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JURITEXT000048242193
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-22.955, Publié au bulletin
2023-10-19 00:00:00
Cour de cassation
22301050
Rejet
21-22955
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-09-06
Cour d'appel d'Amiens
Mme Martinel
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:C201050
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2023 Rejet Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 1050 F-B Pourvoi n° K 21-22.955 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-22.955 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre de la protection sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 septembre 2021), la société [3] (l'employeur) a été informée le 2 janvier 2012 de l'imputation sur son compte employeur des conséquences financières de l'accident du travail du 28 novembre 2008 de l'un de ses salariés. 2. La commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse), saisie le 26 août 2015, ayant rejeté la contestation de l'employeur de l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de cet accident, celui-ci a porté son recours, le 29 mars 2017, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par la caisse est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans, en application de l'article 2224 du code civil ; qu'il est cependant constant que la saisine de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie interrompt le délai de prescription, même si la commission de recours amiable n'est pas une juridiction ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la prescription quinquennale était bien applicable au recours de l'employeur et que le point de départ du délai de prescription devait être fixé au 2 janvier 2012, date de réception, par celui-ci, de la notification de son taux de cotisation AT/MP l'informant de ce que l'accident du travail déclaré par la victime avait été pris en charge par la caisse ; qu'elle en a déduit que l'employeur « disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 » pour contester le caractère professionnel de l'accident du travail ; qu'il est constant, et non contesté, que l'employeur a saisi par lettre recommandée avec accusé de réception la commission de recours amiable de la caisse le 26 août 2015 ; qu'il s'en déduisait que son action n'était pas prescrite ; qu'en jugeant le contraire, au motif erroné qu'il « n'a saisi la juridiction que par requête du 29 mars 2017, hors du délai de cinq ans, et ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil. La saisine de la commission de recours amiable, qui n'est pas une juridiction, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 2224 du code civil, l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009. » Réponse de la Cour 5. La prescription quinquennale, prévue par l'article 2224 du code civil, est, en application des articles 2240, 2241 et 2244 du même code, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée. 6. Il résulte des articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le second dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que l'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois (2e Civ.,18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886, publié au Bulletin). 7. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que le fait pour un employeur de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, et que l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation (2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.621, Bull. 2012, II, n° 208). 8. Le pourvoi pose la question de savoir si le délai de prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, prise avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est interrompu par la saisine de la commission de recours amiable de la caisse par l'employeur. 9. En application du principe rappelé au paragraphe 5, ce n'est que si la saisine de la commission de recours amiable peut être regardée comme une demande en justice qu'elle est susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil. 10. La saisine de cette commission, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil. 11. L'arrêt relève que celui-ci a été informé de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident litigieux le 2 janvier 2012, qu'il disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une contestation du caractère professionnel de cet accident, qu'il a saisi la juridiction par requête du 29 mars 2017, hors du délai de 5 ans, et qu'il ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil. Il ajoute que la saisine de la commission de recours amiable, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription. 12. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, était prescrite. 13. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Décision de prise en charge - Inopposabilité soulevée par l'employeur - Recours n'ayant pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil - Saisine de la commission de recours amiable
PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Domaine d'application - Saisine de la commission de recours amiable - Absence d'effet interruptif
La saisine de la commission de recours amiable, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil
JURITEXT000048283870
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 octobre 2023, 21-12.580, Publié au bulletin
2023-10-26 00:00:00
Cour de cassation
22301057
Cassation
21-12580
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2020-11-12
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Martinel
SAS Buk Lament-Robillot, Me Haas
ECLI:FR:CCASS:2023:C201057
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1057 FS-B Pourvoi n° G 21-12.580 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La société Banque populaire du Sud, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-12.580 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [D] [X], 2°/ à Mme [K] [I], épouse [X], tous deux domiciliés [Adresse 1] (Belgique), défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Banque populaire du Sud, de Me Haas, avocat de M. [X] et Mme [I], épouse [X], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 novembre 2020) et les productions, agissant sur le fondement d'un acte de prêt notarié du 12 décembre 2006, la Banque populaire du Sud (la banque) a fait délivrer à M. [X] et Mme [I], le 15 décembre 2010, un premier commandement de payer valant saisie immobilière dont la péremption a été constatée par décision du 13 janvier 2014 puis un second, le 2 septembre 2014, et les a assignés devant un juge de l'exécution. 2. Un arrêt d'une cour d'appel du 3 juin 2016 a confirmé le jugement, rendu le 7 décembre 2015, en ce qu'il avait ordonné la radiation du commandement, l'a infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau, donné acte à la banque de son désistement et déclaré M. [X] et Mme [I] irrecevables à faire juger leurs autres contestations et demandes reconventionnelles malgré l'extinction de la procédure de saisie immobilière. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 (2e Civ., 11 janvier 2018, pourvoi n° 16-22.829, Bull. 2018, II, n° 5). 3. La banque a ensuite fait pratiquer, le 9 juillet 2018, une saisie-attribution à l'encontre de M. [X] et de Mme [I] qui ont saisi un juge de l'exécution d'une contestation en invoquant la prescription biennale de l'article L. 213-8 du code de la consommation. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 2241, alinéa 1er, 2242 et 2244 du code civil : 5. Selon le dernier de ces textes, le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. 6. Selon le premier, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Selon le deuxième, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes, qu'en matière de saisie immobilière, l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation consécutive à un commandement valant saisie immobilière produit ses effets, en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation, jusqu'à l'extinction de la procédure de saisie immobilière. 8. Pour déclarer prescrite la créance de la banque et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient que la banque a manifesté la volonté de se désister de la procédure de saisie immobilière, que c'est par une décision du 7 décembre 2015 que le juge de l'exécution a ordonné la radiation du commandement en cause et qu'un débat est demeuré jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 sur l'étendue du pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution à la suite de ce désistement, mais que celle-ci avait jugé que, dès lors que le créancier avait déclaré, par conclusions écrites, se désister de la procédure de saisie immobilière, le juge de l'exécution n'était plus compétent pour trancher les contestations et en déduit que l'effet interruptif de prescription a donc cessé avec l'arrêt de la cour d'appel du 3 juin 2016. 9. En statuant ainsi, alors que l'effet interruptif avait produit ses effets jusqu'au prononcé de l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 ayant mis fin à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [X] et Mme [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et Mme [I] et les condamne à payer à la société Banque populaire du Sud la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois.
SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Assignation - Effet interruptif de prescription - Durée - Détermination - Portée
Il résulte de la combinaison des articles 2241, alinéa 1, 2242 et 2244 du code civil, qu'en matière de saisie immobilière, l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation consécutive à un commandement valant saisie immobilière produit ses effets, en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation, jusqu'à l'extinction de la procédure de saisie immobilière
JURITEXT000048283882
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 octobre 2023, 22-16.448, Publié au bulletin
2023-10-26 00:00:00
Cour de cassation
22301084
Cassation
22-16448
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-10-19
Conseil de prud'hommes de Bourges
Mme Martinel
SCP Lesourd, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés
ECLI:FR:CCASS:2023:C201084
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1084 F-B Pourvoi n° G 22-16.448 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [P], épouse [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 17 mars 2022. Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 17 mars 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 1°/ Mme [F] [P], épouse [Z], 2°/ M. [C] [Z], tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° G 22-16.448 contre le jugement rendu le 19 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes de Bourges (section activités diverses), dans le litige les opposant à Mme [H] [X], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. et Mme [Z], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [X], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Bourges, 19 octobre 2021), rendu en dernier ressort, Mme [X] a été engagée par M. et Mme [Z] entre le 11 mars 2019 et le 24 avril 2019. 2. Par un jugement du 24 février 2021, un tribunal de proximité a prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de M. et Mme [Z] et a effacé la créance salariale de Mme [X]. 3. Le 20 avril 2021, Mme [X] a saisi une juridiction prud'homale aux fins de condamnation de M. et Mme [Z] en indemnisation du préjudice subi du fait de l'absence de paiement de son salaire. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. et Mme [Z] font grief au jugement de les condamner à régler à Mme [X] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait du non-paiement du salaire du mois d'avril, alors « que le créancier dont la créance est, au terme d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, effacée, ne peut plus agir en paiement à l'encontre du débiteur, même par le biais indirect d'une action en réparation du préjudice que lui cause l'absence de paiement de la créance effacée ou un paiement tardif dès lors que toutes les dettes de ce dernier se trouvent effacées ; qu'en condamnant les employeurs au paiement de dommages-intérêts pour non-paiement de l'intégralité du salaire d'avril 2019 et paiements tardifs de celui de mars 2019 bien qu'il ait par ailleurs constaté que, par jugement du 24 février 2021, le tribunal de proximité avait prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire desdits employeurs et effacé la créance salariale, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 724-1, L. 741-2 et L. 741-6 du code de la consommation. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. Mme [X] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit. 6. Cependant, il résulte des conclusions d'appel de M. et Mme [Z] que ceux-ci ont fait valoir qu'il appartenait à la juridiction de constater que Mme [X] était dans l'impossibilité de solliciter le paiement des salaires dans la mesure où le tribunal de proximité avait prononcé l'effacement de sa créance salariale. 7. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles L. 724-1, L. 741-2 et L. 741-6 du code de la consommation : 8. Il résulte de ces textes que le créancier dont la créance est, au terme d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, effacée, ne peut plus agir en paiement à l'encontre du débiteur (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 16-21.392). 9. Pour condamner M. et Mme [Z] au paiement de dommages-intérêts pour non-paiement des salaires, le jugement retient d'une part, que les employeurs se sont montrés fautifs en ne respectant pas leurs obligations contractuelles, et, d'autre part, que le défaut de paiement de ses salaires a causé à Mme [X] un préjudice financier important, cette dernière ayant dû bénéficier de chèques solidarité ainsi que d'une aide alimentaire. 10. En statuant ainsi, alors que par jugement du 24 février 2021, le tribunal de proximité avait prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de M. et Mme [Z] et effacé la créance salariale, le conseil de prud'hommes, qui ne pouvait permettre au créancier d'obtenir, par une action en réparation du préjudice que lui causait l'absence de paiement de la créance salariale, le paiement d'une dette qui était effacée, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Bourges ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Nevers. Condamne Mme [X] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [X] à payer à la SCP Lesourd la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement - Procédure de rétablissement personnel sans liquidation personnelle - Clôture - Effacement des dettes - Effet - Non-paiement de la créance effacée - Impossibilité de réparation du préjudice du créancier
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement - Procédure de rétablissement personnel - Clôture - Effacement des dettes - Etendue - Portée
Il résulte des articles L. 724-1, L. 741-2 et L. 741-6 du code de la consommation que ne peut plus agir en paiement à l'encontre du débiteur, le créancier dont la créance est, au terme d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, effacée. Encourt la cassation une décision qui condamne des employeurs au paiement de dommages-intérêts pour non-paiement des salaires, permettant ainsi au créancier d'obtenir, par une action en réparation du préjudice que lui causait l'absence de paiement de la créance salariale, le paiement d'une dette, qui était effacée au terme d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire
JURITEXT000048389764
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 novembre 2023, 22-18.545, Publié au bulletin
2023-11-09 00:00:00
Cour de cassation
32300724
Rejet
22-18545
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-05-05
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Teiller
SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:C300724
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 724 FS-B Pourvoi n° N 22-18.545 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2023 La commune d'[Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l' [Adresse 8], a formé le pourvoi n° N 22-18.545 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [X], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [N] [X], épouse [O], domiciliée [Adresse 7], 3°/ à M. [G] [B], domicilié [Adresse 2], 4°/ à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 3], 5°/ à Mme [S] [B], domiciliée [Adresse 4], défendeurs à la cassation. MM. [R] [X], [G] et [Z] [B] et Mmes [N] [X] et [S] [B] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la commune d'[Localité 5], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [R] [X], [G] et [Z] [B] et Mmes [N] [X] et [S] [B], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, Mme Proust, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, M. Choquet, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), M. [R] [X], MM. [G] et [Z] [B] ainsi que Mmes [N] [X] et [S] [B] (les consorts [X]), propriétaires en indivision d'une parcelle grevée d'un emplacement réservé pour l'extension du cimetière de la commune d'[Localité 5], ont exercé leur droit de délaissement. 2. Faute d'accord des parties sur le prix du bien délaissé, la commune a saisi le juge de l'expropriation aux fins qu'il ordonne le transfert de propriété et fixe le prix de cession. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. Les consorts [X] font grief à l'arrêt de fixer comme il le fait le prix de cession, alors « que, lorsqu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L. 242-1 à L. 242-7, L. 322-12, L. 423-2 et L. 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit ; qu'en se prononçant sur l'illicéité alléguée des constructions, et en pratiquant un abattement pour tenir compte de leur prétendue illicéité, quand il lui appartenait de fixer des indemnités alternatives et de renvoyer les parties à se pourvoir devant qui de droit, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 311-8 du code de l'expropriation. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel, qui a retenu qu'au vu des pièces produites, une partie significative des constructions présentes sur la parcelle délaissée avait été édifiée sans permis de construire, a pu en déduire, sans trancher une contestation sérieuse, qu'il y avait lieu d'appliquer un abattement sur la valeur du bien pour tenir compte de l'illicéité des constructions. Sur le troisième moyen du pourvoi incident, pris en ses première à troisième branches et en sa sixième branche 6. Les consorts [X] font le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que c'est à la commune débitrice d'une indemnité au titre de l'exercice du droit au délaissement qui demandait l'application d'un abattement pour l'illicéité prétendue des constructions dont l'acquisition était demandée, qu'il incombait de démontrer cette illicéité ; qu'en se fondant pour appliquer un abattement pour illicéité des constructions, sur la défaillance des consorts [X] dans l'administration de la preuve de l'obtention d'un permis de construire, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil, L. 230-3 du code de l'urbanisme et L. 321-1 du code de l'expropriation ; 2°/ que les juges du fond ne peuvent rejeter ou accueillir les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; qu'en affirmant qu'il n'est justifié d'aucun permis de construire accordé, que ce soit par les services de l'Etat, compétents en 1979 ou par la mairie compétente en 1985, sans examiner même sommairement l'attestation du maire d'[Localité 5] du 24 mai 2005 versée aux débats en pièce n° 1, qui atteste que "M. [L] [X] domicilié [Adresse 6] a bien obtenu un permis de construire tacite en date du 17 février 1986 n° 85C0192 pour l'extension d'une construction existante sise à la même adresse", démontrant l'obtention du permis de construire n° 85C0192 sollicité le 5 juillet 1985 dont la demande était versée aux débats en pièce n° 2, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en énonçant que les documents produits par les appelants ne permettent pas d'identifier quels étaient les projets de constructions pris en compte par les demandes de permis de construire de 1979 et de 1985, quand il résulte clairement de la demande de permis de construire du 5 juillet 1985 qu'elle a pour objet la construction d'une maison individuelle et la création d'une surface de 974,50 m2 en sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage, la cour d'appel a dénaturé ce document en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 6°/ qu'en appliquant un abattement pour illicéité des constructions après avoir constaté qu'en l'espèce, la prescription décennale interdit toute action en démolition des constructions litigieuses, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations au regard des articles L. 230-3 du code de l'urbanisme et L. 321-1 du code de l'expropriation qu'elle a violés. » Réponse de la Cour 7. La cour d'appel a relevé, sans dénaturation, qu'il résultait du rapport de M. [D] qu'une partie significative des constructions présentes sur le terrain délaissé ne figurait pas dans la demande de permis de construire déposée en 1985. 8. Elle a souverainement déduit de ce seul motif, sans inverser la charge de la preuve, mais en procédant à l'analyse de l'ensemble des pièces produites, qu'une partie des constructions était irrégulière. 9. Elle a pu en conclure que cette situation constituait une moins-value justifiant un abattement pour illicéité des constructions, quand bien même la prescription de l'action en démolition serait acquise. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la commune d'[Localité 5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-trois.
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Préjudice - Réparation - Construction illicite - Eléments pris en considération - Détermination - Abattement sur la valeur du terrain délaissé - Possibilité
La prescription de l'action en démolition des constructions irrégulières ne fait pas obstacle à l'application, par le juge de l'expropriation, d'un abattement sur la valeur du terrain délaissé, pour illicéité d'une partie des constructions qui y sont édifiées
JURITEXT000048430106
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430106.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 novembre 2023, 21-22.655, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
12300586
Rejet
21-22655
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-07-01
Cour d'appel de Paris
Mme Champalaune
SCP Duhamel, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C100586
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 586 FS-D Pourvoi n° J 21-22.655 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Chronopost, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-22.655 contre deux arrêts rendu les 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2) et l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la même cour d'appel (pôle 4, chambre 10) dans le litige l'opposant à le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Duhamel, avocat de la société Chronopost, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de le Conseil national des associations familiales laïques, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020, rectifié le 1er juillet 2021), invoquant le caractère abusif de plusieurs clauses figurant, depuis le mois de juin 2015, dans des contrats offerts par la société Chronopost, le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL) l'a assignée afin que celles-ci soient réputées non écrites et que soient ordonnées leur suppression et la mise en conformité des contrats proposés. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. La société Chronopost fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation de la clause 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie de l'ensemble des contrats, de dire que sont abusives les clauses 7-1 des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport Manuelles et saisies sur automate, de celles du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï, de celles figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine, de celles des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM, de prononcer la suppression de ces clauses sous astreinte, de la condamner à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs et d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt, alors : « 1°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, les clauses-types écartent la présomption de caractère abusif des clauses figurant sur la liste des clauses présumées abusives de manière irréfragable, clauses dites noires ; que ne peut donc être déclarée abusive une stipulation conventionnelle créant une protection du consommateur conforme ou supérieure à celle figurant au contrat-type ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : "- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis, - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...)le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs" ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, tandis que les décrets n° 99- 269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 ont créé, en matière de contrat de transport de marchandises, des contrats-types supplétifs prévoyant des plafonds d'indemnisation ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur, ce qui excluait que les stipulations conventionnelles puissent être déclarées abusives sur ce fondement, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ; 2°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, le déséquilibre significatif créé au détriment du consommateur ne peut être caractérisé, et le caractère abusif d'une clause conventionnelle ne peut donc être retenu, lorsque cette clause dérogatoire est plus favorable au consommateur que la clause type réglementaire supplétive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération./ Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : "- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis, - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs" ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces clauses accordaient en réalité au consommateur une indemnisation plus favorable que les clauses supplétives, applicables au contrat de transport en l'absence de stipulation conventionnelle ou en cas de stipulation réputée non écrite, figurant aux contrats-types créés par les décrets n° 99-269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 et prévoyant des plafonds d'indemnisation du préjudice subi par le consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ; 3°/ que la cour d'appel a jugé abusive la clause "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", aux motifs, à les supposer adoptés du jugement, que la clause litigieuse pose comme limite préalable un plafond d'indemnisation de 250 euros, très inférieur et donc très défavorable par rapport au plafond réglementaire de 750 euros, qu'elle ne précise pas les conditions dans lesquelles cette limite d'indemnité peut le cas échéant être rehaussée à 690 € sur la base réglementaire de 23 euros par kilogramme et qu'elle ne rappelle aucunement l'existence de ce plafond réglementaire de 750 euros, supérieur de 500 euros à la première indication de plafond d'indemnité d'un montant de 250 euros ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Chronopost faisant valoir, preuves à l'appui, que les contrats concernés étaient limités à des envois de colis inférieurs à 12 kg et qu'en pratique la quasi-totalité des envois de consommateurs soumis à la clause litigieuse étant inférieurs à 11 kg, le plafond de 250 euros stipulé dans les conditions générales était plus favorable aux consommateurs que le plafond de 23 euros/kg (23x11 = 253) prévu dans le contrat-type, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 3. Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R. 132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. 4. Ayant relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence et ainsi fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. La société Chronopost fait les mêmes griefs à l'arrêt à l'égard des clauses 7-2 des conditions générales de vente consommateurs du site internet /Lettre de transport manuelles et saisies sur automates - prêt-à-expédier - Chronopeï et 7-1 des conditions générales de vente imprimées au dos des enveloppes prêt-à-expédier France métropolitaine, International et DOM à disposition des clients dans les bureaux de poste, alors qu' « une stipulation conforme à un texte réglementaire ou législatif ne peut revêtir un caractère abusif ; que le contrat-type réglementaire applicable en matière de transports de marchandises, en l'absence de stipulation conventionnelle ou si la stipulation conventionnelle est réputée non-écrite, prévoit qu'"en cas de préjudice prouvé résultant d'un retard à la livraison du fait du transporteur, celui-ci est tenu de verser une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport (droits, taxes et frais divers exclus)" ; que dès lors, en déclarant abusives les clauses limitatives de responsabilité en cas de retard stipulées conventionnellement dans les contrats de la société Chronopost, au motif qu'elles contreviendraient à la prohibition de l'article R. 212-1 du code de la consommation, après avoir pourtant constaté qu'elles prévoyaient qu'"en cas de retard à la livraison de son fait et en cas de préjudice prouvé, Chronopost s'engage à régler une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport droits, taxes et frais divers exclus", ce dont il résulte qu'elles étaient conformes au texte réglementaire, ce qui devait conduire à écarter leur caractère prétendument abusif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article L. 212-1 du code de la consommation, ensemble l'article 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de la combinaison des articles L. 212-1, alinéa 1, R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et de l'article 24-3 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de retard à la livraison énoncées par le dernier de ces textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. 8. Ayant relevé que les clauses venaient limiter le droit à réparation du consommateur et fait ressortir qu'elles étaient moins favorables que les prévisions du contrat type, en ce qu'elles n'avertissaient pas le consommateur de sa faculté de faire une déclaration d'intérêt spécial à la livraison ayant pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l'indemnité fixée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Chronopost aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chronopost et la condamne à payer au Conseil national des associations familiales laïques la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Domaine d'application - Contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises - Règles applicables en cas de perte et avaries - Application supplétive - Convention écrite conclue entre les parties - Clause n'accordant pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives
TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Contrat de transport - Contrat type - Contrat type approuvé par le décret n° 99-269 du 6 avril 1999 - Règles applicables en cas de perte et avaries - Application supplétive - Convention écrite conclue entre les parties - Clause n'accordant pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives - Effet
Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R.132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. Dès lors qu'elle a relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence, et fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, une cour d'appel en a exactement déduit qu'elles étaient abusives
JURITEXT000048430200
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-23.266, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300608
Rejet
22-23266
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-09-22
Cour d'appel de Douai
Mme Champalaune
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Bénabent
ECLI:FR:CCASS:2023:C100608
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 608 F-B Pourvoi n° U 22-23.266 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [M] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-23.266 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Le Potager des princes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à M. [L] [U], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Le Potager des princes, de M. [U], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 septembre 2022), en 1985, M. [P], artiste, sculpteur et peintre, spécialisé dans la représentation de chevaux, sollicité par M. [U], fondateur du musée [4] vivant aux grandes écuries de [Localité 3], a créé une oeuvre destinée au musée, intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « la Prueva », consistant en une sculpture monumentale représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire. 2. Plusieurs reproductions sans autorisation de cette oeuvre ou de partie de l'oeuvre ont été réalisées par [X] [K] dit [X] [G]. L'une de celles-ci, dont le caractère contrefaisant a été reconnu par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008, a été exposée dans les jardins de la société Le Potager des princes ayant pour activité la gestion des jardins botaniques et parc animalier à [Localité 3], fondée par M. [U]. 3. Par lettre du 5 mai 2020, M. [P] a contacté M. [U] en sa qualité de directeur du parc « Le Potager des princes », afin de convenir des moyens d'une réparation amiable au titre de la violation de ses droits de propriété intellectuelle. 4. Le 5 mars 2021, M. [P] a assigné en référé M. [U] et la société Le Potager des princes, en contrefaçon de droit d'auteur, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et d'obtenir l'indemnisation provisionnelle de son préjudice. M. [U] et la société Le Potager des princes ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription. Examen des moyens Sur le second moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. [P] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre la société Le Potager des princes, alors « que si l'action en réparation des atteintes portées aux droits de l'auteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, l'action aux fins de faire cesser lesdites atteintes n'est soumise à aucun délai de prescription, la propriété ne s'éteignant pas par le non-usage ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. [P] au titre de la contrefaçon de sa statue intitulée "Fontaine aux chevaux" ou "la Prueva", que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise au délai quinquennal de l'article 2224 du code civil dont le point de départ est le jour où le titulaire a eu connaissance de la contrefaçon, même si celle-ci s'inscrit dans la durée, et que M. [P] a été informé de la présence de la statue litigieuse dans le jardin de la société Le Potager des princes dès le rapport d'expertise du 3 septembre 2004 dans le cadre de l'instruction pénale qui a abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008 reconnaissant son caractère contrefaisant, de sorte que le délai de prescription a expiré le 17 décembre 2013, cependant que n'étaient pas prescrites les demandes de M. [P] tendant à faire cesser les actes de contrefaçon par la remise entre ses mains de l'oeuvre contrefaisante aux fins de destruction, la cour d'appel a violé les articles 544, 2224 et 2227 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. C'est à bon droit que, après avoir énoncé que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise à ces dispositions, la cour d'appel a retenu que, le délai de prescription ayant commencé à courir le 17 décembre 2008, date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant de l'oeuvre exposée, l'action intentée le 5 mars 2021 était prescrite, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société le potager des Princes et M. [U] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel retient que le délai de prescription d'une action fondée sur la contrefaçon a commencé à courir à la date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant d'une oeuvre, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée
JURITEXT000048430347
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 21-18.360, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300735
Cassation partielle
21-18360
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2021-04-01
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Teiller
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
ECLI:FR:CCASS:2023:C300735
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 735 FS-B Pourvoi n° R 21-18.360 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [N] [I], 2°/ Mme [U] [K], épouse [I], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-18.360 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à la société du [Adresse 1], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société du [Adresse 1], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 4 septembre 2009, la société civile immobilière du [Adresse 1] (la SCI) a conclu avec M. et Mme [I] (les preneurs) un contrat dénommé « convention pluriannuelle de pâturage » portant sur des biens agricoles et un bâtiment d'habitation, pour une durée de cinq ans à compter du 1er avril 2009, tacitement reconduit à son terme. 2. Par acte d'huissier du 25 août 2016, les preneurs ont assigné en référé la SCI afin d'obtenir sa condamnation à réaliser des travaux. 3. Le 25 septembre 2017, la SCI leur a délivré un congé. 4. Après renvoi de l'affaire devant le tribunal paritaire des baux ruraux pour qu'il soit statué au fond, les preneurs ont demandé, à titre additionnel, la reconnaissance d'un bail rural, la condamnation de la SCI à leur rembourser diverses sommes, dont les loyers réglés au titre du bâtiment d'habitation, et l'annulation du congé. Examen des moyens Sur le troisième moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 2224 du code civil : 7. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. La Cour de cassation juge, de façon constante, que le bail tacitement reconduit est un nouveau bail, distinct du bail initial (3e Civ., 10 juin 1998, pourvoi n° 96-15.626, Bull. 1998, III, n° 119). Cette règle est désormais consacrée, depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1214 et 1215 du code civil. 9. Il en résulte que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet. 10. Pour déclarer prescrite l'action en reconnaissance d'un bail rural, laquelle s'analyse en une action en requalification de la convention en cours, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le délai de prescription court, sauf fraude, à compter de la date de la conclusion du contrat initial, nonobstant sa tacite reconduction. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de requalification entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande en annulation du congé, ordonnant l'expulsion des preneurs, les condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation et rejetant leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de requalification, rejette la demande en annulation du congé, ordonne l'expulsion de M. et Mme [I], les condamne au paiement d'une indemnité d'occupation, rejette leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société civile immobilière du [Adresse 1] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière du [Adresse 1] et la condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL RURAL - Statut du fermage et du métayage - Domaine d'application - Convention pluriannuelle de pâturage - Action en requlification - Prescription - Prescription quinquennale - Point de départ - Détermination - Portée
Il résulte de l'article 2224 du code civil que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet
JURITEXT000048430349
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-19.422, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300736
Rejet
22-19422
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-03-25
Tribunal judiciaire d'Orléans
Mme Teiller
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Zribi et Texier
ECLI:FR:CCASS:2023:C300736
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 736 FS-B Pourvoi n° R 22-19.422 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 M. [V] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-19.422 contre le jugement rendu le 25 mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Orléans, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [C], 2°/ à Mme [F] [E], domiciliés tous deux [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [Y], de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [C] et de Mme [E], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Orléans, 25 mars 2022), rendu en dernier ressort, locataires d'un logement dont M. [Y] (le bailleur) est propriétaire, M. [C] et Mme [E] (les locataires), après avoir libéré les lieux le 1er août 2020 à l'issue d'un congé, ont saisi le tribunal en restitution du dépôt de garantie. 2. Le bailleur s'est opposé à la demande en invoquant des désordres locatifs. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le bailleur fait grief au jugement de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en condamnant M. [Y] à restituer aux locataires la somme prélevée par lui en sa qualité de bailleur sur le dépôt de garantie au titre des dégradations locatives, après avoir constaté la réalité de celles-ci quant au défaut d'entretien du jardin consistant en l'absence de désherbage "surtout autour des massifs" en raison du caractère global de la facture produite au titre des travaux de jardinage qui ne permettrait pas d'évaluer le coût exact "du nettoyage des parterres et massifs" visé dans celle-ci, le tribunal qui devait évaluer lui-même le préjudice dont il constatait l'existence, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 7, c, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elle, il est établi par un huissier de justice, devenu commissaire de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. 5. La Cour de cassation décide qu'un constat d'huissier de justice, même non contradictoirement dressé, vaut à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties (1re Civ., 12 avril 2005, pourvoi n° 02-15.507, Bull. 2005, I, n° 181). 6. Il s'en déduit qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire. 7. Le tribunal a constaté que le bailleur, qui avait connaissance du départ des lieux des locataires, ne démontrait pas avoir tenté d'établir amiablement l'état des lieux de sortie de manière contradictoire et n'avait pas fait appel à un huissier de justice. 8. Il en résulte que l'état des lieux de sortie invoqué par le bailleur ne pouvait faire la preuve des dégradations qui y sont listées et qui seraient imputables aux locataires. 9. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, et substitué à celui critiqué, conformément à l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef. Sur le second moyen Enoncé du moyen 10. Le bailleur fait grief au jugement de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, alors « que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen de cassation, qui reproche au tribunal d'avoir condamné M. [Y] à verser à M. [C] et Mme [E] la somme de 1 539,60 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard entraînera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral. » Réponse de la Cour 11. Le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Preuve - Etat des lieux de sortie non contradictoire - Portée - Détermination
Il résulte de l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire
JURITEXT000048430351
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-14.091, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300745
Cassation partielle
22-14091
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-01-25
Cour d'appel de Poitiers
Mme Teiller
SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:C300745
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 745 F-B Pourvoi n° W 22-14.091 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La société [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 22-14.091 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [X], domicilié [Adresse 2], notaire associé de la société Océan notaires, 2°/ à M. [Z] [E], 3°/ à Mme [S] [U], épouse [E], domiciliés tous deux [Adresse 3] (Irlande), 4°/ à la société [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [W], en qualité de liquidateur de la société Lama, défendeurs à la cassation. M. [X] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. M. et Mme [E] ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. M. [X], demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. M. et Mme [E], demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [Localité 5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022, n° RG 20/01228), par un contrat de réservation du 10 décembre 2002, suivi d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement dressé le 31 octobre 2003 par M. [X] (le notaire), M. et Mme [E] (les propriétaires), préalablement démarchés par la société Lama (le promoteur), ont acquis une villa dans une résidence de tourisme exploitée par la société Gestion patrimoine loisirs. 2. Par acte sous seing privé du 10 décembre 2002, les propriétaires ont donné la villa à bail commercial à l'exploitante de la résidence de tourisme, aux droits de laquelle est venue la société [Localité 5] (la locataire), pour une durée de neuf années à compter du lendemain de l'achèvement de l'immeuble. 3. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit à une indemnité d'éviction. 4. Le 23 septembre 2014, les propriétaires ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 mars 2015, sans offre d'une indemnité d'éviction. 5. Le 5 avril 2015, les propriétaires ont repris possession de l'immeuble. 6. Le 7 décembre suivant, la locataire a assigné les propriétaires en annulation du congé, indemnisation du préjudice résultant de sa dépossession et restitution des locaux loués ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction. 7. Le 3 octobre 2016, les propriétaires ont assigné en garantie le promoteur et le notaire. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires, et sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi incident du notaire 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident des propriétaires, dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 9. Les propriétaires font grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction, d'ordonner une expertise sur la fixation de son montant et de les condamner au paiement d'une provision, alors « que la loi qui a pour effet d'allonger la durée d'une prescription est sans effet sur une prescription déjà acquise ; que la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 modifiant l'article L. 145-15 du code de commerce a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et d'indemnité d'éviction, soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du même code, leur caractère réputé non écrit, non soumis à prescription ; qu'il en résulte que la loi nouvelle susvisée édictant une sanction imprescriptible n'est applicable qu'aux actions dont le délai de prescription biennale n'était pas déjà expiré à la date de son entrée en vigueur ; qu'en jugeant que l'action engagée en 2015 par la société [Localité 5] en contestation de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction stipulée au bail conclu en 2002 n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, ce au motif que la loi nouvelle régissait immédiatement les effets légaux des situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, quand cette loi ne pouvait avoir d'effet sur la prescription de l'action définitivement acquise avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les articles 2 et 2222 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées. 11. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, Bull.). 12. Dès lors, quand bien même la prescription de l'action en nullité des clauses susvisées était antérieurement acquise, la sanction du réputé non écrit est applicable aux baux en cours. 13. Ayant constaté que le bail s'était tacitement prorogé et que le congé avait été valablement délivré par les propriétaires le 23 septembre 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction n'était pas soumise à la prescription biennale et était recevable. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 15. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de son préjudice au titre de la dépossession des lieux, alors « que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il est fixé par les conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [E] ont soutenu, qu'après avoir obtenu la remise spontanée de leurs clefs à l'accueil de la résidence le 5 avril 2015, ils avaient récupéré la libre jouissance de leur résidence de vacances, avaient procédé au changement des serrures afin de sécuriser l'accès de leur propriété et avaient ainsi pu louer leur villa depuis la résiliation du bail en passant par le biais de sites de locations de particulier à particulier ; que pour débouter la société [Localité 5] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la dépossession, l'arrêt attaqué retient qu'il n'était pas démontré que les époux [E] soient passés outre le refus de la société [Localité 5], exprimé dans une lettre AR datée du 4 mai 2015, de restituer les clefs en l'absence de règlement de l'indemnité d'éviction en changeant les serrures de la maison rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale conformément au bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 17. Pour rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, l'arrêt retient que si la locataire avait indiqué, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mai 2015, qu'elle entendait conserver la gestion du bien et ne restituerait pas les clés en l'absence de consensus sur le règlement de l'indemnité, elle ne démontrait pas que les propriétaires soient passés outre ce refus en changeant les serrures de la villa et en rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale. 18. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, les propriétaires affirmaient avoir repris possession de leur propriété et avoir procédé au changement des serrures afin d'en sécuriser l'accès, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident du notaire Enoncé du moyen 19. Le notaire fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son devoir de conseil en omettant d'informer les propriétaires de la nullité de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction et de le condamner, in solidum avec le promoteur, à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, en appel, à hauteur de 70 %, alors « qu'en toute hypothèse, le notaire n'est pas tenu de vérifier la validité de la clause d'un acte, qu'il n'a pas été chargé de dresser, et qui ne détermine pas la validité ou l'efficacité de l'acte, distinct, auquel il prête son concours ; qu'en retenant que le notaire, rédacteur du seul acte de vente, aurait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les clauses d'un bail, rédigé par un agent immobilier, étaient conformes aux attentes d'investisseurs de M. et Mme [E], et d'attirer leur attention sur un risque d'annulation d'une clause de ce bail, et sur le risque de devoir payer une indemnité d'éviction au locataire en exécution de ce même acte, conclu sans son concours, au motif que cette clause pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail, la cour d'appel, qui a ainsi statué par des motifs impropres à caractériser l'incidence que le risque d'annulation de la clause du bail pouvait avoir sur la validité ou l'efficacité de l'acte de vente, qui avait produit tous ses effets, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 20. En application de ce texte, le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours. 21. Pour accueillir l'appel en garantie des propriétaires contre le notaire, l'arrêt retient qu'il a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les principales clauses du bail commercial, qui constituait un élément fondamental dans l'ensemble contractuel, étaient conformes aux attentes d'investisseurs des acquéreurs et en omettant d'attirer leur attention les conséquences du risque d'annulation de la clause de renonciation du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction stipulée dans ce bail, lequel pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail. 22. En statuant ainsi, alors que le notaire n'était pas tenu d'une obligation de conseil concernant l'opportunité économique d'un bail commercial conclu par les acquéreurs sans son concours, ni de les mettre en garde sur le risque d'annulation d'une clause de ce bail qui était sans incidence sur la validité et l'efficacité de l'acte de vente qu'il instrumentait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de la locataire en dommages-intérêts pour dépossession, retenant un manquement du notaire à son obligation de conseil, et le condamnant à garantir les propriétaires des condamnations prononcées à leur encontre emporte celles des chefs du dispositif condamnant le promoteur à garantir le notaire et condamnant le notaire au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile. 24. En revanche, elle n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les propriétaires et le promoteur au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société [Localité 5] en dommages-intérêts pour dépossession, qu'il déclare partiellement fondé le recours en garantie formé par M. et Mme [E] à l'encontre de M. [X], qu'il dit que M. [X] a manqué à son devoir de conseil et que cette faute les a privés d'une chance d'éviter une action en paiement d'une indemnité d'éviction, qu'il condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à garantir M. et Mme [E] à concurrence de 70 %, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre dans le cadre de la présente instance d'appel, du montant de la condamnation provisionnelle et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il condamne la société Lama à garantir M. [X] à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre, et condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à payer à M. et Mme [E] la somme de 6 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. et Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL COMMERCIAL - Renouvellement - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 - Application dans le temps - Portée
LOIS ET REGLEMENTS - Application immédiate - Application aux contrats en cours - Cas - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 - Portée BAIL COMMERCIAL - Renouvellement - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Action en justice - Prescription - Prescription biennale - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Portée
La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription. Dès lors, l'action tendant à voir réputée non écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, introduite après l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 et relative à un bail en cours à cette date, est recevable quand bien même la prescription de l'action en nullité de cette même clause aurait été acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle
JURITEXT000048465524
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.833, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300624
Cassation partielle
21-25833
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-09-09
Cour d'appel de Montpellier
Mme Champalaune
SCP Capron, Me Bardoul
ECLI:FR:CCASS:2023:C100624
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 624 F-B Pourvoi n° P 21-25.833 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 Mme [G] [Z], épouse [V], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° P 21-25.833 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 5], 2°/ à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 3], 3°/ à Mme [H] [Z], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], 4°/ à Mme [B] [Z], épouse [P], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. MM. [Y] et [F] [Z], Mmes [H] et [B] [Z] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [V], de Me Bardoul, avocat de MM. [Y] et [F] [Z] et de Mmes [H] et [B] [Z], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 septembre 2021), [S] [M], veuve [Z], est décédée le 25 février 2012, en laissant pour lui succéder ses cinq enfants, [Y], [F], [H], [B] et [G] (Mme [V]). 2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. MM. [Y] et [F] [Z] et Mmes [H] et [B] [Z] font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à la désignation d'un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations de partage de la succession de [S] [M], de la communauté ayant existé entre elle et son époux [W] [Z] prédécédé et de la succession de celui-ci et faire rapport au tribunal en cas de difficultés, alors « que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations ; qu'il s'en suit que lorsqu'une juridiction commet un notaire pour procéder aux opérations de partage, la juridiction est tenue de désigner également un juge pour surveiller ces opérations ; qu'en disant n'y avoir lieu à désigner un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations et faire rapport au tribunal en cas de difficultés quand la juridiction commettait un notaire pour procéder à des opérations de partage et dresser au besoin un procès-verbal de difficultés ce qui impliquait la décision d'un juge commis pour surveiller les opérations, la cour d'appel a violé l'article 1364 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1364, alinéa 1, du code de procédure civile : 5. Aux termes de ce texte, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. 6. Pour rejeter la demande de commission d'un juge aux fins de surveiller les opérations de partage de la succession de [S] [M], de la communauté ayant existé entre elle et son époux [W] [Z] prédécédé et de la succession de celui-ci, l'arrêt, après avoir constaté que le jugement déféré avait, par des dispositions non critiquées, ordonné l'ouverture de ces opérations, désigné un notaire pour y procéder et dresser au besoin un procès-verbal de difficultés, et renvoyé les parties pour qu'il soit procédé aux comptes définitifs et au partage, retient que la commission d'un juge n'est pas nécessaire en l'absence d'opérations complexes de liquidation au sens de l'article 1364 du code de procédure civile. 7. En statuant ainsi, alors que la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de partage prévues aux articles 1364 à 1376 du code de procédure civile imposait la commission d'un juge pour les surveiller, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. La cassation du chef de dispositif disant n'y avoir lieu à la désignation d'un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations et faire rapport au tribunal en cas de difficultés n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [V] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à la commission d'un juge pour surveiller le déroulement des opérations de partage et faire rapport au tribunal en cas de difficultés, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée. Condamne Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PARTAGE - Partage judiciaire - Complexité des opérations - Désignation d'un notaire - Commission d'un juge - Nécessité
Il résulte de l'article 1364, alinéa 1, du code de procédure civile que lorsque la complexité des opérations justifie la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de partage prévues aux articles 1364 à 1376 de ce code, le tribunal doit également commettre un juge pour surveiller ces opérations
JURITEXT000048465581
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-22.913, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301174
Cassation
21-22913
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-07-22
Cour d'appel de Metz
Mme Martinel
SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy
ECLI:FR:CCASS:2023:C201174
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1174 F-B Pourvoi n° Q 21-22.913 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 M. [C] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-22.913 contre l'arrêt rendu le 22 juillet 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale - section 1), dans le litige l'opposant à la société Total Energies Petrochemicals France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Total Energies Petrochemicals France, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Vendryes, conseiller faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 22 juillet 2021), M. [O], représenté par un défenseur syndical, a relevé appel d'un jugement rendu, le 19 août 2019, par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Total Energies Petrochemicals France. 2. Sur conclusions d'incident de cette dernière, un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, par ordonnance du 19 janvier 2021 que l'appelant a déférée à la cour d'appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [O] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de caducité prononcée le 19 janvier 2021 par le conseiller de la mise en état, portant le n° 21/00018 et relative au dossier n° RG 19/02310, alors : « 1°/ que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans les conditions de forme prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que, pour déclarer caduque la déclaration d'appel, la cour d'appel a retenu que « M. [H] [Z], défenseur syndical, a déposé en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019 ses conclusions datées du 10 décembre 2019, ainsi que ses pièces, et ce, directement auprès de l'avocat de la SA Total Petrochemicals France » et qu'« il n'est pas davantage contesté que ces pièces et conclusions n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification à l'avocat de la SA Total Petrochemicals France, et ce avant la date du 19 décembre 2019 marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que le défenseur syndical avait remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimé dans le délai de trois mois suivant régularisation de la déclaration d'appel, la cour d'appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, sans avoir préalablement annulé cet acte de notification dans les conditions prévues à l'article 114 du code de procédure civile sur démonstration par l'intimée du grief que lui aurait causé l'irrégularité de forme affectant cette notification, la cour d'appel a violé les articles 114 et 930-3 du code de procédure civile ; 2°/ subsidiairement, que la caducité de la déclaration d'appel prononcée à raison de la notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans des conditions de forme autres que celles prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile a pour effet de priver le justiciable de son droit à ce que ses prétentions soient tranchées sur le fond et constitue une restriction injustifiée au droit d'accès au juge ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations de fait que le défenseur syndical avait bien remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimée dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel a adopté une position formaliste entravant le droit d'accès au juge du salarié, violant ainsi l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 930-3 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. La société Total Energies Petrochemicals France conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est irrecevable comme nouveau. 5. Cependant, ce moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit. 6. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 930-3, 114 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 7. Selon le premier de ces textes, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification. 8. Selon le deuxième, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. 9. Il résulte du troisième, selon la Cour européenne des droits de l'homme, que le droit d'accès aux tribunaux n'étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, laquelle peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 34, Recueil 1998). 10. Pour prononcer la caducité de l'appel, après avoir rappelé les termes des articles 908, 911, alinéa 1er et 930-3 du code de procédure civile, l'arrêt énonce que l'article 667 du même code, relatif à la notification des actes en la forme ordinaire, ne s'applique pas en l'espèce, les échanges entre un avocat et un défenseur syndical étant réglementés par l'article 930-3 précité, que le défenseur syndical a déposé, en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019, ses conclusions et ses pièces directement auprès de l'avocat de l'intimée, et que celles-ci n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification avant la date du 19 décembre 2019, marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile. 11. En statuant ainsi, alors que la remise des conclusions par l'appelant en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, constitue une irrégularité de forme qui n'est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy. Condamne société Total Energies Petrochemicals France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Total Energies Petrochemicals France et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
APPEL CIVIL - Conclusions de l'appelant
Selon l'article 930-3 du code de procédure civile, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification. L'article 114 prévoit qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public et que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Il en résulte que la remise des conclusions par l'appelant, en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue à l'article 930-3, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, ne saurait donner lieu à caducité de l'appel mais constitue une irrégularité de forme qui n' est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief
JURITEXT000048465583
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-21.872, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301180
Rejet
21-21872
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-06-24
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Martinel
SAS Buk Lament-Robillot, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix
ECLI:FR:CCASS:2023:C201180
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1180 FS-B Pourvoi n° G 21-21.872 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-21.872 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [F] [U], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à M. [Y] [D], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit logement, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [U] et M. [D], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2021) et les productions, Mme [U] et M. [D] ont, le 1er avril 2008, acquis un bien immobilier financé par un prêt contracté auprès de la Société générale (la banque) et garanti par le cautionnement de la société Crédit logement (le Crédit logement). 2. Suivant quittance subrogative du 8 octobre 2015, le Crédit logement a versé à la banque une certaine somme au titre de plusieurs échéances demeurées impayées. 3. Par acte du 21 janvier 2016, le Crédit logement a assigné Mme [U] et M. [D] en remboursement de la somme versée au prêteur en sa qualité de caution. 4. Il a relevé appel du jugement du 3 juillet 2017, qui l'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 2308 du code civil. 5. Par ordonnance du 2 juillet 2020, un conseiller de la mise en état, saisi par les intimés, a relevé que la dernière diligence accomplie était constituée par leurs conclusions du 6 décembre 2017 et a constaté la péremption de l'instance. 6. Le Crédit logement a déféré cette ordonnance à la cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le Crédit logement fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance et de constater que le jugement du 3 juillet 2017 du tribunal de grande instance de Marseille avait force de chose jugée, alors « que toute diligence réalisée par une partie manifestant sa volonté de poursuivre l'instance jusqu'à son terme interrompt le délai de la péremption ; qu'il en va ainsi du renouvellement d'une hypothèque judiciaire prise pour garantir la condamnation à intervenir dans l'instance qui encourt la péremption ; qu'en affirmant que l'hypothèque judiciaire prise par la caution solvens qui exerçait son recours contre les débiteurs principaux n'était pas de nature à interrompre l'instance, cependant qu'une telle diligence tendait à garantir la condamnation à intervenir au profit de la caution solvens et manifestait donc la volonté de celle-ci de poursuivre l'instance jusqu'à son terme, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. 9. Au sens de ce texte, la diligence interruptive s'entend de celle effectuée dans l'instance concernée par l'incident de péremption. 10. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, ayant retenu que les diligences devaient être menées dans l'instance susceptible d'être déclarée périmée, en a déduit que le renouvellement de l'hypothèque provisoire, prise par le Crédit logement, n'avait pas interrompu la péremption dans l'instance en remboursement engagée par la caution. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 12. Le Crédit logement fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; que dans l'appréciation d'un tel lien de dépendance, le juge doit prendre en considération toutes les influences et interactions mutuelles susceptibles d'exister entre les objets respectifs des deux procès en concours ; qu'il suit de là que le juge commet une erreur de droit s'il se fonde, pour apprécier le lien de dépendance, non pas sur les objets respectifs des deux procès en concours, mais sur l'issue donnée en première instance à l'un d'eux par une décision juridictionnelle non irrévocable ; qu'en se déterminant, pour exclure tout lien de dépendance entre l'instance en nullité de la vente et l'instance en recours de la caution solvens contre les débiteurs principaux, en considération, non pas de l'objet des deux procès, mais de l'issue donnée, en première instance et par une décision non irrévocable, à l'un d'eux, en l'occurrence le litige opposant la caution solvens aux débiteurs principaux, la cour d'appel, qui a statué par un motif erroné en droit, a violé l'article 386 du code de procédure civile ; 2°/ Qu'en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; qu'en l'état d'un acquéreur de bien immobilier financé par un emprunt bancaire et demandant en justice l'annulation de la vente pour dol, la nullité de la vente que peut prononcer le juge et la nullité consécutive de l'emprunt bancaire laissent subsister, à la charge de l'acquéreur emprunteur, l'obligation de restituer à la banque prêteuse les fonds prêtés ; que dans un tel contexte, lorsqu'une caution des obligations de l'emprunteur envers la banque a réglé à celle-ci le principal et les accessoires et exerce contre l'emprunteur, débiteur principal, un recours en remboursement, la caution est titulaire d'une créance de remboursement envers le débiteur principal, même si l'emprunt vient à être annulé, la créance de remboursement n'existant en ce cas qu'à concurrence de la dette de restitution des fonds prêtés ; qu'il suit de là l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire entre l'instance en annulation de la vente et de l'emprunt, introduite par l'acquéreur emprunteur, et l'instance, introduite par la caution solvens, en remboursement des sommes versées au prêteur, l'issue de l'instance en annulation déterminant le quantum de la somme incombant à l'emprunteur dans ses rapports envers la banque – principal et accessoires ou principal uniquement – et déterminant aussi, par voie de conséquence, l'étendue du recours de la caution solvens ; qu'en retenant au contraire – pour exclure l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire et, partant, refuser de constater que la péremption de l'instance en recours de la caution solvens avait été interrompue – que la première de ces actions n'était pas de nature à déterminer l'issue de la seconde, par la considération que l'existence de moyens dont auraient disposé les débiteurs principaux pour faire déclarer éteinte leur dette envers la banque prêteuse privait la caution solvens de tout droit à recours, considération inexacte en droit puisque la caution pouvait tout au plus perdre son recours à concurrence des accessoires de la dette garantie, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile, ensemble l'article 2308, alinéa 2, du code civil.» Réponse de la Cour 13. Il résulte de l'article 386 du code de procédure civile que, si, en principe, l'interruption de la péremption ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompant la péremption de l'autre instance. 14. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé, par motifs propres et adoptés, qu'il n'y avait pas de lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance tendant à la nullité de la vente par les acquéreurs et celle engagée par la caution. 15. Elle en a exactement déduit que les conclusions de Mme [U] et M. [D] des 11 mai 2018 et 27 septembre 2019 n'avaient pas eu d'effet interruptif du délai de péremption de la présente instance. 16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Crédit logement aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit logement et la condamne à payer à Mme [U] et M. [D] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption
Pour être interruptive de la péremption d'instance, une diligence doit être effectuée dans l'instance concernée par l'acte de péremption. N'est, dès lors, pas interruptive de la péremption de l'instance en remboursement, engagée par la caution, le renouvellement d'une hypothèque provisoire effectuée par cette dernière
JURITEXT000048465590
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-20.490, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300753
Rejet
22-20490
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-28
Cour d'appel de Chambéry
Mme Teiller
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C300753
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 753 FS-B Pourvoi n° B 22-20.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° B 22-20.490 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Artelia ville et transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6], 2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Artelia ville et transports et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 juin 2022), l'office public d'aménagement et de construction de la Savoie (l'OPAC) a confié à M. [P], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de travaux d'urbanisme d'une zone d'aménagement concerté à Chambéry. 2. M. [P] a sous-traité des études de voirie et réseaux divers à la société Etudes et projets, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Artelia ville et transport (la société Artelia), assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA). 3. A la suite d'affaissements de la voirie, la juridiction administrative a ordonné une expertise, rendue commune à la MAF par ordonnance du 15 avril 2005. 4. Par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC a saisi la juridiction administrative au fond pour voir notamment condamner M. [P], la MAF, la société Artelia, la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à l'indemniser de son préjudice. La société [P] architectes (la société [P]) a déclaré venir aux droits de M. [P]. La juridiction administrative a condamné la société [P], la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à payer diverses sommes à l'OPAC. L'intervention de la société AXA France IARD (la société AXA), assureur de la commune de [Localité 7], a été déclarée non admise. Les demandes de garantie formées par la société [P] contre la société Artelia et la MAF ont été rejetées comme formées devant une juridiction incompétente. 5. Par acte du 5 mars 2010, l'OPAC a assigné son assureur la société Sagena, devant un tribunal de grande instance. Par acte du 3 janvier 2011, la société Sagena a notamment appelé en intervention forcée la société [P] et son assureur la MAF. Par conclusions des 2 et 5 juillet 2012, la MAF a demandé la garantie des sociétés Artelia et MMA. 6. Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge de la mise en état a constaté le désistement de l'OPAC et l'absence d'objet des recours subséquents. 7. Par acte du 29 janvier 2019, la société AXA a notamment assigné la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P] et de la société [P], en paiement de diverses sommes. 8. Par acte du 8 février 2021, la MAF a appelé en garantie les sociétés Artelia et MMA. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. La MAF fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action qu'elle a engagée le 8 février 2021, en sa qualité d'assureur tant de M. [P] que de la société [P] contre les sociétés Artelia et MMA et de dire éteinte cette action, alors : « 1°/ que lorsque l'assureur d'un constructeur assigne l'assureur d'un autre constructeur en paiement de sommes qu'il a payées au titre de la responsabilité de son assuré, le délai de prescription du recours de l'assureur ainsi assigné contre d'autres constructeurs et/ou leurs assureurs commence à courir à compter de cette assignation ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action de la MAF qui avait sollicité, par assignation du 8 février 2021, la garantie de la société Artelia et de son assureur pour les sommes réclamées par la société AXA France IARD dans une assignation du 29 janvier 2019 au titre de ce qu'elle avait payé en qualité d'assureur de la commune de [Localité 7], la cour a retenu que le délai de prescription de cette action avait commencé à courir le 15 avril 2005, date à laquelle lui avaient été rendues communes les opérations d'expertises, et qu'il s'était achevé le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 2°/ que le délai de prescription de l'action d'un constructeur et/ou de son assureur tendant à obtenir la garantie d'un autre constructeur et/ ou de son assureur commence à courir à la date à laquelle le demandeur en garantie a fait l'objet d'une action en paiement ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que le point de départ du délai de prescription de l'action de la MAF devait être fixé à la date de l'ordonnance lui ayant rendu communes les opérations d'expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article 2224 du code civil ; 3°/ que le point de départ d'une prescription qui a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ne peut être déterminé au regard de dispositions de l'article 2224 du code civil : qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'ordonnance du 15 avril 2005 ayant étendu l'expertise à la MAF marquait la date à laquelle elle avait eu connaissance des faits permettant d'exercer son action récursoire et que la prescription était acquise le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 2224 du code civil ; 4°/ que des conclusions constituent une demande en justice qui interrompent le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, date à laquelle un nouveau délai commence à courir, l'interruption étant non avenue lorsque le demandeur se désiste de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que l'acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ayant donné lieu à l'extinction de l'instance suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 octobre 2018 emportait désistement par la MAF de son appel en garantie formé en qualité d'assureur de la société [P] Architectes, de sorte qu'était non avenu l'effet interruptif des conclusions sollicitant la garantie de la société Artelia et de son assureur prises les 2 et 5 juillet 2012, soit avant le terme du délai de prescription qu'elle a fixé au 18 juin 2013, et que l'appel en garantie exercé par la MAF le 8 février 2021 était prescrit ; que pourtant, la seule acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ne pouvait emporter désistement de l'appel en garantie formé contre la société Artelia et son assureur, d'autant qu'il résultait des conclusions par lesquelles elle avait accepté ce désistement qu'elle demandait au juge de la mise en état de dire que la procédure se poursuivrait entre elle, la société [P] Architectes, la société Artelia et son assureur, si bien qu'un nouveau délai de 5 ans pour former un recours en garantie avait commencé à courir à compter de l'ordonnance du 29 octobre 2018 et que l'action ainsi exercée le 8 février 2021 n'était pas prescrite ; qu'en déclarant néanmoins cette action prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2242 et 2243 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, Bull.). 11. La demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, Bull.). 12. Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime. 13. La cour d'appel ayant constaté, d'une part, que, par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC avait saisi le tribunal administratif pour que soit engagée la responsabilité de M. [P] et de son assureur la MAF et que celle-ci, en cette qualité, n'avait agi en garantie contre les sociétés Artelia et MMA que le 8 février 2021, dès lors que les demandes formées par conclusions des 2 et 5 juillet 2012 l'avaient été par la MAF en sa qualité d'assureur de la société [P] et non de M. [P], elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P], était prescrite. 14. Ayant constaté, d'autre part, que, par acte du 3 janvier 2011, la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], avait été assignée en garantie par la société Sagena, elle-même recherchée par l'OPAC, et ayant retenu, par une interprétation souveraine de la motivation et des dispositions ambiguës de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 novembre 2021, que la MAF s'était désistée de ses propres demandes reconventionnelles de garantie, de sorte qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption résultant des conclusions des 2 et 5 juillet 2012 était non avenue, elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], était prescrite. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer aux sociétés Artelia ville et transports, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Préjudice - Réparation - Action en garantie - Recours d'un constructeur contre un autre constructeur - Prescription - Point de départ - Détermination
Conformément à l'article 2224 du code civil, le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime
JURITEXT000048465592
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-21.463, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300754
Rejet
22-21463
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-29
Cour d'appel de Paris
Mme Teiller
SARL Delvolvé et Trichet, SCP Spinosi
ECLI:FR:CCASS:2023:C300754
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 754 FS-B Pourvoi n° J 22-21.463 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Uni-Marbres, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-21.463 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Boistech, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Uni-Marbres, de la SCP Spinosi, avocat de la société Boistech, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022) et les productions, le 27 mars 2017, la société Boistech, qui avait été chargée de travaux de construction, a sous-traité à la société Uni-Marbres des travaux de fourniture et pose de marbre. 2. La société Boistech n'a pas fourni de caution à la société Uni-Marbres lors de la conclusion du contrat de sous-traitance. 3. Se plaignant du non-paiement de surcoûts et travaux supplémentaires, la société Uni-Marbres a assigné la société Boistech en nullité du contrat de sous-traitance et indemnisation. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Uni-Marbres fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de sous-traitance est valide et de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que le sous-traité est nul dès l'origine du fait de l'absence de fourniture d'une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur auprès d'un établissement agréé, sauf délégation du maître de l'ouvrage, lors de sa conclusion, sans qu'il importe que le sous-traitant ait rempli sa mission avant de contester la validité du sous-traité ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui a expressément constaté qu'aucune garantie de paiement des sommes dues à la société Uni-Marbres, sous-traitant, n'avait été donnée par caution, délégation de paiement ou tout autre moyen par la société Boistech, aurait dû en déduire qu'il y avait lieu de déclarer nul le contrat de sous-traitance ; qu'en le déclarant néanmoins valide, elle n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 5. La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil. 6. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant. 7. Ayant retenu que la société Uni-Marbres avait exécuté volontairement le contrat de sous-traitance en connaissance de la cause de nullité du contrat tenant à l'absence de délivrance de la caution, elle en a exactement déduit que le sous-traitant avait confirmé le contrat et ne pouvait dès lors plus se prévaloir de sa nullité. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Uni-Marbres aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Uni-Marbres et la condamne à payer à la société Boistech la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre
CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Rapports avec l'entrepreneur principal - Paiement - Garanties obligatoires - Fourniture de caution ou délégation de paiement - Défaut - Sanction - Nullité relative du contrat de sous-traitance - Confirmation - Caractérisation
La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant
JURITEXT000048465595
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-20.866, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300757
Rejet
22-20866
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-30
Cour d'appel de Paris
Mme Teiller
SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C300757
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 757 FS-B Pourvoi n° K 22-20.866 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La Ville de [Localité 7], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 6], a formé le pourvoi n° K 22-20.866 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [P], épouse [M], 2°/ à M. [N] [M], tous deux domiciliés [Adresse 2], 3°/ à Mme [S] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 5], 4°/ à M. [Y] [M], domicilié [Adresse 3], tous quatre pris en leur qualité d'héritiers d'[Z] [M], 5°/ à Mme [X] [B], domiciliée [Adresse 3], 6°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 1], 7°/ à M. [I] [R], domicilié [Adresse 4], 8°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 3], 9°/ au commissaire du gouvernement, représenté par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 8], défendeurs à la cassation. Mmes [U] et [S] [M] et MM. [N] et [Y] [M] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 7], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mmes [U] et [S] [M] et MM. [N] et [Y] [M], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen et Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-24.099), le 12 septembre 1990, la Ville de [Localité 7] a acquis, par voie de préemption, deux terrains sur lesquels [Z] [M] et Mme [U] [M] étaient titulaires du droit au bail et sur lesquels avaient été édifiés des bâtiments. 2. Désirant réaliser une opération d'aménagement nécessitant l'évacuation définitive des locaux, la Ville de [Localité 7] a, faute d'accord avec [Z] [M] et Mme [U] [M], demandé au juge de l'expropriation de fixer l'indemnité d'éviction leur revenant. 3. [Z] [M] et Mme [U] [M] ont interjeté appel de la décision du juge de l'expropriation et, après le décès d'[Z] [M], ses ayants cause (les consorts [M]) sont intervenus volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La Ville de [Localité 7] fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité d'éviction due aux consorts [M] à une certaine somme, alors : « 1°/ que, premièrement, la préemption ne portant pas atteinte aux droits réels et personnels grevant le bien, lorsque le bailleur ayant acquis un terrain loué par préemption met fin au bail, à l'effet de réaliser des aménagements sur le terrain, la clause de nivellement prévoyant que les constructions édifiées par le preneur vont être détruites ou reviennent au bailleur en fin de bail trouve à s'appliquer ; que dès lors, l'indemnité d'éviction ne peut couvrir le préjudice résultant de la perte de la propriété de l'immeuble ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 1103 du code civil ; 2°/ que, deuxièmement, les preneurs évincés à la suite d'une préemption bénéficient d'une indemnité réparant l'intégralité de leur préjudice direct, matériel et certain ; qu'au cas d'espèce, les premiers juges ont alloué aux consorts [M] une somme de 606 105 euros au titre de l'indemnité principale, en prenant en compte la perte d'un droit temporaire de propriété sur l'immeuble, à l'exclusion du terrain ; que les juges d'appel ne pouvaient allouer aux consorts [M], en sus de la somme de 606 105 euros retenue par les premiers juges, une indemnité d'un montant de 435 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble, minorée de la valeur du terrain, sans procéder à une double indemnisation ; que dès lors, l'arrêt doit être censuré pour violation des articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 3°/ que, troisièmement, et en tout cas, en allouant aux consorts [M], en sus de la somme de 606 105 euros, une indemnité d'un montant de 435 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble, minorée de la valeur du terrain, réparant dès lors le préjudice né de la perte d'une propriété définitive, quand il résultait de leurs constatations que le droit des consorts [M] sur l'immeuble était temporaire, eu égard à la clause de nivellement, les juges du fond ont violé les articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 213-10, alinéas 1 et 2, du code de l'urbanisme, nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, les preneurs de biens ruraux, les locataires ou occupants de bonne foi de locaux à usage d'habitation ainsi que les locataires de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal situés dans un bien acquis par la voie de la préemption ou en application des articles L. 211-5 ou L. 212-3 ne peuvent s'opposer à l'exécution des travaux de restauration ou de transformation intérieure ni à la démolition de ces locaux. Si l'exécution des travaux l'exige, ils sont tenus d'évacuer tout ou partie de ces locaux ; le nouveau propriétaire du bien est alors tenu aux obligations prévues aux articles L. 314-1 et suivants. 6. L'article L. 314-1 du même code dispose que la personne publique qui a pris l'initiative de la réalisation de l'une des opérations d'aménagement définies dans le premier livre de ce code ou qui bénéficie d'une expropriation est tenue, envers les occupants des immeubles intéressés, aux obligations prévues ci-après. Les occupants, au sens du présent chapitre, comprennent les occupants au sens de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux. 7. Selon l'article L. 314-2 du même code, si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. 8. L'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique énonce que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. 9. Le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu'il a régulièrement édifiées sur le terrain loué ; dès lors, la résiliation anticipée du bail du fait de l'expropriation ne le prive pas de son droit à indemnité pour ces constructions (3e Civ., 5 janvier 2012, n° 10-26.965, Bull. 2012, III, n° 3). 10. Il en résulte que le preneur, qui bénéficie des règles applicables en matière d'expropriation, a droit à l'indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d'une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu'à la date de l'éviction anticipée définitive du preneur en raison de travaux d'aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, celui-ci était propriétaire de ces constructions. 11. La cour d'appel a relevé que les clauses des contrats de location consentis à [Z] [M] et Mme [U] [M], applicables à la fin du bail, n'avaient pas vocation à recevoir application, puisque l'éviction anticipée du locataire avait pour cause la démolition des constructions après une décision de préemption à une date à laquelle les locataires étaient propriétaires de ces constructions. 12. Elle en a exactement déduit que les consorts [M] étaient fondés à solliciter une indemnisation comprenant, outre la valeur du droit au bail, celle des constructions édifiées sur le bien préempté. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 14. Les consorts [M] font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction leur revenant, alors « que dans leurs conclusions d'appel, les consorts [M] avaient soutenu qu'en application de l'article 555 du code civil, fixant l'indemnisation de l'auteur de constructions érigées sur le terrain d'autrui, la Ville de [Localité 7] disposait d'une option consistant à leur verser, pour la perte des constructions, soit une indemnité équivalente à la plus-value apportée par les constructions, représentant, selon le rapport d'expertise amiable de M. [J] qu'ils avaient produit, une somme de 800 000 euros à la date du 22 septembre 2016, soit une indemnité sur la base du coût en matériaux et main d'oeuvre des constructions, représentant, selon le même rapport d'expertise amiable, la somme de 980 640 euros, et que faute d'avoir procédé au choix qui s'offrait à elle légalement, la Ville de [Localité 7] devait être condamnée à payer aux consorts [M] ladite somme de 980 640 euros au titre de l'indemnisation des constructions leur appartenant ; qu'en omettant de répondre à ce moyen des exposants pris de l'application des dispositions de l'article 555 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 15. Selon l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme, si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. 16. En application de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge de l'expropriation choisit souverainement la méthode d'évaluation de l'indemnité de dépossession de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 555 du code civil pour fixer le montant de l'indemnité due au preneur évincé au titre de la perte des constructions. 17. Dès lors, la cour d'appel n'avait pas à répondre au moyen inopérant des consorts [M] invoquant l'application de l'article 555 du code civil, pour la prise en compte, dans l'indemnité leur étant due au titre de la perte des constructions par eux édifiées, du coût des matériaux et de la main d'oeuvre, à défaut d'option par la Ville de [Localité 7] entre les méthodes d'évaluation définies par ce texte. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Ville de [Localité 7] et la condamne à payer à MM. [N] et [Y] [M] et Mmes [U] et [S] [M] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Bénéficiaires - Preneur - Constructions faites par le preneur sur le terrain donné à bail - Accession en fin de bail - Clause de nivellement - Absence d'influence
BAIL (règles générales) - Preneur - Travaux, modifications ou transformations - Accession en fin de bail - Expropriation en cours de bail - Indemnité due au preneur - Clause de nivellement - Absence d'influence PROPRIETE - Accession - Effets - Expropriation en cours de bail - Indemnité due au preneur - Clause de nivellement applicable en fin de bail - Absence d'influence
Le preneur, qui bénéficie des règles applicables en matière d'expropriation, a droit à l'indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d'une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu'à la date de l'éviction anticipée définitive du preneur en raison de travaux d'aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, celui-ci était propriétaire de ces constructions
JURITEXT000048465599
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-17.027, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300758
Rejet
22-17027
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-03-08
Cour d'appel de Rennes
Mme Teiller
SARL Corlay
ECLI:FR:CCASS:2023:C300758
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 758 FS-B Pourvoi n° N 22-17.027 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Alf productions, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-17.027 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Spie Batignolles Grand-Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Alf productions, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 mars 2022), la société Chartres développements immobiliers, agissant comme maître de l'ouvrage, a confié à la société Spie Batignolles Grand-Ouest (la société Spie Batignolles) des travaux de construction. 2. La société Spie Batignolles a sous-traité une partie de son marché à la société Atelier métallerie du golfe (la société AMG), qui a elle-même sous-traité la fourniture de menuiseries à la société Alf productions (la société Alf). 3. La société AMG, sous-traitante de premier rang, a délégué la société Spie Batignolles, entreprise principale, dans le paiement de la société Alf, sous-traitante de second rang. 4. Après la mise en liquidation judiciaire de la société AMG, la société Alf a mis en demeure la société Spie Batignolles de lui payer le solde de sa créance puis l'a assignée en paiement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 6. La société Alf fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société Spie Batignolles et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors : « 2°/ que le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire ; qu'en l'espèce dès lors que l'acte de délégation de paiement pour la commande n° 0116 03320 stipulant un ordre irrévocable donné par la société AMG (entrepreneur délégant) à la société Spie Batignolles Grand-Ouest (maître d'ouvrage, débiteur délégué) de payer la société Alf productions (fournisseur sous-traitant, délégataire), la société Spie Batignolles Grand-Ouest (délégué) ne pouvait opposer à la société Alf productions (délégataire), aucune exception tirée de ses rapports avec la société AMG (entrepreneur délégant) ; qu'elle ne pouvait donc faire valoir que son obligation ne naissait qu'après acceptation de la facture par AMG ; qu'en statuant en sens contraire au motif que "Les factures dont le paiement est demandé par la société Alf n'ont pas (été) acceptées par la société AMG, en contradiction avec les dispositions de l'article 5 (sic en réalité article 4) de la délégation de paiement, qui prévoyait que le "maître de l'ouvrage" s'engageait à payer le fournisseur suivant "factures acceptées par l'entrepreneur". Le paiement en a été demandé directement par la société Alf à la société Spie Batignolles après le placement en liquidation judiciaire de la société AMG (...) Elle (la délégation de créances) ne peut dès lors être considérée comme une preuve de l'engagement de la société Spie Batignolles Grand-Ouest de payer à la société Alf des factures de menuiseries lui ayant été adressées directement par cette dernière. ", la cour d'appel a violé ensemble les articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, 1134 et 1275 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, désormais respectivement articles 1103 et 1336, du code civil ; 3°/ que le maître d'ouvrage est celui envers lequel l'entrepreneur s'engage à fournir un ouvrage dans le cadre d'un contrat d'entreprise ; que la société Spie Batignolles Grand-Ouest qui avait entendu, par un courrier du 10 janvier 2017, formuler des réserves sur les menuiseries livrées par la société Alf productions, conformément à la commande n° 0116 02320, visée à la délégation de paiement, et pour laquelle la société Spie Batignolles Grand-Ouest s'était engagée irrévocablement en qualité de maître d'ouvrage à payer directement le fournisseur, avait la qualité de maître d'ouvrage à l'opération de construction exécutée à son profit ; qu'en statuant en sens contraire en disant que la délégation de créances "vise l'article 14 de la loi de 1975, alors que la société Spie Batignolles n'est pas maître de l'ouvrage, - elle présente la société Spie Batignolles comme maître de l'ouvrage, ce qu'elle n'est pas (...)", la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, désormais article 1103 du code civil, ensemble l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. » Réponse de la Cour 7. Pour l'application des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage est celui qui conclut le contrat d'entreprise ou le marché public avec l'entrepreneur principal, y compris à l'égard des sous-traitants de cet entrepreneur, quel que soit leur rang. 8. Dès lors, la convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi précitée, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. 9. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est en conséquence soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire. 10. La cour d'appel ayant relevé que le maître de l'ouvrage de l'opération de construction était la société Chartres développements immobiliers, qui avait confié l'exécution des travaux à la société Spie Batignolles, elle en a exactement déduit que celle-ci n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage, peu important la dénomination retenue dans l'acte de délégation. 11. Les dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 n'étant pas applicables à la délégation litigieuse, elle a recherché si les conditions prévues par cette convention pour le paiement du délégataire étaient réunies et c'est par une interprétation souveraine de ses stipulations ambiguës que la cour d'appel a retenu que le délégué ne s'était pas engagé à payer les factures qui lui seraient adressées directement par le délégataire. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Alf productions aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Alf productions ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Sous-traitant du sous-traitant - Rapports avec l'entrepreneur principal - Paiement - Garanties obligatoires - Fourniture de caution ou délégation de paiement - Délégation de paiement - Caractérisation - Détermination - Portée
DELEGATION DE CREANCE - Délégué - Exceptions nées des rapports entre le délégant et le délégataire - Opposabilité - Interdiction - Dérogation - Possibilité
La convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire
JURITEXT000048508147
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.251, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300621
Cassation partielle sans renvoi
21-25251
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-12-02
Cour d'appel de Douai
Mme Champalaune
SCP Delamarre et Jehannin, SCP Gury et Maitre
ECLI:FR:CCASS:2023:C100621
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 621 F-B Pourvoi n° F 21-25.251 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 Mme [L] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-25.251 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1 - section 1), dans le litige l'opposant à M. [W] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [E], de la SCP Gury et Maitre, avocat de M. [B], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 décembre 2021), un jugement du 16 décembre 2003 a prononcé le divorce de Mme [E] et de M. [B], mariés sous le régime de la séparation de biens, et a attribué préférentiellement à Mme [E] l'immeuble indivis qui constituait le logement familial. 2. Des difficultés sont nées lors de la liquidation et du partage de leurs intérêts patrimoniaux. Sur le second moyen du pourvoi principal et les deux moyens du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. Mme [E] fait grief à l'arrêt de dire que les droits des parties dans l'actif indivis s'élèvent, pour chacun d'eux, à la somme de 348 774,38 euros et, qu'après imputation du passif indivis, leurs droits dans l'indivision s'élèvent, pour Mme [E], à la somme de 248 615,35 euros et pour M. [B], à celle de 406 653,20 euros, alors « que les créances de chaque indivisaire sur l'indivision doivent être déduites de l'actif net à partager ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés a retenu que le montant total de l'actif brut de l'indivision était de 697 548,77 euros (correspondant à la valeur vénale de l'immeuble indivis et à l'indemnité d'occupation) ; qu'elle a encore considéré que le passif de l'indivision s'élevait à une somme totale de 165 268,56 euros, correspondant à une créance de M. [B] sur l'indivision d'un montant de 57 878,82 euros (soit 51 551,78 euros au titre du remboursement du prêt immobilier permettant l'acquisition de l'immeuble indivis, et 6 327,04 euros au titre des frais d'acquisition et de taxes foncières), et à une créance de Mme [E] sur l'indivision de 107 389,74 euros (soit 91 264,58 euros au titre du remboursement du prêt immobilier permettant l'acquisition de l'immeuble indivis, et 16 125,16 euros au titre des frais d'acquisition, des primes d'assurance et redevance d'assainissement) ; que ces créances sur l'indivision devaient être déduites de l'actif brut pour déterminer l'actif net à partager, lequel s'élevait à une somme de 532 280,21 euros (697 548,77 - 165 268,56), les droits de chacun des indivisaires étant donc de 266 140,10 euros (532 280,21 / 2) ; que la cour d'appel a pourtant retenu, par motifs adoptés, que les droits des parties dans l'indivision étaient de 348 774,38 euros ; qu'elle a ainsi fixé les droits des parties dans l'indivision en tenant compte de l'actif indivis brut (697 548,77/ 2 = 348 774,38 euros), quand il lui appartenait de retrancher à l'actif brut les créances sur l'indivision pour déterminer le montant de l'actif indivis net à partager ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 815-13 et 815-17, alinéa 1, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 815-13, alinéa 1, 815-17, alinéa 1, 825, 870 et 1542 du code civil : 5. Il résulte des quatre derniers de ces textes qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager, lesquels intègrent, respectivement, les dettes des copartageants envers l'indivision et les créances qu'ils détiennent sur celle-ci, d'en déduire un actif net, puis de déterminer les droits de chaque copartageant dans la masse à partager en appliquant sa quote-part indivise à cet actif net, puis en majorant la somme en résultant des créances qu'il détient sur l'indivision et en la minorant des sommes dont il est débiteur envers elle. 6. Pour dire que les droits des parties dans l'actif indivis s'élèvent, pour chacun d'eux, à la somme de 348 774,38 euros et qu'après imputation du passif indivis, leurs droits dans l'indivision s'élèvent, pour Mme [E], à la somme de 248 615,35 euros et pour M. [B], à celle de 406 653,20 euros, l'arrêt retient que l'actif à partager par moitié entre les parties est constitué du bien indivis, d'une valeur de 490 000 euros, et de l'indemnité d'occupation due par Mme [E], d'un montant de 207 548,77 euros au 18 octobre 2019, ce qui représente un montant total de 697 548,77 euros, que Mme [E] et M. [B] sont chacun titulaire d'une créance envers l'indivision au titre des dépenses de conservation, la première pour une somme de 107 389,74 euros et le second pour une somme de 57 878,82 euros, et que les droits qui résultent de ce partage, d'un montant de 348 774,38 euros chacun doivent être, pour Mme [B], minorés du solde négatif de son compte d'indivision et pour M. [B], majorés du solde du sien. 7. En statuant ainsi, alors que, pour déterminer l'actif net de la masse à partager, les dépenses dont il était tenu compte aux indivisaires en application de l'article 815-13 du code civil, qui constituaient des créances sur l'indivision, devaient être inscrites pour leur totalité au passif de celle-ci et venir en déduction de son actif brut, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 10. Après déduction de la totalité des créances respectives de Mme [E] et de M. [B] sur l'indivision, d'un montant total de 165 268,56 euros, de l'actif brut de celle-ci, d'un montant de 697 548,77 euros, dont il se déduit un actif net de 532 280,21 euros, les droits de Mme [E] dans la masse à partager représentent la moitié de cet actif net indivis, soit la somme de 266 140,10 euros, majorée de la créance de 107 389,74 euros qu'elle détient sur l'indivision et minorée de la somme de 207 548,77 euros dont elle est débitrice envers celle-ci, soit des droits d'un montant de 165 981,07 euros, et ceux de M. [B] représentent la moitié de l'actif net indivis majorée de la créance de 57 878,82 euros qu'il détient sur l'indivision, soit des droits d'un montant de 324 018,92 euros. 11. La cassation des chefs de dispositif fixant les droits des parties dans l'indivision n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [E] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les droits des parties dans l'actif indivis s'élèvent, pour chacun d'eux, à la somme de 348 774,38 euros et dit qu'après imputation du passif indivis, les droits des parties dans l'indivision s'élèvent, pour Mme [E], à la somme de 248 615,35 euros, et pour M. [B], à celle de 406 653,20 euros, l'arrêt rendu le 2 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que, majorés de la somme dont elle est créancière de l'indivision et minorée de celle dont elle est débitrice envers celle-ci, les droits de Mme [E] dans la masse à partager sont de 165 981,07 euros ; DIT que, majorés de la somme dont il est créancier de l'indivision, les droits de M. [B] dans la masse à partager sont de 324 018,92 euros ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
REGIMES MATRIMONIAUX - Régimes conventionnels - Séparation de biens - Liquidation - Masse à partager - Calcul - Détermination - Portée
REGIMES MATRIMONIAUX - Régimes conventionnels - Séparation de biens - Liquidation - Masse à partager - Actif net - Créance sur l'indivision - Effets - Déduction de l'actif brut
Il résulte des articles 815-17, alinéa 1, 825, 870 et 1542 du code civil qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager, lesquels intègrent, respectivement, les dettes des copartageants envers l'indivision et les créances qu'ils détiennent sur celle-ci, d'en déduire un actif net, puis de déterminer les droits de chaque copartageant dans la masse à partager en appliquant sa quote-part indivise à cet actif net, puis en majorant la somme en résultant des créances qu'il détient sur l'indivision et en la minorant des sommes dont il est débiteur envers elle. Pour déterminer l'actif net de la masse à partager, les dépenses dont il est tenu compte aux indivisaires en application de l'article 815-13 du code civil, qui constituent des créances sur l'indivision, doivent être inscrites, pour leur totalité, au passif de celle-ci et venir en déduction de son actif brut
JURITEXT000048550306
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 novembre 2023, 22-18.630, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
12300631
Cassation
22-18630
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-04-06
Cour d'appel de Saint Denis de la Réunion
Mme Champalaune
SAS Buk Lament-Robillot, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:C100631
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 SA9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 631 FS-B Pourvoi n° E 22-18.630 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Médiafi, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-18.630 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Société de diffusion et conditionnement (SODICO), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Médiafi, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la Société de diffusion et conditionnement, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 6 avril 2022), par acte sous seing privé du 16 décembre 2010, la société SODICO s'est portée acquéreur des parts sociales appartenant à la société Médiafi, composant le capital social de la société JIPE Réunion. Une convention de garantie d'actif et de passif, comportant une clause compromissoire, a été consentie le même jour par la société Médiafi au profit de la société SODICO. 2. Saisi à cette fin par la société SODICO, le tribunal mixte de commerce a désigné le 3 février 2021 le [3] ([3]) en qualité d'arbitre. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Médiafi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel contre le jugement du 3 février 2021, alors « qu'en application de l'article 1455 du code de procédure civile, dans sa rédaction entrée en vigueur le 1er mai 2011, applicable sans distinction selon la date de conclusion de la convention d'arbitrage, la compétence du juge d'appui en cas de difficultés dans la désignation du tribunal arbitral est éteinte s'il constate que la clause compromissoire est manifestement inapplicable, de sorte qu'excède ses pouvoirs le juge qui, pour désigner un arbitre, refuse de vérifier si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable ; qu'en retenant, pour considérer que le premier juge, qui avait refusé de se prononcer sur l'applicabilité manifeste de la clause compromissoire en application de l'article 1455 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 13 janvier 2011, n'avait pas commis d'excès de pouvoir, que le litige devait être tranché au regard des seules dispositions de l'article 1444 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret du 13 janvier 2011 dans la mesure où la convention avait été conclue avant son entrée en vigueur et que ce texte ne permettait d'écarter la clause compromissoire qu'en cas de nullité manifeste, circonstance qui n'était pas ici caractérisée, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 3 du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 et 1455 du code de procédure civile et a ainsi consacré l'excès de pouvoir commis par le juge d'appui. » Réponse de la Cour 4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 1er, du même code. 5. Il résulte des articles 1455 et 1460 du code de procédure civile que le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours, sauf lorsqu'il déclare n'y avoir lieu à désignation la convention d'arbitrage étant manifestement nulle ou manifestement inapplicable et que la cour d'appel, saisie d'un appel en application de l'article 1460 du code de procédure civile, statue dans la limite des pouvoirs dont le juge d'appui est investi, sa décision n'étant susceptible de recours en cassation, sauf excès de pouvoir, que lorsqu'elle déclare n'y avoir lieu à désignation d'arbitre pour une des causes prévues à l'article 1455. 6. Le moyen de cassation qui reproche à la cour d'appel de n'avoir pas vérifié si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable n'est pas de nature à caractériser un excès de pouvoir et n'est donc pas recevable. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 7. La société Médiafi fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'excède ses pouvoirs le juge d'appui saisi d'une demande de désignation d'un arbitre qui désigne une personne morale, laquelle ne peut exercer les fonctions d'arbitre, réservées aux seules personnes physiques ; que dès lors en considérant qu'en désignant le [3] en qualité d'arbitre, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, qui n'avait pas empiété sur les pouvoirs d'une autre juridiction, n'avait pas commis d'excès de pouvoirs, la cour d'appel, qui a consacré l'excès de pouvoir résultant de la désignation d'une personne morale ne pouvant avoir la qualité d'arbitre, a violé l'article 1450 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011. » Réponse de la Cour Vu les articles 1450, 1452 et 1460, alinéa 3, du code de procédure civile : 8. Aux termes du premier texte, la mission d'arbitre ne peut être exercée que par une personne physique jouissant du plein exercice de ses droits. Si la convention d'arbitrage désigne une personne morale, celle-ci ne dispose que du pouvoir d'organiser l'arbitrage. 9. Le deuxième dispose : « En l'absence d'accord des parties sur les modalités de désignation du ou des arbitres : 1° En cas d'arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne s'accordent pas sur le choix de l'arbitre, celui-ci est désigné par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, par le juge d'appui ; 2° En cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie en choisit un et les deux arbitres ainsi choisis désignent le troisième ; si une partie ne choisit pas d'arbitre dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande qui lui en est faite par l'autre partie ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième dans un délai d'un mois à compter de l'acceptation de leur désignation, la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui procède à cette désignation. » 10. Aux termes du troisième, le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours. Toutefois, ce jugement peut être frappé d'appel lorsque le juge déclare n'y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l'article 1455. 11. En arbitrage interne, il résulte de ces textes qu'il appartient au juge d'appui saisi de difficultés de constitution du tribunal arbitral, de désigner une personne physique en qualité d'arbitre sans qu'il lui soit permis de déléguer ce pouvoir à une personne morale. 12. Pour déclarer irrecevable l'appel de la société Médiafi contre le jugement du 3 février 2021, l'arrêt retient que le juge d'appui qui s'est borné à désigner un centre d'arbitrage sans juger le fond du litige n'a commis aucun excès de pouvoir faute d'avoir empiété sur ceux d'une autre juridiction ou d'une autre personne. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ; Condamne la société SODICO aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois
ARBITRAGE
Il résulte des articles 1455 et 1460 du code de procédure civile que le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours, sauf lorsqu'il déclare n'y avoir lieu à désignation, la convention d'arbitrage étant manifestement nulle ou manifestement inapplicable et que la cour d'appel, saisie d'un appel en application de l'article 1460 du code de procédure civile, statue dans la limite des pouvoirs dont le juge d'appui est investi, sa décision n'étant susceptible de recours en cassation, sauf excès de pouvoir, que lorsqu'elle déclare n'y avoir lieu à désignation d'arbitre pour une des causes prévues à l'article 1455
JURITEXT000048550368
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-23.036, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301213
Cassation partielle
21-23036
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-06-21
Cour d'appel de Saint Denis de la Réunion
Mme Martinel
SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:C201213
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1213 F-B Pourvoi n° Y 21-23.036 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-23.036 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société de [4] [5], à l'enseigne Clinique [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 21 juin 2021), la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (la caisse) a notifié à la Clinique [5] (la clinique), à la suite d'un contrôle de tarification, un indu portant notamment sur des forfaits GHS pour des hospitalisations de jour réalisées en 2014 et facturées pour l'administration de kétamine en dehors des indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché. 2. La clinique a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire partiellement droit au recours de la clinique, alors : « 1°/ que ne peut être facturé à l'assurance maladie un forfait GHS lorsque le séjour en hospitalisation de jour est motivé par la seule administration d'un médicament qui, pour être non conforme aux indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché (AMM), ne peut donner lieu à prise en charge par l'assurance maladie ; qu'en retenant que, pour certains séjours, les conditions de prise en charge du forfait GHS pour une hospitalisation de jour étaient réunies, quand ils constataient pourtant que ces séjours étaient motivés par l'administration « hors AMM » de kétamine, les juges du fond ont violé les articles 7, I, 9° de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale ; 2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif inopérant que, sous certaines conditions, l'administration de kétamine « hors AMM » est autorisée par le code de la santé publique, les juges du fond ont encore violé les articles 7, I, 9° de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale : 4. Selon le premier de ces textes, hormis le cas des médicaments faisant l'objet des autorisations mentionnées à l'article L. 5121-12, l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation par les collectivités publiques des médicaments définis aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1, L. 5121-13 et L. 5121-14-1 ou bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle en application de l'article L. 5124-13 sont limités, dans les conditions propres à ces médicaments fixées par le décret mentionné à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, aux produits agréés dont la liste est établie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Cette liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge des médicaments. 5. Selon le deuxième, une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, sous réserve que l'indication ou les conditions d'utilisation considérées aient fait l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'[3], cette recommandation ne pouvant excéder trois ans, ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique du patient. 6. Il résulte du dernier qu'un GHS ne peut être facturé lorsque le patient est pris en charge moins d'une journée, à l'exception des cas où il est pris en charge dans un service d'urgence, que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent une admission dans une structure d'hospitalisation individualisée disposant de moyens adaptés, un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin, et l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifiée par l'état de santé du patient. 7. Pour dire que certains séjours remplissent les conditions de prise en charge du forfait GHS pour des hospitalisations de jour avec administration « hors AMM » de kétamine, la cour d'appel relève que les actes réalisés nécessitaient l'admission dans une structure hospitalière, la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale sous la coordination d'un médecin et l'utilisation d'une place pour la durée nécessaire du traitement. Elle ajoute que, s'agissant des patients ayant bénéficié préalablement d'antalgiques palier 3, une prescription de kétamine « hors AMM » était autorisée, faute d'alternative médicamenteuse appropriée. 8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'[3], la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la Clinique [5] de l'intégralité de ses moyens de nullité, l'arrêt rendu le 21 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée. Condamne la société de [4] [5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société de [4] [5] à payer à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE - Prestations
Viole les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel qui décide que remplissent les conditions de prise en charge du forfait Groupe homogène de séjour (GHS) les hospitalisations de jour pour des administrations de kétamine, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique, hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
JURITEXT000048550370
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550370.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-25.655, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301214
Cassation partielle sans renvoi
21-25655
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-10-22
Tribunal judiciaire de Bayonne
Mme Martinel
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C201214
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1214 F-B Pourvoi n° V 21-25.655 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-25.655 contre le jugement rendu le 22 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Bayonne (contentieux protection sociale - contentieux général sécurité sociale), dans le litige l'opposant à Mme [B] [R], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bayonne, 22 octobre 2021), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (la caisse) ayant refusé, par décision du 3 août 2018, la prise en charge des frais de transport exposés par Mme [R] (l'assurée) entre son domicile, situé à [Localité 3], et la région parisienne, à l'occasion d'une intervention chirurgicale le 18 mai 2018 et d'un rendez-vous médical le 5 juin 2018, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 2. La caisse fait grief au jugement d'accueillir le recours de l'assurée, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles R. 322-10-1° et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale que, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, la prise en charge des frais de transport sur une distance de plus de 150 kilomètres est subordonnée à l'accord préalable de la caisse ; que cette formalité doit être respectée même si l'assuré est atteint d'une affection de longue durée ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations mêmes du jugement attaqué qu'aucune formalité d'entente préalable et prescription médicale antérieure aux transports intervenus les 15 mai 2018 et le 5 juin 2018 entre le domicile de l'assurée à [Localité 3] et [Localité 4] n'a été effectuée, la demande d'accord préalable valant prescription médicale, qui ne faisait mention d'aucune urgence, n'étant intervenue que le 21 août 2018, soit postérieurement aux transports considérés ; qu'en ordonnant néanmoins à la caisse de prendre en charge les frais de transports engagés par l'assurée à l'occasion d'une intervention chirurgicale en date du 15 mai 2018 et d'un rendez-vous médical du 5 juin suivant, du seul fait que l'assurée, atteinte d'une affection de longue durée, justifiait n'avoir été avisée de la date d'intervention du 18 mai 2018 que le 11 mai précédent par son chirurgien, qui ne paraissait pas très averti des formalités administratives, que le médecin traitant admettait aussi avoir omis de mentionner l'urgence sur les certificats établis et que, s'agissant du rendez-vous du 5 juin 2018 dont elle avait été avisée le 2 juin, l'assurée exposait, sans être contredite, les difficultés rencontrées à devoir organiser des transports de son domicile à l'hôpital de [Localité 5] dans un bref laps de temps en devant gérer en même temps sa vie familiale en son absence, quand ces circonstances ne pouvaient suppléer l'absence de réunion des conditions d'ouverture du droit au remboursement des frais de transport, le tribunal a violé les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale ; 2°/ que le refus d'attribution d'une prestation, faute que soient réunies les conditions de cette attribution, n'est pas une sanction ; qu'en considérant, en outre, que, pour ces deux transports, la sanction prononcée n'était pas en adéquation avec l'importance du manquement de l'assurée, le tribunal, qui a ainsi conféré le caractère d'une sanction au fait que la prise en charge des frais de transport de l'assurée ne répondait pas aux conditions posées par le code de la sécurité sociale, faute d'urgence attestée par la prescription médicale et/ou de demande d'entente préalable, a violé les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale : 3. Il résulte de ces textes que, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, la prise en charge des frais de transport, y compris ceux liés à une hospitalisation, exposés sur une distance excédant 150 kilomètres, est subordonnée à l'accord préalable de l'organisme social. 4. Pour faire droit au recours de l'assurée, le jugement relève qu'il est constant qu'aucune formalité d'entente préalable au transport considéré, pourtant obligatoire pour une distance de plus de 150 kilomètres, n'a été effectuée par la requérante, la demande d'accord préalable n'étant intervenue que postérieurement aux transports considérés. Il observe que l'assurée, atteinte d'une affection de longue durée, justifie n'avoir été avisée que le 11 mai 2018 de la date d'intervention du 18 mai 2018, par son chirurgien qui ne parait pas averti des formalités administratives, que le médecin traitant a admis aussi avoir omis de mentionner l'urgence sur les certificats établis et que, s'agissant du rendez-vous du 5 juin 2018 dont elle a été avisée le 2 juin, l'assurée expose, sans être contredite, les difficultés rencontrées à devoir organiser des transports de son domicile à l'hôpital de [Localité 5] dans un bref laps de temps. Il retient que pour ces deux transports, la sanction prononcée n'est pas en adéquation avec l'importance du manquement de l'assurée, également victime d'une apparente méconnaissance des règles administratives par les praticiens et les centres de soins, de sorte qu'il convient d'ordonner la prise en charge par la caisse. 5. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, conférant le caractère d'une sanction à une condition d'attribution d'une prestation, alors qu'en l'absence d'urgence attestée par le médecin prescripteur, les transports litigieux, effectués en un lieu distant de plus de 150 kilomètres, ne pouvaient être pris en charge à défaut du respect de la formalité de l'entente préalable, le tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond. 8. Il résulte de ce qui est dit aux points 3 et 5 ci-dessus que la demande de l'assurée tendant à la prise en charge des frais de transport exposés les 18 mai et 5 juin 2018 doit être rejetée. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours de Mme [R] recevable, le jugement rendu le 22 octobre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bayonne ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; REJETTE la demande de Mme [R] tendant à la prise en charge des frais de transport exposés à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 18 mai 2018 et du rendez-vous médical du 5 juin 2018. Condamne Mme [R] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le tribunal judiciaire de Bayonne ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Frais de transport
JURITEXT000048550372
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-20.287, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301226
Rejet
21-20287
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-05-31
Tribunal judiciaire de Quimper
Mme Martinel
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C201226
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1226 F-B Pourvoi n° K 21-20.287 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 M. [V] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-20.287 contre le jugement rendu le 31 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Quimper, dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Quimper, 31 mai 2021), rendu en dernier ressort, par lettre du 10 novembre 2015, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne (la caisse) a notifié à M. [D] (l'assuré) une pension de retraite au titre de l'inaptitude au travail, à compter du 1er novembre 2015, d'un montant de 268,63 euros, comprenant la retraite personnelle, le minimum contributif et la majoration pour enfants. 2. Ayant été informée, dans le cadre de l'échange inter-régimes de retraite, de la perception par l'assuré d'une pension de retraite personnelle des services des retraites de l'État et d'une pension de retraite complémentaire, la caisse a lui notifié une diminution du minimum contributif et un indu pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2019. 3. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. L'assuré fait grief au jugement de le débouter de ses demandes et de le condamner à payer à la caisse une certaine somme au titre de l'indu, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 351-10 et L. 173-2 du code de la sécurité sociale, que le montant total des pensions de retraite personnelle à retenir pour apprécier un éventuel dépassement du plafond d'attribution du minimum contributif est le montant des pensions, porté, le cas échéant, à leur minimum, hors majorations pour enfants ; que, pour valider le calcul du montant du dépassement de minimum contributif effectué par la caisse en retenant le montant total des pensions de retraite personnelle de l'assuré, majorations pour enfants incluses, le tribunal judiciaire a énoncé que la caisse avait opéré un abattement de 10 % au dépassement calculé de sorte que la majoration n'entrait finalement pas dans le calcul des pensions à retenir ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la caisse de déterminer le montant éventuel du dépassement de minimum contributif sans prendre en compte les majorations pour enfantss dans le montant total des pensions de retraite personnelle et non pas d'appliquer un abattement de 10 % sur le dépassement calculé en retenant ces majorations pour enfantss, calculs qui n'étaient pas équivalents, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 351-10, L. 351-12, L. 173-2 et D. 173-21-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, l'assuré, dont la pension de vieillesse à taux plein est inférieure à un seuil fixé par décret, peut prétendre au bénéfice d'une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum tenant compte de la durée d'assurance accomplie par l'assuré dans le régime général, le cas échéant rapportée à la durée d'assurance accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires. Ce montant minimum est majoré au titre des périodes ayant donné lieu à cotisations lorsque la durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré, accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, est au moins égale à une limite fixée à 120 trimestres par l'article D. 351-2-2. La majoration pour enfants s'ajoutent à ce montant minimum, éventuellement majoré. 7. Selon l'article L. 173-2 du même code, dans ses rédactions issues de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, successivement applicables au litige, dans le cas où l'assuré a relevé du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou du régime social des indépendants, le minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées le cas échéant au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par l'article D. 173-21-0-1-2 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur. 8. Pour l'application de l'article L. 173-2 précité, l'article R. 173-7 du même code prévoit que les pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées, le cas échéant, au minimum de pension, sont appréciées selon les modalités et dans les conditions fixées par les articles R. 815-18 à R. 815-20 et R. 815-22. Il n'est, toutefois, pas tenu compte des majorations de pensions lorsqu'elles sont attribuées au titre des périodes d'assurance validées, par des cotisations à la charge de l'assuré, après l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 et au-delà de la durée d'assurance maximale mentionnée au deuxième alinéa de ce même article. 9. Selon l'article R. 815-22 du même code, sauf exclusions prévues au second alinéa, il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources, de tous les avantages de vieillesse. 10. Il résulte de la combinaison de ces textes que pour déterminer si le montant total des pensions de retraite personnelle de base et complémentaires dépasse le plafond prévu à l'article L. 173-2, il y a lieu de prendre en considération la majoration pour enfants. 11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, le jugement attaqué, qui a validé les calculs opérés pas la caisse révisant le montant du minimum contributif, se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Pension
Selon l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale, l'assuré, dont la pension de vieillesse à taux plein est inférieure à un seuil fixé par décret, peut prétendre au bénéfice d'une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum tenant compte de la durée d'assurance accomplie par l'assuré dans le régime général, le cas échéant rapportée à la durée d'assurance accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires. Selon l'article L. 173-2 du même code, dans ses rédactions issues de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, dans le cas où l'assuré a relevé du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou du régime social des indépendants, le minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées, le cas échéant, au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par décret. Pour déterminer si le montant total des pensions de retraite personnelle de base et complémentaires dépasse le plafond d'attribution du minimum, il y a lieu de prendre en considération la majoration pour enfants
JURITEXT000048550374
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-25.841, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301227
Cassation sans renvoi
21-25841
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-10-28
Cour d'appel de Caen
Mme Martinel
SCP Foussard et Froger, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C201227
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation sans renvoi Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1227 F-B Pourvoi n° X 21-25.841 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-25.841 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à Mme [R] [U], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [U], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 28 octobre 2021), Mme [U] (la victime) a déclaré deux accidents, survenus les 11 août 2005 et 13 avril 2010, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse), qui a fixé un taux d'incapacité permanente de 9 % pour le premier et de 8 % pour le second. 2. Le 10 avril 2014, la victime a opté pour le versement d'une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente cumulé de 17 %. 3. À la suite des décisions d'une juridiction du contentieux technique ayant porté à 21 % le taux d'incapacité permanente afférent au second accident du travail, la caisse a notifié à la victime la fin de la rente optionnelle, avec recouvrement du bénéfice de l'entière indemnité en capital octroyée au titre du premier accident, et par suite un indu au titre de la rente optionnelle servie sur la base d'un taux d'incapacité permanente cumulé de 17 %. Elle l'a, par ailleurs, informée du versement d'une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 21 % au titre du second accident. 4. La victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que le taux professionnel d'incapacité permanente partielle de 9 % alloué à la victime au titre du premier accident du travail doit être cumulé au taux de 21 % alloué au titre du second, alors « que, en cas d'accidents du travail successifs, l'incapacité permanente est évaluée et indemnisée accident par accident ; que s'il est dérogé à ce principe par l'article L. 434-2 alinéa 4 du code de la sécurité sociale qui permet à la victime d'accidents du travail successifs d'opter pour le service d'une rente sur la base d'un taux correspondant à la somme des incapacités permanentes que lui ont occasionnées les accidents, lorsque cette somme égale ou excède 10 %, c'est à la condition que chacune des incapacités permanentes soient inférieures à 10 % ; qu'en outre, si l'option souscrite par la victime revêt un caractère définitif, c'est à la condition que la fixation de l'incapacité permanente afférente à chacun des accidents successifs soit elle-même définitive ; que par suite, lorsque, sur recours de la victime, l'incapacité permanente en lien avec un accident, évaluée initialement par la Caisse à moins de 10 %, est fixée par le juge à plus de 10 %, l'option souscrite antérieurement par la victime est remise en cause ; qu'en décidant que les taux médicaux d'incapacité permanente partielle de 9 % et 12 % reconnus au titre de ses accidents du travail survenus les 11 août 2005 et 13 avril 2010 devaient être cumulés, quand l'option souscrite par la victime était remise en cause dès lors que l'incapacité permanente afférente à l'accident du 13 avril 2010, initialement évaluée à 8 %, était portée à 12 % par jugement du 9 mars 2015, de sorte que chaque incapacité permanente devait être indemnisée séparément, l'incapacité permanente en lien avec l'accident du 11 août 2005 donnant lieu à l'octroi d'un capital et celle en lien avec l'accident du 13 avril 2010 au service d'une rente, les juges du fond ont violé les articles L. 434-1, L. 434-2, R. 434-1 et R. 434-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 434-2, R. 434-2 et R. 434-4 du code de la sécurité sociale : 6. En application du premier de ces textes en son 2e alinéa et du deuxième, la rente est égale au produit du salaire annuel de la victime par le taux d'incapacité diminué de moitié pour la partie de ce taux comprise entre 10 et 50 %, et augmenté de moitié pour la partie de ce taux supérieure à 50 %. 7. Selon le premier de ces textes en son 4e alinéa, en cas d'accidents successifs, le taux ou la somme des taux d'incapacité permanente antérieurement reconnue constitue le point de départ de la réduction ou de l'augmentation pour le calcul de la rente afférente au dernier accident. 8. Par ailleurs, il résulte de la combinaison du premier de ces textes en son 4e alinéa et du dernier que lorsque, par suite d'accidents successifs, la somme des taux d'incapacité permanente est égale ou supérieure à 10 %, l'indemnisation se fait, sur demande de la victime, soit par l'attribution d'une rente qui tient compte de la ou des indemnités en capital précédemment versées, soit par l'attribution d'une indemnité en capital. L'option souscrite par la victime revêt un caractère définitif, à la condition que la fixation du taux d'incapacité permanente afférente à chacun des accidents successifs soit elle-même définitive. 9. Il s'ensuit que le cumul des taux d'incapacité permanente fixés au titre d'accidents du travail successifs n'est possible que dans le cadre de l'exercice du droit d'option entre le versement d'une indemnité en capital et d'une rente. 10. L'arrêt retient en substance qu'aucun texte n'exclut le cumul des taux d'incapacité permanente en cas d'accidents successifs pour le calcul de la rente, de sorte que la caisse ne pouvait refuser d'additionner les taux d'incapacité permanente du premier accident et du second accident pour actualiser le calcul de la rente attribuée à la victime. Il ajoute que le taux d'incapacité permanente de 9 % afférent au premier accident du travail n' a pas été indemnisé par un capital, de sorte que le cumul des taux n'aura pas pour effet d'indemniser deux fois la victime. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6, 7 et 9 qu'il convient de débouter la victime de sa demande de cumul, pour le calcul de la rente versée au titre du second accident du travail, du taux d'incapacité permanente de 9 % attribué au titre du premier accident du travail et du taux d'incapacité permanente de 21 % attribué au titre du second accident du travail. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉBOUTE Mme [U] de ses demandes. Condamne Mme [U] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Caen ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Invalidité - Taux
Il résulte des articles L. 434-2, alinéas 2 et 4, R. 434-2, et R. 434-4 du code de la sécurité sociale que le cumul des taux d'incapacité permanente fixés au titre d'accidents du travail successifs n'est possible que dans le cadre de l'exercice par la victime du droit d'option entre le versement d'une indemnité en capital et d'une rente
JURITEXT000048550376
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-24.899, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301228
Rejet
21-24899
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-09-30
Cour d'appel de Poitiers
Mme Martinel
SCP Duhamel, SAS Buk Lament-Robillot
ECLI:FR:CCASS:2023:C201228
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1228 F-B Pourvoi n° Y 21-24.899 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La caisse de mutualité sociale agricole du Limousin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-24.899 contre l'arrêt n° RG : 19/01169 rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [P] [H], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [H], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 septembre 2021), à la suite d'un contrôle de la facturation de l'activité de Mme [H], infirmière exerçant à titre libéral (la professionnelle de santé), portant sur l'année 2016, la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin (la caisse) lui a notifié, le 3 février 2018, un indu correspondant à des majorations de coordination infirmier. 2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la notification d'indu et de rejeter sa demande en remboursement de l'indu, alors : « 1°/ que l'infirmier établit obligatoirement, pour chaque patient, un dossier de soins infirmiers contenant les éléments pertinents et actualisés relatifs à la prise en charge et au suivi ; qu'en l'espèce, la professionnelle de santé n'a constitué aucun dossier de soins infirmiers pour cinq patientes pour lesquelles elle a facturé des majorations de coordination infirmier, applicables uniquement à une prise en charge en soins palliatifs, et a versé aux débats, pour tenter de justifier que l'état de ces patientes nécessitait une prise en charge de ce type et que les conditions fixées par la Nomenclature générale des actes professionnels étaient remplies, des attestations établies a posteriori par leurs médecins traitants respectifs ; qu'en retenant, pour accueillir ces attestations en tant qu'éléments de preuve et juger que la facturation de majorations de coordination infirmier était justifiée, que la nécessité de soins palliatifs était établie pour ces cinq patientes dans la mesure où « cette preuve se fait par tous moyens dans la mesure où le décret du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers diplômés d'État n'oblige pas le professionnel à établir, en cas de soins à domicile, un dossier de soins infirmiers et notamment une fiche de suivi à produire en cas de contrôle », tandis que l'établissement de ce dossier n'était pas une faculté mais une obligation, dont le non-respect ne pouvait être suppléé par la preuve contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 4312-35 du code de la santé publique ; 2°/ que la caisse soutenait que « la notion de prise en charge en soins palliatifs vise les patients en fin de vie et en phase terminale et non pas ceux atteints de pathologies dégénératives » et se fondait sur cette définition, ainsi que sur celles proposées par la loi n° 99-477 du 9 juin 1999, par l'OMS et par l'INPES, pour faire valoir que la facturation, par la professionnelle de santé, de majorations de coordination infirmier pour cinq patientes n'était pas justifiée au regard des conditions fixées par la Nomenclature générale des actes professionnels, qui réserve cette faculté aux soins palliatifs, d'autant que plusieurs patientes concernées étaient encore en vie au moment du dépôt des écritures d'appel, c'est-à-dire plusieurs années après les soins litigieux ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et en se bornant à estimer que « la prise en charge en soins palliatifs n'est pas équivalente à celle d'un patient atteint de pathologies dégénératives qui ne relèvent pas forcément d'un soin palliatif », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement, d'une part, son caractère indu, d'autre part. Dès lors que l'organisme social établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve produits et d'en apporter la preuve contraire. 5. Conformément à l'article 1358 du code civil, la preuve peut être rapportée par tout moyen. 6. Il résulte de l'article 23.2 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié que la prise en charge des soins inscrits au titre XVI à un patient en soins palliatifs, réalisés à domicile, donne lieu à la majoration de coordination infirmier (MCI) et que la prise en charge en soins palliatifs est définie comme la prise en charge d'un patient ayant une pathologie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, visant à soulager la douleur et l'ensemble des symptômes digestifs, respiratoires, neurologiques et autres, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. 7. L'arrêt énonce que la facturation de la MCI est sous la seule responsabilité de l'infirmier qui la facture dans la mesure où elle n'est pas prescrite par le médecin et que la preuve du bien-fondé de la prise en charge en soins palliatifs se fait par tous moyens. Il relève que la caisse se borne à soutenir que, sur les cinq patients pour lesquels l'infirmière a facturé les majorations litigieuses, plusieurs n'étaient pas en fin de vie. Il constate que la professionnelle de santé produit aux débats les attestations établies par les médecins traitants de chacun des patients pour lesquels elle a appliqué la facturation des MCI, dont la fiabilité et la sincérité ne sont pas remises en cause par les éléments produits par la caisse. 8. C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle que la cour d'appel a estimé, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation que ses constatations rendaient inopérante, que la professionnelle de santé, établissant qu'il s'agissait de soins palliatifs, rapportait la preuve du bien-fondé de la facturation de la MCI, l'absence de production aux débats du dossier de soins infirmiers étant sans incidence sur la solution du litige. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales)
Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement, d'une part, et son caractère indu, d'autre part. Dès lors que l'organisme social établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve produits et d'en apporter la preuve contraire. Conformément à l'article 1358 du code civil, la preuve peut être rapportée par tout moyen. C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle qu'une cour d'appel estime qu'une infirmière établit, par la production d'attestations du médecin traitant, que les soins litigieux étaient des soins palliatifs et qu'elle rapporte donc la preuve du bien-fondé de la facturation de la majoration de coordination infirmier prévue par l'article 23.2 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, l'absence de production aux débats du dossier de soins infirmiers étant sans incidence sur la solution du litige
JURITEXT000048550378
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-25.844, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301232
Rejet
21-25844
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-10-26
Cour d'appel de Riom
Mme Martinel
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C201232
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1232 F-B Pourvoi n° A 21-25.844 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 L'[3] ([3]), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-25.844 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d'appel de Riom (4e chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Auvergne, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de l'[3] ([3]), de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Auvergne, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 26 octobre 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2014 à 2016, l'URSSAF d'Auvergne (l'URSSAF) a adressé à l'[3] (l'association) une lettre d'observations le 30 septembre 2017, puis une mise en demeure le 11 décembre 2017, opérant un redressement du chef de l'exonération de cotisations patronales, prévue par l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, appliquée aux salaires versés aux éducateurs spécialisés. 2. L'association a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit, sur les rémunérations des aides à domicile, une exonération des cotisations patronales pour la fraction versée en contrepartie des tâches effectuées au domicile des bénéficiaires des prestations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles, qui sont celles relevant de l'action d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale, lequel a pour mission d'effectuer une intervention sociale préventive et réparatrice à travers des activités d'aide à la vie quotidienne d'une part, et d'aide à l'éducation des enfants d'autre part ; qu'en retenant que l'association ne pouvait bénéficier du dispositif d'exonération pour les rémunérations de ses salariés exerçant, en qualité d'éducateurs spécialisés, des prestations d'aide à l'éducation des enfants auprès de familles en difficultés, lesquelles relevaient ainsi du champ d'action d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale, la cour d'appel a violé l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, et l'article L. 222-3, alinéa 2, du code de l'action sociale et des familles. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale s'applique à la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées, notamment, au domicile à usage privatif des bénéficiaires des prestations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles. 6. Selon ce dernier texte, l'aide à domicile comporte l'action d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale ou d'une aide ménagère. 7. Pour l'application de l'exonération prévue à l'article L. 241-10, III, précité, dont les dispositions sont d'interprétation stricte, les prestations fournies par un éducateur spécialisé d'un service d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou d'un service d'accueil externalisé (SAE) ne sont pas assimilables à l'action d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale. 8. L'arrêt retient que l'action d'un technicien de l'intervention sociale et familiale doit s'inscrire dans le cadre des missions professionnelles associées à ce métier et que l'éducateur spécialisé n'effectue concrètement aucune des tâches matérielles et domestiques dévolues à ce professionnel, quand bien même son objectif général est le soutien aux familles et leur accompagnement dans un processus d'autonomisation. Il relève que l'examen des fiches de poste des éducateurs spécialisés salariés de l'association révèle que la participation concrète aux activités domestiques de la vie familiale ne figure pas au nombre de leurs attributions. 9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que l'association ne pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées par les éducateurs spécialisés qu'elle emploie auprès de bénéficiaires qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne l'[3] ([3]) aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE - Cotisations
Pour l'application de l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale prévue par l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, les prestations fournies par un éducateur spécialisé d'un service d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou d'un service d'accueil externalisé (SAE) ne sont pas assimilables à l'action d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel décide qu'une l'association ne peut prétendre au bénéfice de cette exonération pour la fraction des rémunérations, versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées par les éducateurs spécialisés qu'elle emploie auprès de bénéficiaires qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale
JURITEXT000048550380
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 22-14.260, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301234
Rejet
22-14260
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2022-01-13
Cour d'appel de Versailles
Mme Martinel
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés
ECLI:FR:CCASS:2023:C201234
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1234 F-B Pourvoi n° E 22-14.260 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-14.260 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société [3], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 janvier 2022), la société [3] (la société) a adressé, le 18 juillet 2017, à l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) une demande de rescrit social relative aux modalités de calcul de l'exonération des cotisations patronales prévue par l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale. 2. L'URSSAF lui ayant répondu, le 13 septembre 2018, que les conditions d'exonération n'étaient pas remplies, l'association a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de faire droit au recours de la société, alors « que les dispositions de l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale sont d'interprétation stricte ; qu'il résulte de l'article L. 241-10, III, b) du code de la sécurité sociale, qui renvoie expressément au 2ème alinéa de l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles, que les prestations d'aide à domicile éligibles à l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale sont, soit les prestations d'aide ménagère, soit les actions d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale de sorte que l'activité des éducateurs spécialisés et intervenants psychoéducateurs, non assimilable à celle des techniciens de l'intervention sociale et familiale ou d'une aide ménagère, ne peut bénéficier de l'exonération ; qu'en décidant du contraire au prétexte erroné que les a et b de l'article L. 241-10 ne sont pas des conditions cumulatives, la cour d'appel a violé l'article L. 241-10, III du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicable au litige, ensemble l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale qu'il prévoit s'applique à la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées au domicile à usage privatif : a) Des personnes mentionnées au I ; b) Des bénéficiaires soit de prestations d'aide ménagère aux personnes âgées ou handicapées au titre de l'aide sociale légale ou dans le cadre d'une convention conclue entre les structures susmentionnées et un organisme de sécurité sociale, soit des prestations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles ou des mêmes prestations d'aide et d'accompagnement aux familles dans le cadre d'une convention conclue entre ces structures et un organisme de sécurité sociale, dans la limite, pour les tâches effectuées au bénéfice des personnes visées au a du I du présent article, du plafond prévu par ce même a. 6. Selon l'article L. 241-10, I, de ce code, la rémunération d'une aide à domicile est exonérée des cotisations patronales de sécurité sociale, à l'exception de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, lorsque celle-ci est employée effectivement à leur service personnel, à leur domicile ou chez des membres de leur famille, par, notamment, des personnes ayant à charge un enfant ouvrant droit au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé mentionné à l'article L. 541-1 ou à la prestation de compensation dans les conditions définies au 1° du III de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles. 7. Il résulte de ce texte que les structures qu'il mentionne peuvent prétendre au bénéfice de l'exonération de cotisations sur la rémunération des aides à domicile qui concourent à l'exécution de leurs missions auprès des personnes mentionnées au I. 8. L'arrêt retient que les conditions posées par les alinéas a et b de l'article L. 241-10, III, précité ne sont pas cumulatives. Il relève que la société fournit des prestations à destination exclusive des personnes présentant un trouble du spectre autistique consistant en la dispensation d'apprentissages individualisés et adaptés spécifiquement à l'enfant, fonctionnels dans son « environnement naturel » et généralisés en présence des parents. Il en déduit que les interventions de la société auprès d'enfants ouvrant droit au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ou à la prestation de compensation, mentionnés à l'article L. 241-10, I, du code de la sécurité sociale, permet à la société de prétendre à l'exonération litigieuse. 9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la société pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées par les éducateurs spécialisés et les intervenants psycho-éducateurs qu'elle emploie au domicile à usage privatif des personnes mentionnées au I de l'article L. 241-10. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne l'URSSAF d'Ile-de-France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Ile-de-France et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048550381
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-22.259, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301241
Rejet
21-22259
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-07-07
Cour d'appel de Rennes
Mme Martinel
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Marlange et de La Burgade
ECLI:FR:CCASS:2023:C201241
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1241 F-B Pourvoi n° D 21-22.259 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La [3] ([3]), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-22.259 contre l'arrêt n° RG : 20/00560 rendu le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à M. [P] [W], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la [3], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [W], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juillet 2021), le 2 juin 2015, M. [W] (l'assuré), salarié de la branche des industries électriques et gazières depuis 2000, a sollicité auprès de la [3] (la Caisse) son admission au bénéfice du dispositif de retraite anticipée avec bonification au titre de ses trois enfants à compter du 1er janvier 2016. 2. La Caisse ayant rejeté sa demande au motif qu'il ne remplissait pas la condition d'interruption ou de réduction d'activité pour chacun de ses enfants, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. La Caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours, alors : « 1°/ qu'une mesure nationale entraînant une discrimination indirecte en raison du sexe n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement en matière de rémunération entre travailleurs masculins et féminins si la différence de traitement qu'elle engendre est justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, c'est-à-dire si les moyens choisis répondent à un but légitime de politique sociale, sont aptes à atteindre l'objectif poursuivi et nécessaires à cet effet ; que selon les articles 12, 13 et 16 de l'annexe III du statut national du personnel IEG, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008 en vigueur jusqu'au 20 mars 2011, les agents ayant accompli quinze années de service qui ont interrompu totalement leur activité pendant une durée continue d'au moins deux mois pour chacun de leurs trois enfants bénéficient à la fois d'un droit à liquidation anticipée de leur pension et d'une bonification de service d'un an pour chaque enfant ; qu'en l'espèce, pour dire que la condition d'interruption ou de réduction d'activité définie à l'article 13 dudit statut constituait une discrimination indirecte injustifiée, la cour d'appel, après avoir relevé que la [3] démontrait par ses statistiques l'existence d'un écart au détriment des femmes dans la durée d'assurance validée et dans le montant de leur pension, écart que les dispositions relatives à la retraite par anticipation et la bonification avaient pour objectif de compenser, a retenu que si le régime de liquidation par anticipation des droits à pension poursuivait bien un objectif de politique sociale tendant à compenser les désavantages subis dans le déroulement de leur carrière par l'ensemble des travailleurs ayant interrompu leur carrière durant un certain laps de temps afin de se consacrer à leurs enfants, en revanche, les modalités retenues par ce dispositif, qui favorisaient seulement une fin anticipée de la carrière professionnelle, ce qui impactait la durée d'assurance validée, n'étaient pas de nature à compenser avec cohérence ces désavantages ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'elle devait rechercher, comme elle y était invitée, si les modalités combinées de l'annexe III dudit statut prévoyant non seulement un régime de liquidation par anticipation des droits à pension mais aussi un régime de bonification augmentant la durée d'assurance validée n'étaient pas, dans leur ensemble, de nature à compenser avec cohérence les désavantages de carrière résultant de l'interruption ou de la réduction d'activité professionnelle en raison de la naissance, de l'arrivée au foyer ou de l'éducation des trois enfants, la cour d'appel a violé les articles 12, 13 et 16 de l'annexe III du statut national du personnel des IEG et l'article 157 du TFUE ; 2°/ que les jugements doivent être motivés ; que dans ses conclusions d'appel, la [3] faisait valoir que le dispositif de liquidation par anticipation des droits à pension ne favorisait pas seulement une fin anticipée de carrière mais permettait également de bénéficier de paramètres de calcul de pension plus favorables pour les agents qui remplissaient les conditions avant 2017 ; qu'en jugeant que le dispositif de liquidation par anticipation des droits à pension favorisait uniquement une fin anticipée de carrière professionnelle sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a privé sa décision de motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), dans le champ d'application duquel entrent les pensions de retraite servies par le régime spécial des industries électriques et gazières, impose aux États membres d'assurer l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail, la rémunération devant s'entendre comme intégrant les avantages directs et indirects se rattachant à l'activité. 6. Il résulte de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 17 juillet 2014, Leone / Garde des Sceaux, ministre de la justice et Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, C-173/13), qu'une discrimination indirecte en raison du sexe est caractérisée lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. 7. Une telle mesure n'est compatible avec le principe d'égalité de traitement garanti par les dispositions de l'article 157 du TFUE qu'à la condition que la différence de traitement entre les deux catégories de travailleurs qu'elle engendre soit justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. 8. Tel est le cas si les moyens choisis répondent à un but légitime de la politique sociale de l'État membre dont la législation est en cause, sont aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et sont nécessaires à cet effet. 9. Il résulte de la combinaison des articles 12, 13 et 16 de l'annexe III du statut du personnel des industries électriques et gazières, dans leur rédaction issue du décret n° 2011-290 du 18 mars 2011, que les agents, qui ont accompli quinze années de services et interrompu totalement pendant une durée continue d'au moins deux mois ou réduit dans certaines proportions leur activité professionnelle pour chacun de leurs trois enfants, bénéficient d'une bonification de service d'un an pour chaque enfant et, conservent, à titre transitoire, la possibilité de liquider leur pension de retraite par anticipation s'ils justifient de la durée minimale de service avant le 1er janvier 2017. 10. La bonification de service et le maintien, fût-ce à titre transitoire, du régime de la liquidation par anticipation des droits à pension de retraite qui résulte de ces dispositions engendrent une discrimination indirecte en matière de rémunération entre travailleurs féminins et travailleurs masculins contraire à l'article 157 du TFUE. En effet, si ces deux mesures poursuivent un objectif légitime de politique sociale tendant à compenser les désavantages subis dans le déroulement de leur carrière par l'ensemble des travailleurs tant féminins que masculins ayant interrompu ou réduit celle-ci durant un certain laps de temps afin de se consacrer à leurs enfants, les modalités retenues par le dispositif, favorisant une fin anticipée de la carrière professionnelle et augmentant fictivement la durée de travail de l'agent, ne sont pas de nature à compenser, avec la cohérence requise, les désavantages de carrière résultant d'une triple interruption de deux mois ou réduction d'activité professionnelle en raison de la naissance, de l'arrivée au foyer ou de l'éducation des enfants. 11. Il en résulte que la bonification et le droit à la liquidation de la pension ne sauraient être subordonnés, pour les agents entrant dans le champ d'application du statut du personnel des industries électriques et gazières, à la justification de l'interruption ou de la réduction de leur activité dans les conditions auxquelles ce dernier renvoie. 12. Par ce seul motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la [3] et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE, REGIMES SPECIAUX
Selon les articles 12, 13 et 16 de l'annexe III du statut du personnel des industries électriques et gazières, dans leur rédaction issue du décret n° 2011-290 du 18 mars 2011, les agents qui ont accompli quinze années de services et interrompu totalement pendant une durée continue d'au moins deux mois ou réduit dans certaines proportions leur activité professionnelle pour chacun de leurs trois enfants, bénéficient d'une bonification de service d'un an pour chaque enfant et, conservent, à titre transitoire, la possibilité de liquider leur pension de retraite par anticipation s'ils justifient de la durée minimale de service avant le 1er janvier 2017. La bonification de service et le maintien, fût-ce à titre transitoire, du régime de la liquidation par anticipation des droits à pension de retraite, qui résulte de ces dispositions, engendrent une discrimination indirecte en matière de rémunération entre travailleurs féminins et travailleurs masculins contraire à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En effet, si ces deux mesures poursuivent un objectif légitime de politique sociale tendant à compenser les désavantages subis dans le déroulement de leur carrière par l'ensemble des travailleurs tant féminins que masculins ayant interrompu ou réduit celle-ci durant un certain laps de temps afin de se consacrer à leurs enfants, les modalités retenues par le dispositif, favorisant une fin anticipée de la carrière professionnelle et augmentant fictivement la durée de travail de l'agent, ne sont pas de nature à compenser, avec la cohérence requise, les désavantages de carrière résultant d'une triple interruption de deux mois ou réduction d'activité professionnelle en raison de la naissance, de l'arrivée au foyer ou de l'éducation des enfants. Il en résulte que la bonification et le droit à la liquidation de la pension ne sauraient être subordonnés, pour les agents entrant dans le champ d'application du statut du personnel des industries électriques et gazières, à la justification de l'interruption ou de la réduction de leur activité dans les conditions auxquelles ce dernier renvoie
JURITEXT000048550383
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-18.251, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301245
Cassation partielle
21-18251
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-05-12
Cour d'appel de Rennes
M. Soulard (premier président)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SAS Buk Lament-Robillot
ECLI:FR:CCASS:2023:C201245
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation partielle M. Soulard, premier président Arrêt n° 1245 FS-B Pourvoi n° X 21-18.251 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 M. [B] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-18.251 contre l'arrêt n° RG : 19/03420 rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bretagne, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [R], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Bretagne, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 mai 2021), M. [R] (le cotisant), dont la résidence est située en France, a été affilié à la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Bretagne (la caisse), à compter du 18 octobre 2004, en qualité de gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée. 2. La caisse a notifié au cotisant plusieurs mises en demeure pour obtenir le paiement des cotisations de sécurité sociale dues par celui-ci en qualité de travailleur indépendant au cours de la période de juillet 2016 à juin 2017. 3. Parallèlement, par courrier du 27 septembre 2016, le cotisant a sollicité auprès de la caisse sa radiation du régime français applicable aux travailleurs indépendants en invoquant l'exercice d'une activité salariée au Portugal. Il a produit un courrier d'une caisse de sécurité sociale portugaise attestant de son assujettissement à l'assurance obligatoire portugaise à compter du 4 juillet 2016 pour son activité salariée en qualité de gérant minoritaire d'une société de droit portugais. Il a ensuite contesté, devant la commission de recours amiable de la caisse, les mises en demeure qui lui ont été délivrées. 4. Cette commission ayant maintenu son affiliation auprès de la caisse et confirmé le bien-fondé des mises en demeure litigieuses, le cotisant a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 13, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après le règlement n° 883/2004) et 16 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 (ci-après le règlement n° 987/2009) : 6. Selon le premier de ces textes, la personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres est soumise à la législation de l'État membre dans lequel elle exerce une activité salariée. 7. Aux termes du second, qui organise la procédure de dialogue pour l'application du premier : « 1. La personne qui exerce des activités dans deux États membres ou plus en informe l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence. 2. L'institution désignée du lieu de résidence détermine dans les meilleurs délais la législation applicable à la personne concernée, compte tenu de l'article 13 du règlement de base et de l'article 14 du règlement d'application. Cette détermination initiale est provisoire. L'institution informe de cette détermination provisoire les institutions désignées de chaque État membre où une activité est exercée. 3. La détermination provisoire de la législation applicable visée au paragraphe 2 devient définitive dans les deux mois suivant sa notification à l'institution désignée par les autorités compétentes des États membres concernés, conformément au paragraphe 2, sauf si la législation a déjà fait l'objet d'une détermination définitive en application du paragraphe 4, ou si au moins une des institutions concernées informe l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence, à l'expiration de cette période de deux mois, qu'elle ne peut encore accepter la détermination ou qu'elle a un avis différent à cet égard. 4. Lorsqu'une incertitude quant à la détermination de la législation applicable nécessite des contacts entre les institutions ou autorités de deux États membres ou plus, la législation applicable à la personne concernée est déterminée d'un commun accord, à la demande d'une ou plusieurs des institutions désignées par les autorités compétentes des États membres concernés ou des autorités compétentes elles-mêmes, compte tenu de l'article 13 du règlement de base et des dispositions pertinentes de l'article 14 du règlement d'application. Si les institutions ou autorités compétentes concernées ont des avis divergents, elles recherchent un accord conformément aux conditions énoncées ci-dessus, et l'article 6 du règlement d'application s'applique. 5. L'institution compétente de l'État membre dont il est déterminé que la législation est applicable, que ce soit provisoirement ou définitivement, en informe sans délai la personne concernée. 6. Si la personne concernée omet de fournir les informations mentionnées au paragraphe 1, le présent article est appliqué à l'initiative de l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence dès qu'elle est instruite de la situation de cette dernière, éventuellement par l'intermédiaire d'une autre institution concernée. » 8. Selon l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 987/2009, « à la demande de la personne concernée ou de l'employeur, l'institution compétente de l'État membre dont la législation est applicable en vertu d'une disposition du titre II du règlement de base atteste que cette législation est applicable et indique, le cas échéant, jusqu'à quelle date et à quelles conditions ». 9. Ces dispositions instituent une procédure de dialogue administratif entre les institutions compétentes en vue de la détermination de la législation applicable attestée par un formulaire appelé certificat A 1. 10. Ce certificat A 1 est délivré, conformément au titre II du règlement n° 987/2009, par l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre, dont la législation en matière de sécurité sociale est applicable, pour attester de la soumission des travailleurs se trouvant dans l'une des situations visées au titre II du règlement n° 883/2004 à la législation de cet État membre. En raison du principe selon lequel les travailleurs doivent être affiliés à un seul régime de sécurité sociale, ce certificat implique nécessairement que les régimes de sécurité sociale des autres États membres ne sont pas susceptibles de s'appliquer (CJUE, 14 mai 2020, Bouygues travaux publics e.a., C 17/19, EU : C : 2020 : 379, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée). 11. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, des effets contraignants sont attachés à ce certificat A 1 afin de prévenir le risque de cumul de régimes de sécurité sociale, qui porterait atteinte au principe d'affiliation des travailleurs salariés à un seul régime de sécurité sociale ainsi qu'à la prévisibilité du régime applicable et, partant, au principe de sécurité juridique (CJUE, 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines, C-370/17 et C-37/18, EU : C : 2020 : 260, point 70 ainsi que jurisprudence citée, s'agissant du règlement n° 1408/71 ; CJUE, 2 mars 2023, DRV Intertrans et Verbraeken J. en Zonen, C-410/21 et C-661/21, EU : C : 2023 : 138, point 56, s'agissant du règlement n° 987/2009). 12. Le certificat A 1 délivré par l'institution compétente d'un État membre lie tant les institutions de sécurité sociale de l'État membre dans lequel l'activité est exercée que les juridictions de cet État membre, le cas échéant, avec effet rétroactif, alors même que ce certificat n'a été délivré qu'après que ledit État membre eut établi l'assujettissement du travailleur concerné à l'assurance obligatoire au titre de sa législation (CJUE, 6 septembre 2018, Alpenrind e.a., C 527/16, EU : C : 2018 : 669, précité, points 73 et suivants). 13. Il résulte de ce qui précède que lorsque la procédure de dialogue entre les institutions compétentes des États membres concernés, prévue à l'article 16 du règlement n° 987/2009, n'a pas été mise en oeuvre, il appartient au juge saisi d'un conflit d'affiliation d'inviter l'institution désignée par l'autorité compétente à la mettre en oeuvre. 14. Pour confirmer l'affiliation du cotisant auprès de la caisse au cours de la période litigieuse, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 16 du règlement n° 987/2009 qu'il appartient à la caisse française de résidence de déterminer la législation de sécurité sociale applicable. Il constate qu'à défaut d'avoir saisi l'organisme social à cet effet, le cotisant n'a pas accompli les démarches prévues par ce texte, qu'il lui incombait de diligenter en raison de sa situation de pluriactivité. Il en déduit que c'est à bon droit que la caisse a maintenu son affiliation jusqu'au 30 novembre 2017. 15. En statuant ainsi, alors que, saisie d'un litige portant sur la détermination de la législation applicable à un cotisant qui invoquait une situation de pluriactivité au sens des règlements susvisés, il lui appartenait d'inviter la caisse à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 16 du règlement n° 987/2009 et, dans cette attente, de surseoir à statuer, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme l'obligation d'affiliation et de cotisations de M. [R] auprès du régime social des indépendants de Bretagne, le condamne à lui verser la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande de remise sous astreinte d'une attestation de désaffiliation, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers. Condamne l'URSSAF de Bretagne, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE - Généralités - Législation
JURITEXT000048550385
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 22-10.559, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
22301246
Rejet
22-10559
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-11-15
Tribunal judiciaire de Mulhouse
M. Soulard (premier président)
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:C201246
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet M. Soulard, premier président Arrêt n° 1246 FS-B Pourvoi n° H 22-10.559 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 M. [M] [Z], époux [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 22-10.559 contre le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse (pôle social), dans le litige l'opposant à la caisse d'allocations familiales (CAF) du Haut-Rhin, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations écrites et les plaidoiries de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Z], époux [L], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pedron, Reveneau, conseillers, M. Labaune, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Mulhouse, 15 novembre 2021), rendu en dernier ressort, M. [Z] (l'allocataire) a sollicité auprès de la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin (la caisse), le bénéfice de la prestation d'accueil du jeune enfant, pour son enfant, né d'une gestation pour le compte d'autrui, le 30 avril 2020 aux Etats-Unis, qu'il a accueilli avec son époux le 15 mai 2020. 2. La caisse lui ayant attribué l'allocation de base à compter du 1er juin 2020 mais refusé l'octroi de la prime à la naissance, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense Vu les articles 605 du code de procédure civile et R. 211-3-24 du code de l'organisation judiciaire : 3. Selon le premier de ces textes, le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort. Selon le second, lorsque le tribunal judiciaire est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros, le tribunal judiciaire statue en dernier ressort. 4. La caisse soulève l'irrecevabilité du pourvoi au motif que la demande aux fins de versement de la prime à la naissance, sur laquelle le tribunal judiciaire de Mulhouse a statué, était indéterminée, en sorte que le jugement attaqué était, en application de l'article 40 du code de procédure civile, susceptible d'appel. 5. Cependant, le montant de la demande était déterminable en application de l'article D. 531-2 du code de la sécurité sociale, selon lequel le taux de la prime à la naissance est fixé à 229,75 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales, soit un montant de 947,34 euros pour l'année 2020. 6. Le montant de la demande étant inférieur au taux du dernier ressort, le pourvoi est, dès lors, recevable. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa sixième branche 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses quatre premières branches Enoncé du moyen 8. L'allocataire fait grief au jugement de rejeter sa demande d'attribution de la prime à la naissance, alors : « 1°/ qu'aucun texte ne subordonne l'octroi de la prime de naissance prévue par les dispositions de l'article L. 531-2 du code de la sécurité sociale à la condition que l'un des membres du couple soit ou ait été enceinte ; qu'en se fondant, pour refuser à M. [Z] le bénéfice de la prime de naissance à raison de son enfant [P], sur le fait que, dans la mesure où cet enfant était issu d'un contrat de gestation pour autrui, aucun des membres du couple n'avait été enceinte, le tribunal a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et violé les articles L. 512-1, L. 513-1, L. 531-2 et R. 531-1 du code de la sécurité sociale ; 2°/ qu' en application de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur la situation de famille, le sexe et l'orientation sexuelle ; que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment au sexe et à l'orientation sexuelle des personnes ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que la CAF du Haut-Rhin avait refusé d'accorder à M. [Z] la prime de naissance pour l'arrivée de [P] au motif « que le demandeur n'est pas en mesure de produire un certificat médical mentionnant la date présumée de début de la grossesse, et qu'elle n'est donc pas en mesure de vérifier la condition de ressources liée à l'ouverture du droit à la prime de naissance » et que la prime de naissance n'était pas versée car « cette prestation suppose que l'un des membres du couple soit enceinte, condition non remplie par les personnes qui accueillent un enfant issu d'une GPA » ; qu'une telle décision constitue une discrimination indirecte de M. [Z], fondée sur sa situation de famille, son sexe et son orientation sexuelle ; qu'en déboutant pourtant M. [Z] de ses demandes, le tribunal a violé l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 512-1, L. 513-1, L. 531-2 et R. 531-1 du code de la sécurité sociale ; 3°/ qu'en tout état de cause, le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que M. [Z] faisait valoir que la décision de la caisse créait une discrimination indirecte fondée sur la situation de famille, le sexe et l'orientation sexuelle ; que, pour débouter M. [Z] de sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la prime de naissance, le tribunal a refusé d'exercer son office et de rechercher si la décision de la caisse était discriminatoire et contraire à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a énoncé que « le tribunal considère qu'en l'état actuel des textes en vigueur, M. [M] [Z] ne peut pas prétendre au bénéfice de la prime de naissance. Il appartient au législateur de s'interroger sur l'évolution éventuelle de la réglementation au regard des nouveaux modes de parentalité, notamment en prenant en compte les textes internationaux tel que la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) au regard de l'intérêt de l'enfant et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) au regard de la lutte contre les discriminations. L'adaptation des règles de droit suit souvent l'évolution des comportements de la société mais le juge du fond ne peut se limiter à appliquer et à interpréter la règle de droit contemporaine. Le juge ne peut ni devenir un militant d'un mode de parentalité qui se base sur un processus de procréation aujourd'hui interdit en France, ni générer de nouveaux droits en privilégiant l'application directe des textes internationaux précités et en sanctionnant de ce fait la non-conformité de réglementations nationales au regard des dits traités » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il appartenait au juge de rechercher si les dispositions applicables du code de la sécurité sociale, sur lesquelles était fondée la décision de la caisse, n'étaient pas discriminatoires et contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a refusé d'exercer son office, violant l'article 4 du code civil, l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 512-1, L. 513-1, L. 531-2 et R. 531-1 du code de la sécurité sociale ; 4°/ que le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ; qu'en application de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que M. [Z] faisait valoir, au soutien de sa demande, que la décision de la caisse n'était pas conforme aux textes applicables inhérents à l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment à la convention internationale des droits de l'enfant ; que, pour débouter M. [Z] de sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la prime de naissance, le tribunal a refusé d'exercer son office et d'apprécier la situation au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant et a énoncé que « le tribunal considère qu'en l'état actuel des textes en vigueur, M. [M] [Z] ne peut pas prétendre au bénéfice de la prime de naissance. Il appartient au législateur de s'interroger sur l'évolution éventuelle de la réglementation au regard des nouveaux modes de parentalité, notamment en prenant en compte les textes internationaux tel que la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) au regard de l'intérêt de l'enfant et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) au regard de la lutte contre les discriminations. L'adaptation des règles de droit suit souvent l'évolution des comportements de la société mais le juge du fond ne peut se limiter à appliquer et à interpréter la règle de droit contemporaine. Le juge ne peut ni devenir un militant d'un mode de parentalité qui se base sur un processus de procréation aujourd'hui interdit en France, ni générer de nouveaux droits en privilégiant l'application directe des textes internationaux précités et en sanctionnant de ce fait la non-conformité de réglementations nationales au regard des dits traités » (jugement, p. 5 et 6) ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il appartenait au juge de rechercher si les dispositions applicables du code de la sécurité sociale et la décision de la caisse n'étaient pas contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant, le tribunal a refusé d'exercer son office, violant l'article 4 du code civil, l'article 3 § 1 de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant et les articles L. 512-1, L. 513-1, L. 531-2 et R. 531-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article L. 531-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au litige, la prime à la naissance est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond, pour chaque enfant à naître, avant la naissance de l'enfant. 10. L'article R. 531-1 du même code précise que pour l'ouverture des droits à la prime à la naissance, la situation de la famille est appréciée le premier jour du mois civil suivant le cinquième mois de la grossesse. 11. Par ailleurs, l'article L. 533-1 dudit code prévoit que le versement de la prime à la naissance est subordonné à la justification de la passation du premier examen prénatal médical obligatoire de la mère prévu en application de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique. 12. A cet égard, l'article D. 532-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1394 du 31 décembre 2003, applicable au litige, indique qu'une déclaration de grossesse doit être adressée par l'allocataire dans les quatorze premières semaines de la grossesse à l'organisme d'assurance maladie ainsi qu'à l'organisme débiteur de prestations familiales de rattachement de l'intéressé. La déclaration de grossesse est attestée par le document médical, prévu à cet effet, constatant la passation du premier examen prénatal, dont le modèle type est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. 13. Il résulte de ces textes que si la prime à la naissance a notamment pour objet de permettre au ménage ou à la personne de faire face aux dépenses liées à l'arrivée d'un enfant, elle répond également à un objectif sanitaire de surveillance et de protection de la mère et de l'enfant à naître. 14. Il s'ensuit que pour prétendre au bénéfice de la prime à la naissance, la mère de l'enfant à naître doit appartenir au ménage auquel la prime est attribuée, de sorte qu'un allocataire ayant eu recours à une convention de gestation pour le compte d'autrui ne peut obtenir le versement de cette prestation familiale. 15. Dès lors, se pose la question de la conformité de ces dispositions à la Convention internationale des droits de l'enfant, d'une part, et aux articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, d'autre part. 16. En premier lieu, aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 17. Les dispositions nationales conduisant à refuser à l'allocataire ayant eu recours à une gestation pour le compte d'autrui la seule prime à la naissance versée, sous réserve que les ressources de l'allocataire ne dépassent pas un plafond, en une seule fois et dont le montant était en 2020 de 947,34 euros, ne méconnaissent pas l'intérêt supérieur de l'enfant. 18. En second lieu, aux termes de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. 19. Aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. 20. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que dès lors qu'un Etat contractant met en place une législation prévoyant le versement automatique d'une prestation sociale, cette législation engendre un intérêt patrimonial relevant du champ d'application de l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 et elle doit être compatible avec l'article 14 de la Convention (CEDH, arrêt du 12 avril 2006, Stec et autres c. Royaume Uni [GC], n° 65731/01 et 65900/01, § 53). 21. La discrimination consiste à traiter de manière différente des personnes placées dans des situations comparables ou analogues, sauf justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle poursuit un but légitime et s'il y a un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH, arrêt du 13 novembre 2007, D.H. et autres c. République tchèque [GC], n° 57325/00, § 175 ; CEDH, arrêt du 24 mai 2016, Biao c. Danemark [GC], n° 38590/10, § 90 ; CEDH arrêt du 5 septembre 2017, Fábián c. Hongrie [GC], n° 78117/13, § 113). 22. La Cour européenne des droits de l'homme a également admis que peut être considérée comme discriminatoire une politique ou une mesure générale qui, bien que formulée de manière neutre, a des effets préjudiciables disproportionnés sur un groupe de personnes, même si elle ne visait pas spécifiquement ce groupe et s'il n'y a pas d'intention discriminatoire. Il n'en va toutefois ainsi que si cette politique ou cette mesure manquent de justification objective et raisonnable (CEDH, arrêt du 1er juillet 2014, S.A.S. c. France [GC], n° 43835/11, § 161 ; CEDH, arrêt du 13 novembre 2007, D.H. et autres c. République tchèque, précité, §§ 175 et 184-185 ; CEDH, arrêt du 24 mai 2016, Biao c. Danemark [GC], précité, §§ 91 et 103). 23. Il résulte des paragraphes 9 à 14 que, quel que soit son sexe ou son orientation sexuelle, un allocataire ayant eu recours à une convention de gestation pour le compte d'autrui ne peut prétendre au bénéfice de la prime à la naissance. 24. La différence de traitement au détriment de l'allocataire dont l'enfant est né dans le cadre d'une convention de gestation pour le compte autrui est justifiée par la prohibition des conventions portant sur la gestation pour le compte d'autrui, telle qu'édictée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil, qui poursuit un objectif légitime de protection de la santé et de protection des droits et libertés des enfants et de la mère porteuse. Cette différence de traitement répond, donc, à une justification objective et raisonnable, en lien avec l'objet de la prime à la naissance, qui poursuit un but sanitaire de préservation de la santé de la mère et de l'enfant. Etant proportionnée à l'objectif ainsi poursuivi, elle n'est pas en tant que telle contraire aux articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1 à ladite Convention. 25. Il n'est, en outre, apporté aucun commencement de preuve que les couples homosexuels auraient davantage recours à la gestation pour le compte d'autrui que les couples hétérosexuels, de sorte que le grief tiré d'une discrimination indirecte à raison de l'orientation sexuelle ne peut être accueilli. 26. Par ces motifs de pur droit, partiellement substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, le jugement, qui retient que l'allocataire ne remplissait pas les conditions d'attribution de la prime à la naissance, se trouve légalement justifié. Sur le moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 27. L'allocataire fait le même grief au jugement, alors « que subsidiairement, une instruction technique de la Caisse nationale d'allocations familiales est dépourvue de valeur normative ; qu'en l'espèce, le tribunal s'est fondé, pour débouter M. [Z] de ses demandes, sur l'instruction technique n° 46 du 7 avril 2021 de la Caisse nationale d'allocations familiales ; qu'en statuant ainsi, le tribunal s'est prononcé par des motifs impropres à justifier légalement sa décision, violant les articles L. 512-1, L. 513-1, L. 531-2 et R. 531-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 28. Le moyen qui critique un motif devenu surabondant est inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [Z], époux [L], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048550386
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 novembre 2023, 22-14.594, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
32300774
Cassation
22-14594
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-02-10
Cour d'appel de Paris
Mme Teiller
SCP Bénabent, Me Brouchot
ECLI:FR:CCASS:2023:C300774
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 774 FS-B Pourvoi n° T 22-14.594 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La société Simple, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 22-14.594 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société 81, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Simple, de Me Brouchot, avocat de la société 81, et l'avis de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Mme Morel-Goujard, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 2022) et les productions, le 15 janvier 2019, la société civile immobilière 81 (la bailleresse) a renouvelé un bail commercial consenti à la société Simple (la locataire), et portant sur des locaux à usage de restauration, salon de thé et accessoirement vente à emporter. 2. En raison de la crise sanitaire liée au virus covid-19 et des mesures gouvernementales interdisant la réception du public dans les restaurants, la locataire a, le 29 avril 2020, avisé la bailleresse de la suspension du paiement du loyer du deuxième trimestre 2020. 3. Une ordonnance de référé du 20 janvier 2021 a constaté l'acquisition, au 19 novembre 2020, de la clause résolutoire insérée au bail et a condamné la locataire au paiement d'une certaine somme à titre de provision à valoir sur l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation, y compris le quatrième trimestre 2020. 4. En exécution de cette décision, la bailleresse a, le 23 février 2021, fait dresser un procès-verbal de reprise des locaux loués puis, le 12 mars 2021, a procédé à la saisie-attribution d'un compte bancaire ouvert au nom de la locataire. 5. Le 16 mars 2021, la locataire a assigné la bailleresse en annulation du procès-verbal de reprise des locaux loués et mainlevée de la saisie-attribution. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'en application de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des textes relatifs à la crise sanitaire, les personnes morales de droit privé exerçant une activité économique ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée ; que ces dispositions s'appliquent aux périodes de retard ou non-paiement des loyers et charges locatives antérieures au 17 octobre 2020, dès lors que l'activité de la personne morale était affectée par les mesures de police administrative précitées ; qu'en l'espèce, la société Simple faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que "l'autorisation de réouverture en salle à compter du 22 juin 2020 était subordonnée à la capacité, notamment pour les restaurateurs, de pouvoir respecter les mesures barrières imposées, et plus précisément la distanciation sociale (minimum de 2 mètres entre chaque table). Compte-tenu des caractéristiques et de la surface de son local d'exploitation, l'appelante ne pouvait en aucun cas satisfaire à ces obligations, ce qui la contraignit à rester purement et simplement fermée au-delà de cette date" ; qu'il résultait nécessairement de ces écritures que l'activité de la société Simple avait été affectée par les mesures de police administrative durant les 2ème et 3ème trimestres 2020, en raison de la configuration des locaux qui l'avait contrainte à garder le restaurant fermé postérieurement au 22 juin 2020, de sorte qu'elle devait bénéficier des dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 ; qu'en retenant au contraire que "si l'exploitation des bars, restaurants et débits de boissons s'est trouvée interrompue à dater de l'arrêté du 14 mars 2020, le décret du 31 mai 2020 a autorisé les établissements accueillant du public à reprendre leur activité sous certaines conditions qu'il appartenait à l'appelante de respecter", que "les loyers impayés qui ont motivé la résiliation du bail correspondaient à tous ceux de l'année 2020", de sorte qu'"une partie d'entre eux, à savoir ceux échus du mois d'août au mois d'octobre 2020, est devenue exigible alors même que l'activité de l'appelante n'était pas affectée par des mesures de police", la cour d'appel a violé l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020. » Réponse de la Cour Vu l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, l'article 1, I, 2°, de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020, l'article L. 3131-15, I, 5°, du code de la santé publique, l'article 40 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 et l'article 40 du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 : 7. Selon le premier de ces textes, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les personnes morales de droit privé satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus pour une période, même antérieure au 17 octobre 2020, au cours de laquelle leur activité économique est affectée par l'une des mesures de police précitée. 8. Selon les deuxième et troisième de ces textes, le Premier ministre peut, par décret, réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public. 9. Selon les deux derniers de ces textes, les établissements recevant du public de type N, restaurants et débits de boissons, ne peuvent accueillir du public qu'à la condition que les personnes accueillies aient une place assise, qu'une même table ne regroupe que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et qu'une distance minimale d'un mètre soit garantie entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique. 10. Pour rejeter les demandes de la locataire, l'arrêt retient que le décret du 31 mai 2020 a autorisé les établissements accueillant du public à reprendre leur activité sous certaines conditions qu'il appartenait à la locataire de respecter. 11. Il en déduit qu'une partie des loyers impayés, à savoir ceux échus du mois d'août au mois d'octobre 2020, est devenue exigible alors que l'activité de la locataire n'était pas affectée par des mesures de police, de sorte que la reprise des lieux loués et la saisie-attribution du 12 mars 2021 étaient régulières. 12. En statuant ainsi, alors que l'obligation d'accueillir les personnes à une place assise, de ne recevoir que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et de respecter une distance minimale d'un mètre entre les tables, sauf installation d'une paroi fixe ou amovible assurant une séparation physique, constituait une mesure de police réglementant les conditions d'accès et de présence du public, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société civile immobilière 81 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière 81 et la condamne à payer à la société Simple la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
BAIL COMMERCIAL - Bailleur - Garantie de paiement des loyers ou des charges locatives - Mesures conservatoires - Mise en oeuvre - Interdiction - Mesures de police administrative prises dans le cadre de la crise sanitaire - Domaine d'application - Conditions - Détermination - Portée
Selon l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les personnes morales de droit privé satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus pour une période, même antérieure au 17 octobre 2020, au cours de laquelle leur activité économique est affectée par l'une des mesures de police précitées. Comprenant les dispositions réglementant l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public, ces mesures de police incluent l'obligation, instituée par les articles 40 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 et 40 du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020, pour les établissements recevant du public de type N, restaurants et débits de boissons, de n'accueillir du public qu'à la condition que les personnes accueillies aient une place assise, qu'une même table ne regroupe que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et qu'une distance minimale d'un mètre soit garantie entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique. Dès lors, c'est à tort qu'une cour d'appel a retenu que les dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 n'étaient pas applicables à des impayés de loyers échus à une période pendant laquelle l'activité de restauration du locataire à bail commercial était affectée par les mesures susvisées
JURITEXT000048550395
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 novembre 2023, 21-22.539, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
32300775
Rejet
21-22539
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2021-07-01
Cour d'appel de Bourges
Mme Teiller
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
ECLI:FR:CCASS:2023:C300775
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 775 FS-B Pourvoi n° G 21-22.539 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [J] [I], veuve [R], domiciliée [Adresse 1], 2°/ Mme [L] [R], épouse [K], domiciliée [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° G 21-22.539 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile, baux ruraux), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [Z] [X], 2°/ à Mme [D] [W], épouse [X], domiciliés tous deux [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mmes [J] et [L] [R], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [X], et l'avis de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Goujard, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 1er juillet 2021), M. et Mme [X] sont preneurs de diverses parcelles à usage agricole appartenant à Mmes [J] et [L] [R]. 2. Reprochant à Mme [X] de ne pas leur avoir demandé la poursuite du bail à son seul nom alors que M. [X] aurait cessé de participer à l'exploitation du bien loué, Mmes [R] ont assigné les preneurs en résiliation du bail. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mmes [R] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en résiliation du bail rural, alors : « 1°/ que l'article L. 411-31, II, 1°, du code rural et de la pêche maritime permet au bailleur de demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 du même code ; que le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, qui doit s'entendre comme la cessation de sa participation à l'exploitation de façon effective et permanente, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l'article L. 411-35 ; qu'ayant constaté que les époux [X] avaient la qualité de copreneurs du bail litigieux, que M. [X] n'exploitait plus le bien loué depuis le 1er juin 2003, et que la formalité d'information du bailleur, prévue à l'article L. 411-35 du code rural, n'avait pas été respectée, la cour d'appel, qui a rejeté la demande de résiliation du bail aux motifs erronés que cet article n'exige pas une cessation de participation effective et permanente mais ne vise que la cessation de participation et que ce texte signifie simplement que seul le défaut de toute participation du copreneur à l'exploitation du bien loué impose au copreneur restant de solliciter l'autorisation du bailleur pour poursuivre le bail à son seul nom, a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; 2°/ que la cessation de la participation d'un copreneur à l'exploitation du bien loué s'entend, au sens de l'article L. 411-35 du code rural, de la cessation, par ce dernier, d'une participation effective et permanente à l'exploitation ; que les services que ce copreneur viendrait à rendre à son copreneur resté seul exploitant, ne peuvent constituer une participation effective et permanente à l'exploitation du bien loué, lesdits services procédant de l'exécution d'une convention d'entraide conclue entre agriculteurs, et non de l'exécution du bail ; qu'en considérant que M. [X], dont elle a constaté qu'il n'était plus exploitant des biens affermés depuis le 1er juin 2003, avait continué à participer à leur exploitation par le biais d'une entraide agricole avec son épouse, cotitulaire du bail restée seule exploitante des biens loués, au motif qu'une entraide entre les exploitations respectives des époux [X] peut suffire à constater une participation du mari à l'exploitation des terres affermées, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 411-35, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément par le bailleur, la cession peur être autorisée par le tribunal paritaire. 5. Selon l'article L. 411-35, alinéa 3, de ce code, issu de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. 6. Selon l'article L. 411-31, II, 1°, du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35. 7. La formalité prévue par le deuxième de ces textes a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l'article L. 411-35. 8. En effet, la cessation de la participation à l'exploitation du bien loué par l'un des copreneurs, qui y reste tenu, est de nature à faire obstacle à la cession du bail (3e Civ., 3 février 2010, pourvoi n° 09-11.528, Bull. 2010, III, n° 29). 9. Ce texte ne crée donc, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°. 10. Par conséquent, le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [J] et [L] [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [J] et [L] [R] et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [X] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
BAIL RURAL
L'article L. 411-35, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que lorsqu'un des copreneurs d'un bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom, ne créée, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°
JURITEXT000048550397
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 novembre 2023, 22-17.505, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
32300776
Rejet
22-17505
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-03-31
Cour d'appel de Versailles
Mme Teiller
SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Cabinet Briard, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix
ECLI:FR:CCASS:2023:C300776
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 776 FS-B Pourvoi n° H 22-17.505 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La société Noo Wok, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-17.505 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 6], 2°/ à la société HSBC Continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée HSBC France, 3°/ à la société du Val, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], 4°/ à M. [C] [O], 5°/ à Mme [U] [I], épouse [O], domiciliés tous deux [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Noo Wok, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la commune de [Localité 4], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société HSBC Continental Europe, et l'avis écrit de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Dumont, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 mars 2022), par jugement d'adjudication du 16 mai 2019, rendu sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société HSBC France, devenue la société HSBC Continental Europe, contre M. et Mme [O], propriétaires d'un local commercial donné à bail à la société Noo Wok (la locataire), le local loué a été adjugé à la société civile immobilière du Val (la SCI). 2. Le 29 mai 2019, la locataire a déclaré exercer son droit de « préemption » sur le local adjugé. 3. La commune de [Localité 4] ayant, le 6 juin 2019, déclaré exercer son droit de préemption urbain, la locataire a demandé au juge de l'exécution de juger irrégulière cette déclaration, intervenue postérieurement à la sienne, et d'être déclarée adjudicataire au lieu et place de la SCI. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à se voir déclarer adjudicataire du local commercial dont elle est locataire au lieu et place de la SCI et de la commune de [Localité 4], alors « que les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce instituant un droit de préemption au bénéfice du locataire d'un local commercial en cas de vente de ce local, sont d'ordre public et s'appliquent à toute cession d'un local commercial sans distinction ; que la vente sur adjudication du bien objet d'un bail commercial n'exclut pas le locataire de cette protection légale d'ordre public ; qu'en considérant en l'espèce que les dispositions de ce texte sont parfaitement "incompatibles avec la procédure de saisie-immobilière au cours de laquelle le propriétaire de l'immeuble saisi n'a pas la qualité de vendeur", et qu'elles ne s'appliquent pas en cas de vente judiciaire sur saisie, ni en cas de cession globale d'un immeuble dont fait partie le local pour refuser à la société No Wok, locataire de l'intégralité du bien saisi, l'exercice de son droit de préemption, la cour d'appel a méconnu les dispositions d'ordre public de l'article L. 145-46-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour 6. Les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, qui sont d'ordre public, trouvent application lorsque le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, et ne sont pas applicables aux ventes faites d'autorité de justice. 7. La cour d'appel a énoncé à bon droit que ces dispositions ne s'appliquent pas en cas de vente judiciaire sur saisie immobilière et en a exactement déduit que la locataire ne pouvait se prévaloir d'un droit de préférence sur le local adjugé. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Noo Wok aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
BAIL COMMERCIAL - Vente de la chose louée - Droit de préemption du preneur à bail - Domaine d'application - Détermination - Portée
BAIL COMMERCIAL - Vente de la chose louée - Droit de préemption du preneur à bail - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Ventes faites d'autorité de justice
Les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce relatives au droit de préférence du locataire à bail commercial, qui sont d'ordre public, trouvent application lorsque le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, et ne sont pas applicables aux ventes faites d'autorité de justice
JURITEXT000048550402
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 novembre 2023, 22-21.579, Publié au bulletin
2023-11-30 00:00:00
Cour de cassation
32300777
Rejet
22-21579
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-07-06
Cour d'appel de Versailles
Mme Teiller
SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:C300777
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 777 FS-B Pourvoi n° K 22-21.579 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 Le syndicat secondaire du bâtiment A de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 8], représenté par son syndic la société Immo de France Paris Ile-de-France, domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° K 22-21.579 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (4ème chambre, 2ème section), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [Z] [D], domiciliée [Adresse 7], 2°/ à Mme [K] [V], épouse [N], domiciliée [Adresse 5], 3°/ à Mme [I] [O], 4°/ à M. [L] [M], 5°/ à Mme [G] [E], veuve [B], 6°/ à Mme [T] [R], divorcée [II], domiciliés tous quatre [Adresse 2], 7°/ à Mme [H] [C], domiciliée [Adresse 4], 8°/ à Mme [A] [U], veuve [X], domiciliée [Adresse 3], 9°/ à M. [W] [P], 10°/ à Mme [F] [Y], 11°/ à Mme [J] [S], 12°/ à Mme [OJ] [UL], domiciliés tous quatre [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du syndicat secondaire du bâtiment A de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 8], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [D], [V], [O], de M. [M] et de Mmes [E], [R], [U], [Y], [S], [UL], et l'avis écrit de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Dumont, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 juillet 2022), le 17 décembre 2015, l'assemblée générale spéciale des copropriétaires du bâtiment A de l'immeuble, situé [Adresse 2] à [Localité 8] et soumis au statut de la copropriété, a décidé la création d'un syndicat secondaire du bâtiment A (le syndicat secondaire). 2. Mmes [D], [V], [O], [E], [R], [U], [Y], [S] et [UL] et M. [M], copropriétaires du bâtiment A (les copropriétaires), ont assigné le syndicat secondaire en annulation de l'assemblée générale spéciale. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le syndicat secondaire fait grief à l'arrêt d'annuler l'assemblée générale spéciale du bâtiment A du 17 décembre 2015 et de dire que le syndicat secondaire sera en conséquence supprimé, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la constitution ou la suppression d'un syndicat secondaire intéressant directement l'organisation et le fonctionnement de la copropriété, il ne peut être statué sur un litige portant sur l'annulation de l'assemblée spéciale ayant décidé de la création du syndicat secondaire, sans que le syndicat principal des copropriétaires ait été appelé en la cause ; qu'ayant prononcé l'annulation de l'assemblée du 17 décembre 2015 et dit que le syndicat secondaire serait supprimé, sans que le syndicat principal des copropriétaires ait été appelé en la cause, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article 14 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 27 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 que les copropriétaires des lots concernés par le syndicat secondaire décident seuls de la constitution de celui-ci dans le cadre d'une assemblée générale spéciale à laquelle le syndicat principal n'est pas convoqué. 6. Dès lors, l'instance, qui a pour objet l'annulation d'une telle assemblée et la suppression consécutive d'un syndicat secondaire qui y a été créé, a pour finalité de juger, au sens de l'article 14 du code de procédure civile, ce seul syndicat secondaire. 7. En conséquence, le syndicat principal n'a pas à y être entendu ou appelé. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le syndicat secondaire du bâtiment A de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 8] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat secondaire du bâtiment A de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 8] et le condamne à payer à Mmes [D], [V], [O], [E], [R], [U], [Y], [S], [UL] et M. [M] à la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.
COPROPRIETE - Syndicat des copropriétaires - Syndicat secondaire - Constitution - Assemblée spéciale des seuls copropriétaires concernés - Convocation du syndicat principal (non)
COPROPRIETE - Syndicat des copropriétaires - Syndicat secondaire - Constitution - Assemblée spéciale des seuls copropriétaires concernés - Action en nullité - Droits de la défense - Partie ni appelée en cause ni entendue - Syndicat principal - Portée
Il résulte de l'article 27 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 que les copropriétaires des lots concernés par un syndicat secondaire décident seuls de sa constitution dans le cadre d'une assemblée générale spéciale à laquelle le syndicat principal n'est pas convoqué. Dès lors, l'instance qui a pour objet l'annulation d'une telle assemblée et la suppression consécutive du syndicat secondaire qui y a été créé a pour finalité de juger, au sens de l'article 14 du code de procédure civile, ce seul syndicat secondaire, et le syndicat principal n'a pas à y être entendu ou appelé
JURITEXT000048550490
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-19.285, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
12300647
Cassation
22-19285
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-05-10
Cour d'appel de Toulouse
Mme Champalaune
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:C100647
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 647 FS-B Pourvoi n° S 22-19.285 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 La société Opti'Cotis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-19.285 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2022 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [I] [C], domicilié [Adresse 2], 2°/ au Conseil national des barreaux (CNB), dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Opti'Cotis, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Conseil national des barreaux, et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 mai 2022), le 15 juillet 2010, M. [C], avocat inscrit au barreau de Toulouse (l'avocat) a conclu avec la société Opti'Cotis (la société) une convention de prestations juridiques. 2. Le 19 mars 2019, la société, soutenant que l'avocat avait commis un détournement de clientèle et une rétention de dossiers, a déposé plainte pour abus de confiance. Le 24 septembre 2019, la convention a été résiliée à l'initiative de l'avocat. 3. Par ordonnance du 8 octobre 2020, le président d'un tribunal judiciaire, saisi d'une requête de la société sur le fondement des articles 145, 845 et 846 du code de procédure civile, a désigné un huissier de justice, avec mission de se rendre au cabinet professionnel de l'avocat et de procéder, avec l'aide éventuelle d'un expert informatique, notamment, à la recherche de documents et correspondances de nature à établir les faits litigieux, les copies réalisées devant être séquestrées entre les mains de l'huissier de justice. L'ordonnance a été exécutée le 13 novembre 2020. 4. Le 20 novembre 2020, l'avocat a assigné la société en rétractation de cette ordonnance, opposant le secret professionnel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 8 octobre 2020, de prononcer la nullité du procès-verbal du 13 novembre 2020 et de restituer les pièces appréhendées, alors « qu'il incombe au juge saisi d'une demande de mesure d'instruction in futurum de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence ; qu'en rétractant l'ordonnance ayant fait droit à la mesure d'investigation sollicitée par la société Opti'Cotis au prétexte qu'elle n'était pas légalement admissible puisqu'elle portait sur des pièces couvertes par le secret professionnel des avocats, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la mesure était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la requérante et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 145 du code de procédure civile, de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. L'avocat conteste la recevabilité du moyen comme étant contraire aux conclusions d'appel de la société et comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit. 8. Cependant, dans ses écritures d'appel, la société soutenait que le juge doit vérifier que la mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile est nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et qu'elle doit être proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. 9. Le moyen, qui n'est ni contraire, ni nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 145 du code de procédure civile, 66-5, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats : 10. Le droit à un procès équitable, garanti par le premier de ces textes, implique que chaque partie à l'instance soit en mesure d'apporter la preuve des éléments nécessaires au succès de ses prétentions. 11. Aux termes du deuxième de ces textes, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Constituent des mesures légalement admissibles, au sens de ce texte, des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. 12. Si, selon le troisième de ces textes, le secret professionnel couvre en toutes matières, dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier, il est institué dans l'intérêt du client ayant droit au respect du secret des informations le concernant et non dans celui de l'avocat. 13. En application du quatrième de ces textes, l'avocat ne peut commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel, à moins qu'il n'assure sa propre défense devant une juridiction. 14. Il s'en déduit que le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l'avocat, sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en oeuvre avec des garanties adéquates. 15. Pour rétracter l'ordonnance sur requête, l'arrêt retient qu'aucun texte n'autorise la consultation ou la saisie des documents détenus par un avocat au sein de son cabinet en dehors de la procédure prévue à l'article 56-1 du code de procédure pénale et que le juge a autorisé des mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile qui ne sont pas légalement admissibles en ce qu'elles portent atteinte au secret professionnel des avocats. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du Conseil national des barreaux, l'arrêt rendu le 10 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
AVOCAT
JURITEXT000048550492
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-15.558, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
12300648
Rejet
22-15558
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-03-10
Cour d'appel de Paris
Mme Champalaune
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy
ECLI:FR:CCASS:2023:C100648
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 648 FS-B Pourvoi n° R 22-15.558 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [U] [Z] [P] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-15.558 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4], 2°/ au bâtonnier de la Seine-Saint-Denis, domicilié [Adresse 1], 3°/ au conseil de l'ordre des avocats au barreau de la Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P] [S], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [P] [S] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2022), M. [P] [S], de nationalité béninoise, a obtenu au cours de l'année universitaire 2007-2008 un master en droit de l'entreprise, délivré par l'université de [3]. Il occupe depuis 2008, à titre bénévole, les fonctions de juriste au sein d'une organisation syndicale. 3. Par décision du 4 novembre 2020, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis a accepté sa demande d'inscription au tableau de ce barreau, sur le fondement de l'article 98, 5°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 permettant aux juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité d'une organisation syndicale de bénéficier d'un accès dérogatoire à la profession d'avocat, sous réserve de satisfaire à l'examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu à l'article 98-1 et de disposer d'un domicile professionnel. 4. Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [P] [S] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'inscription au tableau des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis, alors « qu'il résulte de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), directement applicable dans l'ordre juridique interne nonobstant toute disposition contraire ou incompatible, que les ressortissants des pays signataires ont la faculté d'accéder dans un autre Etat signataire aux activités de commerce de services soumises à des conditions de diplôme ou d'expérience dans les mêmes conditions que celles posées aux nationaux ; qu'entre les Etats signataires de l'AGCS la condition de réciprocité dans l'accès à la profession d'avocat est réputée acquise et n'appelle aucune justification ou vérification particulière, y compris lorsque le candidat n'exerce pas déjà cette profession dans son pays d'origine ; qu'en retenant que, de nationalité béninoise, l'exposant, qui sollicitait son inscription au barreau, ne pouvait bénéficier de la réciprocité prévue par l'AGCS dès lors qu'il n'était pas avocat au Bénin, la cour d'appel a violé l'article VII de l'Accord général sur le commerce des services, ensemble l'article 11, 1°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. » Réponse de la Cour 6. L'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques détermine les conditions d'accès à la profession d'avocat en France et dispose, en son 1°, que le candidat doit être français, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'Accord sur l'Espace économique européen, ou ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France, sous réserve des décisions du Conseil de l'Union européenne relatives à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d'apatride reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. 7. La Cour de cassation a jugé que, entre les Etats signataires de l'accord général sur le commerce de services (l'AGCS), directement applicable dans l'ordre juridique interne nonobstant toute disposition contraire ou incompatible, la condition de réciprocité, réputée acquise, n'appelle aucune justification ou vérification particulière (1re Civ., 22 novembre 2007, pourvoi n° 05-19.128, Bull. 2007, I, n° 362). 8. Néanmoins, la CJUE a retenu que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles elle contrôle la légalité des actes des Institutions communautaires et que ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté européenne a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC, ou dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC, qu'il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC, relevant que cette interprétation était conforme à l'énoncé du dernier considérant du préambule de la décision 94/800 du Conseil du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay, aux termes duquel, « par sa nature, l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, y compris ses annexes, n'est pas susceptible d'être invoqué directement devant les juridictions communautaires et des États membres » (CJCE, arrêt du 23 novembre 1999, Portugal c. Conseil, C-149/96 ; CJCE, arrêt du 30 septembre 2003, Biret International SA, C-93/02 ; CJCE, arrêt du 1er mars 2005, Léon Van Parys, C-377/02 ; CJUE, arrêt du 18 décembre 2014, LVP NV c. Belgische Staat, C-306/13). 9. Il y a donc lieu de juger désormais que l'article VII de l'AGCS, qui fait partie des accords OMC, ne peut être invoqué directement devant les juridictions nationales, de sorte que le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'Accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription au barreau fondée sur l'article 11, 1°, de la loi du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 est remplie. 15. Le moyen, fondé sur l'application directe dans l'ordre juridique interne de l'AGCS, est donc inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] [S] ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
AVOCAT
L'article VII de l'Accord général sur le commerce de services, qui fait partie des Accords de l'Organisation mondiale du commerce, ne peut être invoqué directement devant les juridictions nationales, de sorte que le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription au barreau fondée sur l'article 11, 1°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 est remplie.
JURITEXT000048550494
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-10.786, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
12300652
Cassation sans renvoi
22-10786
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-11-18
Cour d'appel de Bordeaux
Mme Champalaune
SARL Cabinet Rousseau et Tapie
ECLI:FR:CCASS:2023:C100652
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 652 F-B Pourvoi n° D 22-10.786 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [R]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 30 décembre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [O] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-10.786 contre l'ordonnance rendue le 18 novembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ au centre hospitalier spécialisé de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la préfecture de la Gironde, dont le siège est [Adresse 7], 3°/ à l'Association de tutelle et d'intégration de Nouvelle Aquitaine (ATINA), dont le siège est [Adresse 4], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, mandataire de M. [R], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [R], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 18 novembre 2021), le 27 septembre 2021, M. [R] a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier [6] de [Localité 3], par décision du représentant de l'Etat dans le département, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. 2. Par requête du 3 novembre 2021, M. [R] a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure. Examen du moyen Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. M. [R] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande, alors « que les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée ne comporte aucune mention permettant de déterminer si les débats ont eu lieu en audience publique ou non publique ; qu'en statuant par une décision ne portant aucune mention permettant de s'assurer que les règles de publication des débats ont été respectées, le premier président a méconnu les articles 22 et 433 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 22 et 433 du code de procédure civile et l'article L. 3211-12-2 du code de la santé publique : 4. Selon ces textes, le juge statue publiquement s'il n'a pas décidé que les débats ont lieu ou se poursuivent en chambre du conseil. 5. L'ordonnance se prononce sur la mesure d'hospitalisation complète de M. [R], sans qu'il ressorte ni des énonciations de l'ordonnance ni des pièces de la procédure que les règles de publicité des débats ont été respectées. 6. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposées ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
SANTE PUBLIQUE
JURITEXT000048550496
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-19.372, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
12300661
Cassation sans renvoi
22-19372
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-05-31
Cour d'appel de Bordeaux
Mme Champalaune
SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:C100661
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 661 F-D Pourvoi n° M 22-19.372 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [I] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-19.372 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [D] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [T], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mai 2022), M. [T] et M. [O], avocats associés de la société civile professionnelle [O]-[T], ont constitué la société civile immobilière 2ADI (la SCI), ayant pour objet l'acquisition et l'entretien d'un immeuble dont le siège est situé à [Localité 3], afin de disposer d'un local professionnel pour exercer leur activité d'avocats. 2. Les deux associés se sont séparés et, le 18 janvier 2016, ils ont signé, sous l'égide du bâtonnier, un accord réglant les difficultés de la séparation des deux avocats et celles ayant trait à la vie sociale de la SCI et à l'immeuble dont elle est propriétaire. Ce protocole prévoyait notamment que « Tous différends relatifs à l'interprétation et/ou à l'exécution des présentes seront soumis au bâtonnier du barreau de Bordeaux conformément aux dispositions des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. » 3. Par requête du 20 octobre 2021, après l'échec d'une tentative de conciliation, M. [T] a demandé au bâtonnier la dissolution de la SCI sur le fondement de l'article 1844-7, 5°, du code civil. 4. Le 6 décembre 2021, le bâtonnier s'est déclaré compétent pour statuer sur la requête. Un recours a été formé par M. [O] Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. [T] fait grief à l'arrêt de juger que le bâtonnier est incompétent pour statuer sur sa demande de dissolution de la SCI et de le renvoyer à se pourvoir devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, alors « que si l'article 1844-7, 5°, du code civil décide que la société prend fin "par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour juste motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société", ce texte se borne à subordonner la dissolution anticipée à l'intervention d'une décision émanant d'une instance juridictionnelle et revêtue de l'autorité de chose jugée ; qu'il n'édicte aucune règle de compétence destinée à identifier celle des différentes autorités qui, dotées de pouvoirs juridictionnels, serait apte à se prononcer sur la dissolution anticipée de la société ; qu'en se fondant néanmoins sur ce texte pour juger que le bâtonnier ne pouvait connaître d'une demande de dissolution, ni sur le fondement des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ni même sur celui de la clause compromissoire insérée au protocole d'accord du 18 janvier 2016, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 5°, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1844-7, 5°, et 2061, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, du code civil et l'article 21, alinéas 3 et 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 : 6. Selon le premier de ces textes, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. 7. Selon le deuxième de ces textes, tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier, qui exerce alors un pouvoir juridictionnel en rendant une décision qui peut être déférée à la cour d'appel par l'une des parties. 8. Aux termes du troisième, sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle. 9. Il s'en déduit que l'article 1844-7, 5°, du code civil n'exclut la compétence du bâtonnier pour prononcer la dissolution d'une société civile ni sur le fondement de l'article 21 de la loi du 31 mai 1971 ni sur le fondement d'une clause compromissoire répondant aux conditions de l'article 2061 du code civil et ne comportant aucune renonciation ou restriction au droit de demander la dissolution de la société. 10. Pour juger que le bâtonnier est incompétent pour statuer sur la demande de dissolution de la SCI et renvoyer M. [T] à se pourvoir devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, l'arrêt retient que l'article 1844-7, 5°, du code civil attribue compétence exclusive au juge pour statuer sur une demande de dissolution de société civile qui ne peut ainsi être soumise à l'arbitrage du bâtonnier, que ce soit dans le cadre d'un différend entre avocats, en application des dispositions des articles 179-1 et suivants du décret du 22 novembre 1991, ou par l'effet d'une clause compromissoire que l'article 2061 du code civil, dans sa version applicable au litige, antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ne valide dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle, que sous réserves des dispositions législatives particulières. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. La SCI ayant été créée par M. [T] et M. [O] pour acquérir et entretenir un immeuble afin de disposer d'un local professionnel pour exercer leur activité d'avocat, le désaccord qui les oppose au sujet de cette société constitue un différend survenu à l'occasion de leur exercice professionnel au sens de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dont le protocole conclu entre les parties ne fait que reprendre les termes. Par conséquent, le bâtonnier est compétent pour statuer sur la demande de dissolution de la SCI formée par M. [T]. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que le bâtonnier de Bordeaux est compétent et renvoie l'affaire devant lui ; Condamne M. [O] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [O] à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
SOCIETE CIVILE
JURITEXT000048550562
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 décembre 2023, 22-18.665, Publié au bulletin
2023-12-07 00:00:00
Cour de cassation
32300792
Rejet
22-18665
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-05-19
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Teiller
SCP Bénabent, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:C300792
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 792 FS-B Pourvoi n° T 22-18.665 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2023 M. [V] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-18.665 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [A] [G], domicilié [Adresse 12], 2°/ à M. [U] [O], domicilié [Adresse 7], 3°/ à M. [Y] [R], domicilié [Adresse 8], 4°/ à M. [P] [T], 5°/ à Mme [T], domiciliés tous deux [Adresse 9], 6°/ à Mme [Z] [W], domiciliée [Adresse 4] (États-Unis), 7°/ à M. [C] [S], domicilié [Adresse 10], 8°/ à M. [N] [X], domicilié [Adresse 13] (Suisse), 9°/ à l'association Castellaras charges particulières, dont le siège est [Adresse 3], 10°/ à la société Le Château de Castellaras, société civile immobilière, dont le siège est Château de Castellaras, [Localité 1], prise en la personne de son administrateur provisoire, M. [H] [M], 11°/ à la société Castellaras perennial, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [G], [O] et [R], M. et Mme [T], Mme [W], MM. [S], [X], de l'association Castellaras charges particulières et de la société Castellaras perennial, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mai 2022), une résidence comportant une centaine de maisons d'habitation, dénommée « [Adresse 6] », a été édifiée en 1958 autour du château de Castellaras et de ses dépendances. En 1964, un nouvel ensemble d'habitations a été créé, constituant « [Adresse 5] ». 2. La société civile immobilière Le Château de Castellaras (la SCI), constituée en 1959 pour une durée de soixante ans, est propriétaire du château et de ses dépendances. 3. M. [L] détient environ 30 % des 459 parts sociales de la SCI, dont 123 parts ayant appartenu à la société Compton Trading International Ltd, acquises en cours d'instance. Les autres parts appartiennent pour l'essentiel à la société Castellaras perennial qui réunit les copropriétaires du domaine de [Adresse 6], et à des copropriétaires de [Adresse 5]. 4. Une assemblée générale des associés s'est réunie le 28 juillet 2016, lors de laquelle la résolution proposant la prorogation pour quatre-vingt-dix-neuf ans de la SCI a été rejetée. 5. La société Castellaras perennial, MM. [G], [O], [R], [S] et [X], M. et Mme [T], Mme [W], ainsi que l'association Castellaras charges particulières, tous associés de la SCI, ont assigné M. [L] et la société Compton Trading International Ltd, afin que soit constaté un abus de minorité de leur part et que soit désigné un mandataire ad hoc pour voter en leur lieu et place lors de toute nouvelle assemblée générale convoquée pour proroger le terme de la société. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. M. [L] fait grief à l'arrêt de retenir que son refus et celui de la société Compton Trading International Ltd, lors de l'assemblée générale du 28 juillet 2016, de proroger le terme de la société, constitue un abus de minorité, alors : « 1°/ que nul ne peut exiger le renouvellement d'un contrat à durée déterminée de sorte que le refus de proroger un contrat arrivé à son terme ne saurait être abusif ; que cette règle générale du droit des contrats s'applique au contrat de société ; qu'en appliquant les critères traditionnels de l'abus de minorité sans prendre en compte la spécificité de la délibération soumise à l'assemblée qui portait sur le renouvellement du contrat de société, pour en déduire qu'en l'espèce le vote contre la prorogation de la société constituait un abus de minorité, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1844-7 du code civil ; 2°/ que, subsidiairement, l'abus de minorité suppose que soit caractérisée une attitude qui, tout à la fois, est contraire à l'intérêt général de la société, en ce qu'elle interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et est motivée, de la part du minoritaire, par l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ; qu'en retenant pour caractériser la seconde condition que « le choix de M. [L] n'est pas motivé par la nécessité de mettre fin à une société affectée de dysfonctionnements, mais uniquement par un intérêt spéculatif fondé sur la dissolution escomptée de la société », alors que ce choix ne créait aucune rupture d'égalité entre les associés, au détriment des autres associés de la SCI le Château de Castellaras, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil ; 3°/ que, subsidiairement, l'abus de minorité suppose que soit caractérisée une attitude qui, tout à la fois, est contraire à l'intérêt général de la société, en ce qu'elle empêche la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et est motivée, de la part du minoritaire, par l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ; qu'en jugeant que M. [L] et la société Compton Trading International Ltd avaient commis un abus de minorité, sans démontrer en quoi la société Compton Trading International Ltd, seul associé à posséder la minorité de blocage, avait agi dans l'unique dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux des autres associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil ; 4°/ que subsidiairement, l'abus de minorité suppose que le minoritaire ait agi contre l'intérêt général de la société en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci ; que le fait de proroger une société dont l'activité est structurellement déficitaire conduit à obérer son patrimoine et constitue une opération qui loin d'être essentielle est contraire à son intérêt général ; qu'en retenant que le refus de M. [L] de voter une telle prorogation était contraire à l'intérêt général de la société au motif que « compte tenu de l'objet et de la spécificité de la SCI Le Château Castellaras, soit la mise à disposition des lieux en priorité aux associés, il est de son intérêt général que son terme soit prorogé », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil ; 5°/ qu'en tout état de cause, l'abus de minorité suppose que le minoritaire ait agi contre l'intérêt général de la société en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci ; que l'opération n'est pas essentielle à partir du moment où d'autres alternatives, moins contraignantes pour les minoritaires, permettent d'assurer la pérennité de la société ; que l'exposante faisait valoir dans ses écritures que son opposition à la prorogation ne tenait pas tant au principe de la prorogation qu'à la durée de 99 ans qui avait été retenue et qu'il était tout à fait possible de « sauver » la société tout en prévoyant une durée de prorogation plus courte ; qu'en retenant néanmoins que M. [L] et la société Compton Trading International avaient commis un abus de minorité en votant contre cette décision consistant à proroger la société SCI château de Castellaras pour une durée de 99 ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, la cour d'appel a exactement retenu que le refus de prorogation du terme de la société était susceptible de constituer un abus de minorité, lorsque le vote de l'associé minoritaire était contraire à l'intérêt général de la société et avait pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l'ensemble des autres associés. 8. En deuxième lieu, par motifs propres et adoptés, elle a caractérisé la rupture dans la recherche de l'intérêt commun, en retenant que M. [L], qui depuis des années refusait de payer sa quote-part de charges, avait cherché à obtenir par son vote ce à quoi il n'était pas parvenu en plusieurs années de conflit judiciaire, à savoir une gestion plus profitable financièrement à laquelle s'opposaient les autres associés, et que, loin d'exercer son droit de retrait, il avait au contraire acquis des parts sociales, ce dont elle a souverainement déduit que son choix était motivé uniquement par un intérêt spéculatif fondé sur la dissolution escomptée de la société. 9. En troisième lieu, la cour d'appel a retenu l'existence de liens étroits entre M. [L] et la société Compton Trading International Ltd, après avoir relevé que lorsqu'avait été prononcée sa faillite personnelle en 2005, il lui avait cédé 123 parts à faible prix, avant de les racheter au même prix en 2018, en cours de procédure, ce dont elle a souverainement déduit que M. [L] avait été suivi dans son vote contre la prorogation de la SCI par la société Compton Trading International Ltd, dans l'unique dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux des autres associés, faisant ressortir la communauté d'intérêt entre l'un et l'autre. 10. En outre, après avoir rappelé que la SCI avait été créée afin que ses associés profitent de façon préférentielle et protégée du site exceptionnel que constituent le château et ses dépendances, non en vue de dégager des bénéfices, et que, d'ailleurs, des appels de fonds prévus aux statuts étaient adressés tous les ans aux associés afin de couvrir les frais d'entretien, la cour d'appel a pu retenir que, compte tenu de sa spécificité et de son objet tenant à la mise à disposition des lieux en priorité aux associés, il était de son intérêt général que son terme soit prorogé. 11. Enfin, ayant retenu que M. [L] avait refusé la prorogation, dans le but d'obtenir la dissolution de la société et de percevoir un boni de liquidation, elle a nécessairement écarté l'argumentation selon laquelle il aurait pu admettre une durée de prorogation plus courte que celle de quatre-vingt-dix-neuf ans. 12. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à MM. [G], [O], [R], [S], [X], M. et Mme [T] et Mme [W], l'association Castellaras charges particulières et la société Castellaras perennial la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-trois.
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE
Le refus de prorogation du terme de la société est susceptible de constituer un abus de minorité, lorsque le vote de l'associé minoritaire est contraire à l'intérêt général de la société et a pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l'ensemble des autres associés
JURITEXT000048550564
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 décembre 2023, 22-21.409, Publié au bulletin
2023-12-07 00:00:00
Cour de cassation
32300793
Rejet
22-21409
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-24
Cour d'appel de Rennes
Mme Teiller
SAS Buk Lament-Robillot, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:C300793
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 793 FS-B Pourvoi n° A 22-21.409 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2023 1°/ Mme [K] [L], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], 2°/ Mme [S] [F], domiciliée [Adresse 4], 3°/ Mme [W] [F], épouse [J], domiciliée [Adresse 6], 4°/ M. [Z] [F], domicilié [Adresse 7], 5°/ M. [U] [F], domicilié [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° A 22-21.409 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Rennes (chambre de l'expropriation), dans le litige les opposant : 1°/ à la commune de [Localité 8], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 5], 2°/ à la société Frédéric Blanc MJO, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en sa qualité de liquidateur de [R] [F], décédé, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [L], de Mmes [S] et [W] [F] et de MM. [Z] et [U] [F], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 8], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 juin 2022), la commune de [Localité 8] (la commune) a poursuivi l'expropriation de plusieurs parcelles ayant appartenu à [R] [F], décédé en 2008. 2. Le 9 octobre 2018, elle a notifié une offre d'indemnisation à Mmes [K] [L], [S] et [W] [F], et MM. [Z] et [U] [F] (les consorts [F]), pris en qualité d'héritiers de [R] [F], dont les opérations de succession étaient toujours en cours, puis, en l'absence d'accord sur cette offre, elle a saisi le juge de l'expropriation, le 24 janvier 2019, en fixation des indemnités de dépossession. 3. Le 25 janvier 2019, la commune a adressé une copie du mémoire de saisine de la juridiction à la société Frédéric Blanc MJO, en sa qualité de liquidateur de [R] [F], dont la liquidation judiciaire avait été ouverte en 1992. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir, alors : « 1°/ que lorsque l'expropriant n'a pas, avant de saisir le juge de l'expropriation pour qu'il fixe le montant des indemnités d'expropriation, notifié son offre d'indemnisation au liquidateur judiciaire représentant l'exproprié décédé, qui était pourtant le seul à avoir la qualité pour accepter cette offre, la saisine du juge est irrégulière de sorte que toute personne qui est partie à la procédure et qui y a intérêt est recevable à soulever cette fin de non-recevoir ; qu'en énonçant, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [F], que si c'était à juste titre que ces derniers prétendaient que l'offre d'indemnisation aurait dû être notifiée au liquidateur, celui-ci ayant seul qualité pour accepter ou non l'offre de l'expropriant portant sur les biens dépendant de la liquidation judiciaire et obtenir l'indemnisation, la fin de non-recevoir qui en résultait, laquelle n'était pas d'ordre public, ne pouvait être invoquée que par celui auquel elle portait préjudice, c'est-à-dire le liquidateur et qu'il convenait de relever, d'une part, que la situation avait été régularisée tant en première instance qu'en appel, et que d'autre part, la Selarl Frédéric Blanc Mjo ès qualités ne soulevait pas l'irrecevabilité de la procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 311-4, R. 311-4, R. 311-5 et R. 311-9 du code de l'expropriation ; 2°/ que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de notification des offres de l'expropriant au liquidateur judiciaire représentant l'exproprié décédé, préalablement à la saisine du juge de l'expropriation, n'est pas régularisable ; qu'en énonçant, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [F], que si c'était à juste titre que ces derniers prétendaient que l'offre d'indemnisation aurait dû être notifiée au liquidateur, celui-ci ayant seul qualité pour accepter ou non l'offre de l'expropriant portant sur les biens dépendant de la liquidation judiciaire et obtenir l'indemnisation, la fin de non-recevoir qui en résultait, laquelle n'était pas d'ordre public, ne pouvait être invoquée que par celui auquel elle portait préjudice, c'est-à-dire le liquidateur et qu'il convenait de relever, d'une part, que la situation avait été régularisée tant en première instance qu'en appel, et que d'autre part, la Selarl Frédéric Blanc MJO ès qualités ne soulevait pas l'irrecevabilité de la procédure, la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 311-4, R. 311-4, R. 311-5 et R. 311-9 du code de l'expropriation. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a relevé qu'un mois au moins avant la saisine du juge de l'expropriation, l'offre d'indemnisation prévue par l'article L. 311-4 du code de l'expropriation aurait dû être notifiée par l'expropriant au liquidateur, qui avait seul qualité pour l'accepter et recevoir l'indemnisation. 7.Ayant constaté que le liquidateur, attrait dans la cause, n'avait pas soulevé la fin de non-recevoir tirée du défaut de notification préalable de cette offre à son profit, laquelle n'est pas d'ordre public, elle en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [F] devait être écartée. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [K] [L], [S] et [W] [F] et MM. [Z] et [U] [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-trois.
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE
Seul le liquidateur judiciaire, attrait dans la cause, a qualité pour soulever la fin de non-recevoir tirée du défaut de notification, à son profit, de l'offre d'indemnisation préalable à la saisine du juge de l'expropriation
JURITEXT000048389674
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.750, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
42300723
Rejet
22-13750
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-01-20
Cour d'appel de Pau
M. Vigneau
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00723
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 723 F-B Pourvoi n° A 22-13.750 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 M. [M] [L], domicilié [Adresse 2] (Pays-Bas), a formé le pourvoi n° A 22-13.750 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2022 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [L], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 janvier 2022), les 3 février et 10 décembre 2012, M. [L] a souscrit auprès de la société Crédit lyonnais (la banque) deux prêts remboursables in fine. 2. Le 15 mars 2018, M. [L] a assigné la banque en nullité des contrats de prêts et en indemnisation de son préjudice matériel et moral, invoquant un manquement par celle-ci à son obligation de mise en garde. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [L] fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme et de rejeter ses demandes dirigées contre la banque, alors « qu'un crédit in fine, dont le capital est remboursé en une seule fois à la fin du prêt, fait naître un risque particulier sur lequel le banquier doit mettre en garde l'emprunteur non averti, même si le crédit est adapté aux capacités financières de ce dernier, le risque étant inhérent à la nature du prêt ; qu'en retenant que, si la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti lorsqu'au jour de l'octroi du prêt, il existe un risque d'endettement excessif du fait de l'inadaptation de l'engagement à ses capacités financières, tel n'est pas le cas si l'emprunteur est propriétaire d'un immeuble dont la valeur se trouve en adéquation avec la somme empruntée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 5. L'obligation de mise en garde à laquelle peut-être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et ce, que le prêt soit remboursable par échéances ou en une seule fois à la fin. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
BANQUE - Responsabilité - Faute - Manquement à l'obligation de mise en garde - Obligation de mise en garde - Domaine d'application - Prêts remboursables in fine et prêts remboursables par échéance
L'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne portant que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement, il n'y a pas lieu pour apprécier l'existence de manquement à cette obligation de distinguer les prêts remboursables in fine de ceux remboursables par échéance
JURITEXT000048430229
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2023, 22-13.374, Publié au bulletin
2023-11-14 00:00:00
Cour de cassation
42300809
Cassation partielle
22-13374
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-01-12
Cour d'appel de Toulouse
M. Vigneau
SCP Thouin-Palat et Boucard, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00809
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 809 F-B Pourvoi n° S 22-13.374 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023 La société La Maison de la peinture et du papier peint, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-13.374 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [B], domicilié [Adresse 4], 2°/ à la société Partner, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ à la société Mazars, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la société Fid Sud audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société La Maison de la peinture et du papier peint, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Partner et Mazars, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [B] et de la société Fid Sud audit, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 janvier 2022), la société Maison de la peinture et du papier peint (la société MPPP) avait pour expert-comptable la société Mazars, puis la société Michel Vaux et associés audit et conseil, aux droits de laquelle vient la société Partner. Elle avait pour commissaire aux comptes la société Fid Sud audit, dont l'un des associés, M. [B], était signataire des rapports certifiant les comptes. 2. A la suite de la révélation d'anomalies comptables et de détournements effectués par la comptable salariée de la société MPPP, notamment en procédant à des écritures fictives sur le compte ouvert au nom d'un fournisseur, la société Romus, la société MPPP a assigné ses experts-comptables et commissaire aux comptes en responsabilité. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le troisième moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. La société MPPP fait grief à l'arrêt de rejeter son action en responsabilité formée à l'encontre de la société Fid Sud audit et de [E] [B] et de rejeter le surplus de ses demandes, fins et prétentions, alors « que le commissaire aux comptes est investi d'une mission permanente de contrôle ; qu'en considérant que le commissaire aux comptes n'avait pas à vérifier l'exactitude des états de rapprochement bancaire "à tout moment de l'exercice contrôlé", mais qu'il devait attester de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances des états de rapprochement bancaire "en fin d'exercice", la cour d'appel a violé les articles L. 823-10 et L. 823-13 du code de commerce, ensemble l'article L. 822-17 du même code. » Réponse de la Cour 5. Le commissaire aux comptes, s'il doit avoir accès à toute époque de l'année à toutes les pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission, et notamment aux contrats, livres et documents comptables afin de procéder aux vérifications et contrôles qu'il juge opportuns, n'est pas pour autant tenu de vérifier, à tout moment de l'exercice contrôlé, l'exactitude de ces éléments. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; que la cour d'appel a, par motifs propres, admis l'existence d'"écarts de l'ERB" en juillet 2012 ; qu'en retenant cependant, par motifs expressément adoptés, que l'état des rapprochements bancaires (ERB) était équilibré et qu'il existait une concordance entre la comptabilité de la société et les comptes bancaires, la cour d'appel, (qui) a statué par des motifs contradictoires, a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel, ayant, par motifs adoptés, constaté de manière générale que l'état des rapprochements bancaires était équilibré et, par motif propres, retenu que les états de rapprochements bancaires en fin d'exercice n'avaient pas amené à découvrir d'anomalies ou d'irrégularités tout au long de la période, a pu, par des motifs exempts de contradiction, retenir que le commissaire aux comptes avait, sans manquer à ses obligations, attesté de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances de ces états de rapprochement bancaires en fin d'exercice, nonobstant le constat fait par ailleurs que l'état de rapprochements bancaires de juillet 2012 présentait des écarts. 9. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause ces constatations et appréciations souveraines, n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 10. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que les commissaires aux comptes exercent leur mission conformément aux normes internationales d'audit adoptées par la Commission de l'Union européenne dans les conditions définies par la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 et, en l'absence de telles normes, conformément aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes ; que la norme d'exercice professionnel 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, prévoit une procédure particulière en cas d'opposition de la part de la société contrôlée aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, prévoyant notamment d'examiner "si ce refus se fonde sur des motifs valables" et de collecter "sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés", outre la mise en oeuvre de procédures d'audit alternatives ou l'établissement d'un rapport ; qu'en se bornant à retenir que le commissaire aux comptes n'avait pas commis de négligence ou de faute, sans constater qu'il avait procédé, face à l'opposition de la comptable sur la circularisation du fournisseur Romus, à la procédure particulière prévue par la norme d'exercice professionnelle 505, comportement attendu d'un professionnel diligent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008, ensemble l'article L. 822-17 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016, et L. 822-17 du même code : 11. Il résulte du premier de ces textes qu'en l'absence de norme internationale d'audit adoptée par la Commission de l'Union européenne, les commissaires aux comptes se conforment aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes. 12. Aux termes du second, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne ou de l'entité contrôlée que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions. 13. Il résulte de la norme d'exercice professionnel n° 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, que le commissaire aux comptes a la maîtrise de la sélection des tiers à qui il souhaite adresser les demandes de confirmation, que si la direction de l'entité s'oppose aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, il examine si ce refus se fonde sur des motifs valables et collecte sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés, que s'il considère que le refus de la direction est fondé, le commissaire aux comptes met en oeuvre des procédures d'audit alternatives afin d'obtenir les éléments suffisants et appropriés sur le ou les points concernés par les demandes, tandis que s'il considère que le refus de la direction n'est pas fondé, il en tire les conséquences éventuelles dans son rapport. 14. S'analyse comme une opposition de la direction de l'entité, au sens de cette norme, toute déclaration ou tout comportement susceptible de conduire le commissaire aux comptes à ne pas adresser une demande de confirmation à un tiers qu'il avait sélectionné. 15. Pour rejeter la demande de la société MPPP, l'arrêt énonce que le fait de ne pas avoir vérifié auprès de la société Romus la réalité des opérations effectués sur le compte ouvert à son nom ne caractérise pas un défaut de diligence avéré dès lors qu'aucun élément ne permettait de cibler ce fournisseur très peu significatif et ne révélant aucune anomalie manifeste. Il ajoute que ce fournisseur était présenté mensongèrement par la comptable indélicate, comme une société du groupe auquel appartient la société MPPP et que la sophistication du stratagème des détournements mis en place depuis des années ne permettait pas de le déceler par le seul contrôle normal du commissaire aux comptes. 16. En se déterminant ainsi, sans chercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le commissaire aux comptes s'était conformé à la norme d'exercice professionnel susvisée, cependant qu'elle avait constaté que le commissaire aux comptes, bien qu'ayant prévu de procéder à la vérification auprès de la société Romus de la réalité des opérations effectuées sur le compte ouvert à son nom, s'en était abstenu après que la comptable salariée de la société MPPP lui avait mensongèrement indiqué que ce fournisseur faisait partie du même groupe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause 17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés Mazars et Partner, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : MET hors de cause les sociétés Mazars et Partner ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes présentées par la société MPPP contre la société Fid Sud audit et M. [B], l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société Fid Sud audit et M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maison de la peinture et du papier peint et la condamne à payer aux sociétés Mazars et Partner la somme globale de 3 000 euros ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fid Sud audit et M. [B] et les condamne à payer à la société Maison de la peinture et du papier peint la somme globale de 3 000 euros ; Dit que, sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
EXPERT-COMPTABLE ET COMPTABLE AGREE
JURITEXT000048430231
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2023, 21-19.146, Publié au bulletin
2023-11-14 00:00:00
Cour de cassation
42300818
Rejet
21-19146
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-04-15
Cour d'appel de Douai
M. Vigneau
SCP Piwnica et Molinié, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00818
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 818 F-B Pourvoi n° V 21-19.146 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023 M. [R] [N], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 21-19.146 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 2], 3°/ à la société MJS Partners, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [U] [M], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Artois matériel, défendeurs à la cassation. M. [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [G] et [H], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société MJS Partners, ès qualités, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 avril 2021), après avoir sollicité de M. [H], notaire, l'évaluation d'un immeuble lui appartenant, la société civile immobilière du [Adresse 5] (la SCI), représentée par son gérant, M. [N], a, par acte du 29 novembre 2004 dressé par M. [G], notaire, vendu ce bien à la société par actions simplifiée Artois matériel, également représentée par M. [N], son dirigeant. 2. Contestant l'évaluation faite par M. [H] et invoquant des manoeuvres dolosives commises par M. [N] lors de la vente de l'immeuble, la société Bernard et [U] [M], liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, a assigné MM. [N] et [H] en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. Examen des moyens Sur le second moyen du pourvoi principal et sur les premier et second moyens du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, de le condamner, in solidum avec M. [H], à payer à M [M], de la société Bernard et [U] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 719 000 euros au titre de la réparation du préjudice lié à la surévaluation de l'ensemble immobilier et de dire que la contribution à la dette incombe à M. [N] à hauteur de 75 % et à M. [H] à hauteur de 25 %, alors « que l'action exercée contre le gérant d'une SARL auquel est reproché d'avoir commis une faute séparable de ses fonctions ou un dol est soumise à la prescription triennale de l'article L. 223-23 du code de commerce ; que la cour d'appel a constaté que M. [N] était à la fois dirigeant de la société venderesse et de la société acheteuse et qu'il avait à ce titre accompli des manoeuvres dolosives ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en responsabilité exercée à l'encontre de M. [N], que l'action était fondée sur la responsabilité délictuelle de l'article 1382 ancien du code civil et était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil et, par refus d'application, l'article L. 223-23 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 1850 du code civil que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société civile ne peut être retenue à l'égard d'un tiers que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions. 6. Après avoir relevé que les consentements réciproques des deux sociétés contractantes, toutes deux représentées par M. [N], leur dirigeant, ne pouvaient s'exprimer que par l'intermédiaire de ce dernier, l'arrêt retient qu'en prenant la décision de vendre un immeuble à la société Artois matériel à un prix dont il savait qu'il excédait très largement celui du marché, M. [N] a commis une faute dolosive engageant sa responsabilité civile envers cette société. 7. Ayant fait ainsi ressortir que M. [N] avait commis une faute séparable de ses fonctions de gérant de la SCI, venderesse, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'action en responsabilité délictuelle exercée à son encontre par le liquidateur judiciaire de la société Artois matériel était soumise, en l'absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois principal et incident ; Condamne MM. [N] et [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. [N] et [H], condamne chacun d'eux à payer à la société MJS Partners, prise en la personne de M. [U] [M], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 2 000 euros et condamne M. [N] à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.
SOCIETE CIVILE - Responsabilité - Mise en oeuvre - Faute séparable - Prescription - Durée - Prescription quinquennale
PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Domaine d'application - Responsabilité d'un dirigeant d'une société civile - Faute séparable de ses fonctions
L'action en responsabilité intentée à l'encontre d'un dirigeant d'une société civile à raison d'une faute séparable de ses fonctions est soumise, en l'absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale prévu à l'article 2224 du code civil
JURITEXT000048465601
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 21-24.839, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300735
Cassation partielle sans renvoi
21-24839
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-09-07
Cour d'appel de Dijon
M. Vigneau
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Thouin-Palat et Boucard
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00735
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 735 FS-B Pourvoi n° G 21-24.839 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société MJ et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], en la personne de Mme [J] [K], agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, a formé le pourvoi n° G 21-24.839 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 12], dont le siège est [Adresse 9], prise en qualité de contrôleur à la procédure collective de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, 2°/ à la société Nimbus Investments LXII BV, société de droit néerlandais, 3°/ à la société Heel Veel Chocolade BV, société de droit néerlandais, ayant toutes deux leur siège [Adresse 13] (Pays-Bas), 4°/ à la société VH Holding Cooperatief UA, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 14] (Pays-Bas), 5°/ à la société CEBFC LT, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 6°/ à la société CDB CLUJ, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11], 7°/ à la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 15] (Allemagne), 8°/ à la direction régionale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1], 9°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bourgogne, dont le siège est [Adresse 10], 10°/ à M. [H] [T], domicilié [Adresse 4], 11°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 7], 12°/ à la société Rubis capital Bourgogne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], 13°/ à la société ACLG capital et conseil stratégique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], 14°/ à M. [U] [M], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de conciliateur de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société MJ et associés, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Bourgogne et de la direction générale des finances publiques, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des sociétés CEBFC LT et CDB CLUJ, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Le Masne de Chermont, Mme Vigneras, M. Boutié, Mme Coricon, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 septembre 2021), le 24 octobre 2014, la société Chocolaterie de Bourgogne (la société CDB) a été mise en redressement judiciaire. Le 13 février 2015, le plan de cession totale de l'entreprise a été arrêté au profit de la société CB Chocolaterie de Bourgogne (la société CB CDB), prévoyant l'inaliénabilité du fonds de commerce cédé pendant cinq ans. 2. Le 17 mars 2017, la société CB CDB a obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation. Par un jugement du 21 juin 2017, le tribunal, saisi par une requête de la société CB CDB, a autorisé la levée de l'inaliénabilité des lignes de production cédées et les transferts sous fiducie-sûreté, avec mise à disposition gratuite, de cinq lignes de production et la vente d'une sixième ligne à une société allemande. Un accord de conciliation a été conclu et homologué par un jugement du 23 juin 2017 prévoyant un échelonnement du remboursement des créances publiques sociales et fiscales sur plusieurs années, garanti par la cession en fiducie-sûreté, par la société CB CDB, de trois lignes de production laissées à sa disposition, et la souscription d'un emprunt obligataire auprès du groupe Caisse d'épargne et de la société CDB CLUJ, garanti par la cession en fiducie-sûreté des deux autres lignes de production laissées à sa disposition. 3. Le 31 octobre 2017, la société CB CDB a été mise en redressement judiciaire, la société Abitbol Rousselet étant désignée administrateur judiciaire et la société [J] [K] mandataire judiciaire. Le 5 février 2018, un plan de cession a été arrêté. 4. Soutenant que le jugement du 21 juin 2017 avait été obtenu par la société CB CDB en violation des limites du pouvoir juridictionnel du tribunal et également au préjudice et en fraude des droits des créanciers, la société [J] [K], en ses qualités de liquidateur de la société CDB et de la société CB CDB, a formé des tierces oppositions-nullité à ce jugement. Par un jugement du 16 mai 2019, ces recours ont été déclarés irrecevables. La société MJ et associés, ès qualités, succédant à la société [J] [K], ès qualités, a formé des appels-réformation puis des appels-nullité du jugement. Par une ordonnance du 20 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré les appels irrecevables. Son ordonnance a été déférée à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Les liquidateurs font grief à l'arrêt de rejeter le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état et de confirmer cette ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables les appels-nullité, alors « que seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel ; qu'il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge ; qu'en affirmant que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité de l'appel-nullité formé par le liquidateur ès qualités à l'encontre du jugement du 16 mai 2019 quand la recevabilité de ce recours était subordonnée à la constatation d'un excès de pouvoir qui, s'il était retenu, allait remettre en cause le jugement attaqué, de sorte qu'une telle appréciation relevait de la compétence exclusive de la cour d'appel, la cour d'appel statuant sur déféré a violé les articles 542 et 914 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-1, L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire et les articles 542 et 914 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, et les principes régissant l'excès de pouvoir : 6. Le premier de ces textes donne compétence à la cour d'appel, sous réserve des compétences attribuées à d'autres juridictions, pour connaître des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort et précise qu'elle statue souverainement sur le fond des affaires. Selon le deuxième et le troisième de ces textes, la cour d'appel statue en formation collégiale, sa formation de jugement se composant d'un président et de plusieurs conseillers. Selon le quatrième texte, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. Enfin, selon le cinquième, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent, depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel. 7. La Cour de cassation a jugé qu'aux termes de l'article 911 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 84-618 du 13 juillet 1984, le conseiller de la mise en état est compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel, et que, dès lors que ce texte ne distingue pas selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement, le conseiller de la mise en état est compétent pour apprécier la recevabilité de l'appel-nullité (Com., 14 mai 2008, pourvoi n° 07-11.036, Bull. 2008, IV, n° 99). 8. L'article 914 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, ne comporte pas davantage de distinction selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement. 9. Cependant, il convient de ne pas méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi, aux articles susvisés du code de l'organisation judiciaire, donnant à la seule cour d'appel, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, le pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel, revêtue, dès son prononcé, de l'autorité de la chose jugée. 10. La Cour de cassation, saisie d'une demande d'avis sur les conséquences des modifications des pouvoirs du conseiller de la mise en état introduites par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et notamment le nouvel article 907 du code de procédure civile déterminant les pouvoirs de ce conseiller par renvoi à ceux du juge de la mise en état, a émis l'avis que le conseiller de la mise en état ne pouvait connaître ni des fins de non-recevoir qui avaient été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge (Avis de la Cour de cassation, 3 juin 2021, n° 21-70.006, Bull.). 11. Ces considérations conduisent la Cour de cassation à juger désormais que le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré de son ordonnance, ne peut connaître de la recevabilité d'un appel-nullité, invoquant un excès de pouvoir commis par le premier juge, dès lors que si l'appel était déclaré recevable, cela aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d'appel. 12. L'arrêt, statuant sur déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, confirme l'ordonnance de ce magistrat ayant déclaré irrecevables les appels-nullité formés par le liquidateur des sociétés CDB et CB CDB qui invoquait un excès de pouvoir. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes et principes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 14. Tel que suggéré par la société MJ et associés, ès qualités, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le déféré de la société MJ et associés, en ses qualités de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, et confirme l'ordonnance du magistrat de la mise en état du 20 octobre 2020 en ce qu'elle a déclaré irrecevables les appels-nullité formés par cette société, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Annule l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 octobre 2020 en ce qu'elle déclare irrecevables les appels-nullité formés par la société MJ et associés, en ses qualités de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne ; Dit que l'examen de la recevabilité des appels-nullité relève de la cour d'appel de Dijon ; Condamne la direction générale des finances publiques, l'URSSAF de Bourgogne, la société Nimbus Investments LXII BV, la société Heel Veel Chocolade BV, la société VH Holding Cooperatief UA, la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, la société CEBFC LT et la société CDB CLUJ aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel statuant sur déféré ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nimbus Investments LXII BV, la société Heel Veel Chocolade BV, la société VH Holding Cooperatief UA, la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, la société CEBFC LT et la société CDB CLUJ à payer à la société MJ et associés, en sa qualité de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Compétence - Compétence pour déclarer l'appel irrecevable - Exclusion - Cas - Recevabilité de l'appel-nullité
PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Ordonnance du conseiller de la mise en état - Voies de recours - Déféré - Compétence pour déclarer l'appel irrecevable - Exclusion - Cas - Recevabilité de l'appel-nullité COURS ET TRIBUNAUX - Cour d'appel - Ordonnance déférée à la cour d'appel - Cour d'appel déclarant irrecevable des appels-nullité - Sanction - Excès de pouvoir
Le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré de son ordonnance, ne peut connaître de la recevabilité d'un appel-nullité, invoquant un excès de pouvoir commis par le premier juge, dès lors que si l'appel était déclaré recevable, cela aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d'appel. Commet un excès de pouvoir la cour d'appel, statuant sur déféré, qui confirme une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables des appels-nullité
JURITEXT000048465609
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.894, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300740
Rejet
22-17894
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-04-21
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
Me Descorps-Declère, SCP Caston, SARL Le Prado - Gilbert
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00740
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 740 F-B Pourvoi n° E 22-17.894 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société JASSP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-17.894 contre l'arrêt rendu le 21 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Philippe Angel, Denis Hazane, Sylvie Duval, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société JASSP, 2°/ à la société Bpifrance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de la société JASSP, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Bpifrance, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Philippe Angel, Denis Hazane, Sylvie Duval, ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 avril 2022), le 7 octobre 2019, à la suite d'une assignation de la société Bpifrance, la société JASSP a été mise en redressement judiciaire, la société Philippe Angel-Denis Hazane étant désignée mandataire judiciaire. 2. Le 5 juillet 2021, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société JASSP d'une durée de 6 ans, la société Philippe Angel-Denis Hazane étant désignée commissaire à l'exécution du plan. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société JASSP fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et de rejeter sa demande de clôture du redressement judiciaire, alors : « 1°/ que s'il apparaît, au cours de la période d'observation, que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à celle-ci ; que pour effectuer cette appréciation, seules les créances exigibles doivent être prises en considération ; qu'en incluant au passif exigible l'honoraire proportionnel de répartition du mandataire "estimé entre 300 et 2 300 euros", pour évaluer ledit passif à la somme de 119 104,03 euros, et considérer que la somme de 117 104,03 euros séquestrée sur le compte du mandataire judiciaire serait inférieure au passif exigible, la cour d'appel a violé l'article L. 631-16 du code de commerce ; 2°/ qu'à l'exception des rémunérations prévues aux articles R. 663-4 et R. 663-18 à R. 663-20 du code de commerce et des provisions et acomptes autorisés, les rémunérations dues au mandataire ne sont perçues qu'après avoir été arrêtées ; qu'en incluant la simple estimation de l'honoraire proportionnel de répartition dans le passif exigible, la cour d'appel a violé l'article R. 663-34 du code de commerce ; 3°/ qu'en jugeant que l'honoraire proportionnel de répartition du mandataire "estimé entre 300 et 2300 euros", ajouté au passif déclaré de 116 804,03 euros, devrait conduire à évaluer le passif à la somme de 119 104,03 euros, tout en admettant que ledit honoraire pourrait n'être que de 300 €, ce qui conduirait alors à un passif total de 117 104,03 euros égal à la somme de 117 104,03 euros séquestrée sur le compte du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que la société JASSP exposait qu'au titre de ses actifs, devait être comprise la condamnation de la société ONEPOINT, par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 février 2022 produit aux débats et assorti de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 109 632 euros, majorée des intérêts de retard au taux fixé par l'article L. 441-6 du code de commerce, outre la capitalisation des intérêts ; qu'en jugeant sans autre explication que "la condamnation de la société ONEPOINT par jugement du 23 février 2022 à verser à la société JASSP la somme de 109 632 euros ne saurait constituer un actif disponible", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 631-16 du code de commerce, le juge peut mettre fin à la période d'observation s'il apparaît que le débiteur dispose des sommes suffisantes, non seulement pour désintéresser les créanciers, mais aussi pour acquitter les frais et dettes afférents à la procédure collective. 5. Sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles L. 631-16, R. 663-34 du code de commerce et 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'exercice par la cour d'appel du pouvoir souverain qu'elle tient de l'article L. 631-16 précité de ne pas faire usage de la faculté offerte par ce texte de mettre fin au redressement judiciaire. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société JASSP aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Déroulement - Poursuite de l'activité au cours de la période d'observation - Fin du redressement judiciaire pour extinction du passif - Conditions - Pouvoirs des juges
La mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 631-16 de commerce relève du pouvoir souverain des juges du fond
JURITEXT000048550278
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.691, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300739
Rejet
22-17691
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-03-03
Cour d'appel de Nimes
M. Vigneau
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gury et Maitre
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00739
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 739 F-B Pourvoi n° J 22-17.691 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 1°/ La Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 7], 2°/ la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM), dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2] ont formé le pourvoi n° J 22-17.691 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Ajilink [W] [L], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], en la personne de M. [F] [L], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Conserves de Provence le cabanon, 2°/ à la société Etude Balincourt, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6], en la personne de M. [V] [M], prise en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Conserves de Provence le cabanon, défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM), de la SCP Gury et Maitre, avocat de la société Etude Balincourt, ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 mars 2022), la société Conserves de Provence le cabanon (la société) est sociétaire de la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret (la caisse locale) dont elle détient 74 081 parts sociales d'une valeur nominale de 1,50 euros, en dépôt à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la caisse régionale). 2. Le 5 février 2014, la société a été mise en liquidation judiciaire, M. [M] étant désigné liquidateur. Les 22 septembre et 29 octobre 2014, la société Douhaire [W] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société avec pour mission de la représenter en justice et dans tous les actes autres que ceux dévolus au liquidateur judiciaire. 3. Le 18 avril 2019, le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société ont assigné la caisse locale aux fins de retrait de la société et de remboursement de ses parts sociales. La caisse régionale est intervenue à l'instance. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. La caisse locale et la caisse régionale font grief à l'arrêt de condamner la caisse locale à payer à la société Etude Balincourt, venant aux droits de M. [M], ès qualités, la somme principale de 111 121,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017, la somme de 2 100,20 euros au titre des intérêts échus de l'année 2014, et le montant des intérêts échus au titre des années 2015 et suivantes jusqu'au jour du retrait effectif, alors : « 1°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant à son administrée dés lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce et relève des droits attachés à la personne du débiteur liés à sa qualité de sociétaire ; qu'en retenant que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur et que les parts sociales détenues par le débiteur dans le capital d'une société font partie de son patrimoine, pour en déduire que le liquidateur qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur est de ce fait recevable à demander le remboursement desdites parts sociales, la cour d'appel qui ajoute que s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire mais qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, que dès lors le liquidateur a qualité à agir, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait que seul l'administrateur ad hoc ayant qualité à agir, l'action en remboursement des parts sociales diligentée par le liquidateur était irrecevable et elle a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile ; 2°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant à son administrée dès lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce et relève des droits attachés à la personne du débiteur lié à sa qualité de sociétaire ; qu'ayant relevé que s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire, qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, pour en déduire que le liquidateur a qualité à agir en remboursement des parts sociales quand le dessaisissement ne concernant que l'administration et la disposition des biens du débiteur, ce dernier a qualité pour intenter seul une action tendant à la constatation de son retrait du capital de la caisse locale, cette action étant attachée à sa personne, qui inclut le remboursement du capital investi dans l'acquisition de ces parts sociales et les accessoires attachés, sans préjudice de l'exercice par le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure collective le remboursement des parts sociales appartenant au débiteur qui serait décidé par le juge, de la tierce opposition contre cette disposition du jugement ou de l'exercice de toute autre voie de droit dans le cadre des actions patrimoniales relevant de sa compétence exclusive, la cour d'appel a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile ; 3°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant au débiteur dès lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce qui relève des droits attachés à la personne du débiteur lié à sa qualité de sociétaire ; qu'en retenant que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur et que les parts sociales détenues par le débiteur dans le capital d'une société font partie de son patrimoine, pour retenir que le liquidateur qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur est de ce fait recevable à demander le remboursement desdites parts sociales, puis que, s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire mais qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, pour en déduire que le liquidateur a qualité à agir, quand l'association du mandataire ad hoc aux demandes faites par le liquidateur à son bénéfice, ès qualités exclusivement, ne saurait avoir pour effet de valider de telles demandes faites au mépris de la compétence exclusive du débiteur représenté par un mandataire ad hoc, la cour d'appel a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Ayant énoncé que la faculté de retrait proprement dite est rattachée strictement à la personne du sociétaire et ne peut être exercée que par ce dernier, tandis que les parts sociales détenues par un débiteur en liquidation judiciaire font partie de son patrimoine et que le liquidateur, qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur, est recevable à en demander le remboursement, puis relevé, par motifs propres et adoptés, que l'action en retrait et en remboursement des parts détenues par la société en liquidation judiciaire avait été engagée conjointement contre la caisse locale par le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société, lequel s'était associé, dès l'origine, à la démarche et a conclu dans le même sens que le liquidateur, l'arrêt en déduit exactement que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du liquidateur devait être écartée. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM) aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM) et les condamne à payer à la société Etude Balincourt, en qualité de liquidateur de la société Conserves de Provence le cabanon, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Effets - Dessaisissement du débiteur - Limites - Actions attachées à la personne du débiteur - Applications diverses - Retrait du sociétaire d'une caisse de crédit agricole
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Organes - Liquidateur - Qualité à agir - Applications diverses - Action en retrait et remboursement des parts d'une société
La faculté de retrait du sociétaire, en liquidation judiciaire, d'une caisse de crédit agricole, est strictement rattachée à sa personne et ne peut être exercée que par lui, tandis que les parts sociales font partie de son patrimoine, dont le liquidateur est recevable à en demander le remboursement. Doit être approuvée une cour d'appel qui, relevant qu'une action en retrait et remboursement des parts d'une société en liquidation judiciaire a été engagée conjointement par le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société, lequel s'est associé, dès l'origine, à la démarche et a conclu dans le même sens que le liquidateur, écarte la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du liquidateur pour exercer cette action
JURITEXT000048550288
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-18.306, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300752
Cassation partielle sans renvoi
22-18306
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-04-07
Cour d'appel de Dijon
M. Vigneau
SCP Zribi et Texier, SCP Gury et Maitre
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00752
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 752 F-B Pourvoi n° C 22-18.306 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Carrosserie Descharmes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° C 22-18.306 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [V] [X], veuve [C], domiciliée [Adresse 7], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de conjoint survivant commune en biens de [B] [P] [Z] [C] et en qualité d'administratrice légale de sa fille [U] [C], 2°/ à M. [J] [C], domicilié [Adresse 4], 3°/ à M. [R] [C], domicilié [Adresse 5], tous deux pris en qualité d'ayants droit de [B] [P] [Z] [C], 4°/ à la société Ferme équestre de [Adresse 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 5°/ à la société Raymond Dupont, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [N] [Y], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Equicoach.org, 6°/ à la société Equicoach.org, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Carrosserie Descharmes, de la SCP Gury et Maitre, avocat de la société Ferme équestre de [Adresse 3], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 avril 2022), le 17 septembre 2016, la société Equicoach.org a vendu à la société Ferme équestre de [Adresse 3] un véhicule aménagé pour le transport de chevaux et comportant une partie habitation. 2. Soutenant que le véhicule ne pouvait recevoir le poids de 4 510 kg, correspondant à celui de cinq chevaux, convenu contractuellement, le poids à vide du camion étant de 11 020 kg pour un poids total autorisé de 12 000 kg, la société Ferme équestre de [Adresse 3] a assigné en résolution du contrat la société Equicoach.org, laquelle a assigné son propre vendeur, [B] [C], lequel a fait intervenir la société Carrosserie Descharmes, qui avait effectué des adaptations intérieures sur le véhicule entraînant une modification de son poids à vide. 3. [B] [C] est décédé le 11 mars 2018, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [X], et ses deux enfants, MM. [J] et [R] [C], lesquels ont repris l'instance. 4. La société Equicoach.org ayant été mise en liquidation judiciaire, Mme [Y], désignée en qualité de liquidateur, est intervenue en cette qualité devant la cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Carrosserie Descharmes fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir Mme [Y], ès qualités, du paiement des créances fixées au passif et de toute condamnation prononcée à son encontre, alors « qu'en cas de résolution de la vente, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur et qu'ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu ; que la restitution du prix ne constitue pas un préjudice indemnisable ; qu'en condamnant la société Carrosserie Descharmes à garantir Mme [Y], en qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, du paiement des créances fixées au passif et de toute condamnation prononcée à son encontre, quand ces créances et condamnations ne portaient que sur la restitution du prix en suite de la résolution judiciaire qu'elle prononçait, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du code civil : 7. Il résulte de ces textes que lorsqu'une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d'un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n'a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable. 8. Après avoir prononcé la résolution de la vente conclue entre les sociétés Equicoach.org et Ferme équestre de [Adresse 3] et énoncé que le défaut de conformité affectant le bien vendu était imputable à la faute de la société Carrosserie Descharmes, l'arrêt retient qu'au titre de sa responsabilité civile délictuelle, cette dernière sera condamnée à garantir Mme [Y], en sa qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, du paiement des créances fixées au passif de la société Equicoach.org. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 10. La société Carrosserie Descharmes fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir les ayants droits de [B] [C] des condamnations prononcées à leur encontre, alors « qu'en cas de résolution de la vente, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur et qu'ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu ; que la restitution du prix ne constitue pas un préjudice indemnisable ; qu'en condamnant la société Carrosserie Descharmes à garantir les ayants droits d'[B] [C] des condamnations prononcées à leur encontre, quand ces condamnations ne portaient que sur la restitution du prix en suite de la résolution judiciaire qu'elle prononçait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du code civil : 11. Il résulte de ces textes que lorsqu'une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d'un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n'a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable. 12. Après avoir prononcé la résolution de la vente conclue entre [B] [C] et la société Equicoach.org et énoncé que le défaut de conformité affectant le bien vendu était imputable à la faute de la société Carrosserie Descharmes, l'arrêt retient qu'au titre de sa responsabilité civile délictuelle, cette dernière sera condamnée à garantir les ayants droits d'[B] [C] de leur condamnation in solidum à rembourser le prix de vente de 25 000 euros à Mme [Y], ès qualités. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 14. Conformément à la demande de la société Carrosserie Descharmes, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que peuvent être retranchés du dispositif les chefs censurés, l'arrêt n'étant cassé qu'en ce qu'il condamne la société Carrosserie Descharmes à garantir Mme [Y], ès qualités, du paiement des créances fixées au passif de la société Equicoach.org et à garantir les ayants droit d'[B] [C] de leur condamnation in solidum à rembourser le prix de vente de 25 000 euros à Mme [Y], ès qualités. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne la société Carrosserie Descharmes à garantir Mme [Y], en qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, du paiement des créances fixées au passif et à garantir les ayants droit d'[B] [C] de leur condamnation in solidum à rembourser le prix de vente de 25 000 euros à Mme [Y], en qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, l'arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
VENTE - Résolution - Effets - Restitution du prix - Garantie par un tiers (non)
Il résulte des articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du code civil que lorsqu'une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d'un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n'a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable
JURITEXT000048550308
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-18.295, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
42300758
Cassation
22-18295
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-11-18
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SCP Piwnica et Molinié, Me Balat
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00758
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 758 FS-B+R Pourvoi n° R 22-18.295 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 Mme [L] [A], épouse [G], domiciliée [Adresse 7], [Localité 6], a formé le pourvoi n° R 22-18.295 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [P], domicilié [Adresse 3], [Localité 8], 2°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5], en la personne de Mme [Z] [F], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société [C] [N], 3°/ à la société CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [A], épouse [G], de Me Balat, avocat de la société MJA, ès qualités, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, MM. Blanc, Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2021) et les productions, le 28 avril 2016, Mme [A] a conclu un bail commercial avec la société par actions simplifiée [C] [N], « en cours de formation », et MM. [B], [T] et [R] « agissant conjointement et solidairement entre eux ». 2. La société [C] [N] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 15 juin 2016. 3. Un jugement du 16 février 2021 a mis la société [C] [N] en liquidation judiciaire, la société MJA, prise en la personne de Mme [F], étant désignée liquidateur. 4. Par une ordonnance du 23 avril 2021, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société [C] [N] à M. [P]. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Mme [A] fait grief à l'arrêt de dire que le bail qu'elle a conclu avec la société [C] [N] n'est pas entaché de nullité et de confirmer l'ordonnance ayant autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de cette société à M. [P], alors « qu'est nulle la convention conclue par une société en formation, dépourvue de la personnalité morale ; que seuls les actes conclus au nom d'une telle société peuvent être repris par celle-ci, après son immatriculation ; que dès lors, le bail commercial conclu par une société en formation et par ses associés fondateurs, lesquels n'ont pas indiqué agir au nom de celle-ci, est nul à l'égard de la société et ne peut être repris ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1842 et 1843 du code civil et 210-6 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce : 6. Il résulte de ces textes que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. 7. La Cour de cassation juge depuis de nombreuses années que ne sont susceptibles d'être repris par la société après son immatriculation que les engagements expressément souscrits « au nom » (Com., 22 mai 2001, pourvoi n° 98-19.742 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 13 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.158) ou « pour le compte » (Com., 11 juin 2013, pourvoi n° 11-27.356 ; Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-15.618) de la société en formation, et que sont nuls les actes passés « par » la société, même s'il ressort des mentions de l'acte ou des circonstances que l'intention des parties était que l'acte soit accompli en son nom ou pour son compte (3e Civ., 5 octobre 2011, pourvoi n° 09-72.855 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.719). 8. Cette jurisprudence repose sur le caractère dérogatoire du système instauré par la loi, lequel permet de réputer conclus par une société des actes juridiques passés avant son immatriculation. Elle vise à assurer la sécurité juridique, dès lors que la présence d'une mention expresse selon laquelle l'acte est accompli « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation protège, d'un côté, le tiers cocontractant, en appelant son attention sur la possibilité, à l'avenir, d'une substitution de plein droit et rétroactive de débiteur, et, de l'autre, la personne qui accomplit l'acte « au nom » ou « pour le compte » de la société, en lui faisant prendre conscience qu'elle s'engage personnellement et restera tenue si la société ne reprend pas les engagements ainsi souscrits. 9. Cette solution a pour conséquence que l'acte non expressément souscrit « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation est nul et que ni la société ni la personne ayant entendu agir pour son compte n'auront à répondre de son exécution, à la différence d'un acte valable, mais non repris par la société, qui engage les personnes ayant agi « au nom » ou « pour son compte ». Elle s'avère ainsi produire des effets indésirables en étant parfois utilisée par des parties souhaitant se soustraire à leurs engagements, et a paradoxalement pour conséquence de fragiliser les entreprises lors de leur démarrage sous forme sociale au lieu de les protéger, sans toujours apporter une protection adéquate aux tiers cocontractants, qui, en cas d'annulation de l'acte, se trouvent dépourvus de tout débiteur. 10. L'exigence selon laquelle l'acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu'il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation ne résultant pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaître désormais au juge le pouvoir d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits. 11. En l'espèce, pour rejeter la demande d'annulation du bail formée par Mme [A], l'arrêt retient que la société [C] [N] a conclu ce contrat en spécifiant expressément qu'elle était en formation et que, par une décision expresse des associés, c'est-à-dire par la signature des statuts, ceux-ci ont entendu reprendre les actes passés par elle et en particulier le contrat litigieux, ajoutant que cette reprise des actes indiqués dans les statuts est automatique, à condition que les statuts soient signés et la société immatriculée, ce qui a été le cas s'agissant de la société [C] [N]. 12. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il résultait de l'ensemble des circonstances et notamment des mentions du bail que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention de MM. [B], [T] et [R], d'un côté, et de Mme [A], de l'autre, était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation [C] [N], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société MJA, prise en la personne de Mme [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [C] [N], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.
SOCIETE (règles générales) - Société en formation - Acte souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation - Défaut de mention expresse - Office du juge - Appréciation souveraine des circonstances intrinsèques et extrinsèques
Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. En présence d'un acte dans lequel il n'est pas expressément mentionné qu'il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il soit conclu au nom ou pour le compte de la société et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits
JURITEXT000048550315
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550315.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-16.463, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
42300766
Rejet
22-16463
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-02-17
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00766
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 766 F-B Pourvoi n° Z 22-16.463 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Les Pettoreaux d'Arbois, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-16.463 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Natacha, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Les Pettoreaux d'Arbois, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Natacha, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2022), par un acte des 20 et 21 novembre 2019, la société civile immobilière Les Pettoreaux d'Arbois, propriétaire d'un bien immobilier, a conclu avec la société par actions simplifiée Natacha une promesse synallagmatique de vente et d'achat de ce bien. 2. Par une ordonnance du 30 juillet 2020, un juge de l'exécution a autorisé la société Natacha à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier, en garantie d'une créance correspondant à des dommages-intérêts qui seraient dus du fait de la nullité de la promesse pour vice du consentement. 3. La société Les Pettoreaux d'Arbois a assigné la société Natacha aux fins de mainlevée de l'inscription d'hypothèque. En cause d'appel, elle a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Natacha en soutenant qu'au jour de la conclusion de la promesse, celle-ci n'avait pas encore acquis la personnalité morale. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Les Pettoreaux d'Arbois fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Natacha et, en conséquence, de rejeter ses demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance autorisant l'hypothèque judiciaire provisoire et à la mainlevée de celle-ci, alors « que la personnalité morale ne s'acquiert qu'au jour de l'attribution, à la société en cours de formation, du numéro unique d'identification, cette attribution réalisant l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, laquelle reste en cours de réalisation tant que ce numéro n'a pas été attribué ; que la cour d'appel, qui a retenu l'inverse, a violé les articles 1842 du code civil et D. 123-235 du code de commerce, ensemble les articles 31 et 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 1842 du code civil, les sociétés autres que celles en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. 6. Il en résulte que l'attribution du numéro « système d'identification du répertoire des entreprises » (SIREN) par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui n'est destiné qu'à l'identification de la société auprès des administrations et des personnes ou organismes énumérés à l'article 1er de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, ne conditionne pas l'acquisition de sa personnalité juridique. 7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Les Pettoreaux d'Arbois aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Pettoreaux d'Arbois et la condamne à payer à la société Natacha la somme de 1 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.
SOCIETE (règles générales) - Personnalité morale - Conditions - Attribution du numéro Siren (non)
Il résulte des dispositions de l'article 1842 du code civil que l'attribution du numéro Siren par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui n'est destiné qu'à l'identification de la société auprès des administrations et des personnes ou organisations énumérées à l'article 1er de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, ne conditionne pas l'acquisition de la personnalité juridique
JURITEXT000048550498
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 décembre 2023, 22-11.071, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
42300777
Rejet
22-11071
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-11-26
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SARL Delvolvé et Trichet
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00777
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 777 FS-B Pourvoi n° P 22-11.071 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 1°/ La société Puma SE, société de droit européen, dont le siège est Puma [Adresse 3] (Allemagne), 2°/ la société Puma France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 22-11.071 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant à la société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Puma SE et Puma France, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Carrefour hypermarchés, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Comte, Bellino, M. Regis, Mme Coricon, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2021), la société Puma SE, venant aux droits de la société de droit allemand Puma AG, spécialisée dans la conception, la confection et la commercialisation d'articles de sport et de vêtements, est titulaire des marques figuratives internationales n° 426 712 et n° 439 162, ainsi que de l'Union européenne n° 12 697 066, constituées d'une bande courbe, dont la base évasée se prolonge en se rétrécissant, servant à distinguer, en classe 25, les vêtements et les chaussures. 2. La société Puma France bénéficie d'une licence d'exploitation sur la marque internationale n° 426 712. 3. Soutenant que la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), qui exploite en France les magasins à l'enseigne Carrefour, commercialisait une chaussure de tennis reproduisant, sur sa partie latérale, un élément figuratif constituant, selon elles, l'imitation des trois marques figuratives précitées, la société Puma SE et la société Puma France (les sociétés Puma) ont obtenu, sur requête, une ordonnance rendue par le délégataire du président d'un tribunal judiciaire le 25 août 2017, autorisant une saisie-contrefaçon dans les locaux d'un magasin Carrefour. 4. A la suite de ces opérations, effectuées les 1er et 4 septembre 2017, les sociétés Puma ont assigné la société Carrefour pour atteinte aux marques renommées, contrefaçon de marques et concurrence déloyale. 5. La société Carrefour a soulevé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le second moyen 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Les sociétés Puma font grief à l'arrêt de dire qu'elles ont engagé leur responsabilité en présentant de manière déloyale leur requête en saisie-contrefaçon, de les condamner in solidum à verser à la société Carrefour la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi et d'annuler les procès-verbaux, ainsi que le procès-verbal complémentaire de saisie-contrefaçon des 1er et 4 septembre 2017, alors « que le titulaire d'une marque justifiant de son titre, qui a qualité à agir en contrefaçon et qui présente des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lequel il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, est en droit de faire procéder, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, à la saisie descriptive ou réelle de "produits ou services prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant" ; que les décisions prises dans le cadre d'une procédure d'opposition à l'enregistrement d'une marque nationale ou de l'Union européenne, qui ne lient pas le juge saisi d'une demande en contrefaçon, sont sans effet sur le droit du titulaire de la marque antérieure sur laquelle est fondée l'opposition à agir en contrefaçon et à solliciter une saisie descriptive ou réelle de produits sur lesquels est apposée la marque objet de la procédure d'opposition ainsi que de tous documents s'y rapportant ; que l'absence, dans la requête en saisie-contrefaçon, de référence à ladite marque adverse et à la procédure d'opposition dont elle a fait l'objet ne caractérise pas un manquement à la loyauté de la part du requérant titulaire de la marque antérieure dès lors qu'ont été soumis au juge des requêtes les produits portant le signe prétendument contrefaisant et partant des éléments de preuve étayant l'allégation d'atteinte à son droit de propriété intellectuelle ; qu'en jugeant, au contraire, qu'en ne portant pas à la connaissance du juge des requêtes les "informations dont elles disposaient sur des procédures d'opposition à l'enregistrement de marques mettant en cause les mêmes signes que ceux faisant l'objet du litige en contrefaçon, au terme desquelles il a été décidé, par les instances administratives compétentes, que le signe qu'elles contestaient ne constitue pas l'imitation des marques opposées et ne crée pas, avec ces marques, un risque de confusion", les sociétés Puma n'ont pas mis le juge des requêtes "en situation d'appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée l'autorisation de faire procéder à une saisie-contrefaçon ni de porter une appréciation éclairée sur l'intérêt légitime des requérants à recourir à une telle mesure" et ont ainsi manqué au devoir de loyauté qui préside à l'administration de la preuve en justice et s'impose aux parties au procès, la cour d'appel a violé l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article L. 716-7, devenu L. 716-4-7, alinéas 1 et 2, du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. 9. La Cour de cassation juge que ces dispositions permettent au titulaire d'un droit de propriété industrielle de bénéficier de cette procédure sans avoir à justifier de circonstances particulières nécessitant d'y recourir de manière non contradictoire, et sont à ce titre considérées comme exorbitantes du droit commun (Com., 22 mars 2023, pourvoi n° 21-21.467), le juge saisi ne pouvant refuser d'accueillir la demande dès lors qu'elle lui a été présentée dans les formes et avec les justifications prévues par la loi (Com., 29 juin 1999, pourvoi n° 97-12.699, Bull. 1999, IV, n° 138). 10. Selon l'article 3 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en oeuvre par les Etats membres doivent être loyales et proportionnées. 11. En application de l'article 10 du code civil, les parties ont l'obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et le cas échéant communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu'ils sont susceptibles de modifier l'opinion des juges (1re Civ., 7 juin 2005, pourvoi n° 05-60.044, Bull. 2005, I, n° 241). 12. Il en résulte que les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle, lues à la lumière de la directive, exigent du requérant qu'il fasse preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée. 13. L'arrêt relève que les sociétés Puma se sont abstenues, lors de la présentation de leur requête en saisie-contrefaçon, de faire connaître, d'une part, que la société Carrefour était titulaire de marques françaises et de l'Union européenne portant sur le signe figuratif incriminé, d'autre part, qu'elles-mêmes s'étaient opposées à l'enregistrement de ces marques auprès, respectivement, de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) et de l'Office de l'Union Européenne pour la propriété intellectuelle, sur la base de leurs marques antérieures, invoquées dans le litige mais que ces instances administratives avaient exclu toute imitation des marques de la société Puma et donc tout risque de confusion, antérieurement à la présentation de la requête en saisie-contrefaçon. 14. Il ajoute que si la décision rendue par l'instance administrative, statuant en matière d'opposition à l'enregistrement d'une marque, ne lie pas le juge saisi d'une demande en contrefaçon, les éléments de preuve destinés à être produits dans une procédure judiciaire doivent néanmoins être recueillis dans des conditions exemptes de déloyauté. 15. Il en déduit que la partie qui sollicite l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon doit présenter, au soutien de sa requête, l'ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d'appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée cette autorisation et ainsi d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause. 16. En cet état, la cour d'appel a exactement retenu que, les sociétés Puma ayant manqué à leur devoir de loyauté à l'occasion de la présentation de la requête, les procès-verbaux de saisie-contrefaçon devaient être annulés. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Puma SE et Puma France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Puma SE et Puma France et les condamne à payer in solidum à la société Carrefour hypermarchés la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
PROPRIETE INDUSTRIELLE
En application de l'article L. 716-7, devenu L. 716-4-7, alinéas 1 et 2, du code de la propriété intellectuelle, lu à la lumière de l'article 3 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et de l'article 10 du code civil, celui qui sollicite l'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée. En conséquence, est approuvé l'arrêt qui annule un procès-verbal de saisie-contrefaçon lorsque le requérant à la mesure s'était abstenu de présenter l'ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d'appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée l'autorisation de faire procéder à cette mesure exorbitante de droit commun et, ainsi, d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause
JURITEXT000048550500
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 décembre 2023, 20-18.653, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
42300778
Rejet
20-18653
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2020-02-25
Cour d'appel de Rennes
M. Vigneau
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Capron
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00778
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 778 F-B Pourvoi n° P 20-18.653 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [N]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 16 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 1°/ La société Ouest SCS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ la société [T] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [T], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ouest SCS, ont formé le pourvoi n° P 20-18.653 contre l'arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Chanel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à Mme [I] [N], domiciliée [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ouest SCS, de la société [T] et associés, ès qualités, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [N], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Chanel, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à la société [T] et associés, prise en la personne de M. [T], de sa reprise d'instance, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ouest SCS. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 février 2020), la société Ouest SCS, qui exerce une activité de vente de tous objets, d'occasion ou neufs, sous l'enseigne « Easy Cash », a revendu des produits cosmétiques de marque « Chanel », dont certains avaient été acquis auprès de Mme [N], qui les avait elle-même achetés auprès d'un revendeur agréé par le réseau de distribution Chanel. 3. Mandaté par la société Chanel, un huissier de justice s'est rendu dans un magasin « Easy Cash » et a placé sous séquestre des produits portant la mention « Ne peut être vendu que par les dépositaires agréés Chanel », ainsi que des produits dont le film plastique avait été retiré ou qui avaient été partiellement utilisés. 4. La société Chanel a assigné Mme [N] et la société Ouest SCS, la première, pour vente de produits de marque « Chanel » sans l'autorisation du titulaire de la marque, la seconde, pour usage illicite de marque et parasitisme. 5. La société Ouest SCS a été mise en sauvegarde judiciaire, M. [T] étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation et de mandataire judiciaire. Un jugement du 14 septembre 2022 a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et mis la société Ouest SCS en liquidation judiciaire, la société [T] et associés, prise en la personne de M. [T], ayant été désignée mandataire judiciaire liquidateur. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, et le quatrième moyen 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société [T] et associés, prise en la personne de M. [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ouest SCS, fait grief à l'arrêt de dire que la société Ouest SCS a fait un usage illicite des marques dont la société Chanel est titulaire en proposant à la vente quatre échantillons qui n'avaient pas été placés dans le commerce par la société Chanel, de fixer la créance de la société Chanel au passif de la société Ouest SCS à la somme de 20 200 euros, dont 200 euros au titre des échantillons de produits, d'autoriser la publication, d'ordonner la mainlevée du séquestre réalisé le 23 décembre 2011 et la remise des produits à la société Chanel et de débouter la société Ouest SCS de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la saisie, alors : « 1°/ que le titulaire d'une marque qui invoque son usage illicite par un tiers doit justifier que cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et en particulier à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services ; qu'en admettant que la société Chanel était fondée à imputer à la société Ouest SCS un usage illicite de sa marque du fait de la revente d'échantillons, d'un nombre très limité, sans relever aucune atteinte aux fonctions de la marque, la cour d'appel a violé l'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle ; 2°/ que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ; que la fourniture par le titulaire de la marque, ou avec son consentement, d'échantillons de produits à un consommateur, à titre gratuit, dans le but de faire la publicité des mêmes produits, constitue une mise dans le commerce au regard du but commercial poursuivi ; que la simple mention sur un échantillon "ne peut être vendu" est impropre à remettre en cause ce principe ; qu'en l'espèce, la société Chanel reprochait à la société Ouest SCS de revendre des échantillons de produits de marque Chanel acquis auprès de Mme [N], qui les avait elle-même reçus gratuitement d'un distributeur agréé Chanel ; qu'en retenant que la mention figurant sur les échantillons "échantillon gratuit - ne peut être vendu" était exclusive d'une mise dans le commerce, quand ces échantillons avaient été mis dans le commerce du fait de leur remise à Mme [N] à titre certes gratuit mais dans un but commercial, la cour d'appel a violé l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle ; 3°/ que la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété de l'objet matériel ; qu'en l'espèce, en affirmant que malgré la remise de l'échantillon au consommateur il n'y avait pas eu transfert de propriété, la cour d'appel a procédé à une confusion entre le droit de propriété sur l'objet matériel et le droit de propriété intellectuelle sur la marque, et violé la règle selon laquelle la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété de l'objet matériel ensemble l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article L. 713-4, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, qui doit s'interpréter à la lumière de l'article 7 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, applicable au regard de la date des faits, que le droit exclusif du titulaire d'une marque de consentir à la mise sur le marché d'un produit revêtu de sa marque, qui constitue l'objet spécifique du droit de marque, s'épuise par la première commercialisation de ce produit avec son consentement. L'épuisement des droits du titulaire de la marque garantit ainsi la libre circulation des marchandises. Il appartient à celui qui se prévaut de l'épuisement du droit d'en rapporter la preuve pour chacun des produits concernés (CJCE, arrêt du 20 novembre 2001, Zino Davidoff, C-414/99, point 54 ; Com., 26 février 2008, pourvoi n° 05-19.087). 9. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 12 juillet 2011, L'Oréal e.a.,C-324/09), que la fourniture par le titulaire d'une marque, à ses distributeurs agréés, d'objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, dont de petites quantités peuvent être prélevées pour être données aux consommateurs en tant qu'échantillons gratuits, ne constitue pas, en l'absence d'éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ou du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993. 10. L'arrêt retient que la distribution d'échantillons gratuits à Mme [N], même revêtus de la marque Chanel, ne vaut pas mise dans le commerce, écarte tout épuisement des droits du titulaire de la marque Chanel sur les quatre échantillons gratuits, relève que le titulaire de la marque, malgré la remise de l'échantillon au consommateur, conserve les droits conférés par cette titularité et en déduit que la société Ouest SCS ne pouvait pas faire usage de la marque Chanel pour commercialiser ces produits. 11. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a caractérisé l'atteinte à l'objet spécifique du droit des marques et donc l'atteinte à la fonction essentielle de garantie d'origine des produits de la marque Chanel, sans confondre le droit de propriété sur l'objet matériel et le droit de propriété intellectuelle sur la marque, a fait une exacte application de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 12. La société [T] et associés, ès qualités, fait grief à l'arrêt de fixer la créance de la société Chanel au passif de la société Ouest SCS à la somme de 20 200 euros, dont 15 000 euros au titre des produits usagés ou dont l'emballage a été ôté, d'autoriser la publication de l'arrêt, d'ordonner la mainlevée du séquestre réalisé le 23 décembre 2011 et la remise des produits à la société Chanel et de rejeter la demande de la société Ouest SCS en dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la saisie, alors : « 1°/ que le titulaire de la marque qui s'oppose à la revente d'un produit qui avait été mis dans le commerce dans l'Union européenne avec son consentement doit rapporter la preuve d'un motif légitime, par exemple d'une altération du produit ; qu'en affirmant en l'espèce que la société Chanel est fondée à s'opposer à tout acte de commercialisation d'un produit dont il ne peut être établi qu'il n'a jamais été utilisé au préalable, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle ; 2°/ que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ; que le titulaire de la marque ne peut s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation que s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits ; que l'altération des produits au sens de l'alinéa 2 de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle s'entend d'une dégradation de leurs qualités, qui ne peut se déduire automatiquement de leur simple utilisation ; qu'en l'espèce, en affirmant péremptoirement que, s'agissant de parfums et de produits cosmétiques, toute utilisation partielle d'un produit conduit à son altération, la cour d'appel a violé l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle ; 3°/ que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Ouest SCS faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Chanel devait lui notifier son opposition à la revente des produits de sa marque, qui avaient été mis dans le commerce, pour pouvoir faire échec aux règles de l'épuisement du droit de marque ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 13. Il résulte de l'article 713-4, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle que, malgré une mise dans le commerce licite, faculté reste ouverte au titulaire de la marque de s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation, s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits. 14. L'arrêt retient que, s'agissant de parfums et de produits cosmétiques, toute utilisation partielle d'un produit conduit à son altération, laquelle est gravement préjudiciable à l'image de la société Chanel et à l'univers de luxe et de pureté qu'elle véhicule et que la société Chanel, titulaire de la marque, est fondée à s'opposer à tout acte de commercialisation d'un produit cosmétique et de parfumerie dont il n'a pas été établi qu'il n'ait jamais été utilisé au préalable. 15. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir que la commercialisation de produits cosmétiques dépourvus de leur emballage d'origine constituait une altération de l'état de ces produits. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 17. La société [T] et associés, ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que la société Ouest SCS a engagé sa responsabilité délictuelle en revendant dans des conditions parasitaires des produits de marque Chanel, de fixer la créance de la société Chanel au passif de la société Ouest SCS à la somme de 20 200 euros, dont 5 000 euros au titre des produits revendus à l'état neuf, d'autoriser la publication de l'arrêt, d'ordonner la mainlevée du séquestre réalisé le 23 décembre 2011 et la remise des produits à la société Chanel et de rejeter la demande de la société Ouest SCS en dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la saisie, alors : « 1°/ que le fait de commercialiser des produits, licitement acquis, relevant d'un réseau de distribution sélective ne constitue pas en lui-même un acte fautif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Ouest SCS avait licitement acquis le produit litigieux auprès de Mme [N], qui l'avait elle-même licitement acheté à un membre du réseau de distribution sélectif Chanel ; qu'en affirmant néanmoins que pour pouvoir bénéficier de la protection apportée à la revente des produits d'occasion, la société Ouest SCS se devait de ne pas concurrencer la vente de produits neufs dont le réseau de distribution sélective a l'exclusivité, pour en déduire que la société Ouest SCS avait commis une atteinte au réseau sélectif de vente, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ que des produits d'occasion, même d'état neuf, n'appartiennent pas au même marché que des produits neufs équivalents, et ne peuvent donc pas entrer en concurrence avec eux ; qu'en affirmant que pour pouvoir bénéficier de la protection apportée à la revente des produits d'occasion, la société Ouest SCS se devait de ne pas concurrencer la vente de produits neufs dont le réseau de distribution sélective a l'exclusivité, pour en déduire que la société Ouest SCS avait commis des faits de parasitisme et de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°/ que le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le constat d'huissier du 23 décembre 2011 indiquait que certains produits étaient dans leur emballage d'origine mais n'en donnait qu'un seul exemple précis ; qu'en se contentant d'un unique exemple isolé de produit revendu dans son emballage d'origine pour en déduire que la société Ouest SCS avait commis des faits de parasitisme, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en affirmant que "l'huissier a constaté le 23 décembre 2011 que la société Ouest SCS mentionnait sur des étiquettes tant son propre prix de revente que celui du produit à l'état neuf, en faisant explicitement la comparaison entre les deux" et que "son dirigeant a en outre indiqué renvoyer les clients potentiels à tester les produits chez le revendeur agréé situé dans la même galerie", quand le procès-verbal de constat d'huissier du 23 décembre 2011 produit aux débats ne comportait aucune mention en ce sens, la cour d'appel a dénaturé ce procès-verbal, en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 5°/ que ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ni de parasitisme, le simple fait pour un revendeur de produits d'occasion, même d'état neuf, de présenter une comparaison avec le prix des produits neufs équivalents ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'en mentionnant sur des étiquettes tant son propre prix de revente que celui du produit neuf, et en faisant explicitement la comparaison entre les deux, la société Ouest SCS avait cherché à s'approprier la clientèle de produits neufs cherchant la "bonne affaire" et avait commis des faits de parasitisme et de concurrence déloyale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 6°/ que ne constitue pas une concurrence déloyale, ni un parasitisme, le simple fait pour un revendeur de produits d'occasion, même d'état neuf, de s'appuyer sur la renommée de la marque desdits produits, qu'il a licitement acquis, serait-il incapable de fournir lui-même des conseils sur ces produits que les clients peuvent tester auprès de vendeurs agréés ; qu'en l'espèce, en retenant que la société Ouest SCS avait commis des faits de parasitisme et de concurrence déloyale en s'appuyant sur le travail fourni par la société Chanel et les membres de son réseau pour favoriser ses propres ventes, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la cour 18. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le dirigeant de la société Ouest SCS invitait les clients potentiels à tester les produits chez le revendeur agréé situé dans la même galerie avant de revenir les acheter dans sa boutique où il les vendait moins cher. 19. En cet état, c'est sans dénaturer les constats d'huissier de justice que la cour d'appel a caractérisé l'action parasite de la société Ouest-SCS. 20. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 21. La société Ouest SCS et la société [T] et associés, ès qualités, font grief à l'arrêt de les condamner au paiement des dépens et à payer à la société Chanel la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors : « 1°/ que le juge est tenu de respecter l'objet du litige tel qu'il ressort des prétentions des parties ; qu'en l'espèce, la société Chanel demandait dans ses conclusions d'appel de fixer au passif de la société Ouest SCS la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en condamnant la société Ouest SCS et M. [T], en sa qualité de mandataire judiciaire, à payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au lieu de fixer cette somme au passif de la société Ouest SCS, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, à la seule exception des créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période ; que les dépens et les frais irrépétibles exposés par un créancier ne sont ni utiles au déroulement de la procédure quant à sa finalité de sauvegarde de la société débitrice en procédure collective, ni la contrepartie d'une prestation fournie à celle-ci ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Ouest SCS était sous procédure de sauvegarde lorsque la cour d'appel a été saisie, et lorsqu'elle a statué ; qu'en condamnant la société Ouest SCS et M. [T], en sa qualité de mandataire judiciaire, au paiement des dépens et à payer à la société Chanel une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce. » Réponse de la Cour 22. Il ressort de l'arrêt que la société Ouest SCS bénéficiait d'un plan de sauvegarde arrêté par jugement du 6 janvier 2016, de sorte que les dépens et les frais irrépétibles exposés par la société Chanel, au cours de l'instance d'appel, n'avaient pas à être fixés au passif de la procédure de sauvegarde. 23. L'arrêt retient que la société Ouest SCS, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et la condamne à payer à la société Chanel la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 24. En cet état, la cour d'appel, qui a tranché le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, a statué sans méconnaître l'objet du litige. 25. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société [T] et associés, prise en la personne de M. [T], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ouest SCS, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
PROPRIETE INDUSTRIELLE
JURITEXT000048550502
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 décembre 2023, 22-16.078, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
42300787
Cassation partielle
22-16078
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-01-28
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, Me Isabelle Galy
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00787
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 787 F-B Pourvoi n° F 22-16.078 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 La société Lekiosque.fr, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-16.078 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Toutabo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Lekiosque.fr, de Me Isabelle Galy, avocat de la société Toutabo, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2022), la société Lekiosque.fr, fondée en décembre 2006, est une plate-forme d'achat et de lecture de magazines en version numérique qui propose, par l'intermédiaire du site « lekiosque.fr », des abonnements à des journaux et des magazines et l'accès à de telles publications. 2. Elle est titulaire de la marque verbale française « lekiosque.fr » n° 07 514 407, enregistrée dans les classes n° 9, 16, 35, 38, 39, 41, régulièrement renouvelée. 3. La société Toutabo, spécialisée dans la collecte d'abonnements sur internet pour la presse papier, a acquis d'une société en liquidation judiciaire, la marque semi-figurative « monkiosque.fr - monkiosque.net » n° 3431776 déposée le 29 mai 2006 et régulièrement renouvelée ainsi que les noms de domaine « monkiosque.fr » et « monkiosque.net ». Elle est en outre titulaire de la marque française verbale « monkiosque » déposée le 18 janvier 2011, sous le numéro 3798336, dans les classes n° 35, 38 et 41. 4. La société Lekiosque.fr a assigné la société Toutabo en annulation de ses marques pour atteinte à ses droits antérieurs et défaut de distinctivité. A titre reconventionnel, la société Toutabo a formé une demande en contrefaçon de ses marques par l'usage du signe « lekiosk » et la réparation de son préjudice. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, sixième et septième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches Enoncé du moyen 6. La société Lekiosque.fr fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation pour défaut de caractère distinctif des marques n° 3431776 et n° 3798336 dont la société Toutabo est titulaire, de dire, en conséquence, qu'elle a commis des actes de contrefaçon de ces marques et de la condamner au paiement de dommages-intérêts ainsi qu'à des mesures d'interdiction d'usage et de transfert de noms de domaine, alors : « 3°/ que pour être descriptif, il n'est pas nécessaire que le signe soit effectivement utilisé, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services ; qu'il suffit qu'il puisse être utilisés à de telles fins ; qu'en se focalisant sur le fait que la presse utilisait les termes "kiosque numérique" ou "kiosque électronique", et non le terme "kiosque" seul, sans rechercher si le public ne pouvait être conduit, malgré l'absence de reprise des adjectifs "numérique" ou "électronique", à percevoir le terme "monkiosque" comme décrivant une caractéristique des services de vente, d'abonnement ou de distribution de presse en ligne, dès lors que ces services sont précisément proposés sous format numérique ou électronique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ; 4°/ qu'une marque est descriptive lorsqu'elle constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits ou des services concernés ou s'il est raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir ; qu'en relevant qu'à supposer démontrée l'affirmation de la société Lekiosque.fr selon laquelle le terme "kiosque" est aujourd'hui employé par l'ensemble des opérateurs du marché intervenant dans le secteur de la distribution de la presse en ligne, cette affirmation serait "inopérante à établir le défaut de caractère distinctif des marques critiquées, la validité d'une marque devant s'apprécier à la date de son dépôt", cependant que le fait le terme "kiosque" fasse aujourd'hui l'objet d'un usage généralisé dans le secteur de la distribution de la presse en ligne pouvait précisément constituer un élément susceptible de montrer qu'aux dates de dépôts des marques en cause, il était, à tout le moins, raisonnable d'envisager que le signe "monkiosque" constitue, à l'avenir, aux yeux des milieux intéressés, une description des services en cause, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ; 5°/ qu'une marque est descriptive lorsqu'elle constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits ou des services concernés ou s'il est raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'antérieurement aux dépôts des marques contestées, la presse s'était faite l'écho de l'essor de "kiosques numériques", "kiosques en ligne" ou "kiosques numériques" qui offrent au public des espaces de vente, d'abonnement et de lecture en ligne de la presse ; qu'en relevant qu'à supposer démontrée l'affirmation de la société Lekiosque.fr selon laquelle le terme "kiosque" est aujourd'hui employé par l'ensemble des opérateurs du marché intervenant dans le secteur de la distribution de la presse en ligne, cette affirmation serait "inopérante à établir le défaut de caractère distinctif des marques critiquées, la validité d'une marque devant s'apprécier à la date de son dépôt", sans rechercher si l'existence d'un usage aujourd'hui généralisé du terme "kiosque" dans ce secteur n'était pas démontrée et si elle ne confirmait pas qu'aux dates de dépôts des marques en cause, il était, à tout le moins, raisonnable d'envisager que le signe "monkiosque" constitue, à l'avenir, aux yeux des milieux intéressés, une description des services en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, que le caractère distinctif de la marque s'apprécie au jour du dépôt au regard de la connaissance du terme contesté auprès du public concerné. 8. L'arrêt retient qu'il n'est pas démontré qu'à la date des demandes d'enregistrement des marques en cause, le terme « kiosque », qui renvoie le public à l'abri édifié sur la voie publique dans lequel il peut acheter des journaux et magazines, selon la définition qu'en donne le dictionnaire Larousse de 1955, permette au public concerné d'établir un rapport immédiat et concret avec les services d'abonnement et de distribution de journaux et périodiques en ligne, même employé en association avec le pronom possessif « mon ». Il retient, au contraire, que les articles de presse datés entre 2000 et 2006 adjoignent au terme « kiosque » les adjectifs « numérique » ou « électronique », ce qui montre que le public ne peut faire un rapprochement immédiat entre l'expression « monkiosque », certes évocatrice, reprise dans les marques litigieuses, et ces services. 9. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, invoquée par la troisième branche, et n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu ne pas tenir compte de la généralisation actuelle alléguée de l'appellation « kiosque », dans le secteur de la distribution de la presse en ligne, laquelle était inopérante pour apprécier le caractère distinctif du signe « monkiosque » au moment du dépôt des marques attaquées, dès lors que la société Lekiosque.fr n'avait pas soutenu qu'à cette date, il était raisonnable d'envisager qu'il le devienne. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le troisième moyen, en tant qu'il fait grief à l'arrêt d'ordonner le transfert à la société Toutabo des noms de domaine « lekiosk.fr » et « lekiosk.net » Enoncé du moyen 11. La société Lekiosque.fr fait grief à l'arrêt de lui ordonner, sous astreinte, de transférer à la société Toutabo les noms de domaine « lekiosk.fr » et « lekiosk.net », alors : « 1°/ qu'en ordonnant le transfert du nom de domaine "lekiosque.fr", sans constater l'existence d'un risque de confusion entre ce nom de domaine et les marques de la société Toutabo, la cour d'appel a violé l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle ; 2°/ qu'en statuant ainsi, tout en relevant qu'"il ne peut être reproché à la société Lekiosque.fr immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le mois de décembre 2006 d'exploiter un site sous un nom de domaine correspondant à sa dénomination sociale pour une activité de presse numérique", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour 12. Ayant retenu, par des motifs vainement critiqués, que la société Lekiosque.fr avait commis des actes de contrefaçon des marques « monkiosque.fr - monkiosque.net » n° 3431776 et « monkiosque » n° 3798336 par l'usage du signe « lekiosk », c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a ordonné à cette société, de transférer à la société Toutabo les noms de domaine « lekiosk.fr » et « lekiosk.net » qui comportent ce signe. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa huitième branche Enoncé du moyen 14. La société Lekiosque.fr fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation pour défaut de caractère distinctif des marques n° 3431776 et n° 3798336 dont la société Toutabo est titulaire, de dire, en conséquence, qu'elle a commis des actes de contrefaçon de ces marques, et de la condamner au paiement de dommages et intérêts ainsi qu'à des mesures d'interdiction d'usage et de transfert de noms de domaine, alors « que le caractère distinctif d'une marque doit être apprécié par rapport à chacun des produits ou services désignés dans son enregistrement ; qu'en appréciant le caractère distinctif des marques en cause qu'au seul regard des services de vente, d'abonnement et de distribution de presse en ligne, alors que les marques ne visaient pas uniquement des services en ligne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 711-2, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 : 15. Aux termes de ce texte, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. 16. Pour rejeter les demandes d'annulation des marques n° 3431776 et n° 3798336 dont la société Toutabo est titulaire, l'arrêt retient que le public ne peut faire un rapprochement immédiat entre la dénomination « monkiosque » ou le signe complexe « monkiosque.fr monkiosque.net » et les services de vente, d'abonnement ou de distribution de presse en ligne. 17. En se déterminant ainsi, au regard des seuls services en ligne, sans examiner le caractère distinctif des marques pour désigner les services de « services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; distribution de journaux » désignés à l'enregistrement de la marque n° 3431776 ni ceux de « publication de livres » et « services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) » désignés à l'enregistrement de la marque n° 3798336, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt d'ordonner le transfert à la société Toutabo du nom de domaine « lekiosque.fr » Enoncé du moyen 18. La société Lekiosque.fr fait grief à l'arrêt de lui ordonner de transférer à la société Toutabo le nom de domaine « lekiosque.fr », alors « qu'en ordonnant le transfert de ce nom de domaine, sans constater l'existence d'un risque de confusion entre ce dernier et les marques de la société Toutabo, la cour d'appel a violé l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle : 19. Ce texte dispose : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1°/ D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2°/ D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ». 20. Après avoir constaté l'existence d'une contrefaçon par imitation du fait d'un risque de confusion ou d'association dans l'esprit du public entre la dénomination « LeKiosk » utilisée sur le site internet « www.lekiosk.fr » par la société Lekiosque.fr et les marques antérieures « monkiosque.fr monkiosque.net » et « monkiosque » dont la société Toutabo est titulaire, l'arrêt ordonne le transfert du nom de domaine « lekiosque.fr ». 21. En statuant ainsi, sans constater l'existence d'un risque de confusion entre le site internet « lekiosque.fr », correspondant à la dénomination sociale de la société Lekiosque.fr, et les marques antérieures, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le quatrième moyen 22. La société Lekiosque.fr fait grief à l'arrêt de lui faire interdiction, sous astreinte, de faire usage, à quelque titre que ce soit, des signes verbaux et semi-figuratifs « Lekiosk », alors « que le juge ne peut prononcer une mesure d'interdiction excessivement générale ; qu'en interdisant à la société Lekiosque.fr de faire usage des signes verbaux et semi-figuratifs "Lekiosk" "à quelque titre que ce soit", tout en ayant uniquement constaté un risque de confusion s'agissant de l'usage de la dénomination "Lekiosk" dans la vie des affaires pour offrir des services permettant de lire sur un support numérique ses revues, magazines et journaux, la cour d'appel, qui n'a pas justifié la nécessité de prononcer une mesure d'interdiction aussi générale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle. » Recevabilité du moyen 23. La société Toutabo conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que ce moyen n'a pas été invoqué devant les juges du fond et que, nouveau et mélangé de fait et de droit, il est irrecevable. 24. Cependant, ce moyen, qui ne repose sur aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit et peut être en conséquence soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation. 25. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle : 26. Après avoir constaté que l'usage par la société Lekiosque.fr du signe « lekiosk » dans la vie des affaires pour offrir des services permettant de lire sur un support numérique ses revues, magazines et journaux, entraînait un risque de confusion avec les marques dont la société Toutabo est titulaire, l'arrêt fait interdiction à la société Lekiosque.fr de faire usage, à quelque titre que ce soit, des signes verbaux et semi-figuratif « le kiosk ». 27. En statuant ainsi, sans justifier de la nécessité de faire interdiction à la société Lekiosque.fr de faire usage du signe « lekiosk » pour d'autres services que ceux permettant de lire sur un support numérique les revues, magazines et journaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation : sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 28. La société Lekiosque.fr fait grief à l'arrêt de dire l'action en contrefaçon de la société Toutabo recevable, en conséquence, de dire qu'elle a commis des actes de contrefaçon de ces marques, et de la condamner au paiement de dommages et intérêts ainsi qu'à des mesures d'interdiction d'usage et de transfert de noms de domaine, alors « que pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par la société Lekiosque.fr, sur le fondement de l'article L. 716-4-5 du code de la propriété intellectuelle, aux demandes de la société Toutabo au titre de la contrefaçon, la cour d'appel a retenu qu'"il ressort des développements qui précèdent que l'affirmation de la société Lekiosque.fr selon laquelle aux dates de dépôt des marques arguées de contrefaçon précitées, la marque verbale "Monkiosque" et la marque complexe "Monkiosque.fr Monkiosque.net" seraient dépourvues de toute distinctivité n'est nullement montré" ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant dit l'action en contrefaçon de la société Toutabo recevable, et ce par application de l'article 625 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 29. La cassation prononcée sur la huitième branche du premier moyen du pourvoi du chef de dispositif rejetant la demande d'annulation des marques n° 3431776 et n° 3798336 pour désigner les services d'abonnement à des journaux (pour des tiers), de distribution de journaux et de publication de livres n'entraîne pas la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif disant l'action en contrefaçon de la société Toutabo recevable, disant qu'en faisant usage du signe « lekiosk », verbal et semi-figuratif, à titre de marque et de nom commercial, la société Lekiosque.fr a commis des actes de contrefaçon par imitation et l'a, par conséquent, condamnée à indemniser la société Toutabo, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire, dans la mesure où l'arrêt ne retient, au titre des actes de contrefaçon, que l'usage de la dénomination "LeKiosk" dans la vie des affaires pour offrir des services permettant au public de lire sur un support numérique ses revues, magazines et journaux, services identiques ou similaires à ceux désignés dans la marque antérieure. 30. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la société Lekiosque.fr pour défaut de caractère distinctif de la marque « monkiosque.fr - monkiosque.net » n° 3431776 et de la marque « monkiosque » n° 3798336 pour désigner les services de « services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; distribution de journaux » désignés à l'enregistrement de la première et ceux de « publication de livres » et « services d'abonnement à des journaux (pour des tiers ») désignés à l'enregistrement de la seconde, en ce qu'il ordonne le transfert du nom de domaine « lekiosque.fr » et en ce qu'il fait interdiction à la société Lekiosque.fr de faire usage, à quelque titre que ce soit, des signes verbaux et semi-figuratifs « Lekiosk », l'arrêt rendu le 28 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Toutabo aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
PROPRIETE INDUSTRIELLE
JURITEXT000048176152
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 octobre 2023, 23-81.287, Publié au bulletin
2023-10-04 00:00:00
Cour de cassation
C2301112
Cassation
23-81287
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-26
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01112
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 23-81.287 F-B N° 01112 SL2 4 OCTOBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 OCTOBRE 2023 Mme [Y] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 26 janvier 2023, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de viol et agression sexuelle, aggravés, a prononcé sur une demande d'annulation d'actes de la procédure. Par ordonnance du 11 avril 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y] [W], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mme [Y] [W] a porté plainte pour des faits de viol et d'agression sexuelle commis à son encontre par son père, M. [P] [W], lorsqu'elle était enfant et adolescente. 3. Une information a été ouverte des chefs susvisés. M. [W] a été placé sous le statut de témoin assisté. 4. Le juge d'instruction a procédé à une confrontation entre M. [W], Mme [W], partie civile, et deux témoins, mère et s¿ur de la partie civile, chacun de ces témoins étant assisté d'un avocat, dont l'un a eu communication de la procédure avant la confrontation, ce qui a été contesté par l'avocat de la partie civile à la fin de l'acte. 5. Le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction afin qu'il soit statué sur la nullité éventuelle de cette confrontation. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le procès-verbal de confrontation du 8 septembre 2022 ni aucun autre acte de procédure n'est frappé de nullité, alors : « 1°/ qu'en application des articles 114 et 113-3 du code de procédure pénale, seules les parties et le témoin assisté peuvent être assistés d'un avocat lors des confrontations et leurs avocats recevoir communication du dossier de la procédure, à l'exclusion du simple témoin et de son avocat ; que ces règles, qui touchent à l'organisation de la procédure, à son équité et à la recherche de la vérité, relèvent de la bonne administration de la justice et de l'ordre public ; que la chambre de l'instruction constate que lors de la confrontation avec le témoin assisté et la partie civile, les deux témoins étaient assistés d'un avocat, la procédure ayant été préalablement mise à disposition de l'un de ces avocats ; qu'en exigeant la preuve d'un grief, la chambre de l'instruction a violé les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ; 2°/ que le secret de l'instruction, qui a pour objet de garantir le bon déroulement de l'instruction, la protection des preuves et des témoignages et de garantir les droits des parties, interdit que le juge d'instruction puisse communiquer le dossier de la procédure au témoin, tiers à la procédure, ou à son avocat ; que l'arrêt constate que la confrontation s'est tenue en présence de l'avocat du témoin [M] [W], auquel la procédure a été mise à disposition avant la confrontation par le juge d'instruction ; qu'en écartant la violation du secret de l'instruction, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 11 du code de procédure pénale ; 3°/ que chacune de ces irrégularités (assistance des témoins par un avocat et accès à la procédure par l'avocat de l'un des témoins), et a fortiori leur cumul, fait en soi nécessairement grief à la partie civile ; qu'en exigeant la démonstration d'un grief, la chambre de l'instruction a violé les articles 171et 802 du code de procédure pénale ; 4°/ que les observations et réserves émises par l'avocat, au cours de la confrontation, sur sa régularité, quel que soit le moment, interdisent de présumer l'absence de tout grief ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès verbal de confrontation que l'avocat de la partie civile a, fut-ce à la clôture de la confrontation, fait des observations sur l'irrégularité de la présence d'avocat pour les témoins et s'est réservé toutes possibilités d'en tirer les conséquences afin de préserver les droits de la partie civile ; qu'en retenant néanmoins qu'il y a lieu de présumer qu'aucune entrave n'a été apportée à l'exercice de ses droits, la chambre de l'instruction a violé les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ; 5°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt et du procès-verbal de confrontation que le juge d'instruction a adressé une convocation aux deux témoins mentionnant la possibilité pour eux de bénéficier de l'assistance d'un avocat, qu'il a convoqué le conseil du témoin [M] [X] et mis la procédure à sa disposition avant la confrontation du 8 septembre 2022, que les deux témoins étaient assistés de leur avocat lors de la confrontation et que l'avocat assistant le témoin [Z] [W] a posé des questions ; qu'il en est nécessairement résulté une atteinte aux intérêts de la partie civile, le conseil du témoin [M] [X] ayant été en mesure de préparer sa cliente à la confrontation au vu des éléments de la procédure, laquelle a fait des déclarations, et le conseil du second témoin ayant posé des questions ; qu'en écartant tout grief, au motif inopérant que le procès-verbal de confrontation ne fait aucune mention d'une intervention ou d'une observation du conseil de [M] [X] irrégulièrement présent et que ce n'est qu'à la clôture de la confrontation que l'avocat de la partie civile a fait des observations sur sa régularité, la chambre de l'instruction a violé les articles 171 et 802 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 11, 101, 102, 113-3 et 114 du code de procédure pénale : 7. Il se déduit de ces textes que seules les personnes mises en examen, les parties civiles et les témoins assistés peuvent être assistés, lorsqu'ils sont entendus par le juge d'instruction, par un avocat, qui peut accéder au dossier de la procédure, un témoin ne pouvant bénéficier d'une telle assistance. 8. L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, qui fait nécessairement grief. 9. L'accès au dossier de la procédure par un avocat qui assiste un témoin constitue une violation du secret de l'instruction. 10. Il résulte des pièces de la procédure que le juge d'instruction a procédé à une confrontation entre la partie civile, le témoin assisté, chacun régulièrement assisté d'un avocat, et deux témoins, chacun assisté d'un avocat, l'un d'eux ayant eu accès au dossier de la procédure. 11. Pour écarter l'annulation du procès-verbal de cette confrontation, la chambre de l'instruction retient que l'irrégularité commise n'a pas fait grief à la partie civile, et que la communication du dossier à l'avocat d'un témoin n'a pas porté atteinte au secret de l'instruction. 12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 26 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Audition de témoin - Assistance de l'avocat - Irrégularité faisant nécessairement grief
INSTRUCTION - Nullités - Secret de l'instruction - Violation - Cas - Avocat d'un témoin - Accès au dossier
L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, qui fait nécessairement grief. L'accès au dossier de la procédure par un avocat qui assiste un témoin constitue une violation du secret de l'instruction
JURITEXT000048210978
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 10 octobre 2023, 23-83.511, Publié au bulletin
2023-10-10 00:00:00
Cour de cassation
C2301274
Cassation
23-83511
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-06-01
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry
M. Bonnal
SCP Melka-Prigent-Drusch
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01274
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 23-83.511 F-B N° 01274 MAS2 10 OCTOBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 OCTOBRE 2023 M. [Z] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 1er juin 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'agressions sexuelles en récidive, consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition l'image ou la représentation pornographique d'un mineur et exercice d'activité professionnelle ou sociale malgré interdiction judiciaire, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 17 août 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [Z] [K], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 31 mai 2022, M. [Z] [K] a été mis en examen de certains des chefs susvisés et placé en détention provisoire, avant d'être supplétivement mis en examen des autres chefs au cours de l'information. 3. L'avis de fin d'information a été délivré le 17 mars 2023. 4. Le 14 avril suivant, M. [K] a déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête en nullité formée le 14 avril 2023, alors : « 1°/ que sont recevables à présenter une requête en nullité sur le fondement du troisième alinéa de l'article 173 du code de procédure pénale les parties qui, dans un délai de quinze jours à compter soit de chaque interrogatoire ou audition réalisé au cours de l'information, soit de l'envoi de l'avis de fin d'information, ont faire connaître au juge d'instruction, selon les modalités prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 81, qu'elles souhaitaient exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale ; que pour déclarer la requête en nullité de M. [K] irrecevable, la chambre de l'instruction a retenu que ce dernier n'avait pas fait connaître son intention d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale après son interrogatoire du 6 janvier 2023 ni dans les 15 jours suivant l'avis de fin d'information notifié le 17 mars 2023 ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si cette déclaration d'intention n'avait pas été valablement effectuée dans les 15 jours de l'interrogatoire de première comparution de M. [K], en date du 31 mai 2022, ce qui rendait sa requête en nullité recevable, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 175 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; 2°/ que si une partie a demandé d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale, les dispositions concernées des IV et VI de cet article sont applicables à l'ensemble des parties ; que la chambre de l'instruction a constaté qu'après que l'avis de fin d'information ait été notifié aux parties le 17 mars 2023, « le 20 mars 2023, Maître Berruex avocate de [X] [I] faisait connaître son intention d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale » (arrêt attaqué, p. 6, avant-dernier §) ; qu'en déclarant pourtant la requête en nullité de M. [K] irrecevable, motif pris que ce dernier n'aurait pas fait connaître dans les délais son intention d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé les articles 175 et D. 40-1-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 175, III, et D. 40-1-1 du code de procédure pénale : 6. Il résulte du premier de ces textes que les parties qui souhaitent exercer un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de cet article doivent, dans les quinze jours à compter de chaque interrogatoire ou audition ou de l'envoi de l'avis de fin d'information, faire connaître leur intention en ce sens au juge d'instruction, selon les modalités prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 81 dudit code. 7. Il résulte du second que, si une partie à la procédure a demandé à exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175, les dispositions concernées des IV et VI de cet article sont applicables à l'ensemble des parties. 8. Pour déclarer irrecevable la requête en nullité du demandeur, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci a été interrogé par le juge d'instruction le 6 janvier 2023, que son conseil n'a pas fait connaître son intention d'exercer un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 et qu'il n'a pas non plus fait connaître ses intentions dans les quinze jours de l'avis de fin d'information notifié le 17 mars 2023. 9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 10. En effet, d'une part, les juges ont omis de prendre en compte la déclaration d'intention que M. [K] avait régulièrement effectuée auprès du greffe, par l'intermédiaire de son avocat, le 10 juin 2022, dans les quinze jours de son interrogatoire de première comparution qui avait eu lieu le 31 mai 2022, cette déclaration mentionnant qu'il souhaitait notamment exercer son droit de présenter une requête en nullité. 11. D'autre part et en tout état de cause, du fait de la déclaration d'intention d'exercer les droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale régulièrement effectuée le 20 mars 2023 par l'une des parties civiles dans les quinze jours de l'envoi de l'avis de fin d'information réalisé le 17 mars précédent, M. [K] ne pouvait se voir opposer un quelconque défaut de déclaration d'intention, la déclaration d'une partie à cette fin ayant pour effet de supprimer cette exigence préalable pour toutes les autres parties. 12. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 1er juin 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-trois.
INSTRUCTION - Avis de fin d'information - Présentation de réquisitions ou observations complémentaires - Déclaration d'intention d'une partie - Effets - Extension à l'ensemble des parties
Il résulte de l'article 175, III, du code de procédure pénale que les parties qui souhaitent exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de cet article doivent, dans un délai de quinze jours à compter de chaque interrogatoire ou de l'envoi de l'avis de fin d'information, faire connaître leur intention en ce sens, selon les modalités prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 81 dudit code. Il résulte encore de l'article D. 40-1-1 du même code que, si une partie à la procédure a demandé à exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 précité, les dispositions concernées des IV et VI de cet article sont applicables à l'ensemble des parties. Dès lors, encourt la censure l'arrêt qui, pour déclarer, après l'envoi de l'avis de fin d'information, la personne mise en examen irrecevable en sa requête en nullité à défaut de déclaration d'intention, d'une part, omet de prendre en compte la déclaration d'intention d'exercer les droits prévus aux IV et VI de l'article 175 régulièrement effectuée par cette personne dans les quinze jours de son interrogatoire de première comparution, d'autre part, ne tient pas compte de la déclaration d'intention régulièrement effectuée par une autre partie
JURITEXT000048283933
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 octobre 2023, 23-84.958, Publié au bulletin
2023-10-25 00:00:00
Cour de cassation
C2301404
Cassation sans renvoi
23-84958
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-08-16
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen
M. Bonnal
SCP Claire Leduc et Solange Vigand
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01404
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 23-84.958 F-B N° 01404 MAS2 25 OCTOBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 OCTOBRE 2023 M. [K] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 16 août 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de refus d'obtempérer, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires, violences aggravées, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [K] [R], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [K] [R] a été interpellé le 1er août 2023 à la suite d'une agression suivie de l'enlèvement de la victime, commise le 29 juillet 2023. 3. A l'issue de sa garde à vue, il a été présenté au procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité des chefs des infractions précitées. 4. Par ordonnance du 3 août 2023, le juge délégué a refusé d'homologuer la peine proposée. 5. Le procureur de la République a ouvert une information. 6. Mis en examen des mêmes chefs, M. [R] a été placé en détention provisoire par ordonnance du même jour, rendue par le même juge, statuant en qualité de juge des libertés et de la détention. 7. M. [R] a relevé appel de cette ordonnance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté comme irrecevable la demande d'annulation de l'ordonnance de placement en détention provisoire du 3 août 2023, alors « que l'impartialité du juge des libertés et de la détention peut être mise en cause à l'occasion de l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, nonobstant l'absence de mise en oeuvre préalable d'une procédure de récusation, dès lors que le mis en examen n'a pas été en mesure de demander la récusation du magistrat dans le respect des dispositions de l'article 669 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, pour rejeter comme irrecevable la demande d'annulation de l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [R], la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen a énoncé en substance que le mis en examen aurait pu mettre en oeuvre la procédure de récusation dès lors que présenté au juge des libertés et de la détention, il l'avait nécessairement reconnu comme étant le même magistrat que celui ayant quelques heures plus tôt refusé d'homologuer la proposition de peines présentée par le procureur de la République et qu'il aurait pu alors soulever la difficulté et en cas de refus de déport du magistrat, mettre en oeuvre immédiatement la procédure de récusation, ce qu'il n'avait pas fait ; qu'en statuant ainsi, quand le prononcé de l'ordonnance de placement en détention immédiatement à l'issue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention ne permettait pas le dépôt d'une requête en récusation dans le respect des dispositions de l'article 669 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 669 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme : 9. La Cour de cassation juge (Crim., 19 juin 2018, pourvoi n° 17-84.930, Bull. crim. 2018, n° 113) que le refus du juge d'homologuer la peine proposée par le procureur de la République dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne fait pas en soi obstacle à ce que ce magistrat intervienne ensuite dans la même affaire en qualité de juge des libertés et de la détention et ordonne le placement en détention provisoire du prévenu dans l'attente de son jugement en comparution immédiate. 10. Il ne peut toutefois plus être jugé systématiquement ainsi, dès lors que la Cour de cassation juge (Crim., 14 octobre 2020, pourvoi n° 20-82.961, publié au Bulletin) que le juge chargé de statuer sur les mesures de sûreté, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment l'existence, pour motiver un placement en détention, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés. 11. Il doit donc désormais être jugé que le juge ayant refusé d'homologuer la peine proposée par le procureur de la République dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, pour un motif distinct du cas de rétractation de cette reconnaissance de culpabilité par la personne en cause, ne peut intervenir ensuite en qualité de juge des libertés et de la détention, tenu à ce titre de s'assurer de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de celle-ci aux faits reprochés pour ordonner son placement en détention provisoire, sans porter atteinte au principe d'impartialité. 12. Pour dire n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance pour défaut d'impartialité du juge, l'arrêt attaqué énonce que le moyen est irrecevable en l'absence de procédure de récusation présentée lors du débat contradictoire. 13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 14. D'une part, en l'absence de convocation préalable au débat contradictoire, il n'est pas établi que M. [R] avait connaissance de l'identité du juge des libertés et de la détention avant ce débat et qu'il pouvait, effectivement et dans l'urgence, formaliser une requête devant le premier président, de sorte qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir engagé de procédure de récusation. 15. D'autre part, le juge, après avoir refusé d'homologuer la peine proposée par le procureur de la République en raison d'une éventuelle qualification criminelle des faits reprochés, ne pouvait, en qualité de juge des libertés et de la détention, placer la personne en cause en détention provisoire. 16. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 17. La cassation aura lieu sans renvoi et M. [R] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause. 18. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code. 19. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [R] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi. 20. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de : - empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que des divergences existent entre M. [R] et les autres protagonistes sur le rôle de chacun et que le commanditaire désigné doit être identifié et interpellé ; - garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que M. [R] s'apprêtait à quitter la région ornaise lorsqu'il a été interpellé et qu'il ne dispose d'aucune attache familiale ou professionnelle dans la région ; - mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que le mobile de l'agression pourrait être crapuleux. 21. Afin d'assurer ces objectifs, M. [R] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 22. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. 23. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 16 août 2023 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [R] est détenu sans titre depuis le 3 août 2023 dans la présente procédure ; ORDONNE la mise en liberté de M. [R] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [R] ; DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : - ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer [Adresse 1], qu'aux conditions suivantes : chaque jour de 7 heures à 19 heures ; - se présenter, le lendemain de sa libération, avant 17 heures, et ensuite chaque jour, entre 9 heures et 17 heures, au commissariat central d'[Localité 3], [Adresse 2] ; - s'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [N] [J], [E] [C], Mme [G] [Y], M. [I] [F], Mme [S] [W], MM. [X] [P], [A] [T] ; DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.
CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Tribunal - Impartialité - Juge des libertés et de la détention - Incompatibilités - Cas - Magistrat ayant précédemment refusé d'homologuer la peine dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Le juge ayant refusé d'homologuer la peine proposée par le procureur de la République dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, pour un motif distinct du cas de rétractation de cette reconnaissance de culpabilité par la personne en cause, ne peut intervenir ensuite en qualité de juge des libertés et de la détention, tenu à ce titre de s'assurer de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de celle-ci aux faits reprochés pour ordonner son placement en détention provisoire, sans porter atteinte au principe d'impartialité
JURITEXT000048465495
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 novembre 2023, 23-85.051, Publié au bulletin
2023-11-14 00:00:00
Cour de cassation
C2301465
Cassation
23-85051
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-06-29
Cour d'appel de Nimes
M. Bonnal (président)
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01465
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 23-85.051 F-B N° 01465 MAS2 14 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 NOVEMBRE 2023 M. [E] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de vols aggravés, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [E] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le tribunal correctionnel, après avoir déclaré M. [E] [Y] coupable du chef susvisé, l'a condamné à six ans d'emprisonnement et a décerné à son encontre un mandat d'arrêt, mis à exécution le 9 novembre 2022. 3. M. [Y] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. 4. Le 16 mars 2023, M. [Y] a formé une demande de mise en liberté. Examen des moyens Sur le premier moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [Y], alors « que la chambre des appels correctionnels juge à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller, l'énoncé de ce rapport constituant une formalité substantielle dont l'accomplissement s'impose et doit être expressément constaté ; que ni l'arrêt attaqué ni les notes d'audience portent mention de ce que l'affaire a été jugée sur le rapport oral de la conseillère ; que la cour a violé les articles 199, 216 et 513 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 513 du code de procédure pénale : 7. Selon ce texte, l'appel est jugé sur le rapport oral d'un conseiller. 8. Cette formalité substantielle, nécessaire à l'information de la juridiction saisie et des parties, doit être accomplie, à peine de nullité, avant tout débat. 9. Ces dispositions sont applicables lorsque la cour d'appel est saisie d'une demande de mise en liberté en application de l'article 148-1, alinéa 2, du même code. 10. Ni l'arrêt attaqué ni les notes d'audience visées par le greffier, faisant mention d'un simple exposé de la demande, ne permettent à la Cour de cassation de s'assurer qu'un rapport oral, ayant permis de faire connaître aux juges d'appel et aux parties les éléments de la cause, a été effectué à l'audience par un conseiller. 11. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 29 juin 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.
DETENTION PROVISOIRE
La formalité du rapport, prévue à l'article 513, alinéa 1, du code de procédure pénale, s'impose à la cour d'appel saisie d'une demande de mise en liberté sur le fondement des dispositions de l'article 148-1, alinéa 2, du même code
JURITEXT000048465504
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-82.891, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301427
Rejet
23-82891
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-02-24
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon
M. Bonnal
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01427
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 23-82.891 F-B N° 01427 GM 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [S] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 24 février 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, en récidive, et recel en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 12 juin 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [S] [B], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [S] [B] a été mis en examen le 17 décembre 2021 et supplétivement le 8 mars 2022 des chefs précités. 3. Le 17 juin 2022, l'avocat de M. [B] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation d'actes de la procédure. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de M. [B] et plus précisément le moyen tiré de l'irrégularité de la pose du dispositif de captation, fixation, transmission et enregistrement de l'image des personnes dans le parking souterrain sis [Adresse 1] à [Localité 4] et en particulier à l'intérieur du box 88-89 en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale, alors : « 2°/ qu'il résulte de la combinaison des articles 706-95-12, 706-96-1 et 59 du code de procédure pénale que l'autorisation que peut donner le juge des libertés et de la détention pour l'introduction dans un lieu privé en dehors des heures prévues à l'article 59 pour la mise en place d'un dispositif de captation d'images doit être expresse notamment en ce qu'elle permet cette introduction et cette mise en place entre 21 heures et 6 heures ; qu'au cas d'espèce, il ressortait des éléments de la procédure que le dispositif contesté avait été posé entre 23 heures et 6 heures alors même que l'autorisation du juge des libertés ne donnait pas d'autorisation d'introduction et de pose à un tel horaire ; qu'en retenant, pour refuser de faire droit à la demande d'annulation, que « la loi prévoit que cette autorisation permet aux enquêteurs de s'introduire dans les lieux susvisés y compris hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale », quand le contrôle effectif de l'atteinte au droit au respect de la vie privée susceptible d'être causé par une telle mesure suppose que le juge des libertés et de la détention autorise spécifiquement l'introduction de nuit dans un lieu privé aux fins de sa mise en oeuvre, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 706-96-1, 59, 591 et 593 du code de procédure pénal. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la pose du dispositif technique de captation, fixation, transmission et enregistrement d'images effectuée par les enquêteurs s'étant transportés sur les lieux après 23 heures est régulière puisque le juge des libertés et de la détention a autorisé les officiers et agents de police judiciaire à s'introduire dans le box, à l'insu ou sans le consentement de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci et à la seule fin de mise en place du dispositif, et que la loi prévoit que cette autorisation permet aux enquêteurs de s'introduire dans les lieux concernés y compris hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale. 7. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 8. D'une part, selon l'article 706-96-1 du code de procédure pénale, au cours de l'enquête préliminaire et en vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l'article 706-96 dudit code ou de le désinstaller, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59 de ce même code, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. 9. L'autorisation donnée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, prise au visa de la requête du ministère public reprenant les termes de l'article 706-96-1 précité et sur son fondement, implique, par la seule application de ce texte, la possibilité de procéder à l'opération de mise en place ou de retrait du dispositif, y compris entre 21 heures et 6 heures, sans nécessiter une autorisation spécifique en ce sens. 10. D'autre part, par son ordonnance écrite, motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité de l'opération critiquée conformément à l'article 706-95-13 du code de procédure pénale et comportant tous les éléments prévus à l'article 706-97 dudit code permettant d'identifier les lieux privés visés en l'espèce, l'infraction qui motive la mesure ainsi que la durée de celle-ci, le juge des libertés et de la détention a assuré le contrôle effectif de l'atteinte susceptible d'être causée par une telle mesure. 11. En conséquence, le grief doit être écarté. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [B] et plus particulièrement le moyen tiré de l'irrégularité des opérations de « constatations visuelles » opérées au sein du box 88-89 situé dans le parking souterrain sis [Adresse 1] à [Localité 4], alors : « 1°/ que les enquêteurs ne peuvent, sur la base d'une autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images, effectuer d'autres actes d'enquêtes ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que sous couvert de l'autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images dans le box de [Localité 4], les enquêteurs avaient « examiné l'intérieur du box » à l'aide des « moyens mis à leur disposition », ce qui excédait le champ de l'autorisation ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen d'annulation soulevé de ce chef, que « les fonctionnaires de police n'ont effectué que de simples constations visuelles ou observations, leur permettant d'installer le dispositif technique autorisé par le juge des libertés et de la détention », la chambre de l'instruction, qui a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-96-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que les enquêteurs ne peuvent, sur la base d'une autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images, effectuer d'autres actes d'enquêtes ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que sous couvert de l'autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images dans le box de [Localité 4], les enquêteurs avaient « examiné l'intérieur du box » à l'aide des « moyens mis à leur disposition », ce qui excédait le champ de l'autorisation ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen d'annulation soulevé de ce chef, que « les enquêteurs n'ont procédé à aucune perquisition ni fouille sommaire à l'intérieur de ce box », motif impropre à écarter l'atteinte à la vie privée résultant de ce détournement de procédure, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-96-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour rejeter le moyen de nullité tiré des constatations visuelles, l'arrêt attaqué retient que M. [B] ne justifie d'aucun grief puisqu'il résulte du procès-verbal du 28 juin 2021 contesté que les simples constatations visuelles ou observations ont été réalisées afin de permettre d'installer le dispositif technique de captation d'images autorisé par ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention, en date du 25 juin 2021, à l'intérieur du box 88-89 situé dans le parking souterrain du [Adresse 1] à [Localité 4]. 14. Les juges ajoutent que les enquêteurs n'ont procédé à aucune perquisition ni fouille sommaire à l'intérieur de ce box. 15. En statuant ainsi, et dès lors que l'officier de police judiciaire s'est limité à transcrire ses constatations visuelles faites à l'ouverture du box, régulièrement autorisée par le juge des libertés et de la détention dans les conditions fixées par l'article 706-96-1 du code de procédure pénale, préalablement à la mise en place du dispositif technique et sans qu'aucun détournement de procédure ne soit établi, la chambre de l'instruction a légalement justifié sa décision sans dénaturer les pièces du dossier ni méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées. 16. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [B], en particulier le moyen relatif à l'irrégularité des interceptions téléphoniques mises en oeuvre via les prestataires de service « [3] » et « [2] », alors : « 1°/ que le recours à une plate-forme autre que la PNIJ pour la transmission des réquisitions et demandes adressées en application des articles 100 à 100-7 et 706-95 du code de procédure pénale est subordonné à une autorisation du juge des libertés et de la détention ; qu'en affirmant qu'une telle autorisation « entrait dans les attributions du procureur de la République », la chambre de l'instruction a violé les articles 77-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le recours à une plate-forme autre que la PNIJ pour la transmission des réquisitions et demandes adressées en application des articles 100 à 100-7 et 706-95 du code de procédure pénale est subordonné à une impossibilité de recourir à la PNIJ ; qu'en se bornant, pour dire régulier le recours à la plate-forme [3], que la demande des enquêteurs au procureur de la République faisait était motivée par la circonstance que « l'utilisation du système [3] permet une exploitation et une analyse des données data que ne permet pas la PNIJ », sans constater que le procureur de la République se serait approprié le constat d'une telle impossibilité technique, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 230-45, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 18. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que l'autorisation de recourir aux prestations de la société [3] a été expressément donnée par le procureur de la République aux enquêteurs le 4 juin 2021, dans le cadre de l'enquête préliminaire, en application des dispositions de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale. 19. Les juges ajoutent que le procureur de la République a repris à son compte, dans son autorisation de recourir à la société [3], l'impossibilité technique résultant du fait que la plate-forme nationale des interceptions judiciaires ne pouvait pas réaliser l'exploitation et l'analyse des données en DATA nécessaires à l'enquête. 20. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 21. En premier lieu, l'autorisation d'interception, d'enregistrement et de transcription de correspondances par la voie de communications électroniques a été prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article 706-95 du code de procédure pénale, lequel prévoit que, pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5 et 100-8 du même code et l'exécution de la mesure, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République. 22. En deuxième lieu, selon l'article 230-45 du code de procédure pénale, sauf impossibilité technique, les réquisitions et demandes adressées notamment en application des articles 100 à 100-7, et 706-95 dudit code, sont transmises par l'intermédiaire de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires qui organise la centralisation de leur exécution. 23. Il résulte de ces textes qu'il entre dans les fonctions du procureur de la République de donner à l'officier de police judiciaire, placé sous son autorité, l'autorisation de déroger à l'article 230-45 précité. 24. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté. 25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
CRIMINALITE ORGANISEE - Procédure - Interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications - Recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) - Dérogation - Autorisation - Procureur de la République
Lorsque le juge des libertés et de la détention autorise des interceptions judiciaires en application de l'article 706-95 du code de procédure pénale, il résulte de ce texte et de l'article 230-45 dudit code qu'il entre dans les fonctions du procureur de la République de donner à l'officier de police judiciaire, placé sous son autorité, l'autorisation de déroger, en cas d'impossibilité technique, au recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires pour leur exécution
JURITEXT000048465557
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 22-86.715, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301287
Cassation
22-86715
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-10-28
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01287
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 22-86.715 F B G 22-86.713 N° 01287 GM 22 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [E] [L] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre : - l'arrêt n° 997, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ; - l'arrêt n° 1002, qui a confirmé l'ordonnance de refus de mesure d'instruction complémentaire rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 16 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [L], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Labrousse, Leprieur, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, MM. Laurent, Gouton, Brugère, Mme Chaline-Bellamy, MM. Hill, Tessereau, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Mallard, Mmes Merloz, Guerrini, M. Michon, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. [F] [Y] a été victime de violences le 21 juillet 2021, dont il est décédé trois jours plus tard. 3. Une information a été ouverte. M. [E] [L] et quatre autres personnes ont été mis en examen, pour meurtre, le 30 juillet 2021. 4. Le juge d'instruction a ordonné des expertises psychiatriques des personnes mises en examen. Les entretiens entre l'expert et ces dernières se sont déroulés en visioconférence. 5. M. [L] a sollicité une contre-expertise. 6. Par ordonnance du 3 mai 2022, le juge d'instruction a rejeté cette demande. 7. M. [L] a relevé appel. Il a déposé, en outre, le 16 mai suivant, une requête en annulation de toutes les pièces relatives à l'expertise susvisée. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens Enoncé des moyens 8. Le premier moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; que le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité, et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date du 9 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier de la procédure au plus tard la veille de l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. » 9. Le troisième moyen fait le même reproche à l'arrêt n° 1002. Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. 11. Il résulte des articles 194, alinéa 1er, et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, devant laquelle la procédure est écrite. 12. Cette exigence s'impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation. 13. Les arrêts attaqués visent les réquisitions du procureur général en date du 9 juin 2022 et les avis, adressés par ce magistrat, respectivement les 22 et 25 juillet, aux avocats et aux parties, les informant de ce que le dossier de la procédure sera examiné par la chambre de l'instruction à son audience du 18 octobre 2022. 14. Malgré ces mentions incomplètes, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par ailleurs, que le greffe de la chambre de l'instruction a adressé à l'avocat de M. [L], sur sa demande, le 17 octobre 2022, la copie des deux réquisitoires du 9 juin 2022. 15. Si les mentions de l'arrêt attaqué et les constatations qui précèdent n'établissent pas que les réquisitions du procureur général ont été déposées au dossier de la procédure la veille de l'audience, le demandeur ne saurait s'en faire un grief dès lors qu'il en a eu connaissance en temps utile. 16. Les moyens ne sont en conséquence pas fondés. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 17. Le deuxième moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors : « 1°/ qu'il ne peut être recouru au cours de la procédure pénale à un moyen de communication audiovisuelle que dans les cas et selon les modalités prévues par la loi ; que si les médecins ou psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen, le témoin assisté ou la partie civile sont autorisés par l'article 164 du code de procédure pénale à leur poser des questions pour l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge et des avocats, aucune disposition légale ne leur permet d'avoir recours pour ce faire à un moyen de télécommunication audiovisuelle ; qu'est par suite entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle l'entretien avec le mis en examen a eu lieu au moyen d'un procédé de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise dont elle constatait qu'elle n'avait donné lieu à un entretien avec le mis en examen que par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 164, 706-71 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ qu'eu égard à l'importance que représente dans le cadre d'une expertise psychiatrique et pour les droits de la défense l'entretien prévu par l'article 164 du code de procédure pénale au cours duquel l'expert peut poser des questions au mis en examen, est entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle cet entretien a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise au motif inopérant que l'entretien entre un expert psychiatre et la personne mise en examen ne constitue pas un acte de procédure, la chambre de l'instruction a violé les articles 164 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que les parties ne peuvent, à compter de la notification de la décision ordonnant une expertise, que demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix ; qu'en retenant qu'aucune atteinte à l'exercice des droits de la défense ne peut résulter de ce que l'entretien entre l'expert psychiatre et son client a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle dès lors que la défense n'a émis aucune observation ou protestation lorsque lui a été notifiée la décision ordonnant l'expertise et mentionnant l'autorisation donnée à l'expert de procéder à l'examen du mis en examen par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 161-1 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale : 18. Selon le premier alinéa de ce texte, issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, aux fins d'une bonne administration de la justice, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction l'estime justifié, dans les cas et modalités prévus par cet article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle. 19. Il s'ensuit, d'une part, que l'usage d'un moyen de télécommunication audiovisuelle est limité aux cas prévus par le texte. 20. D'autre part, cette disposition s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure. 21. Dès lors, le texte susvisé interdit le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle à l'occasion de l'examen de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la partie civile par les médecins et psychologues experts, auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale. 22. Constitue une violation des règles relatives à l'établissement et à l'administration de la preuve en matière pénale la méconnaissance dudit texte, qui impose que l'examen d'une personne soit réalisé par l'expert, en sa présence, de sorte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions. 23. Une telle irrégularité fait nécessairement grief aux parties concernées. 24. En écartant la demande d'annulation de l'expertise psychiatrique du demandeur, dont l'examen a été réalisé par visioconférence, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 25. La cassation est, par conséquent, encourue. Portée et conséquences de la cassation 26. La cassation de l'arrêt qui a rejeté la demande d'annulation aura pour conséquence d'entraîner celle de l'arrêt qui a confirmé le rejet de la demande de contre-expertise. 27. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le quatrième moyen dirigé contre ce dernier arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt n° 997 susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022 ; CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt n° 1002 de ladite chambre de l'instruction, du même jour ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
INSTRUCTION - Expertise - Expertise médicale ou psychologique - Recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle - Nullité - Modalités
L'article 706-71 du code de procédure pénale, qui s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure, limite l'usage de la télécommunication audiovisuelle aux cas qu'il prévoit. Il en résulte qu'à l'occasion de l'examen par un expert auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'usage de la visioconférence est interdit. La méconnaissance de cette règle, relative à l'établissement et à l'administration de la preuve, est une cause de nullité de l'expertise que toute partie a qualité pour invoquer, et qui fait nécessairement grief. Méconnait l'article 706-71 du code précité la chambre de l'instruction qui rejette l'exception de nullité, présentée par la personne mise en examen, de l'expertise psychiatrique qui la concerne, qui fait valoir que l'examen été réalisé par un moyen de télécommunication audiovisuelle
JURITEXT000048465559
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-81.085, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301292
Rejet
23-81085
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-17
Cour d'appel de Paris
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01292
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-81.085 FS-B N° 01292 GM 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 janvier 2023, qui a prononcé sur sa requête en incident contentieux d'exécution. Un mémoire et des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 22 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a condamné M. [W] [Z] à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, et prononcé un mandat à effet différé, assorti de l'exécution provisoire. 3. M. [Z] a formé un pourvoi contre cette décision le 22 novembre 2022, en cours d'instruction. 4. Il a, par ailleurs, saisi la cour d'appel d'une requête en difficulté d'exécution, le 19 décembre 2022, tendant à faire juger que son pourvoi en cassation suspendait l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le pourvoi formé le 22 novembre 2022 n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du mandat de dépôt à effet différé, assorti de l'exécution provisoire, prononcé le 22 novembre 2022 et a dit que le mandat de dépôt à effet différé doit s'exécuter en application des dispositions de l'article D. 45-2-7 du code de procédure pénale au besoin avec le recours de la force publique, alors « que pendant les délais du recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel, sauf en ce qui concerne les condamnations civiles, et à moins que la cour d'appel ne confirme le mandat décerné par le tribunal en application de l'article 464-1 ou de l'article 465, premier alinéa, ou ne décerne elle-même mandat sous les mêmes conditions et selon les mêmes règles ; que n'étant pas régi par les articles 465 et 464-1 précités, et ne constituant pas une mesure de sûreté destinée à être exécutée nonobstant l'effet suspensif d'un pourvoi en cassation, comme le sont les mandats de dépôt ou d'arrêt, mais une modalité d'exécution de la peine à laquelle le pourvoi en cassation fait obstacle, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être mis à exécution en cas de pourvoi en cassation, fusse-t-il assorti de l'exécution provisoire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 464-2 et 569 du code de procédure pénale, ensemble la présomption d'innocence garantie par les articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe que la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter la requête de M. [Z], l'arrêt attaqué énonce que son pourvoi en cassation contre la décision de condamnation n'a pas d'effet suspensif, dès lors que le mandat de dépôt à effet différé décerné contre lui est assorti de l'exécution provisoire. Les juges ajoutent qu'en application de l'article 464-2 du code de procédure pénale, le mandat de dépôt à effet différé peut être assorti de l'exécution provisoire lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme attaché à la peine prononcée est supérieure à un an, et que les conditions de l'article 465 du même code sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce. Ils retiennent que l'exécution provisoire ainsi décidée doit conduire à l'incarcération du prévenu, comme le prévoient les articles D. 45-2-1 à D. 45-2-9 et D. 48-2-4 à D. 48-2-8 du code de procédure pénale. 7. Ils relèvent que les dispositions légales attachent des conséquences identiques au mandat de dépôt et au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, lequel présente le caractère d'une mesure de sûreté, compte tenu de l'obligation qu'il impose au condamné de se présenter dans un établissement pénitentiaire pour y être incarcéré, sous peine d'y être contraint par la force publique. 8. Ils en déduisent que l'absence d'effet suspensif du pourvoi en cassation, prévu aux articles 465 et 569 du code de procédure pénale, s'attache tant au mandat de dépôt qu'au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, tout en énonçant que les effets d'une mesure de sûreté ne sont pas suspendus par un pourvoi en cassation. 9. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur les articles 465 et 569 du code de procédure pénale pour considérer que l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire n'était pas suspendue par le pourvoi en cassation. 10. En effet, ces dispositions ne s'appliquent qu'au mandat de dépôt. 11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent. 12. Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. 13. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative. 14. Le moyen ne peut, dès lors, être admis. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PEINES - Peines correctionnelles - Emprisonnement sans sursis - Mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire - Effets
Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative
JURITEXT000048465561
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-80.772, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301376
Rejet
23-80772
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-23
Cour d'appel de Caen
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01376
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 23-80.772 F-B N° 01376 SL2 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2023, qui, pour non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [I], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [G] [I] a été poursuivi des chefs de non-représentation de son enfant mineure, la prévention visant la méconnaissance d'une ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2019, en réalité 2014, et de soustraction de l'enfant, à l'occasion du prononcé d'une ordonnance de placement provisoire. 3. Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal correctionnel l'a relaxé et a rejeté les demandes des parties civiles. 4. Le procureur de la République a relevé appel, ainsi que Mme [H] [T] et [1], parties civiles. Examen des moyens Sur le deuxième moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable du délit de non-représentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer, fait commis du 29 avril 2021 au 12 mai 2021 en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, alors : « 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, M. [I] était cité à comparaître devant le tribunal correctionnel sur le fondement d'une méconnaissance de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, et il ne pouvait donc être jugé sans qu'il l'ait expressément accepté sur le fondement d'une violation des dispositions du jugement de divorce prononcé le 27 mai 2016, cet acte reprendrait-il les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation s'agissant du régime des droits de visite et d'hébergement du père sur les enfants mineurs ; en l'absence de tout accord le prévenu pour être jugé au regard d'un titre de représentation totalement nouveau, qui ne constitue pas le fondement initial des poursuites, la cour d'appel a violé les articles 388 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les droits de la défense et excédé son pouvoir ; 2°/ qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que la substitution de jugement de divorce à l'ordonnance de non-conciliation ait fait l'objet d'une discussion contradictoire ; la cour d'appel a encore violé les textes et principes précités ; 3°/ qu'en outre, les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu contre le même prévenu à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré M. [I] à la fois coupable de non-représentation d'enfant mais aussi de soustraction d'enfant par ascendant des mains de la personne chargée de sa garde, s'agissant des mêmes faits de non-représentation d'enfant et de la même intention coupable, méconnaissant ainsi le principe non bis in idem et les articles 227-5 et 227-7 du code pénal. » Réponse de la Cour 7. En condamnant le prévenu pour non-représentation d'enfant, fait commis du 29 avril au 12 mai 2021, en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014 relatives à l'exercice du droit de visite et d'hébergement, l'arrêt attaqué n'a pas retenu à l'encontre du prévenu un fait nouveau, non visé par l'acte de poursuite, mais s'est borné à rectifier l'erreur contenue dans ce dernier à propos de l'élément préalable à la constitution de l'infraction, en s'assurant que la décision applicable était exécutoire. 8. Par ailleurs, il résulte des pièces de procédure que le tribunal ayant relaxé le prévenu au motif que la décision méconnue n'était pas celle visée à la prévention, le ministère public ayant relevé appel, la substitution critiquée a été mise dans le débat et a fait l'objet d'une discussion contradictoire devant la cour d'appel, ainsi que le confirment les notes d'audience. 9. Ainsi, les griefs tirés de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 388 du code de procédure pénale ne sont pas fondés. 10. En outre, en déclarant le prévenu coupable, d'une part, de non-représentation d'enfant, s'agissant de faits commis du 29 avril au 12 mai 2021, à l'égard de Mme [H] [T], d'autre part, de soustraction d'enfant commise le 17 mai 2021, au titre d'une ordonnance de placement provisoire et au préjudice du président du conseil départemental, l'arrêt attaqué s'est prononcé sur deux faits distincts et n'a pas méconnu le principe invoqué par le moyen. 11. Celui-ci doit, dès lors, être rejeté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en qu'il a condamné M. [I] à la peine de deux mois d'emprisonnement sans aménagement, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; dans le cas où la peine n'est pas supérieure à six mois, le juge qui décide de ne pas l'aménager doit en outre motiver spécialement sa décision en établissant que la personnalité ou la situation du condamné ne permet pas cet aménagement, ou en constatant une impossibilité matérielle ; en considérant en l'espèce que seule une peine d'emprisonnement est adéquate sans même envisager une mesure alternative, tel un prononcé avec sursis, ni motiver le refus d'aménagement de la peine prononcée autrement que par l'état actuel de détention du condamné, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal et les articles 132-25 du même code, 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour condamner le prévenu à une peine de deux mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué expose d'abord sa situation familiale, sociale, ses antécédents judiciaires, relève qu'il est placé en détention provisoire depuis le 21 janvier 2022 à l'occasion d'une information relative à des faits criminels et souligne la gravité des infractions commises. 14. Les juges ajoutent qu'il est sans ressources, ce qui exclut le prononcé d'une amende, voire de jours-amende, que sa situation actuelle et la gravité des faits ne permet pas d'envisager le recours à une peine de travail d'intérêt général ou l'exécution d'un stage, que seule une peine d'emprisonnement est adéquate en ce qu'il convient de donner au prévenu un signal clair, ferme et simple. 15. Ils énoncent encore que M. [I] est actuellement détenu, ce qui ne permet pas d'envisager un quelconque aménagement de la peine dès son prononcé. 16. En statuant ainsi la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 17. En effet, d'une part, elle a indiqué en quoi la peine prononcée était indispensable et toute autre sanction manifestement inadéquate. 18. D'autre part, elle a justement retenu que la situation du condamné, placé en détention provisoire à l'occasion d'une autre procédure, rendait impossible l'aménagement de la peine. 19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PEINES - Peine correctionnelle - Peine d'emprisonnement sans sursis prononcée par la juridiction correctionnelle - Aménagement de peine - Aménagement ab initio - Impossibilité - Placement en détention provisoire du prévenu dans une procédure distincte
Fait une juste application des dispositions de l'article 132-25 du code pénal la cour d'appel qui retient que le placement en détention provisoire du prévenu, dans une procédure distincte, rend impossible l'aménagement de la peine
JURITEXT000048465563
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 22-86.078, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301378
Cassation partielle
22-86078
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-09-06
Cour d'assises de la Seine-Saint-Denis
M. Bonnal
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01378
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-86.078 F-B N° 01378 SL2 22 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, en date du 6 septembre 2022, qui, pour meurtre et vol, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, sept ans de suivi socio-judiciaire, a fixé la durée de la période de sûreté aux deux tiers de celle de la peine, et quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [V], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 5 septembre 2019, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [M] [V] des chefs de meurtre et vol et son renvoi devant la cour d'assises de la Seine-et-Marne. 3. Par arrêt du 19 juin 2020, ladite cour d'assises a condamné M. [V] à la peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle. 4. M. [V] a formé appel principal et le ministère public appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches 5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable, alors : « 2°/ que le débat devant la cour d'assises est oral ; qu'il s'en déduit que lorsqu'il a été sursis à statuer sur le sort d'un expert non comparant, le président de la cour d'assises ne saurait user de son pouvoir discrétionnaire pour donner lecture du rapport établi par celui-ci, sans que les parties aient renoncé à son audition ni qu'il ait été statué préalablement sur les conséquences de son absence ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal des débats, d'une part que « [W] [T], expert régulièrement citée, a contacté le greffe de la cour d'assises et a indiqué son indisponibilité » et qu'au premier jour d'audience « la présidente sursoit à statuer sur sa comparution », et d'autre part qu'au dernier jour d'audience « Madame la présidente, agissant en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a donné lecture du rapport des expertises psychologiques de [D] [L] et [M] [V], réalisées par Madame [W] [T], expert absente » ; qu'il ne résulte cependant d'aucune constatation ni du procès-verbal, ni de l'arrêt, que les parties aient renoncé à son audition ou qu'il ait été statué préalablement sur les conséquences de cette absence, le sursis ordonné n'ayant jamais été vidé ; qu'en statuant sur la base d'une telle lecture, la cour a violé les articles 310, 326, 331, 347, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. La présidente de la cour d'assises, alors qu'il avait été sursis à statuer sur la comparution de l'expert, ne pouvait donner lecture du rapport de celui-ci avant qu'il ait été statué par la cour sur cette comparution. 8. Cependant, la défense n'a pas sollicité de donné acte, ni déposé de conclusions d'incident à l'occasion des débats devant la cour d'assises, pour invoquer cette irrégularité, alors qu'elle en avait la faculté. 9. Ainsi, le moyen, qui l'invoque pour la première fois devant la Cour de cassation, n'est pas recevable. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable, condamné celui-ci à la peine de vingt années de réclusion criminelle, fixé aux deux tiers de la peine la durée de la période de sûreté, ordonné que le demandeur fera l'objet d'une mesure de suivi socio-judiciaire durant sept années et prononcé à son encontre une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de quinze années, alors : « 1°/ d'une part, que lorsque la cour d'assises décide de porter la période de sûreté au-delà de celle qui est prévue de plein droit, elle doit le faire par décision spéciale et motivée ; qu'en l'espèce, la cour d'assises a condamné l'exposant à une peine de vingt années de réclusion criminelle, et fixé aux deux tiers de la peine la période de sûreté ; qu'aucune décision spéciale et motivée ne justifie toutefois le prononcé d'une peine de sûreté portée aux deux tiers de la peine, ni dans l'arrêt, ni dans la feuille de motivation, ni dans le procès-verbal des débats ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a méconnu l'article 132-33 du code pénal et n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-23 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale : 11. Il se déduit de ces textes que, si la période de sûreté constitue une modalité d'exécution de la peine, elle présente un lien étroit avec la peine et l'appréciation par le juge des circonstances propres à l'espèce, de sorte que, faisant corps avec elle, elle doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée lorsqu'elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit. 12. ll résulte de la feuille de motivation que la cour d'assises retient notamment la gravité exceptionnelle des faits et la personnalité de l'accusé, laissant craindre de nouveaux passages à l'acte, pour conclure qu'il convient de condamner l'intéressé à la peine de vingt ans de réclusion criminelle, outre un suivi socio-judiciaire pendant une durée de sept ans avec injonction de soins. 13. En statuant ainsi, sans justifier par une décision motivée le prononcé d'une peine de sûreté portée aux deux tiers de la peine par décision spéciale, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés. 14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, en date du 6 septembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Val-de-Marne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
COUR D'ASSISES - Débats - Expert - Absence - Sursis à statuer sur la comparution de l'expert - Lecture du rapport sans avoir statué sur la comparution de l'expert - Effets
CASSATION - Moyen - Moyen nouveau - Cour d'assises - Lecture du rapport d'un expert absent sans avoir prononcé sur le sursis à statuer concernant sa comparution - Moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation - Irrecevabilité
La lecture par le président de la cour d'assises du rapport d'un expert, alors qu'il avait été sursis à statuer sur la comparution de celui-ci, n'est pas régulière. Le moyen tiré de cette irrégularité, invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation, est cependant irrecevable en l'absence de donné-acte qu'il appartenait à la défense de solliciter, ou de conclusions d'incident qu'elle avait la faculté de déposer au cours des débats
JURITEXT000048465565
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-82.675, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301379
Annulation
23-82675
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-03-29
Président de la Chambre des Appels Correctionnels de Rennes
M. Bonnal
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01379
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 23-82.675 F-B N° 01379 SL2 22 NOVEMBRE 2023 ANNULATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [M] [T] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 mars 2023, qui a déclaré non admis son appel du jugement du tribunal correctionnel l'ayant condamné, pour outrages et violences aggravées, à dix-huit mois d'emprisonnement, et pour rébellion, à quatre mois d'emprisonnement, trois ans d'inéligibilité, et ayant prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Après débats contradictoires à l'audience du tribunal correctionnel du 31 octobre 2022, M. [M] [T] a été condamné le 9 décembre 2022, par jugement qualifié de contradictoire, pour outrages et violences aggravées, à dix-huit mois d'emprisonnement et, pour rébellion, à quatre mois d'emprisonnement, ainsi qu'à trois ans d'inéligibilité. Le tribunal a également prononcé sur les intérêts civils. 3. Le prévenu a interjeté appel principal le 13 janvier 2023 sur les dispositions pénales et civiles. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation de l'article 498 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré l'appel non admis, alors que le délai d'appel contre un jugement rendu à l'encontre d'un détenu qui n'a pas été extrait pour assister à son prononcé ne peut courir qu'à compter de la signification. Réponse de la Cour Vu les articles 498 et 505-1 du code de procédure pénale : 6. Il résulte du premier de ces textes que, si le délai d'appel court à compter du prononcé du jugement contradictoire, même si la partie dûment avertie n'était pas présente à l'audience à laquelle le jugement a été prononcé, ce n'est qu'à la condition que cette partie ne justifie pas de circonstances l'ayant mise dans l'impossibilité absolue d'être présente à la lecture de la décision et d'exercer son recours en temps utile. 7. Le prévenu détenu qui, étant présent aux débats, n'a pas été extrait de la maison d'arrêt le jour où a été prononcé le jugement, et qui n'était pas représenté par son avocat, justifie de telles circonstances. Le délai d'appel ne peut dès lors courir à son égard qu'à compter de la signification dudit jugement. 8. Si, selon le second de ces textes, l'ordonnance de non-admission d'appel du président de la chambre des appels correctionnels n'est pas susceptible de recours, il en va autrement lorsque son examen fait apparaître un excès de pouvoir. 9. Pour dire non admis l'appel, l'ordonnance attaquée retient que le prévenu a interjeté appel hors délai. 10. En statuant ainsi, alors que le prévenu, détenu, n'était ni comparant ni représenté à l'audience à laquelle avait été prononcé le jugement, ce dont il résultait que le délai d'appel ne pouvait courir qu'à compter de la signification de la décision, le président a excédé ses pouvoirs. 11. L'annulation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de l'annulation 12. L'annulation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 13. Le jugement n'ayant pas été signifié, le délai d'appel n'a pas couru. L'appel est donc recevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 mars 2023 ; CONSTATE que, du fait de l'annulation prononcée, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Rennes se trouve saisie de l'appel de M. [T] ; ORDONNE le retour de la procédure à cette juridiction autrement présidée ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Délai - Point de départ - Prévenu détenu
Justifie de circonstances l'ayant mis dans l'impossibilité absolue d'exercer son recours en temps utile, le prévenu détenu qui, étant présent aux débats, n'a pas été extrait de la maison d'arrêt le jour où a été prononcé le jugement et n'était pas représenté par son avocat. Le délai d'appel ne peut dès lors courir qu'à compter de la signification de la décision
JURITEXT000048465618
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-85.033, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301501
Cassation
23-85033
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-08-16
Cour d'appel de Colmar
M. Bonnal
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01501
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 23-85.033 F-B N° 01501 GM 21 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [M] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 511 de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, tentative d'escroquerie, blanchiment aggravé, faux et usage, vol, en récidive, a déclaré sa demande de mise en liberté recevable et constaté son dessaisissement. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [M] [B], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 9 décembre 2021, la cour d'appel de Colmar a condamné M. [M] [B] à six ans et un an d'emprisonnement et a ordonné son maintien en détention provisoire. 3. Par arrêt en date du 14 juin 2023 (Crim., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-80.544), la Cour de cassation a cassé cet arrêt et a renvoyé la procédure devant la cour d'appel de Nancy. 4. M. [B] a présenté une demande de mise en liberté le 8 juin 2023 devant la cour d'appel de Colmar. Examen de la recevabilité du mémoire personnel 5. Le mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale. Il est, dès lors, irrecevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté le dessaisissement de la cour d'appel de Colmar, et a refusé de se prononcer sur la demande de mise en liberté de M. [B], alors « que la cour d'appel, régulièrement saisie d'une demande de mise en liberté comme dernière juridiction ayant statué au fond, doit se prononcer sur celle-ci, peu important qu'ensuite de la cassation de l'arrêt de condamnation qu'elle avait prononcée, une autre cour d'appel ait été saisie du dossier sur le fond ; qu'en se déclarant dessaisie de la demande au profit de la cour d'appel de Nancy, la cour d'appel de Colmar a violé l'article 148-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5, § 4, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 148-1, alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale : 7. Il se déduit de ce texte qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond demeure compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté formée devant elle avant l'arrêt de la Cour de cassation. 8. Pour refuser de se prononcer sur la demande de mise en liberté formée par M. [B] , l'arrêt attaqué énonce que si la demande est recevable, la cour d'appel de Colmar est dessaisie au profit de la cour d'appel de Nancy, par suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2023. 9. En se déterminant ainsi, alors que la demande de mise en liberté de M. [B] avait été formée le 8 juin 2023, soit antérieurement à l'arrêt de la Cour de cassation précité, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 10. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 11. Il appartient à la cour d'appel de Nancy, désignée comme cour d'appel de renvoi, de statuer sur la demande de mise en liberté formée par M. [B], après s'être assurée qu'elle ne l'a pas déjà fait à la suite de l'arrêt attaqué. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 16 août 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
DETENTION PROVISOIRE - Demande de mise en liberté - Compétence - Juridiction - Détermination - Pourvoi en cassation formé
Il se déduit de l'article 148-1, alinéa 1 et 2, du code de procédure pénale qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond demeure compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté formée devant elle avant que l'arrêt de la Cour de cassation ne soit rendu
JURITEXT000048465620
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-85.035, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301502
Rejet
23-85035
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-08-16
Cour d'appel de Colmar
M. Bonnal (président)
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01502
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 23-85.035 F-B N° 01502 GM 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [Z] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 512 de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, tentative d'escroquerie, blanchiment aggravé, faux et usage, vol, en récidive, a déclaré sa demande de mise en liberté recevable et constaté son dessaisissement. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [Z] [I], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [Z] [I] à été condamné à deux peines d'emprisonnement ferme de six et un an par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 9 decembre 2021 contre lequel il a formé un pourvoi. 3. Il est resté en détention provisoire dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation. 4. Par arrêt en date du 14 juin 2023 (Crim., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-80.544), la Cour de cassation a cassé cet arrêt du 9 décembre 2021. 5. M. [I] a présenté une demande de mise en liberté le 27 juin 2023. Examen de la recevabilité du mémoire personnel 6. Le mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale. Il est, dès lors, irrecevable. Examen des moyens Sur le premier moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demnde de mise en liberté de M. [I], alors « qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond est compétente pour se prononcer sur une demande de mise en liberté jusqu'à l'arrêt de cassation ; que la demande que lui adresse le détenu est recevable tant que ne lui a pas été notifié l'arrêt statuant sur son pourvoi ; qu'en déclarant irrecevable la demande qui lui était adressée le 27 juin 2023, à raison de l'intervention de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin précédent, sans constater que celui-ci avait été notifié à l'intéressé avant le dépôt de sa demande, la cour d'appel a violé l'article 148-1, du code de procédure pénale, ensemble l'article 5 § 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer irrecevable la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que la cour d'appel de Colmar est désormais dessaisie du dossier par l'effet de l'arrêt du 14 juin 2023 de la Cour de cassation au profit de la cour d'appel de Nancy. 10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 11. En effet, à la date de la demande de mise en liberté, formée le 27 juin 2023, la cour d'appel de Colmar avait été dessaisie par l'arrêt de la Cour de cassation susvisé, peu important que cet arrêt ait été notifié à l'intéressé après qu'il avait formulé sa demande. 12. Dès lors, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
DETENTION PROVISOIRE
Il se déduit de l'article 148-1, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond n'est plus compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté formée devant elle après l'arrêt de la Cour de cassation, peu important que cet arrêt ait été notifié à l'intéressé après qu'il avait formulé sa demande
JURITEXT000048550297
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 novembre 2023, 23-80.599, Publié au bulletin
2023-11-28 00:00:00
Cour de cassation
C2301317
Cassation
23-80599
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-24
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01317
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 23-80.599 FS-B N° 01317 RB5 28 NOVEMBRE 2023 CASSATION REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 NOVEMBRE 2023 M. [O] [E] et le procureur général près la cour d'appel de Grenoble ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 24 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs de meurtre et arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires, a rejeté sa demande de constatation d'extinction de l'action publique. Par ordonnance du 17 avril 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [O] [E], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [Y] [U], [J] [B] et [N] [B], Mmes [F] [B], [R] [U] et [G] [U], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le [Date décès 1] 1986, [L] [B] a garé son véhicule devant un immeuble dans lequel elle est entrée. Deux témoins ont entendu un cri long et dégressif. Elle n'a plus réapparu. 3. Une enquête de recherche dans l'intérêt des familles a été déclenchée le jour même, suivie, le 30 mai, de l'ouverture d'une information contre personne non dénommée des chefs d'arrestation et séquestration arbitraires. 4. Cette information, au cours de laquelle M. [O] [E] a été entendu sans qu'aucun élément à charge soit retenu contre lui, a été clôturée, le 2 novembre 1987, par une ordonnance de non-lieu confirmée, le 21 juin 1988, par un arrêt de la chambre d'accusation qui a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de cassation le 12 décembre 1989. 5. Le 17 avril 2020, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire à la suite de la réception d'une lettre du frère de [L] [B] et, le 17 novembre suivant, a ouvert une information contre personne non dénommée du chef d'enlèvement, détention ou séquestration sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis son appréhension, entre le [Date décès 1] 1986 et le 2 novembre 2020. 6. Le 8 mai 2022, M. [E] a été interpellé et a avoué avoir tué [L] [B] en l'étranglant, à l'occasion d'une altercation provoquée par la circonstance qu'elle s'était, selon lui, mal garée. 7. Le lendemain, le ministère public a délivré un réquisitoire supplétif du chef d'homicide volontaire précédé d'un crime, en l'espèce l'enlèvement et la séquestration de la victime. Le même jour, M. [E] a été mis en examen des chefs d'homicide volontaire et d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, sans libération volontaire avant le septième jour. Il a été placé en détention provisoire. 8. Sur ses indications, des fragments crâniens ont été retrouvés, en novembre 2022, dans une zone qu'il avait désignée comme étant celle où il avait abandonné le corps de la victime. Des expertises ont permis d'établir que ces fragments provenaient du corps de la disparue. 9. Par requête du 17 octobre 2022, son avocat a sollicité notamment l'annulation de sa mise en examen pour cause de prescription de l'action publique et demandé sa mise en liberté. 10. Par ordonnance du 4 novembre 2022, le président de la chambre de l'instruction a saisi d'office cette chambre aux fins d'examen complet de la procédure, sur le fondement de l'article 221-3 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 11. Le moyen est pris de la violation des dispositions des articles 1er, 3, 4, 6, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, du préambule et des articles 1er, 2, 20, 47, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a considéré que les dispositions de l'article 7 du code de procédure pénale applicable à la date des faits et prévoyant un délai de prescription de l'action publique de dix ans ne pouvaient être écartées sur le fondement de la Convention européenne et de la Charte des droits fondamentaux, alors que le principe d'égalité de droits est affirmé par la Convention européenne et la Charte des droits fondamentaux, et que les droits ainsi reconnus bénéficient à toute personne concernée par une procédure pénale, quel que soit son statut juridique dans la procédure. Réponse de la Cour 13. L'arrêt attaqué a rejeté la demande de constatation d'extinction de l'action publique, conformément aux réquisitions du ministère public. 14. Le moyen, qui tend à une simple substitution de motifs, est irrecevable. Mais sur le premier moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique concernant l'infraction d'homicide volontaire, déclaré régulière la procédure et renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information judiciaire, alors : « 1°/ qu'en matière d'homicide volontaire, seul un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites peut justifier la suspension de la prescription de l'action publique ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que la disparition de [L] [B], signalée le soir même, a donné lieu à l'ouverture d'une « enquête de recherche dans l'intérêt des familles d'une personne majeure dès le [Date décès 1] 1986, jour du signalement de la disparition de [L] [B] ; [...] immédiatement suivie de l'ouverture d'une information judiciaire contre X des chefs d'arrestation et séquestration » (arrêt, p. 3 in fine et p. 12, § 3), et que « par un arrêt du 21 juin 1988, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble [a] confirm[é] une ordonnance de non-lieu rendue le 2 novembre 1987 par le juge d'instruction » (arrêt, p. 4, § 6) ; que des poursuites ayant ainsi été exercées dès la disparition de la victime en vue de rechercher les causes de sa disparition et de la retrouver, interruptives de la prescription même pour des faits de meurtre qui étaient nécessairement connexes aux infractions d'arrestation et séquestration arbitraire seules visées par l'information, l'arrêt attaqué ne pouvait affirmer que le ministère public s'était heurté à un obstacle de fait l'empêchant d'exercer l'action publique du chef de meurtre ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les articles 7 et 9-3 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ qu'en matière d'homicide volontaire, seul un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites peut justifier la suspension de la prescription de l'action publique ; que la seule dissimulation du corps de la victime et de la scène de crime ne caractérise pas un tel obstacle insurmontable ; qu'il ne peut en être autrement que lorsque nul ne pouvait s'inquiéter de la disparition de la victime ; qu'en l'espèce, selon les constatations de l'arrêt attaqué, la disparition de [L] [B] le [Date décès 1] 1986 a immédiatement donné lieu à l'ouverture d'une enquête puis d'une information pour arrestation et séquestration arbitraire clôturée par un arrêt de non-lieu du 21 juin 1988 ; qu'une enquête puis une information n'ont été rouvertes que les 17 avril 2020 et 17 novembre 2020 « contre personne non dénommée du chef d'enlèvement, détention ou séquestration de [L] [B], sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis son appréhension » (arrêt, p. 4, § 7-8), étendue par un réquisitoire supplétif du 9 mai 2022 à des faits d'homicide volontaire précédé de l'enlèvement et la séquestration de [L] [B] (arrêt p. 5) ; qu'en écartant néanmoins l'exception de prescription, acquise au plus tard le 21 juin 1998 en application de l'article 7 du code de procédure pénale dans sa version alors en vigueur, au seul motif de « la dissimulation tant du corps de [L] [B] ; que de la scène de crime puisqu'aucun indice matériel de commission d'un meurtre n'a été retrouvé dans le véhicule de la victime, dans le véhicule et le domicile d'[O] [E], ainsi que la personnalité sans histoire de [L] [B] ; ne pouvant laisser supposer qu'elle puisse avoir été victime d'un meurtre en l'absence d'indice matériel et de mobile » (arrêt, p. 15, § 2), l'arrêt n'a pas constaté l'existence d'un obstacle de fait insurmontable rendant impossible la mise en mouvement de l'action publique dès la disparition de la victime ; qu'il a ainsi violé le principe sus-énoncé, ainsi que les articles 7 et 9-3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, et l'article 9-3 du même code : 16. Il résulte du premier de ces textes qu'en matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. 17. Selon le second, tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription. 18. Pour rejeter la demande de constatation d'extinction de l'action publique du chef de meurtre à raison de la prescription, l'arrêt attaqué énonce que le meurtre de [L] [B] paraît pouvoir être fixé au [Date décès 1] 1986, jour de sa disparition, mais que les investigations alors effectuées dans le cadre de l'enquête de recherche dans l'intérêt des familles puis de l'information ouverte des chefs d'arrestation et séquestration n'ont pas permis de retrouver d'indice de violences ou d'homicide, seuls deux témoins ayant entendu le cri de douleur d'une femme à proximité du lieu où le véhicule de la victime a été découvert, portière ouverte et effets personnels à l'intérieur. 19. Les juges précisent que seuls les aveux de M. [E], le 9 mai 2022, ont justifié l'extension de la saisine du magistrat instructeur à des faits qualifiés d'homicide volontaire aggravé et que seuls les rapports d'expertises judiciaires déposés en novembre 2022 ont confirmé que le crâne découvert en octobre 2022 était celui de [L] [B], de sorte que, jusqu'au 9 mai 2022, il n'existait pas de raisons plausibles rendant vraisemblable l'existence d'un homicide volontaire, même si la disparition était inquiétante. 20. Ils ajoutent que la seule dissimulation du corps de la victime d'un meurtre ne caractérise pas un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites pouvant justifier la suspension de la prescription de l'action publique. 21. Ils en concluent que, d'une part, la dissimulation tant du corps que de la scène de crime puisqu'aucun indice matériel de commission d'un meurtre n'a été trouvé, d'autre part, la personnalité sans histoire de la victime, qui ne pouvaient laisser supposer l'existence d'un meurtre en l'absence d'indice matériel et de mobile, ont constitué un obstacle de fait à l'exercice de l'action publique du chef d'homicide volontaire, dont le délai de prescription de l'action publique n'a commencé à courir, en raison de cette dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction, qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites, soit, en l'espèce, le 9 mai 2022. 22. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 23. En effet, ni l'absence de mobile résultant de la personnalité de la victime ni la dissimulation du corps et de la scène du crime ne caractérisent un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites pouvant justifier la suspension de la prescription de l'action publique, laquelle avait, au demeurant, été mise en mouvement, dès le mois de mai 1986, des chefs d'arrestation et séquestration arbitraires. 24. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Et sur le second moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique concernant l'infraction d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraires, déclaré régulière la procédure et renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information judiciaire, alors « que la séquestration ou la détention arbitraire prend fin avec la libération ou le décès de la victime ; que dès lors, la libération ou le décès de la victime marque le départ du délai de prescription de l'action publique ; qu'au cas d'espèce, il résulte du rapport de l'expertise anthropologique du crâne attribué à [L] [B] que celle-ci était âgée au plus de « 40 ans » (arrêt, p. 13, § 5) au jour de son décès, âge qu'elle aurait atteint en 2001 pour être née le [Date naissance 2] 1961 (D16) ; que dès lors, la prescription décennale applicable en matière criminelle et prévue par l'article 7 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 février 2017, a commencé à courir au plus tard en 2001 et a été acquise en tout état de cause en 2011 ; que pour néanmoins rejeter l'exception de prescription des faits d'enlèvement et séquestration, la chambre de l'instruction se borne à énoncer que « la séquestration et la détention constituent des infractions continues, qui persistent tant que durent ces faits » (arrêt, p. 12, § 4) ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans tirer de ses propres constatations la conclusion que l'action publique, concernant le délit de détention et séquestration, avait commencé à se prescrire dès le décès de la victime pour s'éteindre au plus tard en 2011, la chambre de l'instruction a violé le principe sus-énoncé, ainsi que les articles 224-1 du code pénal et 8 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 224-1 du code pénal et 7 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 : 26. Il résulte de ces textes que, d'une part, les infractions d'arrestation et enlèvement arbitraires sont des infractions instantanées qui se prescrivent à compter du jour où elles ont été commises, d'autre part, les infractions de détention et séquestration arbitraires sont des infractions continues dont la prescription court à compter du jour où elles ont pris fin dans leurs actes constitutifs et dans leurs effets. 27. Pour rejeter la demande de constatation d'extinction de l'action publique des chefs d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, sans libération volontaire avant le septième jour, à raison de la prescription, l'arrêt attaqué énonce que l'enlèvement, la détention ou la séquestration constituent des infractions continues qui persistent tant que durent ces faits et que leur prescription ne court qu'à partir du jour où elles ont pris fin dans leurs actes constitutifs et leurs effets. 28. Les juges ajoutent que M. [E] a été mis en examen le 9 mai 2022 des chefs précités et que, s'il a contesté ces faits, affirmant avoir tué [L] [B] dès le [Date décès 1] 1986, les indices concordants de ces chefs résultent, à la date de l'interrogatoire de première comparution, d'une part, de la disparition de la victime à compter du [Date décès 1] 1986, d'autre part, du fait que M. [E] est, selon ses dernières déclarations, la dernière personne à l'avoir vue avant de la tuer. 29. Ils en concluent qu'il appartiendra au magistrat instructeur, à l'issue de l'information, d'apprécier s'il existe des charges suffisantes de ces chefs pour renvoyer M. [E] devant une juridiction de jugement, dès lors que le crâne de la victime a été découvert selon les indications de celui-ci et qu'aucun élément ne vient infirmer, à ce jour, ses déclarations quant à la mort de la victime dès le jour de sa disparition. 30. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations selon lesquelles la mort de [L] [B] était survenue le jour de sa disparition, soit le [Date décès 1] 1986, date qui constituait le point de départ du délai de la prescription des infractions instantanées comme des infractions continues, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 31. La cassation est de nouveau encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, Sur le pourvoi formé par le procureur général : Le REJETTE ; Sur le pourvoi formé par M. [O] [E] : CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 24 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-trois.
PRESCRIPTION - Action publique - Suspension - Obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites - Cas - dissimulation tant du corps que de la scène de crime et personnalité sans histoire de la victime (non)
Ni l'absence de mobile résultant de la personnalité de la victime, ni la dissimulation du corps et de la scène du crime ne caractérisent un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites du chef d'homicide volontaire, de nature à justifier la suspension de la prescription de l'action publique, au sens de l'article 9-3 du code de procédure pénale selon lequel tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui considère qu'ont constitué un obstacle de fait à l'exercice de l'action publique du chef d'homicide volontaire, d'une part, la dissimulation tant du corps que de la scène de crime puisqu'aucun indice matériel de commission d'un meurtre n'a été trouvé, d'autre part, la personnalité sans histoire de la victime, qui ne pouvaient laisser supposer l'existence d'un meurtre en l'absence d'indice matériel et de mobile
JURITEXT000048550350
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 novembre 2023, 23-81.825, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
C2301338
Cassation partielle sans renvoi
23-81825
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-03-21
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01338
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 23-81.825 FS-B N° 01338 ECF 29 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2023 M. [J] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 21 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de corruption d'agents publics étrangers et complicité d'abus de confiance, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 30 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [H], et les conclusions de M. Valat, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un rapport en date du 11 avril 2012 par lequel TRACFIN informait l'autorité judiciaire de mouvements créditeurs suspects opérés sur un compte ouvert au [1] au nom de M. [G] [V] et des investigations subséquentes diligentées par la division nationale des investigations financières et fiscales, une information judiciaire a été ouverte, le 15 novembre 2013, contre personne non dénommée, des chefs de corruption d'agents publics étrangers, blanchiment en bande organisée de corruption d'agents publics étrangers, complicité et recel de ces délits. 3. Le 26 février 2016, le procureur de la République financier a requis l'extension de l'information judiciaire à des faits susceptibles de caractériser les infractions d'abus de biens sociaux commis courant 2009 et 2010, au préjudice de la société [2], résultant de la sous-facturation de ses prestations pour les campagnes électorales de M. [N] [Y] au Togo et de M. [E] [T] en Guinée-Conakry, abus de confiance commis courant 2009 et 2010, au préjudice de la société [4], s'agissant du paiement par cette société à la société [2] d'une facture de 300 000 euros pour une prestation relative à la campagne électorale de M. [Y] et d'une facture de 100 000 euros pour une prestation relative à la campagne électorale de M. [T], et faux et usage commis en 2010 s'agissant de l'établissement de factures de la société [2] de 300 000 euros et 100 000 euros sur la société [4] pour des prestations effectuées en réalité au bénéfice des campagnes électorales de MM. [Y] et [T]. 4. Le 25 avril 2018, un réquisitoire supplétif a élargi la saisine à des faits d'abus de confiance commis courant 2009 et 2010 au préjudice de la société [4] s'agissant du financement à hauteur de 70 000 euros de la rédaction d'un ouvrage consacré à M. [T]. 5. Le 25 avril 2018, MM. [C] [W], directeur général du groupe [H], [J] [H], président du groupe éponyme, et [G] [V], directeur du pôle international de la société [2], ont été mis en examen. 6. Le 12 décembre 2018, la société [H], devenue [H] [5], a également été mise en examen. 7. Par courriers des 7 et 12 janvier 2021, MM. [W], [H] et [V] ont reconnu les faits qui leur sont reprochés et demandé au juge d'instruction la mise en oeuvre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 8. Par courrier du 7 janvier 2021, la société [H] [5] a déclaré accepter la qualification des faits pour lesquels elle a été mise en examen et sollicité la mise en oeuvre d'une procédure de convention judiciaire d'intérêt public. 9. Le même jour, le juge d'instruction a sollicité les réquisitions du procureur de la République financier, lequel a requis la mise en oeuvre des procédures précitées. 10. Le 5 février 2021, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi des personnes physiques mises en examen aux fins de mise en oeuvre de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et d'une convention judiciaire d'intérêt public s'agissant de la personne morale. 11. Les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ont été mises en oeuvre par le procureur de la République financier et les personnes mises en examen. 12. Le 26 février 2021, le jugé délégué par le président du tribunal judiciaire a rendu trois ordonnances de refus d'homologation des peines proposées par le procureur de la République financier. 13. Le 9 février 2021, le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], société mère du groupe [H], ont conclu une convention judiciaire d'intérêt public. 14. Le 26 février 2021, le juge désigné par le président du tribunal judiciaire a rendu une ordonnance de validation de cette convention. 15. Cette convention et l'ordonnance de validation ont fait l'objet des formalités de publication prévues par l'article 41-1-2 du code de procédure pénale. 16. Selon procès-verbal du 25 février 2022, le juge d'instruction a versé au dossier de l'information la convention judiciaire d'intérêt public et l'ordonnance de validation de celle-ci. 17. Par déclarations au greffe du 19 janvier 2022, MM. [W] et [H] ont demandé au juge d'instruction de leur octroyer le statut de témoin assisté et d'ordonner le non-lieu. 18. Le 21 février 2022, le procureur de la République financier a requis le rejet de ces demandes. 19. Ces demandes ont été rejetées par ordonnances du juge d'instruction du 23 février 2022. 20. Le 25 février 2022, le juge d'instruction a notifié aux parties l'avis de fin d'information et rendu l'ordonnance de soit-communiqué aux fins de règlement. 21. Par requête en date du 24 mai 2022, M. [H] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches 22. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public de la société [H], a refusé d'annuler son versement au dossier, a refusé de constater l'atteinte à la présomption d'innocence et à l'équité globale de la procédure emportant sa nullité ab initio et a rejeté la demande en annulation des poursuites et partant de l'intégralité des pièces de la procédure, alors : « 1°/ que le principe de la présomption d'innocence est méconnu si une déclaration officielle ou une décision judiciaire concernant un prévenu contient une déclaration claire, faite en l'absence de condamnation définitive, selon laquelle la personne concernée, a commis l'infraction en question ; qu'une telle atteinte préalable au jugement sur le fond de la personne concernée ne permet plus à la procédure de se poursuivre dans les conditions du procès équitable ; qu'en l'espèce l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public passée entre la société [H] et le parquet affirme que M. [H] aurait organisé un pacte de corruption, mentionne les termes de leur reconnaissance de culpabilité pour des faits de corruption et des faits d'abus de confiance ; que ces informations n'étaient pas nécessaires à la validation de la convention judiciaire d'intérêt public passée par la seule personne morale puisque l'ordonnance, qui n'emporte pas déclaration de culpabilité, a pour seul objet de vérifier le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l'amende et sa proportionnalité ; que dès lors cette ordonnance publiée dans un communiqué de presse et sur les sites internet des ministères de la justice et du budget, affirmant la culpabilité de M. [H] et mentionnant la reconnaissance qu'il en aurait faite avant toute décision au fond définitive selon laquelle il aurait commis les infractions qui lui sont reprochées a porté une atteinte irrémédiable à la présomption d'innocence interdisant toute poursuite de cette dernière dans des conditions garantissant les principes essentiels d'équité et de loyauté de la procédure ; qu'elle affecte la procédure dans son ensemble ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé la présomption d'innocence, l'article préliminaire du code de procédure pénale, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 47 et 48 de la Charte européenne des droits fondamentaux, et l'article 4, § 1, de la directive 2016/343 du Parlement européen et du Conseil ; 2°/ que l'atteinte portée à la présomption d'innocence par l'ordonnance d'homologation de la convention judiciaire d'intérêt public et sa publication ne pouvait être invoquée par le mis en examen avant ladite ordonnance et sa publication ; qu'il était dès lors recevable à faire valoir la nullité des actes antérieurs, la procédure en son entier étant affectée par la violation de ce principe essentiel à l'équité de la procédure ; qu'en déclarant irrecevable le moyen tiré de l'irrégularité des pièces antérieures à ladite ordonnance d'homologation et à son versement au dossier l'arrêt attaqué a violé les articles 174 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux. » Réponse de la Cour 24. Le moyen est infondé. 25. En effet, l'atteinte alléguée à la présomption d'innocence qui résulterait de la seule publication de l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public, conclue entre le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], n'est pas de nature à entacher la procédure d'une quelconque irrégularité, dès lors qu'à la supposer établie, cette atteinte serait le fait du juge désigné par le président du tribunal judiciaire ayant validé la convention judiciaire d'intérêt public, autorité extérieure à la procédure diligentée à l'encontre du demandeur par suite de la disjonction des poursuites. Mais sur les premier et deuxième moyens, et le troisième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé des moyens 26. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité, en tant notamment qu'elle visait le versement et le maintien dans la procédure de l'ordonnance D 846 portant non-lieu partiel et renvoi aux fins de mise en oeuvre de procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et de convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), et des courriers adressés par la défense au magistrat instructeur pour solliciter la mise en oeuvre de ces procédures (D 838, D 839, D 840 et D 841), alors : « 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 495-14, alinéa 2, et 180-1 du code de procédure pénale, qu'en cas de non-homologation de la CRPC, le procès-verbal prévu à l'alinéa 1er de l'article 495-14 « ne peut être transmis à la juridiction de jugement, et ni le ministère Public, ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites audit document remis au cours de la procédure »; il en résulte qu'en cas d'échec de la CRPC, l'intégralité des pièces relatives à cette procédure incidente doit être écartée du dossier d'information en cours, et que leur versement à ce dossier qui porte directement atteinte à la présomption d'innocence et au droit de ne pas s'auto-incriminer, doit être annulé ; ces dispositions visent l'ensemble des demandes ou accords et déclarations faites en vue d'une CRPC ; les courriers par lesquels la défense sollicite ou accepte le recours à la CRPC, ainsi que l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction accède à la demande et renvoie le dossier au ministère public ; en refusant d'ordonner la nullité du versement en procédure de ces pièces au dossier d'instruction en cours, la chambre de l'instruction a violé les articles 180, 180-1, 495-7, 495-8, 495-13 et 495-14 du code de procédure pénale, les droits de la défense et la présomption d'innocence, l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4, paragraphe 1, de la directive UE 2016/343 du Parlement européen et du Conseil en date du 9 mars 2016 ; 2°/ que même dans l'hypothèse où la loi interdit à la juridiction de jugement de se référer à telle ou telle déclaration d'une personne mise en cause, le juge de la régularité de la procédure a l'obligation, lorsqu'il en est requis, d'écarter et d'annuler des pièces portant trace d'une auto-incrimination irrégulière ; la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes et principes susvisé. » 27. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité visant notamment les réquisitions du ministère public, cotées D 911, D 914, D 919 et D 922, alors : « 1°/ qu'en cas d'échec de la procédure de CRPC, aucune référence à la reconnaissance des faits ou à l'acceptation de la qualification pénale retenue ne peut figurer dans les actes postérieurs ; la chambre de l'instruction a violé les articles 180-1 et 495-14 du code de procédure pénale, ainsi que la présomption d'innocence et les droits de la défense ; 2°/ que même dans l'hypothèse où la loi interdit à la juridiction de jugement de se référer à telle ou telle déclaration d'une personne mise en cause, le juge de la régularité de la procédure a l'obligation, lorsqu'il en est requis, d'écarter et d'annuler des pièces portant trace d'une auto-incrimination irrégulière ; la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes et principes susvisé. » 28. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'acte portant versement à la procédure de l'ordonnance validant la CJIP conclue avec les sociétés [H] [5] et [3], alors : « 3°/ que l'inclusion – inutile et étrangère à la procédure de CJIP – dans l'ordonnance de validation de cette convention, des termes des courriers par lesquels la défense avait sollicité de son côté une CRPC, et l'affirmation que dans ce courrier, le mis en examen « reconnaissait les faits et leur qualification juridique dans les termes suivants (...) » constituaient une violation de la présomption d'innocence et de l'interdiction de faire figurer au dossier les éléments relatifs à la CRPC ayant échoué ; en effet, le refus parallèle d'homologation des CRPC entraînait interdiction de la transmission des pièces afférentes au juge d'instruction, et de toute mention des déclarations faites pendant la procédure de CRPC ; en intégrant ces déclarations dans la validation de la CJIP, sans aucune nécessité pour celle-ci, l'ordonnance de validation a violé ces interdictions et était entachée d'excès de pouvoir ; son versement à la procédure était donc nul et en prétendant que les moyens de défaut d'impartialité du magistrat ayant validé la CJIP et de la violation de la présomption d'innocence seraient inopérants, la chambre de l'instruction a violé la présomption d'innocence, les droits de la défense, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 173, 174, 180-1, 495-14 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 29. Les moyens sont réunis. Sur les moyens, en ce qu'ils portent sur les pièces et mentions de pièces relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de MM. [W] et [V] 30. Les moyens sont irrecevables en ce que le demandeur est sans qualité pour invoquer l'atteinte portée à la présomption d'innocence et aux droits de la défense de MM. [W] et [V]. Sur les moyens, en ce qu'ils portent sur les pièces et mentions de pièces relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité du demandeur Vu les articles préliminaire, 180-1 et 495-14 du code de procédure pénale, et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme : 31. Selon les premier et dernier de ces textes, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Il s'en déduit le droit de cette personne de ne pas contribuer à sa propre incrimination. 32. En application du deuxième, si le juge d'instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu'elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l'accord du procureur de la République ou du mis en examen, prononcer par ordonnance le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. La demande ou l'accord du ministère public et des parties prévus au premier alinéa, qui doivent faire l'objet d'un écrit ou être mentionnés par procès-verbal, peuvent être recueillis au cours de l'information ou à l'occasion de la procédure de règlement prévue à l'article 175 du code de procédure pénale. 33. Il résulte du troisième qu'en cas de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, lorsque la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 du code de procédure pénale ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public, ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure. 34. Tel que rédigé, ce texte ne prohibe pas la transmission de la demande ou de l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, prévu par l'article 180-1 du code de procédure pénale, alors que ces actes impliquent que la personne mise en examen a reconnu les faits qui lui sont reprochés et accepté la qualification pénale retenue, non plus que la transmission des pièces ou mentions de pièces s'y référant. 35. Il ne prohibe pas non plus la transmission de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui, en application de l'article 180-1 précité, est seulement frappée de caducité en cas d'échec de cette procédure. 36. Il résulte cependant des travaux préparatoires de la loi n° 2004-904 du 9 mars 2004, dont sont issues les dispositions de l'article 495-14 du code de procédure pénale, que leur objet est d'éviter que la reconnaissance de sa culpabilité par la personne ayant fait l'objet de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et l'acceptation de la peine proposée par le procureur de la République ne nuisent à l'exercice des droits de la défense devant la juridiction saisie. Or, cet objectif ne peut être atteint lorsque figurent au dossier de la procédure transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement des pièces dont il se déduit que le prévenu a reconnu les faits qui lui sont reprochés et accepté la qualification pénale retenue. Il en va ainsi de la demande ou de l'accord de la personne mise en examen, faisant l'objet d'un écrit ou figurant dans un procès-verbal, aux fins de renvoi de l'affaire en procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 37. Par ailleurs, une telle transmission méconnaîtrait la présomption d'innocence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination qui en découle. 38. Tel n'est en revanche pas le cas de la présence dans le dossier de la procédure de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui renseigne seulement sur l'existence de cette procédure, dont l'échec peut être imputable à la circonstance que la personne poursuivie n'a pas reconnu les faits qui lui sont reprochés en présence de son avocat, dans les conditions de l'article 495-8 du code de procédure pénale. 39. Enfin, la présence de certains actes au dossier de la procédure ne peut être sanctionnée par leur annulation qui, selon les termes de l'article 170 du code de procédure pénale, ne peut porter que sur une pièce ou un acte de la procédure. En effet, ne répondent pas à cette qualification, d'une part, l'écrit adressé par la personne mise en examen au juge d'instruction par lequel elle demande le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en ce que cet écrit a été établi par une partie, d'autre part, les actes juridictionnels susceptibles de se référer à cet écrit, tels que l'ordonnance aux fins de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Par ailleurs, les actes ou pièces de la procédure, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, se référant à l'écrit de la personne mise en examen aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ne sauraient être annulés dès lors qu'ils sont intrinsèquement réguliers. 40. Il s'en déduit le principe suivant. 41. Lorsque, à la suite d'une information judiciaire, la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, la demande ou l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que les pièces ou mentions de pièces s'y référant, doivent être retirées du dossier de l'information judiciaire se poursuivant par suite de la caducité de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 42. Le retrait des mentions de pièces se référant à la déclaration ou l'accord de la personne mise en examen s'effectue par voie de cancellation. 43. Il appartient au juge d'instruction chargé de l'information de saisir la chambre de l'instruction dans les conditions des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, aux fins de retrait des pièces ou mentions de pièces précitées. La chambre de l'instruction procède ainsi qu'il est dit aux articles 170-1, 194 et suivants du code de procédure pénale. Le retrait s'opère dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale. 44. En l'espèce, pour rejeter le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information du courrier adressé par M. [H] au juge d'instruction aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et de l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi aux fins de mise en oeuvre de cette procédure et d'une convention judiciaire d'intérêt public, l'arrêt retient que cette ordonnance a été rendue conformément aux demandes des personnes mises en examen formalisées par courriers de leurs avocats remis au magistrat instructeur, lesquels ont été rédigés spontanément et en parfaite connaissance de leurs implications juridiques, de sorte qu'ils ne peuvent porter atteinte à la présomption d'innocence. 45. Les juges ajoutent que le deuxième alinéa de l'article 495-14 du code de procédure pénale ne vise que le procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13, ainsi que les déclarations ou les documents remis à cette occasion, garanties essentielles et suffisantes reconnues par le Conseil constitutionnel, de sorte qu'il n'y a pas lieu à retirer ou à annuler en tant que tels les actes antérieurs à l'ordonnance de renvoi, y compris les actes, quelle que soit leur forme, sollicitant le renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 46. Les juges énoncent par ailleurs, pour écarter le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information des réquisitions du procureur de la République financier relatives aux demandes présentées par M. [H] afin que lui soit octroyé le statut de témoin assisté et que soit ordonné le non-lieu, que ces pièces se bornent à faire référence aux demandes formulées par les courriers sollicitant le renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dont les termes sont repris par le ministère public et correspondent aux éléments figurant antérieurement à l'ordonnance de renvoi. 47. Les juges énoncent enfin, pour dire n'y avoir lieu d'annuler le versement au dossier de l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public conclue entre le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], qu'en application de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale, cette ordonnance, le montant de l'amende d'intérêt public et la convention elle-même sont soumis à publication sur les sites internet des ministères de la justice et des finances, de sorte qu'est inopérante la demande d'annulation du versement à la procédure d'une copie de ces pièces, et ce d'autant plus que le pourvoi formé à l'encontre de la décision de validation par le procureur de la République financier a été déclaré non admis par ordonnance du 12 avril 2021 rendue par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, et qu'il ne peut y avoir lieu à annulation d'une décision juridictionnelle. 48. Les juges ajoutent que la référence au courrier de janvier 2021, établi par les avocats de la personne mise en examen et à la demande de celle-ci, ne saurait affecter la présomption d'innocence de M. [H], ce courrier ne pouvant constituer un acte de procédure irrégulier ou susceptible de porter atteinte à la présomption d'innocence de l'intéressé, de nature à justifier en tant que telle l'annulation du versement de la convention judiciaire d'intérêt public et de l'ordonnance de validation de cette convention dans la présente procédure. 49. Ils énoncent aussi que l'ordonnance de validation reprend l'exposé des faits de l'ordonnance de renvoi, la motivation propre de cette ordonnance ne faisant pas référence à d'autres personnes que les sociétés [H] [5] et [3]. 50. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'ordonner le retrait du dossier de l'information de la demande présentée par M. [H] aux fins de renvoi du dossier au procureur de la République financier aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que la cancellation des mentions de pièces s'y référant, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 51. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 52. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 21 mars 2023, mais en ses seules dispositions ayant dit n'y avoir lieu au retrait du dossier de l'information de la demande de M. [H] de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et, par voie de cancellation, des mentions de pièces s'y référant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; ORDONNE le retrait du dossier de l'information des pièces et mentions de pièces suivantes, dans ce dernier cas par voie de cancellation : - La pièce cotée D 839 ; - A la cote D 844/3, les mots « Vu les courriers de [C] [W] et [J] [H] en date du 7 janvier 2021 » ; - A la cote D 845/2, les mots « Vu la demande de M. [J] [H] formalisée par courrier du 7 janvier 2021 aux fins de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, » et « Attendu qu'aux termes de l'information judiciaire, [J] [H], [C] [W] et [G] [V], tous trois mis en examen, ont reconnu, par courriers des 07 et 12 janvier 2021, les faits qui leurs sont reprochés et acceptent la qualification pénale retenue ; que les personnes mises en examen ont demandé ou accepté le renvoi aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. » ; - A la cote D 845/4, les mots « Attendu que les personnes mises en examen reconnaissent les faits et acceptent la qualification pénale retenue ; » ; - A la cote D 845/5, les mots « Attendu que les mis en examen ont donné par écrit leur accord à la mise en oeuvre de cette procédure ; » ; - A la cote D 846/2, les mots « Vu la demande de M. [J] [H] formalisée par courrier du 7 janvier 2021 aux fins de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, » ; - A la cote D 846/29, les mots « Le 7 janvier 2021, M. [H] adressait au magistrat instructeur une demande de mise en oeuvre de CRPC. » ; - A la cote D 846/31, à partir des mots « M. [J] [H], mis en examen pour complicité d'abus de confiance, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC. » ; - A la cote D 846/33, à partir des mots « M. [H], mis en examen pour corruption d'agent public étranger, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ; - A la cote D 846/35, les mots « Attendu que [H] [J] a demandé ou accepté le renvoi aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » ; - A la cote D 908/5, les mots « M. [H], mis en examen pour corruption d'agent public étranger, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : « S'agissant du Togo, au vu des explications qui lui ont été fournies, il prend acte de ce que la concomitance entre le règlement des prestations de communication et la conclusion d'avenants au contrat de concession permet à la justice de l'analyser comme révélant des faits de corruption. » ; - A la cote D 908/6, les mots « Soucieux de l'avenir du groupe et de chacun de ses collaborateurs, [J] [H] a fait réformer en profondeur les procédures de compliance pour éviter toute démarche critiquable ou inadaptée dans les années à venir ». » et « M. [J] [H], mis en examen pour complicité d'abus de confiance, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » ; - A la cote D 908/7, à partir des mots « [J] [H], dont la seule et unique priorité est l'avenir des sociétés du groupe, souhaite mettre fin à la procédure pénale en cours. » et jusqu'à « S'agissant d'[E] [T] dont il a toujours expliqué qu'il était une connaissance de 30 ans, il reconnaît, au vu des éléments qui lui ont été exposés, que la prudence aurait commandé de s'abstenir d'intervenir dans le cadre de la publication du livre. » » ; - A la cote D 911/2, les mots « Ils précisent par ailleurs qu'ils ne sont pas tenus par leur précédente demande d'orientation de la procédure vers une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, celle-ci ne valant pas reconnaissance des faits et de leur qualification juridique, mais participant d'une volonté d'abréger la procédure pénale afin de préserver les intérêts du groupe [H]. » ; - Aux cotes D 911/2 et D 911/3, à partir des mots « - mis en examen des chefs de corruption d'agent public étranger et d'abus de confiance depuis le 25 avril 2018, [J] [H] est seul à l'initiative d'une demande de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance de culpabilité ? finalisée dans un courrier du 7 janvier 2021 adressé au magistrat instructeur ? en vertu de laquelle il reconnaît les faits et leur qualification dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ; - A la cote D 914/2, les mots « Ils précisent par ailleurs qu'ils ne sont pas tenus par leur précédente demande d'orientation de la procédure vers une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, celle-ci ne valant pas reconnaissance des faits et de leur qualification juridique, mais participant d'une volonté d'abréger la procédure pénale afin de préserver les intérêts du groupe [H] » ; - Aux cotes D 914/2 et D 914/3, à partir des mots « - mis en examen des chefs de corruption d'agent public étranger et d'abus de confiance depuis le 25 avril 2018, [J] [H] est seul à l'initiative d'une demande de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance de culpabilité ? finalisée dans un courrier du 7 janvier 2021 adressé au magistrat instructeur ? en vertu de laquelle il reconnaît les faits et leur qualification dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ; ORDONNE le retour du dossier à la chambre de l'instruction pour retrait des pièces et cancellation des mentions de pièces précitées qui seront classées au greffe de la cour d'appel, dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale ; DIT qu'à l'issue, la chambre de l'instruction fera retour du dossier au juge d'instruction pour poursuite de l'information judiciaire conformément à la loi ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.
INSTRUCTION - Clôture - Renvoi aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - Echec de la mesure - Effets - Retrait des pièces ou mentions de pièces se référant à la demande ou à l'accord de renvoi en CRPC - Procédure
Il se déduit des articles 180-1, 495-14 et 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, lorsque, à la suite d'une information judiciaire, la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, la demande ou l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que les pièces ou mentions de pièces s'y référant, doivent être retirées du dossier de l'information judiciaire se poursuivant par suite de la caducité de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le retrait des mentions de pièces se référant à la déclaration ou l'accord de la personne mise en examen s'effectue par voie de cancellation. Il appartient au juge d'instruction chargé de l'information de saisir la chambre de l'instruction dans les conditions des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, aux fins de retrait des pièces ou mentions de pièces précitées. La chambre de l'instruction procède ainsi qu'il est dit aux articles 170-1, 194 et suivants du code de procédure pénale. Le retrait s'opère dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale. Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui rejette le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information du courrier adressé par la personne mise en examen au juge d'instruction aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et des mentions de pièces du dossier de l'information s'y référant, alors qu'il lui appartenait d'ordonner le retrait de cette demande, ainsi que la cancellation des mentions de pièces s'y référant
JURITEXT000048550359
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 novembre 2023, 22-85.867, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
C2301416
Cassation partielle
22-85867
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-08-25
Cour d'appel de Douai
M. Bonnal
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01416
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 22-85.867 F-B N° 01416 MAS2 29 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2023 MM. [F] [Z] et [P] [T] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 25 août 2022, qui, pour soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a condamné, le premier, à trois mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, une amende douanière et une confiscation, le second, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière et une confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [F] [Z] et [P] [T], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. MM. [F] [Z] et [P] [T] étaient respectivement président et secrétaire de deux associations dissoutes en mars 2019 car considérées comme vecteurs de diffusion d'une idéologie appelant à la haine, à la discrimination et faisant l'apologie du terrorisme. 3. En application de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, quatre arrêtés pris conjointement par les ministres des finances et de l'intérieur ont prononcé le gel de leurs avoirs bancaires pour des périodes de six mois entre le 2 octobre 2018 et le 18 avril 2021. 4. Par jugement du 6 septembre 2021, le tribunal correctionnel les a condamnés pour soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, M. [Z], à la peine de deux mois d'emprisonnement, une amende douanière et une confiscation et, M. [T], à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière et une confiscation. 5. Les intéressés ainsi que le ministère public et l'administration des douanes ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens, le cinquième moyen, pris en ses première et deuxième branches, le sixième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le septième moyen 6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité soulevé par M. [T], tiré de l'incompétence des agents des douanes pour effectuer l'enquête préliminaire dont il a fait l'objet, alors « que, selon l'article 28-1 du code de procédure pénale, les agents des douanes peuvent être habilités à effectuer des enquêtes préliminaires concernant une liste limitative d'infractions, comprenant la recherche des auteurs des délits douaniers et des infractions connexes, sur réquisition du procureur de la République ; que M. [T] a invoqué la nullité des actes réalisés par les agents des douanes, en enquête préliminaire, en soutenant qu'ils ne pouvaient enquêter sur le délit de soustraction aux mesures de gels des avoirs incriminées par l'article L. 574-3 du code monétaire et financier non visé par l'article 28-1 du code de procédure pénale et en l'absence de réquisition du procureur de la République à cette fin ; que pour rejeter ce moyen, la cour d'appel a considéré qu'en renvoyant à l'article 459 du code des douanes, le législateur avait donné compétence aux agents des douanes pour réaliser les enquêtes concernant ce délit, qu'il s'agissait d'un délit connexe à une infraction douanière permettant l'extension de compétence et que le soit-transmis adressé au magistrat délégué au service judiciaire des douanes avait valablement saisi les agents des douanes pour enquêter ; que dès lors que le délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs n'est pas un délit incriminé par le code des douanes, qu'il n'était en l'espèce pas connexe à une infraction au code des douanes dont les agents des douanes auraient été régulièrement saisis, et que l'article 28-1 du code de procédure n'a pas institué de délégation du pouvoir d'enquête par le procureur de la République au magistrat chargé de superviser l'enquête des agents des douanes habilités, la cour d'appel a violé les articles L. 574-3 du code monétaire et financier, les articles 453 et 459 du code des douanes et l'article 28-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel les agents des douanes habilités n'étaient pas compétents pour enquêter sur les faits de soustraction aux mesures de gel des avoirs sur le fondement de l'article 28-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué retient que ce texte prévoit que ces agents peuvent effectuer des enquêtes judiciaires sous le contrôle du procureur de la République s'agissant des infractions douanières, mais également s'agissant des infractions connexes aux infractions douanières. 9. Les juges ajoutent que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier, qui incrimine la soustraction aux mesures de gel des avoirs, prévoit expressément que les modalités de constatation, de poursuite et de répression de cette infraction sont régies par le code des douanes. 10. Ils en déduisent qu'il résulte de ce renvoi de l'article L. 574-3 aux textes du code des douanes que les agents des douanes habilités ont bien compétence pour effectuer des enquêtes judiciaires sur cette infraction en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale. 11. Par ailleurs, ils relèvent que, dès lors qu'il ressort des pièces de procédure que le service des douanes judiciaires a été saisi par un soit-transmis adressé au magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane et de l'administration fiscale, détaillant les réquisitions du procureur de la République, il doit en être conclu que ce service a bien agi sur réquisition de ce magistrat. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 13. En effet, en premier lieu, dès lors que les modalités de constatation, de poursuite et de répression du délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont prévues par le code des douanes, cette infraction constitue une infraction prévue par le code des douanes au sens du 1° du I de l'article 28-1 du code de procédure pénale. 14. En second lieu, il résulte de ce même article et de l'article R. 15-33-12 du même code que le procureur de la République peut délivrer des réquisitions au magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane, à charge pour ce dernier de désigner, aux fins de leur exécution, le ou les agents des douanes habilités. 15. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré MM. [Z] et [T] coupables de soustraction aux obligations résultant d'une décision de gel de leurs avoirs, alors : « 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier réprime le fait, pour les dirigeants ou les préposés des organismes financiers et personnes mentionnés à l'article L. 562-4 et, pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de gel ou d'interdiction prise en application du chapitre II du titre VI du livre V, de se soustraire aux obligations en résultant ou de faire obstacle à sa mise en oeuvre ; qu'avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 6 novembre 2020, les mesures de gels ordonnées par le ministre de l'économie sur le fondement de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier ne s'appliquaient pas aux prestations de services fournies par des sociétés ou autres entités établies à l'étranger ; que dès lors, en retenant la culpabilité des prévenus pour avoir fait fonctionner des comptes ouverts pendant les différentes périodes de gel de leur avoirs par différents arrêtés pris antérieurement à l'entrée en vigueur de cette ordonnance, la cour d'appel a violé les articles L. 563-4, L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 2°/ qu'en retenant à l'encontre des prévenus une soustraction à leurs obligations résultant des arrêtés de gels de leurs avoirs, lorsque les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier ne leur imposent aucune obligation particulière et que les arrêtés pris en application de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier se contentaient de geler leurs avoirs, sans indiquer quelles obligations s'imposaient à eux, le courrier d'accompagnement se contentant de rappeler la possibilité de demander au service du trésor une partie des fonds bloqués, ce qui ne constitue pas une obligation mais un droit, la cour d'appel a encore violé les articles L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 3°/ que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier réprimant l'obstacle à la mise en oeuvre du gel des avoirs, en constatant seulement que les prévenus avaient ouverts des comptes allemands et les avaient alimentés pendant les périodes de dégel, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'obstacle à la mise en oeuvre des mesures de gel, par le seul fait pour les prévenus d'avoir fait fonctionner ces comptes, même majoritairement pendant les périodes de gel, sans constater aucune dissimulation ou manoeuvre, et a ainsi privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 4°/ que le délit suppose la volonté de faire obstacle à la mise en oeuvre du gel ; qu'il s'en déduit que cette volonté doit être caractérisée au moment de l'obstacle mis à la mise en oeuvre de la mesure de gel ; que dès lors, en considérant que les prévenus avaient eu l'intention de se soustraire aux obligations résultant du gel de leurs avoirs, en ouvrant des comptes en Allemagne, pendant les périodes de dégel dans la perspective d'une éventuelle reconduction du gel de leurs avoirs, la cour d'appel n'a pas caractérisé la volonté de faire obstacle à la mise en oeuvre du gel au moment des faits, faute de constater des manoeuvres particulières pendant les périodes de gel, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 17. Pour déclarer les prévenus coupables de soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'arrêt attaqué énonce que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier punit le fait, pour les personnes mentionnées à l'article L. 562-4 du même code, leurs dirigeants ou leurs préposés et pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de gel ou d'interdiction prise en application du chapitre II du titre VI du livre V de ce code, de se soustraire aux obligations en résultant ou de faire obstacle à sa mise en oeuvre. 18. Les juges relèvent également que l'article L. 562-2, 1°, du code monétaire et financier dispose que le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé de l'intérieur peuvent décider, conjointement, pour une durée de six mois, renouvelable, le gel des fonds et ressources économiques qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent. 19. Ils relèvent encore que l'article L. 562-4, 1°, du code monétaire et financier, dans sa version applicable jusqu'au 6 novembre 2020, dispose que toute personne mentionnée à l'article L. 561-2 qui détient ou reçoit des fonds ou des ressources économiques pour le compte d'un client est tenue d'appliquer sans délai les mesures de gel et les interdictions de mise à disposition ou d'utilisation prévues au chapitre II du titre VI du livre V dudit code et d'en informer immédiatement le ministre chargé de l'économie. 20. Ils ajoutent que l'infraction prévue par l'article L. 574-3 consiste à ne pas avoir respecté la mesure administrative de gel des avoirs financiers et économiques détenus par les prévenus sur leurs comptes. 21. Ils retiennent qu'en l'espèce, quatre arrêtés ministériels ont privé les prévenus de la libre disposition des avoirs détenus sur leurs comptes pour une durée de six mois chacun, entre le 2 octobre 2018 et le 18 avril 2021, et que ces arrêtés leur ont été notifiés avec la mention des voies de recours et la possibilité d'obtenir une autorisation administrative d'utiliser une partie des avoirs. 22. Ils retiennent également que les dispositions de l'article L. 562-4 du code monétaire et financier, qui font obligation aux établissements financiers d'appliquer les interdictions édictées par l'autorité administrative, n'étaient pas opposables aux établissements financiers étrangers avant le 6 novembre 2020. 23. Ils constatent ensuite qu'il résulte de l'enquête que les deux prévenus ont chacun ouvert un compte auprès de la « néo-banque » allemande [1], les 7 et 10 avril 2019, alors que la mesure de gel résultant du premier arrêté avait pris fin le 2 avril 2019, et qu'ils ont donc, sitôt retrouvée la disponibilité de leurs avoirs, mis en place le moyen de détourner d'éventuelles nouvelles mesures du même type. 24. Ils constatent enfin qu'il ressort de l'examen des comptes ouverts au sein de la banque [1] que ceux-ci ont davantage été actifs en période de gel que de dégel, montrant ainsi quel était le but recherché lors de l'ouverture des comptes. 25. Ils en concluent que les prévenus, qui avaient bien connaissance de la possibilité qui leur était ouverte par les dispositions de l'article L. 562-11 du code monétaire et financier de solliciter auprès de la direction du Trésor une autorisation de déblocage de leurs fonds et en ont usé, se sont intentionnellement soustraits aux mesures de gel de leurs avoirs et ont détourné la mesure administrative. 26. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision et a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 27. En premier lieu, selon le 5° de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, le gel des fonds est défini comme toute action tendant à empêcher un changement de leur volume, montant, localisation, propriété, possession, nature, destination ou toute autre modification qui pourrait permettre leur utilisation, notamment la gestion de portefeuille. Il résulte donc de l'article L. 574-3 du même code une obligation pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de gel de s'abstenir de tout acte visant à se soustraire ou à faire obstacle à une telle action. 28. En deuxième lieu, le seul fait que la cour d'appel ait retenu que les prévenus avaient ouvert des comptes dans une banque étrangère, juste après la fin de la première période de gel, afin de pouvoir disposer ensuite de leurs avoirs pendant la période de gel suivante, caractérise leur soustraction à la mesure de gel, la loi n'exigeant en outre aucune dissimulation ou manoeuvre. 29. En dernier lieu, il ne saurait être déduit de ce que les établissements financiers étrangers n'étaient pas soumis à l'obligation d'appliquer les mesures de gel avant le 6 novembre 2020 que les personnes dont les avoirs avaient alors été gelés pouvaient, sans se rendre coupable du délit prévu par l'article L. 574-3, contourner ces mesures de gel en utilisant un compte bancaire au sein d'un tel établissement. 30. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le cinquième moyen, pris en sa cinquième branche, et le sixième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé des moyens 31. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] au titre de l'action douanière, à la confiscation de la somme de 12 185,61 euros et au paiement d'une amende du même montant, outre la peine d'emprisonnement de trois mois assortis du sursis probatoire, alors : « 5°/ qu'en fixant l'amende sans prendre en considération la possibilité de prononcer une amende inférieure à la somme minimum sur laquelle a porté l'infraction , par application de l'article 369 du code des douanes auquel elle ne se réfère pas, quand elle admettait que les dépenses en cause étaient essentiellement des dépenses de vie courante et en refusant de tenir compte du fait que les arrêtés de gel se fondaient sur un risque d'aide au terrorisme qui n'existait plus au moment où ils avaient été pris, comme le soutenait la défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 574-3 du code monétaire et financier, 459 et 369 du code des douanes, des articles 485 et 593 du code de procédure pénale. » 32. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] au paiement d'une amende douanière de 3 228,35 euros et a ordonné la confiscation d'une somme du même montant correspondant au produit de l'infraction, au titre de l'action douanière, alors : « 3°/ qu'en fixant l'amende douanière à la somme de 3 228,35 €, sans prendre en considération la possibilité de prononcer une amende inférieure à la somme minimum du montant du, par application de l'article 369 du code des douanes auquel elle ne se réfère pas, quand elle admettait que les dépenses en cause étaient essentiellement des dépenses de vie courante et en refusant de tenir compte du fait que les arrêtés de gel se fondaient sur un risque d'aide au terrorisme qui n'existait plus, comme le soutenaient les prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 574-3 du code monétaire et financier, 459 et 369 du code des douanes, des articles 485 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 33. Les griefs sont réunis. 34. Pour condamner M. [Z] à une confiscation de la somme de 12 185,61 euros et à une amende douanière d'un même montant et M. [T] à une confiscation de la somme de 3 228,35 euros et à une amende d'un même montant, la cour d'appel énonce que ces sanctions sont justifiées au regard des montants soustraits à l'obligation de gel des avoirs et de la situation familiale et financière des prévenus. 35. En statuant ainsi, après avoir détaillé la situation familiale et professionnelle des prévenus lorsqu'elle a motivé les sanctions pénales prononcées à leur encontre, la cour d'appel a justifié sa décision. 36. Les griefs doivent être écartés. Mais sur le cinquième moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] au titre de l'action douanière, à la confiscation de la somme de 12 185,61 euros et au paiement d'une amende du même montant, outre la peine d'emprisonnement de trois mois assortis du sursis probatoire, alors : « 3°/ que, par ailleurs et en tout état de cause, en fixant l'amende à la somme de 12 185,61 euros, qui correspondrait au montant du produit de l'infraction, et en ordonnant la confiscation d'une somme du même montant, quand par ailleurs la cour d'appel avait constaté que le prévenu avait utilisé pendant les périodes de gel des avoirs, tiré de son compte auprès de la banque allemande la somme de 6 357,20 euros (arrêt, p. 9), la cour d'appel se prononce par des motifs contradictoires, équivalents au défaut de motifs, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 38. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 39. Pour condamner M. [Z] à une confiscation d'un montant de 12 185,61 euros et à une amende douanière d'un même montant, l'arrêt attaqué relève que l'article 459 du code des douanes réprime l'infraction de soustraction à une mesure de gel des avoirs de la confiscation du produit du délit et d'une amende douanière égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction. 40. Les juges ajoutent que la somme susmentionnée représente le produit de l'infraction. 41. En prononçant ainsi, alors qu'elle a constaté que le compte ouvert par M. [Z] à la banque avait été alimenté à hauteur de 9 641,54 euros uniquement pendant la période de dégel et que les débits intervenus pendant les périodes de gel s'élevaient à la somme de 6 357,20 euros, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires. 42. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief. Portée et conséquences de la cassation 43. La cassation sera limitée à la confiscation et à l'amende douanière prononcées à l'encontre de M. [Z]. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par M. [T] : Le REJETTE ; Sur le pourvoi formé par M. [Z] : CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 25 août 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la confiscation et à l'amende douanière prononcées à l'encontre de M. [Z], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.
DOUANES - Agent de la douane judiciaire - Compétence - Compétence matérielle - Infractions visées par l'article 28-1 du code de procédure pénale - Cas - Délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs en matière de lutte contre le terrorisme
Dès lors que les modalités de constatation, de poursuite et de répression du délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont prévues par le code des douanes, cette infraction constitue une infraction prévue par le code des douanes au sens du 1° du I de l'article 28-1 du code de procédure pénale
JURITEXT000048550476
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 décembre 2023, 22-80.611, Publié au bulletin
2023-12-05 00:00:00
Cour de cassation
C2301357
Rejet
22-80611
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-01-21
Premier Président près la Cour d'Appel de Paris
M. Bonnal
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01357
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-80.611 FS-B N° 01357 ODVS 5 DÉCEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 DÉCEMBRE 2023 L'association [2] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 21 janvier 2022, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant l'autorité administrative à effectuer des opérations de visite et de saisie et rejeté son recours contre le déroulement desdites opérations. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de l'association [2], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du préfet du Bas-Rhin, et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 6 octobre 2021, le préfet du Bas-Rhin, au visa de l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris d'une demande de visite des locaux de l'association [2] ([2]), à [Localité 4], et de saisie de tout support ou donnée trouvés en ces lieux. 3. La requête visait M. [U] [L], co-président de l'association, présenté comme fréquentant les locaux de celle-ci, et dont le comportement était décrit comme caractérisant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, en raison de ses convictions et agissements favorables au terrorisme islamiste. 4. Les opérations de visite se sont déroulées dans les locaux désignés en présence de M. [L], représentant de l'occupant des lieux. 5. Le 22 octobre 2021, l'association [2] a relevé appel de l'ordonnance ci-dessus et exercé un recours contre les opérations de visite et saisie. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé l'ordonnance du 7 octobre 2021 autorisant une visite domiciliaire dans les locaux de l'association [2], a écarté la production d'une pièce n° 144 en cours d'audience et a déclaré régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 12 octobre 2021, alors : « 1°/ que le juge ne peut, sur le fondement de l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, autoriser la visite administrative des lieux visés qu'à la condition que le préfet prouve, par des éléments objectifs et sur lesquels il peut opérer une vérification, qu'il a des raisons sérieuses de penser que les lieux en question sont fréquentés par une personne dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ; qu'en refusant d'annuler l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention, quand bien même la requête du préfet s'appuyait exclusivement sur une note des services de renseignement qui n'était elle-même corroborée par aucun élément extrinsèque, de telle sorte qu'il n'était pas en mesure d'assurer un contrôle juridictionnel effectif du bien fondé de la mesure, le conseiller délégué par le premier président a violé l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 2°/ au surplus qu'une visite domiciliaire ne peut légalement être autorisée qu'à la condition que les lieux soient fréquentés par une personne présentant une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ; qu'il appartient au juge judiciaire chargé de contrôler le recours aux visites domiciliaires de s'assurer de la réalité et de l'actualité de la menace invoquée par l'autorité administrative ; qu'en se contentant d'éléments survenus entre 2008 et, au plus tard, 2014, pour caractériser la menace « d'une particulière gravité » que Monsieur [L] représenterait pour la sécurité et l'ordre publics, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, ensemble l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 7. Pour écarter le grief selon lequel la requête de l'administration était fondée exclusivement sur une note des services de renseignements, dite note blanche, l'ordonnance attaquée énonce que le Conseil d'Etat a admis la légalité d'un tel document comme élément de preuve devant une juridiction, à la condition qu'il soit débattu dans le cadre de l'instruction écrite contradictoire. 8. Le premier président relève qu'en l'espèce, le contenu de cette note est précis et circonstancié et a été soumis au débat contradictoire. 9. En se déterminant ainsi, le premier président a justifié sa décision, pour les motifs qui suivent. 10. D'une part, une note blanche ne doit pas nécessairement être corroborée par d'autres pièces, dès lors que les faits qu'elle relate sont précis et circonstanciés, le juge des libertés et de la détention ne devant se prononcer qu'au regard de ces seuls éléments de fait, sans interprétation ou extrapolation. 11. D'autre part, en cas de recours, la note est soumise au débat contradictoire et il appartient au premier président, en cas de contestation sérieuse, d'inviter, le cas échéant, l'administration à produire tout élément utile. 12. Ainsi, le grief, qui se borne à dénoncer l'insuffisance de la note blanche en raison de l'absence d'éléments extérieurs de nature à en conforter la teneur, doit être écarté. Sur le moyen, pris en sa seconde branche 13. L'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, tel que l'analyse le Conseil constitutionnel (Cons. const., 29 mars 2018, décision n° 2017-695 QPC), prévoit que l'administration, aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, peut être autorisée par le juge judiciaire à procéder à des visites domiciliaires et des saisies en tout lieu qu'elle désigne, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics en lien avec le risque de commission d'un acte de terrorisme et que cette personne entre en relations habituelles avec des personnes ou des organisations impliquées dans le terrorisme, ou adhère à une idéologie terroriste. 14. Selon l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. 15. La visite, par l'autorité administrative, en tout lieu, y compris un domicile, suivie, le cas échéant, de la saisie de tout élément qu'elle considère utile, constitue une ingérence dans le droit susvisé. 16. La préservation de la sécurité nationale et de la sûreté publique, le maintien de l'ordre public et la prévention des infractions liées au terrorisme constituent un objectif légitime dans une société démocratique au sens de l'article 8 susvisé. 17. L'article L. 229-1 du code précité impose à l'administration, aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, en premier lieu, d'établir qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le lieu qu'elle désigne est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics en lien avec le risque de commission d'un acte de terrorisme. 18. En second lieu, l'administration doit prouver que cette menace est liée au fait que cette personne, soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. 19. Le recours aux mesures susvisées est, enfin, soumis à l'autorisation du juge des libertés et de la détention, qui statue par une ordonnance écrite et motivée et qui doit être tenu informé du déroulement des opérations pour pouvoir, le cas échéant, y mettre un terme à tout moment. 20. Il appartient au juge des libertés et de la détention, et au premier président saisi d'un recours, de vérifier si la mesure sollicitée est nécessaire et proportionnée au regard des conditions ci-dessus énumérées. 21. Il revient à la Cour de cassation de s'assurer que le juge d'appel a motivé sa décision sans insuffisance ni contradiction 22. En l'espèce, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, la décision attaquée énonce que celui-ci s'est fondé sur des éléments factuels tels que rapportés par la requête du préfet, dont il ressort que les locaux de l'association [2] sont fréquentés par M. [L], en sa qualité de membre du bureau de cette association, dont le comportement entre dans les prévisions de l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure. 23. Le premier président relève que l'intéressé a participé à des manifestations pro-palestiniennes au cours desquelles, d'une part, des drapeaux israéliens ont été brûlés, d'autre part, il a été vu aux côtés d'un imam palestinien, M. [W] [E], connu pour sa proximité avec le Hamas. 24. Il précise que le mis en cause a par ailleurs appelé, via la messagerie Facebook, à dénoncer la participation de la grande mosquée de [Localité 4] au festival interreligieux qui devait avoir lieu en 2014, et observe que la veille de cette manifestation, le portail de cet édifice a été incendié. 25. Il observe que M. [L] a affiché, à plusieurs reprises, son soutien à MM. [E] et [D] [S]. 26. Le premier président constate que M. [E], qui a été assigné à résidence en 2015, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, dont la préfecture a versé un exemplaire aux débats, en raison d'appels répétés au meurtre des juifs et de prêches haineux dans diverses mosquées, dont celle gérée par l'association [2]. 27. Il ajoute que M. [L] est membre d'un collectif de soutien à M. [E], collectif qui a organisé des manifestations en faveur de l'intéressé, dont la dernière à [Localité 3] (23) en 2019. 28. Ce magistrat relève que M. [S] est le fondateur du parti des musulmans de France, mouvement ayant pris des positions antisémites et incitant au jihad et ayant, de ce fait, été l'objet d'une mesure de gel des avoirs en 2012. 29. Il relève encore que, selon les éléments produits par la préfecture en vue de l'audience, M. [L] a pris part à des manifestations contre l'islamophobie organisées par M. [S] et a, en 2003, tenu un discours critiquant le projet de loi interdisant les signes religieux en milieu scolaire. 30. Le juge observe que M. [L] est dénoncé dans la requête de l'administration comme étant à l'origine de la radicalisation de plusieurs jeunes hommes. 31. Il retient par ailleurs que l'association [2] a fait appel, pour la prière du vendredi, à l'imam salafiste M. [K] [N], qui affiche ses convictions radicales et entretient des relations avec des personnes suivies au titre de la prévention de la radicalisation terroriste, et qu'elle a affiché sur les réseaux sociaux un soutien à l'association [1], dissoute en 2020. 32. Il relève que le premier juge a retenu, à juste titre, qu'il apparaît ainsi que M. [L] et plus largement l'association [2] diffusent ou adhèrent à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. 33. Il constate que M. [L] doit ainsi être considéré comme une personne qui, soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. 34. Il observe enfin que, même si les faits qui se rapportent au comportement de M. [L] sont anciens, ces éléments caractérisent des indices que le comportement de l'intéressé, toujours actif au sein de l'association [2], constitue ainsi une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics. 35. En l'état de ces seuls motifs, le premier président, qui, après avoir vérifié que les locaux concernés étaient fréquentés par M. [L], a, sans insuffisance, décrit la pérennité, jusqu'à une période récente, des activités de ce dernier, en raison, dans un premier temps, de ses agissements personnels, puis, par la suite, de l'activité de l'association [2], dont il était devenu l'un des dirigeants, a ainsi caractérisé la nécessité de la mesure en raison de l'actualité de la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics que constituait le comportement de l'intéressé. 36. Ainsi, le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, doit être écarté. 37. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que l'association [2] devra payer au préfet du Bas-Rhin en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.
JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION
JURITEXT000048550478
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 décembre 2023, 22-87.459, Publié au bulletin
2023-12-05 00:00:00
Cour de cassation
C2301432
Cassation partielle sans renvoi
22-87459
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-11-21
Cour d'appel d'Orléans
M. Bonnal
SARL Le Prado - Gilbert
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01432
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-87.459 F-B N° 01432 GM 5 DÉCEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 DÉCEMBRE 2023 Mme [X] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 21 novembre 2022, qui, pour infraction au code de l'éducation, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la société Le Prado, Gilbert, avocat de Mme [X] [S], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 5 mars 2020, Mme [X] [S], psychologue de l'éducation nationale au sein d'un établissement public, a été convoquée devant le tribunal de police, pour avoir, entre le 1er février et le 15 novembre 2019, exercé des pressions sur les croyances de deux collégiens reçus en consultation, en leur remettant à l'occasion d'entretiens réalisés dans le cadre de l'exercice de ses fonctions des pierres et médaillons religieux, une hostie et des cartes de prières sur lesquelles apparaissent des saints, faits prévus et réprimés à l'article L. 141-5-2 du code de l'éducation. 3. Par jugement du 3 juin 2019, le tribunal a relaxé la prévenue pour les faits relatifs à la période du 1er février au 28 juillet 2019, l'a déclarée coupable pour le surplus et l'a condamnée à 1 000 euros d'amende. 4. Mme [S], le procureur de la République et Mme [C], partie civile, ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [S] coupable des faits de pression sur les croyances des élèves ou tentative d'endoctrinement d'élèves pendant une activité liée à l'enseignement dans un établissement public ou à ses abords au préjudice de [T] [E]-[C] et [M] [D] pour la période du 1er au 30 septembre 2019, de l'a condamnée pénalement et a statué sur les intérêts civils, alors « que l'article L. 141-5-2 du code de l'éducation issu de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en tant qu'il ne définit pas de manière claire et précise les éléments constitutifs de l'infraction qu'il sanctionne ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par mémoire distinct et motivé ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale. » Réponse de la Cour 7. Par arrêt en date du 20 juin 2023, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. 8. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet. Mais sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [S] à payer à [M] [D] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral et à [T] [E]-[C] celles de 1 200 euros et 400,64 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel, alors « que les règles de compétence des juridictions sont d'ordre public et peuvent être invoquées à tous les stades de la procédure ; que tout juge est tenu, même d'office et en tout état de la procédure, de vérifier sa compétence ; que lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'Etat est substituée à la sienne qui ne peut jamais être mise en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants ; qu'en condamnant Mme [S], après l'avoir déclarée coupable des faits visés à la prévention pour la période du 1er septembre au 30 septembre 2019, à verser des dommages-intérêts aux parties civiles, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 911-4 du code de l'éducation et le principe ci-dessus rappelé.» Réponse de la Cour Vu l'article L. 911-4 du code de l'éducation : 10. Selon ce texte, lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle de l'enseignant, qui ne peut jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants. L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé, et dirigée contre l'autorité académique compétente. 11. Doit être considéré comme un membre de l'enseignement public, au sens du texte susvisé, un psychologue de l'éducation nationale, dont la mission, définie à l'article 3 du décret n° 2017-120 du 1er février 2017, applicable à la date des faits, est notamment de participer à l'élaboration des dispositifs de prévention, d'inclusion, d'aide et de remédiation auprès des équipes éducatives, dans l'ensemble des cycles d'enseignement, auquel est imputée une faute pénale commise à l'occasion d'activités scolaires ou périscolaires. 12. Après avoir déclaré la prévenue coupable de la contravention susvisée, commise au préjudice de deux collégiens, les juges du fond l'ont condamnée à payer des dommages-intérêts aux parties civiles. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation sera limitée aux dispositions civiles de la décision, dès lors que celles relatives à la déclaration de culpabilité et aux peines n'encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues. 16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le cinquième moyen proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 21 novembre 2022 ; DÉCLARE irrecevables les demandes présentées contre Mme [X] [S] au titre de l'action civile ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.
ACTION CIVILE
JURITEXT000048550545
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 décembre 2023, 22-82.176, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
C2301453
Cassation sans renvoi
22-82176
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-03-16
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
M. Bonnal
SCP Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01453
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 22-82.176 F-B N° 01453 RB5 6 DÉCEMBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 L'union départementale [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 16 mars 2022, qui, dans l'information suivie, notamment, contre Mme [B] [X], épouse [P], et M. [D] [P], du chef d'association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de l'union départementale [1], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [B] [X], épouse [P], et de M. [D] [P], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mme [B] [X] et M. [D] [P] ont été mis en examen du chef d'association de malfaiteurs en vue du meurtre en bande organisée de M. [M] [F], salarié de la société dirigée par Mme [X]. 3. Soutenant que M. [F] avait été visé en qualité de syndicaliste, membre de l'un des syndicats lui étant affilié, dans le but d'empêcher l'implantation de syndicats dans l'entreprise, l'union départementale [1] (la [1]) s'est constituée partie civile à titre incident. 4. Par ordonnance du 6 septembre 2021, le juge d'instruction a déclaré cette constitution de partie civile irrecevable. 5. La [1] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la [1], alors : « 1°/ que, d'une part, le délit d'association de malfaiteurs, lorsqu'il a pour objet ou pour effet de faire échec à l'exercice de la liberté syndicale au sein d'une profession, quelle que soit l'infraction précisément projetée par les membres de ce groupement, est susceptible de causer un préjudice direct à l'intérêt collectif de cette profession, rendant recevable le syndicat qui la représente à se constituer partie civile ; qu'en l'espèce, en jugeant que « les faits d'atteinte à l'intégrité physique de [M] [F], objet de l'association de malfaiteurs dont se trouve saisi le magistrat instructeur, à les supposer établis, ne sauraient causer avec un lien de causalité direct, ni indirect, un préjudice quelconque l'UNION DEPARTEMENTALE DE LA [1] » (arrêt, pp. 10-11), sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'association de malfaiteurs n'avait pas en elle-même causé un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat dès lors que le groupement en cause avait eu pour objet et pour effet de faire échec à l'exercice de la liberté syndical au sein de cette profession, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 2 et 3 du code pénal, 85 et 87 du code de procédure pénale, L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que, d'autre part, et en tout état de cause, en se déterminant ainsi lorsqu'une telle association de malfaiteurs était susceptible de causer, à tout le moins, un préjudice indirect aux intérêts collectifs de la profession représentée par l'Union Départementale de la [1], la chambre de l'instruction a encore méconnu ces textes ; 3°/ qu'en outre, en retenant que M. [F] n'avait pas exercé de mandat syndical et qu'il n'était pas rapportée la preuve de son affiliation à la [1] (arrêt, p. 10), circonstances impropres à écarter l'existence d'un préjudice causé à l'intérêt collectif de cette profession, la chambre de l'instruction, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 du code pénal, 85, 87 et 593 du code de procédure pénale, L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°/ qu'enfin, et en tout état de cause, en énonçant que la preuve de l'affiliation de [M] [F] à la [1] n'était pas rapportée (arrêt, p. 10), cependant qu'elle retenait que M. [F] avait lui-même indiqué être syndiqué à la [1] (ibid.), la chambre de l'instruction s'est contredite en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 87 du code de procédure pénale, L. 2132-3 et L. 2133-3 du code du travail : 7. Il résulte de ces textes que, pour que la constitution de partie civile d'un syndicat ou d'une union de syndicats soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué, porté à l'intérêt collectif d'une profession représentée, et la relation directe ou indirecte de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. 8. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que M. [F] n'a jamais exercé de mandat syndical et que la preuve de son affiliation à la [1] n'est pas rapportée. 9. Les juges retiennent que l'atteinte à son intégrité physique, objet de l'association de malfaiteurs dont est saisi le juge d'instruction, ne saurait causer un quelconque préjudice, direct ou indirect, à la [1]. 10. Ils ajoutent qu'il n'apparaît pas que l'un des éléments constitutifs du délit d'association de malfaiteurs ait pu porter atteinte à la liberté syndicale ni que cette liberté relève de la valeur sociale protégée par l'infraction objet de cette association de malfaiteurs. 11. En statuant ainsi, après avoir relevé que plusieurs des personnes mises en examen ont affirmé avoir participé à la préparation du meurtre d'un salarié, dont Mme [X] redoutait qu'il n'introduisît un syndicat dans l'entreprise qu'elle dirigeait, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences des circonstances dont elle avait constaté l'existence, susceptibles de compromettre le libre exercice de la liberté syndicale, constitutionnellement garantie, et, par suite, de porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par un syndicat ou une union de syndicats, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 12. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 13. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 16 mars 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE recevable la constitution de partie civile de l'union départementale [1] ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
ACTION CIVILE
Il résulte des articles 87 du code de procédure pénale, L. 2132-3 et L. 2133-3 du code du travail que, pour que la constitution de partie civile d'un syndicat ou d'une union de syndicats soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué, porté à l'intérêt collectif d'une profession représentée, et la relation directe ou indirecte de celui-ci avec une infraction à la loi pénale
JURITEXT000048550547
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 décembre 2023, 22-86.044, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
C2301454
Rejet
22-86044
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-09-19
Cour d'appel d'Aix en Provence
M. Bonnal
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01454
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 22-86.044 F-B N° 01454 RB5 6 DÉCEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [K] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 19 septembre 2022, qui, pour association de malfaiteurs, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et une confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K] [E], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 23 février 2010, [T] [I], âgé de soixante-dix-neuf ans, a été attaqué à son domicile par deux agresseurs cagoulés, lesquels, après l'avoir frappé et ligoté, se sont emparés de son coffre-fort contenant 100 000 euros. La victime, découverte le 26 février 2010, est décédée des suites de ses blessures le [Date décès 1] 2010. 3. Par ordonnance du 25 mai 2020, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de M. [K] [E] devant le tribunal correctionnel du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, en l'espèce un vol dans un local d'habitation par effraction ou par ruse et en réunion. 4. Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal correctionnel a requalifié les faits reprochés au prévenu en association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et l'a condamné de ce chef à douze mois d'emprisonnement. 5. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, et le troisième moyen, pris en sa première branche 6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [E] coupable de participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un crime, alors : « 1°/ que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits ou circonstances non compris dans la poursuite ; Qu'en l'espèce, aux termes de l'ordonnance de renvoi du 25 mai 2020 qui fixe les termes de la prévention, il est reproché à M. [E] d'avoir, du 22 septembre 2009 au 22 février 2010, participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, en l'espèce un vol dans un local d'habitation par effraction ou par ruse et en réunion (arrêt, page 3 ; jugement, page 4) ; Que sous couvert de requalification des faits, la cour d'appel a déclaré M. [E] coupable de participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un crime, en l'espèce un vol avec violence ayant entraîné la mort ; Qu'en statuant ainsi, quand l'ordonnance de renvoi ne visait pas la préparation d'un vol avec violence ayant entraîné la mort, tandis que le vol dans un local d'habitation par effraction ou par ruse et en réunion ne constitue pas un crime mais ne peut caractériser que le délit prévu aux articles 311-4 et 311-5 du code pénal, et quand il ne résulte pas par ailleurs des pièces de la procédure que le prévenu ait accepté de répondre de tels faits, distincts de ceux visés à la prévention, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale ; 3°/ que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits ou circonstances non compris dans la poursuite ; Qu'en l'espèce, aux termes de l'ordonnance de renvoi du 25 mai 2020 qui fixe les termes de la prévention, il est reproché à M. [E] d'avoir, du 22 septembre 2009 au 22 février 2010, participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, à savoir un vol dans un local d'habitation par effraction ou par ruse et en réunion, en l'espèce en obtenant la combinaison du coffre, en disposant du bip d'ouverture du portail et de l'emplacement de l'alarme, en étudiant les possibilités de réaliser le vol et en effectuant au moins deux repérages sur la propriété de la victime au préjudice de [T] [I] ; Que pour déclarer M. [E] coupable de participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un crime, en l'espèce un vol avec violence ayant entraîné la mort, la cour d'appel a relevé que les actes préparatoires de nature matérielle pouvant, de ce chef, être reprochés au prévenu sont caractérisés par les relations unissant [T] [I] à [K] [E], par leur rencontre quelques heures avant la commission des faits, par le dépôt dans le garage de [T] [I] d'outils ad hoc, par des renseignements reçus de la part de [T] [I] lui-même ou de [D] [G], par ses liens avec [N] [V], les visites des lieux en sa compagnie et le projet par eux évoqué (arrêt, page 16) ; Qu'en retenant ainsi, à la charge de M. [E], au titre des actes préparatoires censés caractériser l'infraction de l'article 450-1 du code pénal, des faits qui n'étaient pas mentionnés dans l'ordonnance de renvoi, sans qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu ait accepté d'en répondre, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour déclarer le prévenu coupable d'association de malfaiteurs en vue de commettre un crime, après qu'il a été invité à s'expliquer sur la nouvelle qualification envisagée, l'arrêt attaqué relève que [T] [I] a été victime du vol de son coffre-fort commis avec des violences qui ont causé son décès. 9. Les juges ajoutent que le délit d'association de malfaiteurs est indépendant et différent dans ses éléments constitutifs de l'infraction dont les actes préparatoires tendent à la commission. 10. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte visé au moyen. 11. En effet, l'infraction d'association de malfaiteurs résulte de l'existence d'un groupement ou d'une entente caractérisés par un ou plusieurs faits matériels en vue de la commission d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. 12. Les circonstances dans lesquelles lesdits crime et délit ont été commis, qui résultent de la procédure ou des débats, peuvent être prises en considération pour modifier la qualification de l'infraction, relative au même fait, sans que la juridiction excède sa saisine. 13. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [E] à cinq ans d'emprisonnement ferme, alors : « 2°/ que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; Qu'en l'espèce, pour condamner M. [E] à cinq ans d'emprisonnement ferme, la cour d'appel a relevé que si, s'agissant de la personnalité du prévenu, de sa situation matérielle, familiale et sociale, l'intéressé est inséré socialement et qu'il n'a jamais été condamné, ces éléments d'insertion doivent être relativisés et appréciés à l'aune de la gravité des faits ; Qu'en statuant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la personnalité du prévenu, ni indiquer en quoi celle-ci, indépendamment de la gravité des faits, justifiait le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 132-19 du code pénal. » Réponse de la Cour 15. Pour condamner le prévenu à la peine de cinq ans d'emprisonnement, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les dispositions de l'article 132-19 du code pénal, énonce que la peine encourue est de dix ans d'emprisonnement, qu'il s'en déduit que le législateur a voulu sanctionner la gravité du trouble à l'ordre public résultant de la commission d'actes préparatoires d'un vol au domicile d'une personne fortunée, accompagné de violences qui ont entraîné son décès, agissements qui appellent une réponse pénale empreinte de fermeté. 16. Les juges relèvent, s'agissant de la personnalité du prévenu, de sa situation matérielle, familiale et sociale, que l'intéressé, agent immobilier et gérant d'épicerie, est inséré socialement, est divorcé et n'a jamais été condamné. 17. Ils retiennent cependant que ces éléments d'insertion doivent être relativisés et appréciés à l'aune de la nature et de la gravité des faits, qui ne permettent pas d'envisager le prononcé d'une peine autre que l'emprisonnement sans sursis, toute autre peine étant manifestement inadéquate. 18. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 19. Dès lors, le moyen doit être écarté. 20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
ASSOCIATION DE MALFAITEURS
JURITEXT000048550549
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 décembre 2023, 23-84.279, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
C2301462
Cassation sans renvoi
23-84279
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2020-09-14
Cour d'appel de Versailles
M. Bonnal
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01462
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 23-84.279 F-B N° 01462 RB5 6 DÉCEMBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 Le procureur général près la Cour de cassation a formé un pourvoi dans l'intérêt de la loi et du condamné, sur ordre du ministre de la justice, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, en date du 14 septembre 2020, qui a prononcé sur une requête en incident contentieux d'exécution. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 2 mars 2020, la cour d'appel de Versailles a déclaré M. [B] [T] coupable d'agression sexuelle aggravée, d'exhibition sexuelle et port d'arme prohibé, et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire et cinq ans de suivi socio-judiciaire, avec plusieurs obligations. 3. Sur le pourvoi formé par M. [T], la Cour de cassation, par arrêt du 3 mars 2021 (pourvoi n° 20-82.399), a cassé et annulé cet arrêt du 2 mars 2020 dans ses dispositions sur les peines, et renvoyé l'affaire devant la même cour d'appel autrement composée, laquelle par arrêt du 19 octobre 2022, a condamné l'intéressé à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire. 4. Parallèlement, le ministère public a saisi la cour d'appel de Versailles d'une requête en difficulté d'exécution de ce même arrêt du 2 mars 2020. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué à nouveau sur la peine et condamné M. [T] à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire, alors que, d'une part, il faisait suite à une procédure sur incident contentieux qui ne pouvait être mise en oeuvre à l'égard de l'arrêt du 2 mars 2020 dès lors qu'il n'était pas définitif, puisque frappé de pourvoi, sans méconnaître les dispositions combinées des articles 708 et 710 du code de procédure pénale, d'autre part, la cour d'appel de Versailles, saisie sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, ne pouvait statuer à nouveau sur la peine et méconnaître ainsi la chose jugée. Réponse de la Cour Vu les article 708 et 710 du code de procédure pénale : 6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le second n'est applicable qu'aux décisions définitives rendues par les juridictions répressives, lesquelles, saisies sur ce fondement, ne peuvent, sous le couvert d'interprétation ou de rectification, modifier la chose jugée en substituant à la décision initiale des dispositions nouvelles qui ne seraient pas la réparation d'erreurs matérielles. 7. La cour d'appel, saisie par le ministère public d'une requête en difficulté d'exécution de l'arrêt du 2 mars 2020, frappé de pourvoi, lequel avait condamné M. [T] à une peine d'emprisonnement avec sursis probatoire ainsi qu'à une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, a constaté que ces deux peines ne pouvaient être prononcées simultanément et en conséquence, a statué de nouveau sur la peine. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 9. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation aura lieu sans renvoi, dans l'intérêt de la loi et du condamné. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, dans l'intérêt de la loi et du condamné, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 septembre 2020 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
PEINES
Il résulte de la combinaison des articles 708 et 710 du code de procédure pénale que le second n'est applicable qu'aux décisions définitives rendues par les juridictions répressives, lesquelles, saisies sur ce fondement, ne peuvent, sous le couvert d'interprétation ou de rectification, modifier la chose jugée en substituant à la décision initiale des dispositions nouvelles qui ne seraient pas la réparation d'erreurs matérielles
JURITEXT000048550551
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550551.xml
ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 décembre 2023, 23-86.232, Publié au bulletin
2023-12-05 00:00:00
Cour de cassation
C2301568
Rejet
23-86232
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-10-25
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
M. Bonnal
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01568
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 23-86.232 F-B N° 01568 SL2 5 DÉCEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 DÉCEMBRE 2023 M. [G] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 25 octobre 2023, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires norvégiennes en exécution d'un mandat d'arrêt européen. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [G] [U], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 11 août 2022, les autorités norvégiennes ont délivré un mandat d'arrêt européen contre M. [G] [U], de nationalité norvégienne, en vue de poursuites pénales des chefs notamment de violation des interdictions de séjour et de contacts et menaces envers son ancienne compagne. 3. Le 17 mars 2023, le procureur général lui a notifié le mandat d'arrêt européen. 4. M. [U] a déclaré ne pas consentir à sa remise. Examen des moyens Sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la remise de M. [U] aux autorités judiciaires du Royaume de Norvège pour l'exécution du mandat d'arrêt émis selon mandat d'arrêt européen en date du 11 août 2022, par M. [X] [C], avocat général au parquet des comtés de Vestfold, Telemark et Buskerud, sur le fondement d'une décision nationale d'arrestation en date du 3 août 2022, émise par le tribunal judiciaire du comté de Vestfold, pour permettre l'exercice de poursuites pénales des chefs de violation des interdictions de séjour et de contact, de comportement sans égards, et de menaces, faits prévus et réprimés par les articles 168, 266 et 263 du code pénal norvégien, et donné acte à M. [U] de son refus de renoncer à se prévaloir du bénéfice de la règle de la spécialité, alors : « 1°/ que les dispositions de l'article 695-30 du code de procédure pénale en ce qu'elles ne prévoient pas que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction saisie d'une demande de remise au titre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen soit informée de son droit, au cours des débats, de garder le silence et l'interprétation qui en est faite par la jurisprudence de la Cour de cassation sont contraires à la Constitution ; que par un mémoire distinct et motivé, il est demandé à la Cour de cassation de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à ces dispositions ; que l'inconstitutionnalité qui sera prononcée entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique en application de l'article 61-1 de la Constitution ; 2°/ que quelle que soit la procédure en cause, le président de la chambre l'instruction ou l'un des assesseurs par lui désigné informe dès le début des débats l'intéressé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer la personne recherchée du droit de se taire dès l'ouverture des débats lui fait nécessairement grief ; qu'en ne notifiant pas ses droits à M. [U] dès l'ouverture des débats et avant même qu'il ait été (interrogé) entendu, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 199, 695-29, 695-30 et 695-46 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 7. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de saisir le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 695-30 du code de procédure pénale. 8. Il en résulte que le grief est devenu sans objet. Sur le moyen, pris en sa seconde branche 9. S'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué que M. [U], lors de sa comparution à l'audience du 13 septembre 2023, ait été informé de son droit de se taire, la chambre de l'instruction n'a méconnu ni les textes visés au moyen ni les droits de la défense pour les motifs qui suivent. 10. En premier lieu, d'une part, les dispositions de l'article 199 du code de procédure pénale qui prévoient, depuis la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, la notification du droit de se taire à la personne mise en examen qui comparaît devant la chambre de l'instruction ne sont pas applicables à la comparution, devant cette même juridiction, de la personne recherchée sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen, d'autre part, l'article 695-30 du même code ne prévoit pas une telle notification à cette même personne. 11. En second lieu, l'audition devant la chambre de l'instruction de la personne recherchée ne vise qu'à constater son identité, à recevoir ses observations sur le déroulement de la procédure dont elle fait l'objet, et à lui permettre de consentir ou non à sa remise, et non à la soumettre à un interrogatoire sur les faits objet du mandat d'arrêt. 12. Il s'ensuit que la chambre de l'instruction n'examine pas, à cette occasion, le bien fondé d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. 13. Dès lors, le moyen doit être écarté. 14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.
MANDAT D'ARRET EUROPEEN
JURITEXT000048550567
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550567.xml
ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 décembre 2023, 23-85.403, Publié au bulletin
2023-12-05 00:00:00
Cour de cassation
C2301510
Cassation
23-85403
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-08-18
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy
M. Bonnal
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01510
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 23-85.403 F-B N° 01510 SL2 5 DÉCEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 DÉCEMBRE 2023 M. [Z] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 18 août 2023, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [S], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 31 mars 2023, M. [Z] [S] a été mis en examen des chefs susvisés, et placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du même jour. 3. Le 1er août 2023, M. [S] a déposé une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction, en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale. 4. Le 10 août 2023, le demandeur et son avocat ont été convoqués à une audience fixée au 17 août suivant à 10 heures 30. 5. Le jour de l'audience, à 11 heures 54, l'avocat de M. [S] a été avisé que celui-ci comparaîtrait le même jour, à 14 heures, en visioconférence. 6. Il a alors adressé un mémoire demandant la mise en liberté immédiate de la personne mise en examen en raison d'une atteinte aux droits de la défense, ou, à titre subsidiaire, un renvoi de l'audience. 7. M. [S] a été avisé qu'il comparaîtrait par visioconférence à 13 heures 54. 8. L'audience s'est tenue à 14 heures, hors la présence de l'avocat de l'intéressé. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté « le moyen de procédure soulevé et la demande de renvoi », dit la demande de mise en liberté mal fondée, et l'a rejetée, alors : «2°/ d'autre part qu'en matière de détention, l'avocat doit être convoqué au moins quarante-huit heures avant l'audience de la chambre de l'instruction, la convocation devant préciser le mode de comparution de la personne détenue, afin de permettre à l'avocat de se déterminer, en cas de recours à la visioconférence, sur le lieu où il pourra se trouver – auprès de la juridiction ou auprès de son client – lors des débats ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que Monsieur [S] et son conseil n'ont été convoqués en vue de l'audience de la Chambre de l'instruction du 17 août 2023 à 14 heures que le jour même respectivement à 13 heures 55 et 11 heures 54 ; qu'en affirmant, pour juger la procédure régulière, que Monsieur [S] et son conseil avaient été convoqués pour une audience devant se tenir à la chambre de l'instruction le 17 août 2023 à 10 heures 30 et que le mode de comparution de la personne détenue pouvait être modifié pour passer d'une comparution physique devant la juridiction à l'usage de la visioconférence sans délai avant l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 197, 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ encore qu'en matière de détention, l'avocat doit être convoqué au moins quarante-huit heures avant l'audience de la chambre de l'instruction, la convocation devant préciser le mode de comparution de la personne détenue, afin de permettre à l'avocat de se déterminer, en cas de recours à la visioconférence, sur le lieu où il pourra se trouver – auprès de la juridiction ou auprès de son client – lors des débats ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que Monsieur [S] et son conseil n'ont été convoqués en vue de l'audience de la Chambre de l'instruction du 17 août 2023 à 14 heures que le jour même respectivement à 13 heures 55 et 11 heures 54 ; qu'en affirmant, pour juger la procédure régulière, qu'il appartenait à l'avocat de Monsieur [S] de « prendre soin d'indiquer suffisamment à l'avance s'il serait ou non auprès de son client », quand une telle diligence ne lui incombait pas dès lors qu'il avait été convoqué à une audience à laquelle son client devait comparaître physiquement, la chambre de l'instruction a violé les articles 197, 706-71, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 4°/ en outre qu'en matière de détention, l'avocat doit être convoqué au moins quarante-huit heures avant l'audience de la Chambre de l'instruction, la convocation devant préciser le mode de comparution de la personne détenue, afin de permettre à l'avocat de se déterminer, en cas de recours à la visioconférence, sur le lieu où il pourra se trouver – auprès de la juridiction ou auprès de son client – lors des débats ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que Monsieur [S] et son conseil n'ont été convoqués en vue de l'audience de la Chambre de l'instruction du 17 août 2023 à 14 heures que le jour même respectivement à 13 heures 55 et 11 heures 54 ; qu'en affirmant, pour juger la procédure régulière, que le changement de mode de comparution n'avait pas causé grief à Monsieur [S], dès lors que son avocat n'était pas présent à l'audience, quand la circonstance que le conseil de Monsieur [S] n'ait pas été présent à [Localité 2] à 10 heures 30 n'excluait pas qu'il ait pu, s'il avait été averti suffisamment à l'avance du recours à la visioconférence, qu'il puisse être présent aux côtés de son client à la maison d'arrêt de [Localité 1] à 14 heures, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 197, 706-71, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 5°/ enfin que l'absence de convocation régulière de l'avocat à l'audience de la chambre de l'instruction devant se prononcer en matière de détention fait nécessairement grief à la personne détenue qui comparaît sans avocat ; qu'en affirmant, au cas d'espèce, qu'aucun grief n'était résulté pour Monsieur [S] des conditions dans lesquelles son conseil avait été convoqué à l'audience, dès lors que Monsieur [S] avait choisi de garder le silence et ne s'était pas opposé au recours à la visioconférence, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 197, 706-71, 802, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale : 10. Selon ce texte, en cas d'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle devant la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire, l'avocat de la personne mise en examen peut se trouver auprès de la juridiction ou auprès de l'intéressé. 11. Il s'en déduit que, hors le cas prévu à l'article 706-71-1 du code de procédure pénale, lorsque le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle est envisagé devant la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire, l'avocat de l'intéressé doit en être avisé dans le délai et selon les formes prévus pour l'avis d'audience aux articles 197 et 803-1 du code de procédure pénale. Cette formalité, qui a pour objet de permettre à l'avocat d'assurer une défense effective de l'intéressé, en se trouvant à ses côtés s'il estime utile, est essentielle à la préservation des droits de la défense et doit être observée à peine de nullité de l'arrêt. 12. Pour écarter le moyen de nullité et rejeter la demande de renvoi, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que la comparution par visioconférence relève du pouvoir discrétionnaire de la chambre de l'instruction et que la loi n'a pas prévu de délai de rigueur pour l'utilisation de ce moyen de télécommunication. 13. Les juges ajoutent que l'avocat du demandeur n'était pas présent à l'audience à laquelle il avait été convoqué et qu'il lui appartenait d'indiquer suffisamment à l'avance s'il serait auprès de son client. 14. Ils relèvent enfin que M. [S] a choisi de garder le silence et n'a pas exprimé son refus de comparaître par visioconférence. 15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés. 16. En effet, alors que l'avis d'audience ne mentionnait pas la comparution de la personne mise en examen par visioconférence, l'avocat de M. [S] n'a été avisé de cette modalité de comparution que le jour même de l'audience. 17. Il s'ensuit que, M. [S] ayant comparu sans son avocat, les droits de la défense ont été méconnus. 18. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier grief. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 18 août 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.
DROITS DE LA DEFENSE
JURITEXT000048550569
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 décembre 2023, 23-85.780, Publié au bulletin
2023-12-05 00:00:00
Cour de cassation
C2301569
Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc
23-85780
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-12-12
Tribunal de police de Versailles
M. Bonnal
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01569
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 23-85.780 FS-B N° 01569 5 DÉCEMBRE 2023 SL2 QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 DÉCEMBRE 2023 M. [F] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 14 septembre 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre le jugement du tribunal de police de Versailles, en date du 12 décembre 2022, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 135 euros d'amende. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Seys, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Les articles 584 et 585-1 du code de procédure pénale doivent être déclarés anticonstitutionnels dans la mesure où, pour former un pourvoi en cassation et le motiver, il est imposé au prévenu présent à l'audience d'interjeter dans le délai de cinq jours puis de déposer son mémoire en cassation dans le délai d'un mois au plus tard après la date du pourvoi alors que jugement écrit ne lui est pas encore parvenu. Aux fins de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le jugement doit être notifié aux parties pour parfaite connaissance. Compte tenu de l'égal accès à la justice, d'une procédure pénale qui doit être équitable, le prévenu qui comparaît à l'audience doit bénéficier des dispositions de l'article 568, alinéa 2 et suivants, du code de procédure pénale qui mentionnent que le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt quelqu'en soit le mode. En déclarant contraire aux droits et libertés garantis par la constitution, l'alinéa 1 de l'article 568 du code de procédure pénale.» 2. La question peut être reformulée par le juge afin de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, à condition de ne pas en modifier l'objet et la portée (Ass. plén., 20 mai 2011, pourvoi n° 11-90.033, Bull. crim. 2011, Ass. plén., n° 6). 3. En effet, aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité est un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. 4. Les dispositions législatives contestées sont précisément identifiées dans la présente question. 5. Il n'importe que des textes constitutionnels n'y soient pas visés dès lors que les droits et libertés que la Constitution garantit, dont la violation est invoquée, sont clairement identifiables. 6. Enfin, le mémoire spécial explicite en quoi les dispositions législatives contestées porteraient atteinte aux principes constitutionnels invoqués. 7. Il y a lieu en conséquence de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie de la question prioritaire de constitutionnalité, ainsi reformulée : « Les dispositions des articles 568, alinéa 1, 584 et 585-1 du code de procédure pénale qui fixent les délais pour former un pourvoi en cassation et déposer un mémoire au soutien de ce recours, en ce qu'elles imposent au prévenu comparant à l'audience de former un pourvoi dans les cinq jours suivant le prononcé de la décision et de déposer un mémoire personnel dans un délai d'un mois suivant le pourvoi, alors que les motifs de la décision attaquée ne sont pas nécessairement connus, faute de signification de celle-ci, et ce contrairement au prévenu visé à l'article 568, alinéa 2 et suivants, du code de procédure pénale, pour lequel le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt, quel qu'en soit le mode, portent-elles atteinte aux principes de l'égal accès à la justice et au caractère équitable de la procédure pénale ? » 8. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 9. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 10. La question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les dispositions légales critiquées ne méconnaissent pas les principes d'égalité devant la justice et d'équité de la procédure pénale, pour les motifs qui suivent. 11. En premier lieu, les dispositions critiquées, fixant, d'une part, le point de départ du délai de pourvoi en cassation, au lendemain du jour du prononcé de la décision contradictoire, d'autre part, le délai pour déposer un mémoire au soutien de ce recours, ne privent pas les parties d'un accès à la Cour de cassation, fût-ce à titre conservatoire, dès lors que le demandeur condamné pénalement dispose d'un délai d'un mois à compter de son pourvoi pour déposer un mémoire contenant ses moyens de cassation, délai qui peut être augmenté par dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, en application de l'article 585-1 du code de procédure pénale, ou en cas de constitution d'un avocat à la Cour de cassation. 12. En deuxième lieu, l'article 568 du code de procédure pénale répond à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, en visant à prévenir l'allongement des délais de jugement des auteurs d'infractions. 13. Enfin, le prévenu qui, régulièrement mis en mesure d'assister au prononcé de la décision, peut prendre connaissance de son sens dès cette date, et ainsi apprécier l'opportunité de faire un pourvoi, est dans une situation différente de celui visé aux alinéas 2 et suivants de l'article 568 précité qui ignore le jour où cette décision a été rendue, de sorte que la différence du point de départ du délai pour former un pourvoi et déposer un mémoire ne procède pas de distinctions injustifiées. 14. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
JURITEXT000048242167
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 octobre 2023, 22-18.678, Publié au bulletin
2023-10-18 00:00:00
Cour de cassation
52301060
Cassation
22-18678
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-05-11
Cour d'appel d'Amiens
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Me Balat, Me Occhipinti
ECLI:FR:CCASS:2023:SO01060
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Cassation M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1060 F-B Pourvoi n° H 22-18.678 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023 La société Crocodile restaurants, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 22-18.678 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 1], 2°/ au Pôle emploi de Paris, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Crocodile restaurants, de Me Occhipinti, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 mai 2022), Mme [M] a été engagée en qualité de cuisinière le 14 mars 2019 par la société Crocodile restaurants (la société). 2. La salariée a été licenciée pour faute grave le 18 novembre 2019. 3. Soutenant avoir été licenciée pour avoir dénoncé un harcèlement sexuel, elle a saisi la juridiction prud'homale le 11 février 2020 aux fins de juger son licenciement nul et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à ce titre. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée nul et de la condamner à lui verser diverses sommes au titre d'un rappel de salaire à la suite de la mise à pied conservatoire, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ainsi qu'à rembourser à l'organisme concerné le montant des indemnités chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois de prestations, alors « que lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, contient plusieurs griefs distincts à l'encontre du salarié, le juge ne peut dire le licenciement injustifié sans avoir examiné chacun des griefs qui y sont énoncés ; qu'en jugeant le licenciement nul au seul motif que "les faits reprochés à la salariée au sein de la lettre de licenciement sont concomitants à la date à laquelle la salariée a déposé plainte", ce dont il se déduit que "la dénonciation de harcèlement sexuel a pesé sur la décision de licenciement", sans examiner les griefs évoqués dans la lettre de licenciement tenant au refus réitéré de la salariée d'accomplir certaines de ses tâches et à ses abandons de postes et actes d'insubordination, lesquels pouvaient à eux seuls justifier son licenciement pour faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1153-3 du code du travail, applicable en l'espèce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail : 5. Il résulte de ces textes que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement. 6. Pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient que l'engagement de la procédure de licenciement pour faute grave trouve son origine dans la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement sexuel, laquelle a manifestement pesé sur la décision de l'employeur, et que ce dernier n'établit pas que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi. 7. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne fait pas mention d'une dénonciation de faits de harcèlement sexuel, sans rechercher si les motifs énoncés par la lettre de licenciement pour caractériser la faute grave étaient établis par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.
CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Cas - Dénonciation de faits antérieurs au licenciement - Mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement - Lien avec le licenciement - Preuve - Charge - Détermination - Portée
Il résulte des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail que, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement, qui ne fait pas mention d'une dénonciation d'un harcèlement moral ou sexuel, caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, lorsque le licenciement n'est pas fondé par une cause réelle et sérieuse, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement
JURITEXT000048242169
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 octobre 2023, 22-19.937, Publié au bulletin
2023-10-18 00:00:00
Cour de cassation
52301064
Rejet
22-19937
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-07-26
Tribunal judiciaire de Paris
M. Sommer
SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:SO01064
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1064 FS-B Pourvoi n° A 22-19.937 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023 1°/ La Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière, dont le siège est [Adresse 8], 2°/ M. [J] [L], domicilié [Adresse 8], chez CNT SO, [Localité 12], ont formé le pourvoi n° A 22-19.937 contre le jugement rendu le 26 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant : 1°/ à l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi, dont le siège est [Adresse 14], 2°/ au Ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, dont le siège est [Adresse 7], 3°/ à la Confédération française des travailleurs chrétiens CFTC, dont le siège est [Adresse 9], 4°/ à la Confédération générale du travail CGT, dont le siège est [Adresse 4], 5°/ au syndicat CGT Force ouvrière CGT FO, dont le siège est [Adresse 1], 6°/ à la Fédération Sud commerces et services, dont le siège est [Adresse 11], 7°/ à l'association Union Indépendants, dont le siège est [Adresse 10], 8°/ à l'Union nationale des syndicats autonomes UNSA, dont le siège est [Adresse 2], 9°/ à la Fédération nationale des transports routiers FNTR, dont le siège est [Adresse 13], 10°/ à l'association VTC de France, dont le siège est [Adresse 3], 11°/ à l'association des Chauffeurs indépendants Lyonnais ACIL, dont le siège est [Adresse 6], 12°/ à la Fédération nationale des auto-entrepreneurs, dont le siège est [Adresse 5], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière, et de M. [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, Mmes Ott, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 26 juillet 2022), par ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 ont été définies les modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation au niveau de deux secteurs d'activité, précisés à l'article L. 7343-1 du code du travail, le secteur des activités de conduite d'une voiture de transport avec chauffeur et le secteur des activités de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non. 2. Cette ordonnance a créé l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (ARPE), établissement public national à caractère administratif, ayant pour mission la régulation des relations sociales entre les plateformes et les travailleurs qui leur sont liés par un contrat commercial, chargée à ce titre de fixer la liste des organisations représentatives des travailleurs en organisant, à cette fin, le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations dans chacun des secteurs d'activité susmentionnés. 3. Pour le premier scrutin, qui s'est déroulé du 9 au 16 mai 2022, l'article 2 de l'ordonnance du 21 avril 2021 a fixé à 5 % des suffrages exprimés le seuil d'audience à atteindre par les organisations syndicales ou associations professionnelles pour obtenir la reconnaissance de leur représentativité. 4. A l'issue de ce scrutin, la Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière (CNT-SO), qui s'est portée candidate uniquement dans le secteur des activités de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non, a obtenu un score inférieur à 5 %. 5. Par requête déposée le 11 mai 2022, la CNT-SO et M. [L], en qualité de secrétaire général de celle-ci, ont saisi le tribunal judiciaire afin de solliciter l'annulation du scrutin, tant pour le secteur d'activité de la conduite d'une voiture de transport avec chauffeur que pour celui de la livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en ses première, quatrième, sixième et septième branches 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables pour les première, quatrième et sixième branches et manifestement pas de nature à entraîner la cassation pour la septième branche du moyen. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La CNT-SO et M. [L] font grief au jugement de les déclarer irrecevables à agir en ce que leurs demandes portaient sur l'annulation du scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations de travailleurs recourant aux plateformes pour leurs activités dans le secteur d'activité de conduite d'une voiture de transport avec chauffeur, alors « qu'ainsi que le rappelle le jugement attaqué, il résulte de l'article R. 7343-56 du code du travail que "la contestation prévue à l'article L. 7343-10 est formée dans un délai de quinze jours à compter de l'affichage des résultats mentionné à l'article R. 7343-54, par tout électeur ou tout mandataire d'une organisation candidate relevant du secteur d'activité pour laquelle la contestation est formée, à peine d'irrecevabilité" ; qu'en subordonnant la recevabilité du recours à la circonstance que l'organisation syndicale attaquée, en sus de relever du secteur d'activité concerné, ait "spécifiquement déposé sa candidature" dans ce secteur d'activité, le tribunal, qui a ajouté à ce texte une condition qui n'y figure pas, a violé l'article R. 7343-56 du code du travail. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article L. 7343-1 du code du travail, dans les conditions et selon les modalités définies au présent chapitre, un dialogue social est organisé entre les plateformes mentionnées à l'article L. 7342-1 et les travailleurs indépendants définis à l'article L. 7341-1 qui y recourent pour leur activité, au niveau de chacun des secteurs d'activité suivants : 1° Activités de conduite d'une voiture de transport avec chauffeur ; 2° Activités de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non. 9. Selon l'article L. 7343-5 du même code, l'ARPE est chargée d'organiser le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations dans chacun des secteurs mentionnés à l'article L. 7343-1. 10. En application des articles L. 7343-2 et L. 7343-6 du code du travail, peuvent se déclarer candidats au scrutin les syndicats professionnels et leurs unions, lorsque la défense des droits des travailleurs définis à l'article L. 7341-1 recourant pour leur activité aux plateformes mentionnées à l'article L. 7342-1 entre dans leur objet social, et les associations, lorsque la représentation de ces travailleurs et la négociation des conventions et accords qui leur sont applicables entrent dans leur objet social, qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 7343-3. 11. Selon l'article L. 7343-3, 1° à 4°, du même code, la représentativité des organisations représentant lesdits travailleurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants, appréciés dans le cadre du secteur considéré : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière. Ce critère est satisfait, notamment, lorsque le syndicat ou l'association s'acquitte des obligations définies aux articles L. 2135-1 à L. 2135-6 ; 4° Une ancienneté minimale d'un an dans le champ professionnel des travailleurs mentionnés au premier alinéa et au niveau national. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts conférant à l'organisation concernée une vocation à représenter ces travailleurs. 12. L'article R. 7343-2, alinéa 1, dispose qu'un scrutin est organisé pour chacun des secteurs d'activité mentionnés à l'article L. 7343-1. 13. Aux termes de l'article R. 7343-22, alinéa 1, les candidatures des organisations mentionnées à l'article L. 7343-2 sont transmises par voie électronique. Une organisation qui se porte candidate dans deux secteurs d'activité présente deux candidatures distinctes. 14. L'article R. 7343-8 dispose qu'une liste électorale est établie pour chaque secteur d'activité par le directeur général de l'ARPE. 15. En application des articles L. 7343-10 et R. 7343-56, alinéa 1, les contestations relatives à la liste électorale et à la régularité des opérations électorales sont formées devant le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de l'affichage des résultats mentionné à l'article R. 7343-54, par tout électeur ou tout mandataire d'une organisation candidate relevant du secteur d'activité pour laquelle la contestation est formée, à peine d'irrecevabilité. 16. Il en résulte qu'est irrecevable la contestation d'une organisation portant sur la liste électorale ou la régularité des opérations électorales du scrutin relatif au secteur d'activité pour lequel cette organisation n'a pas déposé de candidature. 17. Ayant constaté que la CNT-SO ne s'était pas portée candidate dans le secteur d'activité de la conduite d'une voiture de transport avec chauffeur, le tribunal en a déduit à bon droit que la demande d'annulation du scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations dans ce secteur d'activité était irrecevable. 18. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches Enoncé du moyen 19. La CNT-SO et M. [L] font grief au jugement de les débouter de leur demande d'annulation du scrutin ayant pour objet de mesurer l'audience des organisations représentant les travailleurs des plateformes d'emploi pour l'activité de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non, qui se sont déroulées du 9 au 16 mai 2022, alors : « 2°/ qu'en se bornant pour rejeter la demande d'annulation des opérations électorales à relever le motif inopérant déduit de ce que le fait que ces 154 travailleurs des plateformes avaient de la sorte été empêchés de prendre part au scrutin, n'était pas imputable à l'ARPE mais à la plateforme à laquelle ils étaient liés, sans rechercher, comme il y été invité par les écritures des exposants, si cette irrégularité n'avait pas affecté les résultats du scrutin, et partant l'appréciation de l'audience et de la représentativité des organisation syndicales candidates au scrutin, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7343-3, L. 7343-7 et L. 7343-9 du code du travail ; 3°/ qu'en relevant, pour écarter le moyen déduit par les exposants de ce qu'ils étaient en droit de prétendre à la communication, qui leur avait été irrégulièrement refusée, des listes électorales par application des règles de droit commun du droit des élections professionnelles comme du droit électoral, applicables à défaut de disposition contraire expresse, que l'article R. 7343-10 du code du travail ne fait obligation à l'ARPE que d'en permettre la consultation sur le site internet dédié et dans ses locaux, quand ces dispositions n'excluent nullement une telle communication, le tribunal a méconnu cette prérogative des organisations syndicales se présentant aux suffrages, ensemble les articles R. 7343-10 du code du travail et L. 37 du code électoral ; 5°/ que les organisations syndicales candidates aux suffrages doivent pouvoir diffuser librement leur propagande électorale par les moyens de leur choix, indépendamment de la diffusion de cette propagande par l'ARPE et les plateformes prévue par les articles R. 7343-35 à R. 7343-36-1 du code du travail et par l'arrêté du 8 février 2022 relatif aux modalités de dépôt et de validation des propagandes électorales pour le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations de travailleurs des plateformes ; qu'il résulte de ce principe général du droit électoral qu'elles doivent pouvoir avoir communication à cet effet de la liste des électeurs, comprenant l'adresse physique ou électronique des électeurs, sans qu'on puisse les renvoyer à des opérations de tractage ou d'affichage aléatoires en l'absence de lieu de travail commun des intéressés ; qu'en estimant que l'ARPE n'était pas tenue de leur communiquer ces éléments, le tribunal a fait une fausse application des textes réglementaires précités, et violé les principes généraux du droit électoral. » Réponse de la Cour 20. En premier lieu, en application des articles L. 7343-1 et L. 7343-7 du code du travail, sont électeurs les travailleurs indépendants utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique mentionnée à l'article L. 7342-1, qui justifient d'une ancienneté de trois mois d'exercice de leur activité dans le secteur économique considéré. 21. Aux termes de l'article L. 7343-8 du même code, pour l'établissement de la liste électorale, les plateformes mentionnées à l'article L. 7342-1 transmettent à l'ARPE les données nécessaires à la constitution de la liste électorale et à la vérification de la condition définie à l'article L. 7343-7, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. 22. Aux termes de l'article R. 7343-1, le vote est ouvert aux travailleurs mentionnés à l'article L. 7341-1 et inscrits sur la liste électorale prévue à l'article L. 7343-8. 23. L'article L. 7343-10 dispose que les contestations relatives à la liste électorale et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du juge judiciaire. 24. En application de l'article R. 7343-12, préalablement au recours devant le tribunal judiciaire prévu par l'article L. 7343-10, l'électeur ou un représentant qu'il aura désigné saisit le directeur général de l'ARPE d'un recours relatif à l'inscription sur la liste électorale. Ce recours est formé, à peine d'irrecevabilité, dans un délai de sept jours à compter de la date mentionnée au 1° du II de l'article R. 7343-10, par tout moyen permettant de donner date certaine à sa réception. 25. En l'espèce, le tribunal a constaté que la plateforme Lyceat avait transmis à l'ARPE, le 17 mars 2022, les données relatives aux travailleurs recourant pour leur activité professionnelle à cette plateforme, soit postérieurement à la date de publication de la liste électorale, fixée au 7 mars 2022 par arrêté du 25 février 2022 relatif à la liste électorale pour le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations de travailleurs des plateformes du 9 mai au 16 mai 2022, en sorte que, cette transmission étant tardive, 154 travailleurs n'avaient pu être inscrits sur la liste électorale du secteur d'activité de livraison des marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, aucun d'entre eux n'ayant formé de recours gracieux devant le directeur de l'ARPE aux fins d'inscription sur la liste électorale. 26. Le tribunal a fait ressortir qu'au regard du seuil de représentativité des organisations fixé à 5 %, du score de 3,86 % des votes exprimés obtenu par la CNT-SO et du taux de participation des travailleurs au scrutin qui s'est élevé à 1,83 % des inscrits, l'irrégularité constatée avait été sans influence sur les résultats du scrutin et dès lors n'avait pas été déterminante de la représentativité de la CNT-SO dans le secteur d'activité considéré. 27. En deuxième lieu, l'article L. 7343-9 du code du travail dispose que le scrutin a lieu par vote électronique. 28. Aux termes de l'article R. 7343-3, I, II et III, du même code : I.-Afin de préparer et de permettre le vote électronique prévu à l'article L. 7343-9, il est créé un traitement automatisé de données à caractère personnel placé sous la responsabilité de l'ARPE. Les catégories de données à caractère personnel traitées sont les suivantes : 1° Pour l'établissement de la liste électorale : les données relatives à l'identité des travailleurs et à leur activité professionnelle mentionnée à l'article L. 7343-1 ; 2° Pour le traitement des candidatures : les données relatives à l'identité du mandataire ; 3° Pour la communication aux électeurs des informations permettant le droit de vote : les données relatives à leur identité ; 4° Pour les opérations électorales : les données nécessaires à la mise en oeuvre du protocole d'authentification prévu au deuxième alinéa de l'article R. 7343-44 et les données relatives à l'identité des membres du bureau de vote et des agents en charge du scrutin. Ce traitement automatisé garantit dans le système de vote la séparation, dans des fichiers distincts, des données relatives aux électeurs, d'une part, et aux votes, d'autre part. II.-Le traitement mentionné au I est constitué sur la base des informations transmises par l'ensemble des plateformes mentionnées à l'article L. 7343-1, par les mandataires des organisations candidates, et par l'ARPE. III.-Les destinataires des données à caractère personnel traitées sont, pour l'ensemble des informations collectées, les agents de l'ARPE, les personnes habilitées par le ou les prestataires en charge de l'élaboration de la liste électorale agissant pour le compte de l'ARPE et les personnes habilitées par le prestataire agissant pour le compte de la même autorité en vue de la mise en place du vote électronique à distance. 29. Selon l'article R. 7343-9, l'ARPE collecte auprès des plateformes mentionnées à l'article L. 7343-1 les données relatives au travailleur prévues au 1°, au 3° et au 4° du I de l'article R. 7343-3, notamment celles permettant d'établir le respect de la condition d'ancienneté mentionnée à l'article L. 7343-7. 30. L'article R. 7343-10, alinéa 1, précise qu'un extrait de la liste électorale établie par l'ARPE peut être consulté sur le site internet dédié aux opérations de vote. Cet extrait, qui mentionne les noms, prénoms, et numéro de SIREN des électeurs, peut également être consulté dans les locaux de l'ARPE. 31. Il résulte d'une part de l'article R. 7343-3 du code du travail que les organisations syndicales et associations de travailleurs ne sont pas destinataires des données à caractère personnel, faisant l'objet d'un traitement automatisé, relatives aux travailleurs des plateformes collectées par l'ARPE pour l'établissement de la liste électorale, d'autre part de l'article R. 7343-10 du même code que seul un extrait, mentionnant les noms, prénoms, et numéro de SIREN des électeurs, de la liste électorale établie par l'ARPE, peut être consulté sur son site internet dédié aux opérations de vote ou dans ses locaux. 32. Dès lors, le tribunal a retenu à bon droit que la CNT-SO ne pouvait prétendre à une communication intégrale de la liste électorale. 33. En troisième lieu, en application de l'article R. 7343-33, 1°, la commission des opérations de vote, créée par l'article R. 7343-31, est chargée de donner un avis sur la conformité des documents de propagande électorale des organisations candidates et de s'assurer de la diffusion des documents nécessaires à la campagne électorale sur le site internet prévu à l'article R. 7343-10. 34. Aux termes de l'article R. 7343-36-1, le directeur général de l'ARPE publie sur le site internet mentionné à l'article R. 7343-10 à une date fixée par arrêté du ministre chargé du travail les documents de propagande électorale ayant fait l'objet d'une décision de validation dans les conditions prévues à l'article R. 7343-35. 35. Selon l'article 4 de l'arrêté du 8 février 2022 relatif aux modalités de dépôt et de validation des propagandes électorales pour le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations de travailleurs des plateformes, les documents de propagande électorale sont mis à disposition de la commission des opérations de vote mentionnée aux articles R. 7343-31 à R. 7343-34 du code du travail, en application de l'article R. 7343-35 du code du travail. Ils sont diffusés aux travailleurs indépendants inscrits sur les listes électorales, par les plateformes d'emploi mentionnées à l'article L. 7342-1 du code du travail, via les interfaces ou applications numériques qu'elles utilisent dans leurs relations commerciales avec les travailleurs indépendants. Ils sont également mis à leur disposition sur les sites internet de vote suivants : - https://arpe-vtc.neovote.com, pour les travailleurs indépendants exerçant une activité de conduite de voiture de transport avec chauffeur telle que prévue au 1° de l'article L. 7343-1 du code du travail ; - https://arpe-livreurs.neovote.com, pour les travailleurs indépendants exerçant une activité de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non, telle que prévue au 2° de l'article L. 7343-1 du code du travail. 36. L'article 5 de cet arrêté prévoit que les organisations candidates dont les documents de propagande électorale ont été validés en application de l'article R. 7343-35 du code du travail sont libres de les utiliser et de les diffuser dans le cadre de la campagne électorale. 37. Il résulte des articles R. 7343-33 et R. 7343-36-1 du code du travail et de l'arrêté du 8 février 2022 relatif aux modalités de dépôt et de validation des propagandes électorales pour le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations de travailleurs des plateformes, en premier lieu que les documents de propagande électorale sont, après validation par l'ARPE, diffusés aux travailleurs par les plateformes et mis à la disposition de ces derniers sur des sites internet dédiés, en second lieu que les organisations candidates peuvent diffuser librement leurs documents de propagande électorale validés. 38. Par conséquent, les organisations candidates ne peuvent obtenir l'adresse postale ou l'adresse électronique des électeurs pour procéder à la diffusion de leurs documents dans le cadre de la campagne électorale. 39. Le tribunal, qui a constaté que les documents de la propagande électorale de la CNT-SO avaient été diffusés conformément aux modalités prévues par les articles R. 7343-33 et R. 7346-36 du code du travail et 4 de l'arrêté susvisé du 8 février 2022 et relevé que la CNT-SO avait eu la faculté, prévue par l'article 5 dudit arrêté, d'assurer une diffusion de ces documents, notamment par tractage, location d'espaces de diffusion ou affichage dans des lieux tels que la maison des coursiers, a retenu à bon droit que les opérations de propagande électorale n'avaient été entachées d'aucune irrégularité. 40. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.
SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Contestation de la liste électorale ou des opérations électorales - Contestation dans un secteur d'activité de travailleurs indépendants - Recevabilité - Conditions - Dépôt d'une liste de candidatures par l'organisation syndicale ou l'association de travailleurs - Portée
ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Activité des plateformes - Activité organisée en secteurs - Syndicat ou association de travailleurs indépendants - Audience - Mesure - Contestation - Conditions - Portée
En application des articles L. 7343-3, L. 7343-10, R. 7343-2, R. 7343-8, R. 7343-22 et R. 7343-56 du code du travail, est irrecevable la contestation d'une organisation portant sur la liste électorale ou la régularité des opérations électorales du scrutin, destiné à mesurer l'audience des organisations de travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes, relatif au secteur d'activité pour lequel cette organisation n'a pas déposé de candidature
JURITEXT000048283837
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 octobre 2023, 21-24.161, Publié au bulletin
2023-10-25 00:00:00
Cour de cassation
52301094
Cassation
21-24161
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-10-13
Conseil de prud'hommes de Paris
M. Sommer
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Boutet et Hourdeaux
ECLI:FR:CCASS:2023:SO01094
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Cassation M. SOMMER, président Arrêt n° 1094 FS-B Pourvoi n° W 21-24.161 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 OCTOBRE 2023 Le Syndicat CFTC intérim, dont le siège est [Adresse 2], agissant en faveur de Mme [U] [Y], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-24.161 contre le jugement rendu le 13 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes de Paris (activités diverses, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société FED finance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFTC intérim, agissant en faveur de Mme [U], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société FED finance, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Paris, 13 octobre 2021), rendu en dernier ressort, Mme [U], salariée intérimaire de l'entreprise de travail temporaire FED finance, a exécuté des missions d'intérim d'avril à décembre 2018 auprès de la société Allianz vie. 2. L'entreprise utilisatrice a décidé de mettre en place au profit de ses salariés, en application de l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat. 3. Le syndicat CFTC intérim, agissant en faveur de la salariée temporaire en application de l'article L. 1251-59 du code du travail, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement par l'entreprise de travail temporaire d'une somme au titre de la prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat et de dommages-intérêts. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. Le syndicat fait grief au jugement de le débouter de sa demande en paiement à la salariée temporaire de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors « qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise de travail temporaire dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise de travail temporaire ; que l'entreprise utilisatrice ne peut pas exclure du bénéfice de cette prime les salariés intérimaires si elle a gratifié ses propres salariés ; qu'une telle décision, discriminatoire, est inopposable aux salariés de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en jugeant néanmoins que la salariée intérimaire n'était pas éligible à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, au motif que la société Allianz vie avait exclu par décision unilatérale les collaborateurs en contrat d'intérim du bénéfice de la prime, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs tout aussi erronés qu'inopérants, en violation du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 : 5. Selon les deux premiers de ces textes, la rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l'article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail. 6. Selon le troisième de ces textes, constitue une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. 7. Selon le dernier de ces textes, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, exonérée d'impôt sur le revenu, de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues aux articles 235 bis, 1599 ter A et 1609 quinvicies du code général des impôts ainsi qu'aux articles L. 6131-1, L. 6331-2, L. 6331-9 et L. 6322-37 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement, peut être attribuée par l'employeur à l'ensemble des salariés ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. Cette prime bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure. 8. La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui constitue un accessoire payé par l'employeur, entre dans la rémunération du salarié. 9. Pour débouter le syndicat de la demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de dommages-intérêts, le jugement retient que la décision unilatérale signée le 23 janvier 2019, énonce que les collaborateurs en contrat d'intérim au 31 décembre 2018 ne sont pas concernés par la mesure et que l'entreprise utilisatrice ne souhaitant pas donner cette prime exceptionnelle de pouvoir d'achat à ses intérimaires l'a stipulé clairement dans sa décision unilatérale. 10. En statuant ainsi, alors que l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l'article L. 1251-18 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 octobre 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Paris autrement composé ; Condamne la société FED finance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société FED finance et la condamne à payer au syndicat CFTC intérim la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.
TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Primes et gratifications - Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat - Attribution - Décision de l'entreprise utilisatrice - Décision unilatérale - Bénéficiaire - Salarié temporaire de l'entreprise - Fondement - Egalité de traitement - Détermination - Portée
TRAVAIL TEMPORAIRE - Entreprise de travail utilisatrice - Rémunération du salarié - Décision unilatérale de l'entreprise - Attribution d'une prime - Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat - Egalité de traitement - Egalité entre le salarié temporaire et le salarié permanent - Détermination - Portée
Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place dans l'entreprise utilisatrice en application de l'article 1 de la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018
JURITEXT000048283839
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 octobre 2023, 22-21.845 22-21.846 22-21.847 22-21.848 22-21.849 22-21.850, Publié au bulletin
2023-10-25 00:00:00
Cour de cassation
52301096
Cassation
22-21845
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-09-09
Conseil de prud'hommes de Lyon
M. Sommer
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:SO01096
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 octobre 2023 Cassation M. SOMMER, président Arrêt n° 1096 FS-B Pourvois n° Z 22-21.845 A 22-21.846 B 22-21.847 C 22-21.848 D 22-21.849 E 22-21.850 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 OCTOBRE 2023 1°/ Mme [D] [E], domiciliée [Adresse 6], 2°/ Mme [A] [M], domiciliée [Adresse 5], 3°/ M. [B] [K], domicilié [Adresse 7], 4°/ M. [I] [P], domicilié [Adresse 4], 5°/ M. [G] [U], domicilié [Adresse 3], 6°/ Mme [N] [H], domiciliée [Adresse 1], ont formé respectivement les pourvois n° Z 22-21.845, A 22-21.846, B 22-21.847, C 22-21.848, D 22-21.849 et E 22-21.850 contre six jugements rendus le 9 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon (section activités diverses), dans les litiges les opposant à la société Adecco France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs aux pourvois n° Z 22-21.845, A 22-21.846, B 22-21.847, C 22-21.848, D 22-21.849 et E 22-21.850 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen commun de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [E], [M], [H] et MM. [K], [P] et [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Adecco France, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-21.845 à 22-21.850 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Lyon, 9 septembre 2022), rendus en dernier ressort, Mme [E] et cinq autres salariés intérimaires de l'entreprise de travail temporaire Adecco France ont exécuté des missions d'intérim auprès de la société Electricité de France. 3. L'entreprise de travail temporaire a, par décision unilatérale du 28 décembre 2018, mis en place au profit de ses salariés permanents et temporaires, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat en application de l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018. 4. L'entreprise utilisatrice a, par décision unilatérale du 29 janvier 2019, décidé de mettre en place cette prime au profit de ses salariés. Cette décision précisait que les salariés éligibles étaient ceux liés à la société par un contrat de travail au 31 décembre 2018. 5. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement par l'entreprise de travail temporaire de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place par l'entreprise utilisatrice. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Les salariés font grief aux jugements de les débouter de leurs demandes au titre de la prime PEPA et à titre de dommages-intérêts pour préjudice de retard, exécution déloyale du contrat de travail et discrimination, alors : « 1° / qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise utilisatrice dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice ; que le conseil de prud'hommes a constaté que la société EDF avait mis en place la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat par décision unilatérale du 29 janvier 2019 ; qu'en disant les exposants inéligibles au versement de cette prime PEPA au motif que la société EDF "a exclu le personnel intérimaire de [son bénéfice", quand une telle exclusion, contraire au principe d'égalité de traitement, ne pouvait être opposée aux salariées intérimaires, le conseil de prud'hommes a violé ledit principe, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ; 2°/ qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise utilisatrice dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice, nonobstant la circonstance que l'entreprise de travail temporaire ait également octroyé cette prime à ses salariés intérimaires ; qu'en disant les exposants inéligibles au versement de la prime PEPA dans l'entreprise utilisatrice au motif inopérant qu'elles avaient bénéficié du versement d'une prime PEPA au sein du groupe Adecco, leur employeur, le conseil de prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 : 7. Selon les deux premiers de ces textes, la rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l'article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail. 8. Selon le troisième de ces textes, constitue une rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. 9. Selon le dernier de ces textes, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, exonérée d'impôt sur le revenu, de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues aux articles 235 bis, 1599 ter A et 1609 quinviciès du code général des impôts ainsi qu'aux articles L. 6131-1, L. 6331-2, L. 6331-9 et L. 6322-37 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement, peut être attribuée par l'employeur à l'ensemble des salariés ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. Cette prime bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure. Elle ne peut se substituer à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur dans l'entreprise. Elle ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales, contractuelles ou d'usage. 10. La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui constitue un accessoire payé par l'employeur, entre dans la rémunération du salarié. 11. Pour débouter les salariés de leur demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat versée par l'entreprise utilisatrice, les jugements retiennent que les salariés temporaires n'étaient pas éligibles à la prime mise en place au sein de l'entreprise utilisatrice et qu'ils ont perçu cette prime exceptionnelle de pouvoir d'achat telle qu'elle a été instituée dans l'entreprise de travail temporaire. 12. En statuant ainsi, alors que l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l'article L. 1251-18 du code du travail et que le règlement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat en exécution de son engagement unilatéral ne dispensait pas l'entreprise de travail temporaire du paiement de celle instituée au sein de l'entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 9 septembre 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Lyon ; Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Lyon autrement composé ; Condamne la société Adecco France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Adecco France et la condamne à payer à Mmes [E], [M], [H] et MM. [K], [P] et [U] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.
TRAVAIL TEMPORAIRE - Entreprise de travail temporaire - Rémunération du salarié - Décision unilatérale de l'entreprise - Attribution d'une prime - Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat - Paiement - Cumul - Cumul avec la prime attribuée dans l'entreprise utilisatrice - Fondement - Détermination - Portée
Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place dans l'entreprise utilisatrice en application de l'article 1 de la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018. Le règlement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat versée en exécution de son engagement unilatéral au profit de ses salariés permanents et temporaires, ne dispense pas l'entreprise de travail temporaire du paiement, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, de celle instituée au sein de l'entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer
JURITEXT000048389682
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 22-17.919, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
52302036
Rejet
22-17919
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-04-20
Cour d'appel de Versailles
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02036
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2036 F-B Pourvoi n° H 22-17.919 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La Société nationale industrielle et minière (SNIM), dont le siège est [Localité 1], (Mauritanie), ayant un bureau de représentation en France situé [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 22-17.919 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2022 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [S], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Société nationale industrielle et minière, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [S] et l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-19.446), Mme [S] a été engagée en qualité de secrétaire de direction par la Société nationale industrielle et minière (la SNIM) le 13 novembre 1995. Elle a exercé des mandats de représentant du personnel et de représentant syndical à compter de l'année 2000. Elle est conseiller prud'homme depuis l'année 2002 et son mandat a été renouvelé en 2018. 2. Le 3 septembre 2010, invoquant une inégalité de traitement et une discrimination syndicale, la salariée et l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5] (le syndicat) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes. 3. La salariée a été licenciée pour motif économique le 22 septembre 2014, après autorisation ministérielle du 20 août 2014, annulée par jugement du tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2015, devenu définitif. 4. Par arrêt du 9 mai 2017, la cour d'appel de Versailles, statuant en référé, a ordonné la réintégration de la salariée. 5. Celle-ci, invoquant son absence de réintégration, a complété ses demandes en sollicitant la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. 6. Par arrêt du 17 mai 2019, la cour d'appel de Versailles a notamment prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et a dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a débouté la salariée de sa demande présentée au titre de la violation du statut protecteur. 7. Par arrêt du 17 mars 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et déboute la salariée de sa demande au titre de la violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 17 mai 2019. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 234 831 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors : « 1°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent ; que faute pour l'employeur de satisfaire à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; que cependant le salarié ne peut pas prétendre, dans cette hypothèse particulière, à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, mais seulement à une indemnité qui est fonction du préjudice subi ; qu'en jugeant cependant que "le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois", la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil ; 3°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'un salarié protégé, dont la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de l'inexécution par l'employeur de son obligation de procéder à la réintégration dans son poste ou un poste équivalent est accueillie, a droit, au titre de méconnaissance de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois ; que la date de son éviction est celle du licenciement annulé, le salarié n'ayant pas été réintégré à sa suite ; qu'en l'espèce, le licenciement de Mme [S] ayant été prononcé le 22 septembre 2014, l'indemnité pour violation du statut protecteur ne pouvait correspondre qu'aux salaires dus entre le 22 septembre 2014 et le 22 mars 2016 ; que cependant la cour d'appel a accordé à la salariée au titre de la violation du statut protecteur "le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois" sur la base d'un salaire de référence fixé par l'arrêt du 16 ou 17 mai 2019 en incluant les augmentations générales de salaire appliquées depuis 2015 ; qu'en accordant une telle indemnité, en sus du rappel de salaire octroyé par le même arrêt du 16 ou 17 mai 2019 pour la période courant du 27 décembre 2014 au 31 décembre 2018, la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois. 11. Ayant constaté qu'à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, formée le 9 janvier 2019, la salariée bénéficiait du statut de salariée protégée pour avoir été réélue en qualité de conseiller prud'homme en 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que la salariée était en droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, fixée à la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors : « 1°/ que la résiliation judiciaire ne peut pas produire à la fois les effets d'un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 2°/ que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime interdit de réparer deux fois, même partiellement, le même préjudice ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a débouté l'employeur de sa demande de compensation, et ainsi accordé à la salariée deux indemnisations ayant le même objet, a violé le principe de la réparation intégrale. » Réponse de la Cour 14. Par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation a jugé que le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel du 17 mai 2019 condamnant l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse était relatif au licenciement prononcé le 22 septembre 2014 après autorisation ultérieurement annulée, en sorte que c'est à bon droit que la cour d'appel, par arrêt du 20 avril 2022, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement nul réparant le préjudice causé par la résiliation du contrat de travail. 15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la Société nationale industrielle et minière aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société nationale industrielle et minière et la condamne à payer à Mme [S] et à l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Annulation par la juridiction administrative - Réintégration - Obligation de l'employeur - Manquement - Dommage - Réparation - Indemnité - Détermination - Portée
CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Effets - Réintégration - Réparation du préjudice subi au cours de la période d'éviction - Etendue - Limites - Détermination - Portée
Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois
JURITEXT000048430233
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 22-18.848, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
52302050
Rejet
22-18848
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-11-17
Cour d'appel de Bastia
Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Lesourd, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02050
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2050 F-B Pourvoi n° S 22-18.848 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 19 mai 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [M] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-18.848 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société S.C.A Poulets bastiais, société civile agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société S.C.A Poulets bastiais, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 17 novembre 2021), M. [W], engagé en qualité d'ouvrier agricole par la société S.C.A. Poulets bastiais le 10 novembre 2008, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 novembre 2017. 2. Après avoir saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation de sécurité. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale incompétente sur sa demande de dommages-intérêts en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en lien avec les règles de repos et les horaires de travail, alors « que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation ; qu'en se bornant, pour se déclarer incompétente sur la demande de dommages-intérêts en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en lien avec les règles de repos et les horaires de travail, à retenir qu'un tel manquement était invoqué dans le cadre d'une instance relative à une maladie professionnelle, tandis qu'un tel manquement caractérise par lui-même un préjudice spécifique distinct de la maladie professionnelle dont étaient saisies les juridictions de sécurité sociale, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second interprété à la lumière de l'article 6 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. 5. Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. 6. Il en résulte que la réparation du préjudice allégué par le salarié du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en raison du dépassement de la durée moyenne hebdomadaire de travail invoqué au soutien de la reconnaissance d'une maladie professionnelle relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale. 7. La cour d'appel ayant constaté qu'un appel était en cours d'examen devant la cour, statuant en matière d'affaires de sécurité sociale, à l'occasion d'une instance relative à une maladie professionnelle hors tableau, en lien avec les conditions de travail habituelles du salarié et que la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité était fondée sur les conditions de travail habituelles marquées par une violation des règles de repos et horaires de travail, a retenu que, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à l'obligation de sécurité, le salarié demandait en réalité la réparation d'un préjudice né d'une maladie professionnelle dont il exposait avoir été victime et en a exactement déduit que la juridiction prud'homale était incompétente pour statuer sur cette demande. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Exclusion - Litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi - Applications diverses - Accident du travail et maladie professionnelle - Demande en réparation - Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité - Absence d'influence - Détermination - Portée
SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Compétence matérielle - Différends nés de l'application des législations et réglementations de sécurité sociale - Accident du travail et maladie professionnelle - Compétence exclusive - Etendue - Portée COMPETENCE - Compétence matérielle - Juridictions du contentieux général de la sécurité sociale - Compétence exclusive - Etendue - Détermination - Portée
Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Ayant constaté que le dépassement de la durée moyenne hebdomadaire de travail était invoqué au soutien de la reconnaissance d'une maladie professionnelle, une cour d'appel en a exactement déduit que la réparation du préjudice allégué par le salarié du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en raison de ce dépassement relevait de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale
JURITEXT000048550320
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-13.367, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
52302098
Rejet
22-13367
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-01-13
Cour d'appel de Rouen
M. Sommer (président)
SCP Foussard et Froger, SCP Claire Leduc et Solange Vigand
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02098
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 2098 FS-B Pourvoi n° J 22-13.367 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Frévial, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 22-13.367 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [U] [V], domicilié chez Mme [J], [Adresse 1], 2°/ à Pôle emploi de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Frévial, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [V], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, Palle, conseillers, Mme Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 13 janvier 2022), M. [V] a été engagé en qualité de chauffeur-livreur poids-lourds, le 1er janvier 2014, par la société Frevial. 2. Après acceptation de sa demande de prise en charge au titre du congé de fin d'activité, le salarié a démissionné le 28 décembre 2017 à effet du 1er février 2018. Parallèlement, il avait saisi la juridiction prud'homale le 29 juin 2017 afin de solliciter des dommages-intérêts liés au retard dans la délivrance des attestations de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie et a demandé ensuite à ce que cette démission s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier la rupture du contrat résultant du congé de fin d'activité en prise d'acte de la rupture, de dire que celle-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité de préavis, des congés payés, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées au salarié, dans la limite de deux mois, alors : « 1°/ que conformément à l'article III.1 de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997, le départ en congés fin d'activité s'effectue à la seule initiative du salarié et sa décision s'analyse en une démission ; qu'ainsi seule une démission, à l'exclusion de tout autre mode de rupture du contrat de travail, peut justifier le départ d'un salarié en congé de fin d'activité ; qu'en retenant que le départ en congé de fin d'activité du salarié pouvait s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997 ; 2°/ que si la démission du salarié peut être requalifiée en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, c'est à la condition que sa décision soit équivoque ; que tel ne saurait être le cas lorsque la décision du salarié de démissionner est justifiée par l'octroi d'un congé de fin d'activité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997. » Réponse de la Cour 5. La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission. 6. Selon l'article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la décision du salarié de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission. 7. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur. 8. La cour d'appel, qui a constaté qu'il existait des circonstances antérieures et contemporaines à cette démission la rendant équivoque, a, à bon droit, jugé qu'il convenait de l'analyser en une prise d'acte de la rupture. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Frévial aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Frévial et la condamne à payer à M [V] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.
CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Imputabilité - Démission du salarié - Manifestation de volonté clairement exprimée - Défaut - Circonstances antérieures ou contemporaines de la démission la rendant équivoque - Appréciation - Office du juge - Cas - Congé de fin d'activité - Décision du salarié de quitter l'entreprise - Portée
STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 - Accord du 28 mars 1997 - Article 3 - Congé de fin d'activité - Décision du salarié de quitter l'entreprise - Effets - Prise d'acte de la rupture - Prise d'acte de la rupture - Conditions - Office du juge - Détermination - Portée
Selon l'article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la décision du salarié de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur. Le juge doit alors, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission
JURITEXT000048550340
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-15.794, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
52302099
Cassation partielle
22-15794
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-03-03
Cour d'appel de Paris
M. Sommer
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02099
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2099 FS-B Pourvoi n° X 22-15.794 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 Mme [Y] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-15.794 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Comparadise groupe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [X], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Comparadise groupe, les plaidoiries de Me Lyon-Caen et de Me Pinatel, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de M. Sommer, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2022), Mme [X] a été engagée en qualité de chef de projet internet à compter du 7 octobre 2013, par la société Compamut, devenue Compassu, aux droits de laquelle vient la société Comparadise groupe. La salariée exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable marketing. 2. Le contrat de travail de la salariée a été suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après, la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018. 3. Par lettre du 16 janvier 2018, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 10 avril 2018. L'intéressée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai suivant. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de nullité du licenciement pour motif économique et de réintégration ainsi que de ses demandes afférentes à la rupture, alors « qu'il est interdit non seulement de notifier une décision de licenciement pendant la période de protection visée à L. 1225-4 du code du travail, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision ; qu'au cas présent, la cour d'appel, après avoir relevé que la période de protection prenait fin le 6 avril 2018, a constaté qu'une convocation à entretien préalable au licenciement avait été adressée à Mme [X] le 16 janvier 2018 et que les délégués du personnel avaient été consulté le 12 janvier 2018 sur un projet de licenciement pour motif économique concernant le poste de responsable marketing attaché à l'établissement parisien de la société ; que pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, la cour d'appel a cru pouvoir retenir que la société Comparadise n'avait accompli aucun acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection ; qu'en statuant ainsi quant la matérialité des actes préparatoires était établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 1225-4 susvisé ensemble l'article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 et de l'article 15 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 5. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. 6. Ainsi, l'employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période. 7. Pour dire que l'employeur n'a pas procédé à un acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection et débouter en conséquence la salariée de sa demande de nullité de son licenciement, l'arrêt énonce que l'intéressée ne peut valablement se prévaloir de sa convocation à entretien préalable notifiée pendant sa période de protection, ni de la réunion des délégués du personnel le 12 janvier 2018, pour soutenir que la décision de la licencier était prise en l'absence de tout élément objectif venant caractériser cette volonté de l'employeur. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement pendant la période de protection dont bénéficiait la salariée à l'issue du congé de maternité, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 9. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande d'annulation de son licenciement et des demandes subséquentes n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Comparadise groupe à payer à Mme [X] les sommes de 5 752 euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2017 et 2018 et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il déboute la société Comparadise groupe de sa demande sur ce fondement et la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Comparadise groupe aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Comparadise groupe et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.
TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Maternité - Licenciement - Nullité - Cas - Caractérisation de mesure préparatoire au licenciement - Conditions - Mesure prise pendant la période de protection - Convocation à l'entretien préalable au licenciement - Détermination - Portée
TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Maternité - Licenciement - Nullité - Cas - Caractérisation de mesure préparatoire au licenciement - Conditions - Mesure prise pendant la période de protection - Portée
Il résulte de l'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. Ainsi, l'employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période
JURITEXT000048550348
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-11.398, Publié au bulletin
2023-11-29 00:00:00
Cour de cassation
52302129
Cassation partielle
22-11398
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-12-10
Cour d'appel d'Aix en Provence
M. Sommer
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02129
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2129 FS-B Pourvoi n° U 22-11.398 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société [4], société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-11.398 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à M. [B] [M], domicilié [Adresse 1] (Grèce), défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [4], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [M], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge,conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 décembre 2021), M. [M] a été engagé en qualité de joueur de football professionnel par la société [4] (le club) pour trois saisons, selon un contrat de travail à durée déterminée du 13 juin 2006. Le contrat mentionnait le recours aux services d'un agent sportif, M. [T]. 2. Le contrat de travail à durée déterminée a fait l'objet de renouvellements. 3. Une convention de rémunération d'agence sportive a été conclue le 28 septembre 2012 entre le joueur professionnel, l'agent sportif et le club, dont l'objet était de répartir entre le club et le joueur la charge de la rémunération due à l'agent sportif au titre de la réalisation de ses missions. Cette convention stipulait qu'au moyen d'une délégation novatoire, le club s'engageait à payer à l'agent sa rémunération en lieu et place du joueur. 4. Au cours de la saison 2013/2014, le club a exprimé son souhait de transfert du joueur vers un autre club. 5. Le 7 février 2014, le joueur et l'agent sportif ont conclu une transaction aux termes de laquelle le joueur devait, en contrepartie d'un terme anticipé à la convention de médiation du 1er septembre 2012, payer une indemnité transactionnelle globale et forfaitaire, dont le montant dépendait de la date à laquelle le joueur ferait l'objet d'un transfert vers un autre club. 6. Par avenant à la convention de rémunération d'agence sportive en date du 20 février 2014, le club, le joueur professionnel et l'agent sportif sont convenus que, dans l'hypothèse où le joueur ferait l'objet d'une mutation définitive dans un autre club avant le 30 juin 2014 inclus, les commissions dues au titre des saisons 2014/2015 et 2015/2016 seront garanties par le club et acquises à l'agent quand bien même le joueur ne ferait plus partie de l'effectif du club. 7. Le 8 août 2014, le joueur a été engagé par le club du [3]. 8. Le 22 mai 2017, le joueur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en condamnation du club au paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le premier moyen 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. Le club fait grief à l'arrêt de le condamner à verser certaines sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé, et entraîne automatiquement la caducité de l'acte ; que celui dans l'intérêt duquel est stipulée la condition ne peut y renoncer qu'avant que sa défaillance ne rende l'obligation caduque ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'avenant du 20 février 2014 à la convention de rémunération d'agence sportive conclue entre le club, le joueur et son agent sportif, stipulait, par dérogation au principe selon lequel la dette de rémunération de l'agent sportif pesant sur le club est subordonnée à la présence de ce dernier dans l'effectif du club, que : ''dans l'hypothèse où le joueur ferait l'objet d'une mutation définitive dans un autre club avant le 30 juin 2014 inclus, les commissions dues au titre des saisons 2014/2015 et 2015/2016 seront garanties par le club et acquises à l'agent quand bien même le joueur ne ferait plus partie de l'effectif du club'' ; qu'il était constant que la condition suspendant cet engagement de l'[4] ne s'était pas réalisée le 30 juin 2014 ; qu'en jugeant que le 2 août 2014, en répondant ''OK'' à la demande du conseil de M. [M] de lui confirmer sa prise en charge de ''l'indemnité d'[T] (568 keuros environ)'', l'[4] avait entendu faire perdurer son obligation de payer les commissions de l'agent en dépit du fait que le transfert du joueur n'était pas intervenu le 30 juin 2014, et ne pouvait ainsi se prévaloir de la caducité de l'avenant du 20 février 2014, lorsque cet avenant étant devenu automatiquement caduc le 30 juin 2014 par la défaillance de la condition, l'[4] ne pouvait renoncer au bénéfice de la condition suspensive après sa défaillance, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil dans leur version en vigueur avant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1134 et 1176, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 11. Aux termes du second de ces textes, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas. 12. Pour condamner le club à payer au joueur certaines sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que du fait de l'expiration de la date du 30 juin 2014, terme de la condition suspensive, le conseil du joueur, invoquant le "deal" et la prise en charge par le club de l'indemnité de l'agent sportif qu'il évaluait à "568 Keuros environ", faisait nécessairement référence à la convention du 7 février 2014 fixant la somme de 568 000 euros et demandait la confirmation de l'engagement du club de prendre en charge les dites commissions. L'arrêt ajoute qu'en répondant "OK" dans un mail du 2 août 2014, le club s'est engagé à payer cette somme malgré le dépassement de la date du transfert du joueur qui avait été convenue par les parties. L'arrêt en déduit que le club ne peut prétendre que l'avenant du 20 février 2014 était devenu caduc mais, au contraire, que les faits démontrent qu'il a entendu faire perdurer ses obligations après le 30 juin 2014. 13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la condition suspensive était défaillie le 30 juin 2014, de sorte que le contrat étant caduc à cette date il ne pouvait plus être renoncé à cette condition, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence formulée par la société [4], l'arrêt rendu le 10 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.
CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES
Viole la loi la cour d'appel qui, ayant constaté que la condition était défaillie à la date prévue au contrat, de sorte que ce dernier était caduc, décide qu'il pouvait être renoncé à la condition suspensive malgré sa défaillance
JURITEXT000048550504
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 décembre 2023, 22-15.580, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
52302135
Cassation partielle
22-15580
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-01-18
Cour d'appel de Riom
Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Zribi et Texier, SARL Le Prado - Gilbert
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02135
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2135 F-B Pourvoi n° Q 22-15.580 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [D] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-15.580 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture (AREMC), dont le siège est [Adresse 5], 2°/ à M. [J] [X], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur de l'association AREMC, 3°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. [X] ès qualités a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [E], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture et de M. [X] ès qualités, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 18 janvier 2022), M. [E] a été engagé en qualité de directeur administratif sans contrat écrit par l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture (l'association), à compter du 28 juin 1998. 2. Par jugement du 11 mai 2015, le tribunal de grande instance a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'association, convertie en liquidation judiciaire le 3 janvier 2017, la société [J] [X] étant désignée en qualité de liquidateur. 3. Le 1er septembre 2015, un avenant au contrat de travail a été signé entre l'association et l'intéressé mentionnant l'exercice de la fonction de directeur général et lui confiant une mission complémentaire de développer le chiffre d'affaires de l'association, moyennant une prime de 6 % du chiffre d'affaires annuel. 4. Par lettre du 16 janvier 2017, le liquidateur a licencié l'intéressé pour motif économique, sous réserve de la reconnaissance d'un lien de subordination. Le 27 janvier 2017, l'intéressé a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé. 5. N'ayant pas reçu du liquidateur les documents de fin de contrat et le solde de tout compte, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de l'association une créance de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d'affaires et diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail. Examen des moyens Sur les moyens du pourvoi incident 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais, sur le moyen relevé d'office 7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 631-8 et L. 632-1 I 2°du code de commerce : 8. Aux termes des alinéas 1er et 2 du premier de ces textes, le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure. 9. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. 10. Selon le second, est nul, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie. 11. Il résulte de la combinaison de ces textes que la nullité encourue en application de l'article L. 632-1 I 2°du code de commerce ne peut atteindre que les actes accomplis au cours de la période suspecte entre la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal et la date de ce jugement d'ouverture, et non ceux que le débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires aurait passés postérieurement au jugement d'ouverture de celles-ci. 12. Pour débouter le salarié de sa demande de fixation au passif de l'association d'une somme au titre de la prime sur le chiffre d'affaires, l'arrêt retient, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 632-1 I 1° et 2° du code de commerce, que le salarié réclame en application de l'avenant du 1er septembre 2015 le paiement d'une somme de plus de 70 000 euros alors que l'association connaissait des difficultés financières importantes, de nature à créer des obligations disproportionnées de l'association débitrice vis-à-vis d'un salarié et en déduit que cet acte est nul. 13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'avenant du 1er septembre 2015 avait été signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen relevé d'office 14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article L. 631-21 du code de commerce : 15. Lorsqu'aucun administrateur n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire, le débiteur poursuit seul l'activité de l'entreprise et exerce les fonctions dévolues à celui-ci, ce dont il se déduit qu'il a le pouvoir d'embaucher un salarié ou de conclure avec ce dernier un avenant au contrat de travail, sans l'autorisation ni du juge-commissaire, ni de quiconque, de tels actes ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise. 16. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d'affaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient qu'il est constant que le mandataire judiciaire n'a pas autorisé la signature de l'avenant du 1er septembre 2015. Il en déduit que cet acte, signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement de l'association et sans l'autorisation du mandataire judiciaire, est nul. 17. En statuant ainsi, en soumettant la validité de la conclusion de l'avenant litigieux à une autorisation du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande de fixation au passif de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture de la somme de 70 278,10 euros au titre d'un rappel de salaire sur la prime sur le chiffre d'affaires, l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ; Condamne la société [J] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture et l'Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [J] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture, et condamne la société [J] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et l'Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 4] à payer à M. [E] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE
JURITEXT000048550566
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 décembre 2023, 22-21.239, Publié au bulletin
2023-12-06 00:00:00
Cour de cassation
52302159
Cassation partielle
22-21239
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-08-29
Tribunal judiciaire de Versailles
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02159
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2159 F-B Pourvoi n° R 22-21.239 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 1°/ Le comité social et économique de l'établissement Schindler Dar Provence Languedoc, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ le syndicat CGT, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ M. [T] [N], domicilié [Adresse 2], 4°/ M. [U] [M], domicilié [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° R 22-21.239 contre le jugement rendu le 29 août 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles (pôle social, contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société Schindler, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique de l'établissement Schindler Dar Provence Languedoc, du syndicat CGT, de MM. [N] et [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Schindler, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Versailles, 29 août 2022) et les productions, la société Schindler (la société), divisée en plusieurs établissements distincts, dispose d'une part d'un comité social et économique d'établissement (CSEE) par établissement, d'autre part d'un comité social et économique central (CSEC) au niveau du siège social situé à [Localité 6] (78). 2. M. [F] et M. [Z], élus sur une liste FO au sein du CSEE de l'établissement Schindler Dar Provence Languedoc (le CSEE Provence Languedoc) et respectivement membres titulaire et suppléant au sein du CSEC ayant quitté l'entreprise, le CSEE Provence Languedoc a procédé, le 28 avril 2022, à leur remplacement par MM. [N] et [M], élus dans le même collège sur une liste CGT au sein du CSEE Provence Languedoc, en qualité respectivement de membres titulaire et suppléant au sein du CSEC. 3. Par requête du 12 mai 2022, la société a saisi le tribunal judiciaire de Versailles en annulation de ces désignations, estimant qu'elles étaient intervenues en violation des règles applicables en matière de remplacement des membres du CSEC. 4. Le CSEE Provence Languedoc, le syndicat CGT, MM. [M] et [N] ont notamment soulevé une exception d'incompétence territoriale au profit du tribunal judiciaire de Marseille. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le CSEE Provence Languedoc, le syndicat CGT, MM. [N] et [M] font grief au jugement de rejeter l'exception d'incompétence territoriale et d'annuler les désignations de MM. [N] et [M] en qualité de membres titulaire et suppléant au CSEC, alors « que le comité social et économique central est composé d'un nombre égal de délégués titulaires et de suppléants, élus, pour chaque établissement, par le comité social et économique d'établissement parmi ses membres ; qu'en cas de contestation de l'élection des membres du comité social et économique d'établissement, le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de l'élection ; qu'en retenant en l'espèce que le tribunal compétent était celui du lieu où la désignation devait prendre effet, soit le lieu du siège de l'entreprise où est situé le comité social et économique central, et non pas celui du lieu de l'élection contestée, le tribunal a violé les articles L. 2316-4 et L. 2316-9 du code du travail. » Réponse de la Cour 6. En application de l'article L. 2316-4 du code du travail, la délégation du personnel au comité social et économique central est constituée par un nombre égal de délégués titulaires et suppléants élus, pour chaque établissement, par le comité social et économique d'établissement parmi ses membres. 7. Il résulte des articles L. 2316-1, L. 2316-2, L. 2316-3 du code du travail que le comité social et économique central d'entreprise exerce les attributions qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement, qu'il est informé et consulté sur tous les projets importants concernant l'entreprise en matière économique et financière ainsi qu'en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail et effectue la désignation d'un expert 8. Au regard de la finalité de l'institution du comité social et économique central, dont les représentants ont vocation à exercer leur mandat de représentation des salariés au niveau de l'entreprise dans son ensemble, il y a lieu de juger que les contestations relatives aux conditions de désignation de la délégation du personnel au comité social et économique central sont de la compétence du tribunal judiciaire du lieu où la désignation est destinée à prendre effet, peu important les modalités de cette désignation. 9. Ayant constaté que la contestation était relative à des désignations devant prendre effet au lieu du siège de l'entreprise où est situé le comité social et économique central, le jugement en a déduit à bon droit que le tribunal judiciaire de Versailles était compétent pour connaître de la contestation relative à la désignation des intéressés. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen, en ce qu'il reproche au jugement d'annuler la désignation de M. [M] en qualité de membre suppléant au CSEC Enoncé du moyen 11. Le CSEE Provence Languedoc, le syndicat CGT, MM. [N] et [M] font grief au jugement d'annuler la désignation de M. [M] en qualité de membre suppléant au comité social et économique central, alors « que le comité social et économique central est composé d'un nombre égal de délégués titulaires et de suppléants, élus, pour chaque établissement, par le comité social et économique d'établissement parmi ses membres ; qu'en l'absence d'accord contraire, chaque établissement peut être représenté au comité social et économique central soit par un seul délégué, titulaire ou suppléant, soit par un ou deux délégués titulaires et un ou deux délégués suppléants ; qu'il résulte de ces dispositions le droit pour chaque comité social et économique d'établissement de disposer d'une représentation permanente au comité central et de pouvoir, à cette fin, procéder au remplacement des membres du comité social et économique central dont les mandats ont cessé ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 2316-1, L. 2316-4 et R. 2316-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 12. Le tribunal, après avoir exactement relevé que le code du travail n'a pas prévu les modalités de remplacement des membres suppléants composant le comité social et économique central et retenu qu'en l'espèce, un tel remplacement n'était pas prévu par un accord collectif ou une convention collective applicables au sein de l'entreprise, a annulé à bon droit la désignation de M. [M] en qualité de membre suppléant au CSEC. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen , en ce qu'il reproche au jugement d'annuler la désignation de M. [N] en qualité de membre titulaire au CSEC Enoncé du moyen 14. Le CSEE Provence Languedoc, le syndicat CGT, MM. [N] et [M] font grief au jugement d'annuler la désignation de M. [N] en qualité de membre titulaire au comité social et économique central, alors « que le comité social et économique central est composé d'un nombre égal de délégués titulaires et de suppléants, élus, pour chaque établissement, par le comité social et économique d'établissement parmi ses membres ; qu'en l'absence d'accord contraire, chaque établissement peut être représenté au comité social et économique central soit par un seul délégué, titulaire ou suppléant, soit par un ou deux délégués titulaires et un ou deux délégués suppléants ; qu'il résulte de ces dispositions le droit pour chaque comité social et économique d'établissement de disposer d'une représentation permanente au comité central et de pouvoir, à cette fin, procéder au remplacement des membres du comité social et économique central dont les mandats ont cessé ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 2316-1, L. 2316-4 et R. 2316-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2314-37 et L. 2316-4 du code du travail : 15. Il résulte du premier de ces textes, applicable, en l'absence de disposition contraire, au comité social et économique central, que, lorsqu'un membre titulaire du comité social et économique central cesse ses fonctions par suite de son décès, d'une démission, de la rupture du contrat de travail ou de la perte des conditions requises pour être éligible, il est remplacé dans les conditions prévues par ledit article. 16. Pour rejeter la demande de remplacement de M. [F], membre titulaire du CSEC, dont il avait constaté que le contrat de travail avait été rompu à la suite de son départ de la société, le jugement retient qu'il y a lieu de considérer que la loi n'a pas prévu le remplacement des membres titulaires au CSEC qui seraient appelés à quitter leurs fonctions. 17. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la désignation de M. [N] en qualité de membre titulaire au CSE central de la société Schindler le jugement rendu le 29 août 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Versailles ; Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048210991
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 octobre 2023, 23-40.012, Publié au bulletin
2023-10-10 00:00:00
Cour de cassation
12300627
QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel
23-40012
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2023-06-30
Cour d'appel de Fort-de-France
Mme Champalaune
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés
ECLI:FR:CCASS:2023:C100627
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 COUR DE CASSATION MY1 ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 10 octobre 2023 RENVOI Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 627 FS-P Affaire n° S 23-40.012 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2023 La cour d'appel de Fort-de-France (1re chambre civile) a transmis à la Cour de cassation, suite à l'arrêt rendu le 30 juin 2023, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 11 juillet 2023, dans l'instance mettant en cause : D'une part, M. [K] [B], domicilié [Adresse 3], D'autre part, 1°/ le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Fort-de-France, domicilié en son parquet, cité judiciaire, [Adresse 4], 2°/ M. [T] [Z], 3°/ Mme [P] [A] [Z], tous deux domiciliés [Adresse 5], 4°/ M. [G] [V], domicilié [Adresse 1], 5°/ M. [S] [J], 6°/ Mme [Y] [R], épouse [J], tous deux domiciliés [Adresse 6], 7°/ la société Don Beberto II, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6], 8°/ Mme [D] [C], domiciliée [Adresse 7], 9°/ M. [H] [X], domicilié [Adresse 9], 10°/ M. [F] [I], domicilié [Adresse 10], 11°/ Mme [M] [P] [O], domiciliée [Adresse 8], 12°/ Mme [E] [N] [W], veuve [O], domiciliée [Adresse 10], 13°/ la caisse régionale de Crédit agricole de la Martinique et de la Guyane, dont le siège est [Adresse 11], 14°/ la société Schin, Oua, Siron, Schapira, [B], Zaire-Bellemare, Murielle Zaire-Bellemare, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Le 1er juillet 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Fort-de-France a assigné M. [B], notaire (le notaire), afin que soit prononcée sa destitution en application des articles 2 et suivants de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels. 2. Le notaire a relevé appel du jugement du 16 mai 2022 prononçant cette sanction disciplinaire. 3. Son conseil a présenté devant la cour d'appel une question prioritaire de constitutionnalité. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 4. Par arrêt du 30 juin 2023, la cour d'appel de Fort-de-France a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les articles 2, 5, 6-1, 10 et 11 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, en ce qu'ils organisent les poursuites disciplinaires, la comparution et l'audition du notaire poursuivi devant le tribunal judiciaire, portent-ils atteinte au principe constitutionnel du droit à la présomption d'innocence et à celui des droits de la défense en ce que le droit au silence ne lui est pas notifié alors que les déclarations recueillies sont susceptibles d'être utilisées directement ou indirectement dans le cadre de la procédure pénale ou disciplinaire ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 5. Les dispositions contestées, qui constituent le fondement des poursuites disciplinaires, sont applicables au litige. 6. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 7. Une poursuite disciplinaire engagée contre un notaire pouvant conduire jusqu'à sa destitution, la question de la notification du droit au silence à l'occasion de son audition durant la procédure et lors de sa comparution devant le tribunal judiciaire apparaît comme n'étant pas dépourvue de caractère sérieux. 8. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-trois. Le conseiller référendaire rapporteur Le président Le greffier de chambre
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 - Articles 2, 5, 6-1, 10 et 11 - Notaire - Poursuite disciplinaire - Comparution et audition - Notification du droit au silence - Absence - Atteinte à la présomption d'innocence - Caractère sérieux - Renvoi au Conseil constitutionnel
OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Discipline - Procédure - Comparution et audition - Notification du droit au silence - Absence - Atteinte à la présomption d'innocence - Caractère sérieux - Renvoi au Conseil constitutionnel
JURITEXT000048430106
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 novembre 2023, 21-22.655, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
12300586
Rejet
21-22655
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-07-01
Cour d'appel de Paris
Mme Champalaune
SCP Duhamel, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C100586
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 586 FS-D Pourvoi n° J 21-22.655 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Chronopost, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-22.655 contre deux arrêts rendu les 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2) et l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la même cour d'appel (pôle 4, chambre 10) dans le litige l'opposant à le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Duhamel, avocat de la société Chronopost, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de le Conseil national des associations familiales laïques, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020, rectifié le 1er juillet 2021), invoquant le caractère abusif de plusieurs clauses figurant, depuis le mois de juin 2015, dans des contrats offerts par la société Chronopost, le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL) l'a assignée afin que celles-ci soient réputées non écrites et que soient ordonnées leur suppression et la mise en conformité des contrats proposés. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. La société Chronopost fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation de la clause 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie de l'ensemble des contrats, de dire que sont abusives les clauses 7-1 des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport Manuelles et saisies sur automate, de celles du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï, de celles figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine, de celles des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM, de prononcer la suppression de ces clauses sous astreinte, de la condamner à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs et d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt, alors : « 1°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, les clauses-types écartent la présomption de caractère abusif des clauses figurant sur la liste des clauses présumées abusives de manière irréfragable, clauses dites noires ; que ne peut donc être déclarée abusive une stipulation conventionnelle créant une protection du consommateur conforme ou supérieure à celle figurant au contrat-type ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : "- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis, - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...)le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs" ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, tandis que les décrets n° 99- 269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 ont créé, en matière de contrat de transport de marchandises, des contrats-types supplétifs prévoyant des plafonds d'indemnisation ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur, ce qui excluait que les stipulations conventionnelles puissent être déclarées abusives sur ce fondement, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ; 2°/ que, dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire, le déséquilibre significatif créé au détriment du consommateur ne peut être caractérisé, et le caractère abusif d'une clause conventionnelle ne peut donc être retenu, lorsque cette clause dérogatoire est plus favorable au consommateur que la clause type réglementaire supplétive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé abusives les clauses de l'ensemble des contrats de la société Chronopost libellés "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération./ Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", et les clauses suivantes des conditions générales de la société Chronopost : "- article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente consommateurs Lettre de transport manuelles et saisies sur automate : en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Pour les colis dont le poids excède 7,57 kg, l'indemnisation est portée à 33 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 1.000 euros par colis, - article 7-1 intitulé perte et avarie des conditions générales de vente du site Chronopost prêt-à-expédier et Chronopeï en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 500 euros par colis et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier France métropolitaine en ce qu'il énonce (...) le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 500 euros par colis, et sur présentation de justificatifs, - article 7-1 des conditions générales de vente des enveloppes figurant sur les enveloppes distribuées aux consommateurs prêt-à-expédier International et DOM en ce qu'il énonce : Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur de la marchandise au jour du sinistre, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs" ; qu'en jugeant que ces clauses ayant pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur étaient irréfragablement présumées abusives selon l'article R. 132-1 (R. 212-1 dans sa nouvelle numérotation) du code de la consommation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces clauses accordaient en réalité au consommateur une indemnisation plus favorable que les clauses supplétives, applicables au contrat de transport en l'absence de stipulation conventionnelle ou en cas de stipulation réputée non écrite, figurant aux contrats-types créés par les décrets n° 99-269 du 6 avril 1999 et n° 2017-461 du 31 mars 2017 et prévoyant des plafonds d'indemnisation du préjudice subi par le consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ensemble les articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 ; 3°/ que la cour d'appel a jugé abusive la clause "article 7-1 / CGV Portail principal / Perte / Avarie libellé "La responsabilité de Chronopost est engagée en cas de perte ou de dommage matériel causé au colis en cours de transport ou de non-livraison, sauf faute de l'expéditeur ou du destinataire, cas de force majeure, vice propre de l'objet, insuffisance d'emballage qui constituent non limitativement des cas d'exonération. / Si elle est établie, la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise, le montant de sa réparation ou les frais directs de reconstitution des documents, dans la limite de 250 euros par colis, et sur présentation de justificatifs. Toutefois, la limite d'indemnité pour les prestations Chrono 18, Chrono Classic et Chrono Relais Europe, est fixée à 23 euros par kilogramme sans pouvoir excéder 690 euros par colis", aux motifs, à les supposer adoptés du jugement, que la clause litigieuse pose comme limite préalable un plafond d'indemnisation de 250 euros, très inférieur et donc très défavorable par rapport au plafond réglementaire de 750 euros, qu'elle ne précise pas les conditions dans lesquelles cette limite d'indemnité peut le cas échéant être rehaussée à 690 euros sur la base réglementaire de 23 euros par kilogramme et qu'elle ne rappelle aucunement l'existence de ce plafond réglementaire de 750 euros, supérieur de 500 euros à la première indication de plafond d'indemnité d'un montant de 250 euros ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Chronopost faisant valoir, preuves à l'appui, que les contrats concernés étaient limités à des envois de colis inférieurs à 12 kg et qu'en pratique la quasi-totalité des envois de consommateurs soumis à la clause litigieuse étant inférieurs à 11 kg, le plafond de 250 euros stipulé dans les conditions générales était plus favorable aux consommateurs que le plafond de 23 euros/kg (23x11 = 253) prévu dans le contrat-type, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 3. Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R. 132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. 4. Ayant relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence et ainsi fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. La société Chronopost fait les mêmes griefs à l'arrêt à l'égard des clauses 7-2 des conditions générales de vente consommateurs du site internet /Lettre de transport manuelles et saisies sur automates - prêt-à-expédier - Chronopeï et 7-1 des conditions générales de vente imprimées au dos des enveloppes prêt-à-expédier France métropolitaine, International et DOM à disposition des clients dans les bureaux de poste, alors qu' « une stipulation conforme à un texte réglementaire ou législatif ne peut revêtir un caractère abusif ; que le contrat-type réglementaire applicable en matière de transports de marchandises, en l'absence de stipulation conventionnelle ou si la stipulation conventionnelle est réputée non-écrite, prévoit qu'"en cas de préjudice prouvé résultant d'un retard à la livraison du fait du transporteur, celui-ci est tenu de verser une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport (droits, taxes et frais divers exclus)" ; que dès lors, en déclarant abusives les clauses limitatives de responsabilité en cas de retard stipulées conventionnellement dans les contrats de la société Chronopost, au motif qu'elles contreviendraient à la prohibition de l'article R. 212-1 du code de la consommation, après avoir pourtant constaté qu'elles prévoyaient qu'"en cas de retard à la livraison de son fait et en cas de préjudice prouvé, Chronopost s'engage à régler une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport droits, taxes et frais divers exclus", ce dont il résulte qu'elles étaient conformes au texte réglementaire, ce qui devait conduire à écarter leur caractère prétendument abusif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article L. 212-1 du code de la consommation, ensemble l'article 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de la combinaison des articles L. 212-1, alinéa 1, R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et de l'article 24-3 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de retard à la livraison énoncées par le dernier de ces textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. 8. Ayant relevé que les clauses venaient limiter le droit à réparation du consommateur et fait ressortir qu'elles étaient moins favorables que les prévisions du contrat type, en ce qu'elles n'avertissaient pas le consommateur de sa faculté de faire une déclaration d'intérêt spécial à la livraison ayant pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l'indemnité fixée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à un fait inexact ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elles étaient abusives. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Chronopost aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chronopost et la condamne à payer au Conseil national des associations familiales laïques la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Domaine d'application - Contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises - Règles applicables en cas de perte et avaries - Application supplétive - Convention écrite conclue entre les parties - Clause n'accordant pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives
TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Contrat de transport - Contrat type - Contrat type approuvé par le décret n° 99-269 du 6 avril 1999 - Règles applicables en cas de perte et avaries - Application supplétive - Convention écrite conclue entre les parties - Clause n'accordant pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives - Effet
Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R.132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l'article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s'appliquent de manière supplétive en l'absence de convention écrite conclue entre les parties et qu'en présence d'une telle convention, les clauses qui n'accordent pas un niveau d'indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. Dès lors qu'elle a relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d'indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l'existence, et fait ressortir qu'elles n'accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu'elles évinçaient, une cour d'appel en a exactement déduit qu'elles étaient abusives
JURITEXT000048430191
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.174, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300597
Cassation
22-21174
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100597
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 597 FS-B Pourvoi n° V 22-21.174 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [M] [H], domiciliée [Adresse 3], 2°/ Mme [G] [I], domiciliée [Adresse 2], 3°/ Mme [P] [I], domiciliée [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° V 22-21.174 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (CPAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mmes [H] et [I], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [M] [H], à laquelle a été prescrit du Mediator de 2006 à 2008, a présenté des lésions cardiaques. Le 14 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 21 juillet 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 16 octobre 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [H] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [H], sa fille, Mme [G] [I], et sa petite-fille, Mme [P] [I] (les consorts [H]) ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de dire que leur action ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de la déclarer irrecevable comme prescrite, alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [H], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [H] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 21 juillet 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris. Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [M] [H], Mmes [G] et [P] [I] la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Invocation d'un autre régime de responsabilité - Possibilité - Responsabilité délictuelle - Condition - Faute distincte du défaut de sécurité du produit - Cas
UNION EUROPEENNE - Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Détermination - Portée
Il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil, transposant la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31), par lequel elle a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle que le maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit
JURITEXT000048430193
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.178, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300598
Cassation
22-21178
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100598
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 598 FS-B Pourvoi n° Z 22-21.178 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [H] [E], 2°/ M. [W] [E], 3°/ Mme [S] [K], tous trois domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° Z 22-21.178 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPAM), dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [E] et de Mme [K], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Versailles, 7 juillet 2022), Mme [H] [E] à laquelle a été prescrit du Mediator de 2007 à 2009 a présenté des lésions cardiaques. Le 17 juillet 2012, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 8 octobre 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 31 décembre 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [E] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [E], son conjoint, M. [W] [E], et leur fille, Mme [S] [K] (les consorts [E]), ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de dire que leur action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de déclarer ainsi leur action irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [E], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [E] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 8 octobre 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société les Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme [E] et Mme [S] [K] la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Invocation d'un autre régime de responsabilité - Possibilité - Responsabilité délictuelle - Condition - Faute distincte du défaut de sécurité du produit - Cas
RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l'action - Article 1382 du code civil - Responsabilité du producteur d'un produit défectueux - Conditions - Faute distincte du défaut de sécurité du produit - Caractérisation - Cas UNION EUROPEENNE - Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Détermination - Portée
Il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil, transposant la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31), par lequel elle a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle que le maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit
JURITEXT000048430195
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430195.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.179, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300599
Cassation
22-21179
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100599
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 599 FS-B Pourvoi n° A 22-21.179 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Mme [Y] [Z], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 22-21.179 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (CPAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [Y] [Z] à laquelle a été prescrit du Mediator de 2007 à 2009, a présenté des lésions cardiaques. Le 7 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 24 avril 2014, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettres du 17 juillet et 20 novembre 2014, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [Z] des offres d'indemnisation qu'elle a refusées. 2. Les 7 et 8 juillet 2020, Mme [Z] a assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Elle a, ensuite, fondé son action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Madame [Z] fait grief à l'arrêt de dire que son action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de la déclarer irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions de Madame [Z], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'elle adressait aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que Madame [Z] se prévalait, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour lui fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 24 avril 2014, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Invocation d'un autre régime de responsabilité - Possibilité - Responsabilité délictuelle - Condition - Faute distincte du défaut de sécurité du produit - Cas
RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l'action - Article 1382 du code civil - Responsabilité du producteur d'un produit défectueux - Conditions - Faute distincte du défaut de sécurité du produit - Caractérisation - Cas UNION EUROPEENNE - Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Détermination - Portée
Il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil, transposant la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31), par lequel elle a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle que le maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit
JURITEXT000048430197
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.180, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300600
Cassation
22-21180
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100600
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 600 FS-B Pourvoi n° B 22-21.180 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [I] [V], épouse [Y], 2°/ M. [B] [Y], 3°/ M. [C] [Y], tous trois domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° B 22-21.180 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (CPAM),dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [Y], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [I] [V], épouse [Y], à laquelle a été prescrit du Mediator de 2004 à 2010, a présenté des lésions cardiaques. Le 17 septembre 2012, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 8 avril 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 3 juillet 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [Y] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [I] [Y] et son conjoint, M. [B] [Y], agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [C] [Y] (les consorts [Y]), ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [Y] font grief à l'arrêt de dire que leur action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de la déclarer irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [Y], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [Y] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 8 avril 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme [Y], agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [C] [Y], la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Invocation d'un autre régime de responsabilité - Possibilité - Responsabilité délictuelle - Condition - Faute distincte du défaut de sécurité du produit - Cas
RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l'action - Article 1382 du code civil - Responsabilité du producteur d'un produit défectueux - Conditions - Faute distincte du défaut de sécurité du produit - Caractérisation - Cas UNION EUROPEENNE - Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 - Domaine d'application - Rapports avec les autres régimes de responsabilité - Détermination - Portée
Il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil, transposant la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31), par lequel elle a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle que le maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit
JURITEXT000048430199
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-15.511, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300601
Cassation sans renvoi
22-15511
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-10-25
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Champalaune
SCP Zribi et Texier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100601
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 601 FS-B Pourvoi n° Q 22-15.511 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [L] [N], domicilié centre de rétention administrative de [Localité 5], [Adresse 4], 2°/ l'union départementale des associations familiales de [Localité 5] (UDAF), représentée par Mme [Y] [Z], en sa qualité de curatrice de M. [L] [N], dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° Q 22-15.511 contre l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (rétention administrative, chambre 1-11 RA), dans le litige les opposant : 1°/ au préfet des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 1], représentant l'Etat, 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [N] et de l'union départementale des associations familiales de [Localité 5], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 octobre 2021) et les pièces de la procédure, le 20 janvier 2020, un juge des tutelles a prononcé, pour une durée de soixante mois, une mesure de curatelle renforcée au bénéfice de M. [N], de nationalité algérienne. Le 19 octobre 2021, celui-ci a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté ministériel d'expulsion. 2. Le 21 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [N] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et par le préfet d'une demande de première prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [N] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention et de maintenir la mesure, alors « qu'il résulte des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le curateur est avisé du placement en rétention administrative de la personne placée sous curatelle ; qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 741-8 du CESEDA que l'autorité administrative doit informer immédiatement le procureur de la République de tout placement en rétention et que ni ce texte ni aucun texte, n'imposent à l'administration ou au procureur de la République d'aviser le curateur de l'étranger de son placement en rétention, quand cette règle de droit résultait des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le délégué du premier président a violé, ensemble, les articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et les articles L. 741-9 et L. 741-10 du CESEDA : 4. Il résulte de ces textes qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement. 5. Pour rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance retient qu'il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir fait procéder à l'audition de la curatrice préalablement au placement en rétention de l'intéressé en l'absence de justification d'une disposition légale en ce sens. 6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'administration, qui avait connaissance de la mesure de protection, avait informé le curateur du placement en rétention de M. [N], le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Procédure - Saisine du juge - Etranger faisant l'objet d'une mesure de protection juridique - Information de la personne chargée de cette mesure - Obligation - Cas - Connaissance de la mesure par l'autorité administrative
ETRANGER - Expulsion - Maintien en rétention - Saisine du juge - Etranger faisant l'objet d'une mesure de protection juridique - Information de la personne chargée de cette mesure - Obligation - Cas - Connaissance de la mesure par l'autorité administrative
Il résulte des articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et des articles L. 741-9 et L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement
JURITEXT000048430200
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-23.266, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300608
Rejet
22-23266
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-09-22
Cour d'appel de Douai
Mme Champalaune
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Bénabent
ECLI:FR:CCASS:2023:C100608
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 608 F-B Pourvoi n° U 22-23.266 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [M] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-23.266 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Le Potager des princes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à M. [L] [U], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Le Potager des princes, de M. [U], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 septembre 2022), en 1985, M. [P], artiste, sculpteur et peintre, spécialisé dans la représentation de chevaux, sollicité par M. [U], fondateur du musée [4] vivant aux grandes écuries de [Localité 3], a créé une oeuvre destinée au musée, intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « la Prueva », consistant en une sculpture monumentale représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire. 2. Plusieurs reproductions sans autorisation de cette oeuvre ou de partie de l'oeuvre ont été réalisées par [X] [K] dit [X] [G]. L'une de celles-ci, dont le caractère contrefaisant a été reconnu par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008, a été exposée dans les jardins de la société Le Potager des princes ayant pour activité la gestion des jardins botaniques et parc animalier à [Localité 3], fondée par M. [U]. 3. Par lettre du 5 mai 2020, M. [P] a contacté M. [U] en sa qualité de directeur du parc « Le Potager des princes », afin de convenir des moyens d'une réparation amiable au titre de la violation de ses droits de propriété intellectuelle. 4. Le 5 mars 2021, M. [P] a assigné en référé M. [U] et la société Le Potager des princes, en contrefaçon de droit d'auteur, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et d'obtenir l'indemnisation provisionnelle de son préjudice. M. [U] et la société Le Potager des princes ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription. Examen des moyens Sur le second moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. [P] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre la société Le Potager des princes, alors « que si l'action en réparation des atteintes portées aux droits de l'auteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, l'action aux fins de faire cesser lesdites atteintes n'est soumise à aucun délai de prescription, la propriété ne s'éteignant pas par le non-usage ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. [P] au titre de la contrefaçon de sa statue intitulée "Fontaine aux chevaux" ou "la Prueva", que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise au délai quinquennal de l'article 2224 du code civil dont le point de départ est le jour où le titulaire a eu connaissance de la contrefaçon, même si celle-ci s'inscrit dans la durée, et que M. [P] a été informé de la présence de la statue litigieuse dans le jardin de la société Le Potager des princes dès le rapport d'expertise du 3 septembre 2004 dans le cadre de l'instruction pénale qui a abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008 reconnaissant son caractère contrefaisant, de sorte que le délai de prescription a expiré le 17 décembre 2013, cependant que n'étaient pas prescrites les demandes de M. [P] tendant à faire cesser les actes de contrefaçon par la remise entre ses mains de l'oeuvre contrefaisante aux fins de destruction, la cour d'appel a violé les articles 544, 2224 et 2227 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. C'est à bon droit que, après avoir énoncé que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise à ces dispositions, la cour d'appel a retenu que, le délai de prescription ayant commencé à courir le 17 décembre 2008, date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant de l'oeuvre exposée, l'action intentée le 5 mars 2021 était prescrite, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société le potager des Princes et M. [U] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droit d'auteur - Atteinte - Contrefaçon - Action en réparation - Recevabilité - Point de départ - Détermination
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel retient que le délai de prescription d'une action fondée sur la contrefaçon a commencé à courir à la date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant d'une oeuvre, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée
JURITEXT000048430201
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2023, 23-14.577, Publié au bulletin
2023-11-14 00:00:00
Cour de cassation
12300697
QPC - Irrecevabilité
23-14577
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2023-03-02
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:C100697
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 COUR DE CASSATION CF ______________________ QUESTIONS PRIORITAIRES de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 IRRECEVABILITE Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 697 F-B Pourvoi n° V 23-14.577 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 14 août 2023, la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 23-14.577 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans une instance l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique de ce jour où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-20.315 ), après avoir reçu des transfusions sanguines, Mme [P] a été contaminée par le virus de l'hépatite C et a sollicité, devant la juridiction administrative, le paiement d'une provision par l'Établissement français du sang (l'EFS) dont le versement a été mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), légalement substitué à celui-ci. L'ONIAM a conclu une transaction avec les consorts [P] qui l'avaient saisi d'une demande d'indemnisation amiable complémentaire. 2. Parallèlement, le 22 février 2010, l'EFS a assigné en garantie la société AXA France IARD, venant aux droits et obligations du Groupe Drouot (la société AXA), en sa qualité d'assureur de responsabilité civile du centre départemental de transfusion sanguine de [Localité 3] (le CDTS) au titre de la fourniture d'un produit sanguin transfusé à Mme [P]. L'ONIAM s'est substitué à l'EFS et a sollicité le remboursement par la société AXA des sommes versées aux consorts [P]. 3. La cour d'appel de renvoi a condamné la société AXA à rembourser à l'ONIAM l'intégralité des sommes versées aux consorts [P]. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 4. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par cette cour, la société AXA a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du huitième alinéa de l'article L. 1221-14, du code de la santé publique, issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 : 1°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, excédant la part contributive de son assuré, est-il contraire au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » 2°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'Office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, est-il contraire à la liberté contractuelle garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789? » 3°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'Office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce que les recours en contribution que pourrait engager l'assureur ainsi actionné à l'encontre des autres fournisseurs et de leurs éventuels assureurs seraient soumis à la démonstration, en pratique quasiment impossible, d'une faute et seraient en tout état de cause dépourvus d'efficacité en présence de fournisseurs non identifiés ou non assurés, laissant ainsi définitivement à la charge de l'assureur actionné par l'ONIAM ou les tiers payeurs une part d'indemnisation excédant celle de son assuré, est-il contraire au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité, examinée d'office, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues à l'article 1015 du code de procédure civile : 5. La disposition dont la constitutionnalité est contestée est le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique. 6. L'article L. 1221-14 a été créé par le I de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008. Il a mis à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des victimes de contamination transfusionnelles par le virus de l'hépatite C et prévu une procédure amiable d'indemnisation. Il a été déclaré applicable aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. Il a été modifié par le I de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ayant notamment donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées par les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS. 7. Les actions juridictionnelles en cours au 1er juin 2010 ont été soumises à des dispositions transitoires édictées au IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoyant une substitution de l'ONIAM à l'EFS et la possibilité pour le demandeur de solliciter un sursis à statuer pour bénéficier de la procédure amiable instaurée. Ces dispositions ont été complétées par le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 ayant également donné la possibilité à l'ONIAM de solliciter la garantie des assureurs des structures reprises par l'EFS. 8. Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 a été ajouté par le I de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020. Cet alinéa précise les conditions des recours de l'ONIAM contre les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS ayant fourni des produits sanguins administrés aux victimes et dont l'innocuité n'a pas été démontrée et ouvre un tel recours aux tiers payeurs. 9. Cependant, selon le II de l'article 39, ces dispositions ne s'appliquent, comme les autres dispositions de l'article L. 1221-14, qu'aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, de sorte que demeurent applicables, pour les actions antérieurement engagées, les dispositions transitoires précitées. 10. Dès lors que l'action en garantie de la société AXA a été intentée le 22 février 2010 par l'EFS, auquel l'ONIAM s'est ensuite substitué, la disposition contestée n'est pas applicable au litige. 11. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code de la santé publique - Article L. 1221-14, alinéa 8, issu de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 - Inapplicabilité au litige - Irrecevabilité
JURITEXT000048430331
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 22-14.638, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
22301123
Cassation
22-14638
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2022-02-10
Cour d'appel de Caen
Mme Martinel
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C201123
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1123 F-B Pourvoi n° R 22-14.638 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Normandie, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, a formé le pourvoi n° R 22-14.638 contre l'arrêt n° RG : 19/03438 rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 février 2022), la société [3] (la société), a fait l'objet d'un contrôle sur les années 2015 à 2017, ayant donné lieu à une lettre d'observations de l'URSSAF de Basse-Normandie, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Normandie (l'URSSAF) du 8 juin 2018, puis à une mise en demeure du 4 septembre 2018 et à une contrainte du 29 octobre 2018, au titre de majorations de redressement et de retard. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les chefs de redressement n° 6 (prévoyance complémentaire) et n° 7 (retraite supplémentaire), alors « que sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite versées aux bénéfice de leurs salariés, pour une fraction n'excédant pas, notamment, 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance n'excédant pas, notamment, 1,5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale ; que les indemnités de congés payés versées directement par une caisse de congés payés, comme la caisse de congés payés du bâtiment, à laquelle l'employeur cotise et qui se substitue à ce dernier vis-à-vis des salariés, ne sont pas à prendre en compte dans l'assiette de rémunération servant au calcul des limites d'exonération de cotisations sociales des contributions patronales au financement du régime de retraite complémentaire et du régime de prévoyance complémentaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses versions en vigueur du 1er janvier 2013 au 23 décembre 2015, du 23 décembre 2015 au 1er janvier 2016, du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017 et du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018 ainsi que l'article D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 7 janvier 2012 au 30 septembre 2018. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 242-1, L. 243-1-3 et D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions successives applicables au litige : 4. Aux termes de l'alinéa 1er du premier de ces textes, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail. 5. Aux termes de ce même texte, sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés. 6. Aux termes du troisième de ces textes, les contributions des employeurs au financement d'opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L. 242-1 sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale propre à chaque assuré, pour une fraction n'excédant pas la plus élevée des deux valeurs suivantes : a) 5 % du montant du plafond de la sécurité sociale ; b) 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1, déduction faite de la part des contributions des employeurs destinées au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance soumise à cotisations de sécurité sociale, la rémunération ainsi calculée étant retenue jusqu'à concurrence de cinq fois le montant du plafond de la sécurité sociale. 7. Aux termes du deuxième de ces textes, au titre des périodes de congés des salariés des employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l'article L. 3141-32 du code du travail, les cotisations et contributions auprès des organismes de recouvrement sont acquittées dans les conditions suivantes : 2° Pour les cotisations de sécurité sociale et les contributions mentionnées à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et au 1° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, les caisses de congés payés mentionnées à l'article L. 3141-32 du code du travail effectuent, avant la fin du mois au cours duquel les cotisations leur sont versées, un versement égal au produit du montant des cotisations encaissées par les caisses de congés payés, par un taux fixé par décret, en fonction des taux de cotisations et contributions en vigueur. Le cas échéant, ce versement fait l'objet d'un ajustement dans des conditions fixées par décret, sur la base des montants d'indemnités de congés payés effectivement versés. 8. Il résulte de ces textes que la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale au sens de l'article D. 242-1, I, du code de la sécurité sociale, pour le calcul du montant du plafond de 5 % de la sécurité sociale qu'il prévoit, ne comprend pas les indemnités de congés payés versées par une caisse de congés mentionnée à l'article L. 3141-32 du code du travail, dès lors que la rémunération qui sert de référence au calcul de la limite de l'exclusion d'assiette prévue au I b) de l'article D. 242-1 est celle soumise à cotisations de sécurité sociale définie à l'article L. 242-1, laquelle comprend seulement les rémunérations versées par l'employeur. 9. Pour décider que l'indemnité de congés payés est à inclure pour le calcul du plafond de 5 %, l'arrêt énonce que l'article L. 242-1, qui définit l'assiette des cotisations, ne distingue pas selon que l'indemnité de congés payés est versée directement par l'employeur ou par une caisse de congés payés et qu'il vise également les sommes qui sont versées par l'entremise d'un tiers, lesquelles ne sont pas limitées aux pourboires et que la distinction proposée serait créatrice d'une inégalité entre les employeurs selon qu'ils sont tenus ou non d'adhérer à une caisse de congés payés. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 11. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure du 4 septembre 2018 et la contrainte du 29 octobre 2018, alors « qu'en application de l'article L. 243-6-7 (lire L. 243-7-6) du code de la sécurité sociale, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mises en recouvrement à l'issue du contrôle est majoré de 10 % en cas d'absence de mise en conformité ; qu'il en est ainsi en cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que lors d'un contrôle précédent, portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, elle avait notifié à la société, par lettre d'observations du 22 avril 2014, des redressements concernant la prise en compte des indemnités de congés payés versées par la caisse de congés payés en matière de retraite complémentaire et le dépassement des seuils d'exonération en matière de prévoyance complémentaire et que ces mêmes chefs de redressement avaient été visés dans la lettre d'observations du 8 juin 2018 ; qu'en considérant néanmoins qu'elle n'était pas fondée à reprocher à la société une absence de mise en conformité sur ces deux chefs de redressement, donnant lieu à majoration de redressement, et en annulant, en conséquence, la mise en demeure émise à l'encontre de cette société le 4 septembre 2018 ainsi que la contrainte décernée à cette dernière le 29 octobre 2018, la cour d'appel a violé l'article L. 243-6-7 (lire L. 243-7-6) du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 19 décembre 2012 au 28 décembre 2019. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : 12. Aux termes de ce texte, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l'employeur n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non. 13. Il en résulte que la majoration de 10 % est due sur le seul constat que les observations notifiées lors d'un précédent contrôle n'ont pas été respectées par la personne contrôlée, alors même qu'il n'était pas mentionné dans la lettre d'observations, établie à l'issue de ce contrôle, la nécessité d'une mise en conformité et qu'une contestation sur le bien-fondé du redressement avait été formée. 14. Pour annuler la mise en demeure émise le 4 septembre 2018 et la contrainte du 29 octobre 2018, l'arrêt énonce que la lettre d'observations du 8 juin 2018 vise les mêmes chefs de redressement que ceux visés dans la lettre d'observations du 22 avril 2014, qu'il n'avait été demandé aucune mise en conformité dans cette dernière lettre d'observations et qu'en outre, ces chefs de redressement ont été contestés devant la juridiction de sécurité sociale qui a accueilli le recours de la société. 15. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société n'avait pas respecté les observations notifiées lors du précédent contrôle, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes. Condamne la société [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [3] à payer à l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE
JURITEXT000048430347
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 21-18.360, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300735
Cassation partielle
21-18360
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2021-04-01
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Teiller
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
ECLI:FR:CCASS:2023:C300735
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 735 FS-B Pourvoi n° R 21-18.360 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [N] [I], 2°/ Mme [U] [K], épouse [I], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-18.360 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à la société du [Adresse 1], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société du [Adresse 1], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 4 septembre 2009, la société civile immobilière du [Adresse 1] (la SCI) a conclu avec M. et Mme [I] (les preneurs) un contrat dénommé « convention pluriannuelle de pâturage » portant sur des biens agricoles et un bâtiment d'habitation, pour une durée de cinq ans à compter du 1er avril 2009, tacitement reconduit à son terme. 2. Par acte d'huissier du 25 août 2016, les preneurs ont assigné en référé la SCI afin d'obtenir sa condamnation à réaliser des travaux. 3. Le 25 septembre 2017, la SCI leur a délivré un congé. 4. Après renvoi de l'affaire devant le tribunal paritaire des baux ruraux pour qu'il soit statué au fond, les preneurs ont demandé, à titre additionnel, la reconnaissance d'un bail rural, la condamnation de la SCI à leur rembourser diverses sommes, dont les loyers réglés au titre du bâtiment d'habitation, et l'annulation du congé. Examen des moyens Sur le troisième moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 2224 du code civil : 7. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. La Cour de cassation juge, de façon constante, que le bail tacitement reconduit est un nouveau bail, distinct du bail initial (3e Civ., 10 juin 1998, pourvoi n° 96-15.626, Bull. 1998, III, n° 119). Cette règle est désormais consacrée, depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1214 et 1215 du code civil. 9. Il en résulte que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet. 10. Pour déclarer prescrite l'action en reconnaissance d'un bail rural, laquelle s'analyse en une action en requalification de la convention en cours, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le délai de prescription court, sauf fraude, à compter de la date de la conclusion du contrat initial, nonobstant sa tacite reconduction. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de requalification entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande en annulation du congé, ordonnant l'expulsion des preneurs, les condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation et rejetant leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de requalification, rejette la demande en annulation du congé, ordonne l'expulsion de M. et Mme [I], les condamne au paiement d'une indemnité d'occupation, rejette leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société civile immobilière du [Adresse 1] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière du [Adresse 1] et la condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL RURAL - Statut du fermage et du métayage - Domaine d'application - Convention pluriannuelle de pâturage - Action en requalification - Prescription - Prescription quinquennale - Point de départ - Détermination - Portée
Il résulte de l'article 2224 du code civil que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet
JURITEXT000048430351
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-14.091, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300745
Cassation partielle
22-14091
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-01-25
Cour d'appel de Poitiers
Mme Teiller
SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:C300745
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 745 F-B Pourvoi n° W 22-14.091 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La société [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 22-14.091 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [X], domicilié [Adresse 2], notaire associé de la société Océan notaires, 2°/ à M. [Z] [E], 3°/ à Mme [S] [U], épouse [E], domiciliés tous deux [Adresse 3] (Irlande), 4°/ à la société [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [W], en qualité de liquidateur de la société Lama, défendeurs à la cassation. M. [X] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. M. et Mme [E] ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. M. [X], demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. M. et Mme [E], demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [Localité 5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022, n° RG 20/01228), par un contrat de réservation du 10 décembre 2002, suivi d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement dressé le 31 octobre 2003 par M. [X] (le notaire), M. et Mme [E] (les propriétaires), préalablement démarchés par la société Lama (le promoteur), ont acquis une villa dans une résidence de tourisme exploitée par la société Gestion patrimoine loisirs. 2. Par acte sous seing privé du 10 décembre 2002, les propriétaires ont donné la villa à bail commercial à l'exploitante de la résidence de tourisme, aux droits de laquelle est venue la société [Localité 5] (la locataire), pour une durée de neuf années à compter du lendemain de l'achèvement de l'immeuble. 3. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit à une indemnité d'éviction. 4. Le 23 septembre 2014, les propriétaires ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 mars 2015, sans offre d'une indemnité d'éviction. 5. Le 5 avril 2015, les propriétaires ont repris possession de l'immeuble. 6. Le 7 décembre suivant, la locataire a assigné les propriétaires en annulation du congé, indemnisation du préjudice résultant de sa dépossession et restitution des locaux loués ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction. 7. Le 3 octobre 2016, les propriétaires ont assigné en garantie le promoteur et le notaire. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires, et sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi incident du notaire 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident des propriétaires, dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 9. Les propriétaires font grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction, d'ordonner une expertise sur la fixation de son montant et de les condamner au paiement d'une provision, alors « que la loi qui a pour effet d'allonger la durée d'une prescription est sans effet sur une prescription déjà acquise ; que la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 modifiant l'article L. 145-15 du code de commerce a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et d'indemnité d'éviction, soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du même code, leur caractère réputé non écrit, non soumis à prescription ; qu'il en résulte que la loi nouvelle susvisée édictant une sanction imprescriptible n'est applicable qu'aux actions dont le délai de prescription biennale n'était pas déjà expiré à la date de son entrée en vigueur ; qu'en jugeant que l'action engagée en 2015 par la société [Localité 5] en contestation de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction stipulée au bail conclu en 2002 n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, ce au motif que la loi nouvelle régissait immédiatement les effets légaux des situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, quand cette loi ne pouvait avoir d'effet sur la prescription de l'action définitivement acquise avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les articles 2 et 2222 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées. 11. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, Bull.). 12. Dès lors, quand bien même la prescription de l'action en nullité des clauses susvisées était antérieurement acquise, la sanction du réputé non écrit est applicable aux baux en cours. 13. Ayant constaté que le bail s'était tacitement prorogé et que le congé avait été valablement délivré par les propriétaires le 23 septembre 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction n'était pas soumise à la prescription biennale et était recevable. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 15. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de son préjudice au titre de la dépossession des lieux, alors « que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il est fixé par les conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [E] ont soutenu, qu'après avoir obtenu la remise spontanée de leurs clefs à l'accueil de la résidence le 5 avril 2015, ils avaient récupéré la libre jouissance de leur résidence de vacances, avaient procédé au changement des serrures afin de sécuriser l'accès de leur propriété et avaient ainsi pu louer leur villa depuis la résiliation du bail en passant par le biais de sites de locations de particulier à particulier ; que pour débouter la société [Localité 5] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la dépossession, l'arrêt attaqué retient qu'il n'était pas démontré que les époux [E] soient passés outre le refus de la société [Localité 5], exprimé dans une lettre AR datée du 4 mai 2015, de restituer les clefs en l'absence de règlement de l'indemnité d'éviction en changeant les serrures de la maison rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale conformément au bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 17. Pour rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, l'arrêt retient que si la locataire avait indiqué, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mai 2015, qu'elle entendait conserver la gestion du bien et ne restituerait pas les clés en l'absence de consensus sur le règlement de l'indemnité, elle ne démontrait pas que les propriétaires soient passés outre ce refus en changeant les serrures de la villa et en rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale. 18. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, les propriétaires affirmaient avoir repris possession de leur propriété et avoir procédé au changement des serrures afin d'en sécuriser l'accès, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident du notaire Enoncé du moyen 19. Le notaire fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son devoir de conseil en omettant d'informer les propriétaires de la nullité de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction et de le condamner, in solidum avec le promoteur, à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, en appel, à hauteur de 70 %, alors « qu'en toute hypothèse, le notaire n'est pas tenu de vérifier la validité de la clause d'un acte, qu'il n'a pas été chargé de dresser, et qui ne détermine pas la validité ou l'efficacité de l'acte, distinct, auquel il prête son concours ; qu'en retenant que le notaire, rédacteur du seul acte de vente, aurait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les clauses d'un bail, rédigé par un agent immobilier, étaient conformes aux attentes d'investisseurs de M. et Mme [E], et d'attirer leur attention sur un risque d'annulation d'une clause de ce bail, et sur le risque de devoir payer une indemnité d'éviction au locataire en exécution de ce même acte, conclu sans son concours, au motif que cette clause pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail, la cour d'appel, qui a ainsi statué par des motifs impropres à caractériser l'incidence que le risque d'annulation de la clause du bail pouvait avoir sur la validité ou l'efficacité de l'acte de vente, qui avait produit tous ses effets, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 20. En application de ce texte, le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours. 21. Pour accueillir l'appel en garantie des propriétaires contre le notaire, l'arrêt retient qu'il a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les principales clauses du bail commercial, qui constituait un élément fondamental dans l'ensemble contractuel, étaient conformes aux attentes d'investisseurs des acquéreurs et en omettant d'attirer leur attention les conséquences du risque d'annulation de la clause de renonciation du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction stipulée dans ce bail, lequel pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail. 22. En statuant ainsi, alors que le notaire n'était pas tenu d'une obligation de conseil concernant l'opportunité économique d'un bail commercial conclu par les acquéreurs sans son concours, ni de les mettre en garde sur le risque d'annulation d'une clause de ce bail qui était sans incidence sur la validité et l'efficacité de l'acte de vente qu'il instrumentait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de la locataire en dommages-intérêts pour dépossession, retenant un manquement du notaire à son obligation de conseil, et le condamnant à garantir les propriétaires des condamnations prononcées à leur encontre emporte celles des chefs du dispositif condamnant le promoteur à garantir le notaire et condamnant le notaire au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile. 24. En revanche, elle n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les propriétaires et le promoteur au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société [Localité 5] en dommages-intérêts pour dépossession, qu'il déclare partiellement fondé le recours en garantie formé par M. et Mme [E] à l'encontre de M. [X], qu'il dit que M. [X] a manqué à son devoir de conseil et que cette faute les a privés d'une chance d'éviter une action en paiement d'une indemnité d'éviction, qu'il condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à garantir M. et Mme [E] à concurrence de 70 %, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre dans le cadre de la présente instance d'appel, du montant de la condamnation provisionnelle et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il condamne la société Lama à garantir M. [X] à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre, et condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à payer à M. et Mme [E] la somme de 6 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. et Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL COMMERCIAL - Renouvellement - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 - Application dans le temps - Portée
LOIS ET REGLEMENTS - Application immédiate - Application aux contrats en cours - Cas - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 - Portée BAIL COMMERCIAL - Renouvellement - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Action en justice - Prescription - Prescription biennale - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Portée
La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription. Dès lors, l'action tendant à voir réputée non écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, introduite après l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 et relative à un bail en cours à cette date, est recevable quand bien même la prescription de l'action en nullité de cette même clause aurait été acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle
JURITEXT000048465522
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.874, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300614
Cassation
21-25874
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-10-25
Cour d'appel de Rennes
Mme Champalaune
SARL Delvolvé et Trichet, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
ECLI:FR:CCASS:2023:C100614
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 614 FS-B Pourvoi n° G 21-25.874 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de Mme [J] [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 30 septembre 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [N] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-25.874 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant à Mme [J] [W], domiciliée [Adresse 1] (Allemagne), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [S], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [W], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, Mme Poinseaux, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, Mme Lion, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 octobre 2021), des relations entre M. [S] et Mme [W] est née [T], le 23 octobre 2012, à Nantes. 2. Par requête du 28 mai 2019, M. [S] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de voir statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. 3. Le 17 mars 2020, Mme [W] a saisi une juridiction allemande aux mêmes fins. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses sixième, septième, huitième et neuvième branches 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes incompétent et de renvoyer les parties devant la juridiction allemande saisie, alors « que les juridictions d'un État membre de l'Union européenne sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ; qu'une juridiction est réputée saisie à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ; que cette dernière condition est satisfaite lorsque les formalités subséquentes à la requête sont accomplies, peu important les conditions dans lesquelles elles l'ont été ; qu'en se plaçant, pour apprécier la résidence habituelle de l'enfant [T] [S], à la date du 18 septembre 2020, date à laquelle M. [S] a fait signifier la requête qu'il avait déposée au greffe du tribunal de grande instance de Nantes le 28 mai 2019, et non la date de cette requête, au motif inopérant que M. [S] aurait manqué de diligence et fait preuve de négligences dans la conduite de la procédure, la cour d'appel a violé les articles 8 et 16 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. » Réponse de la Cour Vu les articles 8, § 1, et 16, § 1, sous a), du règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : 6. Aux termes du premier de ces textes, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. 7. Le second dispose : « Une juridiction est réputée saisie : a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ». 8. Il résulte de ce dernier texte qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur. 9. Pour déclarer la juridiction française incompétente au profit de la juridiction allemande saisie, l'arrêt retient que M. [S] a commis de graves négligences en s'abstenant d'aviser le greffe en temps utile de la nouvelle adresse de Mme [W] en Allemagne et d'informer celle-ci de la procédure en cours avant l'assignation qu'il lui a fait délivrer le 18 septembre 2020, date à laquelle l'enfant n'avait plus sa résidence habituelle en France mais en Allemagne, de sorte qu'il n'est pas possible, au regard de l'article 16 du règlement 2201/2003, de considérer que la juridiction française a été valablement saisie par la requête déposée le 28 mai 2019. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [S] avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné Mme [W], la cour d'appel a violé les textes susvisés. 11. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen. Condamne Mme [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 - Compétence judiciaire en matière de responsabilité parentale - Compétence de l'Etat membre où réside habituellement l'enfant au moment où la juridiction est saisie - Saisine de la juridiction - Critères - Dépôt de l'acte introductif - Assignation régulière du défendeur
Aux termes de l'article 8, § 1, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. Il résulte de l'article 16, § 1, sous a), de ce même règlement qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur. Dès lors, viole ce texte la cour d'appel qui écarte la validité de sa saisine et se déclare incompétente au profit d'une juridiction étrangère ultérieurement saisie, après avoir constaté que le demandeur avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné la défenderesse
JURITEXT000048465575
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-23.405 21-23.465, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301156
Rejet
21-23405
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-09-17
Cour d'appel de Paris
Mme Martinel (président)
SCP Piwnica et Molinié, SCP Krivine et Viaud
ECLI:FR:CCASS:2023:C201156
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1156 F-B Pourvois n° Q 21-23.465 Z 21-23.405 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [S] [J], 2°/ Mme [K] [V], épouse [J], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé les pourvois n° Q 21-23.465 et Z 21-23.405 contre un arrêt n° RG : 21/00235 rendu le 17 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant à la Société civile immobilière du [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leurs pourvois, un moyen unique de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société civile immobilière du [Adresse 2], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 21-23.465 et Z 21-23.405 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2021), M. et Mme [J], représentés par M. [Z], avocat, ont relevé appel d'un jugement rendu le 5 juillet 2019 par un tribunal de grande instance dans une instance les opposant à la Société civile immobilière du [Adresse 2]. 3. Le 27 février 2020, M. et Mme [J] ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance ayant constaté la caducité de la déclaration d'appel, rendue le 30 janvier 2020 par un conseiller de la mise en état. 4. La Société civile immobilière du [Adresse 2] a soulevé l'irrecevabilité de la requête en déféré, comme ayant été formée au-delà du délai prévu à l'article 916 du code de procédure civile. Examen du moyen Sur le moyen des pourvois Enoncé du moyen 5. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur requête tendant à déférer à la cour d'appel l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, alors : « 1°/ qu'en application de l'article 916 du code de procédure, la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel ; que cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de celui-ci dans un délai raisonnable ; que l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis ; que, toutefois, lorsque l'avocat de l'une des parties à l'instance a déclaré ne plus la représenter, l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà du délai de quinze jours constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge si ce délai courait du jour de l'ordonnance sans que la partie ait été informée de la date à laquelle elle serait rendue ; qu'il découle ainsi du droit d'accès au juge qu'à défaut pour la partie d'avoir été informée de cette date, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle elle a reçu cette information ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 rendue par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; qu'en jugeant pourtant que le délai de quinze jours imparti à M. et Mme [J] pour déférer cette ordonnance avait commencé à courir à compter de sa date, sans qu'il ressorte de la procédure que M. et Mme [J] avaient été informés de la date à laquelle l'ordonnance déférée serait rendue, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 528 et 916 du code de procédure civile ; 2°/ que lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant ; qu'en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », sans tenir compte de la circonstance relevée par l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, selon laquelle Me [Z] ne s'était pas contenté d'informer la juridiction, le 20 novembre 2019, qu'il n'était plus le mandataire de M. et Mme [J], mais avait, le 9 décembre suivant, répondu au greffe qui le sollicitait pour accomplir la signification de l'article 902 du code de procédure civile, qu'il ne pouvait pas mettre en oeuvre cette mesure, « ne représentant plus M. et Mme [J] », manifestant ainsi sa détermination à ne plus assurer la représentation de ces derniers, lesquels, à l'époque, n'avaient pas de nouveau représentant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 419 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en tout état de cause, même lorsqu'une disposition réglementaire ne méconnaît pas de manière générale et in abstracto la Convention européenne des droits de l'homme, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, la mise en oeuvre de cette disposition ne porte pas aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi, auquel cas il lui appartient de neutraliser l'application de la disposition litigieuse dans le litige particulier ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; que dès lors en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », pour en déduire que le point de départ du délai de déféré restait le prononcé de l'ordonnance de caducité comme l'imposait l'article 916 du code de procédure civile, les juges du second degré ont porté une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, notamment au droit d'accès à un juge, au regard du but poursuivi par l'article 419 du même code, et ont donc violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Réponse de la Cour 6. Selon l'article 419 du code de procédure civile, lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le président de la chambre de discipline. 7. Il en découle que le message par lequel l'avocat informe la cour d'appel qu'il ne représente plus les appelants est dénué d'effet sur le mandat de représentation de l'avocat, lequel continue de représenter la partie jusqu'à la constitution d'un nouvel avocat. 8. Il en résulte qu'il n'incombe pas au greffe de procéder à la notification de l'ordonnance de caducité à la partie concernée lorsqu'il est informé par l'avocat de sa volonté de se décharger de son mandat. 9. Ces règles sont claires et dénuées d'ambiguïté pour un professionnel du droit. 10. Ayant constaté que les appelants étaient représentés par M. [Z], avocat et que le message de M. [Z] indiquant à la cour d'appel qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation, qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place, la cour d'appel en a exactement déduit, sans porter une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, que le déféré, formé par M. et Mme [J] au-delà du délai de 15 jours prévu à l'article 916 du code de procédure civile, était irrecevable. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [J] et les condamne à payer à la Société civile immobilière du [Adresse 2] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
AVOCAT - Représentation des parties
JURITEXT000048465590
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-20.490, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300753
Rejet
22-20490
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-28
Cour d'appel de Chambéry
Mme Teiller
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C300753
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 753 FS-B Pourvoi n° B 22-20.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° B 22-20.490 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Artelia ville et transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6], 2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Artelia ville et transports et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 juin 2022), l'office public d'aménagement et de construction de la Savoie (l'OPAC) a confié à M. [P], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de travaux d'urbanisme d'une zone d'aménagement concerté à [Localité 7]. 2. M. [P] a sous-traité des études de voirie et réseaux divers à la société Etudes et projets, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Artelia ville et transport (la société Artelia), assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA). 3. A la suite d'affaissements de la voirie, la juridiction administrative a ordonné une expertise, rendue commune à la MAF par ordonnance du 15 avril 2005. 4. Par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC a saisi la juridiction administrative au fond pour voir notamment condamner M. [P], la MAF, la société Artelia, la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à l'indemniser de son préjudice. La société [P] architectes (la société [P]) a déclaré venir aux droits de M. [P]. La juridiction administrative a condamné la société [P], la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à payer diverses sommes à l'OPAC. L'intervention de la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la commune de [Localité 7], a été déclarée non admise. Les demandes de garantie formées par la société [P] contre la société Artelia et la MAF ont été rejetées comme formées devant une juridiction incompétente. 5. Par acte du 5 mars 2010, l'OPAC a assigné son assureur la société Sagena, devant un tribunal de grande instance. Par acte du 3 janvier 2011, la société Sagena a notamment appelé en intervention forcée la société [P] et son assureur la MAF. Par conclusions des 2 et 5 juillet 2012, la MAF a demandé la garantie des sociétés Artelia et MMA. 6. Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge de la mise en état a constaté le désistement de l'OPAC et l'absence d'objet des recours subséquents. 7. Par acte du 29 janvier 2019, la société Axa a notamment assigné la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P] et de la société [P], en paiement de diverses sommes. 8. Par acte du 8 février 2021, la MAF a appelé en garantie les sociétés Artelia et MMA. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. La MAF fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action qu'elle a engagée le 8 février 2021, en sa qualité d'assureur tant de M. [P] que de la société [P] contre les sociétés Artelia et MMA et de dire éteinte cette action, alors : « 1°/ que lorsque l'assureur d'un constructeur assigne l'assureur d'un autre constructeur en paiement de sommes qu'il a payées au titre de la responsabilité de son assuré, le délai de prescription du recours de l'assureur ainsi assigné contre d'autres constructeurs et/ou leurs assureurs commence à courir à compte de cette assignation ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action de la MAF qui avait sollicité, par assignation du 8 février 2021, la garantie de la société Artelia et de son assureur pour les sommes réclamées par la société Axa France IARD dans une assignation du 29 janvier 2019 au titre de ce qu'elle avait payé en qualité d'assureur de la commune de [Localité 7], la cour a retenu que le délai de prescription de cette action avait commencé à courir le 15 avril 2005, date à laquelle lui avaient été rendues communes les opérations d'expertises, et qu'il s'était achevé le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 2°/ que le délai de prescription de l'action d'un constructeur et/ou de son assureur tendant à obtenir la garantie d'un autre constructeur et/ ou de son assureur commence à courir à la date à laquelle le demandeur en garantie a fait l'objet d'une action en paiement ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que le point de départ du délai de prescription de l'action de la MAF devait être fixé à la date de l'ordonnance lui ayant rendu communes les opérations d'expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article 2224 du code civil ; 3°/ que le point de départ d'une prescription qui a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ne peut être déterminé au regard de dispositions de l'article 2224 du code civil : qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'ordonnance du 15 avril 2005 ayant étendu l'expertise à la MAF marquait la date à laquelle elle avait eu connaissance des faits permettant d'exercer son action récursoire et que la prescription était acquise le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 2224 du code civil ; 4°/ que des conclusions constituent une demande en justice qui interrompent le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, date à laquelle un nouveau délai commence à courir, l'interruption étant non avenue lorsque le demandeur se désiste de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que l'acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ayant donné lieu à l'extinction de l'instance suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 octobre 2018 emportait désistement par la MAF de son appel en garantie formé en qualité d'assureur de la société [P] Architectes, de sorte qu'était non avenu l'effet interruptif des conclusions sollicitant la garantie de la société Artelia et de son assureur prises les 2 et 5 juillet 2012, soit avant le terme du délai de prescription qu'elle a fixé au 18 juin 2013, et que l'appel en garantie exercé par la MAF le 8 février 2021 était prescrit ; que pourtant, la seule acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ne pouvait emporter désistement de l'appel en garantie formé contre la société Artelia et son assureur, d'autant qu'il résultait des conclusions par lesquelles elle avait accepté ce désistement qu'elle demandait au juge de la mise en état de dire que la procédure se poursuivrait entre elle, la société [P] Architectes, la société Artelia et son assureur, si bien qu'un nouveau délai de 5 ans pour former un recours en garantie avait commencé à courir à compter de l'ordonnance du 29 octobre 2018 et que l'action ainsi exercée le 8 février 2021 n'était pas prescrite ; qu'en déclarant néanmoins cette action prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2242 et 2243 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié). 11. La demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié). 12. Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime. 13. La cour d'appel ayant constaté, d'une part, que, par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC avait saisi le tribunal administratif pour que soit engagée la responsabilité de M. [P] et de son assureur la MAF et que celle-ci, en cette qualité, n'avait agi en garantie contre les sociétés Artelia et MMA que le 8 février 2021, dès lors que les demandes formées par conclusions des 2 et 5 juillet 2012 l'avaient été par la MAF en sa qualité d'assureur de la société [P] et non de M. [P], elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P], était prescrite. 14. Ayant constaté, d'autre part, que, par acte du 3 janvier 2011, la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], avait été assignée en garantie par la société Sagena, elle-même recherchée par l'OPAC, et ayant retenu, par une interprétation souveraine de la motivation et des dispositions ambiguës de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 novembre 2021, que la MAF s'était désistée de ses propres demandes reconventionnelles de garantie, de sorte qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption résultant des conclusions des 2 et 5 juillet 2012 était non avenue, elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], était prescrite. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer aux sociétés Artelia ville et transports, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Préjudice - Réparation - Action en garantie - Recours d'un constructeur contre un autre constructeur - Prescription - Point de départ - Détermination
Conformément à l'article 2224 du code civil, le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime
JURITEXT000048465595
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-20.866, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300757
Rejet
22-20866
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-30
Cour d'appel de Paris
Mme Teiller
SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C300757
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 757 FS-B Pourvoi n° K 22-20.866 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La Ville de [Localité 7], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 6], a formé le pourvoi n° K 22-20.866 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [P], épouse [M], 2°/ à M. [N] [M], tous deux domiciliés [Adresse 2], 3°/ à Mme [S] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 5], 4°/ à M. [Y] [M], domicilié [Adresse 3], tous quatre pris en leur qualité d'héritiers d'[Z] [M], 5°/ à Mme [X] [B], domiciliée [Adresse 3], 6°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 1], 7°/ à M. [I] [R], domicilié [Adresse 4], 8°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 3], 9°/ au commissaire du gouvernement, représenté par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 8], défendeurs à la cassation. Mmes [U] et [S] [M] et MM. [N] et [Y] [M] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 7], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mmes [U] et [S] [M] et MM. [N] et [Y] [M], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen et Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-24.099), le 12 septembre 1990, la Ville de [Localité 7] a acquis, par voie de préemption, deux terrains sur lesquels [Z] [M] et Mme [U] [M] étaient titulaires du droit au bail et sur lesquels avaient été édifiés des bâtiments. 2. Désirant réaliser une opération d'aménagement nécessitant l'évacuation définitive des locaux, la Ville de [Localité 7] a, faute d'accord avec [Z] [M] et Mme [U] [M], demandé au juge de l'expropriation de fixer l'indemnité d'éviction leur revenant. 3. [Z] [M] et Mme [U] [M] ont interjeté appel de la décision du juge de l'expropriation et, après le décès d'[Z] [M], ses ayants cause (les consorts [M]) sont intervenus volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La Ville de [Localité 7] fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité d'éviction due aux consorts [M] à une certaine somme, alors : « 1°/ que, premièrement, la préemption ne portant pas atteinte aux droits réels et personnels grevant le bien, lorsque le bailleur ayant acquis un terrain loué par préemption met fin au bail, à l'effet de réaliser des aménagements sur le terrain, la clause de nivellement prévoyant que les constructions édifiées par le preneur vont être détruites ou reviennent au bailleur en fin de bail trouve à s'appliquer ; que dès lors, l'indemnité d'éviction ne peut couvrir le préjudice résultant de la perte de la propriété de l'immeuble ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 1103 du code civil ; 2°/ que, deuxièmement, les preneurs évincés à la suite d'une préemption bénéficient d'une indemnité réparant l'intégralité de leur préjudice direct, matériel et certain ; qu'au cas d'espèce, les premiers juges ont alloué aux consorts [M] une somme de 606 105 euros au titre de l'indemnité principale, en prenant en compte la perte d'un droit temporaire de propriété sur l'immeuble, à l'exclusion du terrain ; que les juges d'appel ne pouvaient allouer aux consorts [M], en sus de la somme de 606 105 euros retenue par les premiers juges, une indemnité d'un montant de 435 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble, minorée de la valeur du terrain, sans procéder à une double indemnisation ; que dès lors, l'arrêt doit être censuré pour violation des articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 3°/ que, troisièmement, et en tout cas, en allouant aux consorts [M], en sus de la somme de 606 105 euros, une indemnité d'un montant de 435 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble, minorée de la valeur du terrain, réparant dès lors le préjudice né de la perte d'une propriété définitive, quand il résultait de leurs constatations que le droit des consorts [M] sur l'immeuble était temporaire, eu égard à la clause de nivellement, les juges du fond ont violé les articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 213-10, alinéas 1 et 2, du code de l'urbanisme, nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, les preneurs de biens ruraux, les locataires ou occupants de bonne foi de locaux à usage d'habitation ainsi que les locataires de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal situés dans un bien acquis par la voie de la préemption ou en application des articles L. 211-5 ou L. 212-3 ne peuvent s'opposer à l'exécution des travaux de restauration ou de transformation intérieure ni à la démolition de ces locaux. Si l'exécution des travaux l'exige, ils sont tenus d'évacuer tout ou partie de ces locaux ; le nouveau propriétaire du bien est alors tenu aux obligations prévues aux articles L. 314-1 et suivants. 6. L'article L. 314-1 du même code dispose que la personne publique qui a pris l'initiative de la réalisation de l'une des opérations d'aménagement définies dans le premier livre de ce code ou qui bénéficie d'une expropriation est tenue, envers les occupants des immeubles intéressés, aux obligations prévues ci-après. Les occupants, au sens du présent chapitre, comprennent les occupants au sens de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux. 7. Selon l'article L. 314-2 du même code, si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. 8. L'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique énonce que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. 9. Le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu'il a régulièrement édifiées sur le terrain loué ; dès lors, la résiliation anticipée du bail du fait de l'expropriation ne le prive pas de son droit à indemnité pour ces constructions (3e Civ., 5 janvier 2012, n° 10-26.965, Bull. 2012, III, n° 3). 10. Il en résulte que le preneur, qui bénéficie des règles applicables en matière d'expropriation, a droit à l'indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d'une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu'à la date de l'éviction anticipée définitive du preneur en raison de travaux d'aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, celui-ci était propriétaire de ces constructions. 11. La cour d'appel a relevé que les clauses des contrats de location consentis à [Z] [M] et Mme [U] [M], applicables à la fin du bail, n'avaient pas vocation à recevoir application, puisque l'éviction anticipée du locataire avait pour cause la démolition des constructions après une décision de préemption à une date à laquelle les locataires étaient propriétaires de ces constructions. 12. Elle en a exactement déduit que les consorts [M] étaient fondés à solliciter une indemnisation comprenant, outre la valeur du droit au bail, celle des constructions édifiées sur le bien préempté. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 14. Les consorts [M] font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction leur revenant, alors « que dans leurs conclusions d'appel, les consorts [M] avaient soutenu qu'en application de l'article 555 du code civil, fixant l'indemnisation de l'auteur de constructions érigées sur le terrain d'autrui, la Ville de [Localité 7] disposait d'une option consistant à leur verser, pour la perte des constructions, soit une indemnité équivalente à la plus-value apportée par les constructions, représentant, selon le rapport d'expertise amiable de M. [J] qu'ils avaient produit, une somme de 800 000 euros à la date du 22 septembre 2016, soit une indemnité sur la base du coût en matériaux et main d'oeuvre des constructions, représentant, selon le même rapport d'expertise amiable, la somme de 980 640 euros, et que faute d'avoir procédé au choix qui s'offrait à elle légalement, la Ville de [Localité 7] devait être condamnée à payer aux consorts [M] ladite somme de 980 640 euros au titre de l'indemnisation des constructions leur appartenant ; qu'en omettant de répondre à ce moyen des exposants pris de l'application des dispositions de l'article 555 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 15. Selon l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme, si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. 16. En application de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge de l'expropriation choisit souverainement la méthode d'évaluation de l'indemnité de dépossession de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 555 du code civil pour fixer le montant de l'indemnité due au preneur évincé au titre de la perte des constructions. 17. Dès lors, la cour d'appel n'avait pas à répondre au moyen inopérant des consorts [M] invoquant l'application de l'article 555 du code civil, pour la prise en compte, dans l'indemnité leur étant due au titre de la perte des constructions par eux édifiées, du coût des matériaux et de la main d'oeuvre, à défaut d'option par la Ville de [Localité 7] entre les méthodes d'évaluation définies par ce texte. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Ville de [Localité 7] et la condamne à payer à MM. [N] et [Y] [M] et Mmes [U] et [S] [M] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Bénéficiaires - Preneur - Constructions faites par le preneur sur le terrain donné à bail - Accession en fin de bail - Clause de nivellement - Absence d'influence
BAIL (règles générales) - Preneur - Travaux, modifications ou transformations - Accession en fin de bail - Expropriation en cours de bail - Indemnité due au preneur - Clause de nivellement - Absence d'influence PROPRIETE - Accession - Effets - Expropriation en cours de bail - Indemnité due au preneur - Clause de nivellement applicable en fin de bail - Absence d'influence
Le preneur, qui bénéficie des règles applicables en matière d'expropriation, a droit à l'indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d'une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu'à la date de l'éviction anticipée définitive du preneur en raison de travaux d'aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, celui-ci était propriétaire de ces constructions