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JURITEXT000048176166 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/61/JURITEXT000048176166.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 octobre 2023, 20-23.523, Publié au bulletin | 2023-10-05 00:00:00 | Cour de cassation | 22300971 | Cassation partielle | 20-23523 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2020-12-14 | Cour d'appel de Cayenne | Mme Martinel | SCP Duhamel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:C200971 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 971 FS-B Pourvoi n° H 20-23.523 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2023 1°/ l'établissement public Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), établissement public de recherches et d'expertise, 2°/ la division comptable du Bureau de recherches géologiques et minières, ayant tous deux leur siège [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° 20-23.523 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2020 par la cour d'appel de Cayenne (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Dilo Guyane, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de l'établissement public Bureau de recherches géologiques et minières et de la division comptable du Bureau de recherches géologiques et minières, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Dilo Guyane, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Waguette, conseillers, Mme Jollec, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mmes Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-5 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 14 décembre 2020), le 3 août 2018, l'établissement public Bureau de recherches géologiques et minières a pratiqué, sur le fondement d'un arrêt du 29 mai 2007, rectifié le 4 septembre 2007 et signifié à la société Dilo Guyane les 16 décembre 2016 et 22 mai 2017, ayant condamné cette dernière à lui payer une certaine somme, une saisie-attribution à l'encontre de cette société, laquelle a assigné cet établissement public, ainsi que sa « division comptable », devant un juge de l'exécution. Sur le moyen relevé d'office 2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 111-3, 1°, et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution et les articles 501, 502 et 503 du code de procédure civile : 3. Selon le premier de ces textes, constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire. 4. Selon le second, l'exécution des titres exécutoires mentionnés, notamment, au 1° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long. 5. Il en résulte que le délai de dix ans pendant lequel l'exécution d'une décision de justice mentionnée à l'article L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution peut être poursuivie court à compter du jour où, ayant acquis force exécutoire, cette décision constitue un titre exécutoire au sens de ce texte. 6. Pour constituer un tel titre, le jugement exécutoire, au sens de l'article 501 du code de procédure civile, doit, en application de l'article 503 du même code, avoir été notifié au débiteur, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, et être revêtu, en application de l'article 502 du même code, de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement. 7. Pour dire prescrite l'action et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient qu'il se déduit des articles 480 et 500 du code de procédure civile que l'arrêt du 29 mai 2007, rectifié par celui du 4 septembre 2007, non susceptible d'un recours suspensif, avait, dès son prononcé, autorité et force de chose jugée et que le point de départ de la prescription court donc à compter du 29 mai 2007, l'arrêt rectifié n'ayant pas pour nature de reporter la date d'effet de l'arrêt qu'il rectifie. Il ajoute que, par application combinée des articles 502 et 503 du code de procédure civile, un arrêt ne peut être exécuté, même ayant acquis autorité et force de chose jugée, qu'une fois la copie exécutoire délivrée et après notification ou signification, revêtant alors la qualification de titre exécutoire, que la signification d'un arrêt est une condition préalable à son exécution forcée afin de la rendre exécutoire et qu'il s'en excipe que si la signification du 22 mai 2017 est une condition préalable, elle n'est pas assimilée toutefois à un acte d'exécution. Il en déduit que la saisie-attribution, diligentée le 3 août 2018, est tardive. 8. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 29 mai 2007, passé en force de chose jugée dès son prononcé, n'avait été signifié à la société Dilo Guyane que le 16 décembre 2016, la cour d'appel, qui ne pouvait que constater que la saisie-attribution avait été pratiquée dans le délai de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il infirme le jugement en ce qu'il a validé la saisie-attribution diligentée le 3 août 2018 et condamné la société Dilo Guyane à une indemnité de procédure de 2 500 euros et aux entiers dépens, d'autre part, statuant à nouveau, dit prescrite l'action en recouvrement de la division comptable du Bureau de recherches géologiques et minières et ordonne la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 3 août 2018, l'arrêt rendu le 14 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France. Condamne la société Dilo Guyane aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dilo Guyane et la condamne à payer à l'établissement public Bureau de recherches géologiques et minières et à la division comptable du Bureau de recherches géologiques et minières la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-trois. | PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Titre - Titre exécutoire - Définition | PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Point de départ - Détermination - Jugement exécutoire - Effet JUGEMENTS ET ARRETS - Exécution - Conditions - Détermination | Selon l'article L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire. Selon l'article L. 111-4 du même code, l'exécution des titres exécutoires mentionnés, notamment, au 1° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long. Il en résulte que le délai de dix ans pendant lequel l'exécution d'une décision de justice mentionnée à l'article L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution peut être poursuivie court à compter du jour où, ayant acquis force exécutoire, cette décision constitue un titre exécutoire au sens de ce texte. Pour constituer un tel titre, le jugement exécutoire, au sens de l'article 501 du code de procédure civile, doit, en application de l'article 503 du même code, avoir été notifié au débiteur, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, et être revêtu, en application de l'article 502 du même code, de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement |
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JURITEXT000048176170 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/61/JURITEXT000048176170.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 octobre 2023, 22-16.906, Publié au bulletin | 2023-10-05 00:00:00 | Cour de cassation | 22300983 | Rejet | 22-16906 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-03-30 | Cour d'appel de Toulouse | Mme Martinel | SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés | ECLI:FR:CCASS:2023:C200983 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 IT2 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2023 Rejet Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 983 F-B Pourvoi n° F 22-16.906 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2023 La société Teisseire Plaisance, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 22-16.906 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2022 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société [B] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [O] [B], en qualité de mandataire liquidateur de la société Design création, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Teisseire Plaisance, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 mars 2022), un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 2020 (2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-13.624) a cassé un arrêt d'une cour d'appel du 29 janvier 2019 et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Toulouse. 2. Par déclaration du 25 août 2020, la société Axa France IARD a saisi la cour d'appel de renvoi après cassation en intimant la société Teisseire Plaisance et la société Benoit et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Design création. 3. L'affaire a été fixée à bref délai, conformément à l'article 1037-1 du code de procédure civile. 4. Par conclusions du 23 décembre 2020, la société Teisseire Plaisance a saisi le président de chambre d'une cour d'appel d'une demande de caducité de la déclaration de saisine. 5. Par ordonnance du 16 mars 2021, le président de chambre a notamment rejeté la demande de caducité de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi. 6. La société Teisseire Plaisance a déféré cette ordonnance devant la cour d'appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La société Teisseire Plaisance fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable le déféré qu'elle a formé contre l'ordonnance rendue le 16 mars 2021, alors : « 1°/ que le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président dispose jusqu'à son dessaisissement d'une compétence exclusive pour connaître de l'incident de caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi dont il doit être saisi, à peine d'irrecevabilité, par des conclusions qui lui sont spécialement adressées ; que sa décision, sur ce point, a autorité de chose jugée ; qu'à ce titre, cette décision est susceptible d'un recours en déféré, peu important que la décision n'ait pas mis fin à l'instance ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable le déféré formé par la SCI Teisseire Plaisance contre l'ordonnance du président de chambre, que celui-ci - qui critiquait l'ordonnance - ayant rejeté la demande de caducité de la déclaration de saisine, déclaré le président de chambre incompétent pour statuer sur la demande d'irrecevabilité de la déclaration de saisine et renvoyé son examen à la compétence de la cour - ne mettait pas fin à l'instance, cependant que cette ordonnance était revêtue de l'autorité de la chose jugée et pouvait être déférée à la cour d'appel, peu important qu'elle n'ait pas mis fin à l'instance, la cour d'appel a violé les articles 1037-1 et 916 du code de procédure civile ; 2°/ que les ordonnances du conseiller de la mise en état sont susceptibles d'un recours en déféré lorsqu'elles statuent sur la caducité de l'appel ; que la cour d'appel a constaté que l'article 1037-1 du code de procédure civile renvoyait aux dispositions de l'article 916 du même code ; que selon cet article, les ordonnances du conseiller de la mise en état pouvaient être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles statuaient sur la caducité de l'appel et que l'ordonnance du 16 mars 2021 du président de chambre avait statué sur la caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi en rejetant ces demandes de caducité ; qu'en retenant néanmoins que le déféré formé par la SCI Teisseire Plaisance était irrecevable, cependant que l'ordonnance du 16 mars 2021 statuait sur la caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi et pouvait donc faire, conformément aux dispositions de l'article 916 du code de procédure civile, l'objet d'un recours en déféré, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 1037-1 et 916 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 1037-1, dernier alinéa, du code de procédure civile, les ordonnances du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi ou sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intervenant forcé ou volontaire ont autorité de la chose jugée. Elles peuvent être déférées dans les conditions des alinéas 2 et 4 de l'article 916. 9. Selon l'article 916, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, les ordonnances peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction et lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. 10. Il en résulte qu'une ordonnance rejetant une demande de caducité, qui ne met pas fin à l'instance, ne peut faire l'objet d'un déféré. 11. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a dit irrecevable le déféré formé contre l'ordonnance du président de chambre ayant rejeté la demande de caducité de la déclaration de saisine. 12. Le moyen, qui procède d'un postulat erroné, n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Teisseire Plaisance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Teisseire Plaisance et la condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-trois. | CASSATION - Juridiction de renvoi - Saisine - Déclaration de saisine - Ordonnance du président de chambre ou du magistrat désigné par le premier président - Déféré - Limites | APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Ordonnance du président de chambre ou du magistrat désigné par le premier président - Appel - Limite - Déclaration de saisine de la juridiction de renvoi | Il résulte des articles 1037-1 et 916, alinéa 2, du code de procédure civile qu'une ordonnance rejetant une demande de caducité de la déclaration de saisine d'une cour d'appel de renvoi ne peut faire l'objet d'un déféré |
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JURITEXT000048176174 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/61/JURITEXT000048176174.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 octobre 2023, 22-14.430, Publié au bulletin | 2023-10-05 00:00:00 | Cour de cassation | 22300986 | Rejet | 22-14430 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-03-02 | Cour d'appel de Paris | Mme Martinel | SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SARL Ortscheidt, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy | ECLI:FR:CCASS:2023:C200986 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 IT2 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2023 Rejet Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 986 F-B Pourvoi n° Q 22-14.430 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2023 M. [U] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-14.430 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [N] [M], domicilié [Adresse 2], 2°/ au comité social et économique Exploitation court courrier d'Air France, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits du comité d'établissement d'Air France Apax point à point, 3°/ au comité social et économique Exploitation Hub d'Air France, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits du comité d'établissement Air France Apax Hub, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [C], de la SARL Ortscheidt, avocat du comité social et économique Exploitation court courrier d'Air France venant aux droits du comité d'établissement d'Air France Apax point à point, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique Exploitation Hub d'Air France venant aux droits du comité d'établissement Air France Apax Hub, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2022), les 10 et 17 janvier 2020, le comité social et économique Exploitation court courrier d'Air France, venant aux droits du comité d'établissement d'Air France Apax point à point, et le comité social et économique Exploitation Hub d'Air France, venant aux droits du comité d'établissement Air France Apax Hub, ont relevé appel d'un jugement du 26 novembre 2019 rendu dans une instance les opposant à M. [C]. 2. Par ordonnance du 19 novembre 2020, un conseiller de la mise en état a rejeté l'incident soulevé par M. [C]. Ce dernier a déféré à la cour d'appel cette ordonnance. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [C] fait grief à l'arrêt de déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, alors « que par l'effet du renvoi opéré par l'article 907 du code de procédure civile aux articles 780 à 807 du même code, le conseiller de la mise en état exerce les attributions qui sont celles du juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire ; que l'article 789, 6°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable depuis le 1er janvier 2020, prévoit que le conseiller de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur des fins de non-recevoir ; qu'en vertu de l'article 55 II du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ce dernier article est applicables aux instances d'appel introduites à compter du 1er janvier 2020 ; qu'en déclarant incompétent le conseiller de la mise en état ayant rendu le 19 novembre 2019 une ordonnance statuant sur les fins de non-recevoir formulées par M. [C] dans ses conclusions d'incident du 20 mai 2020, aux motifs « qu'il n'était pas compétent pour statuer sur ces chefs dès lors qu'à cette époque la voie du déféré n'était pas ouverte », la cour d'appel a ajouté aux articles 907 et 789, 6° du code de procédure civile une condition qui n'y figure pas et les a dès lors violés. » Réponse de la Cour 5. Les nouvelles attributions conférées par le décret du 11 décembre 2019 au conseiller de la mise en état s'exercent sous réserve que soit ouvert contre ses décisions un déféré devant la cour d'appel, juridiction appelée à trancher en dernier ressort les affaires dont elle est saisie. 6. À cette fin, le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 a complété l'article 916 du code de procédure civile pour étendre le déféré aux ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur toutes fins de non-recevoir. Dans la rédaction antérieure de ce texte, le déféré n'était ouvert qu'à l'encontre des ordonnances par lesquelles ce conseiller tranchait les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité de l'appel et celles tirées de l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 de ce code, dont la connaissance lui était déjà confiée par l'article 914, dans des conditions spécifiquement fixées par ce texte. 7. Il résulte de ce qui précède que le décret du 27 novembre 2020 étant, au terme de son article 12, alinéa 2, entré en vigueur le 1er janvier 2021, pour s'appliquer aux instances d'appel en cours, le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur les autres fins de non-recevoir qui lui sont soumises ou qu'il relève d'office qu'à compter de cette date. 8. Ayant constaté que le conseiller de la mise en état avait rendu une ordonnance le 19 novembre 2020 suite aux conclusions d'incident de M. [C], notifiées le 20 mai 2020, soulevant des fins de non-recevoir tirées notamment du défaut de capacité et de pouvoir d'ester en justice des deux demandeurs, soit antérieurement à la possibilité de former un déféré contre une ordonnance ayant statué sur une fin de non-recevoir, la cour d'appel en a exactement déduit que ce conseiller de la mise en état n'était pas compétent pour statuer sur cet incident. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer au comité social et économique Exploitation court courrier d'Air France, venant aux droits du comité d'établissement d'Air France Apax point à point, la somme de 1 500 euros et au comité social et économique Exploitation Hub d'Air France, venant aux droits du comité d'établissement Air France Apax Hub, la somme de 1 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-trois. | PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Compétence - Etendue - Fin de non-recevoir - Limites | LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Cas - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Compétence - Etendue - Fin de non-recevoir - Limite | Le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur des fins de non-recevoir autres que celles prévues à l'article 914 du code de procédure civile qu'à compter du 1er janvier 2021 et dans des appels formés à compter du 1er janvier 2020 |
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JURITEXT000048176184 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/61/JURITEXT000048176184.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 octobre 2023, 23-14.520, Publié au bulletin | 2023-10-05 00:00:00 | Cour de cassation | 22301117 | QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel | 23-14520 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2023-02-09 | Cour d'appel de Colmar | Mme Martinel | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Foussard et Froger, SCP L. Poulet-Odent | ECLI:FR:CCASS:2023:C201117 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 COUR DE CASSATION FD ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 5 octobre 2023 NON-LIEU A RENVOI Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1117 FS-B Pourvoi n° G 23-14.520 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 12 juillet 2023, M. [I] [O], domicilié [Adresse 3], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° G 23-14.520 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale-section SB), dans une instance l'opposant : 1°/ à la société [7], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement secondaire [Adresse 2], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 4], 3°/ au ministre chargé des affaires de sécurité sociale, domicilié [Adresse 5], Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de [Localité 6], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société [7], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pedron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. M. [O] (la victime), salarié de la société [7] (l'employeur), victime le 10 mars 2016 d'un accident du travail, a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 2. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Colmar, la victime a, par mémoire distinct et motivé reçu le 12 juillet 2023 au greffe de la Cour, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est-il contraire au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de responsabilité, qui découle de son article 4 ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 3. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement de circonstances. 4. La disposition contestée a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2010-8 QPC rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel, qui a , cependant, émis la réserve qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les juridictions de sécurité sociale, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. 5. Si, par deux arrêts rendus en Assemblée Plénière le 20 janvier 2023 (Ass. Plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, Bull.), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence antérieure et décide, désormais, que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, et que, dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, cette modification, considérée par la majorité de la doctrine comme plus favorable aux victimes, respecte l'objectif fixé par le Conseil constitutionnel dans sa réserve. Elle ne constitue donc pas un changement de circonstances de droit susceptible de modifier l'appréciation de la conformité de cette disposition à la Constitution. 6. Par ailleurs, aucune des autres circonstances invoquées n'affecte la portée de cette disposition. 7. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances qui justifierait un nouvel examen, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale - Objet - Indemnisation du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent | SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Préjudice indemnisé - Etendue - Détermination SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Paiement - Imputation - Modalités - Détermination - Portée QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code de la sécurité sociale - Article L. 452-3 - Egalité devant la loi - Egalité devant les charges publiques - Principe de responsabilité - Objectif constitutionnel - Conformité - Absence de changement de circonstance de droit - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel | Par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et n° 21-23.947, publiés au Bulletin), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence antérieure et décide, désormais, que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et que, dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées. Cette modification, considérée par la majorité de la doctrine comme plus favorable aux victimes, respecte l'objectif fixé par le Conseil constitutionnel dans la réserve qu'il a émise dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010. Elle ne constitue donc pas un changement de circonstances de droit susceptible de modifier l'appréciation de la conformité à la Constitution de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale |
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JURITEXT000048211087 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/21/10/JURITEXT000048211087.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 octobre 2023, 22-13.759, Publié au bulletin | 2023-10-12 00:00:00 | Cour de cassation | 22301000 | Cassation | 22-13759 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-01-26 | Cour d'appel de Besançon | Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:C201000 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2023 Cassation Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1000 FS-B Pourvoi n° K 22-13.759 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-13.759 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2022 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Le Chavot, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Chavot, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, M. Martin, Mme Chauve, M. Pedron, conseillers, M. Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 26 janvier 2022) et les productions, la société Le Chavot, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 16 juillet 2016 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnel » incluant une garantie « protection financière ». 2. À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, et à la suite encore du décret du 29 octobre 2020, édictant cette même interdiction du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021, la société Le Chavot a effectué une déclaration de sinistre, au titre de ces deux périodes de fermeture, auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Le Chavot a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite et inopposable à la société Le Chavot la clause d'exclusion de garantie et de le condamner à payer à cette dernière la somme de 30 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité définitive qui sera évaluée par un expert, alors « qu'en déclarant la clause d'exclusion litigieuse non écrite et inopposable à l'assuré sur le fondement de l'ancien article 1131 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 113-1 du code des assurances : 7. Selon le premier de ces textes, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. 8. Il résulte du second que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 9. Sur le fondement de ce dernier texte, la Cour de cassation juge qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvois n° 21-19.341, n° 21-19.342, n° 21-19.343, n° 21-15.392, publiés au Bulletin ; 2e Civ., 19 janvier 2023, pourvoi n° 21-21.516, publié au Bulletin). 10. Il en résulte que la validité des clauses d'exclusion de garantie, régie par ce texte spécial qui exige qu'elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'article 1131 du code civil. 11. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie et condamner l'assureur à payer une provision, l'arrêt retient, d'abord, que cette clause est formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, et qu'elle ne peut être réputée non écrite ou inopposable à ce titre. 12. Il énonce, ensuite, qu'il se déduit de l'article 1131 du code civil, qu'est réputée non écrite la clause limitative de réparation, ou de garantie, qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur. 13. L'arrêt retient enfin, d'une part, que l'obligation essentielle contractée par l'assuré était une garantie des pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, d'autre part, que la clause litigieuse, en réduisant la garantie au cas infinitésimal d'une fermeture administrative pour épidémie imposée au seul assuré pour tout le département, la vide de sa substance. 14. En statuant ainsi, après avoir jugé que la clause d'exclusion de garantie était formelle et limitée, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, le premier texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt réputant non écrite la clause d'exclusion de garantie et la déclarant inopposable à la société Le Chavot entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon. Condamne la société Le Chavot aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois. | ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Exclusion formelle et limitée - Clause - Validité | ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Exclusion formelle et limitée - Article L. 113-1 du code des assurances - Application - Nécessité | La validité des clauses d'exclusion de garantie, régie par l'article L. 113-1 du code des assurances, texte spécial qui exige qu'elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'article 1131 du code civil. Dès lors, fait une fausse application de ce dernier texte, une cour d'appel qui, après avoir jugé une clause d'exclusion de garantie formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, la déclare non écrite par application de l'article 1131 du code civil |
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JURITEXT000048211093 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/21/10/JURITEXT000048211093.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 octobre 2023, 21-20.212, Publié au bulletin | 2023-10-12 00:00:00 | Cour de cassation | 32300665 | Cassation partielle | 21-20212 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-05-27 | Cour d'appel de Rennes | Mme Teiller | SCP Le Bret-Desaché, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:C300665 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 665 FS-B Pourvoi n° D 21-20.212 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023 1°/ M. [H] [F], 2°/ Mme [R] [F], épouse [M], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° D 21-20.212 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes (chambre des baux ruraux), dans le litige les opposant à Mme [U] [L], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Mme [L] a formé, par un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation, un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [F] et de Mme [F], épouse [M], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [L], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 mai 2021), M. [F] (le preneur) a mis à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée Univers Ponies (l'EARL), dont il est associé, des parcelles données à bail rural par Mme [L] (la bailleresse). 2. Le 16 novembre 2015, le preneur a demandé à la bailleresse l'autorisation de céder le bail à sa fille, Mme [F], associée exploitante de l'EARL. 3. Le 25 novembre 2015, la bailleresse a délivré au preneur un congé pour reprise aux fins d'exploitation personnelle à effet au 31 mars 2018. 4. Le 15 mars 2016, le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en nullité du congé. La bailleresse a demandé, à titre reconventionnel, la résiliation du bail. 5. Le 1er mars 2017, M. [F] et Mme [F] (les consorts [F]) ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession du bail. 6. Les instances ont été jointes. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 7. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'autorisation de cession du bail, alors « que la seule option pour le statut d'associé non exploitant dans la société bénéficiaire de la mise à disposition du bail ne suffit pas à établir l'absence de participation effective et permanente du preneur à l'exploitation des parcelles louées ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la cour que M. [H] [F] est toujours associé de l'EARL Univers Ponies, bénéficiaire de la mise à disposition des parcelles louées dont il est désormais salarié ; qu'en déduisant cependant du seul fait qu'il avait pris sa retraite et n'avait plus la qualité d'associé exploitant de ladite EARL un défaut de participation de M. [F] à l'exploitation des terres louées sans vérifier, comme elle y était expressément invitée par les conclusions des exposants faisant valoir et témoignages à l'appui s'il n'était pas le seul à s'occuper des cultures qui était sous sa responsabilité, s'il était toujours affilié à la MSA ; s'il ne participait pas encore de manière effective aux activités équestres de l'EARL et donc à la mise en valeur des biens donnés à bail et si durant l'arrêt maladie de Mme [R] [F], il ne s'était pas occupé seul de la gestion de l'exploitation, ce dont il se déduisait qu'il participait toujours effectivement à la mise en valeur des terres loués même s'il n'avait plus la qualité d'associé exploitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le preneur avait pris sa retraite à compter du 1er mai 2012 et était devenu à cette date salarié de l'EARL en qualité d'enseignant à temps partiel, ensuite, relevé que seule sa fille figurait dans les statuts en qualité d'associé exploitant, enfin, retenu que les attestations produites par les consorts [F] étaient insuffisantes pour démontrer que le preneur se consacrait à l'exploitation effective et permanente des biens donnés à bail. 9. Elle en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que le preneur avait manqué à son obligation de participer aux travaux de façon effective et permanente au sens de l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime et a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 10. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résiliation du bail, alors « que constitue une cession illicite du bail à un tiers, sanctionnée par sa résiliation, la cessation par le preneur, associé d'une société au profit de laquelle les parcelles données à bail ont été mises à disposition, de leur exploitation effective et permanente ; qu'en refusant de prononcer la résiliation du bail pour cession prohibée à l'EARL Univers Ponies, motif pris qu'elle n'était pas établie, après avoir pourtant constaté que M. [F], preneur retraité, salarié et associé non exploitant de l'EARL Univers Ponies, bénéficiaire de la mise à disposition des parcelles données à bail, avait cessé de se consacrer à leur exploitation effective et permanente, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 411-31 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 411-31, II, 1° et 3°, L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime : 11. Selon le deuxième de ces textes, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur. 12. Selon le dernier, le preneur, associé d'une société à objet principalement agricole qui met à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire, doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. 13. Selon le premier, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie soit d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35, soit, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37. 14. Le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d'une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. 15. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, sans être tenu de démontrer un préjudice. 16. Pour rejeter la demande de résiliation formée par la bailleresse pour cession prohibée, l'arrêt retient que, si le preneur ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, l'existence d'une cession prohibée du bail au profit de l'EARL n'est pas établie. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de résiliation du bail, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne M. [F] et Mme [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et Mme [F] et les condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL - Bail à ferme - Résiliation - Sous-location ou cession illicite - Mise à disposition d'une société d'exploitation agricole - Participation aux travaux de façon effective et permanente du preneur - Défaut - Effets - Action en résiliation - Conditions - Détermination | Le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d'une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, du code rural et de la pêche maritime, sans être tenu de démontrer un préjudice |
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JURITEXT000048211095 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/21/10/JURITEXT000048211095.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 octobre 2023, 21-22.101, Publié au bulletin | 2023-10-12 00:00:00 | Cour de cassation | 32300666 | Rejet | 21-22101 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-06-18 | Cour d'appel de Paris | Mme Teiller | SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:C300666 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 666 FS-B Pourvoi n° H 21-22.101 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023 M. [O] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-22.101 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [N], 2°/ à M. [Z] [N], tous deux domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [D], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de MM. [R] et [Z] [N], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2021), M. [O] [D] a mis à la disposition de la société civile d'exploitation agricole Les Coudrées (la SCEA), dont il est associé, des parcelles données à bail rural par MM. [R] et [Z] [N] (les bailleurs). 2. Après que M. [O] [D] leur eut adressé une lettre dans laquelle il indiquait ne plus exploiter les terres données à bail, les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation des baux. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [O] [D] fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors : « 1°/ que le défaut d'exploitation de parcelles données à bail rural ne peut entraîner la résiliation du contrat qu'à la condition qu'un préjudice en soit résulté pour le bailleur, et que l'exploitation du fonds rural ait été compromise ; qu'en se bornant à relever, pour prononcer la résiliation des baux ruraux concédés par les consorts [N] à M. [D], que ce dernier n'exploitait plus les terres, sans constater qu'un tel défaut d'exploitation par M. [D] aurait causé un préjudice aux bailleurs et compromis la bonne exploitation du fonds rural, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-31 et L. 411-37 du code rural ; 2°/ que la mise à disposition, par un preneur à bail rural, des terres louées à une SCEA, ne constitue pas une cession de bail ; qu'en imputant à faute à M. [D], pour prononcer la résiliation des baux, une prétendue cession des baux sans l'autorisation des consorts [N], quand la mise à disposition des terres louées à une SCEA ne constituait en rien une cession de bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31, L. 411-35 et L. 411-37 du code rural. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur. 5. Selon l'article L. 411-37 du même code, le preneur, associé d'une société à objet principalement agricole, qui met à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire, doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. 6. Selon l'article L. 411-31, II, 1° et 3°, de ce code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie soit d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35, soit, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37. 7. Le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d'une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. 8. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, sans être tenu de démontrer un préjudice. 9. Ayant constaté, d'une part, que M. [O] [D], qui travaillait depuis le 18 mai 2019 en qualité d'apprenti, avait informé les bailleurs, le 5 octobre 2019, ne plus exploiter les terres louées et ne plus être exploitant agricole, d'autre part, qu'un témoin attestait que, depuis l'été 2019, il ne se rendait plus sur ces terres, la cour d'appel a, d'abord, souverainement retenu qu'il n'exploitait plus lui-même les terres données à bail. 10. Elle a, ensuite, relevé que, le 10 juillet 2019, M. [B] [D], son père, avait été désigné gérant de la SCEA, dont 95 % des parts lui avaient été transférées, et qu'il ressortait d'un procès-verbal d'un huissier de justice que celui-ci exploitait les terres. 11. De ces constatations et énonciations, dont il résultait que le manquement du preneur à son obligation de participer aux travaux de façon effective et permanente au sens de l'article L. 411-37 constituait une cession prohibée par l'article L. 411-35, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de constater l'existence d'un préjudice pour les bailleurs, a exactement déduit que les baux devaient être résiliés. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [O] [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [O] [D] et le condamne à payer à MM. [R] et [Z] [N] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL - Bail à ferme - Résiliation - Sous-location ou cession illicite - Mise à disposition d'une société d'exploitation agricole - Participation aux travaux de façon effective et permanente du preneur - Défaut - Effets - Action en résiliation - Conditions - Détermination | Le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d'une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, du code rural et de la pêche maritime, sans être tenu de démontrer un préjudice |
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JURITEXT000048211097 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/21/10/JURITEXT000048211097.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 octobre 2023, 22-18.580, Publié au bulletin | 2023-10-12 00:00:00 | Cour de cassation | 32300667 | Rejet | 22-18580 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-05-19 | Cour d'appel de Douai | Mme Teiller | SCP Delamarre et Jehannin, SCP Boullez | ECLI:FR:CCASS:2023:C300667 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 667 FS-B Pourvoi n° A 22-18.580 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023 1°/ M. [D] [T], 2°/ Mme [H] [C], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° A 22-18.580 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige les opposant à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. et Mme [T], de la SCP Boullez, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 mai 2022), le 2 décembre 2019, M. [Y] (le bailleur), propriétaire d'une maison d'habitation donnée à bail à M. et Mme [T] (les locataires), leur a délivré un congé aux fins de reprendre le logement pour l'habiter à effet du 30 septembre 2020, puis les a assignés en validation de ce congé, en expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Les locataires font grief à l'arrêt de valider le congé aux fins de reprise pour habiter, d'ordonner leur expulsion, de les condamner au paiement d'une indemnité d'occupation et de rejeter leur demande en paiement de dommages-intérêts pour congé frauduleux, alors : « 1°/ que l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, dispose que lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise ; que la sanction du défaut de justification est la nullité du congé ; qu'en énonçant, pour constater la validité du congé pour reprise personnelle délivré à l'initiative de M. [Y], que "la prescription de la justification du caractère réel et sérieux de la décision de reprise à titre de condition de forme du congé n'est pas édictée à peine de nullité", la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte précité ; 2°/ que l'intention frauduleuse du bailleur ayant délivré un congé pour habiter doit s'apprécier au moment où le congé a été délivré ; qu'en retenant qu'il s'évinçait d'un justificatif d'inscription sur les listes électorales de Cauroir en date du 7 décembre 2020, de factures postérieures au 25 juin 2021 attestant de travaux réalisés par M. [Y] dans l'immeuble et d'abonnements souscrits auprès de divers fournisseurs en juillet 2021, que M. [Y] avait l'intention réelle de se loger dans les lieux loués alors que le congé aux fins de reprise a été délivré le 2 décembre 2019, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et privé son arrêt de base légale au regard de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 ; 3°/ que le droit de reprise du bailleur suppose l'habitation effective des locaux à titre principal ; qu'il ressort des propres constatations de la cour d'appel que les locataires ont quitté les lieux loués le 25 juin 2021, de sorte que M. [Y], l'auteur du congé pour reprise, a pu récupérer son bien pour y habiter à cette date ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir le caractère réel et sérieux de la reprise, que M. [Y] attestait de nombreux travaux, ainsi que d'abonnements souscrits auprès de divers fournisseurs et d'un courrier envoyé aux services fiscaux, sans rechercher si le logement repris constituait bien l'habitation principale de M. [Y], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014. » Réponse de la Cour 3. En premier lieu, selon l'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur. 4. Ce texte ajoute qu'en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues par celui-ci. 5. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la prescription de la justification dans le congé du caractère réel et sérieux de la décision de reprise, à titre de condition de forme, n'est pas édictée à peine de nullité. 6. En second lieu, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, d'une part, retenu, procédant à la recherche prétendument omise, qu'expliquant son projet de reprise par sa volonté, étant devenu veuf, de retourner vivre dans sa région d'origine où résident nombre de ses proches, le bailleur pouvait ainsi décider d'établir sa résidence principale dans le logement loué tout en conservant une résidence secondaire dans le sud de la France, d'autre part, constaté qu'il rapportait la preuve de son inscription sur les listes électorales de la commune le 7 décembre 2020, celle de la réalisation d'importants travaux dans ce logement par la production de factures postérieures à la libération des lieux par les locataires le 25 juin 2021, qu'il justifiait de la souscription de contrats de fourniture d'eau, de gaz et d'électricité, en juillet 2021, d'un abonnement Internet et d'une téléalarme ainsi que de l'information délivrée aux services fiscaux sur son lieu d'habitation en novembre 2021. 7. La cour d'appel, qui pouvait tenir compte d'éléments postérieurs dès lors qu'ils étaient de nature à établir cette intention, en a souverainement déduit le caractère réel et sérieux de l'intention du bailleur, au jour de la délivrance du congé, de reprendre le logement pour l'habiter à titre de résidence principale, et a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois. | BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Congé - Congé pour habiter - Conditions - Habitation principale - Intention réelle et sérieuse du bailleur - Eléments d'appréciation - Détermination | Pour apprécier, au jour de la délivrance du congé, le caractère réel et sérieux de l'intention du bailleur de reprendre le logement pour l'habiter à titre de résidence principale, le juge peut tenir compte d'éléments postérieurs, dès lors qu'ils sont de nature à établir cette intention |
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JURITEXT000048211099 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/21/10/JURITEXT000048211099.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 octobre 2023, 22-19.117, Publié au bulletin | 2023-10-12 00:00:00 | Cour de cassation | 32300668 | Rejet | 22-19117 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-05-19 | Cour d'appel d'Aix-en-Provence | Mme Teiller | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Doumic-Seiller | ECLI:FR:CCASS:2023:C300668 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 octobre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 668 FS-B Pourvoi n° J 22-19.117 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023 Mme [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-19.117 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [P], 2°/ à Mme [Y] [F], épouse [P], tous deux domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [Z], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. et Mme [P], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mai 2022), la société Osaühing Magnon, aux droits de laquelle sont venus M. et Mme [P] (les bailleurs), a donné à bail à Mme [Z] (la locataire) une maison d'habitation. 2. Plusieurs mensualités étant demeurées impayées, les bailleurs ont, le 30 avril 2020, signifié à la locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail, puis l'ont assignée en constat d'acquisition de cette clause, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. La locataire fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail au 30 juin 2020 et de la condamner à payer aux bailleurs une indemnité d'occupation, alors « que lorsqu'un commandement de payer a été délivré à partir du 25 avril 2020, soit au cours de la période protégée définie par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, et que le délai de deux mois laissé au locataire pour régulariser sa situation expire après le 24 juin 2020, ce dernier bénéficie d'un délai supplémentaire correspondant au minimum au nombre de jours écoulés pendant la période protégée depuis la signification du commandement jusqu'à la date du 24 juin 2020 ; qu'en l'espèce, les bailleurs lui ayant délivré un commandement de payer le 30 avril 2020, Mme [Z] devait bénéficier, pour régulariser sa situation, d'un délai supplémentaire correspondant au nombre de jours écoulés pendant la période protégée entre le 30 avril 2020 et le 24 juin 2020 ; qu'en admettant l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail aux motifs que "le délai de deux mois laissé à la locataire pour régler la dette locative visée au commandement de payer délivré le 30 avril 2020, n'était pas échu pendant la période dite "juridiquement protégée"", de sorte que l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n'avait pas vocation à s'appliquer, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, ensemble l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour 5. Le report des effets des clauses résolutoires prévus par l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n'est applicable que lorsque le délai de deux mois laissé au locataire, destinataire d'un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus, pour apurer sa dette, expire au cours de la période juridiquement protégée instituée entre le 12 mars et le 23 juin 2020. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à M. et Mme [P] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois. | BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Résiliation - Clause résolutoire - Effets - Report - Article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 - Domaine d'application - Détermination | Le report des effets des clauses résolutoires prévu par l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n'est applicable que lorsque le délai de deux mois laissé au locataire, destinataire d'un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus, pour apurer sa dette, expire au cours de la période juridiquement protégée instituée entre le 12 mars et le 23 juin 2020 |
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JURITEXT000048242187 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242187.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-19.710, Publié au bulletin | 2023-10-19 00:00:00 | Cour de cassation | 22301030 | Rejet | 21-19710 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-05-25 | Cour d'appel d'Orléans | Mme Martinel | SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:C201030 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Rejet Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 1030 F-B Pourvoi n° G 21-19.710 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 La société [5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 21-19.710 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre-Val de Loire, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 mai 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2014 à 2016, l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF) a adressé à la société [5], entreprise de transports sanitaires (la cotisante), une lettre d'observations portant notamment un chef de redressement relatif à la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires des ambulanciers, suivie de mises en demeure. 2. La cotisante a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 4. La cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 2°/ que seuls les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires ; qu'en conséquence, les compléments de rémunération qui, bien qu'étant liés à l'exécution du contrat de travail, présentent un caractère forfaitaire et sont indépendants du travail effectivement fourni par le salarié, doivent être exclus de l'assiette de calcul des majorations pour heures supplémentaires ; qu'au cas présent, pour contester le bien-fondé du chef de redressement n° 8 « Assiette minimum des cotisations : heures supplémentaires » opéré par l'Urssaf, la cotisante faisait valoir que les indemnités pour dimanches et jours fériés travaillés étaient versées de manière forfaitaire aux salariés, indépendamment de leur temps de travail effectif, de sorte que ces indemnités ne devaient pas être intégrées dans le salaire servant de base de calcul des majorations pour heures supplémentaires ; que pour valider néanmoins ce chef de redressement, la cour d'appel a retenu qu'« en l'espèce, les indemnités des dimanches et jours fériés travaillés sont versées forfaitairement quelle que soit la durée du travail constatée, mais leur montant varie cependant selon que l'ambulancier est classé au 1er degré ou au 2e degré. Cette indemnité rémunérant le travail effectif accompli les dimanches et jours travaillés, elle se rattache directement à l'activité personnelle des salariés, et ce même si son montant ne diffère pas à raison du nombre d'heures effectuées durant ces jours. En conséquence, cette prime doit être intégrée dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que les indemnités des dimanches et jours fériés travaillés étaient versées de manière forfaitaire, indépendamment du temps de travail effectif du salarié, de sorte qu'elles n'étaient pas directement liées à l'activité personnelle du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que ces indemnités devaient être exclues de l'assiette de calcul des heures supplémentaires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 3121-36 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'alinéa 6 de l'article R. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successivement issues du décret n° 2012-17 du 4 janvier 2012 et du décret n° 2016-1567 du 21 novembre 2016 ; 3°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur motifs de l'arrêt ayant validé le chef de redressement n°8 (première branche et/ou deuxième branche du moyen unique) entraînera nécessairement, par voie de conséquence, la censure des chefs de l'arrêt ayant condamné la cotisante pour son établissement de [Localité 7] compte n° [XXXXXXXXXX03] au paiement des causes de la mise en demeure du 17 octobre 2017 pour la somme restant due de 6 663 ¿ soit 5 759 ¿ de cotisations et 904 ¿ de majorations de retard et pour son établissement de [Localité 6] compte n°[XXXXXXXXXX043] au paiement des causes de la mise en demeure du 17 octobre 2017 pour la somme restant due de 103 ¿ soit 95 ¿ de cotisations et 8 ¿ de majorations de retards ; 4°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur motifs de l'arrêt ayant validé le chef de redressement n° 8 (première branche et/ou deuxième branche du moyen unique) entraînera nécessairement, par voie de conséquence, la censure du chef de l'arrêt ayant condamné la cotisante à payer les causes des deux mises en demeure du 17 octobre 2017, sous déduction du chef de redressement annulé, avec ses conséquences sur la réduction Fillon et la cotisation allocations familiales. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, devenu L. 3121-36 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, devenu L. 3121-27 du même code, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. 6. Il résulte de ces dispositions que les éléments de rémunération, dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié, doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires. 7. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'indemnité pour jours fériés travaillés n'est payée que lorsque le salarié travaille un tel jour et est versée forfaitairement quelle que soit la durée du travail constaté, mais que son montant varie selon que l'ambulancier est classé au premier degré ou au second degré. 8. Ayant constaté que cette indemnité rémunérait le travail effectif accompli les dimanches et jours fériés travaillés et se rattachait directement à l'activité personnelle des salariés, et ce même si son montant était fixé forfaitairement et ne différait pas à raison du nombre d'heures effectuées, la cour d'appel en a exactement déduit que la prime litigieuse devait être intégrée dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires. 9. Dès lors, le moyen, sans objet en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [5] et la condamne à payer à l'URSSAF du Centre-Val de Loire la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Heures supplémentaires - Majorations - Calcul - Inclusion de l'indemnité pour jours fériés travaillés | Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, devenu L. 3121-36 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que les éléments de rémunération, dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié, doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires. Fait une exacte application de ces dispositions, la cour d'appel qui décide que l'indemnité pour jours fériés travaillés accordée aux ambulanciers devait être intégrée dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires après avoir constaté qu'elle n'était payée que lorsque le salarié travaillait un tel jour, qu'elle était versée quelle que soit la durée du travail constaté, que son montant variait selon que l'ambulancier était classé au premier ou au second degré, qu'elle rémunérait le travail effectif accompli les dimanches et jours fériés travaillés et se rattachait directement à l'activité personnelle des salariés, et ce même si son montant était fixé forfaitairement |
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JURITEXT000048242189 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242189.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-22.379, Publié au bulletin | 2023-10-19 00:00:00 | Cour de cassation | 22301043 | Cassation sans renvoi | 21-22379 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-07-13 | Cour d'appel d'Amiens | Mme Martinel | SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C201043 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Cassation sans renvoi Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 1043 F-B Pourvoi n° J 21-22.379 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 La caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-22.379 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre de la protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [2], société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 juillet 2021) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) a pris en charge, par décision du 5 décembre 2008, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'un des salariés de la société [2] (l'employeur). 2. La commission de recours amiable de la caisse, saisie le 17 juin 2015, ayant rejeté, par décision notifiée le 16 juillet 2015, la contestation de l'employeur de l'opposabilité de cette décision à son égard, celui-ci a porté son recours, le 21 août 2015, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur, alors : « 1°/ que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle se prescrit par cinq ans, ce délai courant à compter du jour où l'employeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, la caisse n'est pas tenue de notifier la décision de prise en charge à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de l'employeur, que la caisse ne démontre pas avoir envoyé la notification de la décision de prise en charge par lettre recommandée avec accusé de réception, la cour d'appel a violé les articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2224 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ; 2°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la caisse, qui soutenait que l'employeur aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action en inopposabilité le 5 décembre 2008, dès lors qu'il résulte des pièces produites qu'il a reçu, le 24 novembre 2008, la lettre de clôture du 20 novembre 2008 l'informant que la décision interviendrait le 5 décembre 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que la circonstance que, postérieurement à la lettre de clôture, la caisse ait notifié à l'employeur le recours à un délai complémentaire d'instruction ne saurait restituer une base légale à l'arrêt attaqué dès lors la lettre du 22 novembre 2008 informait l'employeur que le recours au délai complémentaire avait pour seul objet de lui permettre de consulter le dossier dans le temps imparti par la lettre de clôture, la date d'intervention de la décision étant inchangée ; qu'en tout cas, en s'abstenant de s'expliquer sur les termes de la lettre du 22 novembre 2008 et sur les circonstances de son intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 142-18, R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2224 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 5. En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil. 6. Après avoir exactement retenu que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour où l'employeur a eu une connaissance effective de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par son salarié, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et preuve débattus devant elle, que l'employeur ne pouvait ignorer l'existence de la prise en charge de la maladie professionnelle litigieuse à compter de la réception de son compte de cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles du 16 juillet 2010 qui la mentionnait, pour en déduire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à cette date. 7. Inopérant en ses première et troisième branches, le moyen n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur, alors « que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle se prescrit par cinq ans ; que la saisine de la commission de recours amiable n'interrompt pas le délai de prescription ; qu'en décidant au contraire que l'action de l'employeur, qui a saisi la commission de recours amiable par courrier du 17 juin 2015, antérieurement à l'échéance du délai quinquennal qui peut être considéré comme ayant débuté le 16 juillet 2010, n'est pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 2224, 2241 et 2242 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil et les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et R. 441-14 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige : 9. La prescription quinquennale, prévue par le premier des textes susvisés, est, en application des trois suivants, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée. 10. Il résulte des deux derniers textes susvisés que l'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois (2e Civ., 18 février 2021, pourvois n° 19-25.886 et n° 19-25.887, publiés au Bulletin). 11. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que le fait pour un employeur de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale susvisé et que l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation (2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.621, Bull. 2012, II, n° 208). 12. Le pourvoi pose la question de savoir si le délai de prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie, prise avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est interrompu par la saisine de la commission de recours amiable de la caisse par l'employeur. 13. En application du principe rappelé au paragraphe 9, ce n'est que si la saisine de la commission de recours amiable peut être regardée comme une demande en justice qu'elle est susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil susvisé. 14. La saisine de cette commission, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil susvisé. 15. Pour déclarer recevable le recours de l'employeur, l'arrêt retient que celui-ci n'a pu ignorer, à compter de la réception de son compte employeur le 16 juillet 2010, la prise en charge de la pathologie litigieuse au titre de la législation professionnelle, mais que la prescription quinquennale n'était pas acquise compte tenu de la saisine de la commission de recours amiable par courrier du 17 juin 2015. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 19. Il résulte des énonciations des paragraphes 9 à 14 que, l'employeur ayant eu une connaissance effective de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie le 16 juillet 2010 et n'ayant saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision à son égard que le 21 août 2015, il y a lieu de déclarer prescrite l'action de l'employeur. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable comme prescrite l'action de la société [2] aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [T] du 5 décembre 2008. Condamne la société [2] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Amiens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [2] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. | POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Action soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil - Inopposabilité soulevée par l'employeur - Prise en charge d'une maladie professionnelle - Jour de la connaissance effective par l'employeur de la décision - Point de départ | La détermination de la date à laquelle l'employeur a eu une connaissance effective de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle qui constitue le point de départ du délai de la prescription quinquennale de son action aux fins d'inopposabilité de cette décision relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond |
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JURITEXT000048242191 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242191.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-25.274 21-25.275 21-25.276 21-25.277, Publié au bulletin | 2023-10-19 00:00:00 | Cour de cassation | 22301046 | Cassation partielle sans renvoi | 21-25274 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-10-21 | Cour d'appel de Dijon | Mme Martinel | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy | ECLI:FR:CCASS:2023:C201046 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Cassation partielle sans renvoi Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 1046 F-B Pourvois n° F 21-25.274 H 21-25.275 G 21-25.276 J 21-25.277 Jonction R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° F 21-25.274, H 21-25.275, G 21-25.276, J 21-25.277 contre les arrêts n° RG : 19/00091, 19/00090, 19/00085, 19/00089 rendus le 21 octobre 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à M. [O] [P], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Mme [H] [J], domiciliée [Adresse 5], 3°/ à Mme [D] [L], domicilié [Adresse 4], 4°/ à M. [M] [F], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, un moyen unique commun de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], Mme [J], Mme [L] et M. [F], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-25.274, 21-25.275, 21-25.276 et 21-25.277 ont été joints par une ordonnance de Mme Gargoullaud, conseillère référendaire, déléguée de la première présidente de la Cour de cassation, du 6 janvier 2022. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Dijon, 21 octobre 2021), à la suite d'un contrôle de l'activité de Mmes [J] et [L] et de MM. [P] et [F] (les professionnels de santé), masseurs-kinésithérapeutes exerçant au sein d'un même cabinet, portant sur la période du 1er janvier 2015 au 16 mars 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or (la caisse) leur a notifié un indu en raison de l'inobservation des règles de facturation ou de tarification. 3. Les professionnels de santé ont saisi de recours la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, en formant, à titre subsidiaire, une demande de dommages-intérêts à l'encontre de la caisse. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. La caisse fait grief aux arrêts de la condamner à verser aux professionnels de santé des dommages-intérêts, alors : « 1°/ que les organismes de sécurité sociale ne sont pas débiteurs d'une obligation d'information envers les professionnels de santé ; qu'en jugeant en l'espèce que l'absence de réponse de la caisse aux demandes d'entente préalable formulées par les quatre praticiens du cabinet, ainsi que l'absence de tout courrier d'alerte adressé au cabinet en suite de la visite d'un agent de la caisse sur place, caractérisaient un manquement de la caisse à son devoir d'information constitutif d'une négligence fautive, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil ; 2°/ que, en tout état de cause, nul n'est censé ignorer la loi ; qu'il en résulte que les organismes de recouvrement ne sont jamais tenus de prendre l'initiative d'informer individuellement des personnes des règles applicables en matière de sécurité sociale, et ce même quand ils sont débiteurs d'une obligation d'information ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'absence de réponse de la caisse aux demandes d'entente préalable formulées par les quatre praticiens du cabinet, ainsi que l'absence de tout courrier d'alerte adressé au cabinet en suite de la visite d'un agent de la caisse sur place, caractérisaient un manquement de la caisse à son devoir d'information constitutif d'une négligence fautive, la cour d'appel, qui a ainsi considéré que la caisse était tenue de prendre l'initiative de renseigner les professionnels de santé, a violé l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1382, devenu 1240 du code civil, R. 112-2 et R. 165-23 du code de la sécurité sociale : 5. D'une part, l'obligation générale d'information, prévue par le deuxième de ces textes, dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés ne leur impose pas de prendre l'initiative de renseigner les professionnels de santé sur les règles de tarification ou de facturation applicables à leurs actes professionnels. 6. D'autre part, une caisse primaire d'assurance maladie ne commet pas une faute du seul fait de ne pas répondre aux demandes d'entente préalable qui lui sont transmises par les professionnels de santé. 7. Pour accueillir la demande en dommages-intérêts formée par les professionnels de santé à l'encontre de la caisse, après avoir constaté que les actes de soins litigieux n'entraient pas dans les conditions fixées à la nomenclature générale des actes professionnels, justifiant ainsi le bien fondé des indus, l'arrêt retient que l'absence de réponse de la caisse aux demandes d'accord préalable que les professionnels de santé lui avaient adressées pour ces actes et l'absence de tout courrier d'alerte adressé aux professionnels de santé à la suite de la visite d'un agent de la caisse au cabinet caractérisent un manquement de la caisse à son devoir d'information à l'égard des professionnels de santé. Il en déduit que cette dernière est responsable de la perte de chance qu'ils ont subie de ne pas réitérer leurs erreurs de cotation. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 5 et 6 que les demandes de dommages-intérêts formées par les professionnels de santé à l'encontre de la caisse doivent être rejetées. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or à verser à M. [P] la somme de 4 311 euros, à Mme [J] la somme de 3 855 euros, à Mme [L] la somme de 4 303 euros et à M. [F] la somme de 8 060 euros à titre de dommages-intérêts, les arrêts rendus le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; REJETTE les demandes de dommages-intérêts de Mmes [J] et [L] et de MM. [P] et [F]. Condamne Mmes [J] et [L] et MM. [P] et [F] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel de Dijon que devant la Cour de cassation par Mmes [J] et [L] et MM. [P] et [F] et les condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE - Caisse - Obligation générale d'information - Etendue - Détermination | SECURITE SOCIALE - Caisse - Absence de faute - Professionnel de santé - Absence de réponse aux demandes d'entente préalable - Défaut | L'obligation générale d'information prévue par l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale, dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés, ne leur impose pas de prendre l'initiative de renseigner les professionnels de santé sur les règles de tarification ou de facturation applicables à leurs actes professionnels. Une caisse primaire d'assurance maladie ne commet, dès lors, pas une faute du seul fait de ne pas répondre aux demandes d'entente préalable prévues à l'article R. 165-23 du code de la sécurité sociale qui lui sont transmises par les professionnels de santé |
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JURITEXT000048242193 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242193.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-22.955, Publié au bulletin | 2023-10-19 00:00:00 | Cour de cassation | 22301050 | Rejet | 21-22955 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-09-06 | Cour d'appel d'Amiens | Mme Martinel | SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C201050 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Rejet Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 1050 F-B Pourvoi n° K 21-22.955 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-22.955 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre de la protection sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 septembre 2021), la société [3] (l'employeur) a été informée le 2 janvier 2012 de l'imputation sur son compte employeur des conséquences financières de l'accident du travail du 28 novembre 2008 de l'un de ses salariés. 2. La commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse), saisie le 26 août 2015, ayant rejeté la contestation de l'employeur de l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de cet accident, celui-ci a porté son recours, le 29 mars 2017, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par la caisse est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans, en application de l'article 2224 du code civil ; qu'il est cependant constant que la saisine de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie interrompt le délai de prescription, même si la commission de recours amiable n'est pas une juridiction ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la prescription quinquennale était bien applicable au recours de l'employeur et que le point de départ du délai de prescription devait être fixé au 2 janvier 2012, date de réception, par celui-ci, de la notification de son taux de cotisation AT/MP l'informant de ce que l'accident du travail déclaré par la victime avait été pris en charge par la caisse ; qu'elle en a déduit que l'employeur « disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 » pour contester le caractère professionnel de l'accident du travail ; qu'il est constant, et non contesté, que l'employeur a saisi par lettre recommandée avec accusé de réception la commission de recours amiable de la caisse le 26 août 2015 ; qu'il s'en déduisait que son action n'était pas prescrite ; qu'en jugeant le contraire, au motif erroné qu'il « n'a saisi la juridiction que par requête du 29 mars 2017, hors du délai de cinq ans, et ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil. La saisine de la commission de recours amiable, qui n'est pas une juridiction, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 2224 du code civil, l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009. » Réponse de la Cour 5. La prescription quinquennale, prévue par l'article 2224 du code civil, est, en application des articles 2240, 2241 et 2244 du même code, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée. 6. Il résulte des articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le second dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que l'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois (2e Civ.,18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886, publié au Bulletin). 7. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que le fait pour un employeur de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, et que l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation (2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.621, Bull. 2012, II, n° 208). 8. Le pourvoi pose la question de savoir si le délai de prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, prise avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est interrompu par la saisine de la commission de recours amiable de la caisse par l'employeur. 9. En application du principe rappelé au paragraphe 5, ce n'est que si la saisine de la commission de recours amiable peut être regardée comme une demande en justice qu'elle est susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil. 10. La saisine de cette commission, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil. 11. L'arrêt relève que celui-ci a été informé de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident litigieux le 2 janvier 2012, qu'il disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une contestation du caractère professionnel de cet accident, qu'il a saisi la juridiction par requête du 29 mars 2017, hors du délai de 5 ans, et qu'il ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil. Il ajoute que la saisine de la commission de recours amiable, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription. 12. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, était prescrite. 13. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Décision de prise en charge - Inopposabilité soulevée par l'employeur - Recours n'ayant pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil - Saisine de la commission de recours amiable | PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Domaine d'application - Saisine de la commission de recours amiable - Absence d'effet interruptif | La saisine de la commission de recours amiable, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dés lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil |
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JURITEXT000048242195 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242195.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-10.221, Publié au bulletin | 2023-10-19 00:00:00 | Cour de cassation | 22301051 | Rejet | 21-10221 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2020-12-03 | Cour d'appel d'Amiens | Mme Martinel | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:C201051 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Rejet Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 1051 F-B Pourvoi n° U 21-10.221 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-10.221 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Picardie, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société [3] (la société) les suppléments de participation et d'intéressement alloués aux salariés au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au supplément de participation, alors : « 1°/ que selon l'article L. 3322-6 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 3 décembre 2007, les accords de participation peuvent notamment être conclus « 1°) Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3324-9 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, [...] selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6 » ; que l'avenant prévoyant un supplément de participation peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3322-6, 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuel conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément de participation dans les conditions de répartition prévues par l'accord de participation en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre la participation dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; que ces trois accords collectifs, déposés auprès de la DIRECCTE, valant mise en place des suppléments de participation octroyés au titre de ces trois exercices, la société remplissait les exigences posées par la loi pour que ces suppléments de participation soient exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que « le fait que des protocoles d'accord de négociation annuelle incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas établir que les participations auraient fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées », cependant que le versement de suppléments de participation pouvait être régulièrement institué par les protocoles d'accord de négociation annuelle prévoyant l'attribution de supplément de participation, protocoles qui ont été déposés auprès de la DIRECCTE au titre des exercices 2012, 2013 et 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 3325-1, L. 3322-6, L. 3323-4 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, l'article L. 3324-9 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et l'article L. 3323-5 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; 2°/ qu'à titre subsidiaire, selon l'article L. 3322-6 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 3 décembre 2007, les accords de participation peuvent notamment être conclus « 1°) Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3324-9 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, [...] selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6 » ; que l'avenant prévoyant un supplément de participation peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3322-6, 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuel conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément de participation dans les conditions de répartition prévues par l'accord de participation en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre la participation dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; qu'en retenant, pour valider le redressement, que « le fait que des protocoles d'accord de négociation annuelle incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas établir que les participations auraient fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées », sans rechercher si la mise en place des suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ne correspondait pas légalement à la mise en place du supplément de participation par un accord spécifique déposé suivant les modalités exigées par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3325-1, L. 3322-6, L. 3323-4 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, l'article L. 3324-9 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, et l'article L. 3323-5 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 3324-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, le conseil d'administration ou le directoire peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, dans le respect des plafonds mentionnés à l'article L. 3324-5 et selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation, ou par un accord spécifique, conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6. 5. Il en résulte que lorsque l'augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par la voie collective, le supplément de participation doit faire l'objet d'un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé à la DIRECCTE du lieu où il a été conclu. 6. L'arrêt relève que si un accord de participation a été signé le 28 mars 2003 et dûment déposé à la DIRECCTE, la société a versé durant chacune des années contrôlées, des suppléments au titre de la participation qui n'ont pas fait l'objet d'un avenant régulièrement déposé. Il ajoute que le fait que des protocoles d'accord de négociations annuelles incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas à établir que les suppléments de participation ont fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial, déposé suivant les modalités exigées. 7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'en l'absence d'accord spécifique régulièrement déposé, les suppléments de participation ne pouvaient pas bénéficier d'une exonération de cotisations. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 9. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au supplément d'intéressement, alors : « 1°/ que selon l'article L. 3312-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, les accords d'intéressement peuvent notamment être conclus « 1° Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3314-10 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos (...) selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5 » ; que l'avenant prévoyant un supplément d'intéressement peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3312-5 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuelle conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément d'intéressement dans les conditions de répartition prévues par l'accord d'intéressement en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre l'intéressement dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; que ces deux accords collectifs, déposés auprès de la DIRECCTE, valant mise en place des suppléments d'intéressement octroyés au titre de ces deux exercices, la société remplissait les exigences posées par la loi pour que ces suppléments d'intéressement soient exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que « les accords de négociation annuelle déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales ; Dès lors, l'attribution de suppléments de participation [lire d'intéressement] en 2012, 2013 et 2014 n'ouvre pas droit aux exonérations de cotisations au vu de l'absence de respect de la formalité de dépôt », cependant que le versement de suppléments d'intéressement pouvait être régulièrement institué par les protocoles d'accord de négociation annuelle prévoyant l'attribution de supplément d'intéressement, protocoles qui ont été déposés auprès de la DIRECCTE au titre des exercices 2012 et 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 3312-5 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, L. 3313-3 et L. 3314-10 du code du travail dans leur version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et L. 3312-4 dans sa version issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; 2°/ qu'à titre subsidiaire, selon l'article L. 3312-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, les accords d'intéressement peuvent notamment être conclus « 1°) Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3314-10 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos [...] selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5 » ; que l'avenant prévoyant un supplément d'intéressement peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3312-5, 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuelle conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément d'intéressement dans les conditions de répartition prévues par l'accord d'intéressement en vigueur ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; qu'en retenant, pour valider le redressement, que « les accords de négociation annuelle déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales ; Dès lors, l'attribution de suppléments de participation [lire d'intéressement] en 2012, 2013 et 2014 n'ouvre pas droit aux exonérations de cotisations au vu de l'absence de respect de la formalité de dépôt », sans rechercher si la mise en place des suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ne correspondait pas légalement à la mise en place du supplément d'intéressement par un accord spécifique déposé suivant les modalités exigées par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3312-5 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, L. 3313-3 et L. 3314-10 du code du travail dans leur version issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, et L. 3312-4 dans sa version issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 10. Selon l'article L. 3314-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-67 du 21 janvier 2008, le conseil d'administration ou le directoire peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos, dans le respect des plafonds mentionnés à l'article L. 3314-8 et selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5. 11. Il en résulte que lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur ne peut mettre en oeuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé à la DIRECCTE du lieu où il a été conclu. 12. L'arrêt relève que si un accord d'intéressement couvrant les années 2012 à 2014 a été mis en place en janvier 2012 et dûment déposé à la DIRECCTE, la société a versé des suppléments au titre de l'intéressement qui n'ont pas fait l'objet d'un avenant régulièrement déposé. Il ajoute que les accords de négociations annuelles déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas à établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant les conditions requises. 13. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'en l'absence d'accord spécifique régulièrement déposé, les suppléments d'intéressement ne pouvaient pas bénéficier d'une exonération de cotisations. 14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE - Cotisations - Exonération - Exonération relative aux sommes portées par une entreprise à la réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l'entreprise - Bénéficiaires - Entreprises ayant régulièrement conclu et déposé un accord de participation | SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Sommes versées au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise - Conditions - Détermination SECURITE SOCIALE - Cotisations - Exonération - Supplément d'intéressement - Conditions | Il résulte de l'article L. 3324-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, applicable au litige, que lorsque l'augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par la voie collective, le supplément de participation doit faire l'objet d'un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés. A défaut d'un tel accord régulièrement déposé à la DIRECCTE, les suppléments de participation ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations. Il résulte de l'article L. 3314-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-67 du 21 janvier 2008, applicable au litige, que lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur ne peut mettre en oeuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement. A défaut d'un tel accord régulièrement déposé à la DIRECCTE, les suppléments d'intéressement ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations |
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JURITEXT000048242197 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242197.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-20.366, Publié au bulletin | 2023-10-19 00:00:00 | Cour de cassation | 22301052 | Rejet | 21-20366 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-06-11 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Martinel | SCP Foussard et Froger, SARL Cabinet Rousseau et Tapie | ECLI:FR:CCASS:2023:C201052 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Rejet Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 1052 F-B Pourvoi n° W 21-20.366 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 M. [C] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-20.366 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [B], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 juin 2021), la Caisse autonome des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (la CARCDSF) a intégré dans l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse dues par M. [B] (le chirurgien-dentiste) le montant des dividendes versés par la société d'exercice libéral, au sein de laquelle il exerce son activité professionnelle, à la société de participations financières de profession libérale, dont il détient la totalité du capital à parts égales avec son épouse, et lui a notifié un appel de cotisations supplémentaires au titre des années 2016 et 2017. 2. Le chirurgien-dentiste a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le chirurgien-dentiste fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que selon l'article L. 131-6, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause, les cotisations d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d'activité non salarié, ce dernier étant celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, sans qu'il soit tenu compte des éléments mentionnés au deuxième alinéa de cette disposition ; que selon le troisième alinéa du même texte, est également prise en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur indépendant non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés et des revenus visés au 4° de l'article 124 du même code qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes ; que, pour dire qu'étaient soumis à cotisations sociales obligatoires les dividendes versés par la Selarl, au sein de laquelle le chirurgien-dentiste exerçait à titre libéral son activité de chirurgien-dentiste, à la société de participations financières de profession libérale, qu'il avait créée en janvier 2014 et qu'il détenait à parts égales avec son épouse, et qui détenait 990 des 1 000 parts de la Selarl, la cour d'appel a retenu que l'article 108 du code général des impôts auquel renvoie l'article L. 131-6, troisième alinéa, du code de la sécurité sociale, visait notamment les revenus distribués par les personnes morales soumises à l'impôt sur les bénéfices des sociétés, et en a déduit que dès lors que le chirurgien-dentiste était le seul associé professionnel en exercice de la Selarl et le seul à générer des revenus permettant de constituer les dividendes distribués par la Selarl, ces dividendes avaient un caractère professionnel et correspondaient à la rémunération d'un travail, plutôt qu'à des revenus du capital ; que la cour d'appel a ajouté que le chirurgien-dentiste était directement détendeur de 10 parts de la Selarl, et indirectement des 990 autres parts par l'intermédiaire de la SPFPL, de sorte qu'il convenait d'intégrer dans l'assiette de ses cotisations sociales tous les bénéfices distribués par la Selarl, dans la limite de la fraction supérieure à 10 % du capital social de la société de participations financières ; qu'en statuant de la sorte, quand seuls sont soumis à cotisations sociales les dividendes versés au travailleur indépendant non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés par la société par l'intermédiaire de laquelle il exerce sa profession et qui lui procure son revenu d'activité, à l'exclusion des dividendes versés par la société d'exercice à sa holding soumise à l'impôt sur les sociétés qui ne constituent pas des revenus d'activité perçus par le travailleur indépendant, la cour d'appel a violé l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 108, 205 et 206 du code général des impôts ; 2°/ qu'en tout état de cause que seuls les revenus distribués aux travailleurs indépendants non agricoles sont pris en compte pour déterminer l'assiette des cotisations sociales sur le revenu d'activité auxquelles ces derniers sont assujettis ; que sont en revanche exclus de cette assiette les dividendes versés par la société par l'intermédiaire de laquelle le travailleur indépendant non agricole exerce son activité à une société soumise à l'impôt sur les sociétés et non appréhendés par lui ; qu'en incluant dans l'assiette des cotisations vieillesse du chirurgien-dentiste les dividendes versés par la Selarl à la société de participations financières de profession libérale, qui détenait 990 des 1 000 parts de la Selarl et dont le chirurgien-dentiste et son épouse détenaient le capital chacun à hauteur de moitié, le chirurgien-dentiste détenant les 10 parts restantes, aux motifs inopérants que ce praticien était indirectement détenteur, par l'intermédiaire de la SPFPL des 990 autres parts de la Selarl, quand ces dividendes n'avaient pas été appréhendés par le chirurgien-dentiste, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 108, 205 et 206 du code général des impôts ; 3°/ que subsidiairement, sont inclus dans les revenus servant d'assiette aux cotisations sociales obligatoires des travailleurs indépendants non agricoles la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur indépendant non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes ; qu'il résulte de cette disposition que seule est intégrée à l'assiette des cotisations sociales obligatoires la fraction des dividendes perçus par le travailleur indépendant non agricole, et les autres personnes qu'il vise, qui est supérieure à 10 % du capital social de la personne morale qui les a distribués et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes ; qu'en jugeant que devaient être intégrés dans l'assiette des cotisations sociales obligatoires du chirurgien-dentiste « tous les bénéfices distribués par la Selarl dans la limite [...] de la fraction supérieure au 10 % du capital social de la société en participation financières », quand l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale vise les versements de dividendes excédant la fraction de 10 % du capital social de la société ayant procédé au versement des dividendes, soit en l'occurrence la Selarl, et non de la SPFPL, la cour d'appel a violé cette disposition. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 131-6, III, du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successives résultant des lois n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, applicables au litige, entre dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale dues par le travailleur indépendant non agricole la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par ce travailleur, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés et des revenus visés au 4° de l'article 124 du même code qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes. 5. Il en résulte que les bénéfices de la société d'exercice libéral, au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité, constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l'assiette des cotisations sociales dont il est redevable, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la société de participations financières de profession libérale qui détient le capital de la société d'exercice libéral. 6. L'arrêt constate que le chirurgien-dentiste est le seul associé professionnel en exercice au sein de la SELARL et le seul à générer des revenus permettant de constituer les dividendes distribués à la société de participations financières, dans laquelle lui et son conjoint sont les deux seuls détenteurs de parts sociales. Il relève que ces dividendes correspondent à la rémunération d'un travail plutôt qu'à des revenus d'un patrimoine. Il ajoute qu'il importe peu qu'au regard de la réglementation applicable, la société de participations financières soit dotée d'une personnalité morale distincte et soit soumise à l'impôt sur les sociétés et non à l'impôt sur les revenus. 7. De ces constatations et énonciations, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, la cour d'appel a exactement déduit que les dividendes litigieux revêtaient la nature de revenus d'activités non salariés au sens de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'ils devaient entrer dans l'assiette des cotisations sociales. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à la Caisse autonome des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ALLOCATION VIEILLESSE POUR PERSONNES NON SALARIEES - Professions libérales - Cotisations - Assiette - Revenus professionnels - Définition - Cas - Bénéfices d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée distribués au gérant majoritaire | Il résulte de l'article L. 131-6, III, du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successives résultant des lois n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 applicables au litige, que les bénéfices de la société d'exercice libéral, au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité, constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale dont il est redevable, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la société de participations financières de profession libérale, qui détient le capital de la société d'exercice libéral |
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JURITEXT000048242199 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242199.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 octobre 2023, 22-15.536, Publié au bulletin | 2023-10-19 00:00:00 | Cour de cassation | 32300684 | Cassation | 22-15536 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-02-10 | Cour d'appel de Limoges | Mme Teiller | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, Me Isabelle Galy | ECLI:FR:CCASS:2023:C300684 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 684 FS-B Pourvoi n° S 22-15.536 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-15.536 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Les Hauteurs de Sérignac, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], et prise en son établissement sis [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [R], de Me Isabelle Galy, avocat de la société Les Hauteurs de Sérignac, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, Mme Proust, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, M. Choquet, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 10 février 2022), la société civile immobilière Les Hauteurs de Sérignac (la SCI) a vendu une maison d'habitation à Mme [R] (l'acquéreur). 2. Se plaignant de désordres, l'acquéreur, après expertise, a assigné la SCI, en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l'origine d'un vice caché est présumé en avoir connaissance ; qu'en jugeant qu'aucun élément du rapport d'expertise ne permettait de retenir que la venderesse avait connaissance du vice affectant la maison, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si la SCI venderesse avait elle-même réalisé par l'intermédiaire de son gérant, sans faire appel à un professionnel, les travaux d'extension de la maison non conformes aux règles de l'art à l'origine des fuites affectant la maison, de sorte qu'elle s'était comportée en constructeur ou maître d'oeuvre et devait être présumée avoir connaissance du vice qui avait pour origine les travaux ainsi réalisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1643 du code civil : 5. Selon ce texte, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. 6. Pour l'application de ce texte, le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l'origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d'une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés (3e Civ., 26 février 1980, pourvoi n° 78-15.556, Bull. 1980, III, n° 47 ; 3e Civ., 9 février 2011, pourvoi n° 09-71.498, Bull. 2011, III, n° 24 ; 3e Civ., 10 juillet 2013, pourvoi n° 12-17.149, Bull. 2013, III, n° 101). 7. Pour rejeter les demandes indemnitaires de l'acquéreur, l'arrêt retient qu'il ne rapporte pas la preuve que la SCI avait connaissance du vice caché affectant l'immeuble à la date de sa vente et que celle-ci est donc fondée à lui opposer la clause de non garantie figurant dans l'acte de vente. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la SCI avait elle-même réalisé les travaux à l'origine des désordres affectant le bien vendu, peu important les changements survenus quant à l'identité de ses associés et gérants, de sorte qu'elle s'était comportée en constructeur et devait être présumée avoir connaissance du vice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société civile immobilière Les Hauteurs de Sérignac aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Les Hauteurs de Sérignac et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. | VENTE - Garantie - Vices cachés - Clause de non-garantie - Connaissance du vendeur - Vendeur professionnel - Personne morale - Vendeur ayant réalisé l'ouvrage à l'origine du sinistre - Recherche nécessaire | Prive sa décision de base légale, une cour d'appel qui fait application d'une clause d'exclusion de garantie des vices cachés prévue par l'acte de vente, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société venderesse avait elle-même réalisé les travaux à l'origine des désordres affectant le bien vendu, peu important les changements survenus quant à l'identité de ses associés et gérants, de sorte qu'elle s'était comportée en constructeur et devait être présumée avoir connaissance du vice |
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JURITEXT000048283800 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283800.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 octobre 2023, 21-23.139, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 12300573 | Cassation sans renvoi | 21-23139 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-06-30 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Champalaune | SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:C100573 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 573 FS-B Pourvoi n° K 21-23.139 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 OCTOBRE 2023 Mme [W] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-23.139 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige l'opposant à M. [H] [N], domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme [P], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Daniel, Lion conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2021), un jugement du 16 mars 2010 a prononcé le divorce de Mme [P] et de M. [N], mariés sans contrat préalable. 2. Des difficultés sont nées lors des opérations de liquidation et de partage de la communauté. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en sa seconde branche, et les quatrième et sixième moyens 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de dire que seules les soixante-huit actions Air-France levées au jour de l'ordonnance de non-conciliation, dont la valeur unitaire sera fixée selon le cours de l'action au plus près du partage, peuvent être intégrées à l'actif de la communauté et d'exclure de l'actif commun les stock-options non encore levées au jour de l'ordonnance de non-conciliation, qui constituent des biens propres de M. [N], et de déclarer sans objet sa demande tendant à la condamnation de M. [N], sous astreinte, à produire les bordereaux de souscription des stock-options sur toute la durée du contrat de travail, ainsi qu'un état Air-France de leur valeur de souscription pendant la durée de ce contrat jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, alors « que la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ; que les gains et salaires trouvant leur cause dans l'activité professionnelle exercée par l'un des époux durant le mariage sont des biens communs ; qu'en jugeant que les stock-options attribuées à M. [N] durant le mariage par son employeur en contrepartie de son activité de pilote de ligne, et non encore levées au jour de l'ordonnance de conciliation, étaient des biens propres par nature ne devant pas être intégrés dans l'actif commun, cependant que si seul l'époux pouvait exercer le droit d'option conféré par ces stock-options, il devait être néanmoins tenu compte de leur valeur lors de la dissolution de la communauté, comme un élément d'actif de cette communauté, la cour d'appel a violé les articles 1401 et 1404 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des articles 1401, 1404 et 1589 du code civil et de l'article L. 225-183, alinéa 2, du code de commerce que, si les droits résultant de l'attribution, pendant le mariage, à un époux commun en biens, d'une option de souscription ou d'achat d'actions forment des propres par nature, les actions acquises par l'exercice de ces droits entrent dans la communauté lorsque l'option est levée avant sa dissolution. 6. Après avoir rappelé cette règle, la cour d'appel a retenu à bon droit que seules les soixante-huit actions levées par M. [N] au jour de l'ordonnance de non-conciliation devaient être intégrées à l'actif de la communauté. 7. Le moyen n'est dès lors pas fondé. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, Enoncé du moyen 8. Mme [P] fait grief à l'arrêt de limiter à 267 540,63 euros le montant de la récompense due par M. [N] à la communauté, de rejeter sa demande tendant à désigner un expert pour chiffrer le profit subsistant au titre du financement des travaux d'amélioration de l'ensemble immobilier [Adresse 4] et de rejeter sa demande tendant à juger que le calcul des sommes dues au titre de ces travaux devait être opéré en pleine propriété à compter du décès de la mère de M. [N], alors « que le profit subsistant représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur et doit se déterminer d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement ou à l'amélioration du bien ; qu'ainsi, en cas d'amélioration d'un bien propre, le profit subsistant doit être calculé en faisant la différence entre les valeurs du bien avec et sans les travaux réalisés, à date de la liquidation de la communauté ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de tenir compte de la valeur de la nue-propriété du bien propre dont l'époux était titulaire au moment des travaux dès lors que celui-ci en a acquis l'entière propriété au moment de la liquidation de la communauté ; qu'en jugeant, au contraire, que la fixation de la récompense due par M. [N] à la communauté au titre du financement des travaux d'amélioration de l'ensemble immobilier [Adresse 4] devait être faite au regard de la valeur du bien en nue propriété dès lors que M. [N] n'avait récupéré la pleine propriété du bien qu'après la réalisation des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1469, alinéa 3, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1469 du code civil : 9. Il résulte de ce texte, d'une part, que la récompense est égale au profit subsistant quand la valeur empruntée à la communauté a servi à améliorer un bien propre à un époux qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine de celui-ci, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'amélioration de ce bien propre. 10. Il s'ensuit que, dans le cas où la communauté a contribué au financement de l'amélioration d'un bien qui a été acquis par l'un des époux en nue-propriété qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, en raison du décès de l'usufruitier, en pleine-propriété dans le patrimoine emprunteur, il convient de calculer d'abord la proportion de la contribution du patrimoine créancier à l'amélioration de ce bien, puis d'appliquer cette fraction à la différence entre la valeur du bien en pleine propriété au jour de la liquidation et celle qu'il aurait eue en pleine propriété à la même date sans les améliorations apportées. 11. Pour fixer à 198 182 euros le montant de la récompense due par M. [N] à la communauté au titre du financement, entre 1998 et 2001, des travaux d'amélioration du bien dont il était alors nu-propriétaire en vertu d'une donation consentie par sa mère, l'arrêt, après avoir constaté que la communauté a financé la totalité de ces travaux, retient que cette somme est supérieure à la différence de 180 800 euros existant entre la valeur de la nue-propriété du bien et la valeur de la nue-propriété du bien sans les travaux réalisés, de sorte qu'elle prend en compte le profit subsistant, et que le raisonnement selon lequel la récompense doit être chiffrée à 226 000 euros ne repose sur aucun fondement juridique, M. [N] n'ayant acquis la pleine propriété du bien qu'après les travaux réalisés. 12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'au jour de la liquidation, le bien dont la communauté avait financé l'amélioration se retrouvait en pleine propriété dans le patrimoine de M. [N], la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 13. Mme [P] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est redevable envers la communauté d'une récompense d'un montant de 1 789,87 euros à raison du financement des frais de partage afférents aux parcelles de terrain du GFA des [Adresse 2] situées à [Localité 3] et, en conséquence, de fixer à 85 289,87 euros le montant de la récompense due par elle à la communauté alors « qu' en se bornant à retenir, pour dire que Mme [P] était redevable envers la communauté d'une récompense de 1 789,87 euros au titre du financement des frais de partage du GFA des [Adresse 2] de [Localité 3], que cette somme était réputée réglée par la communauté, faute de preuve contraire apportée par l'épouse, sans examiner, même sommairement, l'attestation du liquidateur du GFA des [Adresse 2] en date du 28 avril 2008, selon laquelle les frais de partage incombant à Mme [P] avaient été payés par l'actif du GFA subsistant à la cessation de son activité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 14. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. 15. Pour fixer la récompense due par Mme [P] à la communauté à raison du financement des frais de partage afférents aux parcelles de terrain du GFA des [Adresse 2], l'arrêt retient qu'à défaut de preuve contraire, les sommes réglées pour le paiement de ces frais sont réputées avoir été payées par la communauté. 16. En statuant ainsi, sans examiner, fût-ce sommairement, l'attestation du liquidateur du GFA des [Adresse 2] du 28 avril 2008, selon laquelle les frais de partage incombant à Mme [P] avaient été payés par l'actif du GFA, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 19. En application de l'article 1469 du code civil, la récompense due par M. [N] à la communauté au titre du financement des travaux litigieux sur le bien en cause doit être fixée à la différence, telle qu'elle résulte des rapports d'expertise, entre la valeur actuelle du bien en pleine propriété et la valeur actuelle du bien en pleine propriété sans les travaux, soit à la somme de 226 000 euros, ce qui porte à 295 358,63 euros, au lieu de celle de 267 540,63 euros, le montant de la récompense due par M. [N] à la communauté. 20. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il rejette la demande de M. [N] tendant à voir fixer à la charge de Mme [P] une récompense due à la communauté au titre des frais de partage de 1 789,87 euros afférents aux parcelles de terrain du GFA des [Adresse 2], ce qui porte à la somme totale de 94 656,79 euros, au lieu de celle 96 446,66 euros, le montant de la récompense due par Mme [P] à la communauté. 21. La cassation des trois chefs de dispositif concernant, pour les deux premiers, l'évaluation de la récompense due par M. [N] à la communauté au titre des travaux financés par elle sur le bien immobilier [Adresse 4] et, pour le dernier, la récompense due par Mme [P] à la communauté au titre des frais de partage du GFA des [Adresse 2] n'emporte pas celle de la disposition de l'arrêt ayant rejeté la demande d'expertise de Mme [P], qui n'a pas de lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec la première cassation prononcée, ni celle des dispositions de l'arrêt disant que les dépens d'appel seront employés en frais de partage et disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement, d'une part, en ce qu'il rejette la demande de Mme [P] tendant à dire et juger que le calcul des sommes dues au titre des travaux doit être opéré en pleine propriété à compter du décès de la mère de M. [N], et, d'autre part, fixe à la somme de 267 540,63 euros la récompense due par M. [N] à la communauté et à la somme de 96 446,66 euros la récompense due par Mme [P] à la communauté, l'arrêt rendu le 30 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Fixe à la somme de 295 358,63 euros la récompense due par M. [N] à la communauté ; Fixe à la somme de 94 656,79 euros la récompense due par Mme [P] à la communauté ; Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | REGIMES MATRIMONIAUX - Communauté entre époux - Actif - Composition - Biens acquis au cours du mariage - Actions acquises par l'exercice d'une option de souscription ou d'achat d'actions attribuée à un époux commun en biens - Cas - Levée de l'option avant la dissolution de la communauté | REGIMES MATRIMONIAUX - Communauté entre époux - Propres - Propres par nature - Biens à caractère personnel - Droits résultant de l'attribution, pendant le mariage, à un époux commun en biens, d'une option de souscription ou d'achat d'actions SOCIETE ANONYME - Capital social et actionnariat des salariés - Souscription et achat d'actions par les salariés - Options de souscription ou d'achat d'actions - Exercice - Moment - Portée | Il résulte des articles 1401, 1404 et 1589 du code civil et de l'article L. 225-183, alinéa 2, du code de commerce que si les droits résultant de l'attribution, pendant le mariage, à un époux commun en biens, d'une option de souscription ou d'achat d'actions, forment des propres par nature, les actions acquises par l'exercice de ces droits entrent dans la communauté lorsque l'option est levée avant sa dissolution |
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JURITEXT000048283870 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283870.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 octobre 2023, 21-12.580, Publié au bulletin | 2023-10-26 00:00:00 | Cour de cassation | 22301057 | Cassation | 21-12580 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2020-11-12 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Martinel | SAS Buk Lament-Robillot, Me Haas | ECLI:FR:CCASS:2023:C201057 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1057 FS-B Pourvoi n° G 21-12.580 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La société Banque populaire du Sud, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-12.580 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [D] [X], 2°/ à Mme [K] [I], épouse [X], tous deux domiciliés [Adresse 1] (Belgique), défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Banque populaire du Sud, de Me Haas, avocat de M. [X] et Mme [I], épouse [X], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 novembre 2020) et les productions, agissant sur le fondement d'un acte de prêt notarié du 12 décembre 2006, la Banque populaire du Sud (la banque) a fait délivrer à M. [X] et Mme [I], le 15 décembre 2010, un premier commandement de payer valant saisie immobilière dont la péremption a été constatée par décision du 13 janvier 2014 puis un second, le 2 septembre 2014, et les a assignés devant un juge de l'exécution. 2. Un arrêt d'une cour d'appel du 3 juin 2016 a confirmé le jugement, rendu le 7 décembre 2015, en ce qu'il avait ordonné la radiation du commandement, l'a infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau, donné acte à la banque de son désistement et déclaré M. [X] et Mme [I] irrecevables à faire juger leurs autres contestations et demandes reconventionnelles malgré l'extinction de la procédure de saisie immobilière. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 (2e Civ., 11 janvier 2018, pourvoi n° 16-22.829, Bull. 2018, II, n° 5). 3. La banque a ensuite fait pratiquer, le 9 juillet 2018, une saisie-attribution à l'encontre de M. [X] et de Mme [I] qui ont saisi un juge de l'exécution d'une contestation en invoquant la prescription biennale de l'article L. 213-8 du code de la consommation. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 2241, alinéa 1er, 2242 et 2244 du code civil : 5. Selon le dernier de ces textes, le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. 6. Selon le premier, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Selon le deuxième, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes, qu'en matière de saisie immobilière, l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation consécutive à un commandement valant saisie immobilière produit ses effets, en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation, jusqu'à l'extinction de la procédure de saisie immobilière. 8. Pour déclarer prescrite la créance de la banque et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient que la banque a manifesté la volonté de se désister de la procédure de saisie immobilière, que c'est par une décision du 7 décembre 2015 que le juge de l'exécution a ordonné la radiation du commandement en cause et qu'un débat est demeuré jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 sur l'étendue du pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution à la suite de ce désistement, mais que celle-ci avait jugé que, dès lors que le créancier avait déclaré, par conclusions écrites, se désister de la procédure de saisie immobilière, le juge de l'exécution n'était plus compétent pour trancher les contestations et en déduit que l'effet interruptif de prescription a donc cessé avec l'arrêt de la cour d'appel du 3 juin 2016. 9. En statuant ainsi, alors que l'effet interruptif avait produit ses effets jusqu'au prononcé de l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 ayant mis fin à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [X] et Mme [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et Mme [I] et les condamne à payer à la société Banque populaire du Sud la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois. | SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Assignation - Effet interruptif de prescription - Durée - Détermination - Portée | Il résulte de la combinaison des articles 2241, alinéa 1, 2242 et 2244 du code civil, qu'en matière de saisie immobilière, l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation consécutive à un commandement valant saisie immobilière produit ses effets, en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation, jusqu'à l'extinction de la procédure de saisie immobilière |
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JURITEXT000048283876 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283876.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 octobre 2023, 22-16.185, Publié au bulletin | 2023-10-26 00:00:00 | Cour de cassation | 22301074 | Cassation | 22-16185 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-03-31 | Cour d'appel de Montpellier | Mme Martinel | Me Soltner | ECLI:FR:CCASS:2023:C201074 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1074 F-B Pourvoi n° X 22-16.185 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 Mme [J] [O], veuve [D] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-16.185 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [U] [L], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 31 mars 2022), [Y] [L] est décédé le 19 janvier 2017, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [O], et son fils issu d'une première union, M. [U] [L]. 2. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de partage de la succession, un tribunal de grande instance a ordonné le partage et la liquidation de la communauté ayant existé entre le défunt et son conjoint, puis de la succession et a désigné le président de la chambre des notaires de l'Hérault pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de cette succession. 3. Mme [O] a relevé appel de cette décision par déclaration du 3 mars 2020. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [O] fait grief à l'arrêt de juger que sa déclaration d'appel en date du 3 mars 2020 était privée de tout effet dévolutif de sorte que la cour n'était saisie d'aucune demande, alors « qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique ; qu'en l'espèce Mme [J] [O] a régularisé une déclaration d'appel à laquelle était jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués ce qui constituait un acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile sans qu'elle n'ait à justifier d'un empêchement technique ; qu'en jugeant pourtant qu'en l'absence de difficultés techniques et à défaut d'avoir mentionné dans la déclaration d'appel les chefs de jugement critiqués l'appel tel que formulé était dépourvu de tout effet dévolutif, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 : 5. Selon ce texte la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 6. Par avis du 8 juillet 2022 (n° 22-70.005), la Cour de cassation a notamment dit que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré. 7. L'instance devant une cour d'appel, introduite par une déclaration d'appel prenant fin avec l'arrêt que rend cette juridiction, soit en l'espèce l'arrêt du 31 mars 2022, le décret du 25 février 2022 est applicable au présent litige. La cour d'appel est tenue, au besoin d'office, de faire application de ce nouveau texte. 8. Pour constater que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande par la déclaration d'appel de Mme [O], l'arrêt retient que, dans cette déclaration d'appel, il n'est fait mention d'aucun chef du jugement que l'appelante entend voir critiquer et que, par ailleurs, il n'est fait état d'aucune difficulté technique qui justifierait l'utilisation d'une pièce jointe comme prévue par la circulaire. 9. En statuant ainsi, alors que cette déclaration d'appel à laquelle était jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, applicable au litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse. Condamne M. [U] [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U] [L] à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois. | APPEL CIVIL | ||||||||||
JURITEXT000048283886 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283886.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 octobre 2023, 21-17.937, Publié au bulletin | 2023-10-26 00:00:00 | Cour de cassation | 32300702 | Rejet | 21-17937 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-04-13 | Cour d'appel de Reims | Mme Teiller | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SARL Cabinet Rousseau et Tapie | ECLI:FR:CCASS:2023:C300702 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 702 FS-B Pourvoi n° F 21-17.937 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La société Epacc, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° F 21-17.937 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2021, rectifié le 11 mai 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [L], domicilié [Adresse 5], [Localité 6], 2°/ à la société du Barrois 2000, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société civile d'exploitation agricole Epacc, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société du Barrois 2000, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon arrêt attaqué (Reims, 13 avril 2021, rectifié le 11 mai 2021), la société civile d'exploitation agricole Epacc (la société Epacc), anciennement dénommée société des Coteaux Champenois, est propriétaire de parcelles en nature de vignes, qui ont été données à bail à Mmes [Z] et M. [F] en 2002. 2. Par des actes notariés du 6 septembre 2008, ces baux ont fait l'objet d'avenants conférant à la société civile d'exploitation agricole du Barrois 2000 (la société du Barrois 2000) la qualité de co-preneur, rétroactivement à compter de la date d'effet de chacun des baux. Les 30 juin et 28 août 2009, deux baux à complant ont été consentis dans les mêmes conditions à la société du Barrois 2000, portant sur d'autres parcelles appartenant à la société Epacc. 3. Le 13 novembre 2015, contestant la qualité de gérant de M. [T] [L], dont celui-ci s'était prévalu pour la représenter lors de la signature des baux et avenants précités, la société Epacc a assigné la société du Barrois 2000 aux fins d'obtenir son expulsion des parcelles en litige. 4. Le 26 juillet 2016, M. [Y] [L], alors gérant de la société Epacc, a déposé au greffe du tribunal de grande instance une inscription de faux incidente à l'encontre de plusieurs pièces versées au débat par la société du Barrois 2000, dont les baux et avenants précités. 5. Les deux procédures ont été jointes, puis une expertise graphologique a été ordonnée. 6. M. [T] [L], également associé de la société du Barrois 2000, est intervenu volontairement à l'instance. Examen du moyen Il est statué sur ce moyen après avis de la chambre commerciale, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches Enoncé du moyen 6. La société Epacc fait grief à l'arrêt de rejeter partiellement ses demandes d'inscription de faux incidentes et de rejeter les demandes plus amples ou contraires des parties, alors : « 1°/ qu'un acte authentique signé en une fausse qualité est un faux intellectuel ; que la publication de la décision de nomination d'un gérant convaincue de faux, et donc inexistante, ne saurait faire obstacle à ce que la société se prévale de sa fausseté pour se soustraire à ses engagements résultant des actes authentiques passés sur son fondement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société du Barrois 2000 ne contestait pas le jugement en ce qu'il avait jugé que la signature apposée sur le procès-verbal du 2 octobre 2005 de la SCEA des Côteaux Champenois, aujourd'hui dénommée Epacc, était contrefaite, celle-ci n'ayant pas été faite de la main de [Y] [L] ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de la société Epacc en inscription de faux des pièces n°1, 4, 5 et 6, que la décision de nomination de [T] [L] en qualité de gérant de la société des Côteaux Champenois avait été publiée de sorte qu'il avait pu représenter valablement la société lors de la conclusion des baux et avenants argués de faux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 309 du code de procédure civile ensemble l'article 1846 du code civil ; 4°/ que la confection d'un faux procès verbal de nomination d'un gérant est constitutive d'une fraude ; qu'en conséquence, la publication de cette décision de nomination du gérant est inopposable à la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 2 octobre 2005 de la société des Côteaux Champenois était un faux, la signature apposée sur le procès-verbal n'étant pas de la main de [Y] [L] ; qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, que la décision de nomination de [T] [L] en qualité de gérant de la société des Côteaux Champenois avait été publiée de sorte qu'il avait pu représenter valablement la société lors de la conclusion des baux et avenants argués de faux, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invité, si le faux dont s'était rendu coupable [T] [L], associé de la société du Barrois 2000 bénéficiaire des baux et avenants argués de faux, n'était pas constitutif d'une fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel le fraude corrompt tout. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 1846-2, alinéa 2, du code civil, similaires à ceux de l'article L. 210-9, alinéa 1, du code de commerce, applicable aux sociétés commerciales, ni la société, ni les tiers, ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des gérants ou dans la cessation de leur fonction, dès lors que ces décisions ont été régulièrement publiées. 8. Pris en sa première branche, le moyen pose la question de savoir si la publication d'une nomination d'un gérant sur la base d'un procès-verbal convaincu de faux fait obstacle, par application de ces dispositions, à la contestation par la société d'engagements pris en son nom par le gérant, ainsi désigné. 9. Pour répondre à cette question, inédite devant la Cour de cassation, il importe de rechercher au préalable si la contrefaçon de la signature du président de séance sur le procès-verbal d'assemblée générale constitue une irrégularité dans la nomination du gérant au sens du texte susvisé, ou si, au contraire, cette nomination, parce qu'elle repose sur un faux, doit être regardée comme inexistante. 10. D'une part, la finalité du texte précité est d'assurer la protection des tiers, lesquels ne disposent pas d'autres moyens que les mesures de publicité légale pour s'assurer de la régularité de la nomination d'une personne se disant gérant d'une personne morale. Cette disposition ne fait, en outre, aucune différence selon la nature des irrégularités entachant la décision de nomination du gérant. 11. D'autre part, une société ou ses associés peuvent demander l'annulation de délibérations prises dans des conditions irrégulières, de sorte qu'il leur appartient de vérifier les informations publiées sur l'identité de ses représentants, et, lorsqu'elles sont inexactes, d'en demander la rectification. 12. Dès lors, regarder comme inexistante la désignation d'un gérant intervenue sur la base d'un procès-verbal d'assemblée générale contrefait, ce qui conduirait à écarter en ce cas l'application de l'article 1846-2 du code civil et autoriserait la société à contester des actes conclus en son nom par un gérant dont la nomination a été publiée, priverait d'effet utile la finalité de ce texte. 13. Les considérations qui précèdent justifient de retenir que la contrefaçon d'un procès-verbal d'une délibération portant nomination de son gérant n'a pas pour effet de la rendre inexistante, de sorte que, par application du texte précité, lorsque cette nomination a été publiée, la société ne peut se prévaloir de son irrégularité pour contester les engagements pris en son nom par les personnes ainsi désignées. 14. Pour apprécier l'opérance de la recherche critiquée comme omise par la quatrième branche, la question se pose de savoir si, alors que le texte précité ne le prévoit pas, l'inopposabilité par la société ou les tiers des irrégularités dans la nomination d'un gérant, lorsque celle-ci a été publiée, doit être écartée en présence d'une fraude. 15. Dans une première approche, il pourrait être envisagé que la simple connaissance par le tiers cocontractant de l'irrégularité de la nomination du gérant suffise à écarter l'effet attaché, en principe, à sa publication. 16. Néanmoins, afin de préserver la portée attachée à la publicité légale et de n'en neutraliser les effets que pour sanctionner les actes les plus graves commis au préjudice d'une personne morale, lorsqu'ils procèdent de manoeuvres concertées, il y a lieu de retenir que seule l'existence d'une collusion frauduleuse entre le gérant désigné et le tiers est de nature à priver d'effet l'opposabilité qui découle, en principe, de la publicité légale. 17. En outre, le caractère frauduleux de la publication d'une nomination de gérant ne peut se déduire du seul caractère frauduleux de la désignation d'un gérant, notamment lorsqu'il résulte de la contrefaçon d'un procès-verbal d'assemblée générale. 18. Au cas présent, dès lors, d'une part, que la contrefaçon du procès-verbal dont se prévalait la société Epacc ne pouvait à elle seule démontrer le caractère frauduleux de la publication de la nomination de M. [T] [L] et, d'autre part que, dans ses écritures, la société Epacc se bornait à dénoncer, en des termes généraux, une fraude de M. [T] [L], sans invoquer l'existence d'une collusion frauduleuse entre ce dernier et la société du Barrois 2000, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche prétendument délaissée, qui était inopérante. 19. Le moyen, qui manque en droit en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société civile d'exploitation agricole Epacc aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois. | SOCIETE CIVILE - Gérant - Nomination - Irrégularité - Caractérisation - Cas - Signature contrefaite sur le procès-verbal d'assemblée générale - Publication - Effet | La contrefaçon d'une signature figurant sur un procès-verbal d'assemblée générale portant désignation d'un gérant constitue une irrégularité dans la nomination, au sens de l'article 1846-2 du code civil. Sauf collusion frauduleuse entre le gérant et le tiers cocontractant, la publication de la nomination du gérant sur la base d'un procès-verbal convaincu de faux fait obstacle, par application du texte précité, à la contestation par la société de conventions conclues en son nom par la personne désignée gérant dans de telles conditions |
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JURITEXT000048283888 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283888.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 octobre 2023, 21-24.231, Publié au bulletin | 2023-10-26 00:00:00 | Cour de cassation | 32300704 | Cassation partielle | 21-24231 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-09-16 | Cour d'appel de Caen | Mme Teiller | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C300704 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 704 FS-B Pourvoi n° X 21-24.231 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La société Les Forges, société civile d'exploitation agricole, représentée par son gérant M. [Y] [H], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-24.231 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale et baux ruraux), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [T] [L], veuve [U], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à la société GFA CDMO, groupement foncier agricole, représentée par son gérant M. [X] [W], dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Les Forges, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [L], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société civile d'exploitation agricole Les Forges (la SCEA) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le groupement foncier agricole CDMO (le GFA). Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 septembre 2021) et les productions, l'exploitation agricole à responsabilité limitée Oudart, devenue la SCEA, a conclu deux baux ruraux, l'un, par acte du 30 décembre 2011 avec Mme [L], et, l'autre, par acte du 30 novembre 2012 avec la société civile immobilière CDMO (la SCI). 3. En 2018, M. [H], déjà exploitant et associé de la société à objet agricole du Valquenet, est devenu associé exploitant de la SCEA. 4. Le 2 avril 2019, Mme [L] et la SCI, devenue le GFA, ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en nullité des baux sur le fondement de l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime. 5. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 décembre 2019, l'autorité administrative a mis en demeure « M. [H], la SCEA » de présenter une demande d'autorisation dans un délai d'un mois. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La SCEA fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de Mme [L], alors « qu'en matière d'action en nullité, le délai de prescription quinquennal commence à courir à compter du jour où l'acte litigieux a été passé ; que s'agissant de l'action tendant à obtenir l'annulation d'un bail rural, faute pour le preneur d'avoir obtenu une autorisation d'exploiter, le point de départ du délai de prescription correspond à la date de conclusion du bail, le preneur étant à cet égard tenu de faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail, la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; qu'en l'espèce, la SCEA Les Forges faisait valoir que l'action introduite par Mme [L], épouse [U], devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Caen le 2 avril 2019, était irrecevable, le délai de prescription ayant commencé à courir à compter du 30 décembre 2011 date à laquelle le bail litigieux avait été passé ; qu'en jugeant que le fait générateur constituant le point de départ du délai de prescription devait être fixé au 29 juin 2016, date à laquelle M. [H], qui exploitait déjà une superficie de 353,85 ha au sein de la SCEA du Valquenet, avait repris l'exploitation des parcelles exploitées par l'EARL Oudart d'une contenance de 30,87 ha, quand le point de départ du délai de prescription correspondait à la date à laquelle le bail rural avait été conclu, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. Selon l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2 du même code, la validité du bail est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de cet article dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 de ce code emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux. 9. Selon l'article L. 331-7 du même code, lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux règles du contrôle des structures, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. La mise en demeure prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées. 10. La Cour de cassation juge, en application de ces deux derniers textes, que l'exercice de l'action en nullité du bail rural, ouverte par l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, suppose, dans tous les cas, que le locataire contrevenant au contrôle des structures ait été mis en demeure et que le délai imparti soit expiré (3e Civ., 31 octobre 2007, pourvoi n° 06-19.350, Bull. 2007, III, n° 186 ; 3e Civ., 12 décembre 2012, pourvoi n° 11-24.384, Bull. 2012, III, n° 184). 11. Il en résulte que l'action en nullité d'un bail formée sur le fondement de l'article L. 331-6 précité se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître qu'était expiré le délai imparti au locataire, dans la mise en demeure prévue par l'article L. 331-7 précité, pour régulariser sa situation. 12. En l'espèce, l'arrêt constate que la demande en justice date du 2 avril 2019 et la mise en demeure, qui a nécessairement précédé la date à compter de laquelle Mme [L] a eu connaissance de l'expiration du délai qu'elle impartissait, du 17 décembre 2019. L'action en nullité n'est donc pas prescrite. 13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 14. La SCEA fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du bail consenti par Mme [L], alors « que l'associé exploitant doit seul demander une autorisation administrative d'exploiter lorsque la surface cumulée de l'exploitation nouvellement exploitée et celle des terres qu'il exploitait seul, quelle que soit la forme juridique de cette exploitation, dépasse le seuil au-delà duquel une autorisation d'exploiter est nécessaire au titre du contrôle des structures ; que, dès lors, en jugeant qu'il appartenait à la SCEA Les Forges et non à M. [H], associé exploitant qui exploitait par ailleurs des parcelles d'une contenance de 353 ha au travers de la SCEA du Valquenet, de solliciter une autorisation d'exploitation, quand il résultait de ses propres énonciations que seul M. [H] devait solliciter une telle autorisation en sa qualité d'associé exploitant, ce que confirmaient du reste les termes de la mise en demeure de la DDTM du Calvados du 17 décembre 2019, qui lui était personnellement adressée, la cour d'appel a violé l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 15. Mme [L] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau en ce qu'il modifie l'objet des prétentions de la SCEA, celle-ci n'ayant pas sollicité le rejet de sa demande en nullité. 16. Cependant, l'absence de prétention opposée en défense à une demande ne rend pas irrecevable le moyen faisant grief à l'arrêt de l'avoir accueillie. 17. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 331-1, alinéa 1, L. 331-1-1, 1° et 2°, L. 331-2, I, 1°, dans leur version issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, L. 331-6 et R. 331-1, dans sa version issue du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015, du code rural et de la pêche maritime : 18. Aux termes du premier de ces textes, le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. 19. Aux termes du deuxième, est qualifié d'exploitation agricole l'ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Est qualifié d'agrandissement d'exploitation ou de réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne le fait, pour celle-ci, mettant en valeur une exploitation agricole à titre individuel ou dans le cadre d'une personne morale, d'accroître la superficie de cette exploitation. 20. Aux termes du dernier, pour l'application des dispositions du 1° de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime, une personne associée d'une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de ces unités de production. 21. Aux termes du troisième, sont soumises à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. 22. Le Conseil d'Etat a jugé que le rachat, par une personne physique, de parts d'une société à objet agricole, si elle participe effectivement aux travaux en son sein, constitue un agrandissement de son exploitation, soumis à autorisation préalable si la surface totale qu'elle envisage de mettre en valeur, incluant les surfaces exploitées par cette société, excède le seuil fixé par le schéma directeur des structures (CE, 2 juillet 2021, n° 432801, mentionné aux tables du Recueil Lebon ; CE, 30 novembre 2021, n° 439742, mentionné aux tables du Recueil Lebon). 23. Il en résulte que, dans cette hypothèse, la demande d'autorisation doit être présentée par le nouvel associé, qui procède ainsi à un agrandissement de son exploitation, et non par la société. 24. Selon le quatrième de ces textes, si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, la validité du bail est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de cet article dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 du même code emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux. 25. En l'espèce, pour prononcer la nullité du bail consenti par Mme [L], l'arrêt retient qu'en dépit d'une mise en demeure par l'autorité administrative, la SCEA n'a pas présenté de demande d'autorisation à la suite de l'entrée de M. [H] à son capital en 2016, alors qu'il s'agit d'une opération d'agrandissement de son exploitation au sens des dispositions de l'article L. 331-1-1, 2°. 26. En statuant ainsi, alors que la SCEA n'était pas tenue de présenter une demande d'autorisation en raison du rachat par M. [H] de ses parts sociales, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de Mme [L] et statue sur les demandes du groupement foncier agricole CDMO, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à la société civile d'exploitation agricole Les Forges la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL - Bail à ferme - Contrôle des structures - Refus d'autorisation d'exploiter - Mise en demeure de cesser l'exploitation - Nullité du bail - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination | L'action en nullité d'un bail formée sur le fondement de l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître qu'était expiré le délai imparti, dans la mise en demeure prévue par l'article L. 331-7 de ce code, au preneur contrevenant au contrôle des structures pour régulariser sa situation |
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JURITEXT000048283890 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283890.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 octobre 2023, 22-16.216, Publié au bulletin | 2023-10-26 00:00:00 | Cour de cassation | 32300705 | Cassation partielle | 22-16216 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-03-17 | Cour d'appel de Toulouse | Mme Teiller | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:C300705 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° F 22-16.216 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La société [Localité 3], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-16.216 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2022 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société Auto-Team carrosserie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société civile immobilière [Localité 3], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Jobert, Mmes Grandjean, Grall, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse,17 mars 2022), la société civile immobilière [Localité 3] (la bailleresse) a consenti, le 19 janvier 2018, un bail commercial à la société Auto-Team carrosserie (la locataire). 2. Une ordonnance de référé du 22 octobre 2019, a, d'une part, constaté, à effet du 1er janvier 2019, l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail, d'autre part, prononcé l'expulsion de la locataire, à laquelle un délai pour se libérer du paiement de l'arriéré locatif en vingt-quatre mensualités a été accordé avec suspension des effets de la clause résolutoire, sauf reprise immédiate de ceux-ci à défaut de paiement de l'arriéré ou d'un loyer à son terme selon l'échéancier fixé. 3. Après délivrance, le 10 avril 2020, d'un commandement de quitter les lieux pour le 18 avril 2020, la locataire a été expulsée le 28 juillet 2020. 4. La locataire, soutenant qu'ayant payé l'arriéré de loyer dans le délai de vingt-quatre mois qui lui avait été imparti, la clause résolutoire était réputée n'avoir jamais joué, a saisi le juge de l'exécution. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. La bailleresse fait grief à l'arrêt de déclarer que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué et d'ordonner la réintégration de la locataire, alors « que la mauvaise foi d'une partie ne saurait la priver de la possibilité de se prévaloir des effets d'une décision juridictionnelle dès lors qu'elle n'a pas fait obstacle à son exécution ; qu'en retenant, pour déclarer irrégulière la procédure d'expulsion mise en oeuvre par la SCI [Localité 3] et ordonner la réintégration de la société Auto Team Carrosserie, qu'"au regard du solde minime restant dû à la date du procès-verbal d'expulsion par rapport à l'importance de la dette initiale alors que par ailleurs la SASU Auto Team carrosserie avait versé 20 000 euros en huit mois quand l'ordonnance de référé lui avait octroyé 24 mois pour apurer sa dette, la bailleresse devait être considéré comme ayant invoqué de mauvaise foi le jeu de la clause résolutoire qui devait être considérée comme n'ayant pas joué", cependant que cette ordonnance avait prévu que la clause résolutoire s'appliquerait en cas de non-respect de l'échéancier, de sorte que la société bailleresse pouvait mettre en oeuvre la procédure d'expulsion sans qu'une quelconque mauvaise foi de sa part puisse lui être opposée, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 145-41 du code de commerce : 6. Il résulte de ce texte que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi de la bailleresse à s'en prévaloir puisse y faire obstacle. 7. Pour dire que la clause résolutoire doit être réputée ne pas avoir joué, l'arrêt retient, qu'au regard du solde minime restant dû par rapport à l'importance de la dette initiale et du versement par la locataire de 20 000 euros en huit mois quand l'ordonnance de référé lui avait octroyé vingt-quatre mois pour apurer sa dette, la bailleresse a invoqué de mauvaise foi le jeu de la clause résolutoire, en sorte qu'elle doit être considérée comme n'ayant pas joué. 8. En statuant ainsi, tout en constatant que la locataire n'avait pas respecté les délais de paiement accordés par l'ordonnance du 22 octobre 2019, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société Auto-Team carrosserie en déclaration de nullité du commandement de payer du 10 avril 2020, l'arrêt rendu le 17 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée ; Condamne la société Auto-Team carrosserie aux dépens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois. | BAIL COMMERCIAL - Résiliation - Clause résolutoire - Suspension - Octroi de délais de paiement - Inobservation - Effets - Clause définitivement acquise - Mauvaise foi du bailleur - Absence d'influence | REFERE - Applications diverses - Bail commercial - Clause résolutoire - Suspension - Inobservation des délais de paiement accordés - Effets - Clause définitivement acquise - Mauvaise foi du bailleur - Absence d'influence | Il résulte de l'article L. 145-41 du code de commerce que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi de la bailleresse à s'en prévaloir puisse y faire obstacle |
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JURITEXT000048283892 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283892.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 octobre 2023, 22-20.183, Publié au bulletin | 2023-10-26 00:00:00 | Cour de cassation | 32300706 | Cassation partielle sans renvoi | 22-20183 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-06-16 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Teiller | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel | ECLI:FR:CCASS:2023:C300706 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 706 FS-B Pourvoi n° T 22-20.183 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La société La Méridienne, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 22-20.183 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [Z], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [K] [B], domiciliée [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Méridienne, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [Z] et de Mme [B], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 juin 2022), la société civile immobilière La Méridienne (la bailleresse) a donné à bail un appartement et une cave à M. [Z] et Mme [B] (les locataires). 2. Après la résiliation du bail, la bailleresse a saisi le tribunal d'instance en condamnation des locataires au paiement d'un arriéré locatif, ainsi qu'en remboursement de réparations locatives et de la moitié du coût du procès-verbal d'état des lieux de sortie établi par un huissier de justice. 3. Les locataires ont demandé, à titre reconventionnel, la restitution du dépôt de garantie ainsi que le paiement d'une certaine somme au titre de la majoration de retard prévue par l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme au titre du remboursement de la moitié du coût du procès-verbal d'état des lieux de sortie établi par un huissier de justice, alors : « 1°/ que si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties, il est établi par un huissier de justice, à l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire ; qu'en déboutant la société civile immobilière La Méridienne de sa demande tendant à la condamnation de Mme [B] et M. [Z] à lui payer la somme de 140 euros au titre du remboursement du coût de la moitié de l'établissement de l'état des lieux de sortie par un huissier de justice après avoir constaté que les locataires avaient refusé de signer l'état des lieux établi amiablement, la cour d'appel a violé l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 ; 2°/ que si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties, il est établi par un huissier de justice, à l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et ce, quand bien même l'huissier de justice n'aurait pas avisé les parties sept jours avant la date de l'état des lieux dès lors que la méconnaissance de cette exigence n'a causé aucun grief ; qu'en déboutant la société civile immobilière La Méridienne de sa demande tendant à la condamnation de Mme [B] et M. [Z] à lui payer la somme de 140 euros au titre du remboursement du coût de la moitié de l'établissement de l'état des lieux de sortie par un huissier de justice après avoir constaté que les locataires avaient refusé de signer l'état des lieux établi amiablement et "que Mme [B] [était] présente au constat d'état des lieux établi le 27 mars 2018 [au motif] que les délais légaux de convocation n'ont pas été respectés", ce dont il résultait que la méconnaissance de ce délai n'avait causé aucun grief au preneur, la cour d'appel a violé l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel a énoncé à bon droit qu'il résulte de l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 que, lorsque les parties n'ont pas été convoquées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au moins sept jours à l'avance, celle qui a pris l'initiative de faire établir l'état des lieux par un huissier de justice ne peut obtenir le remboursement de la moitié de son coût. 6. Ayant constaté que les locataires avaient été avisés moins de sept jours à l'avance de la date à laquelle les opérations de constat seraient réalisées, elle en a exactement déduit que la demande de remboursement de la moitié du coût de l'établissement de l'état des lieux de sortie devait être rejetée. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 8. La bailleresse fait grief à l'arrêt de condamner les locataires à lui payer une certaine somme au titre des réparations locatives et de rejeter sa demande en paiement au titre du nettoyage des éléments encombrants restant dans la cave, alors « que, en l'absence de précision dans l'état des lieux d'entrée sur l'état d'un élément objet du bail le preneur est présumé l'avoir reçu en bon état ; qu'il est alors présumé responsable des dégradations subies pendant la durée du bail, et doit en réparer les conséquences, sauf à établir qu'elles sont survenues par vétusté, par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers ; qu'en déboutant la bailleresse de sa demande tendant à la condamnation de Mme [B] et M. [Z] à supporter le coût du nettoyage de la cave, au motif que l'état des lieux d'entrée ne comportait pas de mention relative à la cave et ne permettait pas d'en connaître l'état lors de l'entrée dans les lieux, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil. » Réponse de la Cour 9. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu'aucune clé de la cave n'avait été remise aux locataires et qu'il résultait des attestations produites qu'il était impossible de savoir à quel appartement correspondaient les caves qui, pour plusieurs d'entre elles, ne fermaient pas, servaient de débarras à des tiers et étaient insalubres et quasi-inutilisables, la cour d'appel a souverainement retenu que les locataires n'avaient pu occuper la cave louée. 10. Elle a pu, sans inverser la charge de la preuve, en déduire que, si l'état des lieux d'entrée ne comportait aucune mention relative à la cave donnée à bail, les locataires n'étaient pas responsables de son encombrement. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. La bailleresse fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer le dépôt de garantie aux locataires et à leur payer une certaine somme au titre de la majoration de retard prévue par l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, alors « que le dépôt de garantie étant destiné à garantir l'exécution de ses obligations locatives par le locataire, le bailleur est fondé à le conserver et ne saurait donc être tenu de le restituer avec intérêts lorsqu'il est établi qu'il était créancier du premier après la fin du bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les anciens locataires étaient redevables, à l'égard de la société civile immobilière La Méridienne, de la somme de "301,73 euros, correspondant aux loyers et charges dus entre le 1er et le 8 mars 2018" et de la somme de 732,45 euros au titre des réparations locatives, soit une somme totale de 1 034,18 euros supérieure au montant du dépôt de garantie de 660 euros ; qu'en condamnant néanmoins l'exposante à restituer aux locataires le montant du dépôt de garantie et à payer à M. [Z] et Mme [B] la somme de 1 188 euros au titre de la majoration de 10 % due pour défaut de restitution du dépôt de garantie dans le délai légal, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 13.Les locataires contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit. 14. Cependant, le moyen est de pur droit en ce qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond. 15. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 : 16. Selon ce texte, le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal d'un mois à compter de la remise des clés par le locataire lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées. 17. Pour condamner la bailleresse à restituer aux locataires le montant du dépôt de garantie et à leur verser une certaine somme au titre de la majoration de retard de 10 %, l'arrêt retient que les locataires ont quitté les lieux le 7 mars 2018 et n'ont pas obtenu la restitution du dépôt de garantie deux mois après cette date. 18. En statuant ainsi, sans déduire du dépôt de garantie la somme de 301,73 euros au titre de l'arriéré locatif et celle de 732,45 euros au titre des dégradations locatives au paiement desquelles elle avait condamné les locataires, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 21. Les locataires ayant versé un dépôt de garantie d'un montant de 660 euros, leur condamnation au paiement de la somme de 301,73 euros au titre de l'arriéré locatif et de celle de 732,45 euros au titre des dégradations locatives entraîne le rejet de leurs demandes en restitution du dépôt de garantie et en condamnation de la bailleresse au paiement de la majoration de retard prévue à l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, le montant du dépôt de garantie de 660 euros devant s'imputer sur les condamnations prononcées à l'encontre des locataires. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement des seules dispositions condamnant la société civile immobilière La Méridienne à verser à M. [Z] et Mme [B] la somme de 660 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie et celle de 1 188 euros au titre des pénalités de retard prévues par la loi en cas de non-restitution au-delà du délai de deux mois, l'arrêt rendu le 16 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; REJETTE les demandes de M. [Z] et Mme [B] en restitution du dépôt de garantie et paiement de pénalités de retard ; Dit que la somme de 660 euros correspondant au dépôt de garantie conservé par le bailleur s'imputera sur le montant des condamnations prononcées à l'encontre des locataires ; Condamne M. [Z] et Mme [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; | BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Résiliation - Etat des lieux de sortie - Etablissement par un huissier - Coût - Prise en charge - Détermination | Il résulte de l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 que, lorsque les parties n'ont pas été convoquées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au moins sept jours à l'avance, celle qui a pris l'initiative de faire établir l'état des lieux par un huissier de justice ne peut obtenir le remboursement de la moitié de son coût |
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JURITEXT000048283894 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283894.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 octobre 2023, 21-25.745, Publié au bulletin | 2023-10-26 00:00:00 | Cour de cassation | 32300707 | Cassation partielle | 21-25745 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-10-12 | Cour d'appel d'Angers | Mme Teiller | SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:C300707 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 707 FS-B Pourvoi n° T 21-25.745 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 M. [Z] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-25.745 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, civile), dans le litige l'opposant à M. [I] [D], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [J], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, MM. Bosse-Platière, Pety, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 12 octobre 2021), par acte du 11 mars 2005, M. [J] (le bailleur) a donné à bail rural à l'exploitation agricole à responsabilité limitée [I] [D] (l'EARL), dont M. [D] est le gérant, des parcelles agricoles. 2. Par acte du 7 avril 2015, il a donné à bail rural à long terme les mêmes parcelles, diminuées de l'emprise d'une ligne ferroviaire nouvellement construite, à M. [D] (le preneur), celui-ci acceptant de régler personnellement un arriéré locatif dû par l'EARL. 3. Le 2 novembre suivant, le preneur, ayant atteint l'âge de la retraite, a libéré les lieux, après avoir délivré un congé. 4. Le 22 mars 2018, il a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en nullité du bail du 7 avril 2015 et en remboursement d'une somme recouvrée, au moyen de mesures d'exécution forcée mises en oeuvre sur ses biens, par le bailleur en vertu de ce bail. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le bailleur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du bail rural à long terme, alors « que les nullités sont d'interprétation stricte ; qu'aucune disposition ne sanctionne de nullité le bail rural à long terme dont le preneur est à moins de neuf ans de la retraite, la loi se bornant à imposer une durée minimale de 18 ans ; qu'en accueillant le moyen invoqué par M. [D], pris de la nullité du bail rural authentique à long terme du 7 avril 2015 sur le fondement de l'article L. 416-4 du code rural et de la pêche maritime, après avoir constaté que le preneur était alors âgé de 61 ans, au motif erroné "qu'un bail à long terme ne peut valablement être consenti à un preneur qui est à moins de neuf ans de l'âge de la retraite, étant rappelé que la faculté pour les parties de mettre fin au bail à l'expiration de chaque période annuelle à partir de celle où le preneur a atteint l'âge de la retraite ne peut être exercée pendant la période initiale de neuf ans du bail à long terme", la cour d'appel a violé les articles L. 416-1 et L. 416-4 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 416-1 et L. 416-4 du code rural et de la pêche maritime : 6. Selon le premier de ces textes, le bail à long terme est conclu pour une durée d'au moins dix-huit ans. Il est renouvelable par période de neuf ans dans les conditions prévues à l'article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime et sans préjudice, pendant lesdites périodes, de l'application des articles L. 411-6, L. 411-7 et L. 411-8, alinéa 1, du même code. Le bailleur qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 de ce code. Toutefois, lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, chacune des parties peut, par avis donné au moins dix-huit mois à l'avance, refuser le renouvellement de bail ou mettre fin à celui-ci à l'expiration de chaque période annuelle à partir de laquelle le preneur aura atteint ledit âge, sans être tenu de remplir les conditions énoncées à la section VIII du chapitre Ier du titre Ier de ce code. 7. Selon le second, un preneur qui est à plus de neuf ans et à moins de dix-huit ans de l'âge de la retraite peut conclure un bail à long terme d'une durée égale à celle qui doit lui permettre d'atteindre l'âge de la retraite. 8. Le moyen pose la question de savoir si un bail à long terme peut être conclu par un preneur qui est à moins de neuf ans de l'âge de la retraite. 9. Aucun texte ne l'interdit ou ne l'autorise expressément. 10. L'article L. 416-4 précité peut recevoir deux interprétations différentes. 11. Selon une interprétation a contrario, il faut considérer qu'en spécifiant que le preneur qui est à plus de neuf ans de l'âge de la retraite peut conclure un bail à long terme, l'article L. 416-4 exclut la possibilité de consentir un tel bail à un preneur qui atteindra plus tôt cet âge. 12. La seconde interprétation retient que l'article L. 416-4 se borne à déroger, dans l'hypothèse d'un preneur qui est à plus de neuf ans et à moins de dix-huit ans de l'âge de la retraite, à la durée minimale de dix-huit ans fixée à l'article L. 416-1. Il s'en déduit alors que, si un preneur qui est à moins de neuf ans de l'âge de la retraite peut conclure un bail à long terme, la durée du bail ne peut, dans ce cas, être inférieure à dix-huit ans, sans possibilité au surplus d'y mettre fin avant le terme en usant de la faculté de résiliation annuelle prévue, lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite, par l'article L. 416-1 (3e Civ., 5 avril 1995, pourvoi n° 93-16.260, Bull. 1995, III, n° 96). 13. Cette seconde interprétation doit être retenue. 14. En premier lieu, dans sa version issue de la loi n° 70-1298 du 31 décembre 1970, ayant créé les baux à long terme, l'article 870-25 du code rural, devenu l'article L. 416-1, précisait que la durée minimale du bail à long terme était fixée à dix-huit ans « sous réserve des dispositions de l'article 870-26 » de ce code, qui correspond désormais à l'article L. 416-4. 15. En second lieu, interdire la conclusion d'un bail à long terme lorsque le preneur est proche de l'âge de la retraite priverait les parties de la faculté de bénéficier de cet outil renforçant la stabilité de l'exploitation et offrant des avantages au bailleur, alors qu'une cession de bail au profit d'un membre de la famille du preneur, en application de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, peut, sous réserve des dispositions de l'article L. 416-2, alinéa 3, de ce code, permettre d'atteindre la durée de dix-huit ans prévue au contrat, un fermier n'étant par ailleurs pas tenu de cesser son activité lorsqu'il atteint l'âge légal de la retraite. 16. Il y a donc lieu de juger que l'article L. 416-4 du code rural et de la pêche maritime ne fait pas obstacle à la conclusion d'un bail à long terme par un preneur qui se trouve à moins de neuf ans de l'âge de la retraite et qu'un tel bail est d'une durée minimale de dix-huit ans. 17. En l'espèce, pour prononcer la nullité du bail à long terme, l'arrêt retient qu'un tel bail ne peut valablement être consenti à un preneur qui est à moins de neuf ans de l'âge de la retraite. 18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le tribunal paritaire des baux ruraux de La Flèche compétent pour trancher le litige, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ; Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et le condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL - Statut du fermage et du métayage - Bail à long terme - Conclusion - Conditions - Preneur à moins de neuf ans de l'âge de la retraite - Possibilité - Portée | L'article L. 416-4 du code rural et de la pêche maritime ne fait pas obstacle à la conclusion d'un bail à long terme par un preneur qui se trouve à moins de neuf ans de l'âge de la retraite, un tel bail est d'une durée minimale de dix-huit ans |
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JURITEXT000048389764 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/97/JURITEXT000048389764.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 novembre 2023, 22-18.545, Publié au bulletin | 2023-11-09 00:00:00 | Cour de cassation | 32300724 | Rejet | 22-18545 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-05-05 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Teiller | SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Waquet, Farge et Hazan | ECLI:FR:CCASS:2023:C300724 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 724 FS-B Pourvoi n° N 22-18.545 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2023 La commune d'[Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l' [Adresse 8], a formé le pourvoi n° N 22-18.545 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [X], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [N] [X], épouse [O], domiciliée [Adresse 7], 3°/ à M. [G] [B], domicilié [Adresse 2], 4°/ à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 3], 5°/ à Mme [S] [B], domiciliée [Adresse 4], défendeurs à la cassation. MM. [R] [X], [G] et [Z] [B] et Mmes [N] [X] et [S] [B] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la commune d'[Localité 5], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [R] [X], [G] et [Z] [B] et Mmes [N] [X] et [S] [B], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, Mme Proust, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, M. Choquet, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), M. [R] [X], MM. [G] et [Z] [B] ainsi que Mmes [N] [X] et [S] [B] (les consorts [X]), propriétaires en indivision d'une parcelle grevée d'un emplacement réservé pour l'extension du cimetière de la commune d'[Localité 5], ont exercé leur droit de délaissement. 2. Faute d'accord des parties sur le prix du bien délaissé, la commune a saisi le juge de l'expropriation aux fins qu'il ordonne le transfert de propriété et fixe le prix de cession. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. Les consorts [X] font grief à l'arrêt de fixer comme il le fait le prix de cession, alors « que, lorsqu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L. 242-1 à L. 242-7, L. 322-12, L. 423-2 et L. 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit ; qu'en se prononçant sur l'illicéité alléguée des constructions, et en pratiquant un abattement pour tenir compte de leur prétendue illicéité, quand il lui appartenait de fixer des indemnités alternatives et de renvoyer les parties à se pourvoir devant qui de droit, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 311-8 du code de l'expropriation. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel, qui a retenu qu'au vu des pièces produites, une partie significative des constructions présentes sur la parcelle délaissée avait été édifiée sans permis de construire, a pu en déduire, sans trancher une contestation sérieuse, qu'il y avait lieu d'appliquer un abattement sur la valeur du bien pour tenir compte de l'illicéité des constructions. Sur le troisième moyen du pourvoi incident, pris en ses première à troisième branches et en sa sixième branche 6. Les consorts [X] font le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que c'est à la commune débitrice d'une indemnité au titre de l'exercice du droit au délaissement qui demandait l'application d'un abattement pour l'illicéité prétendue des constructions dont l'acquisition était demandée, qu'il incombait de démontrer cette illicéité ; qu'en se fondant pour appliquer un abattement pour illicéité des constructions, sur la défaillance des consorts [X] dans l'administration de la preuve de l'obtention d'un permis de construire, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil, L. 230-3 du code de l'urbanisme et L. 321-1 du code de l'expropriation ; 2°/ que les juges du fond ne peuvent rejeter ou accueillir les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; qu'en affirmant qu'il n'est justifié d'aucun permis de construire accordé, que ce soit par les services de l'Etat, compétents en 1979 ou par la mairie compétente en 1985, sans examiner même sommairement l'attestation du maire d'[Localité 5] du 24 mai 2005 versée aux débats en pièce n° 1, qui atteste que « M. [L] [X] domicilié [Adresse 6] a bien obtenu un permis de construire tacite en date du 17 février 1986 n° 85C0192 pour l'extension d'une construction existante sise à la même adresse », démontrant l'obtention du permis de construire n° 85C0192 sollicité le 5 juillet 1985 dont la demande était versée aux débats en pièce n° 2, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en énonçant que les documents produits par les appelants ne permettent pas d'identifier quels étaient les projets de constructions pris en compte par les demandes de permis de construire de 1979 et de 1985, quand il résulte clairement de la demande de permis de construire du 5 juillet 1985 qu'elle a pour objet la construction d'une maison individuelle et la création d'une surface de 974,50 m2 en sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage, la cour d'appel a dénaturé ce document en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 6°/ qu'en appliquant un abattement pour illicéité des constructions après avoir constaté qu'en l'espèce, la prescription décennale interdit toute action en démolition des constructions litigieuses, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations au regard des articles L. 230-3 du code de l'urbanisme et L. 321-1 du code de l'expropriation qu'elle a violés. » Réponse de la Cour 7. La cour d'appel a relevé, sans dénaturation, qu'il résultait du rapport de M. [D] qu'une partie significative des constructions présentes sur le terrain délaissé ne figurait pas dans la demande de permis de construire déposée en 1985. 8. Elle a souverainement déduit de ce seul motif, sans inverser la charge de la preuve, mais en procédant à l'analyse de l'ensemble des pièces produites, qu'une partie des constructions était irrégulière. 9. Elle a pu en conclure que cette situation constituait une moins-value justifiant un abattement pour illicéité des constructions, quand bien même la prescription de l'action en démolition serait acquise. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la commune d'[Localité 5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-trois. | EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE | La prescription de l'action en démolition des constructions irrégulières ne fait pas obstacle à l'application, par le juge de l'expropriation, d'un abattement sur la valeur du terrain délaissé, pour illicéité d'une partie des constructions qui y sont édifiées |
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JURITEXT000048430106 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430106.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 novembre 2023, 21-22.655, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 12300586 | Rejet | 21-22655 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-07-01 | Cour d'appel de Paris | Mme Champalaune | SCP Duhamel, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:C100586 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 586 FS-D Pourvoi n° J 21-22.655 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Chronopost, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-22.655 contre deux arrêts rendu les 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2) et l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la même cour d'appel (pôle 4, chambre 10) dans le litige l'opposant à le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Duhamel, avocat de la société Chronopost, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de le Conseil national des associations familiales laïques, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020, rectifié le 1er juillet 2021), invoquant le caractère abusif de plusieurs clauses figurant, depuis le mois de juin 2015, dans des contrats offerts par la société Chronopost, le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL) l'a assignée afin que celles-ci soient réputées non écrites et que soient ordonnées leur suppression et la mise en conformité des contrats proposés. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. La société Chronopost fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation de la clause 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie de l'ensemble des contrats, de dire que sont abusives les clauses 7-1 des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport Manuelles et saisies sur automate, de celles du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï, de celles figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine, de celles des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM, de prononcer la suppression de ces clauses sous astreinte, de la condamner à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs et d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt, alors : « 1°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, les clauses-types écartent la présomption de caractère abusif des clauses figurant sur la liste des clauses présumées abusives de manière irréfragable, clauses dites noires ; que ne peut donc être déclarée abusive une stipulation conventionnelle créant une protection du consommateur conforme ou supérieure à celle figurant au contrat-type ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : "- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis, - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...)le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs" ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, tandis que les décrets n° 99- 269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 ont créé, en matière de contrat de transport de marchandises, des contrats-types supplétifs prévoyant des plafonds d'indemnisation ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur, ce qui excluait que les stipulations conventionnelles puissent être déclarées abusives sur ce fondement, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ; 2°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, le déséquilibre significatif créé au détriment du consommateur ne peut être caractérisé, et le caractère abusif d'une clause conventionnelle ne peut donc être retenu, lorsque cette clause dérogatoire est plus favorable au consommateur que la clause type réglementaire supplétive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération./ Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : "- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis, - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs" ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces clauses accordaient en réalité au consommateur une indemnisation plus favorable que les clauses supplétives, applicables au contrat de transport en l'absence de stipulation conventionnelle ou en cas de stipulation réputée non écrite, figurant aux contrats-types créés par les décrets n° 99-269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 et prévoyant des plafonds d'indemnisation du préjudice subi par le consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ; 3°/ que la cour d'appel a jugé abusive la clause "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", aux motifs, à les supposer adoptés du jugement, que la clause litigieuse pose comme limite préalable un plafond d'indemnisation de 250 euros, très inférieur et donc très défavorable par rapport au plafond réglementaire de 750 euros, qu'elle ne précise pas les conditions dans lesquelles cette limite d'indemnité peut le cas échéant être rehaussée à 690 € sur la base réglementaire de 23 euros par kilogramme et qu'elle ne rappelle aucunement l'existence de ce plafond réglementaire de 750 euros, supérieur de 500 euros à la première indication de plafond d'indemnité d'un montant de 250 euros ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Chronopost faisant valoir, preuves à l'appui, que les contrats concernés étaient limités à des envois de colis inférieurs à 12 kg et qu'en pratique la quasi-totalité des envois de consommateurs soumis à la clause litigieuse étant inférieurs à 11 kg, le plafond de 250 euros stipulé dans les conditions générales était plus favorable aux consommateurs que le plafond de 23 euros/kg (23x11 = 253) prévu dans le contrat-type, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 3. Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R. 132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. 4. Ayant relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence et ainsi fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. La société Chronopost fait les mêmes griefs à l'arrêt à l'égard des clauses 7-2 des conditions générales de vente consommateurs du site internet /Lettre de transport manuelles et saisies sur automates - prêt-à-expédier - Chronopeï et 7-1 des conditions générales de vente imprimées au dos des enveloppes prêt-à-expédier France métropolitaine, International et DOM à disposition des clients dans les bureaux de poste, alors qu' « une stipulation conforme à un texte réglementaire ou législatif ne peut revêtir un caractère abusif ; que le contrat-type réglementaire applicable en matière de transports de marchandises, en l'absence de stipulation conventionnelle ou si la stipulation conventionnelle est réputée non-écrite, prévoit qu'"en cas de préjudice prouvé résultant d'un retard à la livraison du fait du transporteur, celui-ci est tenu de verser une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport (droits, taxes et frais divers exclus)" ; que dès lors, en déclarant abusives les clauses limitatives de responsabilité en cas de retard stipulées conventionnellement dans les contrats de la société Chronopost, au motif qu'elles contreviendraient à la prohibition de l'article R. 212-1 du code de la consommation, après avoir pourtant constaté qu'elles prévoyaient qu'"en cas de retard à la livraison de son fait et en cas de préjudice prouvé, Chronopost s'engage à régler une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport droits, taxes et frais divers exclus", ce dont il résulte qu'elles étaient conformes au texte réglementaire, ce qui devait conduire à écarter leur caractère prétendument abusif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article L. 212-1 du code de la consommation, ensemble l'article 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de la combinaison des articles L. 212-1, alinéa 1, R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et de l'article 24-3 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de retard à la livraison énoncées par le dernier de ces textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. 8. Ayant relevé que les clauses venaient limiter le droit à réparation du consommateur et fait ressortir qu'elles étaient moins favorables que les prévisions du contrat type, en ce qu'elles n'avertissaient pas le consommateur de sa faculté de faire une déclaration d'intérêt spécial à la livraison ayant pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l'indemnité fixée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Chronopost aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chronopost et la condamne à payer au Conseil national des associations familiales laïques la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R.132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. Dès lors qu'elle a relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence, et fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, une cour d'appel en a exactement déduit qu'elles étaient abusives |
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JURITEXT000048430191 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430191.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.174, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300597 | Cassation | 22-21174 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-07-07 | Cour d'appel de Versailles | Mme Champalaune | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100597 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 597 FS-B Pourvoi n° V 22-21.174 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [M] [H], domiciliée [Adresse 3], 2°/ Mme [G] [I], domiciliée [Adresse 2], 3°/ Mme [P] [I], domiciliée [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° V 22-21.174 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société les laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (CPAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mmes [H] et [I], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société les laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Versailles, 7 juillet 2022), Mme [M] [H], à laquelle a été prescrit du Mediator de 2006 à 2008, a présenté des lésions cardiaques. Le 14 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 21 juillet 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 16 octobre 2015, la société les laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [H] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [H], sa fille, Mme [G] [I], et sa petite-fille, Mme [P] [I] (les consorts [H]) ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de dire que leur action ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de la déclarer irrecevable comme prescrite, alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [H], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [H] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, 25 avril 2002, Gonsalès-Sanchez, aff. C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 21 juillet 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société les laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [M] [H], Mmes [G] et [P] [I] la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX | Il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil, transposant la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, Gonzales Sanchez, C-183/00, point 31), par lequel elle a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle que le maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit |
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JURITEXT000048430193 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430193.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.178, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300598 | Cassation | 22-21178 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-07-07 | Cour d'appel de Versailles | Mme Champalaune | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100598 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 598 FS-D Pourvoi n° Z 22-21.178 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [H] [E], 2°/ M. [W] [E], 3°/ Mme [S] [K], tous trois domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° Z 22-21.178 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société les laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPAM), dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [E] et de Mme [K], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société les laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Versailles, 7 juillet 2022), Mme [H] [E] à laquelle a été prescrit du Mediator de 2007 à 2009 a présenté des lésions cardiaques. Le 17 juillet 2012, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 8 octobre 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 31 décembre 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [E] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [E], son conjoint, M. [W] [E], et leur fille, Mme [S] [K] (les consorts [E]), ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de dire que leur action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de déclarer ainsi leur action irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [E], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [E] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 8 octobre 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société les laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme [E] et Mme [S] [K] la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX | ||||||||||
JURITEXT000048430195 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430195.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.179, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300599 | Cassation | 22-21179 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-07-07 | Cour d'appel de Versailles | Mme Champalaune | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100599 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 599 FS-D Pourvoi n° A 22-21.179 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Mme [Y] [Z], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 22-21.179 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société les laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (CPAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société les laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [Y] [Z] à laquelle a été prescrit du Mediator de 2007 à 2009, a présenté des lésions cardiaques. Le 7 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 24 avril 2014, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettres du 17 juillet et 20 novembre 2014, la société les labortatoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [Z] des offres d'indemnisation qu'elle a refusées. 2. Les 7 et 8 juillet 2020, Mme [Z] a assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Elle a, ensuite, fondé son action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Madame [Z] fait grief à l'arrêt de dire que son action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de la déclarer irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions de Madame [Z], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'elle adressait aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que Madame [Z] se prévalait, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour lui fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 24 avril 2014, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société les laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX | ||||||||||
JURITEXT000048430197 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430197.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.180, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300600 | Cassation | 22-21180 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-07-07 | Cour d'appel de Versailles | Mme Champalaune | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100600 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 600 FS-D Pourvoi n° B 22-21.180 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [I] [V], épouse [Y], 2°/ M. [B] [Y], 3°/ M. [C] [Y], tous trois domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° B 22-21.180 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (CPAM),dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [Y], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [I] [V], épouse [Y], à laquelle a été prescrit du Mediator de 2004 à 2010, a présenté des lésions cardiques. Le 17 septembre 2012, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 8 avril 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 3 juillet 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [Y] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [I] [Y] et son conjoint, M. [B] [Y], agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [C] [Y] (les consorts [Y]), ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [Y] font grief à l'arrêt de dire que leur action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de la déclarer irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [Y], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [Y] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 8 avril 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société les laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme [Y], agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [C] [Y], la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX | ||||||||||
JURITEXT000048430199 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430199.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-15.511, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300601 | Cassation sans renvoi | 22-15511 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-10-25 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Champalaune | SCP Zribi et Texier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100601 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 601 FS-B Pourvoi n° Q 22-15.511 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [L] [N], domicilié Centre de rétention administrative de [Localité 5], [Adresse 4], 2°/ l'union départementale des associations familiales de [Localité 5] (UDAF), représentée par Mme [Y] [Z], en sa qualité de curatrice de M. [L] [N], dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° Q 22-15.511 contre l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (rétention administrative, chambre 1-11 RA), dans le litige les opposant : 1°/ au préfet des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 1], représentant l'Etat, 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [N] et de l'union départementale des associations familiales de [Localité 5], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 octobre 2021) et les pièces de la procédure, le 20 janvier 2020, un juge des tutelles a prononcé, pour une durée de soixante mois, une mesure de curatelle renforcée au bénéfice de M. [N], de nationalité algérienne. Le 19 octobre 2021, celui-ci a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté ministériel d'expulsion. 2. Le 21 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [N] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et par le préfet d'une demande de première prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [N] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention et de maintenir la mesure, alors « qu'il résulte des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le curateur est avisé du placement en rétention administrative de la personne placée sous curatelle ; qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 741-8 du CESEDA que l'autorité administrative doit informer immédiatement le procureur de la République de tout placement en rétention et que ni ce texte ni aucun texte, n'imposent à l'administration ou procureur de la République d'aviser le curateur de l'étranger de son placement en rétention, quand cette règle de droit résultait des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le délégué du premier président a violé, ensemble, les articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et les articles L. 741-9 et L. 741-10 du CESEDA : 4. Il résulte de ces textes qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement. 5. Pour rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance retient qu'il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir fait procéder à l'audition de la curatrice préalablement au placement en rétention de l'intéressé en l'absence de justification d'une disposition légale en ce sens. 6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'administration, qui avait connaissance de la mesure de protection, avait informé le curateur du placement en rétention de M. [N], le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | Il résulte des articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et des articles L. 741-9 et L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement |
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JURITEXT000048430200 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430200.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-23.266, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300608 | Rejet | 22-23266 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-09-22 | Cour d'appel de Douai | Mme Champalaune | SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Bénabent | ECLI:FR:CCASS:2023:C100608 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 608 F-B Pourvoi n° U 22-23.266 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [M] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-23.266 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société le [Adresse 6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à M. [L] [U], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société le [Adresse 6], de M. [U], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 septembre 2022), en 1985, M. [P], artiste, sculpteur et peintre, spécialisé dans la représentation de chevaux, sollicité par M. [U], fondateur du Musée du [4] aux [Adresse 5], a créé une oeuvre destinée au musée, intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « la Prueva », consistant en une sculpture monumentale représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire. 2. Plusieurs reproductions sans autorisation de cette oeuvre ou de partie de l'oeuvre ont été réalisées par [X] [K] dit [X] [G]. L'une de celles-ci, dont le caractère contrefaisant a été reconnu par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008, a été exposée dans les jardins de la société le [Adresse 6] ayant pour activité la gestion des jardins botaniques et parc animalier à [Localité 3], fondée par M. [U]. 3. Par lettre du 5 mai 2020, M. [P] a contacté M. [U] en sa qualité de directeur du parc « le [Adresse 6] », afin de convenir des moyens d'une réparation amiable au titre de la violation de ses droits de propriété intellectuelle. 4. Le 5 mars 2021, M. [P] a assigné en référé M. [U] et la société le [Adresse 6], en contrefaçon de droit d'auteur, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et d'obtenir l'indemnisation provisionnelle de son préjudice. M. [U] et la société le [Adresse 6] ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription. Examen des moyens Sur le second moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. [P] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre la société le [Adresse 6], alors « que si l'action en réparation des atteintes portées aux droits de l'auteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, l'action aux fins de faire cesser lesdites atteintes n'est soumise à aucun délai de prescription, la propriété ne s'éteignant pas par le non usage ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. [P] au titre de la contrefaçon de sa statue intitulée "Fontaine aux chevaux" ou "la Prueva", que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise au délai quinquennal de l'article 2224 du code civil dont le point de départ est le jour où le titulaire a eu connaissance de la contrefaçon, même si celle-ci s'inscrit dans la durée, et que M. [P] a été informé de la présence de la statue litigieuse dans le jardin de la société le [Adresse 6] dès le rapport d'expertise du 3 septembre 2004 dans le cadre de l'instruction pénale qui a abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008 reconnaissant son caractère contrefaisant, de sorte que le délai de prescription a expiré le 17 décembre 2013, cependant que n'étaient pas prescrites les demandes de M. [P] tendant à faire cesser les actes de contrefaçon par la remise entre ses mains de l'oeuvre contrefaisante aux fins de destruction, la cour d'appel a violé les articles 544, 2224 et 2227 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. C'est à bon droit que, après avoir énoncé que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise à ces dispositions, la cour d'appel a retenu que, le délai de prescription ayant commencé à courir le 17 décembre 2008, date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant de l'oeuvre exposée, l'action intentée le 5 mars 2021 était prescrite, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société le [Adresse 6] et M. [U] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel retient que le délai de prescription d'une action fondée sur la contrefaçon a commencé à courir à la date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant d'une oeuvre, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée |
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JURITEXT000048430201 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430201.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2023, 23-14.577, Publié au bulletin | 2023-11-14 00:00:00 | Cour de cassation | 12300697 | Qpc incidente - irrecevabilité | 23-14577 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2023-03-02 | Cour d'appel de Versailles | Mme Champalaune (président) | SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:C100697 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 COUR DE CASSATION CF ______________________ QUESTIONS PRIORITAIRES de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 IRRECEVABILITE Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 697 F-B Pourvoi n° V 23-14.577 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 14 août 2023, la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 23-14.577 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans une instance l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique de ce jour où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-20.315 ), après avoir reçu des transfusions sanguines, Mme [P] a été contaminée par le virus de l'hépatite C et a sollicité, devant la juridiction administrative, le paiement d'une provision par l'Établissement français du sang (l'EFS) dont le versement a été mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), légalement substitué à celui-ci. L'ONIAM a conclu une transaction avec les consorts [P] qui l'avaient saisi d'une demande d'indemnisation amiable complémentaire. 2. Parallèlement, le 22 février 2010, l'EFS a assigné en garantie la société Axa France IARD, venant aux droits et obligations du Groupe Drouot (la société Axa), en sa qualité d'assureur de responsabilité civile du centre départemental de transfusion sanguine de [Localité 3] (le CDTS) au titre de la fourniture d'un produit sanguin transfusé à Mme [P]. L'ONIAM s'est substitué à l'EFS et a sollicité le remboursement par la société Axa des sommes versées aux consorts [P]. 3. La cour d'appel de renvoi a condamné la société Axa à rembourser à l'ONIAM l'intégralité des sommes versées aux consorts [P]. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 4. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par cette cour, la société Axa a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du huitième alinéa de l'article L. 1221-14, du code de la santé publique, issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 : 1°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, excédant la part contributive de son assuré, est-il contraire au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » 2°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, est-il contraire à la liberté contractuelle garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789? » 3°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égarddesquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce que les recours en contribution que pourrait engager l'assureur ainsi actionné à l'encontre des autres fournisseurs et de leurs éventuels assureurs seraient soumis à la démonstration, en pratique quasiment impossible, d'une faute et seraient en tout état de cause dépourvus d'efficacité en présence de fournisseurs non identifiés ou non assurés, laissant ainsi définitivement à la charge de l'assureur actionné par l'ONIAM ou les tiers payeurs une part d'indemnisation excédant celle de son assuré, est-il contraire au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité, examinée d'office, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues à l'article 1015 du code de procédure civile : 5. La disposition dont la constitutionnalité est contestée est le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique. 6. L'article L. 1221-14 a été créé par le I de l'article 67 de la loi n° 2008-330 du 17 décembre 2008. Il a mis à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des victimes de contamination transfusionnelles par le virus de l'hépatite C et prévu une procédure amiable d'indemnisation. Il a été déclaré applicable aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. Il a été modifié par le I de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ayant notamment donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées par les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS. 7. Les actions juridictionnelles en cours au 1er juin 2010 ont été soumises à des dispositions transitoires édictées au IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoyant une substitution de l'ONIAM à l'EFS et la possibilité pour le demandeur de solliciter un sursis à statuer pour bénéficier de la procédure amiable instaurée. Ces dispositions ont été complétées par le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 ayant également donné la possibilité à l'ONIAM de solliciter la garantie des assureurs des structures reprises par l'EFS. 8. Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 a été ajouté par le I de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020. Cet alinéa précise les conditions des recours de l'ONIAM contre les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS ayant fourni des produits sanguins administrés aux victimes et dont l'innocuité n'a pas été démontrée et ouvre un tel recours aux tiers payeurs. 9. Cependant, selon le II de l'article 39, ces dispositions ne s'appliquent, comme les autres dispositions de l'article L. 1221-14, qu'aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, de sorte que demeurent applicables, pour les actions antérieurement engagées, les dispositions transitoires précitées. 10. Dès lors que l'action en garantie de la société Axa a été intentée le 22 février 2010 par l'EFS, auquel l'ONIAM s'est ensuite substitué, la disposition contestée n'est pas applicable au litige. 11. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois. | QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE | ||||||||||
JURITEXT000048430329 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430329.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 21-21.310, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301118 | Rejet | 21-21310 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2020-11-26 | Cour d'appel de Bordeaux | Mme Martinel | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Delvolvé et Trichet, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:C201118 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1118 F-B Pourvoi n° X 21-21.310 Aide juridictionnelle totale en demande pour Mme [F]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 17 juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 Mme [N] [F], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 21-21.310 contre l'arrêt n° RG : 18/05875 rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant : 1°/ au Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ au [6], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], 4°/ à la société [5], dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [F], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du [6], de la société [5], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Pôle emploi, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, M. Rovinski, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 novembre 2020), Mme [F], demandeur d'emploi (la victime) a signé le 10 octobre 2013 une convention d'évaluation en milieu de travail avec Pôle emploi et la société [8], exploitant le [6] (la société). 2. Le 29 novembre 2013, elle a été victime d'un accident au moment du nettoyage de la cage de l'un des fauves du zoo. 3. Son accident ayant été pris en charge au titre de la législation professionnelle, la victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de Pôle emploi. 4. La société et son assureur ont été appelés en la cause. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors « que, pour l'appréciation de la présomption de faute inexcusable édictée par l'article L. 4154-3 du code du travail, est considéré comme stagiaire le demandeur d'emploi, victime d'un accident du travail à l'occasion de sa participation à des actions d'orientation, d'évaluation ou d'accompagnement de la recherche d'emploi dispensées ou prescrites par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail ; que, pour écarter le bénéfice de la présomption de la faute inexcusable, la cour d'appel a relevé que « la qualification de stage s'entend de la situation d'une personne qui est accueillie par un employeur en vertu d'une convention de stage, conclue pour une durée déterminée et généralement courte, dont l'objet peut consister, soit à évaluer son niveau de qualification en la plaçant en conditions réelles de travail, soit à lui permettre d'observer, au sein de son entreprise, les techniques, méthodes et matériels utilisés dans un poste de travail déterminé, soit à lui faire suivre une formation pratique, afin de l'initier à l'utilisation de ces techniques, méthodes et matériels nécessaires à la tenue de ce poste ; le but de ce stage étant, selon les cas, de l'initier à la vie professionnelle ou de lui permettre de compléter sa formation théorique initiale ou encore d'adapter sa qualification à un emploi déterminé ou enfin de favoriser son orientation, son insertion ou sa réinsertion professionnelle » ; qu'elle ajoute « La victime avait la qualité de demandeuse d'emploi et était inscrite à ce titre auprès de Pôle emploi. Dans le cadre d'une réorientation professionnelle, l'intéressée a signé avec Pôle emploi et la société une « convention relative à la réalisation d'une évaluation en milieu de travail » ? La victime, bénéficiaire d'une convention relative à la réalisation d'une évaluation en milieu de travail, relève de la législation sur les risques professionnels en vertu de l'article L. 412-8,11° du code de la sécurité sociale et non du 2° de ce même article. N'ayant pas la qualité de stagiaire, elle ne peut pas se prévaloir de l'article L. 4154-3 du code du travail relatif à la présomption de faute inexcusable de l'employeur » ; qu'en ne tirant pas les conséquences de ses propres constatations – qui faisaient apparaître que les conditions de travail de l'assurée sociale étaient celles d'un stage – la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale et par refus d'application l'article L. 4154-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 4154-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, applicable au litige, lorsqu'ils sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise doivent bénéficier d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés. 8. Selon l'article L. 4154-3 du même code, la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour ces mêmes personnes dès lors qu'elles ont été victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectées à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité elles n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2. 9. Selon l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, le demandeur d'emploi bénéficie de la protection des victimes d'accident du travail, la déclaration d'accident du travail étant à la charge de Pôle emploi. 10. Il résulte de la combinaison de ces textes que la présomption de faute inexcusable ne s'applique pas au demandeur d'emploi participant à des actions d'orientation, d'évaluation ou d'accompagnement de la recherche d'emploi dispensées ou prescrites par Pôle emploi, qui ne peut être assimilé à un stagiaire en formation professionnelle en entreprise. 11. Ayant constaté que la victime avait effectué la formation litigieuse en qualité de demandeur d'emploi, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci ne pouvait bénéficier de la présomption de faute inexcusable prévue par l'article L. 4154-3 du même code. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL | ||||||||||
JURITEXT000048430331 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430331.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 22-14.638, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301123 | Cassation | 22-14638 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-02-10 | Cour d'appel de Caen | Mme Martinel | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:C201123 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1123 F-B Pourvoi n° R 22-14.638 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Normandie, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, a formé le pourvoi n° R 22-14.638 contre l'arrêt n° RG : 19/03438 rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 février 2022), la société [3] (la société), a fait l'objet d'un contrôle sur les années 2015 à 2017, ayant donné lieu à une lettre d'observations de l'URSSAF de Basse-Normandie, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Normandie (l'URSSAF) du 8 juin 2018, puis à une mise en demeure du 4 septembre 2018 et à une contrainte du 29 octobre 2018, au titre de majorations de redressement et de retard. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les chefs de redressement n° 6 (prévoyance complémentaire) et n° 7 (retraite supplémentaire), alors « que sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite versées aux bénéfice de leurs salariés, pour une fraction n'excédant pas, notamment, 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance n'excédant pas, notamment, 1,5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale ; que les indemnités de congés payés versées directement par une caisse de congés payés, comme la caisse de congés payés du bâtiment, à laquelle l'employeur cotise et qui se substitue à ce dernier vis-à-vis des salariés, ne sont pas à prendre en compte dans l'assiette de rémunération servant au calcul des limites d'exonération de cotisations sociales des contributions patronales au financement du régime de retraite complémentaire et du régime de prévoyance complémentaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses versions en vigueur du 1er janvier 2013 au 23 décembre 2015, du 23 décembre 2015 au 1er janvier 2016, du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017 et du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018 ainsi que l'article D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 7 janvier 2012 au 30 septembre 2018. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 242-1, L. 243-1-3 et D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions successives applicables au litige : 4. Aux termes de l'alinéa 1er du premier de ces textes, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail. 5. Aux termes de ce même texte, sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés. 6. Aux termes du troisième de ces textes, les contributions des employeurs au financement d'opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L. 242-1 sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale propre à chaque assuré, pour une fraction n'excédant pas la plus élevée des deux valeurs suivantes : a) 5 % du montant du plafond de la sécurité sociale ; b) 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1, déduction faite de la part des contributions des employeurs destinées au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance soumise à cotisations de sécurité sociale, la rémunération ainsi calculée étant retenue jusqu'à concurrence de cinq fois le montant du plafond de la sécurité sociale. 7. Aux termes du deuxième de ces textes, au titre des périodes de congés des salariés des employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l'article L. 3141-32 du code du travail, les cotisations et contributions auprès des organismes de recouvrement sont acquittées dans les conditions suivantes : 2° Pour les cotisations de sécurité sociale et les contributions mentionnées à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et au 1° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, les caisses de congés payés mentionnées à l'article L. 3141-32 du code du travail effectuent, avant la fin du mois au cours duquel les cotisations leur sont versées, un versement égal au produit du montant des cotisations encaissées par les caisses de congés payés, par un taux fixé par décret, en fonction des taux de cotisations et contributions en vigueur. Le cas échéant, ce versement fait l'objet d'un ajustement dans des conditions fixées par décret, sur la base des montants d'indemnités de congés payés effectivement versés. 8. Il résulte de ces textes que la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale au sens de l'article D. 242-1, I, du code de la sécurité sociale, pour le calcul du montant du plafond de 5 % de la sécurité sociale qu'il prévoit, ne comprend pas les indemnités de congés payés versées par une caisse de congés mentionnée à l'article L. 3141-32 du code du travail, dès lors que la rémunération qui sert de référence au calcul de la limite de l'exclusion d'assiette prévue au I b) de l'article D. 242-1 est celle soumise à cotisations de sécurité sociale définie à l'article L. 242-1, laquelle comprend seulement les rémunérations versées par l'employeur. 9. Pour décider que l'indemnité de congés payés est à inclure pour le calcul du plafond de 5 %, l'arrêt énonce que l'article L. 242-1, qui définit l'assiette des cotisations, ne distingue pas selon que l'indemnité de congés payés est versée directement par l'employeur ou par une caisse de congés payés et qu'il vise également les sommes qui sont versées par l'entremise d'un tiers, lesquelles ne sont pas limitées aux pourboires et que la distinction proposée serait créatrice d'une inégalité entre les employeurs selon qu'ils sont tenus ou non d'adhérer à une caisse de congés payés. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 11. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure du 4 septembre 2018 et la contrainte du 29 octobre 2018, alors « qu'en application de l'article L. 243-6-7 (lire L. 243-7-6) du code de la sécurité sociale, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mises en recouvrement à l'issue du contrôle est majoré de 10 % en cas d'absence de mise en conformité ; qu'il en est ainsi en cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que lors d'un contrôle précédent, portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, elle avait notifié à la société, par lettre d'observations du 22 avril 2014, des redressements concernant la prise en compte des indemnités de congés payés versées par la caisse de congés payés en matière de retraite complémentaire et le dépassement des seuils d'exonération en matière de prévoyance complémentaire et que ces mêmes chefs de redressement avaient été visés dans la lettre d'observations du 8 juin 2018 ; qu'en considérant néanmoins qu'elle n'était pas fondée à reprocher à la société une absence de mise en conformité sur ces deux chefs de redressement, donnant lieu à majoration de redressement, et en annulant, en conséquence, la mise en demeure émise à l'encontre de cette société le 4 septembre 2018 ainsi que la contrainte décernée à cette dernière le 29 octobre 2018, la cour d'appel a violé l'article L. 243-6-7 (lire L. 243-7-6) du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 19 décembre 2012 au 28 décembre 2019. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : 12. Aux termes de ce texte, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l'employeur n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non. 13. Il en résulte que la majoration de 10 % est due sur le seul constat que les observations notifiées lors d'un précédent contrôle n'ont pas été respectées par la personne contrôlée, alors même qu'il n'était pas mentionné dans la lettre d'observations, établie à l'issue de ce contrôle, la nécessité d'une mise en conformité et qu'une contestation sur le bien-fondé du redressement avait été formée. 14. Pour annuler la mise en demeure émise le 4 septembre 2018 et la contrainte du 29 octobre 2018, l'arrêt énonce que la lettre d'observations du 8 juin 2018 vise les mêmes chefs de redressement que ceux visés dans la lettre d'observations du 22 avril 2014, qu'il n'avait été demandé aucune mise en conformité dans cette dernière lettre d'observations et qu'en outre, ces chefs de redressement ont été contestés devant la juridiction de sécurité sociale qui a accueilli le recours de la société. 15. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société n'avait pas respecté les observations notifiées lors du précédent contrôle, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [3] à payer à l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE | ||||||||||
JURITEXT000048430333 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430333.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 21-25.534, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301124 | Cassation | 21-25534 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-09-21 | Tribunal judiciaire de Nanterre | Mme Martinel | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:C201124 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1124 F-B Pourvoi n° P 21-25.534 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-25.534 contre le jugement rendu le 21 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre (pôle social), dans le litige l'opposant à Mme [J] [E], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre-Val de Loire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (Nanterre, 21 septembre 2021), rendu en dernier ressort, l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF) a adressé, par un courrier du 15 décembre 2017 à Mme [E] (la cotisante) un appel de cotisation d'un certain montant portant sur la cotisation subsidiaire maladie, due au titre de la protection universelle maladie pour l'année 2016. 2. La cotisante a formé un recours devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'URSSAF fait grief au jugement de constater l'irrégularité de l'appel de cotisation établi le 15 décembre 2017, de l'annuler et de la condamner à rembourser à la cotisante la somme de 3 644 euros avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, alors « que le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée ; qu'en l'espèce, diverses URSSAF, dont l'URSSAF Ile-de-France, avaient délégué à l'URSSAF Centre-Val de Loire leurs missions de recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie par convention du 1er décembre 2017, laquelle avait été approuvée par le directeur général de l'ACOSS par décision du 11 décembre 2017 ; qu'en jugeant que l'URSSAF Centre-Val de Loire n'était pas habilitée à notifier à la cotisante le 15 décembre 2017 un appel de cotisations dès lors que la décision du directeur général de l'ACOSS n'avait été publiée au Bulletin officiel que le 15 janvier 2018, quand la publication de cette décision n'était pas requise pour que la convention de délégation du 1er décembre 2017 prenne effet, le tribunal a violé l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale ». Réponse de la Cour Vu l'article L. 122-7 du code la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, applicable au litige : 4. Aux termes de l'alinéa 1er de ce texte, le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes au service des prestations au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée. 5. Il résulte de ce texte que la convention de délégation prend effet dès son approbation par le directeur de l'organisme national de la branche concernée. En conséquence, l'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultant de cette délégation à compter de la décision d'approbation. 6. Pour prononcer la nullité de l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 et ordonner le remboursement à la cotisante de la somme dont elle s'est acquittée, le jugement énonce que la décision du directeur de l'ACOSS du 11 décembre 2017, qui a validé l'habilitation de l'URSSAF Centre-Val de Loire, n'a été publiée au Bulletin officiel santé, protection sociale, solidarité que le 15 janvier 2018 et qu'en l'absence de publication de la décision de délégation à la date du 15 décembre 2017, l'URSSAF délégataire ne pouvait procéder au calcul, à l'appel et au recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie due par la cotisante au titre de l'année 2016. 7. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 septembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Nanterre ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris. Condamne Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE | ||||||||||
JURITEXT000048430335 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430335.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 22-12.051, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301125 | Cassation | 22-12051 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-12-14 | Cour d'appel d'Amiens | Mme Martinel | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel | ECLI:FR:CCASS:2023:C201125 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1125 F-B Pourvoi n° D 22-12.051 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-12.051 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 décembre 2021), à la suite de deux contrôles portant sur les années 2006 et 2007, puis 2011 et 2012, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) implantée en zone franche urbaine, les 23 janvier 2009 et 3 février 2014, deux lettres d'observations suivies de deux mises en demeure résultant de la remise en cause de l'exonération des cotisations sociales au titre de cette implantation. 2. La société a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que le contrat de travail à durée indéterminée convenu toutes clauses reprises par ailleurs et avec report d'ancienneté le lendemain de la date d'expiration du contrat à durée déterminée auquel il succède est la poursuite du même contrat de travail ; qu'en approuvant l'URSSAF d'avoir comptabilisé deux fois les salariées concernées, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 modifiée ; 2°/ qu'à supposer qu'il se soit agi de deux contrats successifs, le premier ayant pris fin, un seul devait être comptabilisé ; qu'en les cumulant, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, modifiée. » Réponse de la Cour 5. Constitue une nouvelle embauche au sens de l'article 12-VI de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, modifiée, la conclusion d'un nouveau contrat de mission, peu important l'absence d'intervalle de temps entre les deux missions successives. 6. C'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que les contrats de travail à durée déterminée des salariées concernées étant arrivés à leur terme avant la conclusion d'un nouveau contrat de travail en faveur de chacune d'elles, chacun des contrats constituait une embauche distincte, au sens des dispositions régissant l'exonération litigieuse et devait être prise en compte dans le quota d'embauches de résidents en zone franche urbaine. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 8. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en retenant un contrat de qualification au titre des embauches hors zone franche urbaine au motif erroné et en tout cas inopérant qu'il s'agirait d'un contrat de travail contrairement au contrat d'apprentissage, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 modifiée, ensemble l'article L. 1111-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles 12, IV, et 13, II, de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, dans leurs rédactions successivement applicables au litige et les articles L. 6325-5 et L. 1111-3, 6°, du code du travail, le dernier dans sa rédaction applicable depuis la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 : 9. Selon le dernier de ces textes, ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise les titulaires d'un contrat de professionnalisation jusqu'au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu'à la fin de l'action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée. 10. Il résulte de la combinaison des textes susvisés que les titulaires d'un contrat de qualification, devenu contrat de professionnalisation, n'entrent pas dans les effectifs pris en compte pour l'application aux entreprises implantées en zones franches urbaines de l'exonération de cotisations sociales patronales. 11. Pour valider le redressement au motif que le quota de résidents zone franche urbaine embauchés n'était pas atteint, l'arrêt relève qu'il résulte de l'article L. 981-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable, que le contrat de qualification est un contrat de travail à durée déterminée obéissant à un régime spécifique et qu'il n'y a aucune raison, à la différence du contrat d'apprentissage qui n'est pas un contrat de travail, que les salariés recrutés sous contrat de qualification professionnelle soient exclus de l'effectif de l'entreprise pour le calcul des exonérations. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée. Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE | ||||||||||
JURITEXT000048430337 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430337.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 21-25.194, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301127 | Cassation sans renvoi | 21-25194 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-10-11 | Tribunal judiciaire d'Aurillac | Mme Martinel | SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C201127 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation sans renvoi Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1127 F-B Pourvoi n° U 21-25.194 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-25.194 contre le jugement rendu le 11 octobre 2021 par le tribunal judiciaire d'Aurillac (pôle social (section générale)), dans le litige l'opposant à M. [K] [Z], domicilié [Adresse 2], pour le compte de Mme [C] [Z], son épouse, défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Aurillac, 11 octobre 2021), rendu en dernier ressort, et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] (la caisse) lui ayant refusé, par courrier du 19 novembre 2018, la prise en charge des frais de transport entre Aurillac et Bordeaux exposés le 1er octobre 2018 pour conduire son épouse (l'ayant droit de l'assuré) vers une structure de soins, M. [Z] a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur les moyens réunis Enoncé des moyens 2. Par son premier moyen, la caisse fait grief au jugement de la condamner à prendre en charge le transport litigieux, alors : « 1°/ que sauf le cas d'urgence, la prise en charge des frais de transport est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale établie préalablement à l'exécution de la prestation de transport ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux (aller [Localité 3]-[Localité 4]), quand ils constataient que les époux n'avaient obtenu la prescription médicale pour l'aller-retour qu'une fois sur place à [Localité 4], ce dont il résultait que la prescription médicale n'avait pas été établie préalablement à l'exécution du transport aller litigieux, les juges du fond ont violé l'article R. 322-10-2 du code de la sécurité sociale ; 2°/ que l'urgence, pour justifier d'une prise en charge sur la base d'une prescription médicale de transport établie a posteriori, doit être attestée dans ladite prescription médicale de transport ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux, sans constater que la prescription médicale de transport établie a posteriori attestait de l'urgence, les juges du fond ont encore violé l'article R. 322-10-2 du code de la sécurité sociale. » 3. Par son second moyen, la caisse fait le même grief au jugement, alors : « 1°/ que sauf le cas d'urgence, la prise en charge des frais d'un transport excédant 150 kms est subordonnée au respect de la formalité de l'entente préalable ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux dont ils constataient qu'il excédait 150 kms, sans rechercher, comme ils y étaient pourtant invités, si la formalité de l'entente préalable avait été respectée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale ; 2°/ que l'urgence, pour justifier d'une prise en charge sans que la formalité de l'entente préalable ait été respectée quand elle aurait dû l'être, doit être attestée dans la prescription médicale de transport ; qu'en ordonnant la prise en charge du transport litigieux, sans constater que la prescription médicale de ce transport excédant 150 kms attestait de l'urgence, les juges du fond ont encore violé l'article R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles R. 322-10, R. 322-10-2 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale : 4. Selon le deuxième de ces textes, sauf le cas d'urgence, la prise en charge des frais de transport prévus au premier est subordonnée à la présentation par l'assuré de la prescription médicale établie préalablement à l'exécution de la prestation de transport. 5. Il résulte du troisième de ces textes que, sauf prescription médicale attestant de l'urgence, la prise en charge des frais de transport exposés sur une distance excédant 150 kilomètres est subordonnée à l'accord préalable de l'organisme social. 6. Pour dire que la caisse doit prendre en charge les frais de transport litigieux, le jugement relève que ce transport, de plus de 150 kilomètres, a été réalisé le 1er octobre 2018 avec une prescription médicale du 2 octobre 2018. Il retient que si la caisse fait valoir que rien ne fait état d'une urgence permettant de justifier que la prescription soit établie a posteriori, il ressort du dossier que l'ayant droit de l'assuré bénéficiait de soins à [Localité 4] dans le cadre d'une affection de longue durée, et qu'immédiatement après avoir pris un rendez-vous téléphonique, le couple s'est rendu à [Localité 4] le 1er octobre 2018, où leur a été délivrée la prescription aller-retour. 7. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'urgence attestée par le médecin prescripteur, d'une part, la prescription médicale établie a posteriori n'était pas de nature à justifier la prise en charge, et d'autre part, le transport litigieux, effectué en un lieu distant de plus de 150 kilomètres, ne pouvait être pris en charge à défaut du respect de la formalité de l'entente préalable, le tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond. 10. Il résulte de ce qui est dit aux points 4, 5 et 7 que la demande tendant à la prise en charge du transport litigieux doit être rejetée. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 octobre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Aurillac ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; REJETTE la demande de M. [Z] tendant à la prise en charge des frais de transport exposés le 1er octobre 2018. Condamne M. [Z] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le tribunal judiciaire d'Aurillac ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES | ||||||||||
JURITEXT000048430339 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430339.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 21-25.356, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301130 | Cassation partielle | 21-25356 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-10-12 | Cour d'appel de Riom | Mme Martinel | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy | ECLI:FR:CCASS:2023:C201130 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1130 F-B Pourvoi n° V 21-25.356 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Auvergne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-25.356 contre l'arrêt n° RG : 19/01132 rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant à la communauté d'agglomération du [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Auvergne, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la communauté d'agglomération du [Localité 3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 12 octobre 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2014 à 2016, l'URSSAF d'Auvergne (l'URSSAF) a notifié à la communauté d'agglomération du [Localité 3] (la communauté d'agglomération), prise en sa régie de l'abattoir communautaire, une lettre d'observations comportant notamment un chef de redressement relatif à l'application à tort de la réduction de cotisations de sécurité sociale sur les bas salaires, suivie d'une mise en demeure du 11 décembre 2017. 2. La communauté d'agglomération a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler partiellement le redressement opéré à l'encontre de la communauté d'agglomération et de la condamner à lui rembourser les sommes versées à ce titre, alors : « 1°/ qu'une régie d'un établissement public de coopération intercommunale ne disposant pas de la personnalité morale ne peut être considérée comme un employeur distinct de l'établissement public qui l'a créée ; qu'en jugeant, en l'espèce, que la régie de l'abattoir communautaire de la cotisante n'avait pas la personnalité morale mais devait néanmoins être regardée comme un employeur soumis à l'obligation d'assurance contre le risque de privation d'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1412-1 et L. 2221-1 à L. 2221-20 du code général des collectivités territoriales ; 2°/ que la réduction des cotisations patronales au titre de la loi Fillon n'est applicable qu'aux employeurs qui ont l'obligation de s'assurer contre le risque de privation d'emploi ; qu'il en résulte qu'un établissement public administratif adhérant volontairement à l'assurance chômage de manière révocable au titre de son personnel non statutaire n'est pas éligible à la réduction Fillon ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la cotisante cotisait auprès de Pôle Emploi depuis le 1er juillet 1989 de manière volontaire à titre révocable ; qu'en jugeant pourtant que la régie de l'abattoir communautaire de la cotisante était éligible au dispositif de la réduction Fillon, la cour d'appel a violé l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail, en leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 241-13 du code de la sécurité sociale, L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail : 4. Selon le premier de ces textes, la réduction des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires est appliquée aux gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par le deuxième et aux salariés mentionnés au 3° de l'article L. 5424-1 du code du travail qui concerne les employeurs bénéficiant d'une option d'adhésion volontaire au régime d'assurance chômage qui s'opère de manière irrévocable. 5. Selon le dernier de ces textes, les employeurs mentionnés au 2° de l'article L. 5424-1 du code du travail, qui assurent la charge et la gestion de l'allocation chômage, peuvent toutefois adhérer au régime d'assurance chômage. 6. Il en résulte que la réduction des cotisations patronales n'est pas applicable aux rémunérations du personnel des établissements publics de coopération intercommunale qui ont seulement la faculté d'adhérer volontairement, à titre révocable, au régime d'assurance chômage mais ne sont pas tenus de s'assurer contre le risque de privation d'emploi. 7. Pour dire que la régie de l'abattoir communautaire était éligible au bénéfice de la réduction des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires, l'arrêt relève que les agents non statutaires des services publics industriels et commerciaux exploités par la régie, financièrement autonome, d'une collectivité locale n'étant pas visé par la liste exhaustive de l'article L. 5424-1 du code du travail, il y a lieu de considérer que pour le personnel non statutaire de cette régie, la communauté d'agglomération était tenue à une obligation d'adhésion au régime de l'assurance chômage. Il retient aussi que la régie doit être regardée, nonobstant son absence de personnalité morale, comme un employeur soumis à l'obligation d'assurance contre le risque de privation d'emploi. 8. En statuant ainsi, alors que la régie de l'abattoir communautaire, dépourvue de personnalité morale, ne pouvait être considérée comme un employeur distinct de la communauté d'agglomération qui l'avait créée et qu'en tant qu'établissement public de coopération intercommunale, aucune obligation d'adhésion à l'assurance chômage ne pesait sur lui, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le redressement du chef de la réduction générale sur les bas salaires ainsi que les majorations et pénalités y afférentes, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne la communauté d'agglomération du [Localité 3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la communauté d'agglomération du [Localité 3] et la condamne à payer à l'URSSAF d'Auvergne la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE | ||||||||||
JURITEXT000048430341 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430341.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 21-24.920, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301137 | Cassation | 21-24920 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-10-04 | Cour d'appel d'Amiens | Mme Martinel | SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C201137 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1137 F-B Pourvoi n° W 21-24.920 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 Mme [D] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-24.920 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 4], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 octobre 2021), par décision du 25 novembre 2005, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 4] (la caisse) a placé Mme [S] (l'assurée) en invalidité de première catégorie en raison de séquelles de poliomyélite, et lui a versé une pension d'invalidité calculée sur la base du salaire annuel moyen des dix meilleures années précédant la constatation de l'état d'invalidité. 2. Par décision du 8 août 2018, la caisse a placé l'assurée, à compter du 1er septembre 2018, en invalidité de deuxième catégorie. 3. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une contestation portant sur la base de calcul de sa pension. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 341-11, R. 341-4 et R. 341-5 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, les deux derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2011-615 du 31 mai 2011 : 5. Selon le premier de ces textes, la pension d'invalidité peut être révisée en raison d'une modification de l'état d'invalidité de l'intéressé. 6. Il résulte des deuxième et troisième de ces textes que pour les invalides de première catégorie et ceux de deuxième catégorie, la pension est égale respectivement à 30 % et à 50 % du salaire annuel moyen correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré et qui sont comprises entre le 31 décembre 1947 et la date soit de l'interruption de travail suivie d'invalidité, soit de la constatation médicale de l'invalidité résultant de l'usure prématurée de l'organisme. 7. Lorsque le changement de catégorie d'invalidité de la première à la deuxième catégorie est justifié par une nouvelle affection, il appartient à l'organisme de sécurité sociale, pour établir le montant de la pension d'invalidité due dans les conditions prévues par le troisième de ces textes, de procéder à un nouveau calcul du salaire annuel moyen, tel que défini au deuxième. 8. Pour débouter de son recours l'assurée, qui faisait valoir qu'elle était atteinte d'une nouvelle affection ayant justifié son passage en invalidité de deuxième catégorie, l'arrêt retient que la pension d'invalidité n'ayant pas été suspendue avant le passage en invalidité de deuxième catégorie, la période de référence pour le calcul de la pension d'invalidité de deuxième catégorie était la même que celle pour le calcul de la pension d'invalidité initiale de première catégorie. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée. Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES | ||||||||||
JURITEXT000048430343 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430343.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 21-20.740, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301139 | Rejet | 21-20740 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-05-27 | Cour d'appel de Versailles | Mme Martinel | SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez | ECLI:FR:CCASS:2023:C201139 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1139 F-B Pourvoi n° C 21-20.740 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-20.740 contre l'arrêt n° RG : 18/02254 rendu le 22 novembre 2018 et l'arrêt n° RG : 20/02635 rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [J] [C], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de ses enfants mineurs, [E] et [O] [C], 2°/ à Mme [Y] [C], domiciliée [Adresse 3], 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 5], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [J] [C], tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de ses enfants mineurs, [E] et [O] [C], de Mme [Y] [C], et après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 22 novembre 2018, examinée d'office 1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code. 2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. 3. Le mémoire en demande de la société [4] ne contenant aucun moyen de droit contre l'arrêt du 22 novembre 2018, il y a lieu de constater la déchéance de son pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision. Faits et procédure 4. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2021), [D] [C] (la victime), salarié de la société [4] (l'employeur), a été victime, le 9 mars 2015, d'un accident mortel pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse). 5. Les ayants droit de la victime ont saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer et de dire que l'accident du travail survenu le 9 mars 2015 est dû à sa faute inexcusable, alors « que si le juge statuant sur une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur à la suite d'un accident du travail n'est, en principe, pas tenu de surseoir à statuer en cas d'action pénale engagée pour les mêmes faits, il en va autrement lorsque l'absence de sursis à statuer est susceptible de porter atteinte au droit au procès équitable et à l'exercice des droits de la défense ; que constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; qu'au cas présent, il est constant que les ayants-droits de la victime avaient, en première instance, été autorisés par le parquet à produire des pièces du dossier d'instruction pénale à l'appui de leur demande de reconnaissance de faute inexcusable de la société employeur et s'appuyaient, en cause d'appel, sur les éléments ainsi recueillis, pour demander la confirmation du jugement ayant retenu l'existence d'une faute inexcusable ; qu'il est également constant que, alors que l'instruction pénale avait permis de recueillir de nouveaux éléments, le parquet a changé de position et a refusé d'autoriser la production de ces éléments ; que la société employeur faisait pourtant valoir que les procès-verbaux de mises en examen permettaient notamment de faire ressortir que les juges d'instruction avaient écarté, à l'encontre de la société employeur, les charges lui reprochant de s'être abstenue « de recruter un professionnel de l'aéronautique doté d'une expérience technique et opérationnelle adaptée à la complexité des prises de vue recherchées » ; que la société employeur faisait également valoir que le changement de position du parquet lui interdisait de produire les feuilles de services, le plan caméra et le plan logistique établis en amont de l'établissement des plans de vol par les pilotes et qui étaient susceptibles d'établir que les vols n'avaient pas fait l'objet d'un scénario acrobatique et spectaculaire établi par elle, mais que la programmation de ceux-ci avait fait l'objet d'un processus précis et documenté de la part de professionnels compétents ; qu'elle faisait valoir, dans une note en délibéré autorisée par la cour d'appel, que l'interdiction de produire les nouveaux éléments déterminants figurant dans le dossier d'instruction, alors que des extraits partiels de ce dossier d'instruction avaient pu être produits à l'appui de la demande de reconnaissance de faute inexcusable, portait atteinte à ses droits de la défense et qu'il convenait de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale afin que l'intégralité de la procédure d'instruction puisse être communiquée ; qu'en écartant des débats le procès-verbal de mise en examen produit par la société employeur pour démontrer son absence de responsabilité quant aux modalités d'organisation du vol et en refusant de surseoir à statuer dans l'attente que l'intégralité de la procédure d'instruction, notamment les éléments relatifs à l'organisation du vol, puisse être communiquée, tout en se fondant sur les éléments partiels recueillis au début de l'instruction pour considérer que la société employeur aurait organisé le vol de manière à obtenir des images spectaculaires et retenir l'existence d'une faute inexcusable de sa part, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à l'exercice par cette dernière de ses droits de la défense, en méconnaissance des exigences de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 8. L'appréciation de l'opportunité de surseoir à statuer en vue d'une bonne administration de la justice relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches Enoncé du moyen 10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ qu'il incombe à la victime d'un accident du travail de rapporter la preuve de la conscience du danger et de l'absence de mesure de prévention suffisante par l'employeur ; que la faute inexcusable doit être une cause nécessaire de l'accident et qu'aucune faute inexcusable n'est susceptible d'être caractérisée lorsque les circonstances de l'accident sont indéterminées ; qu'au cas présent, la société employeur faisait valoir que le vol ne résultait pas d'un scénario acrobatique et spectaculaire mais avait été programmé par des feuilles de services et un plan caméra établis par la production, par un plan logistique établi par M. [H] [M] et avait fait l'objet d'un plan de vol établi par les pilotes qui étaient seuls responsables de la sécurité en vol ; qu'elle faisait valoir qu'elle n'avait pu ni interférer dans les décisions prises, ni influencer les pilotes des deux hélicoptères s'agissant de l'élaboration des plans de vol et des différentes manoeuvres à effectuer lors de leurs rotations ; qu'elle exposait, par ailleurs, qu'il n'était pas démontré que les pilotes aient prévu un plan de vol dans lequel les aéronefs volaient à faible distance, le rapport de la [7] ayant à cet égard relevé que la distance des trajectoires des deux hélicoptères était de 90-100 mètres ; qu'elle faisait encore valoir qu'au regard des contraintes techniques, il n'était pas possible de filmer les participants, qui se trouvaient dans un hélicoptère dont la porte était fermée, depuis un autre hélicoptère, qu'un caméraman se trouvait dans l'hélicoptère des participants pour les filmer et que si la thèse d'une prise de vue depuis un autre hélicoptère devait être confirmée, elle induisait la nécessité de se maintenir à distance pour pouvoir prendre des plans entiers de l'autre hélicoptère ; qu'en jugeant néanmoins, pour caractériser la faute inexcusable de l'employeur, que la société employeur aurait décidé d'organiser un vol en formation rapprochée en ce sens que les hélicoptères devaient effectuer un vol à faible/très faible distance l'un de l'autre, sans relever le moindre élément établissant l'existence d'une telle décision, ni la moindre instruction en ce sens de la part de la société employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; 4°/ que la conscience du danger et le caractère suffisant des mesures prises par l'employeur pour préserver la sécurité de ses salariés s'apprécient au regard du comportement d'un employeur normalement diligent ; qu'au cas présent, la société employeur faisait valoir qu'elle était un professionnel de l'audiovisuel et non de l'aviation civile et que, n'étant pas en mesure d'appréhender elle-même les risques liés à l'utilisation d'hélicoptères, elle s'était précisément entourée de professionnels compétents ; qu'elle faisait ainsi valoir que, s'agissant d'un tournage en Argentine, elle avait conclu un contrat avec la société [8], importante société de production audiovisuelle argentine, confiant à cette dernière la réalisation de prestations techniques locales dans le respect de la réglementation locale en matière de sécurité ; qu'elle faisait, surtout, valoir que, pour l'ensemble des aspects tenant à la sécurité des salariés et des participants au programme et notamment les vols en hélicoptère, elle avait confié à la société [6] et à son dirigeant M. [H] [M], professionnel hautement spécialisé et expérimenté, une mission complète afin d'assurer la sécurité du tournage impliquant notamment de s'assurer de l'application des bonnes procédures pour chaque expédition, particulièrement l'organisation de la sécurité des vols ; qu'elle exposait, enfin, que les caractéristiques techniques des hélicoptères et les compétences des pilotes lui garantissaient un niveau de sécurité optimal ayant permis une préparation des vols conforme au respect des règles de sécurité ; qu'en refusant d'examiner si la société employeur avait pris toutes les mesures possibles, au regard de ses connaissances, pour s'assurer de la sécurité des vols au motif inopérant que les sociétés [8] et [6] « demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de [l'employeur], dont le directeur de production, [S] [I], se trouvait sur place », la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 11. Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. 12. L'employeur ne peut s'affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d'un contrat prévoyant qu'un tiers assurera cette sécurité. 13. L'arrêt relève que l'employeur a pris la décision d'organiser le vol des deux hélicoptères en formation rapprochée, les aéronefs devant effectuer un vol à faible distance l'un de l'autre. Il constate que l'organisation de ce vol correspond à un scénario défini par l'employeur qui souhaitait réaliser des prises de vues de ce vol dans le cadre du tournage de l'émission de télévision. Il estime que le vol en formation des hélicoptères transportant des passagers représentait un risque, que l'employeur a choisi de prendre, et qui se trouve à l'origine directe et certaine de la collision entre les appareils ayant entraîné le décès de la victime. 14. L'arrêt ajoute que l'employeur pouvait prendre des mesures pour préserver les passagers de l'accident, en excluant la possibilité d'un vol en formation des hélicoptères ou en modifiant leurs trajectoires de vol. Il considère qu'en l'absence de vol d'essai sans passagers, de vérification de l'existence d'un moyen de communication entre les aéronefs ou entre ces derniers et le sol, ou de mention d'un risque de collision dans le plan de sécurité et de sûreté, l'employeur n'a pas pris les précautions qui s'imposaient. Il retient que les sociétés tierces qui sont intervenues pour assurer les prestations techniques et de sécurité demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de l'employeur. 15. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire que l'employeur, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger résultant pour son salarié du vol en formation rapprochée de l'hélicoptère dont il était passager et qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, a commis une faute inexcusable. 16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles ; REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles. Condamne la société [4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer aux consorts [C] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL | ||||||||||
JURITEXT000048430345 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430345.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 21-25.567, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 22301141 | Cassation partielle | 21-25567 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-10-19 | Cour d'appel de Grenoble | Mme Martinel | SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix | ECLI:FR:CCASS:2023:C201141 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1141 F-B Pourvoi n° Z 21-25.567 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 M. [F] [M], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 21-25.567 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse d'allocations familiales de l'Isère, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 octobre 2021), ayant été informée le 22 avril 2013 par M. [M] (l'allocataire) du changement de sa situation professionnelle intervenu le 28 novembre 2011, la caisse d'allocations familiales de l'Isère (la caisse) a réclamé à ce dernier, le 3 juillet 2013, le remboursement d'un indu au titre de l'allocation aux adultes handicapés, de la majoration pour la vie autonome et de l'allocation de logement sociale, dont il avait bénéficié du 1er novembre 2011 au 30 avril 2013. 2. À la suite d'une mise en demeure délivrée le 11 décembre 2015, la caisse a décerné à l'allocataire une contrainte le 24 mars 2016, à l'encontre de laquelle celui-ci a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'allocataire fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'il résulte de l'article L. 332-5 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, c'est-à-dire celle antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, à l'exception de certaines dettes limitativement énumérées ; que sont notamment effacées les dettes à l'égard des organismes de sécurité sociale, dès lors qu'elles n'ont pas une origine frauduleuse établie, soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par le directeur de l'organisme concerné ; qu'en cas de paiement indu de prestations sociales, l'obligation de remboursement pesant sur l'allocataire naît au moment du paiement, et non au moment de la notification de l'indu par l'organisme payeur ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que l'allocataire avait fait l'objet d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendue exécutoire par une ordonnance du 14 décembre 2012, d'autre part, que l'indu notifié en juillet 2013 à l'assuré par la caisse portait sur des paiements effectués du 1er novembre 2011 au 30 avril 2013, s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés et de la majoration pour la vie autonome, et du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, s'agissant de l'allocation de logement sociale ; qu'ainsi, la cour d'appel a elle-même mis en lumière que l'indu notifié par la caisse concernait, en partie, des paiements antérieurs à l'ordonnance ayant rendu exécutoire le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de l'allocataire ; que la cour d'appel a cependant retenu que l'obligation de remboursement de l'indu subsistait entièrement, nonobstant la mesure de rétablissement personnel, au motif, non pertinent, que l'indu avait été notifié postérieurement à cette mesure ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 332-5 susmentionné du code de la consommation, les articles L. 821-5-1 et L. 835-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, ainsi que les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ». Réponse de la Cour Vu les articles L. 332-5 du code de la consommation, alors en vigueur, et L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale : 4. Selon le premier de ces textes, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, à l'exception des dettes visées à l'article L. 333-1, de celles mentionnées à l'article L. 333-1-2 et des dettes dont le prix a été payé aux lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. Le greffe procède à des mesures de publicité pour permettre aux créanciers qui n'auraient pas été avisés de la recommandation de la commission de former tierce opposition à l'encontre de la décision du juge lui conférant force exécutoire. Les créances, dont les titulaires n'auraient pas formé tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de cette publicité, sont éteintes. 5. Il résulte de ce texte que les dettes nées après l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne sont pas effacées par cette procédure. 6. Il résulte du second de ces textes que la créance de restitution de prestations sociales indues naît à la date du paiement des prestations indues. 7. Pour retenir que la créance de restitution des prestations sociales indues n'était pas éteinte par l'effet de l'ordonnance du 14 décembre 2012 conférant force exécutoire au rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, l'arrêt retient que ce n'est qu'à la date du courrier de l'allocataire du 22 avril 2013 que la caisse a été effectivement informée du changement de situation professionnelle de ce dernier intervenu le 28 novembre 2011, justifiant le réexamen de ses droits. Il en déduit que la caisse n'en avait pas connaissance lors de la procédure de surendettement. 8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que les prestations indues avaient, pour partie, été versées à l'allocataire antérieurement à l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen relevé d'office 9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, applicable au litige : 10. Selon ce texte, pour le recouvrement d'une prestation indûment versée, le directeur d'un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par les articles R. 133-3 et suivants, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. 11. L'allocation de logement sociale, qui est une aide personnelle au logement liquidée et payée, pour le compte du Fonds national d'aide au logement, par les organismes chargés de gérer les prestations familiales, n'est pas au nombre des prestations susceptibles de donner lieu au recouvrement d'un indu par voie de contrainte par application du texte susvisé. 12. L'arrêt valide la contrainte décernée par la caisse aux fins, notamment, de recouvrement d'un indu d'allocation de logement sociale. 13. En statuant ainsi, alors que le litige dont elle était saisie se rapportait, pour partie, au recouvrement forcé d'un indu d'allocation de logement sociale, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par M. [M] à la contrainte du 24 mars 2016, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne la caisse d'allocations familiales de l'Isère aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse d'allocations familiales de l'Isère à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE | ||||||||||
JURITEXT000048430347 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430347.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 21-18.360, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 32300735 | Cassation partielle | 21-18360 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-04-01 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Teiller | SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:C300735 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 735 FS-B Pourvoi n° R 21-18.360 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [N] [I], 2°/ Mme [U] [K], épouse [I], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-18.360 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à la société du [Adresse 1], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société du [Adresse 1], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 4 septembre 2009, la société civile immobilière du [Adresse 1] (la SCI) a conclu avec M. et Mme [I] (les preneurs) un contrat dénommé « convention pluriannuelle de pâturage » portant sur des biens agricoles et un bâtiment d'habitation, pour une durée de cinq ans à compter du 1er avril 2009, tacitement reconduit à son terme. 2. Par acte d'huissier du 25 août 2016, les preneurs ont assigné en référé la SCI afin d'obtenir sa condamnation à réaliser des travaux. 3. Le 25 septembre 2017, la SCI leur a délivré un congé. 4. Après renvoi de l'affaire devant le tribunal paritaire des baux ruraux pour qu'il soit statué au fond, les preneurs ont demandé, à titre additionnel, la reconnaissance d'un bail rural, la condamnation de la SCI à leur rembourser diverses sommes, dont les loyers réglés au titre du bâtiment d'habitation, et l'annulation du congé. Examen des moyens Sur le troisième moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 2224 du code civil : 7. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. La Cour de cassation juge, de façon constante, que le bail tacitement reconduit est un nouveau bail, distinct du bail initial (3e Civ., 10 juin 1998, pourvoi n° 96-15.626, Bull. n° 119). Cette règle est désormais consacrée, depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1214 et 1215 du code civil. 9. Il en résulte que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet. 10. Pour déclarer prescrite l'action en reconnaissance d'un bail rural, laquelle s'analyse en une action en requalification de la convention en cours, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le délai de prescription court, sauf fraude, à compter de la date de la conclusion du contrat initial, nonobstant sa tacite reconduction. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de requalification entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande en annulation du congé, ordonnant l'expulsion des preneurs, les condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation et rejetant leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de requalification, rejette la demande en annulation du congé, ordonne l'expulsion de M. et Mme [I], les condamne au paiement d'une indemnité d'occupation, rejette leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société civile immobilière du [Adresse 1] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière du [Adresse 1] et la condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL | Il résulte de l'article 2224 du code civil que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet |
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JURITEXT000048430349 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430349.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-19.422, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 32300736 | Rejet | 22-19422 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-03-25 | Tribunal judiciaire d'Orléans | Mme Teiller | SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Zribi et Texier | ECLI:FR:CCASS:2023:C300736 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 736 FS-B Pourvoi n° R 22-19.422 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 M. [V] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-19.422 contre le jugement rendu le 25 mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Orléans, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [C], 2°/ à Mme [F] [E], domiciliés tous deux [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [Y], de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [C] et de Mme [E], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Orléans, 25 mars 2022), rendu en dernier ressort, locataires d'un logement dont M. [Y] (le bailleur) est propriétaire, M. [C] et Mme [E] (les locataires), après avoir libéré les lieux le 1er août 2020 à l'issue d'un congé, ont saisi le tribunal en restitution du dépôt de garantie. 2. Le bailleur s'est opposé à la demande en invoquant des désordres locatifs. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le bailleur fait grief au jugement de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en condamnant M. [Y] à restituer aux locataires la somme prélevée par lui en sa qualité de bailleur sur le dépôt de garantie au titre des dégradations locatives, après avoir constaté la réalité de celles-ci quant au défaut d'entretien du jardin consistant en l'absence de désherbage « surtout autour des massifs » en raison du caractère global de la facture produite au titre des travaux de jardinage qui ne permettrait pas d'évaluer le coût exact « du nettoyage des parterres et massifs » visé dans celle-ci, le tribunal qui devait évaluer lui-même le préjudice dont il constatait l'existence, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 7 c de la loi du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 3-2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elle, il est établi par un huissier de justice, devenu commissaire de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. 5. La Cour de cassation décide qu'un constat d'huissier de justice, même non contradictoirement dressé, vaut à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties (1re Civ., 12 avril 2005, pourvoi n° 02-15.507, Bull. 2005, I, n° 181). 6. Il s'en déduit qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire. 7. Le tribunal a constaté que le bailleur, qui avait connaissance du départ des lieux des locataires, ne démontrait pas avoir tenté d'établir amiablement l'état des lieux de sortie de manière contradictoire et n'avait pas fait appel à un huissier de justice. 8. Il en résulte que l'état des lieux de sortie invoqué par le bailleur ne pouvait faire la preuve des dégradations qui y sont listées et qui seraient imputables aux locataires. 9. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, et substitué à celui critiqué, conformément à l'article 620, alinéa 1er du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef. Sur le second moyen Enoncé du moyen 10. Le bailleur fait grief au jugement de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, alors « que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen de cassation, qui reproche au tribunal d'avoir condamné M. [Y] à verser à M. [C] et Mme [E] la somme de 1 539,60 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard entraînera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral. » Réponse de la Cour 11. Le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | BAIL D'HABITATION | Il résulte de l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire |
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JURITEXT000048430351 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430351.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-14.091, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 32300745 | Cassation partielle | 22-14091 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-01-25 | Cour d'appel de Poitiers | Mme Teiller (président) | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon | ECLI:FR:CCASS:2023:C300745 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 745 F-B Pourvoi n° W 22-14.091 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La société [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 22-14.091 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [X], domicilié [Adresse 2], notaire associé de la société Océan notaires, 2°/ à M. [Z] [E], 3°/ à Mme [S] [U], épouse [E], domiciliés tous deux [Adresse 3] (Irlande), 4°/ à la société [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [W], en qualité de liquidateur de la société Lama, défendeurs à la cassation. M. [X] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. M. et Mme [E] ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. M. [X], demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. M. et Mme [E], demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [Localité 5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022, n° RG 20/01228), par un contrat de réservation du 10 décembre 2002, suivi d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement dressé le 31 octobre 2003 par M. [X] (le notaire), M. et Mme [E] (les propriétaires), préalablement démarchés par la société Lama (le promoteur), ont acquis une villa dans une résidence de tourisme exploitée par la société Gestion patrimoine loisirs. 2. Par acte sous seing privé du 10 décembre 2002, les propriétaires ont donné la villa à bail commercial à l'exploitante de la résidence de tourisme, aux droits de laquelle est venue la société [Localité 5] (la locataire), pour une durée de neuf années à compter du lendemain de l'achèvement de l'immeuble. 3. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit à une indemnité d'éviction. 4. Le 23 septembre 2014, les propriétaires ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 mars 2015, sans offre d'une indemnité d'éviction. 5. Le 5 avril 2015, les propriétaires ont repris possession de l'immeuble. 6. Le 7 décembre suivant, la locataire a assigné les propriétaires en annulation du congé, indemnisation du préjudice résultant de sa dépossession et restitution des locaux loués ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction. 7. Le 3 octobre 2016, les propriétaires ont assigné en garantie le promoteur et le notaire. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires, et sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi incident du notaire 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident des propriétaires, dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 9. Les propriétaires font grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction, d'ordonner une expertise sur la fixation de son montant et de les condamner au paiement d'une provision, alors « que la loi qui a pour effet d'allonger la durée d'une prescription est sans effet sur une prescription déjà acquise ; que la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 modifiant l'article L. 145-15 du code de commerce a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et d'indemnité d'éviction, soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du même code, leur caractère réputé non écrit, non soumis à prescription ; qu'il en résulte que la loi nouvelle susvisée édictant une sanction imprescriptible n'est applicable qu'aux actions dont le délai de prescription biennale n'était pas déjà expiré à la date de son entrée en vigueur ; qu'en jugeant que l'action engagée en 2015 par la société [Localité 5] en contestation de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction stipulée au bail conclu en 2002 n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, ce au motif que la loi nouvelle régissait immédiatement les effets légaux des situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, quand cette loi ne pouvait avoir d'effet sur la prescription de l'action définitivement acquise avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les articles 2 et 2222 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées. 11. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, publié). 12. Dès lors, quand bien même la prescription de l'action en nullité des clauses susvisées était antérieurement acquise, la sanction du réputé non écrit est applicable aux baux en cours. 13. Ayant constaté que le bail s'était tacitement prorogé et que le congé avait été valablement délivré par les propriétaires le 23 septembre 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction n'était pas soumise à la prescription biennale et était recevable. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 15. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de son préjudice au titre de la dépossession des lieux, alors « que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il est fixé par les conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [E] ont soutenu, qu'après avoir obtenu la remise spontanée de leurs clefs à l'accueil de la résidence le 5 avril 2015, ils avaient récupéré la libre jouissance de leur résidence de vacances, avaient procédé au changement des serrures afin de sécuriser l'accès de leur propriété et avaient ainsi pu louer leur villa depuis la résiliation du bail en passant par le biais de sites de locations de particulier à particulier ; que pour débouter la société [Localité 5] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la dépossession, l'arrêt attaqué retient qu'il n'était pas démontré que les époux [E] soient passés outre le refus de la société [Localité 5], exprimé dans une lettre AR datée du 4 mai 2015, de restituer les clefs en l'absence de règlement de l'indemnité d'éviction en changeant les serrures de la maison rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale conformément au bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 17. Pour rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, l'arrêt retient que si la locataire avait indiqué, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mai 2015, qu'elle entendait conserver la gestion du bien et ne restituerait pas les clés en l'absence de consensus sur le règlement de l'indemnité, elle ne démontrait pas que les propriétaires soient passés outre ce refus en changeant les serrures de la villa et en rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale. 18. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, les propriétaires affirmaient avoir repris possession de leur propriété et avoir procédé au changement des serrures afin d'en sécuriser l'accès, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident du notaire Enoncé du moyen 19. Le notaire fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son devoir de conseil en omettant d'informer les propriétaires de la nullité de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction et de le condamner, in solidum avec le promoteur, à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, en appel, à hauteur de 70 %, alors « qu'en toute hypothèse, le notaire n'est pas tenu de vérifier la validité de la clause d'un acte, qu'il n'a pas été chargé de dresser, et qui ne détermine pas la validité ou l'efficacité de l'acte, distinct, auquel il prête son concours ; qu'en retenant que le notaire, rédacteur du seul acte de vente, aurait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les clauses d'un bail, rédigé par un agent immobilier, étaient conformes aux attentes d'investisseurs de M. et Mme [E], et d'attirer leur attention sur un risque d'annulation d'une clause de ce bail, et sur le risque de devoir payer une indemnité d'éviction au locataire en exécution de ce même acte, conclu sans son concours, au motif que cette clause pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail, la cour d'appel, qui a ainsi statué par des motifs impropres à caractériser l'incidence que le risque d'annulation de la clause du bail pouvait avoir sur la validité ou l'efficacité de l'acte de vente, qui avait produit tous ses effets, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil : 20. En application de ce texte, le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours. 21. Pour accueillir l'appel en garantie des propriétaires contre le notaire, l'arrêt retient qu'il a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les principales clauses du bail commercial, qui constituait un élément fondamental dans l'ensemble contractuel, étaient conformes aux attentes d'investisseurs des acquéreurs et en omettant d'attirer leur attention les conséquences du risque d'annulation de la clause de renonciation du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction stipulée dans ce bail, lequel pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail. 22. En statuant ainsi, alors que le notaire n'était pas tenu d'une obligation de conseil concernant l'opportunité économique d'un bail commercial conclu par les acquéreurs sans son concours, ni de les mettre en garde sur le risque d'annulation d'une clause de ce bail qui était sans incidence sur la validité et l'efficacité de l'acte de vente qu'il instrumentait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de la locataire en dommages-intérêts pour dépossession, retenant un manquement du notaire à son obligation de conseil, et le condamnant à garantir les propriétaires des condamnations prononcées à leur encontre emporte celles des chefs du dispositif condamnant le promoteur à garantir le notaire et condamnant le notaire au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile. 24. En revanche, elle n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les propriétaires et le promoteur au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société [Localité 5] en dommages-intérêts pour dépossession, qu'il déclare partiellement fondé le recours en garantie formé par M. et Mme [E] à l'encontre de M. [X], qu'il dit que M. [X] a manqué à son devoir de conseil et que cette faute les a privés d'une chance d'éviter une action en paiement d'une indemnité d'éviction, qu'il condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à garantir M. et Mme [E] à concurrence de 70 %, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre dans le cadre de la présente instance d'appel, du montant de la condamnation provisionnelle et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il condamne la société Lama à garantir M. [X] à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre, et condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à payer à M. et Mme [E] la somme de 6 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. et Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | BAIL COMMERCIAL | ||||||||||
JURITEXT000048430353 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430353.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 23-70.011, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 32315015 | Avis sur saisine | 23-70011 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2023-07-19 | Tribunal judiciaire de Bobigny | Mme Teiller (président) | SARL Cabinet Munier-Apaire | ECLI:FR:CCASS:2023:C315015 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Demande d'avis n°Z 23-70.011 Juridiction : le tribunal judiciaire de Bobigny Avis du 16 novembre 2023 n° 15015 P+B R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Troisième chambre civile Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ; La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mmes Djikpa et Brun, conseillers référendaires, et les observations écrites et orales de Mme Vassallo, premier avocat général ; Vu les observations écrites et orales de la SARL Cabinet Munier-Apaire ; Énoncé de la demande d'avis 1. La Cour de cassation a reçu, le 1er septembre 2023, une demande d'avis formée le 19 juillet 2023 par le juge de l'expropriation de la Seine-Saint-Denis, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant l'établissement public foncier Ile-de-France (l'expropriant) à M. et Mme [M]. 2. La demande est ainsi formulée : « L'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que : Il ne peut être offert un local de relogement à un propriétaire exproprié qui occupe tout ou partie de son immeuble que si cette offre a été acceptée par ce propriétaire avant la fixation des indemnités d'expropriation, afin de permettre au juge, et le cas échéant, à la cour d'appel, de tenir compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités. Au regard des dispositions précitées et dans le cadre d'une saisine du juge de l'expropriation en fixation des indemnités de dépossession en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique d'un propriétaire occupant lui-même son bien à la date de l'ordonnance d'expropriation et ayant accepté une offre de relogement émanant de l'entité expropriante : 1- Lors de l'évaluation des indemnités de dépossession du propriétaire-occupant exproprié ayant accepté une offre de relogement émanant de l'expropriant : 1.1 - La prise en compte du relogement peut-elle s'analyser en une moins-value affectant la valeur vénale libre des biens expropriés, déterminée selon la valeur du marché de référence ? 1.2 - La prise en compte du relogement peut-elle être un pourcentage fixe de la valeur vénale libre des biens expropriés, faisant du quantum de la prise en compte du relogement une fonction croissante de la valeur de marché des biens expropriés ? 1.3 - La situation juridique d'un propriétaire-occupant ayant accepté une offre de relogement émanant de l'expropriant peut-elle être assimilée à celle d'un propriétaire-bailleur dont le bien est occupé par un tiers titré, pour l'évaluation des indemnités d'expropriation ? 1.4 - La transposition opérée par l'entité expropriante : - de l'abattement communément appliqué à la valeur libre des biens expropriés d'un propriétaire-bailleur, pour tenir compte de la moins-value générée sur le marché immobilier par une occupation titrée (contrainte de la relation bailleur-preneur, indisponibilité du bien), - à la situation d'un propriétaire-occupant ayant accepté une offre de logement émanant de l'expropriant, pour tenir compte de ce relogement : 1.4.1 - ne conduit-elle pas à inverser la logique indemnitaire, en faisant de la situation de l'expropriant ayant l'obligation de reloger le locataire du propriétaire-bailleur et le propriétaire-occupant ayant accepté une offre de relogement, la cause de l'application au second de l'abattement « dit pour occupation », usuellement appliqué au premier ? 1.4.2 - la fixation des indemnités de dépossession ne doit-elle pas être guidée par le préjudice subi par le propriétaire ? et par sa réparation intégrale ? 1.5 - L'indemnité principale d'un propriétaire-occupant relogé par l'expropriant, correspondant à la valeur vénale des biens expropriés doit-elle être évaluée en valeur libre, comme sur le marché immobilier et comme en matière de préemption, ou en valeur occupée par un tiers titré, comme en matière de propriétaire-bailleur ? 2 - La prise en compte par le juge de l'expropriation, évoquée à l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, du relogement du propriétaire-occupant par l'expropriant après acceptation par l'exproprié de l'une des offres émanant de l'expropriant : 2.1 - donne-t-elle naissance à une créance de l'expropriant contre l'exproprié, créance correspondant à l'avantage qu'un relogement par l'expropriant procure à l'exproprié, selon une similitude avec le marché immobilier sur lequel le propriétaire-vendeur obtient une valeur vénale libre des biens qu'il occupait et doit prendre à sa charge son relogement ? 2.2 - constitue-t-elle une créance distincte de celle dont dispose l'exproprié contre l'expropriant du fait du transfert de sa propriété par les effets de l'ordonnance d'expropriation ? 2.3 - peut-elle donner lieu à une compensation intervenant lors de la fixation des indemnités entre, d'une part, l'indemnité principale correspondant à l'entière valeur vénale libre des biens et les indemnités accessoires le cas échéant et, d'autre part, l'évaluation de la prestation de relogement délivrée par l'expropriant ? » Examen de la demande d'avis I- Sur la recevabilité de la demande d'avis, contestée par l'expropriant 3. Il résulte de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande d'avis doit porter sur une question de pur droit commandant l'issue du litige, être nouvelle, présenter une difficulté sérieuse et se poser dans de nombreux litiges. 4. En premier lieu, la demande d'avis a été présentée à l'occasion d'un procès en cours et porte sur une règle de droit, le principe de réparation intégrale du préjudice subi par l'exproprié, au regard du droit au relogement de celui-ci. 5. En effet, si le juge de l'expropriation dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour choisir la méthode d'évaluation et fixer l'indemnité d'expropriation, la demande d'avis porte, en amont de l'exercice de ce pouvoir souverain, sur la qualification juridique du droit au relogement dont le juge doit tenir compte lors de la fixation des indemnités d'expropriation en application de l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. 6. En deuxième lieu, la Cour de cassation ne s'est jamais prononcée sur le point de droit sur lequel son avis est sollicité et aucun pourvoi en cours ne soulève les questions, objet de la demande. 7. En dernier lieu, ces questions se posent dans de nombreux litiges et sont susceptibles de se présenter plus fréquemment en raison de la fragilisation actuelle de certaines copropriétés. 8. La demande d'avis est donc recevable. II- Sur le fond 9. Le propriétaire-occupant, qui accepte d'être relogé, bénéficie d'une réparation en nature d'une partie du préjudice résultant de l'expropriation, devant être prise en compte lors de la fixation des indemnités, en application de l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. 10. En effet, même s'il accède à un nouveau logement en qualité de locataire, le relogement qu'il accepte lui évite l'aléa d'une recherche et lui permet de jouir d'un bien décent, en bon état général, adapté à ses besoins personnels et familiaux, à proximité du domicile exproprié et respectant les normes relatives aux habitations à loyer modéré, ainsi que l'exigent les articles L. 314-2 du code de l'urbanisme et L. 423-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. 11. En revanche, le relogement du propriétaire-occupant ne constitue pas une moins-value affectant la valeur vénale du bien exproprié, dans la mesure où, sur le marché libre, le bien occupé par son propriétaire ne subit pas de moins-value en raison de cette occupation, dès lors qu'il sera libéré à l'occasion du transfert de propriété. 12. La situation de ce propriétaire n'est donc pas assimilable à celle du propriétaire dont le bien est occupé par un locataire. 13. En outre, en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice, le relogement est pris en compte par le juge de l'expropriation lors de la fixation des indemnités, au regard de l'avantage procuré à l'exproprié et non en fonction du coût de ce relogement pour l'expropriant, de sorte que ce relogement ne peut donner naissance à une créance de l'expropriant sur l'exproprié. 14. Enfin, les modalités de prise en compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et peuvent se traduire, notamment, par un abattement, fixe ou en pourcentage, non pour occupation, mais pour relogement. EN CONSEQUENCE, la Cour : EST D'AVIS QUE 1. Le propriétaire-occupant, qui accepte d'être relogé, bénéficie d'une réparation en nature d'une partie du préjudice résultant de l'expropriation, devant être prise en compte lors de la fixation des indemnités, en application de l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. 2. Le relogement du propriétaire-occupant ne constitue pas une moins-value affectant la valeur vénale du bien exproprié et sa situation n'est pas assimilable à celle du propriétaire dont le bien est occupé par un locataire. 3. La prise en compte du relogement lors de la fixation des indemnités, déterminée au regard de l'avantage procuré à l'exproprié et non du coût de ce relogement pour l'expropriant, ne donne pas naissance à une créance de l'expropriant sur l'exproprié. 4. Les modalités de prise en compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 16 novembre 2023, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 14 novembre 2023 où étaient présents, conformément à l'article R 431-5 du code de l'organisation judiciare : Mme Teiller, président, Mmes Djikpa et Brun, conseiller référendaires rapporteurs, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre ; Le présent avis est signé par les conseillers rapporteurs, le président et le greffier de chambre. | EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE | ||||||||||
JURITEXT000048176188 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/61/JURITEXT000048176188.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 octobre 2023, 22-12.128, Publié au bulletin | 2023-10-04 00:00:00 | Cour de cassation | 42300628 | Rejet | 22-12128 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-12-15 | Cour d'appel de Bastia | M. Vigneau | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00628 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SMSG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 octobre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 628 F-B Pourvoi n° N 22-12.128 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 OCTOBRE 2023 1°/ M. [V] [N], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Corse discount Ajaccio, 2°/ M. [T] [D], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Corse discount diffusion, ont formé le pourvoi n° N 22-12.128 contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), les 2 décembre 2020 et 15 décembre 2021 dans le litige les opposant : 1°/ à la société de droit danois Alpha Insurance, dont le siège est [Adresse 4] (Danemark), représentée par M. [E] [B], en qualité de liquidateur, 2°/ à Mme [W] [A], épouse [X], domiciliée [Adresse 5], 3°/ à Mme [I] [A], épouse [S], domiciliée [Adresse 5], 4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité d'assureur de M. [C], propriétaire bailleur de la société Corse discount diffusion, et de Mmes [W] [A] et [I] [A], propriétaires bailleresses de la société Corse discount Ajaccio, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [N] et [D], ès qualités, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société de droit danois Alpha Insurance, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 2 décembre 2020, examinée d'office Vu l'article 978 du code de procédure civile : 1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé. 2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. 3. Le 15 février 2022, M. [N], en qualité de liquidateur de la société Corse discount Ajaccio, et M. [D], en qualité de liquidateur de la société Corse discount diffusion, se sont pourvus contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Bastia, les 2 décembre 2020 et 15 décembre 2021. 4. Le mémoire qu'ils ont déposé dans le délai de quatre mois ne comporte aucun moyen de droit contre l'arrêt du 2 décembre 2020. 5. Dès lors, il y a lieu de constater la déchéance de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt. Faits et procédure 6. Selon les arrêts attaqués (Bastia, 2 décembre 2020 et 15 décembre 2021), le 20 juillet 2012, des locaux commerciaux appartenant à Mmes [W] et [I] [A], et exploités par les sociétés Corse discount diffusion et Corse discount Ajaccio (les sociétés), ont été détruits par des incendies. Les sociétés ont demandé en vain à leur assureur, la société de droit danois Alpha Group, devenue Alpha Insurance A/S (la société Alpha), de les indemniser de leurs préjudices. 7. Le 28 juin 2013, les sociétés ont assigné la société Alpha en paiement devant le tribunal de commerce de Bastia. 8. Les 11 février et 10 mars 2014, les sociétés ont été mises en liquidation judiciaire, M. [N] étant désigné liquidateur de la société Corse discount Ajaccio, et M. [D] étant désigné liquidateur de la société Corse discount diffusion. 9. Le 8 mai 2018, un jugement rendu par une juridiction danoise a déclaré la société Alpha en faillite. 10. Le 2 décembre 2019, M. [N], ès qualités, et M. [D], ès qualités, ont assigné en intervention forcée M. [B], syndic de la société Alpha. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables. Sur le moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 12. M. [N], ès qualités, et M. [D], ès qualités, font grief à l'arrêt du 15 décembre 2021 de déclarer irrecevables leurs demandes présentées à l'encontre de M. [B], ès qualités, alors « qu'il résulte du paragraphe 1 de l'article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, que, sauf dispositions contraires des articles 285 à 292, la décision d'ouvrir une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance, la procédure de liquidation et leurs effets sont régis par le droit applicable dans l'État membre d'origine, c'est-à-dire par la loi de l'État membre dans lequel l'entreprise d'assurance a été agréée et a son siège social ; qu'il résulte du paragraphe 2, sous g) du même article que le droit de l'État membre d'origine détermine au moins les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen pris par les exposants de ce que la mise en cause du mandataire liquidateur de la société de droit danois Alpha Insurance dans l'instance française en paiement de l'indemnité d'assurance valait déclaration de créance, d'une part, que "l'absence de déclaration des créances a pour effet, en application de l'article L. 622-26 du code de commerce de rendre inopposable la créance non déclarée au passif en ces termes "les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie", ce qui signifie que les créanciers ne pourront pas s'en prévaloir y compris durant le plan de redressement et y compris dans le cadre d'une compensation" et, d'autre part, que "l'assignation en reprise d'une instance en cours délivrée en application de l'article L. 622-22 du code de commerce, serait-elle accompagnée de conclusions tendant à la fixation par la juridiction saisie de cette instance de la créance du demandeur, ce que les intimées ne prouvent pas, ne vaut pas - contrairement à ce qu'ils affirment dans leurs écritures - déclaration de créance entre les mains du mandataire judiciaire, celle-ci ne pouvant résulter que d'un acte distinct conformément à l'article R. 622-20 du même code", la cour d'appel, qui a ainsi fait application de la loi française pour déterminer les conditions de production d'une créance à la liquidation de l'assureur danois et leur sanction, quand de telles questions étaient régies par la loi danoise applicable dans l'État membre dans lequel l'entreprise d'assurance a été agrée et a son siège social, a ainsi violé par fausse application l'article L. 326-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de l'article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II. » Réponse de la Cour 13. Aux termes de l'article L. 326-20 du code des assurances, issu de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (la directive Solvabilité II), les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès lors qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat. 14. Selon l'article L. 326-28 du même code, issu de la même ordonnance, transposant l'article 292 de la directive Solvabilité II, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile. 15. Il résulte des articles 369 et 371 du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats. 16. Il découle de la combinaison des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce que, par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Il s'en déduit que la reprise de l'instance en cours par le créancier est subordonnée à deux conditions, la déclaration de créance et la mise en cause des organes de la procédure collective. 17. Par son arrêt du 13 janvier 2022 (CJUE, arrêt du 13 janvier 2022, Paget Approbois et Alpha Insurance, C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. » 18. Après avoir relevé, d'une part, que, selon la loi danoise, les créanciers disposent d'un délai de deux semaines après la publication au journal officiel danois pour rapporter la preuve de leur créance, d'autre part, que les liquidateurs n'avaient pas déclaré la créance des sociétés auprès des organes de la procédure de faillite de la société Alpha, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de la loi française pour déterminer les conditions de production d'une créance à la liquidation de l'assureur danois et leur sanction, mais a, en revanche, appliqué à bon droit cette même loi pour déterminer les effets de la procédure de liquidation sur une instance en cours, a exactement retenu, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants tirés des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce, que l'instance en cours dont elle était saisie, interrompue en application de l'article L. 622-22 du même code jusqu'à ce que les liquidateurs aient procédé à la déclaration de leurs créances, n'avait pas été reprise en l'absence d'une telle déclaration, l'assignation en intervention forcée du mandataire de justice ne valant pas déclaration de créance. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 2 décembre 2020 ; REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt du 15 décembre 2021 ; Condamne M. [N], en qualité de liquidateur de la société Corse discount Ajaccio, et M. [D], en qualité de liquidateur de la société Corse discount diffusion, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Effets - Instance en cours - Interruption - Applications diverses - Faillite prononcée par un tribunal d'un Etat membre de l'Union européenne | CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Ouverture d'une liquidation judiciaire - Décision d'un Etat membre de l'Union européenne - Effets - Interruption de l'instance - Cas - Action en indemnisation d'assurance - Portée PROCEDURE CIVILE - Instance - Interruption - Redressement et liquidation judiciaires - Domaine d'application - Jugement rendu par un Etat membre de l'Union européenne - Interprétation de l'article L. 326-28 du code des assurances ASSURANCE (règles générales) - Société d'assurance - Liquidation - Faillite prononcée par un tribunal d'un Etat membre de l'Union européenne - Effets - Instance - Interruption | Par arrêt du 13 janvier 2022 (CJUE, arrêt du 13 janvier 2022, Paget Approbois et Alpha Insurance, C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) doit être interprété en ce sens que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. » Il en découle qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, qui transpose l'article 292 de la directive précitée, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France sont régis exclusivement par les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile qui disposent que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats, et des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce, selon lesquels, par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Doit, dès lors, être approuvée la cour d'appel qui a retenu qu'elle devait appliquer l'article L. 622-22 du code de commerce pour déterminer les effets de la liquidation d'une société d'assurance danoise, mise en liquidation au Danemark, sur l'instance en cours dont elle était saisie, et qu'à défaut de déclaration de créance selon les modalités de forme et de délais prévus par la loi danoise, l'instance en cours interrompue n'avait pas été reprise |
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JURITEXT000048176192 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/61/JURITEXT000048176192.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 octobre 2023, 22-15.781, Publié au bulletin | 2023-10-04 00:00:00 | Cour de cassation | 42300633 | Cassation partielle | 22-15781 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-28 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SARL Delvolvé et Trichet, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00633 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SMSG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 octobre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 633 F-B Pourvoi n° G 22-15.781 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 OCTOBRE 2023 Le Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain (SNCAO-GA), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-15.781 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 11), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société DLM Communication, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société Canet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [Y], de la société DLM Communication et de la société Canet, ès qualités, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2022), à partir de 1979, l'association Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain (le Syndicat) a confié à la société DLM Communication (la société DLM) la communication et la publicité relatives à sa Foire nationale à la brocante et aux jambons de [Localité 5], organisée deux fois par an. 2. Le Syndicat lui ayant notifié le 21 novembre 2013 la rupture de leurs relations, la société DLM l'a assigné en réparation de son préjudice. 3. Par jugement du 1er avril 2015, la société DLM a été mise en redressement judiciaire, la SCP Canet-Morand étant nommée mandataire judiciaire. Un plan de continuation a été arrêté le 26 octobre 2016. 4. Le Syndicat a appelé en garantie M. [Y], gérant de la société DLM. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le Syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer brutale la rupture des relations contractuelles l'ayant lié à la société DLM et de le condamner à payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que le contrat de mandat peut régulièrement stipuler qu'il peut y être mis fin sans préavis en cas de méconnaissance de ses clauses ; qu'en l'espèce, le mandat du 10 mai 2007 confié à la société DLM, qui contenait une clause d'exclusivité aux termes de laquelle le mandataire "s'engage à n'intervenir en aucune façon en qualité d'agent de publicité ou de communication pour toute foire de brocante ou salon d'antiquité ayant lieu en région Ile de France pendant lesdites manifestations de [Localité 5] ou se terminant moins de huit jours avant la date d'ouverture de chacune des deux Foires Nationales à la Brocante et aux Jambons de [Localité 5]", stipulait expressément à cet égard que "Le Syndicat se réserve le droit d'interrompre, sans préavis, la fonction de Chargé de Mission [Localité 5] de l'intéressé, s'il juge que les termes du protocole ont été transgressés" ; qu'était ainsi contractuellement prévue la faculté pour le mandant de révoquer le mandat sans préavis en cas de méconnaissance par le mandataire de ladite clause d'exclusivité ; qu'en l'état de trois infractions à cette clause, en 2009, 2010 et 2013, les juges du fond ont toutefois considéré que la rupture du mandat avait été brutale pour n'avoir pas été précédée d'un préavis ni motivée ; que toutefois ni l'absence d'énoncé de motifs dans la décision de rupture du mandat ni l'absence de préavis, que le contrat conclu avait expressément stipulé en cas de méconnaissance notamment de la clause d'exclusivité, caractérisée en l'espèce, n'étaient susceptibles de conférer un caractère abusif et brutal à la révocation du mandat ; qu'en écartant l'application des stipulations contractuelles, qui avaient pourtant exclu expressément de soumettre la rupture à un préavis, pour se placer exclusivement dans le cadre d'une rupture d'un contrat qui n'aurait pas envisagé de préavis ou aurait envisagé un préavis d'une durée insuffisante et en appréciant si la faute reprochée à la société DLM Communication constituait une faute grave justifiant une rupture immédiate sans préavis de son mandat, la cour d'appel a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, ensemble les articles 2004 et 1382 ancien (devenu 1240) du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article 2004 du code civil : 6. En application de ce texte, un mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans que des motifs aient à être précisés, l'abus dans l'exercice de ce droit de révocation ne pouvant être retenu que si celui qui l'allègue prouve l'intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable. 7. Pour déclarer brutale la rupture des relations contractuelles l'ayant lié à la société DLM et condamner le Syndicat à payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que la résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée peut être effectuée sans motif, pourvu qu'un délai de préavis raisonnable soit respecté et constate que le courrier du 21 novembre 2013 notifiant à la société DLM la rupture des relations contractuelles n'en précise pas le motif et ne prévoit pas de préavis. 8. En statuant ainsi, tout en constatant que les parties étaient liées par un mandat civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la note en délibéré transmise le 22 novembre 2021 par l'association Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain par le réseau privé virtuel des avocats, non autorisée, est écartée des débats, l'arrêt rendu le 28 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. [Y], la société DLM Communication et la société Canet, en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y], la société DLM Communication et la société Canet, en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication, et les condamne à payer au Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois et signé par lui et Mme Vaissette, conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement de Mme Fontaine, conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. | MANDAT - Révocation - Conditions - Détermination | MANDAT - Révocation - Révocabilité ad nutum - Applications diverses MANDAT - Révocation - Causes - Détermination | En application de l'article 2004 du code civil, un mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans que des motifs aient à être précisés, l'abus dans l'exercice de ce droit de révocation ne pouvant être retenu que si celui qui l'allègue prouve l'intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable. En conséquence, viole ce texte la cour d'appel qui, tout en constatant que les parties étaient liées par un mandat civil, déclare brutale la rupture des relations contractuelles aux motifs, d'une part, que la résiliation unilatérale du contrat pouvait être effectuée sans motif, mais avec un délai de préavis raisonnable, d'autre part, que le courrier notifiant la rupture des relations contractuelles n'en précisait pas le motif et ne prévoyait pas de préavis |
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JURITEXT000048176198 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/61/JURITEXT000048176198.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 octobre 2023, 22-15.685, Publié au bulletin | 2023-10-04 00:00:00 | Cour de cassation | 42300645 | Rejet | 22-15685 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-03 | Cour d'appel de Rouen | M. Vigneau | SCP Bénabent, Me Bertrand | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00645 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 octobre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 645 F-B Pourvoi n° D 22-15.685 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 OCTOBRE 2023 La société Delisle SAS, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-15.685 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la Société d'armatures spéciales (SAS), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Delisle SAS, de Me Bertrand, avocat de la Société d'armatures spéciales (SAS), et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 mars 2022), en novembre 2017, la société Delisle a accepté un devis établi par la Société d'armatures spéciales (la société SAS) d'un montant de 80 456 euros, qu'elle a payé le 8 décembre 2017, portant sur la fabrication spécifique et la pose d'armatures en acier en vue de la construction d'une plate-forme logistique. Un nouveau devis, relatif au même chantier, a été émis le 8 janvier 2018 pour des quantités et prix différents mais n'a pas été accepté. 2. Soutenant que les conditions du contrat avait été unilatéralement modifiées, la société Delisle a invoqué sa résiliation et demandé le remboursement des sommes versées. La société SAS a adressé à cette dernière en réponse une lettre recommandée l'informant de ce qu'elle prenait acte de l'annulation de la commande et de ce qu'elle retenait une indemnité forfaitaire de 64 364,80 euros en application de l'article 4.6 des Usages professionnels des Armaturiers (APA), en y joignant un chèque de 16 091,20 euros. 3. Prétendant que ces usages professionnels et ces conditions générales lui étaient inopposables, la société Delisle a assigné la société SAS en remboursement de la somme retenue. Examen des moyens Sur le premier moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 5. La société Delisle fait grief à l'arrêt de déclarer que les Usages professionnels et conditions générales 2017 de l'APA lui sont opposables et, en conséquence, de dire que la société SAS dispose sur elle d'une créance de 64 364,80 euros et de rejeter sa demande en remboursement de cette somme, alors : « 1°/ que les usages professionnels ne sont opposables à une partie que lorsque celle-ci est un commerçant ou professionnel du secteur d'activité concerné ; que le seul fait qu'une société holding acquiert des connaissances techniques sur ce secteur d'activité pour les besoins de l'opération contractuelle litigieuse ne suffit pas à la qualifier de professionnel dudit secteur d'activité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il "ressort[ait] de l'acceptation de [...] charges techniques que la société Delisle s'[était] dotée des moyens lui permettant une compétence certaine en matière d'armatures" pour en déduire l'opposabilité des Usages professionnels et conditions générales 2017 de l'Association Professionnelle des Armaturiers ; qu'ainsi, elle a violé la règle susvisée, ensemble l'article 1194 nouveau du code civil, applicable à la cause ; 2°/ que les usages professionnels ne sont opposables à une partie que lorsque celle-ci est un commerçant ou professionnel du secteur d'activité concerné ; que lorsque tel n'est pas le cas, le professionnel doit établir qu'il a remis à son client les usages et conditions générales qu'il entend lui opposer et que ce dernier les a acceptés ; qu'en se contentant de constater, pour caractériser cette remise, que les devis et factures mentionnaient en bas de chaque page que toute commande était soumise "aux Usages professionnels et conditions générales 2017 de l'Association Professionnelle des Armaturiers déposés au Tribunal de commerce de Paris" et que, la société Delisle étant une société commerciale, elle "savait comment consulter le document", la cour d'appel a violé la règle énoncée, ensemble l'article 1119 nouveau du code civil, applicable à la cause. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article 1194 du code civil que les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu'il est établi que celles-ci, en ayant eu connaissance, les ont acceptés. 7. L'arrêt retient, d'une part, que, bien que l'objet social de la société Delisle ne soit pas spécifique aux armatures, celle-ci avait commandé personnellement 50 tonnes d'armatures après avoir pris connaissance d'un devis laissant expressément à sa charge des prestations telles que le traçage des axes, le repiquage éventuel du béton et le redressage des armatures après un éventuel repiquage, les interventions sur les armatures de deuxième phase, de reprise ou sur élément préfabriqué, ce dont il ressortait que cette société disposait d'une compétence certaine en matière d'armatures. 8. Il énonce, d'autre part, que les parties ont la possibilité de soumettre leur contrat à des usages professionnels particuliers et relève que le devis du 15 novembre 2017, comme la facture pro-forma du 27 novembre suivant, rappellent que le contrat est soumis aux usages professionnels et conditions générales de l'APA, et mentionnent que ceux-ci ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Paris. Il retient, enfin, que la société Delisle, société commerciale immatriculée depuis 1991, disposant de dix établissements et réalisant un chiffre d'affaires important, savait comment consulter le document de l'APA et qu'elle avait effectué le paiement de la facture du 27 novembre 2017 sans avoir fait aucune observation sur la soumission du contrat à ces conditions générales. 9. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société Delisle avait accepté que sa commande soit soumise aux usages professionnels et conditions générales 2017 de l'APA. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Delisle SAS aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Delisle SAS et la condamne à payer à la Société d'armatures spéciales (SAS) la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois. | USAGES - Usages professionnels - Personnes étrangères à la profession - Effets - Condition | CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Effets - Effets entre les parties - Force obligatoire - Usage - Usages professionnels - Condition | Il résulte de l'article 1194 du code civil que les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu'il est établi que celles-ci, en ayant eu connaissance, les ont acceptés |
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JURITEXT000048211001 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/21/10/JURITEXT000048211001.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 octobre 2023, 21-24.776, Publié au bulletin | 2023-10-11 00:00:00 | Cour de cassation | 42300667 | Cassation partielle | 21-24776 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-09-16 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00667 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 11 octobre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 667 F-B Pourvoi n° Q 21-24.776 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 OCTOBRE 2023 La société Moneta Asset Management, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de société de gestion des fonds communs de placement Moneta micro-entreprise et Moneta multi caps, a formé le pourvoi n° Q 21-24.776 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [S], domicilié [Adresse 3], 2°/ à la société Altamir gérance, société anonyme, 3°/ à la société Altamir, société civile agricole, ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. [S], la société Altamir gérance et la société Altamir ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation. M. [S] et la société Altamir gérance, demandeurs au pourvoi principal éventuel, invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation. La société Altamir, demandeur au pourvoi principal éventuel, invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Moneta Asset Management, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S] et de la société Altamir gérance, de la SCP Spinosi, avocat de la société Altamir, après débats en l'audience publique du 29 août 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2021), la société en commandite par actions Altamir a pour associé commandité et gérant la société Altamir gérance, dirigée par M. [S]. Elle compte, parmi ses associés commanditaires, les fonds communs de placement Moneta micro-entreprise et Moneta multi caps, ayant pour société de gestion la société Moneta Asset Management (la société Moneta). 2. Soutenant que la décote du cours de bourse de la société Altamir par rapport à son actif net par action résultait de sa gestion et des frais supportés au profit de la société Altamir gérance, la société Moneta a assigné ces dernières, ainsi que M. [S], en responsabilité sur le fondement de l'article L. 225-252 du code de commerce. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et le quatrième moyen du pourvoi principal 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident de la société Altamir et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Altamir gérance et M. [S], réunis, qui sont préalables Enoncé des moyens 4. Par le moyen de son pourvoi incident éventuel, la société Altamir fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer nulle, faute de pouvoir d'agir, l'assignation de la société Moneta, en sa qualité de société de gestion des fonds communs de placement Moneta micro-entreprise et Moneta multi caps, alors : « 1°/ que le pouvoir d'agir en justice d'une société de gestion pour le compte des porteurs de parts d'un fonds commun de placement n'est institué par la loi que "pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts" ; que l'action ut singuli n'est ouverte qu'aux associés de la société concernée ; que les porteurs de parts d'un fonds commun de placement n'ont pas la qualité d'associés des sociétés dans lesquelles ce fonds investit ; qu'en l'espèce, en déboutant la société Altamir de sa demande tendant à voir déclarer nulle, faute de pouvoir d'agir, l'assignation de la société Moneta prétendant agir en qualité de société de gestion des fonds communs, cependant qu'elle reconnaissait expressément que "les détenteurs de parts d'un fonds de placement n'ont pas la qualité d'actionnaires", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 117 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 214-8-8 du code monétaire et financier et L. 225-252 du code de commerce ; 2°/ que le pouvoir d'agir en justice d'une société de gestion pour le compte des porteurs de parts d'un fonds commun de placement n'est institué par la loi que "pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts" ; qu'à supposer même que les porteurs de parts d'un fonds commun de placement puissent se voir reconnaître, au sein des sociétés dans lesquelles ce fonds détient une participation, certains des droits appartenant aux actionnaires, l'exercice de l'action ut singuli par une société de gestion, ès qualités, ne saurait pour autant être admis dès lors qu'une telle action, qui ne vise pas la défense de l'intérêt des actionnaires mais celle de l'intérêt social, ne serait en rien de nature à servir les intérêts des porteurs de parts ; qu'en l'espèce, en déboutant la société Altamir de sa demande tendant à voir déclarer nulle, faute de pouvoir d'agir, l'assignation de la société Moneta prétendant agir en qualité de société de gestion des fonds communs, sans rechercher si l'action ainsi exercée était dans l'intérêt des porteurs de parts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 117 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 214-8-8 du code monétaire et financier et L. 225-252 du code de commerce ; 3°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que "seule la société de gestion du fond peut exercer l'action ut singuli", sans répondre au moyen péremptoire de la société Altamir suivant lequel "le porteur de parts de fonds commun de placement n'ayant pas la qualité d'actionnaire, la société de gestion ne peut en aucun cas prétendre agir en défendant des droits ou intérêts d'actionnaires, au nom et pour le compte de personnes qui n'ont pas de tels droits", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que "seule la société de gestion du fond peut exercer l'action ut singuli", sans répondre au moyen péremptoire de la société Altamir suivant lequel cette action ne servait en rien les droits et intérêts des porteurs de parts dès lors que "rien ne les assure d'en profiter s'ils sortent des fonds communs et, pour ceux qui y entrent, qu'ils subissent les risques d'une action judiciaire pour des faits qui n'ont aucun impact sur la performance des fonds communs", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » 5. Par le premier moyen de leur pourvoi incident, la société Altamir gérance et M. [S] font grief à l'arrêt de dire recevable l'intervention volontaire de la société Moneta, ès qualités, de rejeter leur exception de nullité de l'assignation pour défaut de pouvoir de la société Moneta et de rejeter leur fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de la société Moneta, alors : « 1°/ que seuls les actionnaires peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général en vue d'obtenir la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués ; qu'en disant recevable l'intervention volontaire de la société Moneta agissant en qualité de société de gestion des fonds communs de placement Moneta micro-entreprise et Moneta multi caps, afin d'exercer une action ut singuli sur le fondement de l'article L. 225-52 du code de commerce, après avoir elle-même relevé que les détenteurs de parts d'un fonds de placement n'ont pas la qualité d'actionnaires, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 214-8-8 du code monétaire et financier et L. 225-252 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 ; 2°/ que le fonds commun de placement est représenté à l'égard des tiers par la société chargée de sa gestion, cette société pouvant agir en justice pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts ; qu'en disant recevable l'intervention volontaire de la société Moneta agissant en qualité de société de gestion des fonds communs de placement Moneta micro-entreprise et Moneta multi caps, afin d'exercer une action ut singuli sur le fondement de l'article L. 225-52 du code de commerce, sans rechercher si, en exerçant une telle action visant à réparer le préjudice supposément subi par la société Altamir, la société de gestion agissait pour la seule défense des droits ou intérêts des porteurs de parts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 214-8-8 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 225-252 du code de commerce, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. 7. Aux termes de l'article L. 214-8-8 du code monétaire et financier, le fonds commun de placement est représenté à l'égard des tiers par la société chargée de sa gestion. Cette société peut agir en justice pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts. 8. Il résulte de l'article L. 533-22 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que les sociétés de gestion exercent les droits attachés aux titres détenus par les fonds qu'elles gèrent dans l'intérêt exclusif des actionnaires ou des porteurs de parts de ces fonds et rendent compte de leurs pratiques en matière d'exercice des droits de vote dans des conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. En particulier, lorsqu'elles n'exercent pas ces droits de vote, elles expliquent leurs motifs aux porteurs de parts. 9. Il résulte de la combinaison des deux derniers textes que les sociétés de gestion disposent du pouvoir d'agir au nom des porteurs de parts des fonds communs de placement qu'elles gèrent pour faire valoir les droits attachés aux actions détenues par ces fonds, y compris celui d'agir dans l'intérêt social. Il en découle que les sociétés de gestion sont recevables à exercer l'action ut singuli prévue à l'article L. 225-252 du code de commerce. 10. Les moyens, qui postulent le contraire, ne sont donc pas fondés. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 11. La société Moneta, agissant tant en son nom propre qu'ès qualités, fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir, alors : « 1°/ que l'erreur affectant la désignation du demandeur dans la page de garde de l'acte introductif d'instance, à raison de l'absence de précision de la qualité en laquelle il agit, ne constitue qu'un vice de forme de nature à entraîner le cas échéant la nullité de l'acte, à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver l'existence d'un grief ; qu'une telle erreur ne peut être en revanche sanctionnée par l'irrecevabilité de l'action dès lors que la qualité à agir du demandeur est par ailleurs établie, non seulement dans le corps de l'acte introductif d'instance mais encore par les pièces produites à l'appui de celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que "le demandeur est la société Moneta qui n'a pas qualité à agir", "en son nom propre", "par une action ut singuli à l'encontre des dirigeants d'Altamir", mais également que la société exposante était une "société de gestion des fonds Moneta micro-entreprise et Moneta multi caps", pouvant "exercer l'action ut singuli" sur le fondement de l'article L. 214-8-8 du code de commerce ; qu'elle a aussi relevé que la première page de l'assignation du 8 juillet 2016 indiquait que l'acte était introduit à la requête de "la société Moneta, société par actions simplifiée" sans qu'il soit précisé si cette société agissait en sa qualité de société gestionnaire des fonds ; qu'en retenant que "le corps de l'assignation qui, selon la société Moneta, montrerait clairement qu'elle a agi en sa qualité de gestionnaire des fonds de placement puisqu'elle précise avoir cette qualité, est insuffisant à remédier aux mentions obligatoires de l'assignation quant à l'identité du requérant" et qu'en conséquence, la société Moneta avait nécessairement introduit une action ut singuli en son nom propre, en tant que telle irrecevable, cependant que l'imprécision de la désignation de la société exposante, qui ne mentionnait pas sa qualité de société gestionnaire de fonds, ne constituait qu'une irrégularité de forme insusceptible d'entraîner l'irrecevabilité de l'action, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile par fausse application ; 2°/ que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance ; qu'en l'espèce, l'action initialement engagée par la société Moneta le 8 juillet 2016 a été régularisée par conclusions d'intervention volontaire du 16 mars 2017, aux termes desquelles la société Moneta a précisé agir en tant que société de gestion au nom des fonds qu'elle représente ; qu'en conséquence, c'était la date de l'acte régularisé du 8 juillet 2016 qu'il convenait de prendre en compte pour apprécier la prescription des demandes de la société Moneta, et non celle des conclusions par lesquelles celle-ci a régularisé les mentions de l'acte introductif d'instance initial ; qu'en retenant cependant que "l'intervention volontaire de la société Moneta au nom des fonds, soit le 16 mars 2017, est seule de nature à interrompre la prescription, l'acte introductif d'instance affecté d'un défaut de qualité à agir n'étant pas susceptible d'interrompre la prescription", la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 12. D'une part, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la société Moneta ayant introduit son action en son nom propre, elle n'avait pas qualité pour agir contre la société Altamir gérance et M. [S] au nom de la société Altamir, dont elle n'était pas actionnaire, et en a déduit que son action était irrecevable. 13. D'autre part, les motifs critiqués par la seconde branche ne fondent pas le chef de dispositif attaqué. 14. Pour partie inopérant, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus. Sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, du pourvoi principal Enoncé du moyen 15. La société Moneta, agissant tant en son nom propre qu'ès qualités, fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande fondée sur la convention du 9 juillet 2013, alors : « 1°/ que seules les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales sont dispensées de la procédure d'approbation prévue à l'article L. 226-10 du code de commerce pour les conventions conclues entre la société en commandite par actions et les personnes visées par le texte ; que les opérations courantes sont celles accomplies de manière habituelle par la société dans le cadre de son activité telle que fixée par son objet social et ses statuts ; que le caractère exceptionnel d'une convention s'oppose donc par définition même à la qualification d'opération courante ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé que la convention du 9 juillet 2013, consistant en un "contrat de prestation de services couvrant la tenue de la comptabilité, la gestion comptable du portefeuille, la direction financière et les relations actionnaires et investisseurs sur la base d'une facturation au coût réel", constituait seulement la seconde convention de ce type conclue par la société Altamir et qu'elle succédait à une précédente convention de 2012, qui avait été soumise en tant que convention réglementée à l'accord des actionnaires et refusée par vote en assemblée générale le 18 avril 2013 ; qu'il résultait de ces constatations que la convention présentait un caractère exceptionnel, qui excluait qu'elle puisse être qualifiée d'opération courante pour la société Altamir ; qu'en retenant cependant que la convention litigieuse portait sur des "tâches courantes", la cour d'appel a violé les articles L. 225-39 et L. 226-10 du code de commerce ; 2°/ que seules les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales sont dispensées de la procédure d'approbation prévue à l'article L. 226-10 du code de commerce pour les conventions conclues entre la société en commandite par actions et les personnes visées par le texte ; que les opérations courantes sont celles accomplies de manière habituelle par la société dans le cadre de son activité telle que fixée par son objet social et ses statuts ; qu'en se bornant à énoncer en l'espèce, par motifs adoptés des premiers juges, que la convention du 9 juillet 2013 portait sur des "tâches courantes", sans rechercher si l'opération elle-même présentait un caractère courant au regard de l'activité habituellement et effectivement exercée par la société Altamir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-39 et L. 226-10 du code de commerce ; 3°/ que la société Moneta faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'indépendamment des conditions de rémunération qu'elles prévoyaient, les conventions de 2012 et 2013 présentaient un objet strictement identique et qu'en conséquence, la société Altamir, en choisissant de conclure avec la société Altamir gérance, le 9 juillet 2013, une convention identique dans son objet à celle qui avait été refusée par son assemblée générale le 18 avril précédent, avait eu pour volonté de contourner la procédure d'approbation de l'article L. 226-10 du code de commerce, circonstance qui excluait que la convention litigieuse puisse être qualifiée d'opération courante ; qu'en se bornant à énoncer, par motifs adoptés des premiers juges, que la convention du 9 juillet 2013 portait sur des "tâches courantes", sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions d'appel de la société exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 16. L'arrêt énonce, par motifs adoptés, que le fait pour une société de rémunérer son dirigeant ne l'exonère pas nécessairement de la nécessité de supporter des frais pour des tâches courantes comme sa gestion administrative, comptable ou financière, ou ses relations avec les investisseurs, en employant des salariés ou en ayant recours à des prestataires extérieurs. Il relève, par motifs propres et adoptés, que, lors de l'assemblée générale de la société Altamir du 18 avril 2013, il a été proposé aux associés d'approuver la conclusion de conventions prévoyant de confier à la société Altamir gérance, moyennant une rémunération forfaitaire, certaines tâches de gestion et de relations avec les investisseurs, que cette proposition n'a pas été approuvée et que la société Altamir a, le 9 juillet 2013, conclu avec la société Altamir gérance, un contrat de prestations de service couvrant la tenue de la comptabilité, la gestion comptable du portefeuille, la direction financière et les relations avec les actionnaires et les investisseurs sur la base d'une facturation au coût réel. Il ajoute, par motifs propres, que la société Altamir gérance et M. [S] communiquent, à titre d'exemples, les rémunérations pour des prestations identiques payées par d'autres sociétés de « private equity ». 17. De ces constatations et appréciations, dont il résulte que la convention du 9 juillet 2013 portait sur des opérations courantes, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la deuxième branche et n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que sa conclusion ne constituait pas une faute de gestion. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 19. La société Moneta, agissant tant en son nom propre qu'ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire prescrite et donc irrecevable sa demande relative à la facturation des frais de gestion de la société Altamir, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la faute de gestion invoquée par la société Moneta n'était pas constituée de la modification de la clause de l'article 17 des statuts concernant la rémunération de la gérance et l'application de cette clause ; que la société Moneta reprochait à la société Altamir, non pas d'avoir modifié et appliqué cette clause statutaire, mais d'avoir précisément violé celle-ci, en s'abstenant d'opérer une déduction totale des honoraires de gestion de la rémunération de la gérante ; qu'en relevant que les fautes de gestion invoquées seraient la modification de cette clause statutaire et son application, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Moneta, en violation du principe susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 20. Pour dire prescrite et donc irrecevable la demande de la société Moneta, ès qualités, relative à la facturation des frais de gestion de la société Altamir, l'arrêt retient que les fautes de gestion invoquées sont la modification de la clause statutaire relative à la rémunération de la gérance et son application, que la modification était connue dès 2011 et que l'application qui en a été faite a donné lieu en 2013 à des explications exhaustives en réponse aux questions posées par la société Moneta, de sorte que la prescription était acquise au 16 mars 2017, le fait que les versements soient annuels ne pouvant donner lieu à qualification de contrat à exécution successive justifiant un report du délai de prescription. 21. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait sans équivoque des écritures d'appel de la société Moneta que la faute reprochée à la société Altamir était la violation de la clause statutaire relative à la rémunération de la gérance telle que modifiée et non sa modification et son application, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit prescrite et donc irrecevable la demande de la société Moneta Asset Management relative à la facturation des frais de gestion de la société Altamir et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne, d'une part, la société Altamir, et d'autre part, la société Altamir gérance et M. [S], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées, d'une part, par la société Altamir, et d'autre part, par la société Altamir gérance et M. [S] et les condamne à payer à la société Moneta Asset Management, agissant en sa qualité de société de gestion des fonds communs de placement Moneta micro-entreprise et Moneta multi caps, au nom de ces derniers, la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois. | SOCIETE ANONYME - Administrateur - Responsabilité - Mise en oeuvre - Action sociale - Exercice - Qualité - Société de gestion | ACTION EN JUSTICE - Qualité - Personne qualifiée pour élever ou combattre une prétention - Attribution légale de l'action - Action attribuée à des particuliers - Action attribuée pour la défense d'intérêts à caractère collectif - Action sociale ut singuli - Exercice - Possibilité - Portée VALEURS MOBILIERES - Fonds commun de placement - Société de gestion - Exercice de l'action ut singuli | Il résulte de la combinaison des articles L. 214-8-8 du code monétaire et financier et L. 533-22 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que les sociétés de gestion disposent du pouvoir d'agir au nom des porteurs de parts des fonds communs de placement qu'elles gèrent pour faire valoir les droits attachés aux actions détenues par ces fonds, y compris celui d'agir dans l'intérêt social. Il en découle que les sociétés de gestion sont recevables à exercer l'action ut singuli prévue à l'article L. 225-252 du code de commerce |
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JURITEXT000048242147 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242147.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 octobre 2023, 20-20.055, Publié au bulletin | 2023-10-18 00:00:00 | Cour de cassation | 42300675 | Rejet | 20-20055 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2020-03-03 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Piwnica et Molinié, Me Haas | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00675 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 675 FS-B Pourvoi n° N 20-20.055 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 OCTOBRE 2023 La société Aquarelle.com, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Aquarelle, a formé le pourvoi n° N 20-20.055 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la Société commerciale et touristique (SCT), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La Société commerciale et touristique a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Aquarelle.com, venant aux droits de la société Aquarelle, de Me Haas, avocat de la Société commerciale et touristique, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Comte, Bellino, M. Regis, Mme Coricon, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2020), la société Aquarelle, qui a pour activité la vente de fleurs, plantes et décoration florale, est titulaire de la marque verbale européenne « Aquarelle » n° 661330, déposée le 23 octobre 1997 pour les produits et services des classes 31, 35, 41 et 42 et de la marque verbale française « Aquarelle » n° 3149429, enregistrée le 21 février 2002 en classes 35, 38 et 42. 2. Elle avait consenti à la société Aquarelle.com une licence non exclusive portant sur ces marques pour une exploitation du site internet « Aquarelle.com » destiné à la vente de fleurs et de produits de décoration florale. 3. La Société commerciale et touristique (la société SCT), qui exerce également une activité de vente de fleurs, est titulaire du nom de domaine « [03] » depuis 2009 sur lequel elle propose aux consommateurs des bouquets de fleurs. 4. Estimant que la réservation du mot-clé « Aquarelle » sur la plate-forme Google Adwords et le référencement naturel du site créaient un risque de confusion avec les marques « Aquarelle », les sociétés Aquarelle et Aquarelle.com ont assigné la société SCT en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire. 5. La société Aquarelle.com (la société Aquarelle) vient aujourd'hui aux droits de la société Aquarelle. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches, sur le second moyen de ce pourvoi et sur le moyen du pourvoi incident 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 7. La société Aquarelle fait grief à l'arrêt de rejeter partiellement les demandes des sociétés Aquarelle et Aquarelle.com en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire, alors : « 1°/ que le titulaire d'une marque est habilité à interdire l'usage de son signe à titre de mot-clé par un annonceur pour le référencement de son site internet si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions essentielles de la marque ; qu'il y a atteinte à la fonction d'identité d'origine de la marque lorsque l'annonce qui s'affiche en réponse à la saisie de la marque comme mot de recherche ne permet pas ou ne permet que difficilement à l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés proviennent ou non du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée ; que l'imprécision de l'annonce peut conduire l'internaute à se méprendre sur l'origine commerciale des produits et services proposés quand bien même la marque n'y serait pas reprise ; qu'en énonçant, pour rejeter les demandes des sociétés Aquarelle, que le site "[03]" ne faisait aucun usage du signe "Aquarelle" ni dans l'annonce elle-même, ni dans le lien hypertexte, ni dans l'adresse URL et que le signe protégé n'était pas repris aux yeux du public, la cour d'appel a énoncé un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article 9, § 2, a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 et de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 10, § 2, a), de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 ; 2°/ que le choix par l'annonceur d'un nom de domaine générique et de termes exclusivement génériques pour la rédaction de l'annonce qui s'affiche en réponse à la saisie de la marque comme mot de recherche ne permet pas à l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent ou non du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter les demandes des sociétés Aquarelle, que l'annonce de la société SCT, en ce qu'elle utilise des termes courants pour décrire l'activité de livraison de fleurs commandées en ligne et en ce qu'elle mentionne le nom du site internet "[03]", éclairait suffisamment l'internaute moyen sur l'identité du site, sans rechercher si l'affichage d'une annonce rédigée en termes génériques, mentionnant un nom de domaine lui-même générique, en réponse à la saisie du mot de recherche "Aquarelle", n'était pas de nature à induire l'internaute moyen en erreur sur l'origine commerciale des produits et services proposés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9, § 2, a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 et de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 10, § 2, a), de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 9, § 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire et l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, la marque, européenne ou française, confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée. 9. Selon la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le titulaire d'une marque ne peut s'opposer à l'usage dans la vie des affaires d'un signe identique à sa marque que lorsque cet usage porte atteinte ou risque de porter atteinte à une des fonctions essentielles de sa marque (CJCE, arrêt du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, point 40), en particulier à sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. 10. La CJUE a dit pour droit que les articles 5, § 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, § 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d'un mot-clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers (CJUE, arrêt 23 mars 2010, Google France et Google, C-236/08). 11. La Cour de justice précise à cet effet qu'il incombe à la juridiction nationale d'apprécier, au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés par une atteinte, ou un risque d'atteinte, à la fonction d'indication d'origine telle qu'il y a atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque, c'est à dire de déterminer si l'annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui ci ou, au contraire, d'un tiers (points 84 et 88). 12. Après avoir relevé que si l'annonce litigieuse s'affichant après une recherche avec le mot-clé « Aquarelle » sur le moteur de recherche Google apparaissait en premier résultat, cette annonce était immédiatement suivie de l'annonce du site « Aquarelle.com », l'arrêt retient qu'il n'est fait aucun usage du signe « aquarelle », ni dans l'annonce elle-même, ni dans le lien, ni dans l'adresse URL et que l'annonce en cause utilise des termes courants pour décrire l'activité de livraison de fleurs commandées en ligne et affiche expressément le nom du site « [03] ». Il ajoute que ces précisions permettent à l'internaute moyen d'être éclairé sur l'identité de ce site et de savoir que cette annonce correspond au site « [03] » et non au site « Aquarelle ». 13. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever l'absence d'usage du signe Aquarelle dans l'annonce et a procédé à la recherche prétendument omise, en faisant ressortir l'absence de tout risque de confusion du fait de l'usage du signe « Aquarelle », par la société SCT, comme mot-clé dans le système de référencement Adwords, pour faire de la publicité de produits et services identiques à ceux pour lesquels les marques « Aquarelle » étaient enregistrées, a légalement justifié sa décision. Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 14. La société Aquarelle fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'utilisation d'un signe par un concurrent du titulaire de la marque dans le code-source de son site internet, provoquant son affichage dans la liste les résultats naturels des moteurs de recherche en réponse à la requête portant sur la marque, dans le but de proposer aux internautes une alternative par rapport aux produits ou aux services dudit titulaire, constitue un usage à titre de marque, même s'il n'est pas visible aux yeux du public ; qu'en affirmant que l'utilisation de la marque "Aquarelle" dans le code-source du site internet "[03]" afin qu'il apparaisse dans la liste des résultats naturels de la requête portant sur la marque "Aquarelle" ne pouvait constituer un usage à titre de marque car il n'était pas visible du public, la cour d'appel a violé l'article 9, § 2, a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 et l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 10, § 2, a), de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015. » Réponse de la Cour 15. Le titulaire de la marque peut interdire l'utilisation d'un signe par un tiers dans le code-source de son site internet, même s'il n'est pas visible aux yeux du public, dès lors qu'il propose comme résultat à la recherche d'un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque et qu'il ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par le référencement naturel proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers. 16. C'est donc à tort qu'après avoir constaté que le signe utilisé dans le code source n'était pas visible du public, l'arrêt en déduit qu'il ne désigne pas des produits ou services, de sorte que l'utilisation de ce signe ne peut être considérée comme contrefaisant les marques « Aquarelle ». 17. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors qu'il retient que l'internaute moyen était éclairé sur la provenance du site dont le résultat s'affichait parmi les référencements naturels, faisant ainsi ressortir l'absence de tout risque de confusion sur l'origine des produits et services proposés. 18. Le moyen est donc inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Aquarelle.com aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aquarelle.com et la condamne à payer à la Société commerciale et touristique la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois. | PROPRIETE INDUSTRIELLE - Union européenne - Marque communautaire - Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire - Article 9, § 1 - Droits conférés par la marque - Interdiction de faire usage d'un signe identique à la marque - Applications diverses - Utilisation d'un signe dans le code-source d'un site internet - Condition - Risque de confusion | UNION EUROPEENNE - Marque - Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire - Article 9, § 1 - Droits conférés par la marque - Interdiction de faire usage d'un signe identique à la marque - Applications diverses - Utilisation d'un signe dans le code-source d'un site internet - Condition - Risque de confusion | En application de l'article 9, § 1, sous a), du règlement n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne et de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, à partir d'un mot-clé sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur internet, lorsque ce mot-clé est identique à ladite marque et que la publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers. Il en est de même de l'utilisation d'un signe par un tiers dans le code-source de son site internet, même s'il n'est pas visible aux yeux du public, dès lors qu'il propose comme résultat à la recherche d'un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque. Doit donc être approuvé l'arrêt qui rejette la demande en contrefaçon de marque du fait de l'usage du signe à titre de mot-clé ou dans le code-source du site internet d'un tiers dès lors qu'il retient l'absence de tout risque de confusion |
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JURITEXT000048283896 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283896.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 octobre 2023, 22-13.185, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 42300688 | Rejet | 22-13185 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-11 | Cour d'appel de Montpellier | M. Vigneau | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Capron | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00688 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 688 F-B Pourvoi n° M 22-13.185 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 OCTOBRE 2023 1°/ M. [Y] [M], 2°/ Mme [S] [Z], épouse [M], domiciliés tous deux [Adresse 3], 3°/ la société Nemrod (SCEA Nemrod), société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° M 22-13.185 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige les opposant : 1°/ à la société [D] [W], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [D] [W], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Nemrod, 2°/ à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditérranée (Ariège et Pyrénées-Orientales), dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [M] et de la société Nemrod, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditérranée (Ariège et Pyrénées-Orientales), et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 janvier 2022), le 5 février 2008, la SCEA Nemrod a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant étendue le 2 décembre suivant à M. et Mme [M], les deux associés de la SCEA. Mme [W] a été désignée mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté le 6 octobre 2009, Mme [W] étant désignée commissaire à son exécution, puis résolu par un jugement du 20 mars 2014, la liquidation subséquente des débiteurs n'étant pas prononcée. Un arrêt irrévocable du 1er juillet 2014 a confirmé ce jugement en ce qu'il prononçait la résolution du plan mais l'a infirmé en ce qu'il ordonnait la liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, a dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire. 2. Le 18 février 2008, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée (la banque) a déclaré des créances dont certaines avaient été contestées. Le 11 février 2019, les débiteurs ont demandé au juge-commissaire de constater la péremption de l'instance relative aux créances contestées. Examen du moyen Sur le moyen, en ses deux dernières branches 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, en ses trois premières branches Enoncé du moyen 4. Les débiteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes tendant à voir constater la péremption de l'instance relative aux déclarations de créance de la banque, alors : « 1°/ que les fonctions du juge-commissaire prennent fin au jour où le compte-rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé ; qu'en affirmant qu'après la résolution du plan de redressement, prononcée par jugement du 20 mars 2014 confirmé en appel, les fonctions du juge-commissaire avaient nécessairement pris fin, ce dont elle a déduit que le juge-commissaire ne pouvait ni être saisi ni statuer sur l'admission ou le rejet des créances, la cour d'appel a violé les articles R. 621-25 et R. 631-26 du code de commerce ; 2°/ que, dans les deux mois qui suivent l'achèvement de sa mission, le commissaire à l'exécution du plan dépose un compte-rendu de fin de mission ; que les fonctions du juge-commissaire prennent fin au jour où le compte-rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la résolution du plan de redressement, prononcée par jugement du 20 mars 2014 confirmé en appel, avait mis fin aux fonctions de commissaire à l'exécution du plan de Mme [W] et que la cessation des fonctions de Mme [W] en tant que commissaire à l'exécution du plan résultait du jugement du 20 mars 2014 prononçant la résolution du plan ; qu'en statuant par de tels motifs, pour en déduire que le juge-commissaire ne pouvait ni être saisi ni statuer, la cour d'appel a violé les articles R. 621-25, R. 626-39, R. 626-51 et R. 631-26 du code de commerce ; 3°/ que les fonctions du juge-commissaire prennent fin au jour où le compte-rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé ; que dans les deux mois qui suivent l'achèvement de sa mission, le commissaire à l'exécution du plan dépose un compte-rendu de fin de mission ; que le compte-rendu de fin de mission comporte notamment la reddition des comptes ; qu'en l'espèce, en affirmant que la reddition de comptes n'a ni pour objet ni pour effet de permettre au juge-commissaire de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées, et que le compte-rendu de fin de mission n'avait pas pour finalité de parachever les opérations de vérification et d'admission des créances, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire et violé les articles R. 621-25, R. 626-39, R. 626-40, R. 626-51 et R. 631-26 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 626-27, I, alinéa 4, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19 du même code, le jugement prononçant la résolution du plan de redressement met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. 6. Il en résulte que, lorsque la résolution du plan n'est pas suivie d'une procédure de liquidation, en l'absence de procédure collective en cours, le juge-commissaire ne peut plus être saisi pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances. 7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est, par conséquent, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [M] et la SCEA Nemrod aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Exécution du plan - Résolution - Absence de procédure de liquidation - Portée - Saisine du juge-commissaire pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances - Possibilité (non) | Selon l'article L. 626-27, I, alinéa 4, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19 du même code, le jugement prononçant la résolution du plan de redressement met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Il en résulte que, lorsque la résolution du plan n'est pas suivie d'une procédure de liquidation, en l'absence de procédure collective en cours, le juge-commissaire ne peut plus être saisi pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances |
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JURITEXT000048283897 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283897.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 octobre 2023, 22-16.907, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 42300692 | Cassation | 22-16907 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-03 | Cour d'appel de Lyon | M. Vigneau | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Duhamel | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00692 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 692 F-B Pourvoi n° H 22-16.907 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 OCTOBRE 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Corse, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 22-16.907 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société BRMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], en la personne de M. [X] [H], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sporting club de [Localité 3], 2°/ à la société MJ Synergie, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [E] [V] ou M. [W] [G], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sporting club de [Localité 3], 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son Parquet général, [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Corse, de la SCP Duhamel, avocat des sociétés BRMJ et MJ Synergie, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mars 2022), le 5 septembre 2017, la société Sporting club de [Localité 3] (le SC [Localité 3]) a été mise en liquidation judiciaire, M. [H] étant désigné liquidateur. 2. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Corse (l'URSSAF) a déclaré sa créance qui a été partiellement admise. 3. Par une requête au juge-commissaire, l'URSSAF a demandé à être nommée contrôleur. Cette demande a été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire du 27 avril 2021. L'URSSAF a formé un recours contre cette ordonnance. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense 4. Selon l'article L. 661-6, I, 1°, du code de commerce, les jugements ou ordonnances relatifs à la nomination des contrôleurs ne sont susceptibles que d'un appel du ministère public et, selon l'article L. 661-7 du même code, il ne peut être exercé de pourvoi en cassation contre les arrêts rendus en application du premier. Il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir. 5. L'URSSAF a formé un pourvoi contre l'arrêt confirmant le jugement ayant rejeté le recours et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire. 6. Ce pourvoi n'est recevable que si un excès de pouvoir est caractérisé. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant dit son opposition formée à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire recevable, l'ayant déboutée de son recours, fins et conclusions et ayant confirmé par substitution des motifs l'ordonnance en date du 27 avril 2021, alors « que selon l'article L. 621-10 du code de commerce, les administrations financières, les organismes et les institutions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 626-6, dont les organismes de sécurité sociale, sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande ; que cette désignation est de droit ; qu'il s'ensuit le juge-commissaire, et sur opposition le tribunal de commerce, n'ont pas le pouvoir de rejeter une telle demande pour un motif d'opportunité ; qu'en retenant que ces dispositions ne prescrivaient aucune désignation de plein droit et que le tribunal de commerce avait pu refuser de désigner l'URSSAF Corse comme contrôleur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sporting club de [Localité 3], pour des motifs d'opportunité tenant à la perte d'intérêt d'une telle désignation trois ans après le début de la procédure quand la vérification du passif était finalisée et la défense des intérêts des créanciers assurée par les liquidateurs et au danger que celle-ci présentait eu égard à la procédure en nullité de la période suspecte pendant devant le tribunal de commerce de Lyon et à laquelle l'URSSAF Corse était partie, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir et violé l'article L. 621-10 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 621-10, alinéa 2, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-1 du même code, et les principes régissant l'excès de pouvoir : 8. Le premier texte dispose que les administrations financières, les organismes et institutions mentionnés au premier alinéa de l'article L. 626-6, sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande. 9. Pour rejeter le recours formé par l'URSSAF contre l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt énonce qu'en l'absence de disposition impérative, le texte susvisé ne prescrit aucune désignation de plein droit et en déduit qu'en refusant de désigner l'URSSAF en qualité de contrôleur, aux motifs qu'une telle désignation, demandée trois ans après le début de la procédure alors que la vérification du passif était achevée, présentait un danger eu égard à la procédure en nullité de la période suspecte pendante devant le tribunal à laquelle l'URSSAF était partie, le tribunal n'a ni empiété sur les prérogatives du législateur, ni pris une décision qu'il n'avait pas légalement le pouvoir de prendre, ni refusé de statuer sur la demande qui lui était présentée, et n'a commis aucun excès de pouvoir. 10. En statuant ainsi, alors qu'en refusant de désigner contrôleur l'URSSAF, qui en avait fait la demande, le juge-commissaire et le tribunal ont commis un excès de pouvoir, et la cour d'appel, qui a consacré cet excès de pouvoir, a violé le texte et les principes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne la société BRMJ et la société MJ Synergie, en leurs qualités de liquidateurs de la société Sporting club de [Localité 3], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Organe - Juge-commissaire - Désignation des contrôleurs - Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - Refus - Portée - Excès de pouvoir | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Organes - Contrôleurs - Désignation - Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - Possibilité | L'article L. 621-10, alinéa 2, du code de commerce dispose que les administrations financières et les organismes et institutions mentionnés au premier alinéa de l'article L. 626-6 du même code sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande. Commet un excès de pouvoir, le juge-commissaire qui refuse de désigner contrôleur l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) qui en a fait la demande |
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JURITEXT000048283899 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283899.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 octobre 2023, 21-20.156, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 42300695 | Cassation | 21-20156 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-06-17 | Cour d'appel d'Amiens | M. Vigneau | SCP Marlange et de La Burgade, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00695 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 695 F-B Pourvoi n° T 21-20.156 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 OCTOBRE 2023 M. [X] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-20.156 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Sopic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Gemo, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sopic, venant aux droits de la société Gemo, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 17 juin 2021), contestant la légitimité du licenciement pour faute lourde qui lui avait été notifié le 11 mai 2012 par la société Gemo par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, M. [K] a saisi un conseil de prud'hommes puis formé appel du jugement ayant rejeté ses demandes. 2. Déclarant venir aux droits de la société Gemo à la suite de la cession du fonds de commerce ayant pris effet le 1er janvier 2015, la société Sopic est intervenue volontairement à l'instance devant la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen unique Enoncé du moyen 3. M. [K] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'intervention de la société Sopic en cause d'appel et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que le licenciement de M. [K] reposait sur des fautes lourdes et rejette l'ensemble de ses demandes, de condamner la société Sopic, venant aux droits de la société Gemo, à lui payer la somme de 527,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, de rejeter sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct, de dire les demandes reconventionnelles de la société Sopic recevables et de le condamner à payer à la société Sopic la somme de 50 416 euros en réparation du préjudice causé par la faute lourde, alors « que l'apport d'un fonds de commerce n'emporte pas transfert des créances de l'apporteur au profit du bénéficiaire, sauf stipulation expresse ; qu'en déclarant recevable l'intervention de la société Sopic, venant aux droits de la société Gemo en cause d'appel, aux motifs que les éventuelles créances de la société Gemo contre M. [K] en exécution du contrat de travail avaient été transmises à la société Sopic dans le cadre d'une opération d'apport de fonds de commerce, après avoir pourtant relevé que la société Sopic ne deviendrait propriétaire du fonds apporté qu'à compter du 1er janvier 2015, que ce n'est qu'à compter de cette date que les opérations tant actives que passives ont été réputées faites pour le compte de la société Sopic, que M. [K] avait été licencié près de trois ans avant, le 11 mai 2012 et que les créances prétendument détenues par la société Gemo contre M. [K] et les actions qui s'y rattachaient en défense et en demande n'étaient pas expressément mentionnées dans l'acte d'apport du fonds, ce dont il résultait que les prétendues créances indemnitaires de la société Gemo contre M. [K] n'avaient aucunement été transmises à la société Sopic par l'acte d'apport du fonds, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 141-1 du code de commerce et 1689 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. La société Sopic conteste la recevabilité du moyen. Elle prétend qu'il est contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond dès lors que M. [K] faisait valoir en appel que son contrat avait été rompu avant l'apport du fonds de commerce et n'avait ainsi pas pu être repris mais prétend à hauteur de cassation que la créance indemnitaire litigieuse n'était pas expressément visée dans l'acte d'apport. 5. Cependant, M. [K] soutenait dans ses conclusions d'appel à la fois que la rupture de son contrat de travail était antérieure à la cession du fonds de commerce et que l'acte d'apport en nature ne mentionnait aucune créance détenue par la société Gemo à son encontre. 6. Le moyen est donc recevable. Bien fondé du moyen Vu les articles 1690 du code civil et L. 141-5 du code de commerce : 7. Il résulte de ces textes qu'en l'absence de clause expresse et sauf exceptions prévues par la loi, la cession d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui ni celle des créances qu'il détenait antérieurement à la cession. 8. Pour déclarer recevable l'intervention volontaire de la société Sopic, l'arrêt retient qu'il résulte du contrat que la société Gemo lui a apporté son fonds de commerce et qu'il était prévu que la société Sopic reprenne tous les actifs et tout le passif du bureau d'études, l'acte stipulant au paragraphe « propriété et jouissance » qu'elle serait propriétaire du bien apporté à compter du 1er janvier 2015, et que toutes les opérations tant actives que passives depuis cette date seraient réputées faites pour son compte. Il en déduit que, même si les créances prétendument détenues par la société Gemo contre M. [K] en exécution du contrat de travail et les actions qui s'y rattachent en défense et en demande ne sont pas expressément mentionnées, il résulte de ces stipulations que ces créances ont été transmises à l'occasion de cette opération d'apport du fonds. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait l'absence de clause stipulant expressément la cession des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui ou des créances qu'il détenait antérieurement à la cession, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société Sopic, venant aux droits de la société Gemo, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sopic, venant aux droits de la société Gemo, et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | FONDS DE COMMERCE - Vente - Acheteur - Obligations - Obligations personnelles du vendeur - Transmission de plein droit (non) | VENTE - Acheteur - Obligations - Obligations personnelles du vendeur - Transmission de plein droit (non) | En l'absence de clause expresse et sauf exceptions prévues par la loi, la cession d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui |
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JURITEXT000048283901 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/39/JURITEXT000048283901.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 octobre 2023, 22-17.220, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 42300700 | Rejet | 22-17220 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-04-15 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00700 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 700 F-B Pourvoi n° X 22-17.220 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 OCTOBRE 2023 La société Diabolocom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-17.220 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Colt Technology services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Diabolocom, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Colt Technology services, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2022), le 28 mars 2008, la société Diabolocom a souscrit auprès de la société Colt Technology services (la société Colt) plusieurs abonnements à des services relatifs à la gestion des relations avec la clientèle, dont un abonnement à un « lien point à point » facturé 900 euros HT par mois, que la société Diabolocom a résilié à compter du 30 avril 2013. Le 7 novembre 2018, soutenant avoir constaté que cet abonnement lui était toujours facturé en juin 2018, la société Diabolocom a assigné la société Colt en remboursement d'une certaine somme à titre de trop-perçu. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. La société Diabolocom fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Colt à lui payer la somme de 6 300 euros correspondant aux sommes réglées du 1er novembre 2017 au 28 avril 2018, alors « que l'action en répétition de l'indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale, aux quasi contrats ; qu'en retenant que la prescription annale de l'article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques s'applique à l'action en restitution de sommes trop perçues au titre du contrat de service de fourniture de communications électroniques, "quelle que soit la cause de la demande en répétition de l'indu, dont la résiliation du contrat comme c'est le cas en l'espèce", quand l'action en répétition de sommes payées indûment après la résiliation du contrat et n'ayant donné lieu à aucune prestation était soumise à la prescription de droit commun, la cour d'appel a violé, par fausse d'application, le texte susvisé et, par refus d'application, les articles 1376, devenu 1302-1, et 2224 du code civil. » Réponse de la Cour 3. Ayant énoncé qu'aux termes de l'article L. 34-2, alinéa 1, du code des postes et des communications électroniques, la prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-1 du même code, pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement et que l'indu réclamé porte sur des sommes correspondant uniquement au paiement du prix des prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques au sens de l'article L. 32, 6°, du code des postes et des communications électroniques, la cour d'appel en a déduit exactement que la demande en restitution était soumise à la prescription annale. 4. Le moyen n'est pas fondé. Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 5. La société Diabolocom fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant en l'espèce que "le délai court, en matière de répétition de l'indu, à compter du jour du paiement du prix des prestations ; qu'il ressort de l'avoir émis pour les sommes payées à compter de mai 2013 que ces paiements s'effectuaient par prélèvement bancaire dans le mois correspondant à chaque facture ; qu'il appartient dès lors à Diabolocom qui invoque n'avoir eu connaissance de ces paiements indus qu'à compter de mai 2018, de rapporter la preuve de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait avant cette date de connaître la teneur de ses paiements ; qu'or elle ne produit aucune des factures antérieures à mai 2018 pour démontrer que les factures n'auraient pas été détaillées avant cette dernière ; que ce moyen ne peut donc être retenu ; que par conséquent, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu la prescription des demandes en répétition de l'indu pour toutes les sommes payées sur la période antérieure à une année à compter de l'assignation du 10 octobre [7 novembre] 2018 et condamné Colt Technology services à payer à Diabolocom la somme de 6 300 euros correspondant à l'abonnement mensuel payé entre le 1er novembre 2017 et le 28 avril 2018, les sommes antérieures étant atteintes par la prescription", la cour d'appel a ainsi estimé que le point de départ de la prescription pouvait être reporté à la date de la connaissance de l'indu par le payeur mais que la preuve de l'ignorance de l'indu avant 2018 n'était pas rapportée ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de la facture de mars 2018 que la société Diabolocom avait pourtant bien produite, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen péremptoire des conclusions de l'appelante selon lequel elle n'avait, malgré de nombreux courriels de réclamation versés aux débats, jamais pu consulter le détail des factures qui lui aurait permis de prendre connaissance du caractère indu des sommes prélevées au titre du contrat résilié, la cour d'appel a encore méconnu l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. L'arrêt retient que les paiements mensuels à compter de mai 2013 s'effectuaient par prélèvement bancaire dans le mois correspondant à chaque facture, faisant ressortir que, dès l'échéance suivant la résiliation de l'abonnement point à point, la société Diabolocom, qui connaissait nécessairement le montant prélevé mensuellement sur son compte bancaire par la société Colt, était en mesure d'en déceler le caractère trop élevé et d'agir en restitution. 7. En conséquence, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions inopérantes visées à la troisième branche, a retenu, à bon droit, que les demandes de répétition de l'indu pour les sommes payées plus d'un an avant l'assignation du 7 novembre 2018 se heurtaient à la prescription annale. 8. Le moyen ne peut être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Diabolocom aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | POSTES ET COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES - Protection de la vie privée et services - Demandes en paiement des prestations de communication - Prescription - Prescription annale - Domaine d'application - Sommes trop perçues par l'opérateur | PRESCRIPTION CIVILE - Applications diverses - Prescription annale - Domaine d'application - Sommes trop perçues par l'opérateur QUASI-CONTRAT - Paiement de l'indu - Action en répétition - Prescription - Délai | Est soumise à la prescription annale de l'article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques l'action en restitution de sommes trop perçues par l'opérateur au titre du contrat de service de fourniture de prestations électroniques, y compris après la résiliation du contrat |
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JURITEXT000048283931 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/39/JURITEXT000048283931.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 octobre 2023, 22-18.680, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 42300704 | Cassation partielle | 22-18680 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-04-19 | Cour d'appel d'Amiens | M. Vigneau | SCP Capron, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00704 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 704 F-B Pourvoi n° J 22-18.680 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 OCTOBRE 2023 Le Fonds commun de titrisation Cedrus, ayant pour société de gestion Equitis gestion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], représenté par son recouvreur la société MCS et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-18.680 contre l'arrêt n° RG 19/06554 rendu le 19 avril 2022 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à M. [N] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat du Fonds commun de titrisation Cedrus, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2022, RG n° 19/06554), la société [E] et fils (la société [E]) a ouvert dans les livres de la Société générale (la banque), aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus (le FCT), un compte bancaire et souscrit auprès de cette banque plusieurs concours, en garantie desquels M. [E] s'est rendu caution. 2. Le 18 novembre 2011, la société [E] a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 18 janvier 2013. 3. Le 6 janvier 2012, la banque a déclaré au passif ses créances, qui ont été admises par une ordonnance du 29 mai 2013, confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015. 4. Le 30 avril 2013, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement. 5. Le 13 janvier 2017, la liquidation judiciaire de la société [E] a été clôturée pour insuffisance d'actif. 6. Le 30 août 2018, la banque a délivré à la caution une nouvelle assignation en exécution de son engagement. 7. Statuant sur l'assignation délivrée le 30 avril 2013, un jugement du 5 octobre 2018 a constaté le désistement d'instance de la banque. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. Le FCT fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action initiée par la banque à l'égard de M. [E], alors « que la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à une demande en justice résultant de l'application des dispositions de l'article 2243 du code civil ne s'étend pas à une instance distincte de celle dont le demandeur s'est désisté, qui est atteinte de péremption ou qui s'est achevée par le rejet définitif de la demande ; que, d'autre part, la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution, et ce jusqu'à la clôture de la procédure collective ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer prescrite l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], que, par un jugement définitif en date du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Amiens, saisi de la demande en paiement formée le 30 avril 2013 par la Société générale contre la caution, avait constaté le désistement d'instance de la Société générale à l'égard de M. [E], quand elle retenait elle-même que la déclaration de créance de la Société générale en date du 6 janvier 2012 au passif du débiteur principal, la société [E] et fils, avait interrompu théoriquement le délai de prescription de cinq ans à l'égard de la caution, M. [E], jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la procédure collective à laquelle était soumise la société [E] et fils, et quand il en résultait que, nonobstant la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à la demande en paiement en date du 30 avril 2013 formée par la Société générale à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens résultant du désistement de la Société générale de cette demande qui a été constaté par un jugement en date du 5 octobre 2018, le délai de prescription de cinq ans, auquel était soumise l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E], n'était pas expiré lorsque la Société générale a formé, le 30 août 2018, sa nouvelle demande en paiement à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens et que l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E] n'était, en conséquence, pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2241, 2242, 2243 et 2246 du code civil et des articles L. 110-4 et L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour Vu les articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 : 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. 10. Pour déclarer prescrite l'action engagée par la banque à l'égard de M. [E], l'arrêt, après avoir constaté que les parties s'accordent sur le délai de prescription quinquennale édicté à l'article L. 110-4 du code de commerce et exactement énoncé que la déclaration de créance au passif de la procédure collective du débiteur principal interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure et que le désistement visé par l'article 2243 du code civil doit être pur et simple, retient que la déclaration de créance effectuée par la banque le 6 janvier 2012 a interrompu la prescription à l'égard de la caution jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la liquidation judiciaire de la débitrice principale, de sorte que, pendant ce délai, la banque n'avait pas à réaliser de diligences interruptives de prescription. 11. Il ajoute cependant que le désistement pur et simple, par la banque, de sa demande en paiement contre la caution, constaté par le jugement irrévocable du 5 octobre 2018, sans précision que l'instance sera reprise ultérieurement, rend « inopérante » la nouvelle assignation tendant aux mêmes fins que la banque a délivrée à la caution le 30 août 2018, dans la mesure où l'interruption de la prescription était devenue non-avenue par l'effet du désistement. Il en déduit que la date d'exigibilité de la créance à l'endroit de la caution, le 18 janvier 2013, date du jugement de liquidation judiciaire, constitue le seul point de départ du délai de prescription, de sorte que la prescription quinquennale était acquise depuis le 19 janvier 2018. 12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le délai de prescription quinquennale avait été interrompu par la déclaration de créance du 6 janvier 2012 et ce jusqu'au 13 janvier 2017, de sorte qu'un nouveau délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de cette dernière date et que l'action de la banque n'était donc pas prescrite à la date de la seconde assignation du 30 octobre 2018, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 13. Le FCT fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond sur cette demande ; qu'en énonçant, par conséquent, par motifs adoptés des premiers juges, que l'engagement de M. [E] à titre de caution était disproportionné par rapport à ses biens et revenus et en déboutant la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, de ses demandes à l'encontre de M. [E], après avoir déclaré prescrite, et, donc, irrecevable, l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 14. M. [E] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit. 15. Cependant, le moyen est né de l'arrêt attaqué. 16. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 122 du code de procédure civile : 17. Il résulte de ce texte qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond. 18. L'arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement qui, après avoir déclaré prescrite l'action engagée par la banque contre la caution, rejette les demandes formées par cette dernière. 19. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Cedrus, représenté par la société MCS et associés venant aux droits de la SA Société générale, l'arrêt rendu le 19 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne M. [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Déclaration des créances - Effets - Effets à l'égard de la caution - Prescription - Interruption - Durée - Clôture de la procédure collective | PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Causes - Citation en justice - Déclaration des créances - Portée - Caution | Il résulte de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et de l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective |
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JURITEXT000048389562 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/95/JURITEXT000048389562.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 octobre 2023, 22-15.776, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 42300690 | Irrecevabilité | 22-15776 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-04 | Tribunal de commerce de Paris | M. Vigneau | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Buk Lament-Robillot | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00690 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Irrecevabilité M. VIGNEAU, président Arrêt n° 690 F-B Pourvoi n° C 22-15.776 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 OCTOBRE 2023 La société Fimocorp, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-15.776 contre le jugement rendu le 4 mars 2022 par le tribunal de commerce de Paris, dans le litige l'opposant à la société RwR Riviera Web and Retail, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Fimocorp, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société RwR Riviera Web and Retail, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Recevabilité du pourvoi examinée d'office Vu les articles 536 et 605 du code de procédure civile : 1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés. 2. Aux termes du premier de ces textes, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours, et, selon le second, le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort. 3. Il résulte de la combinaison des articles L. 611-7, alinéa 5, et R. 611-35, alinéa 1, du code de commerce que le président du tribunal de commerce qui, pendant la procédure de conciliation, fait application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil à l'égard d'un créancier qui a mis en demeure ou poursuivi le débiteur, ou qui n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de la créance, statue selon la procédure accélérée au fond, laquelle est prévue à l'article 481-1 du code de procédure civile. 4. Selon le 7° de ce texte, la décision du juge peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande. 5. En l'absence de disposition du code de commerce fermant au créancier l'appel de la décision du président du tribunal, il résulte des articles 543 du code de procédure civile et R. 662-1 du code de commerce que cette voie lui est ouverte. 6. La société Fimocorp s'est pourvue en cassation contre un jugement qui a accordé à la société RwR Riviera Web and Retail un report de douze mois pour le paiement d'une dette de 85 059 euros, inexactement qualifié de jugement rendu en dernier ressort. 7. En conséquence, le pourvoi n'est pas recevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ; Condamne la société Fimocorp aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fimocorp et la condamne à payer à la société RwR Riviera Web and Retail la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Prévention des difficultés - Procédure de conciliation - Jugement reportant ou échelonnant le paiement des sommes dues - Pourvoi en cassation - Recevabilité | CASSATION - Pourvoi - Recevabilité - Exclusion - Cas - Entreprises en difficulté - Procédure de conciliation - Jugement reportant ou échelonnant le paiement des sommes dues | En l'absence de disposition du code de commerce fermant au créancier l'appel de la décision du président du tribunal qui, en application des articles L. 611-7, alinéa 5, et R. 611-35, alinéa 1, du code de commerce, fait, pendant la procédure de conciliation, application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, il résulte des articles 543 du code de procédure civile et R. 662-1 du code de commerce que cette voie lui est ouverte et que le pourvoi formé contre le jugement n'est donc pas recevable |
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JURITEXT000048389614 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389614.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 21-18.318, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300705 | Cassation partielle partiellement sans renvoi | 21-18318 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-04-22 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Ohl et Vexliard | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00705 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle partiellement sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° V 21-18.318 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Prologue, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-18.318 contre l'arrêt rendu le 22 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ au président de l'Autorité des marchés financiers, domicilié Autorité des marchés financiers, [Adresse 2], 2°/ à la société Le Quotidien de [Localité 4] éditions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à M. [G] [L], domicilié [Adresse 3], 4°/ à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Prologue, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat du président de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Fèvre, MM. Alt, Calloch, Mme Sabotier, conseillers, M. Blanc, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, Mme Coricon, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Prologue du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [L] et la société Le Quotidien de [Localité 4]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 avril 2021), par un communiqué du 2 octobre 2014, la société Prologue, dont les titres sont admis aux négociations sur le marché réglementé Euronext [Localité 4], a annoncé qu'elle étudiait un projet d'offre publique d'échange (OPE) portant sur les actions de la société O2i, admises aux négociations sur le système multilatéral de négociation Alternext [Localité 4], devenu Euronext Growth, sur la base d'une parité de trois actions Prologue pour deux actions O2i. 3. Le 9 décembre 2014, la société Prologue a déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) un projet d'OPE visant la totalité des actions, des obligations convertibles en actions et des bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables de la société O2i. Le 2 avril 2015, l'AMF a publié une décision de non-conformité de ce projet, fondée notamment sur le fait que l'expert indépendant désigné avait conclu que les conditions financières de ce projet, en particulier la parité d'échange proposée, n'étaient pas équitables pour les porteurs de titres O2i. Le même jour, la société Prologue a publié un communiqué de presse dans lequel elle annonçait avoir pris connaissance de cette décision et avoir décidé de former un recours contre celle-ci, et rappelait « à tous les autres actionnaires et porteurs d'obligations convertibles en actions O2i qu'ils [avaie]nt la possibilité de signer avec elle des traités individuels d'apport en nature, et ce, conformément aux intentions affichées depuis le mois de novembre 2014 ». 4. Le 10 avril 2015, la société Prologue a publié sur son site internet un encart rappelant la possibilité pour les actionnaires de la société O2i « d'apporter leurs titres O2i à Prologue et de se voir attribuer des actions Prologue nouvelles à raison de 3 actions Prologue pour 2 titres O2i » et précisant « à toutes fins utiles que Prologue se réserv[ait] la faculté, le cas échéant, de ne pas donner suite à ces sollicitations, notamment si les participations dont l'apport lui [était] proposé [étaient] de petite taille ». Entre le 8 avril et le 25 septembre 2015, la société Prologue a signé dix-huit traités d'apport correspondant au total à environ 3,5 millions de titres O2i. Au 25 septembre 2015, la société Prologue a déclaré détenir 45,95 % du capital social de la société O2i. 5. Le 18 septembre 2018, le collège de l'AMF a notifié trois griefs à la société Prologue, lui reprochant : - d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 433-1 du code monétaire et financier et 231-13, 231-21, 231-23 et 231-32 du règlement général de l'AMF, porté atteinte aux règles de fonctionnement des offres publiques en mettant en oeuvre une offre publique dans des conditions de transaction identiques à celles contenues dans le projet d'offre soumis au visa de l'AMF, alors que l'offre ne pouvait être ouverte à défaut d'avoir obtenu une déclaration de conformité (premier grief) ; - d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 433-1 du code monétaire et financier et 231-3 du règlement général de l'AMF, porté atteinte aux principes généraux des offres publiques d'acquisition en sollicitant publiquement, à compter du 2 avril 2015, les actionnaires de la société O2i afin de réaliser une offre dans des conditions de transaction pour lesquelles l'AMF avait, le même jour, rendu une décision de non-conformité et en ne prévoyant pas de limite de temps à cette offre qui a proposé au public un prix fixe liant les cours des actions Prologue et O2i sur une période d'environ six mois, s'étant ainsi sciemment affranchie du cadre réglementaire destiné à garantir les principes d'intégrité du marché et de loyauté des transactions, ainsi qu'en proposant publiquement, à compter du 10 avril 2015, des conditions d'offre permettant de faire une discrimination entre les actionnaires de la société O2i, portant ainsi atteinte au principe d'égalité de traitement entre ces actionnaires (deuxième grief) ; - d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF, procédé à l'admission sur Euronext de ses titres, sans avoir préalablement établi un projet de prospectus et l'avoir soumis au visa de l'AMF au plus tard le 25 septembre 2015 (troisième grief). 6. Par une décision n° 20 du 31 décembre 2019, la commission des sanctions de l'AMF (la commission des sanctions) a considéré que les deux premiers griefs n'étaient pas établis et a prononcé, au titre du troisième, une sanction pécuniaire de 150 000 euros à l'encontre de la société Prologue. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. La société Prologue fait grief à l'arrêt de réformer la décision de la commission des sanctions n° 20 du 31 décembre 2019 en ce qu'elle a dit que les griefs formulés à son encontre relatifs à l'atteinte portée aux règles de fonctionnement des offres publiques et aux principes généraux des offres publiques d'acquisition n'étaient pas caractérisés et lui a infligé une sanction de 150 000 euros et, statuant à nouveau sur ces points, de dire établis ces deux griefs à son encontre et de prononcer une sanction pécuniaire de 750 000 euros, alors : « 1°/ qu'en dehors de l'hypothèse d'une offre publique obligatoire, la proposition, non irrévocable, faite aux actionnaires d'une société cotée de conclure des transactions de gré à gré portant sur l'échange de leurs titres n'est pas soumise à la réglementation relative aux offres publiques, quand bien même elle serait présentée publiquement et comme une alternative à un projet d'offre publique déposé auprès de l'AMF et déclaré non conforme par cette dernière ; que la cour d'appel a constaté que le dépôt d'une offre publique par la société Prologue n'était pas obligatoire ; qu'en jugeant toutefois que la proposition faite aux actionnaires de la société O2i, par le communiqué de la société Prologue du 2 avril 2015, de signer des traités individuels d'apport en nature devait être soumise au régime des offres publiques, parce qu'elle revêtait un caractère public, répondait à la même finalité et reposait sur la même parité d'échange que l'offre publique d'échange déposée le 9 décembre 2014, déclarée non conforme par l'AMF, la cour d'appel a violé les articles L. 433-1 et L. 433-3 du code monétaire et financier et les articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 2°/ que l'offre publique d'échange, soumise à la réglementation boursière, est une procédure spécifique, dont la mise en oeuvre est subordonnée à l'autorisation préalable de l'AMF, dans le cadre de laquelle une personne s'engage publiquement, de manière irrévocable et pour une certaine durée, à échanger les titres des actionnaires d'une société cotée contre d'autres titres cotés, selon certaines modalités déterminées ; que la commission des sanctions avait ainsi jugé que les circonstances que, à la différence du projet d'offre publique d'échange déposé le 9 décembre 2014, la proposition présentée dans le communiqué de la société Prologue du 2 avril 2015 portait sur la conclusion de traités individuels librement négociés entre les parties signataires, et non sur un échange devant être réalisé de manière automatique par centralisation des ordres, et ne présentait pas un caractère irrévocable, la société Prologue s'étant au contraire expressément réservé la possibilité de ne pas donner suite à des sollicitations, excluaient que cette proposition constitue une offre publique ; qu'en retenant, au contraire, que "la circonstance que certaines modalités de mise en oeuvre de l'échange de titres litigieux ne respectent pas les contraintes auxquels était soumis le projet de note d'information relative au projet d'OPE soumis à l'AMF" ne pouvait suffire à "le faire échapper à une réglementation relevant d'un ordre public économique de direction" et que les motifs retenus par la commission des sanctions étaient donc inopérants, la cour d'appel, qui a à tort déduit l'applicabilité de la réglementation de sa prétendue méconnaissance, a violé l'article L. 433-1 du code monétaire et financier et les articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 3°/ que la proposition faite aux actionnaires d'une société cotée de conclure des transactions de gré à gré portant sur leurs titres ne peut être considérée comme visant à contourner la réglementation sur les offres publiques lorsqu'elle a été conçue et présentée, dès l'origine, comme une alternative au dépôt d'une offre publique volontaire ; que pour démontrer que la proposition figurant dans son communiqué du 2 avril 2015 avait toujours été conçue et présentée comme une alternative au projet d'offre publique d'échange déposé le 9 décembre 2014, la société Prologue s'appuyait non seulement sur le projet de note d'information relative à cette offre publique, mais également sur d'autres documents et communiqués de presse qui avaient été publiés en amont, parmi lesquels l'ordre du jour de son assemblée générale extraordinaire, publié au BALO le 12 décembre 2014, qui évoquait une potentielle augmentation de capital résultant d'un échange des titres O2i contre des actions de la société Prologue "dans le cadre d'apports en nature à la société et/ou d'une offre publique d'échange initiée par la société", le plafond de l'augmentation de capital envisagée dans l'un et l'autre cas étant identique, et un communiqué de presse du 30 mars 2015, qui annonçait l'approbation par les actionnaires de la société Prologue d'un projet de rapprochement avec la société O2i "dans le cadre d'une offre publique d'échange (OPE) ou bien par voie d'apports en nature résultant de la signature de traités individuels" ; que c'est notamment en se fondant sur ces éléments que la commission des sanctions de l'AMF avait jugé que le communiqué du 2 avril 2015 "manifestait la poursuite de la possibilité de conclure des traités d'apport de gré à gré, (...) annoncée publiquement dès l'origine" ; que pour décider, au contraire, que le communiqué du 2 avril 2015 "ne constituait pas un rappel de modalités préexistantes", la cour d'appel s'est bornée à retenir que le projet de note d'information relative à l'offre publique "n'avait nullement envisagé la possibilité de généraliser l'acquisition des autres titres O2i, indépendamment du projet d'OPE ou des engagements d'ores et déjà conclus, par le biais d'autres traités d'apport de gré à gré" ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'existence d'une modalité de rapprochement alternative par le biais de transactions de gré à gré ne ressortait pas d'autres documents et communiqués de presse qui avaient été publiés avant la décision de non-conformité de l'AMF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier et des articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 4°/ que le projet de note d'information relative à l'offre publique d'échange, produit devant la cour d'appel, rappelait que deux actionnaires de la société O2i avaient conclu le 8 décembre 2014 des traités individuels avec la société Prologue en vue de lui apporter en nature l'intégralité des actions O2i qu'ils détenaient, puis indiquait que la société Prologue envisageait de "proposer la réalisation de tels Apports en Nature à l'ensemble des actionnaires d'O2i ayant conclu des Traités d'Apport et qui souhaiteraient lui transférer la propriété de leurs actions O2i, indépendamment de la question de savoir si le seuil de caducité visé à l'article 231-9 du règlement général de l'AMF serait atteint ou pas" ; qu'il était précisé que le terme conventionnellement défini d' "Apports en Nature" (initiales en majuscules), regroupait les apports consentis dans le cadre des traités du 8 décembre 2014, ainsi que "tout autre apport en nature résultant de la signature d'un Traité d'Apport par des actionnaires d'O2i" ; qu'il résultait donc des termes clairs et précis de ce projet de note d'information que la société Prologue y envisageait la conclusion de traités individuels avec l'ensemble des actionnaires de la société O2i, et non uniquement avec les deux personnes qui avaient déjà signé leurs contrats ; qu'en retenant, au contraire, qu'il se déduisait du projet de note d'information, dont le rapport du rapporteur avait rappelé les principaux termes de manière simplifiée, que le projet d'offre publique "n'avait nullement envisagé la possibilité de généraliser l'acquisition des autres titres O2i, indépendamment du projet d'OPE ou des engagements d'ores et déjà conclus, par le biais d'autres traités d'apport de gré à gré", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce projet de note d'information et ainsi violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour 9. En premier lieu, aux termes de l'article 2, § 1, sous a), de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, aux fins de cette directive, on entend par « offre publique d'acquisition » ou « offre » : « une offre publique (à l'exclusion d'une offre faite par la société visée elle-même) faite aux détenteurs des titres d'une société pour acquérir tout ou partie desdits titres, que l'offre soit obligatoire ou volontaire, à condition qu'elle suive ou ait pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée selon le droit national ». 10. Aux termes de l'article L. 433-1, I, du code monétaire et financier, issu de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 ayant transposé la directive susvisée, « [a]fin d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les règles relatives aux offres publiques portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français. » 11. Selon l'article 231-1, 1, du règlement général de l'AMF, le titre III du livre II de ce règlement, consacré aux offres publiques d'acquisition, s'applique notamment à toute offre faite publiquement aux détenteurs d'instruments financiers négociés sur un marché réglementé d'un État membre de l'Union européenne, y compris la France, pour laquelle l'AMF est l'autorité compétente dans le cas prévu au I de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, par une personne agissant seule ou de concert au sens des articles L. 233-10 ou L. 233-10-1 du code de commerce, en vue d'acquérir tout ou partie de ces instruments financiers. 12. En second lieu, les dispositions du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques, qui ont pour objectif, ainsi que l'énonce l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés financiers et poursuivent, dès lors, une finalité d'intérêt général, relèvent de l'ordre public économique de direction. 13. Il résulte des points 9 à 12 qu'à l'exclusion de celle faite par la société visée, toute offre faite volontairement et publiquement aux détenteurs d'instruments financiers par une personne, agissant seule ou de concert au sens des articles L. 233-10 ou L. 233-10-1 du code de commerce, pour acquérir tout ou partie de ces instruments financiers, constitue, dès lors qu'elle suit ou a pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée, une offre publique volontaire soumise aux dispositions d'ordre public du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques. 14. L'arrêt relève qu'après que l'AMF a publié sa décision de non-conformité de l'OPE déposée auprès de celle-ci le 9 décembre 2014 par la société Prologue pour acquérir la totalité des actions, obligations convertibles et bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables de la société O2i, la société Prologue a publié le 2 avril 2015 un communiqué invitant les actionnaires et porteurs d'obligations convertibles de la société O2i qui ne lui avaient pas encore apporté leurs titres, à signer des traités individuels d'apport en nature « conformément aux intentions affichées depuis le mois de novembre 2014 ». 15. De ces constatations, dont il résulte que l'offre de la société Prologue émise publiquement le 2 avril 2015 et qui, visant à obtenir la totalité des instruments financiers de la société O2i ou, du moins, la majorité d'entre eux, avait nécessairement pour objet d'acquérir le contrôle de cette dernière, constituait une OPE volontaire qui, partant, relevait des dispositions d'ordre public du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques, la cour d'appel a exactement déduit que la société Prologue s'était affranchie des règles auxquelles cette OPE volontaire était soumise. 16. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches en ce qu'elles critiquent des motifs surabondants de l'arrêt, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 17. La société Prologue fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours incident formé contre la décision de la commission des sanctions de l'AMF n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, alors « que la circonstance que la personne sanctionnée ait disposé de quelques jours, après la notification du recours principal du président de l'AMF, pour déposer elle-même un recours principal contre la décision de la commission des sanctions ne saurait suffire à écarter l'atteinte au principe de l'égalité des armes résultant de ce que, à la différence du président de l'AMF, elle est privée de la possibilité de former un recours incident dans un délai de deux mois à compter de la notification du recours principal ; qu'en se fondant pourtant sur le fait que la société Prologue avait "accusé réception de la notification du recours du président de l'AMF le jeudi 5 mars 2020, alors que son propre délai expirait le lundi 9 mars 2020", et qu'il n'existait donc pas d'obstacle à ce qu'elle dépose une déclaration de recours dans les délais impartis pour écarter une atteinte au principe de l'égalité des armes, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 18. Le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte de l'exigence d'un procès équitable, au sens de ce texte, requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (CEDH, arrêt du 24 février 1997, De Haes et Gijsels c. Belgique, n° 19983/92, § 53) et il doit en être ainsi, spécialement, du droit à l'exercice des voies de recours. En matière pénale, les exigences du procès équitable sont plus strictes qu'en matière civile (CEDH, arrêt du 3 octobre 2006, Ben Naceur c. France, n° 63879/00, § 34 ; CEDH, arrêt du 27 octobre 1993, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, n° 14448/88, § 32). 19. Les condamnations prononcées par la commission des sanctions de l'AMF relèvent de la matière pénale au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 20. Les dispositions de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier prévoient la possibilité pour les personnes sanctionnées et le président de l'AMF d'exercer un recours contre les décisions de la commission des sanctions. Si elles ouvrent également au président de l'AMF la possibilité d'exercer un recours incident en cas de recours exercé par la personne sanctionnée, elles ne prévoient pas que celle-ci puisse, dans l'hypothèse d'un recours du président de l'AMF, former un recours incident. Or, le recours tant principal qu'incident du président de l'AMF peut, à la différence de celui de la personne sanctionnée, conduire à une aggravation de la sanction prononcée par la commission des sanctions. Il s'ensuit que lorsque le président de l'AMF exerce son recours peu de temps avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la commission des sanctions, prévu à l'article R. 621-44 du code monétaire et financier, la personne sanctionnée peut ne plus être en mesure d'en tirer les conséquences quant à l'opportunité de son propre recours principal, en particulier dans l'hypothèse où la décision de la commission des sanctions n'a retenu qu'une partie des griefs notifiés et que le recours du président de l'AMF ne concerne que les griefs qui n'ont pas fait l'objet d'une sanction. 21. La faculté, pour la personne sanctionnée, de présenter, en cas de recours principal du président de l'AMF, des demandes reconventionnelles devant la cour d'appel de [Localité 4], qui dépend des demandes formées par ce dernier dès lors qu'en application de l'article 70 du code de procédure civile les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ne peut, dans ces conditions, à elle seule, suffire à garantir le caractère juste et équitable de la procédure ainsi que l'équilibre des droits des parties. 22. Il résulte des points 18 à 21 que, lorsque le recours principal du président de l'AMF se borne à contester la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a écarté certains griefs, la personne sanctionnée doit, afin que soit garanti le principe de l'égalité des armes, pouvoir encore disposer, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, d'un délai raisonnable lui permettant d'exercer de manière concrète et efficiente son propre recours principal par lequel elle conteste la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a retenu des griefs à son encontre. 23. Pour déclarer irrecevable le recours formé le 13 mars 2020 et présenté comme incident par la société Prologue, l'arrêt retient que celle-ci a accusé réception de la notification du recours du président de l'AMF le jeudi 5 mars 2020, alors que le délai dont elle-même disposait encore expirait le lundi 9 mars 2020 et que le recours principal exercé par le président de l'AMF le 3 mars 2020 « portant sur les seules dispositions relatives aux griefs non retenus par la commission des sanctions et leur sanction » ne faisait donc pas, concrètement, obstacle au dépôt d'une déclaration de recours de la société Prologue dans les délais qui lui étaient impartis pour contester le bien-fondé des griefs retenus contre elle par la commission des sanctions. 24. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'obligation de former, dans le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, son propre recours principal afin de contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, ne plaçait pas la société Prologue dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF et si, par conséquent, le délai pour introduire ce recours ne devait pas être prolongé pour garantir le principe de l'égalité des armes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 25. En premier lieu, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui déclarent irrecevable le recours présenté comme incident par la société Prologue et formé contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, entraîne la cassation du chef de dispositif qui prononce une sanction pécuniaire de 750 000 euros à l'encontre de la société Prologue, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 26. En second lieu, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 27. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la recevabilité du recours formé le 13 mars 2020 par la société Prologue. 28. D'une part, le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, dont la société Prologue disposait à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF pour former son propre recours principal et pouvoir contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, privait cette société d'une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF. 29. D'autre part, le recours de la société Prologue formé le 13 mars 2020, soit huit jours seulement après que lui a été notifié le recours principal du président de l'AMF, est intervenu dans un délai raisonnable à compter de cette notification. 30. Il en résulte que ce recours est recevable. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable le recours formé par la société Prologue contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, prononce une sanction pécuniaire de 750 000 euros à l'encontre de la société Prologue, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la recevabilité du recours formé par la société Prologue le 13 mars 2020 ; Déclare recevable le recours formé par la société Prologue le 13 mars 2020 contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée ; Remet, sur la sanction pécuniaire de 750 000 euros prononcée à l'encontre de la société Prologue, sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne l'Autorité des marchés financiers aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Procès équitable - Violation - Cas - Décision de la commission des sanctions de l'AMF - Recours principal formé par une personne sanctionnée | BOURSE - Autorité des marchés financiers (AMF) - Voies de recours - Décision - Décision de la commission des sanctions - Recours principal de la personne sanctionnée - Délai - Principe de l'égalité des armes - Net désavantage | Lorsque le recours principal du président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) se borne à contester la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a écarté certains griefs, la personne sanctionnée doit, afin que soit garanti le principe de l'égalité des armes résultant de l'exigence d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pouvoir encore disposer, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, d'un délai raisonnable lui permettant d'exercer de manière concrète et efficiente son propre recours principal par lequel elle conteste la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a retenu des griefs à son encontre. Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui déclare irrecevable le recours principal formée par une personne sanctionnée sans rechercher si l'obligation, pour elle, de former, dans le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, son propre recours afin de contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, ne plaçait pas cette personne dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF et si, par conséquent, le délai pour introduire ce recours ne devait pas être prolongé pour garantir le principe de l'égalité des armes |
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JURITEXT000048389620 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389620.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.823, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300711 | Cassation partielle | 22-13823 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-04 | Cour d'appel de Montpellier | M. Vigneau | SAS Hannotin Avocats, SCP Lévis | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00711 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 711 F-B Pourvoi n° E 22-13.823 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [O] [P], 2°/ Mme [F] [N], épouse [P], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° E 22-13.823 contre l'arrêt rendu le 4 janvier 2022 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Sogelease France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. et Mme [P], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Sogelease France, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 janvier 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-18.320), par un acte du 22 août 2007, la société Vitassource a, en qualité de crédit-preneur, conclu avec la société Sogelease France (la société Sogelease) un contrat de crédit-bail, dont l'exécution a été garantie par les cautionnements solidaires de M. [P] et de Mme [N], son épouse (M. et Mme [P]), consentis par actes séparés du 7 septembre 2007. 2. La société Vitassource ayant été mise en liquidation judiciaire, le crédit-bailleur a assigné les cautions en paiement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Mais sur le moyen, pris en ses septième et huitième branches Enoncé du moyen 4. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant au débouté de la société Sogelease aux motifs d'un défaut d'admission de la créance, de la disproportion manifeste de leur engagement et de l'exception de subrogation, de leur demande en dommages-intérêts et en compensation ainsi que de leur demande tendant à l'octroi d'un report, et de les condamner solidairement à payer à la société Sogelease la somme de 22 197 euros, alors : « 7°/ que la caution est déchargée lorsque, par la faute du créancier, la subrogation ne peut plus s'opérer en sa faveur ; que si la demande de restitution d'un bien détenu par le débiteur faisant l'objet d'une procédure collective ne constitue, aux termes de l'article L. 624-10 du code de commerce, qu'une faculté pour le créancier, ce dernier, lorsqu'il est par ailleurs garanti par un cautionnement, commet une faute au sens de l'article 2314 du code civil si, en s'abstenant de demander cette restitution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter ; qu'au cas présent, les époux [P] reprochaient à faute à la Sogelease de n'avoir pas obtenu la restitution des matériels litigieux et faisaient valoir que cette faute mettait en péril leurs droits de caution subrogées de sorte qu'ils devaient être déchargés ; que, pour écarter cette demande, la cour d'appel a d'abord relevé que, s'agissant d'un contrat publié, l'action en restitution n'était qu'une faculté ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'étant garantie par un cautionnement des époux [P], en s'abstenant de demander cette restitution, la société Sogelease avait commis une faute susceptible de priver les époux [P] d'un droit qui pouvait leur profiter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ; 8°/ que la caution est déchargée lorsque, par la faute du créancier, la subrogation ne peut plus s'opérer en sa faveur ; qu'au cas présent, les époux [P] reprochaient à faute à la société Sogelease de n'avoir pas obtenu la restitution des matériels litigieux et faisaient valoir que cette faute mettait en péril leurs droits de cautions subrogées de sorte qu'ils devaient être déchargés ; que, pour écarter cette demande, la cour d'appel a ensuite relevé que les courriers comportant déclaration de créances s'enquéraient des modalités de récupération des matériels en question ; qu'en statuant ainsi, par un motif manifestement inopérant, dès lors que l'objet du moyen était précisément de reprocher à la société Sogelease son inaction depuis plus de dix ans, qui était de nature à mettre en péril l'aptitude des époux [P] à exercer leurs droits de cautions subrogées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, et les articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce : 5. Aux termes du premier de ces textes, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. 6. Aux termes du deuxième, le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. 7. Selon le troisième, lorsque le contrat portant sur un bien a fait l'objet d'une publicité, le propriétaire de ce bien peut en demander la restitution par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur, s'il en a été désigné, ou, à défaut, au débiteur. Une copie de cette demande est adressée au mandataire judiciaire. A défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu'il soit statué sur les droits de ce dernier. 8. Il en résulte que si la demande de restitution d'un bien, objet d'un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce ne constitue qu'une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l'article 2314 du code civil, si, en s'abstenant d'exercer l'action en restitution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter. 9. Pour rejeter la demande de décharge des cautions, sur le fondement de la perte du bénéfice de subrogation, l'arrêt retient qu'il est constant, au visa de l'article R. 624-14 du code de commerce, que l'action en restitution, prévue à l'article L. 624-10 du même code, n'est qu'une simple faculté ouverte au propriétaire dispensé de faire connaître son droit de propriété et qu'elle n'est soumise à aucun délai. Il relève que, dans ses lettres de déclaration de créance des 3 mars et 14 décembre 2009, la société Sogelease avait demandé au mandataire judiciaire puis au mandataire liquidateur de lui indiquer, conformément aux dispositions des articles L. 624-10 du code de commerce et 116 du décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, « les modalités de récupération de nos matériels entre les mains de la société Vitassource ou de tout autre tiers, notre contrat ayant fait l'objet d'une publication auprès du greffe du tribunal de commerce de Nîmes, le 11 octobre 2007 sous le numéro d'inscription n° 2007C002218 ». L'arrêt ajoute que M. et Mme [P] ne contestent pas utilement l'effectivité de cette publication et ne peuvent pas, en conséquence, soutenir une exception de subrogation quand la revendication doit être exercée faute de publication. Il ajoute que la demande en restitution n'était en l'espèce qu'une faculté et les deux lettres précitées tendaient au contraire à rappeler au mandataire judiciaire, devenu ultérieurement liquidateur judiciaire, que les matériels concernés étaient la propriété de la société Sogelease et qu'elle entendait les récupérer. Il en déduit que M. et Mme [P] ne démontrent aucune faute ni fait exclusif du créancier dans le défaut de restitution du matériel donné en crédit-bail. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en omettant de poursuivre la restitution du matériel, objet du contrat de crédit-bail, dans les conditions prévues à l'article R. 624-14 du code de commerce, la société Sogelease n'avait pas fait perdre aux cautions un droit qui pouvait leur profiter, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 11. M. et Mme [P] font le même grief à l'arrêt, alors « que l'article L. 341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, selon lequel "le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement", est applicable à tout créancier professionnel et en faveur de toute caution ; qu'en écartant l'application de ce texte au motif qu'"il est constant que les dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et L. 341-6 du code de la consommation ne sont pas applicables en faveur de la caution du crédit-preneur qui s'acquitte de loyers", la cour d'appel a violé l'article L. 341-6 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021: 12. Aux termes de ce texte, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. 13. Ces dispositions sont applicables à la caution du crédit-preneur qui s'acquitte de loyers. 14. Pour rejeter la demande de M. et Mme [P] tendant à ce que la société Sogelease, crédit-bailleur, soit déchue de tous droits à intérêts de retard et pénalités, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 341-6 du code de la consommation ne sont pas applicables en faveur de la caution du crédit-preneur qui s'acquitte de loyers. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de Mme [N] et M. [P] tendant au débouté de la société Sogelease France aux motifs d'un défaut d'admission de la créance et de la disproportion manifeste de leurs engagements, l'arrêt rendu le 4 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ; Condamne la société Sogelease France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sogelease France et la condamne à payer à Mme [N] et M. [P] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | CAUTIONNEMENT - Extinction - Conditions - Subrogation rendue impossible par le fait du créancier - Fait du créancier - Applications diverses - Procédure collective - Restitution d'un bien objet d'un contrat publié - Défaut d'exercice de l'action en restitution | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Patrimoine - Revendication - Restitution d'un bien objet d'un contrat publié - Défaut d'exercice de l'action en restitution - Portée | Il résulte de l'article 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, et des articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce que si la demande de restitution d'un bien, objet d'un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce, ne constitue qu'une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l'article 2314 du code civil, si, en s'abstenant d'exercer l'action en restitution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter |
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JURITEXT000048389634 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389634.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 21-25.033, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300716 | Rejet | 21-25033 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-10-06 | Cour d'appel de Bordeaux | M. Vigneau | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00716 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 716 F-B Pourvoi n° U 21-25.033 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 M. [O] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-25.033 contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Fabien matériaux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Fabien matériaux, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 octobre 2021), le 31 juillet 2003, M. [P] a cédé la totalité des parts sociales qu'il détenait dans le capital de la société Fabien [P] à la société Fabien matériaux. 2. L'acte de cession stipulait une clause d'élection de domicile ainsi qu'une clause de garantie de passif que le cessionnaire pouvait mettre en oeuvre par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au cédant. 3. Après avoir, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 avril 2016, informé le cédant de ce qu'il mettait en oeuvre la garantie de passif, le cessionnaire a, le 20 décembre 2016, assigné le cédant en paiement de sommes en exécution de cette garantie. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Fabien matériaux la somme de 17 628 euros, de dire que cette somme portera intérêt au taux contractuel de 1 % par mois à compter du 22 avril 2016, de dire qu'il sera fait application de l'article 1343-2 du code civil par année entière sur cette somme à compter du 22 avril 2017 et de le débouter de ses demandes, alors : « 1°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'il en résulte qu'une partie qui a connaissance du changement d'adresse de son cocontractant ne peut se prévaloir de la clause d'élection de domicile pour notifier une information déterminante à une adresse qu'elle sait être périmée ; qu'en l'espèce, pour dire que la société Fabien matériaux avait satisfait à son obligation d'information quant à son intention de mettre en oeuvre la garantie de passif, la cour d'appel a retenu que "l'appelant soutient qu'il n'a jamais été avisé de l'existence de ce courrier recommandé, ayant déménagé à Audenge, ce que la société Fabien matériaux n'ignorait pas selon lui" mais que "même à supposer cette affirmation exacte, il appartenait à M. [P] d'adresser un courrier officiel à la société Fabien matériaux pour lui indiquer qu'il faisait élection de domicile à une autre adresse que celle figurant dans la convention de garantie du passif, encore en vigueur à cette date et comportant élection de domicile" ; qu'en statuant ainsi, tandis que, si la société Fabien matériaux avait eu connaissance du changement d'adresse de M. [P], elle aurait effectivement dû lui adresser à sa nouvelle adresse, nonobstant la clause d'élection de domicile, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ; 2°/ qu'en l'absence de toute autre circonstance, le silence ne vaut pas acceptation ; que, dès lors, nul ne peut être réputé avoir accepté de garantir le passif d'une société sans avoir été effectivement informé de la cause et du montant de ce passif ; qu'en l'espèce, M. [P], garant, soutenait n'avoir pas été informé par la société Fabien matériaux des causes et charges supplémentaires justifiant la mise en oeuvre de la garantie de passif stipulée dans l'acte de cession de parts du 31 juillet 2003, la lettre recommandée ayant été envoyée à son ancienne adresse ; que, pour dire néanmoins la garantie acquise en son principe, la cour d'appel a retenu, tout d'abord, que, la lettre recommandée n'ayant pas été retirée, "l'absence de réception du courrier est donc uniquement imputable à un défaut de diligence du garant qui n'établit ni, que son nom ne figurait plus sur sa boîte aux lettres à [Localité 3], ni que la Poste a manqué à son obligation de réexpédition de son courrier", pour en conclure que "l'envoi d'un courrier recommandé à l'adresse à laquelle le garant avait élu domicile dans l'acte de garantie du passif est régulier, que le cessionnaire a ainsi rempli son obligation d'information du garant préalable à l'introduction d'une instance judiciaire et a fait courir le délai de trente jours" pour en déduire, ensuite, que "M. [P] n'ayant pas répondu à ce courrier dans le délai contractuel de trente jours, le principe de sa garantie est donc acquise, sans qu'il y ait lieu de répondre aux différents moyens qu'il soulève afin de s'opposer à la mise en jeu de celle-ci" ; qu'en statuant ainsi, quand la présomption d'acceptation du principe de la garantie, résultant de "l'inertie du garant à l'issue de cette période de trente jours", telle que prévue par le contrat, supposait nécessairement que M. [P] ait eu effectivement connaissance de l'intention de la société Fabien matériaux de se prévaloir de la garantie de passif, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ; 3°/ qu'un délai ne peut courir contre quelqu'un qui n'a pas eu connaissance de l'événement qui en constitue le point de départ ; qu'en retenant que "l'envoi d'un courrier recommandé à l'adresse à laquelle le garant avait élu domicile dans l'acte de garantie du passif est régulier, que le cessionnaire a ainsi rempli son obligation d'information du garant préalable à l'introduction d'une instance judiciaire et a fait courir le délai de trente jours", tandis qu'il résultait de ses propres constatations que M. [P] n'avait pas eu connaissance de ce courrier, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ; 4°/ que les atteintes contractuelles au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en jugeant acquise en son principe la garantie de passif de M. [P] pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu "de répondre aux différents moyens qu'il soulève afin de s'opposer à la mise en jeu de celle-ci", tandis qu'il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas été effectivement informé des causes et charges supplémentaires justifiant la mise en oeuvre de la garantie de passif stipulée dans l'acte de cession de parts du 31 juillet 2003, la cour d'appel, qui a indûment privé M. [P] de la possibilité de faire valoir ses arguments et d'obtenir une solution juridictionnelle du litige, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. L'élection de domicile emporte pouvoir de recevoir toute notification dans le lieu qui y est désigné. 6. Après avoir constaté que l'acte de cession stipulait, d'une part, une clause d'élection de domicile en la demeure respective des parties figurant à l'acte, d'autre part, une clause de garantie de passif selon laquelle l'inertie du cédant à l'issue d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle le cessionnaire l'aviserait, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de ce qu'il mettait en oeuvre la garantie de passif, vaudrait acceptation du principe de cette garantie, l'arrêt relève que le cessionnaire avait, pour mettre en oeuvre la garantie dont il bénéficiait, adressé, le 22 avril 2016, une lettre recommandée avec demande d'avis de réception au cédant à l'adresse de [Localité 3] figurant dans l'acte de cession et que cette lettre était revenue avec la mention « pli avisé non réclamé ». 7. De ces constatations et appréciations, dont il résultait, d'une part, que le fait que le cédant n'avait pas reçu la lettre du cessionnaire mettant en oeuvre la clause de garantie de passif était dû à sa seule négligence, faute pour lui d'avoir informé son cocontractant qu'il élisait domicile dans un autre lieu que celui stipulé au contrat, et non à la mauvaise foi du cessionnaire, d'autre part, que l'information, par le cessionnaire, de ce qu'il mettait en oeuvre cette garantie n'était pas de nature contentieuse et que, par suite, le défaut de réception effective, par le cédant, de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'en affectait pas la régularité, la cour d'appel a pu, sans méconnaître les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni violer l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, déduire que le cessionnaire avait rempli son obligation contractuelle d'information du garant préalable à l'introduction d'une instance judiciaire. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société Fabien matériaux la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | DOMICILE - Election de domicile - Effets - Pouvoir de recevoir toute notification dans le lieu qui y est désigné | L'élection de domicile emporte pouvoir de recevoir toute notification dans le lieu qui y est désigné |
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JURITEXT000048389638 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389638.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.149, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300717 | Cassation partielle | 22-13149 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-12-01 | Cour d'appel d'Aix en Provence | M. Vigneau | SCP Poulet-Odent | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00717 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 717 F-B Pourvoi n° X 22-13.149 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Pharmabest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-13.149 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Teroma, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Plein Sud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Pharmabest, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Pharmabest du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Teroma. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er décembre 2021), le capital de la société Pharmabest, laquelle a pour objet la fourniture de prestations de services destinées aux officines de pharmacie, était détenu par une trentaine d'actionnaires, majoritairement des sociétés holding exploitant des officines de pharmacie adhérentes au réseau Pharmabest, dont la société Plein Sud. 3. Par une ordonnance du 8 novembre 2018, le président d'un tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, a désigné, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, un expert avec pour mission de déterminer la valeur des titres Pharmabest détenus par la société Plein Sud. 4. Le 16 juillet 2020, la société Plein Sud a assigné, en référé, la société Pharmabest afin qu'il lui soit enjoint de communiquer, sous astreinte, certaines pièces à l'expert, dont le détail du chiffre d'affaires, au 31 décembre 2019, des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société Pharmabest fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de référé rendue le 17 septembre 2020 par le président du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il l'a condamnée à communiquer à l'expert, sous astreinte, le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest au 31 décembre 2019, alors « que les parties étant tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction, sauf à ce que toutes conséquences soient tirées de leur abstention ou de leur refus, le juge peut, si une partie détient un élément de preuve, lui enjoindre, sur la requête d'une autre partie, de le produire, au besoin à peine d'astreinte ; que, cependant, nul ne peut donner ni produire ce qu'il n'a pas ; qu'il s'ensuit que la partie qui requiert du juge qu'il enjoigne à une autre de produire un document doit établir, outre son existence, à tout le moins sa vraisemblance, sa possession par cette autre partie ; que le juge, quant à lui, ne peut accéder à cette requête, a fortiori sous astreinte, sans avoir vérifié que cette double preuve était apportée ; qu'en l'espèce, la société Plein Sud a demandé à la cour d'enjoindre à la société Pharmabest, sous astreinte, de communiquer le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmacien Pharmabest au 31 décembre 2019, dont la société Pharmabest, cependant, protestait qu'elle ne le possédait pas ; que, pour confirmer l'ordonnance qui avait fait droit à la requête de la société Plein Sud, la cour s'est bornée à considérer que la société Pharmabest "ne justifiait pas de ce que la communication de pièces serait illégitime en ce que le secret des affaires serait en cause" ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir vérifié que la société Plein Sud établissait l'existence ou la vraisemblance du document réclamé ainsi que sa détention par la société Pharmabest, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 [du code civil] et 11 du code de procédure civile, ensemble de l'article 1843-4 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile : 6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il ne peut être enjoint à une partie, sur requête ou en référé, de produire un élément de preuve qu'elle ne détient pas. 7. Pour enjoindre à la société Pharmabest de communiquer, sous astreinte, le détail du chiffre d'affaires, au 31 décembre 2019, des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest, l'arrêt retient que cette société ne justifie pas de ce que la communication de cette pièce serait illégitime en ce que le secret des affaires serait en cause. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui appartenait dès lors que la société Pharmabest faisait valoir que la pièce en litige n'existait pas et qu'en tout état de cause, elle ne la détenait pas, si la société Plein Sud, à qui la preuve en incombait en l'état de cette contestation, établissait que l'existence de cette pièce était, sinon établie, du moins vraisemblable et, le cas échéant, qu'elle était détenue ou pouvait être détenue par la société Pharmabest, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance attaquée, il enjoint à la société Pharmabest de communiquer à M. [C] [Z] le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest au 31 décembre 2019 dans les quinze jours suivant la notification de l'ordonnance et, à défaut de ce faire dans ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard dans le délai d'un mois, l'arrêt rendu le 1er décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société Plein Sud aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Plein Sud à payer à la société Pharmabest la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | PROCEDURE CIVILE - Pièces - Versement aux débats - Refus - Demande de communication forcée - Injonction de communiquer - Condition - Existence de l'élément de preuve vraisemblable et détention par la partie à qui la preuve est demandée | POUVOIRS DES JUGES - Injonction - Injonction de communication de pièces - Conditions MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Référé - Injonction du juge - Production de pièces - Conditions | Il résulte de la combinaison des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile qu'il ne peut être enjoint à une partie, sur requête ou en référé, de produire un élément de preuve qu'elle ne détient pas. Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui enjoint, en référé, à une partie de produire un élément de preuve alors que celle-ci contestait son existence et, en tout état de cause, le détenir, sans rechercher, comme il lui appartenait, si la partie adverse, à qui la preuve en incombait en l'état de cette contestation, établissait que l'existence de cet élément de preuve était, sinon établie, du moins vraisemblable et, le cas échéant, qu'il était détenu ou pouvait être détenu par la partie à qui sa production était demandée |
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JURITEXT000048389650 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389650.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-12.978, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300721 | Cassation partielle | 22-12978 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-06 | Cour d'appel d'Aix en Provence | M. Vigneau | SCP Duhamel, SCP Bénabent, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00721 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 721 F-B Pourvoi n° M 22-12.978 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Brumes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-12.978 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Bonifacio et associés, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Compagnie française d'expertise comptable - CBSA, société d'exercice comptable et société d'exercice libéral par actions simplifiée, ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Brumes, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Bonifacio et associés, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Compagnie française d'expertise comptable - CBSA, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 janvier 2022), par un protocole du 31 mars 2011, MM. [I] et [X] [J] ont cédé à la société Brumes l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société TDS. 2. Préalablement à la cession, les associés de la société TDS avaient, lors d'une assemblée générale du 31 décembre 2010, décidé sa transformation de société à responsabilité limitée en société par actions simplifiée. 3. Le 7 décembre 2015, invoquant plusieurs manquements à leur encontre, la société Brumes a assigné en responsabilité la société Bonifacio et associés, en sa qualité de commissaire à la transformation, et la société Compagnie française d'expertise comptable - CBSA (la société CFEC - CBSA), en sa qualité d'expert-comptable de la société TDS. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. La société Brumes fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action contre la société Bonifacio et associés, alors « que le délai de prescription de trois ans prévu à l'article L. 224-254 du code de commerce, sur renvoi de l'article L. 822-18 du même code, s'applique aux actions en responsabilité engagées contre des commissaires aux comptes à l'occasion de toute mission légale de contrôle ; qu'en revanche, le délai de prescription applicable à l'action engagée contre le commissaire à la transformation désigné en application de l'article L. 224-3 du code de commerce, non pas en sa qualité de commissaire aux comptes d'une société qui en est dépourvue, mais en raison de son inscription sur la liste réglementaire des commissaires aux comptes, est celui de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil ; qu'en affirmant que l'intervention de la société Bonifacio et associés en qualité de commissaire à la transformation répondait aux exigences de l'article L. 224-3 du code de commerce en cas de transformation d'une société à responsabilité limitée en société par actions simplifiée et constituait donc une mission légale du commissaire aux comptes soumise à la prescription triennale, tandis que la prescription quinquennale était applicable, la cour d'appel a violé les articles L. 822-18 et L. 225-254 du code de commerce par fausse application et les articles L. 224-3 du code de commerce et 2224 du code civil par refus d'application. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 820-1, I, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, L. 822-18 et L. 225-254 du code de commerce : 6. Selon le premier de ces textes, nonobstant toute disposition contraire, les dispositions du titre II du livre VIII du code de commerce sont applicables aux commissaires aux comptes nommés dans toutes les personnes et entités quelle que soit la nature de la certification prévue dans leur mission. 7. Aux termes du second, qui figure dans ce titre, les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans les conditions prévues à l'article L. 225-254. 8. Selon le troisième, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. 9. Ce délai de prescription s'applique aux actions engagées contre des commissaires aux comptes à l'occasion de toute mission légale de contrôle. 10. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la société Brumes contre la société Bonifacio et associés, l'arrêt retient que l'intervention de cette dernière en qualité de commissaire à la transformation répond aux exigences de l'article L. 224-3 du code de commerce, de sorte qu'elle constitue une mission légale du commissaire aux comptes soumise à la prescription triennale. 11. En statuant ainsi, alors qu'en application de l'article L. 224-3 du code de commerce, la société Bonifacio et associés avait été désignée commissaire à la transformation non pas en sa qualité de commissaire aux comptes de la société TDS, qui en était dépourvue, mais en raison de son inscription sur la liste réglementaire des commissaires aux comptes, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés. Mise hors de cause 12. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, la société CFEC - CBSA, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action de la société Brumes contre la société Bonifacio et associés et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Met hors de cause la société Compagnie française d'expertise comptable - CBSA ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société Bonifacio et associés aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bonifacio et associés, la condamne à payer à la société Brumes la somme de 3 000 euros et condamne la société Brumes à payer à la société Compagnie française d'expertise comptable - CBSA la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE COMMERCIALE (règles générales) - Transformation - Adoption d'une autre forme - Commissaire à la transformation - Commissaire désigné en raison de son inscription sur la liste réglementaire - Responsabilité - Action antérieure à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 - Prescription - Délai - Délai triennal (non) | PRESCRIPTION CIVILE - Prescription triennale - Société - Exclusion - Cas - Action en responsabilité exercée contre un commissaire à la transformation - Action exercée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 | Le délai de prescription triennale prévu à l'article L. 225-254 du code de commerce ne s'applique pas à l'action en responsabilité exercée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 contre un commissaire à la transformation désigné, non pas en sa qualité de commissaire aux comptes de la société, mais en raison de son inscription sur la liste réglementaire des commissaires aux comptes |
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JURITEXT000048389667 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389667.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.851, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300722 | Rejet | 22-13851 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-10 | Cour d'appel d'Orléans | M. Vigneau | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Bénabent | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00722 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 722 F-B Pourvoi n° K 22-13.851 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 1°/ La société Mécanique de précision de [Localité 2] (MPM), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ M. [K] [H], domicilié [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° K 22-13.851 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant à M. [X] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Mécanique de précision de [Localité 2] (MPM) et de M. [H], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans,10 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 13 janvier 2021, pourvoi n° 18-21.860), M. [O], associé majoritaire et gérant de la société Mécanique de précision de [Localité 2] (la société MPM), et Mme [R], associé minoritaire, ont, le 21 juillet 2014, consenti une promesse de cession de l'intégralité des parts de cette société à M. [H] pour le prix de 8 000 euros. 2. Le 29 octobre 2014, l'assemblée générale de la société a décidé d'octroyer à M. [O], au titre de ses fonctions de dirigeant, une prime de 83 000 euros, puis, le 24 novembre, une autre prime au titre d'un rappel de salaire, d'un montant de 3 049,94 euros. 3. Par acte sous seing privé du 4 décembre 2014, les parties ont réitéré la promesse de cession, en précisant dans l'acte qu'aux termes de l'assemblée générale du 29 octobre 2014, il avait été accordé à M. [O] une prime exceptionnelle de 83 000 euros. 4. La société MPM, dont M. [H] était devenu le dirigeant, a refusé de verser les sommes allouées à M. [O] par les assemblées générales des 29 octobre et 24 novembre 2014. 5. M. [O] a assigné la société MPM en paiement d'une somme totale de 84 623,05 euros. M. [H] est intervenu volontairement à l'instance et a demandé l'annulation des résolutions des assemblées générales des 29 octobre et 24 novembre 2014 comme procédant d'un abus de majorité. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société MPM et M. [H] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes d'annulation des résolutions des assemblées générales de la société MPM des 29 octobre et 24 novembre 2014 ayant alloué à M. [O] des primes exceptionnelles et de confirmer, par conséquent, le jugement en ce qu'il a condamné la société MPM à payer à M. [O] certaines sommes au titre des salaires des mois d'octobre et novembre 2014 et pour solde de la prime exceptionnelle, alors « que l'abus de majorité est caractérisé dès lors que la décision sociale adoptée est contraire à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des autres associés, que cette rupture d'égalité s'apprécie objectivement et peut exister nonobstant le vote du minoritaire en faveur de la délibération sociale litigieuse ; qu'en retenant cependant que "la deuxième condition fait nécessairement défaut puisque les décisions critiquées ont été prises à l'unanimité, de sorte qu'on ne peut considérer que les décisions, auxquelles l'actionnaire minoritaire a participé ont été prises à son détriment", la cour d'appel a statué par un motif impropre et privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833 et 1844-1 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Une décision prise à l'unanimité des associés ne peut être constitutive d'un abus de majorité. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [H] et la société Mécanique de précision de [Localité 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et la société Mécanique de précision de [Localité 2] et les condamne in solidum à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE COMMERCIALE (règles générales) - Assemblée générale - Décision - Abus de majorité - Exclusion - Cas - Décision prise à l'unanimité des associés | Une décision prise à l'unanimité des associés ne peut être constitutive d'un abus de majorité |
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JURITEXT000048430203 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430203.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-12.858, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 42300729 | Rejet | 22-12858 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-03-23 | Cour d'appel de Bordeaux | M. Vigneau | SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Gury et Maitre, SARL Le Prado - Gilbert | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00729 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 729 FS-B Pourvoi n° F 22-12.858 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de l'association Rhône-Alpes pierres naturelles. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 13 octobre 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 L'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales (AFIGIA), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-12.858 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'association Rhône-Alpes pierres naturelles (Rhônapi), dont le siège est [Adresse 3], 2°/ au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de l'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales (AFIGIA), de la SCP Gury et Maitre, avocat de l'association Rhône-Alpes pierres naturelles (Rhônapi), de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Coricon, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 mars 2021), l'association Rhône-Alpes pierres naturelles (l'association Rhônapi) a déposé la demande d'homologation de l'indication géographique « Pierres marbrières de Rhône-Alpes » n° 19-001 visant à protéger des calcaires formés à l'ère jurassique et à l'ère crétacé inférieur, extraits dans les carrières situées dans une aire géographique définie. 2. Par décision du 18 novembre 2019, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a homologué le cahier des charges de l'indication géographique et reconnu l'association Rhônapi comme organisme de défense et de gestion du produit bénéficiant de cette indication géographique. 3. L'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales (l'AFIGIA) a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'AFIGIA fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique ; qu'une telle indication doit correspondre à la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé "servant à désigner" le produit en cause et doit donc être nécessairement constituée d'une dénomination servant déjà à désigner, dans le commerce ou le langage commun, le produit au moment de la décision d'homologation, c'est-à-dire d'une dénomination préexistante ; qu'en écartant le moyen de l'AFIGIA tiré de ce que la dénomination choisie pour l'indication géographique en cause, à savoir "Pierres Marbrières de Rhône-Alpes" ne correspondait pas un dénomination préexistante, au motif que le code de la propriété intellectuelle n'imposerait pas de condition d'usage préexistant de la dénomination de l'indication géographique elle-même, la cour d'appel a violé l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle, constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. 6. Selon l'article L. 721-7, 4°, du même code, le cahier des charges d'une indication géographique précise la qualité, la réputation, le savoir-faire traditionnel ou les autres caractéristiques que possède le produit concerné et qui peuvent être attribués essentiellement à cette zone géographique ou à ce lieu déterminé, ainsi que les éléments établissant le lien entre le produit et la zone géographique ou le lieu déterminé associé. 7. Il résulte de ces textes que les produits industriels et artisanaux peuvent bénéficier d'une protection de l'indication géographique de la zone dont ils sont originaires, à la seule condition qu'ils présentent au moins une caractéristique qui peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. Il s'en déduit que, dès lors qu'une caractéristique est démontrée, le produit peut bénéficier de cette protection, sans qu'il soit nécessaire que soit établie la préexistence d'une appellation spécifique de ce produit. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales à payer au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle la somme de 3 000 euros et rejette le surplus des demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | PROPRIETE INDUSTRIELLE - Indications géographiques - Protection - Conditions - Savoir-faire traditionnel et réputation attribués essentiellement à une zone géographique - Préexistence d'une appellation spécifique de ce produit - Nécessité (non) | Il résulte des articles L. 721-2 et L. 721-7, 4°, du code de la propriété intellectuelle que les produits industriels et artisanaux peuvent bénéficier d'une protection de l'indication géographique de la zone dont ils sont originaires, à la seule condition qu'ils présentent au moins une caractéristique qui peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique, ce dont il se déduit que, dès lors qu'une caractéristique est démontrée, le produit peut bénéficier de cette protection, sans qu'il soit nécessaire que soit établie la préexistence d'une appellation spécifique de ce produit |
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JURITEXT000048430208 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430208.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-19.952, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 42300730 | Rejet | 22-19952 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-06-10 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00730 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 730 FS-B Pourvoi n° S 22-19.952 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société Le moins cher en formation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-19.952 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à l'association [3] ([3]), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Le moins cher en formation, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association [3] ([3]), et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Coricon, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2022), la société Le moins cher en formation (la société LMCEF), soutenant que l'association [3] (l'[3]) ne disposait pas de l'agrément nécessaire à son activité professionnelle pour la période du 10 août au 8 décembre 2016, l'a assignée, sur le fondement de la concurrence déloyale, en réparation de son préjudice. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société LMCEF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la condamnation de l'[3], alors « que faute de figurer dans la liste prévue par l'article D. 231-2 du code des relations entre le public et l'administration, la demande de renouvellement de l'agrément prévu par l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique n'est pas au nombre des décisions pour lesquelles le silence de l'administration vaut acceptation ; qu'en retenant, pour écarter tout acte de concurrence déloyale de l'association [3] entre le 10 août 2016 et le 8 décembre suivant, que cette dernière pouvait se prévaloir, à compter du 30 août 2016, d'une décision implicite d'acceptation en raison du silence gardé par l'autorité compétente sur sa demande de renouvellement de son agrément et que la société LMCEF "n'invoqua[it] pas utilement le fait que l'article D. 231-2 ne vise que les décisions d'agrément et non-renouvellement des organismes de formation des débitants de boissons", cependant que la demande de renouvellement formée par l'association [3] ne pouvait faire l'objet d'aucune décision implicite d'acceptation, la cour d'appel a violé les articles L. 231-1 et D. 231-2 du code des relations entre le public et l'administration, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, que, sauf exception expressément prévue par un texte, le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. 5. Aux termes de l'article D. 231-2 du même code, la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise. 6. Cette liste, de nature réglementaire, n'est donnée, au regard de la généralité du principe énoncé par l'article L. 231-1 du code précité, qu'à titre indicatif. 7. Il s'en déduit que la circonstance que la demande de renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ne figure pas sur cette liste ne suffit pas à écarter le principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Le moins cher en formation aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le moins cher en formation et la condamne à payer à l'association [3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | LOIS ET REGLEMENTS - Acte administratif - Principe selon lequel le silence vaut administration - Liste des procédures publiée sur le site internet relevant du premier ministre - Portée | CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Violation de dispositions légales - Renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique - Principe selon lequel le silence vaut acceptation | Il résulte de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, que, sauf exception expressément prévue par un texte, le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre, tel que prévu par l'article D. 231-2 du même code. Cette liste est de nature réglementaire, et n'est donnée, au regard de la généralité du principe énoncé par l'article L. 231-1 du code précité, qu'à titre indicatif. Il s'en déduit que la circonstance que la demande de renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ne figure pas sur cette liste ne suffit pas à écarter le principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation |
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JURITEXT000048430218 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430218.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-10.818, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 42300731 | Rejet | 22-10818 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-11-25 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00731 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 731 F-B Pourvoi n° P 22-10.818 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ La société Demax, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ la société [K] [I] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [K] [I] agissant en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Demax, 3°/ la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [W] [C], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, ont formé le pourvoi n° P 22-10.818 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige les opposant à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Demax et des sociétés [K] [I] et associés, ès qualités, et BTSG², ès qualités, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Texier, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à M. [I], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Demax, et à la société BTSG², prise en la personne de M. [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, de leurs reprises d'instance successives. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2021) et les productions, le 16 novembre 2013, la société Demax, qui exploite un centre de traitement de véhicules hors d'usage, a conclu avec la société Allianz IARD (la société Allianz) un contrat de récupération des véhicules hors d'usage. 3. Le 18 novembre 2016, la société Allianz a résilié le contrat pour manquement de la société Demax à ses obligations contractuelles et légales puis l'a assignée en paiement de diverses sommes et en restitution de véhicules. 4. Soutenant que la rupture était abusive et que le contrat comportait un déséquilibre significatif à son détriment, la société Demax a reconventionnellement demandé à la cour d'appel de saisir pour avis la Commission d'examen des pratiques commerciales et de surseoir à statuer dans l'attente de cet avis et, à défaut, d'indemniser les préjudices qu'elle a subis. 5. Par un jugement du 29 janvier 2019, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Demax, M. [I] et la société BTSG² étant désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires. 6. Par un jugement du 25 janvier 2022, la résolution du plan de sauvegarde de la société Demax a été prononcée et celle-ci a été mise en redressement judiciaire, puis, par un jugement du 31 janvier 2023, en liquidation judiciaire, la société BTSG², prise en la personne de M. [C], étant désignée liquidateur judiciaire. Examen des moyens Sur les troisième et quatrième moyens 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande de sursis à statuer dans l'attente de l'avis de la commission d'examen des pratiques commerciales, alors : « 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens invoqués par les parties, tels qu'ils figurent dans leurs dernières conclusions ; qu'en l'espèce, les exposants demandaient à la cour d'appel de "saisir la Commission d'examen des pratiques commerciales pour avis sur les pratiques commerciales entre la Compagnie ALLIANZ et la SARL Demax et l'existence d'un déséquilibre significatif susceptible d'engager la responsabilité du cocontractant ainsi qu'invoqué par la SARL Demax aux termes de son courrier à la CEPC et des présentes conclusions", et "en conséquence, surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales" ; que la cour d'appel a énoncé, sur la demande de sursis à statuer que la demande de sursis à statuer constituait une exception de procédure, et que la société Demax n'ayant pas soulevé cette exception avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, celle-ci était irrecevable en application des dispositions des articles 73 et 74 du code de procédure civile ; qu'en statuant de la sorte, quand les exposants ne demandaient pas à la cour d'appel de surseoir à statuer, mais de saisir elle-même la Commission d'examen des pratiques commerciales, ainsi que le lui permettait l'article L. 440-1 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que la Commission d'examen des pratiques commerciales peut être saisie pour avis par la juridiction sur des pratiques restrictives de concurrence ou d'autres pratiques prohibées, relevées dans une affaire dont elle est saisie ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si en l'état des contestations émises par la société Demax sur la licéité de certaines pratiques de la société Allianz IARD, il ne convenait pas de saisir pour avis la Commission d'examen des pratiques commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 440-1, IV, du code de commerce. » Réponse de la Cour 9. Il résulte de l'article L. 440-1, IV, du code de commerce que la faculté de saisir la commission d'examen des pratiques commerciales est laissée à l'appréciation discrétionnaire des juges du fond. 10. En rejetant la demande de la société Demax d'indemnisation pour rupture abusive, l'arrêt a implicitement mais nécessairement rejeté la demande de saisine de la commission d'examen des pratiques commerciales. 11. Par conséquent, les sociétés Demax et BTSG², ès qualités, sont sans intérêt à critiquer l'arrêt qui n'a pas sursis à statuer, une telle mesure étant sans objet dès lors que la commission d'examen des pratiques commerciales n'avait pas été saisie. 12. Irrecevable en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli dans sa seconde. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 13. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Demax à restituer à la société Allianz l'intégralité des véhicules sous astreinte, à l'exception des véhicules [Immatriculation 6], [Immatriculation 5], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 4] déjà repris par la société Allianz IARD, et en ce qu'il a rejeté les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, et après avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Demax au paiement de diverses sommes, de fixer la créance de la société Allianz au passif de la procédure collective de la société Demax à la somme de 47 216,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2017, d'ordonner la capitalisation des intérêts échus à compter du 20 janvier 2018, de dire que le cours des intérêts est arrêté au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 29 janvier 2019, de rejeter les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, de la société BTSG², en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société Demax, et de la société [K] [I] et associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Demax, alors « qu'est nulle l'obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 3.1.1.1. du contrat conclu le 16 mai 2013 entre la société Demax et la société Allianz IARD stipulait que certains véhicules "dont la valeur de remplacement à dire d'expert (VRADE) est inférieure à 25 000 euros, et à 5 000 euros pour ceux qui sont techniquement non réparables, sont systématiquement cédés au récupérateur selon les conditions tarifaires fixées au contrat", l'article 3.1.1.2 disposant que "les véhicules sinistrés entrant dans le champ d'application du contrat tel que défini à l'article 3.1.1, mais qui ne font pas partie de l'une des sept catégories définies à l'article 3.1.1.1, seront vendus selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur" ; qu'en retenant, pour dire que cette seconde clause n'était pas potestative, que le "processus" de cession qui y était mentionné "explicit[ait] la mention relative à l'appel d'offres" et que les conditions tarifaires dépendant de l'état de la valeur des véhicules, quand la détermination des modalités et des conditions de l'appel d'offres en vue de la cession des véhicules visés à cet article dépendait du seul bon vouloir de la société Allianz IARD, de sorte que cette clause était purement potestative, la cour d'appel a violé les articles 1170 et 1174, devenu 1304-2, du code civil. » Réponse de la Cour 14. Après avoir relevé que le contrat prévoyait que certains véhicules étaient systématiquement cédés au récupérateur, selon les conditions tarifaires fixées au contrat, et que d'autres feraient l'objet d'un appel d'offre auquel le récupérateur pourrait participer, « selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur », l'arrêt retient que le terme « processus », employé à l'article 3.1.1.2, explicite la mention relative à l'appel d'offre, et ajoute que les conditions tarifaires dépendent de l'état et de la valeur des véhicules. 15. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la clause relative à cette seconde catégorie de véhicules n'était pas potestative. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Demax, M. [I], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Demax, et la société BTSG², en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Commission d'examen des pratiques commerciales - Saisine - Appréciation discrétionnaire des juges du fond | POUVOIRS DES JUGES - Pouvoir discrétionnaire - Cas - Saisine de la commission d'examen des pratiques commerciales | Il résulte de l'article L.440-1, IV, du code de commerce que la faculté de saisir la commission d'examen des pratiques commerciales est laissée à l'appréciation discrétionnaire des juges du fond |
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JURITEXT000048430227 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430227.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-13.695, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 42300732 | Cassation | 22-13695 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-04 | Tribunal judiciaire de Rennes | M. Vigneau | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00732 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 732 F-B Pourvoi n° R 22-13.695 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société publique locale de développement touristique du Cotentin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-13.695 contre le jugement rendu le 4 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Rennes, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cartel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], dénomination commerciale Cartelmatic, 2°/ à la société Kalkin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La société Cartel a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société publique locale de développement touristique du Cotentin, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Cartel, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rennes, 4 mars 2022), rendu selon la procédure accélérée au fond, le 26 juillet 2021, la société publique locale de développement touristique du Cotentin (la SPL de développement touristique du Cotentin) a engagé, selon la procédure adaptée prévue à l'article R. 2123-1,1°, du code de la commande publique, une consultation portant sur la fourniture, l'installation, la mise en service et la maintenance de bornes tactiles extérieures sur les sites et équipements de l'office du tourisme du Cotentin. 2. Par lettre du 14 octobre 2021, elle a informé la société Cartel du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Kalkin. 3. Soutenant que la société Kalkin, qui avait précédemment fourni à la SPL de développement touristique du Cotentin des tables tactiles intérieures intégrant une solution cartographique 3D développée par elle, avait, de ce fait, bénéficié d'un avantage financier dans la présentation de son offre, la société Cartel l'a assignée, ainsi que la SPL de développement touristique du Cotentin, devant le président du tribunal judiciaire en demandant, sur le fondement des articles 2 à 4 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, l'annulation de la procédure de mise en concurrence. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. La SPL de développement touristique du Cotentin fait grief au jugement d'annuler sa décision du 14 octobre 2021 portant attribution à la société Kalkin de son marché de services relatif à la fourniture, l'installation, la mise en service et la maintenance de bornes tactiles extérieures sur les sites et équipements de l'office de tourisme du Cotentin, de lui enjoindre, si elle entend conclure ce marché, de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres en se conformant à ses obligations de mise en concurrence et de la condamner à payer à la société Cartel une indemnité de 3 000 euros, alors « que le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur, si bien qu'en annulant la procédure de mise en concurrence du marché de fourniture, d'installation, de mise en service et de maintenance de bornes tactiles mis en concurrence par la SPL de développement touristique du Cotentin au seul motif que la société Kalkin était titulaire des droits sur une solution logicielle cartographique pouvant répondre aux besoins de l'acheteur, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3, L. 2141-8 et R. 2111-2 du code de la commande publique. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. La société Cartel conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la SPL de développement touristique du Cotentin n'a pas invoqué devant le délégué du président le principe en vertu duquel le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur. 6. Cependant, la SPL de développement touristique du Cotentin a précisé, dans ses conclusions devant le délégué du président, que les documents de l'appel à concurrence n'imposaient aucune solution spécifique pour y répondre, ce dont il se déduit qu'elle a, de façon corollaire, invoqué le moyen selon lequel la détention d'une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas, dans ces circonstances, un avantage indu. 7. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 3 du code de la commande publique : 8. Selon ce texte, les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en oeuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. 9. Le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu, dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur. 10. Pour annuler la décision de la SPL de développement touristique du Cotentin du 14 octobre 2021 portant attribution à la société Kalkin de son marché de services relatif à la fourniture, l'installation, la mise en service et la maintenance de bornes tactiles extérieures sur les sites et équipements de l'office du tourisme du Cotentin, et lui enjoindre, si elle entend conclure ce marché, de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres en se conformant à ses obligations de mise en concurrence, le jugement, après avoir relevé que la SPL de développement touristique du Cotentin ne débat pas de la réalité des prestations intellectuelles, et donc de leur importance et de leur coût, auxquelles il appartiendrait au candidat retenu, quel qu'il soit, d'adapter une solution logicielle cartographique aux besoins de l'acheteur public, en déduit qu'elle ne conteste pas la nécessité de ces prestations intellectuelles. 11. Le jugement relève ensuite que le devis réalisé pour le premier marché relatif aux bornes tactiles intérieures comporte pour l'outil logiciel inclus dans ces bornes, une présentation en deux parties, la première, relative au coût de la mise à disposition de la licence « Kalkin tourisme » et de son adaptation aux besoins exprimés par l'acheteur public et la seconde, relative au coût unitaire de la « déclinaison de la licence initialement acquise par poste supplémentaire du territoire ». 12. Après avoir encore constaté que le montant de ces coûts, de même que ceux relatifs à l'offre présentée pour le marché contesté, n'était communiqué ni par la société Kalkin ni par la SPL de développement touristique du Cotentin, le jugement retient que, dans la mesure où celle ci ne contestait pas la nécessité de prestations intellectuelles d'adaptation d'une solution logicielle cartographique au besoin de son utilisateur, il doit être jugé que l'attributaire a bénéficié d'un avantage concurrentiel en raison de son expérience passée. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi le seul fait pour la société déclarée attributaire d'avoir précédemment, à l'occasion d'un autre marché ayant pour objet d'autres prestations que celles recherchées, mis à disposition de l'acheteur une solution comportant un logiciel cartographique, dont l'élaboration relevait de ses seuls mérites, constituait un avantage indu faussant l'égalité entre les candidats de ce nouveau marché, le président du tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et sur le pourvoi incident, qui est éventuel, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 mars 2022, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant la juridiction du président du tribunal judiciaire de Rennes autrement composée ; Condamne la société Cartel aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cartel et la condamne à payer à la société publique locale de développement touristique du Cotentin la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | MARCHE PUBLIC | ||||||||||
JURITEXT000048430229 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430229.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2023, 22-13.374, Publié au bulletin | 2023-11-14 00:00:00 | Cour de cassation | 42300809 | Cassation partielle | 22-13374 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-12 | Cour d'appel de Toulouse | M. Vigneau (président) | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00809 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 809 F-B Pourvoi n° S 22-13.374 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023 La société La Maison de la peinture et du papier peint, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-13.374 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [B], domicilié [Adresse 4], 2°/ à la société Partner, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ à la société Mazars, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la société Fid Sud audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société La Maison de la peinture et du papier peint, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Partner et Mazars, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [B] et de la société Fid Sud audit, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 janvier 2022), la société Maison de la peinture et du papier peint (la société MPPP) avait pour expert-comptable la société Mazars, puis la société Michel Vaux & associés audit et conseil, aux droits de laquelle vient la société Partner. Elle avait pour commissaire aux comptes la société Fid Sud audit, dont l'un des associés, M. [B], était signataire des rapports certifiant les comptes. 2. A la suite de la révélation d'anomalies comptables et de détournements effectués par la comptable salariée de la société MPPP, notamment en procédant à des écritures fictives sur le compte ouvert au nom d'un fournisseur, la société Romus, la société MPPP a assigné ses experts-comptables et commissaire aux comptes en responsabilité. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le troisième moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. La société MPPP fait grief à l'arrêt de rejeter son action en responsabilité formée à l'encontre de la société Fid Sud audit et de [E] [B] et de rejeter le surplus de ses demandes, fins et prétentions, alors « que le commissaire aux comptes est investi d'une mission permanente de contrôle ; qu'en considérant que le commissaire aux comptes n'avait pas à vérifier l'exactitude des états de rapprochement bancaire "à tout moment de l'exercice contrôlé", mais qu'il devait attester de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances des états de rapprochement bancaire "en fin d'exercice", la cour d'appel a violé les articles L. 823-10 et L. 823-13 du code de commerce, ensemble l'article L. 822-17 du même code. » Réponse de la Cour 5. Le commissaire aux comptes, s'il doit avoir accès à toute époque de l'année à toutes les pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission, et notamment aux contrats, livres et documents comptables afin de procéder aux vérifications et contrôles qu'il juge opportuns, n'est pas pour autant tenu de vérifier, à tout moment de l'exercice contrôlé, l'exactitude de ces éléments. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; que la cour d'appel a, par motifs propres, admis l'existence d'"écarts de l'ERB" en juillet 2012 ; qu'en retenant cependant, par motifs expressément adoptés, que l'état des rapprochements bancaires (ERB) était équilibré et qu'il existait une concordance entre la comptabilité de la société et les comptes bancaires, la cour d'appel, (qui) a statué par des motifs contradictoires, a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel, ayant, par motifs adoptés, constaté de manière générale que l'état des rapprochements bancaires était équilibré et, par motif propres, retenu que les états de rapprochements bancaires en fin d'exercice n'avaient pas amené à découvrir d'anomalies ou d'irrégularités tout au long de la période, a pu, par des motifs exempts de contradiction, retenir que le commissaire aux comptes avait, sans manquer à ses obligations, attesté de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances de ces états de rapprochement bancaires en fin d'exercice, nonobstant le constat fait par ailleurs que l'état de rapprochements bancaires de juillet 2012 présentait des écarts. 9. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause ces constatations et appréciations souveraines, n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 10. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que les commissaires aux comptes exercent leur mission conformément aux normes internationales d'audit adoptées par la Commission de l'Union européenne dans les conditions définies par la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 et, en l'absence de telles normes, conformément aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes ; que la norme d'exercice professionnel 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, prévoit une procédure particulière en cas d'opposition de la part de la société contrôlée aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, prévoyant notamment d'examiner "si ce refus se fonde sur des motifs valables" et de collecter "sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés", outre la mise en oeuvre de procédures d'audit alternatives ou l'établissement d'un rapport ; qu'en se bornant à retenir que le commissaire aux comptes n'avait pas commis de négligence ou de faute, sans constater qu'il avait procédé, face à l'opposition de la comptable sur la circularisation du fournisseur Romus, à la procédure particulière prévue par la norme d'exercice professionnelle 505, comportement attendu d'un professionnel diligent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008, ensemble l'article L. 822-17 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016, et L. 822-17 du même code : 11. Il résulte du premier de ces textes qu'en l'absence de norme internationale d'audit adoptée par la Commission de l'Union européenne, les commissaires aux comptes se conforment aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes. 12. Aux termes du second, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne ou de l'entité contrôlée que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions. 13. Il résulte de la norme d'exercice professionnel n° 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, que le commissaire aux comptes a la maîtrise de la sélection des tiers à qui il souhaite adresser les demandes de confirmation, que si la direction de l'entité s'oppose aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, il examine si ce refus se fonde sur des motifs valables et collecte sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés, que s'il considère que le refus de la direction est fondé, le commissaire aux comptes met en oeuvre des procédures d'audit alternatives afin d'obtenir les éléments suffisants et appropriés sur le ou les points concernés par les demandes, tandis que s'il considère que le refus de la direction n'est pas fondé, il en tire les conséquences éventuelles dans son rapport. 14. S'analyse comme une opposition de la direction de l'entité, au sens de cette norme, toute déclaration ou tout comportement susceptible de conduire le commissaire aux comptes à ne pas adresser une demande de confirmation à un tiers qu'il avait sélectionné. 15. Pour rejeter la demande de la société MPPP, l'arrêt énonce que le fait de ne pas avoir vérifié auprès de la société Romus la réalité des opérations effectués sur le compte ouvert à son nom ne caractérise pas un défaut de diligence avéré dès lors qu'aucun élément ne permettait de cibler ce fournisseur très peu significatif et ne révélant aucune anomalie manifeste. Il ajoute que ce fournisseur était présenté mensongèrement par la comptable indélicate, comme une société du groupe auquel appartient la société MPPP et que la sophistication du stratagème des détournements mis en place depuis des années ne permettait pas de le déceler par le seul contrôle normal du commissaire aux comptes. 16. En se déterminant ainsi, sans chercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le commissaire aux comptes s'était conformé à la norme d'exercice professionnel susvisée, cependant qu'elle avait constaté que le commissaire aux comptes, bien qu'ayant prévu de procéder à la vérification auprès de la société Romus de la réalité des opérations effectuées sur le compte ouvert à son nom, s'en était abstenu après que la comptable salariée de la société MPPP lui avait mensongèrement indiqué que ce fournisseur faisait partie du même groupe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause 17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés Mazars et Partner, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : MET hors de cause les sociétés Mazars et Partner ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes présentées par la société MPPP contre la société Fid Sud audit et M. [B], l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société Fid Sud audit et M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maison de la peinture et du papier peint et la condamne à payer aux sociétés Mazars et Partner la somme globale de 3 000 euros ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fid Sud audit et M. [B] et les condamne à payer à la société Maison de la peinture et du papier peint la somme globale de 3 000 euros ; Dit que, sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. | EXPERT-COMPTABLE ET COMPTABLE AGREE | ||||||||||
JURITEXT000048430231 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430231.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2023, 21-19.146, Publié au bulletin | 2023-11-14 00:00:00 | Cour de cassation | 42300818 | Rejet | 21-19146 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-04-15 | Cour d'appel de Douai | M. Vigneau (président) | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00818 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 818 F-B Pourvoi n° V 21-19.146 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023 M. [R] [N], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 21-19.146 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 2], 3°/ à la société MJS Partners, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [U] [M], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Artois matériel, défendeurs à la cassation. M. [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [G] et [H], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société MJS Partners, ès qualités, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 avril 2021), après avoir sollicité de M. [H], notaire, l'évaluation d'un immeuble lui appartenant, la société civile immobilière du [Adresse 5] (la SCI), représentée par son gérant, M. [N], a, par acte du 29 novembre 2004 dressé par M. [G], notaire, vendu ce bien à la société par actions simplifiée Artois matériel, également représentée par M. [N], son dirigeant. 2. Contestant l'évaluation faite par M. [H] et invoquant des manoeuvres dolosives commises par M. [N] lors de la vente de l'immeuble, la société Bernard et [U] [M], liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, a assigné MM. [N] et [H] en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. Examen des moyens Sur le second moyen du pourvoi principal et sur les premier et second moyens du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, de le condamner, in solidum avec M. [H], à payer à M [M], de la société Bernard et [U] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 719 000 euros au titre de la réparation du préjudice lié à la surévaluation de l'ensemble immobilier et de dire que la contribution à la dette incombe à M. [N] à hauteur de 75 % et à M. [H] à hauteur de 25 %, alors « que l'action exercée contre le gérant d'une SARL auquel est reproché d'avoir commis une faute séparable de ses fonctions ou un dol est soumise à la prescription triennale de l'article L. 223-23 du code de commerce ; que la cour d'appel a constaté que M. [N] était à la fois dirigeant de la société venderesse et de la société acheteuse et qu'il avait à ce titre accompli des manoeuvres dolosives ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en responsabilité exercée à l'encontre de M. [N], que l'action était fondée sur la responsabilité délictuelle de l'article 1382 ancien du code civil et était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil et, par refus d'application, l'article L. 223-23 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 1850 du code civil que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société civile ne peut être retenue à l'égard d'un tiers que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions. 6. Après avoir relevé que les consentements réciproques des deux sociétés contractantes, toutes deux représentées par M. [N], leur dirigeant, ne pouvaient s'exprimer que par l'intermédiaire de ce dernier, l'arrêt retient qu'en prenant la décision de vendre un immeuble à la société Artois matériel à un prix dont il savait qu'il excédait très largement celui du marché, M. [N] a commis une faute dolosive engageant sa responsabilité civile envers cette société. 7. Ayant fait ainsi ressortir que M. [N] avait commis une faute séparable de ses fonctions de gérant de la SCI, venderesse, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'action en responsabilité délictuelle exercée à son encontre par le liquidateur judiciaire de la société Artois matériel était soumise, en l'absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois principal et incident ; Condamne MM. [N] et [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. [N] et [H], condamne chacun d'eux à payer à la société MJS Partners, prise en la personne de M. [U] [M], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 2 000 euros et condamne M. [N] à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE | ||||||||||
JURITEXT000048176061 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/60/JURITEXT000048176061.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 3 octobre 2023, 23-80.251, Publié au bulletin | 2023-10-03 00:00:00 | Cour de cassation | C2301078 | Cassation | 23-80251 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-11-18 | Président de la Chambre de l'Instruction de Rouen | M. Bonnal | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01078 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 23-80.251 F-B N° 01078 ODVS 3 OCTOBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 3 OCTOBRE 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Rouen, Mme [O] [C] et le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Rouen ont formé des pourvois contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 18 novembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre M. [Z] [R] des chefs de propositions sexuelles faites à un mineur de quinze ans par un majeur en utilisant un moyen de communication électronique, harcèlement et corruption sexuels aggravés, a prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie effectuée dans le cabinet d'un avocat. Par ordonnance du 27 mars 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois, prescrit l'examen immédiat du pourvoi formé par le procureur général et ordonné la transmission des pourvois formés par Mme [C] et le bâtonnier de l'ordre des avocats à la chambre criminelle, compétente pour statuer. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O] [C] et du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Rouen, les observations du procureur général près la cour d'appel de Rouen et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Lors d'une enquête préliminaire ouverte des chefs susvisés et mettant en cause M. [Z] [R], le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 3 novembre 2022, autorisé une perquisition au domicile des parents de l'intéressé chez lesquels il réside lorsqu'il se trouve sur le territoire national, Mme [O] [C], sa mère, ayant la qualité d'avocate. 3. Au cours de la perquisition, effectuée le 8 novembre suivant par le substitut du procureur de la République, la représentante du bâtonnier de l'ordre des avocats a formé opposition à la saisie de divers matériels informatiques, qui ont été placés sous six scellés fermés. 4. Par ordonnance du 14 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a déclaré irrecevables les oppositions à la saisie d'autres matériels informatiques formées par la représentante du bâtonnier lors de son audience, dit n'y avoir lieu à la saisie des scellés n° 1, 2 et 3, ordonné leur restitution immédiate et la cancellation de toute référence à ces objets ou à leur contenu dans le dossier de la procédure, dit que la saisie des scellés n° 4, 5 et 6 est régulière, ordonné le versement de ces scellés et du procès-verbal des opérations au dossier de la procédure, avec cancellation des éléments relatifs aux scellés dont la restitution a été ordonnée, et dit n'y avoir lieu à la désignation d'un expert. 5. Par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction, Mme [C] et le bâtonnier de l'ordre des avocats ont chacun formé un recours contre cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen du procureur général Enoncé du moyen 6. Le moyen, pris de la violation de l'article 56-1 du code de procédure pénale, critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a estimé recevables les recours de Mme [C] et du bâtonnier de l'ordre des avocats effectués par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction, alors que ces recours ne pouvaient qu'être enregistrés au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, en l'espèce le greffe du juge des libertés et de la détention, afin de garantir l'information immédiate du procureur de la République qui diligente l'enquête, et, par suite, le caractère suspensif de tels recours. Réponse de la Cour 7. Ni l'article 56-1 du code de procédure pénale ni aucune autre disposition du code de procédure pénale ne prévoyant la forme du recours ouvert contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant en matière de contestation de saisie effectuée au cabinet d'un avocat ou à son domicile, un tel recours pouvait être effectué par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction tout autant que par déclaration d'appel au greffe du premier juge. 8. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur les deuxième et troisième moyens du procureur général et sur le moyen proposé pour Mme [C] et le bâtonnier de l'ordre des avocats Enoncé des moyens 9. Le deuxième moyen proposé par le procureur général, pris de la violation de l'article 56-1 du code de procédure pénale, critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a estimé ne pas pouvoir faire droit à une demande de réformation partielle et considéré que le président de la chambre de l'instruction est seulement saisi d'un recours sur le caractère exécutoire de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, alors qu'il revient au président de la chambre de l'instruction de statuer sur la contestation de saisie, selon une procédure qui, identique à celle prévue devant le juge des libertés et de la détention, corrobore le caractère dévolutif du recours sur la totalité de la contestation et que, bien que saisi du seul recours de Mme [C] et du bâtonnier de l'ordre des avocats, le président de la chambre de l'instruction devait se considérer comme saisi de la totalité de la contestation portant initialement sur six scellés et non pas seulement sur les trois scellés dont la restitution n'avait pas été ordonnée par le juge des libertés et de la détention, le recours d'une seule partie suffisant, en l'absence d'un mécanisme de « recours incident », pour que la totalité de la décision soit soumise à l'appréciation de ce magistrat. 10. Le troisième moyen proposé par le procureur général, également pris de la violation de l'article 56-1 du code de procédure pénale, critique l'ordonnance attaquée en ce que, ordonnant la mise à exécution de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, elle a, ce faisant, dit n'y avoir lieu au maintien de la saisie des scellés n° 1, 2 et 3, sans censurer le juge des libertés et de la détention en ce qu'il a considéré que ces trois scellés ressortaient en apparence de l'activité professionnelle de l'avocat, alors que durant l'enquête préliminaire, la question de l'exploitation des documents saisis et placés sous scellés, d'une part, ne peut être soumise à la chambre de l'instruction faute de cadre le permettant, d'autre part, ne saurait attendre l'éventuel examen d'une juridiction de jugement dont la saisine demeure hypothétique à ce stade et que ni le président de la chambre de l'instruction ni le juge des libertés et de la détention ne sauraient, sans méconnaître les pouvoirs propres du ministère public, se substituer à l'appréciation en opportunité du parquet et ordonner la restitution de supports informatiques sans que ceux-ci n'aient été ouverts et consultés pour vérifier l'absence de données illicites, alors que leur exploitation sur place était matériellement impossible, qu'il n'était pas démontré que ces supports numériques contenaient effectivement des documents relevant de l'exercice des droits de la défense et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil et que le magistrat du parquet avait veillé à ce que les investigations ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d'avocat, les scellés en cause ne correspondant qu'à des copies de sauvegarde non nécessaires à l'exercice quotidien de cette profession. 11. Le moyen proposé pour Mme [C] et le bâtonnier de l'ordre des avocats critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 14 novembre 2022 soit mise à exécution, alors : « 1°/ que le recours formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation d'une perquisition réalisée au domicile d'un avocat devant le président de la chambre de l'instruction, sur fondement de l'article 56-1 alinéa 8 du code de procédure pénale, est assorti de l'effet dévolutif et l'oblige à statuer à nouveau en fait et en droit sur cette contestation ; qu'en jugeant, pour ordonner la « mise à exécution » de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention contre laquelle les exposants formaient un recours sur le fondement de ce texte, que ce recours n'était pas assorti de l'effet dévolutif, portant uniquement sur « le caractère exécutoire » de l'ordonnance, qu'il ne l'« autoris(ait) » pas à examiner la régularité de la perquisition contestée, ni la régularité de cette ordonnance qu'il ne pouvait réformer, ni ne lui permettait de statuer sur les demandes de restitution formées par les exposants, de sorte que leur demande d'expertise était sans objet, cependant qu'il lui appartenait de statuer, à nouveau, en fait et en droit sur la contestation des exposants, qu'il pouvait réformer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, ordonner la restitution de scellés ou une expertise, le président de la chambre de l'instruction a commis un excès de pouvoir négatif, en violation de l'article 56-1 du code de procédure pénale et des articles 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ qu'en toute hypothèse, il appartient au juge des libertés et de la détention, saisi d'une contestation en ce sens, de contrôler la motivation de la décision écrite du magistrat autorisant la perquisition qui doit indiquer la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci ; qu'en ordonnant la mise à exécution de l'ordonnance du 14 novembre 2021, cependant que le juge des libertés et de la détention avait refusé de statuer sur le caractère suffisamment motivé de la décision ayant autorisé la perquisition, car il n'aurait pu « statuer lui-même sur la régularité de sa propre décision », cependant que, s'il en était l'auteur, il lui appartenait de se récuser et de surseoir à statuer jusqu'à la désignation d'un autre magistrat, le président de la chambre de l'instruction a, lui-même, commis un excès de pouvoir négatif, en violation de l'article 56-1 du code de procédure pénale et des articles 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ qu'en toute hypothèse, la saisie d'autres objets ou documents que ceux placés sous scellé lors des opérations de perquisition au domicile d'un second à la demande du bâtonnier peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention ; qu'en ordonnant la mise à exécution de l'ordonnance du 14 novembre 2021, cependant que le juge des libertés et de la détention avait déclaré irrecevable l'opposition du bâtonnier et de Me [C] à la saisie de quatre disques durs, car, formulée lors de l'audition, cette opposition ne l'aurait pas été « dans les formes prévues par le code pénal », ne permettant pas leur « placement sous scellé fermé et (leur) inventaire dans un procès-verbal distinct », quand cette contestation était recevable, le président de la chambre de l'instruction a, lui-même, commis un excès de pouvoir négatif, en violation de l'article 56-1 du code de procédure pénale et des articles 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ qu'en toute hypothèse, il appartient au juge des libertés et de la détention, fût-ce en recourant lui-même à la mesure technique envisagée, de prendre personnellement connaissance du contenu des supports informatiques saisis et de décider s'ils sont ou non couverts par le secret professionnel de l'avocat et doivent être restitués ou versés dans le dossier de la procédure ; qu'en ordonnant la mise à exécution de l'ordonnance du 14 novembre 2021, cependant que le juge des libertés et de la détention s'était limité, pour juger régulières les saisies des scellés n° 4 à 6, à des considérations sur l'emplacement des disques durs (sous le lit ou sur le bureau du mis en cause) et leur aspect extérieur (l'absence d'étiquette les reliant à l'activité d'avocat de Me [C]), desquelles il se serait déduit qu'ils pourraient être le support d'indices en lien avec les infractions objet de l'enquête, refusant, ainsi, de prendre personnellement connaissance de leur contenu pour s'assurer qu'il n'y avait pas de données couvertes par le secret professionnel, fût-ce en recourant à une expertise que les exposants sollicitaient à titre subsidiaire, le président de la chambre de l'instruction a, lui-même, commis un excès de pouvoir négatif, en violation de l'article 56-1 du code de procédure pénale et des articles 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 12. Les moyens sont réunis. Vu l'article 56-1 du code de procédure pénale : 13. Selon ce texte, la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur l'opposition du bâtonnier ou de son délégué à la saisie d'un document ou objet à l'occasion d'une perquisition dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile peut faire l'objet d'un recours suspensif devant le président de la chambre de l'instruction. Il en résulte que celui-ci statue alors à nouveau en fait et en droit sur la contestation. 14. Pour ordonner la mise à exécution de la décision du juge des libertés et de la détention, l'ordonnance attaquée énonce qu'il résulte de l'article 56-1 du code de procédure pénale que le recours devant le président de la chambre de l'instruction ne vise qu'à faire obstacle au versement immédiat des pièces dont la saisie a été autorisée par le juge des libertés et de la détention, et que ce recours ne saurait se substituer à un appel dont l'effet dévolutif autoriserait tant l'examen de la régularité des opérations de perquisition et de la décision déférée que celui des demandes en restitution d'objets saisis. 15. Le juge ajoute qu'il ne saurait, sans excès de pouvoir, réformer, même partiellement, l'ordonnance attaquée, si bien que le recours à une expertise se révèle sans objet à ce stade. 16. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'instruction, qui devait répondre aux demandes et moyens de l'avocat concerné et du bâtonnier ainsi qu'aux réquisitions du procureur général, et qui a ordonné la mise à exécution d'une décision dont il a pourtant refusé de contrôler la régularité, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 17. La cassation est dès lors encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 18 novembre 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille vingt-trois. | AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition effectuée dans son cabinet - Saisie de documents - Opposition du bâtonnier - Juge des libertés et de la détention - Recours devant le président de la chambre de l'instruction - Forme et effets - Détermination | Ni l'article 56-1 du code de procédure pénale ni aucune autre disposition de procédure pénale ne prévoyant la forme du recours ouvert contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant en matière de contestation de saisie réalisée au cabinet d'un avocat ou à son domicile, un tel recours peut être effectué par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction tout autant que par déclaration d'appel au greffe du premier juge. Il résulte de ce même texte que, saisi d'un tel recours, le président de la chambre de l'instruction statue à nouveau en fait et en droit sur la contestation. Encourt en conséquence la censure l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction qui énonce que le recours ouvert devant lui ne vise qu'à faire obstacle au versement immédiat des pièces dont la saisie a été autorisée par le juge des libertés et de la détention et ne saurait se substituer à un appel |
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JURITEXT000048211070 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/21/10/JURITEXT000048211070.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 octobre 2023, 23-80.819, Publié au bulletin | 2023-10-11 00:00:00 | Cour de cassation | C2301149 | Cassation partielle | 23-80819 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-31 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen | M. Bonnal | SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01149 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 23-80.819 F-B N° 01149 GM 11 OCTOBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2023 M. [J] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 31 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'escroquerie, travail dissimulé, en bande organisée, obtention d'un paiement avant le septième jour, pratique commerciale trompeuse, abus de faiblesse, blanchiment, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 3 avril 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [J] [R], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [J] [R] a été mis en examen notamment des chefs susvisés. 3. Il a présenté une requête en nullité portant sur les opérations de perquisition diligentées dans les locaux de la société [1] et sur son interrogatoire de première comparution. Examen des moyens Sur le second moyen 4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit l'exposant irrecevable à soulever un moyen de nullité relatif à la perquisition réalisée dans les locaux de la société [1] et dit n'y avoir lieu à annulation d'aucun acte ou pièce de la procédure, alors : « 1°/ d'une part que si les enquêteurs peuvent, lors des perquisitions qu'ils diligentent, s'il y a lieu de procéder à des constatations ou examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées, c'est à la condition que les pièces de la procédure doivent établir que celles-ci sont inscrites sur l'une des listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale ou, à défaut, qu'elles ont prêté serment dans les conditions prévues à l'article 60 dudit code ; que le moyen de nullité tiré de l'absence de serment du tiers requis touche à l'authenticité des éléments de preuve, de sorte qu'il constitue un moyen d'ordre public pouvant être invoqués par quiconque y a intérêt ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont été assistés, au cours de la perquisition des locaux de la société [1], par MM. [I] et [T], « inspecteurs de la concurrence, consommation et répression des fraudes », qui intervenaient hors de leur champs de compétence en qualité de simples personnes qualifiées requises, au sens des articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale ; qu'ainsi que le faisait valoir la défense, aucune de ces deux personnes, pourtant non-inscrites sur les listes d'experts de l'article 157 du code de procédure pénale, n'a, ainsi que l'impose l'article 60 du même code, prêté « par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience » ; qu'en se bornant, pour déclarer M. [R] irrecevable à agir contre ces mesures, à énoncer qu' « à supposer établies les irrégularités invoquées, seul [H] [W], ès qualité de représentant légal de la société [1], avait qualité pour s'en prévaloir », quand les irrégularités invoquées par l'exposant constituaient des moyens d'ordre public, touchant à l'authentification des éléments de preuve, et pouvant à ce titre être invoquées par quiconque y a un intérêt, la chambre de l'instruction a violé les articles 60, 77-1, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale : 6. Il résulte de ces textes que si les officiers de police judiciaire, lors d'une enquête préliminaire, ont recours, lors de perquisitions et de saisies, à des personnes qualifiées pour les assister, celles-ci, si elles ne sont pas inscrites sur une liste d'experts, doivent prêter, par écrit, le serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. 7. Cette formalité est édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve. 8. Pour déclarer irrecevable l'exception de nullité de la perquisition des locaux de la société [1] le 4 juillet 2019 à [Localité 2], prise de l'absence de prestation de serment des deux inspecteurs de la concurrence, consommation et répression des fraudes, assistant les enquêteurs en qualité de personnes qualifiées, la chambre de l'instruction énonce que seul M. [H] [W], représentant légal de la société [1] perquisitionnée, a qualité pour se prévaloir des irrégularités de la perquisition invoquées. 9. Les juges concluent que M. [R], qui ne peut justifier d'aucun droit sur les locaux de la société, ne démontre pas en quoi ces irrégularités auraient porté atteinte à ses intérêts propres et n'a pas qualité pour s'en prévaloir. 10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 11. En effet, la méconnaissance de la formalité du serment prêté par les personnes qualifiées requises non inscrites sur une liste d'experts, édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve, peut être invoquée par toute partie qui y a intérêt. 12. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief. Portée et conséquences de la cassation 13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'irrecevabilité de l'exception de nullité de la perquisition de la société [1]. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 31 janvier 2023, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable l'exception de nullité de la perquisition de la société [1], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois. | ENQUETE PRELIMINAIRE - Officier de police judiciaire - Pouvoirs - Désignation d'une personne qualifiée - Conditions - Méconnaissance - Portée | La formalité du serment prêté par les personnes qualifiées requises non inscrites sur une liste d'experts qui, en application des dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale, assistent les officiers de police judiciaire lors d'une enquête préliminaire, étant édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve, sa méconnaissance peut être invoquée par toute partie qui y a intérêt |
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JURITEXT000048242125 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242125.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 17 octobre 2023, 23-80.379, Publié au bulletin | 2023-10-17 00:00:00 | Cour de cassation | C2301177 | Rejet | 23-80379 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-06 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles | M. Bonnal | SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01177 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 23-80.379 F-B N° 01177 RB5 17 OCTOBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 OCTOBRE 2023 M. [B] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 11 avril 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [B] [Z], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 30 janvier 2021, deux véhicules de marque Audi, l'un de type A3 et l'autre de type S3, ont été découverts abandonnés et accidentés sur l'autoroute A10. 3. Les premiers intervenants ont constaté la présence de valises susceptibles de contenir des produits stupéfiants à l'arrière du véhicule Audi S3. 4. Une enquête de flagrance des chefs d'association de malfaiteurs et d'infractions à la législation sur les stupéfiants a été ouverte. 5. Des techniciens d'identification criminelle de la gendarmerie nationale, requis par officier de police judiciaire, ont procédé à des constatations dans ces deux véhicules, ont placé sous scellés divers objets qu'ils ont appréhendés, dont les produits stupéfiants, qui ont été pesés et sur lesquels des échantillons ont été prélevés. 6. Sur autorisation du procureur de la République, les produits stupéfiants ont été détruits. 7. Le 21 mai 2021, une information a été ouverte contre les personnes concernées notamment du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants. 8. M. [B] [Z] a été interpellé en exécution d'un mandat d'arrêt le 2 mai 2022 puis mis en examen des chefs susvisés. 9. Par requête du 22 juillet 2022, son avocat a contesté notamment la régularité de la fouille des véhicules et de la destruction des produits stupéfiants. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit la requête de M. [Z] mal fondée et a rejeté la demande d'annulation relative aux opérations de constatations et examens techniques et scientifiques opérés sur les véhicules Audi S3 immatriculé [Immatriculation 3] et Audi A3 immatriculé [Immatriculation 2], alors : « 1°/ d'une part que dès lors qu'elle ne comporte pas de risque grave pour la sécurité des personnes et des biens, la fouille d'un véhicule arrêté dans un lieu accessible au public n'est régulière qu'à la condition d'avoir été réalisée en présence de son conducteur, de son propriétaire, ou d'un tiers étranger au service d'enquête requis à cet effet ; que les enquêteurs ne sauraient, sauf à commettre un détournement de procédure, contourner ce formalisme en prétendant ne réaliser sur le véhicule fouillé qu'une simple mesure de police technique ou scientifique ; qu'au cas d'espèce, il résulte clairement de la procédure, et en particulier du procès-verbal de « transport, constatations, d'opérations de police technique et scientifique et de saisie » relatif au véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 3] et du rapport d' « opération technique » relatif au véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 2] que les services de gendarmerie requis par les enquêteurs ont, sous couvert de constatations techniques et scientifiques, également organisé la fouille des véhicules litigieux, cette fouille s'étant matérialisée par l'appréhension et la saisie de divers objets contenus dans ce véhicule, sans lien avec les constatations et opérations menées ; que ces mesures se sont toutefois déroulées en l'absence du conducteur de l'un ou l'autre de ces véhicules, de leur propriétaire ou même d'un tiers étranger au service d'enquête requis à cet effet ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter l'irrégularité de ces fouilles, que « M. [Z] [...] n'établit pas que les constatations sur ces biens auraient été effectuées en violation d'une quelconque disposition applicable en matière de constations de police technique et scientifique », et en refusant ainsi de constater que les services de gendarmerie requis avaient, dans le cadre de leur mission, procédé à une fouille déguisée des véhicules litigieux, la chambre de l'instruction, qui a dénaturé les éléments de la procédure produits, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 78-2-3, 78-2-2, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ d'autre part que dès lors qu'elle ne comporte pas de risque grave pour la sécurité des personnes et des biens, la fouille d'un véhicule arrêté dans un lieu accessible au public n'est régulière qu'à la condition d'avoir été réalisée en présence de son conducteur, de son propriétaire, ou d'un tiers étranger au service d'enquête requis à cet effet ; que cette exigence ayant pour objet d'authentifier les recherches et découvertes effectuées, sa méconnaissance peut être invoquée par quiconque y a un intérêt ; qu'au cas d'espèce, il résulte clairement de la procédure, et en particulier du procès-verbal de « transport, constatations, d'opérations de police technique et scientifique et de saisie » relatif au véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 3] et du rapport d' « opération technique » relatif au véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 2] que les services de gendarmerie requis par les enquêteurs ont, sous couvert de constatations techniques et scientifiques, également organisé la fouille des véhicules litigieux, cette fouille s'étant matérialisée par l'appréhension et la saisie de divers objets contenus dans ce véhicule, sans lien avec les constatations et opérations menées ; que ces mesures se sont toutefois déroulées en l'absence du conducteur de l'un ou l'autre de ces véhicules, de leur propriétaire ou même d'un tiers étranger au service d'enquête requis à cet effet ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser à Monsieur [Z] la qualité à agir en annulation de ces mesures, que « les deux véhicules qui ont fait l'objet des constatations décrites en pièces D25 à D34 et D84 à D104, ont été découverts accidentés et vides d'occupants, qu'ils ne sont pas la propriété de M. [Z] (D12 à D13, D14 à D15,D79), lequel ne peut donc se prévaloir d'aucun droit sur ces véhicules en cause qui appartiennent à des tiers », quand Monsieur [Z] invoquait la méconnaissance du formalisme d'authentification des fouilles réalisées, de sorte qu'il était recevable à agir en nullité pourvu qu'il y ait intérêt à agir, la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs impropres à écarter moyen de nullité soulevé par la défense, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 78-2-3, 78-2-2, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ enfin que dès lors qu'elle ne comporte pas de risque grave pour la sécurité des personnes et des biens, la fouille d'un véhicule arrêté dans un lieu accessible au public n'est régulière qu'à la condition d'avoir été réalisée en présence de son conducteur, de son propriétaire, ou d'un tiers étranger au service d'enquête requis à cet effet ; que cette exigence s'impose même en dehors de tout contrôle d'identité ; qu'au cas d'espèce, il résulte clairement de la procédure, et en particulier du procès-verbal de « transport, constatations, d'opérations de police technique et scientifique et de saisie » relatif au véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 3] et du rapport d' « opération technique » relatif au véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 2] que les services de gendarmerie requis par les enquêteurs ont, sous couvert de constatations techniques et scientifiques, également organisé la fouille des véhicules litigieux, cette fouille s'étant matérialisée par l'appréhension et la saisie de divers objets contenus dans ce véhicule, sans lien avec les constatations et opérations menées ; que ces mesures se sont toutefois déroulées en l'absence du conducteur de l'un ou l'autre de ces véhicules, de leur propriétaire ou même d'un tiers étranger au service d'enquête requis à cet effet ; qu'en retenant, pour écarter cette irrégularité, que « les opérations décrites par le procès-verbal du 02 février 2021 comme par le rapport du 31 janvier 2021 ne sauraient pas davantage être assimilées, comme le fait à tort le requérant, à des opérations devant être qualifiées de fouille prévues par les dispositions de l'article 78-2-3 du code de procédure pénale, lesquelles concernent seulement la visite d'un véhicule circulant ou arrêté sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public dans le cadre de procédure de contrôle d'identité prévue au chapitre III du même code », quand le formalisme précité a vocation à s'appliquer à toutes les fouilles de véhicules réalisées en enquête de flagrance, de sorte qu'une telle fouille n'est régulière qu'à la condition d'avoir été réalisée en présence de son conducteur, de son propriétaire, ou d'un tiers étranger au service d'enquête requis à cet effet, la chambre de l'instruction a violé les articles 78-2-3, 78-2-2, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 11. Il résulte de l'article 78-2-3 du code de procédure pénale que le droit de visite prévu à cet article ne peut porter que sur des véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique ou dans les lieux accessibles au public lorsqu'il existe à l'égard du conducteur ou d'un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit flagrant. 12. Il s'ensuit que le moyen est inopérant, dès lors qu'en l'espèce les véhicules étaient abandonnés sur la voie publique. Sur le second moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation relative aux opérations de pesée de produits stupéfiants prétendument découverts à l'occasion des fouilles des véhicules Audi S3 immatriculé [Immatriculation 3] et Audi A3 immatriculé [Immatriculation 2], alors : « que les substances stupéfiantes saisies au cours de l'enquête ne peuvent être pesées qu'en présence de la personne qui détenait les substances et qui en avait l'appréhension matérielle au moment de leur saisie, ou, à défaut, en présence de deux témoins requis à cet effet et choisis en dehors des personnes relevant de leur autorité ; qu'il s'en déduit, d'une part que lorsque le détenteur des stupéfiants est identifiable, les enquêteurs doivent tout mettre en oeuvre pour retrouver celui-ci afin qu'il participe aux opérations de pesée, et d'autre part que lorsque la présence du détenteur des stupéfiants n'est pas possible, fût-ce parce qu'il n'a pas été identifié, les enquêteurs doivent toujours effectuer la pesée en présence de deux témoins requis çà cet effet et choisis en dehors des personnes relevant de leur autorité ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que lors de la fouille du véhicule Audi immatriculé [Immatriculation 3], les gendarmes de la [1] ont, après avoir prétendument découvert divers « valises artisanales » contenant des produits identifiés comme stupéfiants, procédé à la pesée de ces produits ; que ces opérations de pesée n'ont toutefois été effectuées ni en présence des éventuels détenteurs des stupéfiants - en l'occurrence, les utilisateurs des véhicules -, ni en présence de deux tiers requis à cet effet ; qu'en affirmant toutefois, pour dire ces pesées régulières, que « la pesée et la saisie ont été effectuées, en l'absence de toute personne entre les mains de laquelle les produits stupéfiants ont été saisis, dès lors qu'elles ont été réalisées au cours d'opérations de police technique et scientifique en application des dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale », quand il lui incombait de constater qu'en l'absence de tout détenteur, la pesée devait être réalisée en présence de deux témoins extérieurs à la procédure, la chambre de l'instruction a violé l'article 706 30-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même code. » Réponse de la Cour 14. L'article 60 du code de procédure pénale permet aux personnes qualifiées, requises par l'officier de police judiciaire pour procéder à des constatations ou des examens techniques ou scientifiques, d'appréhender les objets résultant de leur examen et de les placer sous scellés. 15. La prestation de serment prévue par le troisième alinéa de ce texte a pour objet d'authentifier la sincérité des constatations et prélèvements opérés par la personne ainsi requise. 16. Il en résulte que la pesée effectuée, le cas échéant, par la personne qualifiée requise, qui constitue une mesure de constatation, n'est pas soumise aux exigences de l'article 706-30-1 du code de procédure pénale. 17. Dès lors, le moyen, qui invoque la violation de dispositions inapplicables en l'espèce, est inopérant. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-trois. | CONTROLE D'IDENTITE - Visite des véhicules - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Véhicules abandonnés | Le droit de visite des véhicules prévus à l'article 78-2-3 du code de procédure pénale ne peut porter que sur des véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique ou dans les lieux accessibles au public lorsqu'il existe à l'égard du conducteur ou d'un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit flagrant. Cette disposition est ainsi inapplicable au véhicule abandonné sur la voie publique |
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JURITEXT000048242129 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242129.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 17 octobre 2023, 22-84.021, Publié au bulletin | 2023-10-17 00:00:00 | Cour de cassation | C2301180 | Rejet | 22-84021 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-05-13 | Cour d'appel de Paris | M. Bonnal (président) | SCP Richard, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01180 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 22-84.021 F-B N° 01180 RB5 17 OCTOBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 OCTOBRE 2023 La société [5] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 13 mai 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 septembre 2018, pourvois n° 11-88.040 et n° 15-80.735, Bull. crim. 2018, n° 160), pour travail dissimulé, prêt illicite de main-d'oeuvre, entraves et emploi illicite de personnel navigant, l'a condamnée à 200 000 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société [5], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Provence-Alpe-Côte d'Azur venant aux droits de l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, de MM. [G] [F], [P] [I], [D] [A], [X] [T], du Syndicat national des pilotes de ligne [2], de l'[6] et de l'agence Pôle emploi, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services de force ouvrière, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 16 octobre 2009, l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) a adressé au procureur de la République un procès-verbal selon lequel la société [5] aurait installé un établissement dans les locaux de l'aéroport de [Localité 4], à [Localité 3], où étaient basés quatre de ses avions. 3. L'OCLTI a relevé, dans ce procès-verbal, que la société [5] n'avait pas immatriculé son établissement auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS) et n'avait pas déclaré auprès de l'URSSAF les salariés qu'elle avait employés. 4. Deux syndicats ont, en outre, déposé plainte en affirmant que la compagnie [5] avait exercé son activité sur le territoire français avec le concours d'une centaine de salariés, en se soustrayant à la législation sociale. 5. La Caisse de retraite du personnel de l'aéronautique civile a déposé plainte à son tour, en faisant valoir que le personnel de la société [5] était affilié au régime d'assurance irlandais, alors qu'il aurait dû l'être auprès d'elle. 6. Au terme de l'enquête préliminaire, une information a été ouverte le 8 avril 2010 des chefs de travail dissimulé, prêt illicite de main-d'oeuvre, entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel et emploi illicite de personnel navigant. 7. Le juge d'instruction a ordonné le renvoi de la société [5] devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés pour des faits commis de 2007 à 2010. 8. Par jugement du 2 octobre 2013, le tribunal correctionnel a déclaré la société [5] coupable de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamnée au paiement d'une amende de 200 000 euros et a prononcé sur l'action civile. 9. La société [5] a interjeté appel de cette décision. Le ministère public a interjeté appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches, les cinquième et sixième moyens 10. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [5] coupable de travail dissimulé par dissimulation d'activité et dissimulation d'emploi salarié, entrave à la constitution ou à la libre désignation des membres du comité d'entreprise, entrave à la libre désignation des délégués du personnel, entrave à l'exercice du droit syndical, entrave au fonctionnement du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, exercice illégal d'un emploi de personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile et prêt illicite de main-d'oeuvre, puis l'a condamnée à une amende de 200 000 euros, ainsi qu'à indemniser les parties civiles, alors : « 2°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'il en résulte que la responsabilité d'une personne morale ne peut être retenue, sans que soit désigné son organe ou son représentant ayant commis, pour son compte, les faits objet de la poursuite ; que la qualité de représentant de la personne morale ne peut résulter que d'un acte attribuant à l'intéressé la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires à l'accomplissement des actes en cause ; qu'en se bornant à affirmer qu'il ressortait d'un arrêt de la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Paris du 22 mai 2017 que Monsieur [E] [M] représentait la Société [5] en 2009 sans avoir consenti de délégation de pouvoir, sans indiquer aucun élément de fait de nature à caractériser un tel pouvoir de représentation, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'il en résulte que la responsabilité d'une personne morale ne peut être retenue, sans que soit désigné son organe ou son représentant ayant commis, pour son compte, les faits objet de la poursuite ; que la qualité de représentant de la personne morale ne peut résulter que d'un acte attribuant à l'intéressé la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires à l'accomplissement des actes en cause ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que la Société [5] était valablement représentée sur le territoire français, que Monsieur [R] [L] avait été entendu en interrogatoire de première comparution pour le compte de la Société [5], tandis que messieurs [J] [W] et [B] [N] avaient déclaré jouer un rôle d'interface entre [Localité 1] et [Localité 4] et avaient été désignés par les personnels de l'entreprise comme étant les responsables hiérarchiques sur le site de [Localité 4], la Cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'ils auraient eu la qualité de représentants de la société [5] dotés de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour la représenter, et qui n'a au surplus relevé aucun élément de fait en ce sens, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121-2 du code pénal, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ; 4°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'il en résulte que la responsabilité d'une personne morale ne peut être retenue, sans que soit désigné son organe ou son représentant ayant commis, pour son compte, les faits objet de la poursuite ; que la qualité de représentant de la personne morale ne peut résulter que d'un acte attribuant à l'intéressé la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires à l'accomplissement des actes en cause ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que la Société [5] était valablement représentée en France, de sorte que les poursuites pénales avaient été régulièrement engagées à son encontre, qu'elle s'était livrée à des « manoeuvres précitées de soustraction », de sorte qu'elle ne pouvait « invoquer sa propre turpitude pour échapper aux poursuites », la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121-2 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 12. Pour identifier l'organe ou le représentant ayant agi pour le compte de la société prévenue dont les actes sont de nature à engager la responsabilité pénale de celle-ci, l'arrêt attaqué énonce notamment que, dans l'arrêt rendu le 22 mai 2017 par la cour d'appel de Paris, statuant dans une autre formation, à l'égard de la même société prévenue, il est mentionné que M. [E] [M] représentait en 2009 l'entreprise qu'il dirige sans avoir consenti de délégation de pouvoirs. 13. Les juges relèvent que l'intéressé a refusé d'être entendu, n'a pas répondu aux convocations d'enquête et s'est abstenu de comparaître devant la cour. 14. Ils observent que cette attitude est une constante de la société qui se soustrait à l'identification de son représentant légal. 15. Ils en déduisent la volonté délibérée de la société [5] d'empêcher l'identification de son représentant en rendant occulte le véritable décideur, ce qui caractérise la fraude. 16. Ils concluent que la responsabilité pénale de la personne morale est suffisamment recherchée, malgré les manoeuvres précitées de soustraction, qui font obstacle à ce que la société [5] invoque sa propre turpitude pour échapper aux poursuites. 17. En se déterminant par ces seuls motifs, desquels il résulte que M. [M], dirigeant de la société [5], qui n'a pas allégué avoir consenti une délégation de pouvoirs, avait la qualité d'organe ou de représentant de la personne morale ayant agi pour son compte, la cour d'appel, qui s'est déterminée sur la base d'éléments de preuve versés au débat qu'elle a souverainement appréciés, a justifié sa décision. 18. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, en ce qu'il critique des motifs surabondants, doit dès lors être écarté. Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [5] coupable de travail dissimulé par dissimulation d'activité et dissimulation d'emploi salarié, entrave à la constitution ou à la libre désignation des membres du comité d'entreprise, entrave à la libre désignation des délégués du personnel, entrave à l'exercice du droit syndical, entrave au fonctionnement du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, exercice illégal d'un emploi de personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile et prêt illicite de main-d'oeuvre, puis l'a condamnée à une amende de 200 000 euros, ainsi qu'à indemniser les parties civiles, alors : « 2°/ que le juge national, statuant dans le cadre d'une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d'avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de certificats E 101, ne peut écarter ces certificats, en considérant qu'ils ont été obtenus par fraude, que si l'institution de l'Etat membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a préalablement saisi l'institution émettrice de ces certificats d'une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci, à la lumière d'éléments recueillis dans le cadre d'une enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse ; que cette demande doit être assortie d'éléments concrets, donnant à penser que les certificats ont été obtenus ou invoquer de manière frauduleuse ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la demande de retrait dont se prévalait l'URSSAF, comme ayant été prétendument adressée à l'autorité judiciaire émettrice au mois de décembre 2010, était dépourvue d'éléments concrets donnant à penser que les certificats avaient été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, dès lors que les certificats dont le retrait était demandé n'étaient pas identifiés, aucun salarié n'étant visé dans ce courrier, ce qui faisait nécessairement obstacle à tout examen de l'exercice concret de leur activité, à défaut duquel le caractère frauduleux ou non frauduleux desdits certificats ne pouvait être établi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 du règlement n° 987/2009 du 16 décembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ensemble l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, l'article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, susvisé, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, précité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, et l'article 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que le juge national, statuant dans le cadre d'une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d'avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de certificats E 101, ne peut écarter ces certificats, en considérant qu'ils ont été obtenus par fraude, que si l'institution de l'Etat membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a préalablement saisi l'institution émettrice de ces certificats d'une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci, à la lumière d'éléments recueillis dans le cadre d'une enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse ; que l'institution d'un Etat membre ne peut saisir le juge national, aux fins de voir écarter un certificat E 101 pour fraude, que si l'institution émettrice ne s'est pas prononcée sur sa demande de retrait dans un délai raisonnable ; qu'en décidant que l'autorité émettrice irlandaise ne s'était pas prononcée sur la demande de retrait dans un délai raisonnable, soit six mois, bien que le délai pris par cette autorité pour statuer sur une demande de retrait portant sur 127 certificats, soit 8,5 mois (la demande étant datée du 20 décembre 2010 et la réponse du 2 septembre 2011) constituait un délai raisonnable pour statuer sur une demande d'une telle ampleur, la cour d'appel a violé l'article 5 du règlement n° 987/2009 du 16 décembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ensemble l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, l'article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, susvisé, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, précité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, et l'article 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que, subsidiairement, le juge national, statuant dans le cadre d'une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d'avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de certificats E 101, ne peut écarter ces certificats, en considérant qu'ils ont été obtenus par fraude, que si l'institution de l'Etat membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a préalablement saisi l'institution émettrice de ces certificats d'une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci, à la lumière d'éléments recueillis dans le cadre d'une enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse ; que l'institution d'un Etat membre ne peut saisir le juge national, aux fins de voir écarter un certificat E 101 pour fraude, que si l'institution émettrice ne s'est pas prononcée sur sa demande de retrait dans un délai raisonnable ; que lorsque la réponse de l'autorité émettrice intervient après l'expiration d'un délai raisonnable, mais avant que le juge national ait été saisi afin de voir écarter le certificat E 101 pour fraude, l'institution de l'Etat membre contestant le certificat E 101 est tenue de contester la décision devant les instances européennes, sans pouvoir saisir le juge national afin de voir écarter le certificat pour fraude ; qu'en décidant néanmoins que, l'autorité émettrice irlandaise ne s'étant pas prononcée sur la demande de retrait dans un délai raisonnable, l'URSSAF était recevable à demander au juge national d'écarter les certificats E 101 pour fraude, bien que la réponse de l'autorité émettrice irlandaise soit intervenue avant que la juridiction correctionnelle ait été saisie, la Cour d'appel a violé l'article 5 du règlement n° 987/2009 du 16 décembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ensemble l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, l'article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, susvisé, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, précité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, et l'article 593 du code de procédure pénale ; 6°/ que le juge national ne peut écarter un certificat E 101, émis par une institution d'un Etat membre, que s'il constate qu'il a été obtenu par fraude ; que celle-ci ne peut résulter que de la réunion d'un élément objectif, consistant dans le fait que les conditions requises aux fins de l'obtention et de l'invocation d'un certificat E 101 ne sont pas remplies, et d'un élément subjectif, correspondant à l'intention des intéressés de contourner ou d'éluder les conditions de délivrance dudit certificat ; qu'en se bornant à relever, pour décider que les demandes de certificat E 101 formées par la Société [5] étaient entachées de fraude, que celle-ci s'était livrée à de fausses déclarations concernant l'adresse des salariés, ce qu'elle ne pouvait ignorer, la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard de considérations qui sont étrangères au lieu d'exécution du contrat de travail et qui ne sont donc pas de nature à influer sur la délivrance des certificats E 101, n'a caractérisé ni l'élément objectif de la fraude, la déclaration en cause étant étrangère aux conditions requises aux fins de l'obtention et de l'invocation d'un certificat E 101, ni l'élément subjectif, en ce qu'elle ne révèle pas l'intention de contourner ou d'éluder les conditions de délivrance dudit certificat, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, et de l'article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, susvisé, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, précité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 20. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) juge que les certificats E 101, devenus A 1, délivrés par l'institution compétente d'un État membre, qui créent une présomption de régularité de l'affiliation du travailleur concerné au régime de sécurité sociale de cet État, ne s'imposent aux juridictions de l'État sur le territoire duquel les travailleurs exercent leurs activités qu'en matière de sécurité sociale (CJUE, arrêt du 14 mai 2020, Bouygues travaux publics, C-17/19). 21. Par ailleurs, sauf mention contraire dans l'arrêt même qui statue sur la question préjudicielle qui lui est posée, l'interprétation que la CJUE, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, donne à une règle du droit communautaire, éclaire et précise, lorsque besoin en est, sa signification et sa portée telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies (CJCE, arrêt du 2 février 1988, Barra/État belge, 309/85). 22. La Cour de cassation en déduit que, les faits reprochés seraient-ils antérieurs à l'arrêt de la CJUE Bouygues travaux publics susrappelé, le délit de travail dissimulé, défini de façon unitaire par l'article L. 8221-1, 1°, du code du travail, qu'il soit par dissimulation de salariés ou par dissimulation d'activité, peut être établi, nonobstant la production de certificats E 101 ou A 1, lorsque les obligations déclaratives qui ont été omises ne sont pas seulement celles afférentes aux organismes de protection sociale, ou aux salaires ou aux cotisations sociales (Crim., 12 janvier 2021, pourvoi n° 17-82.553, publié au Bulletin). 23. En l'espèce, pour confirmer le jugement ayant écarté les certificats E 101 délivrés aux salariés de la société [5], l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les jurisprudences de la CJUE et de la Cour de cassation en ce domaine, énonce, notamment, que, conformément aux principes de coopération loyale et de confiance mutuelle, les certificats E 101 et A 1 délivrés par l'institution compétente d'un État membre créent une présomption de régularité de l'affiliation du travailleur concerné au régime de sécurité sociale de cet État. 24. Se référant à l'arrêt de la CJUE du 27 avril 2017 (A-Rosa Flussschiff GmbH, C-620/15), les juges retiennent que ces certificats s'imposent à l'institution compétente et aux juridictions de l'État membre dans lequel ce travailleur effectue un travail, même lorsqu'il est constaté par celles-ci que les conditions de l'activité du travailleur concerné n'entrent manifestement pas dans les cas prévus par le droit communautaire autorisant leur délivrance. 25. Ils ajoutent que lesdits certificats peuvent être écartés, en matière de sécurité sociale, dans le cas où l'autorité qui les a émis procède à leur retrait ou, en l'absence de retrait, lorsque la fraude peut être caractérisée dans les conditions fixées par la CJUE dans ses arrêts du 6 février 2018 (Altun e.a., C-359/16) et du 2 avril 2020 (CRPNPAC et Vueling Airlines, C-370/17 et C-37/18). 26. Ils constatent que les éléments constitutifs de la fraude sont réunis, en relevant que, d'une part, s'agissant de son élément objectif, la société [5] n'aurait pas pu normalement obtenir les certificats E 101, ne pouvant prétendre que c'est la loi du siège qui s'applique dès lors que le centre de direction en France présente une autonomie par rapport à l'établissement principal, d'autre part, s'agissant de son élément subjectif, les adresses déclarées constituaient une notion vague et mensongère par comparaison avec les adresses réelles telles qu'attestées par les pièces habituelles de domiciliation produites en procédure, de nombreux certificats produits par la société prévenue contenant de fausses déclarations de résidence masquant le fait que la majorité des travailleurs détachés n'avaient pas la qualité de résident, alors, qu'au surplus, a été donnée pour adresse permanente des salariés, celle du siège social de l'entreprise, à l'aéroport de [Localité 1], en contradiction avec les mentions mêmes des contrats de travail. 27. Ils soulignent qu'une demande de retrait a bien été adressée à l'autorité irlandaise émettrice au mois de décembre 2010 mais qu'elle s'est heurtée à un défaut de réponse dans un délai raisonnable. 28. Ils concluent qu'il résulte des pièces produites que la réponse apportée par l'autorité émettrice ne l'a été que pour huit personnes, qu'elle a été rédigée en termes très vagues de sorte qu'elle s'apparente à une absence de réponse, alors qu'il incombait à l'autorité irlandaise de réexaminer, à la lumière des éléments qui lui étaient soumis et qui laissaient penser que les certificats obtenus l'avaient été par fraude, le bien-fondé de la délivrance des formulaires E 101 et qu'il lui appartenait, tout autant, de prendre position sur ces mêmes éléments. 29. En se déterminant ainsi, l'arrêt attaqué n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 30. D'une part, la société [5] a été déclarée coupable des chefs de travail dissimulé par dissimulation d'activité et d'emplois salariés pour avoir notamment exploité une entreprise de transport aérien sur le territoire national en se soustrayant à l'obligation de s'enregistrer au registre du commerce et des sociétés au titre de cette activité et omis de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche de ses employés en France. 31. Il s'ensuit que, s'agissant des déclarations de culpabilité, les deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches du moyen, en ce qu'elles reviennent à soutenir que les juges ne pouvaient écarter comme frauduleux les certificats E 101 produits par la société prévenue, faute pour ces derniers d'avoir été retirés ou déclarés invalides, sont inopérantes, pour la raison précitée au paragraphe 22, de tels certificats E 101 étant dépourvus de tout effet contraignant à l'égard de la juridiction qui retient la culpabilité du prévenu pour travail dissimulé par omission de procéder tant à l'enregistrement d'une société au RCS qu'à l'obligation de déclaration à l'embauche. 32. D'autre part, s'agissant de la condamnation de la société [5] à indemniser les parties civiles, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé la fraude. 33. Dès lors, les griefs ne peuvent qu'être écartés. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 34. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [5] coupable du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au fonctionnement du comité d'entreprise, au fonctionnement des délégués du personnel et à l'exercice du droit syndical, puis l'a condamnée à une amende de 200 000 euros, ainsi qu'à indemniser les parties civiles, alors : « 1°/ que la loi du contrat de travail, choisi par les parties, ne peut être écartée, en ce qui concerne la représentation du personnel, que si elle prive le travailleur de la protection que lui assure les disposions de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu de la Convention de Rome du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; qu'en vertu du principe de la présomption d'innocence, la charge de la preuve de la réunion des éléments constitutifs de l'infraction pèse sur la partie poursuivante ; qu'en décidant néanmoins que la Société [5] ne démontrant pas que les salariés avaient la liberté de se syndiquer conformément au droit syndical irlandais et de prendre attache avec les syndicats irlandais, l'infraction d'entrave aux institutions représentatives du personnel et à l'exercice du droit syndical était caractérisée, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve et méconnu le principe de la présomption d'innocence, a violé les articles 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 427 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles, L. 2141-4, L. 2141-9, L. 2146-1, L. 2316-1, L. 2322-1 et L. 2322-4, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, L. 2328-1 et L. 4742-1 du code du travail ; 2°/ que la loi du contrat de travail, choisi par les parties, ne peut être écartée, en ce qui concerne la représentation du personnel, que si elle prive le travailleur de la protection que lui assure les disposions de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu de la Convention de Rome du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; que, sauf à priver la règle de toute portée, le seul éloignement physique du salarié par rapport au siège des institutions représentatives du personnel ne caractérise pas une impossibilité de bénéficier de manière effective du soutien desdites institutions ; qu'en décidant néanmoins que les institutions représentatives du personnel de la Société [5] étant situé en Irlande, le personnel navigant rattaché au site de [Localité 4] ne pouvait, en raison de l'éloignement, bénéficier de leur soutien, afin d'en déduire que la Société [5] avait commis le délit d'entrave aux institutions représentatives du personnel et à l'exercice du droit syndical, la Cour d'appel a violé les articles les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles, L. 2141-4, L. 2141-9, L. 2146-1, L. 2316-1, L. 2322-1 et L. 2322-4, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, L. 2328-1 et L. 4742-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 35. Il résulte de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation utiles, dans les cas et conditions prévus par le droit de l'Union et les législations et pratiques nationales. 36. La CJUE juge que, aux termes de l'article 5 de la directive 2002/14 du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux, au niveau approprié, le soin de définir librement et à tout moment par voie d'accord négocié les modalités d'information et de consultation des travailleurs. Elle précise que l'existence de différences entre les États membres, et même au sein d'un seul État membre, s'agissant des modalités d'information et de consultation des travailleurs visées par la directive 2002/14, ne saurait être exclue dès lors que celle-ci laisse une large marge d'appréciation aux États membres et aux partenaires sociaux quant à la définition et à la mise en oeuvre desdites modalités (CJUE, arrêt du 11 février 2010, Ingeniørforeningen i Danmark, C-405/08). 37. Par ailleurs, il se déduit des articles L. 2311-1 et suivants du code du travail, dans leur version applicable au moment des faits, que toute personne juridique ayant son siège à l'étranger, qui, pour exercer son activité, emploie des salariés sur le territoire français, exerce la responsabilité de l'employeur selon la loi française et doit appliquer les lois relatives à la représentation des salariés dans l'entreprise et organisme assimilé. 38. La Cour de cassation juge que les lois relatives à la représentation des salariés et à la défense de leurs droits et intérêts sont des lois de police s'imposant à toutes les entreprises et organismes assimilés qui exercent leur activité en France et qui sont dès lors tenus de mettre en place les institutions qu'elles prévoient à tous les niveaux des secteurs de production situés sur le territoire national, ces institutions remplissant l'ensemble des attributions définies par la loi, à la seule exception de celles qui seraient incompatibles avec la présence à l'étranger du siège social (Soc., 3 mars 1988, pourvoi n° 86-60.507, Bull. 1988, V, n° 164). 39. Pour retenir les délits d'entrave aux institutions représentatives du personnel, l'arrêt attaqué énonce que les règles en matière de mise en place d'organisation des institutions représentatives du personnel et en matière de droit syndical sont d'ordre public. 40. Les juges ajoutent que la société [5] avait une base au sein de l'aéroport de [Localité 4] où travaillaient en permanence et de manière stable cent vingt-sept salariés. 41. Ils exposent que, compte tenu notamment de l'ampleur de l'infrastructure mobilisée, soit entre deux et quatre avions, 300 mètres carrés de locaux, le nombre de salariés concernés n'a jamais pu être inférieur à cinquante, indépendamment de la stratégie mise en oeuvre par la société prévenue pour masquer ce seuil. 42. Ils relèvent que les conditions étaient réunies, au sein de la base de [5] située à [Localité 4], pour la mise en place d'un comité d'entreprise, d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de délégués du personnel. 43. Ils en déduisent que l'élément matériel des délits est établi, pour toute la période de prévention, l'élément moral se déduisant nécessairement du caractère volontaire des agissements constatés, la société [5] s'étant toujours refusée à appliquer la législation française en la matière et ayant refusé de donner suite aux demandes qu'elle a reçues de la part des syndicats de salariés. 44. Ils retiennent que la société [5] ne saurait faire valoir, faute d'en démontrer la faisabilité, que les salariés avaient la liberté de se syndiquer conformément au droit syndical irlandais et de prendre attache avec les syndicats irlandais. 45. Ils soulignent qu'en matière de représentation des travailleurs, les législations française et européenne posent la règle fondamentale selon laquelle le cadre d'exercice des attributions des représentants du personnel doit être le plus proche de la collectivité des salariés, en particulier pour ce qui concerne la défense de leurs droits. 46. Ils en déduisent que le personnel navigant rattaché au site de [Localité 4] travaillait en France, habitait en France et qu'il lui était donc impossible de bénéficier de manière effective des institutions représentatives du personnel situées en Irlande, de sorte que les éléments constitutifs du délit d'entrave sont réunis. 47. En se déterminant ainsi, par des motifs procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve ni méconnu le principe de la présomption d'innocence, a justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 48. D'une part, les salariés d'une société ayant son siège dans un autre État membre de l'Union européenne qui sont employés en permanence en France au sein d'un établissement, au sens des articles L. 1262-3 du code du travail et R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, dans leur version applicable au moment des faits, disposent du droit d'être représentés au niveau le plus approprié. Constitue un tel niveau l'État dans lequel les salariés sont effectivement employés. 49. D'autre part, les délits d'entrave aux institutions représentatives du personnel sont caractérisés tant par l'absence de mise en place de ces institutions que par les agissements ou abstentions délibérés et réitérés de la société tendant à empêcher ses salariés employés sur la base de [Localité 4] [Localité 3] de disposer de leurs représentants sur le territoire français. 50. Le moyen, inopérant en ce qu'il reproche à la cour d'appel d'avoir, par des motifs surabondants, retenu que la société [5] n'a pas démontré la faisabilité d'une représentation en Irlande des salariés employés en France, doit être écarté. 51. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que la société [5] devra payer à l'URSSAF PACA en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [5] devra payer aux parties représentées par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme que la société [5] devra payer à la Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services force ouvrière en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL - Représentation des salariés - Pluralité d'établissements - Société ayant son siège social à l'étranger - Agences en France - Loi applicable | Il se déduit des articles L. 2311-1 et suivants du code du travail, dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, applicable à la date des faits, que toute personne juridique ayant son siège à l'étranger, qui, pour exercer son activité, emploie des salariés sur le territoire français, exerce la responsabilité de l'employeur selon la loi française et doit appliquer les lois relatives à la représentation des salariés dans l'entreprise. Les lois relatives à la représentation des salariés et à la défense de leurs droits et intérêts sont des lois de police s'imposant à toutes les entreprises et organismes assimilés qui exercent leur activité en France et qui sont dès lors tenus de mettre en place les institutions qu'elles prévoient à tous les niveaux des secteurs de production situés sur le territoire national, ces institutions remplissant l'ensemble des attributions définies par la loi, à la seule exception de celles qui seraient incompatibles avec la présence à l'étranger du siège social (Soc., 3 mars 1988, pourvoi n° 86-60.507, Bull. 1988, V, n° 164). Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer la société de transport aérien prévenue, domiciliée en Irlande, coupable du chef d'entrave aux institutions représentatives du personnel, énonce notamment que les conditions étaient réunies pour la mise en place de telles institutions au sein de la base d'exploitation située en France, les salariés travaillant et étant domiciliés dans cet Etat, et que cette société a refusé d'appliquer la législation française en la matière ainsi qu'à donner suite aux demandes qu'elle a reçues de la part des syndicats de salariés, en invoquant la possibilité pour ses employés d'adhérer aux institutions représentatives du personnel dans l'Etat dont elle a la nationalité. En effet, d'une part, les salariés d'une société ayant son siège dans un autre État membre de l'Union européenne qui sont employés en permanence en France au sein d'un établissement, au sens des articles L. 1262-3 du code du travail et R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, dans leur version applicable à la date des faits, disposent du droit d'être représentés au niveau le plus approprié, soit, en l'espèce, l'Etat dans lequel les salariés sont effectivement employés, d'autre part, le délit d'entrave aux institutions représentatives du personnel est caractérisé tant par l'absence de mise en place de ces institutions que par les agissements ou abstentions délibérés et réitérés de la société tendant à empêcher les salariés employés sur sa base d'activité en France de disposer de leurs représentants sur le territoire français |
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JURITEXT000048242133 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242133.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 17 octobre 2023, 22-83.197, Publié au bulletin | 2023-10-17 00:00:00 | Cour de cassation | C2301182 | Cassation partielle sans renvoi | 22-83197 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-05-05 | Cour d'appel de Lyon | M. Bonnal | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Waquet, Farge et Hazan, SAS Buk Lament-Robillot, SCP Sevaux et Mathonnet | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01182 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 22-83.197 F-B N° 01182 RB5 17 OCTOBRE 2023 CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI IRRECEVABILITÉ M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 OCTOBRE 2023 La société [5], les associations [3], [1] et [2], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 5 mai 2022, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de Mme [J] [R] des chefs de diffamation publique et provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [5], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association [1], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat des associations [3] et [2], les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [J] [R], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 17 novembre 2017, la société [5] a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef notamment de provocation publique à la discrimination en raison de l'appartenance à une nation en raison de faits décrits dans un constat d'huissier du 23 novembre 2016. 3. Aux termes de ce constat, des membres du Collectif 69 se sont présentés devant la Grande pharmacie lyonnaise, à [Localité 4], le 19 novembre précédent, revêtus de sweat-shirts verts portant la mention « Boycott lsraël », ont, durant plusieurs heures, distribué des tracts aux passants et clients de l'officine, et collé des stickers sur les cartes Vitale de certains d'entre eux, manifestant leur souhait de ne plus se voir proposer de produits pharmaceutiques de la marque Teva. Toujours aux termes dudit constat, ces faits ont été relatés sur le compte Twitter du mouvement CAPJPO-Euro-Palestine, accessible publiquement, et sur une page duquel apparaît une discussion intitulée « TEVA, on n'en veut pas : Bravo Lyon! (Photos) » avec un lien renvoyant à une page internet sur laquelle est publié le récit de l'événement, illustré par quatre photographies, en ces termes : « Le Collectif 69 a mené une action d'information sur les médicaments génériques de la marque [5], ce samedi, devant la plus grande pharmacie de [Localité 4] » ; « Nous avons distribué des centaines de tracts aux passants, et collé bon nombre de vignettes sur leurs cartes Vitale. Malgré le fait que la marque [5] taise soigneusement dans ses différentes publicités le fait qu'une partie de ses bénéfices renfloue l'armée israélienne, un nombre significatif de passants étaient déjà avertis et se sont déclarés pas disposés à donner de l'argent au fabricant de médicaments d'un pays qui empêche les Palestiniens de se soigner ", relate [S] du Collectif 69 ». 4. Selon cette même plainte, les propos suivants « (...) une partie de ses bénéfices (de [5]) renfloue l'armée israélienne » ; « la marque [5] (tait) soigneusement, dans ses différentes publicités, Ie fait qu'une partie de ses bénéfices renfloue l'armée israélienne » sont constitutifs du délit de diffamation publique pour motif discriminatoire en raison notamment de l'appartenance à une nation, « au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ». 5. Par arrêt de la chambre de l'instruction, Mme [J] [R], directrice de publication du site www.europalestine.com, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés. 6. Les juges du premier degré ont relaxé la prévenue. 7. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision ainsi que le ministère public. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par l'association [2] contre l'antisémitisme 8. Selon l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le pourvoi en cassation doit être formé dans les trois jours. Ce délai n'est pas franc et ne peut être prorogé qu'en application de l'article 801 du code de procédure pénale ou en cas de force majeure. Il a pour point de départ le lendemain du jour du prononcé du jugement ou de l'arrêt, lorsque les parties ont été informées, comme le prévoit l'article 462, alinéa 2, dudit code, du jour auquel l'arrêt serait rendu. 9. En l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'association [2] contre l'antisémitisme, partie civile, était représentée par son conseil lors des débats de l'audience du 27 janvier 2022, que la cour d‘appel a mis l'affaire en délibéré et a renvoyé le prononcé de son arrêt, après en avoir avisé les parties présentes, à l'audience publique du 5 mai 2022, à laquelle la décision a été prononcée. 10. Dès lors, le délai du pourvoi, qui a commencé à courir le 6 mai suivant, a expiré le 9 mai 2022 à minuit, la veille étant un jour férié. 11. Ainsi, le pourvoi formé le mardi 10 mai 2022 l'a été hors délai et n'est pas recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen, proposé pour l'association [1], le second moyen, proposé pour la société [5] et le premier moyen, proposé pour l'association [3] Enoncé des moyens 12. Le moyen proposé pour l'association [1] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé Mme [R] du chef des poursuites d'avoir, les 19 et 20 novembre 2016, étant directrice de publication du site www.europalestine.com, par tout moyen de communication au public par voie électronique, en l'espèce internet, provoqué publiquement à la discrimination de la société [5] en raison de l'appartenance à une nation, et a par voie de conséquence déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association [1], alors : « 1°/ que si l'appel au boycott, qui vise à communiquer des opinions protestataires tout en appelant à des actions spécifiques qui leur sont liées, relève en principe de la protection de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, il constitue cependant une modalité particulière d'exercice de la liberté d'expression en ce qu'il combine l'expression d'une opinion protestataire et l'incitation à un traitement différencié de sorte que, selon les circonstances qui le caractérisent, il est susceptible de constituer un appel à la discrimination d'autrui, lequel relève de l'appel à l'intolérance qui, avec l'appel à la violence et l'appel à la haine, est l'une des limites à ne dépasser en aucun cas dans le cadre de l'exercice de la liberté d'expression ; 2°/ qu'il appartient au juge, saisi de poursuites contre des militants ayant commis une action pour appeler au boycott de produits en raison de leur origine géographique, de rechercher si, compte-tenu de la teneur de cet appel, de ses motifs et des circonstances dans lequel il s'inscrit, leur condamnation présente un caractère nécessaire, dans une société démocratique, pour la protection de l'un des buts légitimes visés à l'article 10 de la Convention, compte-tenu notamment de la nécessaire protection du droit des producteurs et des fournisseurs d'accéder à un marché, et de la nécessité de ne pas importer sur le territoire français un conflit militaire étranger, par des manifestations vindicatives ciblant des personnes françaises ou étrangères et risquant d'attiser la haine d'une partie de la population à l'égard d'une autre ; 3°/ qu'il doit à ce titre rechercher si la teneur de cet appel procède, de la part de ces militants, d'une volonté réelle d'informer objectivement le public sur un sujet d'intérêt général, ou s'il procède au contraire d'une manipulation d'opinion par la diffusion de fausses informations ou d'informations tendancieuses dans le but de contraindre une partie de la population à adhérer à leur thèse ; 4°/ que le juge national doit encore rechercher si les motifs de cet appel sont justifiés, d'une part, par un sujet d'intérêt général lié à la politique de l'Etat dont proviennent les produits concernés, et, d'autre part, par la preuve d'une adhésion ou d'un soutien personnel à cette politique de la part des personnes visées par cet appel au boycott ; qu'en effet, le seul fait qu'une personne privée entretienne des liens réels ou supposés avec un Etat dont la politique fait l'objet d'une contestation dans le cadre d'un débat d'intérêt général, ne saurait justifier de la part de militants un appel public au boycott de l'activité économique, culturelle ou encore sportive de cette personne, sauf à ce qu'il soit démontré que cette dernière adhère ou soutient personnellement cette politique, autrement que par son seul rattachement à cet Etat étranger ; 5°/ qu'enfin, au titre des circonstances dans lesquelles l'appel au boycott est commis, le juge national doit rechercher, d'une part, si les faits reprochés se sont accompagnés de propos racistes, antisémites ou appelant à la haine ou à la violence, ou d'actes de violences contre les biens ou les personnes et, d'autre part, si, compte-tenu du contexte national du pays où ils sont commis, ces faits ne risquent pas de légitimer, voire d'attiser, les propos haineux et les actes de violences à l'égard d'une partie de la population déjà victime de tels actes ou propos ; 6°/ qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que des militants appartenant au mouvement CAPJPO – Euro – Palestine, se sont présentés devant une officine de pharmacie revêtus de sweat-shirts portant la mention « Boycott Israël » et ont distribué pendant plusieurs heures des tracts aux passants et clients de l'officine, et collé des stickers sur les cartes vitales de certains d'entre eux, matérialisant le souhait de ceux-ci de ne plus se voir distribuer de produits pharmaceutiques de la marque [5], exploitée par la société [5] qui est une société de droit français appartenant à un groupe dont la société mère a son siège à Tel Aviv ; qu'il résulte encore de l'arrêt attaqué que Mme [R] a relayé dans divers médias l'action de ces militants en prétendant que les bénéfices de « cette marque » renfloueraient l'armée israélienne et que « cette marque » le tairait soigneusement dans ses publicités pour dissimuler que ses médicaments proviennent d'un pays qui « empêcherait » les palestiniens de se soigner ; 7°/ que pour relaxer Mme [R] du chef de provocation à la discrimination en raison de l'appartenance à une Nation, la cour d'appel a retenu que ces propos s'inscrivent dans le contexte d'une action militante en faveur de la cause palestinienne, dans le cadre d'un débat d'intérêt général portant sur le respect par l'Etat d'Israël du droit international et sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens ; qu'elle a ajouté que la société [5] n'avait pas été gênée par cette action dont elle n'avait entendu parler qu'après qu'elle eut été relayée sur internet ; qu'elle a enfin relevé qu'il n'était pas démontré qu'à l'occasion de cette action auraient été commises des violences ou dégradations ou proférée des menaces, des appels à la haine ou à la violence, des propos racistes ou antisémites, et que seules les personnes qui le souhaitaient se seraient vu remettre à cette occasion un sticker à apposer sur leur carte vitale ; 8°/ qu'en se déterminant ainsi, cependant que, d'une part, les propos relayés par Mme [R] comportaient des informations tendancieuses imputant à la société [5] un financement occulte et direct de l'armée israélienne, autrement que par le seul paiement des impôts de cet Etat auquel est assujettie sa société mère, comme toute société qui a son siège social dans ce pays, d'autre part, les motifs de cet appel au boycott révélaient qu'il ciblait une entreprise en raison des seuls liens qu'elle entretient avec une nation étrangère, indépendamment de toute preuve d'un soutien de sa part ou même d'une adhésion à la politique que cette action avait prétendument pour objet de dénoncer, et de troisième part, compte-tenu du contexte social en France marqué par la recrudescence d'actes antisémites d'une extrême gravité, un tel appel au boycott, qui induit une discrimination à l'égard d'une personne en raison des seuls liens qu'elle entretient avec Israël, peut avoir pour effet de légitimer, voire d'attiser la haine d'une partie de la population française à l'égard d'une autre, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droit de l'homme et l'article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881. » 13. Le moyen proposé pour la société [5] est pris de la violation des articles 24, 29 et 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 131-26 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 8 § 1 et 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé Mme [R] des poursuites du chef d'avoir provoqué publiquement à la discrimination de la société [5] en raison de la nation, à savoir Israël, et déclaré en conséquence irrecevable la constitution de partie civile de la société [5], alors : « 1°/ que constitue un délit toute provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; que si l'appel au boycott des produits d'une société française à raison de ses liens avec un groupe israélien peut ne pas dépasser les limites admissibles de la liberté d'expression, lorsqu'il s'inscrit dans le cadre d'un débat d'intérêt général, il en va tout autrement lorsqu'il se double d'accusations de dissimulation, pouvant inciter à l'intolérance et au rejet ; qu'en l'espèce, en estimant que le délit de provocation publique à la discrimination à raison de l'origine de la société [5] n'était pas constituée, sans prendre en compte l'accusation de dissimulation qui doublait l'appel au boycott et était de nature à le priver de toute légitimité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ; 2°/ que constitue un délit toute provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; que si l'appel au boycott, qui vise à communiquer des opinions protestataires tout en appelant à des actions spécifiques qui leur sont liées, relève en principe de la protection de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, il constitue cependant une modalité particulière d'exercice de la liberté d'expression en ce qu'il combine l'expression d'une opinion protestataire et l'incitation à un traitement différencié de sorte que, selon les circonstances qui le caractérisent, il est susceptible de constituer un appel à la discrimination d'autrui ; qu'il appartient par conséquent au juge, saisi de poursuites contre des militants ayant commis une action pour appeler au boycott de produits en raison de leur origine géographique, de rechercher si, compte-tenu de la teneur de cet appel, de ses motifs et des circonstances dans lequel il s'inscrit, leur condamnation présente un caractère nécessaire, dans une société démocratique, pour la protection de l'un des buts légitimes visés à l'article 10 de la Convention ; qu'il doit à ce titre rechercher si la teneur de cet appel procède, de la part de ces militants, d'une volonté réelle d'informer objectivement le public sur un sujet d'intérêt général, ou s'il procède au contraire d'une manipulation d'opinion par la diffusion de fausses informations ou d'informations tendancieuses dans le but de contraindre une partie de la population à adhérer à leur thèse ; qu'en l'espèce, pour relaxer Mme [R] du chef de provocation à la discrimination, la cour d'appel a retenu que ces propos s'inscrivent dans le contexte d'une action militante en faveur de la cause palestinienne, dans le cadre d'un débat d'intérêt général portant sur le respect par l'Etat d'Israël du droit international et sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que, d'une part, les propos relayés par Mme [R] comportaient des informations trompeuses imputant à la société [5] un financement occulte et direct de l'armée israélienne, et d'autre part, les motifs de cet appel au boycott révélaient qu'il ciblait une entreprise en raison des seuls liens qu'elle entretient avec une nation étrangère, indépendamment de toute preuve d'un soutien de sa part ou même d'une adhésion à la politique que cette action avait prétendument pour objet de dénoncer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 3°/ que constitue un délit toute provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; que si l'appel au boycott des produits d'une société française à raison de ses liens avec un groupe israélien peut ne pas dépasser les limites admissibles de la liberté d'expression, lorsqu'il s'inscrit dans le cadre d'un débat d'intérêt général, il en va tout autrement lorsqu'il porte atteinte aux droits d'autrui ; qu'en l'espèce, en estimant que le délit de provocation publique à la discrimination à raison de l'origine de la société [5] n'était pas constituée, sans prendre en compte l'atteinte portée aux droits de la société [5] exclusivement, à l'instar de sa liberté d'entreprendre, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés. » 15. Le moyen proposé pour l'association [3] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé Mme [R] du chef des poursuites d'avoir les 19 et 20 novembre 2016, étant directrice de publication du site europalestine.com, par tout moyen de communication au public par voie électronique, en l'espèce internet, provoqué publiquement à la discrimination de la société [5] en raison de la nation, et a par voie de conséquence déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association [3] et du [2] ([2]), alors : « 1°/ que l'appel au boycott de produits israéliens, en l'occurrence de produits pharmaceutiques génériques, ne s'apparente aucunement à un discours politique d'intérêt public s'il ne favorise pas une libre discussion sur le sujet relatif à la politique israélienne au regard du droit international public ; que dans cette hypothèse, il provoque, en violation de l'article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881, à la discrimination, dont la sanction constitue une ingérence nécessaire dans l'exercice de la liberté d'expression, dans une société démocratique ; que le fait pour des militants d'appeler au boycott de produits pharmaceutiques israéliens en distribuant des centaines de tracts aux passants devant la plus grande pharmacie de [Localité 4], indiquant à ces derniers que l'entreprise israélienne [5], fabricant des médicaments génériques de cette marque, tait soigneusement le fait qu'elle renfloue l'armée israélienne et en proposant de coller des vignettes sur leurs cartes Vitale représentant une interdiction de Teva ne s'inscrit pas dans un débat public d'intérêt général et vise à imposer des idées à des personnes qui prises par surprise ne sont pas préparées à un tel débat ; qu'en jugeant pourtant que ces faits, relatés dans le récit de l'action menée par le collectif 69 par Mme [R], s'inscrivaient dans un débat public d'intérêt général, la cour d'appel a violé l'article 24 aliéna 7 de la loi du 29 juillet 1881 ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que l'appel au boycott constitue une modalité particulière d'exercice de la liberté d'expression en ce qu'il combine l'expression d'une opinion protestataire et l'incitation à un traitement différencié de sorte que, selon les circonstances qui le caractérisent, il est susceptible de constituer un appel à la discrimination d'autrui qui relève de l'appel à l'intolérance lequel, avec l'appel à la violence et l'appel à la haine est l'une des limites à ne dépasser en aucun cas dans le cadre de l'exercice de la liberté d'expression ; que le fait de distribuer des centaines de tracts aux passants devant la plus grande pharmacie de [Localité 4], indiquant à ces derniers que l'entreprise israélienne [5], fabricant des médicaments génériques de cette marque, tait soigneusement le fait qu'elle renfloue l'armée israélienne et en collant sur les cartes Vitale de certains d'entre eux des stickers avec un logo représentant une interdiction de Teva, non seulement incite à une atteinte aux personnes qui, allant acheter des médicaments à la pharmacie, subissent une pression et une perturbation auxquelles ils ne sont pas préparés, aux biens, en l'occurrence les cartes Vitale, propriété de l'Assurance maladie, mais encore provoque des comportements discriminatoires vis-à-vis d'une entreprise française, la société [5], pour la seule raison qu'elle est une filiale d'un groupe pharmaceutique israélien, présenté comme finançant le mal en renflouant les finances de l'armée israélienne diabolisée et comme le dissimulant intentionnellement ; qu'en jugeant pourtant que les faits en cause traduisent une conviction s'inscrivant dans un débat public d'intérêt général exprimé dans des propos modérés et qu'elle n'incite pas à l'accomplissement d'un acte violent ni à aucune atteinte aux biens ou aux personnes, ni même à provoquer des comportements discriminatoires, le seul fait de ne pas se porter acquéreur d'un bien ou d'un produit, dont rien n'assure que sans cela il aurait été acheté, ne pouvant être regardé comme tel, la cour d'appel a violé l'article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881 ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que le juge français doit, pour sanctionner l'appel au boycott de produits à raison de leur origine géographique lequel constitue une provocation à la discrimination, vérifier la teneur de cet appel, ses motifs et les circonstances dans lesquelles il s'inscrit afin de dire si la condamnation est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre le but légitime poursuivi à savoir la protection des droits du producteur des produits en cause en lui permettant l'accès au marché et la défense de l'ordre en évitant l'importation en France d'un conflit étranger par des manifestations attisant la haine à l'encontre d'une partie de la population ; qu'au titre des circonstances dans lesquelles l'appel au boycott est commis, le juge national doit rechercher si les faits reprochés sont accompagnés de propos racistes, antisémites ou appelant à la haine ou à la violence, ou d'actes de violences contre les biens ou les personnes et encore si, eu égard au contexte plus général du pays où ils sont commis, ces faits ne risquent pas d'attiser la haine et la violence à l'égard d'une partie de la population ; qu'en se bornant à énoncer qu'il ne résulte d'aucun élément qui lui sont soumis qu'à l'occasion de l'action en cause auraient été commises des violences ou des dégradations ou proférées des menaces, des appels à la haine ou à la violence, des propos racistes ou antisémites et en jugeant ensuite que l'utilisation, l'instrumentalisation que certains feraient dans des cabinets médicaux du sticker qu'ils ont choisi d'apposer (à une époque ou dans des circonstances inconnues) sur leur carte Vitale apparaît étrangère à l'action personnelle de Mme [R], la cour d'appel qui a ainsi refusé d'apprécier l'ensemble des circonstances dans lesquelles l'appel au boycott a été commis, et en particulier celles liées au contexte général et aux effets qu'il est susceptible de provoquer en attisant la haine à l'encontre de la communauté juive, a violé les articles 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881 ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ que l'association [3], partie civile, produisait aux débats le témoignage d'un médecin parisien qui, après avoir refusé des cartes Vitale munies du sticker « Teva j'en veux pas », avait fait l'objet de menaces verbales avec des allusions antisémites (pièce 47), le témoignage d'un médecin, membre de la fédération des médecins de France, attestant de la multiplication de conflits entre médecins et patients à la suite d'une campagne proposant d'apposer sur les cartes Vitale un sticker véhiculant un message à caractère politique « stop Teva » et l'existence de menaces verbales à l'encontre d'un autre médecin de [Localité 6], filmé à son insu par un patient, et dont la vidéo, publiée sur internet, avait fait l'objet de messages menaçants à caractère antisémite (pièce 25), les copies d'écran de ladite vidéo intitulée, sur YouTube, « Boycott Israël – un médecin juif refuse sa carte vitale, en France » et des messages en question, violents, menaçants et antisémites (pièce 26) ; qu'en se bornant à énoncer que l'utilisation et l'instrumentalisation que certains feraient dans les cabinets médicaux du sticker qu'ils ont choisi d'apposer sur leur carte Vitale sont étrangères à l'action personnelle de Mme [R] sans rechercher si les menaces et propos antisémites proférés à l'encontre de médecins refusant les cartes Vitale sur lesquelles figure le sticker en cause, de même que les conflits patients-soignants, ne sont pas provoqués par les campagnes appelant au boycott des produits pharmaceutiques Teva, dont notamment celle menée par Mme [R], la cour d'appel a privé sa décision de motifs suffisants violant ainsi l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 16. Les moyens sont réunis. 17. Pour confirmer le jugement et relaxer la prévenue du chef de provocation publique à la discrimination de la société [5] en raison de son appartenance à la nation israélienne, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il n'est pas contesté que les propos poursuivis s'inscrivent dans le contexte d'une action militante en faveur de la cause palestinienne et d'un appel au boycott des produits de la société [5], en raison de l'appartenance réelle ou supposée de celle-ci à la nation israélienne. 18. Les juges ajoutent que la poursuite s'analyse en une ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression consacrée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui peut être légitime s'il est établi qu'elle est nécessaire dans une société démocratique, qu'elle reste proportionnée et que les motifs en sont pertinents et suffisants. 19. Ils relèvent, à cet égard, que la Cour européenne des droits de l'homme énonce (CEDH, arrêt du 11 juin 2020, Baldassi et autres c. France, n° 15271/16 et 6 autres) que, d'une part, le boycott est une modalité d'expression d'opinions protestataires et l'appel au boycott qui vise à communiquer des opinions en appelant à des actions spécifiques liées à ces opinions relève par conséquent des stipulations de l'article 10 précité, d'autre part, l'appel au boycott constitue une modalité particulière d'exercice de la liberté d'expression, en ce qu'il combine l'expression d'une opinion protestataire et l'incitation à un traitement différencié, si bien que selon les circonstances, il est susceptible de constituer un appel à la discrimination qui relève de l'appel à l'intolérance, lequel avec l'appel à la violence et l'appel à la haine constitue évidemment l'une des limites de la liberté d'expression. 20. Ils observent, également, que la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas remis en cause l'interprétation de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, soulignant la nécessité pour les juges français de vérifier que l'ingérence repose sur des motifs pertinents et suffisants, ce qui n'était pas le cas dans l'espèce qui lui était soumise, rappelant que les libertés d'expression et de manifester, essentielles au fonctionnement démocratique, s'inscrivent nécessairement dans l'État de droit, cadre de l'équilibre républicain et de l'égalité entre les citoyens mais que le discours militant ou politique ne doit pas appeler à la discrimination, à la haine ou à la violence. 21. Ils rappellent que les premiers juges ont estimé que l'action du Collectif 69 organisée le 19 novembre 2016 s'inscrivait dans un débat d'intérêt général contemporain, ouvert en France comme dans d'autres pays, portant sur le respect du droit international par l'Etat d'Israël et sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens. 22. Ils retiennent, par ailleurs, que, d'une part, les responsables de la société [5] n'ont eu connaissance de cette action que plusieurs jours après l'événement, ce dont il se déduit qu'ils n'en avaient jusque-là pas été gênés, d'autre part, il ne résulte d'aucun élément soumis à la cour qu'à l'occasion de cette action, des violences ou des dégradations auraient été commises, et des menaces, des appels à la haine ou à la violence, des propos racistes ou antisémites auraient été proférés. 23. Ils énoncent, également, que la publication litigieuse constitue un soutien au Collectif 69 et une approbation de son action du 19 novembre 2016, la relation des faits s'inscrivant dans un débat public d'intérêt général, étant exprimée dans des propos modérés, n'incitant pas à des actes violents ni à des atteintes aux biens ou aux personnes, ni même à provoquer des comportements discriminatoires. Ils relèvent, à cet égard, que le seul fait de ne pas se porter acquéreur d'un bien ou d'un produit, en l'espèce un médicament générique ayant donc des équivalents, dont rien n'assure que sans cela il aurait été acheté, ne peut être regardé comme tel. 24. Ils en concluent que, pour ces raisons, Mme [R] n'a pas outrepassé les limites de son droit à la liberté d'expression. 25. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 26. En effet, les propos publiés qui rendaient compte de l'action militante organisée à [Localité 4] le 19 novembre 2016, s'ils incitaient toute personne concernée à opérer un traitement différencié au détriment de la société [5], ne renfermaient pas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence et ne visaient pas cette société en raison de son appartenance à la nation israélienne mais en raison de son soutien financier supposé aux choix politiques des dirigeants de ce pays à l'encontre des Palestiniens. 27. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat Vu les articles 50 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 85 et 86 du code de procédure pénale : 28. Il résulte de ces textes que si l'action publique est mise en mouvement par la plainte avec constitution de partie civile dès que la consignation a été versée, encore faut-il, en cas d'infraction à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que ladite plainte réponde aux exigences de l'article 50 de la loi précitée, en énonçant la qualification exacte des faits et en précisant le texte édictant la peine dont l'application est demandée. 29. Ces dispositions sont prescrites à peine de nullité de la poursuite. Une telle nullité est d'ordre public et doit être soulevée d'office tant par les juges du fond que par la Cour de cassation. 30. Si une plainte incomplète ou irrégulière peut être régularisée par le réquisitoire introductif, c'est à la double condition qu'il soit lui-même conforme aux prescriptions de l'article 50 susvisé et qu'il soit intervenu dans le délai de la prescription que la plainte entachée de nullité n'a pas interrompu. 31. Il résulte des pièces de la procédure que la plainte avec constitution de partie civile déposée le 17 novembre 2017 par la société [5] retient tout à la fois, pour qualifier certains propos, la diffamation publique, sans autre précision, au visa du seul article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et la diffamation publique en raison notamment de l'appartenance à une nation, sans visa des textes qui la répriment et sans que le réquisitoire introductif ne soit venu réparer les insuffisances de cette plainte. 32. En conséquence, faute d'avoir constaté la nullité partielle de la poursuite du chef de diffamation publique en raison notamment de l'appartenance à une nation, dont le contenu était de nature à créer une incertitude dans l'esprit de la prévenue quant à l'objet de la poursuite, l'arrêt encourt la cassation. Portée et conséquences de la cassation 33. Ni l'action publique ni l'action civile n'ont été légalement mises en mouvement du seul chef de diffamation publique à raison de la nation. La cassation sera limitée aux seules poursuites de ce chef, les autres dispositions étant expressément maintenues. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens devenus sans objet. 34. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : Sur le pourvoi formé par l'association [2] contre l'antisémitisme : Le DÉCLARE IRRECEVABLE ; Sur les pourvois formés par la société [5], les associations [3] et [1] : DIT que ni l'action publique ni l'action civile n'ont été légalement mises en mouvement du chef de diffamation publique à raison de la nation ; CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 5 mai 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux poursuites pour diffamation publique à raison de la nation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; FIXE à 3 000 euros la somme globale que la société [5], les associations [3], [1] et [2] devront payer à Mme [R] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-trois. | PRESSE - Provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée - Eléments constitutifs - Provocation - Notion - Exclusion - Cas - Appel au boycott de produits à raison de l'appartenance de leurs producteurs à une nation - Liberté d'expression - Contrôle de proportionnalité | Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que si l'appel au boycott, qui vise à communiquer des opinions protestataires tout en appelant à des actions spécifiques qui leur sont liées, relève en principe de la protection de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il constitue cependant une modalité particulière d'exercice de la liberté d'expression en ce qu'il combine l'expression d'une opinion protestataire et l'incitation à un traitement différencié de sorte que, selon les circonstances qui le caractérisent, il est susceptible de constituer un appel à la discrimination d'autrui, lequel relève de l'appel à l'intolérance qui, avec l'appel à la violence et l'appel à la haine, est l'une des limites à ne dépasser en aucun cas dans le cadre de l'exercice de la liberté d'expression (CEDH, arrêt du 11 juin 2020, Baldassi et autres c. France, n° 15271/16). Justifie sa décision l'arrêt qui, pour relaxer la directrice de publication d'un site internet du chef de provocation publique à la discrimination d'une société en raison de son appartenance à la nation israélienne, énonce que les propos poursuivis, qui rendaient compte d'une action militante en faveur de la cause palestinienne, appelant au boycott des produits de cette société, s'ils incitaient toute personne concernée à opérer un traitement différencié au détriment de la société précitée, ne renfermaient pas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, et ne visaient pas cette société en raison de son appartenance à la nation israélienne mais en raison de son soutien financier supposé aux choix politiques des dirigeants de ce pays à l'encontre des Palestiniens |
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JURITEXT000048242135 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242135.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 17 octobre 2023, 22-83.869, Publié au bulletin | 2023-10-17 00:00:00 | Cour de cassation | C2301185 | Cassation partielle sans renvoi | 22-83869 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-06-02 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris | M. Bonnal | Me Laurent Goldman | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01185 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° S 22-83.869 F-B N° 01185 RB5 17 OCTOBRE 2023 CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 17 OCTOBRE 2023 Mme [C] [G], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 2 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre MM. [O] [U], [Z] [J], [F] [H], [S] [A] et Mme [K] [B], notamment des chefs de faux en écriture publique et violation du secret professionnel, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [C] [G], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 15 février 2020, M. [Y] [E] a été interpellé sur la voie publique, aux côtés de sa compagne Mme [C] [G]. 3. Des photographies de cette interpellation, dont certaines sur lesquelles Mme [G] est identifiable, ont été publiées dans la presse. 4. Une enquête, diligentée notamment pour violation du secret professionnel et recel, aurait mis en évidence des contacts entre MM. [O] [U], [F] [H], policiers, et [S] [A], journaliste, pour permettre à ce dernier de photographier la scène précitée, la surveillance ayant été partiellement menée par le journaliste et non les policiers, contrairement aux énonciations des procès-verbaux rédigés. 5. Une information a été ouverte des chefs susvisés. 6. Le 30 octobre 2020, Mme [G] s'est constituée partie civile des chefs de violation du secret professionnel et faux en écriture publique. 7. Par ordonnance du 21 juin 2021, les juges d'instruction ont déclaré irrecevable cette constitution de partie civile. 8. Mme [G] a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [G], alors : « 1°/ que pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que la chambre de l'instruction qui, bien qu'elle ait constaté que Mme [G] apparaissait sur les photographies publiées dans les médias de l'interpellation de M. [E] dans le cadre de la procédure de violences volontaires au titre de laquelle a été ouverte l'information judiciaire du chef notamment de violation du secret professionnel, ce qui permettait d'admettre comme possible un préjudice d'image en lien avec les infractions qui ont permis aux photographes d'assister à cette interpellation, a néanmoins déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [G], a méconnu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale ; 2°/ que Mme [G] se prévalait notamment d'un préjudice d'image à raison de la publication dans la presse de sa photographie lors de l'interpellation de M. [E] dans le cadre de la procédure de violences volontaires ouverte contre lui, de sorte qu'en retenant que si Mme [G] s'estimait victime d'éléments dévoilés dans la presse, ce n'était pas dans le cadre de de la procédures diligentées pour violences à l'encontre de M. [E] ni dans le cadre de son interpellation, la chambre de l'instruction, qui a dénaturé le mémoire de Mme [G] ou, à tout le moins, l'a ignoré, a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale : 10. Il résulte de ces textes que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. 11. Pour déclarer la constitution de partie civile de Mme [G] irrecevable, l'arrêt attaqué énonce en substance que les faits de faux en écriture publique ont été commis à l'occasion de l'enquête diligentée à l'encontre de M. [E] pour violences volontaires. 12. Les juges relèvent que les policiers ont suivi Mme [G] car elle a été identifiée comme la compagne de M. [E], lequel faisait l'objet d'un mandat de recherches, mais que l'enquête ne concernait pas cette jeune femme, qui n'a d'ailleurs été entendue qu'en qualité de simple témoin. 13. Ils ajoutent que la chambre de l'instruction a déjà écarté, au titre du contentieux de la nullité initié dans une information judiciaire distincte, l'argument selon lequel Mme [G] aurait été victime d'une arrestation arbitraire. 14. Ils retiennent enfin que le préjudice d'image allégué concerne la procédure diligentée à son encontre pour des faits d'atteinte à la vie privée d'un tiers. 15. Ils en déduisent que l'intéressée ne justifie d'aucun préjudice direct et personnel résultant des faits objet de l'information judiciaire. 16. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a exactement retenu que Mme [G] n'avait pas suffisamment justifié d'un éventuel préjudice en lien direct avec les faits de faux en écriture publique, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés s'agissant des faits de violation du secret professionnel. 17. En effet, Mme [G], qui était concernée par les investigations diligentées puisqu'elle a été suivie par les fonctionnaires de police pour permettre l'interpellation de M. [E], faisait valoir un préjudice résultant d'une atteinte à sa vie privée, du fait de la captation de son image et de sa reproduction sans son autorisation, consécutivement à la communication à un journaliste de renseignements connus des seuls fonctionnaires de police concourant à la procédure d'enquête. 18. Un tel préjudice est en relation directe avec la violation du secret de l'enquête et de l'instruction, tel que prévu par l'article 11 du code de procédure pénale, ce texte ayant pour objet de garantir notamment le droit au respect de la vie privée et la présomption d'innocence des personnes concernées par la procédure en cause (Cons. const., 2 mars 2018, décision n° 2017-693 QPC). 19. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 20. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux faits de violation du secret professionnel, la décision de la chambre de l'instruction relative aux faits de faux en écriture publique n'encourant pas la censure. Ces dernières dispositions seront donc maintenues. 21. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 2 juin 2022, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [G] du chef de violation du secret professionnel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DÉCLARE recevable la constitution de partie civile de Mme [G] du chef de violation du secret professionnel ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-trois. | SECRET PROFESSIONNEL - Violation - Secret de l'enquête ou de l'instruction - Atteinte au respect de la vie privée et à la présomption d'innocence - Préjudice résultant de la captation de l'image d'une personne concernée par l'enquête et de sa reproduction - Lien direct | Le préjudice résultant de la captation de l'image d'une personne concernée par une enquête et de sa reproduction sans son autorisation, à la suite de la communication à un journaliste de renseignements connus des seuls fonctionnaires de police concourant à la procédure, est en relation directe avec la violation du secret de l'enquête et de l'instruction prévu à l'article 11 du code de procédure pénale, ce texte ayant pour objet de garantir notamment le droit au respect de la vie privée et la présomption d'innocence des personnes concernées par la procédure en cause. Encourt la cassation l'arrêt qui déclare irrecevable la constitution de partie civile du chef de violation du secret professionnel de la compagne d'une personne interpellée sur la voie publique qui a été suivie par les enquêteurs à cette fin et dont la photographie a été diffusée dans la presse sans son autorisation |
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JURITEXT000048389594 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/95/JURITEXT000048389594.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 novembre 2023, 22-86.509, Publié au bulletin | 2023-11-07 00:00:00 | Cour de cassation | C2301262 | Cassation partielle | 22-86509 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-11-04 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01262 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 22-86.509 F-B N° 01262 MAS2 7 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 NOVEMBRE 2023 MM. [Z] [H] et [B] [E] ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 4 novembre 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, de recels, escroquerie et blanchiment, en bande organisée, association de malfaiteurs, faux et usage, détention et acquisition illicites d'un bien culturel archéologique en provenance d'un pays en zone de conflit armé, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 30 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [E], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [Z] [H], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Metropolitan Museum of Art of [Localité 1], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen le 26 juin 2020 d'une partie des chefs susvisés, M. [Z] [H] a déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure le 23 décembre suivant. 3. Mis en examen le 23 mars 2022 des chefs susvisés, M. [B] [E] a présenté des moyens d'annulation selon mémoire enregistré au greffe de la chambre de l'instruction le 18 mai suivant. Examen des moyens Sur le premier moyen proposé pour M. [H] Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces de M. [H] et a constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 936 incluse, alors « que le respect des droits de la défense comme l'exigence d'équité de la procédure pénale imposent aux officiers de police judiciaire qui se saisissent d'office d'une enquête préliminaire sur le fondement de l'article 75 du code de procédure pénale, de consigner de manière exhaustive la teneur de leurs investigations et des actes d'enquête qu'ils effectuent ; que cette consignation ne peut, sans priver les parties mises en cause et les juridictions chargées de contrôler la procédure de la possibilité de s'assurer de sa régularité, consister en une simple synthèse des résultats et de l'analyse des investigations conduites ; que, de même, ne peut suffire à justifier de la régularité de l'enquête préliminaire, la simple mention générale, dans un procès-verbal de synthèse, des différents fondements juridiques autorisant les enquêteurs à mener leurs investigations ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté qu'il se déduisait d'un procès-verbal du 25 juillet 2018 qu'une enquête préliminaire avait été menée d'office par les enquêteurs de l'OCBC, avant que les résultats de cette enquête soient portés à la connaissance du procureur de la République, le 24 juillet 2018, mais sans que la teneur, les modalités et les dates des nombreux actes d'enquête effectués ne soient décrits (arrêt, pp. 9-10) ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen de nullité dont elle était saisie de ce chef, que le contenu du procès-verbal de synthèse du 25 juillet 2018 était suffisamment transparent et détaillé quant aux renseignements recueillis, à la méthode employée et aux bases juridiques susceptibles de justifier ces investigations et leur analyse, pour s'assurer de la régularité de l'enquête menée, et que les officiers de police judiciaire n'avaient pas à détailler leurs investigations (arrêt, p. 9, §§ 5-6 et p. 10, § 3), la chambre de l'instruction a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles préliminaire et 75 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité du procès-verbal de saisine du 25 juillet 2018, l'arrêt attaqué rappelle les prérogatives attribuées à l'office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), parmi lesquelles le contrôle des registres spéciaux des oeuvres d'art et la consultation des « listes rouges d'urgence des biens culturels en péril » du Conseil international des musées, et constate que ce contrôle a amené l'OCBC à repérer les activités illicites d'un ressortissant libanais. 6. Les juges relèvent que le procès-verbal, qui compte six pages, retrace les recherches préliminaires effectuées sur les ventes d'objets en France, notamment la vente d'une pièce provenant d'un pillage, ce qui a amené l'OCBC à soupçonner l'existence d'une filière internationale de commerce « d'oeuvres de sang », qu'il conclut que trois infractions, dont deux crimes, pourraient correspondre aux agissements en cause et qu'il mentionne que, la veille, ces informations ont été portées à la connaissance du procureur de la République qui a confirmé la saisine du service pour enquête. 7. Les juges estiment que ce procès-verbal est détaillé et transparent, qu'il s'inscrit dans le cadre d'une enquête préliminaire engagée d'office par un service de police judiciaire, et que l'article 75 du code de procédure pénale n'impose pas aux enquêteurs de détailler, par des procès-verbaux séparés ou d'une quelconque autre manière, leurs investigations ayant consisté à exploiter et compiler les renseignements reçus dans l'exercice de leur mission spécialisée. 8. Ils relèvent encore que les limites légales et conventionnelles tenant aux règles encadrant les techniques d'enquête intrusives et à celles du procès équitable, qui doivent permettre la libre discussion des indices et éléments de preuve, y compris sur leur origine et les modalités de leur obtention, ont été respectées. 9. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 10. En effet, le procès-verbal en cause, qui n'était destiné qu'à permettre de déterminer l'opportunité d'ouvrir une enquête et d'orienter les investigations à poursuivre sous le contrôle du procureur de la République, n'avait pas à rapporter le détail des diligences accomplies, les renseignements recueillis, dépourvus de valeur probante, ne pouvant en eux-mêmes porter atteinte aux droits de la défense et aux règles du procès équitable. 11. Le moyen doit dès lors être écarté. Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour M. [H] Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces de M. [H] et a constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 936 incluse, alors : « 2°/ que de l'interdiction faite aux agents des services de police, par l'article 230-27 du code de procédure pénale, d'utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire non autorisés par décret en Conseil d'Etat, résulte l'obligation de mentionner et d'identifier en procédure les logiciels utilisés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence d'identification des logiciels de rapprochement judiciaire mis en oeuvre par les enquêteurs de l'OCBC, aux motifs qu'aucune disposition « n'impose que les logiciels utilisés soient précisément spécifiés et référencés dans la procédure judiciaire pour laquelle ils sont mis en oeuvre » (arrêt, p. 12, § 2), la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé et l'article 230-20 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'un rapport doit être rédigé à la clôture de l'enquête, synthétisant les investigations menées au moyen de logiciels de rapprochement judiciaire ; qu'en retenant qu'il avait été satisfait à cette exigence par la seule présence en procédure de certains procès-verbaux, identifiables par le visa des articles 230-20 et suivants du code de procédure pénale, faisant état de l'usage de logiciels de rapprochement judiciaire (arrêt, p. 11, dernier §), la chambre de l'instruction a violé l'article R. 40-40 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour rejeter le moyen de nullité pris du recours, lors des investigations, à des logiciels de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce qu'aucun texte n'exige que les logiciels de rapprochement judiciaire qui sont mis en oeuvre soient précisément spécifiés et référencés dans la procédure. 14. Les juges ajoutent que les enquêteurs ont dûment établi des rapports d'exploitation des investigations réalisées à l'aide de tels logiciels, lesquels figurent aux cotes D 155, 159, 160, 163, 170 et 171. 15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 16. D'une part, le premier grief procède d'une lecture erronée de l'article 230-27 du code de procédure pénale, dont l'objet n'est pas de prévoir que chaque logiciel de rapprochement judiciaire utilisé fasse l'objet d'une autorisation spécifique par décret en Conseil d'Etat. 17. D'autre part, il a été satisfait à l'obligation de rendre compte des diligences effectuées à l'aide d'un logiciel de rapprochement judiciaire par l'établissement des différents procès-verbaux d'exploitation figurant à la procédure. 18. Les griefs doivent dès lors être écartés. Sur le deuxième moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans l'intérêt de M. [E], visant notamment la saisie informatique effectuée le 18 décembre 2018, alors : « 1°/ que tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés, sauf si l'inventaire sur place présente des difficultés, auquel cas ils font l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition ; que ni l'importance des opérations de perquisition à l'occasion desquelles les saisies sont effectuées ni la complexité des faits de la poursuite ne justifient qu'il soit reporté à l'inventaire et au placement sous scellé immédiat des objets et documents saisis ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour justifier l'inventaire et la mise sous scellés de données informatiques plusieurs semaines après les opérations de perquisition, la chambre de l'instruction a statué par motifs impropres en méconnaissance des articles 56, alinéa 4 et 5, et 802 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'obligation d'inventaire et de mise sous scellés s'applique aux saisies de données informatiques, qui doivent, après avoir été placées sous main de justice, être immédiatement inventoriées et placées sous scellés ; qu'en retenant le contraire, pour valider le placement sous scellé de données informatiques effectuées plus d'un mois après les opérations de saisie, et l'inventaire réalisé au même moment en l'absence de M. [E], la chambre de l'instruction a méconnu les alinéas 4 et 5 de l'article 56 du code de procédure pénale et l'article 802 du même code ; 3°/ qu'en écartant tout grief éprouvé par M. [E] à raison de ces irrégularités, au motif inopérant qu'il aurait été présent lors des opérations de copies effectuées durant la perquisition et qu'il aurait gardé la possession entière de ses ordinateurs et supports de stockage, sans autrement s'expliquer, comme elle y était invitée par les articulations essentielles du mémoire de M. [E], sur le fait que certains documents figuraient dans les données informatiques placées sous scellé qui ne figuraient pourtant pas sur son ordinateur, et qu'il était impossible de vérifier la traçabilité des données entre la saisie du 18 décembre 2018 et l'inventaire et le placement sous scellés du 23 janvier 2019 dès lors que ces données avaient été transférées au sein de plusieurs services durant cette période, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 593 et 802 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 20. Pour rejeter le moyen de nullité pris de la saisie de données informatiques, l'arrêt attaqué rappelle que la saisie a eu lieu sous la forme d'une copie des données contenues dans trois ordinateurs professionnels et un espace de stockage, qui a été réalisée en présence du requérant le 18 décembre 2018. 21. Les juges énoncent que, conformément aux dispositions de l'article 56, alinéa 5, du code de procédure pénale, qui ne prescrit pas le placement sous scellés ou l'inventaire sur place des données informatiques, les officiers de police judiciaire ont procédé à la saisie de ces données en plaçant sous main de justice une copie de celles-ci et qu'il n'y a pas lieu de rechercher un placement sous scellés définitifs. 22. Ils ajoutent que le requérant est mal fondé à soutenir qu'il ne peut savoir ce qui a été saisi alors que, d'une part, il a assisté à la perquisition, d'autre part, il est resté en possession de tous les supports physiques qui les contenaient et a toujours accès à ces données. 23. C'est à tort que la chambre de l'instruction a jugé que la saisie de données informatiques déroge aux prescriptions de l'article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale, selon lesquelles les éléments saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés, ou, en cas de difficultés, placés sous scellés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs. 24. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure sur ce point. 25. En effet, la chambre de l'instruction, qui n'était pas tenue de suivre le requérant dans le détail de son argumentation, s'est déterminée sur le fait qu'il était loisible à l'intéressé, demeuré en possession des supports physiques contenant les données saisies, de faire vérifier, au besoin en sollicitant une expertise, l'intégrité de la copie placée sous scellés cinq semaines plus tard, de sorte que, en présence d'allégations non étayées de discordance entre le contenu des supports et celui des scellés, elle a souverainement écarté tout grief pris de la tardiveté du placement sous scellés. 26. Le moyen doit dès lors être écarté. Sur le quatrième moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans l'intérêt de M. [E], visant notamment l'ensemble des réquisitions faites le 12 février 2020 et le 1er juillet 2020 par les officiers de police judiciaire à une « chargée de recherches », ainsi que tous les actes subséquents, alors : « 1°/ que l'introduction de tiers dans l'information en dehors de tout texte et de toute habilitation légale est interdite et constitue une violation du secret de l'instruction ; en validant les réquisitions d'un officier de police judiciaire tendant à ce qu'un agent de l'office où il oeuvre qui n'a ni la qualité d'OPJ, ni la qualité d'assistant spécialisé, ni aucun titre légal à participer à une commission rogatoire, l'assiste systématiquement dans l'exécution de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction, la chambre de l'instruction a violé l'article 11 du code de procédure pénale ; 2°/ que si l'officier de police judiciaire dispose de pouvoirs de réquisition lors de l'enquête, il ne dispose pas des mêmes pouvoirs lorsqu'il agit sur commission rogatoire du juge d'instruction, le mandat lui étant donné à titre personnel mais n'étant pas susceptible de subdélégation ; la chambre de l'instruction a violé l'article 151 du code de procédure pénale ; 3°/ que la « réquisition » au sens des articles 60 ou 77-1 du code de procédure pénale suppose seulement que l'officier de police judiciaire s'adresse à un tiers pour lui demander un renseignement ou un élément utile à la manifestation de la vérité, le tiers ainsi requis restant totalement en dehors de la procédure à laquelle il n'a pas accès ; la réquisition tendant à une assistance constante de l'officier de police judiciaire dans les actes qu'il effectue ne rentre pas dans le cadre de ces textes qui ont été violés par fausse application ; 4°/ que la réquisition étant irrégulière et résultant d'un dépassement de ses pouvoirs par l'officier de police judiciaire, ni son opportunité, ni son intérêt et encore moins l'existence d'un grief ne sont de nature à en exclure l'annulation ; la chambre de l'instruction a encore violé les textes susvisés, outre l'article 802 du code de procédure pénale par fausse application. » Réponse de la Cour 28. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité des réquisitions de l'officier de police judiciaire s'adjoignant l'assistance d'une personne chargée de recherche au sein de l'OCBC pour l'exécution d'une commission rogatoire, l'arrêt attaqué énonce que cet officier de police judiciaire disposait, par délégation du juge d'instruction et en application des dispositions combinées des articles 81 et 152 du code de procédure pénale, du pouvoir de requérir toute personne susceptible d'apporter son concours à la manifestation de la vérité, et notamment tout agent public. 29. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes visés au moyen. 30. En effet, la personne requise appartenait au service saisi pour l'exécution de la commission rogatoire, de sorte qu'elle n'était pas une personne tierce, étrangère à la procédure, et que sa participation à l'exécution de la mission ne procédait pas d'une subdélégation de celle-ci. 31. Le moyen doit dès lors être écarté. Mais sur le premier moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 32. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans l'intérêt de M. [E], notamment des trois réquisitions des 29 janvier 2019, 8 juillet 2021 et 12 juillet 2021, des expertises subséquentes et des auditions de ces experts, alors « qu'il n'entre pas dans les pouvoirs d'un officier de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, d'ordonner une mesure d'expertise et de désigner des experts ; que les réquisitions de l'officier de police judiciaire demandant à un archéologue affecté au CNRS, une directrice de recherche au CNRS et à un professeur d'archéologie orientale d'examiner des oeuvres d'art afin de donner leur avis sur celles pouvant avoir une origine illicite et d'établir des rapports sur les éléments scientifiques, géographiques et historiques permettant de matérialiser ce caractère illicite, sont des réquisitions aux fins d'examens techniques et scientifiques constitutifs d'expertises, et non de simples réquisitions aux fins de constatations techniques ; qu'en retenant le contraire, pour refuser d'annuler ces réquisitions prises par l'officier de police judiciaire sur commission rogatoire du juge d'instruction, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 156, 60 et 77-1 du code de procédure pénale ; la cassation interviendra sans renvoi, la chambre criminelle étant en mesure d'annuler les actes critiqués et les rapports qui en découlent. » Réponse de la Cour Vu l'article 156 du code de procédure pénale : 33. Selon ce texte, toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut ordonner une expertise. Ces juridictions ne tenant d'aucun texte la faculté de déléguer leurs pouvoirs en matière de désignation d'expert, il ne saurait entrer dans les pouvoirs de l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction d'ordonner une mesure d'expertise et de désigner les experts. 34. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité de réquisitions à personnes qualifiées par l'officier de police judiciaire, l'arrêt attaqué énonce que, s'agissant de celle du 29 janvier 2019, elle a été établie lors de l'enquête préliminaire. 35. S'agissant des autres, établies par l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, les juges estiment qu'elles ont eu pour objet des demandes d'ordre technique, non assimilables à des expertises, devant être comprises comme destinées à obtenir des pistes d'orientation par un spécialiste. 36. Ils ajoutent que, compte tenu de la nature de l'affaire, qui porte sur des centaines d'objets remontant à l'Antiquité et susceptibles d'avoir été prélevés dans des zones de guerre ou de conflit de plusieurs régions du monde, il ne saurait être reproché aux enquêteurs de s'être entourés d'avis techniques à un niveau élevé de précision et de détail. 37. En se déterminant ainsi, si c'est à juste titre qu'elle a refusé d'annuler la réquisition du 29 janvier 2019, prise conformément à l'article 77-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a, en revanche, s'agissant des réquisitions établies les 8 et 12 juillet 2021, méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 38. En effet, ces réquisitions, dont l'objet était de recueillir un avis sur le fond de l'affaire, en l'occurrence sur l'origine licite ou non des objets archéologiques, impliquant une interprétation, ne tendaient pas à des constatations techniques, mais à des examens techniques et scientifiques qui, comme tels, ressortissaient du domaine de l'expertise. 39. L'officier de police judiciaire n'avait en conséquence pas compétence pour procéder aux réquisitions en cause lors de l'exécution de la commission rogatoire. 40. En revanche, d'une part, il avait compétence pour procéder aux auditions en qualité de témoin des personnes spécialisées qu'il avait requises et qui ont été effectuées dans les formes légales, d'autre part, ces auditions ne trouvent pas leur support nécessaire dans les réquisitions irrégulières. 41. La cassation est dès lors encourue concernant les deux dernières réquisitions et les rapports déposés en exécution de celles-ci. Et sur le second moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [H] et le troisième moyen proposé pour M. [E] Enoncé des moyens 42. Le second moyen, proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en annulation de pièces et a constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 936 incluse, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 230-25 1° du code de procédure pénale, les logiciels de rapprochement judiciaire ne peuvent être utilisés que par des agents individuellement désignés et spécialement habilités à cette fin, dans les conditions définies par l'article R. 40-39 du même code ; que cette habilitation spéciale et individuelle ne se confond pas, mais se cumule, avec la nécessité édictée à l'article R. 40-40 du même code, que le recours auxdits logiciels soit par ailleurs autorisé par le magistrat saisi de l'enquête ou chargé de l'instruction ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de justification en procédure de la désignation individuelle et de l'habilitation spéciale des agents de l'OCBC ayant eu recours à des logiciels de rapprochement judiciaire, aux motifs que dès lors qu'ils avaient reçu du procureur de la République puis du juge d'instruction, l'autorisation spéciale d'utiliser les logiciels de rapprochement judiciaire, les agents de l'OCBC « disposaient subséquemment de la faculté d'utiliser ce type de logiciel, sans besoin de disposer d'une habilitation individuelle et autre que celle donnée par ces magistrat (arrêt, p. 11, § 6), la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés. » 43. Le troisième moyen, proposé pour M. [E], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans son intérêt, visant notamment l'ensemble des actes effectués en ayant recours à des logiciels de rapprochement judiciaire, alors « que les agents visés à l'article 230-25, 1° du code de procédure pénale ne peuvent utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire qu'à la condition d'être individuellement désignés et spécialement habilités, pour les seuls besoins des enquêtes dont ils sont saisis, par le magistrat du parquet ou le magistrat instructeur ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les actes de procédure collectés en ayant eu recours à des logiciels de rapprochement de données par des agents non individuellement désignés, qu'il suffisait que les magistrats ayant autorisé ces opérations désignent le service de police judiciaire pour mener ces investigations, la chambre de l'instruction a méconnu les articles R. 40-40 et 230-25 du code de procédure pénale. La cassation pourra intervenir sans renvoi. » Réponse de la Cour 44. Les moyens sont réunis. Vu les articles 230-25 et 15-5 du code de procédure pénale : 45. Selon le premier de ces textes, peuvent seuls utiliser les logiciels de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi qui sont individuellement désignés et spécialement habilités. 46. Selon le second, la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée, et l'absence de mention en procédure d'une telle habilitation n'emporte pas, par elle-même, nullité de cette procédure. En conséquence, il appartient à la juridiction saisie en ce sens de vérifier la réalité de cette habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information. 47. Pour rejeter le moyen de nullité pris du recours, lors des investigations, à des logiciels de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort du procès-verbal de saisine du 25 juillet 2018 que les enquêteurs ont été autorisés par le procureur de la République à utiliser de tels logiciels pour les besoins de leur enquête, qu'il ressort encore du procès-verbal établi le 13 février 2020 qu'après l'ouverture de l'information, le juge d'instruction a également donné son accord en ce sens et qu'il n'est pas besoin que figure en procédure une autorisation écrite du magistrat compétent. 48. Les juges estiment qu'en vertu de la saisine de leur service et des autorisations ainsi délivrées, les officiers de police judiciaire de l'OCBC disposaient de la faculté d'utiliser ce type de logiciels sans nécessité d'une habilitation individuelle dès lors que leurs noms apparaissaient en procédure. 49. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 50. En effet, il lui appartenait de procéder au contrôle de l'habilitation spéciale et individuelle des agents pour mettre en oeuvre des logiciels de rapprochement judiciaire, au besoin en ordonnant un complément d'information. 51. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 52. A la suite de la cassation prononcée au paragraphe 41, il appartiendra à la chambre de l'instruction de renvoi de procéder, le cas échéant, aux cancellations par voie de conséquence des procès-verbaux d'audition en qualité de témoin des personnes spécialisées qui pourraient résulter de l'annulation des réquisitions des 8 et 21 juillet 2021 et des rapports déposés en exécution de celles-ci. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 4 novembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives, d'une part, aux réquisitions des 8 et 12 juillet 2021 et aux rapports déposés en exécution de ces réquisitions, d'autre part, au contrôle de l'habilitation spéciale et individuelle des agents ayant mis en oeuvre des logiciels de rapprochement judiciaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-trois. | PREUVE | L'article 230-27 du code de procédure pénale n'oblige pas les enquêteurs à identifier en procédure les logiciels de rapprochement judiciaire qu'ils ont mis en oeuvre. Les prescriptions de l'article R. 40-40, dernier alinéa, du code de procédure pénale relatives à l'établissement d'un rapport joint à la procédure rendant compte des diligences effectuées à l'aide d'un logiciel de rapprochement judiciaire sont satisfaites par le versement à la procédure des divers procès-verbaux d'exploitation établis. Selon les articles 230-25 et 15-5 du code de procédure pénale, d'une part, seuls peuvent utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi individuellement désignés et spécialement habilités, d'autre part, la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée, l'absence de mention en procédure d'une telle habilitation n'emportant pas, par elle-même, nullité de cette procédure. Il en résulte qu'il appartient à la juridiction saisie en ce sens de vérifier la réalité de cette habilitation en ordonnant, au besoin, un supplément d'information. Encourt donc la censure l'arrêt qui énonce que les enquêteurs avaient été autorisés par le procureur de la République, puis par le juge d'instruction, à utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire et que, au regard de la saisine de leur service ainsi que des autorisations ainsi délivrées, ces enquêteurs disposaient de la faculté d'utiliser de tels logiciels sans nécessité d'une habilitation individuelle, dès lors que leurs noms apparaissaient en procédure |
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JURITEXT000048430313 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430313.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 22-82.826, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | C2301237 | Rejet | 22-82826 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-04-08 | Cour d'appel de Versailles | M. Bonnal (président) | SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01237 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 22-82.826 FS-B N° 01237 SL2 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Mme [Y] [Z] et la société [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 8 avril 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 29 janvier 2020, pourvoi n° 17-83.577), a condamné la seconde, pour complicité de fraude fiscale et blanchiment, à une confiscation, et, dans la procédure suivie contre la première des chefs de fraudes fiscales et blanchiment, a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y] [Z] et de la société [1], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Wyon, Pauthe, de Lamy, Mmes Piazza, Jaillon, conseillers de la chambre, MM. Ascensi, Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 13 avril 2015, Mme [Y] [Z] a été condamnée des chefs de fraudes fiscales, d'une part, par minoration, de 2007 à 2010, des déclarations d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune, d'autre part, par organisation d'insolvabilité, et de blanchiment. 3. La société [1] (la SCI), dont Mme [Z] est la représentante légale et l'actionnaire majoritaire, a été condamnée des chefs de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité et de blanchiment à la confiscation du bien immobilier dont elle est propriétaire à Paris. 4. Le tribunal a déclaré recevable l'Etat français en sa constitution de partie civile et a condamné Mme [Z], solidairement avec une autre prévenue, à lui verser la somme de 100 000 euros. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et le second moyen, pris en sa seconde branche 5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de la société [1] à titre de peine principale, la confiscation d'une maison d'habitation dont elle est propriétaire sur la commune de [Adresse 4] et à l'encontre de la société [3] à titre de peine principale la confiscation du bien situé en Corse aux lieux-dits [Localité 2] et [Localité 5] en contournant ces confiscations à hauteur de 1 000 000 d'euros chacune, alors : « 1°/ d'une part, que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées à la condition que la valeur totale des biens confisqués n'excède pas celle du produit total de cette ou de ces infractions ; qu'en l'espèce, Mme [Y] [Z] avait été déclarée coupable pour des faits commis entre 2007 et 2010 et les sociétés [1] et [3] pour des faits commis entre 2009 et 2010 (voir arrêt, p. 4 et s.) ; qu'en prononçant une peine de confiscation en valeur à l'encontre de ces dernières en la cantonnant à la somme de 1 million pour chacune d'entre elles, en relevant que « le montant des droits éludés, produit des infractions, s'élève à 3 747 544 euros selon la mise en demeure communiquée par la défense au titre du recouvrement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010 » (arrêt, p. 21) soit au regard de faits commis pour partie antérieurement à la période de prévention concernant les SCI et pour lesquels aucune déclaration de culpabilité n'a été prononcée à l'encontre des SCI, la cour d'appel a violé l'article 131-21 du code pénal ; 3°/ en outre, qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation en nature du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'une confiscation en valeur, en ce qu'elle conduit au versement d'une somme d'argent par l'intéressé et s'assimile ainsi à une amende ne saurait donc, en toute hypothèse, porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'intéressé ; qu'en prononçant une peine de confiscation en valeur à l'encontre des sociétés [1] et [3] « sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété des intéressés » (arrêt, p. 21), la cour d'appel a violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ enfin, qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation en nature du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations de la cour d'appel que les sociétés [1] et [3] ne généraient pas de revenus et disposaient pour seul patrimoine des biens immobiliers confisqués (voir arrêt, p. 22) ; qu'il en résultait que les sociétés en cause seraient contraintes de céder la propriété du bien confisqué en cas de confiscation en valeur et qu'une atteinte disproportionné les privant de leur seul élément d'actif serait alors portée à leur droit de propriété ; qu'en prononçant néanmoins une telle peine de confiscation en valeur pour un montant de 1 million d'euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l'article 1erdu premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 7. Pour condamner la société [1] à la confiscation de l'immeuble dont elle est propriétaire, en la cantonnant à hauteur d'un million d'euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité pour lesquels la société a été déclarée coupable, énonce que ces faits ont eu pour effet de rendre inefficace toute action de l'administration fiscale sur le patrimoine de Mme [Z]. 8. Les juges rappellent que la peine de confiscation est encourue par les personnes morales et que les dispositions de l'alinéa 9 de l'article 131-21 du code pénal autorisent la confiscation en valeur de tous les biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, dès lors que la valeur des biens saisis n'excède pas le montant estimé du produit de celles des infractions qui peuvent donner lieu à confiscation quand bien même ils n'auraient pas de lien direct ou indirect avec l'infraction. 9. Ils retiennent que le montant des droits éludés, produit des infractions de fraude fiscale commises par Mme [Z], s'élève à 3 747 544 euros selon la mise en demeure communiquée par la défense au titre du recouvrement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010 et que dès lors la confiscation peut être ordonnée en valeur sur le bien saisi, propriété de la société, dans la limite de ce montant sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressée. 10. Ils considèrent que la peine de confiscation en valeur affecte le patrimoine de la personne condamnée, que ce patrimoine ait ou non un lien avec l'infraction commise, tout comme la peine d'amende et doit donc, au même titre que cette dernière, être appréciée au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges. 11. La cour d'appel souligne que le bien immobilier dont la confiscation est envisagée constitue le seul actif de la société, dont il n'est pas établi qu'elle génère des revenus. 12. Elle en déduit que si la confiscation en valeur de ce bien est adaptée en nature à l'infraction commise, la confiscation du bien à hauteur du montant total du préjudice qui correspondrait pratiquement à l'entier patrimoine de la société apparaît excessive eu égard aux peines prononcées à l'encontre de l'auteur principal. 13. Le moyen doit être écarté pour les motifs qui suivent. 14. En premier lieu, les juges, qui ont prononcé la confiscation en valeur de l'immeuble appartenant à la société, se sont assurés que la valeur de ce bien n'excédait pas le montant du produit du délit de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité pour lequel elle a été condamnée. En effet, le produit de cette infraction est constitué par l'économie qu'elle a permis de réaliser, dont le montant est équivalent à celui de la totalité des impôts au paiement desquels s'est soustrait ou a tenté de se soustraire l'auteur principal de la fraude fiscale. 15. En second lieu, c'est à tort que la cour d'appel a affirmé qu'elle n'avait pas à apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de la société. En effet, dès lors que les faits avaient été commis par plusieurs auteurs ou complices, il appartenait aux juges, pour ordonner la saisie des immeubles appartenant à la société, de rechercher si cette dernière avait bénéficié en tout ou partie du produit de l'infraction et le cas échéant, si cette garantie était invoquée devant eux, d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée à son droit de propriété s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit. 16. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 17. En effet, la cour d'appel, qui a néanmoins procédé audit contrôle, a souverainement apprécié le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de la demanderesse par la confiscation prononcée, qu'elle a en conséquence cantonnée. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [Z] à verser à l'État au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral la somme de 50 000 euros, alors : « 1°/ d'une part, que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que l'État, garant du respect de la loi et dont l'intérêt se confond, sauf hypothèses particulières, avec l'intérêt général ne peut se prévaloir d'un préjudice moral découlant de la seule commission d'une infraction pénale ; qu'en jugeant que l'État était fondé à solliciter auprès de Mme [Y] [Z], déclarée coupable de blanchiment de fraude fiscale, l'indemnisation de son préjudice moral « en raison du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale » (arrêt, p. 23) la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants à caractériser l'existence d'un tel préjudice, résultant de la seule commission de cette infraction par un simple particulier, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale : 19. Il résulte de ces textes que l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage directement causé par l'infraction, distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société, dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique. 20. Pour condamner Mme [Z] à payer à l'Etat la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, l'arrêt attaqué énonce que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Etat français au titre du préjudice découlant directement du délit de blanchiment de fraude fiscale dès lors que son fondement est différent de celui résultant de la fraude fiscale déjà indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard dans le cadre de la procédure fiscale. 21. Les juges relèvent que l'État français est recevable à solliciter une indemnisation au titre du préjudice moral lié aux faits de blanchiment, en raison du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l'autorité de l'État dans l'opinion publique. 22. Ils constatent qu'en l'espèce la dimension d'atteinte à l'égalité fiscale entre citoyens de situation comparable et à l'ordre public économique est particulièrement caractérisée et ce notamment par la mise en place de nombreux mécanismes de dissimulation de recettes et de transfert de fonds. 23. Ils ajoutent que l'atteinte aux intérêts moraux de l'Etat inclut le préjudice lié au crédit de celui-ci. 24. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 25. En effet, la commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n'est pas susceptible de causer à l'Etat un préjudice moral distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l'action publique a pour fonction de réparer. 26. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 27. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par la société [1] : Le REJETTE ; Sur le pourvoi formé par Mme [Z] : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 avril 2022, mais en ses seules dispositions ayant condamné Mme [Z] à payer à l'Etat la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | BLANCHIMENT | ||||||||||
JURITEXT000048430315 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430315.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 23-81.135, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | C2301343 | Cassation sans renvoi | 23-81135 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-24 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La | M. Bonnal | SCP Sevaux et Mathonnet | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01343 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 23-81.135 F+B N° 01343 ECF 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 24 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 12 juin 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Y] [D], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [Y] [D] a été mis en examen pour escroquerie aggravée. 3. Dans le cadre de l'information, il a été procédé à la saisie de divers biens mobiliers lui appartenant pour un montant évalué à 162 280 euros. Par ordonnance du 15 juin 2022, le juge d'instruction a ordonné la remise de ces biens à l'AGRASC en vue de leur aliénation. 4. M. [D] a relevé appel de cette décision Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC des biens mobiliers saisis, alors « que les décisions de remise à l'AGRASC font l'objet d'une ordonnance motivée prise soit sur réquisitions du procureur de la République, soit d'office après avis de ce dernier ; que l'avis du procureur de la République constitue une formalité obligatoire dont l'absence cause nécessairement grief ; qu'en retenant qu'aucune nullité n'est spécialement encourue du fait de l'absence d'avis du procureur de la République et en exigeant la démonstration d'un grief, la chambre de l'instruction a violé l'article 99-2, alinéa 5, du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 99-2, alinéas 2 et 5, du code de procédure pénale : 6. Il résulte de ce texte que, lorsque le juge d'instruction ordonne d'office la remise à l'AGRASC, en vue de leur aliénation, de biens meubles placés sous main de justice car le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur des biens, cette décision est prise après avis du procureur de la République. 7. Pour écarter le moyen selon lequel l'ordonnance de remise des biens en vue de leur aliénation serait nulle faute d'avis préalable du procureur de la République, l'arrêt attaqué énonce qu'aucune nullité n'est spécialement encourue du fait de cette irrégularité et qu'aucun grief n'est démontré. 8. En se déterminant ainsi, alors que les dispositions précitées de l'article 99-2 du code de procédure pénale exigent que le juge d'instruction recueille l'avis du procureur de la République avant de prendre une ordonnance de remise des biens placés sous main de justice en vue de leur aliénation, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 9. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 24 janvier 2023 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ANNULE l'ordonnance du juge d'instruction du 15 juin 2022 du tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion ordonnant la remise à l'AGRASC de biens meubles appartenant à M. [D] et placés sous main de justice en vue de leur aliénation ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | SAISIES | Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui rejette la demande en nullité d'une ordonnance de remise des biens placés sous main de justice en vue de leur aliénation prise en application de l'article 99-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, alors que l'avis du procureur de la République n'a pas été préalablement recueilli conformément au cinquième alinéa de ce même article, au motif qu'aucune nullité n'est spécialement encourue et qu'aucun grief n'est démontré |
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JURITEXT000048430355 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430355.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 22-81.258, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | C2301238 | Cassation partielle | 22-81258 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2021-12-13 | Cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Spinosi, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01238 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° D 22-81.258 FS-B N° 01238 SL2 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 13 décembre 2021, qui, pour démarchage bancaire ou financier illicite et blanchiment aggravé, l'a condamnée à 3 750 000 euros d'amende, une confiscation, a ordonné une mesure de publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, MM. Pauthe, de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un signalement de l'Autorité de contrôle prudentiel et d'une enquête préliminaire, une information judiciaire a été ouverte le 12 avril 2012, portant sur des faits relatifs à l'existence d'un système d'évasion fiscale entre les banques [3] et [4], supposant des opérations transfrontalières, réalisées grâce au démarchage de clients français par la banque suisse sur le territoire national et suivies par [3] à l'aide d'un outil manuel dénommé « carnets du lait », qui n'apparaissait pas dans la comptabilité officielle de la banque. 3. A l'issue de l'information judiciaire, la société [2], sa filiale française la société [3] et six personnes physiques ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel. 4. La société de droit suisse [2] a été poursuivie pour avoir, à [Localité 1] et sur le territoire national, de 2004 à 2011, alors qu'elle n'était pas une entreprise habilitée à intervenir sur le territoire français, démarché illicitement des résidents fiscaux français pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires d'[2] agissant sous l'autorité de leur employeur et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires. 5. Il lui était également reproché d'avoir, à [Localité 1], sur le territoire national et en Suisse, de 2004 jusqu'en 2012, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trusts, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimés à une somme de 10 600 000 000 euros au 1er juin 2006 et 8 500 000 000 euros au 30 novembre 2008. 6. Le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable des faits et l'a condamnée à une amende de 3 700 000 000 euros. Sur l'action civile, il a condamné la société [2], solidairement avec quatre autres prévenus, à payer à l'Etat français en réparation de son préjudice la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts. 7. La société [2] a relevé appel de la décision, le ministère public et la partie civile ont formé appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, le quatrième moyen, le cinquième moyen, le sixième moyen, le septième moyen, le huitième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième, huitième, dixième, onzième, douzième branches, le neuvième moyen, le onzième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et le douzième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable du délit de blanchiment aggravé de fraude fiscale, alors : « 1°/ que d'une part, en mettant à la charge des banques établies en Suisse des obligations juridiques précises destinées à préserver, de manière transitoire le secret bancaire et l'anonymat des déposants vis-à-vis de l'administration fiscale de leur État de résidence, en leur donnant le choix d'opter pour la divulgation d'informations ou, par défaut, une retenue d'impôt reversée de manière anonyme à leur Etat de résidence, l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération Suisse et la Communauté européenne a défini, pendant sa période d'application, le comportement que les institutions financières suisses devaient adopter face à des capitaux étrangers, générateurs d'intérêts, détenus par des résidents fiscaux d'Etats membres de l'Union européenne, indépendamment de la situation déclarative de ces résidents, ce qu'exprimaient les déclarations précises, inconditionnelles et concordantes émanant de sources suisses et européennes autorisées et fiables ; que pour condamner [2], agent collecteur au sens de l'Accord, au titre de la détention et de la gestion de fonds, ainsi que de la fourniture corrélative de services permettant d'assurer le secret bancaire, la cour d'appel a reproché à la banque suisse, sans que celle-ci puisse raisonnablement l'anticiper, d'avoir volontairement permis à des contribuables français de blanchir le produit d'une fraude fiscale, et ce en accueillant dans ses comptes les avoirs de résidents fiscaux français en carence déclarative vis-à-vis de leur administration fiscale, ce que n'interdisait pourtant pas l'Accord précité ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé ces stipulations, ensemble les principes de primauté du droit de l'Union européenne, de sécurité juridique et de confiance légitime. » Réponse de la Cour 10. Pour écarter le moyen tiré de la contrariété des poursuites du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale avec l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, l'arrêt énonce, notamment, que ladite directive, dite directive épargne sur l'imposition, s'appliquait à la Confédération helvétique à compter du 1er juillet 2005 en vertu dudit accord. 11. Les juges relèvent que cette directive organisait la mise en place par la Suisse d'un système inédit de retenue à la source sur les revenus de l'épargne des clients européens en préservant le secret bancaire, en ce qu'elle ouvrait une alternative aux détenteurs de fonds dans les livres des banques suisses entre un prélèvement forfaitaire fixé initialement à 15 % et porté à 20 % puis 35 % des intérêts générés, effectué par l'Administration fédérale des contributions (AFC) qui transmettait à l'administration fiscale de l'Etat d'origine de l'épargnant 75 % de la retenue réalisée, et la communication à l'AFC par la banque de son identité et de ses revenus financiers encaissés, à charge pour les services fiscaux suisses d'informer l'administration fiscale d'origine. 12. Ils en déduisent que certains produits financiers se trouvaient en-dehors du champ d'application de l'Accord, à savoir les dividendes et les plus-values de cession, le témoin n° 119 précisant ainsi qu'il suffisait pour échapper à l'Accord de choisir des produits composés d'au moins 50 % d'actions dans le portefeuille du client, et que le dispositif organisé par ledit Accord n'étant pas applicable aux personnes morales, il était aisé de faire obstacle au prélèvement sur les intérêts en interposant soit une société offshore, soit un trust ou toute autre entité dont le contribuable fraudeur était le bénéficiaire économique. 13. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué pour les motifs qui suivent. 14. Afin de garantir l'effectivité de l'ensemble des dispositions du droit de l'Union européenne, le principe de primauté impose aux juridictions nationales d'interpréter, dans toute la mesure du possible, leur droit interne de manière conforme au droit de l'Union. A défaut de pouvoir procéder à une telle interprétation, le juge national a l'obligation d'assurer le plein effet des dispositions du droit de l'Union en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77). 15. En sa qualité d'accord international conclu par la Communauté européenne, l'Accord bénéficie du principe de primauté. 16. Il résulte de ses stipulations qu'il met à la charge des agents payeurs suisses, au rang desquels les banques, les obligations suivantes. D'une part, les agents payeurs doivent, après avoir établi l'identité du bénéficiaire effectif et déterminé son lieu de résidence fiscale, prélever une retenue d'impôts sur les paiements d'intérêts faits aux bénéficiaires effectifs, la Suisse transférant 75 % de la recette générée par la retenue d'impôts en un seul versement annuel à l'Etat de résidence du bénéficiaire. D'autre part, lorsque le bénéficiaire souhaite éviter ladite retenue, et sur son autorisation expresse, l'agent payeur communique aux autorités suisses compétentes les informations relatives aux paiements d'intérêts qu'il a reçus, à charge pour elles de les transmettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de résidence du bénéficiaire effectif. 17. Dès lors que l'Accord impose des obligations de résultat précises et qu'il est rédigé dans des termes clairs et inconditionnels, il est pourvu d'un effet direct. 18. La société [2] se voit reprocher d'avoir, sur le territoire national et en Suisse, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect du délit de fraude fiscale. 19. Les poursuites dirigées contre la société [2] du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale sont fondées sur les dispositions des articles 324-1, alinéa 2, et 324-2 du code pénal. 20. Le moyen pose la question de la conformité à l'Accord de la législation française relative au blanchiment de fraude fiscale et des poursuites exercées sur son fondement. 21. Aux termes de l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal, constitue un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. La caractérisation du délit de blanchiment exige d'établir que l'auteur avait connaissance de l'origine frauduleuse des fonds (Crim., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15.84.003). 22. La Cour de cassation juge que l'objet du blanchiment de fraude fiscale est le produit du délit de fraude fiscale, qui est constitué de l'économie qu'elle a permis de réaliser et dont le montant est équivalent à celui des impôts éludés (Crim., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-81.040, publié au Bulletin). 23. Aux termes de l'article 113-2 du code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire. 24. La Cour de cassation juge que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du délit de blanchiment commis à l'étranger concernant des fonds qui constituent le produit d'une infraction commise en France, laquelle caractérise un fait constitutif du délit de blanchiment au sens de l'article 113-2 précité (Crim., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-87.076). 25. Il résulte ensuite de la comparaison des termes de l'incrimination de blanchiment de fraude fiscale avec le champ d'application de l'Accord les conclusions suivantes. 26. En premier lieu, au regard des obligations instituées par l'Accord à la charge des agents payeurs suisses, les poursuites du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale entreraient en conflit avec le droit de l'Union si, en satisfaisant aux obligations de l'Accord, les agents payeurs commettaient des agissements constitutifs de ladite infraction ou si la satisfaction des obligations de l'Accord supposait qu'ils commettent l'infraction. 27. Les stipulations de l'Accord, en ce qu'elles sont relatives aux agents payeurs suisses, tendent exclusivement au prélèvement et au reversement d'un impôt sur le versement d'intérêts ou à la transmission à l'autorité suisse compétente d'informations relatives à ce même versement d'intérêts, sans établir de distinction selon la nature, licite ou illicite, des fonds les ayant générés. 28. D'une part, ces opérations, même lorsqu'elles sont relatives au paiement d'intérêts sur des fonds déposés par des clients résidents fiscaux français ayant commis une fraude fiscale, en ce qu'elles sont insusceptibles d'être analysées comme des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion, n'entrent pas dans les prévisions de l'incrimination de blanchiment aggravé du produit de la fraude fiscale au sens de la législation française. 29. D'autre part, aucune des obligations prévues par l'Accord n'astreignant les agents payeurs suisses à déterminer si les fonds générateurs d'intérêts proviennent ou non d'une fraude fiscale, le respect de l'Accord n'est pas de nature à leur faire acquérir la connaissance de l'origine, le cas échéant, frauduleuse des fonds, et ne peut ainsi entraîner la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale. 30. En deuxième lieu, les stipulations de l'Accord ne sauraient être interprétées comme autorisant directement ou indirectement, sous réserve de leur respect, les agents payeurs suisses à fournir en connaissance de cause des services bancaires à des clients résidents fiscaux français ayant commis une fraude fiscale. 31. D'une part, la décision 2004/911/CE du Conseil du 2 juin 2004 concernant la signature et la conclusion de l'Accord a été prise sur la base juridique de l'article 94 du traité instituant la Communauté européenne, en liaison avec l'article 300, § 2, premier alinéa, § 3, premier alinéa, et § 4, ce dont il ressort que l'Accord intervient dans le domaine des règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations. Il ne peut donc valoir engagement au nom des Etats membres, dont la France, à renonciation à l'exercice de poursuites pénales du chef de blanchiment de fraude fiscale. 32. D'autre part, aucune des stipulations de l'Accord n'autorise ni n'interdit la fourniture de services bancaires par les agents payeurs suisses, ni n'octroie à ces agents, en contrepartie de leur respect, une garantie concernant les conditions dans lesquelles ils pourront continuer à fournir des services bancaires aux résidents d'un Etat membre. 33. Enfin, l'Accord visant à établir des mesures équivalentes à celles de la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts du 26 octobre 2004, sa finalité, équivalente à celle que ladite directive énonce en son considérant 8, selon lequel elle « a pour objectif ultime à permettre que les revenus de l'épargne, sous forme de paiement d'intérêts effectué dans un État membre en faveur de bénéficiaires effectifs, qui sont des personnes physiques ayant leur résidence dans un autre État membre, soient effectivement imposés conformément aux dispositions législatives de ce dernier État membre », ne réside pas dans le maintien du secret fiscal suisse et de la possibilité pour les agents payeurs suisses d'accueillir les fonds de résidents fiscaux européens issus de la fraude fiscale. 34. Il en résulte que les dispositions nationales régissant le blanchiment de fraude fiscale et les poursuites exercées sur leur fondement ne sont pas contraires à l'Accord. 35. Par conséquent, la question préjudicielle portant sur le point de savoir si l'Accord doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que, sur le fondement d'une réglementation pénale nationale visant à lutter contre le blanchiment de capitaux, une banque soit poursuivie et condamnée, le cas échéant de façon systémique, pour des faits de détention et de gestion de fonds et/ou pour la fourniture corrélative de services permettant notamment d'assurer le secret bancaire, n'est pas utile, dès lors que l'interprétation correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. 36. Ainsi, le moyen, qui est inopérant en ce qu'il invoque l'application de l'Accord à des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale commis, d'une part, antérieurement à son entrée en vigueur le 1er juillet 2005, d'autre part, par interposition de personnes morales et de trusts ainsi qu'au moyen de la fourniture de contrats d'assurance-vie, dès lors que le périmètre de l'Accord est circonscrit par son article 4, § 1, aux personnes physiques déposantes et par son article 7 aux revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts, doit être écarté. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique s'agissant des faits de démarchage illicite et de blanchiment de fraude fiscale aggravé, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 8 du code de procédure pénale que les infractions commencent à se prescrire au jour de leur réalisation, soit, s'agissant des infractions instantanées, à l'instant où elles sont commises ; que lorsque plusieurs de ces infractions se trouvent en concours réel, comme ici plusieurs démarchages bancaires illicites et plusieurs blanchiments, chacun de ces délits se prescrit, indépendamment des autres, selon cette même règle ; qu'en jugeant ici, par des motifs au demeurant totalement péremptoires, pour écarter l'exception de prescription, que « lorsque comme au cas d'espèce les faits (présumés) de démarchages et de blanchiment s'inscrivent dans le cadre d'une fraude complexe et se sont étendus sur une période de temps étendue sans discontinuité, la prescription ne débute qu'à compter du dernier acte de démarchage ou de blanchiment » (arrêt, p. 132 § 3), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs erronés et inopérants, en violation des règles d'ordre public de la prescription. » Réponse de la Cour 38. Pour écarter le moyen de nullité tiré de la prescription de l'action publique concernant les délits de démarchage bancaire et de blanchiment aggravé de fraude fiscale, l'arrêt énonce que le premier acte interruptif de prescription à leur égard est le soit-transmis du 1er mars 2011. 39. Les juges retiennent, après avoir constaté que le président de l'Autorité de contrôle prudentiel avait transmis un signalement au procureur de la République de Paris, le 22 février 2011, sur le fondement de l'article L. 612-28 du code monétaire et financier, que figurait dans cet acte de saisine ledit signalement, dénonçant un système d'évasion fiscale de la France vers la Suisse, conçu par la banque [2] avec la complicité de sa filiale. 40. Les juges ajoutent que la prescription régulièrement interrompue vis-à-vis d'une infraction interrompt aussi la prescription vis-à-vis des infractions qui lui sont connexes, si celles-ci ne sont pas elles-mêmes prescrites. 41. Ils soulignent que la notion d'indivisibilité a été exactement retenue par le tribunal, le blanchiment des fonds lié aux fraudes fiscales étant directement dépendant de la prospection préalable, présumée illicite, de résidents fiscaux français, et que ces faits sont dans un tel état de dépendance que l'existence des uns ne se comprend pas sans l'existence des autres, le blanchiment apparaissant comme la suite logique et nécessaire des actes de démarchage. 42. Ils relèvent que lorsque, comme au cas d'espèce, les faits de démarchage et de blanchiment s'inscrivent dans le cadre d'une fraude complexe, dont le caractère est établi par les descriptifs des schémas de fraude détaillés à la rubrique de l'arrêt consacrée au rappel des faits et de la procédure, et se sont étendus sur une période de temps étendue sans discontinuité, la prescription ne débute qu'à compter du dernier acte de démarchage ou de blanchiment. 43. Ils concluent que les faits de blanchiment dénoncés étant pour le dernier présumé avoir été commis courant 2012 et que s'agissant des démarchages il est daté du mois de juin 2011, la prescription n'était nécessairement pas acquise le 1er mars 2011. 44. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur le caractère indivisible des deux infractions, qui n'est pas de nature à reporter le point de départ de la prescription au jour du dernier acte de démarchage bancaire ou de blanchiment aggravé. 45. Cependant l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent. 46. En premier lieu, dès lors que l'article L. 353-2 du code monétaire et financier réprime le fait, pour toute personne, de recourir à l'activité de démarchage bancaire ou financier et renvoie pour sa définition à l'article L. 341-1 du même code, qui énumère les comportements constitutifs d'actes de démarchage et conclut que l'activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l'application de dispositions particulières qu'il énonce, le délit suppose, pour sa caractérisation, une répétition d'actes constitutive d'une habitude. 47. Il en résulte que la prescription ne court qu'à compter du jour où le délit de démarchage bancaire a pris fin. 48. Dès lors que le premier acte interruptif de prescription est survenu le 1er mars 2011, et que les juges ont fixé le dernier fait commis au mois de juin 2011, la prescription de l'action publique du délit de démarchage bancaire n'est pas acquise. 49. En second lieu, le délai de prescription commence à courir du jour où l'infraction apparaît et peut être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique lorsque le blanchiment consiste à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, et qu'il constitue donc une infraction occulte par nature en ce qu'il a pour objet de masquer le bénéficiaire ou le caractère illicite des fonds ou des biens sur lesquels il porte. 50. Il résulte des termes de la prévention, qui reprochent à la société [2] de s'être livrée à des opérations consistant en l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale, consistant en des comptes dits numériques ou numérotés, la constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trusts, fondations, contrats d'assurance-vie), un service banque restante, et la mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée, que la prévenue est poursuivie pour des faits de concours à une opération de blanchiment par dissimulation, constitutifs d'une infraction occulte par nature. 51. Les juges ont souverainement retenu que les faits avaient été portés à la connaissance du procureur de la République par le signalement de l'Autorité de contrôle prudentiel en date du 22 février 2011. 52. Dès lors que l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique le 22 février 2011, et que les juges ont fixé le dernier acte commis dans le courant de l'année 2012, la prescription de l'action publique n'est acquise pour aucun des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale visés à la prévention. 53. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le huitième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et neuvième branches Enoncé du moyen 54. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable de faits de démarchage bancaire illicite, alors : « 4°/ que l'article L. 341-2 du code monétaire et financier prévoit des situations non soumises aux règles concernant le démarchage bancaire ou financier ; que ce texte, qui déroge à la règlementation applicable en la matière, exclut toute poursuite pour démarchage bancaire illicite dans les cas limitatifs qu'il prévoit ; qu'en conséquence, une personne même non habilitée à démarcher en France peut néanmoins se livrer aux actes définis à l'article L. 341-1 du code monétaire et financier dans les situations décrites par ce texte ; qu'en soutenant que « le fait de se livrer à l'examen des situations non soumises aux règles concernant le démarchage bancaire ou financier prévues à l'article L. 341-2 du code monétaire et financier est inutile dès lors que toute activité de démarchage était interdite à [2] » (arrêt, p. 152), la cour d'appel a violé, par mauvaise interprétation, les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3 et L. 353-2 du code monétaire et financier ; 5°/ qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier que les règles concernant le démarchage sont inapplicables lorsque la personne visée est déjà cliente de la personne pour le compte de laquelle la prise de contact a lieu dès lors que l'opération proposée correspond, à raison de ses caractéristiques, de ses risques ou des montants en cause, à une opération habituellement réalisée par cette personne ; qu'en se bornant à énoncer que les relations nouées « concernaient des ouvertures suivies de transferts de fonds en Suisse », sans autrement rechercher si les personnes démarchées n'étaient pas déjà clientes d'[2], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; 6°/ qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier que les règles concernant le démarchage sont inapplicables lorsque la personne visée est un investisseur qualifié ; qu'en jugeant que les actes reprochés à la société [2] n'entraient pas dans le champ des exceptions au démarchage prévues par l'article L. 341-2 du code monétaire et financier, sans rechercher si les personnes sollicitées étaient des investisseurs qualifiés au sens de cette disposition, lorsque les conclusions soulignaient que de très nombreux clients d'[2] correspondaient à cette définition (conclusions de relaxe, n° 189), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article précité ainsi que des articles L. 353-2 du code monétaire et financier et 593 du code de procédure pénale ; 9°/ que le juge répressif saisi d'un concours d'infractions doit caractériser chacune de celles-ci en tous ses éléments constitutifs ; qu'en se bornant, pour entrer en voie de condamnation du chef de démarchage illicite, infraction instantanée, sur une période de prévention allant de 2004 à 2011, à relever que « le dossier d'instruction contient ainsi de nombreux exemples de prospects ou clients d'UBS SA qui ont finalement ouvert des comptes ou effectués des opérations bancaires avec [2], quand bien même ils n'auraient pas sollicité cette relation », pour conclure à la démonstration d'une « activité au plan matériel sans contradiction ni invalidation par une base documentaire quelconque » (arrêt, p. 143), la cour d'appel n'a pas caractérisé les infractions dans leur individualité et a nécessairement méconnu son office et privé sa décision de base légale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches 55. C'est à tort que la cour d'appel a écarté l'application des dispositions de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier au motif qu'elle constatait que la société [2] n'était pas habilitée à démarcher sur le territoire national. 56. En effet, si l'article L. 341-1 du code monétaire et financier définit les comportements constitutifs d'actes de démarchage bancaire ou financier, l'article L. 341-2 dudit code décrit les cas particuliers dans lesquels, bien que soit accompli un acte de démarchage tel que défini par l'article L. 341-1, les règles concernant le démarchage bancaire ou financier ne s'appliquent pas. 57. Il s'en déduit que l'article L. 341-3 du code monétaire et financier, qui autorise les personnes qu'il énumère à se livrer à l'activité de démarchage bancaire ou financier, cesse d'être applicable si l'acte de démarchage auquel il est procédé relève des situations spécifiques de l'article L. 341-2 dudit code. 58. En conséquence, lorsque l'activité de démarchage entre dans les prévisions de l'un des cas d'exclusion exposés à l'article L. 341-2 du code monétaire et financier, toute personne, même non habilitée, peut y recourir. 59. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 60. En effet, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs dont il ressort qu'elle a recherché, comme elle le devait et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions des parties, si les faits de démarchage bancaire reprochés à la société [2] entraient dans les prévisions de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier. 61. Ainsi, les griefs doivent être écartés. Sur le moyen, pris en sa neuvième branche 62. Pour confirmer la condamnation de la société [2] du chef de démarchage bancaire ou financier illicite, l'arrêt énonce, notamment, que les pratiques constantes, des années durant, telles que rapportées par la base documentaire saisie ou remise, les constats de la procédure administrative ayant donné lieu à l'ouverture des investigations judiciaires, les témoignages à charge recueillis considérés comme fiables à l'exception d'un seul, fondent l'intime conviction que sont réunies des charges suffisantes, autorisant à juger que la banque [2], qui ne disposait d'aucun document d'habilitation au sein de l'Union européenne en général et en France en particulier, a enfreint la loi française. 63. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 64. En effet, saisis d'une infraction unique de démarchage bancaire, les juges n'avaient pas à caractériser individuellement chacun des faits qui la constituent, dès lors qu'ils ont établi le caractère répété des actes la consommant. 65. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le onzième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 66. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné la personne morale [2] à payer la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts à la partie civile, alors : « 1°/ que si l'Etat peut prétendre souffrir d'un préjudice réparable par suite de la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale, c'est seulement lorsqu'il a été amené à conduire des investigations spécifiques générées par la recherche, par l'administration fiscale, des sommes sujettes à l'impôt en vue de son établissement, et que cette recherche a été rendue complexe en raison des opérations de blanchiment poursuivies ; qu'en énonçant que « les mécanismes de conversion mis en oeuvre en Suisse par la banque [2] l'ont contraint à un travail spécifique d'analyse et de recherche pour apprécier quelle était l'ampleur des faits de blanchiment commis » (arrêt, p. 176), la cour d'appel a indemnisé la recherche du blanchiment lui-même, en vue d'en déterminer l'objet, ce qui correspond uniquement au coût des investigations judiciaires consacrées à cette infraction principale et autonome ; que ce faisant, elle a violé les articles 2 et 800-1 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en tout état de cause, c'est uniquement l'éventuel surcroît d'effort d'investigation dans cette recherche, causé par le blanchiment poursuivi, qui peut être indemnisé ; qu'en n'expliquant pas en quoi les agissements imputés à [2] auraient rendu plus complexe la recherche des impôts éludés par les fraudes fiscales d'origine, lorsque le dossier ne repose que sur des estimations globales, et sur des « listes de régularisés » produites par la partie civile, obtenues dans le cadre de dispositifs de régularisation dépassant largement le cas des avoirs détenus auprès d'[2], et reposant sur un mécanisme d'autodénonciation, la cour d'appel n'a pas justifié l'existence d'un préjudice réparable au cas d'espèce, et méconnu les articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la partie civile ne peut obtenir réparation que des préjudices personnellement subis et découlant directement de l'infraction dénoncée ; que la recherche par l'Administration fiscale des « actifs dissimulés à l'étranger », ou encore celle de « plusieurs milliers de comptes bancaires qui n'avaient pas été déclarés » (arrêt, p. 176), trouve sa cause dans la décision des contribuables d'y placer leur argent sans se soumettre à l'obligation déclarative prévue par la loi française, et dans la circonstance que l'état des législations française et suisse en matière d'échange d'informations n'offrait pas l'accès à ces données ; qu'en indemnisant un préjudice découlant de faits étrangers à l'infraction de blanchiment reprochée à [2] au cas d'espèce, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 67. Pour confirmer l'existence d'un préjudice indemnisable subi par l'Etat français au titre du blanchiment aggravé de fraude fiscale, l'arrêt attaqué relève, notamment, que la recevabilité de l'action de l'Etat français est acquise et qu'est exclue l'indemnisation de la partie civile à raison des impôts éludés. 68. Les juges exposent que les services de l'Etat, pour identifier les actifs dissimulés à l'étranger, ont accompli un nombre conséquent d'investigations et de recherches assumées par ses agents, ce qui a entraîné des frais de fonctionnement correspondant à l'accomplissement de ces tâches. 69. Ils rappellent que l'Etat français a dû, avec ses moyens propres, sans le concours de la banque [2], rechercher plusieurs milliers de comptes bancaires qui n'avaient pas été déclarés et que ceci l'a obligé à de nombreux recoupements à partir des situations de multiples ressortissants français ou résidents fiscaux français, soulignant qu'il a été contraint de mettre en oeuvre les procédures dites de droit de communication, d'assistance administrative internationale et de coopération entre les administrations à de multiples reprises. 70. Les juges ajoutent que les agents de l'Etat ont dû être rétribués pour accomplir ces tâches, que le coût financier des services de l'Etat en a été augmenté et que les mécanismes de conversion mis en oeuvre en Suisse par la banque [2] l'ont contraint à un travail spécifique d'analyse et de recherche pour apprécier quelle était l'ampleur des faits de blanchiment commis. 71. Ils retiennent qu'au cas particulier, les actes de dissimulation et de justifications mensongères inhérentes aux opérations de blanchiment ont rendu encore plus malaisés les mécanismes de vérification que l'administration est fondée à mettre en oeuvre vis-à-vis des contribuables. 72. Ils concluent que les demandes de la partie civile sont la conséquence de la fraude systémique spécifiquement commise par la banque. 73. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 74. En premier lieu, elle a pris en considération, pour établir l'existence d'un préjudice subi par l'Etat français, l'accomplissement d'actes tendant à l'identification de comptes bancaires et la mise en oeuvre de procédures d'entraide administrative qui, ayant pour finalité l'établissement de l'impôt éludé et son recouvrement, relèvent des investigations indemnisables au sens de l'article 2 du code de procédure pénale. 75. En second lieu, elle a établi que les manoeuvres de dissimulation inhérentes aux actes de blanchiment aggravé visés à la prévention, qu'elle a par ailleurs caractérisés à la charge de la société [2], ont rendu plus complexe la recherche par l'administration fiscale des sommes sujettes à l'impôt. 76. Ainsi, les moyens doivent être écartés. Mais sur le dixième moyen Enoncé du moyen 77. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [2] à la peine de confiscation de « la somme de 1 000 000 000,00 euros, partie de la somme versée le 23 juillet 2014 à la régie du tribunal judiciaire de Paris au titre du cautionnement imposé par les juges d'instruction », alors : « 1°/ que d'une part, il découle du principe de légalité des peines tel que consacré tant par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme que par l'article 111-3 du code pénal, ainsi que de l'article 112-1 alinéa 2 du code pénal, que peuvent être seules prononcées les peines applicables à la date à laquelle les faits reprochés ont été commis ; que la société [2], personne morale, est poursuivie pour des faits de blanchiment commis entre 2004 et 2012 ; que la peine de confiscation générale de patrimoine, définie à l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal, n'est prévue par l'article 324-9 du code pénal, en répression du blanchiment à l'encontre des personnes morales, que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2013 ; qu'en prononçant à l'encontre d'[2] une peine de confiscation générale de patrimoine à hauteur d'un milliard d'euros, en « considérant que les articles 131-21 alinéa 6, 131-39 8° et 324-7 12° du code pénal habilitent le juge pénal à confisquer tout ou partie des biens d'une personne morale condamnée pour blanchiment » (Arrêt, p. 171), lorsque cette peine n'était pas prévue par la loi au moment de la commission des faits, la cour d'appel a violé les textes précités ; 2°/ que d'autre part, il résulte de l'article 142 du code de procédure pénale que le cautionnement n'a vocation qu'à garantir le paiement « de la réparation des dommages causés par l'infraction et des restitutions, ainsi que de la dette alimentaire lorsque la personne mise en examen est poursuivie pour le défaut de paiement de cette dette », ainsi que « des amendes » ; que seules des saisies de biens ou de droits peuvent poursuivre un tel but ; qu'en outre, selon l'article 142-3 du même code, le montant affecté à la deuxième partie du cautionnement est, en cas de condamnation, « employé conformément aux dispositions du 2° de l'article 142 » ; qu'en confisquant une partie de la somme versée à titre de cautionnement, la cour d'appel a violé les textes précités. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche Vu les articles 111-3, 131-21, alinéa 6, 324-9, alinéa 1er, du code pénal, dans sa version antérieure à la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière : 78. Aux termes du premier de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi. 79. Il résulte du deuxième que la confiscation de tout ou partie du patrimoine de la personne condamnée ne peut être prononcée sans que la loi réprimant le crime ou le délit poursuivi ne la prévoit expressément. 80. Il ne résulte pas du troisième que la confiscation de patrimoine figure parmi les peines encourues par les personnes morales pour sanctionner le délit de blanchiment. 81. Pour condamner la société [2] à une peine de confiscation de son patrimoine à hauteur de 1 000 000 000 euros, l'arrêt énonce que les articles 131-21, alinéa 6, 131-39, 8°, et 324-7, 12°, du code pénal habilitent le juge pénal à confisquer tout ou partie des biens d'une personne morale condamnée pour blanchiment. 82. En statuant ainsi, et dès lors qu'à la date des faits visés par la prévention les personnes morales poursuivies du chef de blanchiment n'encouraient pas la peine de confiscation de tout ou partie de leur patrimoine, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 83. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Vu les articles 131-21 du code pénal et 142-2, 2°, du code de procédure pénale : 84. Il se déduit de ces textes que la confiscation ne peut porter sur le cautionnement fourni par la personne mise en examen dans le cadre du contrôle judiciaire, cette obligation ne garantissant le paiement que des dommages et intérêts, des restitutions, de la dette alimentaire et des amendes. 85. Pour ordonner le prélèvement de la somme de 1 000 000 000 euros confisquée à titre de peine complémentaire sur celle versée au titre du cautionnement, l'arrêt énonce que les fonds versés à hauteur de 1 100 000 000 euros par [2] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris le 23 juillet 2014 au titre du cautionnement constituent un élément des biens de la banque suisse. 86. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 87. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Et sur le douzième moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième, sixième et huitième branches Enoncé du moyen 88. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné la personne morale [2] à payer la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts à la partie civile, alors : « 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que l'étendue du préjudice doit être évaluée, et le montant alloué suffisamment justifié par les motifs de la décision ; qu'en énonçant de manière abstraite que « les agents de l'Etat ont du être rétribués », notamment pour « mettre en oeuvre les procédures dites de droit de communication, d'assistance administrative internationale et de coopération entre les administrations à de multiples reprises », et que ce faisant, « le coût financier des services de l'Etat a augmenté » (arrêt, p. 176), en s'abstenant de toute évaluation ou même d'une estimation du surcoût d'investigations correspondant au préjudice découlant des faits de blanchiment qu'elle entendait réparer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision d'allouer la somme de 800 millions d'euros à la partie civile, en violation des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, et 1240 du code civil ; 4°/ que l'impossibilité de recouvrer l'impôt prescrit trouve sa seule cause dans l'état de la législation fiscale ; qu'en jugeant que « compte tenu du temps écoulé, l'acquisition de la prescription fiscale est apparue caractérisée ; que de ce fait l'Etat a subi une perte de chance exactement décrite aux écritures d'appel en page 107 des écritures déposées », la cour d'appel a indemnisé un préjudice sans lien avec l'infraction poursuivie, et violé de nouveau l'article 2 du code de procédure pénale et l'article 1240 du code civil ; 5°/ qu'à titre encore subsidiaire, la cour d'appel s'est bornée à invoquer le principe de la perte de chance en renvoyant aux conclusions de la partie civile (conclusions de l'Etat français, p. 107), laquelle ne propose elle-même aucune évaluation de cette perte de chance ; qu'en conséquence, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et son évaluation du montant à allouer en conséquence, en violation des textes précités et de l'article 593 du code de procédure pénale ; 6°/ que selon l'article 515 alinéa 3 du code de procédure pénale, la partie civile ne peut former aucune demande nouvelle en cause d'appel ; qu'en indemnisant le préjudice moral tiré du « discrédit » jeté sur les dispositifs de lutte anti-blanchiment l'Etat français (arrêt, p. 176), lorsque cette demande était nouvelle et partant, irrecevable, ainsi que le relevaient les conclusions d'[2] (conclusions sur les intérêts civils, p. 18), la cour d'appel a méconnu le texte précité ; 8°/ que les juges doivent s'expliquer sur les éléments retenus afin de fixer le montant des dommages-intérêts dus au titre de la réparation du préjudice en lien avec le blanchiment de fraude fiscale (Crim. 30 juin 2021, n° 20-83.355) ; qu'en s'alignant sur le jugement en fixant globalement à 800 millions d'euros le montant des dommages-intérêts alloués à l'Etat français, sans aucune justification quant au choix de ce montant, et sans expliquer quelles sommes étaient allouées pour la réparation de chacun des préjudices qu'elle entendait réparer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, et méconnu les articles 2, 3, 593 du code de procédure pénale, et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Sur le douzième moyen, pris en sa sixième branche Vu l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale : 89. Selon ce texte la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle. 90. Pour confirmer la condamnation de la société [2] à payer à l'Etat français, partie civile, la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt intègre, dans les postes de préjudice dont il accorde réparation, le discrédit sur les dispositifs de l'Etat français qui tendent à prévenir l'apparition du phénomène du blanchiment. 91. En statuant ainsi, dès lors que la demande formée devant elle par la partie civile au titre du discrédit jeté par le comportement de la société [2] sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment tendait à la réparation d'un chef de préjudice distinct de celui invoqué devant les premiers juges, qu'elle présentait un caractère nouveau et était comme telle irrecevable, la cour d'appel a méconnu le texte ci-dessus visé et le principe ci-dessus rappelé. 92. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief formé à la septième branche. Sur le douzième moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième et huitième branches Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 93. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 94. Pour confirmer la condamnation de la société [2] à payer à l'Etat français, partie civile, la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt énonce, notamment, que les faits de blanchiment ont été commis sur une période qui excède sept ans et que selon la documentation remise par la partie civile, les avoirs non déclarés avoisinent voire dépassent le montant de la somme mentionnée à l'ordonnance de renvoi, le chiffre avancé étant supérieur à 9 000 000 000 euros, ce qui permet de cerner l'importance quantitative des fonds blanchis. 95. Les juges retiennent que les services de l'Etat, pour identifier les actifs dissimulés à l'étranger, ont accompli un nombre conséquent d'investigations et de recherches assumées par ses agents, ce qui a entraîné des frais de fonctionnement correspondant à l'accomplissement de ces tâches. 96. Ils précisent qu'au cas particulier, les actes de dissimulation et de justifications mensongères inhérentes aux opérations de blanchiment ont rendu encore plus malaisés les mécanismes de vérification que l'administration est fondée à mettre en oeuvre vis-à-vis des contribuables, que compte-tenu du temps écoulé, l'acquisition de la prescription fiscale est apparue caractérisée et que de ce fait l'Etat a subi une perte de chance comme il l'allègue. 97. Ils concluent que les demandes de la partie civile sont la conséquence de la fraude systémique spécifiquement commise par la banque et que la somme de 800 000 000 euros accordée par le tribunal doit être confirmée, aucun motif de droit ou moyen juridique pertinent n'étant opposé par la défense sur ce point essentiel : le blanchiment commis a nécessairement occasionné les préjudices dont la réparation est demandée compte tenu des pratiques constantes, étendues dans le temps, conçues, organisées et mises en oeuvre. 98. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 99. En premier lieu, alors que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, la cour d'appel n'a pas établi l'existence de celle-ci, constituée par la possibilité pour l'administration fiscale, compte tenu des caractéristiques des fraudes fiscales, de détecter, établir et recouvrer l'impôt éludé avant l'expiration des délais de reprise, dont le blanchiment l'aurait privée. 100. En second lieu, la cour d'appel n'a pas estimé les chances de succès de l'administration fiscale dans son action tendant au recouvrement des impôts éludés avant leur prescription, ni apprécié le préjudice final résultant de la prescription des impôts dus, de sorte qu'elle n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la réparation de la perte de chance avait été mesurée à la chance perdue. 101. Enfin, la cour d'appel ne pouvait, sans mieux justifier sa décision, fixer à 800 000 000 euros le montant global des dommages et intérêts. 102. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation La cassation à intervenir concerne toutes les dispositions relatives aux peines, afin que la situation de la société [2] puisse faire l'objet d'une appréciation d'ensemble. Elle porte également sur les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 13 décembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | |||||||||||
JURITEXT000048430356 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430356.xml | ARRET | Cour de cassation, Assemblée plénière, 17 novembre 2023, 21-20.723, Publié au bulletin | 2023-11-17 00:00:00 | Cour de cassation | P2300672 | Rejet | 21-20723 | oui | ASSEMBLEE_PLENIERE | Cour d'appel de Paris, | SCP Le Griel, SCP Thouin-Palat et Boucard | ECLI:FR:CCASS:2023:AP00672 | LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION VB ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE Audience publique du 17 novembre 2023 Rejet M. SOULARD, premier président Arrêt n° 672 B+R Pourvoi n° J 21-20.723 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 17 NOVEMBRE 2023 L'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (l'AGRIF), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-20.723 contre l'arrêt, rendu sur renvoi après cassation, le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant à l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (le FRAC de Lorraine), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Par ordonnance en date du 8 février 2023, le premier président de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière. La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Griel, avocat de l'AGRIF. Un mémoire en défense au pourvoi a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du FRAC de Lorraine. Des observations complémentaires en demande ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Griel, avocat de l'AGRIF. Des observations 1015 ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du FRAC de Lorraine. Le rapport écrit de M. Chevalier, conseiller, et l'avis écrit de Mme Mallet-Bricout, avocat général, ont été mis à disposition des parties. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, assisté de Mme Couvez, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Le Griel, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Thouin-Palat et Boucard a répliqué, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2023, où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Sommer, Mme Teiller, M. Bonnal, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, Mme Darbois, doyen faisant fonction de président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Echappé, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, doyens de chambre, Mmes Leroy-Gissinger, Guillou, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mme Bouvier, M. Dary, Mme Bacache, M. Bosse-Platière, Mme Caillard, conseillers, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-16.089), l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (le FRAC) a organisé, dans ses locaux, une exposition intitulée « You are my mirror 1 ; L'infamille », à l'occasion de laquelle ont été présentés des écrits rédigés par un artiste, en ces termes : « Les enfants, nous allons vous enfermer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman. Les enfants, nous allons faire de vous nos esclaves, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous faire bouffer votre merde, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous sodomiser, et vous crucifier, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous arracher les yeux, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous couper la tête, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous vous observons, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous tuer par surprise, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous empoisonner, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, vous crèverez d'étouffement, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons égorger vos chiens, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous découper et vous bouffer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons faire de vous nos putes, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous violer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous arracher les dents, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous défoncer le crâne à coups de marteau, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous coudre le sexe, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous pisser sur la gueule, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous enterrer vivants, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Nous allons baiser vos enfants et les exterminer, nous introduire chez vous, vous séquestrer, vous arracher la langue, vous chier dans la bouche, vous dépouiller, vous brûler vos maisons, tuer toute votre famille, vous égorger, filmer notre mort. » 2. Soutenant que la présentation de ces écrits, dans une exposition accessible à tous, était constitutive de l'infraction prévue et réprimée par l'article 227-24 du code pénal, l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (l'AGRIF) a saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance, qui a décidé d'un classement sans suite. 3. Invoquant, sur le fondement de l'article 16 du code civil, une atteinte portée à la dignité de la personne humaine, elle a assigné le FRAC en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs qu'elle a pour objet de défendre. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa cinquième branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 5. L'AGRIF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ; que le principe du respect de cette dignité, qui a valeur constitutionnelle, est absolu car il résulte du primat de la personne ; qu'axiomatique, inviolable et insusceptible d'abus, il est l'essence de tous les droits fondamentaux ; qu'il s'ensuit que si un conflit peut intervenir entre de tels droits, qui ont même valeur normative, à raison d'un possible abus dans leur exercice que le juge réglera en recherchant un "juste équilibre" entre eux au regard d'un critère extérieur tiré des exigences d'une société démocratique, le principe susvisé, qui est absolu et n'a sa mesure qu'en lui-même, ne peut être mis en balance avec aucun droit fondamental, puisqu'il en est la substance et le fondement ; qu'ainsi, rien ne peut entrer en conflit avec ce principe qui n'en soit simplement la négation ; que tel était objectivement le cas des messages litigieux publiquement exposés par le FRAC de Lorraine, qui faisaient état de traitements particulièrement violents et abjects, attribués à des parents à l'égard de leurs enfants [esclavage, sodomie, mutilations, viols, assassinat], et accessibles à la vue de tout enfant que, pour rejeter les demandes de réparation présentées de ce chef par l'AGRIF, ès qualités, la cour a retenu que "lorsque la dignité est appréhendée dans le contexte de la confrontation de la liberté d'expression et d'autres droits en concurrence [...], le droit au respect de la dignité ne constitue pas en soi une restriction autonome à la liberté d'expression, dont seul l'abus peut être sanctionné au terme d'un contrôle de proportionnalité avec lesdits droits en concurrence", et qu'en dépit de sa valeur constitutionnelle, ce principe n'est pas à lui seul, sans atteinte à un droit concurrent à la liberté d'expression, "un fondement autonome de restrictions de la liberté d'expression lui conférant la nature de droit concurrent et justifiant que soit effectué un contrôle de proportionnalité à ce titre" (p. 12, § 4) ; qu'en soumettant ainsi l'application du principe du respect de la dignité de la personne humaine, absolu et insusceptible d'abus, à la condition qu'il puisse avoir, à l'égard de l'exercice d'un droit fondamental susceptible d'abus, tel que le droit à la liberté d'expression, la nature d'un droit concurrent ayant même valeur normative, la cour a violé le principe susvisé et l'article 16 du code civil, ensemble l'article 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par fausse application ; 2°/ que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ; que le principe du respect de cette dignité, résultant du primat de la personne, est absolu ; qu'ayant de surcroît valeur constitutionnelle, il est nécessairement normatif ; que, prenant acte de la cassation prononcée dans la présente procédure, le 26 septembre 2018, de l'arrêt de la cour de Metz qui avait dénié à l'article 16 du code civil toute valeur normative, la cour de Paris a retenu que la Cour de cassation avait alors jugé que ledit principe "est un principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis" (arrêt, p. 10, § 1) ; qu'en rejetant dès lors les demandes de l'AGRIF, ès qualités, tirées de la violation par le FRAC de Lorraine du principe susvisé, au motif qu'elle se fondait uniquement sur "l'atteinte à la dignité au sens de l'article 16 du code civil", sans avoir fait aucune application du principe solennellement énoncé par ce texte, la cour a violé ce principe par refus d'application, ainsi que l'article susvisé ; 3°/ que le juge est le gardien naturel du principe à valeur constitutionnelle selon lequel, à raison de la primauté de la personne, toute atteinte à la dignité de celle-ci est interdite ; qu'en l'espèce, la cour a explicitement admis qu'il s'agissait là d'un "principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis" (arrêt, p. 10, § 1) ; que, dès lors que ce principe est normatif, il était impossible à la cour de trancher le litige sans rechercher, comme elle y était invitée, si les messages mis en cause, publiés par le FRAC de Lorraine, n'étaient pas gravement attentatoires à la dignité de la personne humaine ; qu'elle ne pouvait pas, en particulier, se borner à renvoyer l'AGRIF à sa propre appréciation subjective des messages litigieux, en retenant, comme elle l'a fait, que "quand bien même [elle] estimerait l'exposition des oeuvres litigieuses attentatoires à la dignité humaine" sa demande de réparation ne pourrait pas être satisfaite (arrêt, p. 12, § 6) ; qu'en se dispensant de tout examen de cette nature, après avoir pourtant constaté qu'elle était saisie sur le fondement de la violation du principe susvisé, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code civil ; 4°/ que pour rejeter les demandes de réparation de l'AGRIF, dont l'objet est en particulier, statutairement (art. 2), de lutter contre "tout ce qui porte notamment atteinte à la dignité de la femme et au respect de l'enfant", la cour a fondé sa décision sur un arrêt d'assemblée plénière du 25 octobre 2019 (pourvoi n° 17-86.605, publié), en le jugeant "transposable au cas d'espèce", au motif qu'il avait "retenu que le principe érigé à l'article 16 du code civil constituait un principe à valeur constitutionnel" (arrêt, p. 11, § 4) ; que, cependant, l'arrêt ainsi visé n'avait fait aucune référence à l'article 16 du code civil, ni à la constitutionnalité du principe qu'il énonce ; qu'en outre, les circonstances du litige ayant donné lieu à cet arrêt n'avaient aucun rapport avec le présent litige, dès lors qu'était invoqué un abus du droit à la liberté d'expression lié à une injure personnelle subie, c'est-à-dire la confrontation de deux droits concurrents, tandis que la demande ici présentée par l'AGRIF, ès qualités, n'a aucun caractère personnel et vise la réparation d'une atteinte publique à la dignité de la personne humaine, droit absolu et à valeur constitutionnelle, sur le fondement exclusif de l'article 16 susvisé ; qu'il s'ensuit que cet arrêt, tant en droit qu'en fait, n'était pas transposable au cas d'espèce ; qu'en se fondant néanmoins sur cette décision pour rejeter les demandes de l'AGRIF, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code civil, ensemble de l'article 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6°/ en toute hypothèse, que le principe de dignité de la personne humaine, inviolable et absolu, est l'essence même de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'étant ainsi le fondement et la substance de tous les droits fondamentaux garantis par cette dernière, l'exercice d'aucun de ces droits ne peut l'enfreindre sans contradiction ; qu'il s'ensuit que ce principe constitue une composante nécessaire et suffisante de protection de la morale et de la défense de l'ordre dans une société démocratique au sens des dispositions de l'article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives à la liberté d'expression, encore qu'il n'y soit pas explicitement visé ; qu'en cohérence avec ces dispositions, l'article 16 du code civil, en interdisant de manière absolue et universelle "toute atteinte à la dignité" de la personne humaine, a édicté une restriction, nécessaire dans une société démocratique, au sens de l'article 10 susvisé, à l'exercice même de la liberté d'expression ; qu'en jugeant dès lors qu'il n'était pas établi que "la dignité humaine serait une composante nécessaire et suffisante de la protection de la morale et de la défense de l'ordre au sens des dispositions de l'article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l'homme", la cour d'appel a violé l'article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par fausse application, ensemble l'article 16 du code civil par refus d'application ; 7°/ en toute hypothèse, que si les formes d'expression artistique volontairement provocantes sont protégées par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à la liberté d'expression qui en résulte ne permet pas tout et quiconque s'en prévaut assume, selon les termes du paragraphe 2 de l'article susvisé, des "devoirs et des responsabilités" ; que, quelle que soit l'intention supposément artistique de leur auteur, la mise en exposition, dans un espace public de messages portant atteinte à la dignité de la personne humaine, avilissant pour des enfants comme pour leurs parents, supposés les soumettre à des traitements criminels [esclavage, sodomie, mutilations, viols, assassinat], constitue un usage de la liberté d'expression radicalement incompatible avec les devoirs et les responsabilités nécessairement attachés à l'exercice du droit à la liberté d'expression, que ne justifie aucun débat d'intérêt général et que n'excuse ni le goût prononcé de son auteur pour la provocation, ni son sens obsessionnel du mauvais goût et de la dégradation ; qu'en jugeant dès lors, pour rejeter les demandes de l'AGRIF, que la dignité de la personne humaine n'est pas une composante nécessaire et suffisante de la protection de la morale et de la défense de l'ordre au sens de l'article susvisé, et qu'à supposer caractérisée une atteinte à cette dignité par l'exposition des oeuvres litigieuses, cette atteinte ne constituerait pas "une limite admissible à la liberté d'expression justifiant une mesure de réparation", la cour a violé l'article 10 § 2 susvisé, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 10, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. 7. La Cour européenne des droits de l'homme affirme que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun (CEDH, arrêt du 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n° 5493/72, § 49). 8. La liberté d'expression englobe la liberté d'expression artistique, qui constitue une valeur en soi (CEDH, décision du 11 mars 2014, Jelsevar c. Slovénie, n° 47318/07, § 33) et qui protège ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une oeuvre d'art (CEDH, arrêt du 3 mai 2007, Ulusoy e.a. c. Turquie, n° 34797/02, § 42). 9. Toutefois, l'article 10, paragraphe 2, de la Convention prévoit que la liberté d'expression peut être soumise à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi, lorsque celles-ci constituent des mesures nécessaires à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. 10. Il en résulte que toute restriction à la liberté d'expression suppose, d'une part, qu'elle soit prévue par la loi, d'autre part, qu'elle poursuive un des buts légitimes ainsi énumérés. 11. Si l'essence de la Convention est le respect de la dignité et de la liberté humaines (CEDH, arrêt du 22 novembre 1995, S.W. c. Royaume-Uni, n° 20166/92, § 44), la dignité humaine ne figure pas, en tant que telle, au nombre des buts légitimes énumérés à l'article 10, paragraphe 2, de la Convention. 12. La Cour de cassation en a déduit que la dignité de la personne humaine ne saurait être érigée en fondement autonome des restrictions à la liberté d'expression (Ass. plén., 25 octobre 2019, pourvoi n° 17-86.605, publié). 13. Au surplus, l'article 16 du code civil, créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et invoqué par la requérante, ne constitue pas à lui seul une loi, au sens de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention, permettant de restreindre la liberté d'expression. 14. Ayant relevé que l'AGRIF poursuit l'exposition des oeuvres en cause sur le seul fondement de l'atteinte à la dignité au sens de l'article 16 du code civil, la cour d'appel a exactement retenu que le principe du respect de la dignité humaine ne constitue pas à lui seul un fondement autonome de restriction à la liberté d'expression. 15. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne et la condamne à payer à l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-trois. | |||||||||||||
JURITEXT000048176094 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/60/JURITEXT000048176094.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 octobre 2023, 22-12.387, Publié au bulletin | 2023-10-04 00:00:00 | Cour de cassation | 52300985 | Rejet | 22-12387 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-11-17 | Cour d'appel de Versailles | M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) | SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:SO00985 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 octobre 2023 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 985 F-B Pourvoi n° U 22-12.387 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023 M. [H] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-12.387 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (17e Chambre), dans le litige l'opposant à la société L'Oréal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société L'Oréal, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 novembre 2021), M. [W] a été engagé en qualité de juriste fiscaliste, coefficient 550, par la société L'Oréal (la société) le 1er janvier 1996, avec reprise d'ancienneté à compter du 14 novembre 1988, date du début de sa collaboration avec le cabinet [F]. 2. Le salarié a sollicité, en 2009, la mise en place d'une médiation en vertu de l'article L. 1152-6 du code du travail et un accord de médiation a été signé le 5 mai 2010, aux termes duquel son coefficient est passé à 660. 3. Le 20 août 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de constater qu'il faisait l'objet, dans l'exécution de son contrat de travail, de harcèlement moral et de « discrimination salariale » et d'obtenir la condamnation de la société à lui verser diverses sommes. 4. Convoqué le 18 février 2011 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, le salarié a été licencié le 11 mars 2011 pour cause réelle et sérieuse. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à l'annulation de son licenciement, à sa réintégration dans l'entreprise, à des dommages-intérêts à ce titre, à un rappel de salaire pour la période courant du 15 septembre 2011 à sa réintégration, à un rappel de participation et d'intéressement, à des dommages-intérêts pour surcoût fiscal et à l'attribution d'actions gratuites, alors : « 1°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; que la seule référence, dans la lettre de licenciement, à la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral justifie l'annulation du licenciement ; qu'en l'espèce, après avoir constaté expressément "la mention dans la lettre de licenciement du fait que M. [W] envisageait de porter plainte pour harcèlement moral", la cour d'appel ne pouvait débouter M. [W] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, ce au motif impropre que ladite mention "ne constitue pas un grief allégué par l'employeur mais un élément factuel" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ; 2°/ qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ; que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse engagée ou susceptible d'être engagée est constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice et entraîne l'annulation du licenciement ; qu'en l'espèce, ayant elle-même constaté "la mention dans la lettre de licenciement du fait que M. [W] envisageait de porter plainte pour harcèlement moral", la cour d'appel ne pouvait débouter M. [W] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, ce au motif impropre que cette mention "ne constitue pas un grief allégué par l'employeur mais un élément factuel", car en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail, l'alinéa 1 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. » Réponse de la Cour 6. Après avoir constaté que la lettre de licenciement, à titre liminaire, rappelait que, si le salarié s'était plaint d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct, l'employeur avait pris les mesures propres à cet égard en proposant au salarié, un an avant le licenciement, une mutation dans un autre service, mutation acceptée par le salarié, avec une augmentation salariale, la cour d'appel qui en a déduit qu'ainsi la lettre de licenciement se contentait de rappeler, avant l'énoncé des griefs, des éléments de contexte, n'encourt pas les griefs du moyen. Sur le second moyen Enoncé du moyen 7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant au bénéfice du régime de retraite « comité de conjoncture » et, à titre subsidiaire, celui « garantie de ressources des retraités anciens cadres dirigeants » à prestations définies instauré par L'Oréal, alors : « 1°/ que l'inégalité de traitement entre salariés de la même entreprise doit nécessairement être justifiée par des raisons objectives dont le juge saisi contrôle concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter les demandes de M. [W] tenant à la reconnaissance d'une rupture d'égalité dans le bénéfice des régimes de retraite complémentaires, que la société L'Oréal "établit suffisamment que les régimes litigieux concernaient des catégories de salariés objectivement désignés dont la situation justifiait des avantages dérogatoires", sans caractériser concrètement les raisons objectives et pertinentes à l'origine de la différence de traitement entre les bénéficiaires de ces régimes et les autres salariés de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ; 2°/ que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction ordonnées par le juge, sauf à ce dernier à tirer les conséquences d'une abstention ou d'un refus en faisant droit à la demande de la partie adverse ; qu'en l'espèce, une ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 mai 2020 a fait injonction à la société l'Oréal de produire la liste des membres du comité de conjoncture avec leur fonction et rémunération, la liste des noms des membres bénéficiant de la retraite des cadres dirigeants de la société avec leur fonction et rémunération et les copies des délégations de pouvoir accordées à ces cadres ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences du refus de la société employeur de produire l'ensemble des pièces demandées sur le bien-fondé des demandes de M. [W], la cour d'appel a violé l'article 11 du code de procédure civile ; 3°/ que pour juger que le salarié ne pouvait bénéficier du régime de retraite réservé aux membres du comité de conjoncture de l'Oréal, la cour d'appel a considéré qu'il ne remplissait pas la condition d'ancienneté minimum de 10 ans au 31 décembre 2000, date de fermeture du régime ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait pourtant expressément que M. [W] avait été embauché le 1er janvier 1996 avec reprise d'ancienneté en 1988, ce dont il se déduisait qu'il avait bien une ancienneté de 10 ans minimum à la date du 31 décembre 2000, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé en conséquence le principe d'égalité de traitement ; 4°/ que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que la qualité de cadre dirigeant implique de participer à la direction de l'entreprise et de disposer d'une délégation de pouvoirs en ce sens ; qu'en déboutant en l'espèce M. [W] de ses demandes fondées sur la violation par l'employeur du principe d'égalité, sans rechercher, ni vérifier, ni constater, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les salariés éligibles au régime de retraite complémentaire réservé aux cadres dirigeants pouvaient être tous considérés comme tels et s'ils disposaient d'une délégation de pouvoirs démontrant qu'ils participaient à la direction de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 3111-2 du code du travail. » Réponse de la Cour 8. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20.490, Bull. 2013, V, n° 70 ; Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-12.121, Bull. 2014, V, n° 184), en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle. 9. La Cour de cassation a déjà jugé, pour l'application du principe d'égalité de traitement, que les cadres dirigeants relèvent d'une catégorie professionnelle distincte (Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-15.074, Bull. 2014, V, n° 204). 10. La cour d'appel a constaté que le premier régime de retraite supplémentaire clos en 2010 était réservé aux 63 membres du comité de conjoncture, et le second clos en 2015 aux 262 cadres dirigeants du groupe L'Oréal et que le salarié n'avait été ni membre du comité de conjoncture ni cadre dirigeant. 11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, dont il résulte que le principe d'égalité de traitement n'était pas applicable, l'arrêt se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Prévoyance collective - Couverture de prévoyance complémentaire - Prise en charge des frais médicaux - Principe d'égalité de traitement - Domaine d'application - Salariés relevant d'une même catégorie professionnelle - Détermination - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Prévoyance collective - Couverture de prévoyance complémentaire - Prise en charge des frais médicaux - Principe d'égalité de traitement - Domaine d'application - Salariés relevant d'une même catégorie professionnelle - Exclusion - Cas - Salarié n'étant ni cadre dirigeant ni membre du comité de conjoncture | Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20.490, Bull. 2013, V, n° 70 ; Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-12.121, Bull. 2014, V, n° 184), en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle. Pour l'application du principe d'égalité de traitement, les cadres dirigeants relèvent d'une catégorie professionnelle distincte (Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-15.074, Bull. 2014, V, n° 204). Il en résulte que se trouve légalement justifié l'arrêt d'une cour d'appel qui, constatant que le salarié n'était ni cadre dirigeant, ni membre du comité de conjoncture, rejette sa demande de bénéfice des régimes de retraite supplémentaires prévus pour ces cadres dirigeants |
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JURITEXT000048176096 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/17/60/JURITEXT000048176096.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 octobre 2023, 22-12.922, Publié au bulletin | 2023-10-04 00:00:00 | Cour de cassation | 52300986 | Rejet | 22-12922 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-01-05 | Cour d'appel de Versailles | M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy | ECLI:FR:CCASS:2023:SO00986 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 octobre 2023 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 986 F-B Pourvoi n° A 22-12.922 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [E], épouse [K]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 13 janvier 2023. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023 La société OMS synergie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 22-12.922 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [Y] [E], épouse [K], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à Pôle Emploi, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société OMS synergie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 janvier 2022), Mme [E], épouse [K] a été engagée en qualité d'agent de service le 3 juillet 2000. Au dernier état de la relation de travail avec la société OMS synergie (la société), elle était affectée sur le site d'Eurostar à [Localité 4]. 2. Par lettre du 28 novembre 2016, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. 3. Postérieurement à cet entretien préalable, la salariée s'est portée candidate aux élections des délégués du personnel en qualité de suppléante. 4. Le 28 décembre 2016, la société lui a notifié sa mutation disciplinaire sur le site de la base aérienne Ear situé à [Localité 5] à compter du 9 janvier 2017. La salariée a contesté cette sanction que la société a confirmée. Ultérieurement, la société a informé la salariée qu'à la suite de la perte de ce chantier, elle était contrainte de la réintégrer sur le site Eurostar à [Localité 4] à compter du 12 juin 2017. 5. Après mises en demeure de la salariée de justifier de ses absences, la société l'a sanctionnée à deux reprises d'une mise à pied disciplinaire pour absences injustifiées puis, après une nouvelle affectation et une nouvelle mise en demeure de reprendre son travail, l'a licenciée pour faute grave le 13 juin 2019. 6. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 5 février 2018 afin de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et le condamner à lui verser diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen des moyens Sur le second moyen 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. La société fait grief à l'arrêt de prononcer à ses torts la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée, de dire que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, de dire que la créance indemnitaire est productive d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'ordonner la capitalisation des intérêts, d'ordonner le remboursement par la société à Pôle emploi des indemnités de chômage qu'elle a versées à la salariée à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d'indemnité, alors : « que pour l'application des dispositions de l'article L. 2411-7 du code du travail, c'est au moment de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable que l'employeur doit avoir connaissance du statut protecteur ; qu'en résiliant le contrat aux torts de l'employeur quand la convocation à l'entretien a eu lieu le 28 novembre 2016 et quand la salariée ne s'est déclarée candidate aux élections des délégués du personnel que le 12 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-7 du code du travail. " Réponse de la Cour 9. Il résulte des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. 10. Ayant constaté qu'au moment où il a imposé une mutation à la salariée l'employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'employeur ne pouvait lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation de la salariée à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire. 11. Le moyen est, dès lors, inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société OMS synergie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société OMS synergie et la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois. | REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Conditions de travail - Modification - Refus du salarié - Obligations de l'employeur - Etendue - Domaine d'application - Critères - Connaissance de la candidature par l'employeur - Moment - Détermination - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Modification du contrat de travail - Refus du salarié protégé - Obligations de l'employeur - Etendue - Domaine d'application - Critères - Connaissance de la candidature par l'employeur - Moment - Détermination - Portée | Il résulte des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Ayant constaté qu'au moment où il a imposé une mutation au salarié l'employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'employeur ne pouvait lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation du salarié à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire |
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JURITEXT000048242155 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242155.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 octobre 2023, 22-18.852, Publié au bulletin | 2023-10-18 00:00:00 | Cour de cassation | 52301051 | Cassation partielle | 22-18852 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-04-08 | Cour d'appel de Lyon | Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:SO01051 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1051 F-B Pourvoi n° W 22-18.852 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023 Mme [V] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-18.852 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à la société C-Quadrat asset management France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société C-Quadrat asset management France, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 avril 2022), Mme [D] a été engagée en qualité d'assistante administrative, à compter du 1er octobre 2003, par la société Avenir finance immobilier, son contrat de travail ayant fait l'objet d'un transfert en dernier lieu à la société Advenis investment managers (la société) appartenant au groupe Advenis, devenue la société C-Quadrat asset management France. 2. Le 9 décembre 2016, la société a convoqué la salariée a un entretien préalable en vue d'un licenciement économique. Son contrat de travail a été rompu après qu'elle a accepté, le 4 janvier 2017, le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait alors été proposé. 3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment en contestation de cette rupture. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter en conséquence de ses demandes fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué retient que la société "produit également s'agissant du secteur d'activité en cause l'existence, nonobstant un chiffre d'affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017" et que "ceci atteste des difficultés avérées [...] en ce qui concerne le secteur de référence" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les pertes étaient significatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 5. Aux termes de ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. 6. Pour dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate d'abord, d'une part, que la lettre de licenciement invoque les difficultés économiques du groupe se traduisant par des résultats d'exploitation déficitaires depuis trois années et compromettant la compétitivité et la capacité de l'entreprise à maintenir et développer ses activités, d'autre part, que le secteur d'activité à prendre en considération pour apprécier le motif économique est celui de la distribution et la gestion des actifs dont relève la société. 7. Il retient ensuite que pour justifier de sa situation économique, la société produit un tableau faisant apparaître, s'agissant du secteur d'activité en cause, l'existence, nonobstant un chiffre d'affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017 et en déduit que les difficultés sont avérées en ce qui concerne le secteur de référence. 8. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser le caractère sérieux et durable des pertes d'exploitation dans le secteur d'activité considéré, sans rechercher si l'évolution de l'indicateur économique retenu était significative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 9. La cassation des chefs de dispositif disant que le licenciement de la salariée repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboutant en conséquence de ses demandes fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse emporte celle du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 10. En revanche, elle n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboute en conséquence de ses demandes fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il condamne la société C-Quadrat asset management France à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier, l'arrêt rendu le 8 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne la société C-Quadrat asset management France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société C-Quadrat asset management France et la condamne à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Cause - Cause réelle et sérieuse - Motif économique - Appréciation - Existence de difficultés économiques - Caractérisation - Perte d'exploitation - Détermination - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Cause - Cause réelle et sérieuse - Motif économique - Appréciation - Existence de difficultés économiques - Caractérisation - Office du juge - Contrôle - Modalités - Portée POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Contrat de travail - Licenciement - Licenciement pour motif économique - Difficultés économiques - Caractérisation - Indicateurs économiques - Evolution significative - Appréciation - Appréciation souveraine - Limites - Portée | Aux termes de l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour dire fondé sur une cause réelle et sérieuse un licenciement pour motif économique, retient que l'employeur produit un tableau faisant apparaître, s'agissant du secteur d'activité en cause, l'existence, nonobstant un chiffre d'affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017 et en déduit que les difficultés sont avérées, sans rechercher si l'évolution de l'indicateur économique retenu était significative, les motifs retenus étant insuffisants pour caractériser le caractère sérieux et durable des pertes d'exploitation dans le secteur d'activité considéré |
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JURITEXT000048283805 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283805.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 octobre 2023, 22-12.833, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 52301070 | Cassation partielle | 22-12833 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-11-19 | Cour d'appel de Toulouse | M. Soulard (premier président) | SCP Capron, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel | ECLI:FR:CCASS:2023:SO01070 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1070 FS-B Pourvoi n° D 22-12.833 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 OCTOBRE 2023 La société Derichebourg aeronautics services France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-12.833 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [I] [D], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Derichebourg aeronautics services France, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, M. Sommer, président, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Leperchey, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de M. Sommer, président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Leperchey, conseillers référendaires, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 19 novembre 2021), M. [D] a été engagé à compter du 11 avril 2005 en qualité de préparateur aéronautique par la société Derichebourg atis aéronautique, aux droits de laquelle vient la société Derichebourg aeronautics services France. 2. Par avenant à effet du 1er mai 2006, les parties sont convenues d'ajouter aux fonctions initiales celles de responsable d'activité préparation A 340. 3. Placé en arrêt de travail à compter du 8 janvier 2018, le salarié a été déclaré inapte au poste de coordinateur le 26 avril 2018, le médecin du travail précisant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, et a été licencié le 29 mai 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. 4. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de complément d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à remettre au salarié un bulletin de salaire du mois de mai 2018 et une attestation Pôle emploi modifiés et d'ordonner le remboursement à l'organisme Pôle emploi concerné des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié dans la limite de six mois, alors « qu'en l'absence de recours exercé devant le conseil de prud'hommes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4624-7 du code du travail, contre un avis du médecin du travail, celui-ci s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du bien-fondé du licenciement pour inaptitude prononcé sur le fondement de cet avis du médecin du travail, et ceci même si cette contestation trouve son fondement dans une contestation de l'avis du médecin du travail reposant sur le non-respect par le médecin du travail de la procédure de constat de l'inaptitude du salarié ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'aux termes de l'article R. 4624-45 du code du travail applicable à la date du litige, la contestation devant le conseil de prud'hommes saisi en la forme des référés porte "sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications de nature médicale émis par le médecin du travail", mais que le texte ne précise rien s'agissant d'une contestation portant sur des éléments qui ne sont pas de nature médicale, ce qui était le cas en l'espèce, qu'en effet, M. [D] soulevait que l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 26 avril 2018 avait été rendu par rapport à un poste de coordinateur qui n'était pas reconnu comme étant celui auquel il était affecté au moment de la déclaration d'inaptitude et que M. [D] pouvait donc contester l'avis d'inaptitude devant le conseil de prud'hommes dans le cadre d'une contestation du licenciement pour inaptitude prononcé, en se fondant sur un non-respect de la procédure de constat d'inaptitude, l'analyse du poste occupé étant déterminante pour ce constat, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la société Derichebourg aeronautics services France, si les parties ne s'étaient pas abstenues d'exercer, dans le délai prévu par les dispositions de l'article R. 4624-45 du code du travail, un recours à l'encontre de l'avis d'inaptitude de M. [D] du médecin du travail en date du 26 avril 2018 devant le conseil de prud'hommes sur le fondement des dispositions de l'article L. 4624-7 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, et antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, et R. 4624-45 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1698 du 15 décembre 2017 : 6. Selon le premier de ces textes, si le salarié ou l'employeur conteste les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4, il peut saisir le conseil de prud'hommes en la forme des référés qui pourra confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. 7. Selon le second, en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail mentionnés à l'article L. 4624-7, le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés est saisi dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail. 8. Il en résulte que l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes saisi en la forme des référés qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, celui-ci s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement. 9. Pour dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à ce titre, l'arrêt retient que l'article R. 4624-45 du code du travail ne précise rien s'agissant d'une contestation portant sur des éléments qui ne sont pas de nature médicale, et que l'appelant, qui soulève que l'avis d'inaptitude a été rendu par rapport à un poste de coordonnateur qui n'est pas reconnu comme étant celui auquel il était affecté au moment de la déclaration d'inaptitude, peut contester l'avis d'inaptitude devant le conseil de prud'hommes dans le cadre d'une contestation du licenciement pour inaptitude prononcé, en se fondant sur un non-respect de la procédure de constat d'inaptitude, l'analyse du poste occupé étant déterminante pour ce constat, peu important que l'état de santé du salarié fasse finalement obstacle à tout reclassement dans un emploi. 10. En statuant ainsi, alors que le salarié ne pouvait contester devant les juges du fond la légitimité de son licenciement pour inaptitude au motif que le médecin du travail aurait utilisé un terme inexact pour désigner son poste de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de complément de l'indemnité de licenciement, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen. 12. La cassation des chefs de dispositif disant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lui ordonnant de remettre un bulletin de salaire de mai 2018 et une attestation Pôle emploi modifiés et ordonnant le remboursement par l'employeur à l'organisme Pôle emploi concerné des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié dans la limite de six mois n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [D] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour déloyauté postérieure à la rupture du contrat de travail, condamne la société Derichebourg aeronautics services France à verser à M. [D] la somme de 1 249,13 euros au titre de complément de l'indemnité de licenciement, aux dépens de première instance et d'appel et à verser à M. [D] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Services de santé au travail - Examens médicaux - Conclusion du médecin du travail - Avis sur l'aptitude - Contestation - Défaut - Effets - Détermination - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude au travail - Avis du médecin du travail - Contestation - Défaut - Effets - Détermination - Portée | Il résulte des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, que l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes saisi en la forme des référés qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, celui-ci s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement. Un salarié ne peut donc contester devant les juges du fond la légitimité de son licenciement pour inaptitude au motif que le médecin du travail aurait utilisé un terme inexact pour désigner son poste de travail |
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JURITEXT000048283846 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/28/38/JURITEXT000048283846.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 octobre 2023, 20-22.800, Publié au bulletin | 2023-10-25 00:00:00 | Cour de cassation | 52302001 | Rejet | 20-22800 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2020-10-14 | Cour d'appel de Paris | M. Sommer | SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Bouzidi et Bouhanna | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02001 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. HP COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 2001 FS-B Pourvoi n° W 20-22.800 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 OCTOBRE 2023 M. [F] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-22.800 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Auxiliaire de contrôle "Auxicontrol", société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [W], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Auxiliaire de contrôle "Auxicontrol", et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2020), M. [W] a été engagé en qualité d'assistant de délégation, emploi ultérieurement intitulé inspecteur régional, à compter du 20 septembre 1999, par la société Auxiga. Le 25 avril 2001, les parties ont conclu une convention de forfait en jours. Le contrat de travail a été transféré à la société Auxiliaire de contrôle à compter du 1er janvier 2009. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 1er août 2017 à l'effet d'obtenir l'annulation de sa convention de forfait en jours et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme son salaire moyen mensuel pour l'année 2019, de limiter à une certaine somme celle allouée au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents compris, et de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en paiement de rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de dommages-intérêts au titre de l'entrave à la vie privée et d'un manquement à l'obligation de sécurité, alors : « 1°/ que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif ; que pour limiter le rappel de salaire pour heures supplémentaires et rejeter les demandes subséquentes, après avoir rappelé que le salarié faisait valoir que le volume des heures de travail administratives accomplies à domicile avait une incidence sur la qualification des premiers et derniers trajets en travail effectif, en ce que ce volume conférait à son domicile un usage de bureau, transformant dès lors en trajet d'un lieu de travail vers un autre, le trajet depuis ce lieu ou vers celui-ci, la cour d'appel a retenu que pour autant, le salarié ne caractérisait nullement l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, en alléguant dans ses dernières écritures qu'elles seraient de dix heures par semaine, alors même qu'il les évaluait à deux heures trente en moyenne dans ses pièces et que cette activité, en sa qualité de travailleur itinérant, ne conférait pas la qualité de lieu de travail à son domicile, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouait une indemnité mensuelle à ce titre ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les parties étaient convenues que le salarié effectuerait, aux frais de l'employeur, un travail administratif à son domicile, ce dont elle devait déduire que le temps de trajet entre le domicile du salarié, lieu où ce dernier devait exercer une partie de ses fonctions, et les locaux des clients de l'employeur constituait un temps de travail effectif et devait être rémunéré comme tel, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; 2°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les conclusions qui les saisissent ; que pour dire que le salarié ne caractérisait nullement l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, l'arrêt a retenu que le salarié alléguait dans ses dernières écritures que les tâches administratives accomplies à domicile seraient de "dix heures par semaine", alors même qu'il les évaluait à deux heures trente en moyenne dans ses pièces ; qu'en statuant ainsi, alors que dans ses écritures, corroborées par ses pièces, le salarié soutenait que toutes les tâches administratives effectuées au domicile, avant de partir ou en rentrant, représentaient plus de "dix heures de travail par mois", la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions du salarié, a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°/ que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'après avoir relevé que le véhicule de service du salarié disposait d'un dispositif de géolocalisation, que le salarié recevait un planning mensuel, qu'il devait impérativement soumettre à l'accord de son supérieur la réalisation d'heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d'un contrôle, qu'il recevait également un planning hebdomadaire indiquant les contrôles à effectuer et les dates des contrôles et que si l'employeur soutenait que le salarié jouissait d'une liberté d'organisation de ses journées dès lors qu'il déterminait le choix de son itinéraire, l'ordre et l'heure de ses interventions, cette liberté était en réalité limitée puisque l'employeur pouvait pointer des anomalies, la cour d'appel a retenu que pour autant, ce contrôle quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisaient pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant pleinement dès lors que ce dernier avait mis en place un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au delà de quarante-cinq minutes, qu'en outre, en tant que travailleur itinérant le salarié restait libre de vaquer à ses obligations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et il ne saurait davantage arguer de l'existence de soirées étapes imposées par l'employeur au delà d'une certaine distance, dès lors qu'il pouvait les choisir et que cette prescription n'avait nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets et qu'enfin, un interrupteur "vie privée" sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié devait utiliser, pour faire le trajet entre les locaux des clients de son employeur et son domicile, un véhicule de service doté d'un dispositif de géolocalisation, ce dont elle devait déduire que le temps de trajet pour se rendre aux locaux des clients constituait un temps effectif devant être rémunéré comme tel, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 2 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-4, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code. 5. En premier lieu, après avoir relevé que le nombre des heures supplémentaires que le salarié estimait avoir accomplies résultait de la prise en considération dans son temps de travail effectif des temps de trajet entre le domicile et les sites des premier et dernier clients, la cour d'appel a d'abord constaté que le véhicule de service utilisé par l'intéressé disposait d'un dispositif de géolocalisation, qu'il recevait un planning mensuel, qu'il devait impérativement soumettre à l'accord de son supérieur la réalisation d'heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d'un contrôle, et qu'il recevait également un planning hebdomadaire indiquant les contrôles à effectuer et les dates de ces derniers. 6. Elle a retenu ensuite que le contrôle quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisait pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant pleinement dès lors que l'employeur avait mis en place un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au-delà de quarante-cinq minutes. 7. Elle a ajouté qu'en tant que travailleur itinérant, le salarié restait libre de vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et qu'il ne saurait davantage arguer de l'existence de soirées étapes imposées par l'employeur au-delà d'une certaine distance, dès lors qu'il pouvait les choisir et que cette prescription n'avait nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets. 8. Elle a en outre relevé qu'un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation. 9. En second lieu, ayant souverainement retenu que le salarié ne caractérisait pas l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, elle a pu en déduire que l'accomplissement de ces tâches ne conférait pas audit domicile la qualité de lieu de travail, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouât une indemnité mensuelle. 10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que les temps de trajet entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituaient pas du temps de travail effectif. 11. Le moyen, qui, pris en sa deuxième branche, est inopérant, n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 12. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité au titre des temps de trajets anormaux, alors « qu'il résulte des articles L. 3121-4, L. 3121-7 et L. 3121-8 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif ; que lorsqu'il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière ; qu'à défaut d'accord collectif, la contrepartie est déterminée par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent ; que pour débouter le salarié de sa demande d'un complément d'indemnité au titre des temps de trajets anormaux, la cour d'appel a retenu que si le salarié était fondé à revendiquer un seuil d'anormalité de ses trajets au delà de trente minutes et, partant, une contrepartie pour quatre cent trente-et-une heures de temps anormal de trajet accomplies entre 2016 et 2019, en revanche il n'était pas fondé à se référer à la compensation fixée par l'employeur dans sa note de service 001-16 du 7 janvier 2016, soit un taux horaire normal, pour évaluer le montant de sa compensation et que le juge ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, fixer de compensation à un niveau équivalent à une rémunération normale dès lors que "le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif" ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'employeur avait décidé le 7 janvier 2016, par voie d'engagement unilatéral, d'appliquer au temps anormal de trajet la rémunération du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble l'article 1134 ancien, devenu 1104, du code civil et les règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux. » Réponse de la Cour 13. Lorsque le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il appartient au juge, en l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral pris conformément aux textes qui le prévoient, de déterminer la contrepartie due au salarié. Il ne peut pour ce faire assimiler le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail à un temps de travail effectif. 14. Après avoir retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'engagement unilatéral de l'employeur en date du 7 janvier 2016 n'avait pas été pris après consultation des délégués du personnel et qu'il n'était dès lors pas conforme aux prescriptions légales le prévoyant, la cour d'appel a, à bon droit, déterminé la contrepartie due au salarié sans assimiler le taux horaire à celui du temps de travail effectif. 15. Le moyen, qui est inopérant pour la période antérieure au 7 janvier 2016, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Travail effectif - Temps assimilé à du travail effectif - Exclusion - Cas - Travailleur n'ayant pas de lieu de travail fixe ou habituel - Déplacements entre le domicile et les sites du premier et du dernier clients - Conditions - Temps de déplacement ne répondant pas à la définition du temps de travail effectif - Office du juge - Détermination - Portée | TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Travail effectif - Temps assimilé à du travail effectif - Cas - Travailleur n'ayant pas de lieu de travail fixe ou habituel - Déplacements entre le domicile et les sites des premier et dernier clients - Conditions - Temps de déplacement répondant à la définition du temps de travail effectif - Office du juge - Détermination - Portée | Il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code. Doit être approuvée la cour d'appel qui, ayant retenu, en premier lieu, que le contrôle de l'employeur quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisait pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant par la mise en place d'un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux, que le salarié pouvait choisir les soirées étapes au-delà d'une certaine distance et que cette prescription n'avait pas pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets, et qu'un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation, en second lieu, que le salarié ne caractérisait pas l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, ce dont elle a pu en déduire que l'accomplissement de ces tâches ne conférait pas audit domicile la qualité de lieu de travail, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouât une indemnité mensuelle, en a déduit que les temps de trajet entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituaient pas du temps de travail effectif |
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JURITEXT000048389678 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389678.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 22-18.784, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 52302020 | Cassation | 22-18784 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-05-11 | Cour d'appel de Bordeaux | Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Zribi et Texier, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02020 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2020 F-B Pourvoi n° X 22-18.784 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 M. [P] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-18.784 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Brel distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [E], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Brel distribution, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 mai 2022) et les productions, M. [E] a été engagé en qualité de responsable de magasin le 1er avril 1991 par la société Brel. Son contrat de travail a été transféré le 16 novembre 2013 à la société Brel distribution. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de magasinier vendeur. 2. Licencié pour motif économique le 29 janvier 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires, alors « que le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité ; qu'en jugeant que dès lors qu'il avait été retenu, dans le cadre de la recherche portant sur la réalité des difficultés économiques invoquées par l'employeur, que les différentes sociétés auprès desquelles la société Brel distribution avait effectué une recherche de reclassement n'avaient pas le même secteur d'activité que cette dernière, la permutabilité ne pouvait être retenue, sans rechercher si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation de ces différentes sociétés ne leur permettaient pas d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, [la cour d'appel] a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1233-4, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 : 4. Aux termes de ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. 5. Le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité. 6. Pour dire que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les sociétés Etablissement Brel, Sols et peintures brivistes et Plastic décors, qui ont pour objet la réalisation de travaux, n'ont pas le même secteur d'activité que la société Brel distribution, qui a pour objet le négoce. Il en déduit que la permutabilité entre les membres du personnel de ces sociétés n'est pas établie, que le périmètre de la recherche d'un poste de reclassement ne comprenait donc pas ces sociétés. 7. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des différents entreprises du groupe auquel la société appartient ne leur permettaient pas d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ; Condamne la société Brel distribution aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Brel distribution et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Obligation de l'employeur - Périmètre de l'obligation - Groupe de sociétés - Groupe de reclassement - Caractérisation - Permutation de tout ou partie du personnel - Identité du secteur d'activité (non) - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Obligation de l'employeur - Etendue | Aux termes de l'article L. 1233-4, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité |
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JURITEXT000048389682 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389682.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 22-17.919, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 52302036 | Rejet | 22-17919 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-04-20 | Cour d'appel de Versailles | M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02036 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2036 F-B Pourvoi n° H 22-17.919 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La Société nationale industrielle et minière (SNIM), dont le siège est [Localité 1], (Mauritanie), ayant un bureau de représentation en France situé [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 22-17.919 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2022 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [S], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Société nationale industrielle et minière, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [S] et l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-19.446), Mme [S] a été engagée en qualité de secrétaire de direction par la Société nationale industrielle et minière (la SNIM) le 13 novembre 1995. Elle a exercé des mandats de représentant du personnel et de représentant syndical à compter de l'année 2000. Elle est conseiller prud'homme depuis l'année 2002 et son mandat a été renouvelé en 2018. 2. Le 3 septembre 2010, invoquant une inégalité de traitement et une discrimination syndicale, la salariée et l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5] (le syndicat) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes. 3. La salariée a été licenciée pour motif économique le 22 septembre 2014, après autorisation ministérielle du 20 août 2014, annulée par jugement du tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2015, devenu définitif. 4. Par arrêt du 9 mai 2017, la cour d'appel de Versailles, statuant en référé, a ordonné la réintégration de la salariée. 5. Celle-ci, invoquant son absence de réintégration, a complété ses demandes en sollicitant la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. 6. Par arrêt du 17 mai 2019, la cour d'appel de Versailles a notamment prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et a dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a débouté la salariée de sa demande présentée au titre de la violation du statut protecteur. 7. Par arrêt du 17 mars 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et déboute la salariée de sa demande au titre de la violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 17 mai 2019. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 234 831 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors : « 1°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent ; que faute pour l'employeur de satisfaire à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; que cependant le salarié ne peut pas prétendre, dans cette hypothèse particulière, à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, mais seulement à une indemnité qui est fonction du préjudice subi ; qu'en jugeant cependant que "le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois", la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil ; 3°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'un salarié protégé, dont la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de l'inexécution par l'employeur de son obligation de procéder à la réintégration dans son poste ou un poste équivalent est accueillie, a droit, au titre de méconnaissance de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois ; que la date de son éviction est celle du licenciement annulé, le salarié n'ayant pas été réintégré à sa suite ; qu'en l'espèce, le licenciement de Mme [S] ayant été prononcé le 22 septembre 2014, l'indemnité pour violation du statut protecteur ne pouvait correspondre qu'aux salaires dus entre le 22 septembre 2014 et le 22 mars 2016 ; que cependant la cour d'appel a accordé à la salariée au titre de la violation du statut protecteur "le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois" sur la base d'un salaire de référence fixé par l'arrêt du 16 ou 17 mai 2019 en incluant les augmentations générales de salaire appliquées depuis 2015 ; qu'en accordant une telle indemnité, en sus du rappel de salaire octroyé par le même arrêt du 16 ou 17 mai 2019 pour la période courant du 27 décembre 2014 au 31 décembre 2018, la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois. 11. Ayant constaté qu'à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, formée le 9 janvier 2019, la salariée bénéficiait du statut de salariée protégée pour avoir été réélue en qualité de conseiller prud'homme en 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que la salariée était en droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, fixée à la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors : « 1°/ que la résiliation judiciaire ne peut pas produire à la fois les effets d'un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 2°/ que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime interdit de réparer deux fois, même partiellement, le même préjudice ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a débouté l'employeur de sa demande de compensation, et ainsi accordé à la salariée deux indemnisations ayant le même objet, a violé le principe de la réparation intégrale. » Réponse de la Cour 14. Par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation a jugé que le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel du 17 mai 2019 condamnant l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse était relatif au licenciement prononcé le 22 septembre 2014 après autorisation ultérieurement annulée, en sorte que c'est à bon droit que la cour d'appel, par arrêt du 20 avril 2022, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement nul réparant le préjudice causé par la résiliation du contrat de travail. 15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la Société nationale industrielle et minière aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société nationale industrielle et minière et la condamne à payer à Mme [S] et à l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE | Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois |
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JURITEXT000048430137 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430137.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 21-19.764, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 52302003 | Rejet | 21-19764 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-05-20 | Cour d'appel de Bordeaux | Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Piwnica et Molinié, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02003 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2003 F-B Pourvoi n° S 21-19.764 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS CGEA de [Localité 5], [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° S 21-19.764 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [F] [S], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur de la société Cleannet industrie et propreté, 3°/ à la société BDR & associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [T] [R] [G], pris en qualité de mandataire ad'hoc de la société Cleannet industries et propreté, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC-CGEA [Localité 5], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), Mme [S] a été engagée en qualité d'agent de propreté le 1er juillet 2015 par la société Cleannet industries et propreté (la société Cleanet). 2. Par jugement du 6 octobre 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cleanet. Le 24 mai 2017, une cession de l'entreprise est intervenue dans le cadre de cette procédure collective au profit de la société Thomer, avec reprise du contrat de travail de la salariée à compter du 9 juin 2017. 3. Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cleanet. 4. Le 20 octobre 2017, la salariée a été licenciée par la société Thomer. 5. Après le refus du liquidateur judiciaire de la société Cleanet de lui verser une somme au titre des congés payés acquis entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la société Cleanet une certaine somme au titre des congés payés. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] font grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la société Cleanet au titre du solde de son indemnité de congés payés à la somme de 2 389,20 euros et de rappeler que l'AGS doit sa garantie dans la limite fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code, alors : « 1°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que la salariée avait fait sa demande d'indemnisation postérieurement au prononcé de son licenciement de sorte que l'indemnité réclamée était une indemnité compensatrice de congés payés qui avait la nature d'une indemnité de rupture et ne pouvait être garantie par l'AGS en dehors des délais prévues à l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'en retenant la garantie de l'AGS après avoir considéré que la salariée était créancière d'un solde d'indemnité de congés payés et non d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 3141-24, L. 3141-28 et L. 3253-8 du code du travail ; 2°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; que s'agissant d'une indemnité de rupture, la garantie de l'AGS ne peut être recherchée que par application de l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'elle ne couvre, dans le respect du plafond de garantie, que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation ou dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, et à la condition que l'employeur fasse l'objet d'une procédure collective ; qu'en considérant que l'AGS devait garantir l'indemnité réclamée par la salariée, quand la créance litigieuse résultait d'un licenciement prononcé le 20 octobre 2017 par une société in bonis devenue l'employeur du salarié dans le cadre d'un plan de cession intervenu à la suite du redressement judiciaire de l'employeur initial à l'encontre duquel une procédure collective avait été ouverte, et que la liquidation judiciaire de l'employeur initial était intervenue le 22 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail ; 3°/ que, subsidiairement, les congés payés acquis au cours de la période de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; qu'en retenant un droit à indemnité de la salariée, sans constater que les congés litigieux avaient été pris ou avaient donné lieu à une demande effective de congés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-24 et L. 3253-8 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Ayant relevé que la cession d'entreprise était intervenue dans le cadre d'une procédure collective et que les droits à congés payés de la salariée avaient été acquis entre 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, soit avant l'ouverture de la procédure collective et pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Cleanet, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance d'indemnité de congés payés de la salariée, qui n'était pas une indemnité compensatrice de congés payés née de la rupture du contrat de travail par le nouvel employeur, devait être fixée au passif de la société Cleanet et qu'au regard des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, l'AGS devait sa garantie dans la limite des plafonds légaux. 8. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] et les condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL | Lorsque la modification de la situation de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure collective, l'indemnité de congés payés, qui s'acquiert mois par mois et qui correspond au travail effectué pour le compte de l'ancien employeur, est inscrite au passif de ce dernier et est couverte par l'Agence de garantie des salaires (AGS) dans la limite de sa garantie |
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JURITEXT000048430233 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430233.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 22-18.848, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 52302050 | Rejet | 22-18848 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-11-17 | Cour d'appel de Bastia | Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Lesourd, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02050 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2050 F-B Pourvoi n° S 22-18.848 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 19 mai 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [M] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-18.848 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société S.C.A Poulets bastiais, société civile agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société S.C.A Poulets bastiais, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 17 novembre 2021), M. [W], engagé en qualité d'ouvrier agricole par la société S.C.A. Poulets bastiais le 10 novembre 2008, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 novembre 2017. 2. Après avoir saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation de sécurité. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale incompétente sur sa demande de dommages-intérêts en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en lien avec les règles de repos et les horaires de travail, alors « que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation ; qu'en se bornant, pour se déclarer incompétente sur la demande de dommages-intérêts en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en lien avec les règles de repos et les horaires de travail, à retenir qu'un tel manquement était invoqué dans le cadre d'une instance relative à une maladie professionnelle, tandis qu'un tel manquement caractérise par lui-même un préjudice spécifique distinct de la maladie professionnelle dont étaient saisies les juridictions de sécurité sociale, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second interprété à la lumière de l'article 6 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. 5. Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. 6. Il en résulte que la réparation du préjudice allégué par le salarié du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en raison du dépassement de la durée moyenne hebdomadaire de travail invoqué au soutien de la reconnaissance d'une maladie professionnelle relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale. 7. La cour d'appel ayant constaté qu'un appel était en cours d'examen devant la cour, statuant en matière d'affaires de sécurité sociale, à l'occasion d'une instance relative à une maladie professionnelle hors tableau, en lien avec les conditions de travail habituelles du salarié et que la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité était fondée sur les conditions de travail habituelles marquées par une violation des règles de repos et horaires de travail, a retenu que, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à l'obligation de sécurité, le salarié demandait en réalité la réparation d'un préjudice né d'une maladie professionnelle dont il exposait avoir été victime et en a exactement déduit que la juridiction prud'homale était incompétente pour statuer sur cette demande. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | PRUD'HOMMES | Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Ayant constaté que le dépassement de la durée moyenne hebdomadaire de travail était invoqué au soutien de la reconnaissance d'une maladie professionnelle, une cour d'appel en a exactement déduit que la réparation du préjudice allégué par le salarié du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en raison de ce dépassement relevait de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale |
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JURITEXT000048430235 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430235.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 22-17.733, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 52302055 | Cassation partielle | 22-17733 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-10-27 | Cour d'appel de Montpellier | Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) | Me Haas, SCP Richard | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02055 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation partielle Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2055 F-B Pourvoi n° E 22-17.733 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 avril 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [D] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-17.733 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Inter aide, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [H], de la SCP Richard, avocat de l'association Inter aide, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2021), M. [H] a été engagé en qualité de responsable de programme éducation en Haïti le 6 août 2012 par l'association Inter aide (l'association). 2. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 28 septembre 2012 jusqu'au 24 avril 2013, après avoir contracté une amibiase, et a été rapatrié le 11 octobre 2012. 3. Le salarié a été déclaré apte à son poste le 8 juillet 2013 et a été licencié le 24 juillet suivant pour faute grave. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'association à l'obligation de sécurité, alors : « 1°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; que, dans ses conclusions d'appel, le salarié reprochait à son employeur ses mauvaises conditions de travail et d'hébergement et de lui avoir fourni un matériel défectueux de filtration de l'eau, ce qui avait été à l'origine de la maladie tropicale qu'il avait contractée ; que, pour écarter tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié ne rapporte pas la preuve que son employeur lui a fait boire de l'eau de ville mal filtrée, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille et que le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [H] reprochait également à son employeur de s'être abstenu de lui porter aide et assistance après qu'il eut contracté une maladie tropicale en Haïti ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 4121-1 du code du travail et 455 du code de procédure civile : 6. Il résulte du premier de ces textes que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. 7. Selon le second, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 8. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient, d'une part, que le salarié reproche à l'employeur de lui avoir fait boire de l'eau de ville mal filtrée sans toutefois en apporter la preuve, et d'autre part, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille, et que si le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire, il ne peut en imputer la faute à son employeur. 9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, et sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l'association ne lui avait apporté aucune aide ni assistance lorsqu'il avait contracté cette maladie tropicale, faute de matériel conforme, l'avait laissé livré à lui-même malade, et n'avait pas voulu organiser un rapatriement sanitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne l'association Inter aide aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Inter aide à payer à Me Haas la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE | Viole l'article L. 4121-1 du code du travail, en statuant par des motifs impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel qui, pour débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, retient, d'une part que celui-ci reproche à l'employeur de lui avoir fait boire de l'eau de ville mal filtrée sans en apporter la preuve, d'autre part qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'étant pas potable, il convient de boire de l'eau minérale en bouteille, et que le salarié ne peut en imputer la faute à son employeur dès lors qu'il a manqué à cette obligation de prudence élémentaire |
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JURITEXT000048430237 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430237.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 23-14.806, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 52302124 | QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel | 23-14806 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-11-18 | Cour d'appel de Bourges | M. Sommer (président) | Me Haas, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02124 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. COUR DE CASSATION ZB1 ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 RENVOI M. SOMMER, président Arrêt n° 2124 FS-B Pourvoi n° U 23-14.806 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 18 août 2023, Mme [N] [J], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° U 23-14.806 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans une instance l'opposant à la société Mazagran service, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Mazagran service, et l'avis de M. Bérriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Mme [J] a été engagée en qualité d'employée commerciale par la société Mazagran services, le 12 octobre 2009. 2. Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour cause de maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019. 3. Le 16 janvier 2020, la salariée a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. 4. Le 16 décembre 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 5. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Bourges, la salariée a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ? 2°/ L'article L. 3141-5, 5°, du code du travail porte-il atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 6. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne les conditions d'acquisition de droits à congé payé d'une salariée pour les périodes pendant lesquelles, soit elle n'a pas exécuté de travail effectif en raison de son état de santé, soit son arrêt de travail n'a pas été assimilé à du travail effectif. 7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 8. La première question présente un caractère sérieux en ce que, en cas d'absence du salarié de l'entreprise en raison d'un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté, l'article L. 3141-3 du code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l'arrêt de travail a une origine non professionnelle et l'article L. 3141-5, 5°, du même code ne permet pas l'acquisition de droit à congé payé au-delà d'une période ininterrompue d'un an en cas d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle. 9. La seconde question posée présente également un caractère sérieux en ce que l'article L. 3141-5, 5°, du code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie, selon l'origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l'arrêt de travail. 10. En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Travail réglementation, durée du travail - Repos et congés - Congés payés - Acquisition des droits à congés payés - Travail effectif - Suspension du contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle - Droit à la santé et au repos - Articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail - Caractères nouveau et sérieux - Renvoi au Conseil constitutionnel | ||||||||||
JURITEXT000048430249 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430249.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 23-14.979, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 52302125 | QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel | 23-14979 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2023-02-23 | Cour d'appel d'Aix en Provence | M. Sommer | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Richard | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02125 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. COUR DE CASSATION CH9 ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 NON-LIEU A RENVOI M. SOMMER, président Arrêt n° 2125 FS-B Pourvoi n° H 23-14.979 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 23 août 2023, 1°/ M. [P] [M], domicilié [Adresse 6], 2°/ le Syndicat national des journalistes, dont le siège est [Adresse 7], ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° H 23-14.979 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans une instance les opposant : 1°/ à la société Groupe Nice matin, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société Administrateurs judiciaires partenaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [K] [T] en qualité d'administrateur judiciaire de la société Groupe Nice matin, 3°/ à la société [G] - Les Mandataires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de Mme [N] [G] en qualité de mandataire judiciaire de la société Groupe Nice matin, 4°/ à la société BTSG2, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [J] [O] en qualité de mandataire judiciaire de la société Groupe Nice matin, 5°/ à la société [D] [Y] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [Y] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et d'administrateur judiciaire de la société Groupe Nice matin, Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], du Syndicat national des journalistes, de la SCP Richard, avocat des sociétés Groupe Nice matin, Administrateurs judiciaires partenaires ès qualités et [D] [Y] et associés ès qualités, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. A compter du 1er novembre 2011 jusqu'au mois de décembre 2016, M. [M] a fourni à la société Nice Matin, devenue la société Groupe Nice Matin (la société), des reportages photographiques en contrepartie d'une rémunération sous forme d'honoraires dont les relevés portaient la mention "correspondant local de presse". 2. Le 1er mars 2018, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale afin que soit reconnue l'existence d'un contrat de travail et que la rupture de la relation soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le Syndicat national des journalistes (le syndicat) est intervenu à l'instance. 3. La société a soulevé l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes en soutenant que M. [M] avait le statut de correspondant local de presse et qu'il était à ce titre un travailleur indépendant. 4. Par jugement du 4 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nice s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Nice. 5. Par arrêt du 12 septembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nice le 4 décembre 2018, dit que la juridiction prud'homale était compétente, que M. [M] était lié par un contrat de travail, évoqué l'affaire sur le fond et renvoyé à une audience ultérieure. 6. Par arrêt rendu le 23 février 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur renvoi après cassation (Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.492), a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nice le 4 décembre 2018 en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau et y ajoutant, elle a dit que M. [M] avait collaboré avec la société Nice Matin devenue la société Groupe Nice Matin sous le statut de correspondant local de presse, dit qu'il n'avait pas été lié avec la société par un contrat de travail, rejeté l'intégralité des demandes au titre de l'existence d'un contrat de travail, rejeté la demande de dommages-intérêts du syndicat. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 7. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, M. [M] et le syndicat ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « le second alinéa de l'article L. 7111-3 du code du travail n'est-il pas contraire au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'une part, en ce qu'il crée une inégalité de traitement entre le correspondant de presse et le journaliste professionnel en exigeant du correspondant pour qu'il puisse être assimilé à un journaliste professionnel et bénéficier de la présomption de contrat de travail posée par l'article L. 7112-1 du code du travail qu'il justifie non seulement remplir les conditions posées par l'alinéa 1 de l'article L. 7111-3 pour être journaliste professionnel mais aussi de la fixité de ses revenus, et, d'autre part, en ce que, tel qu'il est interprété de façon constante par la Cour de cassation, il crée une inégalité de traitement entre le correspondant local de presse et les personnes physiques dont l'activité donne lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires énumérés par l'article L. 8221-6 du code du travail dès lors que le correspondant local de presse ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail que dans les conditions prévues par l'article L. 7111-3 du code du travail tandis qu'il suffit pour les personnes physiques immatriculées aux registres du commerce ou des métiers de prouver, pour renverser la présomption de non-salariat, qu'elles fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 8. L'article L. 7111-3, alinéa 2, du code du travail qui détermine les conditions dans lesquelles un correspond local de presse est assimilé à un journaliste professionnel est applicable au litige. 9. Il n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 10. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 11. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. 12. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 13. Concernant la première partie de la question, par la loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes, dont sont issues les dispositions contestées, le législateur a mis en place un régime spécifique pour les journalistes compte tenu de la nature particulière de leur travail. Dans ce but, le législateur a entendu réserver la protection qu'offre le statut aux personnes répondant à la définition du journaliste professionnel comme étant toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le législateur a également assimilé aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle. 14. Pour ce qui est du correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, le législateur l'assimile à un journaliste s'il perçoit des rémunérations fixes et répond à la définition du journaliste professionnel. 15. Cette différence de traitement tenant à la fixité des rémunérations est justifiée par l'objectif d'exclure du champ de la protection offerte par le statut de journaliste professionnel les correspondants qui n'exercent qu'à titre occasionnel. En cela, la différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 16. Concernant le second aspect de la question, le correspondant local de presse qui revendique l'existence d'un contrat de travail de journaliste n'est pas placé dans la même situation qu'un travailleur indépendant qui revendique l'existence d'un contrat de travail de droit commun lorsqu'il soutient qu'il fournit des prestations dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre. 17. En effet, les règles particulières applicables à une personne exerçant en qualité de correspondant local de presse pour invoquer l'existence d'un contrat de travail en qualité de journaliste, sont justifiées par l'objectif poursuivi par le législateur de garantir l'indépendance des journalistes en prenant en compte les conditions particulières dans lesquelles s'exerce la profession ainsi que par celui de réserver la protection offerte par le statut de journaliste professionnel aux personnes qui répondent aux conditions qu'il détermine. En cela la différence de situation se trouve en rapport direct avec la loi qui l'établit. 18. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Statuts professionnels particuliers - Journaliste professionnel - Statut - Application - Correspondant de presse - Egalité devant la loi - Article L. 7111-3 du code du travail - Caractères nouveau et sérieux (défaut) - Non renvoi au Conseil constitutionnel | ||||||||||
JURITEXT000048242139 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242139.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 octobre 2023, 22-18.742, Publié au bulletin | 2023-10-18 00:00:00 | Cour de cassation | 12300568 | Cassation sans renvoi | 22-18742 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-12-31 | Cour d'appel de Paris | Mme Champalaune | SCP Zribi et Texier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100568 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 568 F-B Pourvoi n° B 22-18.742 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [R] [V] [T]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 mai 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023 M. [R] [V] [T], domicilié chez M. [F] [K], avocat, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-18.742 contre l'ordonnance rendue le 31 décembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet des Hauts-de-Seine, représentant l'Etat, domicilié [Adresse 1], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [V] [T], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 31 décembre 2021) et les pièces de la procédure, le 29 novembre 2021, M. [V] [T], de nationalité cubaine, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté d'expulsion. Par ordonnance du 2 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit jours. 2. Le 29 décembre 2021, le préfet a demandé une deuxième prolongation sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [V] [T] fait grief à l'ordonnance de rejeter les moyens soulevés et de maintenir la mesure de rétention pour une durée maximale de trente jours, alors « que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie d'un registre actualisé, tenu dans le centre de rétention, mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention ; que la non-production de cette pièce constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief ; qu'en énonçant, pour écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête de la préfecture, que les deux registres du centre de rétention [3] et de [5] figuraient à la procédure, sans rechercher, comme il y était invité, si la requête était accompagnée du registre du centre de rétention actualisé [3], le délégué du premier président a violé les articles L. 743-9 et R. 743-2 du CESEDA. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 743-9 et R.743-2 du CESEDA et l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention : 4. Il résulte du premier texte que le juge des libertés et de la détention s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, que, depuis sa précédente présentation, celui-ci a été placé en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions du registre de rétention. 5. Il ressort du deuxième que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre. 6. Selon le troisième, le registre doit, en particulier, comporter des données relatives au lieu de placement en rétention, aux date et heure d'admission au centre de rétention administrative, et, le cas échéant, aux date, heure et motif du transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention. 7. Pour écarter le moyen pris de l'irrecevabilité de la requête du préfet, faute d'être accompagnée de la copie du registre actualisé du centre de rétention [3], l'ordonnance constate que les deux registres des centres [3] et de [5] figurent bien à la procédure respectant ainsi les exigences de l'article L. 744-2 du CESEDA. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si la requête était accompagnée du registre actualisé du centre [3] comportant le jour et l'heure auxquels M. [V] [T] avait quitté ce centre pour être transféré à celui de [5], le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 31 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; LAISSE les dépens à la charge de l'Etat ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois. | ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Requête du préfet - Recevabilité - Conditions - Registre actualisé du centre de rétention - Cas - Transfert entre centre de rétention | ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Requête et pièces justificatives - Transfert entre centre de rétention - Production du registre actualisé du centre de rétention - Nécessité - Sanction - Irrecevabilité | Prive sa décision de base légale, au regard des articles L. 743-9 et R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des etrangers et du droit d'asile (CESEDA) et de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention, le premier président qui écarte le moyen pris de l'irrecevabilité de la requête du préfet en prolongation d'une mesure de rétention administrative d'un étranger ayant été transféré d'un lieu de rétention vers un autre, faute de rechercher, comme il y était invité, si cette requête était accompagnée du registre actualisé du centre de rétention, comportant le jour et l'heure de ce transfert |
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JURITEXT000048242141 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242141.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 octobre 2023, 22-11.492, Publié au bulletin | 2023-10-18 00:00:00 | Cour de cassation | 12300569 | Cassation partielle | 22-11492 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-12-16 | Cour d'appel de Paris | Mme Champalaune | SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:C100569 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Cassation partielle Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 569 F-B Pourvoi n° W 22-11.492 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023 1°/ M. [V] [T], 2°/ Mme [W] [I], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 1], 3°/ Mme [F] [K], épouse [I], domiciliée [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° W 22-11.492 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ à la société UCB Pharma, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale de Toulon (CNMSS), dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. et Mme [T] et de Mme [K], épouse [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société UCB Pharma, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Paris, 16 décembre 2021), le 11 décembre 2009, Mme [T] a assigné la société UCB Pharma, venant aux droits de la société Ucepha (la société), producteur du Distilbène, en responsabilité et indemnisation de ses préjudices consécutifs à son exposition in utero au diéthylstilbestrol (DES), à la suite de la prise de ce médicament, par sa mère, au cours de la grossesse. Son époux et sa mère, M. [T] et Mme [I], sont intervenus volontairement aux fins d'obtenir la réparation des préjudices personnellement éprouvés. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. M et Mme [T], et Mme [I] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation, alors « que l'existence d'une cause étrangère au défendeur n'est de nature à exclure sa responsabilité qu'à la condition que cet événement soit la cause exclusive du dommage ; qu'en écartant toute imputabilité de l'infertilité de Mme [T] à l'exposition au Distilbène tout en approuvant les experts qui exposaient que la cause de l'infertilité pouvait être due autant à l'infection à Chlamydia qu'à l'exposition au Disltilbène et qui avaient conclu à ce que les préjudices subis soient imputés pour 40 % au DES, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1240 du code civil : 3. Il résulte de ce texte qu'ouvre droit à réparation le dommage en lien causal avec une faute, même si celle-ci n'en est pas la seule cause. 4. Pour écarter la responsabilité de la société UCB Pharma, la cour d'appel retient, que Mme [T] ne présente aucune des anomalies de l'appareil génital associées à l'exposition au DES et qu'il est tout aussi vraisemblable que la cause de l'infertilité soit due à l'infection à Chlamydia qu'à cette exposition, de sorte qu'il est impossible de trancher entre les deux causes. 5. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à exclure que l'exposition au DES ait contribué à son infertilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Mme [T] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre d'un préjudice d'anxiété alors « que l'anxiété résultant de l'exposition à un médicament connu pour provoquer des pathologies graves ou mortelles constitue un préjudice indemnisable, indépendamment de tout effet tératogène effectif ; que dans ses conclusions d'appel, Mme [T] demandait l'indemnisation du préjudice spécifique d'anxiété résultant de son exposition in utero au DES dont elle exposait que ses effets causent un risque reconnu de développer au moins quatre pathologies cancéreuses identifiées, l'obligeant à un suivi gynécologique rigoureux ; qu'en se bornant à souligner l'absence de lien entre l'exposition de Mme [T] au DES et son hypofertilité, bien que l'anxiété dommageable invoquée n'est en rien liée à l'infertilité de Mme [T] et qu'elle résulte des circonstances angoissantes de son suivi médical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ». Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 7. Il résulte de ce texte que constitue un préjudice indemnisable l'anxiété résultant de l'exposition à un risque de dommage. 8. Pour écarter toute réparation, y compris celle d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que la preuve n'est pas rapportée d'un lien de causalité certain entre l'exposition de Mme [T] au DES et son hypofertilité. 9. En statuant ainsi, alors que le préjudice d'anxiété invoqué résultait de l'exposition au DES et des risques qui en découlent, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [J] [T] de M. [V] [T] et de Mme [F] [I], l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société UCB Pharma aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société UCB Pharma et la condamne à payer à Mme [T], à M. [V] [T] et à Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois. | RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Réparation - Conditions - Faute - Lien de causalité avec le dommage - Exclusion - Condition non suffisante - Pluralité de cause | SANTE PUBLIQUE - Produits pharmaceutiques - Médicaments à usage humain - Exposition - Dommage - Responsabilité - Pluralité de cause - Exclusion (non) | Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil qu'ouvre droit à réparation le dommage en lien causal avec une faute, même si celle-ci n'en est pas la seule cause. Le fait que l'infertilité d'une patiente puisse être due autant à une infection qu'à l'exposition à un médicament ne suffit pas à exclure que l'exposition à ce médicament ait contribué à son infertilité |
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JURITEXT000048242143 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/24/21/JURITEXT000048242143.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 octobre 2023, 22-21.358, Publié au bulletin | 2023-10-18 00:00:00 | Cour de cassation | 12300572 | Rejet | 22-21358 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-07-11 | Cour d'appel de Pau | Mme Champalaune | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix | ECLI:FR:CCASS:2023:C100572 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 572 F-B Pourvoi n° V 22-21.358 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023 M. [V] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-21.358 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2022 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [N], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à la société Vertego informatique, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [K], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [N] et de la société Vertego informatique, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 juillet 2022), le 27 septembre 2004, Mme [N] a constitué la société Vertego informatique dont elle est la gérante. La société a embauché M. [K], d'abord en qualité de conseiller pédagogique puis, le 1er septembre 2007, en qualité de responsable commercial. 2. Le 14 décembre 2017, la société a notifié à M. [K] son licenciement pour faute grave. 3. Le 21 décembre 2017, la société Vertego informatique et M. [K] ont conclu une transaction par laquelle les parties ont convenu de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de liquider diverses indemnités dues à M. [K] pour un montant total de 92 734,36 euros. 4. Le 6 décembre 2019, M. [K] a assigné la société Vertego informatique et Mme [N] en paiement de la somme de 1 500 000 euros correspondant, selon son estimation, à la moitié de la valeur nette de la société, au motif qu'il en serait associé de fait. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [K] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors : « 1° / que la transaction ne fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite d'une action en justice ayant le même objet qu'entre les parties qui l'ont conclue ; qu'en retenant que M. [K] n'était pas recevable à demander le partage de l'actif net d'une société créée de fait avec Mme [N] en raison de la chose transigée le 27 (lire 21) décembre 2017, après avoir pourtant constaté que Mme [N] n'était pas partie à la transaction, peu important qu'elle ait prétendument été bénéficiaire d'une stipulation pour autrui, la cour d'appel a violé l'article 2052 du code civil ; 2°/ que, en tout état de cause, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la clause de non-recours stipulée dans la transaction conclue le 21 décembre 2017 entre M. [K] et la société Vertego informatique : "M. [V] [K] renonce expressément, sans réserve et en toute connaissance de cause à l'intégralité des prétentions qu'elle qu'en soit la nature, ainsi qu'à toute instance ou action à l'encontre de la société Vertego et la gérante, devant le conseil de prud'hommes ainsi que devant toute autre instance judiciaire notamment civile, pénale ou administrative relative à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail", de sorte que Mme [N] n'était pas visée personnellement, ou en sa qualité d'associée, par cette clause ; qu'en retenant, pour dire que M. [K] n'était pas recevable à demander le partage de l'actif net d'une société créée de fait avec Mme [N] en raison de la chose transigée le 27 (lire 21) décembre 2017, que la clause de non-recours renfermait une stipulation pour autrui qui avait pour effet d'étendre à Mme [N] le bénéfice de ladite clause, interdisant à M. [K] de contester l'existence de son contrat de travail tant à l'égard de la société Vertego informatique que de Mme [N], la cour d'appel a dénaturé cette clause claire et précise, en violation du principe susvisé ; 3°/ que la transaction ne fait obstacle qu'à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet ; qu'elle se renferme dans son objet de sorte que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la transaction conclue le 21 décembre 2017 entre M. [K] et la société Vertego informatique comportait un exposé liminaire relatant l'historique du contrat de travail et les positions respectives des parties sur le licenciement pour faute grave, que les parties y ont constaté leur désaccord "tant en ce qui concerne le bien-fondé, le contexte et la procédure de licenciement qu'en ce qui concerne les conséquences qui en découleraient", que M. [K] y a renoncé à l'intégralité des prétentions ainsi qu'à toute instance ou action "relative à l'exécution ou à la rupture de son contrat de travail" et y a reconnu être définitivement rempli de tous ses droits à l'égard de la société Vertego informatique ; qu'en retenant que l'action de M. [K] en partage de l'actif net d'une société créée de fait avec Mme [N] avait un objet identique à celui de cette transaction, pour en déduire qu'elle était irrecevable, cependant que cette action ne concernait pas le licenciement de M. [K], n'était pas relative à l'exécution ou à la rupture de son contrat de travail et ne portait pas sur les droits que détenait M. [K] à l'égard de la société Vertego informatique, et en particulier sur les droits découlant de l'exécution ou de la rupture de ce contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 2048 et 2052 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction. 7. Après avoir relevé que les parties à la transaction avaient entendu régler définitivement l'ensemble des conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail de M. [K], prenant notamment en compte les circonstances de son embauche, ses attributions et responsabilités au sein de la société Vertego informatique et son implication personnelle dans son développement, la cour d'appel a retenu que la clause de non-recours, qui interdit toute nouvelle prétention au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, a pour effet d'interdire à M. [K] de remettre en cause la chose transigée, au titre de la même activité exercée au sein de la société Vertego informatique, en contestant désormais l'existence d'un contrat de travail requalifié en société créée de fait avec Mme [N], pour en déduire que M. [K] est définitivement réputé avoir exercé son activité au sein de la société Vertego informatique en qualité de salarié, laquelle est exclusive de celle d'associé de fait. 8. Il en résulte que, M. [K] ayant ainsi renoncé à son droit d'invoquer la qualité d'associé de fait, était irrecevable à agir contre la société Vertego informatique mais aussi contre Mme [N] qui était fondée à invoquer la transaction. 9. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à Mme [N] et la société Vertego informatique la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois. | TRANSACTION - Effets - Effets à l'égard des tiers - Inopposabilité de la transaction par un tiers - Limites - Renonciation à un droit | RENONCIATION - Applications diverses - Transaction - Effets - Effets à l'égard des tiers - Opposabilité de la transaction par un tiers | Si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction |
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JURITEXT000048430191 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430191.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.174, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300597 | Cassation | 22-21174 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-07-07 | Cour d'appel de Versailles | Mme Champalaune | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100597 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 597 FS-B Pourvoi n° V 22-21.174 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [M] [H], domiciliée [Adresse 3], 2°/ Mme [G] [I], domiciliée [Adresse 2], 3°/ Mme [P] [I], domiciliée [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° V 22-21.174 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société les laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (CPAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mmes [H] et [I], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société les laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [M] [H], à laquelle a été prescrit du Mediator de 2006 à 2008, a présenté des lésions cardiaques. Le 14 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 21 juillet 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 16 octobre 2015, la société les laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [H] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [H], sa fille, Mme [G] [I], et sa petite-fille, Mme [P] [I] (les consorts [H]) ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de dire que leur action ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de la déclarer irrecevable comme prescrite, alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [H], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [H] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, 25 avril 2002, Gonsalès-Sanchez, aff. C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 21 juillet 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris. Condamne la société les laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [M] [H], Mmes [G] et [P] [I] la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX | Il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil, transposant la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, Gonzales Sanchez, C-183/00, point 31), par lequel elle a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle que le maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit |
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JURITEXT000048430199 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430199.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-15.511, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300601 | Cassation sans renvoi | 22-15511 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-10-25 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Champalaune | SCP Zribi et Texier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100601 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 601 FS-B Pourvoi n° Q 22-15.511 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [L] [N], domicilié Centre de rétention administrative de [Localité 5], [Adresse 4], 2°/ l'union départementale des associations familiales de [Localité 5] (UDAF), représentée par Mme [Y] [Z], en sa qualité de curatrice de M. [L] [N], dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° Q 22-15.511 contre l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (rétention administrative, chambre 1-11 RA), dans le litige les opposant : 1°/ au préfet des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 1], représentant l'Etat, 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [N] et de l'union départementale des associations familiales de [Localité 5], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 octobre 2021) et les pièces de la procédure, le 20 janvier 2020, un juge des tutelles a prononcé, pour une durée de soixante mois, une mesure de curatelle renforcée au bénéfice de M. [N], de nationalité algérienne. Le 19 octobre 2021, celui-ci a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté ministériel d'expulsion. 2. Le 21 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [N] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et par le préfet d'une demande de première prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [N] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention et de maintenir la mesure, alors « qu'il résulte des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le curateur est avisé du placement en rétention administrative de la personne placée sous curatelle ; qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 741-8 du CESEDA que l'autorité administrative doit informer immédiatement le procureur de la République de tout placement en rétention et que ni ce texte ni aucun texte, n'imposent à l'administration ou procureur de la République d'aviser le curateur de l'étranger de son placement en rétention, quand cette règle de droit résultait des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le délégué du premier président a violé, ensemble, les articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et les articles L. 741-9 et L. 741-10 du CESEDA : 4. Il résulte de ces textes qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement. 5. Pour rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance retient qu'il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir fait procéder à l'audition de la curatrice préalablement au placement en rétention de l'intéressé en l'absence de justification d'une disposition légale en ce sens. 6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'administration, qui avait connaissance de la mesure de protection, avait informé le curateur du placement en rétention de M. [N], le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | Il résulte des articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et des articles L. 741-9 et L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement |
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JURITEXT000048430200 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430200.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-23.266, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 12300608 | Rejet | 22-23266 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-09-22 | Cour d'appel de Douai | Mme Champalaune | SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Bénabent | ECLI:FR:CCASS:2023:C100608 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 608 F-B Pourvoi n° U 22-23.266 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [M] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-23.266 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société le [Adresse 6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à M. [L] [U], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société le [Adresse 6], de M. [U], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 septembre 2022), en 1985, M. [P], artiste, sculpteur et peintre, spécialisé dans la représentation de chevaux, sollicité par M. [U], fondateur du Musée du [4] aux [Adresse 5], a créé une oeuvre destinée au musée, intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « la Prueva », consistant en une sculpture monumentale représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire. 2. Plusieurs reproductions sans autorisation de cette oeuvre ou de partie de l'oeuvre ont été réalisées par [X] [K] dit [X] [G]. L'une de celles-ci, dont le caractère contrefaisant a été reconnu par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008, a été exposée dans les jardins de la société le [Adresse 6] ayant pour activité la gestion des jardins botaniques et parc animalier à [Localité 3], fondée par M. [U]. 3. Par lettre du 5 mai 2020, M. [P] a contacté M. [U] en sa qualité de directeur du parc « le [Adresse 6] », afin de convenir des moyens d'une réparation amiable au titre de la violation de ses droits de propriété intellectuelle. 4. Le 5 mars 2021, M. [P] a assigné en référé M. [U] et la société le [Adresse 6], en contrefaçon de droit d'auteur, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et d'obtenir l'indemnisation provisionnelle de son préjudice. M. [U] et la société le [Adresse 6] ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription. Examen des moyens Sur le second moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. [P] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre la société le [Adresse 6], alors « que si l'action en réparation des atteintes portées aux droits de l'auteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, l'action aux fins de faire cesser lesdites atteintes n'est soumise à aucun délai de prescription, la propriété ne s'éteignant pas par le non usage ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. [P] au titre de la contrefaçon de sa statue intitulée "Fontaine aux chevaux" ou "la Prueva", que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise au délai quinquennal de l'article 2224 du code civil dont le point de départ est le jour où le titulaire a eu connaissance de la contrefaçon, même si celle-ci s'inscrit dans la durée, et que M. [P] a été informé de la présence de la statue litigieuse dans le jardin de la société le [Adresse 6] dès le rapport d'expertise du 3 septembre 2004 dans le cadre de l'instruction pénale qui a abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008 reconnaissant son caractère contrefaisant, de sorte que le délai de prescription a expiré le 17 décembre 2013, cependant que n'étaient pas prescrites les demandes de M. [P] tendant à faire cesser les actes de contrefaçon par la remise entre ses mains de l'oeuvre contrefaisante aux fins de destruction, la cour d'appel a violé les articles 544, 2224 et 2227 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. C'est à bon droit que, après avoir énoncé que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise à ces dispositions, la cour d'appel a retenu que, le délai de prescription ayant commencé à courir le 17 décembre 2008, date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant de l'oeuvre exposée, l'action intentée le 5 mars 2021 était prescrite, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société le [Adresse 6] et M. [U] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel retient que le délai de prescription d'une action fondée sur la contrefaçon a commencé à courir à la date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant d'une oeuvre, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée |
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JURITEXT000048430351 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430351.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-14.091, Publié au bulletin | 2023-11-16 00:00:00 | Cour de cassation | 32300745 | Cassation partielle | 22-14091 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-01-25 | Cour d'appel de Poitiers | Mme Teiller (président) | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon | ECLI:FR:CCASS:2023:C300745 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 745 F-B Pourvoi n° W 22-14.091 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La société [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 22-14.091 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [X], domicilié [Adresse 2], notaire associé de la société Océan notaires, 2°/ à M. [Z] [E], 3°/ à Mme [S] [U], épouse [E], domiciliés tous deux [Adresse 3] (Irlande), 4°/ à la société [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [W], en qualité de liquidateur de la société Lama, défendeurs à la cassation. M. [X] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. M. et Mme [E] ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. M. [X], demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. M. et Mme [E], demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [Localité 5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022, n° RG 20/01228), par un contrat de réservation du 10 décembre 2002, suivi d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement dressé le 31 octobre 2003 par M. [X] (le notaire), M. et Mme [E] (les propriétaires), préalablement démarchés par la société Lama (le promoteur), ont acquis une villa dans une résidence de tourisme exploitée par la société Gestion patrimoine loisirs. 2. Par acte sous seing privé du 10 décembre 2002, les propriétaires ont donné la villa à bail commercial à l'exploitante de la résidence de tourisme, aux droits de laquelle est venue la société [Localité 5] (la locataire), pour une durée de neuf années à compter du lendemain de l'achèvement de l'immeuble. 3. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit à une indemnité d'éviction. 4. Le 23 septembre 2014, les propriétaires ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 mars 2015, sans offre d'une indemnité d'éviction. 5. Le 5 avril 2015, les propriétaires ont repris possession de l'immeuble. 6. Le 7 décembre suivant, la locataire a assigné les propriétaires en annulation du congé, indemnisation du préjudice résultant de sa dépossession et restitution des locaux loués ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction. 7. Le 3 octobre 2016, les propriétaires ont assigné en garantie le promoteur et le notaire. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires, et sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi incident du notaire 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident des propriétaires, dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 9. Les propriétaires font grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction, d'ordonner une expertise sur la fixation de son montant et de les condamner au paiement d'une provision, alors « que la loi qui a pour effet d'allonger la durée d'une prescription est sans effet sur une prescription déjà acquise ; que la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 modifiant l'article L. 145-15 du code de commerce a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et d'indemnité d'éviction, soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du même code, leur caractère réputé non écrit, non soumis à prescription ; qu'il en résulte que la loi nouvelle susvisée édictant une sanction imprescriptible n'est applicable qu'aux actions dont le délai de prescription biennale n'était pas déjà expiré à la date de son entrée en vigueur ; qu'en jugeant que l'action engagée en 2015 par la société [Localité 5] en contestation de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction stipulée au bail conclu en 2002 n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, ce au motif que la loi nouvelle régissait immédiatement les effets légaux des situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, quand cette loi ne pouvait avoir d'effet sur la prescription de l'action définitivement acquise avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les articles 2 et 2222 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées. 11. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, publié). 12. Dès lors, quand bien même la prescription de l'action en nullité des clauses susvisées était antérieurement acquise, la sanction du réputé non écrit est applicable aux baux en cours. 13. Ayant constaté que le bail s'était tacitement prorogé et que le congé avait été valablement délivré par les propriétaires le 23 septembre 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction n'était pas soumise à la prescription biennale et était recevable. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 15. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de son préjudice au titre de la dépossession des lieux, alors « que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il est fixé par les conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [E] ont soutenu, qu'après avoir obtenu la remise spontanée de leurs clefs à l'accueil de la résidence le 5 avril 2015, ils avaient récupéré la libre jouissance de leur résidence de vacances, avaient procédé au changement des serrures afin de sécuriser l'accès de leur propriété et avaient ainsi pu louer leur villa depuis la résiliation du bail en passant par le biais de sites de locations de particulier à particulier ; que pour débouter la société [Localité 5] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la dépossession, l'arrêt attaqué retient qu'il n'était pas démontré que les époux [E] soient passés outre le refus de la société [Localité 5], exprimé dans une lettre AR datée du 4 mai 2015, de restituer les clefs en l'absence de règlement de l'indemnité d'éviction en changeant les serrures de la maison rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale conformément au bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 17. Pour rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, l'arrêt retient que si la locataire avait indiqué, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mai 2015, qu'elle entendait conserver la gestion du bien et ne restituerait pas les clés en l'absence de consensus sur le règlement de l'indemnité, elle ne démontrait pas que les propriétaires soient passés outre ce refus en changeant les serrures de la villa et en rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale. 18. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, les propriétaires affirmaient avoir repris possession de leur propriété et avoir procédé au changement des serrures afin d'en sécuriser l'accès, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident du notaire Enoncé du moyen 19. Le notaire fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son devoir de conseil en omettant d'informer les propriétaires de la nullité de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction et de le condamner, in solidum avec le promoteur, à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, en appel, à hauteur de 70 %, alors « qu'en toute hypothèse, le notaire n'est pas tenu de vérifier la validité de la clause d'un acte, qu'il n'a pas été chargé de dresser, et qui ne détermine pas la validité ou l'efficacité de l'acte, distinct, auquel il prête son concours ; qu'en retenant que le notaire, rédacteur du seul acte de vente, aurait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les clauses d'un bail, rédigé par un agent immobilier, étaient conformes aux attentes d'investisseurs de M. et Mme [E], et d'attirer leur attention sur un risque d'annulation d'une clause de ce bail, et sur le risque de devoir payer une indemnité d'éviction au locataire en exécution de ce même acte, conclu sans son concours, au motif que cette clause pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail, la cour d'appel, qui a ainsi statué par des motifs impropres à caractériser l'incidence que le risque d'annulation de la clause du bail pouvait avoir sur la validité ou l'efficacité de l'acte de vente, qui avait produit tous ses effets, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil : 20. En application de ce texte, le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours. 21. Pour accueillir l'appel en garantie des propriétaires contre le notaire, l'arrêt retient qu'il a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les principales clauses du bail commercial, qui constituait un élément fondamental dans l'ensemble contractuel, étaient conformes aux attentes d'investisseurs des acquéreurs et en omettant d'attirer leur attention les conséquences du risque d'annulation de la clause de renonciation du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction stipulée dans ce bail, lequel pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail. 22. En statuant ainsi, alors que le notaire n'était pas tenu d'une obligation de conseil concernant l'opportunité économique d'un bail commercial conclu par les acquéreurs sans son concours, ni de les mettre en garde sur le risque d'annulation d'une clause de ce bail qui était sans incidence sur la validité et l'efficacité de l'acte de vente qu'il instrumentait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de la locataire en dommages-intérêts pour dépossession, retenant un manquement du notaire à son obligation de conseil, et le condamnant à garantir les propriétaires des condamnations prononcées à leur encontre emporte celles des chefs du dispositif condamnant le promoteur à garantir le notaire et condamnant le notaire au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile. 24. En revanche, elle n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les propriétaires et le promoteur au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société [Localité 5] en dommages-intérêts pour dépossession, qu'il déclare partiellement fondé le recours en garantie formé par M. et Mme [E] à l'encontre de M. [X], qu'il dit que M. [X] a manqué à son devoir de conseil et que cette faute les a privés d'une chance d'éviter une action en paiement d'une indemnité d'éviction, qu'il condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à garantir M. et Mme [E] à concurrence de 70 %, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre dans le cadre de la présente instance d'appel, du montant de la condamnation provisionnelle et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il condamne la société Lama à garantir M. [X] à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre, et condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à payer à M. et Mme [E] la somme de 6 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. et Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois. | BAIL COMMERCIAL | La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L.145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription. Dès lors, l'action tendant à voir réputée non écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, introduite après l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 et relative à un bail en cours à cette date, est recevable quand bien même la prescription de l'action en nullité de cette même clause aurait été acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. |
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JURITEXT000048465522 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/55/JURITEXT000048465522.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.874, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 12300614 | Cassation | 21-25874 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-10-25 | Cour d'appel de Rennes | Mme Champalaune | SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SARL Delvolvé et Trichet | ECLI:FR:CCASS:2023:C100614 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 614 FS-B Pourvoi n° G 21-25.874 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de Mme [J] [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 30 septembre 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [N] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-25.874 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant à Mme [J] [W], domiciliée [Adresse 1] (Allemagne), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [S], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [W], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, Mme Poinseaux, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, Mme Lion, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 octobre 2021), des relations entre M. [S] et Mme [W] est née [T], le 23 octobre 2012, à Nantes. 2. Par requête du 28 mai 2019, M. [S] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de voir statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. 3. Le 17 mars 2020, Mme [W] a saisi une juridiction allemande aux mêmes fins. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses sixième, septième, huitième et neuvième branches 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes incompétent et de renvoyer les parties devant la juridiction allemande saisie, alors « que les juridictions d'un État membre de l'Union européenne sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ; qu'une juridiction est réputée saisie à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ; que cette dernière condition est satisfaite lorsque les formalités subséquentes à la requête sont accomplies, peu important les conditions dans lesquelles elles l'ont été ; qu'en se plaçant, pour apprécier la résidence habituelle de l'enfant [T] [S], à la date du 18 septembre 2020, date à laquelle M. [S] a fait signifier la requête qu'il avait déposée au greffe du tribunal de grande instance de Nantes le 28 mai 2019, et non la date de cette requête, au motif inopérant que M. [S] aurait manqué de diligence et fait preuve de négligences dans la conduite de la procédure, la cour d'appel a violé les articles 8 et 16 du règlement (CE) n°2201/2003 du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. » Réponse de la Cour Vu les articles 8, paragraphe 1, et 16, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n°2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : 6. Aux termes du premier de ces textes, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. 7. Le second dispose : « Une juridiction est réputée saisie : a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ». 8. Il résulte de ce dernier texte qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur. 9. Pour déclarer la juridiction française incompétente au profit de la juridiction allemande saisie, l'arrêt retient que M. [S] a commis de graves négligences en s'abstenant d'aviser le greffe en temps utile de la nouvelle adresse de Mme [W] en Allemagne et d'informer celle-ci de la procédure en cours avant l'assignation qu'il lui a fait délivrer le 18 septembre 2020, date à laquelle l'enfant n'avait plus sa résidence habituelle en France mais en Allemagne, de sorte qu'il n'est pas possible, au regard de l'article 16 du règlement 2201/2003, de considérer que la juridiction française a été valablement saisie par la requête déposée le 28 mai 2019. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [S] avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné Mme [W], la cour d'appel a violé les textes susvisés. 11. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen. Condamne Mme [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | CONFLIT DE JURIDICTIONS | Aux termes de l'article 8, § 1, du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. Il résulte de l'article 16, § 1, sous a), de ce même règlement qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur. Dès lors, viole ce texte la cour d'appel qui écarte la validité de sa saisine et se déclare incompétente au profit d'une juridiction étrangère ultérieurement saisie, après avoir constaté que le demandeur avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assignée la défenderesse |