est la présence de nombreux plis de compression appelés escarpements (ou Rupes) qui sillonnent les plaines. Suite à la phase chaude de sa formation, c'est-à-dire après la fin du Grand bombardement tardif qui a un temps rendu toutes les planètes du système solaire des boules incandescentes[94], l'intérieur de Mercure s'est contracté et sa surface a commencé à se déformer, créant des crêtes[95]. Ces escarpements peuvent atteindre une longueur de 1 000 km et une hauteur de 3 km[96]. Ces caractéristiques de compression peuvent être observées simultanément avec d'autres caractéristiques, telles que des cratères et des plaines lisses, indiquant qu'elles sont plus récentes[97].
269
+
270
+ La cartographie des caractéristiques de Mercure grâce aux photographies prises par Mariner 10 a suggéré un rétrécissement total du rayon de Mercure de l'ordre de 1 à 2 km du fait de ces compressions[98], intervalle ayant plus tard été augmenté de 5 à 7 km, suite aux données de MESSENGER[99],[100]. Aussi, des failles de poussée à petite échelle ont été trouvées, d'une hauteur de plusieurs dizaines de mètres et d'une longueur de quelques kilomètres, qui semblent avoir moins de 50 millions d'années. Cela indique que la compression de l'intérieur et l'activité géologique de surface qui en résulte se poursuivent toujours à cette petite échelle[98],[101]. Après cette découverte, la supposée inactivité géologique de Mercure, et des petites planètes en général, pourrait être remise en cause[102].
271
+
272
+ Le Lunar Reconnaissance Orbiter a découvert l'existence de petites failles de poussée similaires sur la Lune[103].
273
+
274
+ Comme pour la Terre, la Lune ou Mars, l'évolution géologique de Mercure peut être divisée en grandes périodes ou époques[104]. Ces âges sont basés sur une datation relative uniquement, les dates avancées ne sont donc que des ordres de grandeur[83] .
275
+
276
+ Périodes géologiques de Mercure (en millions d'années) :
277
+
278
+ Il s'étend du tout début de l'histoire du système solaire à la période de bombardements intenses[105], soit de -4,5 à -3,9 milliards d'années. La nébuleuse solaire primitive s'est condensée et a commencé à former de la matière solide ; d'abord de petite masse qui à force de s'accumuler (processus d'accrétion) a produit des corps de plus en plus gros, ayant une force d'attraction de plus en plus importante, jusqu'à former la principale masse de Mercure. La nature homogène ou hétérogène de cette accumulation de matière reste encore inconnue : on ne sait pas si Mercure s'est formée à partir d'un mélange de fer et de silicate qui se sont ensuite dissociés pour former séparément un noyau métallique et un manteau de silicate, ou si le noyau s'est formé en premier, à partir de métaux, puis le manteau et la croûte ne sont venus qu'après, lorsque les éléments lourds comme le fer sont devenus moins abondants aux environs de Mercure. Il y a peu de chance pour que Mercure ait possédé une atmosphère initiale (juste après l'accumulation de matière), ou alors elle se serait évaporée très tôt avant l'apparition des plus anciens cratères. Si Mercure avait eu une atmosphère, on aurait pu remarquer une érosion des cratères par les vents, comme sur Mars[106]. Les escarpements présents majoritairement dans les régions « inter-cratères » (qui sont des surfaces plus anciennes que les cratères) et qui traversent parfois certains des plus vieux cratères, montrent que le refroidissement du noyau et la contraction de la planète se sont produits entre la fin de la première période et le début de la seconde[105].
279
+
280
+ La seconde période (de -3,9 à -3,85 milliards d'années) est caractérisée par un fort bombardement météoritique par des corps relativement gros (des résidus du processus d'accrétion), couvrant la surface de Mercure par des cratères et des bassins (cratères larges de plus de 200 km de diamètre), et se termine à la formation du bassin Caloris[107]. Il n'est pas certain que cette période soit la phase terminale de l'accrétion de Mercure ; il est possible qu'il ne s'agisse que d'un second épisode de bombardement indépendant de cette accumulation. D'autant plus que c'est l'époque du grand bombardement tardif[108]. Elle porte ce nom car elle a vu la formation du bassin Tolstoï.
281
+
282
+ La formation du bassin Caloris marque la séparation cette période (de -3,85 à -3,80 milliards d'années). L'impact météoritique a donné lieu à de fortes transformations de la surface de Mercure : la création de l'anneau montagneux Caloris Montes autour du cratère produit par l'impact et les déformations chaotiques de l'autre côté de la planète[109]. L'asymétrie de la répartition interne des masses qu'il a occasionnée, à l'échelle de la planète, a été le pivot sur lequel se fonde la synchronisation des périodes rotation/révolution : le bassin Caloris est (avec son antipode) un des « pôles équatoriaux chauds ».
283
+
284
+ La quatrième époque géologique de Mercure s'étale de -3,80 à -3 milliards d'années et débute après la collision donnant lieu au bassin Caloris. Elle couvre la période de volcanisme qui s'ensuivit[107]. Des coulées de lave ont formé une partie des grandes plaines lisses, grossièrement similaires aux maria lunaires. Cependant, les plaines lisses recouvrant le bassin Caloris (Suisei, Odin, et Tir Planitia) auraient été formées par des éjectas lors de l'impact Caloris.
285
+
286
+ S'étendant respectivement de -3 milliards d'années à -1 milliard d'années puis depuis -1 milliard d'années à aujourd'hui, ces périodes sont marquées par de petits impacts météoritiques : peu d'événements majeurs se sont produits sur Mercure durant ces périodes[105]. Ces ères prennent également le nom de cratères : le Mansur et le Kuiper.
287
+
288
+ La présence de plaines plus jeunes (les plaines lisses) est la preuve que Mercure a connu dans son passé une activité volcanique[92]. L'origine de ces plaines a été mise en évidence à la fin des années 1990 par Mark Robinson et Paul Lucey en étudiant les photographies de Mercure. Le principe était de comparer les surfaces lisses — formées à partir de coulées de laves — avec les autres, non lisses (et plus anciennes). S'il s'agissait bien d'éruptions volcaniques, ces régions devaient être d'une composition différente de celle qu'elles recouvraient, puisque composées de matériaux venant de l'intérieur de la planète[110].
289
+
290
+ Les images prises par Mariner 10 ont d'abord été recalibrées à partir d'images prises en laboratoire avant le lancement de la sonde, et d'images prises durant la mission des nuages de Vénus (Vénus présente une texture plutôt uniforme) et de l'espace profond. Robinson et Lucey ont ensuite étudié divers échantillons de la Lune — qui aurait connu une activité volcanique similaire — notamment la réflexion de la lumière afin de faire un parallèle entre la composition et la réflexion de ces matériaux[110].
291
+
292
+ À l'aide de techniques avancées de traitement d'images numériques (qui n'étaient pas possibles à l'époque de la mission Mariner 10), ils ont appliqué un code de couleurs aux images afin de différencier les matériaux minéraux sombres des matériaux métalliques. Trois couleurs ont été utilisées : le rouge pour caractériser les minéraux opaques, sombres (plus le rouge est prononcé, moins il y a de minéraux sombres) ; le vert pour caractériser à la fois la concentration d'oxyde de fer (FeO) et l'intensité du bombardement de micrométéorites, également appelé « maturité » (la présence de FeO est moins importante, ou la région est moins mature, sur les portions plus vertes) ; le bleu pour caractériser le rapport UV/lumière visible (l'intensité de bleu augmente avec le rapport). La combinaison des trois images donne des couleurs intermédiaires. Par exemple, une zone en jaune peut représenter une combinaison d'une forte concentration en minéraux opaques (rouge) et une maturité intermédiaire (vert)[110].
293
+
294
+ Robinson et Lucey ont alors remarqué que les plaines étaient marquées de couleurs différentes par rapport aux cratères et ont pu en déduire que ces plaines étaient de composition différente par rapport aux surfaces plus anciennes (caractérisées par la présence de cratères). Ces plaines ont dû, à l'instar de la Lune, être formées par des coulées de lave. De nouvelles questions se posent alors quant à la nature de ces remontées de roche en fusion : ceux-ci peuvent être de simples épanchements fluides, ou des éruptions explosives[111]. Cependant, toutes les plaines n'ont peut-être pas pour origine des coulées de lave. Il est possible que certaines se soient formées à partir de retombées de poussières et de fragments du sol, éjectés lors de gros impacts météoritiques[112].
295
+
296
+ Certaines éruptions volcaniques ont pu se produire à la suite de grosses collisions. Dans le cas du bassin Caloris, le cratère généré par l'impact devait avoir à l'origine une profondeur de 130 km, atteignant probablement le manteau qui a dû entrer partiellement en fusion lors du choc (pression et température très importantes). Le manteau est ensuite remonté lors du réajustement du sol, comblant le cratère. Ainsi, sachant qu'une partie de la surface de Mercure provient de son intérieur, les scientifiques ont pu en apprendre plus sur la composition interne de la planète[113].
297
+
298
+ Les images obtenues par MESSENGER, quant à elles, ont révélé des preuves de nuées ardentes sur Mercure provenant de volcans boucliers de faible hauteur[114],[115],[116]. Ces données MESSENGER ont permis d'identifier 51 dépôts pyroclastiques à la surface, dont 90 % se trouvent dans des cratères d'impact[117]. Une étude de l'état de dégradation des cratères d'impact qui accueillent les dépôts pyroclastiques suggère que l'activité pyroclastique s'est produite sur Mercure pendant un intervalle prolongé[117].
299
+
300
+ Une « dépression sans rebord » à l'intérieur de la bordure sud-ouest du bassin Caloris se compose d'au moins neuf cheminées volcaniques qui se chevauchent, chacune pouvant atteindre individuellement jusqu'à 8 km de diamètre. Il s'agit donc d'un stratovolcan[118]. Les fonds des cheminées se trouvent à au moins 1 km sous leurs parois et ressemblent à des cratères volcaniques sculptés par des éruptions explosives ou modifiés par l'effondrement dans des espaces vides créés par le retrait du magma dans un conduit[118]. L'âge du système complexe volcanique serait de l'ordre d'un milliard d'années[118].
301
+
302
+ Mercure est une planète très chaude. La température moyenne en surface est de 452 K (179 °C)[119]. C'est la température de stabilisation en dessous du régolite, où le sous-sol n'est plus soumis à l'alternance des « ondes » thermiques de la journée et de la nuit. Aussi, la température de surface de Mercure varie de 100 à 700 K (−173 à 427 °C)[120]. Elle ne dépasse jamais 180 K aux pôles en raison de l'absence d'atmosphère et d'un fort gradient de température entre l'équateur et les pôles[121]. Le point subsolaire au périhélie, à savoir (0°N, 0°W) ou (0°N, 180°W)[N 8], atteint 700 K à ce moment mais seulement 550 K à l'aphélie (90° ou 270°W)[122]. Du côté non éclairé de la planète, la température moyenne est de 110 K[121],[123]. Depuis la surface de Mercure le Soleil apparaît, en fonction de l'orbite elliptique, entre 2,1 et 3,3 plus gros que depuis la Terre, et l'intensité de la lumière solaire à la surface de Mercure varie entre 4,59 et 10,61 fois la constante solaire, c'est-à-dire que la quantité d'énergie reçue par une surface perpendiculaire au Soleil est en moyenne 7 fois plus élevée sur Mercure que sur Terre[122].
303
+
304
+ Bien que la température de la lumière du jour à la surface de Mercure soit généralement extrêmement élevée, il est possible que de la glace soit présente sur Mercure. En effet, du fait de l'inclinaison quasi nulle de son axe de rotation, les zones polaires de Mercure ne reçoivent des rayons solaires que rasants. Aussi, le fond des profonds cratères des pôles n'est alors jamais exposé à la lumière directe du soleil, et les températures y restent inférieures à 102 K grâce à cette obscurité permanente, soit bien moins que sur la température moyenne de la planète de 452 K[124]. À ces températures, la glace d'eau ne se sublime quasiment plus (la pression partielle de vapeur de la glace est très basse).
305
+
306
+ Des observations radar effectuées dans le début des années 1990 à partir du radiotélescope d'Arecibo et de l'antenne de Goldstone indiquent la présence de glace d'eau aux pôles Nord et Sud de Mercure[125]. En effet, la glace d'eau est caractérisée par des zones à réflexion radar élevée et une signature fortement dépolarisée, contrairement à la réflexion radar typique du silicate, constituant la majeure partie de la surface de Mercure. Aussi, il existe des zones de forte réflexion radar près des pôles[126]. Les résultats obtenus avec le radiotélescope d'Arecibo montrent que ces réflexions radar sont concentrées dans des taches circulaires de la taille d'un cratère. D'après les images prises par Mariner 10, la plus grosse d'entre elles, au pôle Sud, semble coïncider avec le cratère Chao Meng-Fu. D'autres, plus petites, correspondent également à des cratères bien identifiés.
307
+
308
+ On estime que les régions glacées contiennent environ 1014 à 1015 kg de glace[127],[128]. Celles-ci sont potentiellement recouvertes de régolite empêchant la sublimation[129]. En comparaison, la calotte glaciaire de l'Antarctique sur Terre a une masse d'environ 4 × 1018 kg et la calotte polaire sud de Mars contient environ 1016 kg d'eau[127]. Deux sources probables pour l'origine de cette glace sont envisagées : le bombardement météoritique ou le dégazage de l'eau de l'intérieur de la planète. Les météorites frappant la planète ont pu apporter de l'eau qui serait restée piégée (gelée par les basses températures des pôles) aux endroits où se sont produits les impacts. De même pour les dégazages, certaines molécules ont pu migrer vers les pôles et s'y retrouver piégées[127],[130].
309
+
310
+ Bien que la glace ne soit pas la seule cause possible de ces régions réfléchissantes, les astronomes pensent que c'est la plus probable[130]. La sonde BepiColombo, qui se mettra en orbite autour de la planète vers 2025, aura parmi ses tâches d'identifier la présence ou non de glace sur Mercure[131].
311
+
312
+ Mercure est trop petite et chaude pour que sa gravité ne puisse retenir une atmosphère significative sur de longues périodes[132]. Ainsi, elle est quasi inexistante à tel point que les molécules de gaz de l'« atmosphère » entrent plus souvent en collision avec la surface de la planète qu'avec d'autres molécules de gaz. Il est ainsi plus approprié de parler de son exosphère[133], commençant dès la surface de Mercure, directement « ouverte » sur l'espace. Celle-ci est ténue et limitée en surface[134], principalement composée de potassium, de sodium et d'oxygène (9,5 %). On y trouve aussi des traces d'argon, de néon, d'hydrogène et d'hélium[2],[135]. La pression de surface exercée est inférieure à 0,5 nPa (0,005 picobar)[2].
313
+
314
+ Cette exosphère n'est pas stable et est en réalité transitoire[136] : les atomes composant principalement l'exosphère de Mercure (potassium et sodium) ont une durée de vie (de présence) estimée à trois heures avant d'être libérés dans l'espace et d'une heure et demie lorsque la planète est au périhélie[137]. Ainsi, les atomes sont continuellement perdus et réapprovisionnés à partir de diverses sources.
315
+
316
+ Les atomes d'hydrogène et d'hélium proviennent probablement de la capture des ions du vent solaire, se diffusant dans la magnétosphère de Mercure avant de s'échapper à nouveau dans l'espace. La désintégration radioactive des éléments de la croûte de Mercure est une autre source d'hélium, ainsi que de sodium et de potassium[138]. De la vapeur d'eau est présente, libérée par une combinaison de processus tels que les comètes frappant sa surface, la pulvérisation cathodique (créant de l'eau à partir de l'hydrogène du vent solaire et de l'oxygène de la roche) et la sublimation à partir des réservoirs de glace d'eau dans les cratères polaires ombragés en permanence. La sonde MESSENGER a également détecté de grandes quantités d'ions liés à l'eau comme O+, OH−, et H3O+ [139],[140]. En raison des quantités de ces ions qui ont été détectées dans l'environnement spatial de Mercure, les astronomes supposent que ces molécules ont été soufflées de la surface ou de l'exosphère par le vent solaire[141],[142].
317
+
318
+ Le sodium, le potassium et le calcium ont été découverts dans l'atmosphère au cours des années 1980-1990, le consensus étant qu'ils résultent principalement de la vaporisation de la roche de surface frappée par des impacts de micrométéorites[143], dont celle de la comète de Encke[144] qui créent un nuage zodiacal. En 2008, du magnésium a été découvert par MESSENGER[145],[146]. Des études indiquent que, parfois, les émissions de sodium sont localisées en des points qui correspondent aux pôles magnétiques de la planète. Cela indiquerait une interaction entre la magnétosphère et la surface de la planète[147].
319
+
320
+ Malgré sa petite taille et sa lente période de rotation de 59 jours, Mercure possède un champ magnétique notable. Révélé par les magnétomètres de Mariner 10, en mars 1974, il surprit les astronomes qui pensaient jusque-là que Mercure était dépourvue de toute magnétosphère car sa vitesse de rotation lente diminue l'effet dynamo et il était supposé à l'époque que le noyau de la planète s'était déjà solidifié du fait de sa petite taille[61],[149]. L'intensité du champ magnétique à l'équateur de Mercure est d'environ 200 nT, soit 0.65 % du champ magnétique terrestre qui vaut 31 µT[150],[2]. Comme celui de la Terre, le champ magnétique de Mercure est dipolaire. Cependant, contrairement à la Terre, les pôles de Mercure sont alignés avec l'axe de rotation de la planète[151]. Les mesures des sondes spatiales Mariner 10 et MESSENGER ont indiqué que l'intensité et la forme du champ magnétique sont stables[151].
321
+
322
+ Il est probable que ce champ magnétique soit généré par un effet de dynamo, d'une manière similaire au champ magnétique de la Terre[56],[152]. Cet effet de dynamo résulterait de la circulation du noyau externe liquide riche en fer de la planète. Des effets de marée particulièrement forts, causés par la forte excentricité orbitale de la planète, permettraient de maintenir le noyau à l'état liquide nécessaire à cet effet de dynamo[60].
323
+
324
+ Le champ magnétique de Mercure est suffisamment puissant pour dévier le vent solaire autour de la planète, créant ainsi une magnétosphère située entre deux arcs de choc (ou « bow shock »)[148]. La magnétosphère de la planète, bien qu'assez petite pour être contenue dans le volume de la Terre[147], est assez forte pour piéger le plasma du vent solaire. Cela contribue à l'érosion spatiale de la surface de la planète[151]. Les observations effectuées par Mariner 10 ont permis de détecter ce plasma de faible énergie dans la magnétosphère du côté obscur de la planète. Les éclats de particules énergétiques dans la queue de la magnétosphère de la planète indiquent que celle-ci est dynamique[147]. De plus, des expériences menées par la sonde ont montré que, tout comme celle de la Terre, la magnétosphère de Mercure possède une queue séparée en deux par une couche neutre[153].
325
+
326
+ Lors de son deuxième survol de la planète le 6 octobre 2008, MESSENGER a découvert que le champ magnétique de Mercure peut être extrêmement perméable. L'engin spatial a en effet rencontré des « tornades » magnétiques[154] (des faisceaux tordus de champs magnétiques reliant le champ magnétique planétaire à l'espace interplanétaire) qui faisaient jusqu'à 800 km de large, soit un tiers du rayon de la planète. Ces tubes de flux magnétique torsadés forment des fenêtres ouvertes dans le bouclier magnétique de la planète à travers lesquelles le vent solaire peut entrer et impacter directement la surface de Mercure par reconnexion magnétique[155]. Cela se produit également dans le champ magnétique terrestre, cependant le taux de reconnexion est dix fois plus élevé sur Mercure[155].
327
+
328
+ La magnitude apparente de Mercure peut varier entre -2,48 (alors plus lumineuse que Sirius) lors de sa conjonction supérieure et +7,25 (dépassant alors la limite de visibilité à l’œil nu située à +6 et la rendant donc invisible) autour de la conjonction inférieure[145],[156]. La magnitude apparente moyenne est de 0,23 alors que l'écart-type de 1,78, c'est-à-dire le plus grand de toutes les planètes, du fait de la forme excentricité orbitale de la planète. La magnitude apparente moyenne à la conjonction supérieure est de -1,89 alors que celle à la conjonction inférieure est de +5,93[156]. L'observation de Mercure est compliquée du fait de sa proximité avec le Soleil, car elle est alors perdue dans l'éblouissement de l'étoile. Mercure ne peut être observée que pendant une courte période de temps au moment de l'aube ou du crépuscule[157].
329
+
330
+ Comme plusieurs autres planètes et les étoiles les plus brillantes, Mercure peut être observée pendant une éclipse solaire totale[158]. De plus, comme la Lune et Vénus, Mercure présente des phases vues depuis la Terre. Elle est dite « nouvelle » à la conjonction inférieure et « pleine » à la conjonction supérieure. Cependant, la planète est rendue invisible depuis la Terre à ces deux occasions parce qu'elle est obscurcie par le Soleil (sauf durant un transit)[157]. Aussi, techniquement, Mercure est la plus brillante lorsqu'elle est pleine. Ainsi, bien que Mercure soit le plus éloigné de la Terre lorsqu'elle est pleine, elle présente une plus grande surface éclairée visible et l'effet d'opposition compense la distance[159]
331
+ . L'inverse est vrai pour Vénus, qui apparaît plus brillante lorsqu'elle est en croissant parce qu'elle est beaucoup plus proche de la Terre[160].
332
+
333
+ Néanmoins, l'apparition la plus brillante (pleine phase) de Mercure est en réalité incompatible avec l'observation pratique, en raison de l'extrême proximité de la planète avec le Soleil. Le meilleur moment pour observer Mercure est ainsi pendant son premier ou dernier quart, bien qu'il s'agisse de phases de moindre luminosité. Les premier et dernier quarts de phase se produisent lors de l'élongation la plus importante à l'est (vers septembre/octobre), et à l'ouest (vers mars/avril) du Soleil, respectivement[161]. À ces deux moments, la séparation de Mercure du Soleil varie entre 17,9° au périhélie et 27,8° à l'aphélie[161],[162]. À son élongation maximale à l'ouest, Mercure se lève avant le lever du Soleil, et à son élongation maximale à l'est, elle se couche après le coucher du Soleil, la rendant plus facilement observable[163],[164].
334
+
335
+ Mercure est plus facilement visible depuis les régions tropicales et subtropicales que depuis des latitudes plus élevées[165]. Vue des basses latitudes et aux bons moments de l'année, l'écliptique coupe l'horizon à un angle aigu. À ce moment, Mercure se trouve directement au-dessus du Soleil (c'est-à-dire que son orbite semble verticale depuis la Terre) et elle est au maximum de son élongation par rapport au Soleil (28°)[165]. Quand arrive le moment de la journée terrestre où le Soleil est à 18° au-dessous de l'horizon de sorte que le ciel est complètement sombre (crépuscule astronomique), Mercure se trouve à un angle de 28-18=10° au-dessus de l'horizon dans un ciel complètement sombre : elle est alors à son maximum de visibilité pour un observateur terrestre.
336
+
337
+ De plus, les observateurs situés dans l'hémisphère sud sont avantagés par rapport à ceux du nord, avec une latitude de valeur absolue égale. En effet dans cet hémisphère, l'élongation maximale de Mercure à l'ouest (matin) ne se produit qu'au début de l'automne (mars/avril) et son élongation maximale à l'est (soir) ne se produit qu'à la fin de l'hiver (septembre/octobre)[164]. Dans ces deux cas, l'angle d'intersection de l'orbite de la planète avec l'écliptique (et donc l'horizon) est alors à son maximum pendant ces saisons[166], ce qui permet à Mercure de se lever plusieurs heures avant le lever du soleil dans le premier cas et de ne se coucher que plusieurs heures après le coucher du soleil dans le second, à partir des latitudes moyennes méridionales comme l'Argentine et l'Afrique du Sud[164]. À l'inverse, dans l'hémisphère nord, l'écliptique est bien moins incliné le matin en mars/avril et le soir en septembre/octobre, Mercure est donc très proche de l'horizon même lors de son élongation maximum[167] même s'il arrive qu'elle soit bien visible, près de Vénus, dans le ciel[168].
338
+
339
+ Une autre méthode pour observer Mercure consiste à observer la planète pendant les heures de jour lorsque les conditions sont claires, idéalement lorsqu'elle est à son plus grand allongement. Cela permet de trouver facilement la planète, même en utilisant des télescopes avec de faibles ouvertures. Il faut cependant prendre grand soin de veiller à ce que l'instrument ne soit pas pointé directement vers le Soleil en raison du risque de lésions oculaires[169]. Cette méthode permet de contourner la limitation de l'observation au crépuscule lorsque l'écliptique est située à faible altitude (par exemple les soirs d'automne).
340
+
341
+ D'une façon générale, les observations de Mercure grâce à un télescope au sol ne révèlent cependant qu'un disque partiel de couleur orange éclairé avec peu de détails[170]. La proximité de l'horizon rend son observation avec les télescopes difficile, car sa lumière doit parcourir une plus grande distance à travers l'atmosphère terrestre et est perturbée par des turbulences, comme la réfraction et l'absorption qui rendent l'image floue. La planète apparaît généralement dans le télescope sous la forme d'un disque en forme de croissant. Même avec des télescopes puissants, il n'y a pratiquement pas de caractéristiques distinctives à sa surface. D'autre part, Le télescope spatial Hubble ne peut pas du tout observer Mercure, en raison de procédures de sécurité qui empêchent son pointage trop près du Soleil[171],[172].
342
+
343
+ Un transit de Mercure se produit lorsque la planète se situe entre l'observateur et le Soleil. Elle est alors visible sous la forme d'un très petit point noir traversant le disque solaire. Il serait également possible pour un observateur situé sur une autre planète de voir un transit, tel que le transit de Mercure depuis Vénus. Les transits de Mercure vus depuis la Terre ont lieu avec une fréquence d'environ 13 ou 14 par siècle[173], en raison de la proximité de la planète au Soleil.
344
+
345
+ Le premier transit de Mercure observé fut le 7 novembre 1631 par Pierre Gassendi, bien que son existence ait été prévue par Johannes Kepler avant sa mort en 1630[174]. En 1677, l'observation du transit de Mercure permit pour la première fois de mettre en avant le phénomène de la goutte noire[175], un effet de la diffraction des instruments optiques.
346
+
347
+ Le transit de Mercure a également permis de réaliser différentes mesures, dont celle de la taille de l'univers[176] ou des variations à long terme du rayon du Soleil[177],[178].
348
+
349
+ Les transits peuvent se produire en mai à des intervalles de 13 ou 33 ans, ou en novembre tous les 7, 13 ou 33 ans. Les quatre derniers transits de Mercure datent du 7 mai 2003, du 8 novembre 2006, du 9 mai 2016 et du 11 novembre 2019 ; les quatre prochains auront lieu le 13 novembre 2032, le 7 novembre 2039, le 7 mai 2049 et le 9 novembre 2052[179],[180].
350
+
351
+ Mercure est connue depuis que les hommes s'intéressent au ciel nocturne ; la première civilisation à en avoir laissé des traces écrites est la civilisation sumérienne[181] (IIIe millénaire av. J.-C.) qui la nommait « Ubu-idim-gud-ud »[182] (signifiant la « planète sautante »[183]).
352
+
353
+ Les premiers écrits d'observations détaillées de Mercure nous viennent des Babyloniens avec les tablettes de Mul Apin. Les Babyloniens appelaient cet astre Nabû en référence au dieu du savoir dans la mythologie mésopotamienne. Ils sont également les premiers à avoir étudié le mouvement apparent de Mercure, qui est différent de celui des autres planètes[184],[182].
354
+
355
+ Plus tard, dans l'Antiquité, les Grecs, héritiers des conceptions indo-européennes (paléoastronomie) considérèrent jusqu'au IVe siècle av. J.-C. que Mercure visible avant le lever du Soleil d'une part et Mercure visible après son coucher d'autre part relevaient de deux astres distincts. Ceux-ci étaient appelés respectivement Στίλβων (Stilbōn), signifiant « celui qui brille »[185],[186] et Ἑρμῆς (Hermès) en raison de son mouvement rapide[187]. Ce dernier est d'ailleurs toujours le nom de la planète en grec moderne. L'étoile du matin aurait également été appelée Ἀπόλλων (Apollon)[188]. Les Égyptiens procédèrent de même en donnant le nom de Seth à l'étoile du matin et Horus à celle du soir[189],[190].
356
+
357
+ Les Romains nommèrent la planète du nom du messager des dieux Mercure (en Latin Mercurius), équivalent d'Hermès pour la mythologie romaine, parce qu'elle se déplace dans le ciel plus vite que toutes les autres planètes[28],[191]. Aussi dieu protecteur des commerçants, des médecins et des voleurs, le symbole astronomique de Mercure est une version stylisée du caducée d'Hermès[192]. On dit également que le symbole proviendrait d'une dérivation de la première lettre de son nom grec ancien Στίλβων (Stilbōn)[193].
358
+
359
+ Ferry, un contributeur du Dictionnaire de Wahlen, écrit à ce sujet :
360
+
361
+ « Pourquoi donc une planète aussi peu importante dans le système dont elle fait partie porte-t-elle le nom du messager des dieux dans l'Olympe mythologique ? C'est qu'elle se trouve assez fréquemment en conjonction avec les autres planètes entre lesquelles ces rapprochements sont beaucoup plus rares. Comme la durée de sa révolution autour du Soleil ou son année n'est que le quart de l'année terrestre, dans ce court espace de temps on la voit se diriger vers une planète et après s'en être approchée s'éloigner pour faire une autre visite aussi promptement terminée. La fréquente répétition de cette sorte de voyages a pu faire concevoir l'idée d'un autre messager. »[194]
362
+
363
+ L'astronome gréco-égyptien Ptolémée a évoqué la possibilité de transits planétaires devant le Soleil dans son ouvrage Hypothèses planétaires. Il a suggéré qu'aucun passage n'avait été observé, soit parce que des planètes telles que Mercure étaient trop petites pour être vues, soit parce que les passages étaient trop peu fréquents[195].
364
+
365
+ Dans la Chine ancienne, Mercure était connue sous le nom de « l'étoile pressée » (Chen-xing 辰星)[196]. Elle était associée à la direction du nord et à la phase de l'eau dans le système de cosmologie des Cinq Phases (Wuxing)[197],[198]. Les cultures modernes chinoise, coréenne, japonaise et vietnamienne désignent la planète littéralement comme « l'étoile d'eau » (水星), basée sur les Cinq éléments[199]. La mythologie hindoue utilisait le nom de Bouddha pour Mercure, et on pensait que ce dieu présidait le mercredi[200],[201]. Le dieu Odin de la mythologie nordique était associé avec la planète Mercure et au mercredi[202]. Ce lien avec le troisième jour de la semaine se retrouve également chez les Romains est a ensuite donné en français le nom Mercredi (pour « Mercurii dies », le jour de Mercure)[203],[204].
366
+
367
+ La civilisation Maya aurait représenté Mercure comme un hibou (ou potentiellement quatre, deux représentant son apparition du matin et deux celle du soir) servant de messager vers le monde souterrain[205].
368
+
369
+ En astronomie arabe, l'astronome Al-Zarqali décrivit au XIe siècle l'orbite géocentrique de Mercure comme étant une ellipse, bien que cette intuition n'ait pas influencé sa théorie astronomique ou ses calculs astronomiques[206],[207]. Au XIIe siècle, Ibn Bajjah a observé « deux planètes comme des taches noires sur la face du Soleil », ce qui a été plus tard suggéré comme le transit de Mercure et/ou de Vénus par l'astronome de Maragha Qotb al-Din Chirazi au XIIIe siècle[208],[209].
370
+
371
+ En Inde, l'astronome Nilakantha Somayaji de l'école du Kerala développa au XVe siècle un modèle partiellement héliocentrique dans lequel Mercure orbite autour du Soleil, qui à son tour orbite autour de la Terre, similairement au système tychonique de Tycho Brahe proposé ensuite au XVIe siècle[210].
372
+
373
+ Les premières observations télescopiques de Mercure ont été faites par Galilée au début du XVIe siècle[211]. Bien qu'il ait observé des phases lorsqu'il a regardé Vénus, son télescope n'était pas assez puissant pour voir les phases de Mercure. En 1631, Pierre Gassendi a fait les premières observations télescopiques du transit d'une planète à travers le Soleil lorsqu'il a vu un transit de Mercure prédit par Johannes Kepler[212]. En 1639, Giovanni Zupi a utilisé un télescope pour découvrir que la planète avait des phases similaires à celles de Vénus et de la Lune. L'observation a démontré de façon concluante que Mercure orbitait autour du Soleil[12],[213].
374
+
375
+ Un événement rare en astronomie est le passage d'une planète devant une autre vu de la Terre (occultation). Mercure et Vénus s'occultent l'une l'autre tous les quelques siècles, et l'événement du 28 mai 1737 est le seul à avoir été observé historiquement, ayant été vu par John Bevis à l'Observatoire royal de Greenwich[214]. La prochaine occultation de Mercure par Vénus aura lieu le 3 décembre 2133[215].
376
+
377
+ Les difficultés inhérentes à l'observation de Mercure font qu'elle a été beaucoup moins étudiée que les autres planètes. En 1800, Johann Schröter a fait des observations de sa surface, affirmant avoir observé des montagnes de 20 kilomètres de haut[216]. Friedrich Bessel a utilisé les dessins de Schröter pour estimer à tort la période de rotation comme étant de 24 heures et une inclinaison axiale de 70°. Dans les années 1880, Giovanni Schiaparelli a cartographié la planète avec plus de précision et a suggéré que la période de rotation de Mercure était de 88 jours, la même que sa période orbitale en raison d'une rotation synchrone. L'effort de cartographie de la surface de Mercure a été poursuivi par Eugène Antoniadi, qui a publié en 1934 un livre comprenant à la fois des cartes et ses propres observations. De nombreuses caractéristiques de la surface de la planète, en particulier les formations d'albédo, tirent leur nom de la carte d'Antoniadi[217].
378
+
379
+ En juin 1962, les scientifiques soviétiques de l'Institut de radio-ingénérie et d'électronique de l'Académie des sciences de l'URSS, dirigé par Vladimir Kotelnikov, sont les premiers à faire rebondir un signal radar sur Mercure et à le recevoir, ce qui a permis de commencer les observations radar de la planète[218],[219],[220]. Trois ans plus tard, les observations radar des Américains Gordon H. Pettengill et Rolf B. Dyce, à l'aide du radiotélescope de 300 mètres de l'observatoire d'Arecibo à Porto Rico, ont montré de façon concluante que la période de rotation de la planète était d'environ 59 jours[221],[222]. La théorie selon laquelle la rotation de Mercure était synchrone s'était largement répandue, et ce fut donc une surprise pour les astronomes lorsque ces observations radio furent annoncées. Si Mercure était réellement verrouillée comme on le pensait auparavant, sa face obscure aurait été extrêmement froide, mais les mesures des émissions radio ont révélé qu'elle était beaucoup plus chaude que prévu. Les astronomes hésitèrent à abandonner la théorie de la rotation synchrone et proposèrent des mécanismes alternatifs tels que des vents puissants de distribution de la chaleur pour expliquer les observations[223].
380
+
381
+ L'astronome italien Giuseppe Colombo a noté que la période de rotation était d'environ deux tiers de la période orbitale de Mercure, et a été le premier à proposer que les périodes orbitales et de rotation de la planète soient verrouillées dans une résonance de 3:2 plutôt que de 1:1[31] comme c'est le cas entre la Terre et la Lune par exemple. Les données de Mariner 10 ont par la suite confirmé ceci[224].
382
+
383
+ Les observations optiques au sol n'ont pas permis d'en savoir beaucoup plus sur Mercure, mais les radioastronomes utilisant l'interférométrie micro-ondes, une technique qui permet d'éliminer le rayonnement solaire, ont pu discerner les caractéristiques physiques et chimiques des couches souterraines à une profondeur de plusieurs mètres[225],[226]. En 2000, des observations à haute résolution dites de lucky imaging ont été effectuées par un télescope de l'Observatoire du Mont Wilson. Elles ont fourni les premières vues qui ont permis de connaître les caractéristiques de surface des parties de Mercure qui n'avaient pas été imagées lors de la mission Mariner 10[227]. La majeure partie de la planète a été cartographiée par le télescope radar d'Arecibo, y compris les dépôts polaires dans les cratères ombragés de ce qui pourrait être de la glace d'eau[228].
384
+
385
+ Le premier astronome à avoir discerné des caractéristiques géologiques de Mercure était Johann Hieronymus Schröter qui, vers la fin du XVIIIe siècle, dessina en détail ce qu'il avait pu observer, dont des très hautes montagnes. Ses observations furent cependant infirmées par William Herschel qui ne put voir aucune de ces caractéristiques[216].
386
+
387
+ Par la suite, d'autres astronomes ont dressé des cartes de Mercure, dont l'italien Giovanni Schiaparelli et l'américain Percival Lowell (en 1896) qui y voyaient des zones sombres en formes de lignes, similaires aux canaux de Mars[229]. Schiaparelli et Lowell avaient également esquissé des cartes de Mars en soutenant qu'il y avait des canaux artificiels[216].
388
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389
+ Carte de Giovanni Schiaparelli
390
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391
+ Carte de Percival Lowell (1896)
392
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393
+ Carte d'Eugène Antoniadi (1934)
394
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395
+ La meilleure carte d'avant Mariner 10 provient du Franco-grec Eugène Antoniadi, au début des années 1930[230]. Elle fut utilisée pendant près de 50 ans jusqu'à ce que Mariner 10 nous renvoie les premières photos de la planète[231]. Antoniadi montra que les canaux n'étaient qu'une illusion d'optique[232]. Il reconnut que l'élaboration d'une carte précise de Mercure était impossible à partir d'observations effectuées à l'aube ou au crépuscule, à cause des perturbations atmosphériques (l'épaisseur d'atmosphère terrestre que la lumière doit traverser lorsque Mercure se trouve à l'horizon est importante et crée des distorsions de l'image). Il entreprit alors de faire des observations — dangereuses — en plein jour lorsque le Soleil était bien au-dessus de l'horizon. Il gagna ainsi en netteté, mais perdit en contrastes à cause de la lumière du Soleil. Antoniadi parvint tout de même à achever sa carte en 1934, composée de plaines et de montagnes[233].
396
+
397
+ Les coordonnées utilisées sur ces cartes ont peu d'importance dans la mesure où elles ont été établies alors qu'on pensait, comme Schiaparelli l'avait affirmé, que la période de rotation de Mercure sur elle-même était la même que la période de révolution autour du Soleil. Il s'agit donc de la face supposée toujours illuminée qui a été cartographiée[234].
398
+
399
+ En 1974–75, Mariner 10 rapporta des photographies en haute résolution permettant la cartographie d'environ 45 % de sa surface[235],[27], révélant les détails topographiques jamais vus auparavant : une surface recouverte de cratères avec des montagnes et des plaines, et très ressemblante à celle de la Lune[27]. Il a d'ailleurs été assez difficile de faire une corrélation entre les caractéristiques photographiées par la sonde et les cartes établies par télescope. Certaines des manifestations géologiques de la carte d'Antoniadi se sont révélées inexistantes[235]. Aussi, ces photographies ont permis la publication en 1976 du premier atlas de la planète par la NASA (Atlas of Mercury), révélant pour la première fois les formations géologiques de la planète dont, par exemple, son unique chaîne de montagnes : Caloris Montes[91].
400
+
401
+ L'Union astronomique internationale a défini en 1970 le méridien 0° comme étant le méridien solaire au premier périhélie après le 1er janvier 1950, c'est-à-dire à un des deux points les plus chauds. Le système de coordonnées utilisé par Mariner 10 se fonde cependant sur le méridien 20° qui coupe le cratère Hun Kal (signifiant « 20 » en maya)[236], ce qui donne une légère erreur de moins de 0,5° par rapport au méridien 0° défini par l'UAI, car le méridien 0 était dans l'obscurité lors de ses survols[237],[238]. Le cratère Hun Kal est en quelque sorte le Greenwich de Mercure. L'équateur se trouve dans le plan de l'orbite de Mercure. Les longitudes sont mesurées de 0° à 360° en allant vers l'ouest[239]. Ainsi, les deux points les plus chauds de l'équateur se trouvent donc aux longitudes 0° O et 180° O, et les points les plus froids de l'équateur se trouvent aux longitudes 90° O et 270° O. À l'inverse, le projet MESSENGER utilise une convention positive vers l'est[240].
402
+
403
+ Mercure est découpée en 15 quadrangles. Plusieurs méthodes de projection ont été utilisées pour cartographier la surface de Mercure, suivant la position du quadrangle sur le globe. Cinq projections Mercator (projection cylindrique tangente à l'équateur) entourant la planète au niveau de l'équateur, entre les latitudes 25° nord et 25° sud ; quatre projections Lambert (projection conique) entre 20° et 70° de latitude pour chaque hémisphère ; et deux projections stéréographiques pour cartographier les pôles (jusqu'à 65° de latitude)[241].
404
+
405
+ Chaque quadrangle commence par la lettre H (pour « Hermès »), suivie de son numéro (de 1, pôle Nord, à 15, pôle Sud). Leur nom provient d'une caractéristique importante présente sur leur région (bassin, cratère, etc.) et un nom d’albédo (entre parenthèses) leur est attribué[241]. Les noms d’albédos assignés pour cette nouvelle carte proviennent de celle d'Antoniadi, puisque c'était celle utilisée jusque là par tous les observateurs depuis plusieurs décennies[217]. Ils servent pour repérer les quadrangles lors des observations au télescope depuis la Terre, où l'on ne distingue que les variations d'intensité de lumière. Seuls Lowell et Antoniadi avaient annoté leurs cartes[233].
406
+
407
+ En 2016, grâce à plus de 100 000 images prises par la sonde MESSENGER, la NASA a pu fournir le premier modèle topographique de Mercure[242]. Celui-ci donne les points d'élévation maximales et minimales de la planète, respectivement à 4,48 km au-dessus de l'élévation moyenne situé sur un des terrains les plus anciens de la planète près de l'équateur et à 5,38 km sous l'élévation moyenne de la planète, au fond du bassin Rachmaninoff[242].
408
+
409
+ Atteindre Mercure depuis la Terre pose des défis techniques importants, car elle orbite beaucoup plus près du Soleil que la Terre[243]. Cela implique qu'une sonde se rendant sur Mercure doit dépenser plus d'énergie que pour se rendre sur Pluton[243].
410
+
411
+ Mercure a une vitesse orbitale de 48 km/s, alors que la vitesse orbitale de la Terre est de 30 km/s. Par conséquent, l'engin spatial doit effectuer un grand changement de vitesse Delta-v pour entrer dans une orbite de transfert de Hohmann qui passe près de Mercure, par rapport au delta-v requis pour d'autres missions planétaires[244]. De plus, il est nécessaire de se placer dans le plan orbital de Mercure, qui est incliné de 7° par rapport à l'écliptique, ce qui nécessite aussi de l'énergie[245].
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+
413
+ L'énergie potentielle libérée en descendant le puits de potentiel du Soleil devient de l'énergie cinétique : une grande variation négative de vitesse devient alors nécessaire pour ralentir et se mettre en orbite stable[246]. Du fait de l'atmosphère négligeable de Mercure, un véhicule spatial dépend entièrement de ses moteurs à réaction, l'aérofreinage étant exclu[247]. Pour ces raisons, une mission impliquant un atterrissage sur Mercure est très difficile, raison pour laquelle cela n'a encore jamais été fait[248].
414
+
415
+ Cependant, les progrès dans le domaine de la mécanique spatiale rendent ce type de mission réalisable à un coût raisonnable grâce à un enchaînement de manœuvres d’assistance gravitationnelle[249],[250].
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417
+ Aussi, la proximité de Mercure avec le Soleil implique qu'une sonde orbitant autour de la planète reçoit environ dix fois plus d’énergie du Soleil que lorsque elle se situe sur une orbite terrestre[251] et le sol de Mercure sur sa face éclairée réfléchit une grande partie de la chaleur qu’il reçoit du Soleil[247], accroissant les contraintes thermiques subies par un engin à basse altitude (les températures pouvant dépasser 400 °C à la surface de la sonde)[251].
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+
419
+ Ces difficultés impliquent qu'un voyage vers Mercure nécessite plus de carburant que ce qui est nécessaire pour s'échapper complètement du système solaire. Par conséquent, son exploration a été plus tardive que des planètes telles que Vénus ou Mars et seules deux sondes spatiales l'ont visité avant l'arrivée de BepiColombo prévue pour 2025[252].
420
+
421
+ Première utilisation de l'assistance gravitationnelle d'une planète pour modifier la vitesse et la trajectoire d'une sonde spatiale.
422
+
423
+ Mariner 10 a été la première sonde à étudier Mercure de près[253]. Développée par l'agence spatiale américaine, la NASA, et lancée le 3 novembre 1973, elle a survolé la planète à trois reprises, en mars et septembre 1974 et en mars 1975[27],[254]. À l'origine, elle était destinée à survoler et étudier Vénus, mais les astronomes ont pensé qu'ils pourraient en faire usage également pour étudier Mercure, dont on connaissait peu de choses. Mariner 10 est ainsi la première sonde à avoir utilisé l'assistance gravitationnelle d'une planète — Vénus — pour en atteindre une autre[255].
424
+
425
+ Équipée d’une caméra, d’un magnétomètre et de plusieurs spectromètres, Mariner 10 a permis notamment la découverte d’un champ magnétique significatif et de la forte densité de la planète, révélatrice d’un noyau ferreux de grande taille. Les télescopes terrestres les plus puissants n’avaient pas permis d’obtenir des images de qualité de la surface, du fait de la proximité de l’alignement avec le Soleil. La sonde aura pris, durant ces trois passages, plus de 2 000 photographies[256] de Mercure. Les photos prises par Mariner 10 ont cependant seulement permis de cartographier près de 45 % de la surface de la planète, car lors des trois passages Mercure présentait la même face au Soleil ; les régions à l'ombre étaient donc impossibles à cartographier. Ces images ont révélé une surface couverte de cratères, à l’apparence très proche de celle de la Lune[257].
426
+
427
+ Mariner 10 permit de découvrir la présence d'une très mince atmosphère, ainsi qu'une magnétosphère. Cette dernière fut une surprise pour les astronomes. Elle apporta également des précisions sur sa vitesse de rotation. La mission arriva à terme le 24 mars 1975, lorsque la sonde se trouva à court de carburant. Comme son orbite ne pouvait plus être contrôlée avec précision, les contrôleurs de mission ont ordonné à la sonde de s'éteindre[258]. Mariner 10 serait ainsi toujours en orbite autour du Soleil, passant près de Mercure tous les quelques mois[254].
428
+
429
+ MESSENGER (pour MErcury Surface, Space ENvironment, GEochemistry, and Ranging[259]) est la septième mission du programme Discovery, qui rassemble des projets d’exploration du système solaire à coût modéré et durée de développement courte. La sonde, dont la masse, ergols compris, est de 1,1 tonne, emporte sept instruments scientifiques, dont plusieurs spectromètres, un altimètre laser, un magnétomètre et des caméras[245]. Elle est lancée le 3 août 2004 de Cap Canaveral, à bord d'un lanceur Delta II, le lancement ayant été décalé d'un jour pour cause de mauvais temps[260].
430
+
431
+ Il a fallu environ six ans et demi à la sonde avant qu'elle n'entre en orbite autour de Mercure[245]. Pour y parvenir, elle a effectué durant son transit six survols rapprochés des planètes intérieures (la Terre en février 2005, Vénus à deux reprises en octobre 2006 et 2007 et Mercure à trois reprises, en janvier et octobre 2008 et en septembre 2009), avec quelques corrections de trajectoire intermédiaires. Lors de ces survols de Mercure, suffisamment de données ont été recueillies pour produire des images de plus de 95 % de sa surface. MESSENGER a également observé le maximum solaire de 2012[245].
432
+
433
+ L’objectif de la mission est d’effectuer une cartographie complète de la planète[261], d’étudier la composition chimique de sa surface et de son exosphère, son histoire géologique, sa magnétosphère, la taille et les caractéristiques de son noyau ainsi que l’origine de son champ magnétique[262].
434
+
435
+ La fin de la mission, fixée initialement à mars 2011, est repoussée par deux fois jusqu'en avril 2015, et dans la phase finale, la sonde spatiale est placée sur une orbite plus rapprochée, permettant d'allonger le temps d'observation de ses instruments et d’accroître la résolution des données[263]. MESSENGER, après avoir épuisé les ergols utilisés pour maintenir son orbite, s'est écrasée sur le sol de Mercure le 30 avril 2015[264],[265].
436
+
437
+ Durant sa mission, MESSENGER aura pris plus de 277 000 photos[266], dont des photos possédant une résolution de 250 mètres par pixel, et a permis de produire des cartes de sa composition globale, un modèle en trois dimensions de la magnétosphère, la topographie de l'hémisphère nord et caractériser les éléments volatils présents dans les cratères constamment ombragés des pôles[267].
438
+
439
+ L'Agence spatiale européenne a planifié, en collaboration avec l'Agence spatiale japonaise, une mission baptisée BepiColombo[268], qui prévoit de placer deux sondes en orbite autour de Mercure : l'une pour l'étude de l'intérieur et de la surface de la planète (Mercury Planetary Orbiter), développé par l'ESA, et l'autre pour étudier sa magnétosphère (Mercury Magnetospheric Orbiter), développé par la JAXA[269]. Le projet de l'envoi d'un atterrisseur embarqué avec la mission a dû cependant être abandonné, pour des raisons budgétaires. Ces deux sondes ont été envoyées par un lanceur Ariane 5 le 20 octobre 2018[270],[271]. Elles devraient rejoindre Mercure environ huit ans plus tard, fin 2025, en utilisant, comme les sondes précédentes, l'assistance gravitationnelle[272]. Sa mission principale durera jusqu'en mai 2027, avec une prolongation possible jusqu'en mai 2028[270].
440
+
441
+ Le programme BepiColombo a pour objectif de répondre à une douzaine de questions que se posent les astronomes[273], notamment au sujet de la magnétosphère et de la nature du noyau de Mercure (liquide ou solide), de la possible présence de glace au fond des cratères constamment à l'ombre, de la formation du système solaire et de l'évolution en général d'une planète au voisinage de son étoile[269]. Des mesures très précises du mouvement de Mercure vont également être effectuées, afin de vérifier la théorie de la relativité générale, explication actuelle de la précession du périhélie observée dans son orbite[274].
442
+
443
+ La planète Mercure est un lieu récurrent dans les œuvres de science-fiction[275],[276]. Des thèmes courants liés à cette planète incluent les dangers d'être exposé au rayonnement solaire et la possibilité d'échapper à un rayonnement excessif en restant dans le terminateur lent de la planète (la frontière entre le jour et la nuit), notamment pour les œuvres écrites avant 1965, alors que l'on pensait encore que Mercure possédait une rotation synchrone 1:1 avec le Soleil (et avait donc une face en permanence vers le Soleil), comme Cercle vicieux d'Isaac Asimov, ou dans les nouvelles de Leigh Brackett[275]. Un autre thème abordé est celui des gouvernements autocratiques ou violents, avec par exemple Rendez-vous avec Rama d'Arthur C. Clarke[277]. Bien que ces récits soient fictifs, d'après des études publiées en mars 2020, il est possible de considérer que des parties de la planète peuvent avoir été habitables. Ainsi, des formes de vie réelles, bien que probablement des micro-organismes primitifs, ont peut-être existé sur la planète[278],[279].
444
+
445
+ De plus, un cratère, au pôle nord ou au pôle sud de Mercure, serait peut-être l'un des meilleurs endroits extraterrestres pour l'établissement d'une colonie humaine, là où la température resterait constante à environ −200 °C[277]. Ceci est dû à une inclinaison axiale quasi nulle de la planète, et au vide quasi parfait à sa surface, empêchant l'apport de chaleur depuis les portions éclairées par le Soleil. De plus, de la glace se trouve dans ces cratères, permettant un accès à l'eau pour la colonie[130].
446
+
447
+ Une base n'importe où ailleurs serait exposée, en journée mercurienne (durant environ deux mois terrestres), à la chaleur intense du Soleil, puis durant une période nocturne identique, serait privée de la moindre source de chaleur extérieure : elle connaîtrait alors des températures diurnes de 430 °C et des températures nocturnes de −180 °C[277],[280]. Cependant, pour éviter ces variations thermiques, les installations pourraient être enterrées sous plusieurs mètres de régolithe qui, dans le vide, servirait aussi bien d'isolant thermique que de bouclier antiradiations. Des approches similaires ont été proposées pour l'installation de bases sur la Lune[281], dont le jour dure deux semaines, suivi d'une nuit de deux semaines également. D'une façon générale, la colonisation de Mercure revêt certaines similarités avec celle de la Lune, du fait de leur relativement grande période autour du Soleil, de leur inclinaison quasi nulle et de leur absence d'atmosphère : la colonisation de Mercure pourrait se faire avec presque les mêmes technologies[282]. Mercure aurait même un avantage par rapport à la Lune : la gravité étant sur la planète 38 % de celle de la Terre, cela est suffisant pour éviter la réduction de masse osseuse se produisant dans un environnement à très faible gravité[277].
448
+
449
+ Par ailleurs, la planète étant proche du Soleil, il serait possible de capter de grandes quantités d'énergie le jour, et de s'en servir ensuite la nuit[277]. En revanche, la protection des robots et des véhicules contre la chaleur du Soleil pourrait poser beaucoup plus de difficultés, entraînant une limitation des activités en surface durant le jour ou une très importante protection thermique[251].
450
+
451
+ Une autre solution est évoquée dans les romans et les nouvelles de Kim Stanley Robinson, en particulier dans La Trilogie de Mars (1996) et 2312 (2012), où Mercure est le foyer d'une vaste ville appelée Terminator, peuplée d'un grand nombre d'artistes et de musiciens. Pour éviter le dangereux rayonnement solaire, la ville fait le tour de l'équateur de la planète sur des rails à une vitesse suivant la rotation de la planète, afin que le Soleil ne se lève jamais complètement au-dessus de l'horizon. Une ville située du côté obscur de la planète, et suivant la lente rotation de la planète sur rails pour précéder le Soleil est ainsi une solution réellement envisagée[280].
452
+
453
+ Finalement, une colonisation de Mercure revêtrait également un intérêt économique, car il y réside des concentrations de minerais bien plus élevées que sur toutes les autres planètes du Système solaire[280].
454
+
455
+ « Mercury's crust is more analogous to a marbled cake than a layered cake »
456
+
457
+ « Sean C. Solomon, the principal investigator for MESSENGER, said there was enough ice there to encase Washington, D.C., in a frozen block two and a half miles deep. »
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+ « The symbol for Mercury represents the Caduceus, a wand with two serpents twined around it, which was carried by the messenger of the gods. »
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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+ Suivi des modifications de l'article depuis la proposition.
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+ Mercure est la planète la plus proche du Soleil et la moins massive du Système solaire[N 1]. Son éloignement au Soleil est compris entre 0,31 et 0,47 unité astronomique (46 et 70 millions de kilomètres), ce qui correspond à une excentricité orbitale de 0,2 — plus de douze fois supérieure à celle de la Terre, et de loin la plus élevée pour une planète du système solaire. Elle est visible à l'œil nu depuis la Terre avec un diamètre apparent de 4,5 à 13 secondes d'arc, et une magnitude apparente de 5,7 à −2,3 ; son observation est toutefois rendue difficile par son élongation toujours inférieure à 28,3° qui la noie le plus souvent dans l'éclat du Soleil. En pratique, cette proximité avec le Soleil implique qu'elle ne peut être vue que près de l'horizon occidental après le coucher du Soleil ou près de l'horizon oriental avant le lever du soleil, en général au crépuscule.
4
+
5
+ Mercure a la particularité d'être en résonance spin-orbite 3:2, sa période de révolution (~88 jours) valant exactement 1,5 fois sa période de rotation (~59 jours), et donc la moitié d'un jour solaire (~176 jours). Ainsi, relativement aux étoiles fixes, elle tourne sur son axe exactement trois fois toutes les deux révolutions autour du Soleil.
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+
7
+ Mercure est une planète tellurique, comme le sont également Vénus, la Terre et Mars. Elle est près de trois fois plus petite et presque vingt fois moins massive que la Terre mais presque aussi dense qu'elle, avec une gravité de surface pratiquement égale à celle de Mars, qui est pourtant près de deux fois plus massive. Sa densité remarquable — dépassée seulement par celle de la Terre, qui lui serait d'ailleurs inférieure sans l'effet de la compression gravitationnelle — est due à l'importance de son noyau métallique, qui représenterait 85 % de son rayon, contre environ 55 % pour la Terre.
8
+
9
+ Comme Vénus, Mercure est quasiment sphérique — son aplatissement pouvant être considéré comme nul — en raison de sa rotation très lente. Dépourvue de véritable atmosphère (il n'existe qu'une exosphère), sa surface est très fortement cratérisée, et globalement similaire à la face cachée de la Lune indiquant qu'elle est géologiquement inactive depuis des milliards d'années. La planète est dépourvue de satellites naturels.
10
+
11
+ Seules deux sondes spatiales ont étudié Mercure. Mariner 10, qui a survolé à trois reprises la planète en 1974–1975, a cartographié 45 % de sa surface et découvert son champ magnétique. La sonde Messenger, après trois survols en 2008-2009, s'est mise en orbite autour de Mercure en mars 2011 et a réalisé une étude détaillée notamment de sa topographie, son histoire géologique, son champ magnétique et son exosphère. La sonde BepiColombo a pour objectif de se mettre en orbite autour de Mercure en décembre 2025.
12
+
13
+ La quasi-absence d'atmosphère — il s'agit en fait d'une exosphère exerçant une pression au sol de moins de 1 nPa (10−14 atm) — combinée à la proximité du Soleil — dont l'irradiance à la surface de Mercure varie entre 4,6 et 10,6 fois la constante solaire — engendre des températures en surface allant de 90 K (−183 °C) au fond des cratères polaires (là où les rayons du Soleil ne parviennent jamais) jusqu'à 700 K (427 °C) au point subsolaire au périhélie.
14
+
15
+ La planète Mercure doit son nom au dieu du commerce et des voyages, messager des dieux dans la mythologie romaine, Mercure. La planète a été nommée ainsi par les Romains à cause de la vitesse à laquelle elle se déplace dans le ciel. Le symbole astronomique de Mercure est un cercle posé sur une croix et portant un demi-cercle en forme de cornes (Unicode : ☿). Il s'agit d'une représentation du caducée du dieu Hermès, équivalent de Mercure dans la mythologie grecque. Mercure a également donné son nom au troisième jour de la semaine, mercredi (« Mercurii dies »).
16
+
17
+ Mercure a l'excentricité orbitale la plus élevée des planètes du système solaire, avec pour valeur environ 0.21. Cela implique que sa distance au Soleil varie de 46 à 70 millions de kilomètres[3],[2] au cours de sa révolution. Le diagramme de gauche illustre les effets de l'excentricité, en montrant l'orbite de Mercure superposée à une orbite circulaire ayant le même demi-grand axe. Cette variation de distance par rapport au Soleil fait que la surface de Mercure est soumises à une force de marée exercée par le Soleil sur sa surface qui est environ 17 fois plus forte que celle de la Lune sur Terre[4]. Combiné avec sa résonance de 3:2 de la rotation de la planète autour de son axe, cela entraîne également des variations complexes de la température de surface[5],[6].
18
+
19
+ L'excentricité de l'orbite de Mercure varie de manière chaotique de 0 (orbite circulaire) à une valeur très importante de plus de 0.45 sur plusieurs millions d'années du fait de l'influence des autres planètes[7],[8]. En 1989, Jacques Laskar, du Bureau des longitudes, a démontré que les planètes intérieures du système solaire avaient toutes des courses chaotiques. Cependant, Mercure est celle dont le mouvement est le plus chaotique[8],[9].
20
+
21
+ L'orbite de Mercure est inclinée de 7 degrés par rapport au plan de l'orbite terrestre (écliptique), comme le montre le schéma de droite. Par conséquent, les transits de Mercure devant le Soleil ne peuvent avoir lieu que lorsque la planète traverse le plan de l'écliptique au moment où elle se trouve entre la Terre et le Soleil, c'est-à-dire en mai ou en novembre. Cela se produit environ tous les sept ans en moyenne[10].
22
+
23
+ L'inclinaison de l'axe de rotation de Mercure sur son plan orbital est la plus faible du système solaire, à peine 2 minutes d'arc soit environ 0,03 degrés[11]. Cela est significativement plus faible que celle de Jupiter, qui a la deuxième plus petite inclinaison axiale de toutes les planètes, à 3,1 degrés. Cela signifie que pour un observateur aux pôles de Mercure, le centre du Soleil ne s'élève jamais à plus de 2 minutes d'arc au-dessus de l'horizon[11].
24
+
25
+ En certains points de la surface de Mercure, un observateur pourrait voir le Soleil se lever à un peu plus des deux tiers de l'horizon, puis se coucher avant de se lever à nouveau, le tout au cours de la même journée mercurielle[N 2]. En effet, quatre jours terrestres avant le périhélie, la vitesse orbitale angulaire de Mercure est égale à sa vitesse de rotation angulaire, de sorte que le mouvement apparent du Soleil cesse ; plus près du périhélie, la vitesse orbitale angulaire de Mercure dépasse alors la vitesse de rotation angulaire. Ainsi, pour un observateur hypothétique sur Mercure, le Soleil semble se déplacer dans une direction rétrograde. Quatre jours terrestres après le périhélie, le mouvement apparent normal du Soleil reprend et il se lève à nouveau à l'est pour se coucher à l'ouest[12].
26
+
27
+ Pour la même raison, il y a un couple de points sur l'équateur de Mercure (l'un d'entre eux étant situé dans le bassin Caloris[13]), distants de 180 degrésen longitude, où à chacun desquels, un an mercurien sur deux (ce qui équivaut à une fois par jour mercurien), le Soleil passe au-dessus d'est en ouest, puis inverse son mouvement apparent et passe à nouveau au-dessus d'ouest en est (lors du mouvement rétrograde), puis inverse son mouvement une seconde fois et passe au-dessus une troisième fois d'est en ouest[14],[15]. Au cours de l'année mercurienne alternée, c'est à l'autre point de ce couple que ce phénomène se produit. L'amplitude du mouvement rétrograde étant faible en ces points, l'effet global est que, pendant deux ou trois semaines, le Soleil est presque stationnaire au-dessus du point et est à son plus haut niveau de brillance parce que Mercure est au périhélie[16]. Cette exposition prolongée au moment où la planète est au plus proche du Soleil fait de ces deux points les endroits les plus chauds sur Mercure (d'où le nom Caloris, signifiant « chaleur » en latin)[16],[17]. Un de ces points a servi de référence pour le méridien 0°[N 3].
28
+
29
+ Inversement, il y a deux autres points sur l'équateur, à 90 degrés de longitude de distance des premiers, où le Soleil ne passe au-dessus que lorsque la planète est à l'aphélie une année mercurienne sur deux, à un moment où le mouvement apparent du Soleil dans le ciel de Mercure est relativement rapide. Ces points reçoivent ainsi beaucoup moins de chaleur solaire que ceux du couple décrits ci-dessus[17]. Il en résulte une journée mercurienne également « étrange » pour un observateur qui y serait situé. Celui-ci verra le Soleil se lever puis se recoucher, puis se relever à l'horizon Est ; et à la fin de la journée à l'Ouest, le Soleil se couchera puis se relèvera, pour se recoucher[18]. Ce phénomène s'explique aussi par la variation de la vitesse orbitale de Mercure : quatre jours avant le périhélie, la vitesse (angulaire) orbitale de Mercure étant exactement égale à sa vitesse (angulaire) de rotation, le mouvement du Soleil semble s'arrêter[12],[17].
30
+
31
+ Mercure atteint sa conjonction inférieure (point où elle est au plus proche de la Terre) tous les 116 jours terrestres en moyenne (ce qu'on appelle la période synodique)[2], mais cet intervalle peut aller de 105 jours à 129 jours en raison de l'orbite excentrique de la planète[19],[20]. Entre 1900 et 2100, Mercure s'est approchée au minimum (et ne s'approchera donc pas plus) de la Terre d'environ 82,1 × 106 kilomètres (soit 0,55 unité astronomique), le 31 mai 2015[21]. Sa période de mouvement rétrograde peut varier de 8 à 15 jours terrestres de part et d'autre de la conjonction inférieure. Cette grande amplitude est aussi due à l'excentricité orbitale élevée de la planète[12].
32
+
33
+ De par sa proximité avec le Soleil, c'est Mercure et non Vénus qui est la planète la plus proche de la Terre en moyenne contrairement à ce que l'on pourrait imaginer en regardant les représentations classiques du système solaire le long d'une ligne[22],[23]. Ce raisonnement peut même être étendu et Mercure est en réalité la planète la plus proche pour chacune des autres planètes du système solaire, y compris Uranus et Neptune (orbitant respectivement à 19 et 30 UA)[24].
34
+
35
+ Alors qu'il étudiait Mercure afin d'en dresser une première carte, Schiaparelli avait remarqué après plusieurs années d'observation que la planète présentait toujours la même face au Soleil, comme la Lune le fait avec la Terre. Il en conclut alors en 1889 que Mercure était synchronisée par effet de marée avec le Soleil et que sa période de rotation équivalait à une année mercurienne, soit 88 jours terrestres[25]. Cette durée était cependant erronée et il fallut attendre les années 1960 avant que les astronomes ne la revoient à la baisse[26].
36
+
37
+ Ainsi, en 1962, des observations par radar à effet Doppler ont été effectuées par le radiotélescope d'Arecibo sur Mercure afin d'en apprendre plus sur la planète et de vérifier si la période de rotation était bien égale à la période de révolution. Les températures relevées du côté de la planète censé être toujours exposé à l'ombre étaient trop importantes, ce qui suggéra que cette face sombre était en réalité parfois exposée au Soleil. En 1965, les résultats obtenus par Gordon H. Pettengill et Rolf B. Dyce révèlent que la période de rotation de Mercure est en fait de 59 jours terrestres[27], avec une incertitude de 5 jours. Cette période sera ajustée plus tard, en 1971, à 58,65 jours à ± 0,25 jours grâce à des mesures plus précises — toujours par radar — effectuées par R.M. Goldstein[28]. Trois ans plus tard, la sonde Mariner 10 apportera une meilleure précision, mesurant la période de rotation à 58,646 ± 0,005 jours[28]. Il se trouve que cette période est exactement égale aux 2/3 de la révolution de Mercure autour du Soleil ; c'est ce qu'on appelle une résonance spin-orbite 3:2[29],[30].
38
+
39
+ Cette résonance 3:2, une spécificité de Mercure, est stabilisé par la variance de la force de marée le long de l'orbite excentrique de Mercure, agissant sur une composante dipolaire permanente de la distribution de masse de Mercure[31] et par le mouvement chaotique de son orbite[32]. Dans une orbite circulaire, il n'y a pas de telle variance, donc la seule résonance stabilisée pour une telle orbite est 1:1 (par exemple, Terre-Lune). Au périhélie, là où la force de marée atteint son maximum, elle stabilise les résonances, comme 3:2, en obligeant la planète à pointer son axe de moindre inertie (là où le diamètre de la planète est le plus grand) approximativement vers le Soleil[31],[33].
40
+
41
+ La raison pour laquelle les astronomes pensaient que Mercure était verrouillée avec le Soleil est que, à chaque fois que Mercure était la mieux placée pour être observée, elle se trouvait toujours au même point sur son orbite (en résonance 3:2), présentant ainsi la même face à la Terre ; ce qui serait aussi le cas si elle était totalement synchronisée avec le Soleil. Cela est dû au fait que la période de rotation réelle de Mercure de 58,6 jours est presque exactement la moitié de la période synodique de Mercure valant 115,9 jours (c'est-à-dire le temps mis par Mercure pour revenir à la même configuration Terre–Mercure–Soleil) par rapport à la Terre[12]. L'erreur Schiaparelli peut aussi être imputée à la difficulté d'observation de la planète avec les moyens de l'époque[25].
42
+
43
+ En raison de sa résonance 3:2, bien qu'un jour sidéral (la période de rotation) dure environ 58,7 jours terrestres, le jour solaire (durée entre deux retours successifs du Soleil au méridien local) dure 176 jours terrestres, c'est-à-dire deux années mercuriennes[34]. Cela implique qu'une journée et une nuit durent chacune exactement une année sur Mercure, soit 88 jours terrestres (presque un trimestre)[35].
44
+
45
+ Une modélisation précise basée sur un modèle des marées a démontré que Mercure a été capturé dans l'état de spin-orbite 3:2 à un stade très précoce de son histoire, entre 10 et 20 millions d'années après sa formation[36]. De plus, des simulations numériques ont montré qu'une future résonance séculaire avec Jupiter pourrait faire croître l'excentricité de Mercure jusqu'à un point où il y aurait 1% de chance que la planète entre en collision avec Vénus d'ici à 5 milliards d'années[N 4],[37],[38]. La prédiction à long terme de l'orbite de Mercure s'inscrit dans la mécanique du chaos : certaines simulations démontrent même que la planète pourrait être éjectée du système solaire[39].
46
+
47
+ Comme pour l'ensemble des planètes du système solaire, l'orbite de Mercure connaît une très lente précession du périhélie autour du Soleil, c'est-à-dire que son orbite est elle-même en rotation autour du Soleil. Cependant, contrairement aux autres planètes, la période de précession du périhélie de Mercure ne concorde pas avec les prédictions faites à l'aide de la mécanique newtonienne[40].
48
+
49
+ En effet, Mercure connaît une précession légèrement plus rapide que celle à laquelle on peut s'attendre en appliquant les lois de la mécanique céleste, et se trouve en avance d'environ 43 secondes d'arc par siècle[41],[42].
50
+
51
+ Les astronomes ont donc, dans un premier temps, pensé à la présence d'un ou plusieurs corps entre le Soleil et l'orbite de Mercure dont l'interaction gravitationnelle perturberait le mouvement de cette dernière. L'astronome français Urbain Le Verrier, qui avait découvert en 1846 la planète Neptune à partir d'anomalies dans l'orbite d'Uranus[43], se pencha sur le problème et suggéra la présence d'une planète inconnue ou d'une seconde ceinture d'astéroïdes entre le Soleil et Mercure[44]. Des calculs effectués, en prenant en compte l'influence gravitationnelle de ces corps, devaient alors concorder avec la précession observée.
52
+
53
+ Le 28 mars 1859, Le Verrier fut contacté par le médecin français Edmond Lescarbault à propos d'une tache noire qu'il aurait vu passer devant le Soleil deux jours avant et qui était probablement, d'après lui, une planète intramercurienne[45]. Le Verrier postula alors que cette planète — qu'il nomma Vulcain — était responsable des anomalies du mouvement de Mercure et se mit en tête de la découvrir. À partir des informations de Lescarbault, il conclut que Vulcain tournait autour du Soleil en 19 jours et 7 heures à une distance moyenne de 0,14 UA. Il en déduisit également un diamètre d'environ 2 000 km et une masse de 1/17e de celle de Mercure. Cette masse était cependant bien trop faible pour expliquer les anomalies, mais Vulcain était une bonne candidate au corps le plus gros d'une hypothétique ceinture d'astéroïdes interne à l'orbite de Mercure[46].
54
+
55
+ Le Verrier profita alors de l'éclipse de Soleil de 1860 pour mobiliser tous les astronomes français afin de repérer Vulcain, mais personne ne put la trouver. La planète fut ensuite recherchée pendant des décennies, sans succès même si certains astronomes pensèrent l'avoir vue[47],[48], jusqu'à ce qu'une explication relativiste ne soit proposée.
56
+
57
+ En 1916, Albert Einstein avança la théorie de la relativité générale. En appliquant les paramètres dits post-képlériens de sa théorie au mouvement de Mercure, Einstein fournit l'explication de la précession observée en formalisant la gravitation comme étant affectée par la courbure de l'espace-temps. La formule de précession subie par l'orbite obtenue par Einstein est :
58
+
59
+
60
+
61
+
62
+
63
+ a
64
+
65
+
66
+ {\displaystyle a}
67
+
68
+ est le demi-grand axe de l'ellipse,
69
+
70
+
71
+
72
+ e
73
+
74
+
75
+ {\displaystyle e}
76
+
77
+ son excentricité,
78
+
79
+
80
+
81
+ G
82
+
83
+
84
+ {\displaystyle G}
85
+
86
+ la constante gravitationnelle,
87
+
88
+
89
+
90
+
91
+ M
92
+
93
+ S
94
+
95
+
96
+
97
+
98
+ {\displaystyle M_{S}}
99
+
100
+ la masse du Soleil, et
101
+
102
+
103
+
104
+ T
105
+
106
+
107
+ {\displaystyle T}
108
+
109
+ la période de révolution sur l'ellipse[N 5].
110
+
111
+ Avec pour valeurs numériques,
112
+
113
+
114
+
115
+ G
116
+  
117
+
118
+  
119
+ 6.67
120
+  
121
+
122
+ 10
123
+
124
+
125
+ 11
126
+
127
+
128
+
129
+
130
+ SI
131
+
132
+
133
+
134
+ {\displaystyle G\ \simeq \ 6.67\ 10^{-11}\,{\text{SI}}}
135
+
136
+ ,
137
+
138
+
139
+
140
+
141
+ M
142
+
143
+ S
144
+
145
+
146
+  
147
+
148
+  
149
+ 2.0
150
+  
151
+
152
+ 10
153
+
154
+ 30
155
+
156
+
157
+
158
+
159
+ kg
160
+
161
+
162
+
163
+ {\displaystyle M_{S}\ \simeq \ 2.0\ 10^{30}\,{\text{kg}}}
164
+
165
+ ,
166
+
167
+
168
+
169
+ a
170
+  
171
+
172
+  
173
+ 5.8
174
+  
175
+
176
+ 10
177
+
178
+ +
179
+ 10
180
+
181
+
182
+
183
+
184
+ m
185
+
186
+
187
+
188
+ {\displaystyle a\ \simeq \ 5.8\ 10^{+10}\,{\text{m}}}
189
+
190
+ ,
191
+
192
+
193
+
194
+ e
195
+  
196
+
197
+  
198
+ 0.2
199
+
200
+
201
+ {\displaystyle e\ \simeq \ 0.2}
202
+
203
+ et
204
+
205
+
206
+
207
+ T
208
+  
209
+
210
+  
211
+ 88
212
+
213
+
214
+ jours
215
+
216
+
217
+
218
+ {\displaystyle T\ \simeq \ 88\,{\text{jours}}}
219
+
220
+ , on retrouve 0,1038 secondes d'arc par révolution, ce qui correspond avec les 415 révolutions de Mercure par siècle à :
221
+
222
+ L'effet est faible : seulement 43 secondes d'arc par siècle pour Mercure, il faut donc environ 2,8 millions d'années pour un tour complet en excès[N 6] (ou douze millions de révolutions), mais coïncide bien avec l'avance du périhélie précédemment mesurée. Cette prédiction validée constitua un des premiers grand succès de la relativité générale naissante.
223
+
224
+ Mercure est l'une des quatre planètes tellurique du système solaire, et possède un corps rocheux comme la Terre. C'est la plus petite planète du système solaire, avec un rayon équatorial de 2 439,7 km[2]. Mercure est également plus petite - bien que plus massive - que deux satellites naturels du système solaire, Ganymède et Titan. Mercure est composée d'environ 70 % de métaux (principalement dans le noyau) et de 30 % de silicate (principalement dans son manteau)[49],[17]. La densité de Mercure est la deuxième plus élevée dans le système solaire, avec 5,427 g/cm3, soit à peine moins que la densité de la Terre, qui est de 5,515 g/cm3 [2],[50]. Si l'effet de la compression gravitationnelle devait être ignoré, c'est Mercure qui serait plus dense avec 5,3 g/cm3 contre 4,4 g/cm3 pour la Terre[51], du fait d'une composition avec des matériaux plus denses.
225
+
226
+ La densité de Mercure peut être utilisée pour déduire des détails sur sa structure interne. Bien que la haute densité de la Terre résulte sensiblement de la compression gravitationnelle, en particulier au niveau du noyau terrestre, Mercure est beaucoup plus petite et ses régions internes ne sont pas aussi comprimées. Par conséquent, pour qu'elle ait une densité aussi élevée, son noyau doit être volumineux et riche en fer[52].
227
+
228
+ Les géologues estiment que le noyau de Mercure occupe environ 85 % de son rayon[53],[54], ce qui représenterait ainsi environ 61,4 % de son volume contre 17 % pour la Terre par exemple[N 7]. Des recherches publiées en 2007 ont un temps suggéré que le noyau de Mercure était totalement liquide (nickel et fer)[55],[56],[57]. Plus récemment, d'autres études utilisant des données de la mission MESSENGER, achevée en 2015, ont cependant amené les astronomes à penser que le noyau interne de la planète était en réalité solide[54],[58],[59]. Autour du noyau se trouve couche centrale externe solide de sulfure de fer et un manteau composé de silicates[60],[61]. D'après les données de la mission Mariner 10 et les observations terrestres, la croûte de Mercure aurait une épaisseur entre 35 et 54 km[62]. Une caractéristique distinctive de la surface de Mercure est la présence de nombreuses crêtes étroites, s'étendant jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres de longueur. On pense qu'elles se sont formées lorsque le noyau et le manteau de Mercure ont refroidi et se sont contractés à un moment où la croûte s'était déjà solidifiée[59].
229
+
230
+ Le noyau de Mercure a une teneur en fer plus élevée que celle de toute autre objet du système solaire[63]. Cette forte concentration en fer est la raison pour laquelle on la surnomme parfois « la planète métallique »[52] ou « la planète de fer »[64]. La réponse à cette question permettrait certainement d'en apprendre beaucoup sur la nébuleuse solaire primitive et les conditions dans lesquelles le système solaire s'est formé. Trois hypothèses ont été proposées pour expliquer la haute métallicité de Mercure et son noyau gigantesque.
231
+
232
+ La théorie la plus largement acceptée à ce sujet est que Mercure avait à l'origine un rapport de métal sur silicate similaire à celui des météorites de chondrite communes, que l'on pense être typiques de la matière rocheuse du système solaire, et avec une masse environ 2.25 fois supérieure à sa masse actuelle[65]. En suite, au début de l'histoire du système solaire, Mercure aurait été frappée par un planétésimal d'environ 1/6e de cette masse et de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre[65]. L'impact aurait enlevé une grande partie de la croûte et du manteau d'origine, laissant derrière lui le noyau métallique qui aurait fusionné avec celui du planétésimal, et un mince manteau. Un processus similaire, connu sous le nom d'hypothèse de l'impact géant, a été proposé pour expliquer la formation de la Lune[65] suite à la collision de la Terre avec l'impacteur Théia.
233
+
234
+ Alternativement, Mercure pourrait s'être formée à partir de la nébuleuse solaire avant que la production d'énergie du Soleil ne se soit stabilisée. Au départ, sa masse aurait été le double de cette actuelle mais lorsque la protoétoile s'est contractée, les températures à proximité de Mercure auraient pu se situer entre 2 500 et 3 500 K et peut-être même atteindre 10 000 K[66]. Une grande partie de la roche de surface de Mercure aurait ainsi pu être vaporisée à ces températures, formant une atmosphère de vapeur de roche qui aurait ensuite été emportée par le vent solaire[66].
235
+
236
+ Une troisième hypothèse propose que la nébuleuse solaire aurait provoqué une traînée sur les particules à partir desquelles Mercure s'accrétait, ce qui signifie que des particules plus légères ont été perdues du matériau d'accrétion et n'ont pas été recueillies par Mercure[63]. Ainsi, le taux d'éléments lourds, comme le fer, présents dans la nébuleuse solaire était plus important au voisinage du Soleil, voire ces éléments lourds étaient distribués graduellement autour du Soleil (plus on s'en éloignait, moins il y avait d'éléments lourds). Mercure, proche du Soleil, aurait donc amassé plus de matériaux lourds que les autres planètes pour former son noyau[67].
237
+
238
+ Cependant, chaque hypothèse prévoit une composition de surface différente. La mission MESSENGER a trouvé des niveaux de potassium et de soufre plus élevés que prévu à la surface, ce qui suggère que l'hypothèse d'un impact géant et d'une vaporisation de la croûte et du manteau ne s'est pas produite car le potassium et le soufre auraient été chassés par la chaleur extrême de ces événements[67]. Ainsi, les résultats obtenus jusqu'à présent semblent favoriser la troisième hypothèse mais une analyse plus approfondie des données est nécessaire[68]. BepiColombo, qui arrivera en orbite autour de Mercure en 2025, fera des observations pour tenter d'apporter une réponse[69].
239
+
240
+ La surface de Mercure est couverte d'un tapis poussiéreux, de cassures et de cratères[27]. La surface de Mercure est similaire à celle de la Lune, montrant de vastes plaines de minéraux (silicates) ressemblant à des mers lunaires et de nombreux cratères, ce qui indique qu'elle est géologiquement inactive depuis des milliards d'années[70],[71]. Pour les astronomes, ces cratères sont très anciens et racontent l'histoire de la formation du système solaire, lorsque les planétésimaux entraient en collision avec les jeunes planètes pour fusionner avec elles. Par opposition, certaines portions de la surface de Mercure semblent lisses, vierges de tout impact[72],[73]. Il s'agit probablement de coulées de lave recouvrant un sol plus ancien et plus marqué par les impacts. La lave, une fois refroidie, donnerait lieu à l'apparition d'une surface lisse, blanchâtre. Ces plaines datent d'une époque plus récente, postérieure à la période de bombardements intenses. La découverte des plaines volcaniques sur la surface permet de mettre en cause des chutes d'énormes astéroïdes atteignant le manteau, et pouvant créer en même temps des éruptions volcaniques à l'opposé de la planète.
241
+
242
+ La connaissance de la géologie de Mercure n'ayant été basée que sur le survol de Mariner 10 en 1975 et sur des observations terrestres, elle fut la moins bien connue des planètes telluriques jusqu'à 2011 et la mission MESSENGER[57]. Par exemple, un cratère inhabituel avec des creux rayonnants a été découvert grâce à cette mission, que les scientifiques ont appelé un temps cratère de l'Araignée avant de renommer Apollodorus[74],[75].
243
+
244
+ Mercure possède différents types de formations géologiques[76],[77],[78] :
245
+
246
+ Mercure a été lourdement bombardée par des comètes et des astéroïdes pendant et peu après sa formation, il y a 4,6 milliards d'années, ainsi que pendant un épisode ultérieur, peut-être distinct, appelé le Grand bombardement tardif, qui s'est terminé il y a 3,8 milliards d'années[79]. Pendant cette période de formation intense de cratères, Mercure a subi des impacts sur toute sa surface, facilités par l'absence de toute atmosphère pour ralentir les impacteurs[80]. Aussi, Mercure était alors volcaniquement active ; des bassins tels que le bassin Caloris étaient alors remplis de magma, produisant des plaines lisses semblables Mers lunaires[72],[73]. Après le grand bombardement, l'activité volcanique de Mercure aurait cessé, soit environ 800 millions d'années après sa formation[81].
247
+
248
+ La surface de Mercure est plus hétérogène que celle de Mars ou de la Lune, qui contiennent toutes deux des étendues importantes de géologie similaire, comme les maria et les planitiae[82].
249
+
250
+ Le diamètre des cratères de Mercure varie de petites cavités en forme de bol à des bassins d'impact multi-annulaires de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. Ils apparaissent dans tous les états de dégradation, des cratères rayonnés relativement frais aux restes de cratères très dégradés. Les cratères de Mercure diffèrent subtilement des cratères lunaires en ce que la zone couverte par leurs éjections est beaucoup plus petite, conséquence de la plus forte gravité de Mercure à sa surface[83]. Selon les règles de l'UAI, chaque nouveau cratère doit porter le nom d'un artiste célèbre depuis plus de cinquante ans, et mort depuis plus de trois ans, avant la date à laquelle le cratère est nommé[84].
251
+
252
+ Le plus grand cratère connu est le bassin Caloris, avec un diamètre de 1 550 km (soit près du tiers du diamètre de la planète), qui fut formé suite à la chute d'un astéroïde d'une taille avoisinant les 150 km, il y a près de 3,85 milliards d'années[85]. Son nom (Caloris, « chaleur » en latin) vient du fait qu'il est situé sur l'un des deux « pôles chauds » de la surface de Mercure, pôles faisant directement face au Soleil lorsque la planète est au périhélie[13]. L'impact qui a créé le bassin Caloris a été si puissant qu'il a provoqué des éruptions de lave qui ont laissé un anneau concentrique de plus de 2 km de haut entourant le cratère d'impact. Il s'agit d'une grande dépression circulaire, avec des anneaux concentriques. Plus tard, de la lave a certainement coulé dans ce grand cratère, et en a lissé la surface.
253
+
254
+ À l'antipode du bassin Caloris se trouve une grande région de terrain très vallonnée et accidentée, de la taille de la France et de l'Allemagne réunies, connue sous le nom de « Terrain étrange » (en anglais Weird Terrain)[86]. Une hypothèse pour son origine est que les ondes de choc générées lors de l'impact de Caloris ont voyagé autour de Mercure, convergeant à l'antipode du bassin (à 180 degrés). Les fortes contraintes qui en ont résulté ont fracturé la surface, soulevant le sol à une hauteur de 800 à 1 000 m et produisant cette région chaotique[87],[88]. Une autre hypothèse est que ce terrain s'est formé à la suite de la convergence des éjecta volcaniques à l'antipode de ce bassin[89].
255
+
256
+ L'impact ayant créé le bassin Caloris a également contribué à la formation de l'unique chaîne de montagnes de Mercure : les Caloris Montes[90],[91].
257
+
258
+ Au total, environ 15 bassins d'impact ont été identifiés sur Mercure. Un bassin notable est le bassin Tolstoï, de 400 km de large, avec de multiples anneaux et qui a une couverture d'éjectas s'étendant jusqu'à 500 km depuis son pourtour et dont l'apparition marque l'ère du Tolstoïen. Les bassins Rembrandt et Beethoven, ayant une couverture d'éjecta volcaniques de taille similaire, font également partie des plus gros cratères d'impact de la planète avec une largeur respective de 716 et 625 km[83].
259
+
260
+ Comme la Lune, la surface de Mercure a probablement subi les effets des processus d'érosion spatiale, notamment le vent solaire et les impacts de micrométéorites[83].
261
+
262
+ Il existe deux régions de plaines géologiquement distinctes sur Mercure[83],[92],[93].
263
+
264
+ Premièrement, les plaines légèrement vallonnées dans les régions situées entre les cratères sont les plus anciennes surfaces visibles de Mercure[83], antérieures aux terrains fortement cratérisés. Ces plaines entre les cratères semblent avoir effacé de nombreux cratères plus anciens, et montrent une rareté générale de petits cratères de moins de 30 km de diamètre environ[92].
265
+
266
+ Deuxièmement, les plaines lisses sont de vastes zones plates qui remplissent des dépressions de tailles diverses et ressemblent beaucoup à aux mers lunaires. Elles remplissent notamment un large anneau entourant le bassin Caloris. Contrairement aux mers lunaires, les plaines lisses de Mercure ont les mêmes albédos que les anciennes plaines entre les cratères. Malgré l'absence de caractéristiques volcaniques incontestables, la localisation et la forme arrondie et lobée de ces plaines soutiennent fortement des origines volcaniques[83]. Toutes les plaines lisses de Mercure se sont formées beaucoup plus tard que le bassin Caloris, comme indique leur densité de cratères sensiblement plus faible par rapport à celle de la couverture d'éjection de Caloris[83]. Le fond du bassin Caloris est rempli d'une plaine plate géologiquement distincte, fragmentée par des crêtes et des fractures selon un schéma à peu près polygonal. Il n'est pas clair s'il s'agit de laves volcaniques induites par l'impact ou des impactites[83].
267
+
268
+ Une caractéristique inhabituelle de la surface de Mercure est la présence de nombreux plis de compression appelés escarpements (ou Rupes) qui sillonnent les plaines. Suite à la phase chaude de sa formation, c'est-à-dire après la fin du Grand bombardement tardif qui a un temps rendu toutes les planètes du système solaire des boules incandescentes[94], l'intérieur de Mercure s'est contracté et sa surface a commencé à se déformer, créant des crêtes[95]. Ces escarpements peuvent atteindre une longueur de 1 000 km et une hauteur de 3 km[96]. Ces caractéristiques de compression peuvent être observées simultanément avec d'autres caractéristiques, telles que des cratères et des plaines lisses, indiquant qu'elles sont plus récentes[97].
269
+
270
+ La cartographie des caractéristiques de Mercure grâce aux photographies prises par Mariner 10 a suggéré un rétrécissement total du rayon de Mercure de l'ordre de 1 à 2 km du fait de ces compressions[98], intervalle ayant plus tard été augmenté de 5 à 7 km, suite aux données de MESSENGER[99],[100]. Aussi, des failles de poussée à petite échelle ont été trouvées, d'une hauteur de plusieurs dizaines de mètres et d'une longueur de quelques kilomètres, qui semblent avoir moins de 50 millions d'années. Cela indique que la compression de l'intérieur et l'activité géologique de surface qui en résulte se poursuivent toujours à cette petite échelle[98],[101]. Après cette découverte, la supposée inactivité géologique de Mercure, et des petites planètes en général, pourrait être remise en cause[102].
271
+
272
+ Le Lunar Reconnaissance Orbiter a découvert l'existence de petites failles de poussée similaires sur la Lune[103].
273
+
274
+ Comme pour la Terre, la Lune ou Mars, l'évolution géologique de Mercure peut être divisée en grandes périodes ou époques[104]. Ces âges sont basés sur une datation relative uniquement, les dates avancées ne sont donc que des ordres de grandeur[83] .
275
+
276
+ Périodes géologiques de Mercure (en millions d'années) :
277
+
278
+ Il s'étend du tout début de l'histoire du système solaire à la période de bombardements intenses[105], soit de -4,5 à -3,9 milliards d'années. La nébuleuse solaire primitive s'est condensée et a commencé à former de la matière solide ; d'abord de petite masse qui à force de s'accumuler (processus d'accrétion) a produit des corps de plus en plus gros, ayant une force d'attraction de plus en plus importante, jusqu'à former la principale masse de Mercure. La nature homogène ou hétérogène de cette accumulation de matière reste encore inconnue : on ne sait pas si Mercure s'est formée à partir d'un mélange de fer et de silicate qui se sont ensuite dissociés pour former séparément un noyau métallique et un manteau de silicate, ou si le noyau s'est formé en premier, à partir de métaux, puis le manteau et la croûte ne sont venus qu'après, lorsque les éléments lourds comme le fer sont devenus moins abondants aux environs de Mercure. Il y a peu de chance pour que Mercure ait possédé une atmosphère initiale (juste après l'accumulation de matière), ou alors elle se serait évaporée très tôt avant l'apparition des plus anciens cratères. Si Mercure avait eu une atmosphère, on aurait pu remarquer une érosion des cratères par les vents, comme sur Mars[106]. Les escarpements présents majoritairement dans les régions « inter-cratères » (qui sont des surfaces plus anciennes que les cratères) et qui traversent parfois certains des plus vieux cratères, montrent que le refroidissement du noyau et la contraction de la planète se sont produits entre la fin de la première période et le début de la seconde[105].
279
+
280
+ La seconde période (de -3,9 à -3,85 milliards d'années) est caractérisée par un fort bombardement météoritique par des corps relativement gros (des résidus du processus d'accrétion), couvrant la surface de Mercure par des cratères et des bassins (cratères larges de plus de 200 km de diamètre), et se termine à la formation du bassin Caloris[107]. Il n'est pas certain que cette période soit la phase terminale de l'accrétion de Mercure ; il est possible qu'il ne s'agisse que d'un second épisode de bombardement indépendant de cette accumulation. D'autant plus que c'est l'époque du grand bombardement tardif[108]. Elle porte ce nom car elle a vu la formation du bassin Tolstoï.
281
+
282
+ La formation du bassin Caloris marque la séparation cette période (de -3,85 à -3,80 milliards d'années). L'impact météoritique a donné lieu à de fortes transformations de la surface de Mercure : la création de l'anneau montagneux Caloris Montes autour du cratère produit par l'impact et les déformations chaotiques de l'autre côté de la planète[109]. L'asymétrie de la répartition interne des masses qu'il a occasionnée, à l'échelle de la planète, a été le pivot sur lequel se fonde la synchronisation des périodes rotation/révolution : le bassin Caloris est (avec son antipode) un des « pôles équatoriaux chauds ».
283
+
284
+ La quatrième époque géologique de Mercure s'étale de -3,80 à -3 milliards d'années et débute après la collision donnant lieu au bassin Caloris. Elle couvre la période de volcanisme qui s'ensuivit[107]. Des coulées de lave ont formé une partie des grandes plaines lisses, grossièrement similaires aux maria lunaires. Cependant, les plaines lisses recouvrant le bassin Caloris (Suisei, Odin, et Tir Planitia) auraient été formées par des éjectas lors de l'impact Caloris.
285
+
286
+ S'étendant respectivement de -3 milliards d'années à -1 milliard d'années puis depuis -1 milliard d'années à aujourd'hui, ces périodes sont marquées par de petits impacts météoritiques : peu d'événements majeurs se sont produits sur Mercure durant ces périodes[105]. Ces ères prennent également le nom de cratères : le Mansur et le Kuiper.
287
+
288
+ La présence de plaines plus jeunes (les plaines lisses) est la preuve que Mercure a connu dans son passé une activité volcanique[92]. L'origine de ces plaines a été mise en évidence à la fin des années 1990 par Mark Robinson et Paul Lucey en étudiant les photographies de Mercure. Le principe était de comparer les surfaces lisses — formées à partir de coulées de laves — avec les autres, non lisses (et plus anciennes). S'il s'agissait bien d'éruptions volcaniques, ces régions devaient être d'une composition différente de celle qu'elles recouvraient, puisque composées de matériaux venant de l'intérieur de la planète[110].
289
+
290
+ Les images prises par Mariner 10 ont d'abord été recalibrées à partir d'images prises en laboratoire avant le lancement de la sonde, et d'images prises durant la mission des nuages de Vénus (Vénus présente une texture plutôt uniforme) et de l'espace profond. Robinson et Lucey ont ensuite étudié divers échantillons de la Lune — qui aurait connu une activité volcanique similaire — notamment la réflexion de la lumière afin de faire un parallèle entre la composition et la réflexion de ces matériaux[110].
291
+
292
+ À l'aide de techniques avancées de traitement d'images numériques (qui n'étaient pas possibles à l'époque de la mission Mariner 10), ils ont appliqué un code de couleurs aux images afin de différencier les matériaux minéraux sombres des matériaux métalliques. Trois couleurs ont été utilisées : le rouge pour caractériser les minéraux opaques, sombres (plus le rouge est prononcé, moins il y a de minéraux sombres) ; le vert pour caractériser à la fois la concentration d'oxyde de fer (FeO) et l'intensité du bombardement de micrométéorites, également appelé « maturité » (la présence de FeO est moins importante, ou la région est moins mature, sur les portions plus vertes) ; le bleu pour caractériser le rapport UV/lumière visible (l'intensité de bleu augmente avec le rapport). La combinaison des trois images donne des couleurs intermédiaires. Par exemple, une zone en jaune peut représenter une combinaison d'une forte concentration en minéraux opaques (rouge) et une maturité intermédiaire (vert)[110].
293
+
294
+ Robinson et Lucey ont alors remarqué que les plaines étaient marquées de couleurs différentes par rapport aux cratères et ont pu en déduire que ces plaines étaient de composition différente par rapport aux surfaces plus anciennes (caractérisées par la présence de cratères). Ces plaines ont dû, à l'instar de la Lune, être formées par des coulées de lave. De nouvelles questions se posent alors quant à la nature de ces remontées de roche en fusion : ceux-ci peuvent être de simples épanchements fluides, ou des éruptions explosives[111]. Cependant, toutes les plaines n'ont peut-être pas pour origine des coulées de lave. Il est possible que certaines se soient formées à partir de retombées de poussières et de fragments du sol, éjectés lors de gros impacts météoritiques[112].
295
+
296
+ Certaines éruptions volcaniques ont pu se produire à la suite de grosses collisions. Dans le cas du bassin Caloris, le cratère généré par l'impact devait avoir à l'origine une profondeur de 130 km, atteignant probablement le manteau qui a dû entrer partiellement en fusion lors du choc (pression et température très importantes). Le manteau est ensuite remonté lors du réajustement du sol, comblant le cratère. Ainsi, sachant qu'une partie de la surface de Mercure provient de son intérieur, les scientifiques ont pu en apprendre plus sur la composition interne de la planète[113].
297
+
298
+ Les images obtenues par MESSENGER, quant à elles, ont révélé des preuves de nuées ardentes sur Mercure provenant de volcans boucliers de faible hauteur[114],[115],[116]. Ces données MESSENGER ont permis d'identifier 51 dépôts pyroclastiques à la surface, dont 90 % se trouvent dans des cratères d'impact[117]. Une étude de l'état de dégradation des cratères d'impact qui accueillent les dépôts pyroclastiques suggère que l'activité pyroclastique s'est produite sur Mercure pendant un intervalle prolongé[117].
299
+
300
+ Une « dépression sans rebord » à l'intérieur de la bordure sud-ouest du bassin Caloris se compose d'au moins neuf cheminées volcaniques qui se chevauchent, chacune pouvant atteindre individuellement jusqu'à 8 km de diamètre. Il s'agit donc d'un stratovolcan[118]. Les fonds des cheminées se trouvent à au moins 1 km sous leurs parois et ressemblent à des cratères volcaniques sculptés par des éruptions explosives ou modifiés par l'effondrement dans des espaces vides créés par le retrait du magma dans un conduit[118]. L'âge du système complexe volcanique serait de l'ordre d'un milliard d'années[118].
301
+
302
+ Mercure est une planète très chaude. La température moyenne en surface est de 452 K (179 °C)[119]. C'est la température de stabilisation en dessous du régolite, où le sous-sol n'est plus soumis à l'alternance des « ondes » thermiques de la journée et de la nuit. Aussi, la température de surface de Mercure varie de 100 à 700 K (−173 à 427 °C)[120]. Elle ne dépasse jamais 180 K aux pôles en raison de l'absence d'atmosphère et d'un fort gradient de température entre l'équateur et les pôles[121]. Le point subsolaire au périhélie, à savoir (0°N, 0°W) ou (0°N, 180°W)[N 8], atteint 700 K à ce moment mais seulement 550 K à l'aphélie (90° ou 270°W)[122]. Du côté non éclairé de la planète, la température moyenne est de 110 K[121],[123]. Depuis la surface de Mercure le Soleil apparaît, en fonction de l'orbite elliptique, entre 2,1 et 3,3 plus gros que depuis la Terre, et l'intensité de la lumière solaire à la surface de Mercure varie entre 4,59 et 10,61 fois la constante solaire, c'est-à-dire que la quantité d'énergie reçue par une surface perpendiculaire au Soleil est en moyenne 7 fois plus élevée sur Mercure que sur Terre[122].
303
+
304
+ Bien que la température de la lumière du jour à la surface de Mercure soit généralement extrêmement élevée, il est possible que de la glace soit présente sur Mercure. En effet, du fait de l'inclinaison quasi nulle de son axe de rotation, les zones polaires de Mercure ne reçoivent des rayons solaires que rasants. Aussi, le fond des profonds cratères des pôles n'est alors jamais exposé à la lumière directe du soleil, et les températures y restent inférieures à 102 K grâce à cette obscurité permanente, soit bien moins que sur la température moyenne de la planète de 452 K[124]. À ces températures, la glace d'eau ne se sublime quasiment plus (la pression partielle de vapeur de la glace est très basse).
305
+
306
+ Des observations radar effectuées dans le début des années 1990 à partir du radiotélescope d'Arecibo et de l'antenne de Goldstone indiquent la présence de glace d'eau aux pôles Nord et Sud de Mercure[125]. En effet, la glace d'eau est caractérisée par des zones à réflexion radar élevée et une signature fortement dépolarisée, contrairement à la réflexion radar typique du silicate, constituant la majeure partie de la surface de Mercure. Aussi, il existe des zones de forte réflexion radar près des pôles[126]. Les résultats obtenus avec le radiotélescope d'Arecibo montrent que ces réflexions radar sont concentrées dans des taches circulaires de la taille d'un cratère. D'après les images prises par Mariner 10, la plus grosse d'entre elles, au pôle Sud, semble coïncider avec le cratère Chao Meng-Fu. D'autres, plus petites, correspondent également à des cratères bien identifiés.
307
+
308
+ On estime que les régions glacées contiennent environ 1014 à 1015 kg de glace[127],[128]. Celles-ci sont potentiellement recouvertes de régolite empêchant la sublimation[129]. En comparaison, la calotte glaciaire de l'Antarctique sur Terre a une masse d'environ 4 × 1018 kg et la calotte polaire sud de Mars contient environ 1016 kg d'eau[127]. Deux sources probables pour l'origine de cette glace sont envisagées : le bombardement météoritique ou le dégazage de l'eau de l'intérieur de la planète. Les météorites frappant la planète ont pu apporter de l'eau qui serait restée piégée (gelée par les basses températures des pôles) aux endroits où se sont produits les impacts. De même pour les dégazages, certaines molécules ont pu migrer vers les pôles et s'y retrouver piégées[127],[130].
309
+
310
+ Bien que la glace ne soit pas la seule cause possible de ces régions réfléchissantes, les astronomes pensent que c'est la plus probable[130]. La sonde BepiColombo, qui se mettra en orbite autour de la planète vers 2025, aura parmi ses tâches d'identifier la présence ou non de glace sur Mercure[131].
311
+
312
+ Mercure est trop petite et chaude pour que sa gravité ne puisse retenir une atmosphère significative sur de longues périodes[132]. Ainsi, elle est quasi inexistante à tel point que les molécules de gaz de l'« atmosphère » entrent plus souvent en collision avec la surface de la planète qu'avec d'autres molécules de gaz. Il est ainsi plus approprié de parler de son exosphère[133], commençant dès la surface de Mercure, directement « ouverte » sur l'espace. Celle-ci est ténue et limitée en surface[134], principalement composée de potassium, de sodium et d'oxygène (9,5 %). On y trouve aussi des traces d'argon, de néon, d'hydrogène et d'hélium[2],[135]. La pression de surface exercée est inférieure à 0,5 nPa (0,005 picobar)[2].
313
+
314
+ Cette exosphère n'est pas stable et est en réalité transitoire[136] : les atomes composant principalement l'exosphère de Mercure (potassium et sodium) ont une durée de vie (de présence) estimée à trois heures avant d'être libérés dans l'espace et d'une heure et demie lorsque la planète est au périhélie[137]. Ainsi, les atomes sont continuellement perdus et réapprovisionnés à partir de diverses sources.
315
+
316
+ Les atomes d'hydrogène et d'hélium proviennent probablement de la capture des ions du vent solaire, se diffusant dans la magnétosphère de Mercure avant de s'échapper à nouveau dans l'espace. La désintégration radioactive des éléments de la croûte de Mercure est une autre source d'hélium, ainsi que de sodium et de potassium[138]. De la vapeur d'eau est présente, libérée par une combinaison de processus tels que les comètes frappant sa surface, la pulvérisation cathodique (créant de l'eau à partir de l'hydrogène du vent solaire et de l'oxygène de la roche) et la sublimation à partir des réservoirs de glace d'eau dans les cratères polaires ombragés en permanence. La sonde MESSENGER a également détecté de grandes quantités d'ions liés à l'eau comme O+, OH−, et H3O+ [139],[140]. En raison des quantités de ces ions qui ont été détectées dans l'environnement spatial de Mercure, les astronomes supposent que ces molécules ont été soufflées de la surface ou de l'exosphère par le vent solaire[141],[142].
317
+
318
+ Le sodium, le potassium et le calcium ont été découverts dans l'atmosphère au cours des années 1980-1990, le consensus étant qu'ils résultent principalement de la vaporisation de la roche de surface frappée par des impacts de micrométéorites[143], dont celle de la comète de Encke[144] qui créent un nuage zodiacal. En 2008, du magnésium a été découvert par MESSENGER[145],[146]. Des études indiquent que, parfois, les émissions de sodium sont localisées en des points qui correspondent aux pôles magnétiques de la planète. Cela indiquerait une interaction entre la magnétosphère et la surface de la planète[147].
319
+
320
+ Malgré sa petite taille et sa lente période de rotation de 59 jours, Mercure possède un champ magnétique notable. Révélé par les magnétomètres de Mariner 10, en mars 1974, il surprit les astronomes qui pensaient jusque-là que Mercure était dépourvue de toute magnétosphère car sa vitesse de rotation lente diminue l'effet dynamo et il était supposé à l'époque que le noyau de la planète s'était déjà solidifié du fait de sa petite taille[61],[149]. L'intensité du champ magnétique à l'équateur de Mercure est d'environ 200 nT, soit 0.65 % du champ magnétique terrestre qui vaut 31 µT[150],[2]. Comme celui de la Terre, le champ magnétique de Mercure est dipolaire. Cependant, contrairement à la Terre, les pôles de Mercure sont alignés avec l'axe de rotation de la planète[151]. Les mesures des sondes spatiales Mariner 10 et MESSENGER ont indiqué que l'intensité et la forme du champ magnétique sont stables[151].
321
+
322
+ Il est probable que ce champ magnétique soit généré par un effet de dynamo, d'une manière similaire au champ magnétique de la Terre[56],[152]. Cet effet de dynamo résulterait de la circulation du noyau externe liquide riche en fer de la planète. Des effets de marée particulièrement forts, causés par la forte excentricité orbitale de la planète, permettraient de maintenir le noyau à l'état liquide nécessaire à cet effet de dynamo[60].
323
+
324
+ Le champ magnétique de Mercure est suffisamment puissant pour dévier le vent solaire autour de la planète, créant ainsi une magnétosphère située entre deux arcs de choc (ou « bow shock »)[148]. La magnétosphère de la planète, bien qu'assez petite pour être contenue dans le volume de la Terre[147], est assez forte pour piéger le plasma du vent solaire. Cela contribue à l'érosion spatiale de la surface de la planète[151]. Les observations effectuées par Mariner 10 ont permis de détecter ce plasma de faible énergie dans la magnétosphère du côté obscur de la planète. Les éclats de particules énergétiques dans la queue de la magnétosphère de la planète indiquent que celle-ci est dynamique[147]. De plus, des expériences menées par la sonde ont montré que, tout comme celle de la Terre, la magnétosphère de Mercure possède une queue séparée en deux par une couche neutre[153].
325
+
326
+ Lors de son deuxième survol de la planète le 6 octobre 2008, MESSENGER a découvert que le champ magnétique de Mercure peut être extrêmement perméable. L'engin spatial a en effet rencontré des « tornades » magnétiques[154] (des faisceaux tordus de champs magnétiques reliant le champ magnétique planétaire à l'espace interplanétaire) qui faisaient jusqu'à 800 km de large, soit un tiers du rayon de la planète. Ces tubes de flux magnétique torsadés forment des fenêtres ouvertes dans le bouclier magnétique de la planète à travers lesquelles le vent solaire peut entrer et impacter directement la surface de Mercure par reconnexion magnétique[155]. Cela se produit également dans le champ magnétique terrestre, cependant le taux de reconnexion est dix fois plus élevé sur Mercure[155].
327
+
328
+ La magnitude apparente de Mercure peut varier entre -2,48 (alors plus lumineuse que Sirius) lors de sa conjonction supérieure et +7,25 (dépassant alors la limite de visibilité à l’œil nu située à +6 et la rendant donc invisible) autour de la conjonction inférieure[145],[156]. La magnitude apparente moyenne est de 0,23 alors que l'écart-type de 1,78, c'est-à-dire le plus grand de toutes les planètes, du fait de la forme excentricité orbitale de la planète. La magnitude apparente moyenne à la conjonction supérieure est de -1,89 alors que celle à la conjonction inférieure est de +5,93[156]. L'observation de Mercure est compliquée du fait de sa proximité avec le Soleil, car elle est alors perdue dans l'éblouissement de l'étoile. Mercure ne peut être observée que pendant une courte période de temps au moment de l'aube ou du crépuscule[157].
329
+
330
+ Comme plusieurs autres planètes et les étoiles les plus brillantes, Mercure peut être observée pendant une éclipse solaire totale[158]. De plus, comme la Lune et Vénus, Mercure présente des phases vues depuis la Terre. Elle est dite « nouvelle » à la conjonction inférieure et « pleine » à la conjonction supérieure. Cependant, la planète est rendue invisible depuis la Terre à ces deux occasions parce qu'elle est obscurcie par le Soleil (sauf durant un transit)[157]. Aussi, techniquement, Mercure est la plus brillante lorsqu'elle est pleine. Ainsi, bien que Mercure soit le plus éloigné de la Terre lorsqu'elle est pleine, elle présente une plus grande surface éclairée visible et l'effet d'opposition compense la distance[159]
331
+ . L'inverse est vrai pour Vénus, qui apparaît plus brillante lorsqu'elle est en croissant parce qu'elle est beaucoup plus proche de la Terre[160].
332
+
333
+ Néanmoins, l'apparition la plus brillante (pleine phase) de Mercure est en réalité incompatible avec l'observation pratique, en raison de l'extrême proximité de la planète avec le Soleil. Le meilleur moment pour observer Mercure est ainsi pendant son premier ou dernier quart, bien qu'il s'agisse de phases de moindre luminosité. Les premier et dernier quarts de phase se produisent lors de l'élongation la plus importante à l'est (vers septembre/octobre), et à l'ouest (vers mars/avril) du Soleil, respectivement[161]. À ces deux moments, la séparation de Mercure du Soleil varie entre 17,9° au périhélie et 27,8° à l'aphélie[161],[162]. À son élongation maximale à l'ouest, Mercure se lève avant le lever du Soleil, et à son élongation maximale à l'est, elle se couche après le coucher du Soleil, la rendant plus facilement observable[163],[164].
334
+
335
+ Mercure est plus facilement visible depuis les régions tropicales et subtropicales que depuis des latitudes plus élevées[165]. Vue des basses latitudes et aux bons moments de l'année, l'écliptique coupe l'horizon à un angle aigu. À ce moment, Mercure se trouve directement au-dessus du Soleil (c'est-à-dire que son orbite semble verticale depuis la Terre) et elle est au maximum de son élongation par rapport au Soleil (28°)[165]. Quand arrive le moment de la journée terrestre où le Soleil est à 18° au-dessous de l'horizon de sorte que le ciel est complètement sombre (crépuscule astronomique), Mercure se trouve à un angle de 28-18=10° au-dessus de l'horizon dans un ciel complètement sombre : elle est alors à son maximum de visibilité pour un observateur terrestre.
336
+
337
+ De plus, les observateurs situés dans l'hémisphère sud sont avantagés par rapport à ceux du nord, avec une latitude de valeur absolue égale. En effet dans cet hémisphère, l'élongation maximale de Mercure à l'ouest (matin) ne se produit qu'au début de l'automne (mars/avril) et son élongation maximale à l'est (soir) ne se produit qu'à la fin de l'hiver (septembre/octobre)[164]. Dans ces deux cas, l'angle d'intersection de l'orbite de la planète avec l'écliptique (et donc l'horizon) est alors à son maximum pendant ces saisons[166], ce qui permet à Mercure de se lever plusieurs heures avant le lever du soleil dans le premier cas et de ne se coucher que plusieurs heures après le coucher du soleil dans le second, à partir des latitudes moyennes méridionales comme l'Argentine et l'Afrique du Sud[164]. À l'inverse, dans l'hémisphère nord, l'écliptique est bien moins incliné le matin en mars/avril et le soir en septembre/octobre, Mercure est donc très proche de l'horizon même lors de son élongation maximum[167] même s'il arrive qu'elle soit bien visible, près de Vénus, dans le ciel[168].
338
+
339
+ Une autre méthode pour observer Mercure consiste à observer la planète pendant les heures de jour lorsque les conditions sont claires, idéalement lorsqu'elle est à son plus grand allongement. Cela permet de trouver facilement la planète, même en utilisant des télescopes avec de faibles ouvertures. Il faut cependant prendre grand soin de veiller à ce que l'instrument ne soit pas pointé directement vers le Soleil en raison du risque de lésions oculaires[169]. Cette méthode permet de contourner la limitation de l'observation au crépuscule lorsque l'écliptique est située à faible altitude (par exemple les soirs d'automne).
340
+
341
+ D'une façon générale, les observations de Mercure grâce à un télescope au sol ne révèlent cependant qu'un disque partiel de couleur orange éclairé avec peu de détails[170]. La proximité de l'horizon rend son observation avec les télescopes difficile, car sa lumière doit parcourir une plus grande distance à travers l'atmosphère terrestre et est perturbée par des turbulences, comme la réfraction et l'absorption qui rendent l'image floue. La planète apparaît généralement dans le télescope sous la forme d'un disque en forme de croissant. Même avec des télescopes puissants, il n'y a pratiquement pas de caractéristiques distinctives à sa surface. D'autre part, Le télescope spatial Hubble ne peut pas du tout observer Mercure, en raison de procédures de sécurité qui empêchent son pointage trop près du Soleil[171],[172].
342
+
343
+ Un transit de Mercure se produit lorsque la planète se situe entre l'observateur et le Soleil. Elle est alors visible sous la forme d'un très petit point noir traversant le disque solaire. Il serait également possible pour un observateur situé sur une autre planète de voir un transit, tel que le transit de Mercure depuis Vénus. Les transits de Mercure vus depuis la Terre ont lieu avec une fréquence d'environ 13 ou 14 par siècle[173], en raison de la proximité de la planète au Soleil.
344
+
345
+ Le premier transit de Mercure observé fut le 7 novembre 1631 par Pierre Gassendi, bien que son existence ait été prévue par Johannes Kepler avant sa mort en 1630[174]. En 1677, l'observation du transit de Mercure permit pour la première fois de mettre en avant le phénomène de la goutte noire[175], un effet de la diffraction des instruments optiques.
346
+
347
+ Le transit de Mercure a également permis de réaliser différentes mesures, dont celle de la taille de l'univers[176] ou des variations à long terme du rayon du Soleil[177],[178].
348
+
349
+ Les transits peuvent se produire en mai à des intervalles de 13 ou 33 ans, ou en novembre tous les 7, 13 ou 33 ans. Les quatre derniers transits de Mercure datent du 7 mai 2003, du 8 novembre 2006, du 9 mai 2016 et du 11 novembre 2019 ; les quatre prochains auront lieu le 13 novembre 2032, le 7 novembre 2039, le 7 mai 2049 et le 9 novembre 2052[179],[180].
350
+
351
+ Mercure est connue depuis que les hommes s'intéressent au ciel nocturne ; la première civilisation à en avoir laissé des traces écrites est la civilisation sumérienne[181] (IIIe millénaire av. J.-C.) qui la nommait « Ubu-idim-gud-ud »[182] (signifiant la « planète sautante »[183]).
352
+
353
+ Les premiers écrits d'observations détaillées de Mercure nous viennent des Babyloniens avec les tablettes de Mul Apin. Les Babyloniens appelaient cet astre Nabû en référence au dieu du savoir dans la mythologie mésopotamienne. Ils sont également les premiers à avoir étudié le mouvement apparent de Mercure, qui est différent de celui des autres planètes[184],[182].
354
+
355
+ Plus tard, dans l'Antiquité, les Grecs, héritiers des conceptions indo-européennes (paléoastronomie) considérèrent jusqu'au IVe siècle av. J.-C. que Mercure visible avant le lever du Soleil d'une part et Mercure visible après son coucher d'autre part relevaient de deux astres distincts. Ceux-ci étaient appelés respectivement Στίλβων (Stilbōn), signifiant « celui qui brille »[185],[186] et Ἑρμῆς (Hermès) en raison de son mouvement rapide[187]. Ce dernier est d'ailleurs toujours le nom de la planète en grec moderne. L'étoile du matin aurait également été appelée Ἀπόλλων (Apollon)[188]. Les Égyptiens procédèrent de même en donnant le nom de Seth à l'étoile du matin et Horus à celle du soir[189],[190].
356
+
357
+ Les Romains nommèrent la planète du nom du messager des dieux Mercure (en Latin Mercurius), équivalent d'Hermès pour la mythologie romaine, parce qu'elle se déplace dans le ciel plus vite que toutes les autres planètes[28],[191]. Aussi dieu protecteur des commerçants, des médecins et des voleurs, le symbole astronomique de Mercure est une version stylisée du caducée d'Hermès[192]. On dit également que le symbole proviendrait d'une dérivation de la première lettre de son nom grec ancien Στίλβων (Stilbōn)[193].
358
+
359
+ Ferry, un contributeur du Dictionnaire de Wahlen, écrit à ce sujet :
360
+
361
+ « Pourquoi donc une planète aussi peu importante dans le système dont elle fait partie porte-t-elle le nom du messager des dieux dans l'Olympe mythologique ? C'est qu'elle se trouve assez fréquemment en conjonction avec les autres planètes entre lesquelles ces rapprochements sont beaucoup plus rares. Comme la durée de sa révolution autour du Soleil ou son année n'est que le quart de l'année terrestre, dans ce court espace de temps on la voit se diriger vers une planète et après s'en être approchée s'éloigner pour faire une autre visite aussi promptement terminée. La fréquente répétition de cette sorte de voyages a pu faire concevoir l'idée d'un autre messager. »[194]
362
+
363
+ L'astronome gréco-égyptien Ptolémée a évoqué la possibilité de transits planétaires devant le Soleil dans son ouvrage Hypothèses planétaires. Il a suggéré qu'aucun passage n'avait été observé, soit parce que des planètes telles que Mercure étaient trop petites pour être vues, soit parce que les passages étaient trop peu fréquents[195].
364
+
365
+ Dans la Chine ancienne, Mercure était connue sous le nom de « l'étoile pressée » (Chen-xing 辰星)[196]. Elle était associée à la direction du nord et à la phase de l'eau dans le système de cosmologie des Cinq Phases (Wuxing)[197],[198]. Les cultures modernes chinoise, coréenne, japonaise et vietnamienne désignent la planète littéralement comme « l'étoile d'eau » (水星), basée sur les Cinq éléments[199]. La mythologie hindoue utilisait le nom de Bouddha pour Mercure, et on pensait que ce dieu présidait le mercredi[200],[201]. Le dieu Odin de la mythologie nordique était associé avec la planète Mercure et au mercredi[202]. Ce lien avec le troisième jour de la semaine se retrouve également chez les Romains est a ensuite donné en français le nom Mercredi (pour « Mercurii dies », le jour de Mercure)[203],[204].
366
+
367
+ La civilisation Maya aurait représenté Mercure comme un hibou (ou potentiellement quatre, deux représentant son apparition du matin et deux celle du soir) servant de messager vers le monde souterrain[205].
368
+
369
+ En astronomie arabe, l'astronome Al-Zarqali décrivit au XIe siècle l'orbite géocentrique de Mercure comme étant une ellipse, bien que cette intuition n'ait pas influencé sa théorie astronomique ou ses calculs astronomiques[206],[207]. Au XIIe siècle, Ibn Bajjah a observé « deux planètes comme des taches noires sur la face du Soleil », ce qui a été plus tard suggéré comme le transit de Mercure et/ou de Vénus par l'astronome de Maragha Qotb al-Din Chirazi au XIIIe siècle[208],[209].
370
+
371
+ En Inde, l'astronome Nilakantha Somayaji de l'école du Kerala développa au XVe siècle un modèle partiellement héliocentrique dans lequel Mercure orbite autour du Soleil, qui à son tour orbite autour de la Terre, similairement au système tychonique de Tycho Brahe proposé ensuite au XVIe siècle[210].
372
+
373
+ Les premières observations télescopiques de Mercure ont été faites par Galilée au début du XVIe siècle[211]. Bien qu'il ait observé des phases lorsqu'il a regardé Vénus, son télescope n'était pas assez puissant pour voir les phases de Mercure. En 1631, Pierre Gassendi a fait les premières observations télescopiques du transit d'une planète à travers le Soleil lorsqu'il a vu un transit de Mercure prédit par Johannes Kepler[212]. En 1639, Giovanni Zupi a utilisé un télescope pour découvrir que la planète avait des phases similaires à celles de Vénus et de la Lune. L'observation a démontré de façon concluante que Mercure orbitait autour du Soleil[12],[213].
374
+
375
+ Un événement rare en astronomie est le passage d'une planète devant une autre vu de la Terre (occultation). Mercure et Vénus s'occultent l'une l'autre tous les quelques siècles, et l'événement du 28 mai 1737 est le seul à avoir été observé historiquement, ayant été vu par John Bevis à l'Observatoire royal de Greenwich[214]. La prochaine occultation de Mercure par Vénus aura lieu le 3 décembre 2133[215].
376
+
377
+ Les difficultés inhérentes à l'observation de Mercure font qu'elle a été beaucoup moins étudiée que les autres planètes. En 1800, Johann Schröter a fait des observations de sa surface, affirmant avoir observé des montagnes de 20 kilomètres de haut[216]. Friedrich Bessel a utilisé les dessins de Schröter pour estimer à tort la période de rotation comme étant de 24 heures et une inclinaison axiale de 70°. Dans les années 1880, Giovanni Schiaparelli a cartographié la planète avec plus de précision et a suggéré que la période de rotation de Mercure était de 88 jours, la même que sa période orbitale en raison d'une rotation synchrone. L'effort de cartographie de la surface de Mercure a été poursuivi par Eugène Antoniadi, qui a publié en 1934 un livre comprenant à la fois des cartes et ses propres observations. De nombreuses caractéristiques de la surface de la planète, en particulier les formations d'albédo, tirent leur nom de la carte d'Antoniadi[217].
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+
379
+ En juin 1962, les scientifiques soviétiques de l'Institut de radio-ingénérie et d'électronique de l'Académie des sciences de l'URSS, dirigé par Vladimir Kotelnikov, sont les premiers à faire rebondir un signal radar sur Mercure et à le recevoir, ce qui a permis de commencer les observations radar de la planète[218],[219],[220]. Trois ans plus tard, les observations radar des Américains Gordon H. Pettengill et Rolf B. Dyce, à l'aide du radiotélescope de 300 mètres de l'observatoire d'Arecibo à Porto Rico, ont montré de façon concluante que la période de rotation de la planète était d'environ 59 jours[221],[222]. La théorie selon laquelle la rotation de Mercure était synchrone s'était largement répandue, et ce fut donc une surprise pour les astronomes lorsque ces observations radio furent annoncées. Si Mercure était réellement verrouillée comme on le pensait auparavant, sa face obscure aurait été extrêmement froide, mais les mesures des émissions radio ont révélé qu'elle était beaucoup plus chaude que prévu. Les astronomes hésitèrent à abandonner la théorie de la rotation synchrone et proposèrent des mécanismes alternatifs tels que des vents puissants de distribution de la chaleur pour expliquer les observations[223].
380
+
381
+ L'astronome italien Giuseppe Colombo a noté que la période de rotation était d'environ deux tiers de la période orbitale de Mercure, et a été le premier à proposer que les périodes orbitales et de rotation de la planète soient verrouillées dans une résonance de 3:2 plutôt que de 1:1[31] comme c'est le cas entre la Terre et la Lune par exemple. Les données de Mariner 10 ont par la suite confirmé ceci[224].
382
+
383
+ Les observations optiques au sol n'ont pas permis d'en savoir beaucoup plus sur Mercure, mais les radioastronomes utilisant l'interférométrie micro-ondes, une technique qui permet d'éliminer le rayonnement solaire, ont pu discerner les caractéristiques physiques et chimiques des couches souterraines à une profondeur de plusieurs mètres[225],[226]. En 2000, des observations à haute résolution dites de lucky imaging ont été effectuées par un télescope de l'Observatoire du Mont Wilson. Elles ont fourni les premières vues qui ont permis de connaître les caractéristiques de surface des parties de Mercure qui n'avaient pas été imagées lors de la mission Mariner 10[227]. La majeure partie de la planète a été cartographiée par le télescope radar d'Arecibo, y compris les dépôts polaires dans les cratères ombragés de ce qui pourrait être de la glace d'eau[228].
384
+
385
+ Le premier astronome à avoir discerné des caractéristiques géologiques de Mercure était Johann Hieronymus Schröter qui, vers la fin du XVIIIe siècle, dessina en détail ce qu'il avait pu observer, dont des très hautes montagnes. Ses observations furent cependant infirmées par William Herschel qui ne put voir aucune de ces caractéristiques[216].
386
+
387
+ Par la suite, d'autres astronomes ont dressé des cartes de Mercure, dont l'italien Giovanni Schiaparelli et l'américain Percival Lowell (en 1896) qui y voyaient des zones sombres en formes de lignes, similaires aux canaux de Mars[229]. Schiaparelli et Lowell avaient également esquissé des cartes de Mars en soutenant qu'il y avait des canaux artificiels[216].
388
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+ Carte de Giovanni Schiaparelli
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+ Carte de Percival Lowell (1896)
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+ Carte d'Eugène Antoniadi (1934)
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+ La meilleure carte d'avant Mariner 10 provient du Franco-grec Eugène Antoniadi, au début des années 1930[230]. Elle fut utilisée pendant près de 50 ans jusqu'à ce que Mariner 10 nous renvoie les premières photos de la planète[231]. Antoniadi montra que les canaux n'étaient qu'une illusion d'optique[232]. Il reconnut que l'élaboration d'une carte précise de Mercure était impossible à partir d'observations effectuées à l'aube ou au crépuscule, à cause des perturbations atmosphériques (l'épaisseur d'atmosphère terrestre que la lumière doit traverser lorsque Mercure se trouve à l'horizon est importante et crée des distorsions de l'image). Il entreprit alors de faire des observations — dangereuses — en plein jour lorsque le Soleil était bien au-dessus de l'horizon. Il gagna ainsi en netteté, mais perdit en contrastes à cause de la lumière du Soleil. Antoniadi parvint tout de même à achever sa carte en 1934, composée de plaines et de montagnes[233].
396
+
397
+ Les coordonnées utilisées sur ces cartes ont peu d'importance dans la mesure où elles ont été établies alors qu'on pensait, comme Schiaparelli l'avait affirmé, que la période de rotation de Mercure sur elle-même était la même que la période de révolution autour du Soleil. Il s'agit donc de la face supposée toujours illuminée qui a été cartographiée[234].
398
+
399
+ En 1974–75, Mariner 10 rapporta des photographies en haute résolution permettant la cartographie d'environ 45 % de sa surface[235],[27], révélant les détails topographiques jamais vus auparavant : une surface recouverte de cratères avec des montagnes et des plaines, et très ressemblante à celle de la Lune[27]. Il a d'ailleurs été assez difficile de faire une corrélation entre les caractéristiques photographiées par la sonde et les cartes établies par télescope. Certaines des manifestations géologiques de la carte d'Antoniadi se sont révélées inexistantes[235]. Aussi, ces photographies ont permis la publication en 1976 du premier atlas de la planète par la NASA (Atlas of Mercury), révélant pour la première fois les formations géologiques de la planète dont, par exemple, son unique chaîne de montagnes : Caloris Montes[91].
400
+
401
+ L'Union astronomique internationale a défini en 1970 le méridien 0° comme étant le méridien solaire au premier périhélie après le 1er janvier 1950, c'est-à-dire à un des deux points les plus chauds. Le système de coordonnées utilisé par Mariner 10 se fonde cependant sur le méridien 20° qui coupe le cratère Hun Kal (signifiant « 20 » en maya)[236], ce qui donne une légère erreur de moins de 0,5° par rapport au méridien 0° défini par l'UAI, car le méridien 0 était dans l'obscurité lors de ses survols[237],[238]. Le cratère Hun Kal est en quelque sorte le Greenwich de Mercure. L'équateur se trouve dans le plan de l'orbite de Mercure. Les longitudes sont mesurées de 0° à 360° en allant vers l'ouest[239]. Ainsi, les deux points les plus chauds de l'équateur se trouvent donc aux longitudes 0° O et 180° O, et les points les plus froids de l'équateur se trouvent aux longitudes 90° O et 270° O. À l'inverse, le projet MESSENGER utilise une convention positive vers l'est[240].
402
+
403
+ Mercure est découpée en 15 quadrangles. Plusieurs méthodes de projection ont été utilisées pour cartographier la surface de Mercure, suivant la position du quadrangle sur le globe. Cinq projections Mercator (projection cylindrique tangente à l'équateur) entourant la planète au niveau de l'équateur, entre les latitudes 25° nord et 25° sud ; quatre projections Lambert (projection conique) entre 20° et 70° de latitude pour chaque hémisphère ; et deux projections stéréographiques pour cartographier les pôles (jusqu'à 65° de latitude)[241].
404
+
405
+ Chaque quadrangle commence par la lettre H (pour « Hermès »), suivie de son numéro (de 1, pôle Nord, à 15, pôle Sud). Leur nom provient d'une caractéristique importante présente sur leur région (bassin, cratère, etc.) et un nom d’albédo (entre parenthèses) leur est attribué[241]. Les noms d’albédos assignés pour cette nouvelle carte proviennent de celle d'Antoniadi, puisque c'était celle utilisée jusque là par tous les observateurs depuis plusieurs décennies[217]. Ils servent pour repérer les quadrangles lors des observations au télescope depuis la Terre, où l'on ne distingue que les variations d'intensité de lumière. Seuls Lowell et Antoniadi avaient annoté leurs cartes[233].
406
+
407
+ En 2016, grâce à plus de 100 000 images prises par la sonde MESSENGER, la NASA a pu fournir le premier modèle topographique de Mercure[242]. Celui-ci donne les points d'élévation maximales et minimales de la planète, respectivement à 4,48 km au-dessus de l'élévation moyenne situé sur un des terrains les plus anciens de la planète près de l'équateur et à 5,38 km sous l'élévation moyenne de la planète, au fond du bassin Rachmaninoff[242].
408
+
409
+ Atteindre Mercure depuis la Terre pose des défis techniques importants, car elle orbite beaucoup plus près du Soleil que la Terre[243]. Cela implique qu'une sonde se rendant sur Mercure doit dépenser plus d'énergie que pour se rendre sur Pluton[243].
410
+
411
+ Mercure a une vitesse orbitale de 48 km/s, alors que la vitesse orbitale de la Terre est de 30 km/s. Par conséquent, l'engin spatial doit effectuer un grand changement de vitesse Delta-v pour entrer dans une orbite de transfert de Hohmann qui passe près de Mercure, par rapport au delta-v requis pour d'autres missions planétaires[244]. De plus, il est nécessaire de se placer dans le plan orbital de Mercure, qui est incliné de 7° par rapport à l'écliptique, ce qui nécessite aussi de l'énergie[245].
412
+
413
+ L'énergie potentielle libérée en descendant le puits de potentiel du Soleil devient de l'énergie cinétique : une grande variation négative de vitesse devient alors nécessaire pour ralentir et se mettre en orbite stable[246]. Du fait de l'atmosphère négligeable de Mercure, un véhicule spatial dépend entièrement de ses moteurs à réaction, l'aérofreinage étant exclu[247]. Pour ces raisons, une mission impliquant un atterrissage sur Mercure est très difficile, raison pour laquelle cela n'a encore jamais été fait[248].
414
+
415
+ Cependant, les progrès dans le domaine de la mécanique spatiale rendent ce type de mission réalisable à un coût raisonnable grâce à un enchaînement de manœuvres d’assistance gravitationnelle[249],[250].
416
+
417
+ Aussi, la proximité de Mercure avec le Soleil implique qu'une sonde orbitant autour de la planète reçoit environ dix fois plus d’énergie du Soleil que lorsque elle se situe sur une orbite terrestre[251] et le sol de Mercure sur sa face éclairée réfléchit une grande partie de la chaleur qu’il reçoit du Soleil[247], accroissant les contraintes thermiques subies par un engin à basse altitude (les températures pouvant dépasser 400 °C à la surface de la sonde)[251].
418
+
419
+ Ces difficultés impliquent qu'un voyage vers Mercure nécessite plus de carburant que ce qui est nécessaire pour s'échapper complètement du système solaire. Par conséquent, son exploration a été plus tardive que des planètes telles que Vénus ou Mars et seules deux sondes spatiales l'ont visité avant l'arrivée de BepiColombo prévue pour 2025[252].
420
+
421
+ Première utilisation de l'assistance gravitationnelle d'une planète pour modifier la vitesse et la trajectoire d'une sonde spatiale.
422
+
423
+ Mariner 10 a été la première sonde à étudier Mercure de près[253]. Développée par l'agence spatiale américaine, la NASA, et lancée le 3 novembre 1973, elle a survolé la planète à trois reprises, en mars et septembre 1974 et en mars 1975[27],[254]. À l'origine, elle était destinée à survoler et étudier Vénus, mais les astronomes ont pensé qu'ils pourraient en faire usage également pour étudier Mercure, dont on connaissait peu de choses. Mariner 10 est ainsi la première sonde à avoir utilisé l'assistance gravitationnelle d'une planète — Vénus — pour en atteindre une autre[255].
424
+
425
+ Équipée d’une caméra, d’un magnétomètre et de plusieurs spectromètres, Mariner 10 a permis notamment la découverte d’un champ magnétique significatif et de la forte densité de la planète, révélatrice d’un noyau ferreux de grande taille. Les télescopes terrestres les plus puissants n’avaient pas permis d’obtenir des images de qualité de la surface, du fait de la proximité de l’alignement avec le Soleil. La sonde aura pris, durant ces trois passages, plus de 2 000 photographies[256] de Mercure. Les photos prises par Mariner 10 ont cependant seulement permis de cartographier près de 45 % de la surface de la planète, car lors des trois passages Mercure présentait la même face au Soleil ; les régions à l'ombre étaient donc impossibles à cartographier. Ces images ont révélé une surface couverte de cratères, à l’apparence très proche de celle de la Lune[257].
426
+
427
+ Mariner 10 permit de découvrir la présence d'une très mince atmosphère, ainsi qu'une magnétosphère. Cette dernière fut une surprise pour les astronomes. Elle apporta également des précisions sur sa vitesse de rotation. La mission arriva à terme le 24 mars 1975, lorsque la sonde se trouva à court de carburant. Comme son orbite ne pouvait plus être contrôlée avec précision, les contrôleurs de mission ont ordonné à la sonde de s'éteindre[258]. Mariner 10 serait ainsi toujours en orbite autour du Soleil, passant près de Mercure tous les quelques mois[254].
428
+
429
+ MESSENGER (pour MErcury Surface, Space ENvironment, GEochemistry, and Ranging[259]) est la septième mission du programme Discovery, qui rassemble des projets d’exploration du système solaire à coût modéré et durée de développement courte. La sonde, dont la masse, ergols compris, est de 1,1 tonne, emporte sept instruments scientifiques, dont plusieurs spectromètres, un altimètre laser, un magnétomètre et des caméras[245]. Elle est lancée le 3 août 2004 de Cap Canaveral, à bord d'un lanceur Delta II, le lancement ayant été décalé d'un jour pour cause de mauvais temps[260].
430
+
431
+ Il a fallu environ six ans et demi à la sonde avant qu'elle n'entre en orbite autour de Mercure[245]. Pour y parvenir, elle a effectué durant son transit six survols rapprochés des planètes intérieures (la Terre en février 2005, Vénus à deux reprises en octobre 2006 et 2007 et Mercure à trois reprises, en janvier et octobre 2008 et en septembre 2009), avec quelques corrections de trajectoire intermédiaires. Lors de ces survols de Mercure, suffisamment de données ont été recueillies pour produire des images de plus de 95 % de sa surface. MESSENGER a également observé le maximum solaire de 2012[245].
432
+
433
+ L’objectif de la mission est d’effectuer une cartographie complète de la planète[261], d’étudier la composition chimique de sa surface et de son exosphère, son histoire géologique, sa magnétosphère, la taille et les caractéristiques de son noyau ainsi que l’origine de son champ magnétique[262].
434
+
435
+ La fin de la mission, fixée initialement à mars 2011, est repoussée par deux fois jusqu'en avril 2015, et dans la phase finale, la sonde spatiale est placée sur une orbite plus rapprochée, permettant d'allonger le temps d'observation de ses instruments et d’accroître la résolution des données[263]. MESSENGER, après avoir épuisé les ergols utilisés pour maintenir son orbite, s'est écrasée sur le sol de Mercure le 30 avril 2015[264],[265].
436
+
437
+ Durant sa mission, MESSENGER aura pris plus de 277 000 photos[266], dont des photos possédant une résolution de 250 mètres par pixel, et a permis de produire des cartes de sa composition globale, un modèle en trois dimensions de la magnétosphère, la topographie de l'hémisphère nord et caractériser les éléments volatils présents dans les cratères constamment ombragés des pôles[267].
438
+
439
+ L'Agence spatiale européenne a planifié, en collaboration avec l'Agence spatiale japonaise, une mission baptisée BepiColombo[268], qui prévoit de placer deux sondes en orbite autour de Mercure : l'une pour l'étude de l'intérieur et de la surface de la planète (Mercury Planetary Orbiter), développé par l'ESA, et l'autre pour étudier sa magnétosphère (Mercury Magnetospheric Orbiter), développé par la JAXA[269]. Le projet de l'envoi d'un atterrisseur embarqué avec la mission a dû cependant être abandonné, pour des raisons budgétaires. Ces deux sondes ont été envoyées par un lanceur Ariane 5 le 20 octobre 2018[270],[271]. Elles devraient rejoindre Mercure environ huit ans plus tard, fin 2025, en utilisant, comme les sondes précédentes, l'assistance gravitationnelle[272]. Sa mission principale durera jusqu'en mai 2027, avec une prolongation possible jusqu'en mai 2028[270].
440
+
441
+ Le programme BepiColombo a pour objectif de répondre à une douzaine de questions que se posent les astronomes[273], notamment au sujet de la magnétosphère et de la nature du noyau de Mercure (liquide ou solide), de la possible présence de glace au fond des cratères constamment à l'ombre, de la formation du système solaire et de l'évolution en général d'une planète au voisinage de son étoile[269]. Des mesures très précises du mouvement de Mercure vont également être effectuées, afin de vérifier la théorie de la relativité générale, explication actuelle de la précession du périhélie observée dans son orbite[274].
442
+
443
+ La planète Mercure est un lieu récurrent dans les œuvres de science-fiction[275],[276]. Des thèmes courants liés à cette planète incluent les dangers d'être exposé au rayonnement solaire et la possibilité d'échapper à un rayonnement excessif en restant dans le terminateur lent de la planète (la frontière entre le jour et la nuit), notamment pour les œuvres écrites avant 1965, alors que l'on pensait encore que Mercure possédait une rotation synchrone 1:1 avec le Soleil (et avait donc une face en permanence vers le Soleil), comme Cercle vicieux d'Isaac Asimov, ou dans les nouvelles de Leigh Brackett[275]. Un autre thème abordé est celui des gouvernements autocratiques ou violents, avec par exemple Rendez-vous avec Rama d'Arthur C. Clarke[277]. Bien que ces récits soient fictifs, d'après des études publiées en mars 2020, il est possible de considérer que des parties de la planète peuvent avoir été habitables. Ainsi, des formes de vie réelles, bien que probablement des micro-organismes primitifs, ont peut-être existé sur la planète[278],[279].
444
+
445
+ De plus, un cratère, au pôle nord ou au pôle sud de Mercure, serait peut-être l'un des meilleurs endroits extraterrestres pour l'établissement d'une colonie humaine, là où la température resterait constante à environ −200 °C[277]. Ceci est dû à une inclinaison axiale quasi nulle de la planète, et au vide quasi parfait à sa surface, empêchant l'apport de chaleur depuis les portions éclairées par le Soleil. De plus, de la glace se trouve dans ces cratères, permettant un accès à l'eau pour la colonie[130].
446
+
447
+ Une base n'importe où ailleurs serait exposée, en journée mercurienne (durant environ deux mois terrestres), à la chaleur intense du Soleil, puis durant une période nocturne identique, serait privée de la moindre source de chaleur extérieure : elle connaîtrait alors des températures diurnes de 430 °C et des températures nocturnes de −180 °C[277],[280]. Cependant, pour éviter ces variations thermiques, les installations pourraient être enterrées sous plusieurs mètres de régolithe qui, dans le vide, servirait aussi bien d'isolant thermique que de bouclier antiradiations. Des approches similaires ont été proposées pour l'installation de bases sur la Lune[281], dont le jour dure deux semaines, suivi d'une nuit de deux semaines également. D'une façon générale, la colonisation de Mercure revêt certaines similarités avec celle de la Lune, du fait de leur relativement grande période autour du Soleil, de leur inclinaison quasi nulle et de leur absence d'atmosphère : la colonisation de Mercure pourrait se faire avec presque les mêmes technologies[282]. Mercure aurait même un avantage par rapport à la Lune : la gravité étant sur la planète 38 % de celle de la Terre, cela est suffisant pour éviter la réduction de masse osseuse se produisant dans un environnement à très faible gravité[277].
448
+
449
+ Par ailleurs, la planète étant proche du Soleil, il serait possible de capter de grandes quantités d'énergie le jour, et de s'en servir ensuite la nuit[277]. En revanche, la protection des robots et des véhicules contre la chaleur du Soleil pourrait poser beaucoup plus de difficultés, entraînant une limitation des activités en surface durant le jour ou une très importante protection thermique[251].
450
+
451
+ Une autre solution est évoquée dans les romans et les nouvelles de Kim Stanley Robinson, en particulier dans La Trilogie de Mars (1996) et 2312 (2012), où Mercure est le foyer d'une vaste ville appelée Terminator, peuplée d'un grand nombre d'artistes et de musiciens. Pour éviter le dangereux rayonnement solaire, la ville fait le tour de l'équateur de la planète sur des rails à une vitesse suivant la rotation de la planète, afin que le Soleil ne se lève jamais complètement au-dessus de l'horizon. Une ville située du côté obscur de la planète, et suivant la lente rotation de la planète sur rails pour précéder le Soleil est ainsi une solution réellement envisagée[280].
452
+
453
+ Finalement, une colonisation de Mercure revêtrait également un intérêt économique, car il y réside des concentrations de minerais bien plus élevées que sur toutes les autres planètes du Système solaire[280].
454
+
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+ « Mercury's crust is more analogous to a marbled cake than a layered cake »
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+ « Sean C. Solomon, the principal investigator for MESSENGER, said there was enough ice there to encase Washington, D.C., in a frozen block two and a half miles deep. »
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+ « The symbol for Mercury represents the Caduceus, a wand with two serpents twined around it, which was carried by the messenger of the gods. »
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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+ La mer d'Aral est un lac d'eau salée d'Asie centrale situé entre 43° et 46° de latitude nord et entre 58° et 62° de longitude est, occupant la partie basse de la dépression touranienne ou aralo-caspienne au milieu d'espaces désertiques. Elle est partagée entre le Kazakhstan au nord et l'Ouzbékistan au sud. Elle tire son nom du mot kazakh Aral qui signifie « île » en référence aux milliers d'îles qui la couvraient.
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+ Dans les années 1960, la mer d'Aral, encore alimentée par les puissants fleuves Amou-Daria et Syr-Daria, formait la quatrième plus vaste étendue lacustre du monde, avec une superficie de 66 458 km2. En 2000, cette superficie était divisée par deux. Cet assèchement, dû au détournement des deux fleuves pour produire du coton en masse, est une des plus importantes catastrophes environnementales du XXe siècle. En août 2005 s'est achevée la construction de la digue de Kokaral qui sépare la petite partie nord de la mer d'Aral au Kazakhstan, la Petite mer d'Aral, du reste de la dépression, la préservant ainsi de l'assèchement[7]. Depuis lors, la partie sud initialement appelée Grande Aral ne reçoit presque plus d'eau de surface ; en grande partie asséchée, elle est généralement divisée en trois lacs principaux : un profond bassin occidental, parfois relié à un bassin oriental peu profond et souvent à sec, et le petit lac de Barsakelmes.
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7
+ Six pays se partagent le bassin de la mer d’Aral : Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan, Turkménistan et Afghanistan. Alimenté par deux affluents principaux, l’Amou-Daria et le Syr-Daria, le bassin versant de ce lac d’eau salée compte 17 752 glaciers pour une superficie d’environ 1 549 000 km2[8].
8
+
9
+ Dans sa forme actuelle, la mer d'Aral est apparue il y a environ 10 000 ans. Auparavant, à l'époque glaciaire, une période particulièrement sèche, il n'y avait dans cette région que quelques marécages et étangs hypersalés[9], mis à part au plus fort des glaciations quaternaires lorsque les glaces de la mer de Kara bloquaient le cours de l'Ob et forçaient les eaux de la Sibérie occidentale à s'écouler vers la mer Caspienne en passant par le bassin de l'Aral[10]. Cela s'est produit pour la dernière fois il y a près de 90 000 ans et elle atteignait une taille de 100 000 km2[11].
10
+
11
+ Après la dernière glaciation, la mer d'Aral s'est formée lorsque le Syr-Daria a commencé à remplir une dépression creusée par l'érosion éolienne. Ces eaux auxquelles viennent bientôt s'ajouter celle de l'Amou-Daria ne sont donc pas encore salées et la faune aquatique provient d'abord de ces fleuves. Il y a 5000 ans, la mer d'Aral atteint sa plus grande extension, son niveau atteint l'altitude de 58-60 m et elle s'étend jusqu'au lac Sary Kamysh. Ses eaux s'écoulent alors dans la mer Caspienne par l'intermédiaire de l'Ouzboï ce qui permet sa colonisation par les poissons venus de la Caspienne[9]. Ce maximum est lié à un climat plus chaud et plus humide ; les fleuves ont alors un débit trois fois plus élevé qu'au début du XXe siècle et apportent alors 150 km3 d'eau par an[12].
12
+
13
+ Plus tard, le climat redevient plus sec et le niveau de la mer va varier en fonction des apports de l'Amou-Daria qui pouvait soit alimenter la mer d'Aral, soit s'orienter vers le lac Sary Kamysh et l'Ouzboï. Les reconstitutions paléogéographiques laissent penser que ce deuxième cheminement a été préféré entre -1800 et -1200 puis entre +100 et +500 et de 1200 à 1550 faisant pratiquement disparaître la mer d'Aral à ces périodes[12].
14
+
15
+ La mer d'Aral couvrait, au début des années 1960, une superficie de 66 458 km2 (soit plus de 2 fois la superficie de la Belgique) dont 2 345 km2 occupés par des îles. Longue de 428 km, large de 284 km, elle se localisait dans une des parties les plus basses de la dépression touranienne affaissée depuis la fin de l'ère tertiaire (pliocène supérieur) par les mouvements alpins qui ont affecté l'Asie moyenne. Située à + 52 m au-dessus du niveau moyen de la mer, la mer d'Aral est caractéristique de l'endoréisme de cette région du monde. C'était un espace lacustre peu profond (sur plus du tiers de sa superficie, la profondeur ne dépassant pas - 10 m). Toutefois, cette profondeur était dissymétrique, la partie occidentale de la mer d'Aral (en rebord du plateau d'Oust-Ourt) voyaient les fonds descendre jusqu'à - 68 m alors que moins de 10 % de ces derniers dépassaient les - 10 m dans la partie orientale[13].
16
+
17
+ Les rives de la mer d'Aral étaient variées même si elles présentaient, par leur caractère désertique, un point commun. La rive orientale était caractérisée par son relief sablonneux formé de basses crêtes longitudinales indentées par une série de longues baies étroites parsemées d'îlots. Elle s'opposait ainsi au littoral occidental, d'un profil rectiligne, dominé par de hautes falaises (hautes de 190 m pour les plus élevées) battues par les flots. La rive septentrionale correspondait à la limite sud du plateau argilo-sableux de Tourgaï, s'élevant jusqu'à 178 m au-dessus du rivage et découpé de baies profondes. Entre ses diverses parties, au nord-est et au sud, les vastes deltas du Syr-Daria et de l'Amou-Daria, prenaient l'aspect de vastes espaces plans qui progressaient rapidement grâce au déversement abondant des eaux limoneuses[13].
18
+
19
+ Les eaux de la mer d'Aral se caractérisaient par une grande limpidité et un bleu intense, elles étaient peu salées (10 à 11 ‰ de taux de salinité moyen, 14 ‰ au sud-est). Leur température suivaient le rythme des saisons en raison de la faible profondeur ; l'été, elles pouvaient atteindre 26 °C à 27 °C en surface (mais seulement 1 °C à 3 °C dans les fonds de la côte occidentale). L'hiver, les températures étant négatives, la mer était entièrement prise par les glaces, parfois jusqu'au début du mois de mai[13]. Les précipitations sont faibles dans cette région au climat aride (entre 130 et 140 mm/an en moyenne), l'évaporation est très élevée (de l'ordre de 1 000 mm/an) mais l'apport des deux grands fleuves tributaires permettait à la mer d'équilibrer son bilan hydrologique[14].
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+
21
+ La surface de la mer d'Aral était soumise à des oscillations de plus ou moins grande amplitude. Une variation quotidienne était provoquée par le phénomène des seiches à longue période et pouvait atteindre des amplitudes de 20 cm à 1 m relevées à la station "Mer d'Aral" située au nord-est de l'étendue lacustre. Toutefois, de violentes tempêtes pouvaient provoquer des oscillations bien supérieures, en 1902 fut relevée une montée des eaux de 2,1 m. Il faut également noter la présence épisodique d'un courant circulaire provoqué par la conjugaison du vent et de l'arrivée des eaux de l'Amou-Daria et du Syr-Daria[13].
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+
23
+ Le niveau des eaux a beaucoup varié au cours de l'histoire. Jusqu'au XVIe siècle, la mer d'Aral était reliée à la mer Caspienne par l'intermédiaire de l'Ouzboï et son niveau baissait car son principal fleuve tributaire, l'Amou-Daria, empruntant le cours de cet ancien cours d'eau, aujourd'hui à sec, allait déverser la majeure partie de ses eaux dans la grande mer intérieure. Le cours de l'Amou-Daria fut détourné voilà 400 ans (par les khans de Khiva car le fleuve charriait des sables aurifères) et ses eaux rejoignirent la mer d'Aral dont le niveau s'éleva. Une nouvelle baisse fut enregistrée entre 1850 et 1880, mais les eaux remontèrent de 3 m entre cette dernière date et 1960[13].
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25
+ Le bassin hydrographique de la mer d'Aral, correspondant essentiellement aux bassins de ces deux grands fleuves tributaires : l'Amou-Daria et le Syr-Daria, couvre une superficie de 1 549 000 km2 (549 000 km2 de terres cultivables dont 78 956 sont irriguées). S'étendant entre les longitudes 56° et 78° est, et les latitudes 33° et 52° nord, ce vaste territoire coïncide géographiquement avec presque toute la zone de l'Asie centrale et comprend la totalité du territoire du Tadjikistan, de l'Ouzbékistan, la majeure partie du Turkménistan, trois provinces du Kirghizistan (Och, Djalal-Abad, Naryn), deux régions ou oblys méridionales du Kazakhstan (Kyzylorda, Kazakhstan-Méridional), quelques contrées septentrionales de l'Iran et de l'Afghanistan[15].
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+ Dès 1918, les autorités de la République socialiste fédérative soviétique de Russie procédèrent au détournement de ses principaux affluents « afin d’irriguer des zones désertiques de l’Ouzbékistan pour y implanter des rizières et des champs de coton[16]. » Au début des années 1960, les économistes soviétiques décidèrent d’intensifier la culture du coton en Ouzbékistan et au Kazakhstan. Les fleuves Amou-Daria et Syr-Daria furent privés d'une partie de leurs eaux pour irriguer les cultures par plusieurs canaux dont celui de Karakoum. Ainsi à partir de 1960, entre 20 et 60 km3 d'eau douce furent détournés chaque année. Le manque d'apport en eau assécha alors peu à peu la mer dont le niveau baissait de 20 à 60 cm par an. Depuis 1971, une partie des eaux de l'Amou-Daria est orientée vers le Darjalyk, un ancien bras du fleuve menant vers le bassin du Sary Kamysh, un lac asséché qui a été ainsi reconstitué et plus récemment vers le lac de l'âge d'or.
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+ Depuis 1960, la mer d'Aral a perdu 75 % de sa surface, 14 mètres de profondeur et 90 % de son volume[17], ce qui a augmenté sa salinité et la plupart des espèces endémiques ont disparu[18]. Le nombre d'espèces de poissons est passé de 32 à 6[19]. On peut retrouver des épaves de bateaux sur l'ancien fond marin.
30
+
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+ La séparation entre la Petite mer au nord et la Grande mer au sud date de 1989. L'évolution a d'abord laissé présager la disparition totale de la seconde à l'horizon 2025, avant que des travaux d'aménagement ne soient opérés. En 2007, on constate que le niveau de la Petite mer d'Aral a remonté spectaculairement, plus vite que ne l'espéraient les experts chargés du dossier[7] et la pêche a repris depuis 2006[8].
32
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+ Sergueï Zavialov décèlerait un lien entre la hausse de la mer Caspienne et l’abaissement de la mer d’Aral[20]. Pour Chilo, académicien russe, ce sont les fonds des mers (Caspienne et Aral) qui seraient très friables... et un historien Bunyatov démontre que ce lac aurait déjà agonisé quatre fois au cours des siècles. Allant dans ce sens, des analyses contradictoires sur la mort programmée pour 2025 de la mer d’Aral ont été publiées récemment[21].
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+
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+ Les 28 espèces endémiques de la mer d’Aral ont disparu[réf. nécessaire]. Seule subsiste une espèce de raie importée et sélectionnée pour survivre à de tels taux de salinité. Sa survie à long terme n’est pas assurée, même dans la Petite mer. Les quantités gigantesques de pesticides qui, jadis, étaient charriées par les deux fleuves tributaires de la mer et se sont déposées au fond du bassin de l’Aral ainsi que le sel laissé par les eaux se retirant, se sont retrouvées, au fur et à mesure que l’évaporation progressait, à l’air libre en raison des vents violents. Ils ont provoqué une forte hausse du taux de mortalité infantile (parmi les plus élevés du monde aujourd'hui), une augmentation du nombre des cancers et des cas d’anémies, ainsi que le développement d'autres maladies respiratoires directement reliés à l’exposition à des produits chimiques, phénomènes confirmés par des études de l’OMS.
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+
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+ Pour empêcher cet assèchement total, de multiples projets ont été évoqués :
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+ La construction du barrage de Kokaral, au sud de l’embouchure du fleuve Syr-Daria fut un premier succès. En effet ce barrage permit de barrer le détroit entre la Petite mer, aussi appelée Maloïé, ancienne mer bordière au nord de la mer d´Aral avant son assèchement, et la Grande mer (Bolchoïé, ce qui reste du sud de la grande mer).
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+ Avant la construction du barrage de Kokaral, le maire de la ville d'Aralsk, Alachibaï Baïmirzaev avait décidé de faire construire en 1995 une digue de vingt-deux kilomètres constituée de sable et de roseaux. Achevée en 1996, elle permit immédiatement d'éviter que les eaux du fleuve ne se perdent dans le delta entre la Petite et la Grande mer d´Aral afin de faire remonter le niveau de la Petite mer. La vie renaquit autour de la mer, qui augmenta en volume et avança de plusieurs kilomètres; des roseaux, des renards, des rongeurs, des oiseaux ainsi que quelques espèces de poisson commencèrent à repeupler le bassin de la Petite mer. Malheureusement, une tempête violente détruisit cette digue fragile en 1999. Une partie de ce qui avait été gagné en volume et en superficie fut à nouveau perdu.
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+
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+ La Banque mondiale a décidé de financer la construction de la digue en béton de Kokaral ainsi qu’une série de digues secondaires en vue d’éliminer l’excès de sel par des déversoirs et de faire remonter le niveau de l’eau. Ce projet controversé, dont les travaux ont débuté en 2003, a permis à la Petite mer de regagner environ 500 km² de superficie, mais il risque également de condamner la Grande mer par un assèchement encore plus rapide, même si une vanne située au-dessus du barrage prévoit de déverser le surplus en eau dans la Grande mer d´Aral, située pour une part importante en Ouzbékistan. Ce barrage permettant à la vie de revenir dans la Petite mer est une pomme de discorde entre le Kazakhstan bénéficiaire et l'Ouzbékistan qui pourtant, avec le Turkménistan, détourne la quasi totalité des eaux de l'Amou-Daria en détruisant ainsi toute vie dans la Grande mer.
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+ Le président Noursoultan Nazarbaïev fait apparaître un semblant d´espoir de renaissance de la mer d´Aral au Kazakhstan. Il a en effet pour projet de rehausser le niveau de la petite mer, grâce à la construction du barrage de Kokaral1, permettant ainsi à l'industrie de la pêche de retrouver son ancien niveau et à la ville d'Aralsk de redevenir un port plus ou moins important. Ce projet estimé à 120 millions de dollars (98 millions d'euros) serait financé principalement par les revenus du pétrole du Kazakhstan, il prévoit également le creusement d’un canal de jonction entre les deux bassins et la construction de nouvelles structures pour exploiter l’énergie hydroélectrique.
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+ Cette digue en béton construite dans la partie nord de l'ancienne mer d'Aral, à l'est de l'île de Kokaral, mesure 13 km de long pour une hauteur de 10 m à une altitude de + 42 m.
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+ Selon structurae.info3 le barrage digue a été construit uniquement avec du béton en 2005, depuis le niveau de la Petite Aral a augmenté d´au moins 12 mètres passant de moins de 30 mètres à 42 mètres en 2009. Alors que les spécialistes de la Banque mondiale avaient prévu que l’eau ne remonterait pas avant trois ans – d’autres hydrologues pensaient même que la mer d’Aral serait irrémédiablement perdue – la petite mer avait déjà regagné 30 % de sa superficie, ce qui représentait plus de 10 milliards de mètres cubes d’eau. Cependant, d´après certains responsables kazakhs, il vaudrait mieux ne pas se réjouir trop tôt car la solution finale n´a pas encore été apportée.
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+ L’Ouzbékistan a planté 27 000 hectares de saxaoul (arbuste), qui produisent 167 000 tonnes d’oxygène en absorbant 230 000 tonnes de CO2[24], ce qui est équivalent à 4 minutes de la production de CO2 mondial. Commencé dans les années 1980, ce programme n’a pu reprendre qu’en 2008, faute de financement. Ces plantes ne sont pas seulement une aide contre l’érosion, elles jouent également un autre rôle essentiel : selon le professeur Zinovi Novitsk, elles permettent de réduire l’effet de serre. Mais parallèlement à ce type de projet, l’Ouzbékistan reste le 2e exportateur mondial de coton en 2011 – 2 millions d’hectares de cette plante y sont encore cultivés – ; or l’irrigation reste incontrôlée puisque le coton est une culture qui demande beaucoup d’eau, accentuant ainsi les phénomènes naturels d’assèchement[25].
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+ Le Turkménistan préfère utiliser les eaux de l'Amou Daria pour l'irrigation, ainsi que le remplissage du lac de l'âge d'or (ou lac de Karakum) et du lac Sary Kamysh, deux lacs plus petits et en pleine expansion qui d'une certaine manière tendraient à remplacer la Grande Aral, plus difficile à alimenter parce que plus grande et que les eaux s'infiltrent et se perdent dans les sables du désert.
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+ L’Ouzbékistan préfère toujours utiliser les eaux de l'Amou Daria pour l'irrigation, ainsi son débit à l'entrée de ce qui reste de la mer, est très faible, voire nul.
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+ La grande mer d'Aral, qui fournissait autrefois des dizaines de milliers de tonnes de poissons par an, a très peu de chances de revoir le jour à cause de questions de salinité et de la pollution aiguë par les pesticides et parce que le détournement de rivières sibérienne n'est plus d'actualité. Par contre, la petite mer d'Aral pourrait se renaturer (si les gouvernements du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan agissent de concert et durablement). Cette zone a résisté à l'assèchement et le rehaussement du barrage de Kok-Aral ainsi que la construction de nouvelles digues pourrait porter le niveau de cette petite mer à 50 mètres (projet de 86 millions de dollars financé par la Banque mondiale).
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+ En 2018 la navigation et même la pêche ont déjà repris au port d'Aralsk. Les experts préviennent cependant que la surpêche pourrait défaire ce début de restauration[26]. Un collecteur, pour éviter l'évaporation et les pertes dans le sable, pourrait amener l'eau provenant du barrage de Kok-Aral vers le bassin ouest de la mer d'Aral, le plus profond et qui pourrait aussi être sauvé.
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+ En 1948, un laboratoire d'armes biologiques top-secret a été établi sur l'île de Vozrojdénia située au centre de la mer d'Aral qui est maintenant disputée entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. L'histoire exacte, les fonctions et le statut actuel de ce centre n'ont pas encore été divulgués. La base a été abandonnée à la suite de la désintégration de l'URSS. Les expéditions scientifiques ont prouvé que cela avait été un site de production, d'essai et, plus tard, de fabrication d'armes pathogènes. En 2002, à travers un projet organisé par les États-Unis et avec l'assistance de l'Ouzbékistan, 10 sites d'enfouissement d'anthrax ont été décontaminés. D'après le Kazakh Scientific Center for Quarantine and Zoonotic Infections, tous les sites d'enfouissement ont été décontaminés[27].
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+ Moynaq (2013)
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+ Les falaises du plateau d'Oust-Ourt sur la rive ouest
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+ Le port d'Aralsk en 2003
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+ Une digue à Moynaq (2004)
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+ La mer de Barents (ou plus rarement de Barentz ou de Barentsz) est une mer de l'océan Arctique située au nord de la Norvège (Finnmark) et de la Russie occidentale (oblast de Mourmansk et district autonome de Nénétsie). Elle s'étend jusqu'au Spitzberg au nord-ouest et à la terre François-Joseph au nord-nord-est, tandis qu'elle est limitée à l'est par la Nouvelle-Zemble.
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+ Elle est nommée d'après le navigateur néerlandais Willem Barents. Elle est constituée d'un plateau assez peu profond (avec une profondeur de 230 m en moyenne), délimitée par la mer de Norvège à l'ouest, l'archipel norvégien de Svalbard au nord-ouest, l'archipel François-Joseph au nord-nord-est et la Nouvelle-Zemble à l'est.
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+ Au sud de la mer de Barents se trouvent les ports de Mourmansk (Russie) et de Vardø (Norvège), qui restent libres de glace durant toute l'année grâce à la dérive nord-atlantique relativement chaude, ce qui en a fait des emplacements stratégiques pour les marines nationales. La mer entière est plus ou moins complètement libre de glace en septembre. Le territoire de la Finlande s'étendait jusqu'à la côte de la mer jusqu'à la guerre d'Hiver ; le port de Petsamo était alors le seul port finlandais libre de glace pendant l'hiver.
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+ L'Organisation hydrographique internationale définit les limites de la mer de Barents de la façon suivante[1] :
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+ Il y a trois types principaux de masses d'eau dans la mer de Barents : de l'eau chaude et saline de l'océan Atlantique (température > 3 °C, salinité > 35 g kg−1) de la dérive nord-atlantique, de l'eau froid arctique (température < 0 °C, salinité < 35 g kg−1), et de l'eau chaude des côtes, pas très saline (température > 3 °C, salinité < 34,7 g kg−1). Il existe un front où les eaux atlantiques et arctiques convergent, le front polaire (en). Dans l'ouest de la mer (près de l'Île aux Ours), ce front est déterminé par la topographie du fond et est par conséquent assez stable d'année en année, tandis qu'à l'est (près de la Nouvelle-Zemble), il peut être assez diffus et change de position toutes les années.
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+ La mer a une biologie très active comparée aux mers d'une latitude similaire due à la dérive nord-atlantique. L'explosion printanière du phytoplancton peut commencer assez tôt près du début de la débâcle de la glace parce que l'eau de la glace en train de fondre crée une couche stable d'eau fraîche au-dessus de l'eau de mer saline. Le phytoplancton est mangé par le zooplancton (Calanus finmarchicus, Calanus glacialis (nl), Calanus hyperboreus (nl), Oithona), et par le krill. Le zooplancton est à son tour mangé par la morue atlantique, la morue polaire, le capelan, les baleines, et le mergule nain. Le capelin en particulier est très important car proie de la morue, du phoque du Groenland, et des oiseaux de mer comme le guillemot de Troïl, le guillemot de Brünnich. La pêcherie de la mer de Barents, en particulier celle de la morue, est très importante pour la Norvège et la Russie.
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+ Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la mer de Barents a été le théâtre de nombreuses opérations navales. Parmi les différents affrontements s'y étant déroulés, on trouve la bataille de la mer de Barents à la fin de l'année 1942 qui met aux prises la Royal Navy à la Kriegsmarine.
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+
17
+ Pendant la guerre froide, la Flotte du Nord de la marine soviétique utilisa le Sud de la mer comme bastion naval de ses sous-marins à missiles, une stratégie que le gouvernement russe continue. La contamination de la mer de Barents par des déchets nucléaires provenant des réacteurs nucléaires de la marine russe est un problème écologique préoccupant.
18
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19
+ Ce problème est décuplé par les difficultés économiques de l'État russe depuis la chute de l'URSS qui rendent insuffisant l'entretien des navires et sous-marins comme semblent l'indiquer les accidents et naufrages des années 2000 :
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+
21
+ La recherche de pétrole dans la mer commença dans les années 1970. Des découvertes de gisements furent faites des côtés russe et norvégien. Le premier à entrer en production fut celui de Snøhvit en territoire norvégien. Le plus grand est celui de Chtokman, qui appartient aux Russes. Au printemps 2010 et début 2011, la société pétrolière norvégienne Statoil a annoncé d'importantes découvertes de pétrole dans les champs de Skrugard et de Havis (entre 200 et 300 millions de barils pour chacun d'eux) situés à environ 200 kilomètres des côtes septentrionales de la Norvège[2].
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+ La frontière entre la Norvège et la Russie concernant le plateau continental était disputée, les Norvégiens préférant la ligne médiane et les Russes un secteur basé sur les méridiens. Un traité a finalement été conclu en 2010 entre les deux pays précisant leur frontière maritime[3]. Il partage équitablement une zone de 175 000 km2[4].
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+ Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références »
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+ En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment ajouter mes sources ?
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+ L’armée de terre, la force terrestre, les forces terrestres — ou en simplifiant[a] par application d’une tradition linguistique dans certains pays l’armée[b] — est une des composantes des forces armées d'un État, combattant principalement au sol. Les forces terrestres peuvent être transportées dans les airs, comme cela peut être le cas des troupes aéroportées selon les circonstances, ou bien sur des bateaux, en prévision d'un débarquement ou d'un transbordement par exemple.
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+ Les forces terrestres ont constitué généralement, dans les organisations sociales les plus anciennes, la première force armée créée. D'ailleurs encore aujourd'hui, « armée de terre » et « armée » — d’une nation — font souvent l'objet de confusion. Rapidement, les puissances de l'Antiquité se sont également dotées de marines de guerre.
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+ L'infanterie a constitué jusqu'à la mécanisation des armées au début du XXe siècle la principale force de combat des armées.
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+ On distingue dans les armées professionnelles trois types d'armes (ou services), les armes de mêlée au contact direct avec l'ennemi (infanterie, cavalerie), d'appui soutenant le combat (artillerie, génie militaire) et de soutien (service de santé, transmissions, logistique militaire).
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15
+ Depuis la Première Guerre mondiale, et avec l'industrialisation de l'armement, les armées de terre ont été conduites à acheter et stocker de grandes quantités de matériel lourd, véhicules et munitions.
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+ Se posent donc les questions du démantèlement en fin de vie et du devenir des déchets militaires issus de ce démantèlement pour l'environnement[1].
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+ Les enjeux financiers et quantitatifs sont importants. À titre d'exemple, l’Armée de terre française avait déjà en 2008 un stock de plus de 250 000 matériels et équipements désaffectés (soit 28 250 tonnes en tout), surtout constitué de 5 735 véhicules non blindés (17 891 tonnes), de 236 blindés (5 665 tonnes) et de 5 093 matériels du génie (3 875 tonnes). En outre, de 10 000 à 12 000 tonnes de matériels supplémentaires sont sorties du service chaque année entre 2008 et 2015, soit 90 000 tonnes au total, ce qui nécessite des capacités de stockage tampon aux normes « ICPE[1] ».
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+ La revente des métaux au cours de 2008 correspond, pour environ 25 000 tonnes d’acier recyclable et 5 000 tonnes d’aluminium, à environ 50 millions d'euros. Si le cours des métaux est élevé, cette somme peut rembourser et dépasser les frais de dépollution, démantèlement et traitement des déchets ultimes[1].
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+ La mer des Caraïbes ou mer des Antilles est une mer de l'océan Atlantique, située à l'est de l'Amérique centrale et au sud des Grandes Antilles. Elle s'étend sur environ 2 415 km d'est en ouest et en moyenne deux fois moins du nord au sud et couvre une superficie de 2 640 002 km2.
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+ Le nom de cette mer trouve son origine dans celui des Caraïbes, un peuple qui habitait cette région jusqu'à l'arrivée des Espagnols au XVe siècle.
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+ L'Organisation hydrographique internationale définit les limites de la mer des Caraïbes de la façon suivante[1] :
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+ Une ligne joignant le phare du cap Catoche (21° 36′ 18″ N, 87° 06′ 12″ O) sur la côte nord-est du Yucatán, au Mexique, au phare du cap San Antonio (21° 52′ 02″ N, 84° 57′ 04″ O), à l’extrémité ouest de Cuba ;
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+ de là vers l'est, le long de la côte sud de Cuba, à la punta Caleta (20° 03′ 59″ N, 74° 17′ 48″ O) sur la côte sud-est de cette île ;
11
+ de là, une ligne reliant la punta Caleta jusqu'à la pointe la Perle (19° 40′ 02″ N, 73° 26′ 16″ O), sur la côte nord-ouest d'Haïti ;
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+ de là, de la pointe la Perle vers le sud et vers l'est, le long de la côte sud d'Haïti et de la République dominicaine, jusqu'au cabo Engaño (18° 37′ 00″ N, 68° 19′ 30,72″ O), à l'extrémité orientale de la République dominicaine;
13
+ de là, une ligne reliant le cabo Engaño vers l'est jusqu'à la punta Agujereada (18° 30′ 29″ N, 67° 08′ 15″ O) sur la côte nord de Porto Rico.
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+ Depuis la cabeza Chiquita (18° 22′ 50″ N, 65° 38′ 39″ O) (Puerto Rico) vers le nord, le long du méridien de ce cap jusqu'à la ligne des fonds de 100 brasses (183 m) ; de là vers l'est puis vers le sud, de telle façon que toutes les îles, hauts-fonds, détroits et chenaux des Petites Antilles soient inclus dans la mer des Caraïbes jusqu'à la pointe Galera (10° 50′ 05″ N, 60° 54′ 32″ O), l'extrémité nord-est de l'île de la Trinité. Depuis la pointe Galera à travers Trinité jusqu'à la pointe Galeota (10° 08′ 10,74″ N, 60° 59′ 29″ O), à son extrémité sud-est ; et de là une ligne reliant la pointe Galeota vers le sud jusqu'à la punta Baja (9° 30′ 07″ N, 60° 57′ 54″ O), sur la côte orientale du Venezuela.
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+ De la punta Baja, au Venezuela, vers l'ouest et vers le nord, le long de la côte nord de l'Amérique du Sud et la côte orientale de l'Amérique centrale, jusqu'au phare du cap Catoche (21° 36′ 18″ N, 87° 06′ 12″ O), sur la côte nord-est du Yucatán, au Mexique.
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+ Les principaux États ou îles qui bordent la mer des Caraïbes sont :
20
+
21
+ Cette mer communique au nord-ouest avec le golfe du Mexique par le canal du Yucatán, et avec l'océan Atlantique par le passage du Vent et le canal de la Mona au nord, directement avec cet océan à l'est et au-delà des îles des Petites Antilles les plus orientales, enfin par le Columbus Channel au sud-est. Elle communique aussi artificiellement avec l'océan Pacifique par le canal de Panama. Le passage du Vent — nom donné à la zone située entre Cuba et Haïti — est une importante route maritime entre les États-Unis et le canal.
22
+
23
+ Sa profondeur maximale est de 7 686 mètres au niveau de la fosse des Caïmans.
24
+
25
+ Les populations des Caraïbes entretiennent des relations privilégiées avec la mer des Caraïbes, qui constitue leur héritage commun, et partagent un intérêt particulier à la voir déclarée Zone Spéciale dans le contexte du Développement du Tourisme durable de l'Organisation des Nations unies (ONU).
26
+
27
+ Afin de prévenir les conséquences dévastatrices sur l'environnement côtier et marin d'un éventuel accident ou acte terroriste impliquant un chargement de matières nucléaires, les États membres de l'Association des États de la Caraïbe (AEC) se sont toujours opposés de façon véhémente au passage de chargements de déchets nucléaires par la route Canal de Panama-Mer des Caraïbes.
28
+
29
+ Ces chargements ne représentent pas la seule menace qui pourrait affecter la mer des Caraïbes, l'une des principales voies navigables du monde. Elle est traversée chaque année par environ 63 000 bateaux, qui génèrent près de 82 000 tonnes d'ordures. En outre, environ 1 500 bateaux de pêche circulent dans la région. Les rejets des populations sur la terre ferme, un développement touristique intensif et d'importants chargements de pétrole constituent également des risques pour l'environnement.
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+ Le 12 décembre 2001, les chefs d’État et/ou de gouvernement des pays de l'AEC, réunis sur l'île de Margarita (Venezuela), ont adopté la Déclaration de Margarita[2], « reconnaissant la mer des Caraïbes comme patrimoine commun de la région, et comme un actif inestimable », dans le but de « consolider une identité caribéenne propre ». Ils se sont engagés « à convertir la région de la Grande Caraïbe en zone de coopération », qui « consistera tout d’abord en des actions conjointes dans les domaines établis comme priorités par l’AEC, à savoir le commerce, le tourisme durable, les transports et les catastrophes naturelles ».
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+ La mer des Caraïbes ou mer des Antilles est une mer de l'océan Atlantique, située à l'est de l'Amérique centrale et au sud des Grandes Antilles. Elle s'étend sur environ 2 415 km d'est en ouest et en moyenne deux fois moins du nord au sud et couvre une superficie de 2 640 002 km2.
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+ Le nom de cette mer trouve son origine dans celui des Caraïbes, un peuple qui habitait cette région jusqu'à l'arrivée des Espagnols au XVe siècle.
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7
+ L'Organisation hydrographique internationale définit les limites de la mer des Caraïbes de la façon suivante[1] :
8
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9
+ Une ligne joignant le phare du cap Catoche (21° 36′ 18″ N, 87° 06′ 12″ O) sur la côte nord-est du Yucatán, au Mexique, au phare du cap San Antonio (21° 52′ 02″ N, 84° 57′ 04″ O), à l’extrémité ouest de Cuba ;
10
+ de là vers l'est, le long de la côte sud de Cuba, à la punta Caleta (20° 03′ 59″ N, 74° 17′ 48″ O) sur la côte sud-est de cette île ;
11
+ de là, une ligne reliant la punta Caleta jusqu'à la pointe la Perle (19° 40′ 02″ N, 73° 26′ 16″ O), sur la côte nord-ouest d'Haïti ;
12
+ de là, de la pointe la Perle vers le sud et vers l'est, le long de la côte sud d'Haïti et de la République dominicaine, jusqu'au cabo Engaño (18° 37′ 00″ N, 68° 19′ 30,72″ O), à l'extrémité orientale de la République dominicaine;
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+ de là, une ligne reliant le cabo Engaño vers l'est jusqu'à la punta Agujereada (18° 30′ 29″ N, 67° 08′ 15″ O) sur la côte nord de Porto Rico.
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+ Depuis la cabeza Chiquita (18° 22′ 50″ N, 65° 38′ 39″ O) (Puerto Rico) vers le nord, le long du méridien de ce cap jusqu'à la ligne des fonds de 100 brasses (183 m) ; de là vers l'est puis vers le sud, de telle façon que toutes les îles, hauts-fonds, détroits et chenaux des Petites Antilles soient inclus dans la mer des Caraïbes jusqu'à la pointe Galera (10° 50′ 05″ N, 60° 54′ 32″ O), l'extrémité nord-est de l'île de la Trinité. Depuis la pointe Galera à travers Trinité jusqu'à la pointe Galeota (10° 08′ 10,74″ N, 60° 59′ 29″ O), à son extrémité sud-est ; et de là une ligne reliant la pointe Galeota vers le sud jusqu'à la punta Baja (9° 30′ 07″ N, 60° 57′ 54″ O), sur la côte orientale du Venezuela.
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+ De la punta Baja, au Venezuela, vers l'ouest et vers le nord, le long de la côte nord de l'Amérique du Sud et la côte orientale de l'Amérique centrale, jusqu'au phare du cap Catoche (21° 36′ 18″ N, 87° 06′ 12″ O), sur la côte nord-est du Yucatán, au Mexique.
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+ Les principaux États ou îles qui bordent la mer des Caraïbes sont :
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+ Cette mer communique au nord-ouest avec le golfe du Mexique par le canal du Yucatán, et avec l'océan Atlantique par le passage du Vent et le canal de la Mona au nord, directement avec cet océan à l'est et au-delà des îles des Petites Antilles les plus orientales, enfin par le Columbus Channel au sud-est. Elle communique aussi artificiellement avec l'océan Pacifique par le canal de Panama. Le passage du Vent — nom donné à la zone située entre Cuba et Haïti — est une importante route maritime entre les États-Unis et le canal.
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+
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+ Sa profondeur maximale est de 7 686 mètres au niveau de la fosse des Caïmans.
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+ Les populations des Caraïbes entretiennent des relations privilégiées avec la mer des Caraïbes, qui constitue leur héritage commun, et partagent un intérêt particulier à la voir déclarée Zone Spéciale dans le contexte du Développement du Tourisme durable de l'Organisation des Nations unies (ONU).
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+
27
+ Afin de prévenir les conséquences dévastatrices sur l'environnement côtier et marin d'un éventuel accident ou acte terroriste impliquant un chargement de matières nucléaires, les États membres de l'Association des États de la Caraïbe (AEC) se sont toujours opposés de façon véhémente au passage de chargements de déchets nucléaires par la route Canal de Panama-Mer des Caraïbes.
28
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29
+ Ces chargements ne représentent pas la seule menace qui pourrait affecter la mer des Caraïbes, l'une des principales voies navigables du monde. Elle est traversée chaque année par environ 63 000 bateaux, qui génèrent près de 82 000 tonnes d'ordures. En outre, environ 1 500 bateaux de pêche circulent dans la région. Les rejets des populations sur la terre ferme, un développement touristique intensif et d'importants chargements de pétrole constituent également des risques pour l'environnement.
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+ Le 12 décembre 2001, les chefs d’État et/ou de gouvernement des pays de l'AEC, réunis sur l'île de Margarita (Venezuela), ont adopté la Déclaration de Margarita[2], « reconnaissant la mer des Caraïbes comme patrimoine commun de la région, et comme un actif inestimable », dans le but de « consolider une identité caribéenne propre ». Ils se sont engagés « à convertir la région de la Grande Caraïbe en zone de coopération », qui « consistera tout d’abord en des actions conjointes dans les domaines établis comme priorités par l’AEC, à savoir le commerce, le tourisme durable, les transports et les catastrophes naturelles ».
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+ La mer du Nord est une mer épicontinentale de l'océan Atlantique, située au nord-ouest de l'Europe, et qui s'étend sur une superficie d'environ 575 000 km2.
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+ Les pays qui bordent la mer du Nord sont le Royaume-Uni (île de Grande-Bretagne) à l'ouest ; les îles Shetland et Orcades au nord-ouest ; la Norvège au nord-est; le Danemark à l'est ; l'Allemagne au sud-est ; enfin les Pays-Bas, et la Belgique au sud. Elle communique avec la Manche par le pas de Calais au sud-sud-ouest ; avec l'océan Atlantique au nord-ouest et la mer de Norvège au nord ; avec le Skagerrak à l'est. Le canal de Kiel permet aux navires de rejoindre la mer Baltique.
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+ Elle constitue une zone de fort transit maritime, d'exploitation pétrolière et de pêche. La mer du Nord et son littoral forment un milieu naturel très riche, mais la pollution marine, la surpêche, l'industrie pétrolière (plates-formes offshore) et le tourisme sont sources de menaces pour l'avenir. Elle est en aval du centre de l'Europe industrielle, de l'estuaire du Rhin aux fjords norvégiens et aux falaises du nord de la Grande-Bretagne. Le secteur Manche/Sud-mer du Nord, incluant le pas de Calais est considéré comme représentatif de mers mégatidales peu profondes, caractérisées par un fort courant et une eau très turbide (en raison des courants et phénomènes de renversement de marées), ce qui en fait une zone écologiquement particulière, mais également vulnérable au risque maritime en raison d'un intense trafic maritime (marchand et passager).
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+ L'Organisation hydrographique internationale définit les limites de la mer du Nord de la façon suivante :
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+ Au nord, elles sont déchiquetées, récemment dépouillées par des glaciers des périodes glaciaires ; les montagnes norvégiennes plongent en mer, donnant naissance, au nord de Stavanger à des fjords profonds et à archipels aux multiples îles et îlots. Au sud, elles sont plus douces : recouvertes des débris glaciaires déposés ou directement par la glace ou redéposés par la mer.
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+ Au sud de Stavanger, le trait de côte et son relief s'adoucissent, alors que les îles deviennent moins nombreuses. La côte écossaise orientale présente encore une allure déchirée, mais moins marquée qu'en Norvège. À partir de la « tête de Flamborough » (Flamborough Head), dans le Nord-Est de l'Angleterre les falaises s'amenuisent et leur matériau (de moraine souvent), moins résistant, s'érode plus facilement, donnant des formes plus arrondies. En Hollande, en Belgique et dans l'Est de l'Angleterre (East Anglia) le littoral devient bas et localement marécageux (avec zones de polders), et les estuaires s'élargissent. Les côtes est et sud-est de la mer du Nord (la mer des Wadden) sont principalement sablonneuses et rectilignes, notamment en Belgique et au Danemark.
14
+
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+ La mer du Nord repose en grande partie sur le plateau continental et possède donc peu de zones profondes de plus de 100 m. Toutefois, vers le nord, à partir de la latitude 53°24", d'une manière générale, le fond de la mer du Nord descend irrégulièrement. Vers le sud, il s'incline vers le pas de Calais.
16
+
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+ Les profondeurs rencontrées dans sa partie méridionale sont de l'ordre de 40 m. Ce secteur est composé de nombreux hauts-fonds ou bancs probablement des ères glaciaires mouvant au gré des fortes marées. Ceux-ci représentent d'importants dangers maritimes.<
18
+
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+ À l'est de la Grande-Bretagne, le vaste plateau morainique du Dogger Bank s'élève jusqu'à -15 à -30 m, formant ainsi une région très poissonneuse[2].
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+ Les plus grandes profondeurs se trouvent dans la fosse norvégienne qui longe la côte norvégienne de la mer de Norvège jusqu'à Oslo. Large de 25 à 35 km, elle est profonde de 300 m environ au large de Bergen, et atteint jusqu'à 700 m dans le Skagerrak[3].
22
+
23
+ On trouve aussi des grandes profondeurs dans la partie occidentale de la mer du Nord, comme le trou du diable[4] (Devil's Hole) au large d'Édimbourg, jusqu'à plus de 460 m ; ou quelques tranchées au large de la baie The Wash. Ces couloirs pourraient avoir été formés par les cours d'eau pendant la dernière glaciation. En effet, à cette époque de glaciation, le niveau de la mer du Nord se trouvait plus bas que le niveau actuel (régression). Les fleuves auraient alors érodé certaines parties alors découvertes que la mer recouvre aujourd'hui (transgression). Ce qui est le plus probable est qu'ils soient des restes de vallées tunnels maintenues ouvertes par les courants de marée.
24
+
25
+ Du carbone s'y est accumulé sous forme de craie, mais aussi d'hydrocarbures ; notamment dans des schistes et charbons profonds situés sous le gisement. Ces hydrocarbures se sont probablement formés à partir de sédiments qui se sont accumulés au Jurassique moyen et au supérieur[5].
26
+
27
+ Lors de la formation du rift de la mer du nord, et du graben central de la mer du Nord (Graben inversé, propice à la formation de pétrole et gaz), alors que le fond marin s'enfonçait, ces hydrocarbures ont été peu à peu piégés par des schistes du Jurassique supérieur et des marnes du Crétacé inférieur[5]. Ils sont aujourd'hui exploités par des forages profonds.
28
+
29
+ La mer du Nord est encore en cours d'ouverture. Elle possède un petit rift et est sismiquement active (assez fortement au nord, sur la côte occidentale de la Norvège[6]). Elle l'est plus que les zones continentales qui l'entourent, sans toutefois pouvoir être comparée aux fonds marins islandais, japonais ou indonésien très actifs.
30
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31
+ Un réseau de sismographes à courte-période a été déployé sur les côtes d’Écosse et de Norvège (fin des années 1960 et début des années 1970). Il a mis en évidence une activité sismique, non-uniforme en mer du Nord. Cette activité a fait l'objet d'une surveillance approfondie durant 10 ans[7]. Des séismes « petits à modérés sont relativement fréquents dans la mer du Nord, par comparaison avec les terres émergées adjacentes. De plus, quelques rares tremblements de terre plus importants sont documentés (avec pour les plus récents les événements de Colchester en 1884 et du Dogger Bank en 1931) ». Les données disponibles suggèrent « que quelques tremblements de terre peuvent dans cette région être d'une ampleur suffisante pour susciter l'intérêt des ingénieurs[8]. » impliqués dans les activités offshore et portuaires. Des vibrations importantes sont perçues sur les plates-formes offshore[7] et plusieurs séismes petits ou moyens sont enregistrés chaque année en mer du Nord.
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+
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+ Un tremblement de terre de 6,1 sur l'échelle de Richter a eu lieu en 1931 sur la zone du « Dogger Bank » (voir Dogger Bank earthquake).
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+ Le graben central, exploité pour ses ressources gazières et en hydrocarbures légers (condensats de gaz naturel), est traversé par une série de failles perpendiculaires. C'est là qu'est situé la plate-forme de forage offshore du champ d'hydrocarbures d'Elgin-Franklin dont le puits G4 d'Elgin foré « à 4 000 mètres de profondeur » (ou plus de 5 530 mètres selon le Schéma du puits publié par Total[9]) a fui en 2012.
36
+
37
+ Des variations de pressions et de tensions sur la lithosphère sont induites par la déglaciation et le rebond induit. Ce sont des sources de stress locaux pour les structures géologiques (flexion lithosphérique). On observe ainsi une pression horizontale sur le côte ouest du Viking Graben et une dépression horizontale sur le côté est[10].
38
+
39
+ Le risque sismique pour les installations offshore a été évalué au Royaume-Uni via dix ans de « surveillance séismologique de la mer du Nord » (de 1979 à 1989) réalisé par le British Geological Survey[7], en lien avec le Bergen Seismological Observatory[7]. Cette surveillance visait :
40
+
41
+ Sur la base des données historiques, de relevés sismiques[6] et d'un catalogue[11] récent et fiable des séismes en mer du Nord, l'étude faite pour le HSE (Health and safety executive) a conclu que des séismes de magnitude 4,1 à 4,4 sur l'échelle de Richter ont une probabilité annuelle d'occurrence de 0,7 en mer du Nord[7].
42
+
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+ De plus, la fonte rapide de la calotte polaire nord, et la montée de la mer pourraient par le jeu de rééquilibrages isostatiques et eustatiques réveiller des failles depuis longtemps inactives. Une étude récente (1999-2000)[12] ayant porté sur une « faille inverse » située dans le Nord de la mer du Nord (faille normale et restée longtemps inactive) montre que ce phénomène est actif. Cette étude a combiné des images sismiques détaillées à des mesures (in situ) de pression et de contraintes. Les auteurs concluent de leur analyse des données que cette faille est en cours de réactivation, pour trois raisons qui additionnent leurs effets :
44
+
45
+ Ces trois facteurs réunis, ont permis une reprise du glissement le long de la faille, et d’autre part une fuite de gaz le long de la section de faille, qui délimitait la faille et assurait l’étanchéité du réservoir.
46
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+ Les auteurs affirment que l'accumulation de colonnes de gaz (CO2 par exemple) dans le voisinage de failles tectoniques peut contribuer à les remettre en mouvement.
48
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+ Les eaux de la mer du Nord sont différentes des autres. Un système complexe de marées et de courants apporte les eaux riches de l'Atlantique par la Manche en créant des milieux variés qui nourrissent une grande diversité d'animaux. Trente espèces de cétacés y vivent, ainsi que six espèces de phoques dont deux se reproduisent sur ses côtes, le phoque gris et le veau marin.
50
+
51
+ Plus de 170 espèces de poissons, dont des requins, l'aiglefin, la morue, le maquereau, le hareng, le lançon et le sprat fréquentent les eaux grises[Quoi ?] de la mer du Nord. Les raies, les poissons plats, les anguilles et la baudroie sont tapis sur le fond.
52
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+ Les fonds abritent également des myriades d'invertébrés tels que homards, éponges, oursins, crabes et poulpes. Sur les hauts fonds, les forêts de varech abritent balanes et moules.
54
+
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+ Les écosystèmes de cette zone, notamment suivi par OSPAR montrent des signes de fortes transformations liées aux pressions de pêche, aux apports terrigènes en nutriments, au réchauffement climatique et à des phénomènes cycliques tels que l'oscillation nord-atlantique, variation climatique périodique naturelle à grande échelle spatiale mesurée par l'indice NAO qui semble par exemple bien corrélé aux variations périodiques de certaines communautés de microalgues en zone côtière belge (S.-E. de la mer du Nord)[13].
56
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57
+ En 1958, des géologues ont découvert un gisement de gaz naturel dans Slochteren dans la province néerlandaise de Groningue et il était soupçonné qu'un plus grand nombre de domaines gisaient sous la mer du Nord. Toutefois, à ce stade, les droits à l'exploitation des ressources naturelles sur la haute mer étaient encore en litige.
58
+
59
+ Un test de forage a débuté en 1966 et, en 1969, Phillips Petroleum Company (en:Phillips Petroleum Company) a découvert le gisement pétrolier Ekofisk (devenu norvégien), qui à ce moment-là était un des 20 plus importants au monde et s'est avéré être précieux par la faible teneur en soufre de son pétrole. L'exploitation commerciale a commencé en 1971 avec les navires-citernes et après 1975 par un gazoduc d'abord vers Cleveland, en Angleterre, puis un second après 1977 vers Emden, en Allemagne. Depuis la découverte de pétrole en mer du Nord dans les années 1970, des surnoms d'Aberdeen ont été capitale européenne du pétrole ou capitale européenne de l'énergie.[pas clair]
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+ L'exploitation des réserves de pétrole de la mer du Nord a commencé juste avant la crise pétrolière de 1973, et la montée des prix internationaux du pétrole ont rendu les gros investissements nécessaires pour l'extraction beaucoup plus attrayants. Dans les années 1980 et 1990, de nouvelles découvertes de grands gisements de pétrole ont suivi. Bien que les coûts de production soient relativement élevés, la qualité du brut, la stabilité politique de la région, et la proximité de marchés importants en Europe occidentale ont fait de la mer du Nord une importante région productrice de pétrole. La plus grande catastrophe humaine dans l'industrie pétrolière en mer du Nord a été la destruction de la plate-forme pétrolière offshore Piper Alpha en 1988 lors de laquelle 167 personnes ont perdu la vie. Une grande éruption en 1977 dans le domaine Ekofisk a donné lieu à un écoulement de pétrole sans entrave à la mer pendant une semaine avant qu'il ne soit colmaté, les estimations de la quantité d'hydrocarbures rejetés dans l'environnement varient entre 86 000 et 202 380 barils (environ 10 000 à 30 000 tonnes, en fonction de la densité de l'huile). En revanche, les incendies sur le Piper Alpha ont brûlé la plupart des hydrocarbures à bord et libéré des puits perturbés.
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+ Avec plus de 450 plates-formes pétrolières, la mer du Nord est la plus importante région du monde pour le forage au large. La partie britannique de la mer du Nord a le plus grand nombre de plates-formes, suivie par les norvégiens, néerlandais, et danois. Outre les champs de pétrole Ekofisk, le champ de pétrole Statfjord est aussi à noter comme étant à l'origine du premier gazoduc vers la Norvège. Le plus grand gisement de gaz naturel en mer du Nord, Troll, se trouve dans la fosse norvégienne à une profondeur de 345 mètres (1 100 pieds). Une plate-forme géante a été nécessaire pour y accéder. La section allemande a seulement deux plates-formes pétrolières, la plus grande des deux est le Mittelplate, et l'Allemagne est le pays riverain qui a le moins développé l'extraction.
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+ En 1999, l'extraction a atteint un niveau record avec une production de près de 6 millions de barrils (950 000 m2) de pétrole brut et 280 000 000 m2 (999 000 000 pieds cubes) de gaz naturel par jour. Toutes les grandes compagnies pétrolières ont été impliquées dans l'extraction. Mais ces dernières années, les grandes entreprises comme Shell et BP ont cessé l'extraction et, depuis 1999, les quantités extraites ont constamment diminué en raison de l'épuisement des réserves[14]. Total a néanmoins repris son activité sur la plateforme d'Elgin-Franklin en mars 2013[15].
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+ Le prix du Brent Crude, l'un des premiers types de pétrole extraits de la mer du Nord, est utilisé aujourd'hui comme un standard de comparaison de prix pour le pétrole brut en provenance du reste du monde.
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+ Le Sud de la mer du Nord n'a pas de marées ou vagues ou courants faciles à exploiter en raison de la nature des fonds et du fort trafic émergeant du pas de Calais. Les projets éoliens offshores qui ont émergé dans les années 1990 dans le Nord-Pas-de-Calais ont été retardés. De grands projets éoliens ont débuté plus au nord et au nord-ouest dès les années 1990 où les vents dominants sont forts et réguliers ; Angleterre et Danemark notamment ont utilisé les zones marines côtières pour produire de l'énergie.
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+
71
+ La ferme éolienne offshore de Blyth (Royaume-Uni, 2000) a précédé celle de la côte danoise (2002, près de Horns Rev) et d'autres ont été mises en service (dont OWEZ et Scroby Sands) ou sont en projet (ex : 2 parcs prévus pour 2012 sous réserve de délivrance des concessions demandées par la belge Electrabel ; Blue4PowerI au nord du Bligh Bank (en) à 60 km du trait de côte et Blue4PowerII à 20 km au sud du précédent entre le Bligh Bank et le Bank zonder Naam).Certains parcs offshore ont rencontré une résistance, par exemple en Allemagne, à propos des impacts environnementaux (collisions avec oiseaux, perturbations sous-marines lors de la pose des fondations…). La distance aux consommateurs conduit à des pertes énergétiques de transmission.
72
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+ L'énergie marémotrice n'est pas oubliée : deux premières grandes turbines à eau profonde sont en commande pour Talisman Energy en Écosse, à 25 km (15 milles) en mer près du champ pétrolier Beatrice. (88 m (290 pieds) de haut et pales longues de 63 m, soit 210 pieds qui devraient produire 5 MW chacune, ce qui en fait le plus gros projet au monde. La côte norvégienne et l'intersection avec la mer d'Irlande pourraient être jugées aptes pour y exploiter l'énergie des vagues et/ou des courants marins.
74
+
75
+ Les premières tentatives de centrale d'électricité utilisant les vagues sont nées en 2003-2005 au Danemark. Le European Marine Energy Centre (EMEC) basé à Stromness (Orcades, Écosse) est un organe de recherche soutenu par le gouvernement. Il a construit un site de tests en mer à Billia Croo sur les îles Orcades et une station d'essai d'utilisation de l'énergie marémotrice sur l'île voisine d'Eday. Une petite installation-pilote pour la production d'énergie bleue existe à Trondheim (Norvège).
76
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77
+ Pendant des siècles, la mer du Nord a nourri les peuples vivant sur ses littoraux (et bien au-delà via le commerce du poisson). Ces dernières décennies, ses ressources naturelles halieutiques ont été soumises à des pressions nouvelles, d'origine nettement anthropique. On observe des modifications importantes du réseau trophique et de certaines populations halieutiques ainsi que de la diversité des populations[16]. Pour partie, mais derrière la surpêche, le dérèglement climatique pourrait être en cause[16]. Ceci est connu depuis quelques décennies pour les poissons, mais depuis on commence à mieux suivre les communautés d'invertébrés benthiques, et à dresser des constats similaires. Certaines espèces sont bioindicatrices de changements importants environnementaux importants, notamment induits par le chalutage qui exerce une pression croissante sur certains fonds marins[16]. Une étude de l'épibenthos a montré qu'au tout début du XXe siècle, la diversité en espèces benthiques était plus faible dans le sud de la mer du Nord que dans les zones centre et du nord. Au contraire, il y avait plus d'espèces de poisson au sud[16]. les profondeurs de 50 m, 100 m et 200 m de profondeur définissent les limites de trois types différents de communautés benthiques (et de poissons). L'épibenthos de la mer du Nord méridionale était dominé par des espèces plus mobiles, alors qu'au nord, les espèces fixées dominaient. Un espace intermédiaire avec à peu près autant d'espèces sessiles que mobiles a été trouvé au large des côtes de Norfolk et de Flamborough s'étirant vers le Dogger Bank[16]. La température du fond, les courant et la nature des sédiments expliquent une part de la répartition de toutes ces espèces, mais la position des faisceaux de chalutage est également un facteur explicatif de la richesse ou pauvreté en certaines espèces[16].
78
+
79
+ La surpêche a notamment décimé les harengs et les morues. Faute de nourriture, les macareux disparaissent à leur tour[17]. En 1983, des quotas de pêche ont été définis, mais n'ont pas suffi à protéger la ressource qui est prélevée plus vite qu'elle ne peut se renouveler : les experts pensent aujourd'hui qu'il faudrait diviser ces quotas par deux voire plus.
80
+
81
+ Des poissons malades, parasités ou malformés forment une part croissante des captures. On pense que cela est dû à la pollution (métaux lourds dont mercure[18], hydrocarbures, aromatiques polycycliques, antifoolings et autres pesticides, etc). On a rejeté en Manche/mer du Nord de nombreux déchets marins, dont des munitions anciennes et des déchets radioactifs qui resteront dans l'écosystème pendant des siècles. Les hydrocarbures provenant du nettoyage des cuves en mer ou des accidents de navires pétroliers restent une menace grave pour la faune.
82
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83
+ Chaque année, la Grande-Bretagne envoie 250 000 tonnes d'azote qui eutrophisent la mer du Nord, par voie aérienne. Mais la plus grosse pollution vient de la terre, apportée par les fleuves ou les égouts.
84
+
85
+ Les côtes de la mer du Nord sont très variées, des rivages rocheux aux marais salés et vasières des estuaires, aux longues plages bordées de dunes. Vasières et estuaires sont des aires de nutrition essentielle pour les limicoles comme le chevalier gambette et le bécasseau variable, ainsi que les canards et les oies. Lorsque la mer se retire avec la marée, tous viennent se nourrir de crustacés et mollusques cachés dans la vase.
86
+
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+ Malgré des efforts de protection, ces biotopes restent vulnérables et menacés. Les marais fragiles sont fragmentés, drainés et localement densément construits de huttes et mares de chasse (sources durables de plomb et de saturnisme aviaire) eutrophisés ou affectés par des sédiments pollués, éventuellement d'origine portuaire. Les blooms planctoniques, dont de Phæocystis ou Pseudonitzchia delicatissima sont de plus en plus importants, étant un indicateur peut-être comparable à celui des marées vertes en Bretagne ou invasions de méduses en Méditerranée.
88
+
89
+ Depuis deux siècles, de nombreuses zones humides arrières littorales des côtes de la mer de Nord ont disparu, drainées et récupérées par l'agriculture, l'industrie ou le tourisme. Ont ainsi été transformés en terres agricoles 40 000 hectares de la mer des Wadden, zone qui accueille 1 000 espèces animales et végétales et d'importants sites de frai. Entre 1935 et 1982, 48 % des estuaires de la Tamise, de Medway et de Swale ont été mis en valeur et 90 % de l'estuaire de la Tees ont été transformés en zone industrielle. Celles qui restent se sont parfois fortement dégradées.
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+ Toutes ces régions servaient de sites d'hivernage aux limicoles et anatidés. D'autres ont été drainées et détruites pour agrandir les ports, comme autour de Rotterdam.
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+ Les oiseaux privés de ces habitats peuvent se déplacer mais sont alors confrontés à des niches écologiques déjà occupées, et ils ont peu de chance de retrouver d'autre sites favorables, ce qui les condamne à mourir ou à avoir peu de chances de pouvoir se reproduire.
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+ Tous les trois ans, la conférence de la mer du Nord réunit les huit États riverains (Belgique, France, Royaume-Uni, Norvège, Suède, Allemagne, Danemark et les Pays-Bas), mais un grand nombre des objectifs n'ont jamais été atteints. Le Royaume-Uni est le pays le plus pollueur et, seul, continue de déverser ses déchets industriels malgré l'accord de 1987, applicable fin 1989.
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+ En 1990, la conférence décidait que le rejet des boues d'égout devait progressivement cesser d'ici 1995 et l'incinération des déchets en bord de mer cesser en 1993. La pollution atmosphérique devait régresser de 50 %, tandis qu'étaient étudiés les effets de la pêche intensive.
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+ L'organisation Greenpeace lança dans les années 1980 plusieurs campagnes de protestation contre le rejet de déchets toxiques en mer du Nord. Approuvée par la conférence de la mer du Nord et le Parlement européen, elle réclame que cesse toute pollution dès l'an 2000. Mais l'objectif ne sera pas atteint tant que l'industrie continuera de créer des sous-produits toxiques. Il faut passer à des méthodes de production « propres » pour sauver la mer du Nord et sa faune sauvage.
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+ La mer Égée [mɛʁ eʒe][1] (en grec moderne : Αιγαίο Πέλαγος Aigaio pélagos [eˈʝeo ˈpelaɣos][2] Écouter ; en turc : Ege Denizi [eˈɟe deniˈzi][3]) est une mer intérieure du bassin méditerranéen, située entre l’Europe et la Grèce à l’ouest, et l’Asie et la Turquie à l’est. Elle s'étend de la côte thrace et du détroit des Dardanelles au nord jusqu’à la Crète au sud.
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+ Elle est limitée sur trois côtés par le continent ou des péninsules ; au sud, un chapelet d’îles la sépare du bassin oriental de la Méditerranée : Cythère, la Crète, Karpathos et Rhodes. D’est en ouest, elle est large de 300 à 400 km ; du nord au sud, elle fait 600 km. Ses fonds les plus profonds se trouvent au nord de la Crète, et atteignent 2 100 mètres. Le plateau continental (profondeur inférieure à 200 m) est très limité.
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+ Elle baigne un très grand nombre d’îles dont la principale est la Crète. Chacune des zones comprend des îles importantes et densément peuplées :
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+ L’Organisation hydrographique internationale détermine les limites de la mer Égée de la façon suivante[4] :
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+ L’étymologie du nom « mer Égée » est discutée. Selon certains auteurs latins[5], il viendrait de la légende du roi Égée qui, dans la mythologie grecque, se serait suicidé lors du retour de Crète de son fils Thésée. Les marins devaient mettre des voiles blanches à leurs navires si Thésée revenait vivant, et noires si celui-ci avait péri lors de son duel contre le Minotaure. Toutefois, l’équipage ivre de joie et de vin oublia cette promesse. Lorsque les bateaux revinrent, Égée crut alors que son fils était mort et, submergé de douleur, il se tua en se jetant à la mer.
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+ Une autre étymologie rapproche ce nom du terme grec ancien aigailos désignant le « bord de mer », et qui est censé abriter, selon l’Odyssée et l’Iliade, la demeure du dieu Poséidon[6].
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+ À l’époque franque, les Vénitiens désignaient la mer Égée par le terme Arcipelago, par déformation du grec Aigaion Pelagos[7]. Ce terme apparaît pour la première fois en 1268, dans un traité signé entre le doge de Venise et l’empereur byzantin Michel VIII Paléologue, et désignait également par métonymie l’ensemble des îles Égéennes. Finalement, ce terme traduit en français par « archipel », a fini dans la langue courante (même en grec) par signifier tout ensemble d'îles.
16
+
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+ Durant l’Antiquité, la mer Égée favorise le développement de la navigation maritime des Cycladiques, des Minoens, des Lélèges, des Phéniciens et des Grecs. Ses côtes montagneuses et irrégulières forment des abris naturels fréquents ; le très grand nombre d’îles, montagneuses elles aussi, fait qu’il est possible de toujours naviguer à vue, sans jamais perdre une côte de vue. Le bois, à l’époque, ne manquait pas pour construire des embarcations.
18
+
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+ La mer Égée est ainsi le berceau des premières thalassocraties de l’histoire européenne, celle des Minoens de Crète et celle d’Athènes au Ve siècle av. J.-C. (ligue de Délos).
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+ Avec la conquête romaine (Rome commence à administrer la Grèce à partir de 167 av. J.-C.), les côtes de la mer Égée font partie du même ensemble pour plusieurs siècles : Empire romain (devenu l’Empire romain d'Orient que nous appelons « byzantin ») jusqu’au XIIe siècle, auquel succèdent les « Francs » puis des Turcs.
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+ Les rivages sont partagés entre les différents États grecs, les Turcs et les États latins, jusqu’à la chute de Rhodes en 1522, puis la conquête de la Crète, auparavant vénitienne, au XVIIe siècle (prise de Candie en 1669 et de Spinalonga en 1715).
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+ La Grèce obtient son indépendance contre l’Empire ottoman en 1830. D’abord limitée au Péloponnèse et à l’Attique, elle s’agrandit au cours des XIXe et XXe siècles à la suite de plusieurs guerres, allant jusqu’à se voir attribuer l’Ionie (une partie de la côte d’Anatolie occidentale), dans le but de rassembler les terres peuplées de Grecs. Cependant, le traité de Lausanne de 1922 rend la rive orientale à la Turquie, provoque d’importants déplacements de population et met fin à deux millénaires et demi de peuplement grec en Asie Mineure.
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+ Depuis, un contentieux oppose toujours les deux États à propos de la mer Égée, notamment concernant la souveraineté sur certains îlots inhabités et la répartition des eaux territoriales et de l'espace aérien, donnant lieu à des incidents répétés.
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+ Le terme parent, relatif à la famille, désigne la personne qui élève et protège l'enfant. Au singulier, désigne plus largement celui qui est membre de la même famille qu'une autre personne[1]. Au pluriel, ceux dont on descend en ligne directe.
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+ Selon le philosophe Hans Jonas, la responsabilité parentale englobe tous les aspects de la vie des enfants, de la simple existence jusqu'aux intérêts les plus élevés. La responsabilité s'exprime d'abord du point de vue corporel, d'être là à tous moments dans la santé comme la maladie ; ensuite vient s'ajouter toujours davantage tout ce qui tombe sous la notion d'« éducation », dans tous les sens : les aptitudes, les relations, le comportement, le caractère, le savoir, dont la formation doit être surveillée et encouragée et, si possible, le bonheur[2].
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+ Le mot « parent » est utilisé en analyse transactionnelle dans les états du Moi, il désigne un ensemble de comportements.
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+ Le terme générique de mer[1],[2] recouvre plusieurs réalités et peut désigner une grande étendue d’eau salée différente des océans[3], l'ensemble des espaces d'eau salée en communication libre et naturelle sur toute l'étendue du globe ou encore une grande étendue sombre à la surface de la Lune.
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+ Cette définition confond les océans, les mers fermées ou ouvertes ainsi que les grands lacs salés. On la retrouve dans un contexte historique ou familier (opposition de la mer et de la montagne dans les vacances, la mer est bonne ? pour évoquer sa température). En contact avec un océan, elle se distingue de ce dernier par sa position géographique généralement enclavée entre des masses terrestres ou simplement limitée par le plateau continental (ex. : la Manche communique avec l’océan Atlantique par la mer Celtique, mais elle s’en distingue par sa position médiane entre les côtes sud de l’Angleterre et les côtes nord de la France).
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+ Une mer en contact avec un océan peut se distinguer par des conditions physiques particulières (ex. : la Méditerranée communique avec l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar. Elle se distingue de l’océan par sa position enclavée entre l’Europe, l’Asie (Proche-Orient) et l’Afrique et par des conditions maritimes différentes (différentiel de température entre l’océan et la mer, faune et flore distinctes, marée de plus faible amplitude pour la Méditerranée...). Autre exemple : la mer des Sargasses avec son accumulation d’algues brunes au large de la Floride se distingue de façon arbitraire de l’océan Atlantique).
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+ Le terme de mer est aussi utilisé pour désigner certains grands lacs, en particulier lorsqu’ils n’ont pas de cours d'eau dans lesquels ils se déversent. C’est le cas par exemple de la mer Caspienne ou encore de la mer d'Aral. Ou alors de mer fermée.
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+ Les grandes plaines lunaires sombres, situées en majorité sur la surface visible de la Lune, satellite naturel terrestre, sont par convention dénommées « mers » (ex. : mer de la Tranquillité). Ces grandes plaines basaltiques avaient en effet été considérées comme des étendues d’eau par les premiers astronomes, avant l’utilisation de la lunette par Galilée pour l’observation du ciel.
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+ En droit international, on appelle « mer » l’espace situé au-delà de la laisse de basse mer.
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+ La mer comprend :
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+ La mer est en perpétuel mouvement. Dans l’antiquité, celui-ci était attribué à des divinités : les colères de Poséidon, les jeux des Néréides, les monstrueux Charybde et Scylla.
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+ Les mouvements de la mer sont complexes ; pour mieux les analyser, ils sont décomposés en mouvements élémentaires, dont les causes et les lois peuvent être étudiées séparément.
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+ On distingue des mouvements ondulatoires, sous forme d’oscillations verticales :
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+
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+ Les mouvements des courants sont des déplacements horizontaux.
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+ Des mouvements isolés peuvent être causés par des phénomènes catastrophiques (séismes, éruptions volcaniques, glissements de terrain) sous forme de tsunamis, d’ondes solitaires ou solitons.
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+ Une caractéristique de l’eau de mer est d’être salée. Cette salinité est de l’ordre de 37 g/l (3,7 %) en Méditerranée et 300 g/l (30 %) pour la mer Morte, d'environ 35 dans les océans (dont 27 g de chlorure de sodium, 5 g d'autres chlorures et 3 g composés de sulfates, carbonates et bromures). Il y a donc un kilogramme de sels dans environ 28 (= 1000/35) litres d’eau de mer.
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+
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+ Le sel de mer est un composé dont le nom complet en chimie est chlorure de sodium. Il tend à se dissoudre dans l’eau jusqu’à une concentration de saturation de 359 g/l. Si on tente d’augmenter la concentration au-delà de cette valeur, par évaporation de l’eau, une partie du sel revient à l’état solide (solidification ou cristallisation) et se dépose. La valeur de la salinité des mers étant largement inférieure, le sel ne se dépose pas au fond des mers. Comme il ne s’évapore pas non plus, il est piégé dans la mer.
28
+
29
+ Certains sols et roches continentales contiennent du sel. Lorsque ces roches sont exposées à la pluie ou aux écoulements d’eau souterrains, une partie du sel sera dissous et rejoindra les rivières puis la mer. Étant donné que ce sel ne reste pas mais est constamment évacué, la salinité des rivières restera la plupart du temps très basse.
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+
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+ Les dépôts de sel peuvent se faire naturellement lorsque la concentration en sel d’une mer ou d’un lac salé a augmenté au-delà de la saturation. Cela peut se produire dans des zones continentales où il n’existe aucun écoulement vers les océans, comme la Mer Morte.
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+ Un autre cas est celui de la Méditerranée, qui à certaines époques géologiques a fonctionné comme un marais salant : sa liaison avec les océans au détroit de Gibraltar étant plus étroite, elle ne permettait pas les échanges d’eau dans les deux sens comme cela se produit actuellement. D’autre part, l’évaporation étant plus forte que les précipitations et apports d’eau douce (ce qui est toujours le cas), c’est donc un apport océanique qui compensait le déficit. Il y avait donc une entrée de sel qui n’était compensée par aucun export. Cela a entraîné des dépôts de sel très importants au fond de la Méditerranée et a semble-t-il eu également une influence sur la salinité des océans. En effet l’estimation de l’apport de sel à l’océan global par l’ensemble des rivières au cours des temps géologiques est supérieure d’au moins un ordre de grandeur à la masse de sel dissoute dans les océans.
34
+
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+ Le niveau des mers s'élève, notamment sous l'effet de la fonte des glaces continentales et une dilatation thermique de l'eau provoquée par le réchauffement du climat. L'élévation du niveau des mers constitue un grave défi pour toutes les populations côtières ainsi que pour l'économie de nombreux pays[4].
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+ La mesure précise du niveau des mers est possible depuis 1993 grâce à des satellites (Topex-Poséidon, puis Jason-1 et Jason-2)[4].
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+ Cependant, les physiciens ont remarqué que le niveau des océans monte moins vite que ce que la fonte des glaces ne le laisserait supposer. Selon une étude publiée dans la revue Global and planetary change vers novembre 2008, le niveau des mers a monté de 3,3 mm par an de 1993 à 2003 et de 2,5 mm par an depuis 2003. L'étude attribue ce décalage au réchauffement plus lent des mers[4].
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+
41
+ Depuis 2003, la fonte des glaces contribue pour 1,9 mm par an à la montée des mers, pour moitié due à la fonte des deux calottes polaires et pour moitié à la fonte des glaciers d'altitude[4].
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+
43
+ Les rayons lumineux en provenance du Soleil sont considérablement atténués au fur et à mesure qu'ils pénètrent profondément dans la mer. L'infrarouge, puis la couleur rouge sont les premières longueurs absorbées (dès les premiers mètres)[5].
44
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45
+ Une découpe des océans a été faite par l’Organisation hydrographique internationale (OHI)[6]. Certaines mers présentent également d’éventuelles subdivisions. Voir la liste des mers et océans.
46
+
47
+ Plusieurs classifications existent, la classification en droit de la mer ne recoupe que peu la classification océanographique, certains termes synonymes en océanographie prennent une signification plus précise en géologie ou en géographie. La classification utilisée ici est celle généralement utilisée par la géographie bien que d'un ouvrage à l'autre des différences puissent apparaître. Les termes utilisés ne sont pas nécessairement exclusifs, par exemple la Manche est bordée par des masses continentales et recouvre une partie d'un plateau continental aussi est-elle parfois qualifiée de mer intercontinentale et de mer épicontinentale[7]. Une dénomination en fonction de la température des eaux de surface des mers existe aussi mais est peu employée, on parle dans ce cas de mer tropicale, mer tempérée ou mer polaire.
48
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+ Une mer méditerranéenne est une mer presque fermée communiquant avec l'océan. Les mers méditerranéennes se subdivisent à leurs tours en mer intercontinentale et intracontinentale suivant le nombre de continents les bordant. L'exemple type de ces mers est la mer Méditerranée. Dans ces mers, la profondeur du détroit les liant aux océans est faible ce qui empêche la création de courant profond permettant le mélange des eaux profondes.
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+ Une mer épicontinentale est une mer recouvrant une portion d'un plateau continental. Pour les océanographes ou les géographes mer marginale est un synonyme, pour les géologues une mer est dite marginale seulement si elle se trouve sur des marges continentales géologiquement active[8], sur les marges de l'océan Pacifique par exemple et non pas celle de l'Atlantique qui sont passives.
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+ Une mer bordière est une mer en communication large avec l'océan qu'elle borde, elles sont souvent épicontinentales et ce terme est parfois utilisé comme un synonyme de mer épicontinentale, ces mers participent généralement à la dynamique des océans qu'elles bordent et la distinction entre ces mers et l'océan proche est plus fréquemment géographique, écologique ou juridique qu'océanographique.
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+ Une mer intérieure est une mer ne communiquant qu'avec une autre mer. Les mers intérieures sont fréquemment des mers méditerranéennes.
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+ Une mer fermée est une mer ne communiquant avec aucune autre mer ou océan.
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+ Singularités : la mer Morte n'est pas une mer intérieure mais un lac salé ; juridiquement, la mer Caspienne n'est pas considérée comme une mer.
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+ La mer et les océans offrent de nombreuses formations et carrières de tous niveaux et dans différents domaines[9]. Des formations de master pluridisciplinaires sont proposées dans les universités marines.
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+ La mer constitue une ressource économique majeure pour les régions côtières : pêche, tourisme, transport et logistique (activité portuaire), salines.
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+ Aspects anthropologiques
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+ De plus en plus d’études anthropologiques portent sur la mer par divers cas de figure, dont voici quelques exemples contemporains que Artaud souligne[10] :
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+ Les chercheuses et chercheurs en anthropologie commencent à s'intéresser aux rapports multiples des sociétés à la mer autour des années 1970-1980. Deux grandes approches sont d'abord surtout utilisées. D'un côté, une lecture matérialiste à la manière de Hugo[11] et de Poggie[12], alors qu'un imaginaire de conquête, de lutte et d'étrangeté de la mer était mis de l'avant. De l'autre, une lecture continentale qui implique des parallèles avec la terre, dont la mer serait le prolongement, et offrant des signes pour être comprise par les humains. C'est ce qu'on retrouve entre autres chez Gladwin[13] et Lewis. Avec l'arrivée de la mondialisation, les approches pour parler de la mer deviennent plus politiques et impliquent de plus en plus de prises de positions, en raison des enjeux économiques, juridiques et écologiques sous-jacents. Ceci a aussi pour conséquence selon Artaud[10] de centrer les recherches moins sur les imaginaires que sur les personnes en lien avec la mer : scientifiques, militants, associations et institutions.
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+ La journée internationale de la mer[14] a lieu chaque année, le 8 juin.
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+ La Commission européenne a proposé en 2008 la date du 20 mai pour célébrer la mer en Europe[15], pour valoriser la culture et le patrimoine maritime. Cette journée pourra se traduire par des opérations « portes ouvertes » (ports ouverts), des actions environnementales impliquant notamment musées et aquariums, conférences, etc. la Commission fournissant gratuitement des informations et brochures sur cette initiative. La Commission organise un European Maritime Day (EMD)[16] dans une ville différente chaque année.
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+ La haute mer, comme la montagne, a longtemps majoritairement été perçue par plusieurs peuples comme un milieu hostile et dangereux (grands-fonds peuplés de créatures mythiques ou fantastiques : Léviathan de la Bible, Scylla dans la mythologie grecque, Isonade dans la mythologie japonaise, kraken dans la mythologie nordique) tout en suscitant la curiosité, servant essentiellement de réserve de ressources naturelles (en particulier de protéines grâce aux poissons). Cette donnée semble avoir été modifiée en occident avec le mouvement du préromantisme de la fin du XVIIIe siècle, puis du romantisme du début XIXe siècle. La beauté naturelle de la mer a été célébrée par les poètes romantiques : son apparence infinie, la force de ses tempêtes, etc.
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+ La mer s'est alors parée de certaines valeurs humaines, telle la liberté (Le fameux « homme libre, toujours tu chériras la mer » de Baudelaire).
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+ Le méridien de Greenwich est le méridien qui sert de référence internationale de longitude, d'où son nom de « méridien origine ». Néanmoins, c'est le méridien de référence de l'IERS (IRM = « International Reference Meridian ») situé à une centaine de mètres qui sert, par exemple, de référence pour le système de géolocalisation GPS, le système géodésique WGS 84, pour toutes les cartes marines de l'organisation hydrographique internationale depuis 1983[1] et, également, pour la navigation aérienne par l'organisation de l'aviation civile internationale depuis 1989[2].
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+ Le méridien de Greenwich est un premier méridien, c’est-à-dire un méridien où la longitude est définie comme égale à 0°. Il passe à travers l'Observatoire royal de Greenwich, à Greenwich (banlieue de Londres), au Royaume-Uni. Il rencontre le continent européen à Villers-sur-Mer où un musée, le Paléospace l'Odyssée en propose l'interprétation. Avec le 180e méridien qui lui est directement opposé, il définit les hémisphères Est et Ouest.
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5
+ À la différence des parallèles qui sont définis par l'axe de rotation de la Terre, le choix du méridien de Greenwich comme premier méridien est arbitraire et d'autres méridiens furent utilisés au cours de l'histoire (comme le méridien de Paris, par exemple). Le méridien de Greenwich fut adopté comme standard international en octobre 1884 à la conférence internationale du méridien de Washington. En contrepartie de l'adoption du méridien de Greenwich, les Britanniques se sont engagés à adopter le système métrique[3], adhérant à la Convention du Mètre la même année.
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+ Greenwich l'emporta pour deux raisons principales. D'une part, les deux tiers de la flotte mondiale (dont la marine américaine) utilisaient déjà le méridien de Greenwich. D'autre part, le système de fuseaux horaires, basés sur le méridien de Greenwich, adopté aux États-Unis par les compagnies ferroviaires l'année précédente était jugé parfaitement satisfaisant. En effet, l'adoption d'un méridien d'origine n'a pas pour seul but d'unifier les coordonnées géographiques. Elle vise surtout à organiser les références temporelles.
8
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+ La définition historique du méridien de Greenwich, arrêtée en 1783, était la position de la lunette méridienne de James Bradley, et les cartes de l'Ordnance Survey utilisent cette référence pour la cartographie de la Grande-Bretagne. Cependant une nouvelle lunette méridienne fut mise en place par Sir George Airy en 1850 dans une salle voisine, 13 mètres plus à l'est ; et c'est cette seconde méridienne qui sert de référence internationale. De ce fait, la cartographie officielle est décalée de 0,417 seconde d'arc par rapport au méridien de Greenwich actuel[4].
10
+
11
+ Le système géodésique mondial actuel, dit WGS 84, utilise le méridien de référence de l'IERS, avec une longitude 0° située 102,5 m à l'est du méridien de Greenwich[5]. La raison de ce décalage tient au fait que les scientifiques de l'époque[Note 1],[6] n'ont pas pris en considération dans leurs calculs la déviation de la verticale causée par les distorsions locales de la gravité[7]. Le télescope pointé vers l'espace n'était donc pas parfaitement perpendiculaire au moment du calcul des coordonnées du méridien. L'erreur avait été pointée par un satellite dès 1984, mais le méridien n'a jamais été officiellement déplacé[8].
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+
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+ Au XIVe siècle, Nicolas Oresme, évêque de Lisieux et conseiller du roi de France Charles V, affirmait déjà qu'il faudrait une ligne de démarcation qui déterminerait quand commence le jour[9].
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+ Le choix du méridien de Greenwich comme point de référence pour la longitude étant complètement arbitraire, différents méridiens ont été utilisés par le passé :
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+ Depuis le pôle Nord jusqu'au pôle Sud, le méridien de Greenwich traverse les régions et pays suivants :
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+ Les méridiens et les parallèles se coupent toujours à angle droit[b],[3],[4]. Par ailleurs, les méridiens ont tous la même longueur égale à 20 003,931 5 km[c]. Les méridiens sont des demi-ellipses et, comme géodésiques, représentent également les plus courtes distances entre deux de leurs points.
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+
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+ Par convention, il existe sur Terre 360 méridiens séparés par un degré d'arc.
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+ Au niveau de l'équateur terrestre, la distance entre deux méridiens[d] est égale à 1/360e partie de la longueur de l'équateur, soit approximativement 111,3 kilomètres. En s'éloignant de l'équateur, cet écart diminue. Il est égal à la 1/360e partie de l'équateur multipliée par le cosinus de la latitude. Ainsi, à 45 degrés de latitude, la distance entre deux méridiens est égale à 111,3 kilomètres multipliés par le cosinus de 45 degrés, soit 0,707, ce qui fait approximativement 78,7 kilomètres. À 60 degrés de latitude, l'écart entre deux méridiens passe à 55,7 kilomètres, le cosinus de cette latitude étant égal à 0,5. Aux pôles géographiques, la distance entre les méridiens est nulle puisqu'ils y convergent (cos 90° = 0).
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+ Un fuseau horaire est une portion de la surface du globe, limitée par deux méridiens que séparent 15° de longitude. Puisqu'un jour solaire fait 24 heures, vingt-quatre fuseaux horaires se répartissent sur 360°. Au niveau de l'équateur chaque fuseau horaire a une largeur égale au quotient de la division de 40 075 km par 24, soit approximativement 1 670 km. Cette largeur diminue progressivement jusqu'à devenir nulle aux pôles.
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+ Le mille nautique a été défini comme la longueur moyenne d'une minute d'arc de méridien; il vaut 1 852 m.
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+ Si les latitudes peuvent être mesurées à partir de l'équateur, il n'existe pas de référence naturelle équivalente pour fixer l'origine des longitudes. Il est donc nécessaire de définir un méridien d'origine, dont les points ont par définition une longitude égale à zéro.
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13
+ Actuellement, le méridien d'origine pour la plupart des systèmes géodésiques se trouve à proximité du méridien de Greenwich qui passe par l'observatoire de Greenwich, en Angleterre. Jusqu'au début du XXe siècle, différents pays utilisèrent d'autres méridiens d'origine comme le méridien de Paris en France (02° 20' 14,025" E), le méridien de Berlin en Allemagne (13° 24' E), le méridien de Tolède en Espagne ou le méridien d'Uppsala en Suède.
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+ En France, le roi Louis XIII prescrivit par ordonnance en 1634 que le premier méridien serait celui dit de l'Île de Fer (aujourd'hui île d'El Hierro dans l'archipel des îles Canaries), arbitrairement situé à 20°00'00" à l'ouest du méridien de Paris. Cette localisation permettait d'obtenir une longitude positive pour toutes les terres européennes et a été longtemps suivie par plusieurs autres pays.
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+ Choisir un méridien d'origine de longitude 0° implique l'existence d'un antiméridien, situé à l'opposé sur le globe. La ligne de changement de date suit cet antiméridien sur la majeure partie de sa longueur.
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+ La première définition du mètre a été édictée par le décret de l'Assemblée Nationale du 30 mars 1793. Il représentait le dix-millionième de la longueur du quart du méridien terrestre de l'époque, qui était alors considéré comme faisant le tour de la Terre. Cette longueur est d'abord approximative car la référence doit encore être mesurée. Jean-Baptiste Joseph Delambre et Pierre Méchain s'attèlent à la mesure de la distance entre Dunkerque et Barcelone, et après la publication de leur rapport, le mètre étalon est définitivement fixé par la loi du 19 frimaire an VIII de la République (10 décembre 1799) :
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+ « ART . Ier
22
+ La fixation provisoire de la longueur du mètre, à trois pieds onze lignes quarante-quatre centièmes, ordonnée par les lois des Ier août 1793 et 18 germinal an III, demeure révoquée et comme non avenue. Ladite longueur, formant la dix-millionième partie de l'arc du méridien terrestre compris entre le pôle nord et l'équateur, est définitivement fixée, dans son rapport avec les anciennes mesures, à trois pieds onze lignes deux cent quatre-vingt-seize millièmes. »
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+ C'est un méridien particulier passant par les pôles magnétiques.
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+ Certaines frontières entre pays ou régions ont été déterminées par des méridiens, bien que le cas soit moins fréquent que pour les parallèles. En partant vers l'est depuis le méridien de Greenwich, on peut noter :
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+ Les méridiens et les parallèles se coupent toujours à angle droit[b],[3],[4]. Par ailleurs, les méridiens ont tous la même longueur égale à 20 003,931 5 km[c]. Les méridiens sont des demi-ellipses et, comme géodésiques, représentent également les plus courtes distances entre deux de leurs points.
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+ Par convention, il existe sur Terre 360 méridiens séparés par un degré d'arc.
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+ Au niveau de l'équateur terrestre, la distance entre deux méridiens[d] est égale à 1/360e partie de la longueur de l'équateur, soit approximativement 111,3 kilomètres. En s'éloignant de l'équateur, cet écart diminue. Il est égal à la 1/360e partie de l'équateur multipliée par le cosinus de la latitude. Ainsi, à 45 degrés de latitude, la distance entre deux méridiens est égale à 111,3 kilomètres multipliés par le cosinus de 45 degrés, soit 0,707, ce qui fait approximativement 78,7 kilomètres. À 60 degrés de latitude, l'écart entre deux méridiens passe à 55,7 kilomètres, le cosinus de cette latitude étant égal à 0,5. Aux pôles géographiques, la distance entre les méridiens est nulle puisqu'ils y convergent (cos 90° = 0).
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+ Un fuseau horaire est une portion de la surface du globe, limitée par deux méridiens que séparent 15° de longitude. Puisqu'un jour solaire fait 24 heures, vingt-quatre fuseaux horaires se répartissent sur 360°. Au niveau de l'équateur chaque fuseau horaire a une largeur égale au quotient de la division de 40 075 km par 24, soit approximativement 1 670 km. Cette largeur diminue progressivement jusqu'à devenir nulle aux pôles.
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+ Le mille nautique a été défini comme la longueur moyenne d'une minute d'arc de méridien; il vaut 1 852 m.
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+ Si les latitudes peuvent être mesurées à partir de l'équateur, il n'existe pas de référence naturelle équivalente pour fixer l'origine des longitudes. Il est donc nécessaire de définir un méridien d'origine, dont les points ont par définition une longitude égale à zéro.
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+ Actuellement, le méridien d'origine pour la plupart des systèmes géodésiques se trouve à proximité du méridien de Greenwich qui passe par l'observatoire de Greenwich, en Angleterre. Jusqu'au début du XXe siècle, différents pays utilisèrent d'autres méridiens d'origine comme le méridien de Paris en France (02° 20' 14,025" E), le méridien de Berlin en Allemagne (13° 24' E), le méridien de Tolède en Espagne ou le méridien d'Uppsala en Suède.
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+ En France, le roi Louis XIII prescrivit par ordonnance en 1634 que le premier méridien serait celui dit de l'Île de Fer (aujourd'hui île d'El Hierro dans l'archipel des îles Canaries), arbitrairement situé à 20°00'00" à l'ouest du méridien de Paris. Cette localisation permettait d'obtenir une longitude positive pour toutes les terres européennes et a été longtemps suivie par plusieurs autres pays.
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+ Choisir un méridien d'origine de longitude 0° implique l'existence d'un antiméridien, situé à l'opposé sur le globe. La ligne de changement de date suit cet antiméridien sur la majeure partie de sa longueur.
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+ La première définition du mètre a été édictée par le décret de l'Assemblée Nationale du 30 mars 1793. Il représentait le dix-millionième de la longueur du quart du méridien terrestre de l'époque, qui était alors considéré comme faisant le tour de la Terre. Cette longueur est d'abord approximative car la référence doit encore être mesurée. Jean-Baptiste Joseph Delambre et Pierre Méchain s'attèlent à la mesure de la distance entre Dunkerque et Barcelone, et après la publication de leur rapport, le mètre étalon est définitivement fixé par la loi du 19 frimaire an VIII de la République (10 décembre 1799) :
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+ « ART . Ier
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+ La fixation provisoire de la longueur du mètre, à trois pieds onze lignes quarante-quatre centièmes, ordonnée par les lois des Ier août 1793 et 18 germinal an III, demeure révoquée et comme non avenue. Ladite longueur, formant la dix-millionième partie de l'arc du méridien terrestre compris entre le pôle nord et l'équateur, est définitivement fixée, dans son rapport avec les anciennes mesures, à trois pieds onze lignes deux cent quatre-vingt-seize millièmes. »
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+ C'est un méridien particulier passant par les pôles magnétiques.
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+ Certaines frontières entre pays ou régions ont été déterminées par des méridiens, bien que le cas soit moins fréquent que pour les parallèles. En partant vers l'est depuis le méridien de Greenwich, on peut noter :
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+ Les méridiens et les parallèles se coupent toujours à angle droit[b],[3],[4]. Par ailleurs, les méridiens ont tous la même longueur égale à 20 003,931 5 km[c]. Les méridiens sont des demi-ellipses et, comme géodésiques, représentent également les plus courtes distances entre deux de leurs points.
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+ Par convention, il existe sur Terre 360 méridiens séparés par un degré d'arc.
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+ Au niveau de l'équateur terrestre, la distance entre deux méridiens[d] est égale à 1/360e partie de la longueur de l'équateur, soit approximativement 111,3 kilomètres. En s'éloignant de l'équateur, cet écart diminue. Il est égal à la 1/360e partie de l'équateur multipliée par le cosinus de la latitude. Ainsi, à 45 degrés de latitude, la distance entre deux méridiens est égale à 111,3 kilomètres multipliés par le cosinus de 45 degrés, soit 0,707, ce qui fait approximativement 78,7 kilomètres. À 60 degrés de latitude, l'écart entre deux méridiens passe à 55,7 kilomètres, le cosinus de cette latitude étant égal à 0,5. Aux pôles géographiques, la distance entre les méridiens est nulle puisqu'ils y convergent (cos 90° = 0).
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+ Un fuseau horaire est une portion de la surface du globe, limitée par deux méridiens que séparent 15° de longitude. Puisqu'un jour solaire fait 24 heures, vingt-quatre fuseaux horaires se répartissent sur 360°. Au niveau de l'équateur chaque fuseau horaire a une largeur égale au quotient de la division de 40 075 km par 24, soit approximativement 1 670 km. Cette largeur diminue progressivement jusqu'à devenir nulle aux pôles.
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+ Le mille nautique a été défini comme la longueur moyenne d'une minute d'arc de méridien; il vaut 1 852 m.
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+ Si les latitudes peuvent être mesurées à partir de l'équateur, il n'existe pas de référence naturelle équivalente pour fixer l'origine des longitudes. Il est donc nécessaire de définir un méridien d'origine, dont les points ont par définition une longitude égale à zéro.
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+ Actuellement, le méridien d'origine pour la plupart des systèmes géodésiques se trouve à proximité du méridien de Greenwich qui passe par l'observatoire de Greenwich, en Angleterre. Jusqu'au début du XXe siècle, différents pays utilisèrent d'autres méridiens d'origine comme le méridien de Paris en France (02° 20' 14,025" E), le méridien de Berlin en Allemagne (13° 24' E), le méridien de Tolède en Espagne ou le méridien d'Uppsala en Suède.
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+ En France, le roi Louis XIII prescrivit par ordonnance en 1634 que le premier méridien serait celui dit de l'Île de Fer (aujourd'hui île d'El Hierro dans l'archipel des îles Canaries), arbitrairement situé à 20°00'00" à l'ouest du méridien de Paris. Cette localisation permettait d'obtenir une longitude positive pour toutes les terres européennes et a été longtemps suivie par plusieurs autres pays.
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+ Choisir un méridien d'origine de longitude 0° implique l'existence d'un antiméridien, situé à l'opposé sur le globe. La ligne de changement de date suit cet antiméridien sur la majeure partie de sa longueur.
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+ La première définition du mètre a été édictée par le décret de l'Assemblée Nationale du 30 mars 1793. Il représentait le dix-millionième de la longueur du quart du méridien terrestre de l'époque, qui était alors considéré comme faisant le tour de la Terre. Cette longueur est d'abord approximative car la référence doit encore être mesurée. Jean-Baptiste Joseph Delambre et Pierre Méchain s'attèlent à la mesure de la distance entre Dunkerque et Barcelone, et après la publication de leur rapport, le mètre étalon est définitivement fixé par la loi du 19 frimaire an VIII de la République (10 décembre 1799) :
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+ La fixation provisoire de la longueur du mètre, à trois pieds onze lignes quarante-quatre centièmes, ordonnée par les lois des Ier août 1793 et 18 germinal an III, demeure révoquée et comme non avenue. Ladite longueur, formant la dix-millionième partie de l'arc du méridien terrestre compris entre le pôle nord et l'équateur, est définitivement fixée, dans son rapport avec les anciennes mesures, à trois pieds onze lignes deux cent quatre-vingt-seize millièmes. »
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+ C'est un méridien particulier passant par les pôles magnétiques.
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+ Certaines frontières entre pays ou régions ont été déterminées par des méridiens, bien que le cas soit moins fréquent que pour les parallèles. En partant vers l'est depuis le méridien de Greenwich, on peut noter :
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+ Une arme est un outil (physique ou numérique) ou un dispositif autonome (un piège, une mine…) ou un organisme (arme biologique) destiné dans sa conception ou dans son utilisation à neutraliser, à blesser ou à tuer un être vivant, ou à causer une destruction matérielle.
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+ On dénombre quatre usages principaux des armes :
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+ Elles ont également des finalités dérivées, telles que cérémonies et fêtes, marques de statut social…
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+ Dans les armes de guerre, on distingue trois grandes catégories : les armes non conventionnelles (à savoir les armes nucléaires, chimiques et biologiques), les armes conventionnelles (toutes les autres armes), les armes numériques ou cyber[1](cyberguerre).
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+ Aujourd'hui, les principaux usagers des armes restent les États, qui tout en en contrôlant le développement, la production et l'accès, les destinent en premier lieu aux militaires et à la police. Le contrôle des armes est considéré par certains comme primordial dans une société développée, tandis que d'autres affirment que les citoyens devraient toujours disposer d'une arme afin de pouvoir lutter, si nécessaire, contre un agresseur (concitoyen abusif ou envahisseur) ou un pouvoir corrompu.
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+ Les militaires étendent la définition du terme arme à tous les dispositifs engagés dans l'activité guerrière même s'ils ne provoquent pas de destructions immédiates. On peut ainsi citer le renseignement ou la logistique. L'ensemble des équipements nécessaires à l'utilisation d'une munition (obus, bombe ou missile) est qualifié de système d'arme. Le mot arme désigne également les cinq composantes traditionnelles de l'armée française.
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13
+ L'apologue de l'épée et de la cuirasse stipule que toute arme suscite une parade, tandis que toute protection sera dépassée par une arme nouvelle. Autrement dit, que la course aux armements est lancée de toute éternité et est absolument sans fin.
14
+
15
+ Cette course ne doit pas être comprise comme seulement sur le plan de la technologie, mais aussi sur celui de la stratégie, de la tactique (ce que Sun Tzu avait compris quatre siècles avant notre ère), et même de l'organisation sociale (de par l'aptitude à mobiliser une fraction plus grande de militaires efficaces : cent hoplites spartiates, entraînés, solidaires et bien armés, pouvaient bien surclasser mille soldats de l'armée des Perses).
16
+
17
+ Depuis les préhumains débutant probablement avec un simple gourdin ou en lançant des cailloux, l'homo sapiens a franchi un seuil important, et peut-être définitif, en acquérant, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, jusqu'à une trentaine de fois la capacité de s'autodétruire totalement.
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+ Utiliser ou posséder une arme peut correspondre à plusieurs fonctions. Certaines armes peuvent être utilisées pour plusieurs usages mais chacune est d'ordinaire plus particulièrement adaptée à un emploi particulier.
20
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21
+ Ces armes sont destinées à la mise à mort d'un animal, notamment un animal d'élevage. Le pistolet d'abattage (pistolet à projectile captif ou a projectile libre) utilisé dans les abattoirs est un exemple de ce type d'arme.
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+ Elles sont destinées à permettre la capture ou, plus souvent, à tuer un animal sauvage, généralement avec l'intention de s'en nourrir ou de supprimer un animal destructeur pour les cultures ou l'élevage. Les armes de chasse sont souvent utilisées à distance : armes de jet ou armes à feu. La chasse se pratique également avec des pièges ou de façon rapprochée : épieu, coutelas.
24
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25
+ L'une des plus anciennes armes de jet connue est constituée d'une lance légère lancée à la main dont la propulsion est améliorée grâce à un lanceur qui allonge artificiellement la longueur du bras et donc la vitesse du lancer.
26
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27
+ Utilisé durant l'Antiquité et la Préhistoire, dans différentes régions du monde, notoirement par les aborigènes d'Australie. Il s'agit d'une pièce de bois lourde et coudée lancée à la main dont le fonctionnement mécanique est le même que celui du célèbre boomerang. Ce dernier a la particularité de revenir au lanceur.
28
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29
+ Ils sont encore utilisés de nos jours par quelques chasseurs émérites. Certaines civilisations utilisent de petits arcs peu puissants dont les flèches sont enduites de poison. Les chasseurs à l'arc utilisent généralement des arcs à poulies donnant une puissance importante.
30
+
31
+ L'arbalète nécessite, contrairement à l'arc, un temps de chargement long compensé par des tirs de carreaux plus puissants.
32
+
33
+ Elles sont utilisées avec des fléchettes empoisonnées, souvent grâce à du curare. Leur dangerosité ne vient ainsi pas de la force de l'impact.
34
+
35
+ Utilisée notamment à cheval pour chasser de gros gibiers. Les lances en bois avec un fer au bout servent dans les exercices de tournois (affrontement collectif à cheval de deux compagnies de cavaliers armés de lances à l'horizontale sous le bras) et de joutes (affrontements à un contre un). Les lances sont avec les épées emblématiques de la chevalerie médiévale. Armes de guerre, on les dit « à outrance » (jusqu'à la mort), armes de loisir, on les dénomme à plaisance (un fer pas trop pointu ni aiguisé est monté sur le fût de la lance et limite les blessures)[2].
36
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37
+ Les armes à feu et notamment les fusils sont utilisés pour leur précision à la chasse depuis longtemps. Leur forme est très variable en fonction du gibier. Ils sont généralement assez encombrants et ont une cadence de tir réduite et/ou un magasin de faible capacité.
38
+
39
+ Les armes possédées par des civils répondent à des usages différents au fil de l'histoire. Par le passé tout le monde était plus ou moins armé car les outils servaient tout aussi bien à travailler qu'à faire face aux brigands. La diminution de l'insécurité et l'amélioration de la police, légitime détentrice du monopole de la puissance physique (cf. Max Weber), tend selon certains à rendre les armes de plus en plus inappropriées chez les civils. La nette séparation entre lieu de travail et vie privée ainsi que le développement technologique réduisent d'autant la disponibilité d'armes potentielles dans la vie quotidienne.
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+
41
+ Destinées à agresser son prochain, à se défendre de ces agressions ou à faire régner l'ordre public, les armes civiles répondent à des critères de discrétion, de dissuasion et de relative innocuité.
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43
+ De nombreux outils ont été utilisés comme armes au cours de l'histoire humaine, certains le sont encore. Certains de ces outils ont été modifiés pour un usage exclusivement militaire. La plupart des outils cités ci-dessous ont une version dite « d'armes » :
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+
45
+ Bon nombre d'objets de la vie courante sont susceptibles de servir d'arme : couteau, cutter, tournevis : faciles à obtenir et à camoufler, ce type d'armes est potentiellement très dangereux.
46
+
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+ Plus souvent utilisées par les forces de l'ordre ou éventuellement pour la défense du domicile, les armes à feu sont inégalement répandues dans le monde. Certains pays en limitent considérablement la détention. Le port de l'arme est souvent sévèrement limité. En France, contrairement à certaines idées reçues, seules les forces de l'ordre et quelques catégories de prestataires de sécurité (comme les convoyeurs) sont autorisés à porter une arme apparente. On trouve pour l'essentiel :
48
+
49
+ Les principales armes pendant l'Antiquité et au Moyen Âge, les armes de contact ont de multiples formes, destinées à des troupes de nature variée : infanterie plus ou moins bien équipée, soldats d'élites, cavalerie, défense de place forte.
50
+
51
+ L'épée ou le sabre sont des armes purement guerrières et qui par conséquent ont été dans de nombreuses cultures le symbole des guerriers, ainsi la noblesse en Europe, les Samourais au Japon. La lance constituait sans doute l'arme la plus répandue chez les simples soldats.
52
+
53
+ L'introduction progressive des armes à feu rendant les protections inopérantes, les armes de contact se sont également allégées. L'arme de contact s'est finalement limitée à la baïonnette, une lame ou une pointe fixée au canon du fusil et servant à la mêlée finale après les échanges de tirs. Avec l'amélioration de la cadence de tir des armes à feu, la baïonnette a perdu de son intérêt bien que les fusils d'assaut modernes puissent toujours être équipés d'un couteau à leur canon.
54
+
55
+ L'arme de mêlée est en usage jusqu'à la Première Guerre mondiale (la baïonnette Rosalie, les poignards de tranchée, les bêches à lame affutée et autres masses d'armes improvisées par les Arditi italiens et au cours des raids dans les tranchées (en)).
56
+
57
+ Très tôt les armées ont cherché à frapper l'adversaire à distance en utilisant des armes de jet. Les projectiles sont propulsés à la main ou avec un lanceur. Les lances, les frondes, les arcs ont été utilisés dès l'antiquité. On doit également citer l'arbalète, lente et puissante utilisée pour les sièges en Europe, légère et à répétition chez les Chinois. Les seules armes assimilables à des armes de jet présentes dans les arsenaux actuels sont les grenades à main.
58
+
59
+ Pistolet, revolver, arquebuse, fusil, fusil à pompe, pistolet mitrailleur, carabine, fusil d'assaut, mitrailleuse, tromblon (arme), sont les principales armes à feu utilisées par les armées.
60
+
61
+ La mine est un équipement camouflé dans l'environnement se déclenchant au passage d'une cible potentielle. Les mines sont conçues soit contre des véhicules (terrestres ou marins), soit contre les personnes. La seconde catégorie est la plus répandue et cause de cruels dommages dans les populations civiles bien après la fin des hostilités.
62
+
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+ On distingue plusieurs types de mines antipersonnel :
64
+
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+ Les déclencheurs peuvent être à pression (comme les mines antipersonnel mais réglés pour des masses de déclenchement supérieures de façon qu'une personne ne la fasse pas réagir), à contact (tige de déclenchement sortant du sol), à rupture de fil.
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+ Utilisés pour la première fois par les Alliés pendant la Première Guerre mondiale comme arme de soutien de l'infanterie, les blindés ont connu un développement considérable pendant la Seconde Guerre mondiale tant technologique que doctrinal. Outre le char d'assaut, de nombreux autres blindés de transport de troupe, d'artillerie mobile ou défense anti-aérienne ont été développés : Liste des véhicules blindés.
68
+
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+ Après guerre, les blindés ont évolué, plus mobiles, plus solides, pourvus d'un armement plus puissant et de systèmes de visée de plus en plus sophistiqués. Une limite de poids reste pourtant infranchissable, notamment pour permettre aux chars d'assaut de traverser les ponts sans qu'ils cèdent sous leur poids. Les armes destinées à les contrer se sont également multipliées, missiles guidés portables ou embarqués sur des véhicules roulants, des avions ou des hélicoptères, bombes à sous-munitions spécifiques.
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+
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+ Les blindés restent malgré tout incontournables sur le champ de bataille pour la protection qu'ils offrent contre les armes légères associées à une importante puissance de feu et une bonne mobilité.
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+
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+ Introduite au cours de la Première Guerre mondiale et uniquement pour la reconnaissance, les premiers combats se sont faits par l'échange de tir de pistolet et de fusil. Rapidement, des mitrailleuses ont été montées à bord, soit servies par un mitrailleur à l'arrière, soit montées dans l'axe de l'avion.
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+ Au commencement de la Seconde Guerre mondiale, l'aviation a vu ses rôles se multiplier : logistique, parachutage de matériel et de troupes, reconnaissance, appui aérien sur le champ de bataille, bombardement stratégique des infrastructures ennemies et chasse. Des progrès considérables ont été accomplis en quelques années. L'aviation a permis de porter le conflit en dehors des champs de bataille directement derrière la ligne de front. Elle a également permis de s'attaquer aux populations civiles avec l'objectif de briser son moral. L'utilisation à deux reprises de l'arme atomique par les États-Unis à la fin de la guerre, a considérablement renforcé le rôle stratégique de l'aviation.
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+
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+ La maîtrise de l'air est devenu une condition absolument nécessaire à la victoire. L'aviation militaire s'est développée après guerre en suivant une débauche de technologie. Le moteur à réaction a offert une puissance considérable permettant aux appareils d'emporter plus d'armes et de pouvoir voler au-dessus de la vitesse du son. Des radars embarqués permettent de repérer les cibles en l'air ou au sol et d'assurer une navigation sûre au plus près du sol, de la parabole orientable dans le nez de l'appareil à l'antenne à balayage électronique. L'armement s'est vu renforcé par des missiles guidés par infrarouge ou par radar sans que le canon disparaisse pour autant, de nombreuses munitions d'attaque au sol ont également été développées, guidées et autonomes pour assurer un maximum de sécurité aux bombardiers. Dans le même mouvement les armes anti aériennes se sont enrichies, canon à pointage radar, importants missiles sol air de haute altitude et de longue portée ou missiles à courte portée rapides et manœuvrant montés sur des véhicules ou portables par l'infanterie.
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+
79
+ Les appareils modernes sont particulièrement instables pour leur offrir la meilleure maniabilité, seule l'aide de l'informatique permet de les piloter sans risque. L'hélicoptère prend également une place de plus en plus importante depuis les années 1960. Destinés à déplacer des troupes ou les appuyer au sol et également à combattre les chars d'assaut, il permet une mobilité inconnue jusqu'alors.
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+ Voir : Liste d'avions militaires ou avion militaire, ainsi que Drone.
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+ La marine est l'une des plus anciennes armes. Elle prend un essor tout particulier au tournant du XVIe siècle avec le développement des explorations, de la colonisation et du commerce maritime à grande distance. La marine permettait d'acheminer des troupes pour le contrôle des colonies et de protéger les routes commerciales maritimes aboutissant et partant d'Europe. L'Angleterre, première puissance économique était également la première puissance maritime.
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+
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+ Les navires en bois, propulsés à la voile étaient équipés de lourds canons en fonte à chargement par la gueule qui allaient à la bataille en longues lignes qui s'échangeaient des bordées de boulets. Le combat pouvait le cas échéant continuer à l'arme blanche et à l'arme à feu de poing après un abordage.
86
+
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+ Les choses évoluèrent au cours du XIXe siècle, les canons se firent plus précis et la propulsion à vapeur commença à faire son apparition. Les premiers cuirassés, navires en acier à propulsion mécanique destinés à éperonner les navires conventionnels apparurent au cours de la guerre de Sécession.
88
+
89
+ Au début du XXe siècle les cuirassés avaient encore leur éperon et s'étaient également équipés de tourelles d'artillerie et d'un blindage de plus en plus résistant. Parallèlement les premiers torpilleurs firent leur apparition. Les premiers sous-marins furent également mis en service à cette époque, même s'ils étaient surtout utilisés pour tendre des embuscades aux convois qu'ils attaquaient au canon après avoir fait surface.
90
+
91
+ Au commencement de la Seconde Guerre mondiale, les navires de guerre étaient d'imposants bâtiments équipés des plus grosses pièces d'artillerie existantes (jusqu'à 460 mm) destinés à combattre des bateaux équivalents ou à appuyer des troupes combattant près de la côte. L'Allemagne fit des ravages dans les convois de ravitaillement traversant l'Atlantique nord avec ses sous-marins dotés d'un nombre d'équipements de détection croissants. Il fallut des navires légers et rapides équipés de sonar et de grenades sous-marines pour en venir à bout.
92
+
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+ Ce sont les Japonais et leur utilisation de l'aviation embarquée qui sonna le glas des énormes cuirassés sur-armés. L'attaque surprise de Pearl Harbor et l'utilisation intensive de l'aviation contre les navires fut un succès doctrinal qui changea définitivement le visage de la marine de guerre.
94
+
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+ Les navires à propulsion nucléaires font leur apparition au cours de la guerre froide. Si l'emploi de la propulsion nucléaire permet la construction de porte-avions colossaux, c'est surtout son utilisation dans les sous-marins qui changea considérablement la donne. Ceux-ci n'ont plus besoin de naviguer près ou en surface pour recharger leur batteries. On compte désormais les sous-marins d'attaque, destinés à attaquer les autres sous-marins, les bâtiments de surface, et les sous-marins stratégiques lanceurs d'engins destinés à porter en toute discrétion des missiles dotés d'ogives nucléaires, dont la portée permet, presque, de les lancer de n'importe où. L'enjeu de la marine n'est plus seulement la sécurité des communications marines, mais également de faire face à une menace stratégique impliquant des armes de destruction massive.
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97
+ Les bâtiments de surface ont également évolué, bardés d'équipements de détection et d'attaque destinés à faire face à des menaces venant de l'air, de la mer et, du dessous de la mer. Ils doivent autant que possible détecter leurs cibles en restant eux-mêmes le plus discret possibles. Les aéronefs, hélicoptères et avions jouent à ce titre un rôle fondamental. Les distances d'engagement se sont également allongées. Les navires de surface tout comme les sous-marins ne tirent plus que des missiles (mer/mer, mer/air, mer/terre) et, missile de croisière et, ont perdu leurs lourdes batteries d'artillerie.
98
+
99
+ Il s'agit d'armes que l'on ne tire pas sur un objectif bien déterminé, mais qui agissent sur une zone « très étendue » (supérieure au kilomètre de rayon), avec des effets très importants sur les bâtiments, les matériels et les personnes. Le plus souvent des armes NBC, c’est-à-dire qui sont soit nucléaire, biologique ou chimique.
100
+
101
+ Le 2 avril 2013, l'assemblée générale des Nations unies a adopté le premier Traité sur le commerce des armes, par 154 voix pour, trois contre (la Syrie, l'Iran et la Corée du Nord) et 23 abstentions (notamment la Russie, la Chine, l'Inde, l'Égypte, l'Indonésie, le Pakistan). Cet instrument juridique international a été ouvert pour ratifications à compter du 3 juin 2013 et devait obtenir 50 signatures pour entrer en vigueur. Chaque pays était libre de signer ou non le traité et de le ratifier. Le 25 septembre 2014, la barre des 50 ratifications du Traité a été franchie, et le 24 décembre 2014, le Traité est entré en vigueur après 90 jours de la date de la 50e ratification, comme le stipulait l'article 22 du Traité[4]. Dès lors, pour les pays qui l'auront signé, l'exportation, l'importation, le transit, le transbordement et le courtage des armes. Par contre, il ne s'appliquera pas au transport international par tout État Partie ou pour son compte d'armes classiques « destinées à son usage, pour autant que ces armes restent sa propriété ». Il désigne huit catégories d'armes : chars de combat, véhicules blindés de combat, systèmes d'artillerie de gros calibre, avions de combat, hélicoptères de combat, navires de guerre, missiles et lanceurs de missiles, armes légères et de petit calibre. S'agissant des munitions, chaque État Partie au traité est tenu d'instituer et de tenir à jour un « régime de contrôle national pour réglementer l'exportation des munitions tirées, lancées ou délivrées au moyen des armes classiques » mentionnées ci-dessus et applique les dispositions prévues par le texte avant d'autoriser l'exportation de munitions. Ce traité rendra plus difficile le détournement d'armes meurtrières sur le marché noir et contribuera à prévenir seigneurs de la guerre, pirates, terroristes et autres criminels d'acquérir de telles armes[5],[6].
102
+
103
+ Un code de conduite de l'Union européenne en matière d'armement, juridiquement contraignant, a été adopté le 10 décembre 2008 par le Conseil des ministres européens des affaires européennes. Il remplace le code de conduite volontaire de 1998[7]. Huit critères doivent être respectés, dont le respect des droits de l'homme et du droit humanitaire international dans le pays de destination finale.
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+
105
+ Selon la loi belge, profondément modifiée en 2006 et 2007, les armes se classent selon les catégorisations suivantes[8]:
106
+
107
+ Sont aussi prohibés les silencieux (montés sur une arme à feu ou non), et autres pièces ou accessoires rendant à une arme à feu un caractère prohibé ainsi que certaines munitions.
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+
109
+ L'autorisation de détention (cas général, dénommé « modèle 4 ») est valable à vie, mais l'autorité compétente se charge de vérifier, tous les 5 ans, que les motifs et conditions nécessaires à la détention sont toujours d'application. Elle peut alors décider de suspendre ou supprimer les autorisations de détention.
110
+
111
+ La loi organise également un système d'autorisation automatique (avec enregistrement, « modèle 9 ») pour les détenteurs de permis de chasse pour les armes à feu longues conçues pour la chasse, ainsi que pour les titulaires d'une licence de tireur sportif pouvant détenir des armes à feu conçues pour le tir sportif: armes longues à répétition jusqu'au calibre 8 mm et pistolet semi-automatique de calibre .22lr.
112
+
113
+ Pour le surplus, les conditions d'autorisation sont des conditions de moralité (pas de condamnation), démontrer au cours d'une épreuve sa connaissance de la règlementation et de l'arme et justifier d'un motif légitime pour l'acquisition de l'arme concernée. Ces motifs légitimes sont :
114
+
115
+ La détention d'une arme sans munitions est soumise à la même autorisation, à des conditions légèrement adaptées (pas d'épreuve de connaissance de l'arme).
116
+
117
+ En soumettant toute détention d'arme à autorisation, la loi a eu pour conséquence, dans une certaine désorganisation, de pousser des détenteurs auparavant réguliers d'armes en détention libre à faire abandon de ces armes aux mains de la police.
118
+
119
+ En effet, avant juin 2006, la loi belge connaissait les armes de chasse et de sport qui étaient en détention libre (quoique le commerce en était règlementé et que toute vente d'arme devait faire l'objet d'une déclaration administrative). Le texte de la loi actuelle provient d'un projet qui avait été présenté par le ministre de la justice Marc Verwilghen en 2002 et rejeté. Toutefois, le texte en a été repris en 2006 et proposé au Parlement par la ministre de la justice de l'époque, Laurette Onkelinx, à la suite d'un fait divers tragique au cours duquel un jeune homme mû par des pensées racistes et xénophobes avait tiré sur des passants avec une arme de chasse achetée dans une armurerie quelques minutes auparavant[9], et le texte a été voté dans l'urgence.
120
+
121
+ La loi a été à la fois louée et vilipendée[10], et pourrait encore être modifiée[11]. Certaines de ses dispositions ont été annulées en décembre 2007 par la Cour constitutionnelle, accordant partiellement la « clause du grand-père » à ceux qui détenaient une arme régulièrement : ceux-ci pourront demander une autorisation de détention d'arme sans munitions qui devra leur être accordée s'ils sont dans les conditions de base (moralité…)[12].
122
+
123
+ Second pays le plus touché parmi les homicides (36 000 en 2004, soit environ 100 décès par jour), le Brésil a lancé un référendum sur l'interdiction de vente des armes à feu. Le 23 octobre 2005, il a été rejeté par 64 % des votants, la population craignant que l'État ne puisse mettre un terme à la circulation illégale des armes, tout en empêchant leur achat légal.
124
+
125
+ L'âge minimal pour détenir légalement une arme à feu à titre sportif ou de chasse en Finlande est fixé à 15 ans. La Finlande est un des pays européens où la législation sur les armes reste la moins sévère, contrairement à la France où la régulation est très stricte[13],[14]. On estime que 56 % de la population finlandaise détient une arme[13],[14].
126
+
127
+ Les premières mesures de restriction au port d’armes remontent au milieu du XIIIe siècle[15].
128
+
129
+ La législation actuelle trouve son origine dans le décret-loi du 18 avril 1939[16] qui sous prétexte d'éviter quelque insurrection désarme les Français et rendra difficile l'armement de départ de la Résistance[17].
130
+
131
+ Aujourd'hui, il est impossible d'acheter une arme à feu sans appartenir à un club de tir ou sans être titulaire d'un permis de chasser[18], sauf s'il s'agit d'une arme de 8e catégorie à poudre noire à rechargement par la bouche, qui reste en vente libre aux plus de 18 ans. Le port d'arme de guerre ou de défense est strictement réservé aux militaires, policiers, douaniers, voire agents de surveillance. Très exceptionnellement, une personne menacée peut être autorisée par la préfecture à porter une arme de poing[19].
132
+
133
+ L'achat, la détention, le transport et l'usage des armes, de leurs munitions et composants est soumis à une stricte réglementation en France. Pendant longtemps, ont été distinguées huit catégories :
134
+
135
+ En particulier :
136
+
137
+ Leur détention est soumise à une autorisation préfectorale et doit figurer dans les registres des armes de 1re et 4e catégorie. Sans permis de port d'arme valide leur port est interdit donc elles doivent obligatoirement être rendues inopérantes pour être transportées.
138
+
139
+ Pour avoir le droit de détenir une arme de 1re ou de 4e catégorie, il faut :
140
+
141
+ Les armes sont désormais classées en 4 catégories en fonction de leur dangerosité, et non plus de leur nature (armes à feu ou armes blanches par exemple). Pour les armes à feu, la dangerosité s'apprécie en fonction des modalités de répétition du tir et du nombre de coups tirés. À chaque catégorie correspond un régime administratif d'acquisition et de détention (l'interdiction, l'autorisation, la déclaration, l'enregistrement ou la détention libre).
142
+
143
+ En RFA, le port d'arme était interdit en dehors du service.
144
+
145
+ En Suisse, le Conseil des États a adopté en janvier 2006 à l’unanimité de ses 30 voix la révision de la loi sur les armes qui vise au marquage des armes à feu par leurs fabricants, de l'obligation d'un permis d'acquisition pour le commerce entre particuliers ou en cas d'héritage ainsi que de l'interdiction de posséder des armes à feu en rafale ou des grenades. Par contre les conseillers aux États ont refusé de relever l'âge minimum pour posséder un permis d'acquisition de 18 à 21 ans et d'élargir la portée de l'obligation de marquage aux détenteurs d'armes. L'idée d’un registre national des armes à feu a été rejetée.
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+ Le peuple suisse s'est prononcé à deux reprises, à travers deux initiatives populaires fédérale, sur l'interdiction d'exporter du matériel de guerre. Les deux initiatives ont été rejetées par la majorité de la population.
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+ Turdus merula
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+ Espèce
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+ Statut de conservation UICN
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+
7
+ LC  : Préoccupation mineure
8
+
9
+ Le Merle noir (Turdus merula), ou plus communément Merle, est une espèce de passereaux de la famille des turdidés.
10
+
11
+ Le merle niche en Europe, Asie et Afrique du Nord, et a été introduit en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il existe plusieurs sous-espèces de Merle noir sur sa vaste aire de répartition dont certaines sous-espèces asiatiques sont considérées par certains auteurs comme des espèces à part entière. Selon la latitude, le Merle noir peut être sédentaire ou migrateur, partiellement ou entièrement.
12
+
13
+ Le mâle de la sous-espèce holotype, celle qui est la plus répandue en Europe, est entièrement noir, à part le bec jaune et un anneau jaune autour de l'œil, et possède un vaste répertoire de vocalisations tandis que la femelle adulte et les juvéniles ont un plumage brun. Cette espèce niche dans les bois et jardins, construisant un nid en forme de coupe aux formes bien définies, bordé de boue. Le Merle noir est omnivore et consomme une grande variété d'insectes, de vers et de fruits.
14
+
15
+ Mâle et femelle ont un comportement territorial sur le site de nidification, chacun ayant un comportement agressif distinct, mais sont plus grégaires lors de la migration ou sur les aires d'hivernage. Les couples restent dans leur territoire pendant toute l'année dans les régions où le climat est suffisamment tempéré. De nombreuses références littéraires et culturelles à cette espèce commune font cas de son chant mélodieux.
16
+
17
+ Le Merle noir de la sous-espèce type (Turdus merula merula) a une longue queue (95 à 110 mm pour le mâle et 100 à 105 mm pour la femelle), mesure entre 23,5 et 29 cm de long pour une envergure de 34 à 38 cm, et pèse entre 80 et 125 grammes. Cette masse varie en fonction du sexe mais aussi des saisons et des contraintes physiologiques qui leur sont liées[1].
18
+
19
+ Les mâles (118 à 135 mm d'aile pliée, 28 à 33 mm de tarse et 20 à 23 mm de bec) tendent à être plus grands que les femelles (118 à 129 mm d'aile pliée, 28 à 29 mm de tarse et 20 à 21 mm de bec).
20
+
21
+ Le plumage des mâles adultes est entièrement noir de jais et contraste vivement avec un anneau oculaire jaune ou jaune-orangé et avec un bec brillant jaune-orangé. Ce contraste coloré est probablement un indicateur de qualité du mâle (une couleur vive étant corrélée à sa condition physique, son âge, son succès reproducteur ou la qualité de son territoire)[2]. En hiver, le cercle autour de l'œil devient plus brun et le bec légèrement plus sombre[3]. Les pattes sont brun-noir[1].
22
+
23
+ Selon les sous-espèces et selon la saison (plumage nuptial, plumage postnuptial frais à la teinte noir glacé et plumage internuptial[4] aux plumes mates et usées à la fin du printemps), le noir du plumage est plus ou moins intense[5]. Il est assez brillant chez la sous-espèce-type T. m. merula. Chez quelques sous-espèces d'Inde et de Ceylan, la couleur du plumage des mâles tire vers le brun ou vers le gris-bleu. Ces caractéristiques permettent de le distinguer du plumage brun sombre ou noir constellé de blanc de la principale espèce européenne, l'étourneau sansonnet.
24
+
25
+ Le dimorphisme sexuel est bien visible.
26
+
27
+ La femelle a un plumage brun roussâtre, dont les tons varient d'un individu à l'autre, présentant des zones plus noirâtres. Elle ne possède pas le bec et l'anneau orbital jaune brillant du mâle : son bec est marron, parfois avec une zone jaune pâle, et son cercle orbitaire[6] est brun clair. Sa gorge est plus claire que le reste de son plumage, pouvant présenter un aspect vaguement pommelé. Ses pattes sont brun foncé, sa poitrine brun clair.
28
+
29
+ Les juvéniles possèdent un plumage brun similaire à celui de la femelle, mais moucheté de beige sur la poitrine et le dessous du corps. Chez eux aussi les tons de brun varient d'un individu à l'autre ; les plus sombres sont présumés être des mâles[1]. Ce plumage juvénile dure jusqu'à la première mue, entre août et octobre. Les mâles acquièrent alors le plumage noir luisant, mais leur bec est plus sombre et l'anneau jaune autour des yeux est moins visible ; l'aile garde encore une teinte plus brune que le corps[7]. Le bec des jeunes mâles n'atteint sa couleur jaune et leur corps un aspect noir uniforme qu'après une année complète.
30
+
31
+ Des anomalies de coloration du plumage sont occasionnellement observées chez les Merles noirs. Même si ces phénomènes demeurent rares en chiffres absolus, ils semblent moins exceptionnels que chez les autres espèces d'oiseaux. Selon des observations menées en Grande-Bretagne, sur l'effectif total d'oiseaux décolorés recensés de toutes espèces, 29 % appartiennent au genre Turdus et sont principalement des Merles noirs, en l'occurrence des merles blancs[8]. L'existence de merles blancs avait déjà été rapportée entre autres par Buffon[9].
32
+
33
+ Les anomalies s'expriment toutes par une décoloration plus ou moins prononcée mais sont de natures diverses et peuvent relever de l'albinisme véritable et total (l'albinisme est ou n'est pas, l'albinisme ne peut être partiel), de la canitie ou de diverses formes d'aberration (leucisme, dilutions, schizochroïsmes…)[10]. Alors que pour les vrais albinos la cause est purement génétique, d'autres facteurs, comme le vieillissement ou les carences alimentaires et vitaminiques, peuvent intervenir pour expliquer les déficiences de pigmentation[8].
34
+
35
+ Réputés plus vulnérables, les individus entièrement blancs ont de moindres chances de survie et de reproduction (les albinos ont une déficience visuelle qui les voue à une mort rapide, en général les albinos rencontrés sont donc toujours des sujets jeunes ; en revanche les merles leuciques n'ont pas d'atteinte oculaire et peuvent très bien atteindre l'âge adulte). Aussi la plupart des merles tout blancs que l'on peut observer actuellement, qu'il s'agisse de véritables albinos ou non, sont des animaux reproduits sous la protection des humains. Quant aux décolorations partielles qui surviennent chez des animaux réellement sauvages, il semble qu'elles soient nettement plus fréquentes en milieu urbain.
36
+
37
+ En Europe, le Merle noir peut être confondu avec le juvénile du Merle à plastron (Turdus torquatus) lorsqu'il est dans sa première année, mais ce dernier a les ailes plus pâles. Le Merle noir présente également une ressemblance superficielle avec l'Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris)[1].
38
+
39
+ La sous-espèce T. m. kinsii du Sri Lanka ressemble à une autre espèce sri lankaise, le Merle siffleur de Ceylan (Myophonus blighi), mais cette dernière présente toujours du bleu dans son plumage, et à une espèce qui ne vit pas dans la même région du monde, le Merle unicolore (Turdus unicolor), qui a un ventre beaucoup plus pâle[7],[11].
40
+
41
+ Un certain nombre d'espèces membres du genre Turdus, d'apparence assez similaires au Merle noir, vivent en dehors de l'aire de répartition de ce dernier, comme le Merle chiguanco (Turdus chiguanco) sud-américain[12].
42
+
43
+ La femelle Merle noir peut être confondue avec une Grive musicienne (Turdus philomelos), mais cette dernière a le dessous nettement plus pâle et ponctué de sombre.
44
+
45
+ Le régime alimentaire des Merles noirs est omnivore. Ils se nourrissent d'une grande variété d'espèces d'insectes, de vers et de divers autres petits animaux et ils consomment également des fruits et parfois des graines.
46
+
47
+ Les merles recherchent principalement leurs proies à terre. Ils courent, sautillent, progressent par à-coups et penchent la tête de côté pour observer le sol. Ils chassent principalement à vue mais utilisent aussi parfois leur ouïe. Ce sont d'importants consommateurs de lombrics qu'ils attrapent en fouillant l'humus. Ils sauraient les faire émerger de leurs galeries en tapotant le sol avant de les en extirper[13]. Ils grattent aussi la litière des feuilles en décomposition, de façon bruyante et démonstrative, en faisant voleter les feuilles à la recherche de toutes sortes d'invertébrés : des insectes aussi bien à l'état de larves que d'imagos, des araignées, des myriapodes, des limaces, des petits escargots[14]… Exceptionnellement, ils se repaissent de petits vertébrés comme des têtards, de petits amphibiens adultes ou des lézards. Même s'ils sont surtout des chasseurs au sol, les merles n'hésitent pas à explorer les arbres et les buissons pour collecter les insectes qui y sont posés, notamment les chenilles.
48
+
49
+ Mais si les Merles noirs fréquentent les branchages pour s'alimenter, c'est d'abord à la recherche de fruits, généralement de petits fruits charnus : baies ou drupes[15]. La nature des fruits consommés dépend de ce qui est localement disponible, et peut inclure des espèces exotiques prises dans les jardins ou les vergers. Ils affectionnent les petits fruits qu'ils peuvent saisir et emporter dans leur bec mais ne dédaignent pas de picorer de plus gros fruits tombés à terre comme des pommes.
50
+
51
+ En Europe tempérée, ils se nourrissent de baies de troène, de sureau noir, d'argouses, de cornouilles, de cerises, de mûres de roncier… En hiver, ils trouvent, encore accrochés aux rameaux, des fruits d'aubépine, de lierre grimpant, des sorbes, des boules de houx, du gui, etc.[16]. Plus au sud, ils peuvent cueillir des olives, des myrtes, des fruits de micocoulier, des raisins… Dans le nord de l'Inde, les petites figues du Figuier des Banyans et les mûres de mûrier sont souvent consommées, alors que vers le sud de ce sous-continent, les petites baies noires des arbres du genre Trema font fréquemment partie de leur régime[7]. Comme d'autres turdidés, le merle noir peut régurgiter les graines non digérées de certaines de ces baies[17].
52
+
53
+ Les proies animales dominent et sont particulièrement importantes dans l'alimentation du merle pendant la saison de nidification, alors que les fruits tombés ou les baies prennent de l'importance en automne et en hiver.
54
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55
+ Les Merles noirs ont une territorialité très affirmée et ne vivent pas en groupe. Chaque individu délimite son territoire propre dont l'étendue varie de 0,2 à 0,5 ha en forêt ou de 0,1 à 0,3 ha en ville. Le mâle établit son territoire au cours de sa première année d'existence et le garde sa vie entière. Durant la saison de nidification, un merle ne supporte aucun congénère, à l'exception de son partenaire.
56
+
57
+ Pour défendre l'exclusivité de son territoire, un mâle chasse les autres mâles par des postures de menace : une course brève vers l'intrus, la tête d'abord levée, puis penchée vers le bas au fur et à mesure que la queue s'abaisse. Si un combat s'ensuit, les deux mâles se font face et, voletant à quelques centimètres du sol en poussant des cris, les pattes tendues vers l'adversaire. Ces combats sont généralement de courte durée, plus démonstratifs que violents, et l'expulsion de l'intrus est rapide. La femelle aussi est agressive au printemps, quand elle entre en compétition avec d'autres femelles pour un partenaire ou un territoire de nidification. Bien que les combats de femelles soient moins fréquents, ils ont tendance à être plus violents[15].
58
+
59
+ En dehors de la période de reproduction, plusieurs merles peuvent partager un habitat commun qui leur procure nourriture et abri, et il arrive qu'ils se perchent pour la nuit en petits groupes, mais même dans ce cas, il n'y a guère de relations entre les individus.
60
+
61
+ Le territoire d'un merle, bien qu'essentiel à la formation des couples et à la nidification, ne fournit au mieux qu'une partie des ressources en nourriture[18].
62
+
63
+ Une étude semble montrer que l'apparence du bec est un facteur important dans les interactions entre Merles noirs. Le mâle qui défend son territoire réagit plus agressivement envers les intrus au bec orangé qu'envers ceux à bec jaune, mais il réagit moins aux becs bruns, caractéristiques des jeunes mâles de moins d'un an et des femelles. La femelle est au contraire relativement indifférente à la couleur du bec de l'intrus, mais semble sensible à la réflexion des ultraviolets sur le bec[19].
64
+
65
+ On dit que le merle siffle, flûte, appelle ou babille[20].
66
+
67
+ Un Merle noir mâle d'un an de la sous-espèce Turdus merula merula peut déjà commencer à chanter dès le mois de janvier par beau temps, afin d'établir un territoire. Il est suivi fin mars par le mâle adulte. « Chaque mâle possède une grande variété de phrases. Sonores et émises sans hâte, on les reconnaît facilement grâce au timbre flûté de nombreuses syllabes. Mais les phrases se terminent souvent par des sons suraigus, moins agréables. Elles peuvent aussi comporter des syllabes empruntées à d'autres oiseaux, voire des sonneries de GSM » (Metzmacher, 2008). Ce chant est lancé depuis le haut des arbres, le toit des maisons ou tout autre perchoir dominant les environs. Il chante de mars à juin, parfois début juillet. Une étude semble montrer que le chant dure plus longtemps lorsque le mâle est en meilleure forme, et lorsque sa femelle est dans une période de fertilité maximale[21]. Le mâle peut chanter à tout moment de la journée, mais le lever et le coucher du soleil sont les moments où les chants sont plus intenses. Le chant du Merle noir est considéré comme l'un des plus beaux chants d'oiseaux d'Europe. Sa richesse de répertoire, ses variations mélodiques et ses capacités d'improvisation distinguent le Merle noir européen de la plupart des autres oiseaux.
68
+
69
+ Il possède de nombreux autres appels, tel un agressif sriiii, un pök-pök-pök d'alarme désignant un prédateur terrestre (un chat par exemple), et divers tchink et tchouk, tchouk. Le mâle assurant un territoire réalise invariablement des appels de type chink-chink dans la soirée, dans une tentative (généralement vaine) de décourager les autres mâles de venir se percher pour dormir sur son territoire[15]. Comme les autres passereaux, il a un léger sriiiiii d'alarme haut perché pour désigner les oiseaux de proie, car ce son est rapidement étouffé par la végétation, et donc difficile à localiser[22]. En cas de vive inquiétude, il émet une série de cris gloussants, précipités et bruyants.
70
+
71
+ Au moins deux sous-espèces, T. m. merula et T. m. nigropileus, sont capables d'imiter d'autres espèces d'oiseaux, mais aussi des chats, des humains ou des alarmes, mais le son obtenu est généralement faible et difficile à détecter. Les grandes sous-espèces de montagne, particulièrement T. m. maximus, ont un chant comparativement de piètre qualité, avec un répertoire limité comparé à celui des sous-espèces occidentales, sri lankaises ou de l'Inde péninsulaire[7].
72
+
73
+ La parade nuptiale du mâle se compose de courses obliques combinées à des hochements de tête, le bec ouvert, et un chant émis avec une voix grave et étranglée. La femelle reste immobile jusqu'à ce qu'elle lève la tête et la queue pour permettre l'accouplement[15]. Cette espèce est monogame, la fidélité étant généralement la règle jusqu'au décès d'un des partenaires[23]. La séparation des couples survient cependant dans 20 % des cas après une saison de reproduction ayant un faible taux de réussite[24]. De plus, bien que « socialement » monogame, des études ont montré que le taux de paternité adultérine peut atteindre 17 % chez cette espèce[25].
74
+
75
+ La sous-espèce Turdus merula merula commence généralement à pondre en mars, mais les sous-espèces orientales et indiennes sont plus tardives, commençant au plus tôt en avril ou en mai. Les individus introduits dans l'hémisphère sud, eux, commencent à pondre en août[7],[26].
76
+
77
+ Le couple nicheur recherche un emplacement convenable pour la nidification dans un buisson (arbustif ou grimpant), généralement à environ 2 m du sol, favorisant certaines espèces végétales comme le lierre, le houx, l'aubépine, le chèvrefeuille ou le pyracantha[27]. Le nid peut aussi être installé sur la fourche d'une branche d'arbre[28].
78
+
79
+ Bien que le mâle puisse aider à la construction du nid, principalement en apportant des matériaux de construction[29], la femelle construit presque seule un nid en forme de coupelle avec de la mousse, de l'herbe, de petites racines et des brindilles, qu'elle borde ensuite de boue ou de feuilles boueuses. Elle pond ensuite 2 à 6 œufs (généralement 4) de couleur bleu-vert, présentant des taches brun-rouge qui sont plus nombreuses sur le gros bout[15],[26]. Les œufs de la sous-espèce T. m. merula ont des dimensions moyennes de 2,9 × 2,1 cm et pèsent généralement 7,2 grammes (6 % de cette masse correspond à la coquille)[30]. Les coquilles d'œufs des sous-espèces du sud de l'Inde sont plus pâles que celles des autres[7].
80
+
81
+ La femelle couve seule durant 12 à 14 jours avant l'éclosion, qui donne naissance à des oisillons nidicoles, nus et aveugles d'une masse de 5 à 6 g. Les parents s'occupent tous les deux des petits, les nourrissant et débarrassant le nid des sacs fécaux. La masse atteinte par le poussin à l'âge de huit jours est déterminante pour la survie ultérieure : la masse idéale serait de 35 à 45 g, en dessous de ces valeurs le poussin aurait très peu de chance de survivre[31]. En effet, la période qui suit le séjour au nid est primordiale pour la survie. Pendant trente jours, les jeunes sont particulièrement vulnérables : les plus lourds sont alors favorisés par rapport aux plus légers. À douze jours, les poussins pèsent entre 60 et 65 g.
82
+
83
+ Ils quitteront leur nid très tôt, au bout de 10 à 19 jours (13,6 jours en moyenne avec une masse de 70 à 80 g)[23], une semaine avant de savoir voler : ils rampent hors du nid, se laissent tomber en voletant, et vont se mettre à couvert à proximité[32]. Ils seront encore nourris par leurs parents pendant trois semaines après leur départ du nid et suivront les adultes, mendiant de la nourriture. Si la femelle commence une deuxième couvée, le mâle assurera seul le nourrissage des jeunes[15]. Une seconde couvée est en effet commune, la femelle réutilisant le même nid si la première couvée a été couronnée de succès et, dans le sud de l'aire de répartition de cette espèce, il peut ainsi y avoir jusqu'à trois couvées par an, voire davantage[7],[20]. Pendant la période où les petits sont nourris par leurs parents, ils apprendront à choisir leur nourriture. À mesure que leur expérience et leur confiance augmentent, ils commencent à s'aventurer plus avant dans le territoire parental. Les jeunes finissent par prendre leur indépendance et s'envoler, toujours de leur propre chef : ils ne sont jamais chassés par leurs parents[32].
84
+
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+ Les jeunes seront à leur tour capables de se reproduire à un an[33], après avoir choisi leur propre territoire.
86
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+ En France, la prédation, les maladies, la chasse et les aléas climatiques provoquent une mortalité moyenne variant de 50 à 80 % selon les régions[16].
88
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89
+ Cette sous-espèce des régions montagneuses a une saison de reproduction plus courte et ne peut produire qu'une seule couvée par an. La femelle pond généralement moins d'œufs, de 2 à 4 (2,86 œufs en moyenne), mais de dimensions plus grandes que ceux de T. m. merula. La période d'incubation sera en moyenne plus courte (de 12 à 13 jours), mais les petits resteront plus longtemps au nid (durant 16 à 18 jours)[34].
90
+
91
+ Le merle noir, espèce communément répandue de l'Ancien Monde, est mentionné et décrit dans de nombreux textes anciens. Il est cité par Aristote sous le nom de Cottyphus (Κοττύφος) au dix-huitième chapitre du neuvième Livre des Animaux comme la principale espèce de merle. Nommé en latin merula, ce qui donnera directement en français merle[35], Varron fournit comme explication étymologique un diminutif de mera : Merula est le quasi mera, le « presque seul », celui qui ne vole pas en groupe, ce qui rend bien compte du caractère solitaire de cet oiseau[36].
92
+
93
+ En 1555, Pierre Belon dans l'Histoire de la nature des oiseaux en dit notamment que « Chacun sait qu'il est de couleur noire, et que son bec devient jaune en vieillissant… » et plus loin que « Les médecins tiennent qu'il engendre bonnes humeurs, acomparants la chair à celle de la Grive aussi ont maintenant coutume de concéder aux malades d'en manger, l'estimant de facile digestion[37] ».
94
+
95
+ Le très commun Merle noir est naturellement recensé par Carl von Linné dès 1746 dans son ouvrage sur la faune de Suède, Fauna Svecica. Il y est répertorié sous l'appellation
96
+ Turdus ater, rostro palpebrisque fulvis[38] qui signifie « grive noire, au bec et aux paupières jaunes ». Il est d'ores et déjà regroupé avec les grives dans le genre Turdus, conformément à cet égard au sens de son nom en suédois koltrast, la « grive de charbon ».
97
+
98
+ Dans l'édition de 1758 de Systema Naturae, qui établit la généralisation de la nomenclature binominale, Linné lui donne enfin le nom scientifique qu'il a toujours conservé jusqu'à présent : Turdus merula[39], en apposant au nom de genre Turdus, la « grive » en latin, le nom d'espèce merula, le « merle » dans la même langue. Ce qui lui servait de longue appellation savante précédemment ne devient plus alors qu'une simple description. Linné ajoute que le Merle noir dissémine les graines de genévrier.
99
+
100
+ Le Merle noir appartient au genre Turdus, avec les grives et d'autres espèces de « merles ». La différenciation entre les merles et les grives ne repose pas sur des fondements biologiques ; elle est purement culturelle et linguistique, et diffère selon les langues.
101
+
102
+ Les oiseaux du genre Turdus ont été, dès les premières classifications de Linné, à l'origine de la création de la famille des Turdidae dont ils forment le genre-type. Mais sur la base d'une vaste étude génétique générale des oiseaux menée dans les années 1970 et 80, mesurant l'hybridation de l'ADN et menant à une nouvelle classification taxinomique dite de Sibley-Ahlquist, des ornithologues américains ont intégré ce groupe dans la famille des Muscicapidae. L'ancienne famille des Turdidae passe alors au rang de sous-famille, celle des Turdinae. Cependant la fiabilité de la méthodologie utilisée par Charles Gald Sibley et Jon Ahlquist et la pertinence des résultats déduits est contestée par une large part des spécialistes en ornithologie. Dans des classifications plus récentes, notamment celle de Jim Clements[40], la famille des Turdidae est pleinement rétablie.
103
+
104
+ Parmi les 65 espèces environ du genre Turdus, caractérisées par une taille moyenne, des têtes rondes, de longues ailes pointues et des chants généralement mélodieux, plusieurs sont aussi appelées en français « merles » comme le Merle à plastron (Turdus torquatus) ou le Merle d'Amérique (Turdus migratorius). Le Merle noir semble en particulier être très proche, au niveau phylogénique, du Merle des îles (Turdus poliocephalus), oiseau du sud-ouest de l'océan Pacifique, qui a probablement divergé au point de vue évolutif très récemment des populations de Turdus merula[7].
105
+
106
+ D'autres espèces de proche parenté sont également appelées couramment « merles » comme le merle de roche (Monticola saxatilis), mais d'autres « merles » appartiennent à des familles plus éloignées, comme le merle d'eau ou Cincle plongeur ou encore le merle des Indes ou Mainate et sont surnommés ainsi en raison de ressemblances avec le Merle noir par la taille, la couleur, le chant ou le régime alimentaire.
107
+
108
+ Turdus simillimus et Turdus maximus, citées comme espèces à part entière, sont considérées comme sous-espèces par certains auteurs[41].
109
+
110
+ En fait, la taxonomie de cette espèce est assez complexe, surtout en ce qui concerne les sous-espèces asiatiques. Celles du sous-continent indien (T. m. simillimus, T. m. nigropileus, T. m. bourdilloni, T. m. spencei et T. m. kinnissi) sont de petite taille, seulement 19 à 20 cm de long, et les mâles ont un anneau oculaire large ; elles diffèrent aussi des autres sous-espèces de Turdus merula par leurs proportions, par leur surface alaire et leur envergure, par la couleur de leurs œufs et par leurs vocalisations. De fait, elles sont parfois considérées comme constituant une espèce séparée, le Merle indien (T. simillimus)[42],[43]. La sous-espèce himalayenne T. m. maximus est très différente des sous-espèces indiennes (le groupe simillimus cité plus haut), car ses représentants sont plus grands (23 à 28 cm de long) ; elle diffère en fait de toutes les autres sous-espèces de Turdus merula par son manque total d'anneau oculaire et par ses piètres vocalisations. Elle est donc parfois considérée comme une espèce à part entière, le Merle tibétain (T. maximus)[44].Les autres sous-espèces asiatiques, T. m. intermedius et T. m. mandarinus, relativement grandes, et T. m. sowerbyi, plus petite, sont elles aussi différentes par leur aspect et leurs vocalisations, et pourraient, selon certains auteurs, former une espèce distincte qui, une fois reconnue serait appelée Merle chinois et prendrait comme nom scientifique T. mandarinus[45]. Certains auteurs ont suggéré qu'on pourrait les considérer comme une sous-espèce de T. maximus[7], mais ces merles en diffèrent par leur aspect (notamment par leur anneau oculaire) et par leurs vocalisations[44],[45].
111
+
112
+ Les sous-espèces européennes, tout comme celles d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, se distinguent les unes des autres par des nuances de coloration du plumage. Le plumage des mâles des populations des Açores (Turdus merula azorensis), de Madère et des îles Canaries occidentales (Turdus merula cabrerae) et d'Afrique du Nord (Turdus merula mauretanicus) est d'un noir plus profond et plus brillant que celui des mâles d'Europe continentale (Turdus merula merula). De même, les femelles sont plus sombres puisque brun noir chez azorensis et cabrerae ou gris suie chez mauretanicus au lieu de brunes chez merula. Chez cette dernière sous-espèce, les oiseaux tendent à avoir des tailles un peu plus grandes et des ailes un peu plus longues du sud vers le nord. Les populations des îles méditerranéennes se singularisent par leur taille plus petite. En Suède, des mâles à gorge blanche et des femelles très rousses peuvent être observés. Dans le sud-est de l'Europe, les oiseeaux (Turdus merula aterrimus) sont plus pâles et plus gris. Du Proche-Orient jusqu'à l'Irak et l'Iran, les mâles de la sous-espèce syriacus sont pâles et les femelles grises.
113
+
114
+ Commun dans les zones boisées sur la grande majorité de son aire de répartition, le Merle noir a une préférence pour les forêts décidues, à sous-bois dense. Cependant, les jardins leur fournissent le meilleur site de nidification, capables d'accueillir jusqu'à 7,3 couples par hectare, alors que les forêts ne peuvent soutenir que le dixième de cette densité de population (et les espaces ouverts et très urbanisés encore moins)[15]. On peut aussi le trouver dans des haies, des zones arbustives, en lisière de forêt, dans des parcs ou cultures, voire en zone urbaine.
115
+
116
+ En Europe, il est souvent graduellement remplacé par le Merle à plastron, espèce assez proche du point de vue taxonomique, quand on progresse en altitude[26]. On peut le trouver jusqu'à 1 000 m d'altitude en Europe, 2 300 m en Afrique du Nord, 800 m au Sri Lanka et 900 m dans la péninsule indienne, mais les grandes sous-espèces himalayennes peuvent atteindre des altitudes bien supérieures : T. m. maximus niche entre 3 200 et 4 800 m et demeure au-dessus de 2 100 m d'altitude même en hiver[7].
117
+
118
+ Le Merle noir niche dans toute l'Europe tempérée, toujours en dessous du cercle polaire arctique, mais aussi en Afrique du Nord, sur certaines îles atlantiques (Madère, Açores, îles Canaries) et dans une grande partie de l'Asie du Sud.
119
+
120
+ Le Merle noir a été introduit dans de nombreuses parties du monde en dehors de son aire originelle. Par exemple, en Australie et en Nouvelle-Zélande, se trouvent des descendants de merles importés de Grande-Bretagne[7].
121
+
122
+ Selon la latitude, le Merle noir peut être un oiseau sédentaire ou migrateur, partiellement ou entièrement[45]. Les populations du sud et de l'ouest de l'aire de répartition sont sédentaires, mais les merles les plus nordiques migrent vers le sud jusqu'à l'Afrique du Nord ou l'Asie tropicale en hiver[7].
123
+
124
+ Les mâles des populations urbaines sont plus à même de rester en hiver dans les climats frais que les mâles de campagne, adaptation rendue possible grâce à un microclimat plus clément et à une nourriture relativement abondante, qui permet à ces oiseaux d'établir un territoire et de commencer la reproduction plus tôt dans l'année[46]. Tant que de la nourriture est disponible en hiver, mâles et femelles resteront sur leur territoire tout au long de l'année.
125
+
126
+ Les individus migrateurs sont capables de couvrir de grandes distances. Ils sont plus sociables, voyageant en petits groupes, généralement de nuit, et se nourrissant en groupe dispersé sur les aires d'hivernage. Le vol de migration, qui consiste en des séries de rapides battements d'ailes interrompues par des mouvements planés horizontaux ou plongeants, diffère du vol normal, rapide et agile, du Merle noir, mais aussi du vol de plus grands Turdidae, présentant souvent des mouvements plongeants plus accentués[20],[23].
127
+
128
+ Quelques individus erratiques de cette espèce très répandue géographiquement sont occasionnellement apparus en de nombreux endroits d'Europe hors de leur aire normale de répartition, comme dans l'archipel de Svalbard et l'île de Jan Mayen, situés dans la région Arctique. Il y a aussi eu des observations d'individus erratiques au Japon[47]. Les observations en Amérique du Nord sont généralement imputées à des individus captifs échappés, comme dans le cas du merle noir observé au Québec en 1971[48]. Cependant, une observation datant de 1994 à Bonavista, dans la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador, a été reconnue comme une observation d'un individu vraiment sauvage[7] et l'espèce figure de fait sur la liste des oiseaux de l'Amérique du Nord[49].
129
+
130
+ La population mondiale du merle noir n'a pas été chiffrée, mais la population européenne est estimée entre 79 et 160 millions d'individus[50]. Cette espèce est particulièrement abondante en Allemagne (8 à 16 millions de couples), au Royaume-Uni (près de 5 millions de couples) et en France où les effectifs de merles sont estimés à plusieurs dizaines de millions de couples nicheurs[16]. Cette population y est considérée comme stable, et l'indice d'abondance des oiseaux nicheurs en France montre même une légère augmentation entre 1994 et 2003[16].
131
+
132
+ L'avenir de l'espèce dépendra essentiellement du maintien d'habitats diversifiés favorables lui apportant abri et ressources alimentaires. La population européenne semble globalement en accroissement depuis les années 1990, elle est donc considérée comme « sécurisée » par Birdlife International[51].
133
+
134
+ Ce paragraphe suivra la proposition de classification de Clement (voir paragraphe « Systématique »):
135
+
136
+ Un Merle noir a une espérance de vie de 2,4 ans en moyenne[54], ce qui inclut la mortalité infantile. Les Merles noirs dépassant leur première année vivent 5 ans en moyenne[55], mais selon des résultats basés sur le marquage, cette espèce peut atteindre un âge record de 21 ans et 10 mois[33],[56].
137
+
138
+ Le principal prédateur du Merle noir est le chat domestique, mais le renard, la fouine, l'hermine et les rapaces, comme les éperviers et les autours, chassent aussi cette espèce quand l'occasion se présente, et limitent ainsi les populations de Merle noir[57],[58]. Par contre, il n'y a guère de preuves directes montrant que la prédation des œufs de Merle noir, des oisillons ou des adultes par les Corvidés, tels que la Pie bavarde, la Corneille noire, ou le Geai des chênes, ait un impact direct sur les effectifs des populations de merles[27].
139
+
140
+ Le Merle noir est occasionnellement l'hôte involontaire du Coucou gris (Cuculus canorus), espèce parasite qui pond ses œufs dans le nid d'autres espèces. Mais généralement, le coucou en est pour ses frais, car le merle sait reconnaître l'adulte de cette espèce, mais aussi ses œufs, plus gros que ceux des espèces qu'il parasite, et qui sont rejetés[59]. Le merle introduit en Nouvelle-Zélande, où le coucou ne vit pas, a depuis perdu la capacité à reconnaître le Coucou gris adulte, mais rejette toujours les œufs de ce dernier[60].
141
+
142
+ Comme chez tous les passereaux, les parasites sont communs chez le merle. Des études ont montré que 88 % des merles examinés présentaient des parasites intestinaux, le plus fréquemment du genre Isospora ou Capillaria[61], et plus de 80 % présentaient des hématozoaires parasites[62].
143
+
144
+ Les merles passent beaucoup de leur temps à chercher de la nourriture au niveau du sol. Ils sont souvent colonisés par des tiques, ou autres parasites externes, surtout au niveau de la tête[63]. Lors d'une étude en France, 74 % des merles examinés en milieu rural étaient infestés de tiques du genre Ixodes, contre seulement 2 % de ceux examinés en milieu urbain[63]. Ceci est dû au fait que dans les parcs et jardins des régions urbaines, les tiques ont davantage de difficultés à trouver d'autres hôtes, alors qu'en milieu rural, les hôtes sont plus nombreux et divers (renard, daim et chevreuil, sanglier, etc.)[63]. Bien que les tiques du genre Ixodes puissent transmettre des virus ou bactéries pathogènes, et soient réputées transmettre la bactérie Borrelia aux oiseaux[64], il n'y a aucune preuve que ceci affecte la santé du Merle noir, sauf lorsqu'ils sont épuisés et immunodéprimés après la migration[63]. Il semble par contre que le Merle noir soit malheureusement un réservoir à Borrelia, capable de retransmettre le parasite aux tiques[65].
145
+
146
+ En se nourrissant, ils peuvent aussi être contaminés par divers polluants du sol et de l'eau. Cette espèce a fait l'objet d'une étude de biomonitoring sur la zone-atelier de l'ancienne fonderie Métaleurop-Nord, afin de vérifier qu'un suivi des métaux lourds pouvait être fait avec des passeraux en n'utilisant que de petites quantités de sang pour les analyses[66].
147
+
148
+ Le merle semble être l'oiseau le plus vulnérable[réf. nécessaire] à une maladie émergente virale due à un virus : le virus Usutu (ou USUV).
149
+
150
+ Le Merle noir fut introduit en Australie à Melbourne dans les années 1850, mais s'est répandu depuis de Melbourne et Adelaide, ses quartiers originels, à travers tout le sud-est de l'Australie mais aussi en Tasmanie et dans les îles du détroit de Bass[67]. Les populations introduites en Australie sont considérées comme nuisibles car elles causent des dommages sur une grande variété de baies et drupes dans les vergers, parcs et jardins, particulièrement sur le raisin et les cerises. Il est aussi accusé de répandre des « mauvaises herbes », telles que les ronces, et d'entrer en compétition avec le reste de l'avifaune locale en ce qui concerne la nourriture et les sites de nidification[68].
151
+
152
+ En Nouvelle-Zélande, le Merle noir et l'autochtone Zostérops à dos gris (Zosterops lateralis) sont les deux oiseaux disperseurs de graines les plus répandus de ce pays. Depuis son introduction en 1862, en même temps que la Grive musicienne (Turdus philomelos), il s'est répandu dans tout le pays, jusqu'à une altitude de 1 500 m, de même que sur les îles situées à quelques distances, telles que le groupe de l'île Campbell et les îles Kermadec[69]. Il mange une grande variété de fruits autochtones et exotiques, et il est un contributeur majeur du développement des communautés de plantes ligneuses naturalisées telle, encore une fois, la Ronce commune. Ces plantes fournissent des fruits plus appréciés par les oiseaux non endémiques (qu'ils soient autochtones ou introduits) que par les oiseaux endémiques[70].
153
+
154
+ Dans le sud de la France, le merle paie aussi son tribut à la chasse à la grive, car de manière officielle, aucune distinction n'est faite entre merles et grives. De 1998 à 1999, les décès par la chasse ont été estimés à 985 000 Merles noirs par l'ONCFS ; les principales zones de chasse étaient alors la Gironde, l'Hérault, le Var et la Corse[16]. Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les décès liés à la chasse en 2000 ont été estimés à 200 000 individus[71].
155
+
156
+ Comme de nombreux autres petits oiseaux, il a été dans le passé chassé dans les zones rurales, en général trappé sur ses perchoirs nocturnes, afin d'améliorer le quotidien[72]. Il entre toujours actuellement dans la composition du pâté de merle, spécialité culinaire corse.
157
+
158
+ Le Merle noir se chasse à tir, devant soi sur les zones d'alimentation ou au poste fixe. Il peut être également capturé vivant avec des gluaux pour servir d'appelant à la chasse au poste. Cette capture d'oiseaux aux gluaux, utilisée dans les Alpes de Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse, est réglementée par arrêté ministériel et soumise à autorisation préfectorale[16].
159
+
160
+ En tant qu'oiseau relativement ubiquiste (à la fois urbain et rural) il a été utilisé pour l'étude des effets de la pollution lumineuse sur les oiseaux (et plus précisément sur les cycles chronobiologiques nycthéméraux et saisonniers[73] ou la migration aviaire).
161
+
162
+ En particulier, une étude a été basée sur le suivi d'adultes mâles sauvages capturés pour les uns dans une forêt rurale, et pour les autres dans deux sites urbains, différents (du point de vue de leur degré de perturbation anthropique de l'environnement nocturne par l'éclairage urbain)[73].
163
+ Avant d'être relâchés dans leur milieu, ces merles ont tous été équipés d'un système de télémétrie associé à deux capteurs enregistrant simultanément les variations de la luminosité ambiante et l'état d'activité de l'oiseau (actif/non-actif). Les chercheurs ont ainsi pu étudier les relations entre la luminosité naturelle ou artificielle, les conditions météorologiques et les moments de début et de fin de l'activité de chaque individu. Ils ont aussi étudié l'activité de l'oiseau selon le niveau de bruit ambiant (qui variait entre la semaine et le week-end).
164
+ Les enregistrements montrent que l'activité quotidienne du merle était considérablement plus précoce dans les deux sites urbains éclairés (par rapport au calendrier d'activité de la population rurale), alors que la fin de l'activité quotidienne ne variait pas entre les trois sites. Les oiseaux les plus éclairés en fin de soirée débutaient leur activité matinale plus tôt (alors que le degré d'illumination nocturne n'a pas influencé l'heure de fin de l'activité quotidienne)[73]. Le bruit variait entre la semaine et le week-end, mais sans effet apparent sur les moments et/ou durées d'activité des oiseaux[73]. Un effet saisonnier fort a été détecté dans les deux populations urbaines et rurales, montrant une durée d'activité allongée le matin et le soir (plus marqué en début de saison de reproduction qu'aux stades suivants)[73]. Les auteurs ont conclu que « la lumière artificielle nocturne est un facteur majeur de changement du calendrier de l'activité quotidienne » et que « des recherches futures devraient se concentrer sur les coûts/avantages d'une rythmicité quotidienne altérée chez les oiseaux des zones urbaines »[73]. Peu auparavant une autre étude avait montré que la pollution lumineuse réduit fortement la production de mélatonine chez les merle Turdus merula[74].
165
+
166
+ La combinaison d'une ambiance bruyante le jour et de la pollution lumineuse affecte fortement le merle urbain qui se met à chanter jusqu'à cinq heures plus tôt que ses homologues vivant en milieu rural[75].
167
+
168
+ Le Merle noir, ubiquiste et adaptable ne semble néanmoins pas menacé. Du fait de sa vaste aire de répartition (environ dix millions de km²), de son importante population, et de la relative stabilité en termes d'effectifs globaux, il a été classé dans la catégorie LC (préoccupation mineure) par l'UICN[47].
169
+
170
+ Dans l'ouest de la région paléarctique, les populations semblent plutôt stables ou en accroissement[23], mais il peut aussi y avoir des déclins localisés, en zones rurales notamment, peut être en raison de l'intensification de l'agriculture qui a poussé les agriculteurs à détruire de nombreuses haies, mares, prairies permanentes, prairies humides et des fossés et talus qui fournissaient aux merles gîte et nourriture. Dans le même temps, l'utilisation de pesticides a aussi pu nuire aux merles, directement (écotoxicité) et indirectement (diminution des invertébrés qui sont la ressource alimentaire du merle[58].
171
+
172
+ Oiseau peu craintif tout en restant prudent, il s'apprivoise si bien qu'on le voit dans les jardins et les faubourgs faire son nid dans des endroits quotidiennement fréquentés par l'homme. Il a ainsi pu être jadis élevé en cage[76]. Seul un individu des variétés albino ou blanche, issu d'élevage, est considéré comme étant un animal domestique en droit français. Les autres formes de cet oiseau relèvent donc de la législation concernant les animaux sauvages[77].
173
+
174
+ Le merle était considéré par les Grecs anciens comme un animal sacré, mais destructeur. Il était censé mourir s'il mangeait un fruit de grenadier[78].
175
+
176
+ Contrairement aux autres animaux noirs, le merle n'est généralement pas perçu comme un symbole de malheur[72].
177
+
178
+
179
+
180
+ Représentation de « Merle noir » sur timbres postaux
181
+
182
+ Voir aussi :
183
+
184
+ Le Merle noir est l'oiseau national de la Suède[79], où la population de merles nicheurs compte entre un et deux millions de couples[23]. Il figure aussi sur les armoiries de la ville allemande de Krukow.
185
+
186
+ De nombreux pays ont émis des timbres à l'effigie de cet oiseau.
187
+
188
+ Le merle, présent dans le blason de quelques villes, n'est pas un meuble très fréquent en héraldique.
189
+
190
+ Par contre, la merlette est très fréquente, mais c'est une figure héraldique étrange, petit oiseau de profil, sans bec ni patte, utilisé le plus souvent en nombre.
191
+
192
+ Le Merlerault, France(Armes parlantes)
193
+
194
+ Famille de Cesse (trois merlettes)
195
+
196
+ Incourt, France(neuf merlettes)
197
+
198
+ Le Merle noir est le nom d'une courte composition musicale d'Olivier Messiaen inspirée par le chant de cet oiseau. Ce chant a aussi inspiré Paul McCartney, qui faisait alors partie des Beatles, une de ses plus belles ballades, Blackbird. On y entend le chant d'un merle au dernier couplet.
199
+
200
+ « Blackbird singing in the dead of night,
201
+ Take these broken wings and learn to fly
202
+ All your life,
203
+ You were only waiting for this moment to arise[80]. »
204
+
205
+ ce qui peut se traduire par :
206
+
207
+ « Merle qui chante au cœur de la nuit
208
+ Prends ces ailes brisées et apprend à voler
209
+ Toute ta vie
210
+ Tu n'attendais que ce moment pour t'élever. »
211
+
212
+ Une chanson enfantine allemande intitulée Ein Vogel wollte Hochzeit machen (littéralement : Un oiseau voulait se marier) raconte le mariage d'un merle et d'une grive. Personne ne sait qui a écrit les paroles de cette chanson enfantine, ni quand la mélodie en a été composée[81].
213
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+ Turdus merula
2
+
3
+ Espèce
4
+
5
+ Statut de conservation UICN
6
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+ LC  : Préoccupation mineure
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+ Le Merle noir (Turdus merula), ou plus communément Merle, est une espèce de passereaux de la famille des turdidés.
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+ Le merle niche en Europe, Asie et Afrique du Nord, et a été introduit en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il existe plusieurs sous-espèces de Merle noir sur sa vaste aire de répartition dont certaines sous-espèces asiatiques sont considérées par certains auteurs comme des espèces à part entière. Selon la latitude, le Merle noir peut être sédentaire ou migrateur, partiellement ou entièrement.
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+ Le mâle de la sous-espèce holotype, celle qui est la plus répandue en Europe, est entièrement noir, à part le bec jaune et un anneau jaune autour de l'œil, et possède un vaste répertoire de vocalisations tandis que la femelle adulte et les juvéniles ont un plumage brun. Cette espèce niche dans les bois et jardins, construisant un nid en forme de coupe aux formes bien définies, bordé de boue. Le Merle noir est omnivore et consomme une grande variété d'insectes, de vers et de fruits.
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+ Mâle et femelle ont un comportement territorial sur le site de nidification, chacun ayant un comportement agressif distinct, mais sont plus grégaires lors de la migration ou sur les aires d'hivernage. Les couples restent dans leur territoire pendant toute l'année dans les régions où le climat est suffisamment tempéré. De nombreuses références littéraires et culturelles à cette espèce commune font cas de son chant mélodieux.
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+ Le Merle noir de la sous-espèce type (Turdus merula merula) a une longue queue (95 à 110 mm pour le mâle et 100 à 105 mm pour la femelle), mesure entre 23,5 et 29 cm de long pour une envergure de 34 à 38 cm, et pèse entre 80 et 125 grammes. Cette masse varie en fonction du sexe mais aussi des saisons et des contraintes physiologiques qui leur sont liées[1].
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+
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+ Les mâles (118 à 135 mm d'aile pliée, 28 à 33 mm de tarse et 20 à 23 mm de bec) tendent à être plus grands que les femelles (118 à 129 mm d'aile pliée, 28 à 29 mm de tarse et 20 à 21 mm de bec).
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+
21
+ Le plumage des mâles adultes est entièrement noir de jais et contraste vivement avec un anneau oculaire jaune ou jaune-orangé et avec un bec brillant jaune-orangé. Ce contraste coloré est probablement un indicateur de qualité du mâle (une couleur vive étant corrélée à sa condition physique, son âge, son succès reproducteur ou la qualité de son territoire)[2]. En hiver, le cercle autour de l'œil devient plus brun et le bec légèrement plus sombre[3]. Les pattes sont brun-noir[1].
22
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+ Selon les sous-espèces et selon la saison (plumage nuptial, plumage postnuptial frais à la teinte noir glacé et plumage internuptial[4] aux plumes mates et usées à la fin du printemps), le noir du plumage est plus ou moins intense[5]. Il est assez brillant chez la sous-espèce-type T. m. merula. Chez quelques sous-espèces d'Inde et de Ceylan, la couleur du plumage des mâles tire vers le brun ou vers le gris-bleu. Ces caractéristiques permettent de le distinguer du plumage brun sombre ou noir constellé de blanc de la principale espèce européenne, l'étourneau sansonnet.
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+ Le dimorphisme sexuel est bien visible.
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+ La femelle a un plumage brun roussâtre, dont les tons varient d'un individu à l'autre, présentant des zones plus noirâtres. Elle ne possède pas le bec et l'anneau orbital jaune brillant du mâle : son bec est marron, parfois avec une zone jaune pâle, et son cercle orbitaire[6] est brun clair. Sa gorge est plus claire que le reste de son plumage, pouvant présenter un aspect vaguement pommelé. Ses pattes sont brun foncé, sa poitrine brun clair.
28
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+ Les juvéniles possèdent un plumage brun similaire à celui de la femelle, mais moucheté de beige sur la poitrine et le dessous du corps. Chez eux aussi les tons de brun varient d'un individu à l'autre ; les plus sombres sont présumés être des mâles[1]. Ce plumage juvénile dure jusqu'à la première mue, entre août et octobre. Les mâles acquièrent alors le plumage noir luisant, mais leur bec est plus sombre et l'anneau jaune autour des yeux est moins visible ; l'aile garde encore une teinte plus brune que le corps[7]. Le bec des jeunes mâles n'atteint sa couleur jaune et leur corps un aspect noir uniforme qu'après une année complète.
30
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31
+ Des anomalies de coloration du plumage sont occasionnellement observées chez les Merles noirs. Même si ces phénomènes demeurent rares en chiffres absolus, ils semblent moins exceptionnels que chez les autres espèces d'oiseaux. Selon des observations menées en Grande-Bretagne, sur l'effectif total d'oiseaux décolorés recensés de toutes espèces, 29 % appartiennent au genre Turdus et sont principalement des Merles noirs, en l'occurrence des merles blancs[8]. L'existence de merles blancs avait déjà été rapportée entre autres par Buffon[9].
32
+
33
+ Les anomalies s'expriment toutes par une décoloration plus ou moins prononcée mais sont de natures diverses et peuvent relever de l'albinisme véritable et total (l'albinisme est ou n'est pas, l'albinisme ne peut être partiel), de la canitie ou de diverses formes d'aberration (leucisme, dilutions, schizochroïsmes…)[10]. Alors que pour les vrais albinos la cause est purement génétique, d'autres facteurs, comme le vieillissement ou les carences alimentaires et vitaminiques, peuvent intervenir pour expliquer les déficiences de pigmentation[8].
34
+
35
+ Réputés plus vulnérables, les individus entièrement blancs ont de moindres chances de survie et de reproduction (les albinos ont une déficience visuelle qui les voue à une mort rapide, en général les albinos rencontrés sont donc toujours des sujets jeunes ; en revanche les merles leuciques n'ont pas d'atteinte oculaire et peuvent très bien atteindre l'âge adulte). Aussi la plupart des merles tout blancs que l'on peut observer actuellement, qu'il s'agisse de véritables albinos ou non, sont des animaux reproduits sous la protection des humains. Quant aux décolorations partielles qui surviennent chez des animaux réellement sauvages, il semble qu'elles soient nettement plus fréquentes en milieu urbain.
36
+
37
+ En Europe, le Merle noir peut être confondu avec le juvénile du Merle à plastron (Turdus torquatus) lorsqu'il est dans sa première année, mais ce dernier a les ailes plus pâles. Le Merle noir présente également une ressemblance superficielle avec l'Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris)[1].
38
+
39
+ La sous-espèce T. m. kinsii du Sri Lanka ressemble à une autre espèce sri lankaise, le Merle siffleur de Ceylan (Myophonus blighi), mais cette dernière présente toujours du bleu dans son plumage, et à une espèce qui ne vit pas dans la même région du monde, le Merle unicolore (Turdus unicolor), qui a un ventre beaucoup plus pâle[7],[11].
40
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41
+ Un certain nombre d'espèces membres du genre Turdus, d'apparence assez similaires au Merle noir, vivent en dehors de l'aire de répartition de ce dernier, comme le Merle chiguanco (Turdus chiguanco) sud-américain[12].
42
+
43
+ La femelle Merle noir peut être confondue avec une Grive musicienne (Turdus philomelos), mais cette dernière a le dessous nettement plus pâle et ponctué de sombre.
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45
+ Le régime alimentaire des Merles noirs est omnivore. Ils se nourrissent d'une grande variété d'espèces d'insectes, de vers et de divers autres petits animaux et ils consomment également des fruits et parfois des graines.
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+ Les merles recherchent principalement leurs proies à terre. Ils courent, sautillent, progressent par à-coups et penchent la tête de côté pour observer le sol. Ils chassent principalement à vue mais utilisent aussi parfois leur ouïe. Ce sont d'importants consommateurs de lombrics qu'ils attrapent en fouillant l'humus. Ils sauraient les faire émerger de leurs galeries en tapotant le sol avant de les en extirper[13]. Ils grattent aussi la litière des feuilles en décomposition, de façon bruyante et démonstrative, en faisant voleter les feuilles à la recherche de toutes sortes d'invertébrés : des insectes aussi bien à l'état de larves que d'imagos, des araignées, des myriapodes, des limaces, des petits escargots[14]… Exceptionnellement, ils se repaissent de petits vertébrés comme des têtards, de petits amphibiens adultes ou des lézards. Même s'ils sont surtout des chasseurs au sol, les merles n'hésitent pas à explorer les arbres et les buissons pour collecter les insectes qui y sont posés, notamment les chenilles.
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+ Mais si les Merles noirs fréquentent les branchages pour s'alimenter, c'est d'abord à la recherche de fruits, généralement de petits fruits charnus : baies ou drupes[15]. La nature des fruits consommés dépend de ce qui est localement disponible, et peut inclure des espèces exotiques prises dans les jardins ou les vergers. Ils affectionnent les petits fruits qu'ils peuvent saisir et emporter dans leur bec mais ne dédaignent pas de picorer de plus gros fruits tombés à terre comme des pommes.
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+ En Europe tempérée, ils se nourrissent de baies de troène, de sureau noir, d'argouses, de cornouilles, de cerises, de mûres de roncier… En hiver, ils trouvent, encore accrochés aux rameaux, des fruits d'aubépine, de lierre grimpant, des sorbes, des boules de houx, du gui, etc.[16]. Plus au sud, ils peuvent cueillir des olives, des myrtes, des fruits de micocoulier, des raisins… Dans le nord de l'Inde, les petites figues du Figuier des Banyans et les mûres de mûrier sont souvent consommées, alors que vers le sud de ce sous-continent, les petites baies noires des arbres du genre Trema font fréquemment partie de leur régime[7]. Comme d'autres turdidés, le merle noir peut régurgiter les graines non digérées de certaines de ces baies[17].
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+ Les proies animales dominent et sont particulièrement importantes dans l'alimentation du merle pendant la saison de nidification, alors que les fruits tombés ou les baies prennent de l'importance en automne et en hiver.
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+ Les Merles noirs ont une territorialité très affirmée et ne vivent pas en groupe. Chaque individu délimite son territoire propre dont l'étendue varie de 0,2 à 0,5 ha en forêt ou de 0,1 à 0,3 ha en ville. Le mâle établit son territoire au cours de sa première année d'existence et le garde sa vie entière. Durant la saison de nidification, un merle ne supporte aucun congénère, à l'exception de son partenaire.
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+ Pour défendre l'exclusivité de son territoire, un mâle chasse les autres mâles par des postures de menace : une course brève vers l'intrus, la tête d'abord levée, puis penchée vers le bas au fur et à mesure que la queue s'abaisse. Si un combat s'ensuit, les deux mâles se font face et, voletant à quelques centimètres du sol en poussant des cris, les pattes tendues vers l'adversaire. Ces combats sont généralement de courte durée, plus démonstratifs que violents, et l'expulsion de l'intrus est rapide. La femelle aussi est agressive au printemps, quand elle entre en compétition avec d'autres femelles pour un partenaire ou un territoire de nidification. Bien que les combats de femelles soient moins fréquents, ils ont tendance à être plus violents[15].
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+ En dehors de la période de reproduction, plusieurs merles peuvent partager un habitat commun qui leur procure nourriture et abri, et il arrive qu'ils se perchent pour la nuit en petits groupes, mais même dans ce cas, il n'y a guère de relations entre les individus.
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+ Le territoire d'un merle, bien qu'essentiel à la formation des couples et à la nidification, ne fournit au mieux qu'une partie des ressources en nourriture[18].
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+ Une étude semble montrer que l'apparence du bec est un facteur important dans les interactions entre Merles noirs. Le mâle qui défend son territoire réagit plus agressivement envers les intrus au bec orangé qu'envers ceux à bec jaune, mais il réagit moins aux becs bruns, caractéristiques des jeunes mâles de moins d'un an et des femelles. La femelle est au contraire relativement indifférente à la couleur du bec de l'intrus, mais semble sensible à la réflexion des ultraviolets sur le bec[19].
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+ On dit que le merle siffle, flûte, appelle ou babille[20].
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+ Un Merle noir mâle d'un an de la sous-espèce Turdus merula merula peut déjà commencer à chanter dès le mois de janvier par beau temps, afin d'établir un territoire. Il est suivi fin mars par le mâle adulte. « Chaque mâle possède une grande variété de phrases. Sonores et émises sans hâte, on les reconnaît facilement grâce au timbre flûté de nombreuses syllabes. Mais les phrases se terminent souvent par des sons suraigus, moins agréables. Elles peuvent aussi comporter des syllabes empruntées à d'autres oiseaux, voire des sonneries de GSM » (Metzmacher, 2008). Ce chant est lancé depuis le haut des arbres, le toit des maisons ou tout autre perchoir dominant les environs. Il chante de mars à juin, parfois début juillet. Une étude semble montrer que le chant dure plus longtemps lorsque le mâle est en meilleure forme, et lorsque sa femelle est dans une période de fertilité maximale[21]. Le mâle peut chanter à tout moment de la journée, mais le lever et le coucher du soleil sont les moments où les chants sont plus intenses. Le chant du Merle noir est considéré comme l'un des plus beaux chants d'oiseaux d'Europe. Sa richesse de répertoire, ses variations mélodiques et ses capacités d'improvisation distinguent le Merle noir européen de la plupart des autres oiseaux.
68
+
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+ Il possède de nombreux autres appels, tel un agressif sriiii, un pök-pök-pök d'alarme désignant un prédateur terrestre (un chat par exemple), et divers tchink et tchouk, tchouk. Le mâle assurant un territoire réalise invariablement des appels de type chink-chink dans la soirée, dans une tentative (généralement vaine) de décourager les autres mâles de venir se percher pour dormir sur son territoire[15]. Comme les autres passereaux, il a un léger sriiiiii d'alarme haut perché pour désigner les oiseaux de proie, car ce son est rapidement étouffé par la végétation, et donc difficile à localiser[22]. En cas de vive inquiétude, il émet une série de cris gloussants, précipités et bruyants.
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+ Au moins deux sous-espèces, T. m. merula et T. m. nigropileus, sont capables d'imiter d'autres espèces d'oiseaux, mais aussi des chats, des humains ou des alarmes, mais le son obtenu est généralement faible et difficile à détecter. Les grandes sous-espèces de montagne, particulièrement T. m. maximus, ont un chant comparativement de piètre qualité, avec un répertoire limité comparé à celui des sous-espèces occidentales, sri lankaises ou de l'Inde péninsulaire[7].
72
+
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+ La parade nuptiale du mâle se compose de courses obliques combinées à des hochements de tête, le bec ouvert, et un chant émis avec une voix grave et étranglée. La femelle reste immobile jusqu'à ce qu'elle lève la tête et la queue pour permettre l'accouplement[15]. Cette espèce est monogame, la fidélité étant généralement la règle jusqu'au décès d'un des partenaires[23]. La séparation des couples survient cependant dans 20 % des cas après une saison de reproduction ayant un faible taux de réussite[24]. De plus, bien que « socialement » monogame, des études ont montré que le taux de paternité adultérine peut atteindre 17 % chez cette espèce[25].
74
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+ La sous-espèce Turdus merula merula commence généralement à pondre en mars, mais les sous-espèces orientales et indiennes sont plus tardives, commençant au plus tôt en avril ou en mai. Les individus introduits dans l'hémisphère sud, eux, commencent à pondre en août[7],[26].
76
+
77
+ Le couple nicheur recherche un emplacement convenable pour la nidification dans un buisson (arbustif ou grimpant), généralement à environ 2 m du sol, favorisant certaines espèces végétales comme le lierre, le houx, l'aubépine, le chèvrefeuille ou le pyracantha[27]. Le nid peut aussi être installé sur la fourche d'une branche d'arbre[28].
78
+
79
+ Bien que le mâle puisse aider à la construction du nid, principalement en apportant des matériaux de construction[29], la femelle construit presque seule un nid en forme de coupelle avec de la mousse, de l'herbe, de petites racines et des brindilles, qu'elle borde ensuite de boue ou de feuilles boueuses. Elle pond ensuite 2 à 6 œufs (généralement 4) de couleur bleu-vert, présentant des taches brun-rouge qui sont plus nombreuses sur le gros bout[15],[26]. Les œufs de la sous-espèce T. m. merula ont des dimensions moyennes de 2,9 × 2,1 cm et pèsent généralement 7,2 grammes (6 % de cette masse correspond à la coquille)[30]. Les coquilles d'œufs des sous-espèces du sud de l'Inde sont plus pâles que celles des autres[7].
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+ La femelle couve seule durant 12 à 14 jours avant l'éclosion, qui donne naissance à des oisillons nidicoles, nus et aveugles d'une masse de 5 à 6 g. Les parents s'occupent tous les deux des petits, les nourrissant et débarrassant le nid des sacs fécaux. La masse atteinte par le poussin à l'âge de huit jours est déterminante pour la survie ultérieure : la masse idéale serait de 35 à 45 g, en dessous de ces valeurs le poussin aurait très peu de chance de survivre[31]. En effet, la période qui suit le séjour au nid est primordiale pour la survie. Pendant trente jours, les jeunes sont particulièrement vulnérables : les plus lourds sont alors favorisés par rapport aux plus légers. À douze jours, les poussins pèsent entre 60 et 65 g.
82
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+ Ils quitteront leur nid très tôt, au bout de 10 à 19 jours (13,6 jours en moyenne avec une masse de 70 à 80 g)[23], une semaine avant de savoir voler : ils rampent hors du nid, se laissent tomber en voletant, et vont se mettre à couvert à proximité[32]. Ils seront encore nourris par leurs parents pendant trois semaines après leur départ du nid et suivront les adultes, mendiant de la nourriture. Si la femelle commence une deuxième couvée, le mâle assurera seul le nourrissage des jeunes[15]. Une seconde couvée est en effet commune, la femelle réutilisant le même nid si la première couvée a été couronnée de succès et, dans le sud de l'aire de répartition de cette espèce, il peut ainsi y avoir jusqu'à trois couvées par an, voire davantage[7],[20]. Pendant la période où les petits sont nourris par leurs parents, ils apprendront à choisir leur nourriture. À mesure que leur expérience et leur confiance augmentent, ils commencent à s'aventurer plus avant dans le territoire parental. Les jeunes finissent par prendre leur indépendance et s'envoler, toujours de leur propre chef : ils ne sont jamais chassés par leurs parents[32].
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85
+ Les jeunes seront à leur tour capables de se reproduire à un an[33], après avoir choisi leur propre territoire.
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+ En France, la prédation, les maladies, la chasse et les aléas climatiques provoquent une mortalité moyenne variant de 50 à 80 % selon les régions[16].
88
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+ Cette sous-espèce des régions montagneuses a une saison de reproduction plus courte et ne peut produire qu'une seule couvée par an. La femelle pond généralement moins d'œufs, de 2 à 4 (2,86 œufs en moyenne), mais de dimensions plus grandes que ceux de T. m. merula. La période d'incubation sera en moyenne plus courte (de 12 à 13 jours), mais les petits resteront plus longtemps au nid (durant 16 à 18 jours)[34].
90
+
91
+ Le merle noir, espèce communément répandue de l'Ancien Monde, est mentionné et décrit dans de nombreux textes anciens. Il est cité par Aristote sous le nom de Cottyphus (Κοττύφος) au dix-huitième chapitre du neuvième Livre des Animaux comme la principale espèce de merle. Nommé en latin merula, ce qui donnera directement en français merle[35], Varron fournit comme explication étymologique un diminutif de mera : Merula est le quasi mera, le « presque seul », celui qui ne vole pas en groupe, ce qui rend bien compte du caractère solitaire de cet oiseau[36].
92
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93
+ En 1555, Pierre Belon dans l'Histoire de la nature des oiseaux en dit notamment que « Chacun sait qu'il est de couleur noire, et que son bec devient jaune en vieillissant… » et plus loin que « Les médecins tiennent qu'il engendre bonnes humeurs, acomparants la chair à celle de la Grive aussi ont maintenant coutume de concéder aux malades d'en manger, l'estimant de facile digestion[37] ».
94
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95
+ Le très commun Merle noir est naturellement recensé par Carl von Linné dès 1746 dans son ouvrage sur la faune de Suède, Fauna Svecica. Il y est répertorié sous l'appellation
96
+ Turdus ater, rostro palpebrisque fulvis[38] qui signifie « grive noire, au bec et aux paupières jaunes ». Il est d'ores et déjà regroupé avec les grives dans le genre Turdus, conformément à cet égard au sens de son nom en suédois koltrast, la « grive de charbon ».
97
+
98
+ Dans l'édition de 1758 de Systema Naturae, qui établit la généralisation de la nomenclature binominale, Linné lui donne enfin le nom scientifique qu'il a toujours conservé jusqu'à présent : Turdus merula[39], en apposant au nom de genre Turdus, la « grive » en latin, le nom d'espèce merula, le « merle » dans la même langue. Ce qui lui servait de longue appellation savante précédemment ne devient plus alors qu'une simple description. Linné ajoute que le Merle noir dissémine les graines de genévrier.
99
+
100
+ Le Merle noir appartient au genre Turdus, avec les grives et d'autres espèces de « merles ». La différenciation entre les merles et les grives ne repose pas sur des fondements biologiques ; elle est purement culturelle et linguistique, et diffère selon les langues.
101
+
102
+ Les oiseaux du genre Turdus ont été, dès les premières classifications de Linné, à l'origine de la création de la famille des Turdidae dont ils forment le genre-type. Mais sur la base d'une vaste étude génétique générale des oiseaux menée dans les années 1970 et 80, mesurant l'hybridation de l'ADN et menant à une nouvelle classification taxinomique dite de Sibley-Ahlquist, des ornithologues américains ont intégré ce groupe dans la famille des Muscicapidae. L'ancienne famille des Turdidae passe alors au rang de sous-famille, celle des Turdinae. Cependant la fiabilité de la méthodologie utilisée par Charles Gald Sibley et Jon Ahlquist et la pertinence des résultats déduits est contestée par une large part des spécialistes en ornithologie. Dans des classifications plus récentes, notamment celle de Jim Clements[40], la famille des Turdidae est pleinement rétablie.
103
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104
+ Parmi les 65 espèces environ du genre Turdus, caractérisées par une taille moyenne, des têtes rondes, de longues ailes pointues et des chants généralement mélodieux, plusieurs sont aussi appelées en français « merles » comme le Merle à plastron (Turdus torquatus) ou le Merle d'Amérique (Turdus migratorius). Le Merle noir semble en particulier être très proche, au niveau phylogénique, du Merle des îles (Turdus poliocephalus), oiseau du sud-ouest de l'océan Pacifique, qui a probablement divergé au point de vue évolutif très récemment des populations de Turdus merula[7].
105
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106
+ D'autres espèces de proche parenté sont également appelées couramment « merles » comme le merle de roche (Monticola saxatilis), mais d'autres « merles » appartiennent à des familles plus éloignées, comme le merle d'eau ou Cincle plongeur ou encore le merle des Indes ou Mainate et sont surnommés ainsi en raison de ressemblances avec le Merle noir par la taille, la couleur, le chant ou le régime alimentaire.
107
+
108
+ Turdus simillimus et Turdus maximus, citées comme espèces à part entière, sont considérées comme sous-espèces par certains auteurs[41].
109
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110
+ En fait, la taxonomie de cette espèce est assez complexe, surtout en ce qui concerne les sous-espèces asiatiques. Celles du sous-continent indien (T. m. simillimus, T. m. nigropileus, T. m. bourdilloni, T. m. spencei et T. m. kinnissi) sont de petite taille, seulement 19 à 20 cm de long, et les mâles ont un anneau oculaire large ; elles diffèrent aussi des autres sous-espèces de Turdus merula par leurs proportions, par leur surface alaire et leur envergure, par la couleur de leurs œufs et par leurs vocalisations. De fait, elles sont parfois considérées comme constituant une espèce séparée, le Merle indien (T. simillimus)[42],[43]. La sous-espèce himalayenne T. m. maximus est très différente des sous-espèces indiennes (le groupe simillimus cité plus haut), car ses représentants sont plus grands (23 à 28 cm de long) ; elle diffère en fait de toutes les autres sous-espèces de Turdus merula par son manque total d'anneau oculaire et par ses piètres vocalisations. Elle est donc parfois considérée comme une espèce à part entière, le Merle tibétain (T. maximus)[44].Les autres sous-espèces asiatiques, T. m. intermedius et T. m. mandarinus, relativement grandes, et T. m. sowerbyi, plus petite, sont elles aussi différentes par leur aspect et leurs vocalisations, et pourraient, selon certains auteurs, former une espèce distincte qui, une fois reconnue serait appelée Merle chinois et prendrait comme nom scientifique T. mandarinus[45]. Certains auteurs ont suggéré qu'on pourrait les considérer comme une sous-espèce de T. maximus[7], mais ces merles en diffèrent par leur aspect (notamment par leur anneau oculaire) et par leurs vocalisations[44],[45].
111
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112
+ Les sous-espèces européennes, tout comme celles d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, se distinguent les unes des autres par des nuances de coloration du plumage. Le plumage des mâles des populations des Açores (Turdus merula azorensis), de Madère et des îles Canaries occidentales (Turdus merula cabrerae) et d'Afrique du Nord (Turdus merula mauretanicus) est d'un noir plus profond et plus brillant que celui des mâles d'Europe continentale (Turdus merula merula). De même, les femelles sont plus sombres puisque brun noir chez azorensis et cabrerae ou gris suie chez mauretanicus au lieu de brunes chez merula. Chez cette dernière sous-espèce, les oiseaux tendent à avoir des tailles un peu plus grandes et des ailes un peu plus longues du sud vers le nord. Les populations des îles méditerranéennes se singularisent par leur taille plus petite. En Suède, des mâles à gorge blanche et des femelles très rousses peuvent être observés. Dans le sud-est de l'Europe, les oiseeaux (Turdus merula aterrimus) sont plus pâles et plus gris. Du Proche-Orient jusqu'à l'Irak et l'Iran, les mâles de la sous-espèce syriacus sont pâles et les femelles grises.
113
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114
+ Commun dans les zones boisées sur la grande majorité de son aire de répartition, le Merle noir a une préférence pour les forêts décidues, à sous-bois dense. Cependant, les jardins leur fournissent le meilleur site de nidification, capables d'accueillir jusqu'à 7,3 couples par hectare, alors que les forêts ne peuvent soutenir que le dixième de cette densité de population (et les espaces ouverts et très urbanisés encore moins)[15]. On peut aussi le trouver dans des haies, des zones arbustives, en lisière de forêt, dans des parcs ou cultures, voire en zone urbaine.
115
+
116
+ En Europe, il est souvent graduellement remplacé par le Merle à plastron, espèce assez proche du point de vue taxonomique, quand on progresse en altitude[26]. On peut le trouver jusqu'à 1 000 m d'altitude en Europe, 2 300 m en Afrique du Nord, 800 m au Sri Lanka et 900 m dans la péninsule indienne, mais les grandes sous-espèces himalayennes peuvent atteindre des altitudes bien supérieures : T. m. maximus niche entre 3 200 et 4 800 m et demeure au-dessus de 2 100 m d'altitude même en hiver[7].
117
+
118
+ Le Merle noir niche dans toute l'Europe tempérée, toujours en dessous du cercle polaire arctique, mais aussi en Afrique du Nord, sur certaines îles atlantiques (Madère, Açores, îles Canaries) et dans une grande partie de l'Asie du Sud.
119
+
120
+ Le Merle noir a été introduit dans de nombreuses parties du monde en dehors de son aire originelle. Par exemple, en Australie et en Nouvelle-Zélande, se trouvent des descendants de merles importés de Grande-Bretagne[7].
121
+
122
+ Selon la latitude, le Merle noir peut être un oiseau sédentaire ou migrateur, partiellement ou entièrement[45]. Les populations du sud et de l'ouest de l'aire de répartition sont sédentaires, mais les merles les plus nordiques migrent vers le sud jusqu'à l'Afrique du Nord ou l'Asie tropicale en hiver[7].
123
+
124
+ Les mâles des populations urbaines sont plus à même de rester en hiver dans les climats frais que les mâles de campagne, adaptation rendue possible grâce à un microclimat plus clément et à une nourriture relativement abondante, qui permet à ces oiseaux d'établir un territoire et de commencer la reproduction plus tôt dans l'année[46]. Tant que de la nourriture est disponible en hiver, mâles et femelles resteront sur leur territoire tout au long de l'année.
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+
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+ Les individus migrateurs sont capables de couvrir de grandes distances. Ils sont plus sociables, voyageant en petits groupes, généralement de nuit, et se nourrissant en groupe dispersé sur les aires d'hivernage. Le vol de migration, qui consiste en des séries de rapides battements d'ailes interrompues par des mouvements planés horizontaux ou plongeants, diffère du vol normal, rapide et agile, du Merle noir, mais aussi du vol de plus grands Turdidae, présentant souvent des mouvements plongeants plus accentués[20],[23].
127
+
128
+ Quelques individus erratiques de cette espèce très répandue géographiquement sont occasionnellement apparus en de nombreux endroits d'Europe hors de leur aire normale de répartition, comme dans l'archipel de Svalbard et l'île de Jan Mayen, situés dans la région Arctique. Il y a aussi eu des observations d'individus erratiques au Japon[47]. Les observations en Amérique du Nord sont généralement imputées à des individus captifs échappés, comme dans le cas du merle noir observé au Québec en 1971[48]. Cependant, une observation datant de 1994 à Bonavista, dans la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador, a été reconnue comme une observation d'un individu vraiment sauvage[7] et l'espèce figure de fait sur la liste des oiseaux de l'Amérique du Nord[49].
129
+
130
+ La population mondiale du merle noir n'a pas été chiffrée, mais la population européenne est estimée entre 79 et 160 millions d'individus[50]. Cette espèce est particulièrement abondante en Allemagne (8 à 16 millions de couples), au Royaume-Uni (près de 5 millions de couples) et en France où les effectifs de merles sont estimés à plusieurs dizaines de millions de couples nicheurs[16]. Cette population y est considérée comme stable, et l'indice d'abondance des oiseaux nicheurs en France montre même une légère augmentation entre 1994 et 2003[16].
131
+
132
+ L'avenir de l'espèce dépendra essentiellement du maintien d'habitats diversifiés favorables lui apportant abri et ressources alimentaires. La population européenne semble globalement en accroissement depuis les années 1990, elle est donc considérée comme « sécurisée » par Birdlife International[51].
133
+
134
+ Ce paragraphe suivra la proposition de classification de Clement (voir paragraphe « Systématique »):
135
+
136
+ Un Merle noir a une espérance de vie de 2,4 ans en moyenne[54], ce qui inclut la mortalité infantile. Les Merles noirs dépassant leur première année vivent 5 ans en moyenne[55], mais selon des résultats basés sur le marquage, cette espèce peut atteindre un âge record de 21 ans et 10 mois[33],[56].
137
+
138
+ Le principal prédateur du Merle noir est le chat domestique, mais le renard, la fouine, l'hermine et les rapaces, comme les éperviers et les autours, chassent aussi cette espèce quand l'occasion se présente, et limitent ainsi les populations de Merle noir[57],[58]. Par contre, il n'y a guère de preuves directes montrant que la prédation des œufs de Merle noir, des oisillons ou des adultes par les Corvidés, tels que la Pie bavarde, la Corneille noire, ou le Geai des chênes, ait un impact direct sur les effectifs des populations de merles[27].
139
+
140
+ Le Merle noir est occasionnellement l'hôte involontaire du Coucou gris (Cuculus canorus), espèce parasite qui pond ses œufs dans le nid d'autres espèces. Mais généralement, le coucou en est pour ses frais, car le merle sait reconnaître l'adulte de cette espèce, mais aussi ses œufs, plus gros que ceux des espèces qu'il parasite, et qui sont rejetés[59]. Le merle introduit en Nouvelle-Zélande, où le coucou ne vit pas, a depuis perdu la capacité à reconnaître le Coucou gris adulte, mais rejette toujours les œufs de ce dernier[60].
141
+
142
+ Comme chez tous les passereaux, les parasites sont communs chez le merle. Des études ont montré que 88 % des merles examinés présentaient des parasites intestinaux, le plus fréquemment du genre Isospora ou Capillaria[61], et plus de 80 % présentaient des hématozoaires parasites[62].
143
+
144
+ Les merles passent beaucoup de leur temps à chercher de la nourriture au niveau du sol. Ils sont souvent colonisés par des tiques, ou autres parasites externes, surtout au niveau de la tête[63]. Lors d'une étude en France, 74 % des merles examinés en milieu rural étaient infestés de tiques du genre Ixodes, contre seulement 2 % de ceux examinés en milieu urbain[63]. Ceci est dû au fait que dans les parcs et jardins des régions urbaines, les tiques ont davantage de difficultés à trouver d'autres hôtes, alors qu'en milieu rural, les hôtes sont plus nombreux et divers (renard, daim et chevreuil, sanglier, etc.)[63]. Bien que les tiques du genre Ixodes puissent transmettre des virus ou bactéries pathogènes, et soient réputées transmettre la bactérie Borrelia aux oiseaux[64], il n'y a aucune preuve que ceci affecte la santé du Merle noir, sauf lorsqu'ils sont épuisés et immunodéprimés après la migration[63]. Il semble par contre que le Merle noir soit malheureusement un réservoir à Borrelia, capable de retransmettre le parasite aux tiques[65].
145
+
146
+ En se nourrissant, ils peuvent aussi être contaminés par divers polluants du sol et de l'eau. Cette espèce a fait l'objet d'une étude de biomonitoring sur la zone-atelier de l'ancienne fonderie Métaleurop-Nord, afin de vérifier qu'un suivi des métaux lourds pouvait être fait avec des passeraux en n'utilisant que de petites quantités de sang pour les analyses[66].
147
+
148
+ Le merle semble être l'oiseau le plus vulnérable[réf. nécessaire] à une maladie émergente virale due à un virus : le virus Usutu (ou USUV).
149
+
150
+ Le Merle noir fut introduit en Australie à Melbourne dans les années 1850, mais s'est répandu depuis de Melbourne et Adelaide, ses quartiers originels, à travers tout le sud-est de l'Australie mais aussi en Tasmanie et dans les îles du détroit de Bass[67]. Les populations introduites en Australie sont considérées comme nuisibles car elles causent des dommages sur une grande variété de baies et drupes dans les vergers, parcs et jardins, particulièrement sur le raisin et les cerises. Il est aussi accusé de répandre des « mauvaises herbes », telles que les ronces, et d'entrer en compétition avec le reste de l'avifaune locale en ce qui concerne la nourriture et les sites de nidification[68].
151
+
152
+ En Nouvelle-Zélande, le Merle noir et l'autochtone Zostérops à dos gris (Zosterops lateralis) sont les deux oiseaux disperseurs de graines les plus répandus de ce pays. Depuis son introduction en 1862, en même temps que la Grive musicienne (Turdus philomelos), il s'est répandu dans tout le pays, jusqu'à une altitude de 1 500 m, de même que sur les îles situées à quelques distances, telles que le groupe de l'île Campbell et les îles Kermadec[69]. Il mange une grande variété de fruits autochtones et exotiques, et il est un contributeur majeur du développement des communautés de plantes ligneuses naturalisées telle, encore une fois, la Ronce commune. Ces plantes fournissent des fruits plus appréciés par les oiseaux non endémiques (qu'ils soient autochtones ou introduits) que par les oiseaux endémiques[70].
153
+
154
+ Dans le sud de la France, le merle paie aussi son tribut à la chasse à la grive, car de manière officielle, aucune distinction n'est faite entre merles et grives. De 1998 à 1999, les décès par la chasse ont été estimés à 985 000 Merles noirs par l'ONCFS ; les principales zones de chasse étaient alors la Gironde, l'Hérault, le Var et la Corse[16]. Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les décès liés à la chasse en 2000 ont été estimés à 200 000 individus[71].
155
+
156
+ Comme de nombreux autres petits oiseaux, il a été dans le passé chassé dans les zones rurales, en général trappé sur ses perchoirs nocturnes, afin d'améliorer le quotidien[72]. Il entre toujours actuellement dans la composition du pâté de merle, spécialité culinaire corse.
157
+
158
+ Le Merle noir se chasse à tir, devant soi sur les zones d'alimentation ou au poste fixe. Il peut être également capturé vivant avec des gluaux pour servir d'appelant à la chasse au poste. Cette capture d'oiseaux aux gluaux, utilisée dans les Alpes de Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse, est réglementée par arrêté ministériel et soumise à autorisation préfectorale[16].
159
+
160
+ En tant qu'oiseau relativement ubiquiste (à la fois urbain et rural) il a été utilisé pour l'étude des effets de la pollution lumineuse sur les oiseaux (et plus précisément sur les cycles chronobiologiques nycthéméraux et saisonniers[73] ou la migration aviaire).
161
+
162
+ En particulier, une étude a été basée sur le suivi d'adultes mâles sauvages capturés pour les uns dans une forêt rurale, et pour les autres dans deux sites urbains, différents (du point de vue de leur degré de perturbation anthropique de l'environnement nocturne par l'éclairage urbain)[73].
163
+ Avant d'être relâchés dans leur milieu, ces merles ont tous été équipés d'un système de télémétrie associé à deux capteurs enregistrant simultanément les variations de la luminosité ambiante et l'état d'activité de l'oiseau (actif/non-actif). Les chercheurs ont ainsi pu étudier les relations entre la luminosité naturelle ou artificielle, les conditions météorologiques et les moments de début et de fin de l'activité de chaque individu. Ils ont aussi étudié l'activité de l'oiseau selon le niveau de bruit ambiant (qui variait entre la semaine et le week-end).
164
+ Les enregistrements montrent que l'activité quotidienne du merle était considérablement plus précoce dans les deux sites urbains éclairés (par rapport au calendrier d'activité de la population rurale), alors que la fin de l'activité quotidienne ne variait pas entre les trois sites. Les oiseaux les plus éclairés en fin de soirée débutaient leur activité matinale plus tôt (alors que le degré d'illumination nocturne n'a pas influencé l'heure de fin de l'activité quotidienne)[73]. Le bruit variait entre la semaine et le week-end, mais sans effet apparent sur les moments et/ou durées d'activité des oiseaux[73]. Un effet saisonnier fort a été détecté dans les deux populations urbaines et rurales, montrant une durée d'activité allongée le matin et le soir (plus marqué en début de saison de reproduction qu'aux stades suivants)[73]. Les auteurs ont conclu que « la lumière artificielle nocturne est un facteur majeur de changement du calendrier de l'activité quotidienne » et que « des recherches futures devraient se concentrer sur les coûts/avantages d'une rythmicité quotidienne altérée chez les oiseaux des zones urbaines »[73]. Peu auparavant une autre étude avait montré que la pollution lumineuse réduit fortement la production de mélatonine chez les merle Turdus merula[74].
165
+
166
+ La combinaison d'une ambiance bruyante le jour et de la pollution lumineuse affecte fortement le merle urbain qui se met à chanter jusqu'à cinq heures plus tôt que ses homologues vivant en milieu rural[75].
167
+
168
+ Le Merle noir, ubiquiste et adaptable ne semble néanmoins pas menacé. Du fait de sa vaste aire de répartition (environ dix millions de km²), de son importante population, et de la relative stabilité en termes d'effectifs globaux, il a été classé dans la catégorie LC (préoccupation mineure) par l'UICN[47].
169
+
170
+ Dans l'ouest de la région paléarctique, les populations semblent plutôt stables ou en accroissement[23], mais il peut aussi y avoir des déclins localisés, en zones rurales notamment, peut être en raison de l'intensification de l'agriculture qui a poussé les agriculteurs à détruire de nombreuses haies, mares, prairies permanentes, prairies humides et des fossés et talus qui fournissaient aux merles gîte et nourriture. Dans le même temps, l'utilisation de pesticides a aussi pu nuire aux merles, directement (écotoxicité) et indirectement (diminution des invertébrés qui sont la ressource alimentaire du merle[58].
171
+
172
+ Oiseau peu craintif tout en restant prudent, il s'apprivoise si bien qu'on le voit dans les jardins et les faubourgs faire son nid dans des endroits quotidiennement fréquentés par l'homme. Il a ainsi pu être jadis élevé en cage[76]. Seul un individu des variétés albino ou blanche, issu d'élevage, est considéré comme étant un animal domestique en droit français. Les autres formes de cet oiseau relèvent donc de la législation concernant les animaux sauvages[77].
173
+
174
+ Le merle était considéré par les Grecs anciens comme un animal sacré, mais destructeur. Il était censé mourir s'il mangeait un fruit de grenadier[78].
175
+
176
+ Contrairement aux autres animaux noirs, le merle n'est généralement pas perçu comme un symbole de malheur[72].
177
+
178
+
179
+
180
+ Représentation de « Merle noir » sur timbres postaux
181
+
182
+ Voir aussi :
183
+
184
+ Le Merle noir est l'oiseau national de la Suède[79], où la population de merles nicheurs compte entre un et deux millions de couples[23]. Il figure aussi sur les armoiries de la ville allemande de Krukow.
185
+
186
+ De nombreux pays ont émis des timbres à l'effigie de cet oiseau.
187
+
188
+ Le merle, présent dans le blason de quelques villes, n'est pas un meuble très fréquent en héraldique.
189
+
190
+ Par contre, la merlette est très fréquente, mais c'est une figure héraldique étrange, petit oiseau de profil, sans bec ni patte, utilisé le plus souvent en nombre.
191
+
192
+ Le Merlerault, France(Armes parlantes)
193
+
194
+ Famille de Cesse (trois merlettes)
195
+
196
+ Incourt, France(neuf merlettes)
197
+
198
+ Le Merle noir est le nom d'une courte composition musicale d'Olivier Messiaen inspirée par le chant de cet oiseau. Ce chant a aussi inspiré Paul McCartney, qui faisait alors partie des Beatles, une de ses plus belles ballades, Blackbird. On y entend le chant d'un merle au dernier couplet.
199
+
200
+ « Blackbird singing in the dead of night,
201
+ Take these broken wings and learn to fly
202
+ All your life,
203
+ You were only waiting for this moment to arise[80]. »
204
+
205
+ ce qui peut se traduire par :
206
+
207
+ « Merle qui chante au cœur de la nuit
208
+ Prends ces ailes brisées et apprend à voler
209
+ Toute ta vie
210
+ Tu n'attendais que ce moment pour t'élever. »
211
+
212
+ Une chanson enfantine allemande intitulée Ein Vogel wollte Hochzeit machen (littéralement : Un oiseau voulait se marier) raconte le mariage d'un merle et d'une grive. Personne ne sait qui a écrit les paroles de cette chanson enfantine, ni quand la mélodie en a été composée[81].
213
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1
+ Turdus merula
2
+
3
+ Espèce
4
+
5
+ Statut de conservation UICN
6
+
7
+ LC  : Préoccupation mineure
8
+
9
+ Le Merle noir (Turdus merula), ou plus communément Merle, est une espèce de passereaux de la famille des turdidés.
10
+
11
+ Le merle niche en Europe, Asie et Afrique du Nord, et a été introduit en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il existe plusieurs sous-espèces de Merle noir sur sa vaste aire de répartition dont certaines sous-espèces asiatiques sont considérées par certains auteurs comme des espèces à part entière. Selon la latitude, le Merle noir peut être sédentaire ou migrateur, partiellement ou entièrement.
12
+
13
+ Le mâle de la sous-espèce holotype, celle qui est la plus répandue en Europe, est entièrement noir, à part le bec jaune et un anneau jaune autour de l'œil, et possède un vaste répertoire de vocalisations tandis que la femelle adulte et les juvéniles ont un plumage brun. Cette espèce niche dans les bois et jardins, construisant un nid en forme de coupe aux formes bien définies, bordé de boue. Le Merle noir est omnivore et consomme une grande variété d'insectes, de vers et de fruits.
14
+
15
+ Mâle et femelle ont un comportement territorial sur le site de nidification, chacun ayant un comportement agressif distinct, mais sont plus grégaires lors de la migration ou sur les aires d'hivernage. Les couples restent dans leur territoire pendant toute l'année dans les régions où le climat est suffisamment tempéré. De nombreuses références littéraires et culturelles à cette espèce commune font cas de son chant mélodieux.
16
+
17
+ Le Merle noir de la sous-espèce type (Turdus merula merula) a une longue queue (95 à 110 mm pour le mâle et 100 à 105 mm pour la femelle), mesure entre 23,5 et 29 cm de long pour une envergure de 34 à 38 cm, et pèse entre 80 et 125 grammes. Cette masse varie en fonction du sexe mais aussi des saisons et des contraintes physiologiques qui leur sont liées[1].
18
+
19
+ Les mâles (118 à 135 mm d'aile pliée, 28 à 33 mm de tarse et 20 à 23 mm de bec) tendent à être plus grands que les femelles (118 à 129 mm d'aile pliée, 28 à 29 mm de tarse et 20 à 21 mm de bec).
20
+
21
+ Le plumage des mâles adultes est entièrement noir de jais et contraste vivement avec un anneau oculaire jaune ou jaune-orangé et avec un bec brillant jaune-orangé. Ce contraste coloré est probablement un indicateur de qualité du mâle (une couleur vive étant corrélée à sa condition physique, son âge, son succès reproducteur ou la qualité de son territoire)[2]. En hiver, le cercle autour de l'œil devient plus brun et le bec légèrement plus sombre[3]. Les pattes sont brun-noir[1].
22
+
23
+ Selon les sous-espèces et selon la saison (plumage nuptial, plumage postnuptial frais à la teinte noir glacé et plumage internuptial[4] aux plumes mates et usées à la fin du printemps), le noir du plumage est plus ou moins intense[5]. Il est assez brillant chez la sous-espèce-type T. m. merula. Chez quelques sous-espèces d'Inde et de Ceylan, la couleur du plumage des mâles tire vers le brun ou vers le gris-bleu. Ces caractéristiques permettent de le distinguer du plumage brun sombre ou noir constellé de blanc de la principale espèce européenne, l'étourneau sansonnet.
24
+
25
+ Le dimorphisme sexuel est bien visible.
26
+
27
+ La femelle a un plumage brun roussâtre, dont les tons varient d'un individu à l'autre, présentant des zones plus noirâtres. Elle ne possède pas le bec et l'anneau orbital jaune brillant du mâle : son bec est marron, parfois avec une zone jaune pâle, et son cercle orbitaire[6] est brun clair. Sa gorge est plus claire que le reste de son plumage, pouvant présenter un aspect vaguement pommelé. Ses pattes sont brun foncé, sa poitrine brun clair.
28
+
29
+ Les juvéniles possèdent un plumage brun similaire à celui de la femelle, mais moucheté de beige sur la poitrine et le dessous du corps. Chez eux aussi les tons de brun varient d'un individu à l'autre ; les plus sombres sont présumés être des mâles[1]. Ce plumage juvénile dure jusqu'à la première mue, entre août et octobre. Les mâles acquièrent alors le plumage noir luisant, mais leur bec est plus sombre et l'anneau jaune autour des yeux est moins visible ; l'aile garde encore une teinte plus brune que le corps[7]. Le bec des jeunes mâles n'atteint sa couleur jaune et leur corps un aspect noir uniforme qu'après une année complète.
30
+
31
+ Des anomalies de coloration du plumage sont occasionnellement observées chez les Merles noirs. Même si ces phénomènes demeurent rares en chiffres absolus, ils semblent moins exceptionnels que chez les autres espèces d'oiseaux. Selon des observations menées en Grande-Bretagne, sur l'effectif total d'oiseaux décolorés recensés de toutes espèces, 29 % appartiennent au genre Turdus et sont principalement des Merles noirs, en l'occurrence des merles blancs[8]. L'existence de merles blancs avait déjà été rapportée entre autres par Buffon[9].
32
+
33
+ Les anomalies s'expriment toutes par une décoloration plus ou moins prononcée mais sont de natures diverses et peuvent relever de l'albinisme véritable et total (l'albinisme est ou n'est pas, l'albinisme ne peut être partiel), de la canitie ou de diverses formes d'aberration (leucisme, dilutions, schizochroïsmes…)[10]. Alors que pour les vrais albinos la cause est purement génétique, d'autres facteurs, comme le vieillissement ou les carences alimentaires et vitaminiques, peuvent intervenir pour expliquer les déficiences de pigmentation[8].
34
+
35
+ Réputés plus vulnérables, les individus entièrement blancs ont de moindres chances de survie et de reproduction (les albinos ont une déficience visuelle qui les voue à une mort rapide, en général les albinos rencontrés sont donc toujours des sujets jeunes ; en revanche les merles leuciques n'ont pas d'atteinte oculaire et peuvent très bien atteindre l'âge adulte). Aussi la plupart des merles tout blancs que l'on peut observer actuellement, qu'il s'agisse de véritables albinos ou non, sont des animaux reproduits sous la protection des humains. Quant aux décolorations partielles qui surviennent chez des animaux réellement sauvages, il semble qu'elles soient nettement plus fréquentes en milieu urbain.
36
+
37
+ En Europe, le Merle noir peut être confondu avec le juvénile du Merle à plastron (Turdus torquatus) lorsqu'il est dans sa première année, mais ce dernier a les ailes plus pâles. Le Merle noir présente également une ressemblance superficielle avec l'Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris)[1].
38
+
39
+ La sous-espèce T. m. kinsii du Sri Lanka ressemble à une autre espèce sri lankaise, le Merle siffleur de Ceylan (Myophonus blighi), mais cette dernière présente toujours du bleu dans son plumage, et à une espèce qui ne vit pas dans la même région du monde, le Merle unicolore (Turdus unicolor), qui a un ventre beaucoup plus pâle[7],[11].
40
+
41
+ Un certain nombre d'espèces membres du genre Turdus, d'apparence assez similaires au Merle noir, vivent en dehors de l'aire de répartition de ce dernier, comme le Merle chiguanco (Turdus chiguanco) sud-américain[12].
42
+
43
+ La femelle Merle noir peut être confondue avec une Grive musicienne (Turdus philomelos), mais cette dernière a le dessous nettement plus pâle et ponctué de sombre.
44
+
45
+ Le régime alimentaire des Merles noirs est omnivore. Ils se nourrissent d'une grande variété d'espèces d'insectes, de vers et de divers autres petits animaux et ils consomment également des fruits et parfois des graines.
46
+
47
+ Les merles recherchent principalement leurs proies à terre. Ils courent, sautillent, progressent par à-coups et penchent la tête de côté pour observer le sol. Ils chassent principalement à vue mais utilisent aussi parfois leur ouïe. Ce sont d'importants consommateurs de lombrics qu'ils attrapent en fouillant l'humus. Ils sauraient les faire émerger de leurs galeries en tapotant le sol avant de les en extirper[13]. Ils grattent aussi la litière des feuilles en décomposition, de façon bruyante et démonstrative, en faisant voleter les feuilles à la recherche de toutes sortes d'invertébrés : des insectes aussi bien à l'état de larves que d'imagos, des araignées, des myriapodes, des limaces, des petits escargots[14]… Exceptionnellement, ils se repaissent de petits vertébrés comme des têtards, de petits amphibiens adultes ou des lézards. Même s'ils sont surtout des chasseurs au sol, les merles n'hésitent pas à explorer les arbres et les buissons pour collecter les insectes qui y sont posés, notamment les chenilles.
48
+
49
+ Mais si les Merles noirs fréquentent les branchages pour s'alimenter, c'est d'abord à la recherche de fruits, généralement de petits fruits charnus : baies ou drupes[15]. La nature des fruits consommés dépend de ce qui est localement disponible, et peut inclure des espèces exotiques prises dans les jardins ou les vergers. Ils affectionnent les petits fruits qu'ils peuvent saisir et emporter dans leur bec mais ne dédaignent pas de picorer de plus gros fruits tombés à terre comme des pommes.
50
+
51
+ En Europe tempérée, ils se nourrissent de baies de troène, de sureau noir, d'argouses, de cornouilles, de cerises, de mûres de roncier… En hiver, ils trouvent, encore accrochés aux rameaux, des fruits d'aubépine, de lierre grimpant, des sorbes, des boules de houx, du gui, etc.[16]. Plus au sud, ils peuvent cueillir des olives, des myrtes, des fruits de micocoulier, des raisins… Dans le nord de l'Inde, les petites figues du Figuier des Banyans et les mûres de mûrier sont souvent consommées, alors que vers le sud de ce sous-continent, les petites baies noires des arbres du genre Trema font fréquemment partie de leur régime[7]. Comme d'autres turdidés, le merle noir peut régurgiter les graines non digérées de certaines de ces baies[17].
52
+
53
+ Les proies animales dominent et sont particulièrement importantes dans l'alimentation du merle pendant la saison de nidification, alors que les fruits tombés ou les baies prennent de l'importance en automne et en hiver.
54
+
55
+ Les Merles noirs ont une territorialité très affirmée et ne vivent pas en groupe. Chaque individu délimite son territoire propre dont l'étendue varie de 0,2 à 0,5 ha en forêt ou de 0,1 à 0,3 ha en ville. Le mâle établit son territoire au cours de sa première année d'existence et le garde sa vie entière. Durant la saison de nidification, un merle ne supporte aucun congénère, à l'exception de son partenaire.
56
+
57
+ Pour défendre l'exclusivité de son territoire, un mâle chasse les autres mâles par des postures de menace : une course brève vers l'intrus, la tête d'abord levée, puis penchée vers le bas au fur et à mesure que la queue s'abaisse. Si un combat s'ensuit, les deux mâles se font face et, voletant à quelques centimètres du sol en poussant des cris, les pattes tendues vers l'adversaire. Ces combats sont généralement de courte durée, plus démonstratifs que violents, et l'expulsion de l'intrus est rapide. La femelle aussi est agressive au printemps, quand elle entre en compétition avec d'autres femelles pour un partenaire ou un territoire de nidification. Bien que les combats de femelles soient moins fréquents, ils ont tendance à être plus violents[15].
58
+
59
+ En dehors de la période de reproduction, plusieurs merles peuvent partager un habitat commun qui leur procure nourriture et abri, et il arrive qu'ils se perchent pour la nuit en petits groupes, mais même dans ce cas, il n'y a guère de relations entre les individus.
60
+
61
+ Le territoire d'un merle, bien qu'essentiel à la formation des couples et à la nidification, ne fournit au mieux qu'une partie des ressources en nourriture[18].
62
+
63
+ Une étude semble montrer que l'apparence du bec est un facteur important dans les interactions entre Merles noirs. Le mâle qui défend son territoire réagit plus agressivement envers les intrus au bec orangé qu'envers ceux à bec jaune, mais il réagit moins aux becs bruns, caractéristiques des jeunes mâles de moins d'un an et des femelles. La femelle est au contraire relativement indifférente à la couleur du bec de l'intrus, mais semble sensible à la réflexion des ultraviolets sur le bec[19].
64
+
65
+ On dit que le merle siffle, flûte, appelle ou babille[20].
66
+
67
+ Un Merle noir mâle d'un an de la sous-espèce Turdus merula merula peut déjà commencer à chanter dès le mois de janvier par beau temps, afin d'établir un territoire. Il est suivi fin mars par le mâle adulte. « Chaque mâle possède une grande variété de phrases. Sonores et émises sans hâte, on les reconnaît facilement grâce au timbre flûté de nombreuses syllabes. Mais les phrases se terminent souvent par des sons suraigus, moins agréables. Elles peuvent aussi comporter des syllabes empruntées à d'autres oiseaux, voire des sonneries de GSM » (Metzmacher, 2008). Ce chant est lancé depuis le haut des arbres, le toit des maisons ou tout autre perchoir dominant les environs. Il chante de mars à juin, parfois début juillet. Une étude semble montrer que le chant dure plus longtemps lorsque le mâle est en meilleure forme, et lorsque sa femelle est dans une période de fertilité maximale[21]. Le mâle peut chanter à tout moment de la journée, mais le lever et le coucher du soleil sont les moments où les chants sont plus intenses. Le chant du Merle noir est considéré comme l'un des plus beaux chants d'oiseaux d'Europe. Sa richesse de répertoire, ses variations mélodiques et ses capacités d'improvisation distinguent le Merle noir européen de la plupart des autres oiseaux.
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+ Il possède de nombreux autres appels, tel un agressif sriiii, un pök-pök-pök d'alarme désignant un prédateur terrestre (un chat par exemple), et divers tchink et tchouk, tchouk. Le mâle assurant un territoire réalise invariablement des appels de type chink-chink dans la soirée, dans une tentative (généralement vaine) de décourager les autres mâles de venir se percher pour dormir sur son territoire[15]. Comme les autres passereaux, il a un léger sriiiiii d'alarme haut perché pour désigner les oiseaux de proie, car ce son est rapidement étouffé par la végétation, et donc difficile à localiser[22]. En cas de vive inquiétude, il émet une série de cris gloussants, précipités et bruyants.
70
+
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+ Au moins deux sous-espèces, T. m. merula et T. m. nigropileus, sont capables d'imiter d'autres espèces d'oiseaux, mais aussi des chats, des humains ou des alarmes, mais le son obtenu est généralement faible et difficile à détecter. Les grandes sous-espèces de montagne, particulièrement T. m. maximus, ont un chant comparativement de piètre qualité, avec un répertoire limité comparé à celui des sous-espèces occidentales, sri lankaises ou de l'Inde péninsulaire[7].
72
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73
+ La parade nuptiale du mâle se compose de courses obliques combinées à des hochements de tête, le bec ouvert, et un chant émis avec une voix grave et étranglée. La femelle reste immobile jusqu'à ce qu'elle lève la tête et la queue pour permettre l'accouplement[15]. Cette espèce est monogame, la fidélité étant généralement la règle jusqu'au décès d'un des partenaires[23]. La séparation des couples survient cependant dans 20 % des cas après une saison de reproduction ayant un faible taux de réussite[24]. De plus, bien que « socialement » monogame, des études ont montré que le taux de paternité adultérine peut atteindre 17 % chez cette espèce[25].
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+ La sous-espèce Turdus merula merula commence généralement à pondre en mars, mais les sous-espèces orientales et indiennes sont plus tardives, commençant au plus tôt en avril ou en mai. Les individus introduits dans l'hémisphère sud, eux, commencent à pondre en août[7],[26].
76
+
77
+ Le couple nicheur recherche un emplacement convenable pour la nidification dans un buisson (arbustif ou grimpant), généralement à environ 2 m du sol, favorisant certaines espèces végétales comme le lierre, le houx, l'aubépine, le chèvrefeuille ou le pyracantha[27]. Le nid peut aussi être installé sur la fourche d'une branche d'arbre[28].
78
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+ Bien que le mâle puisse aider à la construction du nid, principalement en apportant des matériaux de construction[29], la femelle construit presque seule un nid en forme de coupelle avec de la mousse, de l'herbe, de petites racines et des brindilles, qu'elle borde ensuite de boue ou de feuilles boueuses. Elle pond ensuite 2 à 6 œufs (généralement 4) de couleur bleu-vert, présentant des taches brun-rouge qui sont plus nombreuses sur le gros bout[15],[26]. Les œufs de la sous-espèce T. m. merula ont des dimensions moyennes de 2,9 × 2,1 cm et pèsent généralement 7,2 grammes (6 % de cette masse correspond à la coquille)[30]. Les coquilles d'œufs des sous-espèces du sud de l'Inde sont plus pâles que celles des autres[7].
80
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+ La femelle couve seule durant 12 à 14 jours avant l'éclosion, qui donne naissance à des oisillons nidicoles, nus et aveugles d'une masse de 5 à 6 g. Les parents s'occupent tous les deux des petits, les nourrissant et débarrassant le nid des sacs fécaux. La masse atteinte par le poussin à l'âge de huit jours est déterminante pour la survie ultérieure : la masse idéale serait de 35 à 45 g, en dessous de ces valeurs le poussin aurait très peu de chance de survivre[31]. En effet, la période qui suit le séjour au nid est primordiale pour la survie. Pendant trente jours, les jeunes sont particulièrement vulnérables : les plus lourds sont alors favorisés par rapport aux plus légers. À douze jours, les poussins pèsent entre 60 et 65 g.
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+ Ils quitteront leur nid très tôt, au bout de 10 à 19 jours (13,6 jours en moyenne avec une masse de 70 à 80 g)[23], une semaine avant de savoir voler : ils rampent hors du nid, se laissent tomber en voletant, et vont se mettre à couvert à proximité[32]. Ils seront encore nourris par leurs parents pendant trois semaines après leur départ du nid et suivront les adultes, mendiant de la nourriture. Si la femelle commence une deuxième couvée, le mâle assurera seul le nourrissage des jeunes[15]. Une seconde couvée est en effet commune, la femelle réutilisant le même nid si la première couvée a été couronnée de succès et, dans le sud de l'aire de répartition de cette espèce, il peut ainsi y avoir jusqu'à trois couvées par an, voire davantage[7],[20]. Pendant la période où les petits sont nourris par leurs parents, ils apprendront à choisir leur nourriture. À mesure que leur expérience et leur confiance augmentent, ils commencent à s'aventurer plus avant dans le territoire parental. Les jeunes finissent par prendre leur indépendance et s'envoler, toujours de leur propre chef : ils ne sont jamais chassés par leurs parents[32].
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+ Les jeunes seront à leur tour capables de se reproduire à un an[33], après avoir choisi leur propre territoire.
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+ En France, la prédation, les maladies, la chasse et les aléas climatiques provoquent une mortalité moyenne variant de 50 à 80 % selon les régions[16].
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+ Cette sous-espèce des régions montagneuses a une saison de reproduction plus courte et ne peut produire qu'une seule couvée par an. La femelle pond généralement moins d'œufs, de 2 à 4 (2,86 œufs en moyenne), mais de dimensions plus grandes que ceux de T. m. merula. La période d'incubation sera en moyenne plus courte (de 12 à 13 jours), mais les petits resteront plus longtemps au nid (durant 16 à 18 jours)[34].
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+
91
+ Le merle noir, espèce communément répandue de l'Ancien Monde, est mentionné et décrit dans de nombreux textes anciens. Il est cité par Aristote sous le nom de Cottyphus (Κοττύφος) au dix-huitième chapitre du neuvième Livre des Animaux comme la principale espèce de merle. Nommé en latin merula, ce qui donnera directement en français merle[35], Varron fournit comme explication étymologique un diminutif de mera : Merula est le quasi mera, le « presque seul », celui qui ne vole pas en groupe, ce qui rend bien compte du caractère solitaire de cet oiseau[36].
92
+
93
+ En 1555, Pierre Belon dans l'Histoire de la nature des oiseaux en dit notamment que « Chacun sait qu'il est de couleur noire, et que son bec devient jaune en vieillissant… » et plus loin que « Les médecins tiennent qu'il engendre bonnes humeurs, acomparants la chair à celle de la Grive aussi ont maintenant coutume de concéder aux malades d'en manger, l'estimant de facile digestion[37] ».
94
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95
+ Le très commun Merle noir est naturellement recensé par Carl von Linné dès 1746 dans son ouvrage sur la faune de Suède, Fauna Svecica. Il y est répertorié sous l'appellation
96
+ Turdus ater, rostro palpebrisque fulvis[38] qui signifie « grive noire, au bec et aux paupières jaunes ». Il est d'ores et déjà regroupé avec les grives dans le genre Turdus, conformément à cet égard au sens de son nom en suédois koltrast, la « grive de charbon ».
97
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98
+ Dans l'édition de 1758 de Systema Naturae, qui établit la généralisation de la nomenclature binominale, Linné lui donne enfin le nom scientifique qu'il a toujours conservé jusqu'à présent : Turdus merula[39], en apposant au nom de genre Turdus, la « grive » en latin, le nom d'espèce merula, le « merle » dans la même langue. Ce qui lui servait de longue appellation savante précédemment ne devient plus alors qu'une simple description. Linné ajoute que le Merle noir dissémine les graines de genévrier.
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100
+ Le Merle noir appartient au genre Turdus, avec les grives et d'autres espèces de « merles ». La différenciation entre les merles et les grives ne repose pas sur des fondements biologiques ; elle est purement culturelle et linguistique, et diffère selon les langues.
101
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102
+ Les oiseaux du genre Turdus ont été, dès les premières classifications de Linné, à l'origine de la création de la famille des Turdidae dont ils forment le genre-type. Mais sur la base d'une vaste étude génétique générale des oiseaux menée dans les années 1970 et 80, mesurant l'hybridation de l'ADN et menant à une nouvelle classification taxinomique dite de Sibley-Ahlquist, des ornithologues américains ont intégré ce groupe dans la famille des Muscicapidae. L'ancienne famille des Turdidae passe alors au rang de sous-famille, celle des Turdinae. Cependant la fiabilité de la méthodologie utilisée par Charles Gald Sibley et Jon Ahlquist et la pertinence des résultats déduits est contestée par une large part des spécialistes en ornithologie. Dans des classifications plus récentes, notamment celle de Jim Clements[40], la famille des Turdidae est pleinement rétablie.
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104
+ Parmi les 65 espèces environ du genre Turdus, caractérisées par une taille moyenne, des têtes rondes, de longues ailes pointues et des chants généralement mélodieux, plusieurs sont aussi appelées en français « merles » comme le Merle à plastron (Turdus torquatus) ou le Merle d'Amérique (Turdus migratorius). Le Merle noir semble en particulier être très proche, au niveau phylogénique, du Merle des îles (Turdus poliocephalus), oiseau du sud-ouest de l'océan Pacifique, qui a probablement divergé au point de vue évolutif très récemment des populations de Turdus merula[7].
105
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106
+ D'autres espèces de proche parenté sont également appelées couramment « merles » comme le merle de roche (Monticola saxatilis), mais d'autres « merles » appartiennent à des familles plus éloignées, comme le merle d'eau ou Cincle plongeur ou encore le merle des Indes ou Mainate et sont surnommés ainsi en raison de ressemblances avec le Merle noir par la taille, la couleur, le chant ou le régime alimentaire.
107
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108
+ Turdus simillimus et Turdus maximus, citées comme espèces à part entière, sont considérées comme sous-espèces par certains auteurs[41].
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110
+ En fait, la taxonomie de cette espèce est assez complexe, surtout en ce qui concerne les sous-espèces asiatiques. Celles du sous-continent indien (T. m. simillimus, T. m. nigropileus, T. m. bourdilloni, T. m. spencei et T. m. kinnissi) sont de petite taille, seulement 19 à 20 cm de long, et les mâles ont un anneau oculaire large ; elles diffèrent aussi des autres sous-espèces de Turdus merula par leurs proportions, par leur surface alaire et leur envergure, par la couleur de leurs œufs et par leurs vocalisations. De fait, elles sont parfois considérées comme constituant une espèce séparée, le Merle indien (T. simillimus)[42],[43]. La sous-espèce himalayenne T. m. maximus est très différente des sous-espèces indiennes (le groupe simillimus cité plus haut), car ses représentants sont plus grands (23 à 28 cm de long) ; elle diffère en fait de toutes les autres sous-espèces de Turdus merula par son manque total d'anneau oculaire et par ses piètres vocalisations. Elle est donc parfois considérée comme une espèce à part entière, le Merle tibétain (T. maximus)[44].Les autres sous-espèces asiatiques, T. m. intermedius et T. m. mandarinus, relativement grandes, et T. m. sowerbyi, plus petite, sont elles aussi différentes par leur aspect et leurs vocalisations, et pourraient, selon certains auteurs, former une espèce distincte qui, une fois reconnue serait appelée Merle chinois et prendrait comme nom scientifique T. mandarinus[45]. Certains auteurs ont suggéré qu'on pourrait les considérer comme une sous-espèce de T. maximus[7], mais ces merles en diffèrent par leur aspect (notamment par leur anneau oculaire) et par leurs vocalisations[44],[45].
111
+
112
+ Les sous-espèces européennes, tout comme celles d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, se distinguent les unes des autres par des nuances de coloration du plumage. Le plumage des mâles des populations des Açores (Turdus merula azorensis), de Madère et des îles Canaries occidentales (Turdus merula cabrerae) et d'Afrique du Nord (Turdus merula mauretanicus) est d'un noir plus profond et plus brillant que celui des mâles d'Europe continentale (Turdus merula merula). De même, les femelles sont plus sombres puisque brun noir chez azorensis et cabrerae ou gris suie chez mauretanicus au lieu de brunes chez merula. Chez cette dernière sous-espèce, les oiseaux tendent à avoir des tailles un peu plus grandes et des ailes un peu plus longues du sud vers le nord. Les populations des îles méditerranéennes se singularisent par leur taille plus petite. En Suède, des mâles à gorge blanche et des femelles très rousses peuvent être observés. Dans le sud-est de l'Europe, les oiseeaux (Turdus merula aterrimus) sont plus pâles et plus gris. Du Proche-Orient jusqu'à l'Irak et l'Iran, les mâles de la sous-espèce syriacus sont pâles et les femelles grises.
113
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114
+ Commun dans les zones boisées sur la grande majorité de son aire de répartition, le Merle noir a une préférence pour les forêts décidues, à sous-bois dense. Cependant, les jardins leur fournissent le meilleur site de nidification, capables d'accueillir jusqu'à 7,3 couples par hectare, alors que les forêts ne peuvent soutenir que le dixième de cette densité de population (et les espaces ouverts et très urbanisés encore moins)[15]. On peut aussi le trouver dans des haies, des zones arbustives, en lisière de forêt, dans des parcs ou cultures, voire en zone urbaine.
115
+
116
+ En Europe, il est souvent graduellement remplacé par le Merle à plastron, espèce assez proche du point de vue taxonomique, quand on progresse en altitude[26]. On peut le trouver jusqu'à 1 000 m d'altitude en Europe, 2 300 m en Afrique du Nord, 800 m au Sri Lanka et 900 m dans la péninsule indienne, mais les grandes sous-espèces himalayennes peuvent atteindre des altitudes bien supérieures : T. m. maximus niche entre 3 200 et 4 800 m et demeure au-dessus de 2 100 m d'altitude même en hiver[7].
117
+
118
+ Le Merle noir niche dans toute l'Europe tempérée, toujours en dessous du cercle polaire arctique, mais aussi en Afrique du Nord, sur certaines îles atlantiques (Madère, Açores, îles Canaries) et dans une grande partie de l'Asie du Sud.
119
+
120
+ Le Merle noir a été introduit dans de nombreuses parties du monde en dehors de son aire originelle. Par exemple, en Australie et en Nouvelle-Zélande, se trouvent des descendants de merles importés de Grande-Bretagne[7].
121
+
122
+ Selon la latitude, le Merle noir peut être un oiseau sédentaire ou migrateur, partiellement ou entièrement[45]. Les populations du sud et de l'ouest de l'aire de répartition sont sédentaires, mais les merles les plus nordiques migrent vers le sud jusqu'à l'Afrique du Nord ou l'Asie tropicale en hiver[7].
123
+
124
+ Les mâles des populations urbaines sont plus à même de rester en hiver dans les climats frais que les mâles de campagne, adaptation rendue possible grâce à un microclimat plus clément et à une nourriture relativement abondante, qui permet à ces oiseaux d'établir un territoire et de commencer la reproduction plus tôt dans l'année[46]. Tant que de la nourriture est disponible en hiver, mâles et femelles resteront sur leur territoire tout au long de l'année.
125
+
126
+ Les individus migrateurs sont capables de couvrir de grandes distances. Ils sont plus sociables, voyageant en petits groupes, généralement de nuit, et se nourrissant en groupe dispersé sur les aires d'hivernage. Le vol de migration, qui consiste en des séries de rapides battements d'ailes interrompues par des mouvements planés horizontaux ou plongeants, diffère du vol normal, rapide et agile, du Merle noir, mais aussi du vol de plus grands Turdidae, présentant souvent des mouvements plongeants plus accentués[20],[23].
127
+
128
+ Quelques individus erratiques de cette espèce très répandue géographiquement sont occasionnellement apparus en de nombreux endroits d'Europe hors de leur aire normale de répartition, comme dans l'archipel de Svalbard et l'île de Jan Mayen, situés dans la région Arctique. Il y a aussi eu des observations d'individus erratiques au Japon[47]. Les observations en Amérique du Nord sont généralement imputées à des individus captifs échappés, comme dans le cas du merle noir observé au Québec en 1971[48]. Cependant, une observation datant de 1994 à Bonavista, dans la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador, a été reconnue comme une observation d'un individu vraiment sauvage[7] et l'espèce figure de fait sur la liste des oiseaux de l'Amérique du Nord[49].
129
+
130
+ La population mondiale du merle noir n'a pas été chiffrée, mais la population européenne est estimée entre 79 et 160 millions d'individus[50]. Cette espèce est particulièrement abondante en Allemagne (8 à 16 millions de couples), au Royaume-Uni (près de 5 millions de couples) et en France où les effectifs de merles sont estimés à plusieurs dizaines de millions de couples nicheurs[16]. Cette population y est considérée comme stable, et l'indice d'abondance des oiseaux nicheurs en France montre même une légère augmentation entre 1994 et 2003[16].
131
+
132
+ L'avenir de l'espèce dépendra essentiellement du maintien d'habitats diversifiés favorables lui apportant abri et ressources alimentaires. La population européenne semble globalement en accroissement depuis les années 1990, elle est donc considérée comme « sécurisée » par Birdlife International[51].
133
+
134
+ Ce paragraphe suivra la proposition de classification de Clement (voir paragraphe « Systématique »):
135
+
136
+ Un Merle noir a une espérance de vie de 2,4 ans en moyenne[54], ce qui inclut la mortalité infantile. Les Merles noirs dépassant leur première année vivent 5 ans en moyenne[55], mais selon des résultats basés sur le marquage, cette espèce peut atteindre un âge record de 21 ans et 10 mois[33],[56].
137
+
138
+ Le principal prédateur du Merle noir est le chat domestique, mais le renard, la fouine, l'hermine et les rapaces, comme les éperviers et les autours, chassent aussi cette espèce quand l'occasion se présente, et limitent ainsi les populations de Merle noir[57],[58]. Par contre, il n'y a guère de preuves directes montrant que la prédation des œufs de Merle noir, des oisillons ou des adultes par les Corvidés, tels que la Pie bavarde, la Corneille noire, ou le Geai des chênes, ait un impact direct sur les effectifs des populations de merles[27].
139
+
140
+ Le Merle noir est occasionnellement l'hôte involontaire du Coucou gris (Cuculus canorus), espèce parasite qui pond ses œufs dans le nid d'autres espèces. Mais généralement, le coucou en est pour ses frais, car le merle sait reconnaître l'adulte de cette espèce, mais aussi ses œufs, plus gros que ceux des espèces qu'il parasite, et qui sont rejetés[59]. Le merle introduit en Nouvelle-Zélande, où le coucou ne vit pas, a depuis perdu la capacité à reconnaître le Coucou gris adulte, mais rejette toujours les œufs de ce dernier[60].
141
+
142
+ Comme chez tous les passereaux, les parasites sont communs chez le merle. Des études ont montré que 88 % des merles examinés présentaient des parasites intestinaux, le plus fréquemment du genre Isospora ou Capillaria[61], et plus de 80 % présentaient des hématozoaires parasites[62].
143
+
144
+ Les merles passent beaucoup de leur temps à chercher de la nourriture au niveau du sol. Ils sont souvent colonisés par des tiques, ou autres parasites externes, surtout au niveau de la tête[63]. Lors d'une étude en France, 74 % des merles examinés en milieu rural étaient infestés de tiques du genre Ixodes, contre seulement 2 % de ceux examinés en milieu urbain[63]. Ceci est dû au fait que dans les parcs et jardins des régions urbaines, les tiques ont davantage de difficultés à trouver d'autres hôtes, alors qu'en milieu rural, les hôtes sont plus nombreux et divers (renard, daim et chevreuil, sanglier, etc.)[63]. Bien que les tiques du genre Ixodes puissent transmettre des virus ou bactéries pathogènes, et soient réputées transmettre la bactérie Borrelia aux oiseaux[64], il n'y a aucune preuve que ceci affecte la santé du Merle noir, sauf lorsqu'ils sont épuisés et immunodéprimés après la migration[63]. Il semble par contre que le Merle noir soit malheureusement un réservoir à Borrelia, capable de retransmettre le parasite aux tiques[65].
145
+
146
+ En se nourrissant, ils peuvent aussi être contaminés par divers polluants du sol et de l'eau. Cette espèce a fait l'objet d'une étude de biomonitoring sur la zone-atelier de l'ancienne fonderie Métaleurop-Nord, afin de vérifier qu'un suivi des métaux lourds pouvait être fait avec des passeraux en n'utilisant que de petites quantités de sang pour les analyses[66].
147
+
148
+ Le merle semble être l'oiseau le plus vulnérable[réf. nécessaire] à une maladie émergente virale due à un virus : le virus Usutu (ou USUV).
149
+
150
+ Le Merle noir fut introduit en Australie à Melbourne dans les années 1850, mais s'est répandu depuis de Melbourne et Adelaide, ses quartiers originels, à travers tout le sud-est de l'Australie mais aussi en Tasmanie et dans les îles du détroit de Bass[67]. Les populations introduites en Australie sont considérées comme nuisibles car elles causent des dommages sur une grande variété de baies et drupes dans les vergers, parcs et jardins, particulièrement sur le raisin et les cerises. Il est aussi accusé de répandre des « mauvaises herbes », telles que les ronces, et d'entrer en compétition avec le reste de l'avifaune locale en ce qui concerne la nourriture et les sites de nidification[68].
151
+
152
+ En Nouvelle-Zélande, le Merle noir et l'autochtone Zostérops à dos gris (Zosterops lateralis) sont les deux oiseaux disperseurs de graines les plus répandus de ce pays. Depuis son introduction en 1862, en même temps que la Grive musicienne (Turdus philomelos), il s'est répandu dans tout le pays, jusqu'à une altitude de 1 500 m, de même que sur les îles situées à quelques distances, telles que le groupe de l'île Campbell et les îles Kermadec[69]. Il mange une grande variété de fruits autochtones et exotiques, et il est un contributeur majeur du développement des communautés de plantes ligneuses naturalisées telle, encore une fois, la Ronce commune. Ces plantes fournissent des fruits plus appréciés par les oiseaux non endémiques (qu'ils soient autochtones ou introduits) que par les oiseaux endémiques[70].
153
+
154
+ Dans le sud de la France, le merle paie aussi son tribut à la chasse à la grive, car de manière officielle, aucune distinction n'est faite entre merles et grives. De 1998 à 1999, les décès par la chasse ont été estimés à 985 000 Merles noirs par l'ONCFS ; les principales zones de chasse étaient alors la Gironde, l'Hérault, le Var et la Corse[16]. Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les décès liés à la chasse en 2000 ont été estimés à 200 000 individus[71].
155
+
156
+ Comme de nombreux autres petits oiseaux, il a été dans le passé chassé dans les zones rurales, en général trappé sur ses perchoirs nocturnes, afin d'améliorer le quotidien[72]. Il entre toujours actuellement dans la composition du pâté de merle, spécialité culinaire corse.
157
+
158
+ Le Merle noir se chasse à tir, devant soi sur les zones d'alimentation ou au poste fixe. Il peut être également capturé vivant avec des gluaux pour servir d'appelant à la chasse au poste. Cette capture d'oiseaux aux gluaux, utilisée dans les Alpes de Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse, est réglementée par arrêté ministériel et soumise à autorisation préfectorale[16].
159
+
160
+ En tant qu'oiseau relativement ubiquiste (à la fois urbain et rural) il a été utilisé pour l'étude des effets de la pollution lumineuse sur les oiseaux (et plus précisément sur les cycles chronobiologiques nycthéméraux et saisonniers[73] ou la migration aviaire).
161
+
162
+ En particulier, une étude a été basée sur le suivi d'adultes mâles sauvages capturés pour les uns dans une forêt rurale, et pour les autres dans deux sites urbains, différents (du point de vue de leur degré de perturbation anthropique de l'environnement nocturne par l'éclairage urbain)[73].
163
+ Avant d'être relâchés dans leur milieu, ces merles ont tous été équipés d'un système de télémétrie associé à deux capteurs enregistrant simultanément les variations de la luminosité ambiante et l'état d'activité de l'oiseau (actif/non-actif). Les chercheurs ont ainsi pu étudier les relations entre la luminosité naturelle ou artificielle, les conditions météorologiques et les moments de début et de fin de l'activité de chaque individu. Ils ont aussi étudié l'activité de l'oiseau selon le niveau de bruit ambiant (qui variait entre la semaine et le week-end).
164
+ Les enregistrements montrent que l'activité quotidienne du merle était considérablement plus précoce dans les deux sites urbains éclairés (par rapport au calendrier d'activité de la population rurale), alors que la fin de l'activité quotidienne ne variait pas entre les trois sites. Les oiseaux les plus éclairés en fin de soirée débutaient leur activité matinale plus tôt (alors que le degré d'illumination nocturne n'a pas influencé l'heure de fin de l'activité quotidienne)[73]. Le bruit variait entre la semaine et le week-end, mais sans effet apparent sur les moments et/ou durées d'activité des oiseaux[73]. Un effet saisonnier fort a été détecté dans les deux populations urbaines et rurales, montrant une durée d'activité allongée le matin et le soir (plus marqué en début de saison de reproduction qu'aux stades suivants)[73]. Les auteurs ont conclu que « la lumière artificielle nocturne est un facteur majeur de changement du calendrier de l'activité quotidienne » et que « des recherches futures devraient se concentrer sur les coûts/avantages d'une rythmicité quotidienne altérée chez les oiseaux des zones urbaines »[73]. Peu auparavant une autre étude avait montré que la pollution lumineuse réduit fortement la production de mélatonine chez les merle Turdus merula[74].
165
+
166
+ La combinaison d'une ambiance bruyante le jour et de la pollution lumineuse affecte fortement le merle urbain qui se met à chanter jusqu'à cinq heures plus tôt que ses homologues vivant en milieu rural[75].
167
+
168
+ Le Merle noir, ubiquiste et adaptable ne semble néanmoins pas menacé. Du fait de sa vaste aire de répartition (environ dix millions de km²), de son importante population, et de la relative stabilité en termes d'effectifs globaux, il a été classé dans la catégorie LC (préoccupation mineure) par l'UICN[47].
169
+
170
+ Dans l'ouest de la région paléarctique, les populations semblent plutôt stables ou en accroissement[23], mais il peut aussi y avoir des déclins localisés, en zones rurales notamment, peut être en raison de l'intensification de l'agriculture qui a poussé les agriculteurs à détruire de nombreuses haies, mares, prairies permanentes, prairies humides et des fossés et talus qui fournissaient aux merles gîte et nourriture. Dans le même temps, l'utilisation de pesticides a aussi pu nuire aux merles, directement (écotoxicité) et indirectement (diminution des invertébrés qui sont la ressource alimentaire du merle[58].
171
+
172
+ Oiseau peu craintif tout en restant prudent, il s'apprivoise si bien qu'on le voit dans les jardins et les faubourgs faire son nid dans des endroits quotidiennement fréquentés par l'homme. Il a ainsi pu être jadis élevé en cage[76]. Seul un individu des variétés albino ou blanche, issu d'élevage, est considéré comme étant un animal domestique en droit français. Les autres formes de cet oiseau relèvent donc de la législation concernant les animaux sauvages[77].
173
+
174
+ Le merle était considéré par les Grecs anciens comme un animal sacré, mais destructeur. Il était censé mourir s'il mangeait un fruit de grenadier[78].
175
+
176
+ Contrairement aux autres animaux noirs, le merle n'est généralement pas perçu comme un symbole de malheur[72].
177
+
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+ Représentation de « Merle noir » sur timbres postaux
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+ Voir aussi :
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+ Le Merle noir est l'oiseau national de la Suède[79], où la population de merles nicheurs compte entre un et deux millions de couples[23]. Il figure aussi sur les armoiries de la ville allemande de Krukow.
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+ De nombreux pays ont émis des timbres à l'effigie de cet oiseau.
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+
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+ Le merle, présent dans le blason de quelques villes, n'est pas un meuble très fréquent en héraldique.
189
+
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+ Par contre, la merlette est très fréquente, mais c'est une figure héraldique étrange, petit oiseau de profil, sans bec ni patte, utilisé le plus souvent en nombre.
191
+
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+ Le Merlerault, France(Armes parlantes)
193
+
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+ Famille de Cesse (trois merlettes)
195
+
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+ Incourt, France(neuf merlettes)
197
+
198
+ Le Merle noir est le nom d'une courte composition musicale d'Olivier Messiaen inspirée par le chant de cet oiseau. Ce chant a aussi inspiré Paul McCartney, qui faisait alors partie des Beatles, une de ses plus belles ballades, Blackbird. On y entend le chant d'un merle au dernier couplet.
199
+
200
+ « Blackbird singing in the dead of night,
201
+ Take these broken wings and learn to fly
202
+ All your life,
203
+ You were only waiting for this moment to arise[80]. »
204
+
205
+ ce qui peut se traduire par :
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+
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+ « Merle qui chante au cœur de la nuit
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+ Prends ces ailes brisées et apprend à voler
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+ Toute ta vie
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+ Tu n'attendais que ce moment pour t'élever. »
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+ Une chanson enfantine allemande intitulée Ein Vogel wollte Hochzeit machen (littéralement : Un oiseau voulait se marier) raconte le mariage d'un merle et d'une grive. Personne ne sait qui a écrit les paroles de cette chanson enfantine, ni quand la mélodie en a été composée[81].
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Merlin (en gallois Myrddin, en breton Merzhin), communément appelé Merlin l'Enchanteur, est un personnage légendaire, prophète magicien doué de métamorphose, commandant aux éléments naturels et aux animaux dans la littérature médiévale. Sa légende provient à l'origine de la mythologie celtique galloise, et s'inspire certainement d'un druide divin, mêlé à un ou plusieurs personnages historiques. Son image première est assez sombre. Les plus anciens textes concernant Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne le présentent en « homme des bois » torturé et atteint de folie, mais doué d'un immense savoir, acquis au contact de la nature et par l'observation des astres. Après son introduction dans la légende arthurienne grâce à Geoffroy de Monmouth et Robert de Boron, Merlin devient l'un des personnages les plus importants dans l'imaginaire et la littérature du Moyen Âge.
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5
+ Dans le cycle arthurien, dont il est désormais indissociable, Merlin naît d'une mère humaine et d'un père diabolique. Bâtisseur de Stonehenge, il emploie ses sortilèges pour permettre la naissance du Roi Arthur et son accession au pouvoir, grâce à l'épreuve de l'épée Excalibur et à la formation de la Table ronde. Conseiller du roi et de ses chevaliers, il prédit le cours des batailles, influe sur leur déroulement et entraîne la quête du Graal. Homme sauvage proche du monde animal, Merlin se retire régulièrement en forêt pour y rencontrer son scribe et confident Blaise. Son histoire connaît différentes fins selon les auteurs, la plus connue étant celle où il tombe éperdument amoureux de la fée Viviane, à laquelle il enseigne ses secrets de magicien. Elle finit par l'enfermer à jamais dans une grotte ou une prison d'air, en usant de l'un de ses propres sortilèges.
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+ Merlin est mentionné très régulièrement dans la littérature depuis le Moyen Âge, qui a construit son image par inspiration successive entre différents auteurs. Archétype du sorcier ou du magicien, son nom est fréquemment associé à la fonction d’« enchanteur », notamment depuis que ce terme a servi de titre à la version française du célèbre dessin animé de Walt Disney dans les années 1960, Merlin l'Enchanteur. Il reste une source d'inspiration pour de nombreux auteurs et artistes, comme Guillaume Apollinaire (L'Enchanteur pourrissant), René Barjavel (L'Enchanteur), Stephen R. Lawhead (Cycle de Pendragon) et T. A. Barron (Merlin). Son mythe est enfin, de nos jours, le sujet de romans, de poèmes, d'opéras, de pièces de théâtres, de bandes dessinées, de films, de téléfilms, de séries télévisées, et de jeux.
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+ Il existe de nombreuses théories concernant l'origine du nom de Merlin. Il est également connu sous la forme latine « Merlinus », galloise « Myrddin », « Merddin » ou « Myrdhin », bretonne Murlu, Merlu, Aerlin ou Merlik[1], ou cornique « Marzhin ». D'après l’Oxford English Dictionary, le nom le plus ancien est le gallois Myrddin, via le barde Myrddin Wyllt, l'un des personnages historiques qui auraient inspiré le Merlin légendaire. Geoffroy de Monmouth latinise ce nom en Merlinus vers 1135. Le médiéviste Gaston Paris pense qu'il a choisi la forme « Merlinus » plutôt que le plus logique « Merdinus » afin d'écarter toute homophonie avec le mot anglo-normand « merde » (du latin merda)[2],[S 1]. Henri d'Arbois de Jubainville suppose le résultat de la « tendance du d à se changer en l dans les langues indo-européennes »[Va 1]. D'après Martin Aurell, la forme latine Merlinus est une euphonie de la forme celtique, pour rapprocher Merlin du merle blanc en lequel, avec ses pouvoirs chamaniques, il peut se métamorphoser[3].
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+ La théorie la plus répandue concernant l'origine du nom gallois Myrddin, selon Claude Sterckx, est celle de Caerfyrrdin[St 1]. Elle est proposée par le celtisant Alfred Owen Hughes Jarman, d'après qui Myrddin (mərðɪn) provient du toponyme Caerfyrddin, nom gallois de la ville désormais connue sous le nom de Carmarthen[4]. Elle entre en contradiction avec l'étymologie populaire, selon laquelle le nom de cette ville provient du barde du même nom. Ce qui pourrait être « la ville de Myrddin » serait plutôt une évolution du nom romain (latin) « castrum moridunon » (Moridunum), soit « le Fort du Manoir de la mer »[St 1],[4],[2], mais l'origine de cette étymologie reste peu connue[LRGu 1].
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+
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+ En 1965, Eric P. Hamp propose une étymologie assez proche, Morij:n, soit « le maritime ». Il n'existe pas de lien évident entre Merlin et la mer dans les textes à son sujet[St 1], mais cette théorie s'expliquerait par la nature du père de Merlin dans les textes gallois, Morfryn[5]. Il pourrait être un démon maritime, décrit plus tard comme le Diable ou un incube[WaD 1].
14
+
15
+ Dans nombre de récits à son sujet, Merlin peut prendre la forme d'un oiseau, c'est le cas notamment dans La Folie de Suibhne (Buile Shuibhne). De plus, en anglais, le Faucon émerillon (Falco columbarius) est surnommé « merlin »[WaD 2] : de nombreux écrivains de fiction n'ont pas manqué de souligner cette analogie[K 1]. En langue française, une association logique est de lier Merlin au merle[WaD 2]. Ainsi, le folkloriste Jean Markale considère que le nom de Merlin est d'origine française, et signifie « petit merle », allusion au caractère persifleur et provocateur qu'on lui prête dans les récits du Moyen Âge[6].
16
+
17
+ Cette théorie n'est pas universellement retenue, et présente le désavantage de ne s'appliquer qu'au français médiéval. Elle explique cependant l'existence de l'« esplumoir Merlin » comme une sorte de nid où Merlin se métamorphose, en abandonnant son apparence d'oiseau[7]. Dans l'imaginaire celtique, le merle est un oiseau de l'Autre Monde, en raison notamment de son chant mélodieux qui rappelle celui des bardes et transporte celui qui écoute. En ce sens, la mythologie du merle est proche du personnage de Merlin[WaD 3].
18
+
19
+ Le merle blanc est aussi le titre d'un conte populaire français (conte-type 550) dans lequel l'oiseau est l'équivalent d'un enchanteur, capable de rajeunir autrui à volonté, objet d'une quête confiée par un roi vieillissant. Par son pouvoir sur l'écoulement du temps et sa capacité à restaurer le pouvoir de la royauté, cet oiseau magique rappelle Merlin[WaD 4]. Sa blancheur est une marque de sa nature féerique, un motif fréquent dans l'univers celtique. Les analogies entre Merlin et le merle s'apparentent davantage à un rapprochement postérieur qu'à une véritable étymologie, puisque le nom français de Merlin est plus tardif que les autres formes[WaD 5].
20
+
21
+ Le gallois Myrddin a donné le français « Martin ». La forme Marzin rappelle aussi les Marses, dont le nom est venu à désigner les sorciers et charmeurs de serpents. La racine de l'ours Arth (que l'on retrouve dans l'étymologie d'Arthur) en est assez proche[WaD 6]. Ce rapprochement est en lien avec saint Martin[8], qui dispose de pouvoirs comparables à ceux de Merlin (bien que les siens proviennent de Dieu, et non de forces panthéistes)[WaD 6]. Le personnage de Merlin l'a vraisemblablement inspiré[9], saint Martin étant à l'origine un avatar gaulois de Merlin qui a été christianisé[WaD 7].
22
+
23
+ Le Merlin connu actuellement à travers les contes et les dessins animés, enchanteur, prophète, homme des bois, maître des animaux et des métamorphoses, sage et magicien proche de la nature, a connu une longue évolution. Merlin n'est pas une création des auteurs du cycle arthurien, son origine est bien plus ancienne. Il est en quelque sorte redécouvert, christianisé et réinventé par différents auteurs pour y figurer[WaD 8]. À l'origine, les textes gallois le voient comme un barde[Va 2]. « Personnage capital du Moyen Âge »[WaD 8], Merlin devient un véritable mythe littéraire grâce à sa popularité[S 2].
24
+
25
+ Bien avant d'être un personnage littéraire, Merlin appartient à une tradition orale[S 2] galloise : selon les poèmes locaux, il se nomme Myrddin et vit en Cumbria[K 2]. Un débat ancien oppose les partisans d'une origine historique à ceux d'une origine mythologique[WaD 9]. Il est peu vraisemblable qu'il soit une création littéraire du Moyen Âge[WaD 10]. Pour Claude Lecouteux, il provient « de la littérarisation et de la christianisation d’un individu venu d’ailleurs, d’un lointain autrefois que même les auteurs du XIIe siècle ne comprenaient sans doute plus »[10]. Par ses pouvoirs, Merlin s'apparente davantage à une créature de légende qu'à un être humain[WaD 9]. La théorie la plus probable, soutenue par Philippe Walter (Dr h. c.) et différents universitaires, serait qu'il soit né d'une fusion entre un personnage légendaire celte et un personnage historique, un chef de clan supposé et nommé Myrddin, confondu avec l'Ambrosius dont parle saint Gildas[11].
26
+
27
+ Les récits légendaires autour de Merlin prennent certainement leurs sources dans un fond celtique ou pré-celtique antérieur aux influences chrétiennes[WaD 8],[WaD 11]. Quelques croyances « folkloriques et édulcorées » autour des rituels druidiques ont pu survivre par l'oralité jusqu'au XIIe siècle, quand les clercs couchent cette matière orale à l'écrit[WaD 12]. Le Merlin primitif commet les « trois péchés du Druide »[LRGu 2] et se retrouve déchu de ses anciennes fonctions, sous l'influence du christianisme qui diabolise la « magie druidique ». Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne se convertissent tous trois à la foi chrétienne à la fin de leurs récits respectifs[WaD 13]. Philippe Walter voit dans la légende celtique originelle de Merlin celle d'un druide divin lié à des rituels saisonniers calendaires, d'où son image d'homme des bois, d'astrologue, de devin et de magicien[WaD 14]. Merlin pourrait être un ancien druide divin ou un dieu-druide[12], mais l'absence de sources d'époque rend impossible tout lien certain vers un fond mythologique exclusivement celte[WaD 10]. L'existence d'un mythe fondateur autour de Merlin dans la mythologie celtique semble peu probable. Cette théorie ne peut toutefois pas être totalement écartée, les premiers auteurs des écrits mentionnant Merlin s'appuyant sur le folklore populaire oral de leur époque[WaD 15]. Lors de sa christianisation, il perd certaines de ses anciennes caractéristiques comme sa maîtrise du temps, un attribut divin[WaD 16].
28
+
29
+ Les pratiques chamaniques montrent beaucoup de points communs avec les pouvoirs attribués à Merlin, laissant à penser qu'il trouverait son origine dans un chamanisme eurasiatique primitif : ensauvagement, prophétisme et transformation en oiseau[S 3],[Va 3]. A. Mac-Culloch trouve des analogies entre le chamanisme pratiqué dans l'Altaï et les pratiques des Celtes[13], mais le celtisant Christian-Joseph Guyonvarc'h réfute l'idée d'un « chamanisme celtique »[14]. Il est tout aussi délicat de lier Merlin à un personnage pré-indo-européen, il ne représente clairement aucune des trois grandes fonctions des Indo-européens (guerre, fécondité et sacerdoce). Il a pu évoluer de roi guerrier vers une fonction plus spirituelle[WaD 17], ce qui l’assimilerait aux dieux « protéens » des Celtes et des Indo-européens, dont parle Claude Sterckx[St 2].
30
+
31
+ Nikolaï Tolstoï et Jean Markale ont suggéré qu'il était un avatar de Cernunnos, divinité celte de la nature[15]. Il rappelle la tradition des divinités et créatures païennes de la nature et des forêts, comme le Sylvain, Sylvanus, le Faune et l'Homme sauvage[WaD 10],[Va 4]. Cette filiation est d'autant plus probable que Merlin raconte lui-même la légende de Faunus et de Diane dans le cycle Post-Vulgate[Va 5]. Le Sylvain peut se présenter comme un vieillard et posséder la force d'un jeune homme, comme Merlin[S 3].
32
+
33
+ Dès 1868, Henri d'Arbois de Jubainville se pose la question de l'historicité de Merlin, et en conclut que sa légende a été fabriquée de toutes pièces pour expliquer le nom de Carmarthen (en gallois Caerfyrddin)[16]. Par la suite, certains chercheurs comme J. Douglas Bruce soutiennent que Merlin est une invention littéraire de clercs inspirés par les légendes celtiques[Z 1].
34
+
35
+ L'existence d'un ou de plusieurs « Merlins historiques » est toutefois défendue par de nombreuses personnes, dont la professeur émérite Dr Norma Lorre Goodrich[17] et le doctorant québécois Guy D'Amours[18]. Selon eux, ce Merlin historique a inspiré différents auteurs depuis le VIe siècle, à travers des manuscrits disparus désormais. Deux personnages historiques gallois seraient à l'origine du Merlin littéraire : un chef de clan nommé Ambrosius Aurelianus (cité dans le sermon de saint Gildas pour ses prophéties et sa bravoure au combat) et le barde gallois Myrddin Wyllt[R 1]. Pour Philippe Walter, même si Myrddin est présenté comme un personnage historique dans certaines sources d'époque, cela ne signifie pas qu'il ait réellement existé. Les chroniqueurs médiévaux utilisent beaucoup d'éléments légendaires dans leurs écrits[WaD 15].
36
+
37
+ Norma Lorre Goodrich et l'occultiste Laurence Gardner défendent une théorie qui rejoint une certaine historicité. Pour Goodrich, « Merlin » est un titre porté originellement par l'évêque qui a couronné le roi Arthur historique[19]. Pour Gardner, Myrddin était à l'origine le titre du devin du roi (« Seer to the king »), Taliesin étant le premier d'entre eux. Certaines personnes portant ces titres auraient inspiré la légende de Merlin[20].
38
+
39
+ La naissance de Merlin n'est détaillée que par les auteurs chrétiens de la légende arthurienne. L’Historia Brittonum mentionne simplement qu'il est un « enfant sans père »[21]. Le nom de sa mère n'est généralement pas précisé, mais elle s'appellerait Adhan selon une vieille version des Prose Brut chronicles[22]. L'identité de son père incube est assez floue. Philippe Walter postule qu'il était peut-être à l'origine un démon maritime ou un « vieux de la mer » (d'où l'étymologie de Mori:jn, « né de la mer », pour le nom de Myrddin[WaD 1]), voire un esprit du souffle ou du vent avant de devenir un incube dans la transposition chrétienne et courtoise de la légende[S 4]. Une stance des prophéties galloises le qualifie de Myrddin ap Morfryn, soit « Merlin fils de Morfryn », sans autre indication[Go 1].
40
+
41
+ Dans son Historia regum Britanniae, Geoffroy de Monmouth écrit un commentaire dans lequel il suggère que Merlin est peut-être le fils d'un incube surnaturel, « de la nature des hommes et de celle des anges », qui aurait pris forme humaine pour approcher une femme vierge[23]. Sans doute inspiré par ce commentaire, le trouvère normand Robert de Boron fait de Merlin un cambion, né d'une mère humaine et d'un père démoniaque dont il a hérité ses pouvoirs[24].
42
+
43
+ Le démon qui engendre Merlin est nommé Aquipedes (ou enquipedes, equibedes, engibedes), soit « aux pieds de cheval », par référence au cauchemar, dans les œuvres attribuées à Robert de Boron[S 5] :
44
+
45
+ Sœur d'une prostituée, la mère de Merlin sait courir un grand danger et demande conseil à son confesseur Blaise, qui lui dit de ne jamais se mettre en colère et de garder une bougie allumée en permanence dans sa chambre, pour en éloigner le Diable. Mais un jour, elle se fâche contre sa sœur, se couche habillée et oublie la bougie. Le démon en profite pour concevoir Merlin qui est destiné, par sa naissance, à être un antéchrist[S 6],[Bo 1]. La mère se repent[Bo 2]. Merlin naît couvert de poils comme un animal, signe de sa filiation diabolique ou d'un rapport avec l'ours[26]. Son père maléfique lui donne la capacité de voir le passé, sa mère touchée par la grâce de Dieu celle de voir l'avenir[S 2].
46
+
47
+ Dans le Lancelot-Graal, le Diable se présente à une femme vierge et fort pieuse sous l'apparence d'un bel homme étranger. La naissance de Merlin est très différente dans le cycle Post-Vulgate, où un homme sauvage viole une femme endormie dans la forêt. Les écrivains modernes, comme Stephen R. Lawhead (1950-), auteur du Cycle de Pendragon, laissent eux aussi courir leur imagination sur la naissance de Merlin. Ce dernier le lie à la légende de l'Atlantide. Charis, fille du Roi Avallach d'Atlantide, sa mère, en serait native. Son père Taliesin est un breton, fils d'Elffin le roi de Caer Dyvi[27]. Michel Rio fait de Merlin le fruit d'un viol incestueux entre son grand-père (surnommé « le Diable ») et sa mère dans sa trilogie Merlin, le faiseur de rois[28].
48
+
49
+ Dans tous les textes médiévaux, Merlin naît porteur d'une grande sagesse et montre une exceptionnelle précocité intellectuelle[29], comme en témoigne l'épisode où, enfant, il défie les mages de Vortigern qui souhaitent le sacrifier[30]. Dès sa naissance, il est capable de parler et de prophétiser[Bo 3]. Les auteurs de l'époque romantique, entre autres Edgar Quinet, ne manquent pas de souligner ce savoir exceptionnel et inné :
50
+
51
+ « L'enfant vint au monde, sans bruit, sans gémissements, obscurément, dans un coin du cloître ; mais quel ne fut pas l'étonnement de sa mère, qui n'osait pas même lui présenter le sein, lorsqu'elle entendit l'enfant lui dire d'une voix d'homme : « Mère, ne pleurez pas, je vous consolerai ! » Son étonnement redoubla lorsqu'elle le vit, échappé de ses langes, marcher à grands pas un livre à la main : « Qui t'a appris à lire, Merlin ? — Je le savais avant de naître. »
52
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+ — Edgar Quinet, Merlin l'Enchanteur[31]
54
+
55
+ L'une des caractéristiques les plus évidentes chez Merlin, comme l'évoque bien son surnom d'« enchanteur », est sa capacité à pratiquer la magie, à prophétiser, se métamorphoser et transformer l'apparence d'autrui. Il est aussi un bâtisseur fabuleux[S 2] grâce à sa connaissance des secrets des pierres, doté d'une science et d'un savoir sans limites[Z 2]. Insoumis aux lois du temps, Merlin peut se présenter alternativement comme un enfant ou un vieillard. Ses traits de personnalité rappellent autant l'enfant « par son goût du jeu, du déguisement et du canular », que le vieillard par « son détachement, sa sagesse et son expérience »[30]. Pour prédire les événements, Merlin voyage à volonté dans le passé ou le futur[WaD 16],[Note 1]. Par son talent, il est aussi un maître ou une divinité de la parole qui représente la « véritable essence de son être »[S 7],[WaD 19]. Comme dans la tradition druidique où elle est langue sacrée des dieux, magie, prophéties et poésie découlent de ses paroles[S 8]. Bien qu'il possède d'immenses pouvoirs et sache tout du passé comme de l'avenir, Merlin est rempli de contradictions. Dans les romans français, il est trahi par ses élèves en magie, Viviane et Morgane. Dans les récits britanniques, il connaît des périodes de folie et d'immense tristesse dans la forêt[R 1].
56
+
57
+ Robert de Boron insiste sur sa position « au cœur de la lutte entre le bien et le mal », par sa naissance (il est le fils du Diable) et la rédemption de sa mère.
58
+ Merlin utilise ses pouvoirs pour servir les desseins divins (aider l'avènement d'Arthur, la création de la Table ronde et la quête du Graal, notamment par Perceval) ou des objectifs plus troubles[R 1],[Z 3]. Au service des rois, il lutte contre les envahisseurs de la Bretagne mais son apparence effrayante et ses métamorphoses suscitent peur et méfiance[R 1].
59
+
60
+ Merlin peut revêtir beaucoup de formes : enfant, vieillard, bûcheron, homme sauvage, génie sylvestre[R 1]… Dans le Roman de Merlin[Note 2], il apparaît au roi Arthur sous la forme d'un enfant de quatre ans pour lui reprocher d'avoir péché en faisant l'amour avec sa sœur Morgane, puis sous celle d'un vieillard où il annonce qu'un chevalier à naître (Mordred) causera la perte du royaume[32].
61
+
62
+ Merlin peut aussi se changer en animaux. Les pouvoirs du Suibhne irlandais s'apparentent à ceux d'un chaman tels que les décrit Mircea Eliade, par sa capacité à voler et à se métamorphoser, notamment en oiseau[WaD 5],[Note 3]. Une autre métamorphose habituelle chez Merlin est celle du cerf, notamment dans les romans en prose[S 9] :
63
+
64
+ Lors jeta son enchantement et se mua en merveillouse figure. Car il devint uns
65
+ cers li plus grans et li plus merveillous que nus eüst onques veü, et il ot un des
66
+ piés devant blanc et .V. branches en son chief, les greignoures c’onques fuissent
67
+ veües sur cerf.
68
+
69
+ Il jeta alors son enchantement et prit un aspect merveilleux. En effet, il se
70
+ transforma en un cerf, le plus grand et le plus extraordinaire qu'on ait jamais vu :
71
+ l'une de ses pattes avant était blanche et il portait des bois à cinq branches, les
72
+ plus imposants qu'un cerf ait jamais portés.
73
+
74
+ Sous sa forme animale, Merlin conserve ses pouvoirs et la capacité de parler[33]. Il est également capable de transformer l'apparence d'autrui, Uther Pendragon prenant l'aspect de Gorlois afin de concevoir Arthur sous l'effet de son sortilège[K 3].
75
+
76
+ Ses talents de bâtisseur sont réputés et grâce à sa maîtrise de la pierre, Merlin peut construire des mégalithes. L'un de ses hauts faits serait d'avoir construit Stonehenge[Note 4]. Gerbert de Montreuil, continuateur de Chrétien de Troyes, raconte aussi qu'il érige un pilier magique enchanté sur le Mont Douloureux, sous le règne d'Uther Pendragon. La présence de ce pilier rend fous les mauvais chevaliers[S 10]. Ce talent de bâtisseur s'associe avec sa connaissance des choses cachées, notamment dans le fameux épisode de la tour du roi Vortigern / Vertigier :
77
+
78
+ « Voulez-vous savoir, dit Merlin à Vertigier, pourquoi l’ouvrage s’écroule et qui l’abat ? Je vous l’expliquerai clairement. Savez-vous ce qu’il y a sous cette terre ? Une grande nappe d’eau dormante et sous cette eau deux dragons aveugles. L’un est roux et l’autre blanc ; ils sont sous deux rochers, ils sont énormes et connaissent chacun l’existence de l’autre. Quand ils sentent le poids de l’eau sur eux, ils se retournent avec un tel fracas de l’eau que tout ce qui est au-dessus chavire : ce sont eux qui font s’écrouler la tour. »
79
+
80
+ — Robert de Boron, Merlin[Bo 4]
81
+
82
+ Merlin détient un savoir inaccessible au commun des mortels, notamment en astronomie[WaD 18]. Ses connaissances sont acquises en marge de la société, par l'observation[WaD 20],[BaA 1]. Il pratique également l'astrologie. Dans la Vita Merlini, il apprend le remariage de sa femme et l'existence de son amant par les astres[WaD 20]. La discussion entre Merlin et Taliesin s'y apparente à une conférence théologique et druidique[WaD 21] entre savants : avec Maeldin, ils forment par ailleurs une triade druidique[WaD 12]. Philippe Walter suppose que Merlin acquiert ses connaissances dans un observatoire en pierres, semblable à certains monuments mégalithiques comme Stonehenge[WaD 20]. Ces particularités le rapprochent nettement des druides de l'Antiquité, qui discutent de la nature du monde et des astres puis transmettent leurs observations aux jeunes, selon Jules César[WaD 21].
83
+
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+ Merlin est prophète grâce à son savoir, et si la plupart de ses révélations concernent des événements tragiques, il prédit aussi des règnes à venir, notamment celui d'Uther Pendragon[BaA 2]. En ce sens, il est un astrologue au service exclusif des rois de Bretagne[BaA 3]. Cet aspect est absent des romans français, qui le présentent comme un « enchanteur » sans préciser la nature de son savoir. L'astrologie étant une pratique condamnée par l'Église, Robert de Boron et ses continuateurs taisent cet aspect. Parmi les auteurs modernes, seule Marion Zimmer Bradley, dans Les Dames du Lac, attribue à Merlin un rôle d'astrologue[BaA 4].
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+ Les sources médiévales présentent souvent Merlin comme un « fou »[S 11]. Cette folie suit une défaite guerrière dans la Vita Merlini et la Vie de Saint Kentigern (Lailoken devient fou après une vision, et se cache en forêt). Dans La Folie de Suibhne, l'état est consécutif à la bataille de Magh Rath. Merlin est toujours transformé physiquement et mentalement pendant ses périodes de folie[WaD 22]. Philippe Walter l'analyse comme une rage ou mélancolie « canine » provoquée par un déterminisme astral, une conjonction de planètes ou l'influence lunaire[WaD 23], résultat d'une possession[S 11]. Merlin devient un sauvage, un homme-bête dont le comportement s'approche de celui des divinités sylvestres et des lycanthropes[WaD 24]. Cette folie ne se déclencherait qu'à une date précise du calendrier celtique[WaD 23]. Dans la Vita Merlini, ce serait aux trois jours des Rogations de mai, pendant la lune rousse. Dans la Vie de Saint Kentigern, c'est à l'arrivée de la saison claire pendant la fête de Carnaval[WaD 24]. Sa folie mélancolique s'apparente bien plus au délire scientifique et à un état second permettant de révéler des vérités qu'à une pathologie mentale[WaD 25].
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+ Guy D'Amours voit dans la folie de Merlin une expression d'éveil spirituel, en se basant sur la psychologie analytique de Carl Gustav Jung[34]. Dans la plupart des textes médiévaux (et certaines adaptations modernes[Note 5]), ces périodes de folie aboutissent à une conversion au christianisme, par probable analogie avec la passion du Christ[S 12]. René Barjavel traite longuement de la folie dans son roman L'Enchanteur (1984), à travers un combat dans l'esprit même de Merlin. Il en guérit en faisant corps avec la forêt, pour se fondre en elle[Ba 1]. L'association avec la forêt, lieu où Merlin vit ses périodes de folie, est elle aussi une constante dans les textes de toutes les époques[34].
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+ Robert de Boron n'accorde pas une grande place à la folie de Merlin, mais chez lui, le rire affiche l'altérité de son esprit[35]. Merlin est fréquemment hilare, ce rire peut être l'expression de sa folie[S 11] mais serait plutôt à rapprocher de celui de l'Homme sauvage. Avec sa connaissance du temps et de l'Autre Monde, Merlin (comme Démocrite) rit de l'inconséquence des hommes avant de prophétiser des tragédies. Il a l'intuition de toutes les vérités et des événements à venir, il peut parcourir le temps à l'envers. Son rire de devin renvoie à sa très haute sagesse et sa connaissance sans limites[S 13], suivant une longue tradition d'hommes sauvages et de devins rieurs[WaD 26]. C'est « le signe d'une connaissance surnaturelle qui permet à Merlin de percevoir les choses cachées »[36], notamment les trésors souterrains[WaD 27]. Dans la Vita Merlini, il rit d'un mendiant assis devant une porte parce qu'il devine qu'un trésor est enterré en dessous, puis d'un passant achetant des chaussures et de quoi réparer ses semelles alors qu'il sait que le malheureux va se noyer[BaR 1].
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+ Merlin entretient des rapports étroits avec les forces de la nature, notamment la forêt, le pommier et le dragon. Sa sagesse provient de son contact avec la nature[BaA 5]. C'est aussi un personnage nettement marginalisé. Anne Berthelot le voit comme le reflet d'une humanité déformée, à la limite de la bestialité en raison de son rapport avec les mascarades[K 3]. Stephen Thomas Knight suppose que cette marginalisation résulte de l'immensité de son savoir[K 3]. La sauvagerie de Merlin en fait « l'homme des bois le plus célèbre du Moyen Âge »[WaD 28]. L'ensemble des forces sylvestres, aussi bien la forêt elle-même que les animaux qui la peuplent, est entièrement acquis à sa cause[WaD 29]. La frontière entre Merlin et le monde sylvestre est elle-même floue[WaD 29]. Il est sensible au rythme des saisons avec ses périodes de déclin (folie) et de renouveau[WaD 29]. Il est capable de prendre l'apparence d'animaux et se compare lui-même à certains arbres[WaD 29] : c'est le maître du temps et l'esprit du végétal[WaD 30]. Le saint chrétien ermite Antoine le Grand est assez proche de lui : victime de possessions démoniaques, associé au sanglier, fuyant les hommes pour se rapprocher du divin[S 12].
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+ La forêt forme l'environnement naturel et favori de Merlin[WaD 28]. Les romans français évoquent ses disparitions de la cour d'Arthur pour s'y réfugier, en compagnie de son confident Blaise en Northumberland. Si la forêt de Merlin est située au Nord de la Britannia dans les plus anciens textes, elle est décrite comme étant la forêt de Brocéliande au fil du temps[K 4]. Dans les sources plus anciennes, comme la Vita Merlini, son rapport avec la forêt est différent puisqu'il se réfugie en Calédonie par réaction à une malédiction[WaD 28]. Ce lien le rapproche des divinités celtiques[WaD 28] dont la forêt est le domaine habituel[LRGu 3], et des personnages d'inspiration chamanique, comme l'esprit des forêts toungouses[WaD 28] décrit par Uno Harva, qui monte les bêtes sylvestres et se métamorphose lui-même[37]. Le mythe de l'homme sauvage compte les faunes romains et inclut la légende de Merlin[WaD 1]. Dans la mythologie celtique, la forêt est un passage vers l'Autre Monde, un monde habité par les forces divines[WaD 31]. Pour Merlin, elle est aussi un lieu de science où la présence de la nature préserve les forces magiques : selon la Vita Merlini, c'est dans la forêt que Merlin choisit d'établir sa demeure à soixante-dix portes et soixante-dix fenêtres, où il étudie l'astronomie et l'astrologie[WaD 32].
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+ Le pommier est l'arbre favori de Merlin[WaD 31]. Il en pousse abondamment sur l'île d'Avalon[38]. Cet arbre symbolise la connaissance, l'initiation et l'immortalité[WaD 33]. Le poème « Les pommiers de Merlin », dans le Livre noir de Carmarthen (v. 1250)[39] en montre l'importance, tout comme le début de la Vita Merlini[40] où il se réfugie dans un pommier qui le rend invisible, pour échapper aux troupes ennemies de son seigneur Gwenddolau[WaD 33]. Philippe Walter pense que le pommier, arbre magique auquel Merlin peut s'adresser dans ses périodes de folie, est aussi son arbre protecteur et providentiel, un dispensateur du savoir sacré lié à la divination et à la parole[WaD 34]. Les arbres sont, de manière générale, des dispensateurs de pouvoirs divinatoires et de science pour tous les druides[WaD 35],[LRGu 4]. Merlin se compare occasionnellement à un « chêne pourrissant »[Note 6], arbre des druides, dans la Vita Merlini[WaD 29].
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+ Merlin entretient un rapport privilégié avec les animaux forestiers, notamment le cerf qu'il chevauche (selon Geoffroy de Monmouth), un animal omniprésent dans les cultes celtiques et préceltiques[WaD 36]. Le loup gris (Canis lupus) l'accompagne durant l'hiver[WaD 28] (le nom de son Maître Blaise est en rapport étroit avec celui du loup, Bleizh en vieux breton[WaD 37]), le sanglier[S 12] et/ou le porc (ses disciples sont surnommés « petits cochons » dans les poèmes gallois[41]), et enfin l'ours (il naît poilu comme un ours[WaD 20]) font également partie de ses compagnons. Il comprend les animaux et se fait comprendre d'eux[WaD 37]. Ces caractéristiques renvoient au chamanisme[WaD 28].
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+ Son rapport avec le dragon est particulier. Au contraire des chevaliers de la Table ronde qui combattent les reptiles, Merlin n'est pas un sauroctone. Il apprivoise les dragons, prenant sur eux un ascendant de nature druidique et magique. Le roi Vortigern (Vertigier selon Robert de Boron) trouve un « enfant sans père », Merlin, qui lui apprend qu'un dragon rouge et un dragon blanc se battent sous les fondations de son château[Note 7]). Dans le roman de Robert de Boron, il vient en aide à la famille Pendragon, notamment Uther à qui il permet de coucher avec la femme de ses rêves pour concevoir Arthur. Plus tard, Merlin interprète favorablement l'apparition d'un reptile dans le ciel pendant une bataille. Pour aider Arthur, il utilise une enseigne en forme de dragon vivant[S 14] qui « jette feu et flammes par la gueule »[S 15]. Le dragon revêt pour lui un côté protecteur et totémique[S 16], Merlin est par ailleurs représenté sous forme de dragon lui-même dans une chronique de Jean de Würburg concernant Guillaume François d'Autriche[42].
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+ Merlin est entouré d'autres personnages littéraires provenant d'un fond mythologique celtique ou de la légende arthurienne. Les plus connus sont le scribe Blaise qui consigne son histoire, le roi Arthur qu'il veille et protège, et la fée Viviane qu'il aime. Morgane et Viviane sont ses élèves. Malgré tout son savoir, Merlin est piégé par les ruses de ces deux femmes[R 1].
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+ Le personnage mythique de Taliesin, dont l'histoire provient du même fond de mythologie celtique brittonique que les plus anciens textes concernant Merlin, est très proche de lui. Sa naissance est chamanique, puisque son père Gwion Bach se change en grain de blé puis se fait avaler par la sorcière Ceridwen sous forme de poule. Neuf mois plus tard, le premier mai, elle donne naissance à Taliesin (qui peut être vu comme Gwion Bach lui-même) et l'abandonne sur un bateau[43]. Taliesin, comme Merlin, est en quelque sorte un enfant sans père[S 17]. Il est prédestiné, ses actions et les grandes dates de sa légende sont en relation étroite avec le calendrier celtique[S 18]. Les Triades galloises citent Merlin et Taliesin côte à côte. Ils sont peut-être issus d'un même druide divin celtique[WaD 31].
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+ Maître Blaise est, dans les romans français (depuis Robert de Boron) le scribe et confident personnel de Merlin. Confesseur de la mère de Merlin, son rôle est par la suite d'écrire tout ce que lui raconte l'enchanteur, y compris ses prédictions[WaD 37]. En cela, il répartit les rôles : Merlin est un conteur oral mais pas un écrivain, fonction entièrement dévolue à Blaise[S 19]. L'apparition de Blaise dans les récits renvoie concrètement à la création littéraire médiévale, l'écrivain n'étant le plus souvent que celui qui adapte un récit de tradition orale[S 7].
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+ Pour Philippe Walter, Blaise est à l'origine un homme-loup (d'où le rapprochement en vieux breton avec le nom de l'animal), dont la fonction est d'être le double de Merlin[WaD 37]. Cette association expliquerait l'apparence animale de Merlin à la naissance et le nom de Lailoken, « le jumeau ». Elle ferait de Merlin et Blaise des jumeaux divins[WaD 38],[S 20].
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+ La plupart des ouvrages qui parlent de Merlin évoquent aussi Arthur et les chevaliers de la Table ronde. Ces textes datent pour la plupart du XIIIe siècle au XVe siècle. Son rôle dans la légende arthurienne est d'aider à l'accomplissement du destin du royaume de Bretagne (ou royaume de Logres, la Loegrie)[Note 8]. Grâce à sa sagesse, il devient l'ami et le conseiller du roi Uther Pendragon. À la mort de celui-ci, il organise le défi de l'épée Excalibur qui permet à Arthur, fils illégitime d'Uther, de succéder à son père. Puis il incite Arthur à instituer la Table ronde afin que les chevaliers qui la constituent puissent se lancer dans des missions, notamment la fameuse quête du Graal. Malgré toutes ses connaissances, Merlin ne peut rien contre la destinée du royaume ni la fin tragique du roi Arthur[45].
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+ La vie amoureuse de Merlin est généralement marquée par son attirance pour de très belles jeunes femmes[R 1]. Dans la Vita Merlini, il a pour épouse Gwendoline (Guendoloena), mais nourrit une passion pour sa sœur Ganieda (Gwendydd). Il apprend l'infidélité de sa femme, enfourche un cerf, et se rend au palais en compagnie d'animaux forestiers. Celle-ci l'aperçoit depuis une fenêtre avec son amant, et éclate de rire. Merlin arrache les cornes de son cerf, et les jette à la tête de l'homme, qui périt sur le coup. D'après Claude Gaignebet, cette scène provient d'un ancien rite carnavalesque, dans lequel le cocufié est en relation avec le cerf[46].
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+ Robert de Boron supprime de ses textes la relation incestueuse de Merlin et Ganieda pour la remplacer par la fée Viviane, tradition suivie par de nombreux continuateurs. Inspirée de Ganieda[WaD 39], Viviane a pour avatars la Dame du Lac et l'enchanteresse Nimue. La séduction de Merlin est toujours racontée de la même façon par les auteurs médiévaux : la jeune femme séduit le sage Merlin qui succombe à ses charmes, et lui livre ses secrets de magicien qu'elle finit par retourner contre lui pour l'emprisonner[Z 4]. Le couple est inspiré de celui de Diane et Faunus dans la mythologie romaine[S 9], d'où la crainte de Viviane de perdre sa virginité, en écho à la légende de Diane. Dans le Lancelot-Graal, Merlin apparaît comme un être lubrique et la sage Viviane (âgée de douze ans[47]) souhaite se protéger de ses ardeurs[S 21]. Une tradition récente du château de Comper, en Bretagne, veut que pour plaire à Viviane, Merlin lui ait érigé un château visible d'elle seule au fond des eaux du lac de Comper[48].
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+ La fée Morgane n'a pas de relation amoureuse avec Merlin[Note 9], mais apprend elle aussi ses secrets de magicien, et les emploie pour contrarier les desseins du roi Arthur et de Lancelot (dans les textes plus tardifs)[R 1].
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+ La fin de Merlin est évoquée de différentes façons selon les auteurs. Il ne connaît généralement pas de mort véritable, mais il est « retiré du monde »[49] et repose « au cœur d'une inaccessible prison forestière, ni mort ni vivant »[50]. Dans les textes gallois, il reste pour toujours dans la forêt. Dans la Vita Merlini, il passe son temps à observer les astres depuis sa demeure aux soixante-dix fenêtres, avec sa sœur[BaA 6]. Une autre version évoque une tour de cristal[49]. Il peut aussi faire retraite pour toujours avec son confesseur Blaise. Dans le Perceval en prose, Merlin se retire jusqu'à la fin du monde dans son esplumoir[45].
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+ La version la plus connue est toutefois celle de « l'enserrement », à partir du Lancelot-Graal[45]. La fée Viviane trahit Merlin, qui lui a raconté au préalable la légende de Diane emprisonnant Faunus, montrant ainsi sa connaissance de son propre destin. Or, il ne peut s'empêcher de révéler à Viviane la manière d'emprisonner un homme à jamais, sortilège qu'elle retourne contre lui. Merlin est enfermé pour l'éternité dans son esplumoir, dans une chambre ou une prison d'air (selon la plupart des romans français), sous un rocher (selon Le Morte d'Arthur de Thomas Malory), ou encore dans une grotte. Pour Francis Dubost, cet échec de Merlin est dû à son statut d'être fantastique, et donc d'« humain incomplet », qui ne peut réellement connaître l'amour[51]. D'autres spécialistes supposent la jalousie de Viviane envers Morgane à qui Merlin enseigne aussi, ou bien le désir de la fée de protéger sa virginité[52]. Quoi qu'il en soit, la mort du roi Arthur est consécutive à l'impossibilité qu'a Merlin de veiller sur le destin du royaume[45].
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+ Les références à Merlin sont rattachées à la mythologie celtique galloise et à la littérature irlandaise autant qu'à celle de l'Angleterre et de la France du Moyen Âge, ce qui montre le peu de cloisonnement de la littérature médiévale[WaD 8],[WaD 11]. À l'époque de la rédaction des plus anciens textes, l'Angleterre et une partie de la France sont réunis par le baronnage anglo-normand[S 22]. Il n'existe pas de récit fondateur, le personnage de Merlin étant le résultat d'une longue évolution littéraire. Chaque auteur s'appuie plus ou moins sur ses prédécesseurs[S 23]. D'après Philippe Walter :
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+ « L'histoire romanesque de Merlin s'est construite par étapes grâce à la fusion progressive de traditions orales d'origine galloise, parfois étrangères les unes aux autres, mais aussi grâce à l'édulcoration proprement littéraire permise par les réécritures successives de la légende. »
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+ — Philippe Walter, Merlin ou le savoir du monde[S 23]
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+ Pour autant, ces différents auteurs ne reprennent pas tous les éléments plus anciens concernant Merlin :
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+ « Le mythe littéraire de Merlin se présente comme une sorte de grande décharge dans laquelle des débris, des morceaux de mythes sont éparpillés. Les auteurs contemporains viennent y puiser leurs idées et recyclent ces débris de mythe pour recréer un Merlin toujours nouveau, en mouvement[53] »
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+ — Gaëlle Zussa, Merlin. Rémanences contemporaines d’un personnage littéraire médiéval dans la production culturelle francophone
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+ Merlin est réinterprété et réinventé par confrontation avec le christianisme[WaD 40]. Son obsession pour les prophéties et le messianisme témoigne de cette influence religieuse. Le Merlin littéraire mêle finalement l'origine celtique à la culture chrétienne[WaD 10]. Il suscite la méfiance de l'Église, qui cherche à marginaliser ce « prophète païen ». Le Liber exemplorum (1275) présente un démon qui affirme « connaître parfaitement Merlin »[S 24]. D'autre part, il est écrit dans le Lancelot-Graal que Merlin n'a jamais été baptisé ni n'a rien fait de bon dans sa vie, sinon des œuvres démoniaques[54].
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+ Sa popularité se développe après 1066, l'installation des barons normands en Angleterre favorisant une culture commune et de nombreux échanges entre les îles Britanniques et l'actuel territoire français. Aliénor d'Aquitaine, férue de poésie et de roman, promeut la légende arthurienne qui rencontre un grand succès aux XIIe siècle et XIIIe siècle[S 22]. Merlin connaît alors une nette évolution. Suibhne, Myrrdin, Lailoken et le Merlinus de la Vita Merlini sont des rois divins et vaincus, exilés dans la forêt où ils se muent en devins et connaissent la folie. Ils constituent trois variations autour d'un même thème mythique[WaD 41]. Originellement savant et devin, Merlin devient le conseiller du roi Arthur et l'amant malheureux de la fée Viviane dans les récits français[WaD 41].
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+ Les plus anciennes références possibles à Merlin figurent dans De Excidio et Conquestu Britanniae, et sont attribuées à Gildas le Sage qui mentionne Ambrosius Aurelianus, chef romain combattant avec les Bretons contre les Pictes au VIe siècle. Bède le Vénérable reprend ce récit[Z 5]. Bien que le nom de Merlin n'y apparaisse toujours pas, l'Historia Brittonum, composée jusqu'à la fin du IXe siècle, forme le premier texte qui puisse véritablement lui être lié[58]. Il introduit l'usurpateur Vurtigern et un certain Arthur aux côtés d'Ambrosius[Z 5], enfant sans père qui prédit la victoire des Bretons sur les Saxons après avoir révélé la présence d'un dragon rouge et d'un dragon blanc sous la tour du château de Vurtigern[59]. Il y a probablement eu volonté de créer un seul personnage avec Ambrosius Aurelianus et un « enfant sans père » légendaire, rattaché au souvenir de Dinas Emrys[Z 6], voire à un chef de clan gallois nommé Myrrdin[Z 7]. Différents auteurs attestent aussi d'une confusion entre Merlin Ambrosius et le Myrddin des légendes galloises. Giraud de Barri distingue ainsi Ambrosius, prophète de l'époque du roi Vortigern, du Merlin sauvage de la forêt calédonienne dans son Itinerarium Cambriae[60].
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+ Myrddin Wyllt, tout comme Ambrosius, apparaît avant la période arthurienne. Les poèmes gallois[61] parlant de lui, plus authentiques que les sources françaises[S 23], proviennent d'un fond légendaire oral[WaD 10]. Qu'il soit inspiré d'un personnage réel ou légendaire, Myrddin a acquis une certaine célébrité avant l'écriture de ces textes[Va 2]. Ce « Merlin primitif »[S 23] est présenté sous un jour assez sombre[WaD 8]. Myrddin est un fou vivant une existence misérable dans la forêt calédonienne, ruminant sur sa triste existence et la sanglante bataille qui l'a précipité si bas. Il acquiert le don de prophétie[60]. Les allusions de ces poèmes parlent des événements de la bataille d'Arfderydd. Pour Philippe Walter, Myrddin est un roi à l'origine, dépossédé de sa souveraineté guerrière pour être cantonné à la seule souveraineté magique[WaD 42].
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+ Les Triades galloises citent Taliesin et Myrddin Wyllt parmi les bardes. Le Livre rouge de Hergest contient quelques poèmes de Merlin[Z 8]. Les Annales Cambriae mentionnent : « Année 129 (v. 573) : La bataille d'Arfderydd entre les fils d'Elifer, et Guendoleu fils de Keidau ; durant laquelle bataille Guendoleu tomba ; et Merlin (Merlinus) devint fou[Note 10] ». Elles sont souvent citées pour justifier l'existence d'un Merlin historique au VIe siècle[K 5]. Rhydderch Hael, roi de Strathclyde, aurait massacré les forces de Gwenddolau, tandis que Myrddin serait devenu fou en regardant la défaite. Le Livre noir de Carmarthen compte trois poèmes autour de Merlin : « Les Pommiers », « Le Dialogue entre Merlin et Taliesin » où Merlin et Taliesin parlent de sept batailles qui rempliront sept rivières de sang, et « Le Dialogue entre Merlin et sa sœur Gwendydd ». Les deux derniers sont formés de considérations sur l'histoire passée du pays. Gwendydd surnomme son frère le Juge du Nord, le Prophète, le Loin-Renommé, le Maître du Chant, le Mélancolique, le Sage et Le Combattant d'Arfderydd[Z 9]. Dans « Les Pommiers », (Afallen), Merlin (Myrddin) s'adresse à un arbre en déplorant la mort de son seigneur Gwenddolau, au service duquel il était barde[K 8]. Il n'est plus au service de seigneurs, et vit à l'état sauvage[K 5].
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+ La légende de Lailoken est préservée dans deux manuscrits écossais rédigés en latin au XIIe siècle, autour de saint Kentigern[R 3]. Dans Lailoken et Kentigern, Lailoken est un poète et prophète qui perd l'esprit durant la bataille d'Arfderydd[62], à la suite du passage d'une troupe de démons aériens[WaD 42]. Il combat pour le Roi Gwenddolau ap Ceidiaw contre Rhydderch Hael, avant de s'enfuir vers l'Écosse[62]. Saint Kentigern de Glasgow rencontre en un lieu désert ce fou nu et échevelé nommé Lailoken, que d'aucuns appellent Merlynum ou Merlin, et qui déclare être condamné à errer en compagnie des bêtes sauvages à cause de ses péchés. Il ajoute avoir été la cause de la mort des personnes tuées durant la bataille « en la plaine entre Liddel et Carwannok ». Après avoir raconté son histoire, le fou s'éloigne et fuit la présence du saint pour retourner à son état sauvage. Il demande finalement les derniers sacrements, prophétisant être sur le point de mourir d'une « triple mort »[Note 11]. Le saint exauce le souhait du fou ; alors les bergers du roi Meldred le capturent, le frappent à coups de bâton, le jettent dans la rivière Tweed où son corps est percé par un pieu, sa prophétie se trouvant ainsi accomplie[R 3].
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+ Dans Le roi Meldred et Lailoken, l'homme sauvage est emprisonné trois jours pour refus de répondre aux questions du roi, et a une crise d'hilarité en voyant une feuille accrochée aux cheveux de l'épouse royale[R 3].
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+ La Folie de Suibhne, texte irlandais anonyme et peu connu du monde francophone, raconte des faits censés se dérouler historiquement au Ve siècle. Il symbolise bien le versement du fond oral celtique vers la littérature chrétienne[WaD 11]. Suibhne est un « fou des bois » comparable à Lailoken[63]. Il rappelle les anciens dieux de la forêt[64]. Il est frappé de folie après une défaite en bataille, sous l'effet d'une malédiction lancée par saint Ronan dont il a jeté les livres à l'eau et tué l'un des clercs. Il vit dans les bois au creux d'un if[LRGu 5]. Sa femme le quitte pour rejoindre un autre roi. Dans ses moments de folie, il peut s'envoler sous la forme d'un oiseau. Dans les bois, il acquiert une connaissance parfaite des secrets de la nature. Un mari jaloux finit par l'assassiner[WaD 2]. Ce personnage, en partie à l'origine de Merlin, présente de flagrantes analogies avec le monde du chamanisme[60].
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+ Les sources latines donnent véritablement « ses lettres de noblesse » au personnage de Merlin, et jouent un rôle décisif dans son statut de « héros breton »[S 26]. Dans la première moitié du XIIe siècle, Geoffroy de Monmouth introduit Merlin dans la légende arthurienne en s'inspirant du fond oral de la mythologie celtique[WaD 11]. Son récit rencontre rapidement le succès, particulièrement au Pays de Galles[65]. En tant que moine, Monmouth s'est certainement inspiré de la Bible dans ses récits[Z 10]. Il est le premier à décrire Merlin comme un magicien, en même temps qu'un prophète[Z 2].
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+ Merlin est un personnage central dans ses trois livres, Prophetiae Merlini (Prophéties de Merlin), Historia regum Britanniae (Histoire des rois de Bretagne), et la Vita Merlini (Vie de Merlin). Les prophéties consistent en une longue suite de prédictions concernant le règne des Saxons et l'indépendance de la Bretagne[Z 11]. Le second conte rapporte comment Merlin crée Stonehenge, ayant pour fonction d'être la sépulture d'Aurelius Ambrosius. Le troisième conte narre comment Merlin transforme l'apparence d'Uther Pendragon, lui permettant ainsi d'entrer dans le château de Tintagel pour y engendrer son fils Arthur.
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+ Vers 1135, Geoffroy de Monmouth synthétise dans son Histoire des rois de Bretagne (Historia Regum Britanniae) des récits disparates[WaD 43]. Première attestation du nom de Merlin dans la littérature, ce texte définit les principales caractéristiques du personnage dans la légende arthurienne. Il le présente comme un orphelin de père. Les mages de Vortigern souhaitent le sacrifier pour consolider la tour de son château qui ne cesse de s'effondrer, mais Merlin devine la présence des deux dragons souterrains qui perturbent les travaux[66],[R 2]. Le récit de l'Historia Brittonum est ainsi repris presque sans changement[Z 12].
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+ L’Histoire des rois de Bretagne présente aussi des prophéties de Merlin sur l'avenir de l'île britannique, la construction de Stonehenge pour Ambrosius Aurelianus à partir de pierres qu'il fait venir du mont Killaraus en Irlande, et sa ruse en faveur d'Uther Pendragon pour qu'il puisse concevoir Arthur avec Ygraine, dont il est amoureux[R 2],[Z 13]. Wace adapte l’Historia Regum Britanniae de Monmouth dans le roman de Brut (1155), où Merlin joue un rôle secondaire de conseiller pour Uther Pendragon, afin de concevoir Arthur. Il y est très effacé, ce qui d'après P. Walter témoigne de son introduction récente dans la légende arthurienne[S 27]. Wace ajoute à son récit la construction de la Table ronde[47].
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+ La Vie de Merlin (Vita Merlini), rédigée v. 1150[WaD 43], est le texte médiéval le plus centré sur Merlin lui-même[WaD 11] et s'ancre dans le fond légendaire breton[47]. Synthèse des récits gallois autour de Myrddin Wyllt[WaD 43] (notamment de poèmes[K 9]), Merlin y est présenté comme un roi, devin et prophète maudit[WaD 11], mais ses aspects les plus sombres sont gommés[K 10]. Il perd une bataille avec son armée, et entre dans la forêt où il connaît une période de folie (rabies, proche d'une rage animale[WaD 42]). Il est capturé et amené à la cour où il fait différentes prédictions, dont celle de la triple mort du fils de la reine après une crise d'hilarité. De retour dans la forêt pour plusieurs années, il voit le présage d'un remariage pour sa femme, enfourche un cerf et encorne son rival, ce qui lui vaut d'être une seconde fois capturé. Après deux autres prédictions justes, il retourne en forêt pour mieux connaître les secrets du monde[WaD 44]. Une fontaine apparue au printemps le guérit de sa folie. Il rencontre Taliesin et un troisième devin, Maeldin. Ganieda, sa sœur, rejoint la triade et se met à prophétiser avec eux[WaD 22],[K 11]. La recherche spirituelle de Merlin le rapproche du christianisme, le texte se conclut sur sa rédemption[S 28].
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+ Ce texte s'appuie sur un mythe légèrement restauré plutôt que sur des sources historiques[WaD 6]. D'après Philippe Walter, l'œuvre est à lire comme un palimpseste : elle comporte beaucoup d'éléments légendaires (la majorité purement celtiques) intégrés à un récit biographique en latin[WaD 45], dans le but probable de présenter Merlin en exemple pour les évangélisateurs chrétiens[S 24],[WaD 21]. Geoffroy de Monmouth adapte son récit à son époque, mais semble avoir respecté ses sources[WaD 46]. Merlin est un savant et un devin, « initié et initiateur »[WaD 41].
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+ Les sources françaises coïncident avec un rayonnement exceptionnel de la légende de Merlin[S 23]. Elles redistribuent son rôle et celui d'Arthur. Alors que Merlin était vu à l'origine comme un roi à la fois guerrier et magicien, il devient le dépositaire du seul savoir magique. Arthur représente au contraire la souveraineté guerrière[WaD 42]. Robert de Boron consacre une grande partie de son œuvre à Merlin.
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+ Composés à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, le poème de Robert de Boron et le roman qui en est issu[Note 12] constituent les sources les plus connues des médiévistes au sujet de Merlin[WaD 8]. C'est véritablement lui qui donne toute son importance au personnage dans le cycle arthurien[S 27] et qui lie les deux traditions britanniques, celle de l'enfant prophète sans père et celle de l'homme sauvage[47]. Il consacre l'essentiel de son œuvre à Merlin, non sans l'entourer d'autres personnages importants de la légende arthurienne comme Blaise, Vortigern, la famille Pendragon, Ygerne (Ygraine) et le duc de Cornouailles[Go 3]. Il s'inspire de différentes sources plus anciennes, sans pour autant réadapter directement Wace et Monmouth[67], et développe le personnage[Go 3]. Seules quelques lignes de son poème sont parvenues. La version en prose devient populaire et s'incorpore dans le Petit cycle du Graal (Joseph d'Arimathie, Merlin, Perceval) et dans le Lancelot-Graal (Estoire del Saint Graal, Merlin, Lancelot, Queste del Saint Graal, Mort du roi Arthur)[68].
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+ Si le fond de l'œuvre de Robert de Boron reste attaché à ses origines celtiques, sa christianisation sous l'influence des clercs est nettement palpable, notamment dans l'épisode de la naissance de Merlin. Robert de Boron conte dans son Merlin en vers (v. 1190) la tentative ratée du Diable pour faire naître un antéchrist dans le sein d'une vierge, en s'inspirant de la tradition chrétienne de son époque. Cet épisode qui fait de Merlin le fils du Diable et d'une vierge rachetée par Dieu devient indissociable de la légende du personnage[47]. Il a probablement remplacé le dieu païen d'une tradition plus ancienne par le Diable chrétien[69]. Philippe Walter pense que cette version de la naissance de Merlin est une invention de Boron, inspirée par l'évangile de Nicodème et la mention d'incubes dans l'œuvre de Monmouth[S 25]. Boron explique le pouvoir de Merlin à deviner passé et futur par son ascendance à la fois diabolique et divine[Go 3]. Il le présente, durant son enfance, comme un être à la fois dérangeant et prodigieux, d'une incroyable précocité[Go 4], et ne manque pas d'évoquer les efforts de Merlin pour échapper à l'influence de son ascendance diabolique[Go 5]. Il développe beaucoup de scènes où Merlin rit (notamment lorsqu'il pratique la magie), certainement en écho à ses origines[Go 6].
167
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+ Il conserve aussi le lien du personnage avec la forêt (inspiré par la Vita Merlini), Merlin partant régulièrement se réfugier en Northumberland pour y rencontrer Blaise[Go 2]. Le texte de Boron introduit en effet Blaise, maître de Merlin, dépeint comme transcrivant la geste que l'enchanteur lui dicte lui-même, et expliquant comment cette geste devra être connue et préservée[55]. Merlin devient, sous sa plume, celui qui choisit les chevaliers de la Table ronde[Go 2] et le conseiller militaire d'Uther. Il garde le récit de la ruse pour concevoir Arthur, Merlin se présentant successivement comme un vieil homme pour enlever le nouveau-né, puis comme un « prudhomme » pour le remettre à Antor[Go 7]. Uther accepte tous les plans et toutes les ruses que Merlin lui propose[Go 8].
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+ Le Lancelot-Graal (ou cycle de la Vulgate, v. 1220), contrairement à l’Estoire de Merlin attribuée à Robert de Boron, le présente comme un être diabolique et repoussant[54] par opposition à Viviane[70]. Il introduit ainsi la chute de Merlin, causée par l'amour qu'il porte à la Dame du Lac (présentée comme étant la fée Viviane ou encore Nimue dans des récits plus tardifs). Elle lui extorque ses secrets magiques en les retournant contre lui pour l'emprisonner à jamais. Ce thème de « l'enserrement » de Merlin devient l'un des plus populaires de sa légende[47]. Il a probablement été inventé pour faire disparaître Merlin des récits, et ainsi expliquer l'échec de la bataille de Camlann où Arthur est mortellement blessé. Avec ses pouvoirs, Merlin aurait pu en inverser le cours. Son acceptation d'un destin qu'il connaît (l'enserrement) est expliquée par sa volonté de ne pas aller à l'encontre de Dieu[45].
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+ Le Perceval en prose fait quant à lui de Merlin l'initiateur de la quête du Graal[47]. Le Lancelot-Graal compte le récit d'une rencontre entre Merlin et l'empereur Jules César. La femme de l'empereur romain est suivie d'une douzaine de demoiselles, en fait des hommes déguisés. Merlin rencontre une princesse d'Allemagne déguisée en écuyer, Grisendole. Un soir, César s'effraie après le rêve d'une truie couronnée caressée par douze louveteaux. L'empereur reste silencieux pendant tout le banquet. Merlin se transforme en cerf, court au palais et s'agenouille devant César en lui disant : « Cesse de ruminer ton rêve. Attend l'homme sauvage »[57].
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+ L'empereur confie à Grisendole la mission de trouver cet homme sauvage. Elle rencontre le cerf qui lui dit de préparer un pâté de porc, et s'exécute, ce qui fait apparaître l'homme sauvage noir et hirsute. Il dévore le pâté et s'endort. Grisendole le ligote et le ramène à César. L'homme sauvage interprète le rêve : la truie est l'impératrice et les douze louveteaux, ses demoiselles. César les fait déshabiller er révèle qu'elles sont en fait des hommes. L'impératrice et ses douze jeunes gens sont immédiatement brûlés sur un bûcher. L'homme sauvage demande que Grisendole soit mise à nu et, face à la découverte de sa féminité, César se signe. Il demande conseil à l'homme sauvage qui lui propose de l'épouser. César voulant savoir qui est le cerf, l'homme sauvage trace des caractères hébreux qui brûlent une porte, puis s'en va. César épouse Grisendole, puis un messager finit par déchiffrer ces lettres en hébreu : le cerf et l'homme sauvage ne font qu'un[57].
175
+
176
+ L'entrée de Merlin à Rome sous la forme d'un cerf gigantesque donne naissance à une abondante iconographie de miniatures médiévales, témoignant du succès de ce récit
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+ [33].
178
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+ Merlin devient, dans le cycle Post-Vulgate (Merlin-Huth, v. 1250), celui qui avertit Arthur de ses malheurs à venir, en particulier la naissance de Mordred[Note 13]. Il joue un rôle d'observateur et de commentateur, et n'est plus guère l'initiateur de la quête du Graal[K 6]. En revanche, il prédit avec justesse que Girflet sera le dernier chevalier à voir Arthur vivant[K 4]. Ce roman rend un aspect plus merveilleux au personnage et présente Viviane de manière négative[54], bien que Merlin y soit toujours le fruit de l'union d'une femme vertueuse et d'un incube[Go 9]. L'ouvrage contient une suite de prophéties confiées par Merlin à Blaise, et présente le Graal comme le point central de toutes ses prophéties[Go 10].
180
+
181
+ Merlin apparaît très tôt dans les documents écrits en Bretagne, notamment le cartulaire de Redon et un toponyme d’Augan au IXe siècle, puis deux textes prophétiques des XIIe siècle et XIIIe siècle[71]. Dans le Dialog etre Arzur Roe d’an Bretounet ha Guinglaff en moyen breton, Merlin est présenté comme un archétype d'être sauvage, sous le nom de « Guinglaff »[1]. Gwenc'hlan pourrait aussi y avoir pris la place de Merlin[71]. La Villemarqué publie le chant Merlin-barde, longtemps considéré comme un faux, mais qui semble bien provenir d’un cycle médiéval[72], Hervé Le Bihan répertorie sept contes et récits datés du XIXe siècle, qui sans constituer des textes en filiation directe avec la matière arthurienne médiévale, en sont des survivances[1]. L'enchanteur y possède le pouvoir de divination[71],[1]. Luzel recueille une tradition selon laquelle Merlin a fini sa vie au sommet du Menez Bré[71].
182
+
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+ Une abondante littérature prophétique est attribuée à Merlin[Z 14] et se divise en deux grands courants, les prophéties des îles britanniques et celles du continent européen, différentes par leur objet et leur inspiration[Z 15]. La littérature galloise comporte nombre d'exemples prédisant la victoire militaire des peuples celtes de Grande-Bretagne, qui se rassembleraient pour rejeter les Anglo-Saxons — et par la suite les Normands — à la mer. Certaines de ces œuvres ont été interprétées comme des « prophéties de Myrddin ». Henri VIII utilise ce thème pour présenter son père, le roi gallois Henri VII, comme le sanglier annoncé par Merlin, qui partit de la péninsule armoricaine de Bretagne et soutenu par des guerriers bretons, aurait accompli la prophétie de Merlin de la revanche des Celtes sur les Saxons[73],[Note 14]. La récupération de ces prophéties par les Anglais ne remonte qu'au XIVe siècle, l'immense majorité des textes attribués à Merlin dans les îles britanniques étant en faveur des peuples celtes[Z 16].
184
+
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+ De tous temps, l'attribution de prophéties à Merlin permet de faire passer des idées politiques. Joachim de Flore écrit ainsi le Verba Merlini, hostile à l'empereur Frédéric II[Z 17]. Les Prophéties de Merlin rédigées en langue française en 1276 prennent la forme de prophéties politiques intercalées entre des récits romanesques de la légende arthurienne[74], et sont attribuées à maître Richard d'Irlande bien que l'auteur original soit un vénitien[Z 18]. Présentées sous la forme d'un dialogue entre Merlin et un scribe, elles font de Merlin un prophète chrétien d'essence divine. Il y choisit délibérément d'être enfermé par Viviane[54]. La plupart de ces prophéties sont relatives à des événements politiques de l'Italie du XIIIe siècle, tandis que d'autres sont révélées par le fantôme de Merlin après sa mort.
186
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+ Après une longue absence de nouvelles créations littéraires autour de Merlin en France, le Morte d'Arthur est rédigé en Angleterre vers 1485, reprenant quelques éléments des récits français[54]. L'œuvre commence par la naissance de Merlin[Go 11]. Il y interprète les rêves du roi Arthur mais la nature magique de ses pouvoirs est minimisée[K 7], Thomas Malory réduit l'aspect merveilleux du personnage dans son œuvre. Merlin y devient assez indéfinissable, empruntant à l'humain, au dieu et au démon[Go 11]. Malory conserve l'épisode de sa séduction par Viviane / Nimue[K 7],[Go 11], qui devient la principale source d'inspiration des auteurs romantiques au XIXe siècle[54].
188
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+ En dehors de la France et des îles Britanniques, la légende médiévale de Merlin connaît un succès moindre. Les œuvres en langue allemande sont essentiellement des traductions tardives (la plus ancienne est le Dialogus Miraculorum, en 1220). Wilhelm von Österreich (1324) dresse de Merlin un portrait d'élément de la nature plutôt négatif, et le Morlin d'Ulrich Füterer (v. 1475) en fait le grand-père d'Arthur[75].
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+ De la Renaissance au XVIIIe siècle, en France, le personnage connaît une éclipse, comme toute la littérature arthurienne[BaA 7],[75]. Il reste néanmoins populaire dans la littérature de colportage et la tradition orale[75] puisqu'il reste possible au XIXe siècle de recueillir en Bretagne Armoricaine des chansons et des contes sur Merlin. La Villemarqué (Myrdhin) et Luzel, d'abord sceptiques à ce sujet, en publient plusieurs. Cette matière date dans sa grande majorité du XIIIe siècle[76]. En Angleterre, le Morte d'Arthur de Thomas Malory reste une source d'inspiration constante[75]. The life of Merlin, sur-named Ambrosius, paraît en 1641[77].
192
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193
+ Dans Myrdhinn ou l'Enchanteur Merlin (1868), Théodore Hersart de la Villemarqué tente de synthétiser les informations connues autour de Merlin, qu'il présente à la fois comme historique et mythologique. Théophile Briant s'en inspire plus d'un siècle plus tard dans son œuvre pseudo-historique et occultiste Le Testament de Merlin (1975)[78], qui présente Merlin en architecte et poète, comme « le Druide blanc de Brocéliande »[79].
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195
+ La professeur américaine Norma Lorre Goodrich défend l'idée d'un Merlin historique et redonne ses lettres de noblesse à Geoffroy de Monmouth. Le Merlin historique serait de trente ans plus âgé que le roi Arthur historique, né au Pays de Galles et mort en Écosse. Elle postule aussi que « Merlin » est un titre, celui d'un évêque nommé Dubricius, qui a couronné Arthur[19]. Nikolaï Tolstoï, au contraire, pense que Monmouth a volontairement fusionné le Myrddin des poèmes gallois avec un autre personnage pour n'en faire qu'un seul, et que le Merlin originel représente « le dernier des druides »[19]. Philippe Walter étudie Merlin à travers des articles et deux ouvrages, mettant en lumière la nature calendaire et chamanique du personnage primitif[60], ainsi que son aspect et son psychisme d'enfant-vieillard[S 2].
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197
+ Si les écrits de Jean Markale ont été beaucoup diffusés et même traduits en anglais, permettant de faire découvrir la légende arthurienne à de nombreuses personnes, ses ouvrages (dont Merlin l'Enchanteur[80] publié en 1981[81], en anglais : Merlin: Priest of Nature[82]) ne sont pas reconnus comme fiables par la communauté scientifique[83].
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+ Les toponymes associés à Merlin se trouvent essentiellement en Grande-Bretagne (Dinas Emrys, Merlin's Cave, Carmarthen et l'île de Bardsey) et en Bretagne, dans la forêt de Paimpont-Brocéliande (siège et tombeau de Merlin). Un grand nombre d'entre eux sont situés au Pays de Galles, les plus anciennes sources littéraires associent Merlin à ces lieux. Carmarthen est réputée être la ville de naissance d'une des personnes historiques qui ont inspiré le Merlin légendaire[Go 12]. Une tradition locale à l'île de Bardsey (île des Bardes) rapporte qu'il s'y est retiré dans une maison de verre[84].
200
+
201
+ Dinas Emrys (en gallois : « forteresse d'Ambrosius ») est une colline boisée située non loin de Beddgelert dans le Gwynedd, au Pays de Galles. Le site est naturellement lié à Myrddin Emrys et Ambrosius Aurelianus[Z 19],[Go 13]. Les Gallois l'appellent localement Eryri. La tradition y situe la tentative de construction du château de Vortigern, et la fameuse tour qui ne cesse de s'écrouler jusqu'au moment où Merlin révèle la présence de deux dragons[85]. Ainsi, Dinas Emrys est le lieu où Merlin révèle pour la première fois l'étendue de son pouvoir[86]. Le fabuleux trésor de l'enchanteur est réputé pour y être enterré au plus profond, sous la colline. Les recherches archéologiques montrent des traces d'occupation du site depuis le Ve siècle[87].
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203
+ Merlin's Cave (en anglais : « grotte de Merlin ») est le surnom d'une grotte située en dessous du château de Tintagel, à 5 km au sud-ouest de Boscastle, en Cornouailles (Angleterre). Elle s'étend sur 100 mètres[88] en passant à travers Tintagel Island, vers Tintagel Haven[89]. Cette grotte est devenue un site rituel néopaganiste, réputé être « un point focal pour la révélation » et « un endroit pour se connecter avec les énergies féminines essentielles »[90], en relation avec une déesse de la Terre[91].
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+ Au centre de la Bretagne, la forêt de Paimpont est réputée être la forêt de Brocéliande. De nombreux lieux y sont associés à la légende arthurienne, mais la revendication du tombeau de Merlin ne remonte pas au-delà du XIXe siècle. Brocéliande reste une forêt légendaire sans localisation précise jusqu'au début du siècle. Le poète Auguste Creuzé de Lesser écrit en 1811 que Merlin y serait enseveli[92]. En 1825, Blanchard de la Musse associe une allée couverte du nord de la forêt de Paimpont au tombeau de Merlin. Théodore Hersart de la Villemarqué localise lui aussi le tombeau de Merlin dans ces lieux[93]. Dans le Val sans retour, près de Tréhorenteuc, quelques rochers se font connaître sous le nom de « siège de Merlin » à la suite du déplacement du toponyme légendaire en 1850. La topographie actuelle de la forêt de Paimpont est définie par Félix Bellamy à la fin du XIXe siècle. La valorisation touristique de Paimpont-Brocéliande commence à la même époque, mais les habitants locaux montrent une certaine réticence[92], bien que le folklore populaire oral associe bien Merlin à ce lieu[94].
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207
+ La localisation du tombeau du XIXe siècle est revue à la suite de l'enterrement du docteur Guérin. Dans les années 1970, Yann Brekilien s'oppose à la construction des routes d'accès et à la perte du caractère légendaire de Paimpont-Brocéliande. Il faut attendre les années 1990 pour qu'une politique de valorisation se mette en place grâce au maire de Ploërmel et au Centre de l'imaginaire arthurien, permettant des visites guidées et la mise en place d'un périmètre de protection autour du tombeau de Merlin[92]. Les visiteurs y laissent de petits papiers où ils écrivent les vœux qu'ils souhaitent voir exaucés par Merlin[95].
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+ Dans ses plus anciennes expressions, selon Philippe Walter, Merlin incarne une souveraineté magique et une royauté chamanique, assez éloignée des fonctions guerrières et sacerdotales. Son pouvoir est essentiellement spirituel[WaD 10]. De manière plus générale, il représente la connaissance et le « savoir du monde »[S 2], une quintessence de l'esprit druidique[WaD 16] qui peut prendre toutes les formes : Merlin guide, aide, sauve, prédit et juge grâce à son savoir[K 12]. L'une de ses particularités est d'échapper à toute tentative de classification rationnelle. Il ne se présente jamais comme celui que l'on attend[96]. En ce sens, il incarne l'Autre[97]. Certaines interprétations ont pu faire de lui un Trickster en raison de son côté rieur et comique, mais il n'en possède pas toutes les caractéristiques, notamment la transgression et le côté subversif. Par ses actions, Merlin participe à l'ordre du monde plutôt qu'à son désordre[S 29].
210
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+ Il est lié à l'alchimie, par la similitude entre son nom et celui de Mercure, la présence d'une source qui guérit de la folie (rappelant celle des alchimistes) dans la Vita Merlini, ou encore le motif des deux dragons (rouge et blanc) qui se battent. Deux textes tardifs le présentent en adepte de la science hermétique[98], ce qui lui permet d'acquérir une certaine notoriété dans le monde des alchimistes[99]. La figure de Merlin resurgit dans le tarot de Marseille, la lame de L'Ermite (IX) y étant peut-être liée[100]. Le psychanalyste Heinrich Zimmer, proche de Carl Gustav Jung, voit en Merlin l'incarnation du vieux sage, un être d'une sagesse si grande qu'elle en est presque inaccessible. Il a pour fonction de guider la personnalité consciente représentée par le roi Arthur et ses chevaliers[101].
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+ Les œuvres témoignent d'une dégradation progressive des pouvoirs qui lui sont attribués et d'une dé-sanctification de son rôle de savant, en le laissant être abusé par Viviane ou affublé d'un chapeau pointu comique[K 12]. Il est souvent vu désormais comme le plus fameux des sorciers ou magiciens[102]. D'après Stephen Thomas Knight, il incarne un conflit entre connaissance et pouvoir : symbole de sagesse dans les premiers récits gallois, il devient conseiller des rois au Moyen Âge, symbole d'intelligence dans la littérature anglaise, puis instructeur et éducateur dans les productions du monde entier depuis le XIXe siècle[K 13].
214
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215
+ Jusqu'au XIXe siècle, Merlin est surtout conté dans les pays anglo-saxons et celtiques, mais aussi dans la poésie[103] et la littérature allemande et française[104]. Les auteurs romantiques sont les premiers à redonner ses lettres de noblesse au personnage après le Moyen Âge[58]. Depuis le XXe siècle, Merlin est un personnage important des films et programmes télévisés. Son rôle y est surtout celui d'un mentor ou d'un enseignant[K 14], fonction qu'il partage avec des personnages proches de lui, comme Gandalf[105],[Note 15]. Merlin est source d'inspiration d'une longue tradition de personnages sorciers dans la culture populaire, incluant ceux de J. R. R. Tolkien (Gandalf, Saroumane…) et de la saga Harry Potter (Albus Dumbledore)[106],[107].
216
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217
+ Si son image populaire est souvent devenue celle d'un vieux mentor barbu, portant un chapeau pointu et une baguette magique, à l'inverse, les mouvements New Age voient en Merlin un druide qui accède à tous les mystères du monde[K 15]. Les productions artistiques francophones tendent depuis la fin du XXe siècle à éluder les aspects chrétiens du personnage au profit des aspects païens et de la « tradition sylvestre »[108]. Le mythe de Merlin est en quelque sorte « déchristianisé »[109] pour le présenter en porte-parole du retour à la nature[110].
218
+
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+ Depuis l'époque romantique, Merlin figure sur des représentations graphiques et notamment préraphaélites. Gustave Doré et Howard Pyle l'ont abondamment illustré. La plupart des artistes le dépeignent comme un vieil homme barbu, à quelques exceptions notables. Edward Burne-Jones imagine Merlin assez jeune et imberbe dans ses deux toiles représentant la séduction par Viviane/Nimue[111]. Toutefois, au début du XXe siècle, la représentation du Merlin âgé est presque devenue la norme. La publication du roman à succès de Terence Hanbury White intitulé L'Épée dans la pierre (1938) fixe son apparence dans l'imaginaire populaire comme celle d'un vieux mentor sorcier à longue barbe et moustaches blanches, chapeau pointu et baguette magique, dont la robe est décorée des signes du zodiaque[111],[K 16]. Les studios Disney reprennent cette apparence dans leur film d'animation Merlin l'Enchanteur avec la robe de sorcier bleue, ce qui ne manque pas d'accroître le phénomène[112]. Au début du XXIe siècle, si la robe bleue et la baguette magique peuvent être dissociées du personnage, la barbe et la moustache sont devenus de véritables archétypes. J.K. Rowling emploie d'ailleurs « barbe de Merlin » comme expression du monde des sorciers de la saga Harry Potter, dans le quatrième tome[113].
220
+
221
+ Les œuvres de fiction littéraires sont nombreuses à faire de Merlin un personnage central. Au début du XXe siècle, son image littéraire se dégrade[114]. Dans les années 1980, en France, le rythme des publications autour de Merlin s'accélère, témoignant d'un intérêt renouvelé pour le mythe[79].
222
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+ Les poètes romantiques anglais du XIXe siècle comme Robert Southey, Matthew Arnold et Alfred Tennyson accordent une large place à Merlin dans leurs textes, tout comme Goethe, Heinrich Heine, Edgar Quinet, Jean Lorrain, Walter Scott, William Wordsworth et Mark Twain[115]. Son image y est souvent celle d'un vieil érudit un peu naïf, qui succombe aux charmes d'une femme fatale[K 15]. Les versions où Merlin acquiert la plénitude du savoir grâce à Viviane sont toutefois plus nombreuses que celles où cette relation tourne en sa défaveur[116], mais l'enserrement de Merlin par Viviane le place dans l'impossibilité de sauver le royaume de Bretagne[117]. Il est davantage présenté comme vivant en symbiose avec la nature que dans les romans médiévaux[118]. Un autre thème central du Romantisme est celui de la confrontation entre Merlin et d'autres enchanteurs ou sorciers qu'il parvient à vaincre[119].
224
+
225
+ Ralph Waldo Emerson et Edwin Arlington Robinson (Merlin) font ressortir en lui « l'esprit noble du barde »[K 15]. L'Allemand Karl Leberecht Immermann (Merlin: eine Mythe)[120] met l'accent sur la quête spirituelle que représente la conquête du Graal, tout comme Friedrich Werner von Oesteren avec Merlin, ein Epos[121]. Edgar Quinet construit dans son Merlin l'Enchanteur, en 1860, un mythe littéraire autour du personnage, inspiré de multiples traditions et d'écrits plus anciens. Il fait de Merlin un prophète, poète, enchanteur puissant mais néanmoins enseveli vivant par la femme qu'il aime[122]. Les poèmes romantiques mettent également en avant la dualité du personnage issu d'un père démoniaque, grâce à des dialogues entre Merlin et le Diable[123]. D'autres en font un personnage obsédé par la quête de la connaissance, via l'astrologie et l'alchimie[116]. En 1909, le jeune poète français Guillaume Apollinaire, âgé de dix-huit ans, écrit sa première œuvre publiée, L'Enchanteur pourrissant. Mélange de théâtre, de poème et de roman, cet ensemble très désenchanté constitue le creuset de la poésie d'Apollinaire[124].
226
+
227
+ Jean Cocteau écrit en 1937 la pièce Les Chevaliers de la Table ronde, dans laquelle il fait ressortir beaucoup d'aspects négatifs chez Merlin, un « vieil enchanteur génial et cruel […] logé comme une araignée au centre de sa toile ». Cette image est liée aux « enchantements de la drogue », l'opium que Cocteau consomme alors en abondance[79].
228
+ Le Cycle de Merlin de Mary Stewart (1970-1979) reprend la matière médiévale. Il compte cinq tomes : La Grotte de cristal, Les Collines aux mille grottes, Le Dernier Enchantement (tous trois parus chez Calmann-Lévy en 2006) ainsi que deux romans jamais traduits en français, The Wicked Day, et The Prince and the Pilgrim. Michel Rio a écrit Merlin en 1989, roman d'une trilogie regroupée en un seul tome en 2006 sous le titre de Merlin, le faiseur de rois[Rio 2]. Le personnage y naît d'un inceste entre son grand-père et sa mère[125], il est désabusé, plus philosophe et homme d'état qu'enchanteur. Les thèmes de la mort et de la guerre sont récurrents[79]. Jean Markale, auteur d'une adaptation des romans du Graal, a imaginé un épilogue original dans son roman La Fille de Merlin. Elle rencontre le barde Taliesin à la recherche de l'épée Excalibur, dérobée par les Saxons au roi Arthur après sa mort[126].
229
+
230
+ Graal (2003) et Graal Noir (2010) forment une série de Christian de Montella, dans laquelle Merlin est le fils du diable. Avec ses pouvoirs, il aide les chevaliers de la Table ronde à accomplir leur destin. Les mémoires de Merlin de Guy D'Amours présentent un « Merlin historique » au début du Moyen Âge, après la chute de l’Empire romain[127].
231
+
232
+ Plus connu pour ses œuvres de science-fiction, René Barjavel parle longuement de Merlin dans L'Enchanteur[128]. Ce roman dans le registre du conte est nettement optimiste, féerique et merveilleux[79]. Comme la plupart des œuvres de Barjavel, il est centré sur l'amour, célébrant tout entier l'union impossible de Merlin et Viviane[128] : Merlin ne doit pas se laisser aller à aimer Viviane sous peine de perdre ses pouvoirs, qui dépendent de sa virginité. L'Enchanteur se présente comme un magicien capable de se métamorphoser en cerf et en oiseau (notamment en corbeau blanc), un « maître du monde végétal »[129] et des forces du vent[Ba 3]. Entièrement vêtu de vert, les paysans le prennent pour un ancien dieu forestier[79]. Il naît « couvert de poils comme un enfant sanglier »[129], sa première apparition se fait sous l'apparence du cerf blanc[Ba 4], en écho à l'histoire de Grisandole[79]. Il aide à l'établissement de la Table ronde et lance les chevaliers sur la quête du Graal[Ba 5], le roman s'achève par l'union éternelle de Merlin et Viviane, dans une « chambre d'air » invisible, une « chambre d'amour que le temps promène »[130].
233
+
234
+ Le Cycle de Pendragon, écrit par Stephen Lawhead entre 1987 et 1999, présente Merlin comme étant à lui seul différents personnages cités dans les sources historiques. Il fait remonter les origines de la légende arthurienne, et donc de Merlin, à la chute de l'Atlantide. Ce cycle est parfois qualifié de semi-historique (dans la mesure où le cadre historique est davantage mis en avant que l'aspect magique), et parfois de fantasy. Merlin est le narrateur du second tome du cycle et du quatrième, Pendragon. Il aide l'avènement du roi Arthur, destiné à sauver la Bretagne sur les plans spirituels et politiques[131]. Ces romans rencontrent un grand succès dans de nombreux pays[132]. Stephen Lawhead s'est appuyé sur les Mabinogion et les écrits de Geoffroy de Monmouth[133], ses textes sont également nettement influencés par la culture chrétienne[131].
235
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236
+ Les œuvres littéraires modernes autour de Merlin appartiennent majoritairement au genre fantasy, la fantasy arthurienne étant un sous-genre à elle seule[134].
237
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238
+ L'Américaine Andre Norton écrit en 1975 Le miroir de Merlin (Merlin's mirror), où Myrddin est engendré par des extraterrestres et s'oppose à Nimue, la Dame du Lac, pour permettre l'avènement du roi Arthur en Angleterre après la chute de l'Empire romain[135]. Dans son roman initiatique Le retour de Merlin, Deepak Chopra imagine la résurrection de Merlin et Mordred dans une petite ville anglaise à l'époque moderne[136]. Jean-Louis Fetjaine écrit la série Le Pas de Merlin de 2002 à 2004, œuvre qui présente Merlin en barde du VIe siècle, assez éloigné du personnage médiéval de la légende arthurienne, sur une île de Bretagne menacée par les invasions des Pictes et des Gaëls[137]. D'après Anne Besson, son univers est une fusion entre la légende médiévale habituelle et la fantasy définie par Tolkien, puisque Merlin y est de nature merveilleuse, mi-homme et mi-elfe[134]. La suite, Brocéliande, raconte la quête des origines de Merlin en forêt de Brocéliande[138]. Robert Holdstock, dans Le Codex Merlin (trois tomes : Celtika, Le Graal de Fer et Les royaumes brisés, publiés chez Pocket et Le Pré aux clercs), présente Merlin comme un être immortel et éternellement jeune, en quête de savoir. Il rencontre le Grec Jason dans la quête de la Toison d’or[139]. Son roman Le Bois de Merlin se déroule en forêt de Brocéliande après la mort du magicien[140].
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+ Merlin d'Ambre est le personnage central de la seconde partie de la saga des Neuf Princes d'Ambre (ou Cycle de Merlin) par Roger Zelazny. Fils de Corwin et de Dara, il est féru d'informatique et très doué dans la pratique de la magie. D'autres cycles de fantasy mentionnent Merlin sans en faire un personnage central, ainsi la saga de Harry Potter, écrite par J. K. Rowling, présente Merlin comme le plus grand et célèbre sorcier de tous les temps[141]. La Quête d'Ewilan, trilogie écrite par Pierre Bottero, raconte que Merlin serait Alavirien, un dessinateur hors pair. Il s'appellerait en réalité Merwyn Ril'Avalon. Dans sa saga Les Dames du lac, Marion Zimmer Bradley fait de Merlin un druide sage et mortel, évacuant de son œuvre toute référence à la magie[134].
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+ Certaines œuvres sont dédiées au jeune public, comme l'adaptation illustrée de Claudine Glot La Légende de Merlin[142]. Dans la série Azilis de Valérie Guinot (L'Épée de la liberté, La Nuit de l'enchanteur et Le Sortilège du vent), qui se déroule au Ve siècle, l'héroïne homonyme devient l'élève de Myrddin[143] et tombe amoureuse de lui[144]. Dans la série L'Apprentie de Merlin, par Fabien Clavel, l'héroïne Ana apprend aussi les secrets magiques de Merlin. Les Descendants de Merlin d'Irene Radford, paru en 2007 chez Points, a pour protagoniste Wren, la fille de Merlin et d'une grande prêtresse de Dana. La série de romans Merlin, écrite par Laurence Carrière depuis 2009, raconte l'enfance et l'adolescence du jeune Merlin en mêlant données historiques et éléments de fantasy. Elle compte six tomes : L'École des druides, L'Épée des rois, Le Monde des ombres, Les Portes de glace, L'Étrange Pays des fées et La Colère des géants.
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+ Certaines œuvres sont imprégnées d'humour, c'est le cas du roman de Mark Twain, Un Yankee à la cour du roi Arthur (en anglais : A Connecticut Yankee in King Arthur's Court), écrit en 1889. Et de Merlin l'Ange Chanteur, troisième tome du cycle Quand les dieux buvaient de Catherine Dufour, dans lequel Merlin est un Archange griffu se nourrissant de foi et de souffrance humaine. L'oulipien Jacques Roubaud a beaucoup travaillé sur la légende arthurienne, avec ses deux œuvres Graal fiction (1978)[145] et Graal théâtre (chez Gallimard). Dans la première, sur un ton humoristique, il relit et réécrit certains passages de la légende arthurienne pour en expliquer les mystères[79].
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+ Au début des années 1880, Georges Marty compose le poème symphonique Merlin enchanté[146]. En 1887, Károly Goldmark créé son second opéra, Merlin. Myrdhin est le second opéra du compositeur breton Paul Ladmirault, composé en 1909. Merlin apparaît également dans l'opéra d'Ernest Chausson, Le Roi Arthus, créé le 30 novembre 1903, quatre ans après la mort du compositeur. Il est le personnage principal de l'opéra Merlin (en) d'Isaac Albéniz.
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+ Boris Vian, dans la pièce et l'opéra Le Chevalier de neige (respectivement en 1953 et 1957), présente Merlin comme « l'Homme Vert », incarnation du bien par opposition à la Fée Morgane[BaA 8]. Laurence Naismith interprète le personnage de Merlyn dans la version filmée de la comédie musicale Camelot (basée sur l'œuvre de T. H. White)[147]. Merlin ou la Terre dévastée (Merlin oder das wüste Land), pièce de théâtre allemande assez complexe jouée pour la première fois en 1981, prend la forme d’un spectacle-fleuve où Merlin est à la fois scénariste et spectateur du mythe arthurien[148]. Le groupe de rock néerlandais Kayak a intitulé son huitième album Merlin. The Myths and Legends of King Arthur and the Knights of the Round Table, album conceptuel de Rick Wakeman sorti en 1975, compte une chanson consacrée à Merlin (Merlin the Magician), et constitue l'une des plus intéressantes adaptations de la légende arthurienne sur support musical[149]. En Bretagne, le harpiste celtique Rémi Chauvet a pris pour pseudonyme le nom de « Myrdhin », en référence à Merlin[150] et un groupe de rock formé en 1996 à Landerneau se nomme Merzhin. Le compositeur nantais Alan Simon a élaboré entre 1998 et 2013 une trilogie appelée Excalibur, comportant trois albums-concepts et plusieurs spectacles narrés par Merlin, dont le rôle est tenu par divers artistes (Dan Ar Braz, Jean Reno, Michael Mendl)[151]. Deux romans poursuivent l'aventure.
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+ À partir des années 1960, le cinéma succède au théâtre pour mettre en scène Merlin. L'une de ses représentations les plus connues au cinéma est celle du film d'animation Merlin l'Enchanteur en 1963, inspiré du roman L'Épée dans la pierre[147]. Ce film d'animation des Studios Disney réalisé par Wolfgang Reitherman montre une image puérile du personnage, dont les pouvoirs se limitent à la métamorphose[BaR 2]. Jouant sur l'humour, il est destiné à un jeune public[148]. Le film Excalibur de John Boorman, réalisé en 1981 avec Nicol Williamson dans le rôle de Merlin[147], offre un propos bien différent. Boorman a toujours considéré Merlin comme « le personnage le plus intéressant des légendes ». Il présente l'enchanteur comme « un mythe dont la Bretagne (Britain) a besoin ». Le Merlin de Boorman réunit une combinaison d'archétypes jungiens : vieil homme sage, métamorphe et Trickster, doué de prescience, d'une affinité avec le monde animal (il parle aux chevaux) et avec le dragon, il est chargé de l'éducation d'Arthur, tout en formant un élément humoristique du film[152]. En 1996 sort Les Nouvelles Aventures de Merlin l'Enchanteur (en VO : Merlin's Shop of Mystical Wonders), film d'horreur américain.
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+ Dans le film d'animation de Chris Miller Shrek le troisième, sorti en 2007, on rencontre un Merlin à la retraite et incapable de faire correctement de la magie. Le personnage est présent aussi dans le film La Dernière Légion où l'on suit la destinée d'un certain druide Ambrosinus (en réalité Merlin) qui devient tuteur du dernier empereur de Rome et de son fils Arthur[153]. Dans L'Apprenti sorcier, sorti en 2010, le personnage principal apprend qu'il est le dernier descendant de Merlin et qu'il doit combattre la fée Morgane.
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+ Tout comme le cinéma, la télévision ne manque pas de consacrer régulièrement des productions au personnage de Merlin. On rencontre un Merlin retiré du monde et vivant de nos jours dans la série Monsieur Merlin diffusé sur CBS (1981-1982). Dans le téléfilm de 1998 Merlin, réalisé par Steve Barron, le protagoniste (joué par l'acteur Sam Neill) combat la déesse païenne Mab[147]. Une suite a été tournée en 2006, L'Apprenti de Merlin[BaR 3]. Le téléfilm Le Retour de Merlin, réalisé en 2000[BaR 4], reçoit un mauvais accueil critique[154].
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+ Merlin contre les esprits d'Halloween, un téléfilm d'animation créé en 2006, est inspiré de la bande-dessinée de Joann Sfar. Toujours en France, la série humoristique Kaamelott (2005-2009), réalisée par Alexandre Astier, voit Jacques Chambon jouer un Merlin incompétent[BaR 5]. La BBC One diffuse de 2008 à 2012 la série Merlin, avec Colin Morgan dans le rôle du protagoniste dont la jeunesse est racontée. Le personnage apparaît aussi au centre de la série Camelot où Joseph Fiennes interprète un Merlin manipulateur et torturé par son usage de la magie. Le téléfilm français en deux parties Merlin, réalisé par Stéphane Kappes avec Gérard Jugnot dans le rôle de Merlin, a été diffusé à la télévision en France et en Belgique fin 2012. Il a reçu un mauvais accueil critique en raison notamment de ses effets spéciaux[155].
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+ Certaines séries télévisées consacrent un épisode particulier à Merlin ou en font un personnage secondaire, ainsi dans Au cœur du temps (The Time Tunnel) en 1967, Christopher Cary incarne Merlin, the Magician dans l'épisode homonyme[147]. Dans Stargate SG-1 (de Brad Wright et Jonathan Glassner, 1997-2002), Matthew Walker joue le rôle de Merlin. Le téléfilm réalisé par Roger Young en 1998, Le Chevalier hors du temps, voit Ian Richardson incarner le magicien[BaR 6].
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+ Merlin apparaît dans l'univers de DC Comics, dans lequel toute la mythologie autour du personnage est reprise, avec notamment la fée Morgane et Nimue. De même, Thor (1962-), série de Comics de Marvel, présente un super-vilain nommé Merlin. Philippe Le Guillou campe un Merlin contemplatif dans l'ouvrage Immortels : Merlin et Viviane, avec Paul Dauce[BaA 8]. Brucero a abondamment illustré Merlin sur les textes de Catherine Quenot dans Le Livre secret de Merlin[156].
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+ Merlin (1999-2003) est une série de bande dessinée humoristique retraçant l'enfance de Merlin, dont le scénario est signé Sfar. Les deux séries Merlin (2000-2009, BD réaliste retraçant la jeunesse de Merlin) et Merlin, la quête de l'épée (2009-), scénarisées par Jean-Luc Istin, appartiennent au genre fantasy et présentent un personnage d'origine païenne. Elles connaissent un grand succès[157]. Merlin apparaît également dans la série Le Chant d’Excalibur d'Arleston Scotch et Éric Hübsch. Réveillé en plein Moyen Âge par la destruction de son dolmen-prison, il part en quête au côté la jeune Gwyned, une descendante de Galaad, pour raviver le peuple magique. Celui-ci est en effet menacé de disparaître faute de croyants en ces temps de christianisation galopante. L’enchanteur y est dépeint comme crasseux, ivrogne et libidineux.
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+ Dans le manga Seven Deadly Sins, Merlin, une femme, est l'un des personnages principaux de l'oeuvre. Lors de sa première apparition, elle est mage garde du corps de Arthur Pendragon, roi de Caamelot.
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+ L'univers des jeux fait lui aussi régulièrement appel à Merlin. Dans la série de livres-jeux Quête du Graal (1984-1987), il est le mentor du héros, Pip. En 1998, le jeu de société Merlin, destiné aux jeunes, est créé par Reinhard Staupe. Il est réédité en 2003[158]. Dans la série de jeux vidéo Paper Mario (2000-), le personnage de Merlon est présenté comme le cousin de Merlin[159]. D'autres jeux sont inspirés de licences cinéma ou télévisées, c'est le cas de Merlin: A Servant of Two Masters sur Nintendo DS, sorti en 2012 et inspiré par la série télévisée de la BBC[160], ainsi que pour la série de jeux vidéo Kingdom Hearts, où la version Disney du personnage de Merlin apparaît dans quelques épisodes de la série (Kingdom Hearts, Kingdom Hearts 2 et Kingdom Hearts: Birth by Sleep).
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+ Merlin (en gallois Myrddin, en breton Merzhin), communément appelé Merlin l'Enchanteur, est un personnage légendaire, prophète magicien doué de métamorphose, commandant aux éléments naturels et aux animaux dans la littérature médiévale. Sa légende provient à l'origine de la mythologie celtique galloise, et s'inspire certainement d'un druide divin, mêlé à un ou plusieurs personnages historiques. Son image première est assez sombre. Les plus anciens textes concernant Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne le présentent en « homme des bois » torturé et atteint de folie, mais doué d'un immense savoir, acquis au contact de la nature et par l'observation des astres. Après son introduction dans la légende arthurienne grâce à Geoffroy de Monmouth et Robert de Boron, Merlin devient l'un des personnages les plus importants dans l'imaginaire et la littérature du Moyen Âge.
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+ Dans le cycle arthurien, dont il est désormais indissociable, Merlin naît d'une mère humaine et d'un père diabolique. Bâtisseur de Stonehenge, il emploie ses sortilèges pour permettre la naissance du Roi Arthur et son accession au pouvoir, grâce à l'épreuve de l'épée Excalibur et à la formation de la Table ronde. Conseiller du roi et de ses chevaliers, il prédit le cours des batailles, influe sur leur déroulement et entraîne la quête du Graal. Homme sauvage proche du monde animal, Merlin se retire régulièrement en forêt pour y rencontrer son scribe et confident Blaise. Son histoire connaît différentes fins selon les auteurs, la plus connue étant celle où il tombe éperdument amoureux de la fée Viviane, à laquelle il enseigne ses secrets de magicien. Elle finit par l'enfermer à jamais dans une grotte ou une prison d'air, en usant de l'un de ses propres sortilèges.
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+ Merlin est mentionné très régulièrement dans la littérature depuis le Moyen Âge, qui a construit son image par inspiration successive entre différents auteurs. Archétype du sorcier ou du magicien, son nom est fréquemment associé à la fonction d’« enchanteur », notamment depuis que ce terme a servi de titre à la version française du célèbre dessin animé de Walt Disney dans les années 1960, Merlin l'Enchanteur. Il reste une source d'inspiration pour de nombreux auteurs et artistes, comme Guillaume Apollinaire (L'Enchanteur pourrissant), René Barjavel (L'Enchanteur), Stephen R. Lawhead (Cycle de Pendragon) et T. A. Barron (Merlin). Son mythe est enfin, de nos jours, le sujet de romans, de poèmes, d'opéras, de pièces de théâtres, de bandes dessinées, de films, de téléfilms, de séries télévisées, et de jeux.
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+ Il existe de nombreuses théories concernant l'origine du nom de Merlin. Il est également connu sous la forme latine « Merlinus », galloise « Myrddin », « Merddin » ou « Myrdhin », bretonne Murlu, Merlu, Aerlin ou Merlik[1], ou cornique « Marzhin ». D'après l’Oxford English Dictionary, le nom le plus ancien est le gallois Myrddin, via le barde Myrddin Wyllt, l'un des personnages historiques qui auraient inspiré le Merlin légendaire. Geoffroy de Monmouth latinise ce nom en Merlinus vers 1135. Le médiéviste Gaston Paris pense qu'il a choisi la forme « Merlinus » plutôt que le plus logique « Merdinus » afin d'écarter toute homophonie avec le mot anglo-normand « merde » (du latin merda)[2],[S 1]. Henri d'Arbois de Jubainville suppose le résultat de la « tendance du d à se changer en l dans les langues indo-européennes »[Va 1]. D'après Martin Aurell, la forme latine Merlinus est une euphonie de la forme celtique, pour rapprocher Merlin du merle blanc en lequel, avec ses pouvoirs chamaniques, il peut se métamorphoser[3].
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+ La théorie la plus répandue concernant l'origine du nom gallois Myrddin, selon Claude Sterckx, est celle de Caerfyrrdin[St 1]. Elle est proposée par le celtisant Alfred Owen Hughes Jarman, d'après qui Myrddin (mərðɪn) provient du toponyme Caerfyrddin, nom gallois de la ville désormais connue sous le nom de Carmarthen[4]. Elle entre en contradiction avec l'étymologie populaire, selon laquelle le nom de cette ville provient du barde du même nom. Ce qui pourrait être « la ville de Myrddin » serait plutôt une évolution du nom romain (latin) « castrum moridunon » (Moridunum), soit « le Fort du Manoir de la mer »[St 1],[4],[2], mais l'origine de cette étymologie reste peu connue[LRGu 1].
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+ En 1965, Eric P. Hamp propose une étymologie assez proche, Morij:n, soit « le maritime ». Il n'existe pas de lien évident entre Merlin et la mer dans les textes à son sujet[St 1], mais cette théorie s'expliquerait par la nature du père de Merlin dans les textes gallois, Morfryn[5]. Il pourrait être un démon maritime, décrit plus tard comme le Diable ou un incube[WaD 1].
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15
+ Dans nombre de récits à son sujet, Merlin peut prendre la forme d'un oiseau, c'est le cas notamment dans La Folie de Suibhne (Buile Shuibhne). De plus, en anglais, le Faucon émerillon (Falco columbarius) est surnommé « merlin »[WaD 2] : de nombreux écrivains de fiction n'ont pas manqué de souligner cette analogie[K 1]. En langue française, une association logique est de lier Merlin au merle[WaD 2]. Ainsi, le folkloriste Jean Markale considère que le nom de Merlin est d'origine française, et signifie « petit merle », allusion au caractère persifleur et provocateur qu'on lui prête dans les récits du Moyen Âge[6].
16
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17
+ Cette théorie n'est pas universellement retenue, et présente le désavantage de ne s'appliquer qu'au français médiéval. Elle explique cependant l'existence de l'« esplumoir Merlin » comme une sorte de nid où Merlin se métamorphose, en abandonnant son apparence d'oiseau[7]. Dans l'imaginaire celtique, le merle est un oiseau de l'Autre Monde, en raison notamment de son chant mélodieux qui rappelle celui des bardes et transporte celui qui écoute. En ce sens, la mythologie du merle est proche du personnage de Merlin[WaD 3].
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19
+ Le merle blanc est aussi le titre d'un conte populaire français (conte-type 550) dans lequel l'oiseau est l'équivalent d'un enchanteur, capable de rajeunir autrui à volonté, objet d'une quête confiée par un roi vieillissant. Par son pouvoir sur l'écoulement du temps et sa capacité à restaurer le pouvoir de la royauté, cet oiseau magique rappelle Merlin[WaD 4]. Sa blancheur est une marque de sa nature féerique, un motif fréquent dans l'univers celtique. Les analogies entre Merlin et le merle s'apparentent davantage à un rapprochement postérieur qu'à une véritable étymologie, puisque le nom français de Merlin est plus tardif que les autres formes[WaD 5].
20
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21
+ Le gallois Myrddin a donné le français « Martin ». La forme Marzin rappelle aussi les Marses, dont le nom est venu à désigner les sorciers et charmeurs de serpents. La racine de l'ours Arth (que l'on retrouve dans l'étymologie d'Arthur) en est assez proche[WaD 6]. Ce rapprochement est en lien avec saint Martin[8], qui dispose de pouvoirs comparables à ceux de Merlin (bien que les siens proviennent de Dieu, et non de forces panthéistes)[WaD 6]. Le personnage de Merlin l'a vraisemblablement inspiré[9], saint Martin étant à l'origine un avatar gaulois de Merlin qui a été christianisé[WaD 7].
22
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23
+ Le Merlin connu actuellement à travers les contes et les dessins animés, enchanteur, prophète, homme des bois, maître des animaux et des métamorphoses, sage et magicien proche de la nature, a connu une longue évolution. Merlin n'est pas une création des auteurs du cycle arthurien, son origine est bien plus ancienne. Il est en quelque sorte redécouvert, christianisé et réinventé par différents auteurs pour y figurer[WaD 8]. À l'origine, les textes gallois le voient comme un barde[Va 2]. « Personnage capital du Moyen Âge »[WaD 8], Merlin devient un véritable mythe littéraire grâce à sa popularité[S 2].
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+
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+ Bien avant d'être un personnage littéraire, Merlin appartient à une tradition orale[S 2] galloise : selon les poèmes locaux, il se nomme Myrddin et vit en Cumbria[K 2]. Un débat ancien oppose les partisans d'une origine historique à ceux d'une origine mythologique[WaD 9]. Il est peu vraisemblable qu'il soit une création littéraire du Moyen Âge[WaD 10]. Pour Claude Lecouteux, il provient « de la littérarisation et de la christianisation d’un individu venu d’ailleurs, d’un lointain autrefois que même les auteurs du XIIe siècle ne comprenaient sans doute plus »[10]. Par ses pouvoirs, Merlin s'apparente davantage à une créature de légende qu'à un être humain[WaD 9]. La théorie la plus probable, soutenue par Philippe Walter (Dr h. c.) et différents universitaires, serait qu'il soit né d'une fusion entre un personnage légendaire celte et un personnage historique, un chef de clan supposé et nommé Myrddin, confondu avec l'Ambrosius dont parle saint Gildas[11].
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27
+ Les récits légendaires autour de Merlin prennent certainement leurs sources dans un fond celtique ou pré-celtique antérieur aux influences chrétiennes[WaD 8],[WaD 11]. Quelques croyances « folkloriques et édulcorées » autour des rituels druidiques ont pu survivre par l'oralité jusqu'au XIIe siècle, quand les clercs couchent cette matière orale à l'écrit[WaD 12]. Le Merlin primitif commet les « trois péchés du Druide »[LRGu 2] et se retrouve déchu de ses anciennes fonctions, sous l'influence du christianisme qui diabolise la « magie druidique ». Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne se convertissent tous trois à la foi chrétienne à la fin de leurs récits respectifs[WaD 13]. Philippe Walter voit dans la légende celtique originelle de Merlin celle d'un druide divin lié à des rituels saisonniers calendaires, d'où son image d'homme des bois, d'astrologue, de devin et de magicien[WaD 14]. Merlin pourrait être un ancien druide divin ou un dieu-druide[12], mais l'absence de sources d'époque rend impossible tout lien certain vers un fond mythologique exclusivement celte[WaD 10]. L'existence d'un mythe fondateur autour de Merlin dans la mythologie celtique semble peu probable. Cette théorie ne peut toutefois pas être totalement écartée, les premiers auteurs des écrits mentionnant Merlin s'appuyant sur le folklore populaire oral de leur époque[WaD 15]. Lors de sa christianisation, il perd certaines de ses anciennes caractéristiques comme sa maîtrise du temps, un attribut divin[WaD 16].
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+ Les pratiques chamaniques montrent beaucoup de points communs avec les pouvoirs attribués à Merlin, laissant à penser qu'il trouverait son origine dans un chamanisme eurasiatique primitif : ensauvagement, prophétisme et transformation en oiseau[S 3],[Va 3]. A. Mac-Culloch trouve des analogies entre le chamanisme pratiqué dans l'Altaï et les pratiques des Celtes[13], mais le celtisant Christian-Joseph Guyonvarc'h réfute l'idée d'un « chamanisme celtique »[14]. Il est tout aussi délicat de lier Merlin à un personnage pré-indo-européen, il ne représente clairement aucune des trois grandes fonctions des Indo-européens (guerre, fécondité et sacerdoce). Il a pu évoluer de roi guerrier vers une fonction plus spirituelle[WaD 17], ce qui l’assimilerait aux dieux « protéens » des Celtes et des Indo-européens, dont parle Claude Sterckx[St 2].
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31
+ Nikolaï Tolstoï et Jean Markale ont suggéré qu'il était un avatar de Cernunnos, divinité celte de la nature[15]. Il rappelle la tradition des divinités et créatures païennes de la nature et des forêts, comme le Sylvain, Sylvanus, le Faune et l'Homme sauvage[WaD 10],[Va 4]. Cette filiation est d'autant plus probable que Merlin raconte lui-même la légende de Faunus et de Diane dans le cycle Post-Vulgate[Va 5]. Le Sylvain peut se présenter comme un vieillard et posséder la force d'un jeune homme, comme Merlin[S 3].
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+
33
+ Dès 1868, Henri d'Arbois de Jubainville se pose la question de l'historicité de Merlin, et en conclut que sa légende a été fabriquée de toutes pièces pour expliquer le nom de Carmarthen (en gallois Caerfyrddin)[16]. Par la suite, certains chercheurs comme J. Douglas Bruce soutiennent que Merlin est une invention littéraire de clercs inspirés par les légendes celtiques[Z 1].
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35
+ L'existence d'un ou de plusieurs « Merlins historiques » est toutefois défendue par de nombreuses personnes, dont la professeur émérite Dr Norma Lorre Goodrich[17] et le doctorant québécois Guy D'Amours[18]. Selon eux, ce Merlin historique a inspiré différents auteurs depuis le VIe siècle, à travers des manuscrits disparus désormais. Deux personnages historiques gallois seraient à l'origine du Merlin littéraire : un chef de clan nommé Ambrosius Aurelianus (cité dans le sermon de saint Gildas pour ses prophéties et sa bravoure au combat) et le barde gallois Myrddin Wyllt[R 1]. Pour Philippe Walter, même si Myrddin est présenté comme un personnage historique dans certaines sources d'époque, cela ne signifie pas qu'il ait réellement existé. Les chroniqueurs médiévaux utilisent beaucoup d'éléments légendaires dans leurs écrits[WaD 15].
36
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37
+ Norma Lorre Goodrich et l'occultiste Laurence Gardner défendent une théorie qui rejoint une certaine historicité. Pour Goodrich, « Merlin » est un titre porté originellement par l'évêque qui a couronné le roi Arthur historique[19]. Pour Gardner, Myrddin était à l'origine le titre du devin du roi (« Seer to the king »), Taliesin étant le premier d'entre eux. Certaines personnes portant ces titres auraient inspiré la légende de Merlin[20].
38
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39
+ La naissance de Merlin n'est détaillée que par les auteurs chrétiens de la légende arthurienne. L’Historia Brittonum mentionne simplement qu'il est un « enfant sans père »[21]. Le nom de sa mère n'est généralement pas précisé, mais elle s'appellerait Adhan selon une vieille version des Prose Brut chronicles[22]. L'identité de son père incube est assez floue. Philippe Walter postule qu'il était peut-être à l'origine un démon maritime ou un « vieux de la mer » (d'où l'étymologie de Mori:jn, « né de la mer », pour le nom de Myrddin[WaD 1]), voire un esprit du souffle ou du vent avant de devenir un incube dans la transposition chrétienne et courtoise de la légende[S 4]. Une stance des prophéties galloises le qualifie de Myrddin ap Morfryn, soit « Merlin fils de Morfryn », sans autre indication[Go 1].
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41
+ Dans son Historia regum Britanniae, Geoffroy de Monmouth écrit un commentaire dans lequel il suggère que Merlin est peut-être le fils d'un incube surnaturel, « de la nature des hommes et de celle des anges », qui aurait pris forme humaine pour approcher une femme vierge[23]. Sans doute inspiré par ce commentaire, le trouvère normand Robert de Boron fait de Merlin un cambion, né d'une mère humaine et d'un père démoniaque dont il a hérité ses pouvoirs[24].
42
+
43
+ Le démon qui engendre Merlin est nommé Aquipedes (ou enquipedes, equibedes, engibedes), soit « aux pieds de cheval », par référence au cauchemar, dans les œuvres attribuées à Robert de Boron[S 5] :
44
+
45
+ Sœur d'une prostituée, la mère de Merlin sait courir un grand danger et demande conseil à son confesseur Blaise, qui lui dit de ne jamais se mettre en colère et de garder une bougie allumée en permanence dans sa chambre, pour en éloigner le Diable. Mais un jour, elle se fâche contre sa sœur, se couche habillée et oublie la bougie. Le démon en profite pour concevoir Merlin qui est destiné, par sa naissance, à être un antéchrist[S 6],[Bo 1]. La mère se repent[Bo 2]. Merlin naît couvert de poils comme un animal, signe de sa filiation diabolique ou d'un rapport avec l'ours[26]. Son père maléfique lui donne la capacité de voir le passé, sa mère touchée par la grâce de Dieu celle de voir l'avenir[S 2].
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+ Dans le Lancelot-Graal, le Diable se présente à une femme vierge et fort pieuse sous l'apparence d'un bel homme étranger. La naissance de Merlin est très différente dans le cycle Post-Vulgate, où un homme sauvage viole une femme endormie dans la forêt. Les écrivains modernes, comme Stephen R. Lawhead (1950-), auteur du Cycle de Pendragon, laissent eux aussi courir leur imagination sur la naissance de Merlin. Ce dernier le lie à la légende de l'Atlantide. Charis, fille du Roi Avallach d'Atlantide, sa mère, en serait native. Son père Taliesin est un breton, fils d'Elffin le roi de Caer Dyvi[27]. Michel Rio fait de Merlin le fruit d'un viol incestueux entre son grand-père (surnommé « le Diable ») et sa mère dans sa trilogie Merlin, le faiseur de rois[28].
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+ Dans tous les textes médiévaux, Merlin naît porteur d'une grande sagesse et montre une exceptionnelle précocité intellectuelle[29], comme en témoigne l'épisode où, enfant, il défie les mages de Vortigern qui souhaitent le sacrifier[30]. Dès sa naissance, il est capable de parler et de prophétiser[Bo 3]. Les auteurs de l'époque romantique, entre autres Edgar Quinet, ne manquent pas de souligner ce savoir exceptionnel et inné :
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+ « L'enfant vint au monde, sans bruit, sans gémissements, obscurément, dans un coin du cloître ; mais quel ne fut pas l'étonnement de sa mère, qui n'osait pas même lui présenter le sein, lorsqu'elle entendit l'enfant lui dire d'une voix d'homme : « Mère, ne pleurez pas, je vous consolerai ! » Son étonnement redoubla lorsqu'elle le vit, échappé de ses langes, marcher à grands pas un livre à la main : « Qui t'a appris à lire, Merlin ? — Je le savais avant de naître. »
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+ — Edgar Quinet, Merlin l'Enchanteur[31]
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+ L'une des caractéristiques les plus évidentes chez Merlin, comme l'évoque bien son surnom d'« enchanteur », est sa capacité à pratiquer la magie, à prophétiser, se métamorphoser et transformer l'apparence d'autrui. Il est aussi un bâtisseur fabuleux[S 2] grâce à sa connaissance des secrets des pierres, doté d'une science et d'un savoir sans limites[Z 2]. Insoumis aux lois du temps, Merlin peut se présenter alternativement comme un enfant ou un vieillard. Ses traits de personnalité rappellent autant l'enfant « par son goût du jeu, du déguisement et du canular », que le vieillard par « son détachement, sa sagesse et son expérience »[30]. Pour prédire les événements, Merlin voyage à volonté dans le passé ou le futur[WaD 16],[Note 1]. Par son talent, il est aussi un maître ou une divinité de la parole qui représente la « véritable essence de son être »[S 7],[WaD 19]. Comme dans la tradition druidique où elle est langue sacrée des dieux, magie, prophéties et poésie découlent de ses paroles[S 8]. Bien qu'il possède d'immenses pouvoirs et sache tout du passé comme de l'avenir, Merlin est rempli de contradictions. Dans les romans français, il est trahi par ses élèves en magie, Viviane et Morgane. Dans les récits britanniques, il connaît des périodes de folie et d'immense tristesse dans la forêt[R 1].
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+ Robert de Boron insiste sur sa position « au cœur de la lutte entre le bien et le mal », par sa naissance (il est le fils du Diable) et la rédemption de sa mère.
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+ Merlin utilise ses pouvoirs pour servir les desseins divins (aider l'avènement d'Arthur, la création de la Table ronde et la quête du Graal, notamment par Perceval) ou des objectifs plus troubles[R 1],[Z 3]. Au service des rois, il lutte contre les envahisseurs de la Bretagne mais son apparence effrayante et ses métamorphoses suscitent peur et méfiance[R 1].
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+ Merlin peut revêtir beaucoup de formes : enfant, vieillard, bûcheron, homme sauvage, génie sylvestre[R 1]… Dans le Roman de Merlin[Note 2], il apparaît au roi Arthur sous la forme d'un enfant de quatre ans pour lui reprocher d'avoir péché en faisant l'amour avec sa sœur Morgane, puis sous celle d'un vieillard où il annonce qu'un chevalier à naître (Mordred) causera la perte du royaume[32].
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+ Merlin peut aussi se changer en animaux. Les pouvoirs du Suibhne irlandais s'apparentent à ceux d'un chaman tels que les décrit Mircea Eliade, par sa capacité à voler et à se métamorphoser, notamment en oiseau[WaD 5],[Note 3]. Une autre métamorphose habituelle chez Merlin est celle du cerf, notamment dans les romans en prose[S 9] :
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+ Lors jeta son enchantement et se mua en merveillouse figure. Car il devint uns
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+ cers li plus grans et li plus merveillous que nus eüst onques veü, et il ot un des
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+ piés devant blanc et .V. branches en son chief, les greignoures c’onques fuissent
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+ veües sur cerf.
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+ Il jeta alors son enchantement et prit un aspect merveilleux. En effet, il se
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+ transforma en un cerf, le plus grand et le plus extraordinaire qu'on ait jamais vu :
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+ l'une de ses pattes avant était blanche et il portait des bois à cinq branches, les
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+ plus imposants qu'un cerf ait jamais portés.
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+ Sous sa forme animale, Merlin conserve ses pouvoirs et la capacité de parler[33]. Il est également capable de transformer l'apparence d'autrui, Uther Pendragon prenant l'aspect de Gorlois afin de concevoir Arthur sous l'effet de son sortilège[K 3].
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+ Ses talents de bâtisseur sont réputés et grâce à sa maîtrise de la pierre, Merlin peut construire des mégalithes. L'un de ses hauts faits serait d'avoir construit Stonehenge[Note 4]. Gerbert de Montreuil, continuateur de Chrétien de Troyes, raconte aussi qu'il érige un pilier magique enchanté sur le Mont Douloureux, sous le règne d'Uther Pendragon. La présence de ce pilier rend fous les mauvais chevaliers[S 10]. Ce talent de bâtisseur s'associe avec sa connaissance des choses cachées, notamment dans le fameux épisode de la tour du roi Vortigern / Vertigier :
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+ « Voulez-vous savoir, dit Merlin à Vertigier, pourquoi l’ouvrage s’écroule et qui l’abat ? Je vous l’expliquerai clairement. Savez-vous ce qu’il y a sous cette terre ? Une grande nappe d’eau dormante et sous cette eau deux dragons aveugles. L’un est roux et l’autre blanc ; ils sont sous deux rochers, ils sont énormes et connaissent chacun l’existence de l’autre. Quand ils sentent le poids de l’eau sur eux, ils se retournent avec un tel fracas de l’eau que tout ce qui est au-dessus chavire : ce sont eux qui font s’écrouler la tour. »
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+ — Robert de Boron, Merlin[Bo 4]
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+ Merlin détient un savoir inaccessible au commun des mortels, notamment en astronomie[WaD 18]. Ses connaissances sont acquises en marge de la société, par l'observation[WaD 20],[BaA 1]. Il pratique également l'astrologie. Dans la Vita Merlini, il apprend le remariage de sa femme et l'existence de son amant par les astres[WaD 20]. La discussion entre Merlin et Taliesin s'y apparente à une conférence théologique et druidique[WaD 21] entre savants : avec Maeldin, ils forment par ailleurs une triade druidique[WaD 12]. Philippe Walter suppose que Merlin acquiert ses connaissances dans un observatoire en pierres, semblable à certains monuments mégalithiques comme Stonehenge[WaD 20]. Ces particularités le rapprochent nettement des druides de l'Antiquité, qui discutent de la nature du monde et des astres puis transmettent leurs observations aux jeunes, selon Jules César[WaD 21].
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+ Merlin est prophète grâce à son savoir, et si la plupart de ses révélations concernent des événements tragiques, il prédit aussi des règnes à venir, notamment celui d'Uther Pendragon[BaA 2]. En ce sens, il est un astrologue au service exclusif des rois de Bretagne[BaA 3]. Cet aspect est absent des romans français, qui le présentent comme un « enchanteur » sans préciser la nature de son savoir. L'astrologie étant une pratique condamnée par l'Église, Robert de Boron et ses continuateurs taisent cet aspect. Parmi les auteurs modernes, seule Marion Zimmer Bradley, dans Les Dames du Lac, attribue à Merlin un rôle d'astrologue[BaA 4].
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+ Les sources médiévales présentent souvent Merlin comme un « fou »[S 11]. Cette folie suit une défaite guerrière dans la Vita Merlini et la Vie de Saint Kentigern (Lailoken devient fou après une vision, et se cache en forêt). Dans La Folie de Suibhne, l'état est consécutif à la bataille de Magh Rath. Merlin est toujours transformé physiquement et mentalement pendant ses périodes de folie[WaD 22]. Philippe Walter l'analyse comme une rage ou mélancolie « canine » provoquée par un déterminisme astral, une conjonction de planètes ou l'influence lunaire[WaD 23], résultat d'une possession[S 11]. Merlin devient un sauvage, un homme-bête dont le comportement s'approche de celui des divinités sylvestres et des lycanthropes[WaD 24]. Cette folie ne se déclencherait qu'à une date précise du calendrier celtique[WaD 23]. Dans la Vita Merlini, ce serait aux trois jours des Rogations de mai, pendant la lune rousse. Dans la Vie de Saint Kentigern, c'est à l'arrivée de la saison claire pendant la fête de Carnaval[WaD 24]. Sa folie mélancolique s'apparente bien plus au délire scientifique et à un état second permettant de révéler des vérités qu'à une pathologie mentale[WaD 25].
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+ Guy D'Amours voit dans la folie de Merlin une expression d'éveil spirituel, en se basant sur la psychologie analytique de Carl Gustav Jung[34]. Dans la plupart des textes médiévaux (et certaines adaptations modernes[Note 5]), ces périodes de folie aboutissent à une conversion au christianisme, par probable analogie avec la passion du Christ[S 12]. René Barjavel traite longuement de la folie dans son roman L'Enchanteur (1984), à travers un combat dans l'esprit même de Merlin. Il en guérit en faisant corps avec la forêt, pour se fondre en elle[Ba 1]. L'association avec la forêt, lieu où Merlin vit ses périodes de folie, est elle aussi une constante dans les textes de toutes les époques[34].
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+ Robert de Boron n'accorde pas une grande place à la folie de Merlin, mais chez lui, le rire affiche l'altérité de son esprit[35]. Merlin est fréquemment hilare, ce rire peut être l'expression de sa folie[S 11] mais serait plutôt à rapprocher de celui de l'Homme sauvage. Avec sa connaissance du temps et de l'Autre Monde, Merlin (comme Démocrite) rit de l'inconséquence des hommes avant de prophétiser des tragédies. Il a l'intuition de toutes les vérités et des événements à venir, il peut parcourir le temps à l'envers. Son rire de devin renvoie à sa très haute sagesse et sa connaissance sans limites[S 13], suivant une longue tradition d'hommes sauvages et de devins rieurs[WaD 26]. C'est « le signe d'une connaissance surnaturelle qui permet à Merlin de percevoir les choses cachées »[36], notamment les trésors souterrains[WaD 27]. Dans la Vita Merlini, il rit d'un mendiant assis devant une porte parce qu'il devine qu'un trésor est enterré en dessous, puis d'un passant achetant des chaussures et de quoi réparer ses semelles alors qu'il sait que le malheureux va se noyer[BaR 1].
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+ Merlin entretient des rapports étroits avec les forces de la nature, notamment la forêt, le pommier et le dragon. Sa sagesse provient de son contact avec la nature[BaA 5]. C'est aussi un personnage nettement marginalisé. Anne Berthelot le voit comme le reflet d'une humanité déformée, à la limite de la bestialité en raison de son rapport avec les mascarades[K 3]. Stephen Thomas Knight suppose que cette marginalisation résulte de l'immensité de son savoir[K 3]. La sauvagerie de Merlin en fait « l'homme des bois le plus célèbre du Moyen Âge »[WaD 28]. L'ensemble des forces sylvestres, aussi bien la forêt elle-même que les animaux qui la peuplent, est entièrement acquis à sa cause[WaD 29]. La frontière entre Merlin et le monde sylvestre est elle-même floue[WaD 29]. Il est sensible au rythme des saisons avec ses périodes de déclin (folie) et de renouveau[WaD 29]. Il est capable de prendre l'apparence d'animaux et se compare lui-même à certains arbres[WaD 29] : c'est le maître du temps et l'esprit du végétal[WaD 30]. Le saint chrétien ermite Antoine le Grand est assez proche de lui : victime de possessions démoniaques, associé au sanglier, fuyant les hommes pour se rapprocher du divin[S 12].
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+
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+ La forêt forme l'environnement naturel et favori de Merlin[WaD 28]. Les romans français évoquent ses disparitions de la cour d'Arthur pour s'y réfugier, en compagnie de son confident Blaise en Northumberland. Si la forêt de Merlin est située au Nord de la Britannia dans les plus anciens textes, elle est décrite comme étant la forêt de Brocéliande au fil du temps[K 4]. Dans les sources plus anciennes, comme la Vita Merlini, son rapport avec la forêt est différent puisqu'il se réfugie en Calédonie par réaction à une malédiction[WaD 28]. Ce lien le rapproche des divinités celtiques[WaD 28] dont la forêt est le domaine habituel[LRGu 3], et des personnages d'inspiration chamanique, comme l'esprit des forêts toungouses[WaD 28] décrit par Uno Harva, qui monte les bêtes sylvestres et se métamorphose lui-même[37]. Le mythe de l'homme sauvage compte les faunes romains et inclut la légende de Merlin[WaD 1]. Dans la mythologie celtique, la forêt est un passage vers l'Autre Monde, un monde habité par les forces divines[WaD 31]. Pour Merlin, elle est aussi un lieu de science où la présence de la nature préserve les forces magiques : selon la Vita Merlini, c'est dans la forêt que Merlin choisit d'établir sa demeure à soixante-dix portes et soixante-dix fenêtres, où il étudie l'astronomie et l'astrologie[WaD 32].
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+
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+ Le pommier est l'arbre favori de Merlin[WaD 31]. Il en pousse abondamment sur l'île d'Avalon[38]. Cet arbre symbolise la connaissance, l'initiation et l'immortalité[WaD 33]. Le poème « Les pommiers de Merlin », dans le Livre noir de Carmarthen (v. 1250)[39] en montre l'importance, tout comme le début de la Vita Merlini[40] où il se réfugie dans un pommier qui le rend invisible, pour échapper aux troupes ennemies de son seigneur Gwenddolau[WaD 33]. Philippe Walter pense que le pommier, arbre magique auquel Merlin peut s'adresser dans ses périodes de folie, est aussi son arbre protecteur et providentiel, un dispensateur du savoir sacré lié à la divination et à la parole[WaD 34]. Les arbres sont, de manière générale, des dispensateurs de pouvoirs divinatoires et de science pour tous les druides[WaD 35],[LRGu 4]. Merlin se compare occasionnellement à un « chêne pourrissant »[Note 6], arbre des druides, dans la Vita Merlini[WaD 29].
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+ Merlin entretient un rapport privilégié avec les animaux forestiers, notamment le cerf qu'il chevauche (selon Geoffroy de Monmouth), un animal omniprésent dans les cultes celtiques et préceltiques[WaD 36]. Le loup gris (Canis lupus) l'accompagne durant l'hiver[WaD 28] (le nom de son Maître Blaise est en rapport étroit avec celui du loup, Bleizh en vieux breton[WaD 37]), le sanglier[S 12] et/ou le porc (ses disciples sont surnommés « petits cochons » dans les poèmes gallois[41]), et enfin l'ours (il naît poilu comme un ours[WaD 20]) font également partie de ses compagnons. Il comprend les animaux et se fait comprendre d'eux[WaD 37]. Ces caractéristiques renvoient au chamanisme[WaD 28].
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+ Son rapport avec le dragon est particulier. Au contraire des chevaliers de la Table ronde qui combattent les reptiles, Merlin n'est pas un sauroctone. Il apprivoise les dragons, prenant sur eux un ascendant de nature druidique et magique. Le roi Vortigern (Vertigier selon Robert de Boron) trouve un « enfant sans père », Merlin, qui lui apprend qu'un dragon rouge et un dragon blanc se battent sous les fondations de son château[Note 7]). Dans le roman de Robert de Boron, il vient en aide à la famille Pendragon, notamment Uther à qui il permet de coucher avec la femme de ses rêves pour concevoir Arthur. Plus tard, Merlin interprète favorablement l'apparition d'un reptile dans le ciel pendant une bataille. Pour aider Arthur, il utilise une enseigne en forme de dragon vivant[S 14] qui « jette feu et flammes par la gueule »[S 15]. Le dragon revêt pour lui un côté protecteur et totémique[S 16], Merlin est par ailleurs représenté sous forme de dragon lui-même dans une chronique de Jean de Würburg concernant Guillaume François d'Autriche[42].
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+ Merlin est entouré d'autres personnages littéraires provenant d'un fond mythologique celtique ou de la légende arthurienne. Les plus connus sont le scribe Blaise qui consigne son histoire, le roi Arthur qu'il veille et protège, et la fée Viviane qu'il aime. Morgane et Viviane sont ses élèves. Malgré tout son savoir, Merlin est piégé par les ruses de ces deux femmes[R 1].
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+ Le personnage mythique de Taliesin, dont l'histoire provient du même fond de mythologie celtique brittonique que les plus anciens textes concernant Merlin, est très proche de lui. Sa naissance est chamanique, puisque son père Gwion Bach se change en grain de blé puis se fait avaler par la sorcière Ceridwen sous forme de poule. Neuf mois plus tard, le premier mai, elle donne naissance à Taliesin (qui peut être vu comme Gwion Bach lui-même) et l'abandonne sur un bateau[43]. Taliesin, comme Merlin, est en quelque sorte un enfant sans père[S 17]. Il est prédestiné, ses actions et les grandes dates de sa légende sont en relation étroite avec le calendrier celtique[S 18]. Les Triades galloises citent Merlin et Taliesin côte à côte. Ils sont peut-être issus d'un même druide divin celtique[WaD 31].
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+ Maître Blaise est, dans les romans français (depuis Robert de Boron) le scribe et confident personnel de Merlin. Confesseur de la mère de Merlin, son rôle est par la suite d'écrire tout ce que lui raconte l'enchanteur, y compris ses prédictions[WaD 37]. En cela, il répartit les rôles : Merlin est un conteur oral mais pas un écrivain, fonction entièrement dévolue à Blaise[S 19]. L'apparition de Blaise dans les récits renvoie concrètement à la création littéraire médiévale, l'écrivain n'étant le plus souvent que celui qui adapte un récit de tradition orale[S 7].
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+ Pour Philippe Walter, Blaise est à l'origine un homme-loup (d'où le rapprochement en vieux breton avec le nom de l'animal), dont la fonction est d'être le double de Merlin[WaD 37]. Cette association expliquerait l'apparence animale de Merlin à la naissance et le nom de Lailoken, « le jumeau ». Elle ferait de Merlin et Blaise des jumeaux divins[WaD 38],[S 20].
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+ La plupart des ouvrages qui parlent de Merlin évoquent aussi Arthur et les chevaliers de la Table ronde. Ces textes datent pour la plupart du XIIIe siècle au XVe siècle. Son rôle dans la légende arthurienne est d'aider à l'accomplissement du destin du royaume de Bretagne (ou royaume de Logres, la Loegrie)[Note 8]. Grâce à sa sagesse, il devient l'ami et le conseiller du roi Uther Pendragon. À la mort de celui-ci, il organise le défi de l'épée Excalibur qui permet à Arthur, fils illégitime d'Uther, de succéder à son père. Puis il incite Arthur à instituer la Table ronde afin que les chevaliers qui la constituent puissent se lancer dans des missions, notamment la fameuse quête du Graal. Malgré toutes ses connaissances, Merlin ne peut rien contre la destinée du royaume ni la fin tragique du roi Arthur[45].
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+ La vie amoureuse de Merlin est généralement marquée par son attirance pour de très belles jeunes femmes[R 1]. Dans la Vita Merlini, il a pour épouse Gwendoline (Guendoloena), mais nourrit une passion pour sa sœur Ganieda (Gwendydd). Il apprend l'infidélité de sa femme, enfourche un cerf, et se rend au palais en compagnie d'animaux forestiers. Celle-ci l'aperçoit depuis une fenêtre avec son amant, et éclate de rire. Merlin arrache les cornes de son cerf, et les jette à la tête de l'homme, qui périt sur le coup. D'après Claude Gaignebet, cette scène provient d'un ancien rite carnavalesque, dans lequel le cocufié est en relation avec le cerf[46].
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+ Robert de Boron supprime de ses textes la relation incestueuse de Merlin et Ganieda pour la remplacer par la fée Viviane, tradition suivie par de nombreux continuateurs. Inspirée de Ganieda[WaD 39], Viviane a pour avatars la Dame du Lac et l'enchanteresse Nimue. La séduction de Merlin est toujours racontée de la même façon par les auteurs médiévaux : la jeune femme séduit le sage Merlin qui succombe à ses charmes, et lui livre ses secrets de magicien qu'elle finit par retourner contre lui pour l'emprisonner[Z 4]. Le couple est inspiré de celui de Diane et Faunus dans la mythologie romaine[S 9], d'où la crainte de Viviane de perdre sa virginité, en écho à la légende de Diane. Dans le Lancelot-Graal, Merlin apparaît comme un être lubrique et la sage Viviane (âgée de douze ans[47]) souhaite se protéger de ses ardeurs[S 21]. Une tradition récente du château de Comper, en Bretagne, veut que pour plaire à Viviane, Merlin lui ait érigé un château visible d'elle seule au fond des eaux du lac de Comper[48].
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+ La fée Morgane n'a pas de relation amoureuse avec Merlin[Note 9], mais apprend elle aussi ses secrets de magicien, et les emploie pour contrarier les desseins du roi Arthur et de Lancelot (dans les textes plus tardifs)[R 1].
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+ La fin de Merlin est évoquée de différentes façons selon les auteurs. Il ne connaît généralement pas de mort véritable, mais il est « retiré du monde »[49] et repose « au cœur d'une inaccessible prison forestière, ni mort ni vivant »[50]. Dans les textes gallois, il reste pour toujours dans la forêt. Dans la Vita Merlini, il passe son temps à observer les astres depuis sa demeure aux soixante-dix fenêtres, avec sa sœur[BaA 6]. Une autre version évoque une tour de cristal[49]. Il peut aussi faire retraite pour toujours avec son confesseur Blaise. Dans le Perceval en prose, Merlin se retire jusqu'à la fin du monde dans son esplumoir[45].
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+
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+ La version la plus connue est toutefois celle de « l'enserrement », à partir du Lancelot-Graal[45]. La fée Viviane trahit Merlin, qui lui a raconté au préalable la légende de Diane emprisonnant Faunus, montrant ainsi sa connaissance de son propre destin. Or, il ne peut s'empêcher de révéler à Viviane la manière d'emprisonner un homme à jamais, sortilège qu'elle retourne contre lui. Merlin est enfermé pour l'éternité dans son esplumoir, dans une chambre ou une prison d'air (selon la plupart des romans français), sous un rocher (selon Le Morte d'Arthur de Thomas Malory), ou encore dans une grotte. Pour Francis Dubost, cet échec de Merlin est dû à son statut d'être fantastique, et donc d'« humain incomplet », qui ne peut réellement connaître l'amour[51]. D'autres spécialistes supposent la jalousie de Viviane envers Morgane à qui Merlin enseigne aussi, ou bien le désir de la fée de protéger sa virginité[52]. Quoi qu'il en soit, la mort du roi Arthur est consécutive à l'impossibilité qu'a Merlin de veiller sur le destin du royaume[45].
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+ Les références à Merlin sont rattachées à la mythologie celtique galloise et à la littérature irlandaise autant qu'à celle de l'Angleterre et de la France du Moyen Âge, ce qui montre le peu de cloisonnement de la littérature médiévale[WaD 8],[WaD 11]. À l'époque de la rédaction des plus anciens textes, l'Angleterre et une partie de la France sont réunis par le baronnage anglo-normand[S 22]. Il n'existe pas de récit fondateur, le personnage de Merlin étant le résultat d'une longue évolution littéraire. Chaque auteur s'appuie plus ou moins sur ses prédécesseurs[S 23]. D'après Philippe Walter :
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+ « L'histoire romanesque de Merlin s'est construite par étapes grâce à la fusion progressive de traditions orales d'origine galloise, parfois étrangères les unes aux autres, mais aussi grâce à l'édulcoration proprement littéraire permise par les réécritures successives de la légende. »
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+ — Philippe Walter, Merlin ou le savoir du monde[S 23]
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+ Pour autant, ces différents auteurs ne reprennent pas tous les éléments plus anciens concernant Merlin :
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+ « Le mythe littéraire de Merlin se présente comme une sorte de grande décharge dans laquelle des débris, des morceaux de mythes sont éparpillés. Les auteurs contemporains viennent y puiser leurs idées et recyclent ces débris de mythe pour recréer un Merlin toujours nouveau, en mouvement[53] »
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+ — Gaëlle Zussa, Merlin. Rémanences contemporaines d’un personnage littéraire médiéval dans la production culturelle francophone
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+ Merlin est réinterprété et réinventé par confrontation avec le christianisme[WaD 40]. Son obsession pour les prophéties et le messianisme témoigne de cette influence religieuse. Le Merlin littéraire mêle finalement l'origine celtique à la culture chrétienne[WaD 10]. Il suscite la méfiance de l'Église, qui cherche à marginaliser ce « prophète païen ». Le Liber exemplorum (1275) présente un démon qui affirme « connaître parfaitement Merlin »[S 24]. D'autre part, il est écrit dans le Lancelot-Graal que Merlin n'a jamais été baptisé ni n'a rien fait de bon dans sa vie, sinon des œuvres démoniaques[54].
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+ Sa popularité se développe après 1066, l'installation des barons normands en Angleterre favorisant une culture commune et de nombreux échanges entre les îles Britanniques et l'actuel territoire français. Aliénor d'Aquitaine, férue de poésie et de roman, promeut la légende arthurienne qui rencontre un grand succès aux XIIe siècle et XIIIe siècle[S 22]. Merlin connaît alors une nette évolution. Suibhne, Myrrdin, Lailoken et le Merlinus de la Vita Merlini sont des rois divins et vaincus, exilés dans la forêt où ils se muent en devins et connaissent la folie. Ils constituent trois variations autour d'un même thème mythique[WaD 41]. Originellement savant et devin, Merlin devient le conseiller du roi Arthur et l'amant malheureux de la fée Viviane dans les récits français[WaD 41].
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+ Les plus anciennes références possibles à Merlin figurent dans De Excidio et Conquestu Britanniae, et sont attribuées à Gildas le Sage qui mentionne Ambrosius Aurelianus, chef romain combattant avec les Bretons contre les Pictes au VIe siècle. Bède le Vénérable reprend ce récit[Z 5]. Bien que le nom de Merlin n'y apparaisse toujours pas, l'Historia Brittonum, composée jusqu'à la fin du IXe siècle, forme le premier texte qui puisse véritablement lui être lié[58]. Il introduit l'usurpateur Vurtigern et un certain Arthur aux côtés d'Ambrosius[Z 5], enfant sans père qui prédit la victoire des Bretons sur les Saxons après avoir révélé la présence d'un dragon rouge et d'un dragon blanc sous la tour du château de Vurtigern[59]. Il y a probablement eu volonté de créer un seul personnage avec Ambrosius Aurelianus et un « enfant sans père » légendaire, rattaché au souvenir de Dinas Emrys[Z 6], voire à un chef de clan gallois nommé Myrrdin[Z 7]. Différents auteurs attestent aussi d'une confusion entre Merlin Ambrosius et le Myrddin des légendes galloises. Giraud de Barri distingue ainsi Ambrosius, prophète de l'époque du roi Vortigern, du Merlin sauvage de la forêt calédonienne dans son Itinerarium Cambriae[60].
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+
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+ Myrddin Wyllt, tout comme Ambrosius, apparaît avant la période arthurienne. Les poèmes gallois[61] parlant de lui, plus authentiques que les sources françaises[S 23], proviennent d'un fond légendaire oral[WaD 10]. Qu'il soit inspiré d'un personnage réel ou légendaire, Myrddin a acquis une certaine célébrité avant l'écriture de ces textes[Va 2]. Ce « Merlin primitif »[S 23] est présenté sous un jour assez sombre[WaD 8]. Myrddin est un fou vivant une existence misérable dans la forêt calédonienne, ruminant sur sa triste existence et la sanglante bataille qui l'a précipité si bas. Il acquiert le don de prophétie[60]. Les allusions de ces poèmes parlent des événements de la bataille d'Arfderydd. Pour Philippe Walter, Myrddin est un roi à l'origine, dépossédé de sa souveraineté guerrière pour être cantonné à la seule souveraineté magique[WaD 42].
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+ Les Triades galloises citent Taliesin et Myrddin Wyllt parmi les bardes. Le Livre rouge de Hergest contient quelques poèmes de Merlin[Z 8]. Les Annales Cambriae mentionnent : « Année 129 (v. 573) : La bataille d'Arfderydd entre les fils d'Elifer, et Guendoleu fils de Keidau ; durant laquelle bataille Guendoleu tomba ; et Merlin (Merlinus) devint fou[Note 10] ». Elles sont souvent citées pour justifier l'existence d'un Merlin historique au VIe siècle[K 5]. Rhydderch Hael, roi de Strathclyde, aurait massacré les forces de Gwenddolau, tandis que Myrddin serait devenu fou en regardant la défaite. Le Livre noir de Carmarthen compte trois poèmes autour de Merlin : « Les Pommiers », « Le Dialogue entre Merlin et Taliesin » où Merlin et Taliesin parlent de sept batailles qui rempliront sept rivières de sang, et « Le Dialogue entre Merlin et sa sœur Gwendydd ». Les deux derniers sont formés de considérations sur l'histoire passée du pays. Gwendydd surnomme son frère le Juge du Nord, le Prophète, le Loin-Renommé, le Maître du Chant, le Mélancolique, le Sage et Le Combattant d'Arfderydd[Z 9]. Dans « Les Pommiers », (Afallen), Merlin (Myrddin) s'adresse à un arbre en déplorant la mort de son seigneur Gwenddolau, au service duquel il était barde[K 8]. Il n'est plus au service de seigneurs, et vit à l'état sauvage[K 5].
143
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144
+ La légende de Lailoken est préservée dans deux manuscrits écossais rédigés en latin au XIIe siècle, autour de saint Kentigern[R 3]. Dans Lailoken et Kentigern, Lailoken est un poète et prophète qui perd l'esprit durant la bataille d'Arfderydd[62], à la suite du passage d'une troupe de démons aériens[WaD 42]. Il combat pour le Roi Gwenddolau ap Ceidiaw contre Rhydderch Hael, avant de s'enfuir vers l'Écosse[62]. Saint Kentigern de Glasgow rencontre en un lieu désert ce fou nu et échevelé nommé Lailoken, que d'aucuns appellent Merlynum ou Merlin, et qui déclare être condamné à errer en compagnie des bêtes sauvages à cause de ses péchés. Il ajoute avoir été la cause de la mort des personnes tuées durant la bataille « en la plaine entre Liddel et Carwannok ». Après avoir raconté son histoire, le fou s'éloigne et fuit la présence du saint pour retourner à son état sauvage. Il demande finalement les derniers sacrements, prophétisant être sur le point de mourir d'une « triple mort »[Note 11]. Le saint exauce le souhait du fou ; alors les bergers du roi Meldred le capturent, le frappent à coups de bâton, le jettent dans la rivière Tweed où son corps est percé par un pieu, sa prophétie se trouvant ainsi accomplie[R 3].
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146
+ Dans Le roi Meldred et Lailoken, l'homme sauvage est emprisonné trois jours pour refus de répondre aux questions du roi, et a une crise d'hilarité en voyant une feuille accrochée aux cheveux de l'épouse royale[R 3].
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+ La Folie de Suibhne, texte irlandais anonyme et peu connu du monde francophone, raconte des faits censés se dérouler historiquement au Ve siècle. Il symbolise bien le versement du fond oral celtique vers la littérature chrétienne[WaD 11]. Suibhne est un « fou des bois » comparable à Lailoken[63]. Il rappelle les anciens dieux de la forêt[64]. Il est frappé de folie après une défaite en bataille, sous l'effet d'une malédiction lancée par saint Ronan dont il a jeté les livres à l'eau et tué l'un des clercs. Il vit dans les bois au creux d'un if[LRGu 5]. Sa femme le quitte pour rejoindre un autre roi. Dans ses moments de folie, il peut s'envoler sous la forme d'un oiseau. Dans les bois, il acquiert une connaissance parfaite des secrets de la nature. Un mari jaloux finit par l'assassiner[WaD 2]. Ce personnage, en partie à l'origine de Merlin, présente de flagrantes analogies avec le monde du chamanisme[60].
149
+
150
+ Les sources latines donnent véritablement « ses lettres de noblesse » au personnage de Merlin, et jouent un rôle décisif dans son statut de « héros breton »[S 26]. Dans la première moitié du XIIe siècle, Geoffroy de Monmouth introduit Merlin dans la légende arthurienne en s'inspirant du fond oral de la mythologie celtique[WaD 11]. Son récit rencontre rapidement le succès, particulièrement au Pays de Galles[65]. En tant que moine, Monmouth s'est certainement inspiré de la Bible dans ses récits[Z 10]. Il est le premier à décrire Merlin comme un magicien, en même temps qu'un prophète[Z 2].
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+ Merlin est un personnage central dans ses trois livres, Prophetiae Merlini (Prophéties de Merlin), Historia regum Britanniae (Histoire des rois de Bretagne), et la Vita Merlini (Vie de Merlin). Les prophéties consistent en une longue suite de prédictions concernant le règne des Saxons et l'indépendance de la Bretagne[Z 11]. Le second conte rapporte comment Merlin crée Stonehenge, ayant pour fonction d'être la sépulture d'Aurelius Ambrosius. Le troisième conte narre comment Merlin transforme l'apparence d'Uther Pendragon, lui permettant ainsi d'entrer dans le château de Tintagel pour y engendrer son fils Arthur.
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+ Vers 1135, Geoffroy de Monmouth synthétise dans son Histoire des rois de Bretagne (Historia Regum Britanniae) des récits disparates[WaD 43]. Première attestation du nom de Merlin dans la littérature, ce texte définit les principales caractéristiques du personnage dans la légende arthurienne. Il le présente comme un orphelin de père. Les mages de Vortigern souhaitent le sacrifier pour consolider la tour de son château qui ne cesse de s'effondrer, mais Merlin devine la présence des deux dragons souterrains qui perturbent les travaux[66],[R 2]. Le récit de l'Historia Brittonum est ainsi repris presque sans changement[Z 12].
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156
+ L’Histoire des rois de Bretagne présente aussi des prophéties de Merlin sur l'avenir de l'île britannique, la construction de Stonehenge pour Ambrosius Aurelianus à partir de pierres qu'il fait venir du mont Killaraus en Irlande, et sa ruse en faveur d'Uther Pendragon pour qu'il puisse concevoir Arthur avec Ygraine, dont il est amoureux[R 2],[Z 13]. Wace adapte l’Historia Regum Britanniae de Monmouth dans le roman de Brut (1155), où Merlin joue un rôle secondaire de conseiller pour Uther Pendragon, afin de concevoir Arthur. Il y est très effacé, ce qui d'après P. Walter témoigne de son introduction récente dans la légende arthurienne[S 27]. Wace ajoute à son récit la construction de la Table ronde[47].
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+
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+ La Vie de Merlin (Vita Merlini), rédigée v. 1150[WaD 43], est le texte médiéval le plus centré sur Merlin lui-même[WaD 11] et s'ancre dans le fond légendaire breton[47]. Synthèse des récits gallois autour de Myrddin Wyllt[WaD 43] (notamment de poèmes[K 9]), Merlin y est présenté comme un roi, devin et prophète maudit[WaD 11], mais ses aspects les plus sombres sont gommés[K 10]. Il perd une bataille avec son armée, et entre dans la forêt où il connaît une période de folie (rabies, proche d'une rage animale[WaD 42]). Il est capturé et amené à la cour où il fait différentes prédictions, dont celle de la triple mort du fils de la reine après une crise d'hilarité. De retour dans la forêt pour plusieurs années, il voit le présage d'un remariage pour sa femme, enfourche un cerf et encorne son rival, ce qui lui vaut d'être une seconde fois capturé. Après deux autres prédictions justes, il retourne en forêt pour mieux connaître les secrets du monde[WaD 44]. Une fontaine apparue au printemps le guérit de sa folie. Il rencontre Taliesin et un troisième devin, Maeldin. Ganieda, sa sœur, rejoint la triade et se met à prophétiser avec eux[WaD 22],[K 11]. La recherche spirituelle de Merlin le rapproche du christianisme, le texte se conclut sur sa rédemption[S 28].
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+
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+ Ce texte s'appuie sur un mythe légèrement restauré plutôt que sur des sources historiques[WaD 6]. D'après Philippe Walter, l'œuvre est à lire comme un palimpseste : elle comporte beaucoup d'éléments légendaires (la majorité purement celtiques) intégrés à un récit biographique en latin[WaD 45], dans le but probable de présenter Merlin en exemple pour les évangélisateurs chrétiens[S 24],[WaD 21]. Geoffroy de Monmouth adapte son récit à son époque, mais semble avoir respecté ses sources[WaD 46]. Merlin est un savant et un devin, « initié et initiateur »[WaD 41].
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+ Les sources françaises coïncident avec un rayonnement exceptionnel de la légende de Merlin[S 23]. Elles redistribuent son rôle et celui d'Arthur. Alors que Merlin était vu à l'origine comme un roi à la fois guerrier et magicien, il devient le dépositaire du seul savoir magique. Arthur représente au contraire la souveraineté guerrière[WaD 42]. Robert de Boron consacre une grande partie de son œuvre à Merlin.
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+ Composés à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, le poème de Robert de Boron et le roman qui en est issu[Note 12] constituent les sources les plus connues des médiévistes au sujet de Merlin[WaD 8]. C'est véritablement lui qui donne toute son importance au personnage dans le cycle arthurien[S 27] et qui lie les deux traditions britanniques, celle de l'enfant prophète sans père et celle de l'homme sauvage[47]. Il consacre l'essentiel de son œuvre à Merlin, non sans l'entourer d'autres personnages importants de la légende arthurienne comme Blaise, Vortigern, la famille Pendragon, Ygerne (Ygraine) et le duc de Cornouailles[Go 3]. Il s'inspire de différentes sources plus anciennes, sans pour autant réadapter directement Wace et Monmouth[67], et développe le personnage[Go 3]. Seules quelques lignes de son poème sont parvenues. La version en prose devient populaire et s'incorpore dans le Petit cycle du Graal (Joseph d'Arimathie, Merlin, Perceval) et dans le Lancelot-Graal (Estoire del Saint Graal, Merlin, Lancelot, Queste del Saint Graal, Mort du roi Arthur)[68].
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+ Si le fond de l'œuvre de Robert de Boron reste attaché à ses origines celtiques, sa christianisation sous l'influence des clercs est nettement palpable, notamment dans l'épisode de la naissance de Merlin. Robert de Boron conte dans son Merlin en vers (v. 1190) la tentative ratée du Diable pour faire naître un antéchrist dans le sein d'une vierge, en s'inspirant de la tradition chrétienne de son époque. Cet épisode qui fait de Merlin le fils du Diable et d'une vierge rachetée par Dieu devient indissociable de la légende du personnage[47]. Il a probablement remplacé le dieu païen d'une tradition plus ancienne par le Diable chrétien[69]. Philippe Walter pense que cette version de la naissance de Merlin est une invention de Boron, inspirée par l'évangile de Nicodème et la mention d'incubes dans l'œuvre de Monmouth[S 25]. Boron explique le pouvoir de Merlin à deviner passé et futur par son ascendance à la fois diabolique et divine[Go 3]. Il le présente, durant son enfance, comme un être à la fois dérangeant et prodigieux, d'une incroyable précocité[Go 4], et ne manque pas d'évoquer les efforts de Merlin pour échapper à l'influence de son ascendance diabolique[Go 5]. Il développe beaucoup de scènes où Merlin rit (notamment lorsqu'il pratique la magie), certainement en écho à ses origines[Go 6].
167
+
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+ Il conserve aussi le lien du personnage avec la forêt (inspiré par la Vita Merlini), Merlin partant régulièrement se réfugier en Northumberland pour y rencontrer Blaise[Go 2]. Le texte de Boron introduit en effet Blaise, maître de Merlin, dépeint comme transcrivant la geste que l'enchanteur lui dicte lui-même, et expliquant comment cette geste devra être connue et préservée[55]. Merlin devient, sous sa plume, celui qui choisit les chevaliers de la Table ronde[Go 2] et le conseiller militaire d'Uther. Il garde le récit de la ruse pour concevoir Arthur, Merlin se présentant successivement comme un vieil homme pour enlever le nouveau-né, puis comme un « prudhomme » pour le remettre à Antor[Go 7]. Uther accepte tous les plans et toutes les ruses que Merlin lui propose[Go 8].
169
+
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+ Le Lancelot-Graal (ou cycle de la Vulgate, v. 1220), contrairement à l’Estoire de Merlin attribuée à Robert de Boron, le présente comme un être diabolique et repoussant[54] par opposition à Viviane[70]. Il introduit ainsi la chute de Merlin, causée par l'amour qu'il porte à la Dame du Lac (présentée comme étant la fée Viviane ou encore Nimue dans des récits plus tardifs). Elle lui extorque ses secrets magiques en les retournant contre lui pour l'emprisonner à jamais. Ce thème de « l'enserrement » de Merlin devient l'un des plus populaires de sa légende[47]. Il a probablement été inventé pour faire disparaître Merlin des récits, et ainsi expliquer l'échec de la bataille de Camlann où Arthur est mortellement blessé. Avec ses pouvoirs, Merlin aurait pu en inverser le cours. Son acceptation d'un destin qu'il connaît (l'enserrement) est expliquée par sa volonté de ne pas aller à l'encontre de Dieu[45].
171
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172
+ Le Perceval en prose fait quant à lui de Merlin l'initiateur de la quête du Graal[47]. Le Lancelot-Graal compte le récit d'une rencontre entre Merlin et l'empereur Jules César. La femme de l'empereur romain est suivie d'une douzaine de demoiselles, en fait des hommes déguisés. Merlin rencontre une princesse d'Allemagne déguisée en écuyer, Grisendole. Un soir, César s'effraie après le rêve d'une truie couronnée caressée par douze louveteaux. L'empereur reste silencieux pendant tout le banquet. Merlin se transforme en cerf, court au palais et s'agenouille devant César en lui disant : « Cesse de ruminer ton rêve. Attend l'homme sauvage »[57].
173
+
174
+ L'empereur confie à Grisendole la mission de trouver cet homme sauvage. Elle rencontre le cerf qui lui dit de préparer un pâté de porc, et s'exécute, ce qui fait apparaître l'homme sauvage noir et hirsute. Il dévore le pâté et s'endort. Grisendole le ligote et le ramène à César. L'homme sauvage interprète le rêve : la truie est l'impératrice et les douze louveteaux, ses demoiselles. César les fait déshabiller er révèle qu'elles sont en fait des hommes. L'impératrice et ses douze jeunes gens sont immédiatement brûlés sur un bûcher. L'homme sauvage demande que Grisendole soit mise à nu et, face à la découverte de sa féminité, César se signe. Il demande conseil à l'homme sauvage qui lui propose de l'épouser. César voulant savoir qui est le cerf, l'homme sauvage trace des caractères hébreux qui brûlent une porte, puis s'en va. César épouse Grisendole, puis un messager finit par déchiffrer ces lettres en hébreu : le cerf et l'homme sauvage ne font qu'un[57].
175
+
176
+ L'entrée de Merlin à Rome sous la forme d'un cerf gigantesque donne naissance à une abondante iconographie de miniatures médiévales, témoignant du succès de ce récit
177
+ [33].
178
+
179
+ Merlin devient, dans le cycle Post-Vulgate (Merlin-Huth, v. 1250), celui qui avertit Arthur de ses malheurs à venir, en particulier la naissance de Mordred[Note 13]. Il joue un rôle d'observateur et de commentateur, et n'est plus guère l'initiateur de la quête du Graal[K 6]. En revanche, il prédit avec justesse que Girflet sera le dernier chevalier à voir Arthur vivant[K 4]. Ce roman rend un aspect plus merveilleux au personnage et présente Viviane de manière négative[54], bien que Merlin y soit toujours le fruit de l'union d'une femme vertueuse et d'un incube[Go 9]. L'ouvrage contient une suite de prophéties confiées par Merlin à Blaise, et présente le Graal comme le point central de toutes ses prophéties[Go 10].
180
+
181
+ Merlin apparaît très tôt dans les documents écrits en Bretagne, notamment le cartulaire de Redon et un toponyme d’Augan au IXe siècle, puis deux textes prophétiques des XIIe siècle et XIIIe siècle[71]. Dans le Dialog etre Arzur Roe d’an Bretounet ha Guinglaff en moyen breton, Merlin est présenté comme un archétype d'être sauvage, sous le nom de « Guinglaff »[1]. Gwenc'hlan pourrait aussi y avoir pris la place de Merlin[71]. La Villemarqué publie le chant Merlin-barde, longtemps considéré comme un faux, mais qui semble bien provenir d’un cycle médiéval[72], Hervé Le Bihan répertorie sept contes et récits datés du XIXe siècle, qui sans constituer des textes en filiation directe avec la matière arthurienne médiévale, en sont des survivances[1]. L'enchanteur y possède le pouvoir de divination[71],[1]. Luzel recueille une tradition selon laquelle Merlin a fini sa vie au sommet du Menez Bré[71].
182
+
183
+ Une abondante littérature prophétique est attribuée à Merlin[Z 14] et se divise en deux grands courants, les prophéties des îles britanniques et celles du continent européen, différentes par leur objet et leur inspiration[Z 15]. La littérature galloise comporte nombre d'exemples prédisant la victoire militaire des peuples celtes de Grande-Bretagne, qui se rassembleraient pour rejeter les Anglo-Saxons — et par la suite les Normands — à la mer. Certaines de ces œuvres ont été interprétées comme des « prophéties de Myrddin ». Henri VIII utilise ce thème pour présenter son père, le roi gallois Henri VII, comme le sanglier annoncé par Merlin, qui partit de la péninsule armoricaine de Bretagne et soutenu par des guerriers bretons, aurait accompli la prophétie de Merlin de la revanche des Celtes sur les Saxons[73],[Note 14]. La récupération de ces prophéties par les Anglais ne remonte qu'au XIVe siècle, l'immense majorité des textes attribués à Merlin dans les îles britanniques étant en faveur des peuples celtes[Z 16].
184
+
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+ De tous temps, l'attribution de prophéties à Merlin permet de faire passer des idées politiques. Joachim de Flore écrit ainsi le Verba Merlini, hostile à l'empereur Frédéric II[Z 17]. Les Prophéties de Merlin rédigées en langue française en 1276 prennent la forme de prophéties politiques intercalées entre des récits romanesques de la légende arthurienne[74], et sont attribuées à maître Richard d'Irlande bien que l'auteur original soit un vénitien[Z 18]. Présentées sous la forme d'un dialogue entre Merlin et un scribe, elles font de Merlin un prophète chrétien d'essence divine. Il y choisit délibérément d'être enfermé par Viviane[54]. La plupart de ces prophéties sont relatives à des événements politiques de l'Italie du XIIIe siècle, tandis que d'autres sont révélées par le fantôme de Merlin après sa mort.
186
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+ Après une longue absence de nouvelles créations littéraires autour de Merlin en France, le Morte d'Arthur est rédigé en Angleterre vers 1485, reprenant quelques éléments des récits français[54]. L'œuvre commence par la naissance de Merlin[Go 11]. Il y interprète les rêves du roi Arthur mais la nature magique de ses pouvoirs est minimisée[K 7], Thomas Malory réduit l'aspect merveilleux du personnage dans son œuvre. Merlin y devient assez indéfinissable, empruntant à l'humain, au dieu et au démon[Go 11]. Malory conserve l'épisode de sa séduction par Viviane / Nimue[K 7],[Go 11], qui devient la principale source d'inspiration des auteurs romantiques au XIXe siècle[54].
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189
+ En dehors de la France et des îles Britanniques, la légende médiévale de Merlin connaît un succès moindre. Les œuvres en langue allemande sont essentiellement des traductions tardives (la plus ancienne est le Dialogus Miraculorum, en 1220). Wilhelm von Österreich (1324) dresse de Merlin un portrait d'élément de la nature plutôt négatif, et le Morlin d'Ulrich Füterer (v. 1475) en fait le grand-père d'Arthur[75].
190
+
191
+ De la Renaissance au XVIIIe siècle, en France, le personnage connaît une éclipse, comme toute la littérature arthurienne[BaA 7],[75]. Il reste néanmoins populaire dans la littérature de colportage et la tradition orale[75] puisqu'il reste possible au XIXe siècle de recueillir en Bretagne Armoricaine des chansons et des contes sur Merlin. La Villemarqué (Myrdhin) et Luzel, d'abord sceptiques à ce sujet, en publient plusieurs. Cette matière date dans sa grande majorité du XIIIe siècle[76]. En Angleterre, le Morte d'Arthur de Thomas Malory reste une source d'inspiration constante[75]. The life of Merlin, sur-named Ambrosius, paraît en 1641[77].
192
+
193
+ Dans Myrdhinn ou l'Enchanteur Merlin (1868), Théodore Hersart de la Villemarqué tente de synthétiser les informations connues autour de Merlin, qu'il présente à la fois comme historique et mythologique. Théophile Briant s'en inspire plus d'un siècle plus tard dans son œuvre pseudo-historique et occultiste Le Testament de Merlin (1975)[78], qui présente Merlin en architecte et poète, comme « le Druide blanc de Brocéliande »[79].
194
+
195
+ La professeur américaine Norma Lorre Goodrich défend l'idée d'un Merlin historique et redonne ses lettres de noblesse à Geoffroy de Monmouth. Le Merlin historique serait de trente ans plus âgé que le roi Arthur historique, né au Pays de Galles et mort en Écosse. Elle postule aussi que « Merlin » est un titre, celui d'un évêque nommé Dubricius, qui a couronné Arthur[19]. Nikolaï Tolstoï, au contraire, pense que Monmouth a volontairement fusionné le Myrddin des poèmes gallois avec un autre personnage pour n'en faire qu'un seul, et que le Merlin originel représente « le dernier des druides »[19]. Philippe Walter étudie Merlin à travers des articles et deux ouvrages, mettant en lumière la nature calendaire et chamanique du personnage primitif[60], ainsi que son aspect et son psychisme d'enfant-vieillard[S 2].
196
+
197
+ Si les écrits de Jean Markale ont été beaucoup diffusés et même traduits en anglais, permettant de faire découvrir la légende arthurienne à de nombreuses personnes, ses ouvrages (dont Merlin l'Enchanteur[80] publié en 1981[81], en anglais : Merlin: Priest of Nature[82]) ne sont pas reconnus comme fiables par la communauté scientifique[83].
198
+
199
+ Les toponymes associés à Merlin se trouvent essentiellement en Grande-Bretagne (Dinas Emrys, Merlin's Cave, Carmarthen et l'île de Bardsey) et en Bretagne, dans la forêt de Paimpont-Brocéliande (siège et tombeau de Merlin). Un grand nombre d'entre eux sont situés au Pays de Galles, les plus anciennes sources littéraires associent Merlin à ces lieux. Carmarthen est réputée être la ville de naissance d'une des personnes historiques qui ont inspiré le Merlin légendaire[Go 12]. Une tradition locale à l'île de Bardsey (île des Bardes) rapporte qu'il s'y est retiré dans une maison de verre[84].
200
+
201
+ Dinas Emrys (en gallois : « forteresse d'Ambrosius ») est une colline boisée située non loin de Beddgelert dans le Gwynedd, au Pays de Galles. Le site est naturellement lié à Myrddin Emrys et Ambrosius Aurelianus[Z 19],[Go 13]. Les Gallois l'appellent localement Eryri. La tradition y situe la tentative de construction du château de Vortigern, et la fameuse tour qui ne cesse de s'écrouler jusqu'au moment où Merlin révèle la présence de deux dragons[85]. Ainsi, Dinas Emrys est le lieu où Merlin révèle pour la première fois l'étendue de son pouvoir[86]. Le fabuleux trésor de l'enchanteur est réputé pour y être enterré au plus profond, sous la colline. Les recherches archéologiques montrent des traces d'occupation du site depuis le Ve siècle[87].
202
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203
+ Merlin's Cave (en anglais : « grotte de Merlin ») est le surnom d'une grotte située en dessous du château de Tintagel, à 5 km au sud-ouest de Boscastle, en Cornouailles (Angleterre). Elle s'étend sur 100 mètres[88] en passant à travers Tintagel Island, vers Tintagel Haven[89]. Cette grotte est devenue un site rituel néopaganiste, réputé être « un point focal pour la révélation » et « un endroit pour se connecter avec les énergies féminines essentielles »[90], en relation avec une déesse de la Terre[91].
204
+
205
+ Au centre de la Bretagne, la forêt de Paimpont est réputée être la forêt de Brocéliande. De nombreux lieux y sont associés à la légende arthurienne, mais la revendication du tombeau de Merlin ne remonte pas au-delà du XIXe siècle. Brocéliande reste une forêt légendaire sans localisation précise jusqu'au début du siècle. Le poète Auguste Creuzé de Lesser écrit en 1811 que Merlin y serait enseveli[92]. En 1825, Blanchard de la Musse associe une allée couverte du nord de la forêt de Paimpont au tombeau de Merlin. Théodore Hersart de la Villemarqué localise lui aussi le tombeau de Merlin dans ces lieux[93]. Dans le Val sans retour, près de Tréhorenteuc, quelques rochers se font connaître sous le nom de « siège de Merlin » à la suite du déplacement du toponyme légendaire en 1850. La topographie actuelle de la forêt de Paimpont est définie par Félix Bellamy à la fin du XIXe siècle. La valorisation touristique de Paimpont-Brocéliande commence à la même époque, mais les habitants locaux montrent une certaine réticence[92], bien que le folklore populaire oral associe bien Merlin à ce lieu[94].
206
+
207
+ La localisation du tombeau du XIXe siècle est revue à la suite de l'enterrement du docteur Guérin. Dans les années 1970, Yann Brekilien s'oppose à la construction des routes d'accès et à la perte du caractère légendaire de Paimpont-Brocéliande. Il faut attendre les années 1990 pour qu'une politique de valorisation se mette en place grâce au maire de Ploërmel et au Centre de l'imaginaire arthurien, permettant des visites guidées et la mise en place d'un périmètre de protection autour du tombeau de Merlin[92]. Les visiteurs y laissent de petits papiers où ils écrivent les vœux qu'ils souhaitent voir exaucés par Merlin[95].
208
+
209
+ Dans ses plus anciennes expressions, selon Philippe Walter, Merlin incarne une souveraineté magique et une royauté chamanique, assez éloignée des fonctions guerrières et sacerdotales. Son pouvoir est essentiellement spirituel[WaD 10]. De manière plus générale, il représente la connaissance et le « savoir du monde »[S 2], une quintessence de l'esprit druidique[WaD 16] qui peut prendre toutes les formes : Merlin guide, aide, sauve, prédit et juge grâce à son savoir[K 12]. L'une de ses particularités est d'échapper à toute tentative de classification rationnelle. Il ne se présente jamais comme celui que l'on attend[96]. En ce sens, il incarne l'Autre[97]. Certaines interprétations ont pu faire de lui un Trickster en raison de son côté rieur et comique, mais il n'en possède pas toutes les caractéristiques, notamment la transgression et le côté subversif. Par ses actions, Merlin participe à l'ordre du monde plutôt qu'à son désordre[S 29].
210
+
211
+ Il est lié à l'alchimie, par la similitude entre son nom et celui de Mercure, la présence d'une source qui guérit de la folie (rappelant celle des alchimistes) dans la Vita Merlini, ou encore le motif des deux dragons (rouge et blanc) qui se battent. Deux textes tardifs le présentent en adepte de la science hermétique[98], ce qui lui permet d'acquérir une certaine notoriété dans le monde des alchimistes[99]. La figure de Merlin resurgit dans le tarot de Marseille, la lame de L'Ermite (IX) y étant peut-être liée[100]. Le psychanalyste Heinrich Zimmer, proche de Carl Gustav Jung, voit en Merlin l'incarnation du vieux sage, un être d'une sagesse si grande qu'elle en est presque inaccessible. Il a pour fonction de guider la personnalité consciente représentée par le roi Arthur et ses chevaliers[101].
212
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213
+ Les œuvres témoignent d'une dégradation progressive des pouvoirs qui lui sont attribués et d'une dé-sanctification de son rôle de savant, en le laissant être abusé par Viviane ou affublé d'un chapeau pointu comique[K 12]. Il est souvent vu désormais comme le plus fameux des sorciers ou magiciens[102]. D'après Stephen Thomas Knight, il incarne un conflit entre connaissance et pouvoir : symbole de sagesse dans les premiers récits gallois, il devient conseiller des rois au Moyen Âge, symbole d'intelligence dans la littérature anglaise, puis instructeur et éducateur dans les productions du monde entier depuis le XIXe siècle[K 13].
214
+
215
+ Jusqu'au XIXe siècle, Merlin est surtout conté dans les pays anglo-saxons et celtiques, mais aussi dans la poésie[103] et la littérature allemande et française[104]. Les auteurs romantiques sont les premiers à redonner ses lettres de noblesse au personnage après le Moyen Âge[58]. Depuis le XXe siècle, Merlin est un personnage important des films et programmes télévisés. Son rôle y est surtout celui d'un mentor ou d'un enseignant[K 14], fonction qu'il partage avec des personnages proches de lui, comme Gandalf[105],[Note 15]. Merlin est source d'inspiration d'une longue tradition de personnages sorciers dans la culture populaire, incluant ceux de J. R. R. Tolkien (Gandalf, Saroumane…) et de la saga Harry Potter (Albus Dumbledore)[106],[107].
216
+
217
+ Si son image populaire est souvent devenue celle d'un vieux mentor barbu, portant un chapeau pointu et une baguette magique, à l'inverse, les mouvements New Age voient en Merlin un druide qui accède à tous les mystères du monde[K 15]. Les productions artistiques francophones tendent depuis la fin du XXe siècle à éluder les aspects chrétiens du personnage au profit des aspects païens et de la « tradition sylvestre »[108]. Le mythe de Merlin est en quelque sorte « déchristianisé »[109] pour le présenter en porte-parole du retour à la nature[110].
218
+
219
+ Depuis l'époque romantique, Merlin figure sur des représentations graphiques et notamment préraphaélites. Gustave Doré et Howard Pyle l'ont abondamment illustré. La plupart des artistes le dépeignent comme un vieil homme barbu, à quelques exceptions notables. Edward Burne-Jones imagine Merlin assez jeune et imberbe dans ses deux toiles représentant la séduction par Viviane/Nimue[111]. Toutefois, au début du XXe siècle, la représentation du Merlin âgé est presque devenue la norme. La publication du roman à succès de Terence Hanbury White intitulé L'Épée dans la pierre (1938) fixe son apparence dans l'imaginaire populaire comme celle d'un vieux mentor sorcier à longue barbe et moustaches blanches, chapeau pointu et baguette magique, dont la robe est décorée des signes du zodiaque[111],[K 16]. Les studios Disney reprennent cette apparence dans leur film d'animation Merlin l'Enchanteur avec la robe de sorcier bleue, ce qui ne manque pas d'accroître le phénomène[112]. Au début du XXIe siècle, si la robe bleue et la baguette magique peuvent être dissociées du personnage, la barbe et la moustache sont devenus de véritables archétypes. J.K. Rowling emploie d'ailleurs « barbe de Merlin » comme expression du monde des sorciers de la saga Harry Potter, dans le quatrième tome[113].
220
+
221
+ Les œuvres de fiction littéraires sont nombreuses à faire de Merlin un personnage central. Au début du XXe siècle, son image littéraire se dégrade[114]. Dans les années 1980, en France, le rythme des publications autour de Merlin s'accélère, témoignant d'un intérêt renouvelé pour le mythe[79].
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+ Les poètes romantiques anglais du XIXe siècle comme Robert Southey, Matthew Arnold et Alfred Tennyson accordent une large place à Merlin dans leurs textes, tout comme Goethe, Heinrich Heine, Edgar Quinet, Jean Lorrain, Walter Scott, William Wordsworth et Mark Twain[115]. Son image y est souvent celle d'un vieil érudit un peu naïf, qui succombe aux charmes d'une femme fatale[K 15]. Les versions où Merlin acquiert la plénitude du savoir grâce à Viviane sont toutefois plus nombreuses que celles où cette relation tourne en sa défaveur[116], mais l'enserrement de Merlin par Viviane le place dans l'impossibilité de sauver le royaume de Bretagne[117]. Il est davantage présenté comme vivant en symbiose avec la nature que dans les romans médiévaux[118]. Un autre thème central du Romantisme est celui de la confrontation entre Merlin et d'autres enchanteurs ou sorciers qu'il parvient à vaincre[119].
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+ Ralph Waldo Emerson et Edwin Arlington Robinson (Merlin) font ressortir en lui « l'esprit noble du barde »[K 15]. L'Allemand Karl Leberecht Immermann (Merlin: eine Mythe)[120] met l'accent sur la quête spirituelle que représente la conquête du Graal, tout comme Friedrich Werner von Oesteren avec Merlin, ein Epos[121]. Edgar Quinet construit dans son Merlin l'Enchanteur, en 1860, un mythe littéraire autour du personnage, inspiré de multiples traditions et d'écrits plus anciens. Il fait de Merlin un prophète, poète, enchanteur puissant mais néanmoins enseveli vivant par la femme qu'il aime[122]. Les poèmes romantiques mettent également en avant la dualité du personnage issu d'un père démoniaque, grâce à des dialogues entre Merlin et le Diable[123]. D'autres en font un personnage obsédé par la quête de la connaissance, via l'astrologie et l'alchimie[116]. En 1909, le jeune poète français Guillaume Apollinaire, âgé de dix-huit ans, écrit sa première œuvre publiée, L'Enchanteur pourrissant. Mélange de théâtre, de poème et de roman, cet ensemble très désenchanté constitue le creuset de la poésie d'Apollinaire[124].
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+ Jean Cocteau écrit en 1937 la pièce Les Chevaliers de la Table ronde, dans laquelle il fait ressortir beaucoup d'aspects négatifs chez Merlin, un « vieil enchanteur génial et cruel […] logé comme une araignée au centre de sa toile ». Cette image est liée aux « enchantements de la drogue », l'opium que Cocteau consomme alors en abondance[79].
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+ Le Cycle de Merlin de Mary Stewart (1970-1979) reprend la matière médiévale. Il compte cinq tomes : La Grotte de cristal, Les Collines aux mille grottes, Le Dernier Enchantement (tous trois parus chez Calmann-Lévy en 2006) ainsi que deux romans jamais traduits en français, The Wicked Day, et The Prince and the Pilgrim. Michel Rio a écrit Merlin en 1989, roman d'une trilogie regroupée en un seul tome en 2006 sous le titre de Merlin, le faiseur de rois[Rio 2]. Le personnage y naît d'un inceste entre son grand-père et sa mère[125], il est désabusé, plus philosophe et homme d'état qu'enchanteur. Les thèmes de la mort et de la guerre sont récurrents[79]. Jean Markale, auteur d'une adaptation des romans du Graal, a imaginé un épilogue original dans son roman La Fille de Merlin. Elle rencontre le barde Taliesin à la recherche de l'épée Excalibur, dérobée par les Saxons au roi Arthur après sa mort[126].
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230
+ Graal (2003) et Graal Noir (2010) forment une série de Christian de Montella, dans laquelle Merlin est le fils du diable. Avec ses pouvoirs, il aide les chevaliers de la Table ronde à accomplir leur destin. Les mémoires de Merlin de Guy D'Amours présentent un « Merlin historique » au début du Moyen Âge, après la chute de l’Empire romain[127].
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+ Plus connu pour ses œuvres de science-fiction, René Barjavel parle longuement de Merlin dans L'Enchanteur[128]. Ce roman dans le registre du conte est nettement optimiste, féerique et merveilleux[79]. Comme la plupart des œuvres de Barjavel, il est centré sur l'amour, célébrant tout entier l'union impossible de Merlin et Viviane[128] : Merlin ne doit pas se laisser aller à aimer Viviane sous peine de perdre ses pouvoirs, qui dépendent de sa virginité. L'Enchanteur se présente comme un magicien capable de se métamorphoser en cerf et en oiseau (notamment en corbeau blanc), un « maître du monde végétal »[129] et des forces du vent[Ba 3]. Entièrement vêtu de vert, les paysans le prennent pour un ancien dieu forestier[79]. Il naît « couvert de poils comme un enfant sanglier »[129], sa première apparition se fait sous l'apparence du cerf blanc[Ba 4], en écho à l'histoire de Grisandole[79]. Il aide à l'établissement de la Table ronde et lance les chevaliers sur la quête du Graal[Ba 5], le roman s'achève par l'union éternelle de Merlin et Viviane, dans une « chambre d'air » invisible, une « chambre d'amour que le temps promène »[130].
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+ Le Cycle de Pendragon, écrit par Stephen Lawhead entre 1987 et 1999, présente Merlin comme étant à lui seul différents personnages cités dans les sources historiques. Il fait remonter les origines de la légende arthurienne, et donc de Merlin, à la chute de l'Atlantide. Ce cycle est parfois qualifié de semi-historique (dans la mesure où le cadre historique est davantage mis en avant que l'aspect magique), et parfois de fantasy. Merlin est le narrateur du second tome du cycle et du quatrième, Pendragon. Il aide l'avènement du roi Arthur, destiné à sauver la Bretagne sur les plans spirituels et politiques[131]. Ces romans rencontrent un grand succès dans de nombreux pays[132]. Stephen Lawhead s'est appuyé sur les Mabinogion et les écrits de Geoffroy de Monmouth[133], ses textes sont également nettement influencés par la culture chrétienne[131].
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+
236
+ Les œuvres littéraires modernes autour de Merlin appartiennent majoritairement au genre fantasy, la fantasy arthurienne étant un sous-genre à elle seule[134].
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238
+ L'Américaine Andre Norton écrit en 1975 Le miroir de Merlin (Merlin's mirror), où Myrddin est engendré par des extraterrestres et s'oppose à Nimue, la Dame du Lac, pour permettre l'avènement du roi Arthur en Angleterre après la chute de l'Empire romain[135]. Dans son roman initiatique Le retour de Merlin, Deepak Chopra imagine la résurrection de Merlin et Mordred dans une petite ville anglaise à l'époque moderne[136]. Jean-Louis Fetjaine écrit la série Le Pas de Merlin de 2002 à 2004, œuvre qui présente Merlin en barde du VIe siècle, assez éloigné du personnage médiéval de la légende arthurienne, sur une île de Bretagne menacée par les invasions des Pictes et des Gaëls[137]. D'après Anne Besson, son univers est une fusion entre la légende médiévale habituelle et la fantasy définie par Tolkien, puisque Merlin y est de nature merveilleuse, mi-homme et mi-elfe[134]. La suite, Brocéliande, raconte la quête des origines de Merlin en forêt de Brocéliande[138]. Robert Holdstock, dans Le Codex Merlin (trois tomes : Celtika, Le Graal de Fer et Les royaumes brisés, publiés chez Pocket et Le Pré aux clercs), présente Merlin comme un être immortel et éternellement jeune, en quête de savoir. Il rencontre le Grec Jason dans la quête de la Toison d’or[139]. Son roman Le Bois de Merlin se déroule en forêt de Brocéliande après la mort du magicien[140].
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+
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+ Merlin d'Ambre est le personnage central de la seconde partie de la saga des Neuf Princes d'Ambre (ou Cycle de Merlin) par Roger Zelazny. Fils de Corwin et de Dara, il est féru d'informatique et très doué dans la pratique de la magie. D'autres cycles de fantasy mentionnent Merlin sans en faire un personnage central, ainsi la saga de Harry Potter, écrite par J. K. Rowling, présente Merlin comme le plus grand et célèbre sorcier de tous les temps[141]. La Quête d'Ewilan, trilogie écrite par Pierre Bottero, raconte que Merlin serait Alavirien, un dessinateur hors pair. Il s'appellerait en réalité Merwyn Ril'Avalon. Dans sa saga Les Dames du lac, Marion Zimmer Bradley fait de Merlin un druide sage et mortel, évacuant de son œuvre toute référence à la magie[134].
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+
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+ Certaines œuvres sont dédiées au jeune public, comme l'adaptation illustrée de Claudine Glot La Légende de Merlin[142]. Dans la série Azilis de Valérie Guinot (L'Épée de la liberté, La Nuit de l'enchanteur et Le Sortilège du vent), qui se déroule au Ve siècle, l'héroïne homonyme devient l'élève de Myrddin[143] et tombe amoureuse de lui[144]. Dans la série L'Apprentie de Merlin, par Fabien Clavel, l'héroïne Ana apprend aussi les secrets magiques de Merlin. Les Descendants de Merlin d'Irene Radford, paru en 2007 chez Points, a pour protagoniste Wren, la fille de Merlin et d'une grande prêtresse de Dana. La série de romans Merlin, écrite par Laurence Carrière depuis 2009, raconte l'enfance et l'adolescence du jeune Merlin en mêlant données historiques et éléments de fantasy. Elle compte six tomes : L'École des druides, L'Épée des rois, Le Monde des ombres, Les Portes de glace, L'Étrange Pays des fées et La Colère des géants.
243
+
244
+ Certaines œuvres sont imprégnées d'humour, c'est le cas du roman de Mark Twain, Un Yankee à la cour du roi Arthur (en anglais : A Connecticut Yankee in King Arthur's Court), écrit en 1889. Et de Merlin l'Ange Chanteur, troisième tome du cycle Quand les dieux buvaient de Catherine Dufour, dans lequel Merlin est un Archange griffu se nourrissant de foi et de souffrance humaine. L'oulipien Jacques Roubaud a beaucoup travaillé sur la légende arthurienne, avec ses deux œuvres Graal fiction (1978)[145] et Graal théâtre (chez Gallimard). Dans la première, sur un ton humoristique, il relit et réécrit certains passages de la légende arthurienne pour en expliquer les mystères[79].
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+
246
+ Au début des années 1880, Georges Marty compose le poème symphonique Merlin enchanté[146]. En 1887, Károly Goldmark créé son second opéra, Merlin. Myrdhin est le second opéra du compositeur breton Paul Ladmirault, composé en 1909. Merlin apparaît également dans l'opéra d'Ernest Chausson, Le Roi Arthus, créé le 30 novembre 1903, quatre ans après la mort du compositeur. Il est le personnage principal de l'opéra Merlin (en) d'Isaac Albéniz.
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+ Boris Vian, dans la pièce et l'opéra Le Chevalier de neige (respectivement en 1953 et 1957), présente Merlin comme « l'Homme Vert », incarnation du bien par opposition à la Fée Morgane[BaA 8]. Laurence Naismith interprète le personnage de Merlyn dans la version filmée de la comédie musicale Camelot (basée sur l'œuvre de T. H. White)[147]. Merlin ou la Terre dévastée (Merlin oder das wüste Land), pièce de théâtre allemande assez complexe jouée pour la première fois en 1981, prend la forme d’un spectacle-fleuve où Merlin est à la fois scénariste et spectateur du mythe arthurien[148]. Le groupe de rock néerlandais Kayak a intitulé son huitième album Merlin. The Myths and Legends of King Arthur and the Knights of the Round Table, album conceptuel de Rick Wakeman sorti en 1975, compte une chanson consacrée à Merlin (Merlin the Magician), et constitue l'une des plus intéressantes adaptations de la légende arthurienne sur support musical[149]. En Bretagne, le harpiste celtique Rémi Chauvet a pris pour pseudonyme le nom de « Myrdhin », en référence à Merlin[150] et un groupe de rock formé en 1996 à Landerneau se nomme Merzhin. Le compositeur nantais Alan Simon a élaboré entre 1998 et 2013 une trilogie appelée Excalibur, comportant trois albums-concepts et plusieurs spectacles narrés par Merlin, dont le rôle est tenu par divers artistes (Dan Ar Braz, Jean Reno, Michael Mendl)[151]. Deux romans poursuivent l'aventure.
249
+
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+ À partir des années 1960, le cinéma succède au théâtre pour mettre en scène Merlin. L'une de ses représentations les plus connues au cinéma est celle du film d'animation Merlin l'Enchanteur en 1963, inspiré du roman L'Épée dans la pierre[147]. Ce film d'animation des Studios Disney réalisé par Wolfgang Reitherman montre une image puérile du personnage, dont les pouvoirs se limitent à la métamorphose[BaR 2]. Jouant sur l'humour, il est destiné à un jeune public[148]. Le film Excalibur de John Boorman, réalisé en 1981 avec Nicol Williamson dans le rôle de Merlin[147], offre un propos bien différent. Boorman a toujours considéré Merlin comme « le personnage le plus intéressant des légendes ». Il présente l'enchanteur comme « un mythe dont la Bretagne (Britain) a besoin ». Le Merlin de Boorman réunit une combinaison d'archétypes jungiens : vieil homme sage, métamorphe et Trickster, doué de prescience, d'une affinité avec le monde animal (il parle aux chevaux) et avec le dragon, il est chargé de l'éducation d'Arthur, tout en formant un élément humoristique du film[152]. En 1996 sort Les Nouvelles Aventures de Merlin l'Enchanteur (en VO : Merlin's Shop of Mystical Wonders), film d'horreur américain.
251
+
252
+ Dans le film d'animation de Chris Miller Shrek le troisième, sorti en 2007, on rencontre un Merlin à la retraite et incapable de faire correctement de la magie. Le personnage est présent aussi dans le film La Dernière Légion où l'on suit la destinée d'un certain druide Ambrosinus (en réalité Merlin) qui devient tuteur du dernier empereur de Rome et de son fils Arthur[153]. Dans L'Apprenti sorcier, sorti en 2010, le personnage principal apprend qu'il est le dernier descendant de Merlin et qu'il doit combattre la fée Morgane.
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+ Tout comme le cinéma, la télévision ne manque pas de consacrer régulièrement des productions au personnage de Merlin. On rencontre un Merlin retiré du monde et vivant de nos jours dans la série Monsieur Merlin diffusé sur CBS (1981-1982). Dans le téléfilm de 1998 Merlin, réalisé par Steve Barron, le protagoniste (joué par l'acteur Sam Neill) combat la déesse païenne Mab[147]. Une suite a été tournée en 2006, L'Apprenti de Merlin[BaR 3]. Le téléfilm Le Retour de Merlin, réalisé en 2000[BaR 4], reçoit un mauvais accueil critique[154].
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+
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+ Merlin contre les esprits d'Halloween, un téléfilm d'animation créé en 2006, est inspiré de la bande-dessinée de Joann Sfar. Toujours en France, la série humoristique Kaamelott (2005-2009), réalisée par Alexandre Astier, voit Jacques Chambon jouer un Merlin incompétent[BaR 5]. La BBC One diffuse de 2008 à 2012 la série Merlin, avec Colin Morgan dans le rôle du protagoniste dont la jeunesse est racontée. Le personnage apparaît aussi au centre de la série Camelot où Joseph Fiennes interprète un Merlin manipulateur et torturé par son usage de la magie. Le téléfilm français en deux parties Merlin, réalisé par Stéphane Kappes avec Gérard Jugnot dans le rôle de Merlin, a été diffusé à la télévision en France et en Belgique fin 2012. Il a reçu un mauvais accueil critique en raison notamment de ses effets spéciaux[155].
257
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258
+ Certaines séries télévisées consacrent un épisode particulier à Merlin ou en font un personnage secondaire, ainsi dans Au cœur du temps (The Time Tunnel) en 1967, Christopher Cary incarne Merlin, the Magician dans l'épisode homonyme[147]. Dans Stargate SG-1 (de Brad Wright et Jonathan Glassner, 1997-2002), Matthew Walker joue le rôle de Merlin. Le téléfilm réalisé par Roger Young en 1998, Le Chevalier hors du temps, voit Ian Richardson incarner le magicien[BaR 6].
259
+
260
+ Merlin apparaît dans l'univers de DC Comics, dans lequel toute la mythologie autour du personnage est reprise, avec notamment la fée Morgane et Nimue. De même, Thor (1962-), série de Comics de Marvel, présente un super-vilain nommé Merlin. Philippe Le Guillou campe un Merlin contemplatif dans l'ouvrage Immortels : Merlin et Viviane, avec Paul Dauce[BaA 8]. Brucero a abondamment illustré Merlin sur les textes de Catherine Quenot dans Le Livre secret de Merlin[156].
261
+
262
+ Merlin (1999-2003) est une série de bande dessinée humoristique retraçant l'enfance de Merlin, dont le scénario est signé Sfar. Les deux séries Merlin (2000-2009, BD réaliste retraçant la jeunesse de Merlin) et Merlin, la quête de l'épée (2009-), scénarisées par Jean-Luc Istin, appartiennent au genre fantasy et présentent un personnage d'origine païenne. Elles connaissent un grand succès[157]. Merlin apparaît également dans la série Le Chant d’Excalibur d'Arleston Scotch et Éric Hübsch. Réveillé en plein Moyen Âge par la destruction de son dolmen-prison, il part en quête au côté la jeune Gwyned, une descendante de Galaad, pour raviver le peuple magique. Celui-ci est en effet menacé de disparaître faute de croyants en ces temps de christianisation galopante. L’enchanteur y est dépeint comme crasseux, ivrogne et libidineux.
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+ Dans le manga Seven Deadly Sins, Merlin, une femme, est l'un des personnages principaux de l'oeuvre. Lors de sa première apparition, elle est mage garde du corps de Arthur Pendragon, roi de Caamelot.
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+ L'univers des jeux fait lui aussi régulièrement appel à Merlin. Dans la série de livres-jeux Quête du Graal (1984-1987), il est le mentor du héros, Pip. En 1998, le jeu de société Merlin, destiné aux jeunes, est créé par Reinhard Staupe. Il est réédité en 2003[158]. Dans la série de jeux vidéo Paper Mario (2000-), le personnage de Merlon est présenté comme le cousin de Merlin[159]. D'autres jeux sont inspirés de licences cinéma ou télévisées, c'est le cas de Merlin: A Servant of Two Masters sur Nintendo DS, sorti en 2012 et inspiré par la série télévisée de la BBC[160], ainsi que pour la série de jeux vidéo Kingdom Hearts, où la version Disney du personnage de Merlin apparaît dans quelques épisodes de la série (Kingdom Hearts, Kingdom Hearts 2 et Kingdom Hearts: Birth by Sleep).
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+ Merlin (en gallois Myrddin, en breton Merzhin), communément appelé Merlin l'Enchanteur, est un personnage légendaire, prophète magicien doué de métamorphose, commandant aux éléments naturels et aux animaux dans la littérature médiévale. Sa légende provient à l'origine de la mythologie celtique galloise, et s'inspire certainement d'un druide divin, mêlé à un ou plusieurs personnages historiques. Son image première est assez sombre. Les plus anciens textes concernant Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne le présentent en « homme des bois » torturé et atteint de folie, mais doué d'un immense savoir, acquis au contact de la nature et par l'observation des astres. Après son introduction dans la légende arthurienne grâce à Geoffroy de Monmouth et Robert de Boron, Merlin devient l'un des personnages les plus importants dans l'imaginaire et la littérature du Moyen Âge.
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5
+ Dans le cycle arthurien, dont il est désormais indissociable, Merlin naît d'une mère humaine et d'un père diabolique. Bâtisseur de Stonehenge, il emploie ses sortilèges pour permettre la naissance du Roi Arthur et son accession au pouvoir, grâce à l'épreuve de l'épée Excalibur et à la formation de la Table ronde. Conseiller du roi et de ses chevaliers, il prédit le cours des batailles, influe sur leur déroulement et entraîne la quête du Graal. Homme sauvage proche du monde animal, Merlin se retire régulièrement en forêt pour y rencontrer son scribe et confident Blaise. Son histoire connaît différentes fins selon les auteurs, la plus connue étant celle où il tombe éperdument amoureux de la fée Viviane, à laquelle il enseigne ses secrets de magicien. Elle finit par l'enfermer à jamais dans une grotte ou une prison d'air, en usant de l'un de ses propres sortilèges.
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7
+ Merlin est mentionné très régulièrement dans la littérature depuis le Moyen Âge, qui a construit son image par inspiration successive entre différents auteurs. Archétype du sorcier ou du magicien, son nom est fréquemment associé à la fonction d’« enchanteur », notamment depuis que ce terme a servi de titre à la version française du célèbre dessin animé de Walt Disney dans les années 1960, Merlin l'Enchanteur. Il reste une source d'inspiration pour de nombreux auteurs et artistes, comme Guillaume Apollinaire (L'Enchanteur pourrissant), René Barjavel (L'Enchanteur), Stephen R. Lawhead (Cycle de Pendragon) et T. A. Barron (Merlin). Son mythe est enfin, de nos jours, le sujet de romans, de poèmes, d'opéras, de pièces de théâtres, de bandes dessinées, de films, de téléfilms, de séries télévisées, et de jeux.
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+ Il existe de nombreuses théories concernant l'origine du nom de Merlin. Il est également connu sous la forme latine « Merlinus », galloise « Myrddin », « Merddin » ou « Myrdhin », bretonne Murlu, Merlu, Aerlin ou Merlik[1], ou cornique « Marzhin ». D'après l’Oxford English Dictionary, le nom le plus ancien est le gallois Myrddin, via le barde Myrddin Wyllt, l'un des personnages historiques qui auraient inspiré le Merlin légendaire. Geoffroy de Monmouth latinise ce nom en Merlinus vers 1135. Le médiéviste Gaston Paris pense qu'il a choisi la forme « Merlinus » plutôt que le plus logique « Merdinus » afin d'écarter toute homophonie avec le mot anglo-normand « merde » (du latin merda)[2],[S 1]. Henri d'Arbois de Jubainville suppose le résultat de la « tendance du d à se changer en l dans les langues indo-européennes »[Va 1]. D'après Martin Aurell, la forme latine Merlinus est une euphonie de la forme celtique, pour rapprocher Merlin du merle blanc en lequel, avec ses pouvoirs chamaniques, il peut se métamorphoser[3].
10
+
11
+ La théorie la plus répandue concernant l'origine du nom gallois Myrddin, selon Claude Sterckx, est celle de Caerfyrrdin[St 1]. Elle est proposée par le celtisant Alfred Owen Hughes Jarman, d'après qui Myrddin (mərðɪn) provient du toponyme Caerfyrddin, nom gallois de la ville désormais connue sous le nom de Carmarthen[4]. Elle entre en contradiction avec l'étymologie populaire, selon laquelle le nom de cette ville provient du barde du même nom. Ce qui pourrait être « la ville de Myrddin » serait plutôt une évolution du nom romain (latin) « castrum moridunon » (Moridunum), soit « le Fort du Manoir de la mer »[St 1],[4],[2], mais l'origine de cette étymologie reste peu connue[LRGu 1].
12
+
13
+ En 1965, Eric P. Hamp propose une étymologie assez proche, Morij:n, soit « le maritime ». Il n'existe pas de lien évident entre Merlin et la mer dans les textes à son sujet[St 1], mais cette théorie s'expliquerait par la nature du père de Merlin dans les textes gallois, Morfryn[5]. Il pourrait être un démon maritime, décrit plus tard comme le Diable ou un incube[WaD 1].
14
+
15
+ Dans nombre de récits à son sujet, Merlin peut prendre la forme d'un oiseau, c'est le cas notamment dans La Folie de Suibhne (Buile Shuibhne). De plus, en anglais, le Faucon émerillon (Falco columbarius) est surnommé « merlin »[WaD 2] : de nombreux écrivains de fiction n'ont pas manqué de souligner cette analogie[K 1]. En langue française, une association logique est de lier Merlin au merle[WaD 2]. Ainsi, le folkloriste Jean Markale considère que le nom de Merlin est d'origine française, et signifie « petit merle », allusion au caractère persifleur et provocateur qu'on lui prête dans les récits du Moyen Âge[6].
16
+
17
+ Cette théorie n'est pas universellement retenue, et présente le désavantage de ne s'appliquer qu'au français médiéval. Elle explique cependant l'existence de l'« esplumoir Merlin » comme une sorte de nid où Merlin se métamorphose, en abandonnant son apparence d'oiseau[7]. Dans l'imaginaire celtique, le merle est un oiseau de l'Autre Monde, en raison notamment de son chant mélodieux qui rappelle celui des bardes et transporte celui qui écoute. En ce sens, la mythologie du merle est proche du personnage de Merlin[WaD 3].
18
+
19
+ Le merle blanc est aussi le titre d'un conte populaire français (conte-type 550) dans lequel l'oiseau est l'équivalent d'un enchanteur, capable de rajeunir autrui à volonté, objet d'une quête confiée par un roi vieillissant. Par son pouvoir sur l'écoulement du temps et sa capacité à restaurer le pouvoir de la royauté, cet oiseau magique rappelle Merlin[WaD 4]. Sa blancheur est une marque de sa nature féerique, un motif fréquent dans l'univers celtique. Les analogies entre Merlin et le merle s'apparentent davantage à un rapprochement postérieur qu'à une véritable étymologie, puisque le nom français de Merlin est plus tardif que les autres formes[WaD 5].
20
+
21
+ Le gallois Myrddin a donné le français « Martin ». La forme Marzin rappelle aussi les Marses, dont le nom est venu à désigner les sorciers et charmeurs de serpents. La racine de l'ours Arth (que l'on retrouve dans l'étymologie d'Arthur) en est assez proche[WaD 6]. Ce rapprochement est en lien avec saint Martin[8], qui dispose de pouvoirs comparables à ceux de Merlin (bien que les siens proviennent de Dieu, et non de forces panthéistes)[WaD 6]. Le personnage de Merlin l'a vraisemblablement inspiré[9], saint Martin étant à l'origine un avatar gaulois de Merlin qui a été christianisé[WaD 7].
22
+
23
+ Le Merlin connu actuellement à travers les contes et les dessins animés, enchanteur, prophète, homme des bois, maître des animaux et des métamorphoses, sage et magicien proche de la nature, a connu une longue évolution. Merlin n'est pas une création des auteurs du cycle arthurien, son origine est bien plus ancienne. Il est en quelque sorte redécouvert, christianisé et réinventé par différents auteurs pour y figurer[WaD 8]. À l'origine, les textes gallois le voient comme un barde[Va 2]. « Personnage capital du Moyen Âge »[WaD 8], Merlin devient un véritable mythe littéraire grâce à sa popularité[S 2].
24
+
25
+ Bien avant d'être un personnage littéraire, Merlin appartient à une tradition orale[S 2] galloise : selon les poèmes locaux, il se nomme Myrddin et vit en Cumbria[K 2]. Un débat ancien oppose les partisans d'une origine historique à ceux d'une origine mythologique[WaD 9]. Il est peu vraisemblable qu'il soit une création littéraire du Moyen Âge[WaD 10]. Pour Claude Lecouteux, il provient « de la littérarisation et de la christianisation d’un individu venu d’ailleurs, d’un lointain autrefois que même les auteurs du XIIe siècle ne comprenaient sans doute plus »[10]. Par ses pouvoirs, Merlin s'apparente davantage à une créature de légende qu'à un être humain[WaD 9]. La théorie la plus probable, soutenue par Philippe Walter (Dr h. c.) et différents universitaires, serait qu'il soit né d'une fusion entre un personnage légendaire celte et un personnage historique, un chef de clan supposé et nommé Myrddin, confondu avec l'Ambrosius dont parle saint Gildas[11].
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+ Les récits légendaires autour de Merlin prennent certainement leurs sources dans un fond celtique ou pré-celtique antérieur aux influences chrétiennes[WaD 8],[WaD 11]. Quelques croyances « folkloriques et édulcorées » autour des rituels druidiques ont pu survivre par l'oralité jusqu'au XIIe siècle, quand les clercs couchent cette matière orale à l'écrit[WaD 12]. Le Merlin primitif commet les « trois péchés du Druide »[LRGu 2] et se retrouve déchu de ses anciennes fonctions, sous l'influence du christianisme qui diabolise la « magie druidique ». Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne se convertissent tous trois à la foi chrétienne à la fin de leurs récits respectifs[WaD 13]. Philippe Walter voit dans la légende celtique originelle de Merlin celle d'un druide divin lié à des rituels saisonniers calendaires, d'où son image d'homme des bois, d'astrologue, de devin et de magicien[WaD 14]. Merlin pourrait être un ancien druide divin ou un dieu-druide[12], mais l'absence de sources d'époque rend impossible tout lien certain vers un fond mythologique exclusivement celte[WaD 10]. L'existence d'un mythe fondateur autour de Merlin dans la mythologie celtique semble peu probable. Cette théorie ne peut toutefois pas être totalement écartée, les premiers auteurs des écrits mentionnant Merlin s'appuyant sur le folklore populaire oral de leur époque[WaD 15]. Lors de sa christianisation, il perd certaines de ses anciennes caractéristiques comme sa maîtrise du temps, un attribut divin[WaD 16].
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+ Les pratiques chamaniques montrent beaucoup de points communs avec les pouvoirs attribués à Merlin, laissant à penser qu'il trouverait son origine dans un chamanisme eurasiatique primitif : ensauvagement, prophétisme et transformation en oiseau[S 3],[Va 3]. A. Mac-Culloch trouve des analogies entre le chamanisme pratiqué dans l'Altaï et les pratiques des Celtes[13], mais le celtisant Christian-Joseph Guyonvarc'h réfute l'idée d'un « chamanisme celtique »[14]. Il est tout aussi délicat de lier Merlin à un personnage pré-indo-européen, il ne représente clairement aucune des trois grandes fonctions des Indo-européens (guerre, fécondité et sacerdoce). Il a pu évoluer de roi guerrier vers une fonction plus spirituelle[WaD 17], ce qui l’assimilerait aux dieux « protéens » des Celtes et des Indo-européens, dont parle Claude Sterckx[St 2].
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+ Nikolaï Tolstoï et Jean Markale ont suggéré qu'il était un avatar de Cernunnos, divinité celte de la nature[15]. Il rappelle la tradition des divinités et créatures païennes de la nature et des forêts, comme le Sylvain, Sylvanus, le Faune et l'Homme sauvage[WaD 10],[Va 4]. Cette filiation est d'autant plus probable que Merlin raconte lui-même la légende de Faunus et de Diane dans le cycle Post-Vulgate[Va 5]. Le Sylvain peut se présenter comme un vieillard et posséder la force d'un jeune homme, comme Merlin[S 3].
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+ Dès 1868, Henri d'Arbois de Jubainville se pose la question de l'historicité de Merlin, et en conclut que sa légende a été fabriquée de toutes pièces pour expliquer le nom de Carmarthen (en gallois Caerfyrddin)[16]. Par la suite, certains chercheurs comme J. Douglas Bruce soutiennent que Merlin est une invention littéraire de clercs inspirés par les légendes celtiques[Z 1].
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+ L'existence d'un ou de plusieurs « Merlins historiques » est toutefois défendue par de nombreuses personnes, dont la professeur émérite Dr Norma Lorre Goodrich[17] et le doctorant québécois Guy D'Amours[18]. Selon eux, ce Merlin historique a inspiré différents auteurs depuis le VIe siècle, à travers des manuscrits disparus désormais. Deux personnages historiques gallois seraient à l'origine du Merlin littéraire : un chef de clan nommé Ambrosius Aurelianus (cité dans le sermon de saint Gildas pour ses prophéties et sa bravoure au combat) et le barde gallois Myrddin Wyllt[R 1]. Pour Philippe Walter, même si Myrddin est présenté comme un personnage historique dans certaines sources d'époque, cela ne signifie pas qu'il ait réellement existé. Les chroniqueurs médiévaux utilisent beaucoup d'éléments légendaires dans leurs écrits[WaD 15].
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+ Norma Lorre Goodrich et l'occultiste Laurence Gardner défendent une théorie qui rejoint une certaine historicité. Pour Goodrich, « Merlin » est un titre porté originellement par l'évêque qui a couronné le roi Arthur historique[19]. Pour Gardner, Myrddin était à l'origine le titre du devin du roi (« Seer to the king »), Taliesin étant le premier d'entre eux. Certaines personnes portant ces titres auraient inspiré la légende de Merlin[20].
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+ La naissance de Merlin n'est détaillée que par les auteurs chrétiens de la légende arthurienne. L’Historia Brittonum mentionne simplement qu'il est un « enfant sans père »[21]. Le nom de sa mère n'est généralement pas précisé, mais elle s'appellerait Adhan selon une vieille version des Prose Brut chronicles[22]. L'identité de son père incube est assez floue. Philippe Walter postule qu'il était peut-être à l'origine un démon maritime ou un « vieux de la mer » (d'où l'étymologie de Mori:jn, « né de la mer », pour le nom de Myrddin[WaD 1]), voire un esprit du souffle ou du vent avant de devenir un incube dans la transposition chrétienne et courtoise de la légende[S 4]. Une stance des prophéties galloises le qualifie de Myrddin ap Morfryn, soit « Merlin fils de Morfryn », sans autre indication[Go 1].
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41
+ Dans son Historia regum Britanniae, Geoffroy de Monmouth écrit un commentaire dans lequel il suggère que Merlin est peut-être le fils d'un incube surnaturel, « de la nature des hommes et de celle des anges », qui aurait pris forme humaine pour approcher une femme vierge[23]. Sans doute inspiré par ce commentaire, le trouvère normand Robert de Boron fait de Merlin un cambion, né d'une mère humaine et d'un père démoniaque dont il a hérité ses pouvoirs[24].
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+ Le démon qui engendre Merlin est nommé Aquipedes (ou enquipedes, equibedes, engibedes), soit « aux pieds de cheval », par référence au cauchemar, dans les œuvres attribuées à Robert de Boron[S 5] :
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+ Sœur d'une prostituée, la mère de Merlin sait courir un grand danger et demande conseil à son confesseur Blaise, qui lui dit de ne jamais se mettre en colère et de garder une bougie allumée en permanence dans sa chambre, pour en éloigner le Diable. Mais un jour, elle se fâche contre sa sœur, se couche habillée et oublie la bougie. Le démon en profite pour concevoir Merlin qui est destiné, par sa naissance, à être un antéchrist[S 6],[Bo 1]. La mère se repent[Bo 2]. Merlin naît couvert de poils comme un animal, signe de sa filiation diabolique ou d'un rapport avec l'ours[26]. Son père maléfique lui donne la capacité de voir le passé, sa mère touchée par la grâce de Dieu celle de voir l'avenir[S 2].
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+ Dans le Lancelot-Graal, le Diable se présente à une femme vierge et fort pieuse sous l'apparence d'un bel homme étranger. La naissance de Merlin est très différente dans le cycle Post-Vulgate, où un homme sauvage viole une femme endormie dans la forêt. Les écrivains modernes, comme Stephen R. Lawhead (1950-), auteur du Cycle de Pendragon, laissent eux aussi courir leur imagination sur la naissance de Merlin. Ce dernier le lie à la légende de l'Atlantide. Charis, fille du Roi Avallach d'Atlantide, sa mère, en serait native. Son père Taliesin est un breton, fils d'Elffin le roi de Caer Dyvi[27]. Michel Rio fait de Merlin le fruit d'un viol incestueux entre son grand-père (surnommé « le Diable ») et sa mère dans sa trilogie Merlin, le faiseur de rois[28].
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+ Dans tous les textes médiévaux, Merlin naît porteur d'une grande sagesse et montre une exceptionnelle précocité intellectuelle[29], comme en témoigne l'épisode où, enfant, il défie les mages de Vortigern qui souhaitent le sacrifier[30]. Dès sa naissance, il est capable de parler et de prophétiser[Bo 3]. Les auteurs de l'époque romantique, entre autres Edgar Quinet, ne manquent pas de souligner ce savoir exceptionnel et inné :
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+ « L'enfant vint au monde, sans bruit, sans gémissements, obscurément, dans un coin du cloître ; mais quel ne fut pas l'étonnement de sa mère, qui n'osait pas même lui présenter le sein, lorsqu'elle entendit l'enfant lui dire d'une voix d'homme : « Mère, ne pleurez pas, je vous consolerai ! » Son étonnement redoubla lorsqu'elle le vit, échappé de ses langes, marcher à grands pas un livre à la main : « Qui t'a appris à lire, Merlin ? — Je le savais avant de naître. »
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+ — Edgar Quinet, Merlin l'Enchanteur[31]
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+ L'une des caractéristiques les plus évidentes chez Merlin, comme l'évoque bien son surnom d'« enchanteur », est sa capacité à pratiquer la magie, à prophétiser, se métamorphoser et transformer l'apparence d'autrui. Il est aussi un bâtisseur fabuleux[S 2] grâce à sa connaissance des secrets des pierres, doté d'une science et d'un savoir sans limites[Z 2]. Insoumis aux lois du temps, Merlin peut se présenter alternativement comme un enfant ou un vieillard. Ses traits de personnalité rappellent autant l'enfant « par son goût du jeu, du déguisement et du canular », que le vieillard par « son détachement, sa sagesse et son expérience »[30]. Pour prédire les événements, Merlin voyage à volonté dans le passé ou le futur[WaD 16],[Note 1]. Par son talent, il est aussi un maître ou une divinité de la parole qui représente la « véritable essence de son être »[S 7],[WaD 19]. Comme dans la tradition druidique où elle est langue sacrée des dieux, magie, prophéties et poésie découlent de ses paroles[S 8]. Bien qu'il possède d'immenses pouvoirs et sache tout du passé comme de l'avenir, Merlin est rempli de contradictions. Dans les romans français, il est trahi par ses élèves en magie, Viviane et Morgane. Dans les récits britanniques, il connaît des périodes de folie et d'immense tristesse dans la forêt[R 1].
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+ Robert de Boron insiste sur sa position « au cœur de la lutte entre le bien et le mal », par sa naissance (il est le fils du Diable) et la rédemption de sa mère.
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+ Merlin utilise ses pouvoirs pour servir les desseins divins (aider l'avènement d'Arthur, la création de la Table ronde et la quête du Graal, notamment par Perceval) ou des objectifs plus troubles[R 1],[Z 3]. Au service des rois, il lutte contre les envahisseurs de la Bretagne mais son apparence effrayante et ses métamorphoses suscitent peur et méfiance[R 1].
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+ Merlin peut revêtir beaucoup de formes : enfant, vieillard, bûcheron, homme sauvage, génie sylvestre[R 1]… Dans le Roman de Merlin[Note 2], il apparaît au roi Arthur sous la forme d'un enfant de quatre ans pour lui reprocher d'avoir péché en faisant l'amour avec sa sœur Morgane, puis sous celle d'un vieillard où il annonce qu'un chevalier à naître (Mordred) causera la perte du royaume[32].
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+ Merlin peut aussi se changer en animaux. Les pouvoirs du Suibhne irlandais s'apparentent à ceux d'un chaman tels que les décrit Mircea Eliade, par sa capacité à voler et à se métamorphoser, notamment en oiseau[WaD 5],[Note 3]. Une autre métamorphose habituelle chez Merlin est celle du cerf, notamment dans les romans en prose[S 9] :
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+ Lors jeta son enchantement et se mua en merveillouse figure. Car il devint uns
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+ cers li plus grans et li plus merveillous que nus eüst onques veü, et il ot un des
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+ piés devant blanc et .V. branches en son chief, les greignoures c’onques fuissent
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+ veües sur cerf.
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+
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+ Il jeta alors son enchantement et prit un aspect merveilleux. En effet, il se
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+ transforma en un cerf, le plus grand et le plus extraordinaire qu'on ait jamais vu :
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+ l'une de ses pattes avant était blanche et il portait des bois à cinq branches, les
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+ plus imposants qu'un cerf ait jamais portés.
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+ Sous sa forme animale, Merlin conserve ses pouvoirs et la capacité de parler[33]. Il est également capable de transformer l'apparence d'autrui, Uther Pendragon prenant l'aspect de Gorlois afin de concevoir Arthur sous l'effet de son sortilège[K 3].
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+
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+ Ses talents de bâtisseur sont réputés et grâce à sa maîtrise de la pierre, Merlin peut construire des mégalithes. L'un de ses hauts faits serait d'avoir construit Stonehenge[Note 4]. Gerbert de Montreuil, continuateur de Chrétien de Troyes, raconte aussi qu'il érige un pilier magique enchanté sur le Mont Douloureux, sous le règne d'Uther Pendragon. La présence de ce pilier rend fous les mauvais chevaliers[S 10]. Ce talent de bâtisseur s'associe avec sa connaissance des choses cachées, notamment dans le fameux épisode de la tour du roi Vortigern / Vertigier :
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+
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+ « Voulez-vous savoir, dit Merlin à Vertigier, pourquoi l’ouvrage s’écroule et qui l’abat ? Je vous l’expliquerai clairement. Savez-vous ce qu’il y a sous cette terre ? Une grande nappe d’eau dormante et sous cette eau deux dragons aveugles. L’un est roux et l’autre blanc ; ils sont sous deux rochers, ils sont énormes et connaissent chacun l’existence de l’autre. Quand ils sentent le poids de l’eau sur eux, ils se retournent avec un tel fracas de l’eau que tout ce qui est au-dessus chavire : ce sont eux qui font s’écrouler la tour. »
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+
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+ — Robert de Boron, Merlin[Bo 4]
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+ Merlin détient un savoir inaccessible au commun des mortels, notamment en astronomie[WaD 18]. Ses connaissances sont acquises en marge de la société, par l'observation[WaD 20],[BaA 1]. Il pratique également l'astrologie. Dans la Vita Merlini, il apprend le remariage de sa femme et l'existence de son amant par les astres[WaD 20]. La discussion entre Merlin et Taliesin s'y apparente à une conférence théologique et druidique[WaD 21] entre savants : avec Maeldin, ils forment par ailleurs une triade druidique[WaD 12]. Philippe Walter suppose que Merlin acquiert ses connaissances dans un observatoire en pierres, semblable à certains monuments mégalithiques comme Stonehenge[WaD 20]. Ces particularités le rapprochent nettement des druides de l'Antiquité, qui discutent de la nature du monde et des astres puis transmettent leurs observations aux jeunes, selon Jules César[WaD 21].
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+
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+ Merlin est prophète grâce à son savoir, et si la plupart de ses révélations concernent des événements tragiques, il prédit aussi des règnes à venir, notamment celui d'Uther Pendragon[BaA 2]. En ce sens, il est un astrologue au service exclusif des rois de Bretagne[BaA 3]. Cet aspect est absent des romans français, qui le présentent comme un « enchanteur » sans préciser la nature de son savoir. L'astrologie étant une pratique condamnée par l'Église, Robert de Boron et ses continuateurs taisent cet aspect. Parmi les auteurs modernes, seule Marion Zimmer Bradley, dans Les Dames du Lac, attribue à Merlin un rôle d'astrologue[BaA 4].
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+ Les sources médiévales présentent souvent Merlin comme un « fou »[S 11]. Cette folie suit une défaite guerrière dans la Vita Merlini et la Vie de Saint Kentigern (Lailoken devient fou après une vision, et se cache en forêt). Dans La Folie de Suibhne, l'état est consécutif à la bataille de Magh Rath. Merlin est toujours transformé physiquement et mentalement pendant ses périodes de folie[WaD 22]. Philippe Walter l'analyse comme une rage ou mélancolie « canine » provoquée par un déterminisme astral, une conjonction de planètes ou l'influence lunaire[WaD 23], résultat d'une possession[S 11]. Merlin devient un sauvage, un homme-bête dont le comportement s'approche de celui des divinités sylvestres et des lycanthropes[WaD 24]. Cette folie ne se déclencherait qu'à une date précise du calendrier celtique[WaD 23]. Dans la Vita Merlini, ce serait aux trois jours des Rogations de mai, pendant la lune rousse. Dans la Vie de Saint Kentigern, c'est à l'arrivée de la saison claire pendant la fête de Carnaval[WaD 24]. Sa folie mélancolique s'apparente bien plus au délire scientifique et à un état second permettant de révéler des vérités qu'à une pathologie mentale[WaD 25].
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+ Guy D'Amours voit dans la folie de Merlin une expression d'éveil spirituel, en se basant sur la psychologie analytique de Carl Gustav Jung[34]. Dans la plupart des textes médiévaux (et certaines adaptations modernes[Note 5]), ces périodes de folie aboutissent à une conversion au christianisme, par probable analogie avec la passion du Christ[S 12]. René Barjavel traite longuement de la folie dans son roman L'Enchanteur (1984), à travers un combat dans l'esprit même de Merlin. Il en guérit en faisant corps avec la forêt, pour se fondre en elle[Ba 1]. L'association avec la forêt, lieu où Merlin vit ses périodes de folie, est elle aussi une constante dans les textes de toutes les époques[34].
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+ Robert de Boron n'accorde pas une grande place à la folie de Merlin, mais chez lui, le rire affiche l'altérité de son esprit[35]. Merlin est fréquemment hilare, ce rire peut être l'expression de sa folie[S 11] mais serait plutôt à rapprocher de celui de l'Homme sauvage. Avec sa connaissance du temps et de l'Autre Monde, Merlin (comme Démocrite) rit de l'inconséquence des hommes avant de prophétiser des tragédies. Il a l'intuition de toutes les vérités et des événements à venir, il peut parcourir le temps à l'envers. Son rire de devin renvoie à sa très haute sagesse et sa connaissance sans limites[S 13], suivant une longue tradition d'hommes sauvages et de devins rieurs[WaD 26]. C'est « le signe d'une connaissance surnaturelle qui permet à Merlin de percevoir les choses cachées »[36], notamment les trésors souterrains[WaD 27]. Dans la Vita Merlini, il rit d'un mendiant assis devant une porte parce qu'il devine qu'un trésor est enterré en dessous, puis d'un passant achetant des chaussures et de quoi réparer ses semelles alors qu'il sait que le malheureux va se noyer[BaR 1].
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+ Merlin entretient des rapports étroits avec les forces de la nature, notamment la forêt, le pommier et le dragon. Sa sagesse provient de son contact avec la nature[BaA 5]. C'est aussi un personnage nettement marginalisé. Anne Berthelot le voit comme le reflet d'une humanité déformée, à la limite de la bestialité en raison de son rapport avec les mascarades[K 3]. Stephen Thomas Knight suppose que cette marginalisation résulte de l'immensité de son savoir[K 3]. La sauvagerie de Merlin en fait « l'homme des bois le plus célèbre du Moyen Âge »[WaD 28]. L'ensemble des forces sylvestres, aussi bien la forêt elle-même que les animaux qui la peuplent, est entièrement acquis à sa cause[WaD 29]. La frontière entre Merlin et le monde sylvestre est elle-même floue[WaD 29]. Il est sensible au rythme des saisons avec ses périodes de déclin (folie) et de renouveau[WaD 29]. Il est capable de prendre l'apparence d'animaux et se compare lui-même à certains arbres[WaD 29] : c'est le maître du temps et l'esprit du végétal[WaD 30]. Le saint chrétien ermite Antoine le Grand est assez proche de lui : victime de possessions démoniaques, associé au sanglier, fuyant les hommes pour se rapprocher du divin[S 12].
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+ La forêt forme l'environnement naturel et favori de Merlin[WaD 28]. Les romans français évoquent ses disparitions de la cour d'Arthur pour s'y réfugier, en compagnie de son confident Blaise en Northumberland. Si la forêt de Merlin est située au Nord de la Britannia dans les plus anciens textes, elle est décrite comme étant la forêt de Brocéliande au fil du temps[K 4]. Dans les sources plus anciennes, comme la Vita Merlini, son rapport avec la forêt est différent puisqu'il se réfugie en Calédonie par réaction à une malédiction[WaD 28]. Ce lien le rapproche des divinités celtiques[WaD 28] dont la forêt est le domaine habituel[LRGu 3], et des personnages d'inspiration chamanique, comme l'esprit des forêts toungouses[WaD 28] décrit par Uno Harva, qui monte les bêtes sylvestres et se métamorphose lui-même[37]. Le mythe de l'homme sauvage compte les faunes romains et inclut la légende de Merlin[WaD 1]. Dans la mythologie celtique, la forêt est un passage vers l'Autre Monde, un monde habité par les forces divines[WaD 31]. Pour Merlin, elle est aussi un lieu de science où la présence de la nature préserve les forces magiques : selon la Vita Merlini, c'est dans la forêt que Merlin choisit d'établir sa demeure à soixante-dix portes et soixante-dix fenêtres, où il étudie l'astronomie et l'astrologie[WaD 32].
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+ Le pommier est l'arbre favori de Merlin[WaD 31]. Il en pousse abondamment sur l'île d'Avalon[38]. Cet arbre symbolise la connaissance, l'initiation et l'immortalité[WaD 33]. Le poème « Les pommiers de Merlin », dans le Livre noir de Carmarthen (v. 1250)[39] en montre l'importance, tout comme le début de la Vita Merlini[40] où il se réfugie dans un pommier qui le rend invisible, pour échapper aux troupes ennemies de son seigneur Gwenddolau[WaD 33]. Philippe Walter pense que le pommier, arbre magique auquel Merlin peut s'adresser dans ses périodes de folie, est aussi son arbre protecteur et providentiel, un dispensateur du savoir sacré lié à la divination et à la parole[WaD 34]. Les arbres sont, de manière générale, des dispensateurs de pouvoirs divinatoires et de science pour tous les druides[WaD 35],[LRGu 4]. Merlin se compare occasionnellement à un « chêne pourrissant »[Note 6], arbre des druides, dans la Vita Merlini[WaD 29].
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+ Merlin entretient un rapport privilégié avec les animaux forestiers, notamment le cerf qu'il chevauche (selon Geoffroy de Monmouth), un animal omniprésent dans les cultes celtiques et préceltiques[WaD 36]. Le loup gris (Canis lupus) l'accompagne durant l'hiver[WaD 28] (le nom de son Maître Blaise est en rapport étroit avec celui du loup, Bleizh en vieux breton[WaD 37]), le sanglier[S 12] et/ou le porc (ses disciples sont surnommés « petits cochons » dans les poèmes gallois[41]), et enfin l'ours (il naît poilu comme un ours[WaD 20]) font également partie de ses compagnons. Il comprend les animaux et se fait comprendre d'eux[WaD 37]. Ces caractéristiques renvoient au chamanisme[WaD 28].
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+ Son rapport avec le dragon est particulier. Au contraire des chevaliers de la Table ronde qui combattent les reptiles, Merlin n'est pas un sauroctone. Il apprivoise les dragons, prenant sur eux un ascendant de nature druidique et magique. Le roi Vortigern (Vertigier selon Robert de Boron) trouve un « enfant sans père », Merlin, qui lui apprend qu'un dragon rouge et un dragon blanc se battent sous les fondations de son château[Note 7]). Dans le roman de Robert de Boron, il vient en aide à la famille Pendragon, notamment Uther à qui il permet de coucher avec la femme de ses rêves pour concevoir Arthur. Plus tard, Merlin interprète favorablement l'apparition d'un reptile dans le ciel pendant une bataille. Pour aider Arthur, il utilise une enseigne en forme de dragon vivant[S 14] qui « jette feu et flammes par la gueule »[S 15]. Le dragon revêt pour lui un côté protecteur et totémique[S 16], Merlin est par ailleurs représenté sous forme de dragon lui-même dans une chronique de Jean de Würburg concernant Guillaume François d'Autriche[42].
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+ Merlin est entouré d'autres personnages littéraires provenant d'un fond mythologique celtique ou de la légende arthurienne. Les plus connus sont le scribe Blaise qui consigne son histoire, le roi Arthur qu'il veille et protège, et la fée Viviane qu'il aime. Morgane et Viviane sont ses élèves. Malgré tout son savoir, Merlin est piégé par les ruses de ces deux femmes[R 1].
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+ Le personnage mythique de Taliesin, dont l'histoire provient du même fond de mythologie celtique brittonique que les plus anciens textes concernant Merlin, est très proche de lui. Sa naissance est chamanique, puisque son père Gwion Bach se change en grain de blé puis se fait avaler par la sorcière Ceridwen sous forme de poule. Neuf mois plus tard, le premier mai, elle donne naissance à Taliesin (qui peut être vu comme Gwion Bach lui-même) et l'abandonne sur un bateau[43]. Taliesin, comme Merlin, est en quelque sorte un enfant sans père[S 17]. Il est prédestiné, ses actions et les grandes dates de sa légende sont en relation étroite avec le calendrier celtique[S 18]. Les Triades galloises citent Merlin et Taliesin côte à côte. Ils sont peut-être issus d'un même druide divin celtique[WaD 31].
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106
+ Maître Blaise est, dans les romans français (depuis Robert de Boron) le scribe et confident personnel de Merlin. Confesseur de la mère de Merlin, son rôle est par la suite d'écrire tout ce que lui raconte l'enchanteur, y compris ses prédictions[WaD 37]. En cela, il répartit les rôles : Merlin est un conteur oral mais pas un écrivain, fonction entièrement dévolue à Blaise[S 19]. L'apparition de Blaise dans les récits renvoie concrètement à la création littéraire médiévale, l'écrivain n'étant le plus souvent que celui qui adapte un récit de tradition orale[S 7].
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108
+ Pour Philippe Walter, Blaise est à l'origine un homme-loup (d'où le rapprochement en vieux breton avec le nom de l'animal), dont la fonction est d'être le double de Merlin[WaD 37]. Cette association expliquerait l'apparence animale de Merlin à la naissance et le nom de Lailoken, « le jumeau ». Elle ferait de Merlin et Blaise des jumeaux divins[WaD 38],[S 20].
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+ La plupart des ouvrages qui parlent de Merlin évoquent aussi Arthur et les chevaliers de la Table ronde. Ces textes datent pour la plupart du XIIIe siècle au XVe siècle. Son rôle dans la légende arthurienne est d'aider à l'accomplissement du destin du royaume de Bretagne (ou royaume de Logres, la Loegrie)[Note 8]. Grâce à sa sagesse, il devient l'ami et le conseiller du roi Uther Pendragon. À la mort de celui-ci, il organise le défi de l'épée Excalibur qui permet à Arthur, fils illégitime d'Uther, de succéder à son père. Puis il incite Arthur à instituer la Table ronde afin que les chevaliers qui la constituent puissent se lancer dans des missions, notamment la fameuse quête du Graal. Malgré toutes ses connaissances, Merlin ne peut rien contre la destinée du royaume ni la fin tragique du roi Arthur[45].
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+ La vie amoureuse de Merlin est généralement marquée par son attirance pour de très belles jeunes femmes[R 1]. Dans la Vita Merlini, il a pour épouse Gwendoline (Guendoloena), mais nourrit une passion pour sa sœur Ganieda (Gwendydd). Il apprend l'infidélité de sa femme, enfourche un cerf, et se rend au palais en compagnie d'animaux forestiers. Celle-ci l'aperçoit depuis une fenêtre avec son amant, et éclate de rire. Merlin arrache les cornes de son cerf, et les jette à la tête de l'homme, qui périt sur le coup. D'après Claude Gaignebet, cette scène provient d'un ancien rite carnavalesque, dans lequel le cocufié est en relation avec le cerf[46].
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+ Robert de Boron supprime de ses textes la relation incestueuse de Merlin et Ganieda pour la remplacer par la fée Viviane, tradition suivie par de nombreux continuateurs. Inspirée de Ganieda[WaD 39], Viviane a pour avatars la Dame du Lac et l'enchanteresse Nimue. La séduction de Merlin est toujours racontée de la même façon par les auteurs médiévaux : la jeune femme séduit le sage Merlin qui succombe à ses charmes, et lui livre ses secrets de magicien qu'elle finit par retourner contre lui pour l'emprisonner[Z 4]. Le couple est inspiré de celui de Diane et Faunus dans la mythologie romaine[S 9], d'où la crainte de Viviane de perdre sa virginité, en écho à la légende de Diane. Dans le Lancelot-Graal, Merlin apparaît comme un être lubrique et la sage Viviane (âgée de douze ans[47]) souhaite se protéger de ses ardeurs[S 21]. Une tradition récente du château de Comper, en Bretagne, veut que pour plaire à Viviane, Merlin lui ait érigé un château visible d'elle seule au fond des eaux du lac de Comper[48].
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+ La fée Morgane n'a pas de relation amoureuse avec Merlin[Note 9], mais apprend elle aussi ses secrets de magicien, et les emploie pour contrarier les desseins du roi Arthur et de Lancelot (dans les textes plus tardifs)[R 1].
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+ La fin de Merlin est évoquée de différentes façons selon les auteurs. Il ne connaît généralement pas de mort véritable, mais il est « retiré du monde »[49] et repose « au cœur d'une inaccessible prison forestière, ni mort ni vivant »[50]. Dans les textes gallois, il reste pour toujours dans la forêt. Dans la Vita Merlini, il passe son temps à observer les astres depuis sa demeure aux soixante-dix fenêtres, avec sa sœur[BaA 6]. Une autre version évoque une tour de cristal[49]. Il peut aussi faire retraite pour toujours avec son confesseur Blaise. Dans le Perceval en prose, Merlin se retire jusqu'à la fin du monde dans son esplumoir[45].
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+ La version la plus connue est toutefois celle de « l'enserrement », à partir du Lancelot-Graal[45]. La fée Viviane trahit Merlin, qui lui a raconté au préalable la légende de Diane emprisonnant Faunus, montrant ainsi sa connaissance de son propre destin. Or, il ne peut s'empêcher de révéler à Viviane la manière d'emprisonner un homme à jamais, sortilège qu'elle retourne contre lui. Merlin est enfermé pour l'éternité dans son esplumoir, dans une chambre ou une prison d'air (selon la plupart des romans français), sous un rocher (selon Le Morte d'Arthur de Thomas Malory), ou encore dans une grotte. Pour Francis Dubost, cet échec de Merlin est dû à son statut d'être fantastique, et donc d'« humain incomplet », qui ne peut réellement connaître l'amour[51]. D'autres spécialistes supposent la jalousie de Viviane envers Morgane à qui Merlin enseigne aussi, ou bien le désir de la fée de protéger sa virginité[52]. Quoi qu'il en soit, la mort du roi Arthur est consécutive à l'impossibilité qu'a Merlin de veiller sur le destin du royaume[45].
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+ Les références à Merlin sont rattachées à la mythologie celtique galloise et à la littérature irlandaise autant qu'à celle de l'Angleterre et de la France du Moyen Âge, ce qui montre le peu de cloisonnement de la littérature médiévale[WaD 8],[WaD 11]. À l'époque de la rédaction des plus anciens textes, l'Angleterre et une partie de la France sont réunis par le baronnage anglo-normand[S 22]. Il n'existe pas de récit fondateur, le personnage de Merlin étant le résultat d'une longue évolution littéraire. Chaque auteur s'appuie plus ou moins sur ses prédécesseurs[S 23]. D'après Philippe Walter :
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+ « L'histoire romanesque de Merlin s'est construite par étapes grâce à la fusion progressive de traditions orales d'origine galloise, parfois étrangères les unes aux autres, mais aussi grâce à l'édulcoration proprement littéraire permise par les réécritures successives de la légende. »
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+ — Philippe Walter, Merlin ou le savoir du monde[S 23]
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+ Pour autant, ces différents auteurs ne reprennent pas tous les éléments plus anciens concernant Merlin :
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+ « Le mythe littéraire de Merlin se présente comme une sorte de grande décharge dans laquelle des débris, des morceaux de mythes sont éparpillés. Les auteurs contemporains viennent y puiser leurs idées et recyclent ces débris de mythe pour recréer un Merlin toujours nouveau, en mouvement[53] »
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+ — Gaëlle Zussa, Merlin. Rémanences contemporaines d’un personnage littéraire médiéval dans la production culturelle francophone
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+ Merlin est réinterprété et réinventé par confrontation avec le christianisme[WaD 40]. Son obsession pour les prophéties et le messianisme témoigne de cette influence religieuse. Le Merlin littéraire mêle finalement l'origine celtique à la culture chrétienne[WaD 10]. Il suscite la méfiance de l'Église, qui cherche à marginaliser ce « prophète païen ». Le Liber exemplorum (1275) présente un démon qui affirme « connaître parfaitement Merlin »[S 24]. D'autre part, il est écrit dans le Lancelot-Graal que Merlin n'a jamais été baptisé ni n'a rien fait de bon dans sa vie, sinon des œuvres démoniaques[54].
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+ Sa popularité se développe après 1066, l'installation des barons normands en Angleterre favorisant une culture commune et de nombreux échanges entre les îles Britanniques et l'actuel territoire français. Aliénor d'Aquitaine, férue de poésie et de roman, promeut la légende arthurienne qui rencontre un grand succès aux XIIe siècle et XIIIe siècle[S 22]. Merlin connaît alors une nette évolution. Suibhne, Myrrdin, Lailoken et le Merlinus de la Vita Merlini sont des rois divins et vaincus, exilés dans la forêt où ils se muent en devins et connaissent la folie. Ils constituent trois variations autour d'un même thème mythique[WaD 41]. Originellement savant et devin, Merlin devient le conseiller du roi Arthur et l'amant malheureux de la fée Viviane dans les récits français[WaD 41].
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+ Les plus anciennes références possibles à Merlin figurent dans De Excidio et Conquestu Britanniae, et sont attribuées à Gildas le Sage qui mentionne Ambrosius Aurelianus, chef romain combattant avec les Bretons contre les Pictes au VIe siècle. Bède le Vénérable reprend ce récit[Z 5]. Bien que le nom de Merlin n'y apparaisse toujours pas, l'Historia Brittonum, composée jusqu'à la fin du IXe siècle, forme le premier texte qui puisse véritablement lui être lié[58]. Il introduit l'usurpateur Vurtigern et un certain Arthur aux côtés d'Ambrosius[Z 5], enfant sans père qui prédit la victoire des Bretons sur les Saxons après avoir révélé la présence d'un dragon rouge et d'un dragon blanc sous la tour du château de Vurtigern[59]. Il y a probablement eu volonté de créer un seul personnage avec Ambrosius Aurelianus et un « enfant sans père » légendaire, rattaché au souvenir de Dinas Emrys[Z 6], voire à un chef de clan gallois nommé Myrrdin[Z 7]. Différents auteurs attestent aussi d'une confusion entre Merlin Ambrosius et le Myrddin des légendes galloises. Giraud de Barri distingue ainsi Ambrosius, prophète de l'époque du roi Vortigern, du Merlin sauvage de la forêt calédonienne dans son Itinerarium Cambriae[60].
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+ Myrddin Wyllt, tout comme Ambrosius, apparaît avant la période arthurienne. Les poèmes gallois[61] parlant de lui, plus authentiques que les sources françaises[S 23], proviennent d'un fond légendaire oral[WaD 10]. Qu'il soit inspiré d'un personnage réel ou légendaire, Myrddin a acquis une certaine célébrité avant l'écriture de ces textes[Va 2]. Ce « Merlin primitif »[S 23] est présenté sous un jour assez sombre[WaD 8]. Myrddin est un fou vivant une existence misérable dans la forêt calédonienne, ruminant sur sa triste existence et la sanglante bataille qui l'a précipité si bas. Il acquiert le don de prophétie[60]. Les allusions de ces poèmes parlent des événements de la bataille d'Arfderydd. Pour Philippe Walter, Myrddin est un roi à l'origine, dépossédé de sa souveraineté guerrière pour être cantonné à la seule souveraineté magique[WaD 42].
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+ Les Triades galloises citent Taliesin et Myrddin Wyllt parmi les bardes. Le Livre rouge de Hergest contient quelques poèmes de Merlin[Z 8]. Les Annales Cambriae mentionnent : « Année 129 (v. 573) : La bataille d'Arfderydd entre les fils d'Elifer, et Guendoleu fils de Keidau ; durant laquelle bataille Guendoleu tomba ; et Merlin (Merlinus) devint fou[Note 10] ». Elles sont souvent citées pour justifier l'existence d'un Merlin historique au VIe siècle[K 5]. Rhydderch Hael, roi de Strathclyde, aurait massacré les forces de Gwenddolau, tandis que Myrddin serait devenu fou en regardant la défaite. Le Livre noir de Carmarthen compte trois poèmes autour de Merlin : « Les Pommiers », « Le Dialogue entre Merlin et Taliesin » où Merlin et Taliesin parlent de sept batailles qui rempliront sept rivières de sang, et « Le Dialogue entre Merlin et sa sœur Gwendydd ». Les deux derniers sont formés de considérations sur l'histoire passée du pays. Gwendydd surnomme son frère le Juge du Nord, le Prophète, le Loin-Renommé, le Maître du Chant, le Mélancolique, le Sage et Le Combattant d'Arfderydd[Z 9]. Dans « Les Pommiers », (Afallen), Merlin (Myrddin) s'adresse à un arbre en déplorant la mort de son seigneur Gwenddolau, au service duquel il était barde[K 8]. Il n'est plus au service de seigneurs, et vit à l'état sauvage[K 5].
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+ La légende de Lailoken est préservée dans deux manuscrits écossais rédigés en latin au XIIe siècle, autour de saint Kentigern[R 3]. Dans Lailoken et Kentigern, Lailoken est un poète et prophète qui perd l'esprit durant la bataille d'Arfderydd[62], à la suite du passage d'une troupe de démons aériens[WaD 42]. Il combat pour le Roi Gwenddolau ap Ceidiaw contre Rhydderch Hael, avant de s'enfuir vers l'Écosse[62]. Saint Kentigern de Glasgow rencontre en un lieu désert ce fou nu et échevelé nommé Lailoken, que d'aucuns appellent Merlynum ou Merlin, et qui déclare être condamné à errer en compagnie des bêtes sauvages à cause de ses péchés. Il ajoute avoir été la cause de la mort des personnes tuées durant la bataille « en la plaine entre Liddel et Carwannok ». Après avoir raconté son histoire, le fou s'éloigne et fuit la présence du saint pour retourner à son état sauvage. Il demande finalement les derniers sacrements, prophétisant être sur le point de mourir d'une « triple mort »[Note 11]. Le saint exauce le souhait du fou ; alors les bergers du roi Meldred le capturent, le frappent à coups de bâton, le jettent dans la rivière Tweed où son corps est percé par un pieu, sa prophétie se trouvant ainsi accomplie[R 3].
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+ Dans Le roi Meldred et Lailoken, l'homme sauvage est emprisonné trois jours pour refus de répondre aux questions du roi, et a une crise d'hilarité en voyant une feuille accrochée aux cheveux de l'épouse royale[R 3].
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+ La Folie de Suibhne, texte irlandais anonyme et peu connu du monde francophone, raconte des faits censés se dérouler historiquement au Ve siècle. Il symbolise bien le versement du fond oral celtique vers la littérature chrétienne[WaD 11]. Suibhne est un « fou des bois » comparable à Lailoken[63]. Il rappelle les anciens dieux de la forêt[64]. Il est frappé de folie après une défaite en bataille, sous l'effet d'une malédiction lancée par saint Ronan dont il a jeté les livres à l'eau et tué l'un des clercs. Il vit dans les bois au creux d'un if[LRGu 5]. Sa femme le quitte pour rejoindre un autre roi. Dans ses moments de folie, il peut s'envoler sous la forme d'un oiseau. Dans les bois, il acquiert une connaissance parfaite des secrets de la nature. Un mari jaloux finit par l'assassiner[WaD 2]. Ce personnage, en partie à l'origine de Merlin, présente de flagrantes analogies avec le monde du chamanisme[60].
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+ Les sources latines donnent véritablement « ses lettres de noblesse » au personnage de Merlin, et jouent un rôle décisif dans son statut de « héros breton »[S 26]. Dans la première moitié du XIIe siècle, Geoffroy de Monmouth introduit Merlin dans la légende arthurienne en s'inspirant du fond oral de la mythologie celtique[WaD 11]. Son récit rencontre rapidement le succès, particulièrement au Pays de Galles[65]. En tant que moine, Monmouth s'est certainement inspiré de la Bible dans ses récits[Z 10]. Il est le premier à décrire Merlin comme un magicien, en même temps qu'un prophète[Z 2].
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+ Merlin est un personnage central dans ses trois livres, Prophetiae Merlini (Prophéties de Merlin), Historia regum Britanniae (Histoire des rois de Bretagne), et la Vita Merlini (Vie de Merlin). Les prophéties consistent en une longue suite de prédictions concernant le règne des Saxons et l'indépendance de la Bretagne[Z 11]. Le second conte rapporte comment Merlin crée Stonehenge, ayant pour fonction d'être la sépulture d'Aurelius Ambrosius. Le troisième conte narre comment Merlin transforme l'apparence d'Uther Pendragon, lui permettant ainsi d'entrer dans le château de Tintagel pour y engendrer son fils Arthur.
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+ Vers 1135, Geoffroy de Monmouth synthétise dans son Histoire des rois de Bretagne (Historia Regum Britanniae) des récits disparates[WaD 43]. Première attestation du nom de Merlin dans la littérature, ce texte définit les principales caractéristiques du personnage dans la légende arthurienne. Il le présente comme un orphelin de père. Les mages de Vortigern souhaitent le sacrifier pour consolider la tour de son château qui ne cesse de s'effondrer, mais Merlin devine la présence des deux dragons souterrains qui perturbent les travaux[66],[R 2]. Le récit de l'Historia Brittonum est ainsi repris presque sans changement[Z 12].
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+ L’Histoire des rois de Bretagne présente aussi des prophéties de Merlin sur l'avenir de l'île britannique, la construction de Stonehenge pour Ambrosius Aurelianus à partir de pierres qu'il fait venir du mont Killaraus en Irlande, et sa ruse en faveur d'Uther Pendragon pour qu'il puisse concevoir Arthur avec Ygraine, dont il est amoureux[R 2],[Z 13]. Wace adapte l’Historia Regum Britanniae de Monmouth dans le roman de Brut (1155), où Merlin joue un rôle secondaire de conseiller pour Uther Pendragon, afin de concevoir Arthur. Il y est très effacé, ce qui d'après P. Walter témoigne de son introduction récente dans la légende arthurienne[S 27]. Wace ajoute à son récit la construction de la Table ronde[47].
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+ La Vie de Merlin (Vita Merlini), rédigée v. 1150[WaD 43], est le texte médiéval le plus centré sur Merlin lui-même[WaD 11] et s'ancre dans le fond légendaire breton[47]. Synthèse des récits gallois autour de Myrddin Wyllt[WaD 43] (notamment de poèmes[K 9]), Merlin y est présenté comme un roi, devin et prophète maudit[WaD 11], mais ses aspects les plus sombres sont gommés[K 10]. Il perd une bataille avec son armée, et entre dans la forêt où il connaît une période de folie (rabies, proche d'une rage animale[WaD 42]). Il est capturé et amené à la cour où il fait différentes prédictions, dont celle de la triple mort du fils de la reine après une crise d'hilarité. De retour dans la forêt pour plusieurs années, il voit le présage d'un remariage pour sa femme, enfourche un cerf et encorne son rival, ce qui lui vaut d'être une seconde fois capturé. Après deux autres prédictions justes, il retourne en forêt pour mieux connaître les secrets du monde[WaD 44]. Une fontaine apparue au printemps le guérit de sa folie. Il rencontre Taliesin et un troisième devin, Maeldin. Ganieda, sa sœur, rejoint la triade et se met à prophétiser avec eux[WaD 22],[K 11]. La recherche spirituelle de Merlin le rapproche du christianisme, le texte se conclut sur sa rédemption[S 28].
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+ Ce texte s'appuie sur un mythe légèrement restauré plutôt que sur des sources historiques[WaD 6]. D'après Philippe Walter, l'œuvre est à lire comme un palimpseste : elle comporte beaucoup d'éléments légendaires (la majorité purement celtiques) intégrés à un récit biographique en latin[WaD 45], dans le but probable de présenter Merlin en exemple pour les évangélisateurs chrétiens[S 24],[WaD 21]. Geoffroy de Monmouth adapte son récit à son époque, mais semble avoir respecté ses sources[WaD 46]. Merlin est un savant et un devin, « initié et initiateur »[WaD 41].
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+
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+ Les sources françaises coïncident avec un rayonnement exceptionnel de la légende de Merlin[S 23]. Elles redistribuent son rôle et celui d'Arthur. Alors que Merlin était vu à l'origine comme un roi à la fois guerrier et magicien, il devient le dépositaire du seul savoir magique. Arthur représente au contraire la souveraineté guerrière[WaD 42]. Robert de Boron consacre une grande partie de son œuvre à Merlin.
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+
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+ Composés à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, le poème de Robert de Boron et le roman qui en est issu[Note 12] constituent les sources les plus connues des médiévistes au sujet de Merlin[WaD 8]. C'est véritablement lui qui donne toute son importance au personnage dans le cycle arthurien[S 27] et qui lie les deux traditions britanniques, celle de l'enfant prophète sans père et celle de l'homme sauvage[47]. Il consacre l'essentiel de son œuvre à Merlin, non sans l'entourer d'autres personnages importants de la légende arthurienne comme Blaise, Vortigern, la famille Pendragon, Ygerne (Ygraine) et le duc de Cornouailles[Go 3]. Il s'inspire de différentes sources plus anciennes, sans pour autant réadapter directement Wace et Monmouth[67], et développe le personnage[Go 3]. Seules quelques lignes de son poème sont parvenues. La version en prose devient populaire et s'incorpore dans le Petit cycle du Graal (Joseph d'Arimathie, Merlin, Perceval) et dans le Lancelot-Graal (Estoire del Saint Graal, Merlin, Lancelot, Queste del Saint Graal, Mort du roi Arthur)[68].
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+ Si le fond de l'œuvre de Robert de Boron reste attaché à ses origines celtiques, sa christianisation sous l'influence des clercs est nettement palpable, notamment dans l'épisode de la naissance de Merlin. Robert de Boron conte dans son Merlin en vers (v. 1190) la tentative ratée du Diable pour faire naître un antéchrist dans le sein d'une vierge, en s'inspirant de la tradition chrétienne de son époque. Cet épisode qui fait de Merlin le fils du Diable et d'une vierge rachetée par Dieu devient indissociable de la légende du personnage[47]. Il a probablement remplacé le dieu païen d'une tradition plus ancienne par le Diable chrétien[69]. Philippe Walter pense que cette version de la naissance de Merlin est une invention de Boron, inspirée par l'évangile de Nicodème et la mention d'incubes dans l'œuvre de Monmouth[S 25]. Boron explique le pouvoir de Merlin à deviner passé et futur par son ascendance à la fois diabolique et divine[Go 3]. Il le présente, durant son enfance, comme un être à la fois dérangeant et prodigieux, d'une incroyable précocité[Go 4], et ne manque pas d'évoquer les efforts de Merlin pour échapper à l'influence de son ascendance diabolique[Go 5]. Il développe beaucoup de scènes où Merlin rit (notamment lorsqu'il pratique la magie), certainement en écho à ses origines[Go 6].
167
+
168
+ Il conserve aussi le lien du personnage avec la forêt (inspiré par la Vita Merlini), Merlin partant régulièrement se réfugier en Northumberland pour y rencontrer Blaise[Go 2]. Le texte de Boron introduit en effet Blaise, maître de Merlin, dépeint comme transcrivant la geste que l'enchanteur lui dicte lui-même, et expliquant comment cette geste devra être connue et préservée[55]. Merlin devient, sous sa plume, celui qui choisit les chevaliers de la Table ronde[Go 2] et le conseiller militaire d'Uther. Il garde le récit de la ruse pour concevoir Arthur, Merlin se présentant successivement comme un vieil homme pour enlever le nouveau-né, puis comme un « prudhomme » pour le remettre à Antor[Go 7]. Uther accepte tous les plans et toutes les ruses que Merlin lui propose[Go 8].
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+ Le Lancelot-Graal (ou cycle de la Vulgate, v. 1220), contrairement à l’Estoire de Merlin attribuée à Robert de Boron, le présente comme un être diabolique et repoussant[54] par opposition à Viviane[70]. Il introduit ainsi la chute de Merlin, causée par l'amour qu'il porte à la Dame du Lac (présentée comme étant la fée Viviane ou encore Nimue dans des récits plus tardifs). Elle lui extorque ses secrets magiques en les retournant contre lui pour l'emprisonner à jamais. Ce thème de « l'enserrement » de Merlin devient l'un des plus populaires de sa légende[47]. Il a probablement été inventé pour faire disparaître Merlin des récits, et ainsi expliquer l'échec de la bataille de Camlann où Arthur est mortellement blessé. Avec ses pouvoirs, Merlin aurait pu en inverser le cours. Son acceptation d'un destin qu'il connaît (l'enserrement) est expliquée par sa volonté de ne pas aller à l'encontre de Dieu[45].
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+
172
+ Le Perceval en prose fait quant à lui de Merlin l'initiateur de la quête du Graal[47]. Le Lancelot-Graal compte le récit d'une rencontre entre Merlin et l'empereur Jules César. La femme de l'empereur romain est suivie d'une douzaine de demoiselles, en fait des hommes déguisés. Merlin rencontre une princesse d'Allemagne déguisée en écuyer, Grisendole. Un soir, César s'effraie après le rêve d'une truie couronnée caressée par douze louveteaux. L'empereur reste silencieux pendant tout le banquet. Merlin se transforme en cerf, court au palais et s'agenouille devant César en lui disant : « Cesse de ruminer ton rêve. Attend l'homme sauvage »[57].
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+ L'empereur confie à Grisendole la mission de trouver cet homme sauvage. Elle rencontre le cerf qui lui dit de préparer un pâté de porc, et s'exécute, ce qui fait apparaître l'homme sauvage noir et hirsute. Il dévore le pâté et s'endort. Grisendole le ligote et le ramène à César. L'homme sauvage interprète le rêve : la truie est l'impératrice et les douze louveteaux, ses demoiselles. César les fait déshabiller er révèle qu'elles sont en fait des hommes. L'impératrice et ses douze jeunes gens sont immédiatement brûlés sur un bûcher. L'homme sauvage demande que Grisendole soit mise à nu et, face à la découverte de sa féminité, César se signe. Il demande conseil à l'homme sauvage qui lui propose de l'épouser. César voulant savoir qui est le cerf, l'homme sauvage trace des caractères hébreux qui brûlent une porte, puis s'en va. César épouse Grisendole, puis un messager finit par déchiffrer ces lettres en hébreu : le cerf et l'homme sauvage ne font qu'un[57].
175
+
176
+ L'entrée de Merlin à Rome sous la forme d'un cerf gigantesque donne naissance à une abondante iconographie de miniatures médiévales, témoignant du succès de ce récit
177
+ [33].
178
+
179
+ Merlin devient, dans le cycle Post-Vulgate (Merlin-Huth, v. 1250), celui qui avertit Arthur de ses malheurs à venir, en particulier la naissance de Mordred[Note 13]. Il joue un rôle d'observateur et de commentateur, et n'est plus guère l'initiateur de la quête du Graal[K 6]. En revanche, il prédit avec justesse que Girflet sera le dernier chevalier à voir Arthur vivant[K 4]. Ce roman rend un aspect plus merveilleux au personnage et présente Viviane de manière négative[54], bien que Merlin y soit toujours le fruit de l'union d'une femme vertueuse et d'un incube[Go 9]. L'ouvrage contient une suite de prophéties confiées par Merlin à Blaise, et présente le Graal comme le point central de toutes ses prophéties[Go 10].
180
+
181
+ Merlin apparaît très tôt dans les documents écrits en Bretagne, notamment le cartulaire de Redon et un toponyme d’Augan au IXe siècle, puis deux textes prophétiques des XIIe siècle et XIIIe siècle[71]. Dans le Dialog etre Arzur Roe d’an Bretounet ha Guinglaff en moyen breton, Merlin est présenté comme un archétype d'être sauvage, sous le nom de « Guinglaff »[1]. Gwenc'hlan pourrait aussi y avoir pris la place de Merlin[71]. La Villemarqué publie le chant Merlin-barde, longtemps considéré comme un faux, mais qui semble bien provenir d’un cycle médiéval[72], Hervé Le Bihan répertorie sept contes et récits datés du XIXe siècle, qui sans constituer des textes en filiation directe avec la matière arthurienne médiévale, en sont des survivances[1]. L'enchanteur y possède le pouvoir de divination[71],[1]. Luzel recueille une tradition selon laquelle Merlin a fini sa vie au sommet du Menez Bré[71].
182
+
183
+ Une abondante littérature prophétique est attribuée à Merlin[Z 14] et se divise en deux grands courants, les prophéties des îles britanniques et celles du continent européen, différentes par leur objet et leur inspiration[Z 15]. La littérature galloise comporte nombre d'exemples prédisant la victoire militaire des peuples celtes de Grande-Bretagne, qui se rassembleraient pour rejeter les Anglo-Saxons — et par la suite les Normands — à la mer. Certaines de ces œuvres ont été interprétées comme des « prophéties de Myrddin ». Henri VIII utilise ce thème pour présenter son père, le roi gallois Henri VII, comme le sanglier annoncé par Merlin, qui partit de la péninsule armoricaine de Bretagne et soutenu par des guerriers bretons, aurait accompli la prophétie de Merlin de la revanche des Celtes sur les Saxons[73],[Note 14]. La récupération de ces prophéties par les Anglais ne remonte qu'au XIVe siècle, l'immense majorité des textes attribués à Merlin dans les îles britanniques étant en faveur des peuples celtes[Z 16].
184
+
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+ De tous temps, l'attribution de prophéties à Merlin permet de faire passer des idées politiques. Joachim de Flore écrit ainsi le Verba Merlini, hostile à l'empereur Frédéric II[Z 17]. Les Prophéties de Merlin rédigées en langue française en 1276 prennent la forme de prophéties politiques intercalées entre des récits romanesques de la légende arthurienne[74], et sont attribuées à maître Richard d'Irlande bien que l'auteur original soit un vénitien[Z 18]. Présentées sous la forme d'un dialogue entre Merlin et un scribe, elles font de Merlin un prophète chrétien d'essence divine. Il y choisit délibérément d'être enfermé par Viviane[54]. La plupart de ces prophéties sont relatives à des événements politiques de l'Italie du XIIIe siècle, tandis que d'autres sont révélées par le fantôme de Merlin après sa mort.
186
+
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+ Après une longue absence de nouvelles créations littéraires autour de Merlin en France, le Morte d'Arthur est rédigé en Angleterre vers 1485, reprenant quelques éléments des récits français[54]. L'œuvre commence par la naissance de Merlin[Go 11]. Il y interprète les rêves du roi Arthur mais la nature magique de ses pouvoirs est minimisée[K 7], Thomas Malory réduit l'aspect merveilleux du personnage dans son œuvre. Merlin y devient assez indéfinissable, empruntant à l'humain, au dieu et au démon[Go 11]. Malory conserve l'épisode de sa séduction par Viviane / Nimue[K 7],[Go 11], qui devient la principale source d'inspiration des auteurs romantiques au XIXe siècle[54].
188
+
189
+ En dehors de la France et des îles Britanniques, la légende médiévale de Merlin connaît un succès moindre. Les œuvres en langue allemande sont essentiellement des traductions tardives (la plus ancienne est le Dialogus Miraculorum, en 1220). Wilhelm von Österreich (1324) dresse de Merlin un portrait d'élément de la nature plutôt négatif, et le Morlin d'Ulrich Füterer (v. 1475) en fait le grand-père d'Arthur[75].
190
+
191
+ De la Renaissance au XVIIIe siècle, en France, le personnage connaît une éclipse, comme toute la littérature arthurienne[BaA 7],[75]. Il reste néanmoins populaire dans la littérature de colportage et la tradition orale[75] puisqu'il reste possible au XIXe siècle de recueillir en Bretagne Armoricaine des chansons et des contes sur Merlin. La Villemarqué (Myrdhin) et Luzel, d'abord sceptiques à ce sujet, en publient plusieurs. Cette matière date dans sa grande majorité du XIIIe siècle[76]. En Angleterre, le Morte d'Arthur de Thomas Malory reste une source d'inspiration constante[75]. The life of Merlin, sur-named Ambrosius, paraît en 1641[77].
192
+
193
+ Dans Myrdhinn ou l'Enchanteur Merlin (1868), Théodore Hersart de la Villemarqué tente de synthétiser les informations connues autour de Merlin, qu'il présente à la fois comme historique et mythologique. Théophile Briant s'en inspire plus d'un siècle plus tard dans son œuvre pseudo-historique et occultiste Le Testament de Merlin (1975)[78], qui présente Merlin en architecte et poète, comme « le Druide blanc de Brocéliande »[79].
194
+
195
+ La professeur américaine Norma Lorre Goodrich défend l'idée d'un Merlin historique et redonne ses lettres de noblesse à Geoffroy de Monmouth. Le Merlin historique serait de trente ans plus âgé que le roi Arthur historique, né au Pays de Galles et mort en Écosse. Elle postule aussi que « Merlin » est un titre, celui d'un évêque nommé Dubricius, qui a couronné Arthur[19]. Nikolaï Tolstoï, au contraire, pense que Monmouth a volontairement fusionné le Myrddin des poèmes gallois avec un autre personnage pour n'en faire qu'un seul, et que le Merlin originel représente « le dernier des druides »[19]. Philippe Walter étudie Merlin à travers des articles et deux ouvrages, mettant en lumière la nature calendaire et chamanique du personnage primitif[60], ainsi que son aspect et son psychisme d'enfant-vieillard[S 2].
196
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197
+ Si les écrits de Jean Markale ont été beaucoup diffusés et même traduits en anglais, permettant de faire découvrir la légende arthurienne à de nombreuses personnes, ses ouvrages (dont Merlin l'Enchanteur[80] publié en 1981[81], en anglais : Merlin: Priest of Nature[82]) ne sont pas reconnus comme fiables par la communauté scientifique[83].
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+ Les toponymes associés à Merlin se trouvent essentiellement en Grande-Bretagne (Dinas Emrys, Merlin's Cave, Carmarthen et l'île de Bardsey) et en Bretagne, dans la forêt de Paimpont-Brocéliande (siège et tombeau de Merlin). Un grand nombre d'entre eux sont situés au Pays de Galles, les plus anciennes sources littéraires associent Merlin à ces lieux. Carmarthen est réputée être la ville de naissance d'une des personnes historiques qui ont inspiré le Merlin légendaire[Go 12]. Une tradition locale à l'île de Bardsey (île des Bardes) rapporte qu'il s'y est retiré dans une maison de verre[84].
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+ Dinas Emrys (en gallois : « forteresse d'Ambrosius ») est une colline boisée située non loin de Beddgelert dans le Gwynedd, au Pays de Galles. Le site est naturellement lié à Myrddin Emrys et Ambrosius Aurelianus[Z 19],[Go 13]. Les Gallois l'appellent localement Eryri. La tradition y situe la tentative de construction du château de Vortigern, et la fameuse tour qui ne cesse de s'écrouler jusqu'au moment où Merlin révèle la présence de deux dragons[85]. Ainsi, Dinas Emrys est le lieu où Merlin révèle pour la première fois l'étendue de son pouvoir[86]. Le fabuleux trésor de l'enchanteur est réputé pour y être enterré au plus profond, sous la colline. Les recherches archéologiques montrent des traces d'occupation du site depuis le Ve siècle[87].
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203
+ Merlin's Cave (en anglais : « grotte de Merlin ») est le surnom d'une grotte située en dessous du château de Tintagel, à 5 km au sud-ouest de Boscastle, en Cornouailles (Angleterre). Elle s'étend sur 100 mètres[88] en passant à travers Tintagel Island, vers Tintagel Haven[89]. Cette grotte est devenue un site rituel néopaganiste, réputé être « un point focal pour la révélation » et « un endroit pour se connecter avec les énergies féminines essentielles »[90], en relation avec une déesse de la Terre[91].
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+ Au centre de la Bretagne, la forêt de Paimpont est réputée être la forêt de Brocéliande. De nombreux lieux y sont associés à la légende arthurienne, mais la revendication du tombeau de Merlin ne remonte pas au-delà du XIXe siècle. Brocéliande reste une forêt légendaire sans localisation précise jusqu'au début du siècle. Le poète Auguste Creuzé de Lesser écrit en 1811 que Merlin y serait enseveli[92]. En 1825, Blanchard de la Musse associe une allée couverte du nord de la forêt de Paimpont au tombeau de Merlin. Théodore Hersart de la Villemarqué localise lui aussi le tombeau de Merlin dans ces lieux[93]. Dans le Val sans retour, près de Tréhorenteuc, quelques rochers se font connaître sous le nom de « siège de Merlin » à la suite du déplacement du toponyme légendaire en 1850. La topographie actuelle de la forêt de Paimpont est définie par Félix Bellamy à la fin du XIXe siècle. La valorisation touristique de Paimpont-Brocéliande commence à la même époque, mais les habitants locaux montrent une certaine réticence[92], bien que le folklore populaire oral associe bien Merlin à ce lieu[94].
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+ La localisation du tombeau du XIXe siècle est revue à la suite de l'enterrement du docteur Guérin. Dans les années 1970, Yann Brekilien s'oppose à la construction des routes d'accès et à la perte du caractère légendaire de Paimpont-Brocéliande. Il faut attendre les années 1990 pour qu'une politique de valorisation se mette en place grâce au maire de Ploërmel et au Centre de l'imaginaire arthurien, permettant des visites guidées et la mise en place d'un périmètre de protection autour du tombeau de Merlin[92]. Les visiteurs y laissent de petits papiers où ils écrivent les vœux qu'ils souhaitent voir exaucés par Merlin[95].
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+ Dans ses plus anciennes expressions, selon Philippe Walter, Merlin incarne une souveraineté magique et une royauté chamanique, assez éloignée des fonctions guerrières et sacerdotales. Son pouvoir est essentiellement spirituel[WaD 10]. De manière plus générale, il représente la connaissance et le « savoir du monde »[S 2], une quintessence de l'esprit druidique[WaD 16] qui peut prendre toutes les formes : Merlin guide, aide, sauve, prédit et juge grâce à son savoir[K 12]. L'une de ses particularités est d'échapper à toute tentative de classification rationnelle. Il ne se présente jamais comme celui que l'on attend[96]. En ce sens, il incarne l'Autre[97]. Certaines interprétations ont pu faire de lui un Trickster en raison de son côté rieur et comique, mais il n'en possède pas toutes les caractéristiques, notamment la transgression et le côté subversif. Par ses actions, Merlin participe à l'ordre du monde plutôt qu'à son désordre[S 29].
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+ Il est lié à l'alchimie, par la similitude entre son nom et celui de Mercure, la présence d'une source qui guérit de la folie (rappelant celle des alchimistes) dans la Vita Merlini, ou encore le motif des deux dragons (rouge et blanc) qui se battent. Deux textes tardifs le présentent en adepte de la science hermétique[98], ce qui lui permet d'acquérir une certaine notoriété dans le monde des alchimistes[99]. La figure de Merlin resurgit dans le tarot de Marseille, la lame de L'Ermite (IX) y étant peut-être liée[100]. Le psychanalyste Heinrich Zimmer, proche de Carl Gustav Jung, voit en Merlin l'incarnation du vieux sage, un être d'une sagesse si grande qu'elle en est presque inaccessible. Il a pour fonction de guider la personnalité consciente représentée par le roi Arthur et ses chevaliers[101].
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+ Les œuvres témoignent d'une dégradation progressive des pouvoirs qui lui sont attribués et d'une dé-sanctification de son rôle de savant, en le laissant être abusé par Viviane ou affublé d'un chapeau pointu comique[K 12]. Il est souvent vu désormais comme le plus fameux des sorciers ou magiciens[102]. D'après Stephen Thomas Knight, il incarne un conflit entre connaissance et pouvoir : symbole de sagesse dans les premiers récits gallois, il devient conseiller des rois au Moyen Âge, symbole d'intelligence dans la littérature anglaise, puis instructeur et éducateur dans les productions du monde entier depuis le XIXe siècle[K 13].
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+ Jusqu'au XIXe siècle, Merlin est surtout conté dans les pays anglo-saxons et celtiques, mais aussi dans la poésie[103] et la littérature allemande et française[104]. Les auteurs romantiques sont les premiers à redonner ses lettres de noblesse au personnage après le Moyen Âge[58]. Depuis le XXe siècle, Merlin est un personnage important des films et programmes télévisés. Son rôle y est surtout celui d'un mentor ou d'un enseignant[K 14], fonction qu'il partage avec des personnages proches de lui, comme Gandalf[105],[Note 15]. Merlin est source d'inspiration d'une longue tradition de personnages sorciers dans la culture populaire, incluant ceux de J. R. R. Tolkien (Gandalf, Saroumane…) et de la saga Harry Potter (Albus Dumbledore)[106],[107].
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+ Si son image populaire est souvent devenue celle d'un vieux mentor barbu, portant un chapeau pointu et une baguette magique, à l'inverse, les mouvements New Age voient en Merlin un druide qui accède à tous les mystères du monde[K 15]. Les productions artistiques francophones tendent depuis la fin du XXe siècle à éluder les aspects chrétiens du personnage au profit des aspects païens et de la « tradition sylvestre »[108]. Le mythe de Merlin est en quelque sorte « déchristianisé »[109] pour le présenter en porte-parole du retour à la nature[110].
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+ Depuis l'époque romantique, Merlin figure sur des représentations graphiques et notamment préraphaélites. Gustave Doré et Howard Pyle l'ont abondamment illustré. La plupart des artistes le dépeignent comme un vieil homme barbu, à quelques exceptions notables. Edward Burne-Jones imagine Merlin assez jeune et imberbe dans ses deux toiles représentant la séduction par Viviane/Nimue[111]. Toutefois, au début du XXe siècle, la représentation du Merlin âgé est presque devenue la norme. La publication du roman à succès de Terence Hanbury White intitulé L'Épée dans la pierre (1938) fixe son apparence dans l'imaginaire populaire comme celle d'un vieux mentor sorcier à longue barbe et moustaches blanches, chapeau pointu et baguette magique, dont la robe est décorée des signes du zodiaque[111],[K 16]. Les studios Disney reprennent cette apparence dans leur film d'animation Merlin l'Enchanteur avec la robe de sorcier bleue, ce qui ne manque pas d'accroître le phénomène[112]. Au début du XXIe siècle, si la robe bleue et la baguette magique peuvent être dissociées du personnage, la barbe et la moustache sont devenus de véritables archétypes. J.K. Rowling emploie d'ailleurs « barbe de Merlin » comme expression du monde des sorciers de la saga Harry Potter, dans le quatrième tome[113].
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+ Les œuvres de fiction littéraires sont nombreuses à faire de Merlin un personnage central. Au début du XXe siècle, son image littéraire se dégrade[114]. Dans les années 1980, en France, le rythme des publications autour de Merlin s'accélère, témoignant d'un intérêt renouvelé pour le mythe[79].
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+ Les poètes romantiques anglais du XIXe siècle comme Robert Southey, Matthew Arnold et Alfred Tennyson accordent une large place à Merlin dans leurs textes, tout comme Goethe, Heinrich Heine, Edgar Quinet, Jean Lorrain, Walter Scott, William Wordsworth et Mark Twain[115]. Son image y est souvent celle d'un vieil érudit un peu naïf, qui succombe aux charmes d'une femme fatale[K 15]. Les versions où Merlin acquiert la plénitude du savoir grâce à Viviane sont toutefois plus nombreuses que celles où cette relation tourne en sa défaveur[116], mais l'enserrement de Merlin par Viviane le place dans l'impossibilité de sauver le royaume de Bretagne[117]. Il est davantage présenté comme vivant en symbiose avec la nature que dans les romans médiévaux[118]. Un autre thème central du Romantisme est celui de la confrontation entre Merlin et d'autres enchanteurs ou sorciers qu'il parvient à vaincre[119].
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+ Ralph Waldo Emerson et Edwin Arlington Robinson (Merlin) font ressortir en lui « l'esprit noble du barde »[K 15]. L'Allemand Karl Leberecht Immermann (Merlin: eine Mythe)[120] met l'accent sur la quête spirituelle que représente la conquête du Graal, tout comme Friedrich Werner von Oesteren avec Merlin, ein Epos[121]. Edgar Quinet construit dans son Merlin l'Enchanteur, en 1860, un mythe littéraire autour du personnage, inspiré de multiples traditions et d'écrits plus anciens. Il fait de Merlin un prophète, poète, enchanteur puissant mais néanmoins enseveli vivant par la femme qu'il aime[122]. Les poèmes romantiques mettent également en avant la dualité du personnage issu d'un père démoniaque, grâce à des dialogues entre Merlin et le Diable[123]. D'autres en font un personnage obsédé par la quête de la connaissance, via l'astrologie et l'alchimie[116]. En 1909, le jeune poète français Guillaume Apollinaire, âgé de dix-huit ans, écrit sa première œuvre publiée, L'Enchanteur pourrissant. Mélange de théâtre, de poème et de roman, cet ensemble très désenchanté constitue le creuset de la poésie d'Apollinaire[124].
226
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227
+ Jean Cocteau écrit en 1937 la pièce Les Chevaliers de la Table ronde, dans laquelle il fait ressortir beaucoup d'aspects négatifs chez Merlin, un « vieil enchanteur génial et cruel […] logé comme une araignée au centre de sa toile ». Cette image est liée aux « enchantements de la drogue », l'opium que Cocteau consomme alors en abondance[79].
228
+ Le Cycle de Merlin de Mary Stewart (1970-1979) reprend la matière médiévale. Il compte cinq tomes : La Grotte de cristal, Les Collines aux mille grottes, Le Dernier Enchantement (tous trois parus chez Calmann-Lévy en 2006) ainsi que deux romans jamais traduits en français, The Wicked Day, et The Prince and the Pilgrim. Michel Rio a écrit Merlin en 1989, roman d'une trilogie regroupée en un seul tome en 2006 sous le titre de Merlin, le faiseur de rois[Rio 2]. Le personnage y naît d'un inceste entre son grand-père et sa mère[125], il est désabusé, plus philosophe et homme d'état qu'enchanteur. Les thèmes de la mort et de la guerre sont récurrents[79]. Jean Markale, auteur d'une adaptation des romans du Graal, a imaginé un épilogue original dans son roman La Fille de Merlin. Elle rencontre le barde Taliesin à la recherche de l'épée Excalibur, dérobée par les Saxons au roi Arthur après sa mort[126].
229
+
230
+ Graal (2003) et Graal Noir (2010) forment une série de Christian de Montella, dans laquelle Merlin est le fils du diable. Avec ses pouvoirs, il aide les chevaliers de la Table ronde à accomplir leur destin. Les mémoires de Merlin de Guy D'Amours présentent un « Merlin historique » au début du Moyen Âge, après la chute de l’Empire romain[127].
231
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232
+ Plus connu pour ses œuvres de science-fiction, René Barjavel parle longuement de Merlin dans L'Enchanteur[128]. Ce roman dans le registre du conte est nettement optimiste, féerique et merveilleux[79]. Comme la plupart des œuvres de Barjavel, il est centré sur l'amour, célébrant tout entier l'union impossible de Merlin et Viviane[128] : Merlin ne doit pas se laisser aller à aimer Viviane sous peine de perdre ses pouvoirs, qui dépendent de sa virginité. L'Enchanteur se présente comme un magicien capable de se métamorphoser en cerf et en oiseau (notamment en corbeau blanc), un « maître du monde végétal »[129] et des forces du vent[Ba 3]. Entièrement vêtu de vert, les paysans le prennent pour un ancien dieu forestier[79]. Il naît « couvert de poils comme un enfant sanglier »[129], sa première apparition se fait sous l'apparence du cerf blanc[Ba 4], en écho à l'histoire de Grisandole[79]. Il aide à l'établissement de la Table ronde et lance les chevaliers sur la quête du Graal[Ba 5], le roman s'achève par l'union éternelle de Merlin et Viviane, dans une « chambre d'air » invisible, une « chambre d'amour que le temps promène »[130].
233
+
234
+ Le Cycle de Pendragon, écrit par Stephen Lawhead entre 1987 et 1999, présente Merlin comme étant à lui seul différents personnages cités dans les sources historiques. Il fait remonter les origines de la légende arthurienne, et donc de Merlin, à la chute de l'Atlantide. Ce cycle est parfois qualifié de semi-historique (dans la mesure où le cadre historique est davantage mis en avant que l'aspect magique), et parfois de fantasy. Merlin est le narrateur du second tome du cycle et du quatrième, Pendragon. Il aide l'avènement du roi Arthur, destiné à sauver la Bretagne sur les plans spirituels et politiques[131]. Ces romans rencontrent un grand succès dans de nombreux pays[132]. Stephen Lawhead s'est appuyé sur les Mabinogion et les écrits de Geoffroy de Monmouth[133], ses textes sont également nettement influencés par la culture chrétienne[131].
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236
+ Les œuvres littéraires modernes autour de Merlin appartiennent majoritairement au genre fantasy, la fantasy arthurienne étant un sous-genre à elle seule[134].
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238
+ L'Américaine Andre Norton écrit en 1975 Le miroir de Merlin (Merlin's mirror), où Myrddin est engendré par des extraterrestres et s'oppose à Nimue, la Dame du Lac, pour permettre l'avènement du roi Arthur en Angleterre après la chute de l'Empire romain[135]. Dans son roman initiatique Le retour de Merlin, Deepak Chopra imagine la résurrection de Merlin et Mordred dans une petite ville anglaise à l'époque moderne[136]. Jean-Louis Fetjaine écrit la série Le Pas de Merlin de 2002 à 2004, œuvre qui présente Merlin en barde du VIe siècle, assez éloigné du personnage médiéval de la légende arthurienne, sur une île de Bretagne menacée par les invasions des Pictes et des Gaëls[137]. D'après Anne Besson, son univers est une fusion entre la légende médiévale habituelle et la fantasy définie par Tolkien, puisque Merlin y est de nature merveilleuse, mi-homme et mi-elfe[134]. La suite, Brocéliande, raconte la quête des origines de Merlin en forêt de Brocéliande[138]. Robert Holdstock, dans Le Codex Merlin (trois tomes : Celtika, Le Graal de Fer et Les royaumes brisés, publiés chez Pocket et Le Pré aux clercs), présente Merlin comme un être immortel et éternellement jeune, en quête de savoir. Il rencontre le Grec Jason dans la quête de la Toison d’or[139]. Son roman Le Bois de Merlin se déroule en forêt de Brocéliande après la mort du magicien[140].
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+
240
+ Merlin d'Ambre est le personnage central de la seconde partie de la saga des Neuf Princes d'Ambre (ou Cycle de Merlin) par Roger Zelazny. Fils de Corwin et de Dara, il est féru d'informatique et très doué dans la pratique de la magie. D'autres cycles de fantasy mentionnent Merlin sans en faire un personnage central, ainsi la saga de Harry Potter, écrite par J. K. Rowling, présente Merlin comme le plus grand et célèbre sorcier de tous les temps[141]. La Quête d'Ewilan, trilogie écrite par Pierre Bottero, raconte que Merlin serait Alavirien, un dessinateur hors pair. Il s'appellerait en réalité Merwyn Ril'Avalon. Dans sa saga Les Dames du lac, Marion Zimmer Bradley fait de Merlin un druide sage et mortel, évacuant de son œuvre toute référence à la magie[134].
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+ Certaines œuvres sont dédiées au jeune public, comme l'adaptation illustrée de Claudine Glot La Légende de Merlin[142]. Dans la série Azilis de Valérie Guinot (L'Épée de la liberté, La Nuit de l'enchanteur et Le Sortilège du vent), qui se déroule au Ve siècle, l'héroïne homonyme devient l'élève de Myrddin[143] et tombe amoureuse de lui[144]. Dans la série L'Apprentie de Merlin, par Fabien Clavel, l'héroïne Ana apprend aussi les secrets magiques de Merlin. Les Descendants de Merlin d'Irene Radford, paru en 2007 chez Points, a pour protagoniste Wren, la fille de Merlin et d'une grande prêtresse de Dana. La série de romans Merlin, écrite par Laurence Carrière depuis 2009, raconte l'enfance et l'adolescence du jeune Merlin en mêlant données historiques et éléments de fantasy. Elle compte six tomes : L'École des druides, L'Épée des rois, Le Monde des ombres, Les Portes de glace, L'Étrange Pays des fées et La Colère des géants.
243
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244
+ Certaines œuvres sont imprégnées d'humour, c'est le cas du roman de Mark Twain, Un Yankee à la cour du roi Arthur (en anglais : A Connecticut Yankee in King Arthur's Court), écrit en 1889. Et de Merlin l'Ange Chanteur, troisième tome du cycle Quand les dieux buvaient de Catherine Dufour, dans lequel Merlin est un Archange griffu se nourrissant de foi et de souffrance humaine. L'oulipien Jacques Roubaud a beaucoup travaillé sur la légende arthurienne, avec ses deux œuvres Graal fiction (1978)[145] et Graal théâtre (chez Gallimard). Dans la première, sur un ton humoristique, il relit et réécrit certains passages de la légende arthurienne pour en expliquer les mystères[79].
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246
+ Au début des années 1880, Georges Marty compose le poème symphonique Merlin enchanté[146]. En 1887, Károly Goldmark créé son second opéra, Merlin. Myrdhin est le second opéra du compositeur breton Paul Ladmirault, composé en 1909. Merlin apparaît également dans l'opéra d'Ernest Chausson, Le Roi Arthus, créé le 30 novembre 1903, quatre ans après la mort du compositeur. Il est le personnage principal de l'opéra Merlin (en) d'Isaac Albéniz.
247
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248
+ Boris Vian, dans la pièce et l'opéra Le Chevalier de neige (respectivement en 1953 et 1957), présente Merlin comme « l'Homme Vert », incarnation du bien par opposition à la Fée Morgane[BaA 8]. Laurence Naismith interprète le personnage de Merlyn dans la version filmée de la comédie musicale Camelot (basée sur l'œuvre de T. H. White)[147]. Merlin ou la Terre dévastée (Merlin oder das wüste Land), pièce de théâtre allemande assez complexe jouée pour la première fois en 1981, prend la forme d’un spectacle-fleuve où Merlin est à la fois scénariste et spectateur du mythe arthurien[148]. Le groupe de rock néerlandais Kayak a intitulé son huitième album Merlin. The Myths and Legends of King Arthur and the Knights of the Round Table, album conceptuel de Rick Wakeman sorti en 1975, compte une chanson consacrée à Merlin (Merlin the Magician), et constitue l'une des plus intéressantes adaptations de la légende arthurienne sur support musical[149]. En Bretagne, le harpiste celtique Rémi Chauvet a pris pour pseudonyme le nom de « Myrdhin », en référence à Merlin[150] et un groupe de rock formé en 1996 à Landerneau se nomme Merzhin. Le compositeur nantais Alan Simon a élaboré entre 1998 et 2013 une trilogie appelée Excalibur, comportant trois albums-concepts et plusieurs spectacles narrés par Merlin, dont le rôle est tenu par divers artistes (Dan Ar Braz, Jean Reno, Michael Mendl)[151]. Deux romans poursuivent l'aventure.
249
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250
+ À partir des années 1960, le cinéma succède au théâtre pour mettre en scène Merlin. L'une de ses représentations les plus connues au cinéma est celle du film d'animation Merlin l'Enchanteur en 1963, inspiré du roman L'Épée dans la pierre[147]. Ce film d'animation des Studios Disney réalisé par Wolfgang Reitherman montre une image puérile du personnage, dont les pouvoirs se limitent à la métamorphose[BaR 2]. Jouant sur l'humour, il est destiné à un jeune public[148]. Le film Excalibur de John Boorman, réalisé en 1981 avec Nicol Williamson dans le rôle de Merlin[147], offre un propos bien différent. Boorman a toujours considéré Merlin comme « le personnage le plus intéressant des légendes ». Il présente l'enchanteur comme « un mythe dont la Bretagne (Britain) a besoin ». Le Merlin de Boorman réunit une combinaison d'archétypes jungiens : vieil homme sage, métamorphe et Trickster, doué de prescience, d'une affinité avec le monde animal (il parle aux chevaux) et avec le dragon, il est chargé de l'éducation d'Arthur, tout en formant un élément humoristique du film[152]. En 1996 sort Les Nouvelles Aventures de Merlin l'Enchanteur (en VO : Merlin's Shop of Mystical Wonders), film d'horreur américain.
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+ Dans le film d'animation de Chris Miller Shrek le troisième, sorti en 2007, on rencontre un Merlin à la retraite et incapable de faire correctement de la magie. Le personnage est présent aussi dans le film La Dernière Légion où l'on suit la destinée d'un certain druide Ambrosinus (en réalité Merlin) qui devient tuteur du dernier empereur de Rome et de son fils Arthur[153]. Dans L'Apprenti sorcier, sorti en 2010, le personnage principal apprend qu'il est le dernier descendant de Merlin et qu'il doit combattre la fée Morgane.
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+ Tout comme le cinéma, la télévision ne manque pas de consacrer régulièrement des productions au personnage de Merlin. On rencontre un Merlin retiré du monde et vivant de nos jours dans la série Monsieur Merlin diffusé sur CBS (1981-1982). Dans le téléfilm de 1998 Merlin, réalisé par Steve Barron, le protagoniste (joué par l'acteur Sam Neill) combat la déesse païenne Mab[147]. Une suite a été tournée en 2006, L'Apprenti de Merlin[BaR 3]. Le téléfilm Le Retour de Merlin, réalisé en 2000[BaR 4], reçoit un mauvais accueil critique[154].
255
+
256
+ Merlin contre les esprits d'Halloween, un téléfilm d'animation créé en 2006, est inspiré de la bande-dessinée de Joann Sfar. Toujours en France, la série humoristique Kaamelott (2005-2009), réalisée par Alexandre Astier, voit Jacques Chambon jouer un Merlin incompétent[BaR 5]. La BBC One diffuse de 2008 à 2012 la série Merlin, avec Colin Morgan dans le rôle du protagoniste dont la jeunesse est racontée. Le personnage apparaît aussi au centre de la série Camelot où Joseph Fiennes interprète un Merlin manipulateur et torturé par son usage de la magie. Le téléfilm français en deux parties Merlin, réalisé par Stéphane Kappes avec Gérard Jugnot dans le rôle de Merlin, a été diffusé à la télévision en France et en Belgique fin 2012. Il a reçu un mauvais accueil critique en raison notamment de ses effets spéciaux[155].
257
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258
+ Certaines séries télévisées consacrent un épisode particulier à Merlin ou en font un personnage secondaire, ainsi dans Au cœur du temps (The Time Tunnel) en 1967, Christopher Cary incarne Merlin, the Magician dans l'épisode homonyme[147]. Dans Stargate SG-1 (de Brad Wright et Jonathan Glassner, 1997-2002), Matthew Walker joue le rôle de Merlin. Le téléfilm réalisé par Roger Young en 1998, Le Chevalier hors du temps, voit Ian Richardson incarner le magicien[BaR 6].
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260
+ Merlin apparaît dans l'univers de DC Comics, dans lequel toute la mythologie autour du personnage est reprise, avec notamment la fée Morgane et Nimue. De même, Thor (1962-), série de Comics de Marvel, présente un super-vilain nommé Merlin. Philippe Le Guillou campe un Merlin contemplatif dans l'ouvrage Immortels : Merlin et Viviane, avec Paul Dauce[BaA 8]. Brucero a abondamment illustré Merlin sur les textes de Catherine Quenot dans Le Livre secret de Merlin[156].
261
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+ Merlin (1999-2003) est une série de bande dessinée humoristique retraçant l'enfance de Merlin, dont le scénario est signé Sfar. Les deux séries Merlin (2000-2009, BD réaliste retraçant la jeunesse de Merlin) et Merlin, la quête de l'épée (2009-), scénarisées par Jean-Luc Istin, appartiennent au genre fantasy et présentent un personnage d'origine païenne. Elles connaissent un grand succès[157]. Merlin apparaît également dans la série Le Chant d’Excalibur d'Arleston Scotch et Éric Hübsch. Réveillé en plein Moyen Âge par la destruction de son dolmen-prison, il part en quête au côté la jeune Gwyned, une descendante de Galaad, pour raviver le peuple magique. Celui-ci est en effet menacé de disparaître faute de croyants en ces temps de christianisation galopante. L’enchanteur y est dépeint comme crasseux, ivrogne et libidineux.
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+ Dans le manga Seven Deadly Sins, Merlin, une femme, est l'un des personnages principaux de l'oeuvre. Lors de sa première apparition, elle est mage garde du corps de Arthur Pendragon, roi de Caamelot.
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+ L'univers des jeux fait lui aussi régulièrement appel à Merlin. Dans la série de livres-jeux Quête du Graal (1984-1987), il est le mentor du héros, Pip. En 1998, le jeu de société Merlin, destiné aux jeunes, est créé par Reinhard Staupe. Il est réédité en 2003[158]. Dans la série de jeux vidéo Paper Mario (2000-), le personnage de Merlon est présenté comme le cousin de Merlin[159]. D'autres jeux sont inspirés de licences cinéma ou télévisées, c'est le cas de Merlin: A Servant of Two Masters sur Nintendo DS, sorti en 2012 et inspiré par la série télévisée de la BBC[160], ainsi que pour la série de jeux vidéo Kingdom Hearts, où la version Disney du personnage de Merlin apparaît dans quelques épisodes de la série (Kingdom Hearts, Kingdom Hearts 2 et Kingdom Hearts: Birth by Sleep).
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+ La mer Méditerranée (prononcé [me.di.tɛ.ʁa.ne]) est une mer intercontinentale presque entièrement fermée, bordée par les côtes d'Europe du sud, d’Afrique du Nord et d’Asie de l'Ouest, depuis le détroit de Gibraltar à l'ouest aux entrées des Dardanelles et du canal de Suez à l'est. Elle s’étend sur une superficie d’environ 2,5 millions de kilomètres carrés. Son ouverture vers l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar est large de 14 kilomètres.
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5
+ Elle doit son nom au latin « mare Mediterraneum »[1], qui désigne une « mer au milieu des terres ».
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7
+ Durant l’Antiquité, la Méditerranée était une importante voie de transports maritimes permettant l’échange commercial et culturel entre les peuples de la région — les cultures mésopotamiennes, égyptienne, perse, phénicienne, carthaginoise, berbère, grecque, étrusque, et romaine. L’histoire de la Méditerranée est importante dans l’origine et le développement de la civilisation occidentale.
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9
+ Le terme de Méditerranée vient du latin mediterraneus qui veut dire « au milieu des terres », sous-entendu « du monde connu » (medius pour milieu et terra pour terre).
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11
+ La mer Méditerranée a été connue à travers l'Histoire sous de nombreux noms :
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+ Le bassin méditerranéen est riche d’une histoire complexe et ancienne. Elle est le berceau de la civilisation occidentale. L’Antiquité connaît un foisonnement de civilisations diverses comme les Égyptiens ou les Mésopotamiens. Puis, de grands empires prennent le contrôle des côtes de la mer Méditerranée. La Grèce, Carthage et Rome sont bien connus pour leur domination autour du bassin méditerranéen. Ils développèrent le commerce maritime et les guerres navales.
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+ Venise reprend le flambeau progressivement, puis monte en puissance au XIVe siècle, lorsque la « Bourse du Rialto » facilite l'échange des parts de navires, le développement d'une flotte commerciale, et le quadruplement de la superficie de l'Arsenal de Venise, mené par les autorités de la ville. La rivalité avec Gênes, autre grande cité maritime, favorise aussi le commerce, avant que la découverte des Amériques ne déplace le centre de gravité commercial, très progressivement, plus à l'Ouest.
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17
+ La mer Méditerranée se divise en deux bassins bien individualisés, séparés par des hauts fonds situés entre la Sicile et la Tunisie : la Méditerranée occidentale[5] et la Méditerranée orientale[6], elles-mêmes nettement compartimentées. La première recouvre une superficie d’environ 0,85 million de kilomètres carrés tandis que la seconde recouvre environ 1,65 million de kilomètres carrés.
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+ La Méditerranée se trouve à la limite entre deux plaques : les plaques africaine et eurasienne. Ces deux plaques se rapprochent à cause de la subduction de la lithosphère océanique de la Téthys, ce qui est à l'origine de collisions continentales. Cela explique la forte activité sismique dans cette région et le volcanisme (Vésuve, Etna, Stromboli, Santorin...).
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+ Le fond de la Méditerranée occidentale est constitué d'une lithosphère océanique relativement récente, qui a commencé à se former au Miocène. La Méditerranée orientale est aussi constituée de lithosphère océanique mais d'âge plus ancien datant du Mésozoïque (de l'ère secondaire). C'est le vestige d'un ancien océan : la Téthys. Cette lithosphère océanique ancienne s'enfonce (subduction) sous l'Italie, la Sicile, la mer Égée, ce qui est à l'origine de la remontée du continent africain, mais aussi de l'étirement de la lithosphère dans la mer Égée et le bassin algéro-provençal et la mer Tyrrhénienne. Les séismes récents en Italie ont pour origine cet étirement de la croûte.
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23
+ La mer Méditerranée est en partie le vestige d’un ancien domaine océanique que l’on nomme aujourd’hui la Téthys, qui était plus vaste que la mer Méditerranée actuelle. À partir du Crétacé, la Téthys s’est « refermée » progressivement par subduction, avec le rapprochement des continents africain et eurasiatique. Ceci entraîne la formation de chaînes de montagne, comme les Pyrénées, ou les Alpes. Durant l’Oligocène (il y a 30 millions d’années), la Méditerranée occidentale subit une phase d’étirement qui sépare la Corse et la Sardaigne du continent européen.
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+ Il y a cinq millions d’années, le détroit de Gibraltar s’est refermé à la suite de l'élévation de son niveau par des mouvements sismiques, réduisant la mer Méditerranée à un lac très salé. On nomme cet épisode la crise de salinité messinienne. Des dépôts salins au fond de la mer produits durant un million d’années témoignent de ce phénomène. Près de 300 000 ans plus tard, une série de mouvements sismiques ont ouvert le barrage naturel du détroit[7]. Les scientifiques ont observé, à l'ouest du bassin oriental, un vaste dépôt de sédiments, d’apparence chaotique, au pied d’une falaise sous-marine appelée l'escarpement de Malte[8]. Ce dép��t témoigne d’une inondation gigantesque, datant du début du Pliocène, qui aurait rempli ce qui est la Méditerranée actuelle. Se déversant par le détroit de Gibraltar dès son ouverture, l’Atlantique a alimenté, en premier lieu, le bassin occidental avant de franchir le verrou au niveau de l’escarpement de Malte et de se jeter dans le bassin oriental par une cascade de 1,5 km de dénivelé en creusant au passage un immense canyon[9] sur le versant oriental de l'escarpement. Il aurait fallu entre quelques mois et quelques années pour que se déverse la quantité d’eau qui avait mis des centaines de milliers d’années à s’évaporer[10].
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+ En s'inspirant de cet épisode, l'architecte allemand Herman Sörgel conçoit en 1928 le projet Atlantropa dans lequel la fermeture du détroit de Gibraltar par un barrage hydroélectrique aurait asséché une partie de la mer Méditerranée.
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+ Les fonds marins de la mer Méditerranée se modifient encore aujourd’hui car les plaques africaine et eurasienne sont en contact. Leurs mouvements provoquent des séismes en Italie, Grèce, Turquie, Israël, France, et Algérie, et entretiennent une activité volcanique en Italie avec l’Etna, le Vésuve et le Stromboli.
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+ L'Organisation hydrographique internationale divise la mer Méditerranée en deux bassins dont les limites sont déterminées de la façon suivante[11] :
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+ La Méditerranée est reliée à l’océan Atlantique, par le détroit de Gibraltar et le canal du Midi, à l’ouest ; à la mer de Marmara et à la mer Noire, par les Dardanelles et le Bosphore, à l’est ; à la mer Rouge, par le canal de Suez, au sud-est. La mer de Marmara — mais pas la mer Noire — est parfois considérée (à tort) comme faisant partie de la Méditerranée. Il s'agit géographiquement d'une mer semi-fermée partagée par 23 États riverains même si certains États comme la Fédération de Russie utilisent une argumentation juridique pour refuser ce qualificatif, arguant du fait qu'il s'agit d'une mer très grande contenant beaucoup d'autres mers (comme la mer Adriatique à son tour semi-fermée) et utilisée pour la navigation internationale, comme s'il s'agissait d'un océan[12].
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35
+ Le climat méditerranéen est caractérisé par un hiver humide et doux et par un été chaud et sec. Cependant, les inter saisons laissent place à une violence certaine du climat. Des pluies très importantes et très violentes s’abattent parfois alors que la terre asséchée par des périodes de sécheresse ne peut absorber ces précipitations (parfois équivalents à trois mois de pluie voire bien plus selon la latitude). Les inondations fréquentes en témoignent, comme à Vaison-la-Romaine en 1992 ou dans l’Aude en 1999.
36
+
37
+ Les marées sont de faible amplitude et l’évaporation (3 130 km3/an) y est plus importante que dans l’océan Atlantique, d’où un taux de salinité plus élevé et des températures d’eau plus chaudes qu’en Atlantique. Les précipitations (pluviométrie de 1 000 km3/an) et la quantité relativement faible d’eau apportée par les fleuves (apports fluviaux de 430 km3/an) qui s’y jettent sont largement insuffisantes pour combler cette évaporation. Les apports hydrologiques de la mer Noire (180 km3/an) et surtout de l’océan Atlantique (1 520 km3/an) permettent cependant de combler une partie du déficit d’environ 3 000 milliards de mètres cubes[13].
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+
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+ Les principales îles de la Méditerranée, que ce soit par leur superficie, leur importance historique ou leur fréquentation touristique, sont :
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+ Les États qui bordent la Méditerranée sont :
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+ Au niveau de ces pays, la Méditerranée est le lieu de processus accentués de littoralisation et d'urbanisation plus ou moins spontanées. Sur 30 ans, de 1970 à 2000, les populations côtières sont passées de 96 millions d’habitants à 145 millions, soit 51 % d’augmentation, dont 17,2 % pour la rive Nord et 84 % pour les rives Est et Sud. Sur la même période, la population urbaine côtière a progressé de 10 millions d’habitants sur la rive Nord et de 30 millions d’habitants sur les rives Sud et Est[14].
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+
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+ La mer Méditerranée se divise en deux bassins bien séparés par des hauts-fonds entre la Sicile et la Tunisie. Chaque bassin est divisé en différents compartiments portant le nom de mers, bassins ou golfes, parfois eux-mêmes divisés en zones géographiques de taille inférieure :
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+ Méditerranée occidentale
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+ Méditerranée orientale
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+ Plusieurs détroits relient ces différentes parties de la Méditerranée :
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+ La Méditerranée étant un des derniers vestiges océaniques de la Téthys, la plupart de ses espèces étaient pantropicales (espèces présentes dans toutes les mers chaudes du globe : récifs coralliens à porites, mangroves) avant la crise de salinité messinienne. La fermeture de la communication avec l'océan Indien il y a 14-18 Ma et l’assèchement de la Méditerranée durant cette crise messinienne il y a 5,96 à 5,33 Ma ont eu pour conséquence que le biotope marin de la mer Méditerranée est depuis lors principalement issu de l’océan Atlantique. L’Atlantique Nord est beaucoup plus froid et plus riche en aliments que la Méditerranée, et la vie marine méditerranéenne s'est adaptée à des conditions changeantes au cours des cinq millions d’années qui ont suivi son remplissage[17].
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+
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+ La Méditerranée représente 0,8 % de la surface de l’océan mondial et 8 à 9 % de la biodiversité marine (10 à 12 000 espèces). Le domaine continental de la Méditerranée représente 1,6 % de la surface des continents et 10 % de la biodiversité mondiale (notamment 20 000 plantes, dont 52 % d’endémiques). La faune et la flore méditerranéennes comportent environ 20-30 % d’endémiques, 3-10 % d’espèces pantropicales, 55-75 % d’espèces atlantiques et 5 % d’« espèces lessepsiennes »[14],[18]. Le taux d’endémisme y est de 18 % chez les Decapoda et les poissons[19], 48 % chez les spongiaires, 20 % chez les algues, 50 % chez les ascidies, si bien que la Méditerranée occupe la deuxième place mondiale en termes de richesse d’espèces endémiques[20].
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+ La Méditerranée est cependant une mer relativement pauvre en termes de biomasse, notamment dans sa partie orientale en raison d'une limitation en phosphates qui réduit le développement du phytoplancton[21].
58
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+ La mer Méditerranée est plus salée et plus pauvre en nutriments que l’océan Atlantique, en particulier à cause du détroit de Gibraltar qui bloque les grands courants de l’Atlantique. En raison de l’aridité du climat et de l’effet des vents, l’évaporation est plus importante que les apports des pluies et des fleuves, ce qui concentre la teneur en sel ; un équilibre est globalement préservé grâce à deux écoulements contraires au niveau de Gibraltar : un flux d'eau Atlantique entrant en surface et un flux d’eau salée sortant en profondeur[22].
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+ Le percement du canal de Suez en 1869 a créé le premier passage d’eau de mer entre la mer Méditerranée et la mer Rouge. Cette dernière étant plus haute que la partie orientale de la Méditerranée, le canal forma un fleuve d’eau salée de la mer Rouge dans la Méditerranée. Traversé par le canal, le Grand Lac Amer (très salé avant le percement) a bloqué la migration des espèces de la mer Rouge vers la Méditerranée pendant plusieurs décennies. Progressivement, la salinité de ce lac s’est égalisée avec celle de la mer Rouge, la barrière migratoire s’est levée, et les plantes et les animaux de la mer Rouge ont commencé à coloniser la Méditerranée orientale.
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+ Les espèces animales et végétales de la mer Rouge prennent l’avantage sur les espèces de l’océan Atlantique dans l’environnement méditerranéen oriental salé et pauvre en aliments. La construction du barrage d'Assouan sur le Nil dans les années 1960 a réduit l’apport d’eau douce riche en nutriments dans la Méditerranée orientale, ce qui rend l’environnement de la Méditerranée proche de celui de la mer Rouge. Cet échange d’« espèces lessepsiennes » ou « érythréennes » (du grec eruthros signifiant « rouge ») est connu sous le nom de migration de Lesseps, d’après Ferdinand de Lesseps, l’ingénieur qui a surveillé la construction du canal. Ces espèces s'installent principalement dans le bassin oriental et s'y acclimatent, si bien que 15 % des poissons de la Méditerranée orientale sont exotiques en 2007 (en Turquie elles représentent 43 % des ressources halieutiques ; au Liban, 72 % des poissons sont des Siganus rivulatus[23]). Certaines migrent dans le bassin occidental (Siganus luridus, Fistularia commersoni).
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+ En 2008, 560 espèces exotiques (une majorité de poissons, arthropodes et mollusques) ont été recensées en Méditerranée. Leurs voies d'arrivée sont le détroit de Suez, le détroit de Gibraltar et la voie anthropique (notamment l'aquaculture, les eaux de ballasts ou le fouling). 220 proviennent du bassin indo-pacifique, 100 de l'océan Indien, 58 de la mer Rouge, 34 de l'océan Atlantique[24].
66
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+ Le dérèglement climatique pourrait avoir des effets exacerbés sur la zone biogéographique méditerranéenne qui abrite un grand nombre de hot-spots de biodiversité. Ils entraînent en effet une augmentation de la température de surface de la mer et entraînent une méridionalisation voire une tropicalisation de la Méditerranée : les espèces végétales et animales d’affinité méridionale sont favorisées aux dépens des espèces septentrionales[25].
68
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+ La Méditerranée est la victime de pressions diverses : la poursuite de la surpêche favorise la gélification de cette mer due à la pullulation de méduses ; contaminants chimiques, comme les métaux lourds et les pesticides, dont certaines molécules, quoiqu'elles soient interdites, résident dans le lit des fleuves et sont périodiquement relarguées à l'occasion des épisodes de crues ; développement des macro-déchets et, plus encore, des micro-déchets plastiques, qui font courir un risque de « polymérisation » au bassin méditerranéen.
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+ Anticiper les effets du changement climatique sur l’eau, l’agriculture, le tourisme, la pêche, l’énergie, le transport et l’urbanisme et l’environnement et la santé (zoonoses, épidémies, maladies émergentes) dans cette zone est une priorité croissante pour les élus et habitants de cette région déjà très dégradée par les feux de forêts et les sécheresses[26].
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+ Le bassin méditerranéen concentre 150 millions d’habitants et attire quelque 200 millions de visiteurs chaque année[27]. 20 % des pétroliers, 30 % des navires marchands du monde circulent en Méditerranée, pour un trafic total de 120 000 bateaux[27].
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+ Le secteur de la pêche primaire (emplois à bord des bateaux de pêche) représente près d'un quart de million d'emplois en Méditerranée. La pêche artisanale représente 60 % de ces emplois et 80 % (67 000 navires) de la flotte totale[28].
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+ Ce secteur est cependant menacé par la surpêche. Les lacunes en matière de réglementation de la pêche, la non application des recommandations de la Commission générale des Pêches pour la Méditerranée, la surexploitation des ressources halieutiques et l'utilisation de certains modes d'exploitation néfastes entraînent en effet le déclin des stocks dont 4 % à peine atteignent le rendement maximum durable. La Commission européenne estime qu'en 2016, à « l’ouest, entre les côtes espagnoles et la mer Tyrrhénienne, 96 % des stocks sont surexploités. Les pêcheurs européens attrapent en moyenne six fois plus de merlu, de rouget, de merlan bleu ou de baudroie qu’il faudrait pour que ces espèces aient une chance de se reproduire et de se maintenir durablement. A l’est, autour de la Crète et de Chypre, 91 % des populations de poissons sont pressurées au-delà du raisonnable. Le pire étant les zones centrales, où se retrouvent les bateaux de pêche de tous les pays riverains »[29]. Pour les anchois et sardines menacés de disparition, d'autres facteurs que la pression de pêche sont avancés : les changements environnementaux comme la température de la mer ou la pollution semblent modifier le plancton qui serait constitué d’espèces moins énergétiques, ce qui affecterait les populations de sardines et d’anchois[30].
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+ Les Jeux méditerranéens, qui se déroulent tous les quatre ans, sont une compétition multisports où se rencontrent des sportifs des pays du bassin méditerranéen.
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+ Une première forme de tourisme culturel, le Grand Tour, se développe sur les bords de la Méditerranée au XVIIIe siècle. Des jeunes aristocrates d'Europe du Nord visitent l'Italie, parfois la Grèce et le Proche-Orient ottomans, pour s'imprégner de la culture classique grecque, romaine, et italienne et se faire une place au sein de l'élite culturelle, diplomatique ou commerciale européenne.
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+ Au XIXe siècle, la bonne société européenne ne cherchait pas la chaleur et le soleil pour ses loisirs, se déplaçant sur des stations balnéaires de la côte atlantique, de la Manche ou de la Baltique dès le début de l'été, mais pas en Méditerranée. C'est à la même époque que naît le tourisme en Angleterre, où la population est déjà très urbanisée et invente la notion de vacances : les Anglais sont ainsi premiers à fréquenter les bords de la Méditerranée (mais en hiver), donnant naissance à de nombreux palaces (en particulier à Nice, la promenade des Anglais en étant un souvenir). À cette époque, « bronzer, c'était prendre le risque de régresser socialement et racialement » affirme l'anthropologue Jean-Didier Urbain (en effet, c'étaient les couches les plus pauvres de la population — paysans… — qui travaillaient au soleil ; il s'agissait donc d'un marqueur social, obligeant les couches aisées à garder la peau claire et à se couvrir)[31].
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+ La première description d'un bain de soleil comme plaisir bourgeois date ainsi seulement de 1902, dans L'Immoraliste d'André Gide et Coco Chanel fait scandale en 1927 en prenant le soleil sur la Côte d'Azur, alors que l'écrivain Théo Varlet créé le nudisme en 1905. Le tourisme méditerranéen, encore privilégié, se développe à partir de cette période. Jean-Didier Urbain poursuit : « Longtemps, la fréquentation de la Méditerranée s'est faite autour de trois usages. Il y avait l'aspect sanitaire, avec les stations balnéaires, de la côte espagnole à la Riviera italienne. Puis, dans le croissant allant des côtes adriatiques à l'Égypte, une imbrication entre découverte des racines de notre civilisation et une Méditerranée des loisirs dont le principal attrait était le tourisme sexuel »[31].
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+ En France, pays rural en comparaison de l'Angleterre, c'est avec les congés payés de 1936 et surtout la société de consommation des Trente Glorieuses que le tourisme méditerranéen se développe et se démocratise, donnant naissance au camping et à la fréquentation populaire des villes du Sud de la France. En 1950, l'entrepreneur belge Gérard Blitz créé le Club Méditerranée, des camps de vacances (d'abord sur l'île de Majorque, en Espagne[32], puis en Italie, en Grèce, en Tunisie, etc.). « Le coup de génie de Blitz, c'est la création d'un concept de vacances qui n'a strictement rien à faire de l'endroit où l'on s'implante du moment qu'il y a le sable, le soleil et la mer. Un endroit où l'on est heureux ensemble : sur ces côtes méditerranéennes, on crée une Polynésie fantasme, avec paréos, paillotes et monnaie propre. On ne vient plus là pour découvrir le monde mais pour l'oublier » conclut Jean-Didier Urbain[31]. Avec l'apparition des boîtes de nuits, certains endroits se voient dédiés à la fête estivale, comme l'île d'Ibiza.
88
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+ Depuis, la région accueille un nombre toujours croissant de voyageurs : le nombre de touristes internationaux représente plus de 310 millions en 2015, soit 28 % du tourisme mondial[33]. De 2000 à 2020, la France, l'Espagne et l'Italie sont leaders mais la Turquie et l'Égypte devraient tripler, voire quadrupler leur nombre de visiteurs. .
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+ Sur 5,7 % des terres émergées, le bassin méditerranéen concentre un tiers du tourisme mondial (275 millions de visiteurs selon les chiffres du World Travel and Tourism Council (en)). « Ces flux touristiques génèrent plusieurs types de pression sur l’environnement : un urbanisme littoral démesuré au regard des besoins des populations résidentes ; l’augmentation des tensions sur l’utilisation de l’eau qui résulte d’habitudes de consommation très spécifiques (golfs, piscines, usage individuel moins restreint que celui des populations locales), mais aussi de la coïncidence des afflux touristiques avec les périodes d’étiage[14]. »
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+ Depuis le début de la crise migratoire, dans les années 2010, de plus en plus de migrants et réfugiés parviennent en Europe en traversant la Méditerranée, en raison d'un contrôle toujours plus grand des routes de migration terrestres par l’UE (Frontex). Ces traversées maritimes sur des embarcations de fortune surpeuplées sont bien souvent très périlleuses, et ont conduit à la mort de plusieurs milliers de personnes. En 2017, 172 301 migrants ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l'Europe. En 2018, ce nombre est tombé à 113 482 personnes, soit une diminution de 34 %[34].
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+ L’OIM, organisation liée aux Nations Unies et spécialisée dans les défis de la gestion des flux migratoires, recense chaque année le nombre de noyés parmi les migrants et réfugiés tentant d’entrer en Europe par voie maritime. Au 12 octobre 2016, elle a enregistré 3 632 décès en mer depuis le début de l’année[35]. Avec ce chiffre, 2016 risque donc de battre le funeste record que l’OIM avait attribué à l’année 2015 en la déclarant l’année la plus meurtrière de l’histoire pour les migrants et réfugiés ayant traversé la Méditerranée (3 711 décès en 2015, 3279 en 2014)[36].
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+ Des organisations internationales comme Amnesty International déplorent « l’indifférence » de l’Europe face à cette tragédie, et du décalage entre les moyens consacrés à la protection des frontières externes (qui s’élèvent à deux milliards d’euros en 2012) et ceux destinés à l’accueil des requérants d’asile et réfugiés (700 millions d’euros pour la même année, soit trois fois moins)[37],[38].
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+ Le pourtour méditerranéen, qui se démarque par le nombre de phénomènes climatiques extrêmes qui s'y produisent (sécheresses, inondations torrentielles, vents violents catabatiques, canicules, incendies de forêts, cyclones subtropicaux méditerranéens, tornades, mais aussi avalanches et fortes intempéries neigeuses), voit sa population fortement augmenter dans les zones urbaines très densément peuplées, ces dernières se trouvant toutes situées au bord de la mer. L'augmentation et l'intensification de ces phénomènes atmosphériques, associée à la hausse du niveau de la mer, et aux risques géologiques déjà extrêmes (zone sismique très importante à proximité de grandes métropoles, menace du Vésuve, et risque de tsunami très important), les risques sanitaires avec l'arrivée de maladies venues des régions tropicales (paludisme, dengue, chikungunya) et de nouvelles espèces animales et végétales problématiques (moustique-tigre, nouvelles espèces de poissons, invasion d'algues vertes Caulerpa taxifolia), ainsi que la géopolitique très instable qui règne dans le Sud du bassin (Printemps arabe, vague d'immigration, guerre civile syrienne, conflit israélo-palestinien, etc.) rendent la situation particulièrement alarmante pour le futur de cette région.
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+ En 2018, alors que la mer Méditerranée représente seulement 1 % des eaux marines mondiales, elle compte 7 % de tous les microplastiques (fragments de moins de 5 mm), qui atteignent un niveau record de concentration : 1,25 million de fragments par km². L’Europe rejette chaque année en mer 500 000 tonnes de macroplastiques et 130 000 tonnes de microplastiques, en raison d'une production et une consommation excessives et d'une mauvaise gestion des déchets. Cette concentration de matière plastique peut constituer une menace pour la biodiversité et atteint également la santé humaine[39].
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+ La densité des déchets présents dans la Méditerranée est passée de 100 déchets par km2 dans les années 1990 à 200 par km2 dans les années 2010[40]. Chaque année, 11 200 tonnes de déchets plastique français sont déversés dans la Méditerranée[41]. Une pollution qui ne cesse de s'accroître et qui touche particulièrement la côte marseillaise et le nord de la Corse[42].
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+ Depuis la fin du XIXe siècle (ère préindustrielle), la mer bleue s'est réchauffée de près de 1,5 °C, soit 20 % plus rapidement que la moyenne mondiale. Ces changements affectent les espèces, les écosystèmes et la biodiversité, à l'image de la prolifération des méduses dans la zone[43].
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+ La mer Méditerranée (prononcé [me.di.tɛ.ʁa.ne]) est une mer intercontinentale presque entièrement fermée, bordée par les côtes d'Europe du sud, d’Afrique du Nord et d’Asie de l'Ouest, depuis le détroit de Gibraltar à l'ouest aux entrées des Dardanelles et du canal de Suez à l'est. Elle s’étend sur une superficie d’environ 2,5 millions de kilomètres carrés. Son ouverture vers l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar est large de 14 kilomètres.
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+ Elle doit son nom au latin « mare Mediterraneum »[1], qui désigne une « mer au milieu des terres ».
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+ Durant l’Antiquité, la Méditerranée était une importante voie de transports maritimes permettant l’échange commercial et culturel entre les peuples de la région — les cultures mésopotamiennes, égyptienne, perse, phénicienne, carthaginoise, berbère, grecque, étrusque, et romaine. L’histoire de la Méditerranée est importante dans l’origine et le développement de la civilisation occidentale.
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+ Le terme de Méditerranée vient du latin mediterraneus qui veut dire « au milieu des terres », sous-entendu « du monde connu » (medius pour milieu et terra pour terre).
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+ La mer Méditerranée a été connue à travers l'Histoire sous de nombreux noms :
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+ Le bassin méditerranéen est riche d’une histoire complexe et ancienne. Elle est le berceau de la civilisation occidentale. L’Antiquité connaît un foisonnement de civilisations diverses comme les Égyptiens ou les Mésopotamiens. Puis, de grands empires prennent le contrôle des côtes de la mer Méditerranée. La Grèce, Carthage et Rome sont bien connus pour leur domination autour du bassin méditerranéen. Ils développèrent le commerce maritime et les guerres navales.
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15
+ Venise reprend le flambeau progressivement, puis monte en puissance au XIVe siècle, lorsque la « Bourse du Rialto » facilite l'échange des parts de navires, le développement d'une flotte commerciale, et le quadruplement de la superficie de l'Arsenal de Venise, mené par les autorités de la ville. La rivalité avec Gênes, autre grande cité maritime, favorise aussi le commerce, avant que la découverte des Amériques ne déplace le centre de gravité commercial, très progressivement, plus à l'Ouest.
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+ La mer Méditerranée se divise en deux bassins bien individualisés, séparés par des hauts fonds situés entre la Sicile et la Tunisie : la Méditerranée occidentale[5] et la Méditerranée orientale[6], elles-mêmes nettement compartimentées. La première recouvre une superficie d’environ 0,85 million de kilomètres carrés tandis que la seconde recouvre environ 1,65 million de kilomètres carrés.
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+ La Méditerranée se trouve à la limite entre deux plaques : les plaques africaine et eurasienne. Ces deux plaques se rapprochent à cause de la subduction de la lithosphère océanique de la Téthys, ce qui est à l'origine de collisions continentales. Cela explique la forte activité sismique dans cette région et le volcanisme (Vésuve, Etna, Stromboli, Santorin...).
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+ Le fond de la Méditerranée occidentale est constitué d'une lithosphère océanique relativement récente, qui a commencé à se former au Miocène. La Méditerranée orientale est aussi constituée de lithosphère océanique mais d'âge plus ancien datant du Mésozoïque (de l'ère secondaire). C'est le vestige d'un ancien océan : la Téthys. Cette lithosphère océanique ancienne s'enfonce (subduction) sous l'Italie, la Sicile, la mer Égée, ce qui est à l'origine de la remontée du continent africain, mais aussi de l'étirement de la lithosphère dans la mer Égée et le bassin algéro-provençal et la mer Tyrrhénienne. Les séismes récents en Italie ont pour origine cet étirement de la croûte.
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+ La mer Méditerranée est en partie le vestige d’un ancien domaine océanique que l’on nomme aujourd’hui la Téthys, qui était plus vaste que la mer Méditerranée actuelle. À partir du Crétacé, la Téthys s’est « refermée » progressivement par subduction, avec le rapprochement des continents africain et eurasiatique. Ceci entraîne la formation de chaînes de montagne, comme les Pyrénées, ou les Alpes. Durant l’Oligocène (il y a 30 millions d’années), la Méditerranée occidentale subit une phase d’étirement qui sépare la Corse et la Sardaigne du continent européen.
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+ Il y a cinq millions d’années, le détroit de Gibraltar s’est refermé à la suite de l'élévation de son niveau par des mouvements sismiques, réduisant la mer Méditerranée à un lac très salé. On nomme cet épisode la crise de salinité messinienne. Des dépôts salins au fond de la mer produits durant un million d’années témoignent de ce phénomène. Près de 300 000 ans plus tard, une série de mouvements sismiques ont ouvert le barrage naturel du détroit[7]. Les scientifiques ont observé, à l'ouest du bassin oriental, un vaste dépôt de sédiments, d’apparence chaotique, au pied d’une falaise sous-marine appelée l'escarpement de Malte[8]. Ce dép��t témoigne d’une inondation gigantesque, datant du début du Pliocène, qui aurait rempli ce qui est la Méditerranée actuelle. Se déversant par le détroit de Gibraltar dès son ouverture, l’Atlantique a alimenté, en premier lieu, le bassin occidental avant de franchir le verrou au niveau de l’escarpement de Malte et de se jeter dans le bassin oriental par une cascade de 1,5 km de dénivelé en creusant au passage un immense canyon[9] sur le versant oriental de l'escarpement. Il aurait fallu entre quelques mois et quelques années pour que se déverse la quantité d’eau qui avait mis des centaines de milliers d’années à s’évaporer[10].
26
+
27
+ En s'inspirant de cet épisode, l'architecte allemand Herman Sörgel conçoit en 1928 le projet Atlantropa dans lequel la fermeture du détroit de Gibraltar par un barrage hydroélectrique aurait asséché une partie de la mer Méditerranée.
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29
+ Les fonds marins de la mer Méditerranée se modifient encore aujourd’hui car les plaques africaine et eurasienne sont en contact. Leurs mouvements provoquent des séismes en Italie, Grèce, Turquie, Israël, France, et Algérie, et entretiennent une activité volcanique en Italie avec l’Etna, le Vésuve et le Stromboli.
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+ L'Organisation hydrographique internationale divise la mer Méditerranée en deux bassins dont les limites sont déterminées de la façon suivante[11] :
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+ La Méditerranée est reliée à l’océan Atlantique, par le détroit de Gibraltar et le canal du Midi, à l’ouest ; à la mer de Marmara et à la mer Noire, par les Dardanelles et le Bosphore, à l’est ; à la mer Rouge, par le canal de Suez, au sud-est. La mer de Marmara — mais pas la mer Noire — est parfois considérée (à tort) comme faisant partie de la Méditerranée. Il s'agit géographiquement d'une mer semi-fermée partagée par 23 États riverains même si certains États comme la Fédération de Russie utilisent une argumentation juridique pour refuser ce qualificatif, arguant du fait qu'il s'agit d'une mer très grande contenant beaucoup d'autres mers (comme la mer Adriatique à son tour semi-fermée) et utilisée pour la navigation internationale, comme s'il s'agissait d'un océan[12].
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+ Le climat méditerranéen est caractérisé par un hiver humide et doux et par un été chaud et sec. Cependant, les inter saisons laissent place à une violence certaine du climat. Des pluies très importantes et très violentes s’abattent parfois alors que la terre asséchée par des périodes de sécheresse ne peut absorber ces précipitations (parfois équivalents à trois mois de pluie voire bien plus selon la latitude). Les inondations fréquentes en témoignent, comme à Vaison-la-Romaine en 1992 ou dans l’Aude en 1999.
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37
+ Les marées sont de faible amplitude et l’évaporation (3 130 km3/an) y est plus importante que dans l’océan Atlantique, d’où un taux de salinité plus élevé et des températures d’eau plus chaudes qu’en Atlantique. Les précipitations (pluviométrie de 1 000 km3/an) et la quantité relativement faible d’eau apportée par les fleuves (apports fluviaux de 430 km3/an) qui s’y jettent sont largement insuffisantes pour combler cette évaporation. Les apports hydrologiques de la mer Noire (180 km3/an) et surtout de l’océan Atlantique (1 520 km3/an) permettent cependant de combler une partie du déficit d’environ 3 000 milliards de mètres cubes[13].
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+ Les principales îles de la Méditerranée, que ce soit par leur superficie, leur importance historique ou leur fréquentation touristique, sont :
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+ Les États qui bordent la Méditerranée sont :
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+ Au niveau de ces pays, la Méditerranée est le lieu de processus accentués de littoralisation et d'urbanisation plus ou moins spontanées. Sur 30 ans, de 1970 à 2000, les populations côtières sont passées de 96 millions d’habitants à 145 millions, soit 51 % d’augmentation, dont 17,2 % pour la rive Nord et 84 % pour les rives Est et Sud. Sur la même période, la population urbaine côtière a progressé de 10 millions d’habitants sur la rive Nord et de 30 millions d’habitants sur les rives Sud et Est[14].
44
+
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+ La mer Méditerranée se divise en deux bassins bien séparés par des hauts-fonds entre la Sicile et la Tunisie. Chaque bassin est divisé en différents compartiments portant le nom de mers, bassins ou golfes, parfois eux-mêmes divisés en zones géographiques de taille inférieure :
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+ Méditerranée occidentale
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+ Méditerranée orientale
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+ Plusieurs détroits relient ces différentes parties de la Méditerranée :
52
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+ La Méditerranée étant un des derniers vestiges océaniques de la Téthys, la plupart de ses espèces étaient pantropicales (espèces présentes dans toutes les mers chaudes du globe : récifs coralliens à porites, mangroves) avant la crise de salinité messinienne. La fermeture de la communication avec l'océan Indien il y a 14-18 Ma et l’assèchement de la Méditerranée durant cette crise messinienne il y a 5,96 à 5,33 Ma ont eu pour conséquence que le biotope marin de la mer Méditerranée est depuis lors principalement issu de l’océan Atlantique. L’Atlantique Nord est beaucoup plus froid et plus riche en aliments que la Méditerranée, et la vie marine méditerranéenne s'est adaptée à des conditions changeantes au cours des cinq millions d’années qui ont suivi son remplissage[17].
54
+
55
+ La Méditerranée représente 0,8 % de la surface de l’océan mondial et 8 à 9 % de la biodiversité marine (10 à 12 000 espèces). Le domaine continental de la Méditerranée représente 1,6 % de la surface des continents et 10 % de la biodiversité mondiale (notamment 20 000 plantes, dont 52 % d’endémiques). La faune et la flore méditerranéennes comportent environ 20-30 % d’endémiques, 3-10 % d’espèces pantropicales, 55-75 % d’espèces atlantiques et 5 % d’« espèces lessepsiennes »[14],[18]. Le taux d’endémisme y est de 18 % chez les Decapoda et les poissons[19], 48 % chez les spongiaires, 20 % chez les algues, 50 % chez les ascidies, si bien que la Méditerranée occupe la deuxième place mondiale en termes de richesse d’espèces endémiques[20].
56
+
57
+ La Méditerranée est cependant une mer relativement pauvre en termes de biomasse, notamment dans sa partie orientale en raison d'une limitation en phosphates qui réduit le développement du phytoplancton[21].
58
+
59
+ La mer Méditerranée est plus salée et plus pauvre en nutriments que l’océan Atlantique, en particulier à cause du détroit de Gibraltar qui bloque les grands courants de l’Atlantique. En raison de l’aridité du climat et de l’effet des vents, l’évaporation est plus importante que les apports des pluies et des fleuves, ce qui concentre la teneur en sel ; un équilibre est globalement préservé grâce à deux écoulements contraires au niveau de Gibraltar : un flux d'eau Atlantique entrant en surface et un flux d’eau salée sortant en profondeur[22].
60
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61
+ Le percement du canal de Suez en 1869 a créé le premier passage d’eau de mer entre la mer Méditerranée et la mer Rouge. Cette dernière étant plus haute que la partie orientale de la Méditerranée, le canal forma un fleuve d’eau salée de la mer Rouge dans la Méditerranée. Traversé par le canal, le Grand Lac Amer (très salé avant le percement) a bloqué la migration des espèces de la mer Rouge vers la Méditerranée pendant plusieurs décennies. Progressivement, la salinité de ce lac s’est égalisée avec celle de la mer Rouge, la barrière migratoire s’est levée, et les plantes et les animaux de la mer Rouge ont commencé à coloniser la Méditerranée orientale.
62
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+ Les espèces animales et végétales de la mer Rouge prennent l’avantage sur les espèces de l’océan Atlantique dans l’environnement méditerranéen oriental salé et pauvre en aliments. La construction du barrage d'Assouan sur le Nil dans les années 1960 a réduit l’apport d’eau douce riche en nutriments dans la Méditerranée orientale, ce qui rend l’environnement de la Méditerranée proche de celui de la mer Rouge. Cet échange d’« espèces lessepsiennes » ou « érythréennes » (du grec eruthros signifiant « rouge ») est connu sous le nom de migration de Lesseps, d’après Ferdinand de Lesseps, l’ingénieur qui a surveillé la construction du canal. Ces espèces s'installent principalement dans le bassin oriental et s'y acclimatent, si bien que 15 % des poissons de la Méditerranée orientale sont exotiques en 2007 (en Turquie elles représentent 43 % des ressources halieutiques ; au Liban, 72 % des poissons sont des Siganus rivulatus[23]). Certaines migrent dans le bassin occidental (Siganus luridus, Fistularia commersoni).
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+ En 2008, 560 espèces exotiques (une majorité de poissons, arthropodes et mollusques) ont été recensées en Méditerranée. Leurs voies d'arrivée sont le détroit de Suez, le détroit de Gibraltar et la voie anthropique (notamment l'aquaculture, les eaux de ballasts ou le fouling). 220 proviennent du bassin indo-pacifique, 100 de l'océan Indien, 58 de la mer Rouge, 34 de l'océan Atlantique[24].
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+
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+ Le dérèglement climatique pourrait avoir des effets exacerbés sur la zone biogéographique méditerranéenne qui abrite un grand nombre de hot-spots de biodiversité. Ils entraînent en effet une augmentation de la température de surface de la mer et entraînent une méridionalisation voire une tropicalisation de la Méditerranée : les espèces végétales et animales d’affinité méridionale sont favorisées aux dépens des espèces septentrionales[25].
68
+
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+ La Méditerranée est la victime de pressions diverses : la poursuite de la surpêche favorise la gélification de cette mer due à la pullulation de méduses ; contaminants chimiques, comme les métaux lourds et les pesticides, dont certaines molécules, quoiqu'elles soient interdites, résident dans le lit des fleuves et sont périodiquement relarguées à l'occasion des épisodes de crues ; développement des macro-déchets et, plus encore, des micro-déchets plastiques, qui font courir un risque de « polymérisation » au bassin méditerranéen.
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+ Anticiper les effets du changement climatique sur l’eau, l’agriculture, le tourisme, la pêche, l’énergie, le transport et l’urbanisme et l’environnement et la santé (zoonoses, épidémies, maladies émergentes) dans cette zone est une priorité croissante pour les élus et habitants de cette région déjà très dégradée par les feux de forêts et les sécheresses[26].
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+ Le bassin méditerranéen concentre 150 millions d’habitants et attire quelque 200 millions de visiteurs chaque année[27]. 20 % des pétroliers, 30 % des navires marchands du monde circulent en Méditerranée, pour un trafic total de 120 000 bateaux[27].
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+ Le secteur de la pêche primaire (emplois à bord des bateaux de pêche) représente près d'un quart de million d'emplois en Méditerranée. La pêche artisanale représente 60 % de ces emplois et 80 % (67 000 navires) de la flotte totale[28].
76
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+ Ce secteur est cependant menacé par la surpêche. Les lacunes en matière de réglementation de la pêche, la non application des recommandations de la Commission générale des Pêches pour la Méditerranée, la surexploitation des ressources halieutiques et l'utilisation de certains modes d'exploitation néfastes entraînent en effet le déclin des stocks dont 4 % à peine atteignent le rendement maximum durable. La Commission européenne estime qu'en 2016, à « l’ouest, entre les côtes espagnoles et la mer Tyrrhénienne, 96 % des stocks sont surexploités. Les pêcheurs européens attrapent en moyenne six fois plus de merlu, de rouget, de merlan bleu ou de baudroie qu’il faudrait pour que ces espèces aient une chance de se reproduire et de se maintenir durablement. A l’est, autour de la Crète et de Chypre, 91 % des populations de poissons sont pressurées au-delà du raisonnable. Le pire étant les zones centrales, où se retrouvent les bateaux de pêche de tous les pays riverains »[29]. Pour les anchois et sardines menacés de disparition, d'autres facteurs que la pression de pêche sont avancés : les changements environnementaux comme la température de la mer ou la pollution semblent modifier le plancton qui serait constitué d’espèces moins énergétiques, ce qui affecterait les populations de sardines et d’anchois[30].
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+ Les Jeux méditerranéens, qui se déroulent tous les quatre ans, sont une compétition multisports où se rencontrent des sportifs des pays du bassin méditerranéen.
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+ Une première forme de tourisme culturel, le Grand Tour, se développe sur les bords de la Méditerranée au XVIIIe siècle. Des jeunes aristocrates d'Europe du Nord visitent l'Italie, parfois la Grèce et le Proche-Orient ottomans, pour s'imprégner de la culture classique grecque, romaine, et italienne et se faire une place au sein de l'élite culturelle, diplomatique ou commerciale européenne.
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+ Au XIXe siècle, la bonne société européenne ne cherchait pas la chaleur et le soleil pour ses loisirs, se déplaçant sur des stations balnéaires de la côte atlantique, de la Manche ou de la Baltique dès le début de l'été, mais pas en Méditerranée. C'est à la même époque que naît le tourisme en Angleterre, où la population est déjà très urbanisée et invente la notion de vacances : les Anglais sont ainsi premiers à fréquenter les bords de la Méditerranée (mais en hiver), donnant naissance à de nombreux palaces (en particulier à Nice, la promenade des Anglais en étant un souvenir). À cette époque, « bronzer, c'était prendre le risque de régresser socialement et racialement » affirme l'anthropologue Jean-Didier Urbain (en effet, c'étaient les couches les plus pauvres de la population — paysans… — qui travaillaient au soleil ; il s'agissait donc d'un marqueur social, obligeant les couches aisées à garder la peau claire et à se couvrir)[31].
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+ La première description d'un bain de soleil comme plaisir bourgeois date ainsi seulement de 1902, dans L'Immoraliste d'André Gide et Coco Chanel fait scandale en 1927 en prenant le soleil sur la Côte d'Azur, alors que l'écrivain Théo Varlet créé le nudisme en 1905. Le tourisme méditerranéen, encore privilégié, se développe à partir de cette période. Jean-Didier Urbain poursuit : « Longtemps, la fréquentation de la Méditerranée s'est faite autour de trois usages. Il y avait l'aspect sanitaire, avec les stations balnéaires, de la côte espagnole à la Riviera italienne. Puis, dans le croissant allant des côtes adriatiques à l'Égypte, une imbrication entre découverte des racines de notre civilisation et une Méditerranée des loisirs dont le principal attrait était le tourisme sexuel »[31].
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+ En France, pays rural en comparaison de l'Angleterre, c'est avec les congés payés de 1936 et surtout la société de consommation des Trente Glorieuses que le tourisme méditerranéen se développe et se démocratise, donnant naissance au camping et à la fréquentation populaire des villes du Sud de la France. En 1950, l'entrepreneur belge Gérard Blitz créé le Club Méditerranée, des camps de vacances (d'abord sur l'île de Majorque, en Espagne[32], puis en Italie, en Grèce, en Tunisie, etc.). « Le coup de génie de Blitz, c'est la création d'un concept de vacances qui n'a strictement rien à faire de l'endroit où l'on s'implante du moment qu'il y a le sable, le soleil et la mer. Un endroit où l'on est heureux ensemble : sur ces côtes méditerranéennes, on crée une Polynésie fantasme, avec paréos, paillotes et monnaie propre. On ne vient plus là pour découvrir le monde mais pour l'oublier » conclut Jean-Didier Urbain[31]. Avec l'apparition des boîtes de nuits, certains endroits se voient dédiés à la fête estivale, comme l'île d'Ibiza.
88
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+ Depuis, la région accueille un nombre toujours croissant de voyageurs : le nombre de touristes internationaux représente plus de 310 millions en 2015, soit 28 % du tourisme mondial[33]. De 2000 à 2020, la France, l'Espagne et l'Italie sont leaders mais la Turquie et l'Égypte devraient tripler, voire quadrupler leur nombre de visiteurs. .
90
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+ Sur 5,7 % des terres émergées, le bassin méditerranéen concentre un tiers du tourisme mondial (275 millions de visiteurs selon les chiffres du World Travel and Tourism Council (en)). « Ces flux touristiques génèrent plusieurs types de pression sur l’environnement : un urbanisme littoral démesuré au regard des besoins des populations résidentes ; l’augmentation des tensions sur l’utilisation de l’eau qui résulte d’habitudes de consommation très spécifiques (golfs, piscines, usage individuel moins restreint que celui des populations locales), mais aussi de la coïncidence des afflux touristiques avec les périodes d’étiage[14]. »
92
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+ Depuis le début de la crise migratoire, dans les années 2010, de plus en plus de migrants et réfugiés parviennent en Europe en traversant la Méditerranée, en raison d'un contrôle toujours plus grand des routes de migration terrestres par l’UE (Frontex). Ces traversées maritimes sur des embarcations de fortune surpeuplées sont bien souvent très périlleuses, et ont conduit à la mort de plusieurs milliers de personnes. En 2017, 172 301 migrants ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l'Europe. En 2018, ce nombre est tombé à 113 482 personnes, soit une diminution de 34 %[34].
94
+
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+ L’OIM, organisation liée aux Nations Unies et spécialisée dans les défis de la gestion des flux migratoires, recense chaque année le nombre de noyés parmi les migrants et réfugiés tentant d’entrer en Europe par voie maritime. Au 12 octobre 2016, elle a enregistré 3 632 décès en mer depuis le début de l’année[35]. Avec ce chiffre, 2016 risque donc de battre le funeste record que l’OIM avait attribué à l’année 2015 en la déclarant l’année la plus meurtrière de l’histoire pour les migrants et réfugiés ayant traversé la Méditerranée (3 711 décès en 2015, 3279 en 2014)[36].
96
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+ Des organisations internationales comme Amnesty International déplorent « l’indifférence » de l’Europe face à cette tragédie, et du décalage entre les moyens consacrés à la protection des frontières externes (qui s’élèvent à deux milliards d’euros en 2012) et ceux destinés à l’accueil des requérants d’asile et réfugiés (700 millions d’euros pour la même année, soit trois fois moins)[37],[38].
98
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+ Le pourtour méditerranéen, qui se démarque par le nombre de phénomènes climatiques extrêmes qui s'y produisent (sécheresses, inondations torrentielles, vents violents catabatiques, canicules, incendies de forêts, cyclones subtropicaux méditerranéens, tornades, mais aussi avalanches et fortes intempéries neigeuses), voit sa population fortement augmenter dans les zones urbaines très densément peuplées, ces dernières se trouvant toutes situées au bord de la mer. L'augmentation et l'intensification de ces phénomènes atmosphériques, associée à la hausse du niveau de la mer, et aux risques géologiques déjà extrêmes (zone sismique très importante à proximité de grandes métropoles, menace du Vésuve, et risque de tsunami très important), les risques sanitaires avec l'arrivée de maladies venues des régions tropicales (paludisme, dengue, chikungunya) et de nouvelles espèces animales et végétales problématiques (moustique-tigre, nouvelles espèces de poissons, invasion d'algues vertes Caulerpa taxifolia), ainsi que la géopolitique très instable qui règne dans le Sud du bassin (Printemps arabe, vague d'immigration, guerre civile syrienne, conflit israélo-palestinien, etc.) rendent la situation particulièrement alarmante pour le futur de cette région.
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+ En 2018, alors que la mer Méditerranée représente seulement 1 % des eaux marines mondiales, elle compte 7 % de tous les microplastiques (fragments de moins de 5 mm), qui atteignent un niveau record de concentration : 1,25 million de fragments par km². L’Europe rejette chaque année en mer 500 000 tonnes de macroplastiques et 130 000 tonnes de microplastiques, en raison d'une production et une consommation excessives et d'une mauvaise gestion des déchets. Cette concentration de matière plastique peut constituer une menace pour la biodiversité et atteint également la santé humaine[39].
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+ La densité des déchets présents dans la Méditerranée est passée de 100 déchets par km2 dans les années 1990 à 200 par km2 dans les années 2010[40]. Chaque année, 11 200 tonnes de déchets plastique français sont déversés dans la Méditerranée[41]. Une pollution qui ne cesse de s'accroître et qui touche particulièrement la côte marseillaise et le nord de la Corse[42].
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+ Depuis la fin du XIXe siècle (ère préindustrielle), la mer bleue s'est réchauffée de près de 1,5 °C, soit 20 % plus rapidement que la moyenne mondiale. Ces changements affectent les espèces, les écosystèmes et la biodiversité, à l'image de la prolifération des méduses dans la zone[43].
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+ La mer Méditerranée (prononcé [me.di.tɛ.ʁa.ne]) est une mer intercontinentale presque entièrement fermée, bordée par les côtes d'Europe du sud, d’Afrique du Nord et d’Asie de l'Ouest, depuis le détroit de Gibraltar à l'ouest aux entrées des Dardanelles et du canal de Suez à l'est. Elle s’étend sur une superficie d’environ 2,5 millions de kilomètres carrés. Son ouverture vers l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar est large de 14 kilomètres.
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+ Elle doit son nom au latin « mare Mediterraneum »[1], qui désigne une « mer au milieu des terres ».
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+ Durant l’Antiquité, la Méditerranée était une importante voie de transports maritimes permettant l’échange commercial et culturel entre les peuples de la région — les cultures mésopotamiennes, égyptienne, perse, phénicienne, carthaginoise, berbère, grecque, étrusque, et romaine. L’histoire de la Méditerranée est importante dans l’origine et le développement de la civilisation occidentale.
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+ Le terme de Méditerranée vient du latin mediterraneus qui veut dire « au milieu des terres », sous-entendu « du monde connu » (medius pour milieu et terra pour terre).
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+ La mer Méditerranée a été connue à travers l'Histoire sous de nombreux noms :
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+ Le bassin méditerranéen est riche d’une histoire complexe et ancienne. Elle est le berceau de la civilisation occidentale. L’Antiquité connaît un foisonnement de civilisations diverses comme les Égyptiens ou les Mésopotamiens. Puis, de grands empires prennent le contrôle des côtes de la mer Méditerranée. La Grèce, Carthage et Rome sont bien connus pour leur domination autour du bassin méditerranéen. Ils développèrent le commerce maritime et les guerres navales.
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+ Venise reprend le flambeau progressivement, puis monte en puissance au XIVe siècle, lorsque la « Bourse du Rialto » facilite l'échange des parts de navires, le développement d'une flotte commerciale, et le quadruplement de la superficie de l'Arsenal de Venise, mené par les autorités de la ville. La rivalité avec Gênes, autre grande cité maritime, favorise aussi le commerce, avant que la découverte des Amériques ne déplace le centre de gravité commercial, très progressivement, plus à l'Ouest.
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+ La mer Méditerranée se divise en deux bassins bien individualisés, séparés par des hauts fonds situés entre la Sicile et la Tunisie : la Méditerranée occidentale[5] et la Méditerranée orientale[6], elles-mêmes nettement compartimentées. La première recouvre une superficie d’environ 0,85 million de kilomètres carrés tandis que la seconde recouvre environ 1,65 million de kilomètres carrés.
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+ La Méditerranée se trouve à la limite entre deux plaques : les plaques africaine et eurasienne. Ces deux plaques se rapprochent à cause de la subduction de la lithosphère océanique de la Téthys, ce qui est à l'origine de collisions continentales. Cela explique la forte activité sismique dans cette région et le volcanisme (Vésuve, Etna, Stromboli, Santorin...).
20
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+ Le fond de la Méditerranée occidentale est constitué d'une lithosphère océanique relativement récente, qui a commencé à se former au Miocène. La Méditerranée orientale est aussi constituée de lithosphère océanique mais d'âge plus ancien datant du Mésozoïque (de l'ère secondaire). C'est le vestige d'un ancien océan : la Téthys. Cette lithosphère océanique ancienne s'enfonce (subduction) sous l'Italie, la Sicile, la mer Égée, ce qui est à l'origine de la remontée du continent africain, mais aussi de l'étirement de la lithosphère dans la mer Égée et le bassin algéro-provençal et la mer Tyrrhénienne. Les séismes récents en Italie ont pour origine cet étirement de la croûte.
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+ La mer Méditerranée est en partie le vestige d’un ancien domaine océanique que l’on nomme aujourd’hui la Téthys, qui était plus vaste que la mer Méditerranée actuelle. À partir du Crétacé, la Téthys s’est « refermée » progressivement par subduction, avec le rapprochement des continents africain et eurasiatique. Ceci entraîne la formation de chaînes de montagne, comme les Pyrénées, ou les Alpes. Durant l’Oligocène (il y a 30 millions d’années), la Méditerranée occidentale subit une phase d’étirement qui sépare la Corse et la Sardaigne du continent européen.
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+ Il y a cinq millions d’années, le détroit de Gibraltar s’est refermé à la suite de l'élévation de son niveau par des mouvements sismiques, réduisant la mer Méditerranée à un lac très salé. On nomme cet épisode la crise de salinité messinienne. Des dépôts salins au fond de la mer produits durant un million d’années témoignent de ce phénomène. Près de 300 000 ans plus tard, une série de mouvements sismiques ont ouvert le barrage naturel du détroit[7]. Les scientifiques ont observé, à l'ouest du bassin oriental, un vaste dépôt de sédiments, d’apparence chaotique, au pied d’une falaise sous-marine appelée l'escarpement de Malte[8]. Ce dép��t témoigne d’une inondation gigantesque, datant du début du Pliocène, qui aurait rempli ce qui est la Méditerranée actuelle. Se déversant par le détroit de Gibraltar dès son ouverture, l’Atlantique a alimenté, en premier lieu, le bassin occidental avant de franchir le verrou au niveau de l’escarpement de Malte et de se jeter dans le bassin oriental par une cascade de 1,5 km de dénivelé en creusant au passage un immense canyon[9] sur le versant oriental de l'escarpement. Il aurait fallu entre quelques mois et quelques années pour que se déverse la quantité d’eau qui avait mis des centaines de milliers d’années à s’évaporer[10].
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+ En s'inspirant de cet épisode, l'architecte allemand Herman Sörgel conçoit en 1928 le projet Atlantropa dans lequel la fermeture du détroit de Gibraltar par un barrage hydroélectrique aurait asséché une partie de la mer Méditerranée.
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+ Les fonds marins de la mer Méditerranée se modifient encore aujourd’hui car les plaques africaine et eurasienne sont en contact. Leurs mouvements provoquent des séismes en Italie, Grèce, Turquie, Israël, France, et Algérie, et entretiennent une activité volcanique en Italie avec l’Etna, le Vésuve et le Stromboli.
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+ L'Organisation hydrographique internationale divise la mer Méditerranée en deux bassins dont les limites sont déterminées de la façon suivante[11] :
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+ La Méditerranée est reliée à l’océan Atlantique, par le détroit de Gibraltar et le canal du Midi, à l’ouest ; à la mer de Marmara et à la mer Noire, par les Dardanelles et le Bosphore, à l’est ; à la mer Rouge, par le canal de Suez, au sud-est. La mer de Marmara — mais pas la mer Noire — est parfois considérée (à tort) comme faisant partie de la Méditerranée. Il s'agit géographiquement d'une mer semi-fermée partagée par 23 États riverains même si certains États comme la Fédération de Russie utilisent une argumentation juridique pour refuser ce qualificatif, arguant du fait qu'il s'agit d'une mer très grande contenant beaucoup d'autres mers (comme la mer Adriatique à son tour semi-fermée) et utilisée pour la navigation internationale, comme s'il s'agissait d'un océan[12].
34
+
35
+ Le climat méditerranéen est caractérisé par un hiver humide et doux et par un été chaud et sec. Cependant, les inter saisons laissent place à une violence certaine du climat. Des pluies très importantes et très violentes s’abattent parfois alors que la terre asséchée par des périodes de sécheresse ne peut absorber ces précipitations (parfois équivalents à trois mois de pluie voire bien plus selon la latitude). Les inondations fréquentes en témoignent, comme à Vaison-la-Romaine en 1992 ou dans l’Aude en 1999.
36
+
37
+ Les marées sont de faible amplitude et l’évaporation (3 130 km3/an) y est plus importante que dans l’océan Atlantique, d’où un taux de salinité plus élevé et des températures d’eau plus chaudes qu’en Atlantique. Les précipitations (pluviométrie de 1 000 km3/an) et la quantité relativement faible d’eau apportée par les fleuves (apports fluviaux de 430 km3/an) qui s’y jettent sont largement insuffisantes pour combler cette évaporation. Les apports hydrologiques de la mer Noire (180 km3/an) et surtout de l’océan Atlantique (1 520 km3/an) permettent cependant de combler une partie du déficit d’environ 3 000 milliards de mètres cubes[13].
38
+
39
+ Les principales îles de la Méditerranée, que ce soit par leur superficie, leur importance historique ou leur fréquentation touristique, sont :
40
+
41
+ Les États qui bordent la Méditerranée sont :
42
+
43
+ Au niveau de ces pays, la Méditerranée est le lieu de processus accentués de littoralisation et d'urbanisation plus ou moins spontanées. Sur 30 ans, de 1970 à 2000, les populations côtières sont passées de 96 millions d’habitants à 145 millions, soit 51 % d’augmentation, dont 17,2 % pour la rive Nord et 84 % pour les rives Est et Sud. Sur la même période, la population urbaine côtière a progressé de 10 millions d’habitants sur la rive Nord et de 30 millions d’habitants sur les rives Sud et Est[14].
44
+
45
+ La mer Méditerranée se divise en deux bassins bien séparés par des hauts-fonds entre la Sicile et la Tunisie. Chaque bassin est divisé en différents compartiments portant le nom de mers, bassins ou golfes, parfois eux-mêmes divisés en zones géographiques de taille inférieure :
46
+
47
+ Méditerranée occidentale
48
+
49
+ Méditerranée orientale
50
+
51
+ Plusieurs détroits relient ces différentes parties de la Méditerranée :
52
+
53
+ La Méditerranée étant un des derniers vestiges océaniques de la Téthys, la plupart de ses espèces étaient pantropicales (espèces présentes dans toutes les mers chaudes du globe : récifs coralliens à porites, mangroves) avant la crise de salinité messinienne. La fermeture de la communication avec l'océan Indien il y a 14-18 Ma et l’assèchement de la Méditerranée durant cette crise messinienne il y a 5,96 à 5,33 Ma ont eu pour conséquence que le biotope marin de la mer Méditerranée est depuis lors principalement issu de l’océan Atlantique. L’Atlantique Nord est beaucoup plus froid et plus riche en aliments que la Méditerranée, et la vie marine méditerranéenne s'est adaptée à des conditions changeantes au cours des cinq millions d’années qui ont suivi son remplissage[17].
54
+
55
+ La Méditerranée représente 0,8 % de la surface de l’océan mondial et 8 à 9 % de la biodiversité marine (10 à 12 000 espèces). Le domaine continental de la Méditerranée représente 1,6 % de la surface des continents et 10 % de la biodiversité mondiale (notamment 20 000 plantes, dont 52 % d’endémiques). La faune et la flore méditerranéennes comportent environ 20-30 % d’endémiques, 3-10 % d’espèces pantropicales, 55-75 % d’espèces atlantiques et 5 % d’« espèces lessepsiennes »[14],[18]. Le taux d’endémisme y est de 18 % chez les Decapoda et les poissons[19], 48 % chez les spongiaires, 20 % chez les algues, 50 % chez les ascidies, si bien que la Méditerranée occupe la deuxième place mondiale en termes de richesse d’espèces endémiques[20].
56
+
57
+ La Méditerranée est cependant une mer relativement pauvre en termes de biomasse, notamment dans sa partie orientale en raison d'une limitation en phosphates qui réduit le développement du phytoplancton[21].
58
+
59
+ La mer Méditerranée est plus salée et plus pauvre en nutriments que l’océan Atlantique, en particulier à cause du détroit de Gibraltar qui bloque les grands courants de l’Atlantique. En raison de l’aridité du climat et de l’effet des vents, l’évaporation est plus importante que les apports des pluies et des fleuves, ce qui concentre la teneur en sel ; un équilibre est globalement préservé grâce à deux écoulements contraires au niveau de Gibraltar : un flux d'eau Atlantique entrant en surface et un flux d’eau salée sortant en profondeur[22].
60
+
61
+ Le percement du canal de Suez en 1869 a créé le premier passage d’eau de mer entre la mer Méditerranée et la mer Rouge. Cette dernière étant plus haute que la partie orientale de la Méditerranée, le canal forma un fleuve d’eau salée de la mer Rouge dans la Méditerranée. Traversé par le canal, le Grand Lac Amer (très salé avant le percement) a bloqué la migration des espèces de la mer Rouge vers la Méditerranée pendant plusieurs décennies. Progressivement, la salinité de ce lac s’est égalisée avec celle de la mer Rouge, la barrière migratoire s’est levée, et les plantes et les animaux de la mer Rouge ont commencé à coloniser la Méditerranée orientale.
62
+
63
+ Les espèces animales et végétales de la mer Rouge prennent l’avantage sur les espèces de l’océan Atlantique dans l’environnement méditerranéen oriental salé et pauvre en aliments. La construction du barrage d'Assouan sur le Nil dans les années 1960 a réduit l’apport d’eau douce riche en nutriments dans la Méditerranée orientale, ce qui rend l’environnement de la Méditerranée proche de celui de la mer Rouge. Cet échange d’« espèces lessepsiennes » ou « érythréennes » (du grec eruthros signifiant « rouge ») est connu sous le nom de migration de Lesseps, d’après Ferdinand de Lesseps, l’ingénieur qui a surveillé la construction du canal. Ces espèces s'installent principalement dans le bassin oriental et s'y acclimatent, si bien que 15 % des poissons de la Méditerranée orientale sont exotiques en 2007 (en Turquie elles représentent 43 % des ressources halieutiques ; au Liban, 72 % des poissons sont des Siganus rivulatus[23]). Certaines migrent dans le bassin occidental (Siganus luridus, Fistularia commersoni).
64
+
65
+ En 2008, 560 espèces exotiques (une majorité de poissons, arthropodes et mollusques) ont été recensées en Méditerranée. Leurs voies d'arrivée sont le détroit de Suez, le détroit de Gibraltar et la voie anthropique (notamment l'aquaculture, les eaux de ballasts ou le fouling). 220 proviennent du bassin indo-pacifique, 100 de l'océan Indien, 58 de la mer Rouge, 34 de l'océan Atlantique[24].
66
+
67
+ Le dérèglement climatique pourrait avoir des effets exacerbés sur la zone biogéographique méditerranéenne qui abrite un grand nombre de hot-spots de biodiversité. Ils entraînent en effet une augmentation de la température de surface de la mer et entraînent une méridionalisation voire une tropicalisation de la Méditerranée : les espèces végétales et animales d’affinité méridionale sont favorisées aux dépens des espèces septentrionales[25].
68
+
69
+ La Méditerranée est la victime de pressions diverses : la poursuite de la surpêche favorise la gélification de cette mer due à la pullulation de méduses ; contaminants chimiques, comme les métaux lourds et les pesticides, dont certaines molécules, quoiqu'elles soient interdites, résident dans le lit des fleuves et sont périodiquement relarguées à l'occasion des épisodes de crues ; développement des macro-déchets et, plus encore, des micro-déchets plastiques, qui font courir un risque de « polymérisation » au bassin méditerranéen.
70
+
71
+ Anticiper les effets du changement climatique sur l’eau, l’agriculture, le tourisme, la pêche, l’énergie, le transport et l’urbanisme et l’environnement et la santé (zoonoses, épidémies, maladies émergentes) dans cette zone est une priorité croissante pour les élus et habitants de cette région déjà très dégradée par les feux de forêts et les sécheresses[26].
72
+
73
+ Le bassin méditerranéen concentre 150 millions d’habitants et attire quelque 200 millions de visiteurs chaque année[27]. 20 % des pétroliers, 30 % des navires marchands du monde circulent en Méditerranée, pour un trafic total de 120 000 bateaux[27].
74
+
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+ Le secteur de la pêche primaire (emplois à bord des bateaux de pêche) représente près d'un quart de million d'emplois en Méditerranée. La pêche artisanale représente 60 % de ces emplois et 80 % (67 000 navires) de la flotte totale[28].
76
+
77
+ Ce secteur est cependant menacé par la surpêche. Les lacunes en matière de réglementation de la pêche, la non application des recommandations de la Commission générale des Pêches pour la Méditerranée, la surexploitation des ressources halieutiques et l'utilisation de certains modes d'exploitation néfastes entraînent en effet le déclin des stocks dont 4 % à peine atteignent le rendement maximum durable. La Commission européenne estime qu'en 2016, à « l’ouest, entre les côtes espagnoles et la mer Tyrrhénienne, 96 % des stocks sont surexploités. Les pêcheurs européens attrapent en moyenne six fois plus de merlu, de rouget, de merlan bleu ou de baudroie qu’il faudrait pour que ces espèces aient une chance de se reproduire et de se maintenir durablement. A l’est, autour de la Crète et de Chypre, 91 % des populations de poissons sont pressurées au-delà du raisonnable. Le pire étant les zones centrales, où se retrouvent les bateaux de pêche de tous les pays riverains »[29]. Pour les anchois et sardines menacés de disparition, d'autres facteurs que la pression de pêche sont avancés : les changements environnementaux comme la température de la mer ou la pollution semblent modifier le plancton qui serait constitué d’espèces moins énergétiques, ce qui affecterait les populations de sardines et d’anchois[30].
78
+
79
+ Les Jeux méditerranéens, qui se déroulent tous les quatre ans, sont une compétition multisports où se rencontrent des sportifs des pays du bassin méditerranéen.
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+ Une première forme de tourisme culturel, le Grand Tour, se développe sur les bords de la Méditerranée au XVIIIe siècle. Des jeunes aristocrates d'Europe du Nord visitent l'Italie, parfois la Grèce et le Proche-Orient ottomans, pour s'imprégner de la culture classique grecque, romaine, et italienne et se faire une place au sein de l'élite culturelle, diplomatique ou commerciale européenne.
82
+
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+ Au XIXe siècle, la bonne société européenne ne cherchait pas la chaleur et le soleil pour ses loisirs, se déplaçant sur des stations balnéaires de la côte atlantique, de la Manche ou de la Baltique dès le début de l'été, mais pas en Méditerranée. C'est à la même époque que naît le tourisme en Angleterre, où la population est déjà très urbanisée et invente la notion de vacances : les Anglais sont ainsi premiers à fréquenter les bords de la Méditerranée (mais en hiver), donnant naissance à de nombreux palaces (en particulier à Nice, la promenade des Anglais en étant un souvenir). À cette époque, « bronzer, c'était prendre le risque de régresser socialement et racialement » affirme l'anthropologue Jean-Didier Urbain (en effet, c'étaient les couches les plus pauvres de la population — paysans… — qui travaillaient au soleil ; il s'agissait donc d'un marqueur social, obligeant les couches aisées à garder la peau claire et à se couvrir)[31].
84
+
85
+ La première description d'un bain de soleil comme plaisir bourgeois date ainsi seulement de 1902, dans L'Immoraliste d'André Gide et Coco Chanel fait scandale en 1927 en prenant le soleil sur la Côte d'Azur, alors que l'écrivain Théo Varlet créé le nudisme en 1905. Le tourisme méditerranéen, encore privilégié, se développe à partir de cette période. Jean-Didier Urbain poursuit : « Longtemps, la fréquentation de la Méditerranée s'est faite autour de trois usages. Il y avait l'aspect sanitaire, avec les stations balnéaires, de la côte espagnole à la Riviera italienne. Puis, dans le croissant allant des côtes adriatiques à l'Égypte, une imbrication entre découverte des racines de notre civilisation et une Méditerranée des loisirs dont le principal attrait était le tourisme sexuel »[31].
86
+
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+ En France, pays rural en comparaison de l'Angleterre, c'est avec les congés payés de 1936 et surtout la société de consommation des Trente Glorieuses que le tourisme méditerranéen se développe et se démocratise, donnant naissance au camping et à la fréquentation populaire des villes du Sud de la France. En 1950, l'entrepreneur belge Gérard Blitz créé le Club Méditerranée, des camps de vacances (d'abord sur l'île de Majorque, en Espagne[32], puis en Italie, en Grèce, en Tunisie, etc.). « Le coup de génie de Blitz, c'est la création d'un concept de vacances qui n'a strictement rien à faire de l'endroit où l'on s'implante du moment qu'il y a le sable, le soleil et la mer. Un endroit où l'on est heureux ensemble : sur ces côtes méditerranéennes, on crée une Polynésie fantasme, avec paréos, paillotes et monnaie propre. On ne vient plus là pour découvrir le monde mais pour l'oublier » conclut Jean-Didier Urbain[31]. Avec l'apparition des boîtes de nuits, certains endroits se voient dédiés à la fête estivale, comme l'île d'Ibiza.
88
+
89
+ Depuis, la région accueille un nombre toujours croissant de voyageurs : le nombre de touristes internationaux représente plus de 310 millions en 2015, soit 28 % du tourisme mondial[33]. De 2000 à 2020, la France, l'Espagne et l'Italie sont leaders mais la Turquie et l'Égypte devraient tripler, voire quadrupler leur nombre de visiteurs. .
90
+
91
+ Sur 5,7 % des terres émergées, le bassin méditerranéen concentre un tiers du tourisme mondial (275 millions de visiteurs selon les chiffres du World Travel and Tourism Council (en)). « Ces flux touristiques génèrent plusieurs types de pression sur l’environnement : un urbanisme littoral démesuré au regard des besoins des populations résidentes ; l’augmentation des tensions sur l’utilisation de l’eau qui résulte d’habitudes de consommation très spécifiques (golfs, piscines, usage individuel moins restreint que celui des populations locales), mais aussi de la coïncidence des afflux touristiques avec les périodes d’étiage[14]. »
92
+
93
+ Depuis le début de la crise migratoire, dans les années 2010, de plus en plus de migrants et réfugiés parviennent en Europe en traversant la Méditerranée, en raison d'un contrôle toujours plus grand des routes de migration terrestres par l’UE (Frontex). Ces traversées maritimes sur des embarcations de fortune surpeuplées sont bien souvent très périlleuses, et ont conduit à la mort de plusieurs milliers de personnes. En 2017, 172 301 migrants ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l'Europe. En 2018, ce nombre est tombé à 113 482 personnes, soit une diminution de 34 %[34].
94
+
95
+ L’OIM, organisation liée aux Nations Unies et spécialisée dans les défis de la gestion des flux migratoires, recense chaque année le nombre de noyés parmi les migrants et réfugiés tentant d’entrer en Europe par voie maritime. Au 12 octobre 2016, elle a enregistré 3 632 décès en mer depuis le début de l’année[35]. Avec ce chiffre, 2016 risque donc de battre le funeste record que l’OIM avait attribué à l’année 2015 en la déclarant l’année la plus meurtrière de l’histoire pour les migrants et réfugiés ayant traversé la Méditerranée (3 711 décès en 2015, 3279 en 2014)[36].
96
+
97
+ Des organisations internationales comme Amnesty International déplorent « l’indifférence » de l’Europe face à cette tragédie, et du décalage entre les moyens consacrés à la protection des frontières externes (qui s’élèvent à deux milliards d’euros en 2012) et ceux destinés à l’accueil des requérants d’asile et réfugiés (700 millions d’euros pour la même année, soit trois fois moins)[37],[38].
98
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99
+ Le pourtour méditerranéen, qui se démarque par le nombre de phénomènes climatiques extrêmes qui s'y produisent (sécheresses, inondations torrentielles, vents violents catabatiques, canicules, incendies de forêts, cyclones subtropicaux méditerranéens, tornades, mais aussi avalanches et fortes intempéries neigeuses), voit sa population fortement augmenter dans les zones urbaines très densément peuplées, ces dernières se trouvant toutes situées au bord de la mer. L'augmentation et l'intensification de ces phénomènes atmosphériques, associée à la hausse du niveau de la mer, et aux risques géologiques déjà extrêmes (zone sismique très importante à proximité de grandes métropoles, menace du Vésuve, et risque de tsunami très important), les risques sanitaires avec l'arrivée de maladies venues des régions tropicales (paludisme, dengue, chikungunya) et de nouvelles espèces animales et végétales problématiques (moustique-tigre, nouvelles espèces de poissons, invasion d'algues vertes Caulerpa taxifolia), ainsi que la géopolitique très instable qui règne dans le Sud du bassin (Printemps arabe, vague d'immigration, guerre civile syrienne, conflit israélo-palestinien, etc.) rendent la situation particulièrement alarmante pour le futur de cette région.
100
+
101
+ En 2018, alors que la mer Méditerranée représente seulement 1 % des eaux marines mondiales, elle compte 7 % de tous les microplastiques (fragments de moins de 5 mm), qui atteignent un niveau record de concentration : 1,25 million de fragments par km². L’Europe rejette chaque année en mer 500 000 tonnes de macroplastiques et 130 000 tonnes de microplastiques, en raison d'une production et une consommation excessives et d'une mauvaise gestion des déchets. Cette concentration de matière plastique peut constituer une menace pour la biodiversité et atteint également la santé humaine[39].
102
+
103
+ La densité des déchets présents dans la Méditerranée est passée de 100 déchets par km2 dans les années 1990 à 200 par km2 dans les années 2010[40]. Chaque année, 11 200 tonnes de déchets plastique français sont déversés dans la Méditerranée[41]. Une pollution qui ne cesse de s'accroître et qui touche particulièrement la côte marseillaise et le nord de la Corse[42].
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105
+ Depuis la fin du XIXe siècle (ère préindustrielle), la mer bleue s'est réchauffée de près de 1,5 °C, soit 20 % plus rapidement que la moyenne mondiale. Ces changements affectent les espèces, les écosystèmes et la biodiversité, à l'image de la prolifération des méduses dans la zone[43].
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+ La mer Noire est située entre l’Europe, le Caucase et l’Anatolie. Principalement alimentée par le Danube, le Dniepr et le Don, elle est issue de la fermeture d’une mer océanique ancienne, l'océan ou mer Paratéthys. Elle est bordée au nord par la steppe pontique, en Crimée, à l’est et au sud par des chaînes issues de l’orogénèse himalayo-alpine : respectivement monts de Crimée, Caucase et chaîne pontique. Les pays riverains sont (dans le sens des aiguilles d'une montre) : l’Ukraine au nord-ouest, la Russie au nord-est, la Géorgie à l’est, la Turquie au sud, la Bulgarie et la Roumanie à l’ouest. Large d'environ 1 150 km d’ouest en est et de 600 km du nord au sud, elle s’étend sur une superficie de 413 000 km2. L'adjectif correspondant est « pontique », qui vient du nom antique de cette mer, le Pont-Euxin.
4
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5
+ Le terme océanographique d'« euxinisme » y fait également référence, il désigne une anoxie des eaux profondes, plus salées qu'en surface et provenant de la Méditerranée via la mer de Marmara par un courant de fond inverse de celui des eaux plus douces de la surface alimentées par les fleuves se jetant dans la mer Noire.
6
+
7
+ Elle communique au sud-ouest avec la mer Méditerranée par le Bosphore, la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles. Sur ses côtes ouest et nord, elle communique avec de nombreux limans (lagunes navigables dont la salinité et la turbidité varient avec la saison, et qui servaient de frayères pour le poisson). Au nord-est, la mer d'Azov, reliée par le détroit de Kertch, est considérée comme le plus grand des limans. Son climat spécifique doux et humide, aux épais brouillards aux saisons intermédiaires, subit des influences méditerranéennes au sud-ouest et en été (chaud, sec et ensoleillé), continentales au nord et en hiver (froid glacial, la mer peut geler, les chutes de neige sont fréquentes), et subtropicales au sud-est. Pendant les tempêtes, surtout hivernales, les vagues sont courtes, mais hautes, et peuvent venir de plusieurs directions à la fois, rendant la navigation difficile.
8
+
9
+ Depuis 1996, le 31 octobre est la « journée internationale pour la protection de la mer Noire »[1].
10
+
11
+ L'Organisation hydrographique internationale détermine les limites de la mer Noire de la façon suivante[2] :
12
+
13
+ La mer Noire a une superficie comprise entre 417 000 et 423 000 km2 et un volume compris entre 537 000 et 555 000 km3.
14
+
15
+ Ces données ne prennent pas en compte la mer d'Azov[3] dont la surface est de 37 600 km2.
16
+
17
+ Le bassin pontique a une profondeur maximale de 2 252 m. Sa formation fait l'objet de deux hypothèses :
18
+
19
+ Quoi qu'il en soit, les sédiments déposés au fond du bassin sont essentiellement Pléistocènes et Holocènes, de faciès détritique (voir Roche détritique) et dulçaquicole en profondeur (voir Organisme dulçaquicole, témoignage d'importants apports fluviaux lors des périodes de dégel interglaciaires), et marin au-dessus (sédiments de moins de 8 000 ans). Les sédiments détritiques et dulçaquicoles correspondent à une période dite « sarmatique » commencée il y a 5 millions d'années, durant laquelle une mer intérieure d'eau douce recouvrait les actuelles Hongrie, Roumanie, mer Noire, Ukraine littorale, Russie méridionale, mer Caspienne et Asie centrale. Le niveau de cette étendue d'eau a beaucoup varié, et à l'Holocène récent (durant la dernière glaciation, dite Würmienne), il était 180 m plus bas que le niveau actuel des mers, de sorte que seuls les bassins profonds pontique et caspien étaient encore en eau[4].
20
+
21
+ Dans les années 1960, en analysant au carbone 14 des coquillages d'eau douce trouvés dans les carottages des sédiments de la mer Noire sous les sédiments actuels marins, les chercheurs bulgares, roumains et soviétiques avaient découvert que l'actuelle mer Noire a été il y a près de 8 000 ans un lac d'eau douce appelé « lac Pontique » qui se trouvait à 150 mètres au-dessous du niveau général des mers. À l'époque, le Bosphore n'était pas un détroit mais un isthme qui séparait ce grand lac de la mer de Marmara, elle-même isolée de la mer Égée par l'isthme des Dardanelles. Après la chute du rideau de fer et avec le développement d'internet, les géologues américains Walter Pitman et William Ryan découvrent en 1997 les publications bulgares, roumaines et soviétiques modélisant les effets de la déglaciation post-würmienne qui, élevant le niveau de la mer Méditerranée, finit par entraîner le déversement d'eaux salées en mer de Marmara puis dans la mer Noire, mais sans donner d'opinion sur la vitesse du phénomène, ni sur son caractère répétitif ou unique.
22
+
23
+ Pitman et Ryan rapprochèrent ces faits du mythe de l'arche de Noé, de la légende de Gilgamesh dans le royaume de Sumer, du déluge de Deucalion et du mythe de l'Atlantide dans la Grèce antique. Selon eux, le remplissage a dû être unique, brutal et catastrophique, une cascade gigantesque se serait formée par érosion hydraulique au débouché du Bosphore, et le niveau de la mer Noire serait monté de 180 m en seulement quelques semaines, ses rives reculant d'un kilomètre par jour ou plus. Or, les rives de ce lac étaient déjà peuplées d'agriculteurs, car, en Anatolie et en Europe orientale, l'agriculture a commencé très tôt. Ryan et Pitman pensent que ces agriculteurs, chassés par la montée des eaux, se seraient dispersés en Anatolie et en Mésopotamie, véhiculant le mythe du Déluge. Ils en firent des livres et des documentaires[5].
24
+
25
+ L'hypothèse de Pitman et Ryan n'a toutefois pas convaincu la majorité des chercheurs : des études géologiques publiées en 2007 récusent l'idée d'un déversement catastrophique unique, pour modéliser une série d'oscillations des niveaux des bassins pontique, marmarien et égéen, avec des périodes de déversements multiples, graduels et pas toujours dans le même sens[6],[7]. Actuellement, trois reconstructions très différentes de l'histoire de la mer Noire coexistent donc : l'hypothèse catastrophiste de Pitman et Ryan, une hypothèse gradualiste à déversement unique mais lent, et l'hypothèse des déversements multiples, qui recueille l'assentiment de la majorité des auteurs[8].
26
+
27
+ Quoi qu'il en soit, en devenant salée, la mer Noire désormais reliée à la mer Méditerranée, reste une mer particulière : la mort du biotope lacustre a provoqué une séparation des eaux profondes et des eaux superficielles (voir ci-dessous) et la salinité est restée très en dessous de la moyenne mondiale : 12 à 16 grammes de sel par litre au lieu de 35. De ce fait, un courant d'eau salée coule toujours en profondeur à travers le Bosphore (la « cascade » d'eau marine ne s'est jamais arrêtée) tandis qu'en surface, les eaux moins salées de la mer Noire coulent vers la mer de Marmara. Les sous-mariniers notamment soviétiques et américains connaissent bien le phénomène et ont essayé d'en profiter, mais l'étroitesse du Bosphore (un demi-mille à peine à son point le plus étroit) et l'intense circulation de navires rend l'exercice extrêmement dangereux (et il y eut des accidents). La faible salinité et le climat continental expliquent que les eaux les moins salées du nord-ouest gèlent fréquemment en hiver contraignant notamment l'utilisation de brise-glace pour dégager le port d'Odessa en janvier et février[9].
28
+
29
+ Les eaux de cette mer, au-delà de 200 mètres de profondeur, sont anoxiques, c’est-à-dire sans dioxygène dissous. L'eau profonde concentre assez de sulfure d'hydrogène pour que les bois, cuirs et tissus des épaves soient préservés de l'action bactérienne, au profit des chercheurs d'épaves. Ce phénomène, également présent en mer Caspienne, en mer Baltique et dans le lac Tanganyika, est appelé euxinisme[10].
30
+
31
+ De 2005 à 2009, le projet européen Hermes[11] explore les écosystèmes marins sur 15 000 kilomètres de marge continentale profonde pour notamment mesurer les formes du méthane mer Noire et Baltique. On devrait ainsi mieux comprendre les écosystèmes microbiens anoxiques, et leurs bilans énergétiques et en termes de puits/sources de carbone et GES.
32
+
33
+ On a ainsi pu explorer le méiobenthos (de taille moyenne, c'est-à-dire de 1 mm à 63 µm ou 0,063 mm) et les espèces d'une zone active de production naturelle de gaz méthane et de H2S toxique, ses variations[12] (de -182 à −252 m, dans le canyon sous-marin du Dniepr au nord-ouest de la mer Noire). Le méiobenthos était essentiellement constitué de nématodes et foraminifères (Ciliophora notamment), cohabitant avec des polychètes[13], mais aussi de bivalves, gastéropodes, amphipodes, et Acarina. On a aussi trouvé dans des sédiments des stades juvéniles de Copépodes et Cladocères probablement d'origine planctonique. L'abondance du méiobenthos variait de 2 397 à 52 593 individus par mètre carré (plus nombreux dans la couche superficielle de sédiment pour les nématodes et foraminifères d'une zone permanente H2S à des profondeurs de 220 à 250 m). Cette forte concentration de méiobenthos a été trouvée dans un secteur d'intenses émanations de méthane, associées à un tapis microbien (biofilm méthanotrophe ou méthane-oxydant). L'étude suggère que le méthane et de ses produits d'oxydation microbienne expliqueraient la survie de nombreuses espèces benthiques adaptées à ce milieu extrême, et la bioproductivité élevée dans des zones fortement sulfurées. Une corrélation inverse a été trouvée entre la densité en méiofaune et les taux de méthane des couches superficielles de sédiments. Les chercheurs supposent que le taux de nématodes et de foraminifères des zones enrichies en méthane est un compromis entre les exigences écologiques et les besoins alimentaires de ces organismes et leurs adaptations à l'environnement rendu toxique par l'H2S[14].
34
+
35
+ La grande majorité des espèces animales et végétales présentes dans la mer Noire sont d'origine méditerranéenne. Seules 150 espèces sont considérées comme « autochtones », c'est-à-dire présentes avant la dernière transgression du Bosphore qui a de nouveau permis les échanges d'eau vers la Méditerranée. Parmi les espèces d'origine méditerranéenne, seules celles supportant une faible salinité ont pu s'adapter[9].
36
+
37
+ Du fait de l'anoxie de l'eau au-delà de 200 m de profondeur qui ne permet une vie aérobie que dans ses couches supérieures, la mer Noire est un milieu biologiquement pauvre[9]. Elle compte 167 espèces de poissons. Parmi celles-ci, 37 espèces d'eau douce et 27 espèces d'eau saumâtre[9].
38
+
39
+ La mer Noire abrite un pic de la biodiversité planétaire avec par exemple 42 espèces d'amphipodes benthiques relevées dans la région[15], où l'on découvre encore de nouvelles espèces[16] mais elle est très menacée par la pollution et par des « espèces invasives »[17].
40
+
41
+ Éponge bleue
42
+
43
+ Méduse Rhizostoma pulmo
44
+
45
+ Anémone de mer Dedițel
46
+
47
+ Autre espèce d'anémone
48
+
49
+ Bernard l'ermite Diogenes pugilator
50
+
51
+ Esturgeon à caviar Huso huso, espèce menacée
52
+
53
+ Aiguillat
54
+
55
+ Raie
56
+
57
+ Gobie
58
+
59
+ Rougets de vase pontiques
60
+
61
+ Hippocampe
62
+
63
+ Phoques moines à ventre blanc (Monachus monachus albiventer) naturalisés, sous-espèce de la mer Noire disparue en 1940.
64
+
65
+ Dauphins Delphinus delphis à Sotchi
66
+
67
+ Le pourtour de la mer Noire est caractérisé par un climat quasi endémique appelé « climat pontique » : on parlera donc d'écorégion à son propos. C'est une variante transitionnelle du climat tempéré, avec des caractéristiques méditerranéennes, mais aussi continentales au nord (climat drossopontique à l'été méditerranéen et à l'hiver continental) et subtropicales humides au sud (climat eupontique)[18]. Le climat drossopontique est assez frais et sec en Bulgarie, Roumanie, Ukraine et nord-ouest de la Crimée ; le climat eupontique est plus doux et humide dans le sud-est de la Crimée (péninsule de Kertch), autour de Sotchi en Russie, en Abkhazie, en Colchide (Géorgie) et surtout dans la région pontique de la Turquie[19]. Ce climat pontique est propice à une forte productivité végétale et c'est pourquoi dès les VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. les pourtours de la mer Noire ont été densément colonisés par les Grecs antiques, la région devenant le « grenier à blé » des cités grecques dans sa partie drossopontique propice aux cultures céréalières, et la « réserve de bois » de la marine grecque dans sa partie eupontique en grande partie recouverte de forêts, aujourd'hui encore assez préservées[20]. Cette abondance forestière a tant impressionné les anciens grecs qu'ils nommèrent les forêts pontiques Amarante, soit, littéralement, « qui ne peut se corrompre »[21].
68
+
69
+ On cherche à mieux modéliser la cinétique environnementale de ces polluants, dont les polychlorobiphényles, via des modèles numériques tridimensionnels[22].
70
+
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+ Aujourd'hui une population d'environ onze millions de personnes, par ordre d'importance notamment Turcs, Ukrainiens, Russes, Bulgares, Roumains et roumanophones, Géorgiens ou Abkhazes vivent à moins d'un kilomètre de la mer Noire, notamment dans les villes suivantes :
72
+
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+ Bulgarie :
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+
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+ Géorgie :
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+ Roumanie :
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+ Russie :
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+ Turquie :
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+ Ukraine :
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+ Péninsule de Crimée (Ukraine (de jure) / Russie (de facto)) :
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+ La mer Noire a longuement été historiquement frontalière de grands espaces géostratégiques : au nord, les nomades de la steppe pontique (Cimmériens, Scythes, Sarmates, Roxolans, Huns, Avars, Onogoures, Khazars, Bulgares, Magyars, Alains, Petchénègues, Coumans, Mongols, Tatars...), au sud les royaumes et empires organisés (hittite, perse, hellénistique, romain, byzantin, ottoman...). À l’ouest et à l’est, des « zones tampon » au contact de ces deux mondes (bouches du Danube, Scythie mineure, Caucase...), ont depuis toujours été à la fois disputées, et en même temps des refuges pour les perdants, donc multiethniques. Ce fut aussi le cas de la Crimée.
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+
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+ Au XVe siècle, il fallait l'autorisation du sultan ottoman pour entrer ou sortir de la mer Noire. Au XVIe siècle, l'accès était totalement interdit aux étrangers[23].
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+
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+ Plus récemment la mer Noire a été une zone de contact entre les Russes au nord-ouest, et au sud les Turcs et l'OTAN : le rideau de fer la traversait donc. Aujourd'hui elle se trouve sur les marges les plus orientales de l'Union européenne, face à la CEI et à la Turquie. Ne pouvant se faire admettre en Europe, ces dernières développent désormais leurs propres voies en puisant à leurs racines historiques respectivement russo-soviétiques et ottomanes. Les bases militaires de Crimée, stratégiques pour la Russie, sont depuis 2014 sous son contrôle direct, la péninsule et ses eaux territoriales appartenant de jure à l'Ukraine, mais de facto à la Russie.
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+
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+ Du point de vue économique, les grains, le bois, le poisson séché, les esclaves du pourtour de la mer Noire, ainsi que les épices et la soieries d'Asie, ont attiré ici d'abord les colons grecs, ensuite les Perses, les Romains, les Varègues, les Russes, les Vénitiens et leurs rivaux génois, les Mongols et Tamerlan. De nos jours ce sont les gisements d'hydrocarbures off-shore qui attisent tensions et conflits.
94
+
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+ La convention de Montreux de 1936 fixe l'accès des navires à la mer Noire par les détroits.
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+ Le tableau suivant donne le nom de la mer Noire dans les langues riveraines[24] ; s'il n'y a pas de traduction, c'est que le terme signifie seulement « mer noire ».
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+
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+ L’étymologie du nom grec antique « Πόντος » - Pòntos, signifiant « large mer », est la même que pour les îles Pontines de la Mer Tyrrhénienne, (Italie). Dans l’Antiquité, les Grecs la désignèrent d’abord par Skythikos Pontos (la « mer Scythique »). Les Scythes, peuple de langue iranienne, la désignaient comme axšaēna (« indigo »). Les Grecs comprirent d’abord ce terme comme axeinos (de a- privatif et xeinos « étranger ») signifiant dans leur langue : « inamicale aux étrangers ». Plus tard, quand ses courants et ses vents leur devinrent familiers, elle fut désignée comme Pontos (Pontos signifiant « la mer », « le flot ») Euxeinos (eu- « bien » et xeinos « étranger » c’est-à-dire mer « amicale » ou « accueillante », traduit en français par Pont-Euxin)[25].
100
+
101
+ Les Romains l'appelèrent Pontus Euxinus ou Mare Scythicum et les grecs byzantins καικίας : kaikías, mot désignant le « vent du nord », terme repris par les Bulgares en « mer Cécile » (« море Сесил »).
102
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103
+ Au XIIIe siècle, les portulans des génois (qui avaient alors des comptoirs tout autour de ses rives), ainsi que dans les chroniques de Wavrin et de Villehardouin l'appellent mer Majoure c'est-à-dire « grande mer » (Mare maggiore en italien, Marea cea Mare en roumain).
104
+
105
+ Pour expliquer le nom de Noire, terme apparu dans les textes et les cartes à partir du XVe siècle, il existe trois théories : la plus populaire est que ce serait sa couleur lors des tempêtes, mais c'est le cas de toute mer. On avance parfois que son appauvrissement en oxygène et sa richesse en sulfures, dont certains sont noirs ou très sombres, lui donnerait cette couleur, mais en réalité, ces caractéristiques physico-chimiques ne concernent que les eaux profondes, et en surface la mer « noire » est bleue comme les autres mers.
106
+
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+ Des deux théories scientifiques, la plus ancienne est que ce nom de « noire » serait une traduction de l'adjectif axaïna (« sombre ») donné par les Scythes, mais le problème, c’est qu’entre la disparition des Scythes et le XVe siècle, il y a un millénaire pendant lequel seul Pont-Euxin est utilisé, dans le sens grec du terme. Selon l’autre hypothèse, ce nom lui aurait été donné par les Turcs Selçuks puis Osmanlıs installés en Anatolie à partir du XIe siècle. Chez ces derniers, les points cardinaux sont désignés par des couleurs[26] avec différentes variantes. Ainsi, dans le cas présent :
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+ Le Pont-Euxin étant situé au nord de la Turquie, aurait donc été désigné en turc : Karadeniz, « mer Noire », sombre, alors que la mer Méditerranée, au sud, a été appelée mer Blanche, claire (Akdeniz) (qui ne doit pas être confondue avec la mer Blanche des Russes). Les savants turcs eux-mêmes sont divisés sur le sujet, car chez les anciens turcophones de la steppe, le nord était désigné par Ak (blanc comme la neige) et le sud par kızıl (rouge comme la chaleur). La logique désignant le nord (obscur) par le noir, le sud (la clarté) par le blanc et l'ouest (soleil couchant) par le rouge, ne serait apparue que tardivement, en Asie mineure.
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+
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+ Le pourtour de la mer Noire est entré dès le VIIe millénaire av. J.-C. dans le Néolithique et dans l'agriculture sédentaire. Côté sud, en Anatolie, des bourgades néolithiques ont prospéré à Çatal Höyük, Çayönü, Nevalı Çori ou Göbekli Tepe ; côté nord et ouest se sont succédé des civilisations néolithiques, comme celles de Lepenski Vir, de Starčevo, des catacombes, de Sredny Stog, de Vinča, de Karanovo, de Cernavodă, de Coucouténi-Tripolié, de Hamangia, de Varna ou d'Usatovo, parsemées de villages, de nécropoles, de sanctuaires rustiques. Il a été suggéré que certaines de ces cultures ont pu avoir été développées par des populations pré-indo-européennes puis, progressivement, proto-indo-européennes, parlant la branche anatolienne des langues indo-européennes (hittite et louvite)[27],[28].
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+ Lorsque l'écriture apparaît, avec l'âge du bronze et l'âge du fer, des noms de populations sont mentionnés. Tout autour de la mer Noire, Hérodote place les Cimmériens, dont le nom (Κιμμέριοι) signifie en grec « ceux du bout du monde » (Κιμὴ). Il évoque également les Taures de Crimée. En Anatolie et dans le Caucase apparaissent les Goutéens, les Colques qui ont donné leur nom à la Colchide, les Chalybes, peuple de forgerons, les Scythènes implantés autour de Trébizonde, à proximité de la passe de Zigana, les Driles belliqueux plus à l'ouest, constructeurs de forteresses en bois, les Mosynèques (ou Moses) qui vivaient dans des tours en bois dont la plus haute servait de résidence à leurs rois qui y demeuraient cloîtrés, les Tibarènes, peuple de la côte bâtisseur de forteresses et de grands navires[29] ou encore les Macrons tributaires du grand roi perse[30]. Ces populations pouvaient être indo-européennes ou caucasiennes. Dans les Balkans, aux bouches du Danube et dans la steppe pontique sont mentionnés les Thraces, des Gètes et les Scythes, mais avant eux avaient vécu à l'ouest de la mer Noire d'autres indo-européens, dont certains prirent la mer pour aller jusqu'en Égypte, tandis que d'autres passèrent en Anatolie (les Phrygiens) et d'autres encore en Grèce : ce sont les ancêtres des Mycéniens, Achéens, Ioniens et Doriens.
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+ À partir du VIIe siècle av. J.-C., la colonisation grecque fait de la mer Noire, alors appelée Pont euxin, un « lac grec ». De ces épopées naîtront diverses légendes, dont la plus connue est celle des Argonautes, atteignant la Colchide (actuelle Géorgie) pour y chercher la Toison d'Or.
116
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+ La mer Noire est, au Moyen Âge, le théâtre de huit guerres russo-byzantines entre 830 et 1043, qui voient s'affronter les mahonnes des Varègues et des Russes/Ruthènes contre les dromons de la marine byzantine. C'est encore en mer Noire, plus précisément en Crimée, que subsiste jusqu'en 1475 (22 ans après la chute de Constantinople et la disparition de l'Empire byzantin) le dernier royaume grec avant la Grèce moderne. À ce moment, pendant environ un siècle et demi, la mer Noire sera un « lac italien » appelé Mare maggiore, car la République de Gênes s'y taille un empire maritime, rival des Vénitiens, et y conquiert ou obtient une bonne vingtaine de ports et de comptoirs fortifiés (Amastris et Sinope en Anatolie, Cherson, Cembalos, Halopsis, Yalta, Soudak, Caffa et Kertch en Crimée, San Giorgio, Barilla, Caladda, Licovrissi, Licostomo, Montecastro, Policromia, Eraclea aujourd'hui en ruine et Constanța dans les parages des Principautés danubiennes[31], Matrida, Taman et Tana dans le khanat de la Horde d'or autour de la mer d'Azov[32]). Les routes maritimes italiennes rejoignant ici l'extrémité ouest de la route de la soie, Italie et Chine se disputent l'honneur culinaire d'avoir inventé les pâtes, qui, quel que soit le sens, ont probablement transité par la mer Noire, tout comme les cocons de vers à soie volés aux Chinois et qui firent la prospérité des premières magnaneries européennes...Aidé par les Tatars, l'Empire ottoman conquiert ensuite l'ensemble des rives de la Mare maggiore et en fait cette fois un « lac turc » appelé Kara deniz (« mer Noire »), mais quant aux populations vivant sur la côte même, jusqu'en 1923 ce sont principalement des grecs pontiques qui se maintiennent, soit deux millénaires et demi de présence continue. Leur vocabulaire maritime et halieutique (touchant à la pêche) a imprégné toutes les autres langues riveraines, et leurs traditions (construction navale, architecture, costumes, musique, cuisine) se sont transmises aux peuples successeurs, même si ceux-ci n'en sont pas toujours conscients et même si le voyageur étranger trop pressé, aveuglé par les apparences de la modernité, ne perçoit pas forcément cette continuité[33].
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+ Aux XVIIIe et XIXe siècles, l'Empire turc recule face aux Russes, revenus après mille ans d'absence, et face aux autres états chrétiens des Balkans ; toutefois, les tsars échouent dans leur projet de faire de la mer Noire un « lac russe ». Progressivement, les Grecs pontiques deviennent minoritaires au milieu de l'afflux de nouvelles populations sur les rives de la mer Noire. Au XXe siècle, les Pontiques sont chassés de leurs habitats bi-millénaires lors du gouvernement des Jeunes-Turcs qui persécutent les minorités de l'Empire Ottoman (notamment les Arméniens). Au mieux ils s'assimilent dans les états ou ils vivent, tandis que la mer Noire est divisée entre les états riverains, politiquement rivaux (durant des décennies, le rideau de fer y passe, séparant le bloc communiste de la Turquie capitaliste).
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+ Un acteur, une actrice, un comédien ou une comédienne, est un artiste professionnel ou amateur qui prête son physique ou sa voix à un personnage dans une pièce de théâtre, dans un film, à la télévision, à la radio.
2
+
3
+ Les différentes conventions collectives du spectacle vivant et de l'audiovisuel attribuent des noms différents au même emploi : l'interprétation d'un rôle. Si l'appellation d'artiste interprète (ou artiste-interprète) réunit les artistes dramatiques, chorégraphiques, lyriques, de variétés (music-hall), de cirque ainsi que les musiciens (non solistes) dans la Convention collective nationale des artistes engagés pour les émissions de télévision, Radio France a conservé sur les fiches de paie la dénomination Artiste dramatique pour l'interprétation des fictions et feuilletons radiophoniques.
4
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5
+ Étymologiquement, le comédien est un acteur plus particulièrement spécialisé dans la comédie (κωμῳδία), de même que le tragédien est davantage spécialisé dans la tragédie (τραγῳδία). Les deux grands genres dramatiques traditionnels sont la tragédie et la comédie.
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7
+ Le drame (du latin drama, emprunté au grec ancien δρᾶμα / drâma, qui signifie « action (théâtrale), action jouée sur scène, pièce de théâtre ») désigne étymologiquement toute action scénique[1].
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9
+ Avec le temps, cette distinction s'est estompée dans l'usage : l'art de l'acteur est aujourd'hui désigné en langue française sous le nom de comédie. Jouer la comédie signifie interpréter un rôle, qu'il s'agisse ou non d'un emploi comique.
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+ L'ensemble des acteurs choisis pour tenir les rôles d'un film ou d'une pièce de théâtre est appelé distribution.
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+ Le principal support de l'acteur est le texte mais il peut également se servir du mime, de la danse ou du chant, selon les besoins de son rôle, notamment dans les comédies musicales.
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+ Provient du mot latin actor, (de même sens qu'en français) qui interprète un personnage dans le cadre d'une mise en scène « celui qui fait, l'exécuteur »[2].
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+ Le premier acteur serait le grec Thespis[3] (ou Thespus) qui aurait joué en -534 au théâtre d'Athènes pour les fêtes de Dionysos, devenant ainsi le premier à interpréter des paroles, séparément du chœur, dans une pièce de théâtre. Avant lui, les histoires étaient racontées avec des danses ou des chansons, à la troisième personne, mais aucune trace d'histoire racontée à la première personne ne nous est parvenue.
18
+
19
+ Cet acteur est unique à l'origine et, seul protagoniste, il parle avec le chœur. Le dramaturge grec Eschyle est le premier à introduire un deuxième personnage (le deutéragoniste). Puis Sophocle en fait intervenir un troisième : le tritagoniste. L'existence dans l'Antiquité d'un tétragoniste est discutée.
20
+
21
+ En France, les métiers du théâtre sont longtemps réservés aux hommes, donnant lieu à des excommunications d'acteurs ; ce n'est qu'en 1603, à l'occasion d'une tournée théâtrale d'une troupe italienne, qu'une femme, Isabella Andreini, obtient le droit de monter sur scène. L'édit royal du 16 avril 1641 de Louis XIII est le précurseur du statut de comédien dont le travail « ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudice à leur réputation dans le commerce public »[4].
22
+
23
+ L’acteur est celui qui met en acte, en action, le texte écrit par le dramaturge, et les situations organisées par le metteur en scène. C'est lui qui agit et donne vie au personnage. Dans certains cas comme les spectacles d’improvisation (par exemple la commedia dell'arte), il peut être lui-même l'unique créateur de son rôle.
24
+
25
+ Il existe une ambiguïté constante entre la personnalité du rôle et celle de son interprète. Ce paradoxe a notamment été exposé par Diderot dans son Paradoxe sur le comédien. On raconte qu'un acteur romain du nom d'Ésope, emporté par la folie du personnage d'Oreste, assassina un de ses partenaires ; de même, l'acteur Genest se serait converti, emporté par la foi de son personnage, et fut même sanctifié (pour avoir subi le martyre, et non pour sa passion du théâtre…). L'acteur change d'identité afin de pouvoir incarner tel ou tel autre personnage, cependant les cas de confusion mentale sont rarissimes et l'acteur doit rester lui-même pour créer artistiquement un caractère. L'identification à son personnage n'est jamais totale, sous peine de folie. L'acteur puise à la fois dans son vécu et son imaginaire pour créer un rôle. L'Église catholique, pendant des siècles, a vu d'un fort mauvais œil cette capacité à dissimuler ou à transformer la nature profonde de son être : les acteurs furent excommuniés à partir de l'an 398. Molière fut enterré à la sauvette, et il fallut attendre le XXe siècle pour qu'une actrice, comme Sarah Bernhardt par exemple, puisse avoir des obsèques nationales.
26
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27
+ Le « jeu de l'acteur » intervient souvent en complément d'un autre art. S'il est partie intégrante des arts traditionnels (architecture, sculpture, peinture, gravure, musique), il peut aussi exister seul (une lecture de texte, un spectacle d'improvisation, par exemple) ou bien s'ajouter aux autres arts, notamment ceux où l'interprétation est séparée de la création : théâtre, télévision, cinéma.
28
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29
+ Certains appellent le jeu de l'acteur le « huitième art » ou « art de la prestation », place que d'autres attribuent à la télévision[5].
30
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31
+ Pour construire son jeu, l'acteur ou l'actrice pratique un entraînement. Cet entraînement exerce et développe la relation aux autres et la relation à soi-même. Pour éviter que cet entraînement devienne une forme répétitive vide de jeu, l'actrice cultive son imagination pour qu'elle envoie toujours des images qui vont motiver la forme répétée. Ainsi un acteur se lèvera plus facilement et plus justement s'il croit attraper un objet, au lieu de s'entraîner à se lever pour uniquement se muscler. L'acteur développera ses exercices selon sa coordination, son équilibre, et l'exploration des limites de son corps, sans brutalité[6].
32
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33
+ En développant son système, Constantin Stanislavski, l'un des fondateurs du théâtre du XXème siècle, a montré que ce qu'il appelle la mémoire émotionnelle de l'acteur ou de l'actrice est au centre du jeu juste : à partir du moment où l'on peut retrouver la mémoire des émotions personnelles vécues on peut les ressentir lors d'une présentation et ainsi exprimer de façon vraie un rôle. Malheureusement, la mémoire est souvent capricieuse. Pour la favoriser, il a proposé de la solliciter par des séries d'actions physiques, correspondant au rôle, amenant l'interprète dans l'état émotionnel conservé en lui ou en elle. Cette approche a été développée par Jerzy Grotowski, et plein d'autres. Cependant, Michel Tchekhov, un élève de Stanislavsi, ne reconnaissait pas l'existence des émotions personnelles. Pour arriver à un jeu juste, il propose plutot de « colorier » les actions, coloration vue comme une approche du sentiment, de son éveil, imitant une vision que nous aurions, et qui nous serait proposée dans un espace extérieur. On joue d'abord l'action au cours de l'exercice, l'approche du sentiment ne se faisant que prudemment, non pas en l'exprimant, mais en le coloriant, en donnant une certaine excitation (lenteur, attention, joie, fatigue...) qui, elle, invitera peut-être à l'émotion. [7]
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35
+ Les mots acteur et comédien ne font plus, dans le langage courant, l'objet d'une différence marquée dans leur emploi. Pierre Frantz, dans le Dictionnaire encyclopédique du théâtre, écrit : « On emploie le plus souvent indifféremment l'un ou l'autre terme. On distingue cependant l'acteur qui, représentant sur scène un personnage, remplit ainsi une fonction dramaturgique, du comédien, personne sociale, qui fait son métier de la représentation des personnages au théâtre » ; pour cet auteur, le terme acteur est plus volontiers employé que comédien pour le cinéma. L'usage de comédien existe cependant dans le contexte du cinéma.
36
+
37
+ Louis Jouvet écrivait pour sa part, dans Réflexions du comédien (1938), « L’acteur ne peut jouer que certains rôles ; il déforme les autres selon sa personnalité. Le comédien, lui, peut jouer tous les rôles. L’acteur habite un personnage, le comédien est habité par lui ».
38
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39
+ L'acteur Alain Delon différencie ainsi l' "acteur" du "comédien" : « Ma carrière n’a rien à voir avec le métier de comédien. Comédien, c’est une vocation. C’est la différence essentielle – et il n’y a rien de péjoratif ici – entre Belmondo et Delon. Je suis un acteur, Jean-Paul est un comédien. Un comédien joue, il passe des années à apprendre, alors que l’acteur vit. Moi, j’ai toujours vécu mes rôles. Je n’ai jamais joué. Un acteur est un accident. Je suis un accident. Ma vie est un accident. Ma carrière est un accident. »[8],[9].
40
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+ La distinction entre acteur et comédien n'est pas fixée en langue française. L'édition 1990 du Petit Robert définit « acteur » comme « artiste dont la profession est de jouer un rôle à la scène ou à l'écran » et « comédien » par « personne qui joue la comédie sur un théâtre » ; l'édition 2012 du même dictionnaire indique simplement « personne qui joue la comédie ; acteur, actrice ». Le Larousse définit « comédien » par « personne dont la profession est de jouer au théâtre, au cinéma, à la télévision ou à la radio ; acteur, actrice »[10] et « acteur » par « Personne dont la profession est d'être l'interprète de personnages à la scène ou à l'écran ; comédien »[11]. Si le terme comédien peut paraître avoir un caractère plus noble en langue française, ou désigner plus spécifiquement les acteurs de théâtre, s'agissant d'artistes dramatiques, les deux mots peuvent être utilisés alternativement et sans distinction particulière dans le langage courant, y compris par les professionnels[12].
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+ République d'Arménie
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+ (hy) Հայաստանի Հանրապետություն(Hayastani Hanrapetut'yun)
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+ 40° 11′ N, 44° 30′ E
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+ L’Arménie, en forme longue la république d'Arménie, en arménien Hayastan, Հայաստան et Hayastani Hanrapetut’yun, Հայաստանի Հանրապետություն, est un pays situé dans la région du Petit Caucase en Asie occidentale[4]. Cette ancienne république socialiste soviétique a des frontières terrestres avec la Turquie à l'ouest, la Géorgie au nord-nord-ouest, l'Azerbaïdjan à l'est et l'Iran au sud-est.
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+ Bien que géographiquement située en Asie[5],[6],[7], l'Arménie est considérée comme faisant culturellement, historiquement et politiquement parlant, partie de l'Europe, voire, géographiquement[8], à sa lisière[9],[10]. Le pays est d'ailleurs considéré comme un berceau du christianisme et des civilisations indo-européennes. Il a joué un rôle historique dans leur diffusion. L'Arménie est membre de plus de trente-cinq organisations internationales, comme l'ONU, le Conseil de l'Europe, la Communauté des États indépendants, etc. Dès 2015, sa candidature à l'Union européenne a été envisagée[11].
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+ L'Arménie est un État-nation unitaire, démocratique et multipartite doté d'un riche héritage culturel. Héritière d'une des plus anciennes civilisations au monde, Urartu, son territoire représente seulement un dixième de l'Arménie historique[12]. L'arrivée des Armens, peuplade indo-européenne, marque la constitution de la satrapie d'Arménie au VIe siècle av. J.-C. Au Ier siècle av. J.-C., le royaume d'Arménie sous Tigrane le Grand atteint son apogée.
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+ L'Arménie fut la première nation à adopter le christianisme comme religion d'État en 301[13],[14]. Bien que l'Arménie actuelle soit un pays constitutionnellement séculier, la religion chrétienne y tient une place importante.
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+ Au IXe siècle, le royaume d'Arménie est rétabli par la dynastie bagratide. Les guerres contre les Byzantins l'affaiblirent jusqu'à sa chute en 1045 puis l'invasion des Turcs seldjoukides s'ensuivit. La principauté et ensuite le royaume arménien de Cilicie a perduré sur la côte méditerranéenne entre les XIe et XIVe siècles.
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+ Entre les XVIe et XIXe siècles, le plateau arménien composé de l'Arménie occidentale et de l'Arménie orientale était sous contrôle des empires ottoman et iranien respectivement. Au XIXe siècle, l'Arménie orientale fut conquise par l'empire russe et la partie occidentale demeura sous l'empire ottoman. À la fin de la Première Guerre mondiale, les Arméniens vivant sur leurs terres ancestrales dans l'empire ottoman furent soumis à une extermination systématique, le génocide arménien.
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+ En 1918, après la révolution russe, les pays non russes déclarèrent leur indépendance ce qui entraîne l'établissement de la république démocratique d'Arménie. En 1920, le pays fut incorporé dans la république démocratique fédérative de Transcaucasie qui devint un membre fondateur de l'Union soviétique. En 1936, la république transcaucasienne fut dissoute ce qui entraîna l'émergence de la république socialiste soviétique d'Arménie. La république d'Arménie devint indépendante en 1991 lorsque l'Union soviétique s'est désintégrée.
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+ La région, notamment autour du mont Ararat (désormais totalement situé en Turquie), qui a une importante signification religieuse pour les Arméniens, est peuplée depuis la Préhistoire. Les archéologues continuent de trouver des preuves selon lesquelles l'Arménie était un ancien centre de civilisation, avec l'Urartu, rival de l'Assyrie. On ne peut parler de peuple arménien qu'à partir du VIIe siècle av. J.-C., époque à laquelle la région fut investie par un peuple indo-européen (Armens et Hayaza-Azzi) qui se mêla à la population urartéenne.
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+ Selon les preuves documentées, une civilisation existait en Arménie depuis l'âge du bronze, voire plus tôt, vers 4000 av. J.-C.. Les fouilles archéologiques effectuées en 2010 et 2011 dans le complexe de grottes Areni-1 a permis de découvrir les plus vieilles chaussures en cuir connues au monde[15], une jupe[16] et une structure de production de vins[17].
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+ Plusieurs États ont prospéré dans la région de la Grande Arménie pendant cette période, incluant les Hittites (à leur apogée), le royaume Mittani (au sud-ouest de l'Arménie historique) et la confédération Hayasa-Azzi (1500-1200 av. J.-C.). Le peuple de Nairi (XIIe au IXe siècle av. J.-C.) et Urartu (1000-600 av. J.-C.) ont successivement contrôlé le plateau arménien. Ces nations et tribus ont tous participé à l'ethnogenèse des Arméniens[18],[19],[20],[21]. Une inscription cunéiforme lapidaire retrouvée à Erevan a permis de conclure que la capitale actuelle de l'Arménie était fondée en été 782 av. J.-C. par le roi Argishti Ier. Erevan est la plus vieille ville au monde ayant pu documenter la date de sa fondation.
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+ Vers 610 av. J.-C., une tribu thraco-illyrienne[22] originaire des Balkans passe en Asie Mineure et se déplace graduellement vers l’est jusqu’au Caucase pour se confondre, sans confrontation semble-t-il, avec le royaume de l’Urartu. « Incluant alors tous les autres éléments ethniques », l'ethnie arménienne se forme, avec une culture qui incorpore des éléments de la culture urartéenne[23] et une langue, indo-européenne, qui s'impose peu à peu[24]. Les Arméniens sont évoqués dans les archives de Ninive. En 490 av. J.-C., les vassaux de Xerxès Ier, roi des Perses, combattent à Marathon contre les Grecs.
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+ La région passa par des périodes d’indépendance et de soumission. À la suite de la conquête de l'empire perse par Alexandre le Grand, l'Arménie subit donc l'influence grecque (dynastie séleucide) jusqu'au règne d'Antiochos III (242-187 av. J.-C.). À cette époque, la dynastie orontide défend la souveraineté arménienne.
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+ En 189 av. J.-C., le stratège Artaxias proclame l’indépendance et, en 187 av. J.-C., fonde sa capitale, Artaxate. Cette Arménie hellénistique, sous le règne de la nouvelle dynastie artaxiade doit faire face aux Parthes. Sous le règne de Tigrane le Grand (95 -55 av. J.-C.), elle va s’étendre de la Méditerranée aux rives de la mer Caspienne. Ce même roi déplace sa capitale à Tigranocerte vers -78.
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+ Mais l'expansion de l'Arménie indispose les Romains qui annexent une bonne partie des terres que Tigrane venait de conquérir, tout en laissant l'Arménie indépendante jusqu'en 65 av. J.-C., année où le pays devient un protectorat romain.
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+ De 1 à 53, les Romains et les Parthes se partagent l'Arménie. Celle-ci est à nouveau romaine de 114 à 117.
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+ Mais, par la suite, la dynastie arsacide rétablit l'indépendance du pays. Au IIe siècle, une nouvelle dynastie perse, les Sassanides, profite de la faiblesse de l'Empire romain pour envahir l'Arménie. Ce n'est que sous l'empereur Dioclétien que les Romains rétablissent leur protection sur l'Arménie. Ils portent au pouvoir le roi Tiridate IV qui se convertit au christianisme en 301 sous l'influence de Grégoire Ier. L’Arménie est ainsi, dès le début du IVe siècle, le premier pays officiellement chrétien. Pour affirmer l'intégrité de la nation arménienne, le moine Mesrob Machtots crée un nouvel alphabet ; geste politique fondateur qui sauve ainsi cette culture de l'oubli. Cet alphabet, qui serait inspiré de l'alphabet grec, avec 32 consonnes et 6 voyelles s’écrit de gauche à droite. Les Arméniens peuvent se passer du grec pour la publication des textes. Ainsi, vers l'an 406, l'alphabet arménien est adopté par l'ensemble du royaume. En l'an 428, l'Arménie est divisée entre les Sassanides et les Byzantins.
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+ La région est ensuite envahie par les Arabes qui établissent l'Émirat d'Arménie. Vers l'an 885, la dynastie bagratide s'impose en Arménie, et l'indépendance du pays est alors reconnue. À l'époque, l'Arménie a comme capitale Ani. Avec une population surpassant celle des métropoles européennes comme Paris, Londres et Rome, la ville devient le centre culturel, religieux et économique du Caucase.
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+ L'Empire byzantin s'engage dans une lutte pour subjuguer l'Arménie et réussit finalement en 1045. Mais il est ensuite trop affaibli pour défendre la région contre les Turcs Seldjoukides qui, en 1064, ruinent l'Arménie et continuent d'avancer vers le reste de l'Asie Mineure. Malgré la renaissance zakaride dans la seconde moitié du XIIe — première moitié du XIIIe siècle, des milliers d'Arméniens partent en exil pour s'établir dans des régions plus prometteuses telles que la Moldavie, la Transylvanie, la Hongrie, l'Ukraine, la Pologne, Chypre, divers ports de la Méditerranée et surtout en Cilicie. Dans cette dernière région est fondé en 1137 un royaume arménien qui prolonge la souveraineté arménienne jusqu'en 1375, le royaume arménien de Cilicie.
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+ L'Arménie est l'alliée des croisés de Terre sainte. Plusieurs mariages ont lieu entre princesses arméniennes et souverains francs d’Orient — par exemple le comte Baudouin de Boulogne épouse une Arménienne et devient maître du Comté d’Édesse. Il y a aussi des mariages entre des princes arméniens et des princesses chypriotes. En 1190, Henri VI, empereur romain germanique, remet la couronne royale à Léon II. En 1199, Léon II lui rend la pareille en lui offrant lui aussi une couronne. La culture arménienne est alors très ouverte sur celle de l’Europe et des États latins d’Orient. En 1374, Léon VI de la Maison de Lusignan est le dernier roi arménien avant l'invasion du pays par les Mamelouks en 1375.
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+ Pendant ce temps, l'Arménie (ou Grande-Arménie) est envahie par diverses tribus turques et devient l’objet de luttes entre l’Empire ottoman et l’Empire perse. À partir du XIVe siècle, la plus grande partie reste sous domination turque où la population arménienne (devenant plus en plus minoritaire dans quelques vilayets de l'Anatolie de l'est, appelé aussi l'Arménie occidentale) coexistent avec des communautés turques, kurdes, et grecques.
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+ Des communautés arméniennes se maintiennent dans le Caucase du Sud, partie de l'Empire perse jusqu'au début du XIXe siècle, ainsi qu'en Azerbaïdjan oriental, à Téhéran et à Ispahan.
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+ Les guerres reprennent en 1827, lorsque l’Empire russe s'empare des régions arméniennes du nord de la Perse. Au XIXe siècle, le territoire est partagé entre la Russie et l’Empire ottoman. D'importantes communautés arméniennes se développent autour d'Erevan, mais aussi de Tbilissi et Bakou. En 1905-1906, de violents affrontements interethniques opposent les Arméniens aux Azéris.
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+ Les Arméniens sont alors divisés dans des millets distincts (pour représenter les communautés arméniennes apostolique, catholique et protestante) au sein de l'Empire ottoman avec un degré d'autonomie en ce qui concernent les enjeux religieux et civils avec la mise en place du système confessionnaliste instauré pendant l'ère réformiste des Tanzimat, mais le peuple arménien se compte parmi les nombreux groupes ethnoreligieux qui visent plus d'autonomie ou même l'indépendance pour les territoires où ils représentent la majorité. La Constitution nationale arménienne est mise en place en 1863 et elle crée l'Assemblée nationale arménienne comme corps législatif du millet apostolique arménien, majoritaire, composé de 120 membres élus qui à leur tour élisent le Patriarche arménien de Constantinople, détenant le pouvoir exécutif.
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+ À la fin du XIXe siècle, sous le règne du sultan Abdülhamid II, les Turcs se livrent aux premiers massacres contre le peuple arménien (1894-1896) vivant sur la partie du territoire qu’ils contrôlent, c'est-à-dire l’Asie Mineure orientale ou l'Arménie occidentale. Ces massacres font entre 80 000 et 300 000 morts[25].
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+ Le 24 avril 1915, le gouvernement Jeunes-Turcs de l’Empire ottoman décide d’en finir avec la minorité arménienne vivant dans l’actuelle Turquie et organise la déportation et le massacre d'Arméniens qui serait chiffré entre 1 200 000 et 1 500 000 Arméniens ottomans[26], perpétrant ainsi un génocide qui est souvent considéré comme le premier du XXe siècle. L'Arménie occidentale est vidée de sa population arménienne natale. Ce génocide n'a jamais été reconnu en tant que tel par la Turquie, dont les lois condamnent ceux qui mentionnent un génocide arménien[27]. Après l'effondrement de la Russie (1917) et de l'Empire ottoman (1918), les Arméniens parviennent à créer une république indépendante, à l'existence éphémère (1918-1920).
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+ La première république démocratique d'Arménie est née des convulsions qui ont agité la Transcaucasie à la fin de la Première Guerre mondiale. L'effondrement de l'empire russe en 1917 laisse un vide politique dans une région composée d'une mosaïque de groupes ethnico-religieux, qui peinent à s'entendre. Abandonnés par leurs voisins face à la menace turque, les Arméniens proclament la république d'Arménie. Après la défaite des Puissances centrales en 1918, les Arméniens fondent de grands espoirs sur la Conférence de la paix de Paris, pour obtenir le rétablissement de la Grande-Arménie historique. Leurs attentes sont rapidement déçues. Abandonnée par les Puissances alliées, face à l'hostilité de ses voisins, la république d'Arménie mène pendant deux ans une existence précaire et succombera à la collusion de la Turquie kémaliste et de la Russie bolchévique.
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+ Battus par Kemal Atatürk, les Arméniens se résignent à accepter la protection des Bolcheviques : le 29 novembre 1920 naît la république soviétique d'Arménie qui ne couvre qu'une petite partie du territoire historique de l'Arménie. Le traité de Sèvres promettait d'intégrer à la nouvelle Arménie indépendante plusieurs villayets (provinces) d'Anatolie orientale. Mais le texte ne fut jamais ratifié. En 1922, elle est incluse dans la république socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, puis, à partir de 1936 — à l'issue de l'éclatement de la Transcaucasie —, elle devient une république socialiste soviétique à part entière.
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+ Dès lors et durant toute la période soviétique, des tensions sourdes et récurrentes vont opposer Arméniens et Azéris autour du destin de la région du Haut-Karabagh. En décembre 1920, après la soviétisation de l'Azerbaïdjan, les autorités de la RSS d'Azerbaïdjan, nouvellement créée, déclarent renoncer à leurs prétentions sur les territoires litigieux, et reconnaissent officiellement le droit à l'autodétermination du peuple du Karabagh. Mais le bureau caucasien du Comité central du parti bolchevik, alors présidé par Staline, décide du rattachement du Haut-Karabagh à l'Azerbaïdjan. Pendant près de 70 ans, le problème est « gelé ». Durant toute cette période, à intervalles réguliers, la grande majorité des Arméniens du Haut-Karabagh proteste pacifiquement contre les suites de cette décision et demande que soit discutée la possibilité d'une intégration du Haut-Karabagh au sein de l'Arménie.
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+ Puis, avec la glasnost et la perestroïka, les tensions récurrentes entre les deux républiques soviétiques provoquées par la politique des nationalités et surtout le découpage administratif prennent une tournure plus ouverte et se cristallisent autour de la question du Haut-Karabagh. Le 12 juin 1988, la région autonome du Haut-Karabagh se déclare en sécession. Trois jours plus tard, l'Azerbaïdjan réaffirme l'attachement du Haut-Karabagh à son territoire et des violences éclatent.
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+ L’Arménie accède à son indépendance définitive le 21 septembre 1991[28]. Suivant l'exemple de l'Azerbaïdjan (qui a déclaré son indépendance de l'URSS le 30 août 1991), la région autonome du Karabagh déclare son indépendance le 2 septembre 1991, à la suite d'un référendum. Les autorités de Bakou envoient des troupes au Haut-Karabagh pour y rétablir leur contrôle et c'est le début du conflit. Les Arméniens de la région s'organisent pour se défendre. Avec l'aide de l'Arménie, les combattants du « Comité Karabakh » chassent les Azéris. Les affrontements entre Arméniens et Azéris font de nombreuses victimes de part et d'autre. Malgré le cessez-le-feu conclu en mai 1994, cette question n’est toujours pas réglée.
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+ Des transferts de population ont eu lieu (retour en Arménie d'Arméniens vivant en Azerbaïdjan et vice-versa pour les Azéris vivant en Arménie) entre les deux pays qui tendent à devenir ethniquement plus homogènes.
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+ Aujourd’hui, l’Arménie est réduite à un dixième de son territoire historique.
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+ L'Arménie dispose d'un régime parlementaire depuis 2018. Le premier président arménien fut Levon Ter Petrossian, qui avait pris les rênes du pays en 1991. En 1998, affaibli dans son pays après avoir souhaité renégocier le statut du Haut-Karabagh, il est poussé à la démission avant d'être remplacé par Robert Kotcharian.
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+ Serge Sarkissian, élu président en 2008 et réélu en 2013, fait voter à la fin de ses deux mandats une loi accordant plus de pouvoirs au Premier ministre, puis se fait nommer par le Parlement à ce poste, afin de contourner la clause constitutionnelle limitant à dix ans la durée des mandats de Président[29]. Il est brièvement nommé à ce poste sous la présidence d'Armen Sarkissian—homonyme sans lien familial— en 2018, puis démissionne sous la pression de la rue et de la Révolution de velours qui lui reproche d'être corrompu. Le chef de l'opposition Nikol Pachinian lui succède au poste de Premier ministre le 8 mai 2018[30].
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+ Depuis son indépendance en 1991, l’Arménie a toujours gardé des relations étroites avec la Russie dont elle est l’indispensable partenaire dans la région. Elle accueille ainsi une base militaire russe à Gyumri. Cependant, la politique étrangère de l’Arménie se transforme aussi graduellement vers la recherche d’un soutien plus fort de l’Occident. L’Arménie a déclaré le 3 septembre 2013 qu'elle rejoindrait l’Union économique eurasiatique qui se forme le 1er janvier 2015[33].
78
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+ L’Arménie a ainsi exprimé le désir de s’intégrer dans les institutions européennes. Elle a adhéré au programme de Partenariat pour la paix de l’OTAN et aussi adhéré au Conseil de l’Europe (42e pays membre). Elle a envoyé une section de soldats de la paix au Kosovo sous commandement des forces grecques de la KFOR. Ainsi, l’Arménie cherche à équilibrer ses relations avec la Russie et également avec l’OTAN.
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+ Les États-Unis, avec leur diaspora arménienne, apportent une sérieuse contribution à la reconstruction de l’économie arménienne qui a récemment vu son PIB progresser de façon impressionnante.
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+ L’Arménie est en outre assez proche de la Géorgie, dont elle dépend économiquement pour le transit et l'importation des biens de première nécessité. Afin de ne pas mettre en péril cette relation indispensable face au blocus imposé par la Turquie et l'Azerbaïdjan depuis des années, Erevan est resté très prudent et a évité toute déclaration intempestive sur les velléités d'indépendance qui se sont matérialisées durant l'été 2008 au sein de la Géorgie en marge de la guerre d'Ossétie du Sud de 2008. Sur la question de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, l'Arménie s'est donc quelque peu distancée de son protecteur principal, la Fédération de Russie — sans pour autant rejoindre le chœur des condamnations occidentales sur l'attitude de Moscou durant la crise.
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+ Elle est aussi un membre permanent de l'Organisation internationale de la francophonie[34]. L'Association des communautés d'Arménie et la ville d'Erevan font partie de l'Association internationale des maires francophones[35]. Enfin, la région de Lorri est membre de l'Association internationale des régions francophones[36].
86
+
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+ Les Forces armées arméniennes représentent l'armée de terre et d'air, la défense aérienne et la garde frontalière de l'Arménie. L'Arménie n'a pas de marine militaire parce qu'elle est un pays sans accès à la mer. Le commandant en chef est le président de l'Arménie, actuellement Armen Sarkissian. Le ministre de la Défense, actuellement Seyran Ohanian, est chargé de la direction politique. L'Arménie a institué la fonction de ministre de la Défense le 28 janvier 1992. Depuis 1992, l'Arménie est membre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Avant 2010, les gardes frontaliers surveillaient la frontière de l'Arménie avec la Géorgie et l'Azerbaïdjan, les forces armées russes patrouillaient les frontières avec la Turquie et l'Iran. Mais depuis le récent accord de coopération militaire signé en août 2010, les troupes russes patrouillent et protègent toutes les frontières de l'Arménie[37].
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+
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+ L'Arménie est l'un des pays les plus enclavés au monde, en partie pour des raisons naturelles (aucune façade maritime, relief très montagneux et vallées encaissées, donc des pentes fortes difficilement franchissables, villages isolés), mais aussi, pour des raisons de manque d'infrastructures modernes de transports (routes et voies ferrées en pleine réfection), et surtout pour des raisons politiques. En fait, le pays a longtemps souffert d'être en marge de l'empire soviétique, limitrophe d'un tronçon du Rideau de fer (frontière soviéto-turque) ; désormais indépendante, l'Arménie est en conflit et n'entretient pas de relations diplomatiques (donc frontières fermées à tout trafic depuis plusieurs années) avec deux de ses voisins : Turquie, Azerbaïdjan et son enclave du Nakhitchevan. La frontière avec la Géorgie n'est qu'à demi-ouverte : seul un poste frontalier est ouvert dans le nord du pays (liaisons routière et ferroviaire, mais de médiocre qualité), les autres routes permettant de franchir la frontière arméno-géorgienne étant actuellement fermées par les Géorgiens en raison des volontés autonomistes de la minorité arménienne vivant en Samtskhé-Djavakhétie (Djavakhk), dans la partie sud de la Géorgie. Sur les 1 000 kilomètres de frontière que compte le pays, 834 sont fermés. La frontière avec l'Iran (35 km) reste, elle, praticable. Paradoxalement compte tenu du contexte politique actuel, c'est avec l'Iran que l'Arménie entretient actuellement les relations de voisinage les plus courtoises et les échanges économiques les plus importants. L'alliance russe est précieuse pour l'Arménie, mais la Russie actuelle n'a aucune frontière commune avec l'Arménie. L'aéroport d'Erevan est vital pour le pays, car c'est le seul moyen d'accès aisé reliant l'Arménie au reste du monde.
90
+
91
+ La topologie de l'Arménie n'est pas des plus simples, puisque son territoire n'est pas connexe — en raison de l'enclave arménienne d'Artsvashen, en Azerbaïdjan (sans compter le disputé Haut-Karabagh, également enclavé dans l'Azerbaïdjan et séparé de l'Arménie par le corridor de Latchin) — et que sa composante connexe principale n’est pas simplement connexe — en raison des enclaves azerbaïdjanaises de Karki, Aşağı Əskipara, Yukhari Askipara et Barkhudarli.
92
+
93
+ L'Arménie sépare aussi le Nakhitchevan du reste de l'Azerbaïdjan.
94
+
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+ L'Arménie est constituée de plateaux et de chaînes montagneuses très élevées, dénommées globalement Petit Caucase. Près de 90 % du territoire se situe à plus de mille mètres d'altitude. Enclavée dans les hauteurs du Caucase, entre la mer Noire et la mer Caspienne, l'Arménie se situe en Eurasie, aux limites de l'Europe et de l'Asie.
96
+
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+ Son point culminant historique était le mont Ararat et ses 5 160 mètres jusqu'en 1915. Depuis, le mont Ararat se trouve en Turquie, mais reste le symbole de l'Arménie, et le point culminant actuel est le mont Aragats et ses 4 095 mètres avec sa végétation de type toundra et quelques névés sommitaux. La chaîne de Gegham, dont le point culminant est le mont Ajdahak, haut de 3 597 mètres, est en position centrale dans le pays, séparant la plaine de l'Ararat du lac Sevan. De nombreux volcans éteints parsèment le pays, hérissé aussi de nombreux chaînons montagneux dont les sommets sont à plus de 3 000 mètres d'altitude, entaillés de vallées profondes, très encaissées. Les cols sont souvent élevés tels le col de Sélim (2 410 mètres), le col de Vorotan (2 344 mètres), le col de Sisian (2 346 mètres) ou le col de Tastun (2 483 mètres). Ceci contribue à rendre la circulation difficile et accentue l'isolement des différentes régions.
98
+
99
+ Le paysage arménien se caractérise également par ses lacs et notamment le lac Sevan, un grand lac à écoulement endoréique de 1 400 km2 perché à 1 900 mètres d'altitude à 60 km à l'est d'Erevan, la capitale. Le lac Sevan est le deuxième symbole de l'Arménie après le mont Ararat.
100
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101
+ La seule plaine notable est la plaine de l'Ararat, au sud et à l'ouest d'Erevan, au nord du mont Ararat, où se concentre l'essentiel de la production agricole. Elle coïncide avec la partie nord amont du bassin de l'Araxe, dont le bassin couvre les trois-quarts du pays et qui est donc le fleuve arménien par excellence même s'il est frontalier avec la Turquie et poursuit ensuite son cours au Nakhitchevan et en Azerbaïdjan avant de se jeter dans la mer Caspienne.
102
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103
+ Le tiers nord du pays fait partie du bassin hydrographique de la Koura, fleuve qui coule en Géorgie pour sa partie amont et qui se jette aussi dans la mer Caspienne après avoir traversé le nord de l'Azerbaïdjan.
104
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+ L'Arménie est située au cœur d'une zone qui connaît une grande activité sismique. La région est en effet soumise à la pression, forte et constante, de la péninsule Arabique, plaque tectonique jadis détachée du continent africain et qui continue de « pousser » vers le nord-est, se heurtant à la plaque eurasiatique. Le dernier grand séisme a fait entre vingt-cinq mille et trente mille morts le 7 décembre 1988, détruisant particulièrement les villes de Spitak et Leninakan, actuellement rebaptisée Gyumri.
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+
107
+ La subduction et la collision à l’œuvre depuis des millions d'années sont à l'origine d'un volcanisme étendu dans l'espace et le temps. Plus de 500 volcans du Quaternaire ont été cartographiés ; la plupart sont des volcans monogéniques mais plusieurs sont des stratovolcans, dont l'Aragats. Plusieurs éruptions préhistoriques et historiques ont été documentées, mettant en évidence le potentiel d'une activité volcanique future dans la région[38].
108
+
109
+ La végétation est rare et encore limitée par la déforestation.
110
+
111
+ Les besoins en eau potable sont difficilement satisfaits, malgré la création de lacs de retenue : les principaux sont le réservoir de Spandarian sur le Vorotan et le réservoir d'Akhourian, à la frontière arméno-turque, sur la rivière du même nom qui est un affluent de l'Araxe. Les prélèvements excessifs d'eau dans le lac Sevan à l'époque soviétique ont entraîné une baisse de dix-huit mètres du niveau du lac (selon un phénomène d'assèchement progressif analogue à celui de la mer d'Aral). La volonté de restauration partielle du niveau antérieur de l'eau du lac est devenue un symbole de l'Arménie redevenue indépendante, même si cette politique suscite des polémiques et des difficultés (ennoiement des infrastructures touristiques construites à l'époque soviétique en fonction du niveau du lac à cette époque ainsi que de tronçons de la route longeant le lac, difficulté pour trouver d'autres sources d'approvisionnement en eau). Le niveau est déjà relevé de trois mètres, un quatrième est prévu.
112
+
113
+ Le climat, continental sur la majeure partie du territoire, devient rapidement montagnard avec l'altitude. Les hivers sont froids (particulièrement sur les hauts plateaux où il peut faire jusqu'à −40 °C) et parfois assez neigeux (surtout en altitude). Les étés sont chauds et ensoleillés, souvent ponctués de violents orages.
114
+
115
+ Tandis que le climat d'Erevan, aux alentours de 1 000 mètres d'altitude, est quasi-continental (les étés y sont bien plus secs que dans un climat continental classique), Gyumri, deuxième ville du pays perchée à plus de 1 500 mètres, vit des étés relativement doux et des hivers longs, très rigoureux et neigeux, typiques du climat montagnard.
116
+
117
+
118
+
119
+ Un net contraste existe entre la moitié nord du pays, boisée et la moitié sud, steppique, la limite entre les deux zones de végétation étant particulièrement nette et passant approximativement par la ligne de crête formant l'épine dorsale du pays et passant par le mont Aragats, le mont Ajdahak (3 597 mètres, situé au centre du pays et dominant le lac Sevan) et le col de Vorotan où le contraste entre les deux versants est particulièrement net.
120
+
121
+ La population est officiellement estimée à 2 998 600 habitants en janvier 2016[52]. Après de nombreuses années de diminution, la population arménienne s'est stabilisée. D'après les chiffres publiés début 2008, elle recommence à augmenter. Les autorités arméniennes se félicitent de voir enfin s’inverser en faveur des immigrants la balance migratoire arménienne, après de longues années d’émigration qui, surtout dans la décennie qui a suivi l’indépendance, ont provoqué une réduction démographique conséquente. Au 1er janvier 2009, l'Arménie comptait 3 238 000 habitants, dont 1 164 600 vivent à la campagne et 2 073 400 en ville (1 111 300 rien qu'à Erevan[53])[54]. Cependant, après ce bref sursaut démographique, la population a recommencé à diminuer, provoqué par une diminution de la natalité et une hausse de la mortalité dues au vieillissement de la population.
122
+
123
+ Quelques chiffres[1] :
124
+
125
+ Peu peuplée, l'Arménie jouit du soutien d'une très importante diaspora arménienne à travers le monde : en Fédération de Russie (1,5 million), au Canada et aux États-Unis (1,2 million), en Syrie et au Liban (900 000) — dont 235 000 au Liban, 4 % de la population libanaise où ils constituent deux des dix-huit communautés officielles — dans l'Union européenne (surtout en France) (700 000) et en Amérique latine (200 000).
126
+
127
+ L'arménien est la langue officielle du pays.
128
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129
+ Le russe est une langue ayant une présence importante en Arménie[55].
130
+
131
+ L'anglais est une langue ayant une présence importante en Arménie[55].
132
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133
+ Le français est une langue ayant une certaine présence en Arménie[55],[56],[57]. En 2010, on estimait le nombre de francophones à 20 000 (0,6 % de la population totale arménienne) et le nombre de francophones partiels à 180 000 (6 % de la population totale arménienne)[58]. En 2010, 25,4 % des élèves du primaire, 9,6 % des élèves du secondaire et 16,5 % des étudiants apprenaient le français comme deuxième ou troisième langue[58].
134
+
135
+ À ce sujet il est pertinent de noter la présence d'une université francophone en Arménie, l'Université française en Arménie, qui forme des cadres arméniens dans le secteur de la finance, de la gestion, du droit et de la mercatique. Associé avec l’Université Jean Moulin Lyon 3, elle représente l’unique université française en Arménie[59].
136
+
137
+ De plus il est aussi important de noter l’existence d'un site web, Le courrier d’Erevan, sur l'information francophone en Arménie[60].
138
+
139
+ Enfin, l'Arménie est membre de l'Organisation internationale de la francophonie[61].
140
+
141
+ Le royaume d'Arménie est le premier État à reconnaître puis adopter le christianisme comme religion officielle sous le roi Tiridate IV (298-330) lorsque ce dernier, une partie de sa famille et quelques membres du palais sont convertis, en 301 selon la tradition, par saint Grégoire l'Illuminateur.
142
+
143
+ Cependant, il reste une controverse quant à la date exacte du baptême de la famille royale. Les deux études les plus sérieuses proposaient d'une part 314 (P. Anean, 1961) et d'autre part 294 (B. Mc Dermot, 1970), jusqu’à la publication de travaux plus récents affirmant que la conversion eut lieu entre 305 (R. Manaseryan - l’Arménie d’Artawazd à Trdat le Grand, 2005) et 311[62] et non sous l'influence romaine, affaiblie en Orient à cette époque[63].
144
+
145
+ Selon le Pew Research Center, en 2010, 98,5 % des habitants d'Arménie sont chrétiens, principalement orthodoxes (86,7 %), et dans une moindre mesure catholiques (8,7 %) et protestants (2,2 %) et alors que 1,3 % de la population n'est pas affilié à une religion et que 0,2 % pratique une autre religion[64].
146
+
147
+ L'altitude (90 % du pays sont à plus de 1 000 mètres), la fréquence et l'importance des pentes, le climat sec l'été et froid l'hiver handicapent lourdement la vie agricole, essentiellement pastorale (bovins, ovins) dans la majeure partie du pays. Toutefois la richesse des sols d'origine volcanique est un atout pour l'agriculture arménienne.
148
+
149
+ La vie agricole se concentre essentiellement dans la plaine de l'Ararat, qui coïncide avec une partie du bassin de l'Araxe. Elle est devenue grâce à l'irrigation le grenier à blé du pays et assure l'essentiel des productions agricoles. Des vignobles et des vergers se sont développés dans sa partie orientale. Quelques fonds de vallée (celui du Debed surtout) et quelques bas-plateaux abritent aussi une vie agricole.
150
+
151
+ Après la dislocation de l'Union soviétique, comme dans toutes les autres républiques de la CEI, le passage à l'économie de marché ne s'est pas fait sans mal, malgré un important soutien de la diaspora arménienne. Les entreprises ont été privatisées et un grand effort a été entrepris dans le secteur agroalimentaire afin de pouvoir assurer rapidement l'indépendance alimentaire du pays.
152
+
153
+ Cependant, l'économie a eu du mal à décoller durant les années 1990, à cause de l'inadaptation de l'outil industriel, du manque d'énergie et de fonds d'investissement, et de la pauvreté des moyens de communications. L'activité industrielle peut espérer s'appuyer sur quelques ressources minières (cuivre, molybdène et aluminium) ou sur l'or. Le pays n'exploite pas de ressources pétrolières, malgré des prospections menées, en raison de la présence probable de ces ressources en profondeur[65]. L'essentiel des industries est concentré à Erevan, la capitale (construction mécanique, caoutchouc). D'un point de vue énergétique, l'Arménie a longtemps été dépendante de ses voisins et a souffert de graves pénuries (ni la Turquie, ni l'Azerbaïdjan n'étaient prêts à lui vendre de l'énergie). Les Arméniens ont donc dû prendre la décision de redémarrer la centrale nucléaire de Metsamor (mise à l'arrêt sous la pression des écologistes, à la suite du tremblement de terre de 1988) afin de pallier ce déficit énergétique.
154
+
155
+ La croissance est de 3,3 % en 1997, mais la situation s'est améliorée : le PIB a crû ainsi de 13,9 % en 2005. L’Arménie enregistre une croissance de 12,5 % de son produit intérieur brut (PIB) entre janvier et septembre 2006, un PIB évalué à près de 4 milliards de dollars sur les neuf premiers mois de l’année. L’Arménie a en outre enregistré une hausse très forte de son activité économique de 26,3 % entre août et septembre. La production industrielle a néanmoins enregistré une baisse de 2 % — par rapport à 2005 — s’établissant à 468,1 milliards de drams entre janvier et septembre 2006. La production électrique estimée à 4,53 milliards de kWh, a quant à elle subi une baisse de 5,2 %. Par ailleurs, l’agriculture enregistrait à fin septembre une croissance de 15,6 % avec une production agricole de 370,5 milliards de drams. Mais c’est le secteur de la construction qui a enregistré une croissance record de 40 % sur les neuf premiers mois de l’année avec un montant des investissements s’établissant à près de 400 milliards de drams[66].
156
+
157
+ En 2007, le produit intérieur brut de l’Arménie a augmenté de 18,6 % à 3 149,283 milliards de drams (6,845 milliards d'euros)[67]. Durant le mois de janvier, la production industrielle a augmenté de 4 % (124 millions de dollars), et la production agricole de 3,5 % s’établit à 38 millions de dollars. Le gouvernement arménien prévoit pour 2007 une croissance économique de 9 % contre 13,4 % en 2006[68].
158
+
159
+ Alors que les prévisions de croissance économique de l’Arménie étaient, pour 2008, de 10,0 %, le pays a en fait enregistré une croissance de 13,8 %. Le budget de l’État arménien a atteint un nouveau record en 2008, équivalent à 2,45 milliards de dollars[69]. C’est ce qu’a annoncé Serge Sarkissian mercredi 12 septembre 2007. Devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre a également prévu une augmentation des impôts sur le revenu pour l’année à venir. Ce budget prévoit de consacrer 1,7 milliard de dollars (583 milliards de drams) aux dépenses du gouvernement, soit 18 % de plus qu’en 2006. Serge Sargsian n’a pas donné plus de détails. Pour l'année 2009, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) table sur une croissance de 8,3 %. Avec la crise économique mondiale, les données des prochains mois sont néanmoins revues à la baisse. La raison de cette baisse est intimement liée à la souffrance de l'économie de la Russie. Cette dernière étant le premier partenaire économique de l’Arménie.
160
+
161
+ La dette extérieure de l’Arménie représentait 1,265 milliard de dollars au 1er juillet 2007 en augmentation de 9,3 % en un an (chiffres fournis par le Centre national d’études statistiques d’Arménie). La dette de l’État arménien est de 1,103 milliard de dollars, celle de la Banque centrale d'Arménie est de 158 millions. Les créanciers de l’Arménie sont les structures financières internationales (1,124 milliard) dont la Banque mondiale (909 millions) et le Fonds monétaire international (156 millions).
162
+
163
+ Le manque de moyens financiers empêche l'État arménien de financer de nombreux projets de développement ou de rénovation. Les dons recueillis par la diaspora arménienne par le biais d'organismes de soutien ou par l'initiative privée individuelle de personnes riches d'origine arménienne se substituent souvent à l'État défaillant : la construction d'un tunnel routier sur l'axe menant vers la Géorgie, la construction du téléphérique permettant un accès plus aisé au monastère de Tatev, la restauration de nombreux monastères, le financement d'écoles, de routes et la distribution de l'eau, surtout au Karabagh, sont désormais souvent assurés par les fonds venus de la diaspora. Le chanteur d'origine arménienne Charles Aznavour joua, parmi d'autres, un rôle très actif dans les collectes de fonds en faveur de l'Arménie : ce fut particulièrement le cas après le tremblement de terre de Gyumri.
164
+
165
+ L'Arménie est très handicapée par le blocus terrestre de la frontière par l'Azerbaïdjan et la Turquie. Le pays compte huit cents kilomètres de voies ferrées, le plus souvent en mauvais état. Les routes, quant à elles, sont normalement praticables dans les montagnes. Les télécommunications sont également en développement.
166
+
167
+ Le pays compte seize chaînes de télévision et autant de stations radiophoniques.
168
+
169
+ Malgré les nombreuses difficultés de sa longue histoire, l'Arménie a su créer des richesses culturelles inscrites dans la pérennité. Des premiers royaumes à l'invention de l'alphabet arménien en passant par la christianisation du pays, elle a su profiter de chaque événement comme outil ou inspiration de son œuvre culturelle.
170
+
171
+ L'Arménie s'est constituée un riche patrimoine architectural fait de monastères, églises et chapelles. On y trouve — tant dans le pays que dans l'Arménie historique — une typologie assez unique d'architecture ecclésiastique.
172
+
173
+ La domination ottomane met un frein à l'essaimage de l'art architectural arménien et il semble véritablement y avoir une pause dans la chronologie de l'histoire architecturale arménienne à partir du XIVe siècle, à l'invasion touranienne du royaume arménien de Cilicie.
174
+
175
+ À l'émergence d'un début d'indépendance après le génocide, l'influence soviétique se fait sentir en combinaison avec le style néo-arménien.
176
+
177
+ Église de Mastara, Ve ou VIIe siècle.
178
+
179
+ Monastère d'Aghtamar, Xe siècle.
180
+
181
+ Monastère de Noravank, Sourp Astvatsatsin, XIVe siècle.
182
+
183
+ Place de la République (Erevan), Palais du Gouvernement, années 1930.
184
+
185
+ L'Arménie devient chrétienne en 301 et dès lors, sa littérature, en parallèle à la poésie, se développe. Les premiers temps voient naître une littérature historiographique dès le Ve siècle. À partir du Xe siècle, ce sont le roman et surtout la poésie qui se développent. Le XIXe siècle voit la naissance de la révolution littéraire arménienne (Abovian, Raffi, Toumanian et Demirdjian), aussi bien à l'intérieur du pays qu'en dehors, grâce à la diaspora arménienne.
186
+
187
+ De par ses diverses situations géographiques et ses influences différentes tout au long de son histoire, l'Arménie a une longue tradition musicale faite de musique folklorique, religieuse, classique et, plus récemment, de jazz avec le pianiste virtuose Tigran Hamasyan, et de rap. Il y a la chanteuse populaire Sirusho et le duo folklorique Inga & Anush Ashakyan. De plus, dans la diaspora, il y a le groupe de metal alternatif System of a Down, et le chanteur Charles Aznavour.
188
+
189
+ Aram Khatchatourian est un compositeur arménien de l'époque soviétique, né en 1903 à Tbilissi en Géorgie et mort en 1978 à Moscou (Gayaneth, Spartacus, La Danse du Sabre...). Il repose au panthéon Komitas d'Erevan. Son neveu Karen Khatchatourian (1920-2011) est également compositeur.
190
+
191
+ L'art s'est également développé à travers les céramiques ou les miniatures que dessinaient les moines. Par ailleurs, le tissage de tapis, comme dans tout le Moyen-Orient, est une spécialité arménienne depuis des millénaires.
192
+
193
+ Un atelier de céramique artisanale et de tapisserie de Gumri s'efforce depuis 2014 de relancer ces deux formes d'artisanat traditionnel local de qualité
194
+ [74],[75] dans la tradition de la céramique de Kütahya.
195
+
196
+ Le cinéma arménien est né avec son premier film documentaire, Soviet Armenia en 1924.
197
+
198
+ Dirigé par Hamo Beknazarian, Namus[76] est le premier film muet arménien, en 1926.
199
+
200
+ Sergueï Paradjanov est un de ses maîtres, avec notamment Les Chevaux de feu et Sayat-Nova (La couleur de la grenade) deux des chefs-d'œuvre cinématographiques du XXe siècle[77].
201
+
202
+ America, America, film américain réalisé par le réalisateur grec Elia Kazan en 1963, raconte l'histoire de Stavros, vivant en Anatolie à la fin du XIXe siècle et subissant l'oppression des Turcs musulmans en tant que chrétien. Le pogrom ciblé contre les Arméniens dans son village sera l'évènement déclencheur de sa tentative de fuite vers New-York.
203
+
204
+ L'Arménie possède plus d'une dizaine de chaînes de télévision nationales et reçoit quelques chaînes étrangères, notamment russes et iraniennes.
205
+
206
+ La principale chaîne arménienne est Arménie 1 (H1), la télévision publique. Imaginée en 1955 par le conseil des ministres de l'Union soviétique et créée en 1956, elle continue d'émettre aujourd'hui, non seulement en Arménie, mais aussi dans le reste de l'Europe, en Russie, en Australie et aux États-Unis.
207
+
208
+ L'autre chaîne importante, Armenia TV, est privée. Bien plus jeune que sa grande sœur, elle n'est créée qu'en 1999 et est diffusée dans plusieurs pays européens, américains et asiatiques.
209
+
210
+ Par ailleurs, Horizon TV[78] est une chaîne de télévision d'informations, en diffusion 24h/24. À noter que CNN et Euronews diffusant leurs programmes en Arménie décrochent plusieurs heures par jour pour des programmes en arménien.
211
+
212
+ La plupart des autres chaînes du pays sont soit locales (plusieurs télévisions à Erevan par exemple) soit spécialisées (musique, automobile, informations…).
213
+
214
+ La cuisine de l'Arménie et de sa diaspora est riche de sa diversité qui s'est forgée au cours de l'Histoire. Tantôt influencée par le Moyen-Orient, tantôt par la Grèce et l'Iran, cette cuisine a également influencé celle des pays avoisinants, notamment la Syrie et le Liban.
215
+
216
+ La cuisine de l'Arménie est principalement à base de poissons et de brochettes de viande. Le poisson est le plus souvent grillé et servi avec des légumes ou du riz. Les brochettes sont à base de poulet, de bœuf, d'agneau voire de porc — haché ou entier — et accompagnées de riz. Par ailleurs, la spécialité nationale est le khach (խաշ), sorte de potée de pieds de bœuf bouillis et assaisonnés au service. Ce plat de la région de Shirak n'est consommé qu'en hiver en Arménie (alors qu'il l'est toute l'année en Géorgie). On consomme aussi des cornichons avec les repas, notamment du chou. À chaque repas, les Arméniens aiment boire du tan (équivalent du dugh iranien et de l'ayran turc). Le café arménien est très réputé. Le thé se consomme plutôt dans le sud de l'Arménie, près de l'Iran.
217
+
218
+ La cuisine de l'Arménie occidentale (pratiquée en diaspora depuis le génocide arménien) est à rapprocher de la cuisine turque, libanaise et grecque. En entrée, on y mange souvent des mezzés dont du houmous, moutabal, böreks, dolmas, etc. Les repas commencent souvent avec un plat de légumes crus : concombres, radis, salades, tomates, etc. Le plat principal peut, comme en Arménie, être à base de brochettes accompagnées de riz pilaf. Cependant, des plats plus longs à préparer (parfois jusqu'à une journée) sont très appréciés. Ainsi le su-börek, sorte de lasagnes au fromage et au persil, les mantis, petits raviolis de viande, les kofta ou la moussaka font partie des plats traditionnels.
219
+
220
+ Les plats sont accompagnés de lavash, le pain traditionnel arménien
221
+
222
+ Les desserts arméniens sont à rapprocher des desserts orientaux en général : baklavas, kadaifs, loukoums, etc.
223
+
224
+ L'Arménie a pour codes :
225
+
226
+ Sur les autres projets Wikimedia :
227
+
228
+
229
+
230
+ Asie centrale
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+
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+ Kazakhstan1 · Kirghizistan · Ouzbékistan · Tadjikistan · Turkménistan
233
+
234
+ Asie de l’Est
235
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236
+ Chine · Corée du Nord · Corée du Sud · Japon · Mongolie · Taïwan
237
+
238
+ Asie de l'Ouest
239
+
240
+ Abkhazie · Arabie saoudite · Arménie · Azerbaïdjan · Bahreïn · Chypre · Chypre du Nord · Égypte2 · Émirats arabes unis · Géorgie · Haut-Karabagh · Irak · Iran · Israël · Jordanie · Koweït · Liban · Oman · Ossétie du Sud · Palestine · Qatar · Syrie · Turquie1 · Yémen
241
+
242
+ Asie du Sud-Est
243
+
244
+ Birmanie · Brunei · Cambodge · Île Christmas3 (Australie) · Îles Cocos3 (Australie) · Indonésie3 · Laos · Malaisie · Philippines · Singapour · Thaïlande · Timor oriental3 · Viêt Nam
245
+
246
+ Asie du Sud
247
+
248
+ Afghanistan · Bangladesh · Bhoutan · Inde · Maldives · Népal · Pakistan · Sri Lanka · Territoire britannique de l'océan Indien2 (Royaume-Uni)
249
+
250
+ Asie du Nord
251
+
252
+ Russie1 (Sibérie, Extrême-Orient russe)
fr/3800.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,121 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ La mer Noire est située entre l’Europe, le Caucase et l’Anatolie. Principalement alimentée par le Danube, le Dniepr et le Don, elle est issue de la fermeture d’une mer océanique ancienne, l'océan ou mer Paratéthys. Elle est bordée au nord par la steppe pontique, en Crimée, à l’est et au sud par des chaînes issues de l’orogénèse himalayo-alpine : respectivement monts de Crimée, Caucase et chaîne pontique. Les pays riverains sont (dans le sens des aiguilles d'une montre) : l’Ukraine au nord-ouest, la Russie au nord-est, la Géorgie à l’est, la Turquie au sud, la Bulgarie et la Roumanie à l’ouest. Large d'environ 1 150 km d’ouest en est et de 600 km du nord au sud, elle s’étend sur une superficie de 413 000 km2. L'adjectif correspondant est « pontique », qui vient du nom antique de cette mer, le Pont-Euxin.
4
+
5
+ Le terme océanographique d'« euxinisme » y fait également référence, il désigne une anoxie des eaux profondes, plus salées qu'en surface et provenant de la Méditerranée via la mer de Marmara par un courant de fond inverse de celui des eaux plus douces de la surface alimentées par les fleuves se jetant dans la mer Noire.
6
+
7
+ Elle communique au sud-ouest avec la mer Méditerranée par le Bosphore, la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles. Sur ses côtes ouest et nord, elle communique avec de nombreux limans (lagunes navigables dont la salinité et la turbidité varient avec la saison, et qui servaient de frayères pour le poisson). Au nord-est, la mer d'Azov, reliée par le détroit de Kertch, est considérée comme le plus grand des limans. Son climat spécifique doux et humide, aux épais brouillards aux saisons intermédiaires, subit des influences méditerranéennes au sud-ouest et en été (chaud, sec et ensoleillé), continentales au nord et en hiver (froid glacial, la mer peut geler, les chutes de neige sont fréquentes), et subtropicales au sud-est. Pendant les tempêtes, surtout hivernales, les vagues sont courtes, mais hautes, et peuvent venir de plusieurs directions à la fois, rendant la navigation difficile.
8
+
9
+ Depuis 1996, le 31 octobre est la « journée internationale pour la protection de la mer Noire »[1].
10
+
11
+ L'Organisation hydrographique internationale détermine les limites de la mer Noire de la façon suivante[2] :
12
+
13
+ La mer Noire a une superficie comprise entre 417 000 et 423 000 km2 et un volume compris entre 537 000 et 555 000 km3.
14
+
15
+ Ces données ne prennent pas en compte la mer d'Azov[3] dont la surface est de 37 600 km2.
16
+
17
+ Le bassin pontique a une profondeur maximale de 2 252 m. Sa formation fait l'objet de deux hypothèses :
18
+
19
+ Quoi qu'il en soit, les sédiments déposés au fond du bassin sont essentiellement Pléistocènes et Holocènes, de faciès détritique (voir Roche détritique) et dulçaquicole en profondeur (voir Organisme dulçaquicole, témoignage d'importants apports fluviaux lors des périodes de dégel interglaciaires), et marin au-dessus (sédiments de moins de 8 000 ans). Les sédiments détritiques et dulçaquicoles correspondent à une période dite « sarmatique » commencée il y a 5 millions d'années, durant laquelle une mer intérieure d'eau douce recouvrait les actuelles Hongrie, Roumanie, mer Noire, Ukraine littorale, Russie méridionale, mer Caspienne et Asie centrale. Le niveau de cette étendue d'eau a beaucoup varié, et à l'Holocène récent (durant la dernière glaciation, dite Würmienne), il était 180 m plus bas que le niveau actuel des mers, de sorte que seuls les bassins profonds pontique et caspien étaient encore en eau[4].
20
+
21
+ Dans les années 1960, en analysant au carbone 14 des coquillages d'eau douce trouvés dans les carottages des sédiments de la mer Noire sous les sédiments actuels marins, les chercheurs bulgares, roumains et soviétiques avaient découvert que l'actuelle mer Noire a été il y a près de 8 000 ans un lac d'eau douce appelé « lac Pontique » qui se trouvait à 150 mètres au-dessous du niveau général des mers. À l'époque, le Bosphore n'était pas un détroit mais un isthme qui séparait ce grand lac de la mer de Marmara, elle-même isolée de la mer Égée par l'isthme des Dardanelles. Après la chute du rideau de fer et avec le développement d'internet, les géologues américains Walter Pitman et William Ryan découvrent en 1997 les publications bulgares, roumaines et soviétiques modélisant les effets de la déglaciation post-würmienne qui, élevant le niveau de la mer Méditerranée, finit par entraîner le déversement d'eaux salées en mer de Marmara puis dans la mer Noire, mais sans donner d'opinion sur la vitesse du phénomène, ni sur son caractère répétitif ou unique.
22
+
23
+ Pitman et Ryan rapprochèrent ces faits du mythe de l'arche de Noé, de la légende de Gilgamesh dans le royaume de Sumer, du déluge de Deucalion et du mythe de l'Atlantide dans la Grèce antique. Selon eux, le remplissage a dû être unique, brutal et catastrophique, une cascade gigantesque se serait formée par érosion hydraulique au débouché du Bosphore, et le niveau de la mer Noire serait monté de 180 m en seulement quelques semaines, ses rives reculant d'un kilomètre par jour ou plus. Or, les rives de ce lac étaient déjà peuplées d'agriculteurs, car, en Anatolie et en Europe orientale, l'agriculture a commencé très tôt. Ryan et Pitman pensent que ces agriculteurs, chassés par la montée des eaux, se seraient dispersés en Anatolie et en Mésopotamie, véhiculant le mythe du Déluge. Ils en firent des livres et des documentaires[5].
24
+
25
+ L'hypothèse de Pitman et Ryan n'a toutefois pas convaincu la majorité des chercheurs : des études géologiques publiées en 2007 récusent l'idée d'un déversement catastrophique unique, pour modéliser une série d'oscillations des niveaux des bassins pontique, marmarien et égéen, avec des périodes de déversements multiples, graduels et pas toujours dans le même sens[6],[7]. Actuellement, trois reconstructions très différentes de l'histoire de la mer Noire coexistent donc : l'hypothèse catastrophiste de Pitman et Ryan, une hypothèse gradualiste à déversement unique mais lent, et l'hypothèse des déversements multiples, qui recueille l'assentiment de la majorité des auteurs[8].
26
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27
+ Quoi qu'il en soit, en devenant salée, la mer Noire désormais reliée à la mer Méditerranée, reste une mer particulière : la mort du biotope lacustre a provoqué une séparation des eaux profondes et des eaux superficielles (voir ci-dessous) et la salinité est restée très en dessous de la moyenne mondiale : 12 à 16 grammes de sel par litre au lieu de 35. De ce fait, un courant d'eau salée coule toujours en profondeur à travers le Bosphore (la « cascade » d'eau marine ne s'est jamais arrêtée) tandis qu'en surface, les eaux moins salées de la mer Noire coulent vers la mer de Marmara. Les sous-mariniers notamment soviétiques et américains connaissent bien le phénomène et ont essayé d'en profiter, mais l'étroitesse du Bosphore (un demi-mille à peine à son point le plus étroit) et l'intense circulation de navires rend l'exercice extrêmement dangereux (et il y eut des accidents). La faible salinité et le climat continental expliquent que les eaux les moins salées du nord-ouest gèlent fréquemment en hiver contraignant notamment l'utilisation de brise-glace pour dégager le port d'Odessa en janvier et février[9].
28
+
29
+ Les eaux de cette mer, au-delà de 200 mètres de profondeur, sont anoxiques, c’est-à-dire sans dioxygène dissous. L'eau profonde concentre assez de sulfure d'hydrogène pour que les bois, cuirs et tissus des épaves soient préservés de l'action bactérienne, au profit des chercheurs d'épaves. Ce phénomène, également présent en mer Caspienne, en mer Baltique et dans le lac Tanganyika, est appelé euxinisme[10].
30
+
31
+ De 2005 à 2009, le projet européen Hermes[11] explore les écosystèmes marins sur 15 000 kilomètres de marge continentale profonde pour notamment mesurer les formes du méthane mer Noire et Baltique. On devrait ainsi mieux comprendre les écosystèmes microbiens anoxiques, et leurs bilans énergétiques et en termes de puits/sources de carbone et GES.
32
+
33
+ On a ainsi pu explorer le méiobenthos (de taille moyenne, c'est-à-dire de 1 mm à 63 µm ou 0,063 mm) et les espèces d'une zone active de production naturelle de gaz méthane et de H2S toxique, ses variations[12] (de -182 à −252 m, dans le canyon sous-marin du Dniepr au nord-ouest de la mer Noire). Le méiobenthos était essentiellement constitué de nématodes et foraminifères (Ciliophora notamment), cohabitant avec des polychètes[13], mais aussi de bivalves, gastéropodes, amphipodes, et Acarina. On a aussi trouvé dans des sédiments des stades juvéniles de Copépodes et Cladocères probablement d'origine planctonique. L'abondance du méiobenthos variait de 2 397 à 52 593 individus par mètre carré (plus nombreux dans la couche superficielle de sédiment pour les nématodes et foraminifères d'une zone permanente H2S à des profondeurs de 220 à 250 m). Cette forte concentration de méiobenthos a été trouvée dans un secteur d'intenses émanations de méthane, associées à un tapis microbien (biofilm méthanotrophe ou méthane-oxydant). L'étude suggère que le méthane et de ses produits d'oxydation microbienne expliqueraient la survie de nombreuses espèces benthiques adaptées à ce milieu extrême, et la bioproductivité élevée dans des zones fortement sulfurées. Une corrélation inverse a été trouvée entre la densité en méiofaune et les taux de méthane des couches superficielles de sédiments. Les chercheurs supposent que le taux de nématodes et de foraminifères des zones enrichies en méthane est un compromis entre les exigences écologiques et les besoins alimentaires de ces organismes et leurs adaptations à l'environnement rendu toxique par l'H2S[14].
34
+
35
+ La grande majorité des espèces animales et végétales présentes dans la mer Noire sont d'origine méditerranéenne. Seules 150 espèces sont considérées comme « autochtones », c'est-à-dire présentes avant la dernière transgression du Bosphore qui a de nouveau permis les échanges d'eau vers la Méditerranée. Parmi les espèces d'origine méditerranéenne, seules celles supportant une faible salinité ont pu s'adapter[9].
36
+
37
+ Du fait de l'anoxie de l'eau au-delà de 200 m de profondeur qui ne permet une vie aérobie que dans ses couches supérieures, la mer Noire est un milieu biologiquement pauvre[9]. Elle compte 167 espèces de poissons. Parmi celles-ci, 37 espèces d'eau douce et 27 espèces d'eau saumâtre[9].
38
+
39
+ La mer Noire abrite un pic de la biodiversité planétaire avec par exemple 42 espèces d'amphipodes benthiques relevées dans la région[15], où l'on découvre encore de nouvelles espèces[16] mais elle est très menacée par la pollution et par des « espèces invasives »[17].
40
+
41
+ Éponge bleue
42
+
43
+ Méduse Rhizostoma pulmo
44
+
45
+ Anémone de mer Dedițel
46
+
47
+ Autre espèce d'anémone
48
+
49
+ Bernard l'ermite Diogenes pugilator
50
+
51
+ Esturgeon à caviar Huso huso, espèce menacée
52
+
53
+ Aiguillat
54
+
55
+ Raie
56
+
57
+ Gobie
58
+
59
+ Rougets de vase pontiques
60
+
61
+ Hippocampe
62
+
63
+ Phoques moines à ventre blanc (Monachus monachus albiventer) naturalisés, sous-espèce de la mer Noire disparue en 1940.
64
+
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+ Dauphins Delphinus delphis à Sotchi
66
+
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+ Le pourtour de la mer Noire est caractérisé par un climat quasi endémique appelé « climat pontique » : on parlera donc d'écorégion à son propos. C'est une variante transitionnelle du climat tempéré, avec des caractéristiques méditerranéennes, mais aussi continentales au nord (climat drossopontique à l'été méditerranéen et à l'hiver continental) et subtropicales humides au sud (climat eupontique)[18]. Le climat drossopontique est assez frais et sec en Bulgarie, Roumanie, Ukraine et nord-ouest de la Crimée ; le climat eupontique est plus doux et humide dans le sud-est de la Crimée (péninsule de Kertch), autour de Sotchi en Russie, en Abkhazie, en Colchide (Géorgie) et surtout dans la région pontique de la Turquie[19]. Ce climat pontique est propice à une forte productivité végétale et c'est pourquoi dès les VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. les pourtours de la mer Noire ont été densément colonisés par les Grecs antiques, la région devenant le « grenier à blé » des cités grecques dans sa partie drossopontique propice aux cultures céréalières, et la « réserve de bois » de la marine grecque dans sa partie eupontique en grande partie recouverte de forêts, aujourd'hui encore assez préservées[20]. Cette abondance forestière a tant impressionné les anciens grecs qu'ils nommèrent les forêts pontiques Amarante, soit, littéralement, « qui ne peut se corrompre »[21].
68
+
69
+ On cherche à mieux modéliser la cinétique environnementale de ces polluants, dont les polychlorobiphényles, via des modèles numériques tridimensionnels[22].
70
+
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+ Aujourd'hui une population d'environ onze millions de personnes, par ordre d'importance notamment Turcs, Ukrainiens, Russes, Bulgares, Roumains et roumanophones, Géorgiens ou Abkhazes vivent à moins d'un kilomètre de la mer Noire, notamment dans les villes suivantes :
72
+
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+ Bulgarie :
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+ Géorgie :
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+ Roumanie :
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+ Russie :
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+ Turquie :
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+ Ukraine :
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+
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+ Péninsule de Crimée (Ukraine (de jure) / Russie (de facto)) :
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87
+ La mer Noire a longuement été historiquement frontalière de grands espaces géostratégiques : au nord, les nomades de la steppe pontique (Cimmériens, Scythes, Sarmates, Roxolans, Huns, Avars, Onogoures, Khazars, Bulgares, Magyars, Alains, Petchénègues, Coumans, Mongols, Tatars...), au sud les royaumes et empires organisés (hittite, perse, hellénistique, romain, byzantin, ottoman...). À l’ouest et à l’est, des « zones tampon » au contact de ces deux mondes (bouches du Danube, Scythie mineure, Caucase...), ont depuis toujours été à la fois disputées, et en même temps des refuges pour les perdants, donc multiethniques. Ce fut aussi le cas de la Crimée.
88
+
89
+ Au XVe siècle, il fallait l'autorisation du sultan ottoman pour entrer ou sortir de la mer Noire. Au XVIe siècle, l'accès était totalement interdit aux étrangers[23].
90
+
91
+ Plus récemment la mer Noire a été une zone de contact entre les Russes au nord-ouest, et au sud les Turcs et l'OTAN : le rideau de fer la traversait donc. Aujourd'hui elle se trouve sur les marges les plus orientales de l'Union européenne, face à la CEI et à la Turquie. Ne pouvant se faire admettre en Europe, ces dernières développent désormais leurs propres voies en puisant à leurs racines historiques respectivement russo-soviétiques et ottomanes. Les bases militaires de Crimée, stratégiques pour la Russie, sont depuis 2014 sous son contrôle direct, la péninsule et ses eaux territoriales appartenant de jure à l'Ukraine, mais de facto à la Russie.
92
+
93
+ Du point de vue économique, les grains, le bois, le poisson séché, les esclaves du pourtour de la mer Noire, ainsi que les épices et la soieries d'Asie, ont attiré ici d'abord les colons grecs, ensuite les Perses, les Romains, les Varègues, les Russes, les Vénitiens et leurs rivaux génois, les Mongols et Tamerlan. De nos jours ce sont les gisements d'hydrocarbures off-shore qui attisent tensions et conflits.
94
+
95
+ La convention de Montreux de 1936 fixe l'accès des navires à la mer Noire par les détroits.
96
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+ Le tableau suivant donne le nom de la mer Noire dans les langues riveraines[24] ; s'il n'y a pas de traduction, c'est que le terme signifie seulement « mer noire ».
98
+
99
+ L’étymologie du nom grec antique « Πόντος » - Pòntos, signifiant « large mer », est la même que pour les îles Pontines de la Mer Tyrrhénienne, (Italie). Dans l’Antiquité, les Grecs la désignèrent d’abord par Skythikos Pontos (la « mer Scythique »). Les Scythes, peuple de langue iranienne, la désignaient comme axšaēna (« indigo »). Les Grecs comprirent d’abord ce terme comme axeinos (de a- privatif et xeinos « étranger ») signifiant dans leur langue : « inamicale aux étrangers ». Plus tard, quand ses courants et ses vents leur devinrent familiers, elle fut désignée comme Pontos (Pontos signifiant « la mer », « le flot ») Euxeinos (eu- « bien » et xeinos « étranger » c’est-à-dire mer « amicale » ou « accueillante », traduit en français par Pont-Euxin)[25].
100
+
101
+ Les Romains l'appelèrent Pontus Euxinus ou Mare Scythicum et les grecs byzantins καικίας : kaikías, mot désignant le « vent du nord », terme repris par les Bulgares en « mer Cécile » (« море Сесил »).
102
+
103
+ Au XIIIe siècle, les portulans des génois (qui avaient alors des comptoirs tout autour de ses rives), ainsi que dans les chroniques de Wavrin et de Villehardouin l'appellent mer Majoure c'est-à-dire « grande mer » (Mare maggiore en italien, Marea cea Mare en roumain).
104
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+ Pour expliquer le nom de Noire, terme apparu dans les textes et les cartes à partir du XVe siècle, il existe trois théories : la plus populaire est que ce serait sa couleur lors des tempêtes, mais c'est le cas de toute mer. On avance parfois que son appauvrissement en oxygène et sa richesse en sulfures, dont certains sont noirs ou très sombres, lui donnerait cette couleur, mais en réalité, ces caractéristiques physico-chimiques ne concernent que les eaux profondes, et en surface la mer « noire » est bleue comme les autres mers.
106
+
107
+ Des deux théories scientifiques, la plus ancienne est que ce nom de « noire » serait une traduction de l'adjectif axaïna (« sombre ») donné par les Scythes, mais le problème, c’est qu’entre la disparition des Scythes et le XVe siècle, il y a un millénaire pendant lequel seul Pont-Euxin est utilisé, dans le sens grec du terme. Selon l’autre hypothèse, ce nom lui aurait été donné par les Turcs Selçuks puis Osmanlıs installés en Anatolie à partir du XIe siècle. Chez ces derniers, les points cardinaux sont désignés par des couleurs[26] avec différentes variantes. Ainsi, dans le cas présent :
108
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109
+ Le Pont-Euxin étant situé au nord de la Turquie, aurait donc été désigné en turc : Karadeniz, « mer Noire », sombre, alors que la mer Méditerranée, au sud, a été appelée mer Blanche, claire (Akdeniz) (qui ne doit pas être confondue avec la mer Blanche des Russes). Les savants turcs eux-mêmes sont divisés sur le sujet, car chez les anciens turcophones de la steppe, le nord était désigné par Ak (blanc comme la neige) et le sud par kızıl (rouge comme la chaleur). La logique désignant le nord (obscur) par le noir, le sud (la clarté) par le blanc et l'ouest (soleil couchant) par le rouge, ne serait apparue que tardivement, en Asie mineure.
110
+
111
+ Le pourtour de la mer Noire est entré dès le VIIe millénaire av. J.-C. dans le Néolithique et dans l'agriculture sédentaire. Côté sud, en Anatolie, des bourgades néolithiques ont prospéré à Çatal Höyük, Çayönü, Nevalı Çori ou Göbekli Tepe ; côté nord et ouest se sont succédé des civilisations néolithiques, comme celles de Lepenski Vir, de Starčevo, des catacombes, de Sredny Stog, de Vinča, de Karanovo, de Cernavodă, de Coucouténi-Tripolié, de Hamangia, de Varna ou d'Usatovo, parsemées de villages, de nécropoles, de sanctuaires rustiques. Il a été suggéré que certaines de ces cultures ont pu avoir été développées par des populations pré-indo-européennes puis, progressivement, proto-indo-européennes, parlant la branche anatolienne des langues indo-européennes (hittite et louvite)[27],[28].
112
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113
+ Lorsque l'écriture apparaît, avec l'âge du bronze et l'âge du fer, des noms de populations sont mentionnés. Tout autour de la mer Noire, Hérodote place les Cimmériens, dont le nom (Κιμμέριοι) signifie en grec « ceux du bout du monde » (Κιμὴ). Il évoque également les Taures de Crimée. En Anatolie et dans le Caucase apparaissent les Goutéens, les Colques qui ont donné leur nom à la Colchide, les Chalybes, peuple de forgerons, les Scythènes implantés autour de Trébizonde, à proximité de la passe de Zigana, les Driles belliqueux plus à l'ouest, constructeurs de forteresses en bois, les Mosynèques (ou Moses) qui vivaient dans des tours en bois dont la plus haute servait de résidence à leurs rois qui y demeuraient cloîtrés, les Tibarènes, peuple de la côte bâtisseur de forteresses et de grands navires[29] ou encore les Macrons tributaires du grand roi perse[30]. Ces populations pouvaient être indo-européennes ou caucasiennes. Dans les Balkans, aux bouches du Danube et dans la steppe pontique sont mentionnés les Thraces, des Gètes et les Scythes, mais avant eux avaient vécu à l'ouest de la mer Noire d'autres indo-européens, dont certains prirent la mer pour aller jusqu'en Égypte, tandis que d'autres passèrent en Anatolie (les Phrygiens) et d'autres encore en Grèce : ce sont les ancêtres des Mycéniens, Achéens, Ioniens et Doriens.
114
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115
+ À partir du VIIe siècle av. J.-C., la colonisation grecque fait de la mer Noire, alors appelée Pont euxin, un « lac grec ». De ces épopées naîtront diverses légendes, dont la plus connue est celle des Argonautes, atteignant la Colchide (actuelle Géorgie) pour y chercher la Toison d'Or.
116
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117
+ La mer Noire est, au Moyen Âge, le théâtre de huit guerres russo-byzantines entre 830 et 1043, qui voient s'affronter les mahonnes des Varègues et des Russes/Ruthènes contre les dromons de la marine byzantine. C'est encore en mer Noire, plus précisément en Crimée, que subsiste jusqu'en 1475 (22 ans après la chute de Constantinople et la disparition de l'Empire byzantin) le dernier royaume grec avant la Grèce moderne. À ce moment, pendant environ un siècle et demi, la mer Noire sera un « lac italien » appelé Mare maggiore, car la République de Gênes s'y taille un empire maritime, rival des Vénitiens, et y conquiert ou obtient une bonne vingtaine de ports et de comptoirs fortifiés (Amastris et Sinope en Anatolie, Cherson, Cembalos, Halopsis, Yalta, Soudak, Caffa et Kertch en Crimée, San Giorgio, Barilla, Caladda, Licovrissi, Licostomo, Montecastro, Policromia, Eraclea aujourd'hui en ruine et Constanța dans les parages des Principautés danubiennes[31], Matrida, Taman et Tana dans le khanat de la Horde d'or autour de la mer d'Azov[32]). Les routes maritimes italiennes rejoignant ici l'extrémité ouest de la route de la soie, Italie et Chine se disputent l'honneur culinaire d'avoir inventé les pâtes, qui, quel que soit le sens, ont probablement transité par la mer Noire, tout comme les cocons de vers à soie volés aux Chinois et qui firent la prospérité des premières magnaneries européennes...Aidé par les Tatars, l'Empire ottoman conquiert ensuite l'ensemble des rives de la Mare maggiore et en fait cette fois un « lac turc » appelé Kara deniz (« mer Noire »), mais quant aux populations vivant sur la côte même, jusqu'en 1923 ce sont principalement des grecs pontiques qui se maintiennent, soit deux millénaires et demi de présence continue. Leur vocabulaire maritime et halieutique (touchant à la pêche) a imprégné toutes les autres langues riveraines, et leurs traditions (construction navale, architecture, costumes, musique, cuisine) se sont transmises aux peuples successeurs, même si ceux-ci n'en sont pas toujours conscients et même si le voyageur étranger trop pressé, aveuglé par les apparences de la modernité, ne perçoit pas forcément cette continuité[33].
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+ Aux XVIIIe et XIXe siècles, l'Empire turc recule face aux Russes, revenus après mille ans d'absence, et face aux autres états chrétiens des Balkans ; toutefois, les tsars échouent dans leur projet de faire de la mer Noire un « lac russe ». Progressivement, les Grecs pontiques deviennent minoritaires au milieu de l'afflux de nouvelles populations sur les rives de la mer Noire. Au XXe siècle, les Pontiques sont chassés de leurs habitats bi-millénaires lors du gouvernement des Jeunes-Turcs qui persécutent les minorités de l'Empire Ottoman (notamment les Arméniens). Au mieux ils s'assimilent dans les états ou ils vivent, tandis que la mer Noire est divisée entre les états riverains, politiquement rivaux (durant des décennies, le rideau de fer y passe, séparant le bloc communiste de la Turquie capitaliste).
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1
+ Les Sept Merveilles du monde[a] constituent l’ensemble des sept œuvres architecturales et artistiques considérées comme les plus extraordinaires du monde antique. L'origine de la liste est méconnue, mais ces œuvres correspondent toutes à des réalisations qui excèdent largement les proportions communes, montrant qu'architectes et bâtisseurs d'époques très anciennes étaient capables, à force de labeur et d’ingéniosité, d’ouvrages monumentaux exceptionnels (en grec : thaumasia). La popularité des monuments a suivi l’influence politique et économique des cités, et la construction d’un élément architectural imposant a vu consacrer cette prédominance (Memphis, Éphèse, Halicarnasse, Rhodes, Babylone, Olympie et Alexandrie).
2
+ Ces sept œuvres sont : la pyramide de Khéops à Gizeh en Égypte, les Jardins suspendus de Babylone, la statue de Zeus à Olympie, le temple d'Artémis à Éphèse, le mausolée d'Halicarnasse, le colosse de Rhodes et le phare d'Alexandrie.
3
+
4
+ De ces sept réalisations ne subsiste aujourd'hui que la pyramide de Khéops.
5
+
6
+ Seules trois merveilles n'appartiennent pas au monde hellénique (deux en Égypte et une à Babylone) et deux d'entre elles se situent en Grèce au sens contemporain du terme (celles d’Olympie et de Rhodes). Elles sont toutes autour du bassin méditerranéen, comprises dans les territoires conquis par Alexandre le Grand, et les plus orientales ne sont pas situées très loin d’Alexandrie[2]. Comme ces ouvrages ont été édifiés près de la mer, la liste a probablement été constituée à partir de récits de grands voyageurs, souvent des érudits. Ce sont des ouvrages particuliers et non des villes ou des sites naturels. Par rapport aux réalisations grecques, de taille modeste mais très élaborées, elles sont gigantesques et laissent une forte impression.
7
+
8
+ L'historien grec Hérodote (Ve siècle av. J.-C.) est le premier à décrire des réalisations qui lui avaient paru extraordinaires, et l’une d'elles au moins s’est trouvée, par la suite, rangée au nombre des merveilles, la pyramide de Khéops[3]. Mais il ne la mentionne pas comme associée à d’autres « merveilles », ce qui laisse supposer qu'aucune liste canonique n’était encore constituée[4].
9
+
10
+ Leurs dates de construction, approximatives pour la plupart, s'étendent sur plusieurs siècles, entre environ 2560 av. J.-C. pour la pyramide de Khéops et le début du IIIe siècle av. J.-C. pour le phare d’Alexandrie, considéré comme le plus récent. De nos jours, la merveille de Memphis existe encore, alors que toutes les autres ont disparu, après avoir souffert des incendies, des intempéries, des séismes, et aussi de la main de l’homme. Leur existence est attestée par des témoins archéologiques, exception faite des jardins suspendus de Babylone, dont il ne subsiste aucune trace et dont la réalité historique est mise en doute.
11
+
12
+ Le fonds commun le plus ancien a été transmis par Philon de Byzance, différent de son célèbre homonyme. Cependant, la liste ne s’est pas imposée tout de suite et a subi au fil du temps de multiples modifications. Jean-Pierre Adam n'en dénombre pas moins de dix-neuf variantes entre le IIe siècle av. J.-C. et le XIVe siècle[5]. Ce dont on est le mieux assuré, c'est que la liste qui nous intéresse n'a pu être établie définitivement avant l’érection du colosse de Rhodes, merveille régulièrement citée, ce qui implique qu'elle n'est pas antérieure au début du IIIe siècle av. J.-C. D’un autre côté, Antipater de Sidon, poète grec dont on situe la mort à la fin du IIe siècle av. J.-C., a écrit une épigramme contenant la mention la plus ancienne d’une liste complète. La composition de la liste doit donc se situer entre ces deux dates.
13
+
14
+ La liste d’Antipater[6] est l’une des trois qui concordent avec celle de Philon :
15
+
16
+ « J'ai contemplé
17
+ le rempart de la superbe Babylone où peuvent courir les chars,
18
+ le Zeus des bords de l’Alphée,
19
+ les jardins suspendus,
20
+ le colosse d’Hélios,
21
+ l'énorme travail des hautes pyramides,
22
+ l’opulent tombeau de Mausole ;
23
+ mais quand je vis la maison d’Artémis qui s’élance jusqu'aux nues, tout le reste fut éclipsé, et je dis : « Hormis le sublime Olympe, l’œil d’Hélios vit-il jamais une chose semblable ! »
24
+
25
+ Entre la période d’Hérodote et la liste de Philon, quelques auteurs ont mentionné ou décrit des réalisations étonnantes comme étant des « Merveilles du monde ».
26
+
27
+ Callimaque, poète et polygraphe grec de la fin du IIIe siècle av. J.-C., est célèbre en son temps et s’est fixé à Alexandrie où il tient un rôle important à la Bibliothèque. De son œuvre comportant, selon la Souda, près de 800 ouvrages — dont un catalogue de la Bibliothèque constitué de 120 livres, les Tableaux (Pinakes) — ne nous sont parvenus, entiers, que 6 hymnes et 63 épigrammes[7]. Nous ne disposons pour le reste que de rares fragments de poésies diverses — principalement des iambes — et de quelques citations par des auteurs anciens. La Bibliothèque alexandrine et le Musée sont alors un centre culturel en effervescence. Des érudits y passent au crible les manuscrits dont ils assurent la conservation, les commentaires, la diffusion et la correction des copies. On les considère comme de « véritables fondateurs de la science philologique moderne »[8]. Nous connaissons ainsi leur goût des codex, des bibliographies, des catalogues, des listes, des scholies…
28
+ Une épigramme fragmentaire trouvée sur un papyrus d’Oxyrhynchos nous apprend que le poète aurait bien parlé du Zeus de Phidias et indique la hauteur du trône. Strabon connaissait ce poème et y fait allusion : « Certains auteurs donnent les dimensions de la statue et Callimaque même les cite dans un poème en vers iambiques »[9]. Il dit aussi : « L’œuvre de Charès de Lindos, le colosse de Rhodes, duquel l’auteur des vers iambiques dit que sa hauteur est de sept fois dix pieds » ce qui pourrait faire allusion au même poète, qu'il admirait.
29
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30
+ S’il n'est pas possible de prouver qu’il est le créateur de la liste des Merveilles — selon Jean-Pierre Adam, « divers indices font même penser que les principes qui la régissent ont été conçus dans une autre partie du monde »[8] —, Callimaque connaissait de nombreux monuments célèbres et les a chantés dans une poésie qui s’est perdue.
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32
+ Un papyrus du IIe siècle av. J.-C., de la même époque qu’Antipater, parmi les manuscrits grecs trouvés au Fayoum, région archéologique au sud-ouest du Caire, laisse voir parmi d’autres textes un bref fragment intitulé Ta hepta the [amata] (le titre est tronqué) où sont cités les Pyramides, le temple d’Éphèse et le tombeau d’Halicarnasse[10].
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34
+ Diodore de Sicile, historien compilateur grec du Ier siècle av. J.-C., nous parle des deux endroits décrits par Hérodote[11], à savoir les pyramides de Memphis et la ville de Babylone, et écrit une vingtaine de lignes sur son « jardin suspendu ». On trouve chez les Anciens soit le pluriel, soit le singulier, pour désigner les Jardins [kremastos kèpos ou paradeisos (qui a donné « paradis »)] ; mais sans doute que le pluriel est simplement une conséquence des terrasses élevées l’une au-dessus de l’autre.
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36
+ Vitruve, architecte romain du Ier siècle av. J.-C., auteur d’une somme considérable sur l’architecture, apparaît avoir entendu parler des Sept Merveilles puisque, dans un paragraphe qui lui est consacré, il rappelle que le Mausolée en fait partie : « Au milieu d’une vaste enceinte, est érigé le Mausolée ou tombeau de ce roi, d’un art si exquis qu’on le compte parmi les Sept Merveilles du monde… »[12]. Cependant, ce spécialiste évoque à peine l’Artémision et les murailles de Babylone, dont les jardins suspendus sont ignorés. Quand il évoque Rhodes et le siège fait par Démétrios Poliorcète, il ne mentionne pas le colosse. Ce Romain semble méconnaître, voire dédaigner les réalisations du monde grec. On peut même « envisager que, si Vitruve s’est plu à parler ainsi du mausolée d’Halicarnasse, il le faisait parce que Auguste avait choisi ce modèle pour son propre mausolée sur le Champ-de-Mars »[13].
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38
+ Strabon, géographe grec de la fin du Ier siècle av. J.-C., confirme que, de son temps, une liste existait déjà, proche de celle que reprend Philon de Byzance. Ainsi, il parle du Mausolée : « C’est à Halicarnasse que fut construit le tombeau de Mausole, ouvrage rangé au nombre des Sept Merveilles du monde… »[14] ; puis du rempart de Babylone : « Sur le sommet de ce rempart, il a été fait un passage assez large pour que deux quadriges s’y croisent. On comprend qu’un tel ouvrage ait été rangé au nombre des Sept Merveilles du monde, sans oublier le jardin suspendu »[15].
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+ Quinte-Curce, qui vécut pendant le règne de l’empereur Claude, eut l’occasion en écrivant sa Vie d’Alexandre, au moment de l’évocation du séjour du jeune conquérant à Babylone, de décrire ses célèbres jardins[16], ce qui constitue, avec celui de Diodore, un des deux documents les plus importants sur cet ensemble botanique.
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+ Pline l'Ancien, qui vécut lui aussi au Ier siècle, sous Claude puis sous Néron, est l’auteur d’une Histoire naturelle monumentale. Esprit curieux et universel, il n’a pas hésité à s’intéresser à tout ce qui pouvait instruire ses contemporains et les étonner — il est sur ce point le continuateur romain de Callimaque et de la paradoxographie. Il nous parle, dans son livre XXXVI consacré aux pierres, de cinq des sept ouvrages canoniques, cette fois avec le Phare, mais sans rien de Babylone et peu de Rhodes[17]. C’est au livre XXXIV-18 que Pline nous renseigne sur la statue rhodienne mais pour la décrire sous la forme d’un géant abandonné à terre et désarticulé.
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44
+ Pausanias, géographe grec du IIe siècle, dit le Périégète, est l'auteur d’un panorama de la Grèce, « témoin irremplaçable de la Grèce à l’époque romaine, avant les destructions du IIIe siècle »[7]. Ce grand voyageur s’est limité aux « merveilles » de la Grèce continentale et nous n’avons pu récupérer que sa description, heureusement très instructive, du Zeus olympien[18].
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46
+ Philon de Byzance est le seul auteur ancien qui a écrit un texte entièrement consacré aux Sept Merveilles du Monde. Si on ne trouve pas chez lui la description du Phare, c'est que ce dernier n’avait pas encore supplanté le rempart babylonien qui, en contrepartie, est inclus. Il est à l’origine de la popularité de ces monuments.
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48
+ Il n’y a plus, aujourd’hui, de philologues qui croient encore que le « Philon de Byzance de la Liste » soit l’ingénieur grec, auteur d’un ouvrage essentiel pour nos connaissances sur les techniques anciennes. C’est à la fin du XVIIIe siècle qu’un nommé Fabricius mit le premier en doute la personnalité de Philon, argumentant que ses descriptions techniques sommaires n’avaient aucune affinité avec les connaissances du mécanicien renommé. Dans l’Antiquité, le nom de « Philon » était courant, comme était bien connue la ville de Byzance. Selon Jean-Pierre Adam, il a été dénombré pas moins d’une soixantaine de Philon, dont dix-neuf ont écrit, et parmi eux, Philon d’Héraclée qui fit un traité sur les Merveilles de Scythie, au Ve siècle. Le document n’ayant aucun repère chronologique, les spécialistes qui se sont penchés successivement sur le texte, ont tout de suite été persuadés que cet auteur était loin du style du « vrai Philon » et qu’il était d'une façon certaine un rhéteur appartenant à une école byzantine que ces philologues ont pu dater entre le IVe et le VIe siècle tout au plus, particulièrement en raison d’habitudes d’écriture[b] spécifiques à des écoles de période bien définie[c].
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50
+ Il n'en existe qu’une copie unique, datant du Xe siècle, selon l’examen du manuscrit et de la calligraphie, mais pas plus loin que la première moitié de ce siècle. Sa présence a été attestée dans un monastère du mont Athos et il devait s’y trouver encore entre le XIVe et le XVe siècle, à peu près l’époque où on suppose qu’il est entré à l’université de Heidelberg, peut-être par l’intermédiaire de l’abbaye de Sponheim, fournisseur habituel de ses manuscrits[19].
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+ En 1623, lors de la guerre du Palatinat, la ville de Heidelberg, foyer protestant, fut prise par Maximilien de Bavière, chef de la Ligue catholique. Le Pape en profita pour se faire transporter à grands frais la Bibliothèque palatine à Rome. Leo Allatius qui veilla au convoi, eut, en qualité de bibliothécaire de la Vaticane, la tâche de procéder à un catalogue détaillé. Il était donc bien placé pour être le premier à découvrir l’intérêt du document de Philon, texte inscrit sous l’intitulé Palatinus 398.
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54
+ En 1640, philologue de formation, Allatius, pour avoir l’honneur de l’editio princeps, le fait publier dans la hâte avec sa propre traduction latine, une édition que finalement les spécialistes jugent médiocre. Un Français, Boessius[d], helléniste averti qui, au cours d'une mission diplomatique auprès du Saint-Siège[e], avait repéré le texte vingt-huit ans plus tôt et y avait travaillé pour son loisir, pense alors que sa traduction est bien meilleure et la fait éditer en 1661 parmi un recueil de miscellanées. Mais son texte est trahi par un nombre déplorable de fautes d’impression qui le rendent inintelligible.
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+ En 1797, la France révolutionnaire défait l’armée pontificale et emporte en butin cinq cents manuscrits. Le Palatinus 398 arrive ainsi à Paris. Un érudit nommé F.J. Bast, qui parcourt le codex, tombe lui aussi sur le fameux texte de Philon et publie en 1805, sans le texte de fond, des notes critiques.
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58
+ En 1816, après l’exil de Napoléon, le Saint-Siège réclame ses œuvres d’art et la partie de sa bibliothèque. De son côté, l'université de Heidelberg n’a pas oublié non plus et demande la restitution des volumes qui lui furent jadis prélevés par le Vatican. Finalement, le Palatinus 398 fit son retour à l’université allemande, où il est encore aujourd’hui.
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60
+ Le texte a pour titre « Péri tôn hépta théamatôn » [À propos des sept merveilles] et représente un ensemble de six feuillets : un prologue et, pour chaque Merveille, un paragraphe. La dernière phrase du sixième paragraphe, pas tout à fait terminé, sur l’Artémision, est tronquée : elle marque d'ailleurs la fin du document et, ainsi, le texte du Mausolée, le septième annoncé, manque et n’a pas été retrouvé. Chaque description, de longueur inégale, ne dépasse pas quelques dizaines de lignes. Comme les deux premières éditions avaient été boudées, un certain Orelli, à Leipzig, procéda, en 1816, à une édition enrichie et enfin apte à la consultation. Elle contient la transcription grecque de Boessius et sa traduction latine, quelque peu corrigées et abondamment annotées. Mais, de nos jours, c’est l’édition Hercher de 1863 qui prévaut, car elle a été établie en respectant les critères scientifiques[20]. Cette édition comporte toujours une seule traduction, faite en latin.
61
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+ Le jugement de Jean-Pierre Adam est sévère : « ce merveilleux de pacotille qu’il substitue aux détails techniques que nous attendions »[21]. Si les contemporains de Philon ont pu rêver, ses descriptions sont pour nous, en effet, dépourvues d’attrait et ne s’éloignent pas de ce que nous lisons habituellement dans une brochure touristique. De toute manière, on ne pouvait guère s’attendre, de la part d’un simple compilateur, à un récit de grand voyageur ou à un reportage vécu. Il s’agit simplement d’un exercice de style d’une inspiration courte, puisée çà et là chez divers auteurs. Philon nous apparaît donc comme un rhéteur habile mais un écrivain peu captivé par son sujet, lequel est prétexte à développer, sous un style châtié et de belles envolées lyriques, des lieux communs et des préceptes moraux.
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64
+ Ouvrage pratiquement contemporain du Colosse, cette tour-fanal apparaît seulement dans les listes tardives, généralement en remplacement du rempart de Babylone, et termine la liste canonique adoptée jusqu'à nos jours. Sa renommée semble due à son rôle utilitaire et au style singulier de sa construction et elle est érigée pour honorer la mémoire de Ptolémée Sôter qui développe Alexandrie. La cité, alors centre culturel avec son musée et sa bibliothèque, n’est certainement pas étrangère à la popularité de cet édifice. Mais il a fallu attendre un hasard de l’époque de la Renaissance pour retrouver cet ouvrage définitivement intégré à la liste des Merveilles[22].
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66
+ L’Artémision d’Éphèse du VIe siècle av. J.-C., qui est incendié en -356 par Érostrate, n’a jamais fait partie d’une quelconque sélection de monuments privilégiés car à cette époque, si ce temple était déjà universellement admiré, aucun texte ne parlait de listes de merveilles ; et lorsqu’une d’entre elles devint populaire, ce premier temple avait depuis longtemps disparu pour faire place à un second, rehaussé mais construit à l’identique[23],[24]. Pline l’Ancien, qui ne peut avoir vu que le dernier des deux, a lui-même, dans son récit[25], confondu l’un et l’autre : « De ces colonnes, trente-six sont sculptées et l’une l’a été par Scopas et l’architecte qui présida à l’ouvrage fut Chersiphron. » L’architecte construit bien le premier temple mais le sculpteur ne travaille au second qu'au moins deux siècles plus tard.
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+ Les Pyramides, pour la plupart des auteurs principaux, Hérodote, Diodore de Sicile, Strabon, Pline l'Ancien et aussi Philon, forment une merveille dans leur ensemble. Pline écrivait : « Les trois autres dont la renommée est universelle et que tous les navigateurs du fleuve ont l’habitude de voir… »[26]. Ces trois sœurs qui ont toutes leur angle sud-est parfaitement aligné et leur porte d’entrée sur le côté nord ont autrefois paru indissociables.
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70
+ La liste définitive a consacré la pyramide de Khéops, parce qu’elle est évidemment la plus ancienne, la plus complexe, voire la plus ésotérique, mais surtout parce que, aux yeux de l’arpenteur, elle dépasse — mais de très peu — celle de Khephren. Curieusement, pour un visiteur arrivant de tous côtés — excepté du nord —, c’est cette dernière qui semble, grâce à une légère élévation du terrain, la plus haute ; à tel point que les chroniques arabes les ont parfois confondues[27]. Khéops est le premier essai tâtonnant — et par imitation de celle de Snefrou, à Meidoum — d’une architecture poussée à l’extrême et, aussi, selon certains spécialistes d’architecture, la pyramide qui présente le plus d'anomalies de structure interne[28].
71
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+ Khephren, qui a le mieux résisté, a conservé son revêtement sommital et fait pour ainsi dire figure de « pyramide générique ». Sa silhouette plus élancée a été inspirée directement par l’équerre égyptienne : deux triangles rectangles — de côtés en proportion 3,4 et 5 — accolés verticalement par leur base lui donnent sa pente[29]. De son côté, Mykérinos, la plus soignée, est généralement dédaignée. Cette dernière pyramide, selon Strabon, « de dimensions bien moindres que les deux autres, se trouve cependant avoir coûté beaucoup plus cher en construction »[30], mais, en contrepartie, selon Diodore, elle séduit davantage car elle « se distingue par l’art qui a présidé à sa construction et par la beauté de ses pierres »[31]. Il y a enfin le Sphinx, dont aucun visiteur, à l’exception de Pline l’Ancien, n’a noté la présence : « Le Sphinx, plus admirable peut-être [que les Pyramides] et sur lequel on a gardé le silence ».
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+ Selon la légende la mieux suivie, Artémise II aurait elle-même décidé de construire pour son époux et frère le splendide monument qui aurait consacré son amour conjugal. L’assertion de Pline que l’on trouve dans sa fameuse description du Mausolée[32] a généralement prévalu. Cette version n’a jamais fait l’unanimité. Déjà, Vitruve avait écrit que c’est Mausole lui-même qui entreprit cette construction à sa propre gloire posthume[33]. Ce prince suivait en cela une tradition de vanité très répandue à son époque chez les souverains[34]. On ne compte plus, en effet, les tombeaux monumentaux érigés en Asie Mineure et notamment en Lycie. De son côté, Lucien consacre à Mausole un chapitre de son Dialogue des morts, le peignant comme un homme orgueilleux et très fier de s’être fait construire le plus beau tombeau de la terre[35]. André Coutin écrit : « Le tombeau triomphal qu’il avait décidé d’élever était inachevé à sa mort… »[36], et Jean-Pierre Adam, d'autre part, écrit : « On remarque […] que Pline, contrairement à Vitruve, fait du Mausolée une œuvre due à l’initiative d’Artémise ; ce en quoi, du reste, il se trompe… »[37]. Chacun dans son ouvrage respectif accrédite donc spontanément cette seconde opinion mais sans toutefois en donner une plus longue explication.
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+ L’historien Sainte-Croix avait auparavant nettement tranché : « Que de temps n’a pas dû coûter la construction d’un pareil monument ? Cependant, Artémise survécut à peine deux ans à son mari. Dans un aussi court espace de temps cet édifice aurait-il été terminé […] comme le dit Pline ? Cela me paraît difficile à croire et je pense plutôt que cet auteur a pris pour l’année de la mort de Mausole celle où l’on commença à bâtir son tombeau. Dans cette hypothèse, Mausole lui-même aura projeté ce grand ouvrage deux ans avant de mourir ; il y aura fait travailler, et Artémise, en l’achevant, en aurait eu toute la gloire »[38].
77
+
78
+ Une réalisation d’un tel raffinement et d’un tel gigantisme n’a pas pu s’improviser juste après un décès, surtout que la veuve, durant les deux courtes années de son autorité, dépensa du temps et de l’argent à défendre sa cité contre Rhodes et à contre-attaquer et punir les insulaires. Les artistes renommés choisis pour l'ouvrage, dispersés et venus de fort loin, ont dû être retenus longtemps à l'avance pour être réunis. Comme il est peu commun, d’autre part, qu’une épouse soit à ce point exaltée qu’elle ait songé à la manière d’enterrer son conjoint encore en vie, il est plus vraisemblable que Mausole, lui-même un grand bâtisseur, ait désiré contempler « de ses yeux » le reflet de sa puissance. Cependant, il reste possible que les époux inséparables eussent tous deux souhaité être réunis dans la mort. Dans l’hypogée, on retrouva un reliquaire et un sarcophage qui pouvait être celui de la reine, l'usage carien imposant alors aux hommes l’incinération[39]. En admettant même la légende qui veut que l'achèvement de la statuaire se soit fait tardivement et au compte des artistes, on peut avancer qu’Artémise eût pu très bien en avoir été maître d’ouvrage quand son époux était très occupé, et qu'elle le fût naturellement pendant son veuvage pour la continuation des travaux. C’est peut-être une des raisons de la persistance de ce point de vue.
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+ Babylone, dont il ne reste presque rien, a livré, avec les Jardins, la Merveille la plus énigmatique. Si la tour colossale, peut-être celle dénoncée par les récits bibliques et considérée longtemps comme mythique, est bien décrite sur place par Hérodote, les Jardins, célébrés par plusieurs chroniqueurs, restèrent invisibles aux yeux de cet historien[40] ; tandis que Ctésias au IVe siècle av. J.-C.[41], capable de passer en revue toutes les curiosités babyloniennes, construites ou relevées un siècle et demi à peine auparavant, les ignore complètement. Leur trace n’a pas été non plus retrouvée par les archéologues qui avaient pourtant mis au jour l’enceinte et la base de cette même tour appelée « Etemenanki ». Pas davantage de jardins sur les tablettes mésopotamiennes où l’on voit des plans de la ville et de ses principaux monuments. Les compilateurs latins, Ampelius du IIe siècle, qui a pourtant écrit sur Sémiramis et le rempart de Babylone, et Hygin du Ier siècle, dans son Septem opera mirabilia[42], ont donné le palais de Cyrus en lieu et place des Jardins suspendus. Les seules représentations qui nous en suggèrent une idée viennent des bas-reliefs de Ninive avec des terrasses à végétation, soutenues généralement par des colonnes à chapiteau. Nous sommes donc loin des voûtes nécessaires pour supporter un étagement important. Et si aucun auteur ne paraît avoir vu ces jardins, aucun n’indique le nombre de terrasses ; et tous ne sont pas d'accord sur la description de leur système hydraulique, leur emplacement et le maître d’ouvrage[43].
81
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82
+ Le cellier voûté de la porte d’Ishtar, dégagé par l’Allemand Koldewey à la fin du XIXe siècle, n’a pu, par ses trop modestes dimensions, représenter la plateforme d’un jardin royal important. Il est en tout cas difficile de concevoir que l’espace de verdure aussi réduit du « véritable » jardin (un carré de 120 m de côté) ait été l’élément qui accrochât l’œil, adossé à un rempart lui-même célébré comme une merveille, imposant et interminable, dont la longueur était, si l’on en croit les Anciens, plus d’une fois et demie le tour de la ville de Paris[f]. Cependant, le tracé retrouvé de la dernière cité fit état, lors des récentes fouilles, d’une enceinte extérieure de 11,3 km pour une intérieure de 6 km.
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+ Le savoir-faire des jardiniers et des fontainiers de la Mésopotamie n’étant plus à démontrer, il fait peu de doute que les jardins-oasis ont proliféré dans cette région pendant des siècles, se sont améliorés, montrant des aspects multiples, au gré des souverains et des modes. Quoi qu’il en soit, au fil du temps, s’est probablement imprégnée dans la mémoire des voyageurs parvenus au terme d’un parcours harassant à travers une contrée désertique, la fantastique vision de chevelures de forêts et de vergers flottant au-dessus des murailles[44], et les imaginations ont ensuite échafaudé le mythe.
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+ Enfin, tous les écrits réunis à son sujet montrent une seule chose qui soit certaine : cette ville dont on a constamment vanté, avec les plus flatteurs superlatifs, les murailles, les portes d’airain, le pont sur le fleuve, la galerie sous le fleuve, les quais, les deux palais, le temple de Marduk, les statues, la ziggourat, la citerne, les jardins, etc.[45] fut assurément à elle seule une vraie merveille : « Elle est si magnifique que nous n’en connaissons pas une qu’on puisse lui comparer. », écrivait Hérodote (I, 178).
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+ Le principal obstacle pour figurer les Sept Merveilles est l’insuffisance des informations qui nous sont parvenues. Les Jardins suspendus de Babylone, qui sont tout à la fois aisés et impossibles à reconstituer, en sont l’exemple le plus significatif. On peut, d'autre part, facilement concevoir qu’à l’époque de Pline les secrets de la construction de la pyramide de Khéops aient été perdus après tant de siècles. Parmi tous les auteurs qui ont parlé des pyramides, aucun n’en a donné une hauteur approchante. Jean-Pierre Adam remarque que les Anciens sont en défaut sur toutes les mesures de points inaccessibles. Pour les pyramides, une illusion d’optique — créée probablement par la course des arêtes — fait généralement apparaître la hauteur très proche d’un des côtés de la base, lequel la représente en réalité une fois et demie. Pline, qui croyait sans doute la méthode de Thalès de Milet connue depuis le VIe siècle av. J.-C.[46], a entériné de bonne foi les dimensions qu’on lui a transmises. Si cet auteur était soucieux de donner des mesures, il doit parfois s’en passer : le tombeau de Mausole est légèrement plus court d’un côté que de l’autre et la hauteur de son dernier étage est sensiblement égale à celle de l’étage en dessous. Les imprécisions des hauteurs du Phare sont encore plus déroutantes. De simplement « haut » pour Strabon à « très élevé » chez Jules César, son premier étage, aux yeux des chroniqueurs arabes, gagne une dizaine de mètres en un siècle, de Massoudi (Xe siècle) à Ibn al-Dayg (1165), alors que le deuxième étage les gagne sur le même Massoudi avec El-Makrisi au XVe siècle. La hauteur totale du Phare varie en absolu entre 102 mètres (Massoudi) et 225 mètres (Ibn Joubère)[47]. Les effondrements et les réparations ou reconstructions des parties hautes à différentes périodes ont encore mieux embrouillé les dimensions originales.
89
+
90
+ Chez Pline, il n'y a aucune indication sur les sculptures ornementales du mausolée d'Halicarnasse et leur implantation, tout comme celles de l’Artémision pour lesquelles il avoue son désintérêt : « Les autres ornements du temple rempliraient par leurs descriptions plusieurs livres ; mais ils n'ont rien de commun avec l'histoire de la nature. »[25]. Cela a mis et met toujours dans l’embarras tous les essais de restitution. L’attitude du colosse de Rhodes tant de fois contemplé n’a jamais fait l'objet d'une description. Et ainsi retrouve-t-on une multitude de dessins le représentant dans des positions les plus singulières, dont le spectaculaire et impossible enjambement qui a eu du succès jusqu’au cinéma[48]. À l'inverse, Pausanias, qui est pratiquement le seul à s’absorber dans une ekphrasis, dépeint le Zeus d’Olympie et sa décoration avec minutie, mais sans jamais donner une seule dimension : « Je sais que plusieurs auteurs ont consigné dans leurs écrits la hauteur et la largeur de la statue de Zeus Olympien, mais je me méfierais de ceux qui l'ont mesurée, car les dimensions qu'ils donnent paraissent bien au-dessous de l'idée qu'on s'en forme en voyant la statue de ses propres yeux »[49]. En revanche, la science archéologique donne de meilleures précisions.
91
+
92
+ La liste des Merveilles doit probablement une part de sa célébrité à ce chiffre mystique. Cette notion, qui ne s’est pas formée bien sûr avec ces seuls monuments, aurait été transmise, selon Jean-Pierre Adam[50], par le courant philosophique pythagoricien. Les séries et les nombres premiers ont toujours fait l’objet d’une attention particulière. L’École pythagoricienne qui s’adonna aux spéculations ésotériques fut fermement critiquée par les tenants d’Aristote qui l'avait lui-même combattue dans son ouvrage La métaphysique, mais elle revint à la mode à l’époque de Cicéron avec l’école néo-pythagoricienne. Cependant, la superstition du chiffre magique serait plutôt venue d’Asie Mineure, comme semblerait le confirmer un traité ionien De hebdomadis qui lui est consacré. Ceci pourrait expliquer dans la « liste des Merveilles » le nombre supérieur de réalisations d’Asie Mineure, donc extérieures à la Grèce proprement dite[51]. Par la suite, le chiffre « 7 » eut un succès qui ne se démentit jamais dans tous les domaines et on ne compte plus les groupes de sept éléments. Même Isaac Newton ne repoussait pas l’irrationnel et, quand il eut découvert la décomposition de la lumière blanche, trouva l’idée de faire d’une infinité de teintes un ensemble de sept couleurs qu’on trouve dans l’arc-en-ciel.
93
+
94
+ En dehors du monde gréco-romain, Babylone, Thèbes et Ecbatane eurent droit à quelques nominations. Le monde romain devait déjà beaucoup à la culture hellénique, dont il avait copié des œuvres essentielles, et réagit diversement aux monuments grecs qui suscitaient une admiration universelle. H. Schott, qui consacra en 1891 une thèse sur les « Merveilles », constitua trois catégories et classa dans la deuxième toutes les réalisations romaines en y englobant des listes allant jusqu’à la trentaine de monuments. « Il va de soi que ces versions [romaines] sont tardives et manifestent la volonté de dresser un panégyrique de Rome face à la Grèce »[4].
95
+
96
+ D’abord, Pline l'Ancien admet les merveilles grecques et les décrit sans réticence. D’un goût éclectique et d’un jugement avisé, il y mêle aussi des monuments peu cités : les obélisques et le Sphinx égyptiens ; le temple de Cyzique[g] et, à considérer ses vestiges, il fut le plus colossal jamais érigé ; les labyrinthes d’Égypte, de Crète, de Lemnos, d’Étrurie, et aussi les Jardins suspendus de Thèbes. Un sursaut de chauvinisme bien compréhensible lui fait dire à propos de Rome, ville bien pourvue en monuments spectaculaires : « Sic quoque terrarum orbem victum ostendere » [là aussi, elle a vaincu le monde entier]. Et comme les Romains, dans le domaine de la construction gigantesque, demeurent inégalables, il ne lui a pas été difficile d’ajouter dix-huit merveilles de la ville éternelle, où le Capitole et le Colisée ont une place de choix.
97
+
98
+ Parmi ceux qui ont pu diffuser la liste chez les Latins, Varron, écrivain polygraphe, respecté des Anciens, apparaît le plus vraisemblable. S'il ne reste rien de ses écrits, ceux-ci ont été abondamment commentés. Il écrivit un ouvrage avec le chiffre « 7 » comme sujet principal : Hebdomades, où pratiquement toutes les catégories étaient représentées, y compris les Sept Merveilles du monde, puisque Aulu-Gelle, auteur du IIe siècle, juge, non sans une pointe de jalousie, cette énumération : « Tels sont les faits que Varron, par de soigneuses recherches, a rassemblés sur ce nombre ; mais il ajoute d'autres remarques frivoles et puériles : par exemple, qu'il y a sept merveilles dans le monde »[52].
99
+
100
+ Le mausolée d'Halicarnasse, gravure de Maarten van Heemskerck, XVIe siècle.
101
+
102
+ Le colosse de Rhodes tel que représenté dans The Book of Knowledge (1911).
103
+
104
+ Le phare d'Alexandrie, reconstitution tridimensionnelle basée sur une étude de 2006.
105
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106
+ : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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+ Le conte merveilleux, ou conte de fées, est un sous-genre du conte. Dans ce type de littérature interviennent des éléments surnaturels ou féeriques, des opérations magiques, des événements miraculeux propres à enchanter le lecteur, ou l'auditeur, dans le cas d'une séance de conte, généralement empruntée au folklore. La plupart des récits appartenant à ce genre littéraire ont circulé de bouche à oreille, avant d'être l'objet au XVIIe siècle de collectages, retranscriptions à l'écrit et de se retrouver relativement fixés dans leur forme et contenu. On considère généralement que les contes merveilleux sont représentés par les contes-types AT 300 à AT 749 de la classification Aarne-Thompson-Uther (mais on trouve dans diverses cultures des contes merveilleux ne pouvant se rattacher à aucune de ces entrées).
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+ Les motifs des contes merveilleux sont extrêmement anciens, et pour certains (comme La Belle et la Bête et Nain Tracassin) pourraient remonter à la préhistoire. Cela les rend plus vieux encore que les plus anciens textes écrits connus. Ils se sont transmis oralement depuis le proto indo-européen[1]. Cette théorie reste cependant controversée, d'autres chercheurs estimant ces motifs plus récents. Il convient ici d'identifier la fonction des motifs narratifs dans le discours. Ce type de contes a subi en effet une évolution sur le très longue durée. Il faut identifier le référent, qui est souvent cosmologique ou remonte à une période très haute des sociétés. La périodisation est indispensable à l'analyse. On peut ainsi retracer la transmission depuis les locuteurs (de l'indo-européen puis de ses dialectes majeurs - celtique, germanique, grec, etc. -, ou bien du proto-ouralien, puis du finnois, etc.) jusqu'à leur dernier état connu. La mythologie comparative et reconstructive ne fonctionne pas autrement : il y avait déjà des "contes merveilleux" en Grèce classique et à Rome. La notion de tradition admet et nécessite celles de renouvellement formel et de conservation[2].
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+ Une étude récente publiée dans Royal Society Open Science en 2017 a évalué ces fables comme on étudie les espèces en évolution, et conclut que certains des contes d'occident pourraient dater d'au moins 6 000 ans[3], à partir d'un corpus massif de plus de 2 000 contes déposé en ligne, provenant de différentes cultures indo-européennes (index Aarne-Thompson-Uther, compilé en 2004) ainsi que de leurs voisines ouraliennes et, à l'ouest, aquitaniennes. Les cultures indo-européennes (englobant toute l'Europe et une grande partie de l'Asie) descendrait des peuples Proto-Indo-européens néolithique établis en Europe du Nord et de l'Est (10.200 BCE-2000 BCE), aussi à l'origine d'une grande partie des langues européennes contemporaines et de certaines langues apportées en Asie [3]. Les universitaires, encadrés par Jamshid Tehrani, (anthropologue à l'Université de Durham) ont analysé le dépôt en ne retenant que les contes contenant des éléments magiques et surnaturels (qui sont aussi les plus célèbres). Ces 275 contes comprenaient notamment Hansel et Gretel et La Belle et la Bête. Comme la tradition orale n'a pas laissé de traces fossiles (quoique les mythes d'Aurores étudiés par Georges Dumézil soient effectivement la strate la plus ancienne de la religion cosmique des Indo-Européens), des méthodes statistiques calquées sur celles de la phylogénétique ont été utilisées pour tracer les lignées d'histoires se ramifiant dans le temps, en différentes langues[3]. Ainsi quand une même histoire peut être retrouvée en langues slaves et celtiques (ex : Jack et le Haricot magique) elle est considérée comme ayant un « ancêtre commun » (Proto-ouest-Indo-Européen) dont ces deux lignages ont divergé il y a au moins 6 800 ans (point de départ des IE, mais Celtes et Slaves sont des ramifications récentes des âges des Métaux). Les auteurs ont cherché à aussi tenir compte de la transmission horizontale d'une culture à l'autre. À partir d'un groupe de 76 contes de fées (comme Smith et le diable, qui est l'histoire d'un forgeron faisant affaire avec le diable en échange de prouesses de forge inégalées) on remonte à des milliers d'années vers les peuples indo-européens qui en semblent à l'origine, c'est-à-dire selon les comptes entre 2 500 et 6 000 ans)[3]. D'autres histoires seraient bien plus récentes. Mark Pagel (biologiste de l'évolution) suggère de maintenant s'intéresser aux facteurs qui ont fait que ces histoires particulières ont résisté à l'épreuve du temps. Une hypothèse est qu'ils seraient des récits minimaux contenant des leçons facile à comprendre, mais avec des éléments contre-intuitifs (c'est-à-dire contenant des dissonances cognitives, avec notamment le mélange du monde réel et d'un monde impossible : créatures fantastiques, magie)[4].
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+ Si la littérature du Moyen Âge est très empreinte d’éléments appartenant au merveilleux (avec Chrétien de Troyes par exemple), le genre du conte merveilleux (appelé aussi conte de fées) apparaît réellement au XVIIe siècle avec des auteurs comme Marie-Jeanne L'Héritier de Villandon, Charles Perrault, Madame d'Aulnoy ou Henriette-Julie de Castelnau de Murat[5].
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+ Ce désir de (ré)introduire du merveilleux, de l'irrationnel dans la société émerge en même temps que commence à apparaître la pensée philosophique rationalisante des Lumières.
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+ Pourtant le conte merveilleux écrit naît dès le XVIe siècle en Italie, avec les deux recueils Pentamerone de Basile et Les Nuits facétieuses de Straparole, mais c'est au XVIIe siècle que le genre se diffuse par l'intermédiaire des auteurs et éditeurs fréquentant les salons littéraires mondains. Ces derniers empruntent à la tradition orale, aux mythes, aux histoires d'amour et aux textes classiques de l'Antiquité[6]. La plupart des contes de fées sont écrits par des femmes qui trouvent dans les salons mondains une forme d'émancipation et la possibilité de prouver leur intelligence[7]. Madame d'Aulnoy est l'une de ces précieuses s'inspirant de l'oralité, elle est l'inventrice du terme « contes de fées »[8], raconte oralement ses histoires à l'origine, et devient si populaire à Paris qu'elle les couche sur le papier. Charles Perrault donne à ses contes une forme assez éloignée de celle des contes mondains à la langue raffinée, et les Contes de ma mère l'Oye obtiennent un succès phénoménal, en partie parce que les contes écrits par des femmes étaient plutôt subversifs et mal vus, là où Perrault met en scène des femmes passives.[réf. nécessaire] Au XVIIIe siècle, les salons mondains disparaissent et Les Mille et Une Nuits obtiennent à leur tour un succès phénoménal[9],[10]. Au milieu du XVIIIe siècle, le conte de fées voit une nouvelle vague de popularité avec La Belle et la Bête tandis que l'idée d'écrire des histoires spécialement pour les enfants fait son chemin[11], et ces ouvrages se diffusent par le biais de la littérature de colportage. À partir de 1785 et alors que la vogue pour le conte diminue à nouveau, Le Cabinet des fées réédite une centaine de ces œuvres, dont une majorité ont été écrites par des femmes. Pourtant, seuls quatre noms d'hommes sont bien connus dans l'histoire du conte de fées : Charles Perrault, Jacob et Wilhelm Grimm, et Hans Christian Andersen[12].
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+ Il existe de nombreuses relations entre les histoires inventées dans les cabinets et les pièces produites pour l'opéra[13]. Certaines histoires, à l'exemple de Serpentin Vert de Madame d'Aulnoy, ont été adaptées pour la scène.
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+ Les premières éditions de contes étaient illustrées par une vignette en couverture de chaque livre. Peu à peu l’illustration conquiert les livres de contes, qui deviennent de vraies œuvres d’art. Ainsi les illustrateurs donnent aux contes un nouveau souffle et offrent aux lecteurs leurs propres représentations du merveilleux. Gustave Doré en 1867 illustre une édition des contes de Perrault, de manière dramatique et violente, avec des représentations très réalistes et détaillées, créant ainsi un univers très troublant. D’autres au contraire donnent à leurs illustrations des dimensions plus féeriques, tels Kay Nielsen ou encore Arthur Rackham. Dans les années 1820, le célèbre caricaturiste politique anglais George Cruikshank est le premier illustrateur à interpréter les contes des Frères Grimm de façon humoristique. Les contes prennent alors une dimension grotesque par les caricatures des lieux et des personnages.
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+ Au début du XXe siècle apparaissent des illustrations fantastiques telles qu’on les connait aujourd’hui avec des représentations plus enfantines. De nombreux illustrateurs se prêtent à ces exercices de représentation, comme Félix Lorioux qui réalise une série de contes illustrés destinés à un public jeune pour les éditions Hachette.
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+ Les illustrateurs ne cessent de réinventer le genre merveilleux. Au cours du XXIe siècle les dessinateurs créent des exercices de style, comme Warja Lavater qui a remplacé le texte du conte par une longue bande de 4,74 mètres de long, couverte de points. Chaque personnage, chaque élément du décor est représenté par un signe selon un code annoncé en préambule. La bande se replie en accordéon pour former des doubles pages.
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+ Les contes merveilleux ont également séduit le 7e art. Georges Méliès en 1899 a réalisé Cendrillon sous la version de Charles Perrault. La féerie y prend alors toute sa place avec des costumes étincelants, de grands décors et également des astuces de machinerie créant alors la vraie magie du conte. La Belle et la Bête de Jean Cocteau en 1945 et Peau d’âne réalisé par Jacques Demy sont aujourd’hui considérés comme des références cinématographiques. Par la suite les studios d’animation Disney reprennent les plus grands contes merveilleux. Blanche-Neige et les Sept Nains en 1937 est considéré à l’époque comme un chef-d’œuvre. Il ouvrira la porte à de nombreux autres films, reprenant le genre des contes merveilleux. Les nouvelles prouesses techniques et effets spéciaux des Walt Disney Pictures dépoussièrent leurs dessins d’animation pour créer en 2010 Alice au pays des merveilles réalisé par Tim Burton. Le film utilise une technique de combinaison entre les prises de vue réelles et l'animation donnant ainsi un nouveau souffle aux Contes de Fées.
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+ Ainsi meurt l'esprit des contes, s'éloignent les fées, se dérobe l'aurore à l'écoute de tant d'arrogantes sottises. Ainsi se fanent les fleurs aux pétasseries salonnardes d'une autre marquise de Sévigné décrivant la campagne[14].
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+ Bruno Bettelheim s'est penché sur le pouvoir libérateur du conte de fées lorsqu'il est raconté aux enfants. Dans Psychanalyse des contes de fées, il se base sur les théories de J. R. R. Tolkien (Faërie) et ses propres recherches afin d'évoquer l'évolution que subit l'enfant à travers le conte. De la menace à la libération, l'enfant accompagne le héros à travers ses peurs (forêt dense, marâtre, etc.). Certains personnages seront ses alliés, comme la fée, et lui permettront également d'être rassuré.
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+ Pierre Dubois pense que les conteurs français du XVIIe siècle ont considérablement modifié la perception de la fée en faisant des « belles de mai » mentionnées dans les anciennes croyances des femmes raffinées, délicates et élégantes fréquentant la cour dans leurs contes, détruisant ainsi leur symbolisme originel lié au renouveau de la nature[14].
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+ Le philosophe Emmanuel d'Hooghvorst lit dans les contes de fées, surtout ceux de Charles Perrault, un sens hermétique. Il s'efforce de démontrer leur cohésion traditionnelle au moyen de références kabbalistiques, alchimiques, bibliques et mythologiques[15]. ce qui revient à méconnaître les traditions d'origine (erreur de méthode abordé par Lévy-Strauss (Un regard éloigné, Paris, 1983, 56 ss) et par Bernard Dubant (Some Questions about Indian Tales, Poona, 1992).
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+ La Mésopotamie (du grec Μεσοποταμία / Mesopotamía, de μέσος / mésos, « entre, au milieu de », et ποταμός / potamós, « fleuves », littéralement le pays « entre les fleuves ») est une région historique du Moyen-Orient située entre le Tigre et l'Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à l'Irak actuel.
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+ Elle comprend deux régions topographiques distinctes : d'une part, au nord (nord-est de la Syrie et le nord de l'Irak actuel), une région de plateaux, celle-ci étant une zone de cultures pluviales et, d'autre part, au sud, une région de plaines où se pratique une agriculture reposant exclusivement sur l'irrigation.
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+ L'ensemble des historiens et des archéologues contemporains s'accordent à dire que les Mésopotamiens sont à l'origine du premier système d'écriture créé vers 3400-3300 av. J.-C. Celui-ci évolua pour donner naissance à l'écriture « cunéiforme » (du latin cuneus, le « coin »).
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+ Actuellement, le terme « Mésopotamie » est généralement utilisé en référence à l'histoire antique de cette région, pour la civilisation ayant occupé cet espace jusqu'aux derniers siècles avant l'ère chrétienne ou au VIIe siècle, plus exactement en 637 ap. J.-C. avec la conquête des Arabes musulmans.
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+ Le terme Mésopotamie vient du grec Μεσοποταμία / Mesopotamía, de μέσος / mésos, « entre, au milieu de », et ποταμός / potamós, « fleuves », littéralement le pays « entre les fleuves ». Ce mot se retrouve d'abord chez Polybe au IIe siècle av. J.-C. puis Strabon au siècle suivant, mais il est employé par Arrien (qui écrit au IIe siècle) pour désigner une province de l'époque d'Alexandre (seconde moitié du IVe siècle av. J.-C.), et pourrait donc remonter à cette époque. Il désigne dans l'Antiquité un espace plus restreint que celui pour lequel il est employé à l'époque moderne, puisque son emploi est limité à désigner l'espace situé entre le Tigre et l'Euphrate au nord de Babylone et jusqu'aux contreforts du Taurus, excluant donc la Babylonie. Cela correspond grosso modo à la Djezireh des géographes arabes médiévaux et dans la terminologie actuelle à la Haute Mésopotamie. Le mot grec semble repris d'expressions similaires attestées en araméen antique, notamment Bêyn nahrîn « maison des fleuves », et peut-être des expressions isolées plus anciennes en akkadien comme Berît nâri « entre le fleuve » et Mât birîti « pays du milieu », qui désignent aussi des régions situées en Haute Mésopotamie[1].
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+ Les historiens modernes ont longtemps hésité sur la manière de désigner les civilisations qu'ils redécouvraient. Ce fut d'abord l'Assyrie au milieu du XIXe siècle, puis la Babylonie (ou Chaldée) dans les décennies suivantes, ce qui explique que la désignation d'une civilisation « assyro-babylonienne » a été courante. Puis le pays de Sumer fut à son tour redécouvert à la fin du XIXe siècle. Avec la découverte d'autres sites de Syrie orientale (Mari avant tout) ayant une culture similaire, mais ne rentrant pas dans les terminologies en usage, le terme de « civilisation mésopotamienne » s'est progressivement imposé afin d'englober ces différentes composantes[2].
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+ Dans le vocabulaire des historiens actuels, le terme Mésopotamie est employé pour désigner la région antique correspondant à la majeure partie de l'Irak actuel, avec en plus la frange nord-ouest de la Syrie, située à l'est de l'Euphrate et sur sa rive droite, et aussi une partie du Sud-est de la Turquie située entre Euphrate et Tigre[3].
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+ Sur le plan chronologique, si le début des périodes historiques est placé par convention durant la période d'Uruk finale, quand apparaît l'écriture (v. 3400-3300 av. J.-C.), on peut faire remonter l'étude de la Mésopotamie antique au moins jusqu'au début du Néolithique, après 10000 av. J.-C., et parfois plus haut jusqu'aux premières attestations de présence humaine lors du Paléolithique moyen. Où situer la limite finale à l'histoire mésopotamienne ne fait pas l'objet de consensus : certains s'arrêtent à la conquête de l'empire néo-babylonien par le roi perse Cyrus II en 539 av. J.-C., d'autres par la conquête de l'empire perse par Alexandre le Grand (331-323 av. J.-C.)[4], d'autres intègrent la période hellénistique qui suit (jusqu'aux débuts de notre ère en gros, durant la période de l'empire parthe)[5], d'autres encore vont jusqu'au début de l'époque islamique (VIIe siècle de note ère)[6].
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+ Comme souvent, ces contours ne suffisent pas à rendre compte des différents aspects des civilisations étudiées, aussi les archéologues et historiens ont tendance tantôt à prendre un cadre géographique plus restreint, tantôt un cadre plus large.
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+ Plus restreint, parce qu'on reconnaît généralement une césure entre le Nord et le Sud de la Mésopotamie, deux ensembles présentant des caractéristiques géographiques bien distinctes (voir plus bas), qui se retrouvent sur le plan culturel, et que l'ampleur chronologique du sujet implique également de déterminer des grands ensembles chronologiques successifs. On oppose ainsi une Haute Mésopotamie à une Basse Mésopotamie, la séparation géographique se faisant en gros au nord de Bagdad (la ligne de séparation irait de Hit à Samarra). La Haute Mésopotamie[7], la Djézireh des géographes arabes, est constituée en bonne partie par l'Assyrie historique qui occupe sa partie orientale autour du Tigre, mais elle comprend aussi les terres situées à l'ouest jusqu'à l'Euphrate, qui présentent un profil culturel souvent similaire à celui des civilisations de Syrie et sont souvent étudiées avec celles-ci. On peut donc diviser cet espace en deux ensembles, oriental et occidental. La Basse Mésopotamie correspond géographiquement à la plaine alluviale et au delta du Tigre et de l'Euphrate. C'est la Babylonie des IIe millénaire av. J.‑C. et Ier millénaire av. J.‑C.[8], aussi dénommée « pays de Sumer et d'Akkad », aux époques archaïques Sumer correspondant à la région la plus méridionale, reconnue comme la plus importante aux époques formatives des civilisations en Mésopotamie (IVe millénaire av. J.‑C. et aussi IIIe millénaire av. J.‑C.), et Akkad à la partie nord[9]. Les études archéologiques et historiques adoptant des vues d'ensemble font donc régulièrement le choix de prendre pour cadre le Nord ou le Sud mésopotamiens[10], ou bien un des sous-ensembles chronologiques et géographiques mésopotamiens (surtout Sumer[11], l'Assyrie[12] et Babylone[13]), plutôt que la Mésopotamie dans son ensemble. De ce fait la question de savoir s'il ne fallait pas plutôt parler de civilisations ou cultures mésopotamiennes a parfois pu être posée, même si la dénomination de civilisation mésopotamienne est généralement conservée[14].
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+ Plus large, parce que les civilisations de la Mésopotamie ont toujours été liées à celles des régions voisines, de l'espace syrien et levantin, de l'Anatolie, du Caucase, du plateau Iranien, et aussi des rives du golfe Persique et de la péninsule arabique. C'est l'ensemble désigné comme le « Proche-Orient ancien »[15], espace qui correspond au Moyen-Orient de la terminologie culturelle et géopolitique francophone valant pour les époques modernes, et suivant une dénomination qui se veut plus « neutre », l'Asie du sud-ouest ; mais dans certains cas la dénomination « Proche-Orient ancien » inclut également l'Égypte antique[16]. Dans cet ensemble, la Mésopotamie, en particulier sa moitié septentrionale, est souvent proche des cultures de la Syrie antique situées à son voisinage (Ebla, aussi Mari qui est localisée à la charnière des deux espaces), ce qui fait qu'on parle parfois d'un monde ou d'une aire « syro-mésopotamien(ne) »[17]. Quoi qu'il en soit, la place de la Mésopotamie (et en particulier de la Basse Mésopotamie) a souvent été vue comme majeure dans cet ensemble pour les époques de la Haute Antiquité, car elle y a eu à compter du IVe millénaire av. J.‑C. une influence que n'égalaient pas les autres, en particulier parce que les régions du Proche-Orient ancien ont souvent adopté à un moment ou à un autre de leur histoire l'écriture cunéiforme originaire de Basse Mésopotamie (c'est le cas de l'Élam, des royaumes de Syrie, des Hittites, de l'Urartu ; on parle parfois à ce sujet de « culture cunéiforme »[18]), et que les premiers empires à avoir étendu leur emprise sur de vastes territoires ont une origine mésopotamienne (et méridionale à l'exception non négligeable de l'Assyrie). Les études récentes ont tendance à proposer une approche plus équilibrée et à relativiser le « mésopotamo-centrisme » des études antérieures[19].
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+ La Mésopotamie est structurée autour des deux fleuves à qui elle doit son nom, l'Euphrate à l'ouest, et le Tigre à l'est. Ils naissent tous les deux dans les hauts plateaux de l'est anatolien, puis le premier parcourt au sortir des monts du Taurus les espaces arides syro-mésopotamiens en connaissant un important changement de direction et recevant peu d'affluents, tandis que le second a un tracé plus court et direct vers le Golfe et reçoit plusieurs affluents venus du Zagros à l'est (Grand Zab, Petit Zab, Diyala), qui font que son débit est plus rapide[20]. La Haute Mésopotamie, ou Djézireh, est une région de plateaux de 200 à 500 mètres d'altitude, où les deux fleuves coulent donc dans des vallées encaissées, située dans l'espace où leurs cours sont les plus éloignés. Elle se divise entre une Haute Djézireh, au nord nord-est, plus arrosée, et une Basse Djézireh au sud sud-ouest, plus aride. La Basse Mésopotamie, est formée là où les deux cours des fleuves se sont rapprochés. C'est une plaine extrêmement plane, formée par l'accumulation des alluvions charriés par les deux fleuves, où se forment de nombreux bras de fleuve et espaces marécageux formant un vaste delta à son extrême-sud. De nos jours les deux fleuves fusionnent pour former le Chatt-el-Arab qui se jette dans le Golfe, mais durant l'Antiquité le littoral était situé plus au nord et a progressé vers le sud avec l'accumulation des dépôts d'alluvions. C'est une région très aride, aux précipitations annuelles inférieures à 200 mm, rendant l'irrigation impérative pour l'agriculture. Le climat antique de la Mésopotamie était grossièrement similaire à celui observé au XXe siècle[21].
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+ La période historique commence en Mésopotamie quand l'écriture est mise au point (vers 3400 av. J.-C. - 3200 av. J.-C.). Elle est divisée en plusieurs périodes successives :
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+ À noter un intermède romain avec les conquêtes de Trajan (116 apr. J.-C.) qui prit la capitale parthe Ctésiphon et descendit jusqu'au Golfe Persique, avec l'ambition de reconquérir l'empire d'Alexandre. Son successeur, Hadrien, abandonne ces territoires dès son avènement (117 apr. J.-C.).
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+ Plus tard, l'empereur Septime Sévère arrachera définitivement la Mésopotamie du Nord aux Parthes lors de ses campagnes de 195 apr. J.-C. à 198 apr. J.-C.
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+ La présence humaine est attestée en Mésopotamie du Nord à partir du Paléolithique moyen, sur le site de la grotte de Shanidar, dans l'actuel Kurdistan, où ont été exhumées des sépultures de Néandertaliens (époque moustérienne). La présence de l'Homme moderne est par la suite attestée au Paléolithique supérieur (Baradostien, variante locale de l'Aurignacien) dans ces mêmes régions septentrionales, d'altitude moyenne et haute, et se font plus courantes pour la phase finale du Paléolithique, ou Épipaléolithique, qui correspond au début du réchauffement du climat marquant la fin de la dernière période glaciaire. Cette phase est appelée Zarzien en Mésopotamie du Nord-est et dans le Zagros occidental (v. 18000-10000 av. J.-C.). Les sites fouillés sont des campements saisonniers de chasseurs-cueilleurs taillant des silex fins (microlithes) dans des formes triangulaires et trapézoïdales[22].
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+ C'est dans ces mêmes régions que sont attestés les débuts du Néolithique, le Néolithique précéramique, pour l'espace mésopotamien, dans l'horizon culturel des sites néolithiques du Zagros, tandis que des sites relevant du foyer néolithique levantin et anatolien se trouvent sur les marges occidentales de l'espace mésopotamien, dans la boucle de l'Euphrate (Mureybet, Abu Hureyra, Jerf el Ahmar). Ces communautés sédentarisées expérimentent l'agriculture et l'élevage durant la période qui va en gros de 10000 à 7000 av. J.-C. C'est la période des premiers villages du Nord mésopotamien (Qermez Dere, Nemrik, M'lefaat)[23]. La céramique apparaît durant la phase suivante, représentée en particulier par le site de Jarmo dans les contreforts du Zagros, et Umm Dabaghiyah dans les régions basses[24]. En l'état actuel des choses ces premières phases néolithiques ne sont pas reconnues en Basse Mésopotamie. Les sols préhistoriques de cette région sont en général enfouis sous le limon charrié par les fleuves, où ont été noyés lors de la remontée des eaux consécutive à la fin de la glaciation, ce qui rend difficile l'identification des premiers villages méridionaux[25].
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+ Les habitats deviennent plus importants durant les phases suivantes, d'abord la période de Hassuna (v. 6500-6000 av. J.-C.) puis celle de la Samarra (v. 6200-5700 av. J.-C.), qui voient l'apparition d'habitats communautaires, la céramique peinte, et également les premières traces d'une agriculture irriguée en Mésopotamie centrale (Choga Mami)[26]. La période de Halaf (v. 6100-5200 av. J.-C.), commune au Nord mésopotamien et à la Syrie du Nord, marque une extension des ensembles culturels préhistoriques[27]. Le plus ancien village mis au jour dans le Sud mésopotamien, Tell el-'Oueili, est contemporain[28]. Il marque le début de la longue culture d'Obeid (v. 6500-3900), première période archéologique déterminée pour la moitié méridionale de la Mésopotamie, qui voit l'émergence d'une architecture monumentale, dont l'exemple le plus marquant est la séquence d'édifices, sans doute des temples, mis au jour à Eridu[29]. Cette culture s'étend en direction du Nord durant les derniers siècles du VIe millénaire av. J.‑C., période durant laquelle on relève par ailleurs l'apparition des premiers objets en cuivre, indiquant les débuts de la métallurgie[30].
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+ La phase finale d'Obeid et les premiers siècles de la période d'Uruk (v. 3900-3400) témoignent d'une augmentation des inégalités sociales et d'une division du travail accrue dans l'artisanat, indices de l'émergence d'agglomérations plus importantes, dites « proto-urbaines », et d'entités politiques intégrant de plus grandes communautés, que l'on désigne comme des « chefferies ». Cela est en particulier visible dans l'architecture monumentale du site de Tepe Gawra, dans le Nord, et un ensemble de sites proto-urbains de la Djézireh (Tell Brak, Hamoukar), caractéristiques moins identifiées pour les sites méridionaux en dehors d'Eridu[31]. Pourtant les évolutions décisive qui devaient aboutir à l'apparition de l'État et des villes, la « révolution urbaine » de Gordon Childe, ressortent de la manière la plus éloquente dans les groupes monumentaux du site méridional d'Uruk, couramment considérée comme la « première ville », en tout cas de loin le site le plus vaste identifié pour la période d'Uruk final (v. 3400-3100). C'est durant cette époque qu'est mise au point l'écriture, également attestée en premier sur ce site, ce qui témoigne de l'essor des institutions étatiques. La culture de la Basse Mésopotamie rayonne alors sur tout le Moyen-Orient, ce qui a été désigné comme l'« expansion urukéenne », caractérisée notamment par l'implantation de sites sur le Moyen-Euphrate identifiés comme des colonies du Sud (Habuba Kabira, Djebel Aruda) ; mais il n'y a pas de preuves solides permettant d'envisager dès cette époque une expansion politique. C'est durant cette période qu'achèvent de se constituer les traits caractéristiques de la civilisation de la Mésopotamie antique, et aussi les éléments qui devaient être ses apports majeurs aux autres civilisations (institutions étatiques et instruments de gestion, urbanisation, écriture et culture littéraire)[32].
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+ La période d'Uruk s'achève au tournant du IIIe millénaire av. J.‑C. par une phase de régionalisation culturelle, marquée par le recul de l'influence méridionale (période de Djemdet-Nasr dans le Sud, Ninive V dans le Nord, culture de la « céramique écarlate », Scarlet Ware, dans la Diyala)[33].
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+ La période des dynasties archaïques du Sud mésopotamien et de la Diyala (v. 2900-2350 av. J.-C.), divisée classiquement en trois phases, est relativement mal connue pour sa première partie, en gros jusqu'au milieu du IIIe millénaire av. J.‑C. Les quelques ensembles de textes de la période laissent deviner la coexistence de deux groupes ethniques dominants en Basse Mésopotamie, un occupant majoritairement les régions les plus méridionales, le pays appelé durant les époques suivantes Sumer et parlant une langue sans parenté connue, le sumérien, et un autre occupant surtout la partie septentrionale, le pays désigné aux époques suivantes Akkad et parlant une langue sémitique, l'akkadien. Les textes permettent également de reconnaître l'existence de plusieurs micro-États, désignés comme des « cités-États », indépendants, parfois rivaux, qui semble aussi s'intégrer dans des alliances, peut-être sous l'influence de puissances hégémoniques ; la tradition mésopotamienne postérieure a surtout reconnu l'importance de Kish, en pays sémitique, et d'Uruk, en pays sumérien, ville du souverain légendaire Gilgamesh. Les fouilles archéologiques ont permis de reconnaître quelques palais de cette période, manifestement occupés par les figures monarchiques qui commencent à apparaître dans les textes, et de nombreux temples. La période finale des dynasties archaïques est mieux documentée, en premier lieu grâce aux textes et objets d'art exhumés sur le site de Tello, l'antique Girsu, ville appartenant au royaume de Lagash. Ils permettent de mieux connaître la situation économique et sociale du pays sumérien où elle se trouve, dominée par de grands domaines gérés par des temples sous le contrôle de la famille royale, et sa situation politique, celui d'un royaume couramment engagé dans des conflits frontaliers avec son voisin, l'État d'Umma-Gisha, et parfois d'autres royaumes de Basse Mésopotamie voire au-delà (notamment en direction du Sud-ouest iranien, le pays appelé Élam). Cette période est caractérisée par l'affirmation de souverains parvenant à occuper temporairement une position hégémonique sur le Sud[34].
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+ En revanche la situation politique du Nord est moins bien connue, même si elle est éclairée par les archives de la cité syrienne d'Ebla, datées elles aussi de la fin de la période : les deux grandes puissances de la Haute Mésopotamie occidentale sont alors Nagar (Tell Brak) dans le triangle du Khabur et Mari sur le Moyen Euphrate, cité fondée au début de la période. À l'est, la cité d'Assur semble également prospère mais rien n'est connu sur les événements politiques[35].
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+ Ces différents royaumes sont impliqués dans des réseaux d'échanges matériels et immatériels à longue distance couvrant tout le Moyen-Orient et même au-delà (ils incluent la civilisation de l'Indus et l'Ancien empire égyptien), comme l'indique l'import de métaux et pierres précieuses (lapis-lazuli, cornaline, etc.) qui se retrouvent notamment dans l'impressionnant matériel funéraire des tombes royales d'Ur (v. 2500 av. J.-C.)[36], et l'adoption de l'écriture originaire du Sud mésopotamien dans l'espace syrien, à Ebla et Tell Beydar.
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+ Vers 2340 av. J.-C., Sargon d'Akkad prend le pouvoir à Kish et entame une série de victoires qui lui permettent de placer sous sa coupe la Basse Mésopotamie, puis plusieurs régions extérieures. Cette dynamique est préservée par ses successeurs directs. À leur apogée, les rois d'Akkad dominent toute la Mésopotamie, ont vaincu plusieurs cités syriennes dont Ebla, et étendu leur emprise sur une partie de l'espace élamite, dont la ville de Suse. Le deuxième successeur de Sargon, Naram-Sîn, se proclame souverain des « quatre rives » du Monde, ce qui signifie une prétention de domination universelle, et se fait représenter en personnage d'essence divine. C'est la première expérience « impériale » connue de l'histoire mésopotamienne. Néanmoins cette elle ne dure pas, l'emprise d'Akkad se relâchant rapidement, d'abord au Nord, puis dans les provinces méridionales où elle a toujours fait face à des résistances, notamment des révoltes indiquant que les particularismes locaux n'avaient pas été éteints.
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+ La dynastie d'Akkad disparaît au plus tard vers le milieu du XXIIe siècle av. J.-C., peut-être sous les coups d'un peuple venu du Zagros, les Gutis dont la tradition mésopotamienne a laissé une image sinistre, et de nouvelles dynasties émergence dans les cités sumériennes, notamment à Lagash où le souverain Gudea patronne un art de grande qualité, et à Uruk, où Utu-hegal constitue un royaume qui prend de l'importance.
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+ Il est néanmoins supplanté par Ur-Nammu, peut-être son propre frère, mais qui se revendiquait avant tout roi d'Ur, et la tradition historiographique mésopotamienne l'a retenu comme le fondateur du royaume de la troisième dynastie d'Ur (ou « Ur III » ; v. 2112-2004 av. J.-C.). Ce souverain parvient à dominer la Basse Mésopotamie, peut-être des régions voisines. Son fils et successeur Shulgi dispose en tout cas d'un véritable empire, certes moins étendu que celui des rois d'Akkad car il n'a pas atteint la Syrie, mais a rencontré plus de succès sur le plateau Iranien. Il se fait à son tour diviniser, et constitue une administration très industrieuse (à défaut d'être forcément très efficace) qui a laissé des dizaines de milliers de tablettes administratives. Là encore l'expérience impériale finit par connaître la dislocation provoquée par le réveil des autonomies locales, apparemment dans un contexte de crise lié à des intrusions de populations venues du Nord, les Amorrites, et des disettes, même si le coup de grâce semble lui avoir été porté par des troupes venues d'Élam.
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+ Après l'effondrement de l'empire de la troisième dynastie d'Ur, la fragmentation politique est à nouveau de mise dans toute la Mésopotamie.
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+ Cette période est souvent appelée « paléo-babylonienne » (babylonienne ancienne), par convention mais ce terme n'a pas vraiment de sens pour cette période durant laquelle la puissance babylonienne en est à ses débuts. La plupart des royaumes de la période sont dominés par des dynasties dont les fondateurs sont des Amorrites, peuple ouest-sémitique venu des marges syriennes de la Mésopotamie, surtout présent au Nord, mais leur expansion au Sud en fait l'élément majeur de la sphère culturelle syro-mésopotamienne de l'époque. Il n'y a sans doute plus à cette période de locuteurs du sumérien, en revanche les dialectes akkadiens restent bien présents au Sud comme au Nord. Au Nord, on trouve d'importants groupes de populations parlant hourrite, langue isolée originaire sans doute du Sud du Caucase.
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+ Dans le Sud, c'est la période dite d'« Isin-Larsa » (v. 2004-1792), du nom des deux royaumes les plus puissants, mais ceux-ci ne sont pas en mesure de s'imposer aux autres entités politiques qui se forment[37]. Dans la vallée de la Diyala, la puissance hégémonique est Eshnunna[38]. Dans le Nord, l'éclatement politique est encore plus fort, mais le royaume de Mari joue souvent les premiers rôles[39]. La cité d'Assur n'est pas une puissance politique, mais ses marchands entretiennent un lucratif commerce avec l'Anatolie, où ils se fournissent en métaux qu'ils importent en Mésopotamie (période paléo-assyrienne)[40].
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+ Au début du XVIIIe siècle av. J.-C., le roi Samsi-Addu d'Ekallatum parvient un temps à imposer sa domination à la plupart des royaumes du Nord mésopotamien : c'est l'entité politique dénommée par les historiens « Royaume de Haute-Mésopotamie »[41]. Mais elle ne survit pas à sa mort vers 1775. Une dizaine d'années plus tard, c'est au tour du roi Hammurabi de Babylone (1792-1750) de mener une série de conquêtes qui le voient défaire les autres royaumes majeurs de la Mésopotamie (Larsa, Eshnunna, Mari) et se tailler un royaume à la mesure de ceux d'Akkad et d'Ur III[42]. Mais ses successeurs ne parviennent pas à préserver l'intégrité du royaume, qui se réduit rapidement aux seules cités entourant Babylone, notamment parce que les anciennes cités sumériennes (Uruk, Ur, Nippur, Eridu, Lagash, etc.) sont toutes désertées à cette époque, à la suite de crises politiques et peut-être aussi écologiques. Les rois de Babylone font face aux rois du Pays de la Mer qui se sont taillés un royaume dans l'extrême-Sud, et à des souverains Kassites, un peuple venu du Zagros, mais c'est une offensive des Hittites, venus d'Anatolie centrale, qui provoque en 1595 la chute de Babylone[43].
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+ À la chute de Babylone succède une période très peu documentée, donc considérée comme un « âge obscur », dont la durée même fait l'objet de débats. Quoi qu'il en soit, au sortir de cette période, au XVe siècle av. J.-C., l'opposition géographique et culturelle entre Basse et Haute Mésopotamie s'est complétée d'une division politique, entre deux États dominants ces ensembles, sans être pour autant rivaux. Au Nord, c'est le Mittani, dont le cœur se trouve dans le triangle du Khabur (sa capitale principale, Wassukanni, n'a pas été localisée). Il a étendu dans des circonstances peu documentées une aire de domination allant du littoral méditerranéen de la Syrie jusqu'aux régions située à l'est du Tigre (le site de Nuzi, qui a livré de nombreux textes de cette époque)[44]. Il est surtout impliqué dans des guerres pour la domination de la Syrie, qui l'opposent un temps à l'Égypte, et régulièrement aux Hittites. Dans le Sud, une dynastie kassite s'est installée sur le trône de Babylone, là encore dans des circonstances qui nous échappent, puis a soumis le Pays de la Mer, parvenant à s'imposer sur toute la Basse Mésopotamie, qui peut désormais être dénommée Babylonie (les rois kassites employaient le terme Karduniaš). Ils s'attellent à repeupler et redynamiser les campagnes et villes méridionales qui avaient été désertées précédemment, et ne sont pas impliqués dans des conflits majeurs à cette période[45]. On constate donc une stabilisation de puissances dominant chacune des deux Mésopotamies, qui ont une durée plus importante que les dynasties précédentes. Ce constat se confirme par la suite.
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+ Un basculement se produit dans la seconde moitié du XIVe siècle av. J.-C., quand le Mittani subit de sévères défaites face aux Hittites, qui le plongent dans une crise dont profitent les rois de la cité d'Assur, pour se tailler un royaume qui parvient à rapidement dominer la majeure partie de la Haute Mésopotamie (période médio-assyrienne), mais se heurte à l'ouest aux Hittites qui sont désormais solidement implantés en Syrie[46]. Le changement est de taille pour les rois kassites de Babylone, puisque l'Assyrie témoigne aussi d'ambitions sur sa frontière méridionale, et la division Nord/Sud de la Mésopotamie s'accompagne désormais d'une rivalité militaire. Bien que les succès les plus éclatants soient à mettre au crédit des Assyriens (notamment la prise de Babylone par Tukulti-Ninurta Ier, 1244-1208), aucun des deux ne prend durablement le dessus sur l'autre[47].
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+ Après ces années de conflit, la première moitié du XIIe siècle av. J.-C. voit le royaume de Babylone plonger dans une série de crises, conclues par la prise de la capitale par les troupes élamites en 1155, qui mettent un terme à la dynastie kassite[48]. La revanche babylonienne est menée par Nabuchodonosor Ier (1125-1004) qui envahit l'Élam[49]. De son côté, l'Assyrie connaît un dernier essor sous Teglath-Phalasar Ier (1116-1077), puis plonge à son tour dans des temps difficiles en raison des incursions de plus en plus efficaces de groupes araméens, populations ouest-sémitiques venues des régions syriennes, comme les Amorrites avant eux[50]. Ces Araméens parviennent ensuite en Basse Mésopotamie où ils causent également des troubles. C'est l'époque de l'« effondrement » de l'âge du bronze récent, qui voit de grands bouleversements se produire dans tout le Moyen-Orient, en particulier en Anatolie où le royaume hittite est détruit, et au Levant où de nombreuses cités subissent également des destructions.
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+ En Babylonie, plusieurs dynasties se succèdent sur le trône, sans parvenir à se stabiliser, et à pacifier le pays où sont implantés des groupes araméens, et aussi des tribus chaldéennes, dont l'origine est obscure, qui se taillent des entités politiques autonomes, et dont des chefs arrivent au bout d'un temps à monter sur le trône de Babylone[51].
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+ En Haute Mésopotamie, l'Assyrie a considérablement reculé face aux Araméens, qui ont établi au Xe siècle av. J.-C. des royaumes dans plusieurs cités de Syrie et de Djézireh occidentale. Mais elle a tenu bon, et parvient à reprendre l'offensive à partir de la fin du même siècle : c'est le début de la phase néo-assyrienne, qui marque une nouvelle étape dans l'histoire des entités politiques mésopotamiennes, avec la constitution du premier empire en mesure de dominer durablement une bonne portion du Moyen-Orient. Les rois assyriens conduisent au IXe siècle av. J.-C. des expéditions militaires dans toutes les directions, parvenant jusqu'à la Méditerranée à l'ouest et en Babylonie au sud, réprimant de façon brutale ceux qui refusaient de verser le tribut qu'ils exigeaient. Après une crise de croissance d'un demi-siècle environ l'État assyrien entame à partir de Teglath-Phalasar III (745-727) une évolution avec la constitution de provinces qui marquent la volonté d'une domination plus stable et durable sur les régions soumises. Les nombreuses déportations de populations consécutives aux victoires assyriennes entraînent d'importants mouvements humains à l'échelle de l'empire, donc un brassage de populations qui favorise la diffusion des populations de langue araméenne, qui devient la langue de communication la plus courante du Moyen-Orient.
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+ La lignée des « Sargonides », constituée de Sargon II (722-705), Sennachérib (705-681), Assarhaddon (689-661) et Assurbanipal (661-630) (qui ne constituent pas une dynastie à proprement parler puisqu'ils descendent des rois antérieurs), marque l'apogée territorial de l'empire assyrien, puisque leurs armées s'imposent contre Babylone, l'Urartu (Anatolie orientale et sud du Caucase), les Mèdes (nord-ouest du plateau Iranien), l'Élam, et aussi l'Égypte. Le centre de l'empire, l'Assyrie historique, concentre alors richesses et populations transportées depuis les régions soumises, ce qu'incarne la vaste Ninive, la dernière capitale érigée au tout début du VIIe siècle av. J.-C. lors d'une campagne de travaux mobilisant des moyens colossaux, et qui concerne aussi les campagnes environnantes.
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+ Mais les crises successorales sont monnaie courante, affaiblissant considérablement l'empire après la mort d'Assurbanipal, tandis que les populations d'Assyrie ont sans doute aussi payé un lourd tribut aux guerres incessantes menées dans tout le Moyen-Orient. Une révolte partie de Babylone et conduite par Nabopolassar parvient à engranger une série de succès sans précédents contre les troupes assyriennes, puis à investir l'Assyrie même, où les Mèdes se joignent finalement aux forces babyloniennes pour faire tomber les capitales assyriennes entre 615 et 612. Le reliquat de troupes assyriennes est éliminé dans les années suivantes.
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+ Le Babylonien Nabopolassar est le principal bénéficiaire de la chute de l'Assyrie, et laisse à son fils Nabuchodonosor II (605-562) le soin d'assurer la prise de contrôle des régions occidentales de l'empire assyrien, convoitées par les Égyptiens, où il mate plusieurs révoltes (dont celles de Juda qui se soldent par la déportation de l'élite judéenne en Babylonie). Ces souverains concentrent leurs efforts sur la remise en ordre de la Babylonie et l'embellissement de ses grandes villes, en premier lieu la capitale Babylone. Après la mort de Nabuchodonosor, les coups d'État se succèdent à la cour babylonienne, jusqu'à l'intronisation de Nabonide (556-539), qui semble avoir suscité une opposition croissante à sa politique, en particulier pour des raisons religieuses. L'empire babylonien est rapidement soumis par le roi perse Cyrus II, après la prise de sa capitale en 539 av. J.-C.
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+ La prise de pouvoir des Perses de la dynastie des Achéménides se fait pacifiquement, mais des révoltes secouent la Babylonie sous les règnes de Darius Ier (en 521) et son fils Xerxès Ier (en 484)[52]. Cette région est néanmoins prospère, les élites perses s'y taillent des domaines, et la cour royale fait de Babylone une de ses résidences. En revanche il y a très peu de sources sur la Haute Mésopotamie à cette période, qui semble d'une importance secondaire pour le pouvoir perse.
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+ Entre 334 et 330 av. J.-C., le roi macédonien Alexandre le Grand conquiert l'empire perse[53]. Il meurt à Babylone en 323, laissant ses généraux, les Diadoques, s'affronter pour récupérer son héritage, ce qui se traduit par un éclatement de l'empire conquis aux Perses. La Mésopotamie finit par échoir à Séleucos Ier, fondateur de la dynastie des Séleucides qui domine la région durant la période hellénistique. Des colonies grecques sont établies en Mésopotamie, même si la région reste largement peuplée de populations parlant araméen. Le centre de gravité de l'empire se déplace vers la Syrie où sont établies les principales résidences royales, même s'il y en a également une à Séleucie du Tigre dans le Nord de la Babylonie, qui reste une région prospère[54].
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+ Au milieu du IIe siècle av. J.-C., les Séleucides sont attaqués par les Parthes, peuple de langue iranienne venu de l'Est de leur empire, qui parviennent après une série de conflits âpres à prendre le contrôle de la Mésopotamie[55]. À partir du début du Ier siècle av. J.-C. les Parthes font face à un nouveau rival occidental, la République romaine, qu'il parviennent à vaincre à Harran (Carrhes) en 53 av. J.-C. pour consolider leur emprise sur la Haute Mésopotamie. Dans le Nord, les anciennes cités de Ninive et d'Assur connaissent une nouvelle période de prospérité, de même qu'un autre royaume dirigé par une dynastie arabe, Hatra. Dans le Sud, les villes de Babylone et d'Uruk sont encore animées un temps par une communauté de prêtres lettrés écrivant des tablettes cunéiformes, mais il s'agit des derniers à pratiquer encore cette antique écriture, à une époque où l'alphabet araméen règne en maître. Les derniers écrits cunéiformes connus datent du Ier siècle de notre ère, et cette écriture disaparaît sans doute peu après, alors que Babylone et Uruk sont désertées. Cela marque pour beaucoup la fin de la civilisation mésopotamienne antique, ou plutôt de ce qu'il restait de ses traditions intellectuelles.
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+ Les Parthes sont vaincus entre 226 et 240 par les Perses de la dynastie des Sassanides, qui deviennent à leur tour les maîtres de la Mésopotamie.
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+ Le terme de « Mésopotamie » est à nouveau utilisé de manière officielle au XXe siècle, lorsque le traité de Sèvres confie au Royaume-Uni un Mandat de la Société des Nations lui confiant l'administration de l'ancienne province de l'Empire ottoman. Le Mandat britannique de Mésopotamie laisse ensuite la place au Royaume d'Irak.
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+ Les textes de la Mésopotamie antique ne comportant pas la notion d'une « Mésopotamie » telle qu'elle est comprise dans les travaux modernes, ces derniers distinguent des entités géographiques plus réduites correspondant souvent à des réalités politiques voire culturelles, qu'il est plus aisé de distinguer en fonction de la langue de leurs habitants, telle qu'elle peut être devinée par les textes, en l'absence d'une notion claire d'ethnicité dans l'Antiquité (la culture matérielle ne permettant pas vraiment de tracer des limites dans ce domaine).
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+ Pour la Mésopotamie méridionale de la fin du IIIe millénaire av. J.‑C., la grande séparation est celle entre le pays de Sumer et le pays d'Akkad. Le premier, situé à l'extrême sud du delta mésopotamien, est occupé majoritairement par une population parlant le sumérien, un isolat linguistique[56], et qui a eu une importance primordiale dans l'émergence de la civilisation mésopotamienne[57]. Le second est un pays où la population est surtout constituée de locuteurs de l'akkadien, langue sémitique[58] ; il doit son nom à la ville et à l'empire d'Akkad qui a existé au XXIVe siècle av. J.-C., mais cela correspond à une réalité démographique et culturelle plus ancienne, puisque même avant cette époque les pays situés au nord de Nippur, jusqu'en Haute Mésopotamie et en Syrie, sont dominés par des populations parlant des langues sémitiques très proches[59].
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+ La fin du IIIe millénaire av. J.‑C. voit la disparition du sumérien en tant que langue parlée, même s'il reste important dans le cercle des lettrés. Le début du IIe millénaire av. J.‑C. est marqué par l'importance de populations parlant une langue sémitique d'origine occidentale, l'amorrite, qui se retrouvent dans toute la Mésopotamie[60]. Mais la moitié Nord de cette région est également marquée par l'importance des populations parlant le hourrite, isolat linguistique.
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+ Dans la seconde moitié du IIe millénaire av. J.‑C. se met en place plus clairement la séparation Nord/Sud de la Mésopotamie entre le royaume d'Assur et celui de Babylone, qui prévaut pour les siècles suivants et délimite deux espaces politiques et culturels distincts (mais toujours en forte interaction, et dont les langues sont des variantes de l'akkadien), l'Assyrie et la Babylonie. Cette dernière est longtemps politiquement sous la coupe d'une dynastie d'origine kassite, population isolée, qui n'a pas eu une grande influence culturelle[61]. La fin de ce millénaire est marquée par l'apparition et l'expansion à partir du nord-ouest d'une nouvelle population ouest-sémitique, les Araméens, qui tendent à devenir dans la première moitié du Ier millénaire av. J.‑C. la population dominante du Nord mésopotamien, au point que les Assyriens deviennent des locuteurs de la langue araméenne. Durant les dernières périodes de l'Antiquité, les locuteurs de l'araméen et les régions qu'ils habitent sont d'ailleurs désignés comme Assyriens/Assyrie ou bien des termes dérivés, Syriens/Syrie (surtout pour la partie occidentale)[62]. Les populations de Babylonie deviennent également fortement araméisées, mais on y trouve également un autre peuple, les Chaldéens, dont le nom sert aux Grecs de désignation alternative du Sud mésopotamien, la Chaldée[63]. Les dernières périodes de l'histoire mésopotamienne sont marquées par l'implantation de royaumes d'origine étrangère, iraniens (perses) puis grecs (période hellénistique), dont les éléments ne sont jamais devenus dominants. Les populations arabes connaissent également une expansion en direction de certaines régions du nord mésopotamien à partir de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.‑C.
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+ La Mésopotamie a vu la constitution, dans la seconde moitié du IVe millénaire av. J.‑C., d'un des plus anciens États, si ce n'est le plus ancien, dans l'histoire humaine. Ce premier État est caractérisé par une stratification sociale notable, permettant de distinguer une élite dirigeante, un réseau d'habitat hiérarchisé, dominé par une ville principale, l'existence d'une spécialisation des activités, de pratiques rituelles et d'un culte organisé par les élites, visible dans l'archéologie par la présence d'une architecture monumentale, d'objets de prestige, d'un art reflétant l'idéologie de l'élite dirigeante[64]. Au IIIe millénaire av. J.‑C. se développent des structures désignées par convention comme des cités-États, puis elles sont intégrées durant les derniers siècles du même millénaire dans les deux premiers États que l'on qualifie d'« empire » au regard de leur taille et de la prétention à la domination universelle de leurs souverains, l'empire d'Akkad (v. 2340-2150 av. J.-C.)[65] et celui de la troisième dynastie d'Ur (v. 2112-2004 av. J.-C.). Leur succèdent des États territoriaux plus restreints en taille au début du IIe millénaire av. J.‑C. avant l'émergence de la première dynastie de Babylone qui a selon certains auteurs un caractère impérial, au moins sous le règne de Hammurabi (v. 1792-1750 av. J.-C.)[66].
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+ Néanmoins l'affirmation de l'impérialisme est surtout marquée un millénaire plus tard avec l'empire néo-assyrien (v. 934-609. av. J.-C.) caractérisé par la taille du territoire qu'il domine (une portion conséquente du Moyen-Orient, de la Méditerranée jusqu'au plateau Iranien), et un contrôle plus durable et aussi plus fort sur ces territoires et leurs populations, comme l'illustrent les nombreuses déportations de vaincus entreprises à l'échelle de l'empire, la mise en place d'un réseau de provinces et de communications plus efficace, l'érection de capitales de plus en plus vastes manifestant la puissance de l'empire, et en fin de compte la mise en place de rapports politiques et culturels plus intenses entre ce centre et les périphéries qu'il domine[67]. À ce prototype succèdent l'empire néo-babylonien (626-539 av. J.-C.) et l'empire perse achéménide (v. 550-330 av. J.-C.) qui prolonge et raffinent l'édifice impérial, posant à leur tour les bases pour les empires qui leur succèdent[68].
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+ Les États mésopotamiens sont des monarchies : ils ont à leur tête un roi (sumérien lugal, akkadien šarru(m)), qui suivant l'idéologie politique est le représentant terrestre des grands dieux, notamment la divinité tutélaire de son royaume, qui lui a octroyé la charge de diriger les populations de son territoire. La royauté est vue comme un don du monde divin à celui des humains, « descendue du Ciel » aux origines de l'histoire, selon l'expression de la Liste royale sumérienne, chronique historique qui développe la vision cyclique courante de l'historiographie mésopotamienne, qui veut que se succèdent plusieurs dynasties bénéficiant chacune à leur tour des faveurs divines, et chutant lorsqu'elles les perdent. En pratique, cette légitimité divine coexiste en effet avec une légitimité dynastique, les rois se succédant de père en fils. Les fonctions du monarque, découlant de sa position d'intermédiaire entre les mondes humain et divin, sont de diriger l'administration et l'armée du royaume, d'assurer la justice, d'aménager le territoire en construisant canaux, fortifications et villes, et d'assurer le bon déroulement du culte rendu aux dieux, tout cela étant commémoré par de nombreuses inscriptions royales valorisant les actes des monarques[69].
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+ Le roi nourrisseur : Sceau-cylindre représentant le monarque et son acolyte nourrissant un troupeau sacré, période d'Uruk final (v. 3300-3100 av. J.-C.), Musée du Louvre.
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+ Le roi bâtisseur : relief votif perforé d'Ur-Nanshe de Lagash, commémorant la construction d'un temple. V. 2500 av. J.-C. Musée du Louvre.
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+ Le roi bâtisseur : inscription royale de Hammurabi de Babylone (1792-1750 av. J.-C.) rédigée sur un cône d'argile, commémorant la reconstruction de la muraille de Sippar de Shamash. Musée du Louvre.
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+ Le roi de justice : tablette du Code d'Ur-Nammu (v. 2112-2194 av. J.-C.). Musée archéologique d'Istanbul.
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+ Le roi chef de guerre : Salmanazar III (858-824 av. J.-C.) d'Assyrie sur son trône observe ses troupes à l'assaut d'une ville ennemie. Portes de Balawat (British Museum).
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+ Le roi et les élites : Nabû-apla-idinna de Babylone (888-855 av. J.-C.) ; à droite) confirmant une donation de terre à un grand prêtre.
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+ Le roi est entouré de « ministres » l'aidant dans ses tâches, et dirigeant une administration gérant ses terres, le prélèvement des taxes, la justice locale, etc.[70]. Ce système se complexifie avec l'élaboration d'entités politiques plus vastes. En pratique cependant l'emprise des capitales sur leurs territoires et leurs populations est plutôt limitée car leurs moyens humains sont plutôt faibles pour la majeure partie de l'histoire mésopotamienne, et au regard des standards contemporains ils seraient plutôt vus comme des pouvoirs faibles ou comme une sorte d'« État présomptif » (S. Richardson)[71].
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+ Dès la mise en place de l’État, apparaissent des institutions qui sont à l'origine de la première production écrite et jouent le rôle principal dans les activités économiques. Ce sont surtout des palais et des temples, ce que A. L. Oppenheim a proposé de nommer des « grands organismes »[72]. Ils gèrent d'importants domaines, qui disposent de champs, de jardins, d'espaces boisés et marécageux, d'ateliers, de bateaux, etc. exploités par une main d’œuvre à leur service organisée en équipes, et en général rétribuées sous la forme de rations d'entretien (en grains, huile, bière, dattes, etc.), ayant valeur de salaire dans une économie pré-monétisée, et une bonne partie de leurs productions revient au culte officiel. Ils sont à l'origine de l'abondante production de documents de gestion qui constitue une portion substantielle des sources permettant d'étudier l'histoire mésopotamienne (reçus, billets d'enregistrement des sorties et dépenses, concernant des mouvements de biens ; documents internes de gestion tels que des inventaires, bilans, documents de gestion du personnel)[73]. En raison de la nature des institutions dirigeant ce système, on a pu parler d'« économie palatiale », ou d'« économie de temple ». Mais plus largement le cadre structurant la société et l'économie de la Mésopotamie antique est la maisonnée (é/bitu(m), termes qui signifient « maison » avec en gros les mêmes acceptions qu'en français), comme l'oikos de la Grèce antique, qui administre son propre domaine, les palais étant les centres des domaines royaux, les temples des domaines des dieux, certes disposant des domaines les plus vastes, mais coexistant avec les domaines privés avant tout aux mains des élites, dont l'importance croît à partir du début du IIe millénaire av. J.‑C.[74]. Certains ont donc proposé de parler d'« économie domaniale »[75].
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+ L'exercice de la justice est une des principales prérogatives du souverain, autorité judiciaire de dernier ressort, qui devait être selon les conceptions mésopotamiennes à la fois le garant de l'ordre établi, mais aussi celui qui répare les situations injustes. Les rois promulguaient des textes législatifs, tel le fameux Code de Hammurabi, dont la portée juridique exacte reste débattue, ainsi que des édits plus brefs portant sur un sujet ponctuel, comme des rémissions générales de dettes en période de crise. En pratique, la justice est rendue par des organes non permanents, comprenant des juges professionnels ou non (les membres de l'administration pouvant intervenir à ce titre), devant lesquels des particuliers peuvent porter des litiges qu'ils n'arrivent pas à régler à l'amiable, et qui statent en analysant les preuves (actes écrits, témoignages de tiers, ou à défaut des prestations de serment devant les dieux)[76]. Le droit repose en bonne partie sur l'écrit (même si l'aspect oral compte comme le montre la place du serment dans la justice), de nombreux actes juridiques documentant la vie quotidienne des anciens Mésopotamiens (contrats de vente, de prêts, comptes-rendus de procès, etc.)[77].
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+ Les États s'affrontent régulièrement dans des conflits, guerres de conquête ou de résistance, guerres frontalières, guerres civiles, dont l'ampleur peut grandement variér. Les armées des cités-États du IIIe millénaire av. J.‑C. s'appuient sur une base de fantassins protégés par des boucliers et armés de lances, de dagues ou de haches, disposés en une sorte de phalange, les chars lourds venant en appui. Les archers semblent surtout prendre en importance sous l'empire d'Akkad, qui paraît privilégier une infanterie légère. Les épées plus longues et légères font leur apparition à la fin du IIe millénaire av. J.‑C. et au début du Ier millénaire av. J.‑C., notamment dans l'armée néo-assyrienne, qui développe également la cavalerie montée et perfectionne les engins de siège[78]. Les troupes mobilisées associe dès les époques les plus anciennes une armée permanente organisée autour de l'état major et du chef de guerre (en principe le roi), dont le statut tend à être protégé par le pouvoir, qui leur concède des tenures en échange de leur service, et des troupes conscrits, le service militaire étant attendu des sujets hommes, afin de renforcer l'armée lors des campagnes les plus importantes[79]. Selon les données jugées les plus fiables, les royaumes principaux des premiers siècles du IIe millénaire av. J.‑C. (Mari, Eshnunna, Larsa) peuvent mobiliser entre 10 000 et 60 000 hommes, et au VIIIe siècle av. J.-C. l'armée assyrienne de Salmanazar III comprend à peu près 86 000 hommes[80].
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+ La « phalange » de l'armée de Lagash sur la Stèle des vautours. Vers 2450 av. J.-C., musée du Louvre.
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+ Scène de combat, détail d'une stèle fragmentaire de l'époque de l'empire d'Akkad, règne de Rimush (2279-2270 av. J.-C.) ou de Naram-Sin (2254-2218 av. J.-C.), musée du Louvre.
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+ Épées courtes en alliage cuivreux, v. 1500-900 av. J.-C. provenant d'Ur et de Ninive. British Museum.
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+ Représentation du siège d'une ville par les Assyriens, avec tour de siège et bélier, bas-relief du IXe siècle av. J.-C. du palais nord-ouest de Nimroud. British Museum.
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+ La contrepartie à cette activité guerrière est l'existence d'une diplomatie très active, attestée dès les époques archaïques, mais surtout documentée pour le IIe millénaire av. J.‑C. qui est une période de fragmentation politique durable, cette activité diplomatique étant bien documentée grâce aux archives de Mari (début du XVIIIe siècle av. J.-C.) et aux lettres d'Amarna mises au jour en Égypte (milieu du XIVe siècle av. J.-C.). Dans ce système diplomatique élaboré et codifié, les messagers officiels assurent les contacts entre les différentes cours, parfois des ambassades temporaires, les rois s'échangent des présents suivant un principe de réciprocité, concluent après des négociations parfois longues des alliances matrimoniales, ainsi que des traités de paix suivant des procédures orales ou écrites, afin de stabiliser et consolider leurs relations[81].
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+ Clou de fondation commémorant le traité de paix conclu entre En-metena de Lagash et Lugal-kinishe-dudu d’Uruk. V. 2400 av. J.-C. Musée du Louvre.
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+ Traité de paix conclu entre Naram-Sin d'Akkad et un souverain d'Awan (Élam), peut-être Khita, vers 2250 av. J.-C., musée du Louvre.
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+ Lettre d'Amarna adressée par Burna-Buriash II de Babylone à Akhenaton (ou Toutankhamon) d’Égypte. V. 1350 av. J.-C. British Museum.
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+ La Mésopotamie a vu l'élaboration de ce qui est actuellement considéré comme le plus ancien système d'écriture au monde. On date son apparition vers 3300 av. J.-C. Ce système d'écriture est d'abord linéaire, puis il prend un aspect cunéiforme (en forme de « coin ») dans le courant de la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C.[82]. On écrit alors essentiellement sur des tablettes faites en argile, matériau abondant en Mésopotamie. Ce support survit très bien à l'épreuve du temps (et encore plus quand il est cuit à la suite d'un incendie), et c'est ce qui nous permet d'avoir une quantité de documentation écrite considérable sur la Mésopotamie ancienne[83]. À partir du début du Ier millénaire av. J.-C., cette forme d'écriture est concurrencée par l'alphabet araméen, rédigé sur parchemin ou papyrus, supports périssables dont aucun exemplaire ne nous est parvenu. Celui-ci finit par supplanter le cunéiforme vers le milieu du Ier millénaire av. J.-C., avant la disparition définitive de ce dernier au début de notre ère.
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+ Seule une minorité de la population est alphabétisée. Les spécialistes de l'écriture sont les scribes[84]. Ils suivent une formation destinée à leur apprendre à maîtriser le cunéiforme, et s'initient au sumérien et à l'akkadien (à partir de la fin du IIIe millénaire av. J.-C.). Plusieurs niveaux de spécialisation coexistent, allant du simple scribe d'administration au « savant » ayant suivi de nombreuses années de formation, travaillant souvent dans les temples et exerçant la fonction d'exorciste, devin ou chantre. On estime également qu'une frange de la population, dans les couches supérieures, est en mesure de comprendre ou d'écrire des textes cunéiformes, au moins à un niveau basique : personnel administratif, politique, marchands[85].
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+ Les tablettes cunéiformes étaient entreposées dans des endroits prévus à cet effet dans les bâtiments où ils étaient rédigés. Les institutions disposaient de tels fonds de tablettes, et il s'en trouvait aussi dans des résidences privées de personnages exerçant des activités économiques importantes ou savantes. Parfois des salles étaient réservées aux archives. Les tablettes pouvaient être placées dans des paniers, des coffres, ou bien sur des étagères. On pouvait faire des classements d'archives administratives, mais aussi de production littéraire savante, comme dans le cas de la prétendue « Bibliothèque d'Assurbanipal », trouvée à Ninive, en fait plusieurs fonds de tablettes de palais et de temple. Les véritables « bibliothèques » ne semblent apparaître que tardivement. En fait, pour la majeure partie de l'histoire mésopotamienne, les sources sur la littérature mésopotamienne proviennent surtout du milieu scolaire dans lequel ces textes étaient copiés dans le cadre de l'apprentissage des jeunes scribes[86].
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+ L'écriture est sans doute créée à l'origine pour des besoins de gestion et de comptabilité, puis progressivement ses usages se diversifient, aboutissant à l'apparition de divers genres de textes[87].
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+ La production écrite mésopotamienne qui nous est parvenue est constituée en grande majorité de textes de nature administrative et comptable. Il s'agit souvent de comptes liés à l'agriculture, l'élevage, des distributions de rations à des travailleurs, des comptes d'entrées et des sorties d'entrepôts.
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+ À côté de cela, on trouve des textes de la pratique plus élaborés : des contrats (de prêt, de vente, de location) ou des lettres. Ils sont un apport inestimable pour aider à mieux approcher la vie quotidienne des anciens mésopotamiens.
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+ Les textes savants sont minoritaires en quantité. Ils se composent en premier lieu de listes lexicales, mais aussi de textes techniques destinés à l'apprentissage et l'exercice de certaines fonctions, avant tout rituelles (chants, divination, exorcisme). Les textes mythologiques et épiques sont bien moins nombreux en quantité.
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+ Un dernier genre que l'on peut distinguer est celui des inscriptions et textes royaux. Ce sont des textes produits par les rois, destinés à célébrer leurs grandes œuvres. Les perdants ayant rarement l'occasion de se faire entendre, ce sont le plus souvent les vainqueurs qui ont la parole. Ce genre de textes va de l'inscription de fondation, jusqu’à des récits plus élaborés comme les Annales royales assyriennes.
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+ Les dieux mésopotamiens (dingir/ilu(m)) sont les véritables maîtres du monde, des êtres supérieurs gouvernant les destinées humaines[88]. C'est avant tout le cas des principaux dieux des panthéons mésopotamiens, qui fonctionnent un peu à l'image des communautés humaines dirigées par des rois et leur entourage. Ils ont en général un attribut principal, parfois plusieurs :
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+ À partir de la fin du IIe millénaire av. J.-C., les dieux « nationaux » Marduk à Babylone et Assur en Assyrie prennent la position de dieu souverain, à la place d'Enlil.
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+ Il y a plusieurs récits de création des humains par les dieux (anthropogonies) en Mésopotamie, qui ont pour point commun d'expliquer que les dieux ont créé les humains de manière à en faire leurs esclaves/serviteurs chargés de leur entretien. De manière concrète, cet entretien passe par le culte qui est rendu aux dieux dans ce qui est considéré comme leur résidence, le temple. Les personnes pieuses sont en principe assurées de la bienveillance divine à leur égard. En revanche, quiconque offenserait les dieux se place sous la menace d'une punition divine : maladie, disgrâce, difficultés économiques, etc.[89]
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+ Les temples sont considérés comme étant les résidences terrestres de leur divinité principale, et souvent de leur entourage (parèdre, enfants, personnel divin). Ils portent d'ailleurs le même nom que les résidences humaines (É en sumérien, bītu(m) en akkadien). Les plus importants sont également souvent flanqués d'une tour à étages (ziggurat), monument emblématique de la civilisation mésopotamienne, passé à la postérité grâce au récit biblique de la Tour de Babel. Les temples sont constitués d'une cella, salle abritant une statue divine, représentation terrestre qui garantit la présence de celle-ci en ce lieu[90]. Elle est accompagnée d'un riche mobilier (meubles, bijoux, chars, bateaux), le « trésor » du temple, et dispose de nombreux serviteurs, membres du clergé dont plusieurs ont le privilège de pouvoir accéder à l'espace le plus sacré de la résidence divine, l'accès aux temples étant interdits au peuple. Les plus grands temples bénéficiaient des faveurs royales, puisque les souverains humains avaient pour fonction d'assurer la pérennité du culte divin, aussi leurs inscriptions commémoratives concernent souvent leurs actes pieux, aussi bien des offrandes que des travaux dans des temples. A contrario la perte d'un temple, notamment après une défaite militaire et sa mise à sac, avec dans le pire des cas la capture de la statue divine, est considérée comme le déshonneur suprême et le symbole de la perte des faveurs divines. Parce qu'ils doivent assurer le très coûteux entretien des dieux (et leur personnel), les temples sont aussi des agents économiques de premier plan : ils bénéficient de dotations en terres, abritent aussi parfois des ateliers, et montent des opérations commerciales.
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+ Concrètement le culte divin repose avant tout sur leur entretien alimentaire du dieu dans sa maison-temple, par le biais d'offrandes quotidiennes, divisées en plusieurs repas[91]. Il convient aussi de purifier les statues et le mobilier divins, de les réaliser ou les réparer. Les domaines des temples (champs, ateliers, cuisines, etc.) et les présents des dévôts pourvoient à ces besoins. Les calendriers rituels sont également marqués par des fêtes qui reviennent à des intervalles réguliers, et sont plus somptueuses que les rituels quotidiens[92]. Parfois les statues divines sont sorties des temples, pour des processions et des rituels réalisés dans d'autres endroits.
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+ Le personnel officiant dans les temples est logé à proximité de celui-ci, dans des dépendances. Le personnel est divisé entre membres chargés de son administration, et d'autres qui s'occupent de la partie rituelle, l'entretien quotidien des divinités, avant tout par les offrandes. En fonction de la tâche à accomplir lors des rituels, diverses spécialisations existent. Les prêtres sont souvent des lettrés, qui suivent parfois de longues études. Certains son de véritables savants, principaux dépositaires des savoirs mésopotamiens, ils assurent la survie de cette culture jusqu'aux débuts de l'ère chrétienne. Certaines catégories de prêtres (devins, exorcistes et astrologues) exercent en dehors des temples et notamment dans le cadre du palais royal. Le souverain a besoin de leur aide puisque la fonction royale est aussi une fonction religieuse (le roi étant parfois lui-même considéré comme un prêtre). Il existe aussi un clergé féminin, moins nombreux. Certaines de leurs membres vivent dans une résidence spécifique, et ne peuvent pas toujours en sortir, même si elles disposent parfois de la possibilité de mener leurs propres affaires (par des achats de terrain notamment)[93].
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+ Le système numérique employé par les Mésopotamiens repose sur une base sexagésimale (base 60), avec quelques aspects d'un système décimal[94]. Les systèmes de mesure (de longueurs, de surfaces, de capacités) employaient chacun leur propre système de numération[95]. Pour apprendre les mathématiques, les scribes disposaient de listes métrologiques, tables de multiplications et d'inverses (employées pour la division), d'extractions de racines carrées, et de problèmes. Dans le domaine de l'algèbre, on connaît de nombreuses tablettes de résolution d'équations du second degré, employant un raisonnement géométrique s'apparentant à la méthode de la complétion du carré, ou de troisième degré. La géométrie est très marquée par le raisonnement arithmétique[96].
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+ La séparation que l'on effectue entre astronomie et astrologie est inconnue des Anciens mésopotamiens, comme pour beaucoup d'autres peuples avant l'époque moderne. Les connaissances astronomiques des Mésopotamiens atteignent un très haut niveau durant le Ier millénaire av. J.-C., époque durant laquelle les astronomes « Chaldéens » sont réputés jusqu'en Grèce. Les Mésopotamiens mettent au point le principe de la division de la voûte céleste entre douze signes du Zodiaque, qui sont sensiblement les mêmes que les nôtres. De la même manière, ils ont déjà nommé de nombreuses constellations et connaissent cinq planètes (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Au Ier millénaire av. J.-C., les prêtres astronomes babyloniens ont compilé de longues séries de relevés de phénomènes astraux, courant sur plusieurs siècles. En les interprétant, ils établissent des éphémérides pour tous les astres observables, et réussissent presque à prédire des éclipses, dont ils ont repéré l'aspect cyclique. Ils ont également mis au point les premiers modèles mathématiques astronomiques prédictifs[97].
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+ La médecine mésopotamienne est difficilement dissociable des pratiques curatives relevant de la magie et de l'exorcisme, qui étaient toutes imbriquées. Pour les Mésopotamiens, la maladie est une malédiction envoyée par les dieux. Maîtres de tous les humains, ceux-ci, lorsqu'ils sont insatisfaits par le comportement de certains d'entre eux, les punissent en envoyant des « démons » qui les rendent malades, à moins qu'ils ne se chargent eux-mêmes de la tâche. Guérir un malade peut donc requérir des pratiques comme la magie et la médecine empirique, qui à nos yeux sont différentes, mais qui sont vues comme complémentaires. De longs textes techniques listent des diagnotics et des remèdes. Ils s'appliquent à de multiples domaines : gynécologie, ophtalmologie, odontologie, massages, problèmes respiratoire, jusqu’à des cas psychiatriques. On dispose aussi d'une longue liste de recettes pharmacologiques[98].
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+ Parmi les principaux domaines artistiques attestés en Mésopotamie, on peut relever :
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+ la glyptique : l'étude des motifs représentés sur les sceaux, puis les sceaux-cylindres (à partir de la période d'Uruk) nous révèle l'univers mental des anciens Mésopotamiens.
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+ la sculpture : parmi les œuvres réalisées en ronde-bosse, les statues de la période de Gudea de Lagash (XXIIe siècle av. J.-C.) sont parmi les plus remarquables ; par la suite, les sculpteurs mésopotamiens ont préféré les bas-reliefs, dont les plus fameux sont ceux des palais néo-assyriens.
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+ la peinture : elle est assez peu attestée, car peu de peintures ont été conservées ; les plus belles fresques mésopotamiennes ont été retrouvées à Mari) (XVIIIe siècle av. J.-C.), Til-Barsip (VIIIe siècle av. J.-C.) et un peu dans les capitales néo-assyriennes (Assur, Kalhu, Ninive) (IXe-VIIe siècle av. J.-C.) ; leur style est très proche de celui des bas-reliefs.
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+ l'orfèvrerie : assez peu de bijoux de grande qualité ont été mis au jour, les plus beaux exemples ont été exhumés des tombes royales d'Ur ; sinon, on peut avoir une idée de leur forme par la représentation de bijoux portés par des hommes sur des bas-reliefs.
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+ la musique : elle occupe une place importante, tant pour le divertissement que pour le culte ; les instruments utilisés sont : la lyre, des percussions (tambours, tambourins), le oud, des flûtes, etc.
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+ Pour des raisons géologiques (plaine alluviale), la matière de base utilisée pour réaliser des bâtiments en Mésopotamie n'est pas la pierre mais l'argile. On s'en sert pour réaliser des briques crues, en la mélangeant avec des matières végétales. À cette fin, des moules à briques sont mis au point et utilisés. Exceptionnellement, les briques sont cuites dans des fours, ce qui les rend extrêmement solides, alors que celles en argile crue ont tendance à s'effriter. Les bâtiments en briques cuites, une fois abandonnés, servent d'ailleurs souvent de carrières.
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+ L'archéologie de la Mésopotamie a porté uniquement sur des centres urbains, et jamais sur des sites ruraux (en dehors de la période pré-urbaine). L'attention s'est surtout portée sur les grands monuments (temples, palais) plus que sur les quartiers résidentiels.
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+ Les villes sont souvent protégées par une muraille, voire plusieurs dans le cas des grandes cités. L'espace central est souvent réservé au palais et au temple principal. En Mésopotamie du Nord, le cœur de la ville est souvent une acropole. De petites rues délimitent divers îlots résidentiels. La différenciation sociale de l'espace ne semble pas exister : les maisons des plus riches (les plus vastes) côtoient celles des classes moins favorisées. Les plus pauvres et les marginaux sont plutôt rejetés en périphérie de la ville. Existent en revanche des quartiers où les gens se regroupent en fonction d'une activité artisanale commune.
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+ Trois types de résidences peuvent être distinguées: celles des gens du peuple, celles des dirigeants (les palais), et celles des dieux (les temples). Elles portent le même nom : É en sumérien, bītu(m) en akkadien. Elles fonctionnent d'ailleurs selon un même principe, puisqu'elles s'organisent généralement autour d'un espace central, et sont renfermées sur elles-mêmes (et non ouvertes vers l'extérieur).
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+ Les résidences classiques peuvent avoir un étage. Elles varient en fonction des moyens financiers de leur propriétaire, et de la taille de la maisonnée. La plupart ont un espace central (couvert ou pas), d'autres sont constituées d'une suite de salles. On constate l'habitude fréquente d'enterrer les morts de la famille sous les résidences où ils ont vécu.
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+ Les palais sont à l'origine construits comme des maisons, en plus vastes, avec parfois là aussi un étage. Ils finissent par prendre plus d'espace, et à avoir un espace plus complexe. Leur plan est néanmoins très variable d'un endroit à l'autre. Les zones sont généralement différenciées : espace résidentiel (avec un harem), salle de réception, magasins, salles administratives, etc.
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+ Les temples sont traditionnellement considérés comme ayant trois parties principales : un vestibule, une antichambre, puis le « saint des saints » abritant la statue de la divinité principale. Ces édifices sont organisés selon le même principe qu'une résidence normale, à savoir autour d'un espace central, ils ouvrent parfois sur des magasins et des bâtiments administratifs, ou bien des bibliothèques. Les temples les plus importants disposent de grandes dépendances, en fonction de leur richesse économique et de l'importance numérique de leur personnel.
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199
+ La Mésopotamie n'est pas une région prédisposée à avoir une agriculture efficace : le milieu est aride avec des mois estivaux très chauds, et une pluviométrie annuelle insuffisante pour permettre une agriculture sèche en Basse Mésopotamie et en Basse Djézireh (alors qu'elle est possible en Assyrie et sur toute la frange nord), les sols sont en général fins, peu fertiles, se dégradent facilement et ont tendance se saliniser rapidement au sud[100]. Le développement de l'irrigation à partir du VIe millénaire av. J.‑C.[101] a permis le développement de l'agriculture dans les régions les plus arides, profitant de la proximité des cours d'eau, surtout dans la vaste plaine deltaïque de Basse Mésopotamie, qui devint progressivement une région agricole très productive, profitant d'un grand espace potentiellement cultivable, les paysans mésopotamiens développant parallèlement différentes pratiques culturales permettant de ralentir la dégradation des sols (jachère, usage de cultures plus résistantes au sel et à la sécheresse comme l'orge et le palmier-dattier, ombrages protecteurs[102]). On divise de ce fait couramment l'agriculture mésopotamienne entre les zones d'agriculture irriguée de Basse Mésopotamie et de Basse Djézireh, et les zones d'agriculture sèche des autres régions de Haute Mésopotamie (pratiquant certes aussi l'irrigation en complément)[103].
200
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201
+ Le peuplement de l'espace rural est très mal connu car peu de sites ruraux ont été fouillés, et que les textes les documentent du point de vue des institutions urbaines, ce qui introduit un biais faisant qu'on les étudie surtout sous l'angle des relations villes-campagnes. Des villages d'agriculteurs existaient, mais le critère de la taille ne permet pas forcément de les distinguer car de petits sites peuvent avoir des attributs « urbains » (murailles, temples). On trouvait également des hameaux, des fermes isolées et des sortes de centres d'exploitation et d'administration, les « tours » (dimtu(m)) ou forts (dunnu), certains étant fortifiés[104].
202
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203
+ Les plantes cultivées et les animaux domestiques en Mésopotamie reposaient sur le socle développé au début du Néolithique au Moyen-Orient, dans les foyers levantin et anatolien : céréales (orge, blé), ongulés (ovins, caprins, bovins, suidés). Les communautés mésopotamiennes ont adopté ces éléments assez rapidement. Par la suite de nouvelles domestications et pratiques agricoles ont été mises en place, avec le développement de l'arboriculture et de l'horticulture (notamment le palmier-dattier pour ce qui concerne la Mésopotamie méridionale) et dans l'élevage avec ce qui a pu être dénommé comme des « produits secondaires », c'est-à-dire renouvelables, reposant sur l'utilisation de la force animale (traction des araires, transport, en particulier grâce à la domestication de l'âne) et des produits tels que le lait, la laine, les poils, phénomène qui s'est sans doute étalé sur plusieurs millénaires jusqu'au IVe millénaire av. J.‑C.[105] Des animaux et plantes ont continué à être intégrés à l'agriculture mésopotamienne par la suite, essentiellement des apports extérieurs tels que le sésame au IIIe millénaire av. J.‑C.[106] et le riz au Ier millénaire av. J.‑C., venus depuis l'est[107].
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205
+ La céréaliculture était l'activité agricole dominante, avant tout l'orge plus adaptée aux sols pauvres et au climat aride, le blé étant secondaire car plus exigeant[108]. Les champs pouvaient également être consacrés à la culture du lin, du sésame, ou de diverses légumineuses et cucurbitacées (pois chiches, lentilles, oignons, etc.) ou d'arbres fruitiers (grenadiers, figuiers, pommiers, etc.). Les paysans du Sud plantaient des palmiers-dattiers sur de nombreuses parcelles, car ils en tiraient de forts rendements et ils pouvaient profiter de leurs ombrages bienfaisants pour faire pousser une grande variété de légumes et de fruits à leurs pieds[109],[110]. Au Nord la vigne devint une culture spéculative[111]. L'élevage était dominé par celui des moutons, également des chèvres, et secondairement des bovins et des cochons, aussi des ânes ainsi que de la volaille[112],[113]. Enfin, l'exploitation par les hommes des potentialités des écosystèmes mésopotamiens comprenait également la chasse et la pêche qui restent importantes même après la domestication des animaux[114], avec dans le sud la place importante des espaces marécageux où l'on se procurait notamment des poissons et des roseaux.
206
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207
+ Empreinte de sceau de la période kassite (Nippur, fin du XIVe siècle av. J.-C.) représentant une équipe de laboureurs conduisant un araire à semoir.
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209
+ Culture du palmier, bas-relief de Tell Halaf, IXe siècle av. J.-C.
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211
+ Sceau-cylindre avec son empreinte : troupeau de bœufs dans un champ de blé, période d'Uruk (IVe millénaire av. J.‑C.), musée du Louvre.
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213
+ « Frise à la laiterie », détail : un homme trait une vache. V. 2500 av. J.-C., El-Obeid, British Museum.
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215
+ Les paysans n'apparaissent dans les sources écrites que quand ils interagissent avec les institutions et élites urbaines, détentrices des domaines agricoles les plus grands et les plus riches, il est donc difficile d'appréhender une paysannerie indépendante, même si des communautés rurales organisées semblent avoir existé. Dans le cadre institutionnel des temples et palais, les agriculteurs peuvent être organisés en équipes de laboureurs rémunérées par des rations lorsqu'ils travaillent sur des champs en régie directe, mais quand ils sont des fermiers exploitant un champ contre redevance le modèle est plus celui de l'exploitation familiale pratiquant une agriculture de subsistance ; la gestion indirecte semble avoir été prépondérante à partir du début du IIe millénaire av. J.‑C. et au Ier millénaire av. J.‑C.[115]. De la même manière l'élevage institutionnel était plutôt géré de façon indirecte, mais aussi parfois de façon directe[113]. Beaucoup sont des dépendants économiques ayant peu de marges de manœuvre face aux institutions qui leur concèdent les terres et leur fournissent le matériel d'exploitation, ayant un statut qui a pu être apparenté à celui de serf[116]. Une partie de la main d’œuvre semble du reste avoir loué sa force de travail, et ne disposait donc pas d'exploitations ou du moins pas en quantité suffisante pour subsister. Cependant il ne semble pas y avoir eu de concurrence pour la terre dans les campagnes mésopotamiennes, qui semblent plutôt marquées par le manque d'hommes[117]. Dans une économie peu monétisée, les terres et leurs exploitants étaient une ressource primordiale. Souvent les détenteurs des fonctions les plus importantes dans les institutions ou des militaires étaient rétribués par la concession de terres ou du moins de leurs revenus, ce qu'on désigne comme des « terres de service » (ilku(m) en Babylonie), ou de « prébende » quand elles viennent en contrepartie de charges cultuelles dans un temple[118].
216
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217
+ Le secteur artisanal fonctionne comme celui de l'agriculture avant tout dans le cadre des grands organismes. L'artisanat en dehors de cette sphère n'est pas documenté. Il existait parfois de grandes fabriques, notamment dans le textile, employant un grand nombre d'ouvrières souvent dans des conditions peu enviables. Mais l'artisanat à petite échelle était majoritaire.
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+ La plupart des domaines artisanaux sont représentés en Mésopotamie : textile, menuiserie, métallurgie, orfèvrerie, vannerie, etc.
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+ Le commerce est souvent défini comme une activité importante pour les Mésopotamiens, vu que la région où ils vivent est pauvre en matières premières (pierre, métal, bois de qualité). Dans les faits, ce sont surtout les plus riches qui profitent du commerce à longue distance.
222
+
223
+ Les entreprises commerciales sont initialement menées par des marchands (sumérien DAM.GAR, akkadien tamkāru(m)) engagés par un Grand organisme. À partir du début du IIe millénaire av. J.-C., la documentation abonde sur les systèmes commerciaux essentiellement « privés », à Larsa, Sippar, et surtout Assur, grâce aux archives des marchands de cette ville retrouvées à Kültepe en Cappadoce. Elle témoigne de l'existence d'un commerce très élaboré et fructueux.
224
+
225
+ De leur côté, les Mésopotamiens exportent surtout des produits manufacturés, avant tout du textile, ou bien jouent le rôle d'intermédiaires entre deux régions (en échangeant de l'étain d'Iran contre du cuivre d'Anatolie par exemple).
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+ Le commerce local existe par ailleurs pour assurer l'approvisionnement des centres urbains en produits agricoles provenant de la campagne.
228
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+ La fin de la période préhistorique de la Mésopotamie voit le développement d'agglomérations qui ont une taille de plus en plus importante, et des fonctions sociales spécifiques, qui les différencient progressivement des villages, surtout parce qu'elles sont des centres de pouvoir dominé par des groupes monumentaux de plus en plus imposants[119]. Le phénomène était généralement décelé dans le sud, où Uruk est couramment présentée comme la « première ville », vers le milieu du IVe millénaire av. J.‑C., mais les études récentes indiquent la présence d'agglomérations de grande taille dans le nord à la même période et même avant, comme Tell Brak et Hamoukar. Ce changement est manifestement à relier aux changements socio-politiques de l'époque (apparition de l’« État » et des « grands organismes », essor agricole, différenciations sociale et professionnelle plus prononcées, etc.)[120]. Ce phénomène trouve ses origines plus loin dans le temps, puisque la plupart des grandes agglomérations mésopotamiennes sont occupées un à deux millénaires avant l'apparition de la ville, et qu'elles sont en fin de compte l'aboutissement d'un processus long et cumulatif remontant aux débuts de la sédentarisation durant les premières phases du Néolithique. Certaines connaissent une croissance relativement rapide dès leurs débuts, laissant en général un arrière-pays direct peu densément peuplé, ce qui reflète leur important pouvoir d'attraction, que ce soit intentionnel ou pas. La ville est dès lors une caractéristique essentielle de la civilisation mésopotamienne, les principales agglomérations sont rapidement dotées d'un prestige qui traverse les époques. Cependant la ville n'est jamais vraiment conceptualisée à cette période, la terminologie ne connaissant que des termes généraux pour définir les agglomérations, uru en sumérien et ālu(m) en akkadien, qu'il s'agisse de ce que nous caractériserions comme des villes ou des villages. Les grandes villes atteignent en général une taille d'au moins une centaine d'hectares, mais certaines sont beaucoup plus vastes, notamment les grandes capitales des périodes récentes (750 hectares pour Ninive, quasiment 1 000 pour Babylone). Elles sont généralement situées le long de cours d'eau, en particulier dans le sud où il s'agit d'axes de communication essentiels, et les déplacements de ces derniers peuvent les mettre en péril. Les villes mésopotamiennes connaissent en tout cas pour la plupart des alternances de croissance et de déclin rapides, qui sont parfois partagés à une échelle régionale sur une même période, liés à des aléas écologiques ou politiques. Leur développement peut se faire de façon spontanée, ou bien selon une planification, que ce soit à l'échelle d'un quartier ou d'une ville, ce qui est attesté dès les débuts de l'urbanisation, et particulièrement spectaculaire avec les grandes capitales de l'époque néo-assyrienne (Kalkhu, Dur-Sharrukin, Ninive)[121].
230
+
231
+ La société mésopotamienne se divise en deux grands groupes : personnes libres et non-libres (les esclaves).
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+ Les premiers sont une catégorie où l'on peut également distinguer deux groupes (moins évidents à repérer pour le IIIe millénaire av. J.-C.). Le premier (les awīlu(m) du Code de Hammurabi et des Lois assyriennes) est constitué par le personnel travaillant dans le cadre des « Grands organismes », le palais et le temple, qui dispose de ce fait d'une place importante dans la société. Le reste de la société (muškēnum dans le Code d'Hammurabi, aššurayu dans les Lois assyriennes) vit en dehors de ce cercle, dans le cadre de communautés urbaines ou rurales. La stratification sociale ne se fait pas autour d'une conception idéologique de la société distinguant des classes plus prestigieuses que les autres, ce sont les moyens financiers qui paraissent faire la différence, et pour en avoir il faut travailler avec le pouvoir royal ou les temples. Il est pour cela important d'être en bons termes avec le pouvoir royal.
234
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235
+ Les esclaves (sumérien ÌR, akkadien (w)ardu(m)) occupent le bas de l'échelle sociale. Ils sont considérés comme des objets, au service de leur maître. Il y a différentes façons de devenir esclave : s'il ne s'agit pas d'esclaves de naissance, la majorité sont des prisonniers de guerre, et on trouve également des personnes libres tombés en servitude à cause de dettes impayées (ce qui peut n'être que temporaire)[122].
236
+
237
+ Une partie de la société se caractérise par son mode de vie nomade. Les nomades occupent une place importante durant toute l'histoire mésopotamienne (Amorrites, Kassites, Sutéens, Gutis, Araméens, etc.). Ils vivent dans un cadre tribal, organisé autour de grands groupement de tribus et sont dirigés par un « cheikh ». Cette population pratique un nomadisme de type pastoral, se déplaçant avec ses troupeaux, mais il est courant qu'une partie de la communauté cultive des champs et occupe des villages au moins une partie de l'année : on parle donc plutôt de « semi-nomadisme ». Les nomades constituent parfois un danger pour les sociétés sédentaires : leur mode de vie assez précaire les rend plus fragiles aux coups durs (notamment climatiques), ce qui les pousse souvent à se faire pillards en période de crise. De ce fait, ils sont souvent décrits en terme péjoratifs par les lettrés urbains. Ils vivent pourtant généralement en symbiose avec le monde sédentaire : ils se font pasteurs pour les grands organismes, parfois servent comme travailleurs saisonniers, et ils sont souvent appréciés en tant que soldats[123].
238
+
239
+ L'homme occupe alors dans la société mésopotamienne une place importante. Les codes de lois placent la femme à un rang inférieur à l'homme. C'est une « éternelle mineure », qui passe du contrôle de son père à celui de son époux lorsqu'elle est mariée. Le maître de maison est un homme, la femme s'occupant de l'entretien du foyer et de l'éducation des jeunes enfants. Les activités agricoles sont apparemment réservées aux hommes, de même que le commerce et évidemment la guerre, ainsi que la plupart des métiers de l'artisanat, les femmes étant en revanche beaucoup employées dans le textile (filage, tissage) et aussi l'industrie laitière.
240
+
241
+ Les textes de la pratique (jugements, recueils d'incantation, textes et prières mythologiques, recettes de potions de fertilité) montrent l'importance de la procréation dans la famille mésopotamienne et l'existence d'interdits sexuels, notamment le viol et l'inceste qui ne sont pas permis non plus chez les dieux[124].
242
+
243
+ Parce qu'elle a été la première région du Proche-Orient ancien à être étudiée, la Mésopotamie a longtemps été considérée comme le « centre » de celui-ci, le reste étant relégué au rang de « périphérie ». Les découvertes des civilisations sumérienne, babylonienne et assyrienne paraissaient abonder en ce sens. Mais la mise au jour de nouveaux centres fait apparaître que des régions considérées comme marginales étaient très avancées dès une époque reculée (notamment grâce aux archives d'Ebla et de Mari en Syrie, et aujourd'hui de Jiroft en Iran), et n'avaient pas grand-chose à envier à la Mésopotamie contemporaine. L'impossibilité de fouiller sur le sol irakien depuis le début des années 1990 n'a pas été sans effet sur ce changement de perspective.
244
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+ La ressemblance entre la civilisation mésopotamienne et ses voisines peut s'expliquer par le fait qu'elles constituent un territoire ayant partagé une destinée commune depuis la période néolithique. Ceci explique pourquoi on retrouve partout dans cette région de l'Asie un fonds culturel commun, des organisations politiques et sociales similaires en dépit de sa disparité géographique.
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+ Il n'empêche que la Mésopotamie, et en particulier la Basse Mésopotamie a exercé une influence indéniable sur le Proche-Orient ancien, comme aucune autre région. Cela débute avec la période d'Uruk, qui voit une expansion des habitants du futur pays de Sumer dans les régions voisines. La culture élaborée par les Sumériens, puis les Akkadiens a un rayonnement considérable. Son système d'écriture, avec ses méthodes d'apprentissage, sa littérature sont repris en Syrie, en Anatolie, au Levant, en Iran et jusqu'en Égypte à l'époque d'Amarna, quand l'akkadien est la langue des relations internationales.
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+ Babylone, en reprenant cet héritage à partir du IIe millénaire av. J.-C., devient un centre culturel incomparable. C'est d'ailleurs par son nom, repris par la Bible et les auteurs grecs classiques, que la mémoire de la Mésopotamie va subsister avant sa redécouverte avec les fouilles du XIXe siècle, marquant la naissance de l'assyriologie.
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+ Stratigraphie
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+ Paléozoïque Cénozoïque
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+ modifier
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+ Le Mésozoïque (du grec μέσος / mésos (« moyen, médian ») et ζωικός / zôikos (« animalier »)), anciennement appelé Ère secondaire ou Ère des Reptiles, est une ère géologique qui s'étend de −252,2 à −66,0 Ma, au cours de laquelle apparaissent de nombreuses espèces de mammifères et de dinosaures.
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+ Sa limite inférieure correspond à l'extinction Permien-Trias et sa limite supérieure à l'extinction Crétacé-Paléogène.
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+ Le terme mésozoïque a été créé en 1840 par le géologue britannique John Phillips[1]. Ce terme signifie la « vie au milieu », comparativement à la « vie ancienne » du Paléozoïque et de la « vie récente » du cénozoïque, car les fossiles retrouvés correspondent à différentes strates géologiques
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+ Le terme Ère secondaire remonte au XVIIIe siècle en France.
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+ Le Mésozoïque, d'une durée totale de 186,2 Ma, comprend les trois périodes suivantes[2] :
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17
+ Au début du Mésozoïque, la totalité des terres émergées était rassemblée en un seul continent appelé Pangée[3]. À partir du début du Trias, la Pangée se divise en deux ensembles continentaux, Laurasia au Nord et Gondwana au Sud.
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+ Laurasia se divise à son tour en Amérique du Nord et Eurasie tandis que Gondwana se sépare en quatre continents : Amérique du Sud, Afrique, Australie et Antarctique. La mer Thétys apparaît également durant cette période.
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+
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+ La géologie a des conséquences sur l'évolution des animaux terrestres, car la séparation des plaques par des mers ou des océans entraîne des contraintes évolutives différentes[3].
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+
23
+ Pendant cette ère, un intense volcanisme est responsable de la fracturation de la Pangée.[réf. nécessaire]
24
+
25
+ Du point de vue du climat, l'uniformité qui régnait à l'époque primaire a disparu. L'étude des fossiles marins montre que la surface terrestre pouvait se diviser en trois zones climatiques, depuis chacun des pôles jusqu'à l'équateur. Il existait, comme aujourd'hui, des zones glaciales autour des pôles, caractérisées par une faune très pauvre, de la neige blanche et épaisse et des paysages montagneux ; des zones tempérées avec une faune plus riche, caractérisées surtout par l'abondance des coralliaires ; une zone équatoriale où la vie atteignait le maximum d'intensité.
26
+
27
+ Le climat était plus chaud qu'actuellement, et on n'a pas relevé de glaciation pendant tout le Mésozoïque[4]. S'il n'existait pas de calottes glaciaires aux pôles, le climat y était cependant rigoureux, puisqu'on n'y retrouve pas de fossiles d'animaux à « sang froid » comme les tortues ou les crocodiles[5].
28
+
29
+ L'atmosphère est chargée de gaz carbonique ce qui influence beaucoup l'environnement. La végétation devient moins luxuriante, ce qui ne l'empêche pas de présenter des formes beaucoup plus nombreuses et supérieures à celles de l'époque primaire. Les cryptogames n'ont plus des dimensions aussi gigantesques, mais les cycadées et les conifères envahissent les terrains désormais plus secs. Vers la fin de l'époque secondaire, on voit apparaître les monocotylédones et les dicotylédones angiospermes, qui prendront un grand développement pendant l'âge tertiaire.
30
+
31
+ Le Mésozoïque est connu sous le nom plus familier d'âge des dinosaures, mais il est aussi marqué par l'apparition des oiseaux, des mammifères et des plantes angiospermes.
32
+
33
+ Il est caractérisé par une famille nouvelle de céphalopodes, celle des ammonites, qui apparaît au début et s'éteint à la fin de cet âge.
34
+
35
+ La faune secondaire comprend des protozoaires parmi lesquels les foraminifères perforés sont très abondants ; des spongiaires ; des polypes ; les crinoïdes pentacrines sont très nombreux ; les insectes particulièrement abondants dans le Jurassique ; les bélemnites, voisines de la seiche, nombreuses aussi.
36
+
37
+ La faune supérieure comprend des poissons dont l'ossification est beaucoup plus avancée qu'à l'époque primaire : les téléostéens apparaissent dans le Trias.
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+
39
+ Les principaux diapsides sont :
40
+
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+ Les oiseaux qui apparaissent à l'époque secondaire sont représentés d'abord par Archaeopteryx, le premier oiseau connu, puis par Hesperornis et Ichthyornis.
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+
43
+ Enfin, les mammifères sont représentés par l'ordre des Protothériens, mammifères pourvus d'une poche marsupiale.
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+
45
+ À la fin de cette ère, toutes les formes de vie modernes existent, bien que dans certains cas, et en particulier celui des mammifères, il s'agisse de formes primitives.
46
+
47
+ Les gisements connus se comptent par centaines, mais le plus spectaculaire (en termes de nombre de squelettes de vertébrés et de conservation) est le site des « collines brunes » (Ukhaa Tolgod), correspondant au Crétacé supérieur.
48
+ Il est situé en Mongolie dans le désert de Gobi[6]. Là, bien que seule une zone d'environ 4 km2 ait été complètement fouillée, cette zone est en 2015 « la plus forte concentration de crânes et de squelettes de mammifères jamais trouvée pour tout le Mésozoïque »[6] ; plus de 400 mammifères et lézards y ont été déclarés en 2015 rien que dans la zone de collecte principale, mais on a aussi trouvé des restes de l'oiseau Mononykus et des sites de nidification de dinosaures avec notamment le premier fossile connu d'embryon de dinosaure théropode[6]. Par rapport aux autres gisements du Mésozoïque, la diversité et l'abondance des théropodes, mammifères et lézards est ici anormalement élevée[6]. L'état exceptionnel des ossements de vertébrés d'Ukhaa Tolgod pourrait être expliqué par un paléoclimat aride ayant périodiquement causé une forte mortalité par des catastrophes de type tempête de sable majeure plutôt que coulée de boue ou enlisement ; en effet, si les faciès géologiques d'Ukhaa Tolgod sont de type fluvial, ils ont conservé des taux localement élevés de faciès éoliens qui plaident en faveur de l'hypothèse des tempêtes de sable, phénomène non retrouvé pour les gisements terrestres du Crétacé supérieur connus en Amérique du Nord et du Sud (où les fossiles sont presque tous trouvés dans des dépôts fluviaux)[6].
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+ Des gisements plus discrets mais qui ont eu une grande importance dans les mers sont les récifs d'éponges.
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Améliorez sa vérifiabilité en les associant par des références à l'aide d'appels de notes.
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3
+ La communication est l'ensemble des interactions avec autrui qui transmettent une quelconque information. On distingue la communication interpersonnelle, la communication de groupe et la communication de masse, c'est-à-dire de l'ensemble des moyens et techniques permettant la diffusion du message d'une organisation sociale auprès d'une large audience.
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+ Elle concerne aussi bien l'être humain, l'animal, la plante (communication intra- ou inter- espèces) ou la machine (télécommunications, nouvelles technologies…), ainsi que leurs hybrides : homme-animal, hommes-technologies… C'est une science partagée par plusieurs disciplines qui ne répond pas à une définition unique. Comme le constate Daniel Bougnoux : « Nulle part ni pour personne n'existe LA communication. Ce terme recouvre trop de pratiques, nécessairement disparates, indéfiniment ouvertes et non dénombrables[1] ». Si tout le monde s'accorde pour la définir au moins comme un processus, les points de vue divergent lorsqu'il s'agit de la qualifier.
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7
+ Les « sciences de l'information et de la communication » proposent une approche de la communication basée sur la théorie de l'information, éventuellement complétée par les apports des sciences cognitives. La psychologie sociale s'intéresse essentiellement à la communication interpersonnelle. La psychanalyse traite de la communication intra-psychique.
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+
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+ Un métier de la communication est une activité professionnelle destinée à convaincre ou persuader à travers les médias, le nom moderne de la rhétorique.
10
+
11
+ Entre humains, la pratique de la communication est indissociable de la vie en société. La science de la communication — en tant qu'étude de cette pratique — englobe un champ très vaste que l'on peut diviser en plusieurs niveaux décrits ci-dessous.
12
+
13
+ La communication humaine comporte une part de rhétorique, art de convaincre ou de persuader, et discipline qui étudie les moyens de le faire, paroles, diction, gestes, attitudes. La rhétorique, dont l'enseignement remonte à la Grèce antique, implique une intention consciente. L'interlocuteur peut aussi analyser avec une certaine distance l'action de l'interlocuteur, la nature des figures de style qu'il emploie, sa communication non verbale[2]. Quand ce n'est pas le cas, et que s'instaure un rapport de domination, ou qu'une des deux personnes agit de façon dissimulée sur le contexte (Gaslighting), la communication peut se qualifier de manipulation mentale[réf. souhaitée].
14
+
15
+ Au milieu du XXème siècle, l'école de Palo Alto, influencée par le courant cybernétique de Norbert Wiener, généralise les apports de la théorie mathématique de la communication aux relations entre les êtres vivants[3] : la communication interpersonnelle y est fondée sur la relation de personne à personne, chacune étant à tour de rôle l'émetteur et/ou le récepteur dans une relation de face à face : la rétroaction est censée être facilitée sinon quasi systématique[réf. souhaitée]. L'interactionnisme symbolique de George Herbert Mead, puis les travaux d'Erwin Goffman, complètent alors l'analyse des situations où les acteurs s'influencent réciproquement et coordonnent leurs actions sans réflexion préalable.
16
+
17
+ Un réseau français des chercheurs en anthropologie de la communication a été constitué en sciences de l'information et de la communication (SIC), en France à la fin du XXème siècle. Il est initié à partir de l'analyse des travaux de Palo Alto, et en particulier par ceux d'Erving Goffman et de Gregory Bateson, à partir des publications du Belge Yves Winkin (1981). Stéphane Olivesi effectue quelque temps après des variations critiques autour de l’École de Palo Alto en vue de passer d'une « anthropologie à une épistémologie de la communication » (1997). L'Argentin Eliseo Veron (1987), qui a rencontré Lévi-Strauss et l'a traduit, développera un modèle sémio-anthropologique[4], l'enseignera à l'université Paris VIII où il dirigea le département des sciences de l'information et de la communication. Constatant que les acteurs impliqués dans une relation de face à face n'ont pas la distance et le temps pour « décortiquer » rationnellement la complexité de ce qui se passe ici et maintenant, Béatrice Galinon-Mélénec, effectue l'analyse des relations de face à face à partir d'une analyse des flux d'interactions qui s'établissent entre « Hommes-traces » (« corps-traces ») via une interactions de « signes-traces » (2011)[5]. Cette anthropo-sémiotique constitue une critique des approches de la communication interpersonnelle orientée vers la seule rhétorique argumentaire. Dans la lignée de l'anthropologie des mondes contemporains, on trouve Pascal Lardellier dont la recherche porte sur les rites sociaux[6]. Paul Rasse[7], vice-président de la SFSIC, développe quant à lui une « anthropologie des technologies de la communication ». Joanna Nowicki, chercheuse en SIC née en Pologne, explore l'anthropologie inter culturelle via L'homme des confins (2008).
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+ Le modèle cybernétique, quant à lui, fait correspondre le message à un répertoire de significations. Ce modèle s'appuie sur des significations symboliques. Or les perceptions humaines ne se limitent pas à ces dernières, même si toute perception comporte une part de connaissances de symboles. L'interprétation des messages comme celle des situations dans laquelle on se trouve varie selon des hypothèses... que par la suite on peut remettre en cause. Certes, l'usage rituel, coutumier, normal, de paroles ou de gestes orientent les associations interprétatives auxquelles ils donnent lieu[8] et cadrent l'expérience de la communication mais la relation entre humains ne se réduit pas à cette canalisation socialement construite.
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+ La communication de groupe part de plus d'un émetteur s'adressant à une catégorie d'individus bien définis, par un message ciblé sur leur compréhension et leur culture propre.
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+ C'est celle qui est apparue avec les formes modernes de culture, souvent axées sur la culture de masse (société de consommation), dont la publicité ciblée est la plus récente et la plus manifeste.
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+ Les effets de la communication de groupe se situent entre ceux de la communication interpersonnelle et ceux de la communication de masse.
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+ La communication de groupe est aussi complexe et multiple car elle est liée à la taille du groupe, la fonction du groupe et la personnalité des membres qui le composent.On peut également intégrer cette notion dans la communication interne à une entité. Les groupes peuvent alors être des catégories de personnels, des individus au sein d'un même service, etc.
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+ On peut aussi intégrer cette notion à une communication externe ciblée vers certains partenaires ou parties prenantes de l'entité.
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+ Dans la communication de masse, un émetteur (ou un ensemble d'émetteurs liés entre eux) s'adresse à un ensemble de récepteurs disponibles plus ou moins ciblés. Là, la compréhension est considérée comme la moins bonne, car le bruit est fort, mais les récepteurs bien plus nombreux. Elle dispose rarement d'une rétroaction, ou alors très lente (on a vu des campagnes jugées agaçantes par des consommateurs, couches pour bébé par exemple, conduire à des baisses de ventes du produit vanté).
32
+
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+ Ce type de communication émerge avec :
34
+
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+ Aujourd'hui, les NTIC et en particulier Internet abaissent à un niveau sans précédent le coût de communication et de plus rendent la rétroaction possible.
36
+
37
+ En France, l'État lie significativement Culture et Communication en les confiant à un même ministère.
38
+
39
+ « Psychologie des foules » (1895) du psychopathologue Gustave Le Bon est un ouvrage considéré comme fondateur de la notion de « masse », bien qu'il soit contestable sur son contenu et son objectivité. La persuasion clandestine, ouvrage de Vance Packard, montre à ce sujet que la science de la manipulation était déjà bien avancée en 1957. Retour au meilleur des mondes d'Aldous Huxley va dans le même sens.
40
+
41
+ L'image que nous donnons doit être confirmée par autrui. Le fait que le rôle, le statut et la place des acteurs soient bien identifiés permet aux interlocuteurs de se reconnaître dans une position sociale, d'éviter les mal-entendus, les conflits, et d'assurer la crédibilité. L'identité situationnelle du locuteur est repérable dans l'énonciation.
42
+
43
+ Pour une entreprise, l'image de marque correspond à l'identité de l'entreprise perçue par ses parties prenantes. Toute atteinte à l'image de marque est un risque de réputation, préjudiciable à la bonne marche de l'entreprise, à sa crédibilité et à la confiance que lui accordent ses clients.
44
+
45
+ Une communication habile est synonyme d'influence. La prolifération du renseignement d'origine source ouverte, les publications d'organisations non gouvernementales dans le contexte de mondialisation, sous l'influence de l'idéologie de la transparence démocratique ou des théories du complot, peut menacer la souveraineté et l'indépendance des États[réf. nécessaire].
46
+
47
+ La communication et le secret sont des composantes essentielles du fonctionnement de toute organisation sociale. Ces deux pôles déterminent ses limites et son autonomie.
48
+
49
+ Ils s'exercent dans la diplomatie et l'exercice de la souveraineté d'une État. Lorsqu'un chef d'État ou un représentant d'un gouvernement s'exprime lors d'une réunion internationale, d'un sommet de la Terre, d'une conférence internationale sur un sujet d'intérêt mondial (commerce international, gestion de l'eau, santé, biodiversité), la communication est essentielle sur le plan de la perception de l'autorité[réf. souhaitée].
50
+
51
+ L'espace physique et psychique (intime) doit être protégé. Dans toute organisation, chacun défend son espace et évite les intrusions injustifiées.
52
+
53
+ Dans la vie économique territoriale, pour l'organisation de pôles de compétence par exemple, la communication s'établit entre des organisations très différentes : services déconcentrés des États en régions (Länder…), conseils régionaux, directions régionales de groupes industriels, petites et moyennes entreprises, chambres de commerce et d'industrie, universités et grandes écoles, centre d'études et de recherches.
54
+
55
+ Afin de se comprendre avec toutes les précisions du langage, il est souvent préférable, au niveau régional ou local en tous cas, d'utiliser la langue maternelle, quitte à employer une langue véhiculaire lors des séjours internationaux.
56
+
57
+ L'importance de la langue dans la communication apparaît au cours de l'Histoire. Les traductions en du Livre des merveilles du monde de Jean de Mandeville eurent un impact considérable au XIVe et XVe siècles sur les explorateurs (notamment Christophe Colomb), peut-être davantage que le Devisement du monde qui relatait les voyages supposés de Marco Polo. François Ier fait en 1539 de la langue vernaculaire la langue officielle en imposant par l'Ordonnance de Villers-Cotterêts de diffuser les actes administratifs et juridiques en français et non plus en latin.
58
+
59
+ L'utilisation du français ou de l'anglais est un enjeu quotidien au sein de la relation Québec-Canada.
60
+
61
+ Il est souvent reconnu que l'influence culturelle et économique d'un pays se perçoit par l'influence et l'utilisation de sa langue[réf. souhaitée]. On notera donc l'influence forte de l'anglais et du chinois actuellement. Mais au temps de Louis XIV, la langue de la diplomatie et de la noblesse était le français.
62
+
63
+ On a vu aussi l'impact considérable qu'eurent, au XVIIe siècle, certaines œuvres écrites en français, dans des domaines qui restaient encore réservés au latin : l'Utopia de Thomas More, le Discours de la méthode de Descartes (1637), les Provinciales de Pascal (1656). Au XVIIIe et XIXe siècles, la Bible de Sacy eut un impact considérable sur la littérature. Au XVIIIe siècle, les cours européennes communiquaient en français.
64
+
65
+ L'anglais aujourd'hui est largement employé pour la communication dans de nombreux domaines (informatique, affaires, sciences essentiellement). Les langues ont des statuts de communication très différents : les six langues officielles des Nations unies sont l'anglais, l'espagnol, le français, le russe, l'arabe et le chinois.
66
+
67
+ Néanmoins, les langues maternelles restent les langues de communication localement, en particulier en Europe, qui a défini une politique sur ce point.
68
+
69
+ Les langues ne sont pas forcément parlées. Elles peuvent aussi être gestuelles. La Langue des signes française permet par exemple de communiquer entre et avec les malentendants et les non-entendant. C'est une langue à part entière, et qui connaît sa propre évolution. Au Québec il s'agit de la langue des signes québécoise.
70
+
71
+ Se référer à la Langue des signes, au Braille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (article 2).
72
+
73
+ La communication est le passage obligé pour entrer en relation avec autrui.
74
+
75
+ À ce stade, il faut noter l'importance des moyens de télécommunication basés sur des techniques optiques, électriques et électroniques, développées depuis le XIXe siècle. Le télégraphe électrique fonctionne à partir de 1838, le téléphone à la fin du siècle.
76
+
77
+ Les autres médias fondés sur les techniques électroniques, radio à partir des années 1920, télévision après la Seconde Guerre mondiale sont des moyens de diffusion, sans possibilité d'interaction avec la plupart des auditeurs.
78
+
79
+ Avec les dernières générations d'outils de télécommunications électroniques, la rétroaction devient plus aisée, et les messages se sont beaucoup enrichis (documents, images). Les messageries électroniques, l'internet… permettent d'atteindre des groupes de personnes, et de faire une véritable communication de groupe.
80
+
81
+ Les aspects techniques de la communication ne doivent pas cacher l'essentiel : la communication a pour objectif de faire passer un message.
82
+
83
+ L'avènement de l'internet depuis les années 1960 a suscité diverses études de la part de philosophes et de sociologues. Parmi ces études, on retiendra celles de Pierre Musso et de Philippe Breton, qui, sous des arguments un peu différents, portent le même diagnostic : la communication a tendance à être instrumentalisée par les outils de télécommunication et les technologies de l'information. L'idée est qu'il existe une croyance selon laquelle on communique bien parce que l'on dispose de moyens techniques sophistiqués (dernière version du logiciel, mobile…). Pierre Musso note que cette croyance serait fondée sur la philosophie des réseaux, sorte de pseudo-« religion » qui serait la résurgence de la philosophie de Saint-Simon[9], fondée sur le principe de gravitation universelle.
84
+
85
+ En réalité, sur le fond, la communication cherche bien à répondre à l'un des objectifs suivants :
86
+
87
+ On parle alors d'enjeux de la communication. Ces enjeux sont liés aux différentes fonctions du message (voir les concepts de Roman Jakobson).
88
+
89
+ On voit qu'une communication trop axée sur des moyens techniques peut faire oublier les risques inhérents à la communication.
90
+
91
+ Concernant la communication en tant que science, certaines notions ont été dégagées par les différents modèles de communication explicités plus bas.
92
+
93
+ Durant les années 1980, S. H. Chaffee et C. R. Berger proposèrent une définition généraliste qui reste de nos jours une base connue des sciences de la communication : « La science de la communication cherche à comprendre la production, le traitement et les effets des symboles et des systèmes de signes par des théories analysables, contenant des généralisations légitimes permettant d'expliquer les phénomènes associés à la production, aux traitements et aux effets. » (traduit de l'anglais)
94
+
95
+ Selon Paul Watzlawick, chercheur de l’École de Palo Alto, la communication est de l'ordre de la « relation », l'information de l'ordre du « contenu » d'un message[10].
96
+
97
+ Au moment de la naissance de la discipline des sciences de l'information et de la communication en France (1975-1995) Daniel Bougnoux distingue information et communication dans un ouvrage didactique qui regroupe des textes de nombreux auteurs susceptibles d'illustrer l'un ou l'autre terme[11]. Pour lui, la communication est de l'ordre du « chaud » et l'information de l'ordre du « froid ».
98
+
99
+ Pour Dominique Wolton, spécialiste de la communication politique[12], pendant des siècles, la rareté de l'information et la difficulté de sa transmission étaient telles « que l'on croyait de bonne foi que l'information créait de la communication ». (...) La « croissance de l'information et sa multiplication, comme l'hétérogénéité des récepteurs rendent finalement visible cette dissociation entre information et communication ». (...) L'explosion de la "communication" telle qu'elle est comprise en général peut même amplifier l'incommunication »[13].
100
+
101
+ Au sein du CNU (comité national des universités), dans la section SIC n°71 fondée en 1975, l'influence respective des recherches de l'information et de la communication fluctuent. Avec le développement d'Internet, les questions se portent fréquemment sur la façon dont ce média influence la qualité de l'une et de l'autre.
102
+
103
+ Selon Irène Lautier[14], pour Dominique Wolton, le mot « information » fut « d'abord lié à une revendication politique : la liberté d'information comme condition de la démocratie et le complément de la liberté de conscience » puis « le symbole de la presse » et du « droit de savoir ce qu'il se passe », avant d'être repris dans l'informatique, pour parler de « système d'information »[15]. Le développement d'Internet a encore modifié la donne, avec l'explosion des communications sous forme de blogs et de mailing, où la part d'information vérifiée et codifiée fut dès le départ très modeste et beaucoup plus faible que dans les « systèmes d'information » des entreprises. Cette masse croissante de communication a suscité une demande de journalisme plus indépendant, capable de la trier, recouper, hiérarchiser, pour transformer de simples émetteurs de message en sources d'information, en allant jusqu'à assurer la protection de l'anonymat quand c'est nécessaire, afin de rétablir une relative hiérarchie entre les différents émetteurs de message, basée plus sur la compétence et la fiabilité que sur la puissance et la motivation. La protection des sources d'information des journalistes permet par ailleurs de vérifier auprès des institutions et entreprises que la communication affichée à l'extérieur par le porte-parole officiel correspond bien à la réalité vécue à l'intérieur.
104
+
105
+ Une communication verbale est faite de signes linguistiques.
106
+
107
+ Ces signes confèrent un corpus appelé langue, ou plus généralement langage, mais les linguistes viennent à distinguer langue et langage.
108
+
109
+ L'écriture, la langue des signes, la voix sont des médias, des moyens de communiquer. L'art de conceptualiser ce message dans un langage afin de minimiser les interférences est appelé la rhétorique. Aristote et Cicéron étaient des théoriciens de rhétorique, qui devint l'un des sept arts libéraux dans le haut Moyen Âge.
110
+
111
+ Est dite « non verbale » une communication basée sur la compréhension implicite de signes non exprimés par un langage : l'art, la musique, la kinesthésie, les couleurs, voire les vêtements ou les odeurs. Ces signes, leur assemblage et leur compréhension ou leur interprétation sont dans leur grande majorité dépendants de la culture. La communication non verbale peut ainsi être ambiguë (Adler, 2013). Par exemple, un clin d'œil peut être interprété différemment d'un individu à l'autre. Pour certains, il pourra s'agir d'un signe de remerciement, alors que pour d'autres, il pourra s'agir d'un manque d'assurance. Ce type de signe ayant une signification différente selon les cultures est nommé « emblème ».
112
+
113
+ Mais on définit en premier lieu la communication non verbale à travers le corps, la posture, les gestes ou encore les différentes expressions du visage.
114
+
115
+ Le mot verbal peut également être compris comme exprimé de vive voix (Petit Larousse). On parlera alors de communication verbale, par opposition à la communication écrite. Mais la communication n'est pas qu'orale. Elle est aussi non verbale (voir plus bas).
116
+
117
+ La communication passe donc aussi par le corps. Ainsi elle sera non verbale ou plutôt non verbalisée. La communication non verbale peut être para-verbale, c'est-à-dire qui accompagne la vocalisation. Ainsi lorsque le locuteur explique qu'il faut aller à droite et qu'il bouge sa main dans cette direction, c'est un cas de communication para verbale. Croiser les bras dans un signe de protection est aussi une communication non verbale. Mais ici ce sera pour dire que : « je me retranche derrière mes idées laissez-moi tranquille ». Mimiques et posture font partie de la communication.
118
+
119
+ Des gestes risquent de faire passer un message comme plus fort, plus prononcé que ce que l'on dit.
120
+
121
+ Le ton d'un message est aussi une forme de non-verbal. C'est cette base, le non-verbal, qui définit par exemple ce qu'on appelle le jeu d'un acteur, au théâtre.
122
+
123
+ On parle d’intelligence non verbale lorsqu'une personne utilise à la fois ses capacités d'écoute et d'observation pour analyser son interlocuteur. Cette analyse en temps réel au cours de la relation porte sur l'ensemble de sa communication, ainsi que sur ses actions et réactions dans un environnement donné. L'objectif étant l'optimisation de la communication et des relations. La maîtrise de la communication non verbale et verbale, ainsi que l'exploitation des erreurs de perception (biais cognitifs) permettent d'influencer l'issue de la relation et des échanges, selon la thèse défendue par Eric Goulard[16],[17],[18].
124
+
125
+ Une communication est gravée dans un contexte. Elle peut avoir lieu à un instant donné, dans un lieu donné, et vis-à-vis d'une situation, d'un évènement donné.
126
+
127
+ Tout cet environnement, qui ne fait pas partie de la communication à proprement parler, mais qui accompagne cette communication, est appelé contexte. L'environnement peut générer du bruit, ou être source d'interférences.
128
+
129
+ La philosophie du langage s'intéresse au contexte, et la linguistique précise le contexte d'une phrase : voir contexte (linguistique).
130
+
131
+ Le contexte intervient dans les enjeux cités plus haut : culture, changement de médias, langue, souveraineté, identité, dynamisme des territoires, mise en réseau.
132
+
133
+ On nomme réseau un ensemble d'acteurs, d'agents économiques, de nœuds, ou lieux de communication grâce auxquels les messages circulent. L'information se concentre et se redistribue ainsi.
134
+
135
+ Réseaux sociaux
136
+
137
+ Un réseau social est un agencement de liens entre des individus et/ou des organisations, possédant des intérêts communs (par exemple réseaux d'anciens élèves de grandes écoles, d'universités, d'associations, d'ONG, de centres de recherche, d'organismes publics...). Par extension, l’expression « réseaux sociaux » désigne les « médias sociaux », qui sont les applications web qui permettent la création et la publication de contenus générés par l’utilisateur[19] et le développement de réseaux sociaux en ligne en connectant les profils des utilisateurs[20].
138
+
139
+ Voir dans le cas d'entreprises : Entreprise étendue.
140
+
141
+ Sur le plan technique
142
+
143
+ Des réseaux de transport (routes, canaux, chemins de fer), des réseaux de télécommunications et informatiques (télégraphe, téléphonie, web) se sont développés considérablement depuis deux siècles.
144
+
145
+ Voir aussi sur ce sujet : télécommunications, sémaphore, télégraphie, téléphonie.
146
+
147
+ Interactions informelles
148
+
149
+ On découvrit dans les années 1960 que la généralisation des ascenseurs automatiques, qui supprimait les garçons d'ascenseur, supprimait un nœud important de communication informelle entre les étages d'une entreprise (car le garçon d'ascenseur connaissait tout le monde et tout le monde lui parlait). Ce rôle a été partiellement remplacé par les coins café considérés aujourd'hui comme indispensables dans les bureaux, et lieux d'échanges informels souvent importants.
150
+
151
+ Une communication qui peut durer dans le temps (le message n'est pas supprimé au moment où il est envoyé) est dite « intemporelle ». Par exemple, un message rédigé dans un livre est intemporel. Cette notion est liée au contact entre les entités qui communiquent. Un message éphémère, lui, est dit « temporel ». Par exemple, une discussion orale est éphémère, temporelle. La communication est notamment enseignée dans les écoles d'ingénieurs.
152
+
153
+ Dans l'espace, une communication peut être :
154
+
155
+ Cette notion est liée à l'expression du contact entre les entités qui communiquent.
156
+
157
+ Le code (information) est un concept souvent mis en avant dans la vision mécaniste de la communication. Il est pourtant rarement adéquat, ne s'appliquant bien qu'aux seules situations hiérarchiques et autoritaires : interface homme-machine, relations homme-animal, etc. Par extension et d'une manière pessimiste, la notion de code est souvent employée pour l'étude des relations humaines.
158
+
159
+ Dans ce cadre simplifié, pour communiquer, l'émetteur et le récepteur doivent disposer d'un code commun. La communication se caractérise alors surtout par l'utilisation d'un code établissant les correspondances entre un signe et son sens qui doit être commun aux interlocuteurs. L'absence de code commun entre émetteur et récepteur est l'une des sources d'échecs de la communication, chacun pouvant supposer que l'autre comprend son code, sans que ce soit le cas :
160
+
161
+ Dans tous ces exemples, la notion de code explique l'incompréhension entre les êtres humains; mais la notion n'explique pas pour autant la compréhension. Or les situations sont courantes où le défaut de code n'apporte pas de catastrophe, au contraire : relations sourd-entendant, relations aveugle-voyant, relations entre étrangers sans mots communs, etc. Entre humains, on peut toujours essayer de se faire comprendre ; essayez donc de vous « faire comprendre » d'un ordinateur qui détecte une faute de syntaxe dans l'ordre envoyé. Non, décidément, le code est une notion trop évidente pour être utilisée sans pincettes.
162
+
163
+ La communication consiste à transmettre un message afin d'établir un contact. L'établissement du contact comporte certains risques, notamment lors de l'« ouverture » et « fermeture » de la communication. Les risques d'intrusion, de non-réponse, de blocage et d'abandon existent réellement. Ce point fait l'objet de la confidentialité en sécurité de l'information, on l'appelle le message.
164
+
165
+ On désigne sous ce terme tout ce qui rend la communication possible ou plus aisée sans rapport avec le contenu de la communication elle-même.
166
+
167
+ Attendre une tonalité pour numéroter, demander à l'interlocuteur de se répéter, épeler son nom, s'entendre tacitement sur le moment où une communication sera considérée comme terminée font partie des protocoles.
168
+
169
+ La mise en œuvre d'un protocole demande la définition de normes élaborées.
170
+
171
+ Voir aussi :
172
+
173
+ Le message de Rétroaction (ou Feedback en anglais), est le message, verbal ou non, renvoyé sous forme de réaction par le récepteur, à l'émetteur. La possibilité d'obtenir et de traiter une telle réponse ouvre la voie à la communication bidirectionnelle. Selon les cas, le feed-back consiste à confirmer ou infirmer la réception du message, demander des précisions, relancer ou terminer la discussion.
174
+
175
+ La notion de rétroaction (feed-back) est issue des travaux de Norbert Wiener dans les années 1950 sur la cybernétique[21]. Elle correspond au saut technologique du passage de la mécanographie à l'informatique, et à l'apparition des premiers ordinateurs basés sur des technologies électroniques. Cette notion montre qu'il existe à côté de la vision linéaire (unidirectionnelle) de la communication la possibilité et l'intérêt de créer et d'entretenir un processus circulaire (bidirectionnelle) avec trois formes de Feed-Back :
176
+
177
+ La boucle de rétroaction a conduit à définir des modèles théoriques et systémiques de système d'information (niveaux opérationnel, organisationnel, décisionnel).
178
+
179
+ De nombreux théoriciens de la communication ont cherché à conceptualiser « le processus de communication ». La liste présentée ci-après ne peut prétendre être exhaustive, tant les modèles sont nombreux et complémentaires. L'objectif est de fournir un aperçu de l'évolution générale en explicitant les modèles les plus connus ainsi que leurs apports.
180
+
181
+ Le modèle de Claude Shannon et Weaver[22] désigne un modèle linéaire simple de la communication : cette dernière y est réduite à sa plus simple expression, la transmission d'un message. On peut résumer ce modèle en :
182
+
183
+ Un émetteur, grâce à un codage, envoie un message à un récepteur qui effectue le décodage dans un contexte perturbé de bruit.
184
+
185
+ Apparu dans Théorie mathématique de la communication (1948), ce schéma sert à deux mathématiciens Claude Shannon (père entre autres de nombreux concepts informatiques modernes) et Warren Weaver (scientifique versé tant dans la vulgarisation que la direction de grands instituts), à illustrer le travail de mesure de l'information entrepris pendant la Seconde Guerre mondiale par Claude Shannon (ce dernier a été embauché par Weaver à l'Office of Scientific Research and Development pour découvrir, dans le code ennemi, les parties chiffrées du signal au milieu du brouillage). À l'origine, les recherches de Shannon ne concernent pas la communication, mais bien le renseignement militaire. C'est Weaver qui a « traduit » la notion de brouillage par celle de « bruit », la notion de signal par « message », la notion de codeur par « émetteur », la notion de décodeur par « récepteur »… Jusqu'à la fin de sa vie, Claude Shannon se défendra contre la reprise du soi-disant modèle pour autre chose que des considérations mathématiques.
186
+
187
+ Le modèle dit de Shannon et Weaver n'a en effet de prétention qu'illustrative. Mais il a souvent été pris au pied de la lettre, révélant alors la forte influence béhavioriste du modèle de Pavlov (stimulus-réponse).
188
+
189
+ Ce modèle, malgré son immense popularité (on le trouve cité souvent comme « le modèle canonique de la communication »[réf. souhaitée]), ne s'applique pas à toutes les situations de communication et présente de très nombreux défauts :
190
+
191
+ En sus de sa linéarité, le modèle de Shannon et Weaver considère que le récepteur est passif : toutes les recherches en sciences de l'information et de la communication montrent que cela est simpliste, ou faux.
192
+
193
+ Harold Dwight Lasswell, politologue et psychiatre américain, s'est fait un nom en modélisant la communication de masse à travers les questions : « Qui, dit quoi, par quel canal, à qui et avec quel effet ? ». Questions reprises de la méthode que Quintilien, pédagogue latin du Ier siècle, enseignait à ses apprentis rhéteurs.
194
+
195
+ Ce modèle conçoit la communication comme étant un processus d'influence et de persuasion, très proche de la publicité. Ce modèle dépasse la simple transmission du message (même s'il y reste centré) et envisage notamment les notions d'étapes de communication, la capacité de pluralité des émetteurs et des récepteurs et de finalité d'une communication (ses enjeux).
196
+
197
+ Pourtant il est critiquable, sur la même base que les critiques émises contre le modèle de Claude Shannon et Weaver. En effet, il envisage la communication comme une relation d'autorité et de persuasion. Et il néglige le message de rétroaction, ainsi que les notions de psychologie et de sociologie de part et d'autre de la relation de communication. Le récepteur est toujours considéré comme passif, ce qui est encore inexact, car il existe en général interaction entre l'émetteur et le récepteur, ce qui n'est pas pris en compte dans ce modèle.
198
+
199
+ L'un de ses ouvrages majeurs, Propaganda Technique in the World War (1927), fait partie des ouvrages de référence dans l'usage de la propagande dans la Seconde Guerre mondiale. Sa vision autoritaire, voire autoritariste de la communication, lui vaut de nombreux ennemis, encore aujourd'hui.
200
+
201
+ Ce modèle est à lier par antithèse aux travaux de Marshall McLuhan (La Galaxie Gutenberg, 1967) et Régis Debray (Traité de médiologie, 1991).
202
+
203
+ Le linguiste russe Roman Jakobson (1896-1982) propose un autre modèle. Basé sur la linguistique, il développe un point de vue centré non plus sur la transmission d'un message, mais sur le message lui-même, évitant ainsi les dangers d'instrumentalisation technique (voir sur ce point philosophie des réseaux).
204
+
205
+ Il est composé de six facteurs. À chacun de ces facteurs est lié une fonction du message, explicitée par Jakobson.
206
+
207
+ On notera l'apparition ou la réapparition des trois dernières notions (contexte, code, contact) qui complètent énormément la vision d'ensemble sur ce qu'est une communication.
208
+
209
+ Certains facteurs peuvent être considérés comme des agents de communication (destinataire). Sur le contexte, voir l'article perception de l'environnement.
210
+
211
+ Ces travaux sont à lier à l'impulsion linguistique de Ferdinand de Saussure, conceptuelle de Shannon et Weaver, et philosophique de John L. Austin.
212
+
213
+ George Gerbner, sociologue des années 1950, avait l'ambition de formuler un modèle général de la communication. Il présente en 1956 un modèle beaucoup plus complexe que les précédents. Son modèle s'articule autour de deux propositions essentielles :
214
+
215
+ Le trait particulier de ce modèle est qu'on peut l'appliquer aux différentes formes de communication en fonction du contexte. Il convient à un acte de communication interpersonnelle entre deux personnes mais aussi au processus plus complexe de la communication de masse.
216
+
217
+ Theodore M. Newcomb, en 1953, présente le modèle ABX triangulaire et devient le premier à introduire le rôle de communication dans la relation sociale.
218
+
219
+ Newcomb relève en effet dans les relations sociales deux dimensions[23]. L'attitude, qui est la qualité du lien affectif, et l'union qui est la spécificité du lien. À travers ces deux grilles d'analyse, il va s'intéresser à l'équilibre ou le déséquilibre d'une relation sociale. Une relation est dite équilibrée lorsque les attitudes ont la même orientation. Son hypothèse est que nous sommes tous à la recherche d'un équilibre dans la situation de communication. S'il n'est pas atteint, nous souhaiterons alors soit réduire ce déséquilibre, soit rompre la relation. Newcomb s'intéresse donc à la notion de similarité, à leur possession, leur association ou à leur contraire.
220
+
221
+ Il nous fait également remarquer que les relations se nouent généralement autour d'un objet (thème de conversation, une personne, une passion commune…). Il exposera par la suite 8 schémas de relation, dont 4 modèles équilibrés et 4 modèles déséquilibrés.
222
+
223
+ Le modèle de Newcomb soulève donc des faits essentiels selon quoi toute situation de communication met en présence des individus caractérisés par des attitudes, des motivations et que toute situation de communication peut être un moyen de faire évoluer une relation. La communication est donc ici appréhendée comme un phénomène dynamique et complexe et non mécanique.
224
+
225
+ Ce modèle introduit de nouvelles notions liées à la sociologie, notamment celle de contexte et d'appartenance à un groupe. Il considère en premier lieu l'appartenance des individus humains à des groupes qui influencent la façon de voir, de penser et de juger de leurs membres et évoluent dans un contexte social dont ils dépendent. L'émetteur rebaptisé communicateur, et le récepteur sont distribués dans des groupes primaires (familles, communauté, petits groupes…) sociologiques.
226
+
227
+ Ce modèle est le premier à prendre en compte la notion d'une boucle de rétroaction, entre l'émetteur et le récepteur. Cela montre qu'il y a réciprocité et inter-influence entre les individus. Il est à l'origine des travaux sur la communication de groupe.
228
+
229
+ De nombreux jeunes souhaitent se lancer dans le domaine professionnel de la communication. De nombreux étudiants apprécient les métiers de la communication : Chargé de communication, attaché de presse, directeur de communication, et sont donc de plus en plus nombreux à se lancer dans des cursus en école de communication qui peuvent aller de bac+2 à bac+5.
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1
+ Un courrier électronique, un courriel, un mail ou un e-mail (de l'anglais /ˈi.meɪl/[2] Écouter) est un message écrit envoyé électroniquement via un réseau informatique. On appelle messagerie électronique l'ensemble du système qui permet la transmission des courriers électroniques. Elle respecte des règles normalisées afin d'autoriser le dépôt de courriels dans la boîte aux lettres électronique d’un destinataire choisi par l’émetteur.
2
+
3
+ Pour émettre ou recevoir des messages par courrier électronique, il faut disposer d’une adresse électronique et d'un client de messagerie (ou d’une messagerie web permettant l'accès aux messages via un navigateur web).
4
+
5
+ L’acheminement des courriels, qui peuvent contenir des documents, est régi par diverses normes concernant aussi bien le routage que le contenu. Toutefois, comme le destinataire ne reçoit pas une copie conforme de l’écran de l’expéditeur, il est d'usage de respecter certaines règles implicites lors de l’envoi. De même, la connaissance de certains aspects techniques permet d’éviter des erreurs de compréhension ou de communication.
6
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7
+ En France, malgré les difficultés liées à son caractère souvent non explicite (patronyme absent), l'adresse électronique tend à être reconnue comme moyen valide de contacter une personne. En matière de droit des obligations, selon le code civil français « l'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier »[3]. L'écrit électronique est de plus reconnu par le code civil comme valide à titre de preuve afin de conclure un contrat[4]. En matière de droit social, est reconnu pour le salarié le « droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée »[5], ce droit impliquant « en particulier le secret des correspondances »[5].
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+ Par leur contenu et leur forme, les messages envoyés par courrier électronique donnent à leurs destinataires une image de l'expéditeur. Le rôle du courrier électronique est croissant dans le maintien des liens sociaux, surtout en cas d'éloignement géographique.
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+ Le courrier électronique a pris forme en 1965 en tant que moyen de communication entre utilisateurs d’ordinateur à exploitation partagée. Le Q32 du SDC (en) et le CTSS du MIT furent les premiers systèmes de messagerie électronique. Ils s'étendirent rapidement en réseau, permettant aux utilisateurs de transmettre des messages via différents ordinateurs. Le système AUTODIN (en) pourrait avoir été le premier, en 1966, à autoriser l’échange de courriels entre ordinateurs, le système SAGE avait des fonctionnalités similaires quelque temps auparavant.
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+ Le réseau ARPANET fut une contribution majeure à l’évolution du courrier électronique. Un rapport[6] y indique des transferts de messages intersystèmes peu après sa création, en 1969. En 1971, Ray Tomlinson proposa l’utilisation du signe @ pour séparer le nom de l’utilisateur de celui de la machine. Ses premiers programmes de courriel, SNDMSG et READMAIL, jouèrent un rôle important dans le développement du courrier électronique, lequel vit son utilité fortement augmentée grâce à ARPANET, au point d'intéresser les constructeurs proposant une informatique plus décentralisée que celle du géant IBM.
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+ La première adresse de courrier électronique est tomlinson@bbn-tenexa. BBN réfère à Bolt, Beranek et Newmann, la firme d'ingénieurs pour laquelle travaillait Ray Tomlinson, et qui était prestataire d'ARPANET. Tenexa réfère à Tenex, le système d'exploitation utilisé[7].
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+ La messagerie électronique existait donc avant Internet et a été un outil précieux lors de la création de celui-ci.
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+ Le vocabulaire français pour désigner le courrier électronique n'est pas fixé par les utilisateurs qui habitent en Europe, l’usage hésitant entre divers termes. Le mot anglais email ou e-mail[8] (prononcé en français : /i.mɛjl/ ou /i.mɛl/) est très utilisé en Europe francophone ; il entre en compétition avec son pendant simplifié mail[9] (prononcé en français : /mɛl/ ou /mɛjl/) ou encore avec le mot d’origine québécoise « courriel »[10], davantage répandu au Québec.
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+ En anglais, le terme mail est utilisé pour le seul « courrier postal »[11] mais en français il est couramment utilisé comme abréviation d'e-mail[12]. En anglais, la boîte aux lettres dans laquelle le facteur dépose le courrier a pour nom « mailbox » et « mailing address » ne veut pas dire adresse électronique mais adresse postale. Parfois, les anglophones précisent snail mail (« courrier escargot ») pour désigner sans ambiguïté ou de façon humoristique le courrier postal, du fait de l’usage tellement répandu du courrier électronique. Ces termes n’ont rien à voir avec le mot français « mail » /maj/, qui désigne une allée bordée d’arbres semblable à celles servant autrefois au « jeu de mail », et encore moins avec l’émail (des dents notamment).
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+ En France, l’appellation « courriel » (mot-valise construit à partir des mots « courrier » et « électronique »[13]) a été adoptée dans les textes officiels depuis le 20 juin 2003 par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France pour toutes les administrations et services publics français, qui ont désormais l’obligation d’utiliser ce terme de préférence à tout autre[14],[15]. Le terme « courriel » est un équivalent des termes admis « message électronique » et « courrier électronique » lorsqu'il s’agit du document ou du texte transmis par une messagerie électronique. Le ministère de l'Éducation nationale a répercuté cette directive dans un bulletin officiel du 28 août 2003[16]. Le terme « courriel » a donné lieu au dérivé pourriel, proposé par l'Office québécois de la langue française (OQLF) en mai 1997, pour désigner le courriel non sollicité (spam).
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+ Au Québec est apparu le verbe « courrieller » pour désigner l'acte d'expédier un courriel ; il a été entériné par l'OQLF[17],[18].
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+ « Mél. », défini comme le symbole de « messagerie électronique », a été proposé[19] en 1997 par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France pour préfixer une adresse électronique sur une carte de visite ou un en-tête de lettre, comme on utilise « Tél. » pour indiquer un numéro de téléphone[20], et confirmé au Journal officiel du 20 juin 2003, étant précisé que « Mél. » ne doit en aucun cas être employé comme substantif[16]. Pourtant, l'usage abusif qui consiste à employer « mél. » pour désigner un courrier électronique, est assez fréquent, par confusion entre « mail » et « Mél. ».
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+ Pour recevoir et consulter un courriel, l'utilisateur doit disposer d’une adresse électronique, lui permettant d'être identifié, et d'un programme d'accès soit sous la forme d'un logiciel appelé client de messagerie soit sous la forme d'un site du type webmail permettant l'accès aux messages depuis n'importe quelle connexion internet via un navigateur Web.
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+ Afin d’assurer l’interopérabilité, l’acheminement des courriels est régi par plusieurs normes, que ce soit pour son routage, ou encore son contenu.
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+ Toutefois, le destinataire ne reçoit pas pour autant une copie conforme de l’écran de l’expéditeur. Pour cette raison, entre autres, l’usage est de respecter certaines règles implicites lors de l’envoi de courriel, et la connaissance de certains aspects techniques permet d’éviter des incompréhensions ou des erreurs de communication.
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+ Pour l’utilisation de plusieurs langues autres que l’anglais dans les courriels, voir Courriel et Unicode.
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+ À l’origine, le courriel est un document qui contient uniquement des caractères ASCII. Progressivement, des encodages régionaux ont été développés et depuis plusieurs années, certains logiciels supportent également l’UTF-8, ce qui permet d’augmenter le nombre de caractères différents que l'on peut utiliser. Cependant, UTF-8 et les caractères régionaux ne sont pas toujours interopérables, en fonction du logiciel de messagerie utilisé par le destinataire et de sa localisation géographique.
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+ De plus, il est désormais possible de joindre un document avec le message proprement dit. Avec MIME, différents fichiers peuvent être joints au courriel. Dans un souci d’interopérabilité, on recommande de ne pas utiliser de formats propriétaires, tels que les formats Microsoft Word, mais plutôt des formats ouverts et documentés, pour lesquels un visionneur pourra être rendu disponible sur toute plate-forme, pourvu qu’il soit programmé.
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+ L'utilisation d'HTML pour la structuration ou la mise en forme des courriels est possible, mais souffre d'un manque important d'interopérabilité, souligné en 2007 par le séminaire Mail HTML du W3C[21]. Il en est de même du recours aux feuilles de style en cascade (CSS) pour leur présentation[22]. Le HTML permet théoriquement d’afficher des images distantes ainsi que d’exécuter du javascript. Cependant, certains utilisateurs préfèrent désactiver de telles fonctionnalités, car elles sont utilisées par des polluposteurs pour vérifier l’efficacité du pourriel.
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42
+ Il existe également, en fonction du logiciel client de messagerie (tous ne supportent pas cette fonction), un système similaire à un accusé de réception qui permet à l’expéditeur d’avoir connaissance du bon acheminement de son message et/ou de sa lecture par le destinataire.
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+ Les règles de bon usage du courrier électronique sont décrites dans un document de référence appelé nétiquette.
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+ Un courrier électronique est composé de deux parties : les entêtes et le corps du message, séparés par une ligne vide. Les entêtes stockent les informations contextuelles : expéditeur, destinataire, objet, date... Le corps du message est quant à lui encodé sous forme de texte, ou de parties multiples (par exemple un texte et des images).
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+ L’acheminement des courriels est régi par plusieurs protocoles : SMTP est destiné à l’envoi d’un message, POP et IMAP servent à rapatrier des messages pour leur lecture.
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+ La plupart des fournisseurs d’accès à Internet procurent au moins une adresse électronique à leurs usagers. Diverses sociétés ou associations proposent aussi des adresses gratuites ou payantes. Comme pour la plupart des services Internet, aucune qualité de service n’est garantie. Pour s’assurer qu’un message a bien été distribué à son destinataire, il est possible d’utiliser un mécanisme d’accusé de réception.
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+ Le courriel peut être envoyé à plusieurs destinataires :
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+ Le client de messagerie de l'utilisateur n’envoie qu’une seule copie du message à son serveur MTA. C’est le serveur MTA qui s’occupe de le dupliquer en autant de messages qu’il y a de destinataires.
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+ La fonction Cc, qui signifie « copie carbone » ou « copie conforme »[23], permet d’envoyer le même message à plusieurs personnes, en saisissant leurs adresses dans le champ Cc[24].
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+ La fonction Cci, qui signifie « copie carbone invisible » ou « copie conforme invisible »[25], est une fonction similaire au Cc, mais les adresses des destinataires apparaissant dans la section Cci ne sont pas visibles pour les destinataires du message ni pour ceux à qui le message est transféré. Elle est également appelée « copie cachée ».
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60
+ Un message est envoyé à l’ensemble des adresses précisées dans les champs Cc et Cci, mais seules les adresses indiquées dans le champ Cc sont visibles dans le message final. Les adresses multiples doivent être séparées par une virgule[26] suivie d’une espace.
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+ Pour un envoi à plusieurs destinataires ne se connaissant pas (et ne souhaitant pas voir leur adresse publiée, ne serait-ce que par le moyen d’une lettre d’information électronique), il est d’usage de se servir du champ Cci conformément à la Netiquette.
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+ De plus, cette pratique limite les effets néfastes des virus et vers informatiques qui exploitent les adresses de courriel trouvées dans les carnets d’adresses des ordinateurs.
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+ Une boîte de réception[27] est généralement un espace réservé à un utilisateur, où sont stockés (dans une pile) les courriels qui lui parviennent, en attendant qu’il les lise. C'est un des éléments de la boîte aux lettres électronique.
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+ Dans son article 1er IV° 5e alinéa, la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 dite loi pour la confiance dans l'économie numérique (souvent abrégée « LCEN ») donne une définition très large du courrier électronique, qui couvre aussi bien le SMS envoyé par téléphone que le courriel envoyé par ordinateur : « On entend par courrier électronique tout message, sous forme de texte, de voix, de son ou d'image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l'équipement terminal du destinataire, jusqu'à ce que ce dernier le récupère ». Elle n’en fixe cependant pas le régime.
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+ Or, le courrier électronique peut servir soit à des fins de correspondance privée[28], soit à des fins de communication publique, notamment, lorsqu’il est adressé à un ensemble de destinataires sur une liste de diffusion large. L’exemple de la publicité directe par voie électronique (en anglais spamming), l’illustre. Si un courrier électronique constitue une correspondance privée, il bénéficie alors de la protection découlant de cette qualification.
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+ Si l’on considère le courrier électronique en tant que correspondance privée, le fait (commis de mauvaise foi, les cas de l'erreur ou de l'ignorance du destinataire étant exclus) « d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance » constitue une infraction pénale, prévue et réprimée à l'article 226-15 du Code pénal[29]. Les peines prévues en répression sont établies sur la base de l'article 9 du Code civil[30] qui concerne le droit au respect de la vie privée, la correspondance appartenant à la notion de vie privée.
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+ Une autre difficulté, résolue par la loi, est de savoir si un message envoyé sous forme électronique a une valeur quelconque. Contrairement à l’adresse postale, l’adresse électronique peut être multiple : on peut choisir d’avoir une ou plusieurs adresses électroniques (par exemple, pour en spécialiser une dans une correspondance particulière), contrairement à la correspondance postale. A priori cela nuit à l’efficacité du courrier électronique : on ne peut jamais être sûr que le correspondant a bel et bien reçu et consulté ce qui lui a été envoyé.
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+ Il n’est pas exclu que des problèmes surgissent et que le courrier électronique en souffre. L'article 1369-3 du code civil[31] prévoit le problème et distingue le professionnel du simple particulier en disposant que « les informations destinées à un professionnel peuvent lui être adressées par courrier électronique, dès lors qu’il a communiqué son adresse électronique ». Autrement dit, le professionnel, notamment le commerçant, peut être contacté à son adresse électronique officielle, qu’il est censé consulter régulièrement, mais non le particulier, aurait-il fait connaître son adresse électronique à son interlocuteur. Mais le texte est apparemment supplétif de volonté et le particulier pourrait accepter, ce qui se passe souvent en pratique, d’être contacté par voie électronique, surtout s’il a initié de cette manière le dialogue. Ainsi, les professionnels (personnes agissant dans le cadre de leur activité professionnelle) sont réputés dûment informés, par l'article 1369-3[31] du code civil, lorsqu'un courrier électronique leur est envoyé à une adresse qu'ils ont communiquée.
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+ Le caractère écrit du courrier électronique a aussi nourri les interrogations quant à sa valeur juridique entre personnes (physiques ou morales). Depuis la loi du 13 mars 2000, le courrier électronique vaut autant qu'un écrit sur papier, mais uniquement à titre de preuve. L'article 1316-1 du code civil[32] prévoit cette hypothèse. Cette loi a été complétée par la loi du 21 juin 2004. La LCEN transposait la directive du 8 juin 2000 dite « Directive relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur » avec deux ans de retard[33]. Son apport réside dans le fait que l'écrit électronique n'est plus uniquement valable à titre de preuve : il l'est aussi afin de conclure un contrat. Le code civil reconnaît la validité des actes électroniques à l'article 1108-1[34] et détermine, par le biais d'un renvoi à l'article 1316-4[35], les conditions de validité d'un acte électronique :
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+ Enfin, l'article 1316-3[36] du code civil confirme que « l'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier ».
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+ Avec le développement d'internet comme outil de travail incontournable, le contentieux lié à son utilisation sur le lieu de travail s'est concomitamment développé. Le juge français a été interrogé à plusieurs reprises quant aux droits de l'employeur sur les correspondances électroniques entretenues par ses salariés sur le lieu de travail avec les outils mis à sa disposition par ce même employeur. Dans ce domaine, c'est l'arrêt « Nikon » du 2 octobre 2001, rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui est considéré comme l'arrêt fondateur de ce type de litiges[5]. Il consacre pour le salarié le « droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée », ce droit impliquant « en particulier le secret des correspondances ; l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ». En l'espèce, le salarié avait trié ses messages électroniques, certains étant archivés dans un dossier intitulé « Personnel ». La portée de cet arrêt a par la suite été tempérée. La Cour de cassation, saisie à nouveau de ce type de contentieux, s'est prononcée par la voix de la chambre sociale, le 30 mai 2007[37]. Elle affirmait alors que les juges du fond devaient « rechercher si les fichiers ouverts sur le matériel mis à sa disposition par l’employeur avaient été identifiés comme personnels par le salarié ». Il appartient donc au salarié d'organiser sa correspondance privée au travail pour la protéger, tous les éléments pouvant y concourir notamment l'objet du courriel, le titre du dossier dans lequel il est archivé, l'apparence des pièces jointes. Il pèse ainsi sur le salarié, une présomption de caractère professionnel de la correspondance entretenue par le biais des outils mis à sa disposition par son employeur. À charge pour ce salarié de combattre cette présomption en conférant une apparence privée à sa correspondance pour la protéger. Cette relative protection est cependant limitée par la possibilité reconnue à l'employeur d'exercer une cybersurveillance de ses salariés. Au titre de son pouvoir de direction et de contrôle de ses salariés, l'employeur peut mettre en place des moyens de surveillance de l'usage fait par les salariés des outils mis à leur disposition, il doit néanmoins les en avertir au préalable et en avertir les institutions représentatives du personnel si elles existent (article L2323-32 du code du travail[38]).
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+ L'adresse électronique tend à être de plus en plus reconnue comme un moyen valable de contacter une personne malgré les difficultés d'identification qu'elle comporte (cas des adresses non explicites, ne comportant pas de patronyme de la personne contactée et ne permettant pas une identification immédiate).
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+ Le mécanisme dit « de riposte graduée » inséré dans la loi Création et Internet instituant la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et pour la Protection des droits sur Internet prévoit que cette autorité peut avertir un internaute qu'il est en train de se livrer à des actes de contrefaçon pour la première fois par courriel. L'avertissement emportant des conséquences juridiques puisqu'il constitue le premier échelon d'un système de sanctions graduelles pouvant aboutir à la suspension de l'accès à internet.
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+ Par ailleurs, durant la semaine du 2 au 8 novembre 2009, dans le cadre du projet de loi contre la fracture numérique, les députés Laure de la Raudière et Jean Dionis du Séjour ont proposé deux amendements concernant la correspondance électronique.
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+ Le premier va dans le sens d'une portabilité de l'adresse électronique liée au fournisseur d'accès, à l'instar du numéro de téléphone mobile, « à un tarif raisonnable ». Le but est que, par exemple, un abonné à un service de fourniture d'accès à internet X puisse résilier son contrat et souscrire un abonnement auprès d'un fournisseur Y tout en gardant son adresse « abonné@fournisseurX.fr »[39].
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+ Un second amendement prévoit la mise en place d'un service de réacheminement du courrier électronique durant 6 mois vers la nouvelle adresse de l'abonné ayant résilié son contrat auprès du premier fournisseur. Ce service serait assuré par le fournisseur d'accès que l'abonné a quitté.
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+ L'utilité de ces amendements se heurte d'une part au fait que de nombreux internautes utilisent un service de courrier électronique indépendant de leur fournisseur d'accès (Gmail, laposte.net, Yahoo! Mail...), ce qui ne met pas fin aux problématiques de changement d'adresse[40].
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+ Certains[Qui ?] évoquent la possibilité du réacheminement des courriers pendant six mois et du spam qui constitue 85 % à 90 % du volume des messages envoyés dans le monde[41] : le fournisseur devra-t-il réacheminer l'ensemble du courrier sans filtrer le spam, au risque de se rendre lui-même coupable de transmission de courrier non sollicité ? Devra-t-il filtrer les spams au risque de ne pas transmettre les faux positifs ?[interprétation personnelle]
96
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97
+ Les courriels ont la même valeur que tous les autres documents. Ils doivent être traités sans égard à leur format en fonction de l’information qu’ils contiennent. Le courriel, comme tous les autres types de documents, est un document au sens de la loi. En effet, la loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (RLRQ, chapitre C-1.1) mentionne que « la valeur juridique d'un document, notamment le fait qu'il puisse produire des effets juridiques et être admis en preuve, n'est ni augmentée ni diminuée pour la seule raison qu'un support ou une technologie spécifique a été choisi. » De ce fait, il est assujetti au même cadre juridique que tout autre document sur tout autre support[42].
98
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99
+ D'après un sondage publié en juin 2009 par GMX[43], les courriers électroniques joueraient un rôle prépondérant dans l'image renvoyée par leur expéditeur. Ainsi plus de la moitié des Américains jugeraient l'intelligence de leurs correspondants sur le contenu et la forme des courriels qu'ils reçoivent. Le style d'écriture, la qualité de langue et le ton utilisé dans la rédaction seraient les principaux points de jugement. De même, un tiers des utilisateurs de courriers électroniques estiment pouvoir juger l'âge et le niveau d'autorité de leurs correspondants et un cinquième se faire une idée de la réussite future de la vie de ces mêmes correspondants.
100
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101
+ Des recherches ont démontré que le courrier électronique était particulièrement utilisé pour maintenir un lien social, tout particulièrement en cas d'éloignement géographique. Toutefois, contrairement aux recherches précédentes, une étude publiée en 2008 conclut que la hausse de l'utilisation d'Internet s'est accompagnée d'une baisse de l'utilisation des autres moyens de communication[44]. Peu à peu, le courrier électronique et les autres moyens de communication en ligne remplacent les habitudes de communication traditionnelles au lieu de s'ajouter à celles-ci.
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103
+ Les courriers électroniques, comme les autres formes de communication via internet, sont soumis aux règles informelles d'usage décrites dans la nétiquette.
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105
+ L'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) a publié en octobre 2011 un document intitulé « Pour un meilleur usage de la messagerie électronique dans les entreprises ».
106
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107
+ Selon l'étude de l'ADEME « Internet, courriels, réduire les impacts », publiée en février 2014[45] :
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109
+ Lorsque les adresses de courrier électronique sont liées à un fournisseur d'accès Internet, le problème se pose du suivi de la correspondance lorsqu'on quitte ce fournisseur et qu'il n'en permet pas le maintien.
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111
+ La messagerie électronique ne garantit pas l'acheminement du courriel à bon port. Un message peut être perdu, ou retardé.
112
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113
+ Les notifications de réception et de non-réception sont prévues dans la norme, mais de rares logiciels de courriel ne les proposent pas, ou ne les honorent pas en réception, ou envoient l'accusé de réception sans en prévenir le lecteur[46]. Dans les cas courants, leur usage est toutefois utile pour confirmer l'affichage d'un message.
114
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115
+ Le problème du courrier indésirable (pourriel).
116
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117
+ En milieu professionnel, la multiplication chaotique des courriels due à un usage inapproprié ou dépassé de la messagerie peut amener les organisations à se poser la question de passer à des méthodes de travail collaboratif. Selon l'étude « Solutions de collaborations d'entreprises » la messagerie d’entreprise figure, avec l’agenda partagé et le partage de fichiers, parmi les solutions de collaboration privilégiées[47].
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119
+ Les adresses de courrier électronique peuvent être l'objet de piratage. En janvier 2019, le site de partage de fichiers Mega met en ligne des millions de courriels et de mots de passe volés. Ces informations proviennent de différents vols de données qui semblent avoir eu lieu entre 2015 et 2018[48].
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