id
stringlengths 20
20
| ancien_id
stringlengths 0
26
| origine
stringclasses 1
value | url
stringlengths 65
65
| nature
stringclasses 5
values | titre
stringlengths 58
256
| date_decision
stringlengths 19
19
| juridiction
stringclasses 2
values | numero
stringlengths 0
8
| solution
stringclasses 761
values | numero_affaire
stringlengths 0
26
| publie_bulletin
stringclasses 1
value | formation
stringclasses 18
values | date_decision_attaquee
stringlengths 0
19
| juridiction_attaquee
stringlengths 0
223
| siege_appel
stringclasses 1
value | juridiction_premiere_instance
stringclasses 1
value | lieu_premiere_instance
stringclasses 1
value | demandeur
stringclasses 1
value | defendeur
stringclasses 1
value | president
stringlengths 0
157
| avocat_general
stringlengths 0
218
| avocats
stringlengths 0
428
| rapporteur
stringlengths 0
250
| ecli
stringlengths 0
26
| contenu
stringlengths 0
1.15M
| sommaire_principal
stringlengths 0
1.2k
| sommaire_reference
stringlengths 0
2.57k
| sommaire_analyse
stringlengths 0
4.99k
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
JURITEXT000048465599 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/55/JURITEXT000048465599.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-17.027, Publié au bulletin | 2023-11-23 00:00:00 | Cour de cassation | 32300758 | Rejet | 22-17027 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-03-08 | Cour d'appel de Rennes | Mme Teiller | SARL Corlay | ECLI:FR:CCASS:2023:C300758 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 758 FS-B Pourvoi n° N 22-17.027 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Alf productions, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-17.027 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Spie Batignolles Grand-Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Alf productions, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 mars 2022), la société Chartres développements immobiliers, agissant comme maître de l'ouvrage, a confié à la société Spie Batignolles Grand-Ouest (la société Spie Batignolles) des travaux de construction. 2. La société Spie Batignolles a sous-traité une partie de son marché à la société Atelier métallerie du golfe (la société AMG), qui a elle-même sous-traité la fourniture de menuiseries à la société Alf productions (la société Alf). 3. La société AMG, sous-traitante de premier rang, a délégué la société Spie Batignolles, entreprise principale, dans le paiement de la société Alf, sous-traitante de second rang. 4. Après la mise en liquidation judiciaire de la société AMG, la société Alf a mis en demeure la société Spie Batignolles de lui payer le solde de sa créance puis l'a assignée en paiement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 6. La société Alf fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société Spie Batignolles et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors : « 2°/ que le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire ; qu'en l'espèce dès lors que l'acte de délégation de paiement pour la commande n° 0116 03320 stipulant un ordre irrévocable donné par la société AMG (entrepreneur délégant) à la société Spie Batignolles Grand-Ouest (maître d'ouvrage, débiteur délégué) de payer la société Alf productions (fournisseur sous-traitant, délégataire), la société Spie Batignolles Grand-Ouest (délégué) ne pouvait opposer à la société Alf productions (délégataire), aucune exception tirée de ses rapports avec la société AMG (entrepreneur délégant) ; qu'elle ne pouvait donc faire valoir que son obligation ne naissait qu'après acceptation de la facture par AMG ; qu'en statuant en sens contraire au motif que "Les factures dont le paiement est demandé par la société Alf n'ont pas (été) acceptées par la société AMG, en contradiction avec les dispositions de l'article 5 (sic en réalité article 4) de la délégation de paiement, qui prévoyait que le "maître de l'ouvrage" s'engageait à payer le fournisseur suivant "factures acceptées par l'entrepreneur". Le paiement en a été demandé directement par la société Alf à la société Spie Batignolles après le placement en liquidation judiciaire de la société AMG (...) Elle (la délégation de créances) ne peut dès lors être considérée comme une preuve de l'engagement de la société Spie Batignolles Grand-Ouest de payer à la société Alf des factures de menuiseries lui ayant été adressées directement par cette dernière. ", la cour d'appel a violé ensemble les articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, 1134 et 1275 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, désormais respectivement articles 1103 et 1336, du code civil ; 3°/ que le maître d'ouvrage est celui envers lequel l'entrepreneur s'engage à fournir un ouvrage dans le cadre d'un contrat d'entreprise ; que la société Spie Batignolles Grand-Ouest qui avait entendu, par un courrier du 10 janvier 2017, formuler des réserves sur les menuiseries livrées par la société Alf productions, conformément à la commande n° 0116 02320, visée à la délégation de paiement, et pour laquelle la société Spie Batignolles Grand-Ouest s'était engagée irrévocablement en qualité de maître d'ouvrage à payer directement le fournisseur, avait la qualité de maître d'ouvrage à l'opération de construction exécutée à son profit ; qu'en statuant en sens contraire en disant que la délégation de créances "vise l'article 14 de la loi de 1975, alors que la société Spie Batignolles n'est pas maître de l'ouvrage, - elle présente la société Spie Batignolles comme maître de l'ouvrage, ce qu'elle n'est pas (...)", la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, désormais article 1103 du code civil, ensemble l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. » Réponse de la Cour 7. Pour l'application des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage est celui qui conclut le contrat d'entreprise ou le marché public avec l'entrepreneur principal, y compris à l'égard des sous-traitants de cet entrepreneur, quel que soit leur rang. 8. Dès lors, la convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi précitée, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. 9. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est en conséquence soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire. 10. La cour d'appel ayant relevé que le maître de l'ouvrage de l'opération de construction était la société Chartres développements immobiliers, qui avait confié l'exécution des travaux à la société Spie Batignolles, elle en a exactement déduit que celle-ci n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage, peu important la dénomination retenue dans l'acte de délégation. 11. Les dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 n'étant pas applicables à la délégation litigieuse, elle a recherché si les conditions prévues par cette convention pour le paiement du délégataire étaient réunies et c'est par une interprétation souveraine de ses stipulations ambiguës que la cour d'appel a retenu que le délégué ne s'était pas engagé à payer les factures qui lui seraient adressées directement par le délégataire. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Alf productions aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Alf productions ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Sous-traitant du sous-traitant - Rapports avec l'entrepreneur principal - Paiement - Garanties obligatoires - Fourniture de caution ou délégation de paiement - Délégation de paiement - Caractérisation - Détermination - Portée | DELEGATION DE CREANCE - Délégué - Exceptions nées des rapports entre le délégant et le délégataire - Opposabilité - Interdiction - Dérogation - Possibilité | La convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire |
||||||||
JURITEXT000048508145 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/81/JURITEXT000048508145.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-17.524, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 12300620 | Rejet | 21-17524 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-03-24 | Cour d'appel de Paris | Mme Champalaune | SCP Gury et Maitre, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés | ECLI:FR:CCASS:2023:C100620 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 620 F-B Pourvoi n° H 21-17.524 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 1°/ [W] [D], ayant été domicilié [Adresse 1], décédé le 05 août 2021, 2°/ Mme [E] [N], veuve [D], agissant en qualité d'ayant droit de [W] [D], son époux décédé, 3°/ M. [F] [D], agissant en qualité d'ayant droit de [W] [D], son père décédé, tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° H 21-17.524 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant à Mme [U] [Y], veuve [D], domiciliée [Adresse 2], venant aux droits de [S] [D], décédé le 28 mars 2020, défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Gury et Maitre, avocat de Mme [N], veuve [D] et de M. [F] [D], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [Y], veuve [D], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à Mme [E] [N] et à M. [F] [D] (les consorts [M]) de leur reprise d'instance en qualité d'ayants droit de [W] [D]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2021), [P] [D] est décédée le 7 octobre 2015, en laissant pour lui succéder ses deux frères, [W] et [S]. 3. [S] [D] s'est prévalu d'un testament olographe le désignant comme légataire universel, rédigé au verso d'un relevé de compte bancaire arrêté au 31 mars 2014 et signé par [P] [D], mais non daté. 4. [W] [D] a assigné son frère en nullité de ce testament. 5. [S] [D] étant décédé en cours d'instance, sa veuve, Mme [Y], est intervenue volontairement à la procédure. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 6. Les consorts [M] font grief à l'arrêt de rejeter la demande en nullité du testament, alors : « 1°/ que lorsque le testament ne comporte, de la main même du testateur, aucun élément indicatif de la date de sa rédaction, la date imprimée sur le papier portant testament n'est pas un élément intrinsèque contenant le principe et la racine de la date du testament permettant de recourir à des éléments extrinsèques pour reconstituer celle-ci ; qu'en déclarant valable le testament litigieux, dépourvu de date manuscrite, au vu de la date imprimée d'un relevé bancaire donnant la valorisation d'une épargne à la date du 31 mars 2014, la cour d'appel a violé l'article 970 du code civil ; 2°/ en tout état de cause que l'élément intrinsèque contenu dans le testament, en cas d'absence de date, doit être complété par des éléments extrinsèques ; qu'à défaut d'avoir relevé des éléments extrinsèques venant compléter l'élément intrinsèque constitué du verso de l'original d'un relevé bancaire donnant la valorisation d'une épargne au 31 mars 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 970 du code civil. » Réponse de la Cour 7. En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. 8. Une date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament olographe peut constituer un élément intrinsèque à celui-ci. 9. Ayant relevé, d'une part, que [P] [D] avait établi son testament au verso de l'original d'un relevé de banque donnant la valorisation d'une épargne au 31 mars 2014 et y avait indiqué l'adresse de son domicile, laquelle correspondait à celle figurant sur le relevé, et, d'autre part, que l'intéressée avait été hospitalisée à compter du 27 mai 2014 jusqu'à son décès, la cour d'appel a estimé, en présence de deux éléments intrinsèques, corroborés par un élément extrinsèque, que le testament avait été écrit entre ces deux dates. 10. Ayant également retenu qu'il n'était pas démontré que [P] [D] était atteinte d'une incapacité de tester à cette période, pendant laquelle elle n'avait pas pris d'autres dispositions testamentaires, la cour d'appel, qui en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité du testament en raison de son absence de date, a, ainsi, légalement justifié sa décision. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne les consorts [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les consorts [M] et les condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | TESTAMENT - Testament olographe - Validité - Conditions - Date - Preuve - Eléments pris en considération - Eléments intrinsèques corroborés par des éléments extrinsèques - Cas - Date pré-imprimée | En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. Une date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament olographe peut constituer un élément intrinsèque à celui-ci |
|||||||||
JURITEXT000048508210 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/50/82/JURITEXT000048508210.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 22-11.535, Publié au bulletin | 2023-11-23 00:00:00 | Cour de cassation | 22301150 | Cassation partielle | 22-11535 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-02-18 | Cour d'appel de Montpellier | Mme Martinel | SCP Gury et Maitre | ECLI:FR:CCASS:2023:C201150 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1150 F-B Pourvoi n° T 22-11.535 Aide juridictionnelle totale en demande pour M. [V]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 2 décembre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 M. [D] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-11.535 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [P] [K], 2°/ à Mme [J] [B], épouse [K], tous deux domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Gury et Maitre, avocat de M. [V], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 février 2021), une commission de surendettement a imposé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de M. et Mme [V] le 27 août 2019, sa décision ne faisant l'objet d'aucune opposition. 2. Un juge de l'exécution a validé partiellement une saisie-attribution du 9 janvier 2020 pratiquée par M. et Mme [K] à l'encontre de M. [V] pour une certain montant, à la suite de la résiliation constatée judiciairement du bail conclu entre les parties. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [V] fait grief à l'arrêt de valider partiellement la saisie-attribution opérée par M. et Mme [K] à son encontre à hauteur de la somme de 3 655,30 euros majorée des intérêts au taux légal alors « que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de la décision de rétablissement ; qu'en décidant que cet effacement ne concernerait que le passif existant au jour de l'admission du dossier du débiteur à la procédure de surendettement, et en retenant donc à tort la date du 7 juin 2019 au lieu de celle du 27 août 2019, la cour a violé l'article L 741-2 du code de la consommation dans sa version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 741-2 du code de la consommation dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, applicable en la cause : 4. Selon ce texte, en l'absence de contestation dans les conditions prévues à l'article L. 741-4, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de la décision de la commission, à l'exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a pris de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. 5. Pour valider la saisie-attribution litigieuse à hauteur de la somme de 3 655,30 euros en principal, l'arrêt retient que l'effacement des dettes résultant du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission de surendettement ne concerne que le passif existant au jour de l'admission du débiteur à la procédure de surendettement soit, en l'espèce, le 7 juin 2019. 6. En statuant ainsi, alors que l'effacement des dettes concernait le passif existant au jour de la décision de la commission de surendettement qui n'avait pas fait l'objet d'une contestation, soit le 27 août 2019, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a validé la saisie-attribution opérée le 9 janvier 2020 par M. et Mme [K] à l'encontre de M. [V], partiellement à hauteur de 3 655, 30 euros majorée des intérêts au taux légal calculés successivement après imputation de chacune des sommes venues au crédit ou au débit du saisi postérieurement au 7 juin 2019, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne M et Mme [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme [K] à payer à la SCP Gury et Maitre la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois. | PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement | Selon l'article L. 741-2 du code de la consommation dans sa version modifiée issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en l'absence de contestation dans les conditions prévues à l'article L. 741-4 du même code, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur arrêtées à la date de la décision de la commission, à l'exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. Il entraine aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a pris de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. Méconnaît ce texte l'arrêt qui, pour valider une saisie-attribution, retient que l'effacement des dettes résultant du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission de surendettement ne concerne que le passif existant au jour de l'admission du débiteur à la procédure de surendettement, alors que cet effacement concernait le passif existant au jour de la date de la décision de la commission imposant le rétablissement personnel, qui n'avait pas fait l'objet d'une contestation |
|||||||||
JURITEXT000048550306 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550306.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 novembre 2023, 22-18.630, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 12300631 | Cassation | 22-18630 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-04-06 | Cour d'appel de Saint Denis de la Réunion | Mme Champalaune | SAS Buk Lament-Robillot, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon | ECLI:FR:CCASS:2023:C100631 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 SA9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 631 FS-B Pourvoi n° E 22-18.630 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Médiafi, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-18.630 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Société de diffusion et conditionnement (SODICO), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Médiafi, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la Société de diffusion et conditionnement, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 6 avril 2022), par acte sous seing privé du 16 décembre 2010, la société SODICO s'est portée acquéreur des parts sociales appartenant à la société Médiafi, composant le capital social de la société JIPE Réunion. Une convention de garantie d'actif et de passif, comportant une clause compromissoire, a été consentie le même jour par la société Médiafi au profit de la société SODICO. 2. Saisi à cette fin par la société SODICO, le tribunal mixte de commerce a désigné le 3 février 2021 le [3] ([3]) en qualité d'arbitre. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Médiafi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel contre le jugement du 3 février 2021, alors « qu'en application de l'article 1455 du code de procédure civile, dans sa rédaction entrée en vigueur le 1er mai 2011, applicable sans distinction selon la date de conclusion de la convention d'arbitrage, la compétence du juge d'appui en cas de difficultés dans la désignation du tribunal arbitral est éteinte s'il constate que la clause compromissoire est manifestement inapplicable, de sorte qu'excède ses pouvoirs le juge qui, pour désigner un arbitre, refuse de vérifier si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable ; qu'en retenant, pour considérer que le premier juge, qui avait refusé de se prononcer sur l'applicabilité manifeste de la clause compromissoire en application de l'article 1455 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 13 janvier 2011, n'avait pas commis d'excès de pouvoir, que le litige devait être tranché au regard des seules dispositions de l'article 1444 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret du 13 janvier 2011 dans la mesure où la convention avait été conclue avant son entrée en vigueur et que ce texte ne permettait d'écarter la clause compromissoire qu'en cas de nullité manifeste, circonstance qui n'était pas ici caractérisée, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 3 du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 et 1455 du code de procédure civile et a ainsi consacré l'excès de pouvoir commis par le juge d'appui. » Réponse de la Cour 4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 1er, du même code. 5. Il résulte des articles 1455 et 1460 du code de procédure civile que le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours, sauf lorsqu'il déclare n'y avoir lieu à désignation la convention d'arbitrage étant manifestement nulle ou manifestement inapplicable et que la cour d'appel, saisie d'un appel en application de l'article 1460 du code de procédure civile, statue dans la limite des pouvoirs dont le juge d'appui est investi, sa décision n'étant susceptible de recours en cassation, sauf excès de pouvoir, que lorsqu'elle déclare n'y avoir lieu à désignation d'arbitre pour une des causes prévues à l'article 1455. 6. Le moyen de cassation qui reproche à la cour d'appel de n'avoir pas vérifié si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable n'est pas de nature à caractériser un excès de pouvoir et n'est donc pas recevable. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 7. La société Médiafi fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'excède ses pouvoirs le juge d'appui saisi d'une demande de désignation d'un arbitre qui désigne une personne morale, laquelle ne peut exercer les fonctions d'arbitre, réservées aux seules personnes physiques ; que dès lors en considérant qu'en désignant le [3] en qualité d'arbitre, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, qui n'avait pas empiété sur les pouvoirs d'une autre juridiction, n'avait pas commis d'excès de pouvoirs, la cour d'appel, qui a consacré l'excès de pouvoir résultant de la désignation d'une personne morale ne pouvant avoir la qualité d'arbitre, a violé l'article 1450 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011. » Réponse de la Cour Vu les articles 1450, 1452 et 1460, alinéa 3, du code de procédure civile : 8. Aux termes du premier texte, la mission d'arbitre ne peut être exercée que par une personne physique jouissant du plein exercice de ses droits. Si la convention d'arbitrage désigne une personne morale, celle-ci ne dispose que du pouvoir d'organiser l'arbitrage. 9. Le deuxième dispose : « En l'absence d'accord des parties sur les modalités de désignation du ou des arbitres : 1° En cas d'arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne s'accordent pas sur le choix de l'arbitre, celui-ci est désigné par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, par le juge d'appui ; 2° En cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie en choisit un et les deux arbitres ainsi choisis désignent le troisième ; si une partie ne choisit pas d'arbitre dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande qui lui en est faite par l'autre partie ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième dans un délai d'un mois à compter de l'acceptation de leur désignation, la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui procède à cette désignation. » 10. Aux termes du troisième, le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours. Toutefois, ce jugement peut être frappé d'appel lorsque le juge déclare n'y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l'article 1455. 11. En arbitrage interne, il résulte de ces textes qu'il appartient au juge d'appui saisi de difficultés de constitution du tribunal arbitral, de désigner une personne physique en qualité d'arbitre sans qu'il lui soit permis de déléguer ce pouvoir à une personne morale. 12. Pour déclarer irrecevable l'appel de la société Médiafi contre le jugement du 3 février 2021, l'arrêt retient que le juge d'appui qui s'est borné à désigner un centre d'arbitrage sans juger le fond du litige n'a commis aucun excès de pouvoir faute d'avoir empiété sur ceux d'une autre juridiction ou d'une autre personne. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ; Condamne la société SODICO aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois | ARBITRAGE - Convention d'arbitrage - Clause compromissoire - Désignation des arbitres - Désignation par le juge d'appui - Excès de pouvoir - Exclusion - Cas | ARBITRAGE - Convention d'arbitrage - Clause compromissoire - Désignation des arbitres - Désignation par le juge d'appui - Jugement - Voies de recours - Détermination - Portée POUVOIRS DES JUGES - Excès de pouvoir - Définition - Exclusion - Juge d'appui - Désignation d'un arbitre - Cas | Il résulte des articles 1455 et 1460 du code de procédure civile que le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours, sauf lorsqu'il déclare n'y avoir lieu à désignation, la convention d'arbitrage étant manifestement nulle ou manifestement inapplicable et que la cour d'appel, saisie d'un appel en application de l'article 1460 du code de procédure civile, statue dans la limite des pouvoirs dont le juge d'appui est investi, sa décision n'étant susceptible de recours en cassation, sauf excès de pouvoir, que lorsqu'elle déclare n'y avoir lieu à désignation d'arbitre pour une des causes prévues à l'article 1455 |
||||||||
JURITEXT000048550368 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550368.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-23.036, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301213 | Cassation partielle | 21-23036 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-06-21 | Cour d'appel de Saint Denis de la Réunion | Mme Martinel | SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C201213 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1213 F-B Pourvoi n° Y 21-23.036 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-23.036 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société de [4] [5], à l'enseigne Clinique [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 21 juin 2021), la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (la caisse) a notifié à la Clinique [5] (la clinique), à la suite d'un contrôle de tarification, un indu portant notamment sur des forfaits Groupe homogène de séjour (GHS) pour des hospitalisations de jour réalisées en 2014 et facturées pour l'administration de kétamine en dehors des indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché. 2. La clinique a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire partiellement droit au recours de la clinique, alors : « 1°/ que ne peut être facturé à l'assurance maladie un forfait GHS lorsque le séjour en hospitalisation de jour est motivé par la seule administration d'un médicament qui, pour être non conforme aux indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché (AMM), ne peut donner lieu à prise en charge par l'assurance maladie ; qu'en retenant que, pour certains séjours, les conditions de prise en charge du forfait GHS pour une hospitalisation de jour étaient réunies, quand ils constataient pourtant que ces séjours étaient motivés par l'administration "hors AMM" de kétamine, les juges du fond ont violé les articles 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale ; 2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif inopérant que, sous certaines conditions, l'administration de kétamine "hors AMM" est autorisée par le code de la santé publique, les juges du fond ont encore violé les articles 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale : 4. Selon le premier de ces textes, hormis le cas des médicaments faisant l'objet des autorisations mentionnées à l'article L. 5121-12, l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation par les collectivités publiques des médicaments définis aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1, L. 5121-13 et L. 5121-14-1 ou bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle en application de l'article L. 5124-13 sont limités, dans les conditions propres à ces médicaments fixées par le décret mentionné à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, aux produits agréés dont la liste est établie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Cette liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge des médicaments. 5. Selon le deuxième, une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, sous réserve que l'indication ou les conditions d'utilisation considérées aient fait l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'[3], cette recommandation ne pouvant excéder trois ans, ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique du patient. 6. Il résulte du dernier qu'un GHS ne peut être facturé lorsque le patient est pris en charge moins d'une journée, à l'exception des cas où il est pris en charge dans un service d'urgence, que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent une admission dans une structure d'hospitalisation individualisée disposant de moyens adaptés, un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin, et l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifiée par l'état de santé du patient. 7. Pour dire que certains séjours remplissent les conditions de prise en charge du forfait GHS pour des hospitalisations de jour avec administration « hors AMM » de kétamine, la cour d'appel relève que les actes réalisés nécessitaient l'admission dans une structure hospitalière, la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale sous la coordination d'un médecin et l'utilisation d'une place pour la durée nécessaire du traitement. Elle ajoute que, s'agissant des patients ayant bénéficié préalablement d'antalgiques palier 3, une prescription de kétamine « hors AMM » était autorisée, faute d'alternative médicamenteuse appropriée. 8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'[3], la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la Clinique [5] de l'intégralité de ses moyens de nullité, l'arrêt rendu le 21 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée. Condamne la société de [4] [5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société de [4] [5] à payer à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE - Prestations | Viole les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel qui décide que remplissent les conditions de prise en charge du forfait Groupe homogène de séjour (GHS) les hospitalisations de jour pour des administrations de kétamine, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique, hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé |
|||||||||
JURITEXT000048550372 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550372.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-20.287, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301226 | Rejet | 21-20287 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-05-31 | Tribunal judiciaire de Quimper | Mme Martinel | SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:C201226 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1226 F-B Pourvoi n° K 21-20.287 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 M. [V] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-20.287 contre le jugement rendu le 31 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Quimper, dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Quimper, 31 mai 2021), rendu en dernier ressort, par lettre du 10 novembre 2015, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne (la caisse) a notifié à M. [D] (l'assuré) une pension de retraite au titre de l'inaptitude au travail, à compter du 1er novembre 2015, d'un montant de 268,63 euros, comprenant la retraite personnelle, le minimum contributif et la majoration pour enfants. 2. Ayant été informée, dans le cadre de l'échange inter-régimes de retraite, de la perception par l'assuré d'une pension de retraite personnelle des services des retraites de l'État et d'une pension de retraite complémentaire, la caisse a lui notifié une diminution du minimum contributif et un indu pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2019. 3. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. L'assuré fait grief au jugement de le débouter de ses demandes et de le condamner à payer à la caisse une certaine somme au titre de l'indu, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 351-10 et L. 173-2 du code de la sécurité sociale, que le montant total des pensions de retraite personnelle à retenir pour apprécier un éventuel dépassement du plafond d'attribution du minimum contributif est le montant des pensions, porté, le cas échéant, à leur minimum, hors majorations pour enfants ; que, pour valider le calcul du montant du dépassement de minimum contributif effectué par la caisse en retenant le montant total des pensions de retraite personnelle de l'assuré, majorations pour enfants incluses, le tribunal judiciaire a énoncé que la caisse avait opéré un abattement de 10 % au dépassement calculé de sorte que la majoration n'entrait finalement pas dans le calcul des pensions à retenir ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la caisse de déterminer le montant éventuel du dépassement de minimum contributif sans prendre en compte les majorations pour enfants dans le montant total des pensions de retraite personnelle et non pas d'appliquer un abattement de 10 % sur le dépassement calculé en retenant ces majorations pour enfants, calculs qui n'étaient pas équivalents, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 351-10, L. 351-12, L. 173-2 et D. 173-21-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, l'assuré, dont la pension de vieillesse à taux plein est inférieure à un seuil fixé par décret, peut prétendre au bénéfice d'une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum tenant compte de la durée d'assurance accomplie par l'assuré dans le régime général, le cas échéant rapportée à la durée d'assurance accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires. Ce montant minimum est majoré au titre des périodes ayant donné lieu à cotisations lorsque la durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré, accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, est au moins égale à une limite fixée à 120 trimestres par l'article D. 351-2-2. La majoration pour enfants s'ajoutent à ce montant minimum, éventuellement majoré. 7. Selon l'article L. 173-2 du même code, dans ses rédactions issues de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, successivement applicables au litige, dans le cas où l'assuré a relevé du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou du régime social des indépendants, le minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées le cas échéant au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par l'article D. 173-21-0-1-2 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur. 8. Pour l'application de l'article L. 173-2 précité, l'article R. 173-7 du même code prévoit que les pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées, le cas échéant, au minimum de pension, sont appréciées selon les modalités et dans les conditions fixées par les articles R. 815-18 à R. 815-20 et R. 815-22. Il n'est, toutefois, pas tenu compte des majorations de pensions lorsqu'elles sont attribuées au titre des périodes d'assurance validées, par des cotisations à la charge de l'assuré, après l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 et au-delà de la durée d'assurance maximale mentionnée au deuxième alinéa de ce même article. 9. Selon l'article R. 815-22 du même code, sauf exclusions prévues au second alinéa, il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources, de tous les avantages de vieillesse. 10. Il résulte de la combinaison de ces textes que pour déterminer si le montant total des pensions de retraite personnelle de base et complémentaires dépasse le plafond prévu à l'article L. 173-2, il y a lieu de prendre en considération la majoration pour enfants. 11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, le jugement attaqué, qui a validé les calculs opérés pas la caisse révisant le montant du minimum contributif, se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Pension | Selon l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale, l'assuré, dont la pension de vieillesse à taux plein est inférieure à un seuil fixé par décret, peut prétendre au bénéfice d'une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum tenant compte de la durée d'assurance accomplie par l'assuré dans le régime général, le cas échéant rapportée à la durée d'assurance accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires. Selon l'article L. 173-2 du même code, dans ses rédactions issues de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, dans le cas où l'assuré a relevé du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou du régime social des indépendants, le minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées, le cas échéant, au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par décret. Pour déterminer si le montant total des pensions de retraite personnelle de base et complémentaires dépasse le plafond d'attribution du minimum, il y a lieu de prendre en considération la majoration pour enfants |
|||||||||
JURITEXT000048550374 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550374.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-25.841, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301227 | Cassation sans renvoi | 21-25841 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-10-28 | Cour d'appel de Caen | Mme Martinel | SCP Foussard et Froger, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:C201227 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation sans renvoi Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1227 F-B Pourvoi n° X 21-25.841 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-25.841 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à Mme [R] [U], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [U], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 28 octobre 2021), Mme [U] (la victime) a déclaré deux accidents, survenus les 11 août 2005 et 13 avril 2010, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse), qui a fixé un taux d'incapacité permanente de 9 % pour le premier et de 8 % pour le second. 2. Le 10 avril 2014, la victime a opté pour le versement d'une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente cumulé de 17 %. 3. À la suite des décisions d'une juridiction du contentieux technique ayant porté à 21 % le taux d'incapacité permanente afférent au second accident du travail, la caisse a notifié à la victime la fin de la rente optionnelle, avec recouvrement du bénéfice de l'entière indemnité en capital octroyée au titre du premier accident, et par suite un indu au titre de la rente optionnelle servie sur la base d'un taux d'incapacité permanente cumulé de 17 %. Elle l'a, par ailleurs, informée du versement d'une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 21 % au titre du second accident. 4. La victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que le taux professionnel d'incapacité permanente partielle de 9 % alloué à la victime au titre du premier accident du travail doit être cumulé au taux de 21 % alloué au titre du second, alors « que, en cas d'accidents du travail successifs, l'incapacité permanente est évaluée et indemnisée accident par accident ; que s'il est dérogé à ce principe par l'article L. 434-2, alinéa 4, du code de la sécurité sociale qui permet à la victime d'accidents du travail successifs d'opter pour le service d'une rente sur la base d'un taux correspondant à la somme des incapacités permanentes que lui ont occasionnées les accidents, lorsque cette somme égale ou excède 10 %, c'est à la condition que chacune des incapacités permanentes soient inférieures à 10 % ; qu'en outre, si l'option souscrite par la victime revêt un caractère définitif, c'est à la condition que la fixation de l'incapacité permanente afférente à chacun des accidents successifs soit elle-même définitive ; que par suite, lorsque, sur recours de la victime, l'incapacité permanente en lien avec un accident, évaluée initialement par la caisse à moins de 10 %, est fixée par le juge à plus de 10 %, l'option souscrite antérieurement par la victime est remise en cause ; qu'en décidant que les taux médicaux d'incapacité permanente partielle de 9 % et 12 % reconnus au titre de ses accidents du travail survenus les 11 août 2005 et 13 avril 2010 devaient être cumulés, quand l'option souscrite par la victime était remise en cause dès lors que l'incapacité permanente afférente à l'accident du 13 avril 2010, initialement évaluée à 8 %, était portée à 12 % par jugement du 9 mars 2015, de sorte que chaque incapacité permanente devait être indemnisée séparément, l'incapacité permanente en lien avec l'accident du 11 août 2005 donnant lieu à l'octroi d'un capital et celle en lien avec l'accident du 13 avril 2010 au service d'une rente, les juges du fond ont violé les articles L. 434-1, L. 434-2, R. 434-1 et R. 434-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 434-2, R. 434-2 et R. 434-4 du code de la sécurité sociale : 6. En application du premier de ces textes en son 2e alinéa et du deuxième, la rente est égale au produit du salaire annuel de la victime par le taux d'incapacité diminué de moitié pour la partie de ce taux comprise entre 10 et 50 %, et augmenté de moitié pour la partie de ce taux supérieure à 50 %. 7. Selon le premier de ces textes en son 4e alinéa, en cas d'accidents successifs, le taux ou la somme des taux d'incapacité permanente antérieurement reconnue constitue le point de départ de la réduction ou de l'augmentation pour le calcul de la rente afférente au dernier accident. 8. Par ailleurs, il résulte de la combinaison du premier de ces textes en son 4e alinéa et du dernier que lorsque, par suite d'accidents successifs, la somme des taux d'incapacité permanente est égale ou supérieure à 10 %, l'indemnisation se fait, sur demande de la victime, soit par l'attribution d'une rente qui tient compte de la ou des indemnités en capital précédemment versées, soit par l'attribution d'une indemnité en capital. L'option souscrite par la victime revêt un caractère définitif, à la condition que la fixation du taux d'incapacité permanente afférente à chacun des accidents successifs soit elle-même définitive. 9. Il s'ensuit que le cumul des taux d'incapacité permanente fixés au titre d'accidents du travail successifs n'est possible que dans le cadre de l'exercice du droit d'option entre le versement d'une indemnité en capital et d'une rente. 10. L'arrêt retient en substance qu'aucun texte n'exclut le cumul des taux d'incapacité permanente en cas d'accidents successifs pour le calcul de la rente, de sorte que la caisse ne pouvait refuser d'additionner les taux d'incapacité permanente du premier accident et du second accident pour actualiser le calcul de la rente attribuée à la victime. Il ajoute que le taux d'incapacité permanente de 9 % afférent au premier accident du travail n' a pas été indemnisé par un capital, de sorte que le cumul des taux n'aura pas pour effet d'indemniser deux fois la victime. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6, 7 et 9 qu'il convient de débouter la victime de sa demande de cumul, pour le calcul de la rente versée au titre du second accident du travail, du taux d'incapacité permanente de 9 % attribué au titre du premier accident du travail et du taux d'incapacité permanente de 21 % attribué au titre du second accident du travail. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉBOUTE Mme [U] de ses demandes. Condamne Mme [U] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Caen ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Invalidité - Taux | Il résulte des articles L. 434-2, alinéas 2 et 4, R. 434-2, et R. 434-4 du code de la sécurité sociale que le cumul des taux d'incapacité permanente fixés au titre d'accidents du travail successifs n'est possible que dans le cadre de l'exercice par la victime du droit d'option entre le versement d'une indemnité en capital et d'une rente |
|||||||||
JURITEXT000048550376 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550376.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-24.899, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301228 | Rejet | 21-24899 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-09-30 | Cour d'appel de Poitiers | Mme Martinel | SCP Duhamel, SAS Buk Lament-Robillot | ECLI:FR:CCASS:2023:C201228 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1228 F-B Pourvoi n° Y 21-24.899 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La caisse de mutualité sociale agricole du Limousin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-24.899 contre l'arrêt n° RG : 19/01169 rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [P] [H], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [H], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 septembre 2021), à la suite d'un contrôle de la facturation de l'activité de Mme [H], infirmière exerçant à titre libéral (la professionnelle de santé), portant sur l'année 2016, la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin (la caisse) lui a notifié, le 3 février 2018, un indu correspondant à des majorations de coordination infirmier. 2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la notification d'indu et de rejeter sa demande en remboursement de l'indu, alors : « 1°/ que l'infirmier établit obligatoirement, pour chaque patient, un dossier de soins infirmiers contenant les éléments pertinents et actualisés relatifs à la prise en charge et au suivi ; qu'en l'espèce, la professionnelle de santé n'a constitué aucun dossier de soins infirmiers pour cinq patientes pour lesquelles elle a facturé des majorations de coordination infirmier, applicables uniquement à une prise en charge en soins palliatifs, et a versé aux débats, pour tenter de justifier que l'état de ces patientes nécessitait une prise en charge de ce type et que les conditions fixées par la nomenclature générale des actes professionnels étaient remplies, des attestations établies a posteriori par leurs médecins traitants respectifs ; qu'en retenant, pour accueillir ces attestations en tant qu'éléments de preuve et juger que la facturation de majorations de coordination infirmier était justifiée, que la nécessité de soins palliatifs était établie pour ces cinq patientes dans la mesure où "cette preuve se fait par tous moyens dans la mesure où le décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers diplômés d'État n'oblige pas le professionnel à établir, en cas de soins à domicile, un dossier de soins infirmiers et notamment une fiche de suivi à produire en cas de contrôle", tandis que l'établissement de ce dossier n'était pas une faculté mais une obligation, dont le non-respect ne pouvait être suppléé par la preuve contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 4312-35 du code de la santé publique ; 2°/ que la caisse soutenait que "la notion de prise en charge en soins palliatifs vise les patients en fin de vie et en phase terminale et non pas ceux atteints de pathologies dégénératives" et se fondait sur cette définition, ainsi que sur celles proposées par la loi n° 99-477 du 9 juin 1999, par l'OMS et par l'INPES, pour faire valoir que la facturation, par la professionnelle de santé, de majorations de coordination infirmier pour cinq patientes n'était pas justifiée au regard des conditions fixées par la nomenclature générale des actes professionnels, qui réserve cette faculté aux soins palliatifs, d'autant que plusieurs patientes concernées étaient encore en vie au moment du dépôt des écritures d'appel, c'est-à-dire plusieurs années après les soins litigieux ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et en se bornant à estimer que "la prise en charge en soins palliatifs n'est pas équivalente à celle d'un patient atteint de pathologies dégénératives qui ne relèvent pas forcément d'un soin palliatif", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement, d'une part, son caractère indu, d'autre part. Dès lors que l'organisme social établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve produits et d'en apporter la preuve contraire. 5. Conformément à l'article 1358 du code civil, la preuve peut être rapportée par tout moyen. 6. Il résulte de l'article 23.2 de la nomenclature générale des actes professionnels, annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, que la prise en charge des soins inscrits au titre XVI à un patient en soins palliatifs, réalisés à domicile, donne lieu à la majoration de coordination infirmier (MCI) et que la prise en charge en soins palliatifs est définie comme la prise en charge d'un patient ayant une pathologie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, visant à soulager la douleur et l'ensemble des symptômes digestifs, respiratoires, neurologiques et autres, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. 7. L'arrêt énonce que la facturation de la MCI est sous la seule responsabilité de l'infirmier qui la facture dans la mesure où elle n'est pas prescrite par le médecin et que la preuve du bien-fondé de la prise en charge en soins palliatifs se fait par tous moyens. Il relève que la caisse se borne à soutenir que, sur les cinq patients pour lesquels l'infirmière a facturé les majorations litigieuses, plusieurs n'étaient pas en fin de vie. Il constate que la professionnelle de santé produit aux débats les attestations établies par les médecins traitants de chacun des patients pour lesquels elle a appliqué la facturation des MCI, dont la fiabilité et la sincérité ne sont pas remises en cause par les éléments produits par la caisse. 8. C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle que la cour d'appel a estimé, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation que ses constatations rendaient inopérante, que la professionnelle de santé, établissant qu'il s'agissait de soins palliatifs, rapportait la preuve du bien-fondé de la facturation de la MCI, l'absence de production aux débats du dossier de soins infirmiers étant sans incidence sur la solution du litige. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de mutualité sociale agricole du Limousin et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) | Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement, d'une part, et son caractère indu, d'autre part. Dès lors que l'organisme social établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve produits et d'en apporter la preuve contraire. Conformément à l'article 1358 du code civil, la preuve peut être rapportée par tout moyen. C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle qu'une cour d'appel estime qu'une infirmière établit, par la production d'attestations du médecin traitant, que les soins litigieux étaient des soins palliatifs et qu'elle rapporte donc la preuve du bien-fondé de la facturation de la majoration de coordination infirmier prévue par l'article 23.2 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, l'absence de production aux débats du dossier de soins infirmiers étant sans incidence sur la solution du litige |
|||||||||
JURITEXT000048550386 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550386.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 novembre 2023, 22-14.594, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 32300774 | Cassation | 22-14594 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-02-10 | Cour d'appel de Paris | Mme Teiller | SCP Bénabent, Me Brouchot | ECLI:FR:CCASS:2023:C300774 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 774 FS-B Pourvoi n° T 22-14.594 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La société Simple, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 22-14.594 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société 81, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Simple, de Me Brouchot, avocat de la société 81, et l'avis de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Mme Morel-Goujard, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 2022) et les productions, le 15 janvier 2019, la société civile immobilière 81 (la bailleresse) a renouvelé un bail commercial consenti à la société Simple (la locataire), et portant sur des locaux à usage de restauration, salon de thé et accessoirement vente à emporter. 2. En raison de la crise sanitaire liée au virus covid-19 et des mesures gouvernementales interdisant la réception du public dans les restaurants, la locataire a, le 29 avril 2020, avisé la bailleresse de la suspension du paiement du loyer du deuxième trimestre 2020. 3. Une ordonnance de référé du 20 janvier 2021 a constaté l'acquisition, au 19 novembre 2020, de la clause résolutoire insérée au bail et a condamné la locataire au paiement d'une certaine somme à titre de provision à valoir sur l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation, y compris le quatrième trimestre 2020. 4. En exécution de cette décision, la bailleresse a, le 23 février 2021, fait dresser un procès-verbal de reprise des locaux loués puis, le 12 mars 2021, a procédé à la saisie-attribution d'un compte bancaire ouvert au nom de la locataire. 5. Le 16 mars 2021, la locataire a assigné la bailleresse en annulation du procès-verbal de reprise des locaux loués et mainlevée de la saisie-attribution. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'en application de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des textes relatifs à la crise sanitaire, les personnes morales de droit privé exerçant une activité économique ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée ; que ces dispositions s'appliquent aux périodes de retard ou non-paiement des loyers et charges locatives antérieures au 17 octobre 2020, dès lors que l'activité de la personne morale était affectée par les mesures de police administrative précitées ; qu'en l'espèce, la société Simple faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que "l'autorisation de réouverture en salle à compter du 22 juin 2020 était subordonnée à la capacité, notamment pour les restaurateurs, de pouvoir respecter les mesures barrières imposées, et plus précisément la distanciation sociale (minimum de 2 mètres entre chaque table). Compte-tenu des caractéristiques et de la surface de son local d'exploitation, l'appelante ne pouvait en aucun cas satisfaire à ces obligations, ce qui la contraignit à rester purement et simplement fermée au-delà de cette date" ; qu'il résultait nécessairement de ces écritures que l'activité de la société Simple avait été affectée par les mesures de police administrative durant les 2ème et 3ème trimestres 2020, en raison de la configuration des locaux qui l'avait contrainte à garder le restaurant fermé postérieurement au 22 juin 2020, de sorte qu'elle devait bénéficier des dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 ; qu'en retenant au contraire que "si l'exploitation des bars, restaurants et débits de boissons s'est trouvée interrompue à dater de l'arrêté du 14 mars 2020, le décret du 31 mai 2020 a autorisé les établissements accueillant du public à reprendre leur activité sous certaines conditions qu'il appartenait à l'appelante de respecter", que "les loyers impayés qui ont motivé la résiliation du bail correspondaient à tous ceux de l'année 2020", de sorte qu'"une partie d'entre eux, à savoir ceux échus du mois d'août au mois d'octobre 2020, est devenue exigible alors même que l'activité de l'appelante n'était pas affectée par des mesures de police", la cour d'appel a violé l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020. » Réponse de la Cour Vu l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, l'article 1, I, 2°, de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020, l'article L. 3131-15, I, 5°, du code de la santé publique, l'article 40 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 et l'article 40 du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 : 7. Selon le premier de ces textes, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les personnes morales de droit privé satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus pour une période, même antérieure au 17 octobre 2020, au cours de laquelle leur activité économique est affectée par l'une des mesures de police précitée. 8. Selon les deuxième et troisième de ces textes, le Premier ministre peut, par décret, réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public. 9. Selon les deux derniers de ces textes, les établissements recevant du public de type N, restaurants et débits de boissons, ne peuvent accueillir du public qu'à la condition que les personnes accueillies aient une place assise, qu'une même table ne regroupe que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et qu'une distance minimale d'un mètre soit garantie entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique. 10. Pour rejeter les demandes de la locataire, l'arrêt retient que le décret du 31 mai 2020 a autorisé les établissements accueillant du public à reprendre leur activité sous certaines conditions qu'il appartenait à la locataire de respecter. 11. Il en déduit qu'une partie des loyers impayés, à savoir ceux échus du mois d'août au mois d'octobre 2020, est devenue exigible alors que l'activité de la locataire n'était pas affectée par des mesures de police, de sorte que la reprise des lieux loués et la saisie-attribution du 12 mars 2021 étaient régulières. 12. En statuant ainsi, alors que l'obligation d'accueillir les personnes à une place assise, de ne recevoir que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et de respecter une distance minimale d'un mètre entre les tables, sauf installation d'une paroi fixe ou amovible assurant une séparation physique, constituait une mesure de police réglementant les conditions d'accès et de présence du public, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société civile immobilière 81 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière 81 et la condamne à payer à la société Simple la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | BAIL COMMERCIAL - Bailleur - Garantie de paiement des loyers ou des charges locatives - Mesures conservatoires - Mise en oeuvre - Interdiction - Mesures de police administrative prises dans le cadre de la crise sanitaire - Domaine d'application - Conditions - Détermination - Portée | Selon l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les personnes morales de droit privé satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus pour une période, même antérieure au 17 octobre 2020, au cours de laquelle leur activité économique est affectée par l'une des mesures de police précitées. Comprenant les dispositions réglementant l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public, ces mesures de police incluent l'obligation, instituée par les articles 40 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 et 40 du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020, pour les établissements recevant du public de type N, restaurants et débits de boissons, de n'accueillir du public qu'à la condition que les personnes accueillies aient une place assise, qu'une même table ne regroupe que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et qu'une distance minimale d'un mètre soit garantie entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique. Dès lors, c'est à tort qu'une cour d'appel a retenu que les dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 n'étaient pas applicables à des impayés de loyers échus à une période pendant laquelle l'activité de restauration du locataire à bail commercial était affectée par les mesures susvisées |
|||||||||
JURITEXT000048550395 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550395.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 novembre 2023, 21-22.539, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 32300775 | Rejet | 21-22539 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-07-01 | Cour d'appel de Bourges | Mme Teiller | SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:C300775 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 775 FS-B Pourvoi n° G 21-22.539 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [J] [I], veuve [R], domiciliée [Adresse 1], 2°/ Mme [L] [R], épouse [K], domiciliée [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° G 21-22.539 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile, baux ruraux), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [Z] [X], 2°/ à Mme [D] [W], épouse [X], domiciliés tous deux [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mmes [J] et [L] [R], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [X], et l'avis de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Goujard, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 1er juillet 2021), M. et Mme [X] sont preneurs de diverses parcelles à usage agricole appartenant à Mmes [J] et [L] [R]. 2. Reprochant à Mme [X] de ne pas leur avoir demandé la poursuite du bail à son seul nom alors que M. [X] aurait cessé de participer à l'exploitation du bien loué, Mmes [R] ont assigné les preneurs en résiliation du bail. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mmes [R] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en résiliation du bail rural, alors : « 1°/ que l'article L. 411-31, II, 1°, du code rural et de la pêche maritime permet au bailleur de demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 du même code ; que le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, qui doit s'entendre comme la cessation de sa participation à l'exploitation de façon effective et permanente, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l'article L. 411-35 ; qu'ayant constaté que les époux [X] avaient la qualité de copreneurs du bail litigieux, que M. [X] n'exploitait plus le bien loué depuis le 1er juin 2003, et que la formalité d'information du bailleur, prévue à l'article L. 411-35 du code rural, n'avait pas été respectée, la cour d'appel, qui a rejeté la demande de résiliation du bail aux motifs erronés que cet article n'exige pas une cessation de participation effective et permanente mais ne vise que la cessation de participation et que ce texte signifie simplement que seul le défaut de toute participation du copreneur à l'exploitation du bien loué impose au copreneur restant de solliciter l'autorisation du bailleur pour poursuivre le bail à son seul nom, a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; 2°/ que la cessation de la participation d'un copreneur à l'exploitation du bien loué s'entend, au sens de l'article L. 411-35 du code rural, de la cessation, par ce dernier, d'une participation effective et permanente à l'exploitation ; que les services que ce copreneur viendrait à rendre à son copreneur resté seul exploitant, ne peuvent constituer une participation effective et permanente à l'exploitation du bien loué, lesdits services procédant de l'exécution d'une convention d'entraide conclue entre agriculteurs, et non de l'exécution du bail ; qu'en considérant que M. [X], dont elle a constaté qu'il n'était plus exploitant des biens affermés depuis le 1er juin 2003, avait continué à participer à leur exploitation par le biais d'une entraide agricole avec son épouse, cotitulaire du bail restée seule exploitante des biens loués, au motif qu'une entraide entre les exploitations respectives des époux [X] peut suffire à constater une participation du mari à l'exploitation des terres affermées, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 411-35, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément par le bailleur, la cession peur être autorisée par le tribunal paritaire. 5. Selon l'article L. 411-35, alinéa 3, de ce code, issu de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. 6. Selon l'article L. 411-31, II, 1°, du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35. 7. La formalité prévue par le deuxième de ces textes a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l'article L. 411-35. 8. En effet, la cessation de la participation à l'exploitation du bien loué par l'un des copreneurs, qui y reste tenu, est de nature à faire obstacle à la cession du bail (3e Civ., 3 février 2010, pourvoi n° 09-11.528, Bull. 2010, III, n° 29). 9. Ce texte ne crée donc, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°. 10. Par conséquent, le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [J] et [L] [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [J] et [L] [R] et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [X] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL - Bail à ferme - Résiliation - Sous-location ou cession illicite - Défaut d'exploitation d'une parcelle par un des copreneurs - Poursuite de l'exploitation par un autre copreneur - Effet | L'article L. 411-35, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que lorsqu'un des copreneurs d'un bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom, ne crée, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1° |
|||||||||
JURITEXT000048550490 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/04/JURITEXT000048550490.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-19.285, Publié au bulletin | 2023-12-06 00:00:00 | Cour de cassation | 12300647 | Cassation | 22-19285 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-05-10 | Cour d'appel de Toulouse | Mme Champalaune | SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:C100647 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 647 FS-B Pourvoi n° S 22-19.285 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 La société Opti'Cotis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-19.285 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2022 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [I] [C], domicilié [Adresse 2], 2°/ au Conseil national des barreaux (CNB), dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Opti'Cotis, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Conseil national des barreaux, et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 mai 2022), le 15 juillet 2010, M. [C], avocat inscrit au barreau de Toulouse (l'avocat) a conclu avec la société Opti'Cotis (la société) une convention de prestations juridiques. 2. Le 19 mars 2019, la société, soutenant que l'avocat avait commis un détournement de clientèle et une rétention de dossiers, a déposé plainte pour abus de confiance. Le 24 septembre 2019, la convention a été résiliée à l'initiative de l'avocat. 3. Par ordonnance du 8 octobre 2020, le président d'un tribunal judiciaire, saisi d'une requête de la société sur le fondement des articles 145, 845 et 846 du code de procédure civile, a désigné un huissier de justice, avec mission de se rendre au cabinet professionnel de l'avocat et de procéder, avec l'aide éventuelle d'un expert informatique, notamment, à la recherche de documents et correspondances de nature à établir les faits litigieux, les copies réalisées devant être séquestrées entre les mains de l'huissier de justice. L'ordonnance a été exécutée le 13 novembre 2020. 4. Le 20 novembre 2020, l'avocat a assigné la société en rétractation de cette ordonnance, opposant le secret professionnel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 8 octobre 2020, de prononcer la nullité du procès-verbal du 13 novembre 2020 et de restituer les pièces appréhendées, alors « qu'il incombe au juge saisi d'une demande de mesure d'instruction in futurum de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence ; qu'en rétractant l'ordonnance ayant fait droit à la mesure d'investigation sollicitée par la société Opti'Cotis au prétexte qu'elle n'était pas légalement admissible puisqu'elle portait sur des pièces couvertes par le secret professionnel des avocats, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la mesure était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la requérante et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 145 du code de procédure civile, de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. L'avocat conteste la recevabilité du moyen comme étant contraire aux conclusions d'appel de la société et comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit. 8. Cependant, dans ses écritures d'appel, la société soutenait que le juge doit vérifier que la mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile est nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et qu'elle doit être proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. 9. Le moyen, qui n'est ni contraire, ni nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 145 du code de procédure civile, 66-5, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats : 10. Le droit à un procès équitable, garanti par le premier de ces textes, implique que chaque partie à l'instance soit en mesure d'apporter la preuve des éléments nécessaires au succès de ses prétentions. 11. Aux termes du deuxième de ces textes, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Constituent des mesures légalement admissibles, au sens de ce texte, des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. 12. Si, selon le troisième de ces textes, le secret professionnel couvre en toutes matières, dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier, il est institué dans l'intérêt du client ayant droit au respect du secret des informations le concernant et non dans celui de l'avocat. 13. En application du quatrième de ces textes, l'avocat ne peut commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel, à moins qu'il n'assure sa propre défense devant une juridiction. 14. Il s'en déduit que le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l'avocat, sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en oeuvre avec des garanties adéquates. 15. Pour rétracter l'ordonnance sur requête, l'arrêt retient qu'aucun texte n'autorise la consultation ou la saisie des documents détenus par un avocat au sein de son cabinet en dehors de la procédure prévue à l'article 56-1 du code de procédure pénale et que le juge a autorisé des mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile qui ne sont pas légalement admissibles en ce qu'elles portent atteinte au secret professionnel des avocats. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du Conseil national des barreaux, l'arrêt rendu le 10 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois. | AVOCAT | Le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l'avocat, sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en oeuvre avec des garanties adéquates |
|||||||||
JURITEXT000048550492 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/04/JURITEXT000048550492.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-15.558, Publié au bulletin | 2023-12-06 00:00:00 | Cour de cassation | 12300648 | Rejet | 22-15558 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-03-10 | Cour d'appel de Paris | Mme Champalaune | SARL Thouvenin, Coudray et Grévy | ECLI:FR:CCASS:2023:C100648 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 648 FS-B Pourvoi n° R 22-15.558 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [U] [Z] [P] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-15.558 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4], 2°/ au bâtonnier de la Seine-Saint-Denis, domicilié [Adresse 1], 3°/ au conseil de l'ordre des avocats au barreau de la Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P] [S], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [P] [S] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2022), M. [P] [S], de nationalité béninoise, a obtenu au cours de l'année universitaire 2007-2008 un master en droit de l'entreprise, délivré par l'université de [3]. Il occupe depuis 2008, à titre bénévole, les fonctions de juriste au sein d'une organisation syndicale. 3. Par décision du 4 novembre 2020, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis a accepté sa demande d'inscription au tableau de ce barreau, sur le fondement de l'article 98, 5°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 permettant aux juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité d'une organisation syndicale de bénéficier d'un accès dérogatoire à la profession d'avocat, sous réserve de satisfaire à l'examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu à l'article 98-1 et de disposer d'un domicile professionnel. 4. Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [P] [S] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'inscription au tableau des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis, alors « qu'il résulte de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), directement applicable dans l'ordre juridique interne nonobstant toute disposition contraire ou incompatible, que les ressortissants des pays signataires ont la faculté d'accéder dans un autre Etat signataire aux activités de commerce de services soumises à des conditions de diplôme ou d'expérience dans les mêmes conditions que celles posées aux nationaux ; qu'entre les Etats signataires de l'AGCS la condition de réciprocité dans l'accès à la profession d'avocat est réputée acquise et n'appelle aucune justification ou vérification particulière, y compris lorsque le candidat n'exerce pas déjà cette profession dans son pays d'origine ; qu'en retenant que, de nationalité béninoise, l'exposant, qui sollicitait son inscription au barreau, ne pouvait bénéficier de la réciprocité prévue par l'AGCS dès lors qu'il n'était pas avocat au Bénin, la cour d'appel a violé l'article VII de l'Accord général sur le commerce des services, ensemble l'article 11, 1°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. » Réponse de la Cour 6. L'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques détermine les conditions d'accès à la profession d'avocat en France et dispose, en son 1°, que le candidat doit être français, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'Accord sur l'Espace économique européen, ou ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France, sous réserve des décisions du Conseil de l'Union européenne relatives à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne ou avoir la qualité de réfugié ou d'apatride reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. 7. La Cour de cassation a jugé que, entre les Etats signataires de l'accord général sur le commerce de services (l'AGCS), directement applicable dans l'ordre juridique interne nonobstant toute disposition contraire ou incompatible, la condition de réciprocité, réputée acquise, n'appelle aucune justification ou vérification particulière (1re Civ., 22 novembre 2007, pourvoi n° 05-19.128, Bull. 2007, I, n° 362). 8. Néanmoins, la CJUE a retenu que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles elle contrôle la légalité des actes des Institutions communautaires et que ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté européenne a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC, ou dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC, qu'il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC, relevant que cette interprétation était conforme à l'énoncé du dernier considérant du préambule de la décision 94/800 du Conseil du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay, aux termes duquel, « par sa nature, l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, y compris ses annexes, n'est pas susceptible d'être invoqué directement devant les juridictions communautaires et des États membres » (CJCE, arrêt du 23 novembre 1999, Portugal c. Conseil, C-149/96 ; CJCE, arrêt du 30 septembre 2003, Biret International SA, C-93/02 ; CJCE, arrêt du 1er mars 2005, Léon Van Parys, C-377/02 ; CJUE, arrêt du 18 décembre 2014, LVP NV c. Belgische Staat, C-306/13). 9. Il y a donc lieu de juger désormais que l'article VII de l'AGCS, qui fait partie des accords OMC, ne peut être invoqué directement devant les juridictions nationales, de sorte que le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'Accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription au barreau fondée sur l'article 11, 1°, de la loi du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 est remplie. 15. Le moyen, fondé sur l'application directe dans l'ordre juridique interne de l'AGCS, est donc inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] [S] ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois. | AVOCAT | L'article VII de l'Accord général sur le commerce de services, qui fait partie des Accords de l'Organisation mondiale du commerce, ne peut être invoqué directement devant les juridictions nationales, de sorte que le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription au barreau fondée sur l'article 11, 1°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 est remplie |
|||||||||
JURITEXT000048550494 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/04/JURITEXT000048550494.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-10.786, Publié au bulletin | 2023-12-06 00:00:00 | Cour de cassation | 12300652 | Cassation sans renvoi | 22-10786 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-11-18 | Cour d'appel de Bordeaux | Mme Champalaune | SARL Cabinet Rousseau et Tapie | ECLI:FR:CCASS:2023:C100652 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 652 F-B Pourvoi n° D 22-10.786 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [R]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 30 décembre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [O] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-10.786 contre l'ordonnance rendue le 18 novembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ au centre hospitalier spécialisé de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la préfecture de la Gironde, dont le siège est [Adresse 7], 3°/ à l'Association de tutelle et d'intégration de Nouvelle Aquitaine (ATINA), dont le siège est [Adresse 4], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, mandataire de M. [R], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [R], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 18 novembre 2021), le 27 septembre 2021, M. [R] a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier [6] de [Localité 3], par décision du représentant de l'Etat dans le département, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. 2. Par requête du 3 novembre 2021, M. [R] a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure. Examen du moyen Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. M. [R] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande, alors « que les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée ne comporte aucune mention permettant de déterminer si les débats ont eu lieu en audience publique ou non publique ; qu'en statuant par une décision ne portant aucune mention permettant de s'assurer que les règles de publication des débats ont été respectées, le premier président a méconnu les articles 22 et 433 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 22 et 433 du code de procédure civile et l'article L. 3211-12-2 du code de la santé publique : 4. Selon ces textes, le juge statue publiquement s'il n'a pas décidé que les débats ont lieu ou se poursuivent en chambre du conseil. 5. L'ordonnance se prononce sur la mesure d'hospitalisation complète de M. [R], sans qu'il ressorte ni des énonciations de l'ordonnance ni des pièces de la procédure que les règles de publicité des débats ont été respectées. 6. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposées ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois. | SANTE PUBLIQUE | Viole les articles 22 et 433 du code de procédure civile, L. 3211-12-2 du code de la santé publique, le premier président qui se prononce sur une mesure de soins psychiatriques sans consentement, sans qu'il ressorte ni des énonciations de son ordonnance ni des pièces de la procédure que les règles de publicité des débats ont été respectées |
|||||||||
JURITEXT000048550496 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/04/JURITEXT000048550496.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-19.372, Publié au bulletin | 2023-12-06 00:00:00 | Cour de cassation | 12300661 | Cassation sans renvoi | 22-19372 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2022-05-31 | Cour d'appel de Bordeaux | Mme Champalaune | SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C100661 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 661 F-D Pourvoi n° M 22-19.372 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 M. [I] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-19.372 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [D] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [T], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mai 2022), M. [T] et M. [O], avocats associés de la société civile professionnelle [O]-[T], ont constitué la société civile immobilière 2ADI (la SCI), ayant pour objet l'acquisition et l'entretien d'un immeuble dont le siège est situé à [Localité 3], afin de disposer d'un local professionnel pour exercer leur activité d'avocats. 2. Les deux associés se sont séparés et, le 18 janvier 2016, ils ont signé, sous l'égide du bâtonnier, un accord réglant les difficultés de la séparation des deux avocats et celles ayant trait à la vie sociale de la SCI et à l'immeuble dont elle est propriétaire. Ce protocole prévoyait notamment que « Tous différends relatifs à l'interprétation et/ou à l'exécution des présentes seront soumis au bâtonnier du barreau de Bordeaux conformément aux dispositions des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. » 3. Par requête du 20 octobre 2021, après l'échec d'une tentative de conciliation, M. [T] a demandé au bâtonnier la dissolution de la SCI sur le fondement de l'article 1844-7, 5°, du code civil. 4. Le 6 décembre 2021, le bâtonnier s'est déclaré compétent pour statuer sur la requête. Un recours a été formé par M. [O] Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. [T] fait grief à l'arrêt de juger que le bâtonnier est incompétent pour statuer sur sa demande de dissolution de la SCI et de le renvoyer à se pourvoir devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, alors « que si l'article 1844-7, 5°, du code civil décide que la société prend fin "par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour juste motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société", ce texte se borne à subordonner la dissolution anticipée à l'intervention d'une décision émanant d'une instance juridictionnelle et revêtue de l'autorité de chose jugée ; qu'il n'édicte aucune règle de compétence destinée à identifier celle des différentes autorités qui, dotées de pouvoirs juridictionnels, serait apte à se prononcer sur la dissolution anticipée de la société ; qu'en se fondant néanmoins sur ce texte pour juger que le bâtonnier ne pouvait connaître d'une demande de dissolution, ni sur le fondement des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ni même sur celui de la clause compromissoire insérée au protocole d'accord du 18 janvier 2016, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 5°, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1844-7, 5°, et 2061, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, du code civil et l'article 21, alinéas 3 et 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 : 6. Selon le premier de ces textes, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. 7. Selon le deuxième de ces textes, tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier, qui exerce alors un pouvoir juridictionnel en rendant une décision qui peut être déférée à la cour d'appel par l'une des parties. 8. Aux termes du troisième, sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle. 9. Il s'en déduit que l'article 1844-7, 5°, du code civil n'exclut la compétence du bâtonnier pour prononcer la dissolution d'une société civile ni sur le fondement de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 ni sur le fondement d'une clause compromissoire répondant aux conditions de l'article 2061 du code civil et ne comportant aucune renonciation ou restriction au droit de demander la dissolution de la société. 10. Pour juger que le bâtonnier est incompétent pour statuer sur la demande de dissolution de la SCI et renvoyer M. [T] à se pourvoir devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, l'arrêt retient que l'article 1844-7, 5°, du code civil attribue compétence exclusive au juge pour statuer sur une demande de dissolution de société civile qui ne peut ainsi être soumise à l'arbitrage du bâtonnier, que ce soit dans le cadre d'un différend entre avocats, en application des dispositions des articles 179-1 et suivants du décret du 27 novembre 1991, ou par l'effet d'une clause compromissoire que l'article 2061 du code civil, dans sa version applicable au litige, antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ne valide dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle, que sous réserves des dispositions législatives particulières. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. La SCI ayant été créée par M. [T] et M. [O] pour acquérir et entretenir un immeuble afin de disposer d'un local professionnel pour exercer leur activité d'avocat, le désaccord qui les oppose au sujet de cette société constitue un différend survenu à l'occasion de leur exercice professionnel au sens de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dont le protocole conclu entre les parties ne fait que reprendre les termes. Par conséquent, le bâtonnier est compétent pour statuer sur la demande de dissolution de la SCI formée par M. [T]. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que le bâtonnier de Bordeaux est compétent et renvoie l'affaire devant lui ; Condamne M. [O] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [O] à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE CIVILE | L'article 1844-7, 5°, du code civil n'exclut la compétence du bâtonnier pour prononcer la dissolution d'une société civile ni sur le fondement de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ni sur le fondement d'une clause compromissoire répondant aux conditions de l'article 2061 du code civil et ne comportant aucune renonciation ou restriction au droit de demander la dissolution de la société |
|||||||||
JURITEXT000048550562 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550562.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 décembre 2023, 22-18.665, Publié au bulletin | 2023-12-07 00:00:00 | Cour de cassation | 32300792 | Rejet | 22-18665 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-05-19 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Teiller | SCP Bénabent, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:C300792 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 792 FS-B Pourvoi n° T 22-18.665 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2023 M. [V] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-18.665 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [A] [G], domicilié [Adresse 12], 2°/ à M. [U] [O], domicilié [Adresse 7], 3°/ à M. [Y] [R], domicilié [Adresse 8], 4°/ à M. [P] [T], 5°/ à Mme [T], domiciliés tous deux [Adresse 9], 6°/ à Mme [Z] [W], domiciliée [Adresse 4] (États-Unis), 7°/ à M. [C] [S], domicilié [Adresse 10], 8°/ à M. [N] [X], domicilié [Adresse 13] (Suisse), 9°/ à l'association Castellaras charges particulières, dont le siège est [Adresse 3], 10°/ à la société Le Château de Castellaras, société civile immobilière, dont le siège est Château de Castellaras, [Localité 1], prise en la personne de son administrateur provisoire, M. [H] [M], 11°/ à la société Castellaras perennial, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [G], [O] et [R], M. et Mme [T], Mme [W], MM. [S], [X], de l'association Castellaras charges particulières et de la société Castellaras perennial, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mai 2022), une résidence comportant une centaine de maisons d'habitation, dénommée « [Adresse 6] », a été édifiée en 1958 autour du château de Castellaras et de ses dépendances. En 1964, un nouvel ensemble d'habitations a été créé, constituant « [Adresse 5] ». 2. La société civile immobilière Le Château de Castellaras (la SCI), constituée en 1959 pour une durée de soixante ans, est propriétaire du château et de ses dépendances. 3. M. [L] détient environ 30 % des 459 parts sociales de la SCI, dont 123 parts ayant appartenu à la société Compton Trading International Ltd, acquises en cours d'instance. Les autres parts appartiennent pour l'essentiel à la société Castellaras perennial qui réunit les copropriétaires du domaine de [Adresse 6], et à des copropriétaires de [Adresse 5]. 4. Une assemblée générale des associés s'est réunie le 28 juillet 2016, lors de laquelle la résolution proposant la prorogation pour quatre-vingt-dix-neuf ans de la SCI a été rejetée. 5. La société Castellaras perennial, MM. [G], [O], [R], [S] et [X], M. et Mme [T], Mme [W], ainsi que l'association Castellaras charges particulières, tous associés de la SCI, ont assigné M. [L] et la société Compton Trading International Ltd, afin que soit constaté un abus de minorité de leur part et que soit désigné un mandataire ad hoc pour voter en leur lieu et place lors de toute nouvelle assemblée générale convoquée pour proroger le terme de la société. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. M. [L] fait grief à l'arrêt de retenir que son refus et celui de la société Compton Trading International Ltd, lors de l'assemblée générale du 28 juillet 2016, de proroger le terme de la société, constitue un abus de minorité, alors : « 1°/ que nul ne peut exiger le renouvellement d'un contrat à durée déterminée de sorte que le refus de proroger un contrat arrivé à son terme ne saurait être abusif ; que cette règle générale du droit des contrats s'applique au contrat de société ; qu'en appliquant les critères traditionnels de l'abus de minorité sans prendre en compte la spécificité de la délibération soumise à l'assemblée qui portait sur le renouvellement du contrat de société, pour en déduire qu'en l'espèce le vote contre la prorogation de la société constituait un abus de minorité, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1844-7 du code civil ; 2°/ que, subsidiairement, l'abus de minorité suppose que soit caractérisée une attitude qui, tout à la fois, est contraire à l'intérêt général de la société, en ce qu'elle interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et est motivée, de la part du minoritaire, par l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ; qu'en retenant pour caractériser la seconde condition que « le choix de M. [L] n'est pas motivé par la nécessité de mettre fin à une société affectée de dysfonctionnements, mais uniquement par un intérêt spéculatif fondé sur la dissolution escomptée de la société », alors que ce choix ne créait aucune rupture d'égalité entre les associés, au détriment des autres associés de la SCI le Château de Castellaras, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil ; 3°/ que, subsidiairement, l'abus de minorité suppose que soit caractérisée une attitude qui, tout à la fois, est contraire à l'intérêt général de la société, en ce qu'elle empêche la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et est motivée, de la part du minoritaire, par l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ; qu'en jugeant que M. [L] et la société Compton Trading International Ltd avaient commis un abus de minorité, sans démontrer en quoi la société Compton Trading International Ltd, seul associé à posséder la minorité de blocage, avait agi dans l'unique dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux des autres associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil ; 4°/ que subsidiairement, l'abus de minorité suppose que le minoritaire ait agi contre l'intérêt général de la société en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci ; que le fait de proroger une société dont l'activité est structurellement déficitaire conduit à obérer son patrimoine et constitue une opération qui loin d'être essentielle est contraire à son intérêt général ; qu'en retenant que le refus de M. [L] de voter une telle prorogation était contraire à l'intérêt général de la société au motif que « compte tenu de l'objet et de la spécificité de la SCI Le Château Castellaras, soit la mise à disposition des lieux en priorité aux associés, il est de son intérêt général que son terme soit prorogé », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil ; 5°/ qu'en tout état de cause, l'abus de minorité suppose que le minoritaire ait agi contre l'intérêt général de la société en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci ; que l'opération n'est pas essentielle à partir du moment où d'autres alternatives, moins contraignantes pour les minoritaires, permettent d'assurer la pérennité de la société ; que l'exposante faisait valoir dans ses écritures que son opposition à la prorogation ne tenait pas tant au principe de la prorogation qu'à la durée de 99 ans qui avait été retenue et qu'il était tout à fait possible de « sauver » la société tout en prévoyant une durée de prorogation plus courte ; qu'en retenant néanmoins que M. [L] et la société Compton Trading International avaient commis un abus de minorité en votant contre cette décision consistant à proroger la société SCI château de Castellaras pour une durée de 99 ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, la cour d'appel a exactement retenu que le refus de prorogation du terme de la société était susceptible de constituer un abus de minorité, lorsque le vote de l'associé minoritaire était contraire à l'intérêt général de la société et avait pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l'ensemble des autres associés. 8. En deuxième lieu, par motifs propres et adoptés, elle a caractérisé la rupture dans la recherche de l'intérêt commun, en retenant que M. [L], qui depuis des années refusait de payer sa quote-part de charges, avait cherché à obtenir par son vote ce à quoi il n'était pas parvenu en plusieurs années de conflit judiciaire, à savoir une gestion plus profitable financièrement à laquelle s'opposaient les autres associés, et que, loin d'exercer son droit de retrait, il avait au contraire acquis des parts sociales, ce dont elle a souverainement déduit que son choix était motivé uniquement par un intérêt spéculatif fondé sur la dissolution escomptée de la société. 9. En troisième lieu, la cour d'appel a retenu l'existence de liens étroits entre M. [L] et la société Compton Trading International Ltd, après avoir relevé que lorsqu'avait été prononcée sa faillite personnelle en 2005, il lui avait cédé 123 parts à faible prix, avant de les racheter au même prix en 2018, en cours de procédure, ce dont elle a souverainement déduit que M. [L] avait été suivi dans son vote contre la prorogation de la SCI par la société Compton Trading International Ltd, dans l'unique dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux des autres associés, faisant ressortir la communauté d'intérêt entre l'un et l'autre. 10. En outre, après avoir rappelé que la SCI avait été créée afin que ses associés profitent de façon préférentielle et protégée du site exceptionnel que constituent le château et ses dépendances, non en vue de dégager des bénéfices, et que, d'ailleurs, des appels de fonds prévus aux statuts étaient adressés tous les ans aux associés afin de couvrir les frais d'entretien, la cour d'appel a pu retenir que, compte tenu de sa spécificité et de son objet tenant à la mise à disposition des lieux en priorité aux associés, il était de son intérêt général que son terme soit prorogé. 11. Enfin, ayant retenu que M. [L] avait refusé la prorogation, dans le but d'obtenir la dissolution de la société et de percevoir un boni de liquidation, elle a nécessairement écarté l'argumentation selon laquelle il aurait pu admettre une durée de prorogation plus courte que celle de quatre-vingt-dix-neuf ans. 12. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à MM. [G], [O], [R], [S], [X], M. et Mme [T] et Mme [W], l'association Castellaras charges particulières et la société Castellaras perennial la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE | Le refus de prorogation du terme de la société est susceptible de constituer un abus de minorité, lorsque le vote de l'associé minoritaire est contraire à l'intérêt général de la société et a pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l'ensemble des autres associés |
|||||||||
JURITEXT000048550564 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550564.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 décembre 2023, 22-21.409, Publié au bulletin | 2023-12-07 00:00:00 | Cour de cassation | 32300793 | Rejet | 22-21409 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-06-24 | Cour d'appel de Rennes | Mme Teiller | SAS Buk Lament-Robillot, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:C300793 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 793 FS-B Pourvoi n° A 22-21.409 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2023 1°/ Mme [K] [L], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], 2°/ Mme [S] [F], domiciliée [Adresse 4], 3°/ Mme [W] [F], épouse [J], domiciliée [Adresse 6], 4°/ M. [Z] [F], domicilié [Adresse 7], 5°/ M. [U] [F], domicilié [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° A 22-21.409 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Rennes (chambre de l'expropriation), dans le litige les opposant : 1°/ à la commune de [Localité 8], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 5], 2°/ à la société Frédéric Blanc MJO, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en sa qualité de liquidateur de [R] [F], décédé, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [L], de Mmes [S] et [W] [F] et de MM. [Z] et [U] [F], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 8], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 juin 2022), la commune de [Localité 8] (la commune) a poursuivi l'expropriation de plusieurs parcelles ayant appartenu à [R] [F], décédé en 2008. 2. Le 9 octobre 2018, elle a notifié une offre d'indemnisation à Mmes [K] [L], [S] et [W] [F], et MM. [Z] et [U] [F] (les consorts [F]), pris en qualité d'héritiers de [R] [F], dont les opérations de succession étaient toujours en cours, puis, en l'absence d'accord sur cette offre, elle a saisi le juge de l'expropriation, le 24 janvier 2019, en fixation des indemnités de dépossession. 3. Le 25 janvier 2019, la commune a adressé une copie du mémoire de saisine de la juridiction à la société Frédéric Blanc MJO, en sa qualité de liquidateur de [R] [F], dont la liquidation judiciaire avait été ouverte en 1992. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir, alors : « 1°/ que lorsque l'expropriant n'a pas, avant de saisir le juge de l'expropriation pour qu'il fixe le montant des indemnités d'expropriation, notifié son offre d'indemnisation au liquidateur judiciaire représentant l'exproprié décédé, qui était pourtant le seul à avoir la qualité pour accepter cette offre, la saisine du juge est irrégulière de sorte que toute personne qui est partie à la procédure et qui y a intérêt est recevable à soulever cette fin de non-recevoir ; qu'en énonçant, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [F], que si c'était à juste titre que ces derniers prétendaient que l'offre d'indemnisation aurait dû être notifiée au liquidateur, celui-ci ayant seul qualité pour accepter ou non l'offre de l'expropriant portant sur les biens dépendant de la liquidation judiciaire et obtenir l'indemnisation, la fin de non-recevoir qui en résultait, laquelle n'était pas d'ordre public, ne pouvait être invoquée que par celui auquel elle portait préjudice, c'est-à-dire le liquidateur et qu'il convenait de relever, d'une part, que la situation avait été régularisée tant en première instance qu'en appel, et que d'autre part, la Selarl Frédéric Blanc Mjo ès qualités ne soulevait pas l'irrecevabilité de la procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 311-4, R. 311-4, R. 311-5 et R. 311-9 du code de l'expropriation ; 2°/ que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de notification des offres de l'expropriant au liquidateur judiciaire représentant l'exproprié décédé, préalablement à la saisine du juge de l'expropriation, n'est pas régularisable ; qu'en énonçant, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [F], que si c'était à juste titre que ces derniers prétendaient que l'offre d'indemnisation aurait dû être notifiée au liquidateur, celui-ci ayant seul qualité pour accepter ou non l'offre de l'expropriant portant sur les biens dépendant de la liquidation judiciaire et obtenir l'indemnisation, la fin de non-recevoir qui en résultait, laquelle n'était pas d'ordre public, ne pouvait être invoquée que par celui auquel elle portait préjudice, c'est-à-dire le liquidateur et qu'il convenait de relever, d'une part, que la situation avait été régularisée tant en première instance qu'en appel, et que d'autre part, la Selarl Frédéric Blanc MJO ès qualités ne soulevait pas l'irrecevabilité de la procédure, la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 311-4, R. 311-4, R. 311-5 et R. 311-9 du code de l'expropriation. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a relevé qu'un mois au moins avant la saisine du juge de l'expropriation, l'offre d'indemnisation prévue par l'article L. 311-4 du code de l'expropriation aurait dû être notifiée par l'expropriant au liquidateur, qui avait seul qualité pour l'accepter et recevoir l'indemnisation. 7. Ayant constaté que le liquidateur, attrait dans la cause, n'avait pas soulevé la fin de non-recevoir tirée du défaut de notification préalable de cette offre à son profit, laquelle n'est pas d'ordre public, elle en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [F] devait être écartée. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [K] [L], [S] et [W] [F] et MM. [Z] et [U] [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-trois. | EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE | Seul le liquidateur judiciaire, attrait dans la cause, a qualité pour soulever la fin de non-recevoir tirée du défaut de notification, à son profit, de l'offre d'indemnisation préalable à la saisine du juge de l'expropriation |
|||||||||
JURITEXT000048581576 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581576.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 22-16.820, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301192 | Cassation | 22-16820 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-02-17 | Cour d'appel de Paris | Mme Martinel | SCP Bénabent, SCP Gadiou et Chevallier | ECLI:FR:CCASS:2023:C201192 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1192 F-B Pourvoi n° N 22-16.820 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 M. [R] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-16.820 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 11), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [N] [P], domicilié [Adresse 4], 2°/ à la société L'Equité, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 3], 4°/ à la société mutuelle Uneo, dont le siège est [Adresse 5], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [E], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [P] et de la société L'Equité, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 17 février 2022), le 23 août 2013, M. [E], alors qu'il pilotait une motocyclette au cours d'une séance de « roulage » sur un circuit fermé, a chuté au sol lors d'une manoeuvre de freinage, avant d'être percuté par la motocyclette conduite par M. [P]. 2. M. [E] a assigné en indemnisation M. [P] et la société l'Equité, assureur du véhicule de ce dernier (l'assureur), en présence de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et de la mutuelle Unéo santé. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. M. [E] fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes indemnitaires dirigées contre M. [P] et son assureur, alors que « pour exonérer le gardien de la chose instrument du dommage, les juges doivent caractériser une faute de la victime et son lien de causalité avec le dommage dont cette dernière demande réparation ; qu'en l'espèce, pour exonérer le gardien de la moto ayant percuté la victime au sol au titre de la faute de cette dernière, la cour d'appel a retenu que "M. [E] avait connaissance des règles applicables sur le circuit et notamment de la signification du drapeau jaune imposant de ralentir et non de freiner brutalement" et que "le premier pilote ayant chuté près du muret à droite de la piste sans empiéter sur celle-ci, aucun obstacle soudain ne lui imposait de freiner brutalement d'autant qu'il était en phase de réaccélération après une sortie de virage", cependant qu'elle avait constaté que le chef de piste "était alors entré sur la piste en agitant un drapeau jaune", que s'il était un "habitué du circuit", il n'était pas licencié contrairement à M. [P], que leur commune appartenance au classement confirmé ne résultait que "des performances de temps réalisées au tour", et que seule une "séance d'information était réalisée notamment pour expliquer les couleurs des drapeaux et le comportement à observer" avant chaque séance de roulage ; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en retenant sa faute et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1241 et 1242, alinéa 1, du code civil ; » Réponse de la Cour 5. L'arrêt énonce que c'est après l'entrée sur la piste du responsable de la sécurité, agitant un drapeau jaune à la suite de la chute d'un premier motard n'empiétant pas sur la voie, que M. [E], qui arrivait en réaccélération à la sortie d'un virage, a brusquement freiné avant de chuter, puis d'être percuté au sol par M. [P]. 6. Il retient, d'une part, que tant M. [E] que M. [P], qui participaient à une session réservée à des pilotes confirmés, étaient des « habitués » du circuit qu'ils connaissaient parfaitement, d'autre part, qu'une séance d'information était donnée avant chaque « roulage » sur les règles de comportement à observer sur la piste. 7. Il ajoute que M. [E] avait connaissance notamment de la signification du drapeau jaune, imposant simplement de ralentir, et qu'aucun obstacle soudain ne lui imposait de freiner brutalement. 8. Il en déduit que M. [E] a freiné brutalement sans nécessité, contrairement aux consignes données, alors qu'il était en pleine accélération après une sortie de virage, créant un risque de collision avec les motards qui le suivaient. 9. De ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire que M. [E] avait commis une faute de conduite en lien de causalité avec son dommage. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche 11. M. [E] fait le même grief à l'arrêt, alors que « l'exonération totale du gardien de la chose instrument du dommage suppose que la faute de la victime revête les caractéristiques de la force majeure ; qu'en l'espèce, pour décider que la faute de la victime revêtait les caractéristiques de la force majeure, la cour d'appel a retenu que "M. [E] avait connaissance des règles applicables sur le circuit et notamment de la signification du drapeau jaune imposant de ralentir et non de freiner brutalement" et que "le premier pilote ayant chuté près du muret à droite de la piste sans empiéter sur celle-ci, aucun obstacle soudain ne lui imposait de freiner brutalement d'autant qu'il était en phase de réaccélération après une sortie de virage", de telle sorte que "M. [P] ne pouvait prévoir que durant une course consacrée aux pilotes de la catégorie "confirmé", les consignes de sécurité ayant été au surplus rappelées avant le départ, M. [E] violerait ces règles et opérerait un freinage brutal, comportement qui l'a mis dans l'impossibilité d'éviter M. [E] compte tenu de leur proximité alors qu'ils se suivaient de près" ce dont il résultait que "les fautes imprévisibles et irrésistibles de M. [E] exonèrent ainsi totalement M. [P] de sa responsabilité", cependant qu'elle avait constaté que le chef de piste "était alors entré sur la piste en agitant un drapeau jaune", que s'il était un "habitué du circuit", il n'était pas licencié contrairement à M. [P], et que leur commune appartenance au classement confirmé ne résultait que "des performances de temps réalisées au tour" précédent, seule une "séance d'information [étant] réalisée notamment pour expliquer les couleurs des drapeaux et le comportement à observer" avant chaque séance de roulage ; qu'en conséquence, le freinage brutal d'un participant en cas d'accident lors d'une course de motocyclette, ne saurait être considéré comme un événement imprévisible ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1242, alinéa 1er, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil : 12. La faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure. 13. Pour débouter M. [E] de toutes ses demandes, l'arrêt déduit de ses constatations que ses fautes imprévisibles et irrésistibles exonèrent totalement M. [P] de sa responsabilité de gardien, dès lors que ce dernier ne pouvait prévoir que, durant une course consacrée aux pilotes de la catégorie « confirmé » qui s'étaient vus rappeler les consignes de sécurité avant le départ, M. [E] violerait ces règles et opérerait un freinage brutal qui ne s'imposait pas. 14. En statuant ainsi, alors que la chute d'un pilote sur un circuit ne constitue pas un fait imprévisible pour les motards qui le suivent, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée. Condamne M. [P] et la société l'Equité aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et la société l'Equité et les condamne à payer à M. [E] la somme globale de 3 000 euros. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Victime | La faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure. N'est pas imprévisible pour les motards qui le suivent la chute d'un pilote sur un circuit |
|||||||||
JURITEXT000048581578 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581578.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 22-16.850, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301193 | Cassation partielle | 22-16850 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-01-18 | Cour d'appel de Besançon | Mme Martinel | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Duhamel, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C201193 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1193 F-B Pourvoi n° V 22-16.850 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 M. [X] [E], domicilié [Adresse 4], [Localité 1], a formé le pourvoi n° V 22-16.850 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Neolia, société anonyme d'HLM, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], 2°/ à la société Aréas dommages, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6], 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 5], défenderesses à la cassation. La caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [E], de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Neolia et Aréas dommages, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 18 janvier 2022), le 25 septembre 2013, M. [E] a été grièvement blessé à l'oeil droit par le mécanisme d'ouverture de la porte du garage qu'il louait à la société Néolia (la société), assurée auprès de la société Aréas dommages (l'assureur). 2. M. [E] a assigné en indemnisation de ses préjudices la société et son assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (la caisse). Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [E] fait grief à l'arrêt de condamner in solidum la société et l'assureur à lui payer la seule somme de 81 310 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2019, alors que « pour le calcul de la perte des gains professionnels futurs subi par la victime d'un accident, les revenus professionnels à prendre en compte sont ceux antérieurs à cet accident ; qu'une période d'inactivité professionnelle de deux ans et demi liée à un licenciement pour motif économique intervenu avant cet accident n'est pas de nature à rompre tout lien de causalité entre la faute du responsable à l'origine de cet accident et la perte, par la victime, des revenus antérieurs à cette période et, en conséquence, à exclure tout préjudice de perte de gains professionnels futurs ; qu'en retenant que M. [E], qui avait été victime d'un accident le 25 septembre 2013, imputable à la société Néolia, n'apparaissait pas avoir occupé d'emploi depuis son licenciement économique intervenu le 6 juillet 2011 jusqu'à la survenance de cet accident, soit pendant deux ans et demi, de sorte qu'il devait être considéré comme dépourvu de revenus antérieurs à l'accident et que tout préjudice de perte de gains professionnels futurs était dès lors exclu, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel, après avoir rappelé que M. [E] se prévalait de l'impossibilité, en raison de sa cécité monoculaire, de retrouver un emploi de dessinateur industriel tel qu'occupé dans le passé, énonce que l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs nécessite la preuve, qui incombe à celui qui s'en prévaut, d'une diminution entre les revenus antérieurs à l'accident et ceux postérieurs à la consolidation. 6. Elle retient ensuite que si, depuis la consolidation, M. [E] tire des revenus d'une activité de mécanicien automobile, l'intéressé, qui a travaillé comme dessinateur industriel entre le 23 avril 2008 et le 6 juillet 2011, date de son licenciement pour motif économique, n'apparaît pas avoir ensuite occupé d'emploi, ni perçu de revenus, même de l'assurance chômage, jusqu'à la survenance de l'accident le 25 septembre 2013, de sorte que la perception de revenus au moment de l'accident n'est pas établie. 7. Elle ajoute qu'une période de deux ans et demi sans revenus, même de remplacement, ne permet pas de retenir que ses anciens revenus professionnels ont été perdus à cause de l'accident ni, en conséquence, de les prendre comme terme de comparaison avec les revenus futurs. 8. Elle en déduit que la victime doit ainsi être considérée comme dépourvue de revenus antérieurs à l'accident, ce qui exclut tout préjudice de perte de gains professionnels futurs. 9. En l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que tant les revenus de référence à la date de l'accident, invoqués par la victime, que le préjudice dont celle-ci se prévalait, étaient hypothétiques, a légalement justifié sa décision. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le premier moyen du pourvoi incident de la caisse Enoncé du moyen 11. La caisse fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement, de cantonner la condamnation in solidum de la société et de l'assureur à son profit à la somme de 28.381,64 euros, alors que : « appelé à évaluer forfaitairement des dépenses futures, le juge est libre de choisir la méthode de calcul qu'il estime la plus adéquate ; que toutefois, lorsqu'il décide d'appliquer l'arrêté du 27 décembre 2011, il se doit d'en respecter les dispositions ; qu'aux termes de l'article 1 dudit arrêté, dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 27 décembre 2021, l'annuité s'établit, s'agissant des prothèses oculaires, à hauteur de 150 % (100 % au titre du a) + 50 % au titre du b)) de la base suivante : la valeur de la fourniture, de la réparation et du renouvellement ; qu'en retenant, au visa de l'arrêté du 27 décembre 2011 qu'elle entendait appliquer, que, pour tenir compte de la fréquence de renouvellement, l'annuité se calcule sur la base suivantes : le quart de la valeur de la fourniture et la moitié de la valeur de la réparation (repolissage), la cour d'appel a violé l'article 1 de l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 376-1 et R. 376-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 376-1 et R. 376-1 du code de la sécurité sociale et l'arrêté du 27 décembre 2011 : 12. Selon le deuxième de ces textes, les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application du premier de ces textes peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. 13. Si les modalités fixées par cet arrêté ne s'imposent pas au juge, qui reste libre de se référer au barème qu'il estime le plus adéquat, il doit, lorsqu'il décide d'appliquer cet arrêté, en respecter les dispositions. 14. Après avoir rappelé la formule de calcul de l'annuité de dépenses fixée à l'article premier de l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale, l'arrêt énonce qu'en visant 100 % de la valeur de la fourniture, de la réparation et du renouvellement, le texte ne vise pas 100 % du montant unitaire de chaque prestation, sans égard au rythme de leur répétition, mais 100 % des frais à exposer chaque année en tenant compte de ce rythme. 15. Il ajoute que le calcul des dépenses de santé actuelles et futures, tel qu'effectué par la caisse, est erroné en ce qu'il repose sur une annuité incluant le prix entier d'une prothèse oculaire et du repolissage de cette prothèse, alors qu'il ne devait inclure que le quart du prix de la prothèse et la moitié du prix de son repolissage, conformément aux conclusions de l'expert qui préconise le remplacement de la prothèse tous les quatre ans et son repolissage tous les deux ans. 16. Il en déduit que l'indemnité s'élève non pas à 41 764,26 euros, mais à 11 722,24 euros. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas mis en oeuvre l'indemnisation forfaitaire prévue à l'arrêté dont elle avait décidé de faire application, a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 18. La caisse fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande fondée sur les articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, alors « que tout jugement à peine de nullité doit être motivé ; qu'en la déboutant de sa demande fondée sur les articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sans assortir sa décision sur ce point du moindre motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 19. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. 20. L'arrêt déboute la caisse de sa demande fondée sur les articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale. 21. En statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision rejetant la demande d'indemnité forfaitaire de gestion, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum la société Néolia et la société Aréas dommages à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône la somme de 28 381,64 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2019, et en ce qu'il a débouté la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône de sa demande fondée sur les articles L. 376-1 et L 454-1 du code de la sécurité sociale, l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon. Condamne M. [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Tiers responsable | Il résulte de l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale que les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application de l'article L. 376-1 du même code peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Si les modalités fixées par l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ne s'imposent pas au juge, qui reste libre de se référer au barème qu'il estime le plus adéquat, il doit, lorsqu'il décide d'appliquer cet arrêté, en respecter les dispositions. Viole ces textes la cour d'appel qui, ayant décidé de faire application de cet arrêté, ne met pas en oeuvre l'indemnisation forfaitaire qu'il prévoit |
|||||||||
JURITEXT000048581580 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581580.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-19.215, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301195 | Rejet | 21-19215 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-04-27 | Cour d'appel de Grenoble | Mme Martinel | SARL Le Prado - Gilbert, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:C201195 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1195 F-B Pourvoi n° V 21-19.215 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 M. [Z] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-19.215 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La société MAAF assurances a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [S], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MAAF assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 avril 2021), le 4 octobre 2006, un tramway conduit par M. [S], salarié d'une société exploitant un réseau de transports en commun, est entré en collision avec [R] [C], âgé de 80 ans, qui circulait à vélo sur un passage « surbaissé » permettant la traversée de la ligne de tramway. 2. Celui-ci est décédé des suites de l'accident le 1er février 2007. 3. M. [S], invoquant avoir subi, du fait de l'accident, un traumatisme psychologique et des pertes de revenus professionnels, a assigné la société MAAF assurances (l'assureur), assureur de responsabilité civile de [R] [C], en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, en indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal de M. [S] 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident de l'assureur Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que [R] [C] a commis une faute de conduite en rapport de causalité avec le choc psychologique ressenti par M. [S] à la suite de l'accident du 6 octobre 2006 et de le condamner à verser à M. [S] la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice, alors « que les règles de priorité des matériels circulant sur les voies ferrées ne s'appliquent pas aux tramways ; qu'en jugeant pourtant que M. [C] avait commis une faute de conduite en traversant la voie ferrée tandis que "le tramway conduit par M. [S] était prioritaire, en l'absence de signal d'arrêt", la cour d'appel a violé l'article R. 422-3 du code de la route. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article R. 422-3 du code de la route que la priorité de passage dont bénéficie les matériels circulant sur les voies ferrées s'applique aux tramways en l'absence de signalisation ou d'indication contraire donnée par un agent réglant la circulation. 7. L'arrêt constate que l'accident s'est produit sur la voie de circulation réservée au tramway et qu'il n'existait pas de signal d'arrêt sur les lieux. 8. En l'état de ces constatations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel, qui a exactement retenu que le tramway conduit par M. [S] était prioritaire, a pu décider que le cycliste, qui avait entrepris de traverser la voie réservée au tramway et avait continué malgré l'avertisseur sonore actionné par le conducteur, avait commis une faute engageant sa responsabilité. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | CIRCULATION ROUTIERE - Code de la route | Il résulte de l'article R. 422-3 du code de la route que la priorité de passage dont bénéficie les matériels circulant sur les voies ferrées s'applique aux tramways en l'absence de signalisation ou d'indication contraire donnée par un agent réglant la circulation |
|||||||||
JURITEXT000048581583 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581583.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 22-18.525, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301199 | Cassation | 22-18525 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2022-01-04 | Cour d'appel de Lyon | Mme Martinel | SARL Delvolvé et Trichet, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:C201199 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1199 F-B Pourvoi n° R 22-18.525 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 10], a formé le pourvoi n° R 22-18.525 contre l'arrêt rendu le 4 janvier 2022 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [P] [F], domicilié [Adresse 2], [Localité 7], 2°/ à M. [D] [M], domicilié [Adresse 9], [Localité 6], 3°/ à la société Macif, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 8], 4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 5], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M] et de la société Macif, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 janvier 2022), M. [F], qui circulait à vélo, a été renversé par M. [M], cycliste se trouvant derrière lui, alors qu'un camion non identifié venait de les dépasser. 2. M. [F] a assigné M. [M], sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun, ainsi que l'assureur de responsabilité de celui-ci, la société Macif, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, en indemnisation de ses préjudices. 3. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) est intervenu volontairement à l'instance. Examen du moyen Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le FGAO fait grief à l'arrêt de débouter M. [F] de sa demande principale tendant à la condamnation in solidum de M. [M] et de son assureur à l'indemniser des conséquences dommageables de l'accident survenu le 29 mars 2012 et, fixant le préjudice de M. [F] à diverses sommes pour un montant total de 25 706,35 euros, de lui déclarer la décision opposable, alors « que les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 n'excluent pas la responsabilité délictuelle de droit commun de celui qui n'est ni conducteur ni gardien du véhicule impliqué ; qu'en retenant, pour débouter M. [F] de sa demande principale contre M. [M] et son assureur de responsabilité civile, fondée sur le droit commun, et dire l'arrêt opposable au Fonds de garantie, que dès lors que la loi du 5 juillet 1985 était applicable en tant que l'implication d'un camion dans l'accident était établie, l'application des dispositions d'ordre public de cette loi était exclusive de toute action en responsabilité fondée sur le droit commun, la cour d'appel a violé l'article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et les articles 1382 et suivants, devenus 1240 et suivants, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et les articles 1382 et 1384, alinéa 1, devenus 1240 et 1242, alinéa 1, du code civil : 5. Si les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 relatives à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation sont d'ordre public, elles n'excluent pas l'application de celles relatives à la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun à l'encontre de toute personne autre que les conducteurs et gardiens des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l'accident. 6. Pour rejeter la demande de M. [F], formée à l'encontre de M. [M] et de son assureur, sur le fondement de la faute personnelle de M. [M] ou de sa responsabilité de plein droit du fait du vélo dont il avait la garde, et pour déclarer la décision opposable au FGAO, l'arrêt, après avoir constaté qu'un camion était impliqué dans l'accident au sens de l'article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, retient que les dispositions d'ordre public de ce texte trouvent à s'appliquer à l'exclusion de la responsabilité de droit commun. 7. Il en déduit que l'action de M. [F] doit être dirigée à l'encontre du conducteur de ce véhicule et que celui-ci n'étant pas identifié, le FGAO doit indemniser la victime. 8. En statuant ainsi, alors que la victime pouvait demander, sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, réparation de son préjudice au cycliste qui l'avait fait chuter, qui n'était ni conducteur ni gardien d'un véhicule terrestre à moteur, ainsi qu'à l'assureur de responsabilité de ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt statuant sur la responsabilité, entraîne la cassation de tous les autres chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée. Condamne M. [M] et la société Macif aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] et la société Macif et les condamne à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 - Domaine d'application | Si les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relatives à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation sont d'ordre public, elles n'excluent pas l'application de celles relatives à la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun à l'encontre de toute personne autre que les conducteurs et gardiens des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l'accident |
|||||||||
JURITEXT000048581585 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581585.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-23.980, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301210 | Rejet | 21-23980 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-09-07 | Cour d'appel de Nimes | Mme Martinel | SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:C201210 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1210 F-B Pourvoi n° Z 21-23.980 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 La société [4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-23.980 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Languedoc-Roussillon, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 septembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 28 novembre 2019, pourvoi n° 18-20.386), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF du Languedoc-Roussillon (l'URSSAF) a notifié à la société [4] (la société cotisante) une mise en demeure le 25 novembre 2010 correspondant à un rappel de cotisations pour l'année 2009 et des majorations de retard. 2. La société cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale que « L'employeur tient à la disposition de l'inspecteur de recouvrement mentionné à l'article R. 243-59 un document justificatif du montant des réductions qu'il a appliquées » ; qu'en faisant application de ces dispositions à une mise en demeure qui n'avait été précédée d'aucune procédure de contrôle, la cour d'appel a violé par fausse application l'article D. 241 [lire D. 241-13] du code de la sécurité sociale ; 2°/ que, selon l'article 1315, devenu 1353, du code civil, auquel ne déroge pas l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale, l'organisme de recouvrement qui remet en cause le bénéfice d'un dispositif de réduction de cotisations sociales doit démontrer le bien-fondé de sa position ; qu'en rejetant le recours de l'entreprise visée par une mise en demeure qui n'avait été précédée d'aucun contrôle aux motifs que "pour remettre en cause l'annulation de l'exonération qu'elle avait initialement calculée, et affirmer qu'elle n'est redevable que de la somme de 3 086,78 euros au titre de l'excédant de réduction de cotisations pour l'année 2009, la [société cotisante] produit un tableau qu'elle présente comme reprenant le nom de ses salariés, sans qu'il soit possible de déterminer ni les conditions dans lesquelles ce tableau a été établi, ni l'exactitude des mentions portées qui ne sont objectivées par aucun document", la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ; 3°/ que le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en attendant de l'entreprise visée par la mise en demeure qu'elle "objective", par des documents extrinsèques, le tableau mentionné à l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale, ce que l'URSSAF elle-même ne demandait pas, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°/ que l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale n'exige aucun document justificatif extrinsèque, de sorte qu'en reprochant à l'entreprise de ne pas en avoir produit, la cour d'appel en a violé les dispositions ; 5°/ qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions de l'employeur faisant valoir qu'il avait établi chaque mois de l'année 2009 et le 1er janvier 2010 les documents justificatifs du montant des réductions pratiquées, confirmées par la déclaration DADS, de sorte que l'URSSAF ne pouvait prétendre ne pas avoir disposé du document mentionné à l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, et a violé en conséquence l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 241-13, VI, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, applicable au litige, pour bénéficier des réductions de cotisations instituées par ce texte, l'employeur doit tenir à disposition des organismes de recouvrement des cotisations un document en vue du contrôle du respect des dispositions de cet article, document dont le contenu et la forme sont précisés par décret. 5. Selon l'article D. 241-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007, alors en vigueur, ce document doit indiquer le nombre de salariés ouvrant droit aux réductions et déductions prévues aux articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18, le montant total des exonérations appliquées au titre de chacune de ces dispositions ainsi que, pour chacun de ces salariés, son identité, la rémunération brute mensuelle versée, le montant de chaque réduction ou déduction appliquée, le coefficient issu de l'application de la formule de calcul prévue par l'article D. 241-7 et, le cas échéant le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires effectuées au sens de l'article 81 quater du code général des impôts et la rémunération y afférente. 6. Il résulte de la combinaison de ces textes, dont les dispositions ne sont pas d'application limitée aux contrôles effectués en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, que l'employeur qui décide de pratiquer, sur les cotisations versées aux organismes sociaux, les réductions et déductions prévues aux articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18 du même code, doit en justifier par la tenue et la production du document prévu par l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale précité. 7. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'URSSAF a annulé le montant des réductions générales sur les bas salaires de l'année 2009 tel que figurant sur le tableau récapitulatif pour cette année et que la société pouvait justifier du montant de la réduction appliquée par elle en produisant les états mensuels établis pour chaque salarié. Il constate que celle-ci produit un tableau qu'elle présente comme reprenant le nom de ses salariés, mois par mois, pour l'année 2009, et les données relatives à leurs salaires, sans qu'il soit possible de déterminer ni les conditions dans lesquelles ce tableau a été établi, ni l'exactitude des mentions portées. 8. De ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a fait ressortir que la société ne produisait pas le document prévu par l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale, et qui n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant, a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve ni modifier l'objet du litige, que la société ne justifiait pas du montant des réductions appliquées par elle. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à l'URSSAF du Languedoc-Roussillon la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | SECURITE SOCIALE - Cotisations | Il résulte de la combinaison des articles L. 241-13, VI, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, et D. 241-13 du même code, alors en vigueur, dont les dispositions ne sont pas d'application limitée aux contrôles effectués en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, que l'employeur qui décide de pratiquer, sur les cotisations versées aux organismes sociaux, les réductions et déductions prévues aux articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18 du même code, doit en justifier par la tenue et la production du document prévu par l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale précité |
|||||||||
JURITEXT000048581588 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581588.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 novembre 2023, 21-25.640 22-10.297 22-24.526, Publié au bulletin | 2023-11-30 00:00:00 | Cour de cassation | 22301225 | Cassation partielle | 21-25640 | oui | CHAMBRE_CIVILE_2 | 2021-11-09 | Cour d'appel de Nancy | Mme Martinel | SARL Le Prado - Gilbert, SCP Gury & Maitre, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C201225 | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1225 F-B Pourvois n° D 21-25.640 X 22-10.297 P 22-24.526 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023 I. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° 21-25.640 contre l'arrêt n° RG : 19/02573 rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [W] [O], veuve [I], domiciliée [Adresse 6], 2°/ à M. [M] [I], domicilié [Adresse 2], 3°/ à M. [Z] [I], domicilié [Adresse 5], 4°/ à M. [J] [I], domicilié [Adresse 1], 5°/ à M. [C] [I], domicilié [Adresse 2], tous cinq pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [N] [I], 6°/ à la société [9], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société [8], défendeurs à la cassation. II. La société [9], société par actions simplifiée, venant aux droits de la société [8], a formé le pourvoi n° 22-10.297 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [W] [O], 2°/ à M. [M] [I], 3°/ à M. [Z] [I], 4°/ à M. [J] [I], 5°/ à M. [C] [I], 6°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, défendeurs à la cassation. III. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle a formé le pourvoi n° 22-24.526 contre l'arrêt n° RG : 19/02573 rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), rectifié par l'arrêt n° RG : 22/01413 rendu le 25 octobre 2022 par cette même cour, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [W] [O], veuve [I], 2°/ à M. [M] [I], 3°/ à M. [Z] [I], 4°/ à M. [J] [I], domicilié [Adresse 4], 5°/ à M. [C] [I], tous cinq pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [N] [I], 6°/ à la société [9], société par actions simplifiée, venant aux droits de la société [8], défendeurs à la cassation. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, demanderesse au pourvoi n° 21-25.640, invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation. La société [9], venant aux droits de la société [8], demanderesse au pourvoi n° 22-10.297, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, demanderesse au pourvoi n° 22-24.526, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, de la SCP Gury & Maitre, avocat de la société [9], venant aux droits de la société [8], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [O], veuve [I], M. [M] [I], M. [Z] [I], M. [J] [I] et M. [C] [I], tous pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [N] [I], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-10.297, 21-25.640 et 22-24.526 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 novembre 2021, rectifié par l'arrêt du 25 octobre 2022), et les productions, par décision du 9 juin 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de la Meurthe-et-Moselle (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par [N] [I] (la victime), salarié de la société [8] (l'employeur), puis, par décision du 2 mars 2016, son décès survenu le 27 novembre 2015. 3. Le 27 février 2017, la veuve de la victime a adressé une nouvelle déclaration de maladie professionnelle, diagnostiquée en 2015, que la caisse a refusé de prendre en charge au motif que cette maladie est la même que celle déclarée le 19 janvier 2009, déjà indemnisée. 4. La veuve de la victime, et leurs quatre enfants, ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée en 2017 et de la faute inexcusable de l'employeur. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° 22-10.297, formé par l'employeur 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais, sur le premier moyen du pourvoi n° 21-25.640, dirigé contre l'arrêt du 9 novembre 2021, et sur le moyen du pourvoi n° 22-24.526 dirigé contre l'arrêt du 9 novembre 2021, rectifié par l'arrêt du 25 octobre 2022, formés par la caisse, qui sont similaires Enoncé du moyen 6. La caisse fait grief d'accueillir le recours, alors « que le juge ne peut se fonder sur un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, s'il n'est pas corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en se fondant exclusivement, sans référence aucune à un autre élément de preuve, sur le rapport du dr [K] établi sans que la Caisse ait été régulièrement appelée aux opérations d'expertise, pour dire que la maladie déclarée le 27 février 2017 était sans lien aucun avec la maladie déclarée le 19 janvier 2009, ensuite en reconnaître le caractère professionnel et enfin faire droit à l'action des consorts [I] en reconnaissance de la faute inexcusable, les juges du fond ont violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 7. Lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve. 8. Pour dire que la maladie déclarée le 27 février 2017 était distincte de la maladie déclarée le 19 janvier 2009, l'arrêt retient qu'il ressort des conclusions, claires et dépourvues d'ambiguïté, du rapport de l'expert désigné par la cour que le « cancer à petites cellules » décrit dans le certificat du docteur [L] établi le 14 février 2017 est différent de l'« adéno-carcinome squameux du lobe supérieur droit du poumon » ayant fait l'objet de la déclaration de maladie professionnelle du 19 janvier 2009, les deux affections n'ayant aucun lien entre elles. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel, alors que la caisse faisait valoir, sans être contredite, qu'elle n'avait pas été régulièrement convoquée aux opérations d'expertise, qui s'est fondée sur les seuls éléments d'une expertise judiciaire non contradictoire, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt reconnaissant le caractère professionnel de la maladie déclarée le 27 février 2017 entraîne la cassation des chefs de dispositif relatifs à la faute inexcusable et à ses conséquences, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° 21-25.640, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement rendu le 17 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Nancy et rejette la demande tendant à voir dire nulle l'expertise du docteur [K], l'arrêt rendu le 9 novembre 2021, entre les parties, rectifié par l'arrêt du 25 octobre 2022, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz. Condamne les consorts [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. | MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Expertise | ||||||||||
JURITEXT000048581716 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581716.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 décembre 2023, 21-25.554, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 12300666 | Cassation partielle | 21-25554 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2020-11-17 | Cour d'appel de Grenoble | Mme Champalaune | SCP Spinosi, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:C100666 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Cassation partielle Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 666 FS-B Pourvoi n° K 21-25.554 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 M. [K] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-25.554 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant à Mme [I] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [D], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Lion, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-26.337, Bull.), un jugement du 26 septembre 2008 a prononcé le divorce de M. [D] et de Mme [T], mariés sous le régime de la participation aux acquêts. 2. Des difficultés sont nées pour la liquidation de la créance de participation. Examen des moyens Sur le moyen unique du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui est irrecevable. Sur le second moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. M. [D] fait grief à l'arrêt de dire que la valeur des parts de la société Les Pléiades (la société) détenues par Mme [T] sera identique dans son patrimoine originaire et final, et de le condamner à payer à celle-ci la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, alors « que, à la dissolution du régime de participation aux acquêts, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l'autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final, étant précisé que les biens originaires sont estimés d'après leur état au jour du mariage ou de l'acquisition, et d'après leur valeur au jour où le régime matrimonial est liquidé, de sorte que pour évaluer les parts d'une SCI d'un époux dans son patrimoine originaire, il convient de tenir comptes des travaux effectués pendant le mariage dans l'immeuble qui ont modifié l'état du bien ; qu'en retenant que "si les travaux allégués ont été réalisés à l'aide des bénéfices non distribués de la SCI, ce qui correspond au fonctionnement normal d'une société, ils ne sont pas constitutifs d'acquêts", quand ces travaux devaient être pris en compte pour comparer la valeur des parts sociales dans le patrimoine originaire et dans le patrimoine final de Mme [T], la cour d'appel a violé les articles 1569 et 1571 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Ayant retenu que M. [D] ne justifiait pas de la nature et de l'importance des investissements prétendument effectués dans l'immeuble donné à bail à l'officine de pharmacie tenue par Mme [T] et qu'il ne démontrait pas plus que la société propriétaire de l'immeuble aurait réalisé des investissements dépassant ce qui était nécessaire au maintien de son activité et augmentant sa valeur, c'est dans l'exercice souverain de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve contradictoirement débattus que la cour d'appel en a déduit que la valeur des parts détenues par Mme [T] était la même pour l'estimation tant de son patrimoine originaire que de son patrimoine final. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 7. M. [D] fait grief à l'arrêt de dire que la valeur de l'officine de pharmacie de Mme [T] sera identique dans son patrimoine originaire et final, sans tenir compte d'une éventuelle incidence de l'industrie personnelle de l'épouse sur l'état du bien, et de le condamner à payer à celle-ci la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, alors « que, à la dissolution du régime de participation aux acquêts, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l'autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final, étant précisé que les biens originaires sont estimés d'après leur état au jour du mariage ou de l'acquisition, et d'après leur valeur au jour où le régime matrimonial est liquidé, ou s'ils ont été aliénés, leur valeur au jour de l'aliénation, de sorte que la plus value résultant de l'industrie de l'un des époux doit être prise en compte dans la comparaison des patrimoines originaire et final ; qu'en retenant, pour dire que la valeur de l'officine de pharmacie de Mme [T] sera identique dans son patrimoine originaire et final, dans la mesure où "la plus-value du bien n'est pas due à l'injection de capitaux au détriment des acquêts mais au travail personnel de l'époux considéré", au motif inopérant selon lequel "dans le régime de la communauté légale, les plus values des biens propres résultant de l'industrie personnelle de l'époux propriétaire ne donnent pas lieu à récompense au profit de la communauté", la cour d'appel a violé les articles 1569 et 1571 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1569, 1571 et 1574 du code civil : 8. Selon le premier de ces textes, pendant la durée du mariage, le régime de participation aux acquêts fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l'autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. 9. Selon les deux textes suivants, les biens compris dans le patrimoine originaire comme dans le patrimoine final sont estimés à la date de la liquidation du régime matrimonial, d'après leur état au jour du mariage ou de l'acquisition pour les biens originaires et d'après leur état à la date de la dissolution du régime pour les biens existants à cette date. 10. Il en résulte que lorsque l'état d'un bien a été amélioré, fût-ce par l'industrie personnelle d'un époux, il doit être estimé, dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l'époux propriétaire. 11. Pour dire que la valeur de l'officine de pharmacie est identique dans le patrimoine originaire et dans le patrimoine final de Mme [T], l'arrêt, après avoir constaté que la plus-value de l'officine de pharmacie de Mme [T] résultait de son activité déployée au cours du mariage et non de circonstances économiques fortuites ou d'investissements de fonds, énonce que si, dans le régime de participation aux acquêts, les plus-values volontaires consécutives à des investissements financiers effectués pendant le mariage sont considérés comme des acquêts, les plus-values résultant de l'industrie personnelle d'un époux ne doivent pas être prises en compte dans le calcul de la créance de participation, comme dans le régime de communauté où celles-ci ne donnent pas lieu à récompenses. Il en déduit qu'il ne doit pas être tenu compte de la plus-value de l'officine de pharmacie de Mme [T] dans le calcul de la créance de participation. 12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que, par son industrie personnelle, Mme [T] avait amélioré l'état du bien entre le jour du mariage et le jour de la dissolution du régime matrimonial, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la valeur de l'officine de pharmacie de Mme [T] sera identique dans son patrimoine originaire et son patrimoine final et condamne M. [D] à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 17 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | DIVORCE, SEPARATION DE CORPS | Selon l'article 1569 du code civil, pendant la durée du mariage, le régime de participation aux acquêts fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l'autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. Selon les articles 1571 et 1574 du code civil, les biens compris dans le patrimoine originaire comme dans le patrimoine final sont estimés à la date de la liquidation du régime matrimonial, d'après leur état au jour du mariage ou de l'acquisition pour les biens originaires et d'après leur état à la date de la dissolution du régime pour les biens existants à cette date. Il en résulte que lorsque l'état d'un bien a été amélioré, fût-ce par l'industrie personnelle d'un époux, il doit être estimé, dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l'époux propriétaire |
|||||||||
JURITEXT000048581718 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581718.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 décembre 2023, 18-25.557, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 12300667 | Cassation partielle | 18-25557 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2018-09-20 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Champalaune | SCP Marlange et de La Burgade, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, Me Laurent Goldman, SCP Le Bret-Desaché | ECLI:FR:CCASS:2023:C100667 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Cassation partielle Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 667 FS-B Pourvoi n° B 18-25.557 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 M. [T] [O], domicilié, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 18-25.557 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre civile A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [F] [E], domicilié [Adresse 4], 2°/ à Mme [G] [Y], épouse [J], domiciliée [Adresse 3], 3°/ à la société les Mimosas, société civile immobilière (SCI), dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, 4°/ à Mme [L] [K], épouse [U], domiciliée AM Driesch [Localité 5] (Allemagne), 5°/ à la société Not@zur, société civile professionnelle (SCP), dont le siège est [Adresse 1], notaires associés, successeur de la société Giannini Caramagnol Combe Ghio Peron, société civile professionelle (SCP), prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [O], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Not@zur, de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [K], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [E], Mme [Y] et de la société les Mimosas, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, M. Buat-Ménard, Mme Lion, Mme Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 septembre 2018), [A] [O] est décédé le 13 août 2008, en laissant pour lui succéder ses deux fils, issus de deux premières unions, M. [C] [O], qui a renoncé à la succession, et M. [T] [O]. 2. Un jugement du 3 février 2004 avait placé [A] [O] sous tutelle et désigné M. [T] [O] en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire. 3. Par actes des 19 décembre 2012, 3, 31 janvier et 12 juillet 2013, celui-ci a assigné M. [E], Mme [U], fille d'une précédente union de la troisième épouse séparée de biens de [A] [O], [R] [X], prédécédée, la société Les Mimosas, prise en la personne de son représentant légal (la société) et la société Combe, Carrier, Cottarelk, Jurion, Giannini, Caramagnol, devenue la société Not@zur (la société notariale) aux fins d'annulation de divers actes notariés conclus par son père, soit une vente immobilière du 22 novembre 2001 au profit de M. [E], un partage du 6 septembre 2002 de divers biens indivis avec [R] [X] et une vente immobilière du 18 octobre 2002 au profit de la société, ainsi que d'une donation consentie le 21 octobre 2002 par [R] [X] à Mme [U], portant sur des biens immobiliers servant au logement de la famille qui lui avaient été attribués lors du partage, et à laquelle [A] [O] était intervenu. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. M. [T] [O] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes en nullité des actes des 22 novembre 2001, 6 septembre 2002, 18 et 21 octobre 2002, alors « que le délai de prescription de l'action exercée par les héritiers d'un majeur sous tutelle, en nullité des actes passés par celui-ci avant son placement sous tutelle, ne court contre les héritiers de l'incapable que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant ; que la prescription ne court pas contre les majeurs en tutelle ; qu'en affirmant néanmoins que le délai de prescription des actions en nullité exercées par M. [T] [O], en sa qualité d'héritier de M. [A] [O], avait commencé à courir lorsque la mesure de tutelle avait été ouverte par le jugement du 3 février 2004, et que ces actions, engagées plus de cinq ans après la mise sous tutelle de M. [A] [O] étaient donc atteintes par la prescription, quand aucune prescription n'avait pu courir à compter du jugement décidant la mise sous tutelle de M. [A] [O], cette mesure s'étant au demeurant poursuivie jusqu'à son décès, la cour d'appel a violé les articles 489 et 489-1 du code civil, ensemble les articles 1304 et 2252 du même code, dans leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles 489, 489-1 et 1304, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, et l'article 2252 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : 5. L'action en nullité d'un acte à titre onéreux pour insanité d'esprit intentée par un héritier sur le fondement du deuxième de ces textes est celle qui existait dans le patrimoine du défunt sur le fondement du premier et doit être soumise à la même prescription. 6. Selon le dernier de ces textes, la prescription extinctive ne court pas contre les majeurs en tutelle. 7. Pour déclarer irrecevables les demandes en annulation des actes des 22 novembre 2001, 6 septembre et 18 octobre 2002, l'arrêt retient que la prescription a commencé à courir avant le décès de [A] [O], lorsque la mesure de tutelle a été ouverte par jugement du 3 février 2004, dès lors qu'à compter de cette date, M. [T] [O], qui n'ignorait ni l'état de démence sénile dont son père était atteint, ni les actes faits par celui-ci, pouvait, en sa qualité d'administrateur légal du majeur protégé, agir en annulation des actes précités. 8. En statuant ainsi, alors que la prescription n'avait pu courir à l'encontre de [A] [O], majeur en tutelle, de sorte que M. [T] [O], qui agissait en annulation des actes litigieux en sa qualité d'ayant droit de [A] [O], ne pouvait se voir opposer l'écoulement du délai de prescription à compter du jugement de tutelle jusqu'au décès, peu important l'action qu'il aurait pu exercer durant la mesure de protection en sa qualité de représentant légal, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 9. M. [T] [O] fait le même grief à l'arrêt, alors « que tout jugement doit être motivé ; que M. [T] [O] sollicitait notamment la nullité des actes litigieux sur le fondement de l'article 503 du code civil, aux termes duquel les actes antérieurs au jugement d'ouverture de la tutelle à l'égard de leur auteur peuvent être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits ; qu'en déclarant irrecevables les actions en nullité formées par M. [T] [O], sans répondre à ses conclusions fondées sur ces dispositions spécifiques, applicables aux faits de la cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 11. Pour déclarer irrecevables les demandes en annulation des actes des 22 novembre 2001, 6 septembre et 18 octobre 2002, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions des articles 489, 489-1 et 1109 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause, retient que l'action engagée par M. [T] [O], fondée tant sur l'insanité d'esprit de [A] [O] que sur le dol dont celui-ci aurait été victime, est prescrite. 12. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [T] [O] qui fondait sa demande, non seulement sur les dispositions des articles 489, 489-1 et 1109 anciens du code civil, mais également sur celles de l'article 503 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 13. M. [T] [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts contre la société notariale, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, dans ses conclusions, M. [T] [O] exposait que les notaires ne pouvaient que se convaincre de l'état de vulnérabilité et de l'insanité d'esprit de M. [A] [O], au moment de la signature des actes litigieux en 2001 et 2002, en se fondant sur de nombreux éléments du dossier médical de M. [A] [O], ainsi que sur des comptes-rendus d'audition de l'enquête pénale et des attestations et sur le jugement rendu le 20 octobre 2011 par le tribunal correctionnel de Draguignan ; qu'en se bornant, pour débouter M. [T] [O] de sa demande contre les notaires, à analyser le seul rapport du docteur [P], expert désigné dans le cadre de l'instruction pénale, qui avait, au demeurant, conclu que [A] [O] présentait, dès décembre 2001, une détérioration de ses capacités physiques et intellectuelles, pour affirmer qu'il ne pouvait être reproché au notaire de n'avoir pas, lors de l'établissement de l'acte de partage du 6 septembre 2002, décelé la faiblesse psychique dont il se trouvait atteint, sans examiner, même succinctement, tous les autres éléments de preuve concordants susvisés, invoqués par M. [T] [O], la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 14. Il résulte de ce texte que le juge doit procéder à l'examen, même sommaire, des pièces produites par les parties. 15. Pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts formée par M. [T] [O] contre la société notariale, l'arrêt retient que si le médecin-expert désigné pendant l'information judiciaire a conclu que [A] [O] présentait, dès le mois de décembre 2001, une détérioration de ses capacités physiques et intellectuelles, il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir décelé la faiblesse psychique dont celui-ci se trouvait atteint, lors de l'établissement de l'acte de partage du 6 septembre 2002. 16. En statuant ainsi, par simple affirmation, sans examiner, même sommairement, les autres pièces médicales, les pièces pénales et les attestations produites par M. [T] [O], la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant irrecevables les demandes en annulation des actes des 22 novembre 2001, 6 septembre 2002 et 18 octobre 2002 entraîne la cassation du chef de dispositif déclarant irrecevable la demande en nullité de l'acte du 21 octobre 2002 qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. Mise hors de cause 18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société notariale, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes en nullité des actes des 22 novembre 2001, 6 septembre 2002, 18 octobre 2002 et 21 octobre 2002, en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts formée par M. [T] [O] contre la société Giannini, Caramagnol, Combe, Ghio et Peron, devenue la société Not@zur et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Not@zur ; Condamne in solidum Mme [U], la société Les Mimosas, Mme [J], M. [E] et la société Not@zur aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [U], la société Les Mimosas, Mme [J], M. [E] et la société Not@zur et les condamne in solidum à payer à M. [T] [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | MAJEUR PROTEGE | Il résulte des articles 489, 489-1 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, que l'action en nullité d'un acte à titre onéreux pour insanité d'esprit intentée par un héritier sur le fondement du deuxième de ces textes est celle qui existait dans le patrimoine du défunt sur le fondement du premier et doit être soumise à la même prescription. Selon l'article 2252 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la prescription extinctive ne court pas contre les majeurs en tutelle. Viole les dispositions de ces textes la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes en annulation d'actes à titre onéreux formées, après le décès de leur auteur, par l'ayant de droit de celui-ci, retient que la prescription a commencé à courir dès le placement sous tutelle de l'auteur des actes, dès lors qu'à cette date, le demandeur était, en sa qualité de tuteur, en mesure d'agir, alors que la prescription n'avait pu courir à l'encontre du majeur en tutelle, de sorte que le demandeur, agissant en qualité d'hériter, ne pouvait se voir opposer l'écoulement du délai de prescription à compter du jugement de tutelle jusqu'au décès |
|||||||||
JURITEXT000048581782 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581782.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 22-20.257, Publié au bulletin | 2023-12-14 00:00:00 | Cour de cassation | 32300824 | Cassation partielle | 22-20257 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-06-16 | Cour d'appel de Caen | Mme Teiller (président) | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:C300824 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 824 FS-B Pourvoi n° Y 22-20.257 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023 1°/ M. [D] [V], domicilié [Adresse 2], 2°/ Mme [U] [V], épouse [R], domiciliée [Adresse 5], 3°/ Mme [Z] [V], épouse [L], domiciliée [Adresse 3], 4°/ M. [M] [V], domicilié [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° Y 22-20.257 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale et baux ruraux), dans le litige les opposant à M. [A] [O], domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [B] [V], Mme [U] [V] et de M. [M] [V], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [O], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 juin 2022), par acte du 2 décembre 2005, [F] [V], aux droits duquel viennent MM. [D] et [M] [V], Mmes [Z] et [U] [V] (les bailleurs), a donné à bail rural à M. [O] (le preneur) des parcelles. 2. Le 21 août 2020, invoquant notamment la suppression de haies implantées sur les parcelles, réalisée par le preneur sans leur accord, les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et en remise en état des lieux. Examen des moyens Sur le premier moyen, le troisième moyen et le quatrième moyen, pris en sa troisième branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. Les bailleurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de remise en état des haies et des bornes, alors : « 1°/ que tout créancier d'une obligation peut en poursuivre l'exécution en nature, et le preneur doit répondre des dégradations qui arrivent pendant sa jouissance ; qu'en l'espèce, les consorts [V] demandaient la condamnation de M. [O] à remettre en état des haies arasées sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6] et à réimplanter des bornes sur la même parcelle ; qu'en rejetant ces demandes au seul motif que le bail conclu avec M. [O] est toujours en cours, quand cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le bailleur demande et obtienne la remise en état par le preneur d'un terrain qui, donné à bail, avait subi des dégradations, la cour d'appel a violé les articles 1221 et 1732 du code civil, ensemble l'article L. 411-28 du code rural et de la pêche maritime ; 2°/ que le droit du bailleur d'obtenir, en fin de bail, une indemnité égale au montant du préjudice subi s'il apparaît une dégradation du bien loué n'exclut pas qu'il puisse obtenir, en cours de bail, la remise en état des lieux loués lorsqu'il est constaté qu'ils ont été dégradés ; qu'en l'espèce, la cour a elle-même constaté que le bail entre les consorts [V] et M. [O] est toujours en cours ; qu'en rejetant la demande des consorts [V] tendant à obtenir la remise en état des haies arasées sans autorisation des bailleurs et la réimplantation des bornes sur la parcelle louée au seul motif qu'ils pourront prétendre, à l'expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 411-72 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 411-28 du code rural et de la pêche maritime, pendant la durée du bail et sous réserve de l'accord du bailleur, le preneur peut, pour réunir et grouper plusieurs parcelles attenantes, faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres qui les séparent ou les morcellent, lorsque ces opérations ont pour conséquence d'améliorer les conditions de l'exploitation. Le bailleur dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer à la réalisation des travaux, à compter de la date de l'avis de réception de la lettre recommandée envoyée par le preneur. Passé ce délai, l'absence de réponse écrite du bailleur vaut accord. 6. Aux termes de l'article L. 411-72 de ce code, s'il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi. 7. Il en résulte que, si des travaux ont été réalisés par le preneur en violation des dispositions de l'article L. 411-28 susmentionné et ont entraîné une dégradation du fonds, le bailleur ne peut réclamer, en cours d'exécution du bail, la condamnation du preneur à remettre en état les lieux. Il peut cependant demander, à l'expiration du bail, l'allocation d'une indemnité dans les conditions de l'article L. 411-72 précité. 8. Dès lors, après avoir constaté que le bail était toujours en cours, la cour d'appel a, à bon droit, retenu qu'il ne pouvait y avoir de condamnation relative à des remises en état. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. Les bailleurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en résiliation du bail du fait de l'arrachage des haies, alors « que le renouvellement du bail par le seul effet de la loi, en l'absence de congé, ne prive pas le bailleur de la possibilité de demander sa résiliation pour des manquements du fermier antérieurs à ce renouvellement si les effets de ces manquements se sont poursuivis au cours du bail renouvelé ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter la demande de résiliation du bail, qu'il n'est ni soutenu ni justifié que l'arrachage par le preneur, sans autorisation ni notification aux bailleurs, des haies implantées sur la parcelle louée, aurait entraîné des conséquences révélées au cours du nouveau bail, quand suffit que les effets de ces manquements se soient poursuivis au cours du bail renouvelé pour permettre au bailleur de demander la résiliation du bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-28 et L. 411-50 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 411-28, L. 411-31, I, 2°, et L. 411-50 du code rural et de la pêche maritime : 11. Selon le premier de ces textes, pendant la durée du bail et sous réserve de l'accord du bailleur, le preneur peut, pour réunir et grouper plusieurs parcelles attenantes, faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres qui les séparent ou les morcellent, lorsque ces opérations ont pour conséquence d'améliorer les conditions de l'exploitation. Le bailleur dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer à la réalisation des travaux, à compter de la date de l'avis de réception de la lettre recommandée envoyée par le preneur. Passé ce délai, l'absence de réponse écrite du bailleur vaut accord. 12. Selon le deuxième, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. 13. Selon le dernier, à défaut de congé, le bail est renouvelé pour une durée de neuf ans et, sauf conventions contraires, aux clauses et conditions du bail précédent. 14. Il s'en déduit que le renouvellement du bail ne prive pas le bailleur de la possibilité d'en demander la résiliation, sur le fondement de l'article L. 411-31, I, 2°, précité, lorsque les effets sur la bonne exploitation du fonds d'agissements du fermier, même antérieurs à ce renouvellement, se sont produits ou prolongés au cours du bail renouvelé. 15. Pour rejeter la demande en résiliation du bail, l'arrêt constate, d'abord, que le bailleur reprochait dès 2010 au preneur l'arrachage des haies et retient, ensuite, que le bailleur ne peut se prévaloir de ce motif, antérieur au renouvellement du 15 décembre 2014, pour demander la résiliation du bail renouvelé. Il ajoute, enfin, qu'il n'est aucunement soutenu, ni de surcroît justifié, que les faits reprochés, à savoir l'arrachage des haies, auraient eu des conséquences révélées au cours du nouveau bail. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en résiliation du bail du fait de l'arrachage des haies, l'arrêt rendu le 16 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ; Condamne M. [O] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [O] à payer à MM. [D] et [M] [V], Mmes [Z] et [U] [V] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL | ||||||||||
JURITEXT000048581784 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581784.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 21-21.964, Publié au bulletin | 2023-12-14 00:00:00 | Cour de cassation | 32300825 | Cassation | 21-21964 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-06-15 | Cour d'appel de Paris | Mme Teiller (président) | SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SARL Delvolvé et Trichet | ECLI:FR:CCASS:2023:C300825 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2023 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 825 FS-B Pourvoi n° G 21-21.964 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023 M. [T] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-21.964 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [R], 2°/ à Mme [O] [V], épouse [R], domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [Y], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [R], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Cathala, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2021), la société civile immobilière La Charonaise, aux droits de laquelle sont venus M. et Mme [R] (les bailleurs), a, le 7 décembre 1976, donné en location à M. [Y] (le locataire) un logement de deux pièces, puis, le 20 novembre 1980, un débarras situé sur le même palier, qui ont été réunis. 2. Après avoir délivré au locataire un congé avec dénégation du droit au maintien dans les lieux fondée sur le fait qu'un autre local répondant à ses besoins était à sa disposition, les bailleurs l'ont assigné en résiliation des baux, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 3. Le locataire fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation des baux et d'ordonner son expulsion, alors « que le locataire ne peut être déchu de son droit au maintien dans les lieux si le local dont il dispose ne répond pas, à l'instar du logement dont il est locataire, à son besoin d'occupation d'un logement décent ; qu'en l'espèce, M. [Y] faisait valoir que le studio dont il est propriétaire ne répondait pas à ses besoins dès lors que la superficie de son unique pièce (8,40 m²) ne répondait pas aux normes de décence prévue par l'article 4 du décret du 30 janvier 2002 ; qu'en affirmant toutefois qu'il n'y avait pas lieu de s'interroger sur la conformité du studio dont M. [Y] est propriétaire aux normes de décence prévues par le décret du 30 janvier 2002 dès lors que ce texte a pour seul but de protéger les locataires et non les propriétaires d'un bien qui ne répondrait pas à ces normes, la cour d'appel a violé l'article 10-9° de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 ensemble, par refus d'application, l'article 4 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles 1719 du code civil, 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans leur rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, applicable au litige, et 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. 5. Ces dispositions, dont l'objet est de préciser le contenu de l'obligation de délivrance du bailleur, sont applicables aux seuls logements objet d'un bail d'habitation. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. Le locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que ne répond pas aux besoins du locataire le local dont l'occupation lui imposerait un changement profond dans ses conditions d'existence ; qu'en s'abstenant de rechercher en l'espèce si l'installation de M. [Y] dans le studio dont il est propriétaire n'était pas de nature à lui imposer un changement profond dans ses conditions d'existence en le privant de son lieu de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10-9° de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 9. Pour prononcer la résiliation des baux, l'arrêt retient que le local que possède le locataire et qui lui sert de bureau, d'une surface totale de 13,20 m², dispose d'une cuisinette et d'un cabinet de toilette avec douche et water-closet, qu'il suffirait d'un meilleur aménagement de ce local pour pouvoir y habiter et que le fait pour le locataire de ne pouvoir y recevoir ses enfants majeurs qui ne vivent pas avec lui ne fait pas obstacle à la déchéance du droit au maintien dans les lieux. 10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [Y] qui soutenait utiliser le studio dont il était propriétaire pour son activité professionnelle d'écrivain, éditeur et enseignant et qu'il ne pourrait à la fois y vivre et y exercer son métier, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. et Mme [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [R] et les condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois. | BAIL D'HABITATION | ||||||||||
JURITEXT000048581786 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581786.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 22-15.598, Publié au bulletin | 2023-12-14 00:00:00 | Cour de cassation | 32300826 | Cassation partielle | 22-15598 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-11-16 | Cour d'appel de Poitiers | Mme Teiller (président) | SARL Delvolvé et Trichet, Me Bertrand | ECLI:FR:CCASS:2023:C300826 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 826 FS-B Pourvoi n° J 22-15.598 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023 La coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon (CUMA), dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 22-15.598 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2021 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [L] [X], 2°/ à Mme [L] [X], 3°/ à M. [H] [X], domiciliés tous deux [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon, de Me Bertrand, avocat de la société Actis mandataires judiciaires, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon (la CUMA) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [H] [X]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 16 novembre 2021), Mme [N], agricultrice, adhérente de la CUMA, a été placée en liquidation judiciaire et la société Actis a été désignée comme mandataire-liquidateur. 3. Par ordonnance du 24 juillet 2020, le juge-commissaire a retenu que la connexité n'était pas établie entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès de la coopérative, et rejeté la demande de compensation formée à ce titre. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. La CUMA fait grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à ce que soient constatées la connexité et la compensation entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès d'elle, alors « que la Coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon - Cuma se prévalait de la nature des créances réciproques des parties pour conclure à leur connexité, précisant à cet égard que les parts sociales détenues par Mme [X] correspondaient à des fractions d'équipements et de matériels agricoles et que la facture dont le paiement par compensation était poursuivi correspondait précisément à l'utilisation de ces équipements et matériels agricoles pour lesquels Mme [X] détenait des parts sociales ; que, pour écarter la connexité des créances invoquées, la cour d'appel a retenu que « s'il est exact que la coopérative aux termes de l'article 12, présente un capital social variable, réparti entre les associés coopérateurs comme égal à 52 % du montant du chiffre d'affaires estimé à la souscription sur la base du bulletin d'engagement, il n'en résulte pas, contrairement à ce qu'elle soutient, un lien direct entre le contrat de société et les obligations de l'associé au titre des prestations réalisées, dès lors qu'elles ne sont pas défraies à titre d'avances de trésorerie ou encore de répartition du fonctionnement des achats ; au contraire, l'obligation de paiement des prestations fournies par la coopérative n'est pas prévue au titre de l'apurement des comptes résultant de la cessation des droits d'associés, et d'autre part le remboursement des parts intervient au terme de l'adhésion à hauteur de leur valeur nominale, telle que définie ci-dessus, et réduit à due concurrence de la contribution de l'associé aux pertes inscrites au bilan lorsque celles-ci sont supérieures aux réserves. Il en résulte qu'il n'est défini aucune interdépendance entre ces deux contrats » ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la nature des créances réciproques des parties, ayant trait au remboursement de parts sociales afférentes à du matériel agricole et dans la dépendance de la facturation de l'utilisation de ce même matériel, ne révélait pas leur lien de connexité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 622-7 du code de commerce et L. 521-3 du code rural et de la pêche maritime : 5. Aux termes du premier de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. 6. Selon le second, ne peuvent prétendre à la qualité et à la dénomination de coopérative que les coopératives dont les statuts prévoient l'obligation pour chaque coopérateur d'utiliser tout ou partie des services de la société pour une durée déterminée, et corrélativement, de souscrire une quote-part du capital en fonction de cet engagement d'activité. 7. Pour rejeter la demande tendant à ce que soient constatées la connexité et la compensation entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès de la coopérative, l'arrêt retient, après avoir relevé que la coopérative présentait un capital social variable, réparti entre les associés coopérateurs comme égal à 52 % du montant du chiffre d'affaires estimé à la souscription sur la base du bulletin d'engagement, qu'il n'en résultait pas un lien direct entre le contrat de société et les obligations de l'associé au titre des prestations réalisées, dès lors que celles-ci n'étaient pas définies à titre d'avances de trésorerie ou encore de répartition du fonctionnement des achats. 8. Il énonce, ensuite, que l'obligation de paiement des prestations fournies par la coopérative n'est pas prévue au titre de l'apurement des comptes résultant de la cessation des droits d'associés, et, enfin, que le remboursement des parts intervient au terme de l'adhésion à hauteur de leur valeur nominale, et se trouve réduit à due concurrence de la contribution de l'associé aux pertes inscrites au bilan lorsque celles-ci sont supérieures aux réserves. 9. En statuant ainsi, alors que la contribution au capital social donne le droit d'utiliser un matériel déterminé et que la facturation rémunère son temps d'utilisation, de sorte que la dette de la coopérative liée au remboursement des parts sociales et la créance souscrite par le coopérateur auprès de la coopérative pour l'utilisation du matériel sont connexes, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de compensation de la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon, l'arrêt rendu le 16 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ; Condamne la société Actis mandataires judiciaires aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Actis en qualité de mandataire liquidateur de Mme [N] à payer à la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE COOPERATIVE | ||||||||||
JURITEXT000048581788 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581788.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 22-16.751, Publié au bulletin | 2023-12-14 00:00:00 | Cour de cassation | 32300827 | Rejet | 22-16751 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-03-24 | Cour d'appel de Chambéry | Mme Teiller (président) | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix | ECLI:FR:CCASS:2023:C300827 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 827 FS-B Pourvoi n° N 22-16.751 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023 Mme [E] [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-16.751 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Domaine Bouvet, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [B], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Domaine Bouvet, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Cathala, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 mars 2022), par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 juin 2019, retournée avec la mention « pli avisé et non réclamé », Mme [B] (la bailleresse), propriétaire de parcelles de vigne données à bail à la société civile d'exploitation agricole Domaine Bouvet (la preneuse), a mis en demeure cette dernière de payer les fermages dus au titre des années 2016 à 2018. 2. Par requête du 16 décembre 2019, elle a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail, en expulsion et en paiement des fermages. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résiliation du bail et ses demandes subséquentes, alors : « 1°/ que les juges du fond, qui doivent en toutes circonstances faire observer et observer eux-mêmes le principe du contradictoire, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen qu'ils ont relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [B] de sa demande en résiliation du bail rural faute de justifier d'une mise en demeure notifiée ou signifiée à la Scea Domaine Bouvet ou à son gérant, la cour d'appel a retenu qu'il résulte des dispositions des articles 668 et 669 du code de procédure civile que la date de la réception d'une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle qui est apposée par l'administration de la poste lors de la remise à son destinataire, qu'en conséquence Mme [B] n'est pas fondée à soutenir que la lettre recommandée du 27 juin 2019, que la Scea Domaine Bouvet n'a pas retirée, vaut mise en demeure ; qu'en fondant sa décision sur un tel moyen, sans inviter au préalable les parties à présenter des observations, quand aucune des parties ne l'avait invoqué dans ses conclusions soutenues à l'audience, la Scea Domaine Bouvet, qui y avait seul intérêt, n'ayant pas même évoqué cette première mise en demeure, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en toute hypothèse, il incombe au destinataire, régulièrement avisé, d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception d'aller la retirer à la Poste ; qu'il s'ensuit que la mise en demeure de payer des fermages, prévue au 1° du I de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, étant faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est valablement délivrée et réputée faite à domicile ou à résidence dès lors qu'elle a été adressée au siège social du preneur, personne morale, qui en a été avisé mais n'a rien fait pour la retirer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme [B] justifiait avoir envoyé à la Scea Domaine Bouvet un courrier du 26 juin 2019 contenant mise en demeure de payer plusieurs termes de fermage sous peine de résiliation de son bail, ce par lettre recommandée du 27 juin 2019 adressée à son siège social à [Localité 1] ; qu'en retenant néanmoins, pour débouter Mme [B] de sa demande en résiliation du bail rural, qu'elle ne justifierait pas d'une mise en demeure notifiée ou signifiée à la Scea Domaine Bouvet ou à son gérant, la lettre recommandée du 27 juin 2019, qui n'avait pu être distribuée lors de sa présentation par les services postaux le 28 juin 2019, n'ayant pas été retirée par la Scea Domaine Bouvet, ne pouvant valoir mise en demeure, quand elle avait elle-même constaté que la Scea Domain Bouvet n'avait entrepris aucune démarche pour prendre connaissance du courrier recommandé qui lui avait été régulièrement adressé à son siège social, la cour d'appel a violé les article L. 411-31 et R. 411-10 du code rural et de la pêche maritime ensemble les articles 668 et 669 du code de procédure civile ; 3°/ que le principe de bonne foi et de loyauté implique qu'une partie à un contrat, destinataire d'un courrier recommandé avec avis de réception expédié par son cocontractant, ne puisse se plaindre de ne pas avoir reçu une notification dès lors qu'il n'a pris aucune mesure lui permettant de prendre connaissance de la notification adressée par son cocontractant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme [B] justifiait avoir envoyé à la Scea Domaine Bouvet un courrier du 26 juin 2019 contenant mise en demeure de payer plusieurs termes de fermage sous peine de résiliation de son bail, ce par lettre recommandée du 27 juin 2019 adressée à son siège social à [Localité 1], que cette lettre recommandée n'a pu être distribuée lors de sa présentation par les services postaux le 28 juin 2019 et que la Scea Domaine Bouvet ne l'a pas retirée ; qu'en retenant, pour débouter Mme [B] de sa demande en résiliation pour défaut de paiement du fermage, que celle-ci ne pourrait se prévaloir de la mise en demeure envoyée par courrier recommandé du 27 juin 2019 quand il ressortait de ses propres constatations que la Scea Domaine Bouvet, régulièrement avisée de ce courrier et qui n'alléguait aucune cause justifiant son inaction, ne l'avait pas retiré à la Poste, la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1104 du code civil ensemble les articles L. 411-31 et R. 411-10 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur, ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance, cette mise en demeure devant, à peine de nullité, rappeler les termes de ce texte. 5. Selon l'article R. 411-10 du même code, la mise en demeure prévue au 1° du I de l'article L. 411-31 précité est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. 6. Il en résulte que cette mise en demeure, qui constitue un acte préalable obligatoire à l'exercice d'une action en résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages, a une nature contentieuse. 7. La cour d'appel, qui a constaté que la lettre recommandée du 26 juin 2019 n'avait pas été retirée, en a, à bon droit, déduit, sans violer le principe de la contradiction, ni méconnaître l'exigence de bonne foi posée par l'article 1104 du code civil, que les articles 668 et 669 du code de procédure civile trouvaient application et que la lettre ne valait pas mise en demeure. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [B] et la condamne à payer à la société civile d'exploitation agricole Domaine Bouvet la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois. | BAIL RURAL | ||||||||||
JURITEXT000048581790 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581790.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 22-23.267, Publié au bulletin | 2023-12-14 00:00:00 | Cour de cassation | 32300828 | Cassation partielle | 22-23267 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2022-02-24 | Cour d'appel d'Aix en Provence | Mme Teiller (président) | Me Soltner | ECLI:FR:CCASS:2023:C300828 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 828 FS-B Pourvoi n° V 22-23.267 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [M]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 3 novembre 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023 Mme [U] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-23.267 contre l'arrêt rendu le 24 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant à la société Amphora, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de Mme [M], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 février 2022), la société civile immobilière Amphora (la bailleresse), propriétaire d'un logement donné à bail à Mme [M] (la locataire), bénéficiait du versement direct de l'allocation de logement auquel la locataire avait droit. 2. Arguant de l'indécence du logement, la locataire a assigné la bailleresse en exécution de travaux, suspension du paiement des loyers et indemnisation de son préjudice de jouissance. 3. La bailleresse a formé une demande reconventionnelle en paiement d'un arriéré de loyers. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre de l'arriéré de loyers, incluant le montant de l'allocation de logement retenu par l'organisme payeur, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 843-1 et L. 843-2 du code de la construction et de l'habitation et 7, a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs que lorsque la caisse d'allocations familiales constate que le logement ne satisfait pas aux critères de décence énoncés à l'article L. 822-9 du code de la construction et de l'habitation et met en oeuvre la procédure de conservation de l'allocation de logement, le locataire n'est tenu que du paiement du loyer et des charges récupérables diminué du montant des allocations logement conservé par l'organisme payeur sans que ce paiement partiel du loyer puisse être considéré comme un défaut de paiement du locataire ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions en appel, Mme [M] faisait valoir que son arriéré locatif s'élevait non pas à 2 339,60 euros mais à 698 euros en raison de ce que les allocations retenues par la CAF depuis la notification dudit constat de non décence en avril 2021 n'ont pas à être imputées" aux sommes qu'elle devait ; qu'elle produisait le dernier décompte de la société Amphora en date du 1er juillet 2021 qui établissait que la somme de 2 339,60 euros réclamée à titre d'arriéré locatif incluait des sommes correspondant aux allocations logement conservées par la caisse d'allocations familiales ; qu'en se contentant de juger que les sommes retenues par la caisse d'allocations familiales seraient versées au bailleur si la situation évolue" mais qu'il n'en restait pas moins qu'à la date du dernier décompte produit par l'appelante, celle-ci est débitrice envers la SCI Amphora de la somme de 2 339,60 euros, tel que l'a justement décidé le premier juge" sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce décompte n'incluait pas des sommes conservées par la caisse d'allocations familiales en raison du constat de l'indécence du logement et pour lesquelles le locataire ne pouvait pas être considéré en défaut de paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 822-9, L. 842-1, L. 843-1 et L. 843-2 du code de la construction et de l'habitation et 7, a), de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 : 5. Selon le premier de ces textes, pour ouvrir droit à une aide personnelle au logement, le logement doit répondre à des exigences de décence définies en application des deux premiers alinéas de l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. 6. Selon le deuxième, l'allocation de logement est versée, sur sa demande, au bailleur. Elle ne peut l'être que si le logement répond aux exigences prévues aux articles L. 822-9 et L. 822-10 du code de la construction et de l'habitation. 7. Il résulte des dispositions combinées des deux suivants que, lorsque l'organisme payeur constate que le logement ne remplit pas les conditions requises pour être qualifié de décent, il conserve l'allocation de logement jusqu'à sa mise en conformité dans un délai au cours duquel le locataire s'acquitte du montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des allocations de logement, sans que cette diminution puisse fonder une action du propriétaire à son encontre pour obtenir la résiliation du bail. A défaut de mise en conformité, le montant de l'allocation de logement n'est pas récupéré par le propriétaire, lequel ne peut demander au locataire le paiement de la part de loyer non perçue correspondant au montant de l'allocation conservé. 8. Selon le dernier, le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l'article L. 843-1 du code de la construction et de l'habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire. 9. Ainsi, lorsque l'organisme payeur fait application de la procédure de conservation des allocations de logement pour non-décence du logement, laquelle relève, en cas de recours, de la compétence du juge administratif en application de l'article L. 825-1 du code de la construction et de l'habitation, le propriétaire ne peut exiger du locataire que le paiement du montant du loyer et des charges récupérables, diminué du montant des allocations de logement. 10. Pour condamner la locataire au paiement de l'intégralité de l'arriéré locatif, l'arrêt relève que, si la dette locative était de 908 euros au 7 novembre 2020, elle s'établit à 2 339,60 euros au 1er juillet 2021 du fait de l'arrêt des versements de l'allocation de logement par la caisse d'allocations familiales en raison de l'indécence supposée du logement. 11. L'arrêt énonce que ces sommes non versées sont retenues par la caisse d'allocations familiales, et que si la situation évolue et permet le versement de l'allocation de logement, le bailleur aura l'obligation de déduire le montant qui lui sera alors versé du montant dû par la locataire. 12. L'arrêt retient, en conséquence, qu'à la date du dernier décompte produit, Mme [M] est débitrice de la somme de 2 339,60 euros. 13. En statuant ainsi, alors qu'il lui revenait de déduire de la somme réclamée par le bailleur celle correspondant au montant des allocations de logement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [M] à payer à la société civile immobilière Amphora la somme de 2 339,60 euros, l'arrêt rendu le 24 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société civile immobilière Amphora aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société civile immobilière Amphora à payer à Me Benoît Soltner la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois. | BAIL D'HABITATION | ||||||||||
JURITEXT000048581792 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581792.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 22-11.505, Publié au bulletin | 2023-12-14 00:00:00 | Cour de cassation | 32300829 | Cassation | 22-11505 | oui | CHAMBRE_CIVILE_3 | 2021-12-06 | Cour d'appel d'Orléans | Mme Teiller (président) | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:C300829 | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2023 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 829 FS-B Pourvoi n° K 22-11.505 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023 La société Le Buisson aux bois, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-11.505 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Centre (SAFER), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société de la Rose et de la basse-cour, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Le Buisson aux bois, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la SAFER du Centre, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Cathala, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 6 décembre 2021), informée du projet de vente d'un fonds agricole par la société civile immobilière de la Rose et de la basse-cour (la venderesse) à la société civile immobilière Le Buisson aux bois (l'acquéreur évincé), la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Centre (la SAFER) a notifié, le 24 novembre 2006, son intention de préempter. 2. Par acte du 27 mai 2016, la venderesse et l'acquéreur évincé l'ont mise en demeure de réaliser, sous quinze jours, l'acte de vente authentique. 3. Par acte du 30 janvier 2017, ils l'ont assignée en nullité de sa déclaration de préemption et en indemnisation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'acquéreur évincé fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en nullité, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action en nullité de la déclaration de préemption ne pouvant être engagée qu'après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, le point de départ de l'action en nullité de la déclaration de préemption de la SAFER est constitué par l'envoi de la mise en demeure de réaliser l'acte de vente authentique à la SAFER ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action en nullité de la déclaration de préemption de la SAFER, que le point de départ de la prescription quinquennale de cette action est constitué par la date d'expiration du délai de deux mois suivant la déclaration de préemption, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble les articles L. 412-8 et L. 143-8 du code rural et de la pêche maritime ». Réponse de la Cour Vu les articles 2224 du code civil, L. 143-8 et L. 412-8, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime : 5. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 6. Aux termes du troisième, applicable au droit de préemption de la SAFER en vertu du deuxième, en cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet. L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption. 7. La Cour de cassation juge, d'une part, qu'une déclaration de préemption d'une SAFER n'encourt la nullité pour n'avoir pas respecté le délai de deux mois prévu à l'article L. 412-8, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime que si la SAFER a été préalablement mise en demeure par voie d'huissier de justice de réaliser l'acte authentique (3e Civ., 15 novembre 2006, pourvoi n° 05-15.475, Bull. 2006, III, n° 227) et, d'autre part, en matière de promesse de vente, que le fait justifiant l'exercice d'une action en résolution ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente (3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.561, publié). 8. Il en résulte que l'action en nullité de la déclaration de préemption prévue à l'article L. 412-8, alinéa 4, susvisé, se prescrit par cinq ans à compter de la date d'expiration du délai imparti au préempteur par la mise en demeure, que lui a adressée le propriétaire vendeur ou l'acquéreur évincé pour réaliser l'acte de vente authentique. 9. Pour déclarer prescrite l'action en nullité, l'arrêt retient que, si la loi ne fixe aucun délai au propriétaire vendeur pour exercer son droit de mise en demeure de réaliser l'acte authentique, il est certain que ce droit naît dès l'expiration du délai de deux mois suivant la déclaration de préemption de la SAFER, qui constitue le point de départ du délai quinquennal de prescription. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la SAFER avait été, par acte du 27 mai 2016, mise en demeure de réaliser l'acte de vente authentique dans un délai de quinze jours, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Centre aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Centre et la condamne à payer à la société civile immobilière Le Buisson aux bois la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL (SAFER) | ||||||||||
JURITEXT000048389614 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389614.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 21-18.318, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300705 | Cassation partielle partiellement sans renvoi | 21-18318 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-04-22 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Ohl et Vexliard | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00705 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle partiellement sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° V 21-18.318 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Prologue, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-18.318 contre l'arrêt rendu le 22 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ au président de l'Autorité des marchés financiers, domicilié Autorité des marchés financiers, [Adresse 2], 2°/ à la société Le Quotidien de [Localité 4] éditions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à M. [G] [L], domicilié [Adresse 3], 4°/ à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Prologue, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat du président de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Fèvre, MM. Alt, Calloch, Mme Sabotier, conseillers, M. Blanc, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, Mme Coricon, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Prologue du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [L] et la société Le Quotidien de [Localité 4]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 avril 2021), par un communiqué du 2 octobre 2014, la société Prologue, dont les titres sont admis aux négociations sur le marché réglementé Euronext [Localité 4], a annoncé qu'elle étudiait un projet d'offre publique d'échange (OPE) portant sur les actions de la société O2i, admises aux négociations sur le système multilatéral de négociation Alternext [Localité 4], devenu Euronext Growth, sur la base d'une parité de trois actions Prologue pour deux actions O2i. 3. Le 9 décembre 2014, la société Prologue a déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) un projet d'OPE visant la totalité des actions, des obligations convertibles en actions et des bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables de la société O2i. Le 2 avril 2015, l'AMF a publié une décision de non-conformité de ce projet, fondée notamment sur le fait que l'expert indépendant désigné avait conclu que les conditions financières de ce projet, en particulier la parité d'échange proposée, n'étaient pas équitables pour les porteurs de titres O2i. Le même jour, la société Prologue a publié un communiqué de presse dans lequel elle annonçait avoir pris connaissance de cette décision et avoir décidé de former un recours contre celle-ci, et rappelait « à tous les autres actionnaires et porteurs d'obligations convertibles en actions O2i qu'ils [avaie]nt la possibilité de signer avec elle des traités individuels d'apport en nature, et ce, conformément aux intentions affichées depuis le mois de novembre 2014 ». 4. Le 10 avril 2015, la société Prologue a publié sur son site internet un encart rappelant la possibilité pour les actionnaires de la société O2i « d'apporter leurs titres O2i à Prologue et de se voir attribuer des actions Prologue nouvelles à raison de 3 actions Prologue pour 2 titres O2i » et précisant « à toutes fins utiles que Prologue se réserv[ait] la faculté, le cas échéant, de ne pas donner suite à ces sollicitations, notamment si les participations dont l'apport lui [était] proposé [étaient] de petite taille ». Entre le 8 avril et le 25 septembre 2015, la société Prologue a signé dix-huit traités d'apport correspondant au total à environ 3,5 millions de titres O2i. Au 25 septembre 2015, la société Prologue a déclaré détenir 45,95 % du capital social de la société O2i. 5. Le 18 septembre 2018, le collège de l'AMF a notifié trois griefs à la société Prologue, lui reprochant : – d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 433-1 du code monétaire et financier et 231-13, 231-21, 231-23 et 231-32 du règlement général de l'AMF, porté atteinte aux règles de fonctionnement des offres publiques en mettant en oeuvre une offre publique dans des conditions de transaction identiques à celles contenues dans le projet d'offre soumis au visa de l'AMF, alors que l'offre ne pouvait être ouverte à défaut d'avoir obtenu une déclaration de conformité (premier grief) ; – d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 433-1 du code monétaire et financier et 231-3 du règlement général de l'AMF, porté atteinte aux principes généraux des offres publiques d'acquisition en sollicitant publiquement, à compter du 2 avril 2015, les actionnaires de la société O2i afin de réaliser une offre dans des conditions de transaction pour lesquelles l'AMF avait, le même jour, rendu une décision de non-conformité et en ne prévoyant pas de limite de temps à cette offre qui a proposé au public un prix fixe liant les cours des actions Prologue et O2i sur une période d'environ six mois, s'étant ainsi sciemment affranchie du cadre réglementaire destiné à garantir les principes d'intégrité du marché et de loyauté des transactions, ainsi qu'en proposant publiquement, à compter du 10 avril 2015, des conditions d'offre permettant de faire une discrimination entre les actionnaires de la société O2i, portant ainsi atteinte au principe d'égalité de traitement entre ces actionnaires (deuxième grief) ; – d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF, procédé à l'admission sur Euronext de ses titres, sans avoir préalablement établi un projet de prospectus et l'avoir soumis au visa de l'AMF au plus tard le 25 septembre 2015 (troisième grief). 6. Par une décision n° 20 du 31 décembre 2019, la commission des sanctions de l'AMF (la commission des sanctions) a considéré que les deux premiers griefs n'étaient pas établis et a prononcé, au titre du troisième, une sanction pécuniaire de 150 000 euros à l'encontre de la société Prologue. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. La société Prologue fait grief à l'arrêt de réformer la décision de la commission des sanctions n° 20 du 31 décembre 2019 en ce qu'elle a dit que les griefs formulés à son encontre relatifs à l'atteinte portée aux règles de fonctionnement des offres publiques et aux principes généraux des offres publiques d'acquisition n'étaient pas caractérisés et lui a infligé une sanction de 150 000 euros et, statuant à nouveau sur ces points, de dire établis ces deux griefs à son encontre et de prononcer une sanction pécuniaire de 750 000 euros, alors : « 1°/ qu'en dehors de l'hypothèse d'une offre publique obligatoire, la proposition, non irrévocable, faite aux actionnaires d'une société cotée de conclure des transactions de gré à gré portant sur l'échange de leurs titres n'est pas soumise à la réglementation relative aux offres publiques, quand bien même elle serait présentée publiquement et comme une alternative à un projet d'offre publique déposé auprès de l'AMF et déclaré non conforme par cette dernière ; que la cour d'appel a constaté que le dépôt d'une offre publique par la société Prologue n'était pas obligatoire ; qu'en jugeant toutefois que la proposition faite aux actionnaires de la société O2i, par le communiqué de la société Prologue du 2 avril 2015, de signer des traités individuels d'apport en nature devait être soumise au régime des offres publiques, parce qu'elle revêtait un caractère public, répondait à la même finalité et reposait sur la même parité d'échange que l'offre publique d'échange déposée le 9 décembre 2014, déclarée non conforme par l'AMF, la cour d'appel a violé les articles L. 433-1 et L. 433-3 du code monétaire et financier et les articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 2°/ que l'offre publique d'échange, soumise à la réglementation boursière, est une procédure spécifique, dont la mise en oeuvre est subordonnée à l'autorisation préalable de l'AMF, dans le cadre de laquelle une personne s'engage publiquement, de manière irrévocable et pour une certaine durée, à échanger les titres des actionnaires d'une société cotée contre d'autres titres cotés, selon certaines modalités déterminées ; que la commission des sanctions avait ainsi jugé que les circonstances que, à la différence du projet d'offre publique d'échange déposé le 9 décembre 2014, la proposition présentée dans le communiqué de la société Prologue du 2 avril 2015 portait sur la conclusion de traités individuels librement négociés entre les parties signataires, et non sur un échange devant être réalisé de manière automatique par centralisation des ordres, et ne présentait pas un caractère irrévocable, la société Prologue s'étant au contraire expressément réservé la possibilité de ne pas donner suite à des sollicitations, excluaient que cette proposition constitue une offre publique ; qu'en retenant, au contraire, que "la circonstance que certaines modalités de mise en oeuvre de l'échange de titres litigieux ne respectent pas les contraintes auxquels était soumis le projet de note d'information relative au projet d'OPE soumis à l'AMF" ne pouvait suffire à "le faire échapper à une réglementation relevant d'un ordre public économique de direction" et que les motifs retenus par la commission des sanctions étaient donc inopérants, la cour d'appel, qui a à tort déduit l'applicabilité de la réglementation de sa prétendue méconnaissance, a violé l'article L. 433-1 du code monétaire et financier et les articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 3°/ que la proposition faite aux actionnaires d'une société cotée de conclure des transactions de gré à gré portant sur leurs titres ne peut être considérée comme visant à contourner la réglementation sur les offres publiques lorsqu'elle a été conçue et présentée, dès l'origine, comme une alternative au dépôt d'une offre publique volontaire ; que pour démontrer que la proposition figurant dans son communiqué du 2 avril 2015 avait toujours été conçue et présentée comme une alternative au projet d'offre publique d'échange déposé le 9 décembre 2014, la société Prologue s'appuyait non seulement sur le projet de note d'information relative à cette offre publique, mais également sur d'autres documents et communiqués de presse qui avaient été publiés en amont, parmi lesquels l'ordre du jour de son assemblée générale extraordinaire, publié au BALO le 12 décembre 2014, qui évoquait une potentielle augmentation de capital résultant d'un échange des titres O2i contre des actions de la société Prologue "dans le cadre d'apports en nature à la Société et/ou d'une offre publique d'échange initiée par la Société", le plafond de l'augmentation de capital envisagée dans l'un et l'autre cas étant identique, et un communiqué de presse du 30 mars 2015, qui annonçait l'approbation par les actionnaires de la société Prologue d'un projet de rapprochement avec la société O2i "dans le cadre d'une offre publique d'échange (OPE) ou bien par voie d'apports en nature résultant de la signature de traités individuels" ; que c'est notamment en se fondant sur ces éléments que la commission des sanctions de l'AMF avait jugé que le communiqué du 2 avril 2015 "manifestait la poursuite de la possibilité de conclure des traités d'apport de gré à gré, (?) annoncée publiquement dès l'origine" ; que pour décider, au contraire, que le communiqué du 2 avril 2015 "ne constituait pas un rappel de modalités préexistantes", la cour d'appel s'est bornée à retenir que le projet de note d'information relative à l'offre publique "n'avait nullement envisagé la possibilité de généraliser l'acquisition des autres titres O2i, indépendamment du projet d'OPE ou des engagements d'ores et déjà conclus, par le biais d'autres traités d'apport de gré-à-gré" ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'existence d'une modalité de rapprochement alternative par le biais de transactions de gré à gré ne ressortait pas d'autres documents et communiqués de presse qui avaient été publiés avant la décision de non-conformité de l'AMF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier et des articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 4°/ que le projet de note d'information relative à l'offre publique d'échange, produit devant la cour d'appel, rappelait que deux actionnaires de la société O2i avaient conclu le 8 décembre 2014 des traités individuels avec la société Prologue en vue de lui apporter en nature l'intégralité des actions O2i qu'ils détenaient, puis indiquait que la société Prologue envisageait de "proposer la réalisation de tels Apports en Nature à l'ensemble des actionnaires d'O2i ayant conclu des Traités d'Apport et qui souhaiteraient lui transférer la propriété de leurs actions O2i, indépendamment de la question de savoir si le seuil de caducité visé à l'article 231-9 du Règlement général de l'AMF serait atteint ou pas" ; qu'il était précisé que le terme conventionnellement défini d' "Apports en Nature" (initiales en majuscules), regroupait les apports consentis dans le cadre des traités du 8 décembre 2014, ainsi que "tout autre apport en nature résultant de la signature d'un Traité d'Apport par des actionnaires d'O2i" ; qu'il résultait donc des termes clairs et précis de ce projet de note d'information que la société Prologue y envisageait la conclusion de traités individuels avec l'ensemble des actionnaires de la société O2i, et non uniquement avec les deux personnes qui avaient déjà signé leurs contrats ; qu'en retenant, au contraire, qu'il se déduisait du projet de note d'information, dont le rapport du rapporteur avait rappelé les principaux termes de manière simplifiée, que le projet d'offre publique "n'avait nullement envisagé la possibilité de généraliser l'acquisition des autres titres O2i, indépendamment du projet d'OPE ou des engagements d'ores et déjà conclus, par le biais d'autres traités d'apport de gré-à gré", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce projet de note d'information et ainsi violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour 9. En premier lieu, aux termes de l'article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, aux fins de cette directive, on entend par « offre publique d'acquisition » ou « offre » : « une offre publique (à l'exclusion d'une offre faite par la société visée elle-même) faite aux détenteurs des titres d'une société pour acquérir tout ou partie desdits titres, que l'offre soit obligatoire ou volontaire, à condition qu'elle suive ou ait pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée selon le droit national ». 10. Aux termes de l'article L. 433-1, I, du code monétaire et financier, issu de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 ayant transposé la directive susvisée, « [a]fin d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les règles relatives aux offres publiques portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français. » 11. Selon l'article 231-1, 1, du règlement général de l'AMF, le titre III du livre II de ce règlement, consacré aux offres publiques d'acquisition, s'applique notamment à toute offre faite publiquement aux détenteurs d'instruments financiers négociés sur un marché réglementé d'un État membre de l'Union européenne, y compris la France, pour laquelle l'AMF est l'autorité compétente dans le cas prévu au I de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, par une personne agissant seule ou de concert au sens des articles L. 233-10 ou L. 233-10-1 du code de commerce, en vue d'acquérir tout ou partie de ces instruments financiers. 12. En second lieu, les dispositions du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques, qui ont pour objectif, ainsi que l'énonce l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés financiers et poursuivent, dès lors, une finalité d'intérêt général, relèvent de l'ordre public économique de direction. 13. Il résulte des points 9 à 12 qu'à l'exclusion de celle faite par la société visée, toute offre faite volontairement et publiquement aux détenteurs d'instruments financiers par une personne, agissant seule ou de concert au sens des articles L. 233-10 ou L. 233-10-1 du code de commerce, pour acquérir tout ou partie de ces instruments financiers, constitue, dès lors qu'elle suit ou a pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée, une offre publique volontaire soumise aux dispositions d'ordre public du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques. 14. L'arrêt relève qu'après que l'AMF a publié sa décision de non-conformité de l'OPE déposée auprès de celle-ci le 9 décembre 2014 par la société Prologue pour acquérir la totalité des actions, obligations convertibles et bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables de la société O2i, la société Prologue a publié le 2 avril 2015 un communiqué invitant les actionnaires et porteurs d'obligations convertibles de la société O2i qui ne lui avaient pas encore apporté leurs titres, à signer des traités individuels d'apport en nature « conformément aux intentions affichées depuis le mois de novembre 2014 ». 15. De ces constatations, dont il résulte que l'offre de la société Prologue émise publiquement le 2 avril 2015 et qui, visant à obtenir la totalité des instruments financiers de la société O2i ou, du moins, la majorité d'entre eux, avait nécessairement pour objet d'acquérir le contrôle de cette dernière, constituait une OPE volontaire qui, partant, relevait des dispositions d'ordre public du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques, la cour d'appel a exactement déduit que la société Prologue s'était affranchie des règles auxquelles cette OPE volontaire était soumise. 16. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches en ce qu'elles critiquent des motifs surabondants de l'arrêt, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 17. La société Prologue fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours incident formé contre la décision de la commission des sanctions de l'AMF n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, alors « que la circonstance que la personne sanctionnée ait disposé de quelques jours, après la notification du recours principal du président de l'AMF, pour déposer elle-même un recours principal contre la décision de la commission des sanctions ne saurait suffire à écarter l'atteinte au principe de l'égalité des armes résultant de ce que, à la différence du président de l'AMF, elle est privée de la possibilité de former un recours incident dans un délai de deux mois à compter de la notification du recours principal ; qu'en se fondant pourtant sur le fait que la société Prologue avait "accusé réception de la notification du recours du président de l'AMF le jeudi 5 mars 2020, alors que son propre délai expirait le lundi 9 mars 2020", et qu'il n'existait donc pas d'obstacle à ce qu'elle dépose une déclaration de recours dans les délais impartis pour écarter une atteinte au principe de l'égalité des armes, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 18. Le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte de l'exigence d'un procès équitable, au sens de ce texte, requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (CEDH, De Haes et Gijsels c. Belgique, 24 février 1997, n° 19983/92, § 53) et il doit en être ainsi, spécialement, du droit à l'exercice des voies de recours. En matière pénale, les exigences du procès équitable sont plus strictes qu'en matière civile (CEDH, Ben Naceur c. France, 3 octobre 2006, n° 63879/00, § 34 ; CEDH, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, 27 octobre 1993, § 32). 19. Les condamnations prononcées par la commission des sanctions de l'AMF relèvent de la matière pénale au sens de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 20. Les dispositions de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier prévoient la possibilité pour les personnes sanctionnées et le président de l'AMF d'exercer un recours contre les décisions de la commission des sanctions. Si elles ouvrent également au président de l'AMF la possibilité d'exercer un recours incident en cas de recours exercé par la personne sanctionnée, elles ne prévoient pas que celle-ci puisse, dans l'hypothèse d'un recours du président de l'AMF, former un recours incident. Or, le recours tant principal qu'incident du président de l'AMF peut, à la différence de celui de la personne sanctionnée, conduire à une aggravation de la sanction prononcée par la commission des sanctions. Il s'ensuit que lorsque le président de l'AMF exerce son recours peu de temps avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la commission des sanctions, prévu à l'article R. 621-44 du code monétaire et financier, la personne sanctionnée peut ne plus être en mesure d'en tirer les conséquences quant à l'opportunité de son propre recours principal, en particulier dans l'hypothèse où la décision de la commission des sanctions n'a retenu qu'une partie des griefs notifiés et que le recours du président de l'AMF ne concerne que les griefs qui n'ont pas fait l'objet d'une sanction. 21. La faculté, pour la personne sanctionnée, de présenter, en cas de recours principal du président de l'AMF, des demandes reconventionnelles devant la cour d'appel de Paris, qui dépend des demandes formées par ce dernier dès lors qu'en application de l'article 70 du code de procédure civile les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ne peut, dans ces conditions, à elle seule, suffire à garantir le caractère juste et équitable de la procédure ainsi que l'équilibre des droits des parties. 22. Il résulte des points 18 à 21 que, lorsque le recours principal du président de l'AMF se borne à contester la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a écarté certains griefs, la personne sanctionnée doit, afin que soit garanti le principe de l'égalité des armes, pouvoir encore disposer, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, d'un délai raisonnable lui permettant d'exercer de manière concrète et efficiente son propre recours principal par lequel elle conteste la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a retenu des griefs à son encontre. 23. Pour déclarer irrecevable le recours formé le 13 mars 2020 et présenté comme incident par la société Prologue, l'arrêt retient que celle-ci a accusé réception de la notification du recours du président de l'AMF le jeudi 5 mars 2020, alors que le délai dont elle-même disposait encore expirait le lundi 9 mars 2020 et que le recours principal exercé par le président de l'AMF le 3 mars 2020 « portant sur les seules dispositions relatives aux griefs non retenus par la commission des sanctions et leur sanction » ne faisait donc pas, concrètement, obstacle au dépôt d'une déclaration de recours de la société Prologue dans les délais qui lui étaient impartis pour contester le bien-fondé des griefs retenus contre elle par la commission des sanctions. 24. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'obligation de former, dans le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, son propre recours principal afin de contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, ne plaçait pas la société Prologue dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF et si, par conséquent, le délai pour introduire ce recours ne devait pas être prolongé pour garantir le principe de l'égalité des armes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 25. En premier lieu, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui déclarent irrecevable le recours présenté comme incident par la société Prologue et formé contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, entraîne la cassation du chef de dispositif qui prononce une sanction pécuniaire de 750 000 euros à l'encontre de la société Prologue, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 26. En second lieu, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 27. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la recevabilité du recours formé le 13 mars 2020 par la société Prologue. 28. D'une part, le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, dont la société Prologue disposait à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF pour former son propre recours principal et pouvoir contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, privait cette société d'une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF. 29. D'autre part, le recours de la société Prologue formé le 13 mars 2020, soit huit jours seulement après que lui a été notifié le recours principal du président de l'AMF, est intervenu dans un délai raisonnable à compter de cette notification. 30. Il en résulte que ce recours est recevable. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable le recours formé par la société Prologue contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, prononce une sanction pécuniaire de 750 000 euros à l'encontre de la société Prologue, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la recevabilité du recours formé par la société Prologue le 13 mars 2020 ; Déclare recevable le recours formé par la société Prologue le 13 mars 2020 contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée ; Remet, sur la sanction pécuniaire de 750 000 euros prononcée à l'encontre de la société Prologue, sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne l'Autorité des marchés financiers aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Procès équitable - Violation - Cas - Décision de la commission des sanctions de l'AMF - Recours principal formé par une personne sanctionnée | BOURSE - Autorité des marchés financiers (AMF) - Voies de recours - Décision - Décision de la commission des sanctions - Recours principal de la personne sanctionnée - Délai - Principe de l'égalité des armes - Net désavantage | Lorsque le recours principal du président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) se borne à contester la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a écarté certains griefs, la personne sanctionnée doit, afin que soit garanti le principe de l'égalité des armes résultant de l'exigence d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pouvoir encore disposer, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, d'un délai raisonnable lui permettant d'exercer de manière concrète et efficiente son propre recours principal par lequel elle conteste la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a retenu des griefs à son encontre. Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui déclare irrecevable le recours principal formé par une personne sanctionnée sans rechercher si l'obligation, pour elle, de former, dans le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, son propre recours afin de contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, ne plaçait pas cette personne dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF et si, par conséquent, le délai pour introduire ce recours ne devait pas être prolongé pour garantir le principe de l'égalité des armes |
||||||||
JURITEXT000048389618 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389618.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-11.766, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300707 | Cassation partielle | 22-11766 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-11-09 | Cour d'appel de Paris | M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Piwnica et Molinié, SARL Cabinet Rousseau et Tapie | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00707 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 707 FS-B Pourvoi n° U 22-11.766 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La Société civile des Mousquetaires, société civile à capital variable, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 22-11.766 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [N], domicilié [Adresse 11], 2°/ à M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], 3°/ à M. [A] [G], domicilié [Adresse 7], 4°/ à M. [F] [E], domicilié [Adresse 5], 5°/ à M. [K] [D], domicilié [Adresse 9], 6°/ à Mme [V] [I], domiciliée [Adresse 2], 7°/ à M. [Y] [C], domicilié [Adresse 4], 8°/ à M. [X] [J], domicilié [Adresse 6], 9°/ à M. [B] [S], domicilié [Adresse 8], 10°/ à M. [U] [H], domicilié [Adresse 10], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société civile des Mousquetaires, et de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [N], [T], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et de Mme [I], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Blanc, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, Mme Coricon, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 18 novembre 2020, pourvoi n° 19-13.402), et les productions, MM. [N], [G], [E], [T], [D], [C], [J], [S], [H] et Mme [I] (les consorts [N]), devenus associés de la Société civile des Mousquetaires (la SCM) entre 1987 et 1999, en ont été exclus par des assemblées générales entre 1998 et 2009, lesquelles ont fixé la valeur unitaire de leurs parts sociales ainsi que les conditions de leur remboursement. 2. Contestant cette évaluation, MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S], [H] et Mme [I], d'une part, et M. [T], d'autre part, ont obtenu, les premiers par une ordonnance du 7 mars 2007, le dernier par une ordonnance du 1er février 2010, la désignation en justice d'un expert aux fins de fixation de la valeur de leurs droits sociaux. L'expert désigné ayant déposé ses deux rapports le 25 février 2011, les consorts [N] ont assigné la SCM en remboursement de leurs parts sur la base de la valeur déterminée par l'expert. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La SCM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des rapports d'expertise de M. [Z], de la condamner à payer aux consorts [N] des sommes correspondant à l'évaluation de leurs droits sociaux par M. [Z], déduction faite des fonds déjà perçus, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2011, ainsi que la moitié des frais d'expertise, et de rejeter ses demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que la désignation de l'expert chargé d'évaluer les droits sociaux en application de l'article 1843-4 du code civil doit pouvoir faire l'objet d'un recours effectif, devant un organe doté d'une plénitude de juridiction ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler les rapports d'expertise de M. [Z], que le droit d'accès au juge est garanti dès lors que la décision désignant l'expert peut faire l'objet d'un appel-nullité et que le rejet de la fin de non-recevoir tirée de l'absence de conciliation préalable à défaut d'excès de pouvoir ne démontrait pas l'absence de recours effectif, mais uniquement son mal-fondé, bien que le seul contrôle de l'excès de pouvoir soit impropre à caractériser un recours de pleine juridiction, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°/ qu'en toute hypothèse, en s'abstenant d'examiner, dans le cadre du contrôle de l'évaluation des droits sociaux de M. [T] par M. [Z], le grief pris du non-respect de la procédure de conciliation préalable, sur lequel la cour d'appel saisie de l'appel-nullité contre l'ordonnance désignant M. [Z] avait refusé de statuer à défaut d'excès de pouvoir, la cour d'appel, qui a privé la SCM d'un contrôle de pleine juridiction, a de nouveau méconnu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 3°/ qu'en outre, l'évaluation des droits sociaux par l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil doit pouvoir faire l'objet d'un recours effectif, devant un organe doté d'une plénitude de juridiction ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler les rapports d'expertise de M. [Z], qu'à défaut d'erreur grossière, il n'appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de la décision de l'expert, la cour d'appel, qui a refusé d'exercer un contrôle de pleine juridiction sur l'évaluation des droits sociaux par l'expert, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ qu'en énonçant encore, pour refuser d'annuler les rapports d'expertise de M. [Z], qu'en mettant en oeuvre l'article 1843-4 du code civil, les parties font de la décision de celui-ci leur loi, bien que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil soient impératives et qu'elles puissent être mises en oeuvre unilatéralement par un associé, en sorte que l'évaluation de l'expert s'impose aux parties, non en conséquence de leur consentement, mais par l'effet de la loi, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 5°/ qu'une limitation du droit d'accès au juge n'est justifiée que si elle poursuit un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu'en refusant d'annuler les rapports d'expertise de M. [Z], bien que tant la limitation du contrôle de la désignation de l'expert à l'excès de pouvoir que celle [du contrôle] de l'évaluation des droits sociaux à l'erreur grossière de l'expert ne soient justifiées par aucun but légitime et portent au droit d'accès au juge une atteinte disproportionnée, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. La SCM invoquant la violation du droit d'accès à un tribunal à l'occasion d'une procédure portant sur la contestation de droits et obligations à caractère civil, les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) trouvent à s'appliquer. 5. La situation invoquée par la SCM constitue une ingérence dans l'exercice de son droit d'accès à la justice, en ce que la décision désignant un expert chargé d'évaluer les droits sociaux est sans recours possible, sauf excès de pouvoir, et que l'évaluation à laquelle procède l'expert lie les parties et le juge, et ne peut être annulée qu'en cas d'erreur grossière. 6. Elle est toutefois justifiée par un but légitime, qui est de permettre à l'associé retrayant ou exclu d'être rapidement fixé sur le montant du remboursement qui lui est dû et à la société ainsi qu'aux autres associés de connaître ce montant, sans avoir à supporter les aléas d'une procédure judiciaire classique, à savoir une procédure comportant des possibilités de recours ordinaires lors des différentes phases du processus. 7. En outre, le droit d'accès à un tribunal de la SCM ne se trouve pas atteint dans sa substance même en ce que, d'une part, la décision de désigner un expert demeure soumise à un appel-nullité, en cas d'excès de pouvoir. En l'espèce, l'excès de pouvoir invoqué par la SCM, mais non retenu par la cour d'appel puis par la Cour de cassation dans le cadre d'une précédente instance, consiste dans le non-respect d'une phase de conciliation préalable, laquelle ne saurait atteindre le droit d'accès à un tribunal dans sa substance dès lors que cette phase préalable tend à la résolution du différend par une voie extra-judiciaire. D'autre part, l'évaluation des droits sociaux à laquelle procède l'expert désigné, si elle s'impose aux parties et au juge, s'effectue néanmoins sous le contrôle de ce dernier, le juge disposant du pouvoir d'annuler le rapport d'expertise, notamment en cas de manquement de l'expert aux exigences d'indépendance et d'impartialité, et en cas d'erreur grossière. Selon une jurisprudence constante, l'erreur grossière peut notamment consister dans le choix erroné d'une date d'évaluation ou dans la soumission indue de l'expert à des méthodes d'évaluation limitant sa liberté d'appréciation. En l'espèce, la SCM a eu la possibilité de contester l'impartialité de l'expert devant la cour d'appel et d'invoquer à différents égards une erreur grossière. 8. Enfin, les limitations ainsi apportées au droit d'accès au juge se situent dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec l'objectif légitime visé. 9. Le moyen, inopérant en sa quatrième branche en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. La SCM fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que la SCM faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'indépendamment de la date d'évaluation des droits sociaux, la fixation de la valeur des droits sociaux par un tiers en application de l'article 1843-4 du code civil constituait une ingérence dans le droit au respect des biens, ne répondant à aucun motif d'intérêt général et y portant une atteinte disproportionnée ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser d'annuler les rapports d'expertise de M. [Z], que la date d'évaluation des parts sociales fixée par la jurisprudence de la Cour de cassation en application de l'article 1843-4 du code civil ne méconnaissait ni les droits et libertés garantis par la Constitution, ni l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que, pour être légitime, une ingérence dans le droit au respect des biens doit répondre à un motif d'intérêt général ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler les rapports d'expertise de M. [Z], que l'article 1843-4 du code civil, en ce qu'il permet au tiers évaluateur de s'affranchir de la convention des parties, poursuivait un but d'intérêt général, la juste appréciation de la valeur des droits sociaux cédés pouvant se trouver compromise par l'application de clauses statutaires conçues par le groupe majoritaire ou modifiées par lui en cours de vie sociale, bien que l'intérêt général commande au contraire de respecter les clauses statutaires d'évaluation, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ qu'en toute hypothèse, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure destinée à réglementer l'usage des biens d'un individu ; que le juge doit apprécier concrètement tous les facteurs pertinents, et notamment l'étendue de l'ingérence dans la liberté contractuelle et les garanties procédurales destinées à protéger le propriétaire d'effets imprévisibles ou arbitraires ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler les rapports d'expertise de M. [Z], qu'au regard de l'objectif qui est de permettre une juste appréciation de la valeur des droits sociaux cédés, l'article 1843-4 du code civil ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si, compte tenu de l'atteinte portée à la liberté contractuelle et de l'absence de garanties procédurales, l'ingérence résultant de l'évaluation à dire d'expert entretenait un rapport de proportion raisonnable avec le but affiché d'une juste évaluation des droits sociaux, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ qu'en statuant ainsi sans rechercher si, comme le faisait valoir la SCM, les consorts [N] et autres ne s'étaient pas engagés, lorsqu'ils ont souscrit leurs parts, à un engagement personnel figurant à l'article 7 du règlement intérieur, consistant à fixer le prix de toutes cessions futures conformément à la méthode de valorisation figurant à l'article 6 du même règlement, et si ces dispositions n'étaient pas demeurées inchangées jusqu'à leur exclusion, de sorte qu'aucune fixation ou modification de clauses statutaires de nature à porter atteinte à la juste appréciation de la valeur de leurs droits sociaux ne pouvait être redoutée en l'espèce, ce dont il se déduisait que l'ingérence dans le respect du droit au respect des biens n'était pas proportionnée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 11. Le montant du remboursement dû à l'associé d'une société qui se retire constituant un « bien », au sens de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention, la SCM est fondée à se prévaloir du droit garanti par ce texte aux fins de contester le processus de fixation de ce montant. 12. Ce processus, qui consiste à faire évaluer par un expert désigné en justice le montant de ce remboursement, dès lors que cet expert est libre du choix de la méthode d'évaluation, sans être tenu par les règles prévues par les statuts de la société, constitue une ingérence dans l'exercice de ce droit. 13. Cette ingérence a une base légale claire et accessible en droit interne en ce qu'elle est fondée sur l'article 1843-4 du code civil et sur la jurisprudence constante qui a précisé la portée de ce texte, cette jurisprudence étant, pour la personne concernée, accessible, claire et prévisible. 14. Cette ingérence est justifiée par un but légitime, à savoir la recherche d'un juste prix, laquelle pourrait être compromise, spécialement en cas de retrait ou d'exclusion d'un associé minoritaire, par l'application de clauses relatives à l'évaluation des droits sociaux, conçues par le groupe majoritaire ou modifiées par lui en cours de vie sociale. 15. Cependant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, une telle ingérence est proportionnée au but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts concurrents en présence. 16. L'arrêt relève que l'article L. 231-1 du code de commerce, applicable à la SCM, qui est une société civile à capital variable, prévoit la reprise des apports mais ne précise pas sur quelle base doit être effectué le remboursement des droits sociaux du retrayant, ce dont il tire la conséquence qu'il revient à l'expert de fixer les règles d'évaluation applicables. Il relève qu'en cas de contestation de la valeur de rachat, l'article 1843-4 du code civil, dans sa version applicable aux faits, a vocation à s'appliquer et confère à l'expert la faculté de déterminer librement les critères qu'il juge appropriés, sans être tenu, lorsqu'elles existent, par les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statut ou la convention liant les parties. Il en déduit que le même objectif d'intérêt général de recherche d'un juste prix justifie l'articulation entre les articles 1843-4 du code civil et L. 231-1 du code de commerce, et qu'il soit fait application de l'article 1843-4 du code civil en cas de contestation de la valeur de rachat de parts d'une société à capital variable, sans porter une atteinte injustifiée au droit au respect des biens. 17. Il ressort de ces énonciations et constatations que la liberté dont a bénéficié l'expert désigné dans le choix d'une méthode d'évaluation des droits sociaux de M. [O], sans être lié par les règles et modalités fixés par les statuts de la SCM mais sans exclure la possibilité de s'y référer, poursuivait l'unique objectif de parvenir à une juste évaluation, laquelle, soumise à l'appréciation des juges, n'a pas révélé d'erreur grossière. 18. Il s'ensuit que la mesure contestée ne porte pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de la SCM. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 20. La SCM fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'article L. 231-1 du code de commerce, propre aux sociétés à capital variable, est un texte spécial dérogeant au droit commun des sociétés ; qu'il s'en déduit, d'une part, que, par dérogation à l'article 1869 du code civil, l'associé sortant a droit, non à la valeur de ses droits sociaux, mais à la reprise de ses apports et, d'autre part, que par dérogation à l'article 1843-4 du code civil, le tiers évaluateur n'a pas la faculté de déterminer librement les critères d'évaluation, mais doit se limiter à vérifier que la somme versée à l'associé sortant correspond au montant de son apport ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler les rapports de M. [Z], que le même objectif d'intérêt général de recherche de juste prix des dispositions de l'article 1843-4 du code civil justifie l'articulation entre les articles 1843-4 du code civil et L. 231-1 du code de commerce et qu'il soit fait application de l'article 1843-4 du code civil en cas de contestation de la valeur de rachat en matière de société à capital variable, la cour d'appel a violé les articles L. 231-1 du code de commerce et 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°/ que, dans la société à capital variable, la sortie de l'associé se fait par la reprise totale ou partielle des apports effectués ; que la reprise d'un apport en numéraire consiste dans son remboursement ; qu'en énonçant, pour refuser d'annuler les rapports de M. [Z], que l'article L. 231-1 du code de commerce prévoit la reprise des apports par l'associé sortant, mais ne précise pas sur quelle base doit être effectué le remboursement de ses droits sociaux, la cour d'appel a violé ce texte par fausse interprétation. » Réponse de la Cour 21. Il résulte du second alinéa de l'article L. 231-1 du code de commerce que les sociétés dont les statuts contiennent la clause de variabilité du capital mentionnée au premier alinéa, demeurent soumises aux règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, règles auxquelles il n'est dérogé que dans les limites des dispositions figurant aux articles L. 231-1 à L. 231-8 de ce code. 22. Il s'ensuit que l'associé d'une société civile à capital variable qui se retire a, en application de l'article 1869 du code civil, droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux et peut, à défaut d'accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l'article 1843-4 de ce code, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l'apport effectué mais ne s'y réduisant pas obligatoirement. 23. Le moyen, qui, en ses deux branches, postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le quatrième moyen, en ce qu'il rejette la demande d'annulation du rapport d'expertise concernant les parts de M. [T] Enoncé du moyen 24. La SCM fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'en cause d'appel, la SCM faisait valoir que l'évaluation des droits sociaux à la date du remboursement portait atteinte au droit au respect des biens, non de l'associé sortant, mais de la société et des autres associés, indûment privés d'une part des bénéfices réalisés par la société entre l'exclusion et le remboursement, au profit d'un associé sortant qui ne supporte plus les risques de la vie sociale ; qu'en se bornant à énoncer, pour entériner l'évaluation de M. [Z], que le Conseil constitutionnel avait décidé que l'article 1843-4 du code civil ne portait pas atteinte au droit de propriété de l'associé cédant, retrayant ou exclu, sans s'expliquer sur l'atteinte au droit de propriété de la société et des autres associés résultant de l'évaluation des droits sociaux à la date de leur remboursement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que l'évaluation des parts sociales ne doit s'opérer à la date la plus proche du remboursement qu'en l'absence de disposition statutaire précisant la date à laquelle la valeur doit être déterminée ; qu'en énonçant, pour entériner l'évaluation de M. [Z], que, si l'article 16-4 des statuts et l'article 6 du règlement intérieur prévoient une date d'évaluation des parts sociales, ils ne stipulent pas expressément qu'elle s'applique à l'évaluation à dire d'expert, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 3°/ qu'en toute hypothèse, l'évaluation des parts sociales doit s'opérer à la date la plus proche de leur remboursement, même lorsque le montant du remboursement a été ultérieurement contesté par l'associé sortant ; qu'elle ne peut s'opérer à la date de l'expertise ; qu'en décidant du contraire, pour refuser d'annuler les rapports de M. [Z], la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 4°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant, pour entériner l'évaluation de M. [Z], que son rapport énonçait que les dates du 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009 avaient été retenues d'un commun accord par les parties lors de la première réunion d'expertise et que cette date n'avait pas été contestée lors de l'envoi du compte-rendu de la réunion, mais uniquement dans un dire adressé à l'expert le 14 février 2011, en sorte qu'elle n'était pas utilement discutée, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'actes manifestant sans équivoque la volonté de la SCM de renoncer à contester les dates d'évaluation des droits sociaux retenues par M. [Z], a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 25. Il ressort de l'arrêt et du rapport d'expertise que M. [T], exclu de la société le 12 mai 2009, avait perçu le remboursement de ses parts à la date à laquelle l'expert a fixé la valeur de ses droits sociaux, le 25 février 2011, et que l'expert s'est placé au 31 décembre 2008 en retenant les comptes des exercices 2006 à 2008. 26. Ayant constaté , par des motifs non argués de dénaturation, qu'aucune disposition des statuts ou du règlement intérieur ne fixait la date d'évaluation des parts par l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil, et rappelé que l'expert devait dès lors se placer à la date la plus proche du remboursement, c'est à bon droit que, sans ajouter à la loi ni méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, la cour d'appel a retenu qu'en se plaçant à la date du 31 décembre 2008, celui-ci n'avait commis aucune erreur grossière. 27. Inopérant en sa quatrième branche, en ce qu'elle critique des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus. Sur le quatrième moyen, en ce qu'il rejette la demande d'annulation du rapport d'enquête concernant les parts de MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et de Mme [I], pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 28. La SCM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du rapport d'expertise de M. [Z], de la condamner à payer à MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et à Mme [I] des sommes correspondant à l'évaluation de leurs droits sociaux par M. [Z], déduction faite des fonds déjà perçus, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2011, ainsi que la moitié des frais d'expertise, et de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors : « 1°/ qu'en cause d'appel, la SCM faisait valoir que l'évaluation des droits sociaux à la date du remboursement portait atteinte au droit au respect des biens, non de l'associé sortant, mais de la société et des autres associés, indûment privés d'une part des bénéfices réalisés par la société entre l'exclusion et le remboursement, au profit d'un associé sortant qui ne supporte plus les risques de la vie sociale ; qu'en se bornant à énoncer, pour entériner l'évaluation de M. [Z], que le Conseil constitutionnel avait décidé que l'article 1843-4 du code civil ne portait pas atteinte au droit de propriété de l'associé cédant, retrayant ou exclu, sans s'expliquer sur l'atteinte au droit de propriété de la société et des autres associés résultant de l'évaluation des droits sociaux à la date de leur remboursement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que l'évaluation des parts sociales ne doit s'opérer à la date la plus proche du remboursement qu'en l'absence de disposition statutaire précisant la date à laquelle la valeur doit être déterminée ; qu'en énonçant, pour entériner l'évaluation de M. [Z], que, si l'article 16-4 des statuts et l'article 6 du règlement intérieur prévoient une date d'évaluation des parts sociales, ils ne stipulent pas expressément qu'elle s'applique à l'évaluation à dire d'expert, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ». Réponse de la Cour 29. Ayant constaté, par des motifs non argués de dénaturation, qu'aucune disposition des statuts ou du règlement intérieur ne fixait la date d'évaluation des parts par l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil, la cour d'appel a retenu, à juste titre, sans ajouter à la loi ni méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, que l'expert devait dès lors se placer à la date la plus proche du remboursement. 30. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 31. La SCM fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que les rapports de M. [Z] indiquent que "la Cour de cassation exige que la valeur des droits sociaux soit établie au moyen de la combinaison de tous les éléments pertinents comme la valeur mathématique, la valeur de rendement, etc..." et que, "conformément à la jurisprudence actuelle précédemment citée, la valorisation doit se faire selon les critères économiques" ; qu'il résulte de ces énonciations claires et précises que M. [Z] s'est estimé lié par une méthode d'évaluation des droits sociaux ; qu'en énonçant cependant, pour entériner son évaluation, qu'il avait fixé les critères qu'il jugeait appropriés en l'espèce, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des rapports précités, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°/ que le juge est tenu de vérifier que l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil n'a pas commis d'erreur grossière dans son évaluation ; que la société exposante faisait valoir, en cause d'appel, que M. [Z] avait commis plusieurs erreurs grossières d'évaluation en cherchant à déterminer une valeur au lieu de rechercher le prix qu'auraient fixé les parties pour les parts sociales, en omettant de s'interroger sur leur valeur vénale, ou en mettant en oeuvre des méthodes d'évaluation dépourvues de pertinence, et en particulier la méthode d'évaluation boursière "price to book" totalement inadaptée au groupement des Mousquetaires dès lors que ses parts sociales ne sont pas librement négociables ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser d'annuler les rapports de M. [Z], qu'aucun élément n'établissait que l'expert ne se serait pas conformé aux règles d'évaluation de la profession et aux recommandations en la matière, la cour d'appel, qui a statué par voie d'affirmation générale sans s'expliquer sur les griefs de la société exposante, n'a pas donné de base légale à sa décision, méconnaissant ainsi les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 32. D'une part, en énonçant que l'expert avait fixé les critères qu'il jugeait appropriés, la cour d'appel n'a pas dénaturé le rapport d'expertise, lequel s'est borné à rappeler, d'une manière générale, la méthodologie préconisée en matière d'évaluation de sociétés, l'expert conservant, en toute hypothèse, la liberté de pondérer entre eux des critères dont le rapport soulignait le caractère non limitatif. 33. D'autre part, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la SCM dans le détail de son argumentation, a pu retenir, répondant par là même aux conclusions prétendument délaissées, qu'aucun élément n'établissait que l'expert ne se serait pas conformé aux règles d'évaluation de la profession et aux recommandations en la matière, et en déduire que la SCM ne démontrait pas que l'expert aurait commis une erreur grossière. 34. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le sixième moyen Enoncé du moyen 35. La SCM fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que, quand bien même ils seraient inopposables au tiers évaluateur désigné en application de l'article 1843-4 du code civil, les engagements contractuels relatifs à la valorisation des parts sociales sont licites et obligent les associés qui y souscrivent ; qu'en énonçant, pour débouter la SCM de ses demandes indemnitaires au titre de la responsabilité contractuelle des associés sortants, pour avoir méconnu l'engagement qu'ils avaient pris à l'article 7 du règlement intérieur d'appliquer la valeur prévue à l'article 6 du même règlement "pour toutes transactions concernant les parts (...) entre associés ou entre associés et la société", que l'invocation des dispositions protectrices d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil ne pouvait en soi caractériser une faute contractuelle ou une inexécution de la convention liant les parties, la cour d'appel a violé ce texte, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ; 2°/ qu'en énonçant encore, pour débouter la SCM de ses demandes indemnitaires au titre de la responsabilité contractuelle des associés sortants, que les statuts prévoyaient eux-mêmes le recours à l'article 1843-4 du code civil, quand l'article 16-4 des statuts limitait la mission de l'expert à la détermination de "la valeur de remboursement dans le respect des statuts et du règlement intérieur", dont il ne permettait ainsi pas de s'affranchir, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1103, anciennement 1134, du code civil, et de l'article 1843-4 du même code, dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 36. Ayant à bon droit retenu que les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, s'appliquaient à la cause et constaté qu'au demeurant, les statuts de la société prévoyaient la possibilité d'y recourir, c'est à juste titre que la cour d'appel en a déduit que l'invocation de ces dispositions par M. [O] ne pouvait en elle-même caractériser une faute contractuelle ou une inexécution de la convention liant les parties. 37. Le moyen, qui repose sur le postulat erroné que l'expert aurait été tenu par les règles d'évaluation prévues par les statuts, n'est donc pas fondé. Mais sur le quatrième moyen, en ce qu'il rejette la demande d'annulation du rapport d'enquête concernant les parts de MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et de Mme [I], pris en sa quatrième branche, qui est préalable Enoncé du moyen 38. La SCM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du rapport d'expertise de M. [Z], de la condamner à payer à MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et à Mme [I] des sommes correspondant à l'évaluation de leurs droits sociaux par M. [Z], déduction faite des fonds déjà perçus, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2011, ainsi que la moitié des frais d'expertise, et de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors « que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant, pour entériner l'évaluation de M. [Z], que son rapport énonçait que les dates du 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009 avaient été retenues d'un commun accord par les parties lors de la première réunion d'expertise et que cette date n'avait pas été contestée lors de l'envoi du compte-rendu de la réunion, mais uniquement dans un dire adressé à l'expert le 14 février 2011, en sorte qu'elle n'était pas utilement discutée, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'actes manifestant sans équivoque la volonté de la SCM de renoncer à contester les dates d'évaluation des droits sociaux retenues par M. [Z], a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article 1843-4 du code civil : 39. Il résulte de ce texte qu'en l'absence de dispositions statutaires prévoyant une autre date, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle à laquelle le remboursement interviendra ou, le cas échéant, est intervenu en application des statuts. 40. Pour rejeter la demande d'annulation du rapport d'expertise en raison de la date retenue par l'expert pour procéder à l'évaluation des droits sociaux de MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et de Mme [I], l'arrêt énonce que l'expert a retenu comme date d'évaluation des parts le 31 décembre 2009 en mentionnant expressément dans son rapport que cette date a été retenue d'un commun accord par les parties lors de la réunion du 20 avril 2010, dont le compte rendu, adressé aux parties, rappelle notamment que la valorisation se fera au 31 décembre 2009. Il constate que le rappel par l'expert de l'accord des parties sur la date d'évaluation n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part de la SCM à l'issue de l'envoi du compte rendu de réunion du 20 avril 2010, mais seulement dans le dire adressé à l'expert du 14 février 2011, et retient que la date retenue par l'expert n'est pas utilement discutée. Il en conclut que l'expert n'a commis aucune erreur grossière en évaluant, en l'absence de date définie par les dispositions statutaires et réglementaires, les parts au 31 décembre 2009, conformément à l'accord qu'il indique avoir recueilli des parties. 41. En statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que, dans un dire adressé à l'expert avant le dépôt du rapport, cette date avait été contestée par la SCM, ce dont il résultait que cette dernière n'avait en toute hypothèse pas renoncé à contester le rapport d'expertise sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en retenant que l'accord prétendument obtenu sur la date d'évaluation n'était pas utilement contesté, a violé le texte susvisé. Sur ce même moyen, en ce qu'il rejette la demande d'annulation du rapport d'enquête concernant les parts de MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et de Mme [I], pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 42. La SCM fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'évaluation des parts sociales doit s'opérer à la date la plus proche de leur remboursement, même lorsque le montant du remboursement a été ultérieurement contesté par l'associé sortant ; qu'elle ne peut s'opérer à la date de l'expertise ; qu'en décidant du contraire, pour refuser d'annuler les rapports de M. [Z], la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article 1843-4 du code civil : 43. Pour rejeter la demande d'annulation du rapport d'expertise en raison de la date retenue par l'expert pour procéder à l'évaluation des droits sociaux de MM. [N], [G], [E], [D], [C], [J], [S] et [H] et de Mme [I], l'arrêt constate que l'article 16-4 des statuts, s'il indique les modalités du remboursement des parts sociales en renvoyant notamment à l'article 6 du règlement intérieur, prévoit expressément la possibilité, en cas de contestation, de saisir un expert en application de l'article 1843-4 du code civil sans fixer la date d'évaluation des parts par l'expert ainsi saisi, et en déduit que l'expert n'a commis aucune erreur grossière en évaluant les parts au 31 décembre 2009, date la plus proche du remboursement des parts. 44. En statuant ainsi, cependant qu'il était constant que les associés avaient été exclus entre le 17 novembre 1998 et le 25 novembre 2003 et qu'ils avaient perçu, selon les modalités prévues par les statuts, le remboursement de leurs parts, la cour d'appel, qui a retenu que le choix opéré par l'expert d'une date unique au 31 décembre 2009 ne révélait aucune erreur grossière, cette date étant la date la plus proche du remboursement, sans rechercher à quelle date chaque associé avait effectivement reçu le remboursement de ses parts, n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause 45. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [T], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société civile des Mousquetaires de ses demandes indemnitaires, en ce qu'il la condamne à payer à M. [T] la somme de 929 192,74 euros et en ce que, confirmant le jugement, il condamne les parties à supporter par moitié les frais d'expertises judiciaires, l'arrêt rendu le 9 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Met hors de cause M. [T] ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE | Les limitations apportées au droit à un procès équitable résultant de la fixation par un expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil de la valeur des droits sociaux d'un associé retrayant ou exclu se situent dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec l'objectif légitime, pour l'associé et pour la société ainsi que les autres associés, d'être rapidement fixé sur le montant du remboursement dû, sans avoir à supporter les aléas d'une procédure judiciaire classique comportant des possibilités de recours lors des différentes phases du processus. Ces limitations ne constituent pas non plus une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de la société et de ses associés, les atteintes à la liberté contractuelle qui existaient jusqu'à la réforme intervenue par l'effet de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 étant justifiées par la recherche d'un juste prix, et l'évaluation faite par l'expert étant soumise au contrôle de l'erreur grossière par le juge. Il résulte du second alinéa de l'article L. 231-1 du code de commerce que les sociétés dont les statuts contiennent la clause de variabilité du capital mentionnée au premier alinéa, demeurent soumises aux règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, règles auxquelles il n'est dérogé que dans les limites des dispositions figurant aux articles L. 231-1 à L. 231-8 de ce code. Il s'ensuit que l'associé d'une société civile à capital variable qui se retire a, en application de l'article 1869 du code civil, droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux et peut, à défaut d'accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l'article 1843-4 de ce code, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l'apport effectué mais ne s'y réduisant pas obligatoirement. Il résulte de l'article 1843-4 du code civil qu'en l'absence de dispositions statutaires prévoyant une autre date, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle à laquelle le remboursement interviendra ou, le cas échéant, est intervenu en application des statuts. Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour rejeter une demande d'annulation du rapport d'expertise, retient que le choix opéré par l'expert d'une date unique ne révèle aucune erreur grossière, cette date étant la plus proche du remboursement, cependant qu'il était constant que les associés avaient été exclus au cours d'une période s'étalant sur cinq années et qu'ils avaient perçu, selon les modalités prévues par les statuts, le remboursement de leurs parts à la suite de leur exclusion |
|||||||||
JURITEXT000048389634 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389634.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 21-25.033, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300716 | Rejet | 21-25033 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-10-06 | Cour d'appel de Bordeaux | M. Vigneau | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00716 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 716 F-B Pourvoi n° U 21-25.033 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 M. [W] [P], domicilié [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° U 21-25.033 contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Fabien matériaux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Fabien matériaux, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 octobre 2021), le 31 juillet 2003, M. [P] a cédé la totalité des parts sociales qu'il détenait dans le capital de la société [O] [P] à la société Fabien matériaux. 2. L'acte de cession stipulait une clause d'élection de domicile ainsi qu'une clause de garantie de passif que le cessionnaire pouvait mettre en oeuvre par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au cédant. 3. Après avoir, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 avril 2016, informé le cédant de ce qu'il mettait en oeuvre la garantie de passif, le cessionnaire a, le 20 décembre 2016, assigné le cédant en paiement de sommes en exécution de cette garantie. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Fabien matériaux la somme de 17 628 euros, de dire que cette somme portera intérêt au taux contractuel de 1 % par mois à compter du 22 avril 2016, de dire qu'il sera fait application de l'article 1343-2 du code civil par année entière sur cette somme à compter du 22 avril 2017 et de le débouter de ses demandes, alors : « 1°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'il en résulte qu'une partie qui a connaissance du changement d'adresse de son cocontractant ne peut se prévaloir de la clause d'élection de domicile pour notifier une information déterminante à une adresse qu'elle sait être périmée ; qu'en l'espèce, pour dire que la société Fabien matériaux avait satisfait à son obligation d'information quant à son intention de mettre en oeuvre la garantie de passif, la cour d'appel a retenu que "l'appelant soutient qu'il n'a jamais été avisé de l'existence de ce courrier recommandé, ayant déménagé à Audenge, ce que la société Fabien matériaux n'ignorait pas selon lui" mais que "même à supposer cette affirmation exacte, il appartenait à M. [P] d'adresser un courrier officiel à la société Fabien matériaux pour lui indiquer qu'il faisait élection de domicile à une autre adresse que celle figurant dans la convention de garantie du passif, encore en vigueur à cette date et comportant élection de domicile" ; qu'en statuant ainsi, tandis que, si la société Fabien matériaux avait eu connaissance du changement d'adresse de M. [P], elle aurait effectivement dû lui adresser à sa nouvelle adresse, nonobstant la clause d'élection de domicile, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ; 2°/ qu'en l'absence de toute autre circonstance, le silence ne vaut pas acceptation ; que, dès lors, nul ne peut être réputé avoir accepté de garantir le passif d'une société sans avoir été effectivement informé de la cause et du montant de ce passif ; qu'en l'espèce, M. [P], garant, soutenait n'avoir pas été informé par la société Fabien matériaux des causes et charges supplémentaires justifiant la mise en oeuvre de la garantie de passif stipulée dans l'acte de cession de parts du 31 juillet 2003, la lettre recommandée ayant été envoyée à son ancienne adresse ; que, pour dire néanmoins la garantie acquise en son principe, la cour d'appel a retenu, tout d'abord, que, la lettre recommandée n'ayant pas été retirée, "l'absence de réception du courrier est donc uniquement imputable à un défaut de diligence du garant qui n'établit ni, que son nom ne figurait plus sur sa boîte aux lettres à [Localité 4], ni que la Poste a manqué à son obligation de réexpédition de son courrier", pour en conclure que "l'envoi d'un courrier recommandé à l'adresse à laquelle le garant avait élu domicile dans l'acte de garantie du passif est régulier, que le cessionnaire a ainsi rempli son obligation d'information du garant préalable à l'introduction d'une instance judiciaire et a fait courir le délai de trente jours" pour en déduire, ensuite, que "M. [P] n'ayant pas répondu à ce courrier dans le délai contractuel de trente jours, le principe de sa garantie est donc acquise, sans qu'il y ait lieu de répondre aux différents moyens qu'il soulève afin de s'opposer à la mise en jeu de celle-ci" ; qu'en statuant ainsi, quand la présomption d'acceptation du principe de la garantie, résultant de "l'inertie du garant à l'issue de cette période de trente jours", telle que prévue par le contrat, supposait nécessairement que M. [P] ait eu effectivement connaissance de l'intention de la société Fabien matériaux de se prévaloir de la garantie de passif, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 de ce code ; 3°/ qu'un délai ne peut courir contre quelqu'un qui n'a pas eu connaissance de l'événement qui en constitue le point de départ ; qu'en retenant que "l'envoi d'un courrier recommandé à l'adresse à laquelle le garant avait élu domicile dans l'acte de garantie du passif est régulier, que le cessionnaire a ainsi rempli son obligation d'information du garant préalable à l'introduction d'une instance judiciaire et a fait courir le délai de trente jours", tandis qu'il résultait de ses propres constatations que M. [P] n'avait pas eu connaissance de ce courrier, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 de ce code ; 4°/ que les atteintes contractuelles au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en jugeant acquise en son principe la garantie de passif de M. [P] pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu "de répondre aux différents moyens qu'il soulève afin de s'opposer à la mise en jeu de celle-ci", tandis qu'il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas été effectivement informé des causes et charges supplémentaires justifiant la mise en oeuvre de la garantie de passif stipulée dans l'acte de cession de parts du 31 juillet 2003, la cour d'appel, qui a indûment privé M. [P] de la possibilité de faire valoir ses arguments et d'obtenir une solution juridictionnelle du litige, a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. L'élection de domicile emporte pouvoir de recevoir toute notification dans le lieu qui y est désigné. 6. Après avoir constaté que l'acte de cession stipulait, d'une part, une clause d'élection de domicile en la demeure respective des parties figurant à l'acte, d'autre part, une clause de garantie de passif selon laquelle l'inertie du cédant à l'issue d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle le cessionnaire l'aviserait, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de ce qu'il mettait en oeuvre la garantie de passif, vaudrait acceptation du principe de cette garantie, l'arrêt relève que le cessionnaire avait, pour mettre en oeuvre la garantie dont il bénéficiait, adressé, le 22 avril 2016, une lettre recommandée avec demande d'avis de réception au cédant à l'adresse de [Localité 4] figurant dans l'acte de cession et que cette lettre était revenue avec la mention « pli avisé non réclamé ». 7. De ces constatations et appréciations, dont il résultait, d'une part, que le fait que le cédant n'avait pas reçu la lettre du cessionnaire mettant en oeuvre la clause de garantie de passif était dû à sa seule négligence, faute pour lui d'avoir informé son cocontractant qu'il élisait domicile dans un autre lieu que celui stipulé au contrat, et non à la mauvaise foi du cessionnaire, d'autre part, que l'information, par le cessionnaire, de ce qu'il mettait en oeuvre cette garantie n'était pas de nature contentieuse et que, par suite, le défaut de réception effective, par le cédant, de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'en affectait pas la régularité, la cour d'appel a pu, sans méconnaître les exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni violer l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, déduire que le cessionnaire avait rempli son obligation contractuelle d'information du garant préalable à l'introduction d'une instance judiciaire. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société Fabien matériaux la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | DOMICILE - Election de domicile - Effets - Pouvoir de recevoir toute notification dans le lieu qui y est désigné | L'élection de domicile emporte pouvoir de recevoir toute notification dans le lieu qui y est désigné |
|||||||||
JURITEXT000048389638 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389638.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.149, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300717 | Cassation partielle | 22-13149 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-12-01 | Cour d'appel d'Aix en Provence | M. Vigneau | SCP Poulet-Odent | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00717 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 717 F-B Pourvoi n° X 22-13.149 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Pharmabest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-13.149 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Teroma, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Plein Sud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Pharmabest, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Pharmabest du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Teroma. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er décembre 2021), le capital de la société Pharmabest, laquelle a pour objet la fourniture de prestations de services destinées aux officines de pharmacie, était détenu par une trentaine d'actionnaires, majoritairement des sociétés holding exploitant des officines de pharmacie adhérentes au réseau Pharmabest, dont la société Plein Sud. 3. Par une ordonnance du 8 novembre 2018, le président d'un tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, a désigné, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, un expert avec pour mission de déterminer la valeur des titres Pharmabest détenus par la société Plein Sud. 4. Le 16 juillet 2020, la société Plein Sud a assigné, en référé, la société Pharmabest afin qu'il lui soit enjoint de communiquer, sous astreinte, certaines pièces à l'expert, dont le détail du chiffre d'affaires, au 31 décembre 2019, des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société Pharmabest fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de référé rendue le 17 septembre 2020 par le président du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il l'a condamnée à communiquer à l'expert, sous astreinte, le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest au 31 décembre 2019, alors « que les parties étant tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction, sauf à ce que toutes conséquences soient tirées de leur abstention ou de leur refus, le juge peut, si une partie détient un élément de preuve, lui enjoindre, sur la requête d'une autre partie, de le produire, au besoin à peine d'astreinte ; que, cependant, nul ne peut donner ni produire ce qu'il n'a pas ; qu'il s'ensuit que la partie qui requiert du juge qu'il enjoigne à une autre de produire un document doit établir, outre son existence, à tout le moins sa vraisemblance, sa possession par cette autre partie ; que le juge, quant à lui, ne peut accéder à cette requête, a fortiori sous astreinte, sans avoir vérifié que cette double preuve était apportée ; qu'en l'espèce, la société Plein Sud a demandé à la cour d'enjoindre à la société Pharmabest, sous astreinte, de communiquer le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmacien Pharmabest au 31 décembre 2019, dont la société Pharmabest, cependant, protestait qu'elle ne le possédait pas ; que, pour confirmer l'ordonnance qui avait fait droit à la requête de la société Plein Sud, la cour s'est bornée à considérer que la société Pharmabest "ne justifiait pas de ce que la communication de pièces serait illégitime en ce que le secret des affaires serait en cause" ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir vérifié que la société Plein Sud établissait l'existence ou la vraisemblance du document réclamé ainsi que sa détention par la société Pharmabest, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 [du code civil] et 11 du code de procédure civile, ensemble de l'article 1843-4 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile : 6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il ne peut être enjoint à une partie, sur requête ou en référé, de produire un élément de preuve qu'elle ne détient pas. 7. Pour enjoindre à la société Pharmabest de communiquer, sous astreinte, le détail du chiffre d'affaires, au 31 décembre 2019, des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest, l'arrêt retient que cette société ne justifie pas de ce que la communication de cette pièce serait illégitime en ce que le secret des affaires serait en cause. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui appartenait dès lors que la société Pharmabest faisait valoir que la pièce en litige n'existait pas et qu'en tout état de cause, elle ne la détenait pas, si la société Plein Sud, à qui la preuve en incombait en l'état de cette contestation, établissait que l'existence de cette pièce était, sinon établie, du moins vraisemblable et, le cas échéant, qu'elle était détenue ou pouvait être détenue par la société Pharmabest, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance attaquée, il enjoint à la société Pharmabest de communiquer à M. [C] [Z] le détail du chiffre d'affaires des entités du groupement de pharmaciens Pharmabest au 31 décembre 2019 dans les quinze jours suivant la notification de l'ordonnance et, à défaut de ce faire dans ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard dans le délai d'un mois, l'arrêt rendu le 1er décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société Plein Sud aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Plein Sud à payer à la société Pharmabest la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | PROCEDURE CIVILE - Pièces - Versement aux débats - Refus - Demande de communication forcée - Injonction de communiquer - Condition - Existence de l'élément de preuve vraisemblable et détention par la partie à qui la preuve est demandée | POUVOIRS DES JUGES - Injonction - Injonction de communication de pièces - Conditions MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Référé - Injonction du juge - Production de pièces - Conditions | Il résulte de la combinaison des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile qu'il ne peut être enjoint à une partie, sur requête ou en référé, de produire un élément de preuve qu'elle ne détient pas. Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui enjoint, en référé, à une partie de produire un élément de preuve alors que celle-ci contestait son existence et, en tout état de cause, le détenir, sans rechercher, comme il lui appartenait, si la partie adverse, à qui la preuve en incombait en l'état de cette contestation, établissait que l'existence de cet élément de preuve était, sinon établie, du moins vraisemblable et, le cas échéant, qu'il était détenu ou pouvait être détenu par la partie à qui sa production était demandée |
||||||||
JURITEXT000048389667 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389667.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.851, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300722 | Rejet | 22-13851 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-10 | Cour d'appel d'Orléans | M. Vigneau | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Bénabent | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00722 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 722 F-B Pourvoi n° K 22-13.851 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 1°/ La société Mécanique de précision de [Localité 2] (MPM), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ M. [K] [H], domicilié [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° K 22-13.851 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant à M. [X] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Mécanique de précision de [Localité 2] (MPM) et de M. [H], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans,10 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 13 janvier 2021, pourvoi n° 18-21.860, publié au Bulletin), M. [O], associé majoritaire et gérant de la société Mécanique de précision de [Localité 2] (la société MPM), et Mme [R], associé minoritaire, ont, le 21 juillet 2014, consenti une promesse de cession de l'intégralité des parts de cette société à M. [H] pour le prix de 8 000 euros. 2. Le 29 octobre 2014, l'assemblée générale de la société a décidé d'octroyer à M. [O], au titre de ses fonctions de dirigeant, une prime de 83 000 euros, puis, le 24 novembre, une autre prime au titre d'un rappel de salaire, d'un montant de 3 049,94 euros. 3. Par acte sous seing privé du 4 décembre 2014, les parties ont réitéré la promesse de cession, en précisant dans l'acte qu'aux termes de l'assemblée générale du 29 octobre 2014, il avait été accordé à M. [O] une prime exceptionnelle de 83 000 euros. 4. La société MPM, dont M. [H] était devenu le dirigeant, a refusé de verser les sommes allouées à M. [O] par les assemblées générales des 29 octobre et 24 novembre 2014. 5. M. [O] a assigné la société MPM en paiement d'une somme totale de 84 623,05 euros. M. [H] est intervenu volontairement à l'instance et a demandé l'annulation des résolutions des assemblées générales des 29 octobre et 24 novembre 2014 comme procédant d'un abus de majorité. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société MPM et M. [H] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes d'annulation des résolutions des assemblées générales de la société MPM des 29 octobre et 24 novembre 2014 ayant alloué à M. [O] des primes exceptionnelles et de confirmer, par conséquent, le jugement en ce qu'il a condamné la société MPM à payer à M. [O] certaines sommes au titre des salaires des mois d'octobre et novembre 2014 et pour solde de la prime exceptionnelle, alors « que l'abus de majorité est caractérisé dès lors que la décision sociale adoptée est contraire à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des autres associés, que cette rupture d'égalité s'apprécie objectivement et peut exister nonobstant le vote du minoritaire en faveur de la délibération sociale litigieuse ; qu'en retenant cependant que "la deuxième condition fait nécessairement défaut puisque les décisions critiquées ont été prises à l'unanimité, de sorte qu'on ne peut considérer que les décisions, auxquelles l'actionnaire minoritaire a participé ont été prises à son détriment", la cour d'appel a statué par un motif impropre et privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833 et 1844-1 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Une décision prise à l'unanimité des associés ne peut être constitutive d'un abus de majorité. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [H] et la société Mécanique de précision de [Localité 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et la société Mécanique de précision de [Localité 2] et les condamne in solidum à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE COMMERCIALE (règles générales) - Assemblée générale - Décision - Abus de majorité - Exclusion - Cas - Décision prise à l'unanimité des associés | Une décision prise à l'unanimité des associés ne peut être constitutive d'un abus de majorité |
|||||||||
JURITEXT000048389674 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389674.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 22-13.750, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 42300723 | Rejet | 22-13750 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-20 | Cour d'appel de Pau | M. Vigneau | SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00723 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 723 F-B Pourvoi n° A 22-13.750 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 M. [M] [L], domicilié [Adresse 2] (Pays-Bas), a formé le pourvoi n° A 22-13.750 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2022 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [L], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 janvier 2022), les 3 février et 10 décembre 2012, M. [L] a souscrit auprès de la société Crédit lyonnais (la banque) deux prêts remboursables in fine. 2. Le 15 mars 2018, M. [L] a assigné la banque en nullité des contrats de prêts et en indemnisation de son préjudice matériel et moral, invoquant un manquement par celle-ci à son obligation de mise en garde. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [L] fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme et de rejeter ses demandes dirigées contre la banque, alors « qu'un crédit in fine, dont le capital est remboursé en une seule fois à la fin du prêt, fait naître un risque particulier sur lequel le banquier doit mettre en garde l'emprunteur non averti, même si le crédit est adapté aux capacités financières de ce dernier, le risque étant inhérent à la nature du prêt ; qu'en retenant que, si la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti lorsqu'au jour de l'octroi du prêt, il existe un risque d'endettement excessif du fait de l'inadaptation de l'engagement à ses capacités financières, tel n'est pas le cas si l'emprunteur est propriétaire d'un immeuble dont la valeur se trouve en adéquation avec la somme empruntée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 5. L'obligation de mise en garde à laquelle peut-être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et ce, que le prêt soit remboursable par échéances ou en une seule fois à la fin. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | BANQUE - Responsabilité - Faute - Manquement à l'obligation de mise en garde - Obligation de mise en garde - Domaine d'application - Prêts remboursables in fine et prêts remboursables par échéance | L'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne portant que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque d'endettement, il n'y a pas lieu pour apprécier l'existence de manquement à cette obligation de distinguer les prêts remboursables in fine de ceux remboursables par échéance |
|||||||||
JURITEXT000048430208 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430208.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-19.952, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 42300730 | Rejet | 22-19952 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-06-10 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00730 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 730 FS-B Pourvoi n° S 22-19.952 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société Le moins cher en formation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-19.952 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à l'association [3] ([3]), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Le moins cher en formation, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association [3] ([3]), et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Coricon, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2022), la société Le moins cher en formation (la société LMCEF), soutenant que l'association [3] (l'[3]) ne disposait pas de l'agrément nécessaire à son activité professionnelle pour la période du 10 août au 8 décembre 2016, l'a assignée, sur le fondement de la concurrence déloyale, en réparation de son préjudice. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société LMCEF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la condamnation de l'[3], alors « que faute de figurer dans la liste prévue par l'article D. 231-2 du code des relations entre le public et l'administration, la demande de renouvellement de l'agrément prévu par l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique n'est pas au nombre des décisions pour lesquelles le silence de l'administration vaut acceptation ; qu'en retenant, pour écarter tout acte de concurrence déloyale de l'association [3] entre le 10 août 2016 et le 8 décembre suivant, que cette dernière pouvait se prévaloir, à compter du 30 août 2016, d'une décision implicite d'acceptation en raison du silence gardé par l'autorité compétente sur sa demande de renouvellement de son agrément et que la société LMCEF "n'invoqua[it] pas utilement le fait que l'article D. 231-2 ne vise que les décisions d'agrément et non-renouvellement des organismes de formation des débitants de boissons", cependant que la demande de renouvellement formée par l'association [3] ne pouvait faire l'objet d'aucune décision implicite d'acceptation, la cour d'appel a violé les articles L. 231-1 et D. 231-2 du code des relations entre le public et l'administration, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, que, sauf exception expressément prévue par un texte, le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. 5. Aux termes de l'article D. 231-2 du même code, la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise. 6. Cette liste, de nature réglementaire, n'est donnée, au regard de la généralité du principe énoncé par l'article L. 231-1 du code précité, qu'à titre indicatif. 7. Il s'en déduit que la circonstance que la demande de renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ne figure pas sur cette liste ne suffit pas à écarter le principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Le moins cher en formation aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le moins cher en formation et la condamne à payer à l'association [3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | LOIS ET REGLEMENTS - Acte administratif - Principe selon lequel le silence vaut acceptation - Liste des procédures publiée sur le site internet relevant du Premier ministre - Portée | CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Violation de dispositions légales - Renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique - Principe selon lequel le silence vaut acceptation | Il résulte de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, que, sauf exception expressément prévue par un texte, le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre, tel que prévu par l'article D. 231-2 du même code. Cette liste est de nature réglementaire, et n'est donnée, au regard de la généralité du principe énoncé par l'article L. 231-1 du code précité, qu'à titre indicatif. Il s'en déduit que la circonstance que la demande de renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ne figure pas sur cette liste ne suffit pas à écarter le principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation |
||||||||
JURITEXT000048430227 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430227.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-13.695, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 42300732 | Cassation | 22-13695 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-04 | Tribunal judiciaire de Rennes | M. Vigneau | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00732 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 732 F-B Pourvoi n° R 22-13.695 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société publique locale de développement touristique du Cotentin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-13.695 contre le jugement rendu le 4 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Rennes, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cartel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], dénomination commerciale Cartelmatic, 2°/ à la société Kalkin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La société Cartel a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société publique locale de développement touristique du Cotentin, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Cartel, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rennes, 4 mars 2022), rendu selon la procédure accélérée au fond, le 26 juillet 2021, la société publique locale de développement touristique du Cotentin (la SPL de développement touristique du Cotentin) a engagé, selon la procédure adaptée prévue à l'article R. 2123-1,1°, du code de la commande publique, une consultation portant sur la fourniture, l'installation, la mise en service et la maintenance de bornes tactiles extérieures sur les sites et équipements de l'office du tourisme du Cotentin. 2. Par lettre du 14 octobre 2021, elle a informé la société Cartel du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Kalkin. 3. Soutenant que la société Kalkin, qui avait précédemment fourni à la SPL de développement touristique du Cotentin des tables tactiles intérieures intégrant une solution cartographique 3D développée par elle, avait, de ce fait, bénéficié d'un avantage financier dans la présentation de son offre, la société Cartel l'a assignée, ainsi que la SPL de développement touristique du Cotentin, devant le président du tribunal judiciaire en demandant, sur le fondement des articles 2 à 4 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, l'annulation de la procédure de mise en concurrence. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. La SPL de développement touristique du Cotentin fait grief au jugement d'annuler sa décision du 14 octobre 2021 portant attribution à la société Kalkin de son marché de services relatif à la fourniture, l'installation, la mise en service et la maintenance de bornes tactiles extérieures sur les sites et équipements de l'office de tourisme du Cotentin, de lui enjoindre, si elle entend conclure ce marché, de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres en se conformant à ses obligations de mise en concurrence et de la condamner à payer à la société Cartel une indemnité de 3 000 euros, alors « que le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur, si bien qu'en annulant la procédure de mise en concurrence du marché de fourniture, d'installation, de mise en service et de maintenance de bornes tactiles mis en concurrence par la SPL de développement touristique du Cotentin au seul motif que la société Kalkin était titulaire des droits sur une solution logicielle cartographique pouvant répondre aux besoins de l'acheteur, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3, L. 2141-8 et R. 2111-2 du code de la commande publique. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. La société Cartel conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la SPL de développement touristique du Cotentin n'a pas invoqué devant le délégué du président le principe en vertu duquel le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur. 6. Cependant, la SPL de développement touristique du Cotentin a précisé, dans ses conclusions devant le délégué du président, que les documents de l'appel à concurrence n'imposaient aucune solution spécifique pour y répondre, ce dont il se déduit qu'elle a, de façon corollaire, invoqué le moyen selon lequel la détention d'une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas, dans ces circonstances, un avantage indu. 7. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 3 du code de la commande publique : 8. Selon ce texte, les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en oeuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. 9. Le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu, dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur. 10. Pour annuler la décision de la SPL de développement touristique du Cotentin du 14 octobre 2021 portant attribution à la société Kalkin de son marché de services relatif à la fourniture, l'installation, la mise en service et la maintenance de bornes tactiles extérieures sur les sites et équipements de l'office du tourisme du Cotentin, et lui enjoindre, si elle entend conclure ce marché, de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres en se conformant à ses obligations de mise en concurrence, le jugement, après avoir relevé que la SPL de développement touristique du Cotentin ne débat pas de la réalité des prestations intellectuelles, et donc de leur importance et de leur coût, auxquelles il appartiendrait au candidat retenu, quel qu'il soit, d'adapter une solution logicielle cartographique aux besoins de l'acheteur public, en déduit qu'elle ne conteste pas la nécessité de ces prestations intellectuelles. 11. Le jugement relève ensuite que le devis réalisé pour le premier marché relatif aux bornes tactiles intérieures comporte pour l'outil logiciel inclus dans ces bornes, une présentation en deux parties, la première, relative au coût de la mise à disposition de la licence « Kalkin tourisme » et de son adaptation aux besoins exprimés par l'acheteur public et la seconde, relative au coût unitaire de la « déclinaison de la licence initialement acquise par poste supplémentaire du territoire ». 12. Après avoir encore constaté que le montant de ces coûts, de même que ceux relatifs à l'offre présentée pour le marché contesté, n'était communiqué ni par la société Kalkin ni par la SPL de développement touristique du Cotentin, le jugement retient que, dans la mesure où celle ci ne contestait pas la nécessité de prestations intellectuelles d'adaptation d'une solution logicielle cartographique au besoin de son utilisateur, il doit être jugé que l'attributaire a bénéficié d'un avantage concurrentiel en raison de son expérience passée. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi le seul fait pour la société déclarée attributaire d'avoir précédemment, à l'occasion d'un autre marché ayant pour objet d'autres prestations que celles recherchées, mis à disposition de l'acheteur une solution comportant un logiciel cartographique, dont l'élaboration relevait de ses seuls mérites, constituait un avantage indu faussant l'égalité entre les candidats de ce nouveau marché, le président du tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et sur le pourvoi incident, qui est éventuel, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 mars 2022, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant la juridiction du président du tribunal judiciaire de Rennes autrement composée ; Condamne la société Cartel aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cartel et la condamne à payer à la société publique locale de développement touristique du Cotentin la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | MARCHE PUBLIC | Le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu, dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur. Dès lors, prive sa décision de base légale le premier président d'une cour d'appel qui prononce la nullité de la décision d'attribution d'un marché à un candidat, sans rechercher en quoi le seul fait pour ce candidat d'avoir précédemment, à l'occasion d'un autre marché ayant pour objet d'autres prestations que celles recherchées, mis à disposition de l'acheteur une solution comportant un logiciel cartographique, dont l'élaboration relevait de ses seuls mérites, constituait un avantage indu faussant l'égalité entre les candidats de ce nouveau marché |
|||||||||
JURITEXT000048430229 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430229.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2023, 22-13.374, Publié au bulletin | 2023-11-14 00:00:00 | Cour de cassation | 42300809 | Cassation partielle | 22-13374 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-12 | Cour d'appel de Toulouse | M. Vigneau | SCP Thouin-Palat et Boucard, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00809 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 809 F-B Pourvoi n° S 22-13.374 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023 La société La Maison de la peinture et du papier peint, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-13.374 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [B], domicilié [Adresse 4], 2°/ à la société Partner, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ à la société Mazars, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la société Fid Sud audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société La Maison de la peinture et du papier peint, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Partner et Mazars, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [B] et de la société Fid Sud audit, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 janvier 2022), la société Maison de la peinture et du papier peint (la société MPPP) avait pour expert-comptable la société Mazars, puis la société Michel Vaux et associés audit et conseil, aux droits de laquelle vient la société Partner. Elle avait pour commissaire aux comptes la société Fid Sud audit, dont l'un des associés, M. [B], était signataire des rapports certifiant les comptes. 2. A la suite de la révélation d'anomalies comptables et de détournements effectués par la comptable salariée de la société MPPP, notamment en procédant à des écritures fictives sur le compte ouvert au nom d'un fournisseur, la société Romus, la société MPPP a assigné ses experts-comptables et commissaire aux comptes en responsabilité. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le troisième moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. La société MPPP fait grief à l'arrêt de rejeter son action en responsabilité formée à l'encontre de la société Fid Sud audit et de [E] [B] et de rejeter le surplus de ses demandes, fins et prétentions, alors « que le commissaire aux comptes est investi d'une mission permanente de contrôle ; qu'en considérant que le commissaire aux comptes n'avait pas à vérifier l'exactitude des états de rapprochement bancaire "à tout moment de l'exercice contrôlé", mais qu'il devait attester de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances des états de rapprochement bancaire "en fin d'exercice", la cour d'appel a violé les articles L. 823-10 et L. 823-13 du code de commerce, ensemble l'article L. 822-17 du même code. » Réponse de la Cour 5. Le commissaire aux comptes, s'il doit avoir accès à toute époque de l'année à toutes les pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission, et notamment aux contrats, livres et documents comptables afin de procéder aux vérifications et contrôles qu'il juge opportuns, n'est pas pour autant tenu de vérifier, à tout moment de l'exercice contrôlé, l'exactitude de ces éléments. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; que la cour d'appel a, par motifs propres, admis l'existence d'"écarts de l'ERB" en juillet 2012 ; qu'en retenant cependant, par motifs expressément adoptés, que l'état des rapprochements bancaires (ERB) était équilibré et qu'il existait une concordance entre la comptabilité de la société et les comptes bancaires, la cour d'appel, (qui) a statué par des motifs contradictoires, a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel, ayant, par motifs adoptés, constaté de manière générale que l'état des rapprochements bancaires était équilibré et, par motif propres, retenu que les états de rapprochements bancaires en fin d'exercice n'avaient pas amené à découvrir d'anomalies ou d'irrégularités tout au long de la période, a pu, par des motifs exempts de contradiction, retenir que le commissaire aux comptes avait, sans manquer à ses obligations, attesté de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances de ces états de rapprochement bancaires en fin d'exercice, nonobstant le constat fait par ailleurs que l'état de rapprochements bancaires de juillet 2012 présentait des écarts. 9. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause ces constatations et appréciations souveraines, n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 10. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que les commissaires aux comptes exercent leur mission conformément aux normes internationales d'audit adoptées par la Commission de l'Union européenne dans les conditions définies par la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 et, en l'absence de telles normes, conformément aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes ; que la norme d'exercice professionnel 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, prévoit une procédure particulière en cas d'opposition de la part de la société contrôlée aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, prévoyant notamment d'examiner "si ce refus se fonde sur des motifs valables" et de collecter "sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés", outre la mise en oeuvre de procédures d'audit alternatives ou l'établissement d'un rapport ; qu'en se bornant à retenir que le commissaire aux comptes n'avait pas commis de négligence ou de faute, sans constater qu'il avait procédé, face à l'opposition de la comptable sur la circularisation du fournisseur Romus, à la procédure particulière prévue par la norme d'exercice professionnelle 505, comportement attendu d'un professionnel diligent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008, ensemble l'article L. 822-17 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016, et L. 822-17 du même code : 11. Il résulte du premier de ces textes qu'en l'absence de norme internationale d'audit adoptée par la Commission de l'Union européenne, les commissaires aux comptes se conforment aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes. 12. Aux termes du second, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne ou de l'entité contrôlée que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions. 13. Il résulte de la norme d'exercice professionnel n° 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, que le commissaire aux comptes a la maîtrise de la sélection des tiers à qui il souhaite adresser les demandes de confirmation, que si la direction de l'entité s'oppose aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, il examine si ce refus se fonde sur des motifs valables et collecte sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés, que s'il considère que le refus de la direction est fondé, le commissaire aux comptes met en oeuvre des procédures d'audit alternatives afin d'obtenir les éléments suffisants et appropriés sur le ou les points concernés par les demandes, tandis que s'il considère que le refus de la direction n'est pas fondé, il en tire les conséquences éventuelles dans son rapport. 14. S'analyse comme une opposition de la direction de l'entité, au sens de cette norme, toute déclaration ou tout comportement susceptible de conduire le commissaire aux comptes à ne pas adresser une demande de confirmation à un tiers qu'il avait sélectionné. 15. Pour rejeter la demande de la société MPPP, l'arrêt énonce que le fait de ne pas avoir vérifié auprès de la société Romus la réalité des opérations effectués sur le compte ouvert à son nom ne caractérise pas un défaut de diligence avéré dès lors qu'aucun élément ne permettait de cibler ce fournisseur très peu significatif et ne révélant aucune anomalie manifeste. Il ajoute que ce fournisseur était présenté mensongèrement par la comptable indélicate, comme une société du groupe auquel appartient la société MPPP et que la sophistication du stratagème des détournements mis en place depuis des années ne permettait pas de le déceler par le seul contrôle normal du commissaire aux comptes. 16. En se déterminant ainsi, sans chercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le commissaire aux comptes s'était conformé à la norme d'exercice professionnel susvisée, cependant qu'elle avait constaté que le commissaire aux comptes, bien qu'ayant prévu de procéder à la vérification auprès de la société Romus de la réalité des opérations effectuées sur le compte ouvert à son nom, s'en était abstenu après que la comptable salariée de la société MPPP lui avait mensongèrement indiqué que ce fournisseur faisait partie du même groupe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause 17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés Mazars et Partner, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : MET hors de cause les sociétés Mazars et Partner ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes présentées par la société MPPP contre la société Fid Sud audit et M. [B], l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société Fid Sud audit et M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maison de la peinture et du papier peint et la condamne à payer aux sociétés Mazars et Partner la somme globale de 3 000 euros ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fid Sud audit et M. [B] et les condamne à payer à la société Maison de la peinture et du papier peint la somme globale de 3 000 euros ; Dit que, sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. | EXPERT-COMPTABLE ET COMPTABLE AGREE | Il résulte de la norme d'exercice professionnel n° 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, que le commissaire aux comptes a la maîtrise de la sélection des tiers à qui il souhaite adresser les demandes de confirmation, que si la direction de l'entité s'oppose aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, il examine si ce refus se fonde sur des motifs valables et collecte sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés. S'il considère que le refus de la direction est fondé, le commissaire aux comptes met en oeuvre des procédures d'audit alternatives afin d'obtenir les éléments suffisants et appropriés sur le ou les points concernés par les demandes. S'il considère que le refus de la direction n'est pas fondé, il en tire les conséquences éventuelles dans son rapport. S'analyse comme une opposition de la direction de l'entité, au sens de cette norme, toute déclaration ou tout comportement susceptible de conduire le commissaire aux comptes à ne pas adresser une demande de confirmation à un tiers qu'il avait sélectionné |
|||||||||
JURITEXT000048465601 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465601.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 21-24.839, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 42300735 | Cassation partielle sans renvoi | 21-24839 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-09-07 | Cour d'appel de Dijon | M. Vigneau | SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Thouin-Palat et Boucard | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00735 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 735 FS-B Pourvoi n° G 21-24.839 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société MJ et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], en la personne de Mme [J] [K], agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, a formé le pourvoi n° G 21-24.839 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 12], dont le siège est [Adresse 9], prise en qualité de contrôleur à la procédure collective de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, 2°/ à la société Nimbus Investments LXII BV, société de droit néerlandais, 3°/ à la société Heel Veel Chocolade BV, société de droit néerlandais, ayant toutes deux leur siège [Adresse 13] (Pays-Bas), 4°/ à la société VH Holding Cooperatief UA, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 14] (Pays-Bas), 5°/ à la société CEBFC LT, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 6°/ à la société CDB CLUJ, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11], 7°/ à la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 15] (Allemagne), 8°/ à la direction régionale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1], 9°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bourgogne, dont le siège est [Adresse 10], 10°/ à M. [H] [T], domicilié [Adresse 4], 11°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 7], 12°/ à la société Rubis capital Bourgogne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], 13°/ à la société ACLG capital et conseil stratégique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], 14°/ à M. [U] [M], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de conciliateur de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société MJ et associés, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Bourgogne et de la direction générale des finances publiques, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des sociétés CEBFC LT et CDB CLUJ, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Le Masne de Chermont, Mme Vigneras, M. Boutié, Mme Coricon, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 septembre 2021), le 24 octobre 2014, la société Chocolaterie de Bourgogne (la société CDB) a été mise en redressement judiciaire. Le 13 février 2015, le plan de cession totale de l'entreprise a été arrêté au profit de la société CB Chocolaterie de Bourgogne (la société CB CDB), prévoyant l'inaliénabilité du fonds de commerce cédé pendant cinq ans. 2. Le 17 mars 2017, la société CB CDB a obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation. Par un jugement du 21 juin 2017, le tribunal, saisi par une requête de la société CB CDB, a autorisé la levée de l'inaliénabilité des lignes de production cédées et les transferts sous fiducie-sûreté, avec mise à disposition gratuite, de cinq lignes de production et la vente d'une sixième ligne à une société allemande. Un accord de conciliation a été conclu et homologué par un jugement du 23 juin 2017 prévoyant un échelonnement du remboursement des créances publiques sociales et fiscales sur plusieurs années, garanti par la cession en fiducie-sûreté, par la société CB CDB, de trois lignes de production laissées à sa disposition, et la souscription d'un emprunt obligataire auprès du groupe Caisse d'épargne et de la société CDB CLUJ, garanti par la cession en fiducie-sûreté des deux autres lignes de production laissées à sa disposition. 3. Le 31 octobre 2017, la société CB CDB a été mise en redressement judiciaire, la société Abitbol Rousselet étant désignée administrateur judiciaire et la société [J] [K] mandataire judiciaire. Le 5 février 2018, un plan de cession a été arrêté. 4. Soutenant que le jugement du 21 juin 2017 avait été obtenu par la société CB CDB en violation des limites du pouvoir juridictionnel du tribunal et également au préjudice et en fraude des droits des créanciers, la société [J] [K], en ses qualités de liquidateur de la société CDB et de la société CB CDB, a formé des tierces oppositions-nullité à ce jugement. Par un jugement du 16 mai 2019, ces recours ont été déclarés irrecevables. La société MJ et associés, ès qualités, succédant à la société [J] [K], ès qualités, a formé des appels-réformation puis des appels-nullité du jugement. Par une ordonnance du 20 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré les appels irrecevables. Son ordonnance a été déférée à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Les liquidateurs font grief à l'arrêt de rejeter le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état et de confirmer cette ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables les appels-nullité, alors « que seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel ; qu'il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge ; qu'en affirmant que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité de l'appel-nullité formé par le liquidateur ès qualités à l'encontre du jugement du 16 mai 2019 quand la recevabilité de ce recours était subordonnée à la constatation d'un excès de pouvoir qui, s'il était retenu, allait remettre en cause le jugement attaqué, de sorte qu'une telle appréciation relevait de la compétence exclusive de la cour d'appel, la cour d'appel statuant sur déféré a violé les articles 542 et 914 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-1, L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire et les articles 542 et 914 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, et les principes régissant l'excès de pouvoir : 6. Le premier de ces textes donne compétence à la cour d'appel, sous réserve des compétences attribuées à d'autres juridictions, pour connaître des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort et précise qu'elle statue souverainement sur le fond des affaires. Selon le deuxième et le troisième de ces textes, la cour d'appel statue en formation collégiale, sa formation de jugement se composant d'un président et de plusieurs conseillers. Selon le quatrième texte, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. Enfin, selon le cinquième, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent, depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel. 7. La Cour de cassation a jugé qu'aux termes de l'article 911 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 84-618 du 13 juillet 1984, le conseiller de la mise en état est compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel, et que, dès lors que ce texte ne distingue pas selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement, le conseiller de la mise en état est compétent pour apprécier la recevabilité de l'appel-nullité (Com., 14 mai 2008, pourvoi n° 07-11.036, Bull. 2008, IV, n° 99). 8. L'article 914 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ne comporte pas davantage de distinction selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement. 9. Cependant, il convient de ne pas méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi, aux articles susvisés du code de l'organisation judiciaire, donnant à la seule cour d'appel, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, le pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel, revêtue, dès son prononcé, de l'autorité de la chose jugée. 10. La Cour de cassation, saisie d'une demande d'avis sur les conséquences des modifications des pouvoirs du conseiller de la mise en état introduites par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et notamment le nouvel article 907 du code de procédure civile déterminant les pouvoirs de ce conseiller par renvoi à ceux du juge de la mise en état, a émis l'avis que le conseiller de la mise en état ne pouvait connaître ni des fins de non-recevoir qui avaient été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge (Avis de la Cour de cassation, 3 juin 2021, n° 21-70.006, Bull.). 11. Ces considérations conduisent la Cour de cassation à juger désormais que le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré de son ordonnance, ne peut connaître de la recevabilité d'un appel-nullité, invoquant un excès de pouvoir commis par le premier juge, dès lors que si l'appel était déclaré recevable, cela aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d'appel. 12. L'arrêt, statuant sur déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, confirme l'ordonnance de ce magistrat ayant déclaré irrecevables les appels-nullité formés par le liquidateur des sociétés CDB et CB CDB qui invoquait un excès de pouvoir. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes et principes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 14. Tel que suggéré par la société MJ et associés, ès qualités, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le déféré de la société MJ et associés, en ses qualités de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, et confirme l'ordonnance du magistrat de la mise en état du 20 octobre 2020 en ce qu'elle a déclaré irrecevables les appels-nullité formés par cette société, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Annule l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 octobre 2020 en ce qu'elle déclare irrecevables les appels-nullité formés par la société MJ et associés, en ses qualités de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne ; Dit que l'examen de la recevabilité des appels-nullité relève de la cour d'appel de Dijon ; Condamne la direction générale des finances publiques, l'URSSAF de Bourgogne, la société Nimbus Investments LXII BV, la société Heel Veel Chocolade BV, la société VH Holding Cooperatief UA, la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, la société CEBFC LT et la société CDB CLUJ aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel statuant sur déféré ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nimbus Investments LXII BV, la société Heel Veel Chocolade BV, la société VH Holding Cooperatief UA, la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, la société CEBFC LT et la société CDB CLUJ à payer à la société MJ et associés, en sa qualité de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Compétence - Compétence pour déclarer l'appel irrecevable - Exclusion - Cas - Recevabilité de l'appel-nullité | PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Ordonnance du conseiller de la mise en état - Voies de recours - Déféré - Compétence pour déclarer l'appel irrecevable - Exclusion - Cas - Recevabilité de l'appel-nullité COURS ET TRIBUNAUX - Cour d'appel - Ordonnance déférée à la cour d'appel - Cour d'appel déclarant irrecevable des appels-nullité - Sanction - Excès de pouvoir | Le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré de son ordonnance, ne peut connaître de la recevabilité d'un appel-nullité, invoquant un excès de pouvoir commis par le premier juge, dès lors que si l'appel était déclaré recevable, cela aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d'appel. Commet un excès de pouvoir la cour d'appel, statuant sur déféré, qui confirme une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables des appels-nullité |
||||||||
JURITEXT000048465605 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465605.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-18.795, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 42300737 | Cassation partielle | 22-18795 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-04-12 | Cour d'appel de Grenoble | M. Vigneau | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Bouzidi et Bouhanna | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00737 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 737 F-B Pourvoi n° J 22-18.795 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [H] [U], domicilié [Adresse 5], agissant en qualité de liquidateur de Mme [B] [I], a formé le pourvoi n° J 22-18.795 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [B] [I], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 1], 3°/ à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U], ès qualités, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 avril 2022) et les productions, le 3 février 2016, à la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes (la banque), qui avait obtenu la condamnation de Mme [I] à lui payer le solde de deux prêts immobiliers consentis le 13 juillet 2010, un tribunal a ordonné la licitation-partage d'un immeuble dont elle détenait 99% de l'indivision sur le fondement de l'article 815-17 du code civil et a ordonné une mesure d'expertise pour évaluer la valeur de l'immeuble. 2. Les 2 mai et 25 juillet 2016, Mme [I], qui exploitait un fonds de commerce, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. [U] étant désigné mandataire judiciaire puis liquidateur. 3. Après dépôt du rapport d'expertise, le liquidateur s'est associé à la demande de reprise de l'instance en licitation-partage et a demandé l'attribution du prix d'adjudication à concurrence de 99%. 4. La banque s'est opposée à la demande en soutenant que l'immeuble constituant la résidence principale de Mme [I], il était insaisissable par l'application de l'article L. 526-1 du code de commerce. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer insaisissable le bien indivis et de rejeter sa demande d'attribution à hauteur de 99% du prix d'adjudication, alors « que, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ; qu'il incombe à qui se prévaut de cette insaisissabilité de démontrer que les conditions en sont remplies et, spécialement, que le bien en cause constituait réellement la résidence principale du débiteur ; que la cour d'appel a retenu que le [Adresse 4] constituait la résidence principale de Mme [I] au motif que le liquidateur ne démontrait pas que le [Adresse 6] constituât la résidence principale de la débitrice ; qu'en faisant ainsi peser la charge de la preuve, permettant de déterminer la résidence principale de Mme [I], sur le liquidateur, partie se prévalant du principe de l'unité du patrimoine du débiteur, droit de gage général des créanciers, et non pas sur la banque, partie se prévalant de l'exception à ce principe, tenant à l'insaisissabilité de la résidence principale du débiteur par ses créanciers au titre de dettes professionnelles, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien du code civil, devenu 1353, de ce code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 526-1 du code de commerce, et 1315, devenu 1353, du code civil : 6. Il résulte de la combinaison de ces textes que celui qui se prévaut des dispositions du premier pour soustraire du droit de gage général des créanciers de la procédure collective d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante un immeuble appartenant à celle-ci doit rapporter la preuve qu'à la date d'ouverture de cette procédure, cet immeuble constituait sa résidence principale et n'était donc pas entré dans le gage commun des créanciers. 7. Pour rejeter la demande du liquidateur d'attribution du prix, l'arrêt, après avoir énoncé que le liquidateur avait intérêt à démontrer que le bien immobilier, appartenant à la débitrice, est saisissable, de façon à pouvoir l'appréhender au profit de la communauté des créanciers de la débitrice et non pas seulement de la banque, retient que les éléments apportés par le liquidateur ne suffisent pas à apporter cette preuve. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de M. [U], en qualité de liquidateur de Mme [I], dit qu'il a intérêt à agir et déclare son appel recevable, l'arrêt rendu le 12 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes et la condamne à payer à M. [U], en qualité de liquidateur de Mme [I], la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Créanciers - Insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur - Résidence principale - Preuve - Charge - Détermination | Il résulte de la combinaison des articles L. 526-1 du code de commerce et 1315, devenu 1353, du code civil, que celui qui se prévaut des dispositions du premier pour soustraire du droit de gage général des créanciers de la procédure collective d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante un immeuble appartenant à celle-ci, doit apporter la preuve qu'à la date d'ouverture de cette procédure, cet immeuble constituait sa résidence principale et n'était donc pas entré dans le gage commun des créanciers |
|||||||||
JURITEXT000048465609 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465609.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.894, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 42300740 | Rejet | 22-17894 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-04-21 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | Me Descorps-Declère, SCP Caston, SARL Le Prado - Gilbert | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00740 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 740 F-B Pourvoi n° E 22-17.894 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société JASSP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-17.894 contre l'arrêt rendu le 21 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Philippe Angel, Denis Hazane, Sylvie Duval, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société JASSP, 2°/ à la société Bpifrance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de la société JASSP, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Bpifrance, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Philippe Angel, Denis Hazane, Sylvie Duval, ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 avril 2022), le 7 octobre 2019, à la suite d'une assignation de la société Bpifrance, la société JASSP a été mise en redressement judiciaire, la société Philippe Angel-Denis Hazane étant désignée mandataire judiciaire. 2. Le 5 juillet 2021, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société JASSP d'une durée de 6 ans, la société Philippe Angel-Denis Hazane étant désignée commissaire à l'exécution du plan. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société JASSP fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et de rejeter sa demande de clôture du redressement judiciaire, alors : « 1°/ que s'il apparaît, au cours de la période d'observation, que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à celle-ci ; que pour effectuer cette appréciation, seules les créances exigibles doivent être prises en considération ; qu'en incluant au passif exigible l'honoraire proportionnel de répartition du mandataire "estimé entre 300 et 2 300 euros", pour évaluer ledit passif à la somme de 119 104,03 euros, et considérer que la somme de 117 104,03 euros séquestrée sur le compte du mandataire judiciaire serait inférieure au passif exigible, la cour d'appel a violé l'article L. 631-16 du code de commerce ; 2°/ qu'à l'exception des rémunérations prévues aux articles R. 663-4 et R. 663-18 à R. 663-20 du code de commerce et des provisions et acomptes autorisés, les rémunérations dues au mandataire ne sont perçues qu'après avoir été arrêtées ; qu'en incluant la simple estimation de l'honoraire proportionnel de répartition dans le passif exigible, la cour d'appel a violé l'article R. 663-34 du code de commerce ; 3°/ qu'en jugeant que l'honoraire proportionnel de répartition du mandataire "estimé entre 300 et 2300 euros", ajouté au passif déclaré de 116 804,03 euros, devrait conduire à évaluer le passif à la somme de 119 104,03 euros, tout en admettant que ledit honoraire pourrait n'être que de 300 euros, ce qui conduirait alors à un passif total de 117 104,03 euros égal à la somme de 117 104,03 euros séquestrée sur le compte du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que la société JASSP exposait qu'au titre de ses actifs, devait être comprise la condamnation de la société ONEPOINT, par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 février 2022 produit aux débats et assorti de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 109 632 euros, majorée des intérêts de retard au taux fixé par l'article L. 441-6 du code de commerce, outre la capitalisation des intérêts ; qu'en jugeant sans autre explication que "la condamnation de la société ONEPOINT par jugement du 23 février 2022 à verser à la société JASSP la somme de 109 632 euros ne saurait constituer un actif disponible", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 631-16 du code de commerce, le juge peut mettre fin à la période d'observation s'il apparaît que le débiteur dispose des sommes suffisantes, non seulement pour désintéresser les créanciers, mais aussi pour acquitter les frais et dettes afférents à la procédure collective. 5. Sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles L. 631-16, R. 663-34 du code de commerce et 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'exercice par la cour d'appel du pouvoir souverain qu'elle tient de l'article L. 631-16 précité de ne pas faire usage de la faculté offerte par ce texte de mettre fin au redressement judiciaire. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société JASSP aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Déroulement - Poursuite de l'activité au cours de la période d'observation - Fin du redressement judiciaire pour extinction du passif - Conditions - Pouvoirs des juges | La mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 631-16 du code de commerce relève du pouvoir souverain des juges du fond |
|||||||||
JURITEXT000048465611 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465611.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.843, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 42300741 | Rejet | 22-17843 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-05-12 | Cour d'appel de Rouen | M. Vigneau | SCP Foussard et Froger, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00741 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 741 F-B Pourvoi n° Z 22-17.843 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Générale de manutention portuaire (GMP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-17.843 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Générale de manutention portuaire (GMP), de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société CMA CGM, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 mai 2022), le 15 novembre 2017, la société CMA CGM a confié à la société Générale de manutention portuaire (la société GMP) le chargement à bord du navire APL Merlion d'un conteneur dans lequel des produits chimiques liquides avaient été empotés au moyen d'une citerne en plastique (dite « flexitank »). 2. Au cours des opérations de manutention, le conteneur a heurté la glissière du navire et son plancher a été percé, ce qui a provoqué la fuite du produit qui s'est répandu à bord du navire et sur le quai. 3. Après avoir indemnisé le propriétaire de la marchandise dans la limite de 48 532 euros, la société CMA CGM a assigné la société GMP en remboursement de cette somme et en paiement de divers frais de nettoyage du navire, de nettoyage, réparation, stationnement et surestaries du conteneur. La société GMP a présenté une demande reconventionnelle en paiement de frais qu'elle a exposés à la suite de l'accident, par compensation avec la créance de la société CMA CGM. Examen des moyens Sur le moyen unique du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La société GMP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande reconventionnelle, alors : « 1°/ que lorsque des dommages causés aux marchandises et des dommages consécutifs sont imputables à l'entrepreneur de manutention, sa responsabilité ne peut en aucun cas dépasser le montant fixé par l'article L. 5422-13 du code des transports ; qu'ainsi, le total des sommes exposées par l'entrepreneur de manutention au titre des dommages, d'une part, et des sommes qui peuvent lui être réclamées par le transporteur, d'autre part, ne peut excéder ce montant ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont constaté que la limitation de responsabilité était de 48 532 euros et qu'une somme de 10 743 euros a été exposée par la société GMP pour remettre en état les lieux et les installations, à la suite du dommage causé aux marchandises ; qu'en rejetant la demande de la société GMP visant à ce que sa condamnation soit limitée à la somme de 37 789 euros, les juges du fond qui ont fait peser sur la société GMP une responsabilité d'un montant supérieur à la limitation légale ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ; 2°/ qu'à tout le moins, en s'abstenant de rechercher si la circonstance que les dépenses engagées par la société GMP étaient consécutives au dommage et entraient dès lors dans le champ de la limitation de responsabilité n'imposait pas qu'elles viennent en déduction de la somme de 48 532 euros réclamée par le transporteur, afin que la somme totale mise à la charge de la société GMP n'excède pas le montant de 48 532 euros, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ; 3°/ qu'en se fondant, pour écarter la demande de la société GMP sur les motifs impropres que la société GMP ne justifie pas que la société CMA CGM lui ait intimé l'ordre d'exposer des frais en son nom et pour son compte, les juges du fond ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ; 4°/ que, et en tout cas, en se fondant sur les motifs impropres que les dépenses ont été rendues nécessaires par la faute de la société GMP, les juges du fond ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924. » Réponse de la Cour 5. La limitation de responsabilité du manutentionnaire prévue à l'article L. 5422-23 du code des transports ne s'applique qu'à l'égard du transporteur et ne peut donc porter que sur les dommages subis par ce dernier. Le manutentionnaire n'est pas fondé à en réclamer le bénéfice pour des frais destinés à limiter ou réparer son propre préjudice ou celui qu'il a causé à des tiers. 6. La cour d'appel, devant laquelle la société GMP avait indiqué avoir exposé des dépenses de pompage, stockage et nettoyage des outillages et installations portuaires, a relevé que ces dépenses n'avaient pas été engagées sur ordre de la société CMA CGM et qu'elles avaient été rendues nécessaires pour remettre en état les lieux et les installations dégradées par son fait. 7. De ces appréciations souveraines, faisant ressortir que les dépenses litigieuses avaient été exposées par le manutentionnaire pour limiter et réparer le dommage qu'il avait causé aux installations portuaires et non au transporteur, la cour d'appel a exactement déduit que la société GMP ne justifiait d'aucune créance à l'égard de la société CMA CGM pouvant être compensée avec la créance de cette dernière. 8. Le moyen, reposant pour partie sur un postulat erroné, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, du pourvoi incident 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches, du pourvoi incident Enoncé du moyen 10. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation à paiement de la société GMP à la somme de 48 532 euros, alors : « 1°/ que le conteneur constitue une marchandise, de sorte qu'il doit être tenu compte, pour calculer le plafond légal de responsabilité contractuelle du manutentionnaire portuaire, du poids du conteneur qui lui a été confié ; qu'en écartant la demande d'indemnisation de la société CMA CGM au titre des frais de réparation, de nettoyage, des frais de stationnement et de surestaries du conteneur au motif inopérant que "la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'appliquant aux dommages causés à la marchandise et à ceux consécutifs ou annexes supportés par le transporteur, la société CMA CGM ne peut faire supporter à la société GMP les préjudices allégués par elle qui sont consécutifs ou annexes à son préjudice principal constitué par la perte de la marchandise", la cour d'appel a violé l'article L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée par le protocole du 21 décembre 1979 ; 4°/ que l'action engagée par le transporteur maritime à l'encontre du manutentionnaire en réparation des dommages causés au navire au cours du déchargement est étrangère au contrat de manutention des marchandises et relève de la responsabilité délictuelle du manutentionnaire, de sorte qu'elle n'est pas soumise au plafond de responsabilité visé à l'article L. 5542-23 du code des transports ; qu'en déboutant la société CMA CGM de sa demande d'indemnisation au titre des frais de nettoyage du navire au motif inopérant que "la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'appliquant aux dommages causés à la marchandise et à ceux consécutifs ou annexes supportés par le transporteur, la société CMA CGM ne peut faire supporter à la société GMP les préjudices allégués par elle qui sont consécutifs ou annexes à son préjudice principal constitué par la perte de la marchandise", la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée par le protocole du 21 décembre 1979. » Réponse de la Cour 11. Il résulte des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les limites de la responsabilité du transporteur pour les pertes et dommages subis par les marchandises, telles que fixées à l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée. 12. Après avoir énoncé à bon droit que la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'applique, non seulement aux dommages causés à la marchandise, mais aussi à ceux consécutifs ou annexes à ce préjudice principal, l'arrêt retient exactement que les frais de nettoyage du navire, et ceux de réparation, nettoyage, stationnement et surestaries du conteneur, constituaient un dommage consécutif et annexe aux dommages aux marchandises soumis au plafond légal d'indemnisation, de sorte que la créance de la société CMA CGM sur la société GMP se limitait à la somme de 48 532 euros. 13. Le moyen n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Acconier - Responsabilité - Limitation - Domaine d'application - Définition | TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Acconier - Responsabilité - Limitation - Domaine d'application - Dommages consécutifs ou annexes supportés par le transporteur TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Acconier - Responsabilité - Limitation - Conditions - Dommage subi par le transporteur | Il résulte des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les limites de la responsabilité du transporteur pour les pertes et dommages subis par les marchandises, telles que fixées à l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924 modifiée. La limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'applique ainsi non seulement aux dommages causés à la marchandise, mais aussi à ceux consécutifs ou annexes à ce préjudice principal, imputables à l'entrepreneur de manutention, tels que des frais de nettoyage du navire, de réparation du conteneur et de "surestaries". La limitation de responsabilité du manutentionnaire prévue à l'article L. 5422-23 du code des transports ne s'applique qu'à l'égard du transporteur et ne peut donc porter que sur les dommages subis par ce dernier. Le manutentionnaire n'est pas fondé à en réclamer le bénéfice pour des frais destinés à limiter ou réparer son propre préjudice ou celui qu'il a causé à des tiers |
||||||||
JURITEXT000048465614 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465614.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.798, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 42300743 | Cassation partielle sans renvoi | 22-17798 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-04-14 | Cour d'appel de Lyon | M. Vigneau | SCP Duhamel | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00743 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 743 F-B Pourvoi n° A 22-17.798 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Artis construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° A 22-17.798 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, cour d'appel de Lyon, [Adresse 1], 2°/ à la société BCM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Artis construction, 3°/ à la société Jérôme Allais, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire puis de liquidateur judiciaire de la société Artis construction, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Artis construction, les observations du procureur général près la cour d'appel de Lyon, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 avril 2022), le 28 septembre 2021, la société Artis construction a déclaré son état de cessation des paiements et demandé sa mise en redressement judiciaire. A cette occasion, elle a déclaré qu'elle avait bénéficié, le 22 décembre 2020, d'une procédure de mandat ad hoc. 2. Par un jugement du 18 octobre 2021, le tribunal, avant de statuer sur l'ouverture de la procédure collective, a, à la demande du ministère public, ordonné la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc et renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure. 3. La société Artis construction a interjeté appel-nullité de ce jugement. 4. Par un jugement du 2 novembre 2021, la société Artis construction a été mise en redressement judiciaire, la société BCM étant désignée en qualité d'administrateur et la société Jérôme Allais, en celle de mandataire judiciaire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Artis construction fait grief à l'arrêt de déclarer son appel-nullité irrecevable et de confirmer le jugement, alors « que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ; que le tribunal de commerce ne peut lever cette confidentialité en ordonnant la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc tant qu'une procédure collective n'a pas été ouverte à l'égard du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le tribunal de commerce de Lyon, par jugement avant-dire droit du 18 octobre 2021, avait ordonné à la société Artis construction de communiquer les pièces et actes relatifs au mandat ad hoc dont elle bénéficiait, tandis qu'aucune procédure collective n'avait été ouverte à son égard ; que la société Artis construction a fait valoir que le tribunal avait ainsi commis un excès de pouvoir, de sorte que le jugement avant-dire droit du 18 octobre 2021 devait être annulé ; qu'en jugeant toutefois que la levée de la confidentialité d'un mandat ad hoc pouvait intervenir avant l'audience prononçant l'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, violant ainsi les articles L. 611-15 et L. 621-1, alinéas 5 et 6, du code de commerce. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles L. 621-1, alinéas 5 et 6, et L. 631-7 du code de commerce, que le tribunal, saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l'article L. 611-15 du même code. 7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. La société Artis construction fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel ne peut, après avoir déclaré l'appel irrecevable, confirmer le jugement déféré ; qu'ainsi, en confirmant le jugement du 18 octobre 2021 après avoir pourtant déclaré irrecevable l'appel-nullité de la société Artis construction, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, violant ainsi l'article 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 562 du code de procédure civile : 9. Il résulte de ce texte qu'une cour d'appel qui décide que l'appel dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en confirmant le jugement qui a fait l'objet de cet appel. 10. Après avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité formé par la société Artis construction, l'arrêt confirme le jugement. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement rendu le 18 octobre 2021, l'arrêt rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi. Condamne la société Artis construction aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à statuer ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Ouverture - Demande - Débiteur ayant bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une conciliation - Confidentialité - Exception | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Prévention des difficultés - Procédure de conciliation ou de mandat ad hoc - Confidentialité - Exception - Cas - Demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire | En application des articles L. 621-1, alinéas 5 et 6, et L. 631-7 du code de commerce, un tribunal, saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l'article L. 611-15 du même code |
||||||||
JURITEXT000048550278 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/02/JURITEXT000048550278.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.691, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 42300739 | Rejet | 22-17691 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-03 | Cour d'appel de Nimes | M. Vigneau | SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gury et Maitre | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00739 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 739 F-B Pourvoi n° J 22-17.691 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 1°/ La Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 7], 2°/ la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM), dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2] ont formé le pourvoi n° J 22-17.691 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Ajilink [W] [L], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], en la personne de M. [F] [L], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Conserves de Provence le cabanon, 2°/ à la société Etude Balincourt, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6], en la personne de M. [V] [M], prise en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Conserves de Provence le cabanon, défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM), de la SCP Gury et Maitre, avocat de la société Etude Balincourt, ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 mars 2022), la société Conserves de Provence le cabanon (la société) est sociétaire de la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret (la caisse locale) dont elle détient 74 081 parts sociales d'une valeur nominale de 1,50 euros, en dépôt à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la caisse régionale). 2. Le 5 février 2014, la société a été mise en liquidation judiciaire, M. [M] étant désigné liquidateur. Les 22 septembre et 29 octobre 2014, la société Douhaire [W] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société avec pour mission de la représenter en justice et dans tous les actes autres que ceux dévolus au liquidateur judiciaire. 3. Le 18 avril 2019, le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société ont assigné la caisse locale aux fins de retrait de la société et de remboursement de ses parts sociales. La caisse régionale est intervenue à l'instance. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. La caisse locale et la caisse régionale font grief à l'arrêt de condamner la caisse locale à payer à la société Etude Balincourt, venant aux droits de M. [M], ès qualités, la somme principale de 111 121,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017, la somme de 2 100,20 euros au titre des intérêts échus de l'année 2014, et le montant des intérêts échus au titre des années 2015 et suivantes jusqu'au jour du retrait effectif, alors : « 1°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant à son administrée dés lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce et relève des droits attachés à la personne du débiteur liés à sa qualité de sociétaire ; qu'en retenant que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur et que les parts sociales détenues par le débiteur dans le capital d'une société font partie de son patrimoine, pour en déduire que le liquidateur qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur est de ce fait recevable à demander le remboursement desdites parts sociales, la cour d'appel qui ajoute que s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire mais qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, que dès lors le liquidateur a qualité à agir, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait que seul l'administrateur ad hoc ayant qualité à agir, l'action en remboursement des parts sociales diligentée par le liquidateur était irrecevable et elle a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile ; 2°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant à son administrée dès lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce et relève des droits attachés à la personne du débiteur lié à sa qualité de sociétaire ; qu'ayant relevé que s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire, qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, pour en déduire que le liquidateur a qualité à agir en remboursement des parts sociales quand le dessaisissement ne concernant que l'administration et la disposition des biens du débiteur, ce dernier a qualité pour intenter seul une action tendant à la constatation de son retrait du capital de la caisse locale, cette action étant attachée à sa personne, qui inclut le remboursement du capital investi dans l'acquisition de ces parts sociales et les accessoires attachés, sans préjudice de l'exercice par le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure collective le remboursement des parts sociales appartenant au débiteur qui serait décidé par le juge, de la tierce opposition contre cette disposition du jugement ou de l'exercice de toute autre voie de droit dans le cadre des actions patrimoniales relevant de sa compétence exclusive, la cour d'appel a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile ; 3°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant au débiteur dès lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce qui relève des droits attachés à la personne du débiteur lié à sa qualité de sociétaire ; qu'en retenant que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur et que les parts sociales détenues par le débiteur dans le capital d'une société font partie de son patrimoine, pour retenir que le liquidateur qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur est de ce fait recevable à demander le remboursement desdites parts sociales, puis que, s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire mais qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, pour en déduire que le liquidateur a qualité à agir, quand l'association du mandataire ad hoc aux demandes faites par le liquidateur à son bénéfice, ès qualités exclusivement, ne saurait avoir pour effet de valider de telles demandes faites au mépris de la compétence exclusive du débiteur représenté par un mandataire ad hoc, la cour d'appel a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Ayant énoncé que la faculté de retrait proprement dite est rattachée strictement à la personne du sociétaire et ne peut être exercée que par ce dernier, tandis que les parts sociales détenues par un débiteur en liquidation judiciaire font partie de son patrimoine et que le liquidateur, qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur, est recevable à en demander le remboursement, puis relevé, par motifs propres et adoptés, que l'action en retrait et en remboursement des parts détenues par la société en liquidation judiciaire avait été engagée conjointement contre la caisse locale par le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société, lequel s'était associé, dès l'origine, à la démarche et a conclu dans le même sens que le liquidateur, l'arrêt en déduit exactement que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du liquidateur devait être écartée. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM) aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (CRCAM) et les condamne à payer à la société Etude Balincourt, en qualité de liquidateur de la société Conserves de Provence le cabanon, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Effets - Dessaisissement du débiteur - Limites - Actions attachées à la personne du débiteur - Applications diverses - Retrait du sociétaire d'une caisse de crédit agricole | ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Organes - Liquidateur - Qualité à agir - Applications diverses - Action en retrait et remboursement des parts d'une société | La faculté de retrait du sociétaire, en liquidation judiciaire, d'une caisse de crédit agricole, est strictement rattachée à sa personne et ne peut être exercée que par lui, tandis que les parts sociales font partie de son patrimoine, dont le liquidateur est recevable à demander le remboursement. Doit être approuvée une cour d'appel qui, relevant qu'une action en retrait et remboursement des parts d'une société en liquidation judiciaire a été engagée conjointement par le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société, lequel s'est associé, dès l'origine, à la démarche et a conclu dans le même sens que le liquidateur, écarte la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du liquidateur pour exercer cette action |
||||||||
JURITEXT000048550288 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/02/JURITEXT000048550288.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-18.306, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | 42300752 | Cassation partielle sans renvoi | 22-18306 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-04-07 | Cour d'appel de Dijon | M. Vigneau | SCP Zribi et Texier, SCP Gury et Maitre | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00752 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 752 F-B Pourvoi n° C 22-18.306 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Carrosserie Descharmes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° C 22-18.306 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [V] [X], veuve [C], domiciliée [Adresse 7], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de conjoint survivant commune en biens de [B] [P] [Z] [C] et en qualité d'administratrice légale de sa fille [U] [C], 2°/ à M. [J] [C], domicilié [Adresse 4], 3°/ à M. [R] [C], domicilié [Adresse 5], tous deux pris en qualité d'ayants droit de [B] [P] [Z] [C], 4°/ à la société Ferme équestre de [Adresse 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 5°/ à la société Raymond Dupont, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [N] [Y], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Equicoach.org, 6°/ à la société Equicoach.org, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Carrosserie Descharmes, de la SCP Gury et Maitre, avocat de la société Ferme équestre de [Adresse 3], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 avril 2022), le 17 septembre 2016, la société Equicoach.org a vendu à la société Ferme équestre de [Adresse 3] un véhicule aménagé pour le transport de chevaux et comportant une partie habitation. 2. Soutenant que le véhicule ne pouvait recevoir le poids de 4 510 kg, correspondant à celui de cinq chevaux, convenu contractuellement, le poids à vide du camion étant de 11 020 kg pour un poids total autorisé de 12 000 kg, la société Ferme équestre de [Adresse 3] a assigné en résolution du contrat la société Equicoach.org, laquelle a assigné son propre vendeur, [B] [C], lequel a fait intervenir la société Carrosserie Descharmes, qui avait effectué des adaptations intérieures sur le véhicule entraînant une modification de son poids à vide. 3. [B] [C] est décédé le 11 mars 2018, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [X], et ses deux enfants, MM. [J] et [R] [C], lesquels ont repris l'instance. 4. La société Equicoach.org ayant été mise en liquidation judiciaire, Mme [Y], désignée en qualité de liquidateur, est intervenue en cette qualité devant la cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Carrosserie Descharmes fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir Mme [Y], ès qualités, du paiement des créances fixées au passif et de toute condamnation prononcée à son encontre, alors « qu'en cas de résolution de la vente, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur et qu'ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu ; que la restitution du prix ne constitue pas un préjudice indemnisable ; qu'en condamnant la société Carrosserie Descharmes à garantir Mme [Y], en qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, du paiement des créances fixées au passif et de toute condamnation prononcée à son encontre, quand ces créances et condamnations ne portaient que sur la restitution du prix en suite de la résolution judiciaire qu'elle prononçait, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du code civil : 7. Il résulte de ces textes que lorsqu'une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d'un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n'a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable. 8. Après avoir prononcé la résolution de la vente conclue entre les sociétés Equicoach.org et Ferme équestre de [Adresse 3] et énoncé que le défaut de conformité affectant le bien vendu était imputable à la faute de la société Carrosserie Descharmes, l'arrêt retient qu'au titre de sa responsabilité civile délictuelle, cette dernière sera condamnée à garantir Mme [Y], en sa qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, du paiement des créances fixées au passif de la société Equicoach.org. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 10. La société Carrosserie Descharmes fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir les ayants droits de [B] [C] des condamnations prononcées à leur encontre, alors « qu'en cas de résolution de la vente, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur et qu'ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu ; que la restitution du prix ne constitue pas un préjudice indemnisable ; qu'en condamnant la société Carrosserie Descharmes à garantir les ayants droits d'[B] [C] des condamnations prononcées à leur encontre, quand ces condamnations ne portaient que sur la restitution du prix en suite de la résolution judiciaire qu'elle prononçait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du code civil : 11. Il résulte de ces textes que lorsqu'une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d'un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n'a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable. 12. Après avoir prononcé la résolution de la vente conclue entre [B] [C] et la société Equicoach.org et énoncé que le défaut de conformité affectant le bien vendu était imputable à la faute de la société Carrosserie Descharmes, l'arrêt retient qu'au titre de sa responsabilité civile délictuelle, cette dernière sera condamnée à garantir les ayants droits d'[B] [C] de leur condamnation in solidum à rembourser le prix de vente de 25 000 euros à Mme [Y], ès qualités. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 14. Conformément à la demande de la société Carrosserie Descharmes, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que peuvent être retranchés du dispositif les chefs censurés, l'arrêt n'étant cassé qu'en ce qu'il condamne la société Carrosserie Descharmes à garantir Mme [Y], ès qualités, du paiement des créances fixées au passif de la société Equicoach.org et à garantir les ayants droit d'[B] [C] de leur condamnation in solidum à rembourser le prix de vente de 25 000 euros à Mme [Y], ès qualités. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne la société Carrosserie Descharmes à garantir Mme [Y], en qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, du paiement des créances fixées au passif et à garantir les ayants droit d'[B] [C] de leur condamnation in solidum à rembourser le prix de vente de 25 000 euros à Mme [Y], en qualité de liquidateur de la société Equicoach.org, l'arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | VENTE - Résolution - Effets - Restitution du prix - Garantie par un tiers (non) | Il résulte des articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du code civil que lorsqu'une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d'un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n'a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable |
|||||||||
JURITEXT000048550308 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550308.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-18.295, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 42300758 | Cassation | 22-18295 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-11-18 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Piwnica et Molinié, Me Balat | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00758 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 758 FS-B+R Pourvoi n° R 22-18.295 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 Mme [L] [A], épouse [G], domiciliée [Adresse 7], [Localité 6], a formé le pourvoi n° R 22-18.295 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [P], domicilié [Adresse 3], [Localité 8], 2°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5], en la personne de Mme [Z] [F], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société [C] [N], 3°/ à la société CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [A], épouse [G], de Me Balat, avocat de la société MJA, ès qualités, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, MM. Blanc, Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2021) et les productions, le 28 avril 2016, Mme [A] a conclu un bail commercial avec la société par actions simplifiée [C] [N], « en cours de formation », et MM. [B], [T] et [R] « agissant conjointement et solidairement entre eux ». 2. La société [C] [N] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 15 juin 2016. 3. Un jugement du 16 février 2021 a mis la société [C] [N] en liquidation judiciaire, la société MJA, prise en la personne de Mme [F], étant désignée liquidateur. 4. Par une ordonnance du 23 avril 2021, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société [C] [N] à M. [P]. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Mme [A] fait grief à l'arrêt de dire que le bail qu'elle a conclu avec la société [C] [N] n'est pas entaché de nullité et de confirmer l'ordonnance ayant autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de cette société à M. [P], alors « qu'est nulle la convention conclue par une société en formation, dépourvue de la personnalité morale ; que seuls les actes conclus au nom d'une telle société peuvent être repris par celle-ci, après son immatriculation ; que dès lors, le bail commercial conclu par une société en formation et par ses associés fondateurs, lesquels n'ont pas indiqué agir au nom de celle-ci, est nul à l'égard de la société et ne peut être repris ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1842 et 1843 du code civil et 210-6 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce : 6. Il résulte de ces textes que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. 7. La Cour de cassation juge depuis de nombreuses années que ne sont susceptibles d'être repris par la société après son immatriculation que les engagements expressément souscrits « au nom » (Com., 22 mai 2001, pourvoi n° 98-19.742 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 13 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.158) ou « pour le compte » (Com., 11 juin 2013, pourvoi n° 11-27.356 ; Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-15.618) de la société en formation, et que sont nuls les actes passés « par » la société, même s'il ressort des mentions de l'acte ou des circonstances que l'intention des parties était que l'acte soit accompli en son nom ou pour son compte (3e Civ., 5 octobre 2011, pourvoi n° 09-72.855 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.719). 8. Cette jurisprudence repose sur le caractère dérogatoire du système instauré par la loi, lequel permet de réputer conclus par une société des actes juridiques passés avant son immatriculation. Elle vise à assurer la sécurité juridique, dès lors que la présence d'une mention expresse selon laquelle l'acte est accompli « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation protège, d'un côté, le tiers cocontractant, en appelant son attention sur la possibilité, à l'avenir, d'une substitution de plein droit et rétroactive de débiteur, et, de l'autre, la personne qui accomplit l'acte « au nom » ou « pour le compte » de la société, en lui faisant prendre conscience qu'elle s'engage personnellement et restera tenue si la société ne reprend pas les engagements ainsi souscrits. 9. Cette solution a pour conséquence que l'acte non expressément souscrit « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation est nul et que ni la société ni la personne ayant entendu agir pour son compte n'auront à répondre de son exécution, à la différence d'un acte valable, mais non repris par la société, qui engage les personnes ayant agi « au nom » ou « pour son compte ». Elle s'avère ainsi produire des effets indésirables en étant parfois utilisée par des parties souhaitant se soustraire à leurs engagements, et a paradoxalement pour conséquence de fragiliser les entreprises lors de leur démarrage sous forme sociale au lieu de les protéger, sans toujours apporter une protection adéquate aux tiers cocontractants, qui, en cas d'annulation de l'acte, se trouvent dépourvus de tout débiteur. 10. L'exigence selon laquelle l'acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu'il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation ne résultant pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaître désormais au juge le pouvoir d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits. 11. En l'espèce, pour rejeter la demande d'annulation du bail formée par Mme [A], l'arrêt retient que la société [C] [N] a conclu ce contrat en spécifiant expressément qu'elle était en formation et que, par une décision expresse des associés, c'est-à-dire par la signature des statuts, ceux-ci ont entendu reprendre les actes passés par elle et en particulier le contrat litigieux, ajoutant que cette reprise des actes indiqués dans les statuts est automatique, à condition que les statuts soient signés et la société immatriculée, ce qui a été le cas s'agissant de la société [C] [N]. 12. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il résultait de l'ensemble des circonstances et notamment des mentions du bail que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention de MM. [B], [T] et [R], d'un côté, et de Mme [A], de l'autre, était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation [C] [N], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société MJA, prise en la personne de Mme [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [C] [N], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE (règles générales) - Société en formation - Acte souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation - Défaut de mention expresse - Office du juge - Appréciation souveraine des circonstances intrinsèques et extrinsèques | Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. En présence d'un acte dans lequel il n'est pas expressément mentionné qu'il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il soit conclu au nom ou pour le compte de la société et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits |
|||||||||
JURITEXT000048550315 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550315.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-16.463, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 42300766 | Rejet | 22-16463 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-02-17 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00766 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 766 F-B Pourvoi n° Z 22-16.463 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Les Pettoreaux d'Arbois, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-16.463 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Natacha, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Les Pettoreaux d'Arbois, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Natacha, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2022), par un acte des 20 et 21 novembre 2019, la société civile immobilière Les Pettoreaux d'Arbois, propriétaire d'un bien immobilier, a conclu avec la société par actions simplifiée Natacha une promesse synallagmatique de vente et d'achat de ce bien. 2. Par une ordonnance du 30 juillet 2020, un juge de l'exécution a autorisé la société Natacha à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier, en garantie d'une créance correspondant à des dommages-intérêts qui seraient dus du fait de la nullité de la promesse pour vice du consentement. 3. La société Les Pettoreaux d'Arbois a assigné la société Natacha aux fins de mainlevée de l'inscription d'hypothèque. En cause d'appel, elle a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Natacha en soutenant qu'au jour de la conclusion de la promesse, celle-ci n'avait pas encore acquis la personnalité morale. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Les Pettoreaux d'Arbois fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Natacha et, en conséquence, de rejeter ses demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance autorisant l'hypothèque judiciaire provisoire et à la mainlevée de celle-ci, alors « que la personnalité morale ne s'acquiert qu'au jour de l'attribution, à la société en cours de formation, du numéro unique d'identification, cette attribution réalisant l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, laquelle reste en cours de réalisation tant que ce numéro n'a pas été attribué ; que la cour d'appel, qui a retenu l'inverse, a violé les articles 1842 du code civil et D. 123-235 du code de commerce, ensemble les articles 31 et 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 1842 du code civil, les sociétés autres que celles en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. 6. Il en résulte que l'attribution du numéro « système d'identification du répertoire des entreprises » (SIREN) par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui n'est destiné qu'à l'identification de la société auprès des administrations et des personnes ou organismes énumérés à l'article 1er de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, ne conditionne pas l'acquisition de sa personnalité juridique. 7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Les Pettoreaux d'Arbois aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Pettoreaux d'Arbois et la condamne à payer à la société Natacha la somme de 1 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE (règles générales) - Personnalité morale - Conditions - Attribution du numéro Siren (non) | Il résulte des dispositions de l'article 1842 du code civil que l'attribution du numéro Siren par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui n'est destiné qu'à l'identification de la société auprès des administrations et des personnes ou organisations énumérées à l'article 1er de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, ne conditionne pas l'acquisition de la personnalité juridique |
|||||||||
JURITEXT000048550498 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/04/JURITEXT000048550498.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 décembre 2023, 22-11.071, Publié au bulletin | 2023-12-06 00:00:00 | Cour de cassation | 42300777 | Rejet | 22-11071 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-11-26 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SARL Delvolvé et Trichet | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00777 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 décembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 777 FS-B Pourvoi n° P 22-11.071 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 DÉCEMBRE 2023 1°/ La société Puma SE, société de droit européen, dont le siège est Puma [Adresse 3] (Allemagne), 2°/ la société Puma France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 22-11.071 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant à la société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Puma SE et Puma France, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Carrefour hypermarchés, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Comte, Bellino, M. Regis, Mme Coricon, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2021), la société Puma SE, venant aux droits de la société de droit allemand Puma AG, spécialisée dans la conception, la confection et la commercialisation d'articles de sport et de vêtements, est titulaire des marques figuratives internationales n° 426 712 et n° 439 162, ainsi que de l'Union européenne n° 12 697 066, constituées d'une bande courbe, dont la base évasée se prolonge en se rétrécissant, servant à distinguer, en classe 25, les vêtements et les chaussures. 2. La société Puma France bénéficie d'une licence d'exploitation sur la marque internationale n° 426 712. 3. Soutenant que la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), qui exploite en France les magasins à l'enseigne Carrefour, commercialisait une chaussure de tennis reproduisant, sur sa partie latérale, un élément figuratif constituant, selon elles, l'imitation des trois marques figuratives précitées, la société Puma SE et la société Puma France (les sociétés Puma) ont obtenu, sur requête, une ordonnance rendue par le délégataire du président d'un tribunal judiciaire le 25 août 2017, autorisant une saisie-contrefaçon dans les locaux d'un magasin Carrefour. 4. A la suite de ces opérations, effectuées les 1er et 4 septembre 2017, les sociétés Puma ont assigné la société Carrefour pour atteinte aux marques renommées, contrefaçon de marques et concurrence déloyale. 5. La société Carrefour a soulevé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le second moyen 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Les sociétés Puma font grief à l'arrêt de dire qu'elles ont engagé leur responsabilité en présentant de manière déloyale leur requête en saisie-contrefaçon, de les condamner in solidum à verser à la société Carrefour la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi et d'annuler les procès-verbaux, ainsi que le procès-verbal complémentaire de saisie-contrefaçon des 1er et 4 septembre 2017, alors « que le titulaire d'une marque justifiant de son titre, qui a qualité à agir en contrefaçon et qui présente des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lequel il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, est en droit de faire procéder, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, à la saisie descriptive ou réelle de "produits ou services prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant" ; que les décisions prises dans le cadre d'une procédure d'opposition à l'enregistrement d'une marque nationale ou de l'Union européenne, qui ne lient pas le juge saisi d'une demande en contrefaçon, sont sans effet sur le droit du titulaire de la marque antérieure sur laquelle est fondée l'opposition à agir en contrefaçon et à solliciter une saisie descriptive ou réelle de produits sur lesquels est apposée la marque objet de la procédure d'opposition ainsi que de tous documents s'y rapportant ; que l'absence, dans la requête en saisie-contrefaçon, de référence à ladite marque adverse et à la procédure d'opposition dont elle a fait l'objet ne caractérise pas un manquement à la loyauté de la part du requérant titulaire de la marque antérieure dès lors qu'ont été soumis au juge des requêtes les produits portant le signe prétendument contrefaisant et partant des éléments de preuve étayant l'allégation d'atteinte à son droit de propriété intellectuelle ; qu'en jugeant, au contraire, qu'en ne portant pas à la connaissance du juge des requêtes les "informations dont elles disposaient sur des procédures d'opposition à l'enregistrement de marques mettant en cause les mêmes signes que ceux faisant l'objet du litige en contrefaçon, au terme desquelles il a été décidé, par les instances administratives compétentes, que le signe qu'elles contestaient ne constitue pas l'imitation des marques opposées et ne crée pas, avec ces marques, un risque de confusion", les sociétés Puma n'ont pas mis le juge des requêtes "en situation d'appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée l'autorisation de faire procéder à une saisie-contrefaçon ni de porter une appréciation éclairée sur l'intérêt légitime des requérants à recourir à une telle mesure" et ont ainsi manqué au devoir de loyauté qui préside à l'administration de la preuve en justice et s'impose aux parties au procès, la cour d'appel a violé l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article L. 716-7, devenu L. 716-4-7, alinéas 1 et 2, du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. 9. La Cour de cassation juge que ces dispositions permettent au titulaire d'un droit de propriété industrielle de bénéficier de cette procédure sans avoir à justifier de circonstances particulières nécessitant d'y recourir de manière non contradictoire, et sont à ce titre considérées comme exorbitantes du droit commun (Com., 22 mars 2023, pourvoi n° 21-21.467), le juge saisi ne pouvant refuser d'accueillir la demande dès lors qu'elle lui a été présentée dans les formes et avec les justifications prévues par la loi (Com., 29 juin 1999, pourvoi n° 97-12.699, Bull. 1999, IV, n° 138). 10. Selon l'article 3 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en oeuvre par les Etats membres doivent être loyales et proportionnées. 11. En application de l'article 10 du code civil, les parties ont l'obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et le cas échéant communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu'ils sont susceptibles de modifier l'opinion des juges (1re Civ., 7 juin 2005, pourvoi n° 05-60.044, Bull. 2005, I, n° 241). 12. Il en résulte que les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle, lues à la lumière de la directive, exigent du requérant qu'il fasse preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée. 13. L'arrêt relève que les sociétés Puma se sont abstenues, lors de la présentation de leur requête en saisie-contrefaçon, de faire connaître, d'une part, que la société Carrefour était titulaire de marques françaises et de l'Union européenne portant sur le signe figuratif incriminé, d'autre part, qu'elles-mêmes s'étaient opposées à l'enregistrement de ces marques auprès, respectivement, de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) et de l'Office de l'Union Européenne pour la propriété intellectuelle, sur la base de leurs marques antérieures, invoquées dans le litige mais que ces instances administratives avaient exclu toute imitation des marques de la société Puma et donc tout risque de confusion, antérieurement à la présentation de la requête en saisie-contrefaçon. 14. Il ajoute que si la décision rendue par l'instance administrative, statuant en matière d'opposition à l'enregistrement d'une marque, ne lie pas le juge saisi d'une demande en contrefaçon, les éléments de preuve destinés à être produits dans une procédure judiciaire doivent néanmoins être recueillis dans des conditions exemptes de déloyauté. 15. Il en déduit que la partie qui sollicite l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon doit présenter, au soutien de sa requête, l'ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d'appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée cette autorisation et ainsi d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause. 16. En cet état, la cour d'appel a exactement retenu que, les sociétés Puma ayant manqué à leur devoir de loyauté à l'occasion de la présentation de la requête, les procès-verbaux de saisie-contrefaçon devaient être annulés. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Puma SE et Puma France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Puma SE et Puma France et les condamne à payer in solidum à la société Carrefour hypermarchés la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois. | PROPRIETE INDUSTRIELLE | En application de l'article L. 716-7, devenu L. 716-4-7, alinéas 1 et 2, du code de la propriété intellectuelle, lu à la lumière de l'article 3 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et de l'article 10 du code civil, celui qui sollicite l'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée. En conséquence, est approuvé l'arrêt qui annule un procès-verbal de saisie-contrefaçon lorsque le requérant à la mesure s'était abstenu de présenter l'ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d'appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée l'autorisation de faire procéder à cette mesure exorbitante de droit commun et, ainsi, d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause |
|||||||||
JURITEXT000048581424 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581424.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-12.865, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 42300756 | Cassation | 22-12865 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-06 | Cour d'appel de Dijon | M. Vigneau | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00756 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 756 FS-B+R Pourvoi n° P 22-12.865 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [F] [I], domicilié [Adresse 1], 2°/ la société Bypa, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ la société AVL développement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 22-12.865 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2022 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [G] [M], domicilié [Adresse 4], 2°/ à la société Fayett Valley, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à M. [N] [J], 4°/ à Mme [U] [Y], épouse [J], tous deux domiciliés [Adresse 5], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [I] et des sociétés Bypa et AVL développement, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [J], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, MM. Blanc, Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 6 janvier 2022) et les productions, M. et Mme [J] ont, par un acte authentique reçu le 21 janvier 2019, consenti un bail commercial à la société en formation Bypa. L'acte précise que la société est « en cours d'identification au SIREN » et que « la présente opération est réalisée au nom et pour le compte de la société en formation dans le cadre des dispositions des articles L. 210-1 à L. 210-9 du code de commerce et de celles du décret 67-236 du 23 mars 1967 ». Il précise en outre que « la société dénommée Bypa est représentée à l'acte par ses seuls futurs associés ». 2. Le 18 juillet 2019, la société Bypa a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés, avec pour associés la société AVL développement, représentée par M. [I], et la société Fayett-Valley, représentée par M. [M]. 3. Les relations entre MM. [I] et [M] s'étant dégradées, ce dernier et la société Fayett-Valley ont, le 11 mars 2020, assigné la société Bypa, la société AVL développement et M. [I] en annulation du bail commercial. M. et Mme [J] sont intervenus volontairement à l'instance et se sont joints à cette demande. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [I], la société Bypa et la société AVL développement font grief à l'arrêt de déclarer nul le bail commercial, de dire que la société Bypa, M. [I] et M. [M] sont occupants sans droit ni titre, de les condamner à libérer les lieux et, à défaut d'exécution spontanée, d'ordonner leur expulsion, et de les condamner in solidum à payer aux époux [J] une indemnité d'occupation, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le bail commercial du 21 janvier 2019 stipule expressément que "les personnes dénommées aux présentes sont les seuls fondateurs de la société" et que "la présente opération est réalisée au nom et pour le compte de la société en formation dans le cadre des dispositions des articles L. 210-1 à L. 210-9 du code de commerce", rappelant même que "l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés emportera de plein droit reprise par elle des présentées (présentes) qui seront alors réputées avoir été conclus (conclues) dès l'origine par la société elle-même", l'acte étant signé en dernière page par "M. [M] [G] représentant de la société dénommée Bypa" et par "M. [I] [F] représentant de la société dénommée Bypa" ; qu'en retenant néanmoins, pour prononcer la nullité du bail commercial que "les futurs associés n'ont pas agi "pour le compte de la société en formation" en leur qualité d'associé, comme le veut l'usage, afin de pouvoir engager la société elle-même une fois immatriculée", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du bail commercial du 21 janvier 2019 et, partant, a violé l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce : 5. Il résulte de ces textes que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. 6. La Cour de cassation juge depuis de nombreuses années que ne sont susceptibles d'être repris par la société après son immatriculation que les engagements expressément souscrits « au nom » (Com., 22 mai 2001, pourvoi n° 98-19.742 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 13 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.158) ou « pour le compte » (Com., 11 juin 2013, pourvoi n° 11-27.356 ; Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-15.618) de la société en formation, et que sont nuls les actes passés « par » la société, même s'il ressort des mentions de l'acte ou des circonstances que l'intention des parties était que l'acte soit accompli en son nom ou pour son compte (3e Civ., 5 octobre 2011, pourvoi n° 09-72.855 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.719). 7. Cette jurisprudence repose sur le caractère dérogatoire du système instauré par la loi, lequel permet de réputer conclus par une société des actes juridiques passés avant son immatriculation. Elle vise à assurer la sécurité juridique, dès lors que la présence d'une mention expresse selon laquelle l'acte est accompli « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation protège, d'un côté, le tiers cocontractant, en appelant son attention sur la possibilité, à l'avenir, d'une substitution de plein droit et rétroactive de débiteur, et, de l'autre, la personne qui accomplit l'acte « au nom » ou « pour le compte » de la société, en lui faisant prendre conscience qu'elle s'engage personnellement et restera tenue si la société ne reprend pas les engagements ainsi souscrits. 8. Cette solution a pour conséquence que l'acte non expressément souscrit « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation est nul et que ni la société ni la personne ayant entendu agir pour son compte n'auront à répondre de son exécution, à la différence d'un acte valable, mais non repris par la société, qui engage les personnes ayant agi « au nom » ou « pour son compte ». Elle s'avère ainsi produire des effets indésirables en étant parfois utilisée par des parties souhaitant se soustraire à leurs engagements, et a paradoxalement pour conséquence de fragiliser les entreprises lors de leur démarrage sous forme sociale au lieu de les protéger, sans toujours apporter une protection adéquate aux tiers cocontractants, qui, en cas d'annulation de l'acte, se trouvent dépourvus de tout débiteur. 9. L'exigence selon laquelle l'acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu'il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation ne résultant pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaître désormais au juge le pouvoir d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits. 10. Pour annuler le bail commercial, l'arrêt retient que le contrat a été signé par M. [M] et la société CDV en leur qualité de représentants de la société Bypa, et non pas au nom de cette société en formation, alors que celle-ci n'était pas encore constituée. 11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas, non seulement des mentions de l'acte, mais aussi de l'ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention de M. [M] et de la société CDV, d'un côté, et de M. et Mme [J], de l'autre, était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation Bypa, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 12. M. [I], la société Bypa et la société AVL développement font le même grief à l'arrêt, alors « que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits ; que la société, personne morale, peut reprendre les engagements qui avaient été souscrits en son nom et pour son compte, quand bien même l'identité des associés ou sa forme sociale aurait changé entre le moment où les actes ont été originellement accomplis et le moment où ils ont été repris ; qu'en considérant néanmoins, pour prononcer la nullité du bail commercial, que "quand bien même l'acte aurait été passé par les futurs associés fondateurs de la société Bypa pour le compte de celle-ci, soit par M. [M] et la société Caveau des vignerons (CDV), l'acte n'en aurait été pas moins irrégulier dès lors que ces derniers n'ont jamais eu cette qualité puisque la société Bypa a été constituée entre la société AVL développement et la société Fayett-Valley, au demeurant sous une autre forme sociale que celle prévue au bail", quand ces circonstances n'empêchaient pas la société Bypa, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, de reprendre les engagements souscrits en son nom et pour son compte, la cour d'appel a violé l'article 1843 du code civil et l'article L. 210-6 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code commerce : 13. Il résulte de ces textes que la validité de l'acte passé pour le compte d'une société en formation n'implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la forme et comporte les associés mentionnés, le cas échéant, dans l'acte litigieux. 14. Pour annuler le bail, l'arrêt retient encore, par motifs adoptés, que, quand bien même l'acte aurait été passé par les futurs associés fondateurs de la société Bypa pour le compte de celle-ci, soit par M. [M] et la société CDV, il n'en serait pas moins irrégulier dès lors que ces derniers n'ont jamais eu cette qualité, puisque la société Bypa a été constituée entre la société AVL développement et la société Fayett-Valley, au demeurant sous une autre forme sociale que celle prévue au bail. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [J] et Mme [Y], épouse [J], la société Fayett-Valley et M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et Mme [Y], épouse [J], et les condamne ainsi que la société Fayett-Valley et M. [M] à payer à la société Bypa, à M. [I] et à la société AVL développement, la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE | Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. En présence d'un acte dans lequel il n'est pas expressément mentionné qu'il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il soit conclu au nom ou pour le compte de la société |
|||||||||
JURITEXT000048581426 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581426.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-21.623, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 42300757 | Rejet | 22-21623 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-09-08 | Cour d'appel de Papeete | M. Vigneau (président) | Me Bertrand, SCP Alain Bénabent, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00757 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 757 FS-B+R Pourvoi n° G 22-21.623 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 M. [V] [P], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° G 22-21.623 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel de Papeete (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Holding BSP, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à M. [T] [B], domicilié [Adresse 1], 3°/ à la société Office notarial Dubouch-[Y], entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [P], de Me Bertrand, avocat de la société Holding BSP et de M. [B], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Office notarial Dubouch-[Y], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, MM. Blanc, Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 8 septembre 2022), par un acte sous seing privé des 10 et 11 septembre 2018, prorogé par un avenant du 24 septembre 2018, M. [P] a consenti à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Holding BSP (la société Holding BSP) « représentée par son gérant, M. [T] [B] » une promesse de cession des parts de la société Hôtel La pirogue API, exploitant une résidence hôtelière implantée sur un îlot en Polynésie. 2. La société Holding BSP a été constituée le 24 août 2018, ayant pour gérant M. [B] et pour associé unique la société par actions simplifiée Holding BSP, elle-même détenue en totalité par M. [B]. Elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 1er octobre 2018. 3. Le 18 mars 2019, le conseil de M. [P] a adressé au notaire chargé de l'établissement de l'acte de cession, M. [Y], une lettre exprimant le refus de son client de signer l'acte réitératif. 4. L'acte n'ayant pas été signé, la société Holding BSP, après avoir vainement mis en demeure M. [P] de s'exécuter, a saisi le tribunal mixte de commerce par requête en date du 30 avril 2019 aux fins de voir ordonner l'exécution forcée de la promesse de cessions de parts. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [P] fait grief à l'arrêt d'ordonner l'exécution de la promesse de cession de parts, alors « que l'acte conclu par une société en cours d'immatriculation, et partant dépourvue de personnalité morale, est nul de nullité absolue, insusceptible de confirmation ou ratification ; qu'en rejetant la demande de nullité du compromis de cession conclu entre M. [P] et la société Holding BSP les 10 et 11 septembre 2018 et amendé par voie d'avenant le 24 septembre 2018, alors que la société Holding BSP "a été immatriculée le 1er octobre 2018" soit postérieurement à la conclusion de ces actes, au motif que "la rédaction impropre de ces actes quant à la qualité du cessionnaire est donc sans emport eu égard à la connaissance qu'avait [V] [P] que [T] [B] agissait pour le compte d'une société en formation et non au nom de celle-ci", la cour d'appel a statué par motif impropre et violé les articles L. 210-6 du code de commerce et 1842 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. 7. La Cour de cassation juge depuis de nombreuses années que ne sont susceptibles d'être repris par la société après son immatriculation que les engagements expressément souscrits « au nom » (Com., 22 mai 2001, pourvoi n° 98-19.742 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 13 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.158) ou « pour le compte » (Com., 11 juin 2013, pourvoi n° 11-27.356 ; Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-15.618) de la société en formation, et que sont nuls les actes passés « par » la société, même s'il ressort des mentions de l'acte ou des circonstances que l'intention des parties était que l'acte soit accompli en son nom ou pour son compte (3e Civ., 5 octobre 2011, pourvoi n° 09-72.855 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 10-27.630, Bull. 2012, IV, n° 49 ; Com., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.719). 8. Cette jurisprudence repose sur le caractère dérogatoire du système instauré par la loi, lequel permet de réputer conclus par une société des actes juridiques passés avant son immatriculation. Elle vise à assurer la sécurité juridique, dès lors que la présence d'une mention expresse selon laquelle l'acte est accompli « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation protège, d'un côté, le tiers cocontractant, en appelant son attention sur la possibilité, à l'avenir, d'une substitution de plein droit et rétroactive de débiteur, et, de l'autre, la personne qui accomplit l'acte « au nom » ou « pour le compte » de la société, en lui faisant prendre conscience qu'elle s'engage personnellement et restera tenue si la société ne reprend pas les engagements ainsi souscrits. 9. Cette solution a pour conséquence que l'acte non expressément souscrit « au nom » ou « pour le compte » d'une société en formation est nul et que ni la société ni la personne ayant entendu agir pour son compte n'auront à répondre de son exécution, à la différence d'un acte valable, mais non repris par la société, qui engage les personnes ayant agi « au nom » ou « pour son compte ». Elle s'avère ainsi produire des effets indésirables en étant parfois utilisée par des parties souhaitant se soustraire à leurs engagements, et a paradoxalement pour conséquence de fragiliser les entreprises lors de leur démarrage sous forme sociale au lieu de les protéger, sans toujours apporter une protection adéquate aux tiers cocontractants, qui, en cas d'annulation de l'acte, se trouvent dépourvus de tout débiteur. 10. L'exigence selon laquelle l'acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu'il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation ne résultant pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaître désormais au juge le pouvoir d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits. 11. En l'espèce, après avoir constaté que l'acte des 10 et 11 septembre 2018 avait été signé par M. [B] en qualité de gérant de la société Holding BSP en cours d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, l'arrêt relève qu'il résulte des correspondances produites, dont la teneur n'est pas contestée, que M. [P] a été clairement informé, avant la signature de cet acte et de son avenant, que M. [B] agissait pour le compte d'une société en formation. 12. En l'état de ces constatations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui a fait ressortir que, en dépit de la rédaction impropre de ces actes quant à la désignation du cessionnaire, la commune intention des parties était que l'acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits, a ordonné l'exécution de la promesse litigieuse. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Holding BSP et à M. [B] la somme globale de 3 000 euros et à la société Office notarial Dubouch-[Y] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE | Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. En présence d'un acte dans lequel il n'est pas expressément mentionné qu'il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il soit conclu au nom ou pour le compte de la société |
|||||||||
JURITEXT000048581430 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581430.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-17.913, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 42300761 | Rejet | 22-17913 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-02-17 | Cour d'appel de Nimes | M. Vigneau | SCP Capron, SAS Hannotin Avocats | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00761 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 761 F-B Pourvoi n° A 22-17.913 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La caisse régionale de Crédit agricole du Languedoc, société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-17.913 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à Mme [L] [B], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole du Languedoc, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de Mme [B], épouse [Z], après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2022) et les productions, par un acte du 14 décembre 2009, la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti à la société Laurika (la société) un prêt d'un montant de 320 000 euros d'une durée de quatre-vingt quatre mois. 2. Par le même acte, M. [Z] et Mme [B], son épouse, se sont rendus cautions solidaires du remboursement de ce prêt, à concurrence d'une certaine somme. 3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné Mme [B] en exécution de son engagement. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer nul l'engagement de caution souscrit par Mme [B], le 14 décembre 2009, et de rejeter l'intégralité de ses prétentions, alors : « 1°/ que la mention manuscrite, indiquant, quant à la durée de l'engagement de la caution, "pour la durée de l'emprunt" cautionné, énonce une durée précise et satisfait, en conséquence, aux exigences posées, relativement à la durée d'un cautionnement à durée déterminée, par les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui sont applicables à la cause ; qu'en retenant le contraire, pour déclarer nul l'engagement de caution souscrit par Mme [B], le 14 décembre 2009, et pour débouter en conséquence la banque de l'intégralité de ses prétentions, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, qui sont applicables à la cause ; 2°/ que les juges du fond ont l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer nul l'engagement de caution souscrit par Mme [B], le 14 décembre 2009 et pour débouter en conséquence la banque de l'intégralité de ses prétentions, qu'à défaut de précision de la durée de l'emprunt cautionné dans l'acte de cautionnement, la mention manuscrite reproduite par Mme [B] ne lui permettait pas d'avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement et que l'acte de cautionnement ne portait pas l'indication d'une durée précise de l'engagement souscrit et contrevenait dès lors au formalisme légal imposé par les dispositions l'ancien article L. 341-2 du code de la consommation, quand l'acte sous seing privé en date du 14 décembre 2009, par lequel Mme [B] s'était engagée à titre de caution, stipulait expressément que la durée de l'emprunt cautionné était de quatre-vingt-quatre mois, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte sous seing privé en date du 14 décembre 2009, en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. » Réponse de la Cour 5. Après avoir énoncé qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, que la mention manuscrite de la durée du cautionnement doit être exprimée de manière précise et sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l'acte, l'arrêt relève que la mention manuscrite apposée par Mme [B] au bas de l'acte de prêt dactylographié prévoit que l'engagement de caution de cette dernière est consenti « pour la durée de l'emprunt », sans que soit précisée cette durée. 6. En l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement retenu, sans dénaturer la mention manuscrite apposée par Mme [B], qu'à défaut de précision de la durée de l'emprunt dans cette mention, celle-ci ne permettait pas à la caution d'avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc et la condamne à payer à Mme [B], épouse [Z], la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Acte de cautionnement - Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation - Défaut - Durée de l'engagement de caution - Nécessité de se reporter aux clauses imprimées de l'acte | PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Cautionnement - Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation - Défaut - Durée de l'engagement de caution - Nécessité de se reporter aux clauses imprimées de l'acte | Il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable en la cause, que la mention manuscrite de la durée du cautionnement doit être exprimée de manière précise et sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l'acte. Dès lors, en l'état d'une mention manuscrite apposée par la caution en bas de l'acte de prêt dactylographié prévoyant que l'engagement de cette dernière est consenti « pour la durée de l'emprunt », sans que soit précisée cette durée, la cour d'appel a exactement retenu qu'à défaut de précision de la durée de l'emprunt dans cette mention, le cautionnement était nul |
||||||||
JURITEXT000048581438 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581438.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 21-25.329, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 42300771 | Cassation sans renvoi | 21-25329 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-10-05 | Cour d'appel de Versailles | M. Vigneau | SCP Foussard et Froger, SCP Le Griel | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00771 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 771 F-B Pourvoi n° R 21-25.329 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 1°/ Le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 1], 2°/ le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° R 21-25.329 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre 1re section), dans le litige les opposant à Mme [K] [E], épouse [U], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, de la SCP Le Griel, avocat de Mme [E], et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 octobre 2021) et les productions, par un acte sous seing privé du 12 octobre 2006, M. [X] [E], Mme [T] [V], son épouse, et la société [E], actionnaires de la société Edilys, ont pris l'engagement collectif, pour eux et leurs ayants cause à titre gratuit, de conserver les actions de cette société durant deux ans. 2. Par un acte notarié du 7 novembre 2006, M. [E] et Mme [V] ont fait donation de 42 actions à leurs deux enfants, M. [J] [E] et Mme [E], à raison de 21 titres chacun, ceux-ci prenant l'engagement de les conserver pendant six ans. Cette donation-partage a bénéficié d'une exonération des droits de mutation à titre gratuit en application de l'article 787 B du code général des impôts. 3. Par des actes des 12 janvier et 8 mai 2007, Mme [E] a cédé 20 actions de la société Edilys à la société [E], cosignataire de l'engagement collectif de conservation du 12 octobre 2006. 4. Les 19 décembre 2012 et 28 novembre 2013, l'administration fiscale a adressé deux propositions de rectification à Mme [E], puis a émis, le 15 mars 2016, un avis de mise en recouvrement pour un montant, en droits et intérêts de retard, de 101 115 euros. 5. Après avoir adressé, le 6 avril 2016, une réclamation contentieuse restée sans réponse, Mme [E] a assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir le dégrèvement des droits de donation complémentaires et leur restitution. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le directeur général des finances publiques fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant annulé l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 adressé à Mme [E] et prononcé le dégrèvement de l'imposition contestée d'un montant de 101 115 euros, outre intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, alors « qu'il résulte de l'article 787 B du code général des impôts que sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs ; que le bénéfice de cette exonération est toutefois subordonné à la double conclusion d'un engagement collectif et d'un engagement individuel de conservation des parts ou actions objets de la mutation à titre gratuit ; que l'engagement collectif de conservation doit être en cours à la date de la transmission à titre gratuit ; que l'engagement individuel doit quant à lui être pris par le donataire, le légataire ou l'héritier dans l'acte constatant cette transmission à titre gratuit ; que l'exonération partielle prévue par l'article 787 B du code général des impôts est ainsi susceptible d'être remise en cause lorsque l'engagement collectif ou l'engagement individuel n'a pas été respecté ; que si le b) de ce même article précise que "les associés de l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement", l'engagement individuel s'oppose nécessairement, une fois la mutation à titre gratuit intervenue, à toute donation ou cession à titre onéreux des titres reçus pour lesquels l'exonération de droits de mutation à titre gratuit a été sollicitée et ce, même si le bénéficiaire / acquéreur est membre de l'engagement collectif de conservation des titres ; qu'au cas particulier, en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 787 B du code général des impôts. » Réponse de la Cour Vu l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 : 7. Il résulte de ce texte que sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs, lorsque lesdites parts ou actions font l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés, que cet engagement collectif de conservation porte sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises, et que chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de six ans à compter de la date d'expiration de l'engagement collectif de conservation. 8. Si, selon le deuxième alinéa du b de ce texte, les associés parties à l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement collectif de conservation, tel n'est pas le cas des héritiers, donataires ou légataires, s'agissant des titres pour lesquels ils ont souscrit un engagement individuel, quand bien même ils seraient par ailleurs ayants cause des parties à l'engagement collectif. 9. Pour annuler l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 adressé à Mme [E] et prononcer le dégrèvement de l'imposition, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si Mme [E], en sa qualité de donataire, était tenue d'un engagement individuel non visé par la dérogation figurant au deuxième alinéa du b de l'article 787 B du code général des impôts, l'administration fiscale ne peut lui opposer cet engagement dès lors qu'il n'était pas encore entré en application à la date du transfert des titres, de sorte que ledit engagement ne saurait la priver de la possibilité de céder les titres reçus en donation à un associé également tenu par l'engagement collectif de conservation. 10. En statuant ainsi, alors que l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue à l'article 787 B du code général des impôts est subordonnée au respect par le donataire d'un engagement individuel de conservation des titres pendant une durée de six ans, lequel, s'il court à compter du terme de l'engagement collectif, est pris par le donataire au moment de la transmission des titres, et que la cession des titres par le donataire durant l'engagement collectif de conservation, fût-ce au profit d'un associé lié par cet engagement, rend impossible le respect de son engagement individuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice, justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. En cédant, les 12 janvier et 8 mai 2007, 20 actions de la société Edilys à la société [E], Mme [E] a méconnu son engagement individuel de conservation pris sur le fondement de l'article 787 B, c, du code général des impôts. 14. En conséquence, il convient de rejeter les demandes de Mme [E] tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 et au dégrèvement de l'imposition contestée, d'un montant de 101 115 euros, outre les intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Rejette les demandes de Mme [E] tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 et au dégrèvement de l'imposition contestée, d'un montant de 101 115 euros, outre les intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ; Condamne Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre gratuit - Exonération - Parts ou actions d'une société holding - Engagement individuel de conservation - Cession des titres par le donataire durant l'engagement collectif de conservation - Violation de son engagement par le donataire | Si, selon, le deuxième alinéa du b de l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, les associés parties à l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à un engagement collectif de conservation, tel n'est pas le cas des héritiers, donataires ou légataires, s'agissant des titres pour lesquels ils ont souscrit un engagement individuel, quand bien même ils seraient par ailleurs ayants cause des parties à l'engagement collectif. Viole l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, la cour d'appel qui retient que l'administration fiscale ne peut opposer au donataire son engagement individuel dès lors qu'il n'était pas encore entré en application à la date du transfert des titres, alors que l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue à cet article est subordonnée au respect par le donataire d'un engagement individuel de conservation des titres pendant une durée de six ans, lequel, s'il court à compter du terme de l'engagement collectif, est pris par le donataire au moment de la transmission des titres, et que la cession des titres par le donataire durant l'engagement collectif de conservation, fût-ce au profit d'un associé lié par cet engagement, rend impossible le respect de son engagement individuel |
|||||||||
JURITEXT000048581444 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581444.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 22-14.119, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 42300773 | Cassation | 22-14119 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-01-06 | Cour d'appel de Paris | M. Vigneau | SCP Gury et Maitre, SCP Bénabent, SCP Guérin-Gougeon, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00773 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SMSG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 773 F-B Pourvoi n° B 22-14.119 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023 M. [X] [D], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° B 22-14.119 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [R], domicilié [Adresse 4], 2°/ à la société Naxicap Partners, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société Genoyer International, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la société Crédit agricole Corporate and Investment Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, neuf moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Gury et Maitre, avocat de M. [D], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Crédit agricole Corporate and Investment Bank, de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de la société Genoyer International, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [R] et de la société Naxicap Partners, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2022), M. [D] a été désigné le 20 juillet 2016 en qualité de président du directoire de la société par actions simplifiée Genoyer International, moyennant une rémunération comportant une partie fixe et une part variable, une indemnité de rupture conventionnelle étant prévue en cas de révocation ou non-renouvellement. 2. Le 12 décembre 2017, le conseil de surveillance a prononcé sa révocation et lui a versé son solde de tout compte ainsi qu'une indemnité de révocation. 3. Soutenant que sa révocation était abusive, M. [D] a assigné la société Genoyer International ainsi que la société Crédit agricole Corporate and Investment Bank (la société CACIB), la société Naxicap Partners et M. [R], membres du conseil de surveillance de la société Genoyer International, afin d'obtenir réparation de divers préjudices et revendiquer le bénéfice des dispositions de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, concernant la protection des lanceurs d'alerte. Examen des moyens Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 4. M. [D] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à « donner injonction aux parties intimées, sous telle astreinte qu'il plaira à la cour [d'appel] de fixer, de communiquer le pacte d'actionnaires du 7 octobre 2015 » et, en conséquence, de le débouter de ses demandes indemnitaires à l'encontre des sociétés CACIB, Naxicap Partners et Genoyer International, alors « que dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n'en a pas saisi le conseiller de la mise en état ; qu'en l'espèce, M. [D] exposait, dans ses conclusions en appel, qu'il était essentiel "qu'il puisse produire le pacte d'actionnaires [...] qui lui a été subtilisé dans les jours précédant sa révocation et dont l'article 21 fixe les modalités d'intéressement de l'équipe dirigeante de la société Genoyer", et ce, afin d'étayer, notamment, ses prétentions relatives, d'une part, à la gestion de fait imputable aux sociétés CACIB et Naxicap Partners, d'autre part, à l'intéressement qui lui avait été promis au moment de sa venue dans le groupe Genoyer; que, pour rejeter sa demande tendant à donner injonction aux parties intimées de communiquer sous astreinte le pacte d'actionnaires du 7 octobre 2015, la cour d'appel a jugé que "la demande de production forcée, sous astreinte, du pacte d'actionnaires relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et n'est plus recevable au stade du débat au fond" ; qu'en statuant ainsi, tandis que M. [D] était recevable à former pour la première fois devant la formation de jugement une demande tendant à la production du pacte d'actionnaires du 7 octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles 11, 139, 788 et 907 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 11, 138, 139, 142, 771 et 907 du code de procédure civile : 5. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n'en a pas saisi le conseiller de la mise en état. 6. Pour rejeter la demande de production forcée du pacte d'actionnaires, l'arrêt retient que cette demande relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et n'est plus recevable au state du débat au fond. 7. En statuant ainsi la cour d'appel a violé les articles 11, 138,139 et 142 du code de procédure civile par refus d'application, et l'article 771 du même code par fausse application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne les sociétés Genoyer International, Crédit agricole Corporate and Investment Bank, Naxicap Partners et M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Genoyer International, Crédit agricole Corporate and Investment Bank, Naxicap Partners et M. [R] et les condamne in solidum à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | SOCIETE | Il résulte de la combinaison des articles 11, 139, 142, 771 et 907 du code de procédure civile que, dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants dudit code peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n'en a pas saisi le conseiller de la mise en état. Viole ces textes la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de production forcée d'un pacte d'actionnaires, retient que cette demande relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et n'est plus recevable au stade du débat au fond |
|||||||||
JURITEXT000048581794 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581794.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 décembre 2023, 22-16.752, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 42300789 | Rejet | 22-16752 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-03-24 | Cour d'appel de Douai | M. Vigneau | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00789 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 789 FS-B+R Pourvoi n° P 22-16.752 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 Mme [X] [R], épouse [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-16.752 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant à la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (la CARPIMKO), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [R], épouse [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (la CARPIMKO), et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Bélaval, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Coricon, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mars 2022), les 17 novembre 2015 et 17 mai 2016, Mme [R], épouse [K] (Mme [R]), infirmière, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la procédure ayant été clôturée le 27 juin 2017 pour insuffisance d'actif. 2. La Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (la CARPIMKO), titulaire de contraintes émises entre 2004 et 2012, avait, le 10 juillet 2015, fait inscrire une hypothèque sur l'immeuble dépendant de la communauté de biens des époux [K]. 3. Après avoir vainement demandé à la CARPIMKO la main-levée de l'inscription de l'hypothèque en raison de la clôture de la liquidation, Mme [R] l'a assignée, le 25 février 2020, en radiation de celle-ci. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [R] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de radiation de l'hypothèque, alors « que la radiation doit être ordonnée par les tribunaux, lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu'elle l'a été en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits d'hypothèque sont effacés par les voies légales ; que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, interdisant aux créanciers l'exercice de leurs actions contre le débiteur, rend sans objet l'hypothèque prise sur le bien du débiteur, qui doit dès lors faire l'objet d'une mainlevée faute de pouvoir donner lieu à une saisie ; qu'il n'est fait exception à ce principe que dans les cas limitativement énumérés à l'article L. 643-11 du code de commerce, à savoir la faillite personnelle ou la banqueroute du débiteur, l'existence d'une liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif ayant visé le débiteur ou une personne morale dont il a été le dirigeant moins de cinq ans avant l'ouverture de la procédure à laquelle le débiteur est soumis, l'ouverture d'une procédure territoriale ou, sur autorisation du tribunal, la fraude du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par jugement du 27 juin 2017, le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de Mme [R] épouse [K] ; qu'elle a également relevé que la CARPIMKO ne se prévalant d'aucun des cas autorisant la reprise des poursuites, elle n'avait pas recouvré l'exercice individuel de son droit d'action contre Mme [K] ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter la demande de mainlevée de l'hypothèque prise par la CARPIMKO sur l'immeuble situé [Adresse 3], propriété de Mme [R] [K], que la clôture pour insuffisance d'actif ne justifie pas la radiation de l'hypothèque inscrite antérieurement à l'ouverture de la procédure collective du débiteur, la cour d'appel a violé les articles L. 643-11 du code de commerce et 2438 du code civil. » Réponse de la Cour 5. L'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, qui prévoit l'insaisissabilité des droits de la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de cette personne, ne s'applique pas aux créanciers professionnels dont la créance est née antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. 6. Selon l'article 2443 du code civil, devenu l'article 2438, la radiation de hypothèque doit être ordonnée par les tribunaux, lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsque elle a été faite en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé ou lorsque les droits d'hypothèque sont effacés par les voies légales. 7. L'insaisissabilité légale de l'immeuble, objet de l'inscription de l'hypothèque étant inopposable à la CARPIMKO, dont les créances sont nées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015, et sans que leur prescription soit invoquée, la CARPIMKO peut exercer ses droits sur l'immeuble, peu important la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de Mme [R], laquelle ne peut justifier la radiation de l'inscription soumise aux conditions de l'article 2438 du code civil. 8. Par ces motifs de pur droit, substitués d'office à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, aliéna 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée. 9. Le moyen ne peut être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [R], épouse [K], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE | Lorsque l'insaisissabilité légale de l'immeuble fait l'objet de l'inscription d'une hypothèque et qu'elle est inopposable à un créancier, ce dernier peut exercer ses droits sur l'immeuble, peu important la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire du débiteur, lequel ne peut justifier la radiation de l'inscription soumise aux conditions de l'article 2438 du code civil |
|||||||||
JURITEXT000048581796 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581796.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 décembre 2023, 22-19.749, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 42300790 | Cassation | 22-19749 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-06-08 | Cour d'appel de Rennes | M. Vigneau (président) | SCP Piwnica et Molinié, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00790 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 790 FS-B+R Pourvoi n° W 22-19.749 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 La Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] Sévigné, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] [Adresse 5], a formé le pourvoi n° W 22-19.749 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2022 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [C] [T], 2°/ à Mme [G] [T] [V], tous deux domiciliés [Adresse 4], 3°/ à la société Banque populaire Grand Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Banque populaire Atlantique, 4°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 7], 5°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] Sévigné, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [T], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Bélaval, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Coricon, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 juin 2022), les 27 mai et 22 juillet 2016, M. [T] a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, la procédure ayant été étendue à Mme [T] le 16 septembre suivant. La liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actif par un jugement du 3 avril 2018. 2. La société Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] Sévigné (la banque), qui avait précédemment déclaré une créance représentant le solde d'un prêt consenti en 2001 à M. et Mme [T] pour l'acquisition de leur résidence principale, a signifié le 7 janvier 2021 un commandement de payer valant saisie immobilière du bien, puis, le 21 avril suivant, les a assignés à l'audience d'orientation du juge de l'exécution. Ces derniers ont soulevé l'irrecevabilité de la demande. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable et de prononcer la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière, alors « qu'un créancier auquel l'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble ; qu'en retenant que l'article L. 643-11 du code de commerce était applicable à la Caisse de crédit mutuel, créancier personnel des époux [T] exerçant son droit de poursuite sur leur résidence principale dont l'insaisissabilité lui était inopposable, la cour d'appel a violé les articles L. 526-1 et L. 643-11 du code de commerce. » Réponse de la cour Vu les articles L. 526-1 et L. 643-11 du code de commerce : 4. Il résulte du premier de ces textes que le créancier auquel l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale est inopposable peut, même après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, et sans que le second texte y fasse obstacle, exercer son droit de poursuite sur l'immeuble, qui n'était pas entré dans le gage commun des créanciers de la liquidation judiciaire. 5. Pour déclarer irrecevable l'action de la banque tendant à saisir l'immeuble de M. et Mme [T], l'arrêt, après avoir retenu que l'action de la banque n'entrait dans aucune des exceptions prévues à l'article L. 643-11 du code de commerce, au principe de non-recouvrement par les créanciers de l'exercice individuel de leurs actions après la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de leur débiteur, en déduit que la banque n'était plus en droit de saisir l'immeuble. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application, le second par fausse application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne M. et Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE | ||||||||||
JURITEXT000048581798 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581798.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 décembre 2023, 21-14.579, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 42300801 | Rejet | 21-14579 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2020-12-08 | Cour d'appel de Versailles | M. Vigneau (président) | SCP Zribi et Texier, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00801 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 801 F-B Pourvoi n° F 21-14.579 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 1°/ M. [G] [Y], domicilié [Adresse 3], [Localité 7] (Irlande), 2°/ M. [J] [Z], domicilié [Adresse 6], [Localité 5] (Allemagne), ont formé le pourvoi n° F 21-14.579 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société ML conseils, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], 2°/ à la société F4 Holding GMBH, 3°/ à la société Parter Capital Group GMBH, 4°/ à la société TB Management Und Holding UG, ayant toutes trois leur siège [Adresse 8], [Localité 2] (Allemagne), défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, neuf moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de MM. [Y] et [Z], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société ML conseils, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à MM. [Z] et [Y] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés F4 Holding GMBH, Parter Capital Group GMBH et TB Management Und Holding UG. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 décembre 2020), le 4 avril 2011, la société Technicolor a cédé l'ensemble des titres de la société par actions simplifiée Thomson Broadcast (la SAS TB), présidée par M. [R], à la société de droit allemand F4 Holding (la société F4), elle-même filiale de la société d'investissement Parter Capital Group GMBH (la société Parter), ces deux dernières étant dirigées par M. [Y]. 3. Le 3 septembre 2012, M. [R] a été révoqué de ses fonctions et remplacé par la société TB Management Und Holding UG (la société TB Management), dirigée par M. [Z] qui, le même jour, est également devenu le dirigeant de la société F4. 4. Le 1er octobre 2012, la SAS TB a été mise en redressement judiciaire, puis, le 20 décembre 2012, son plan de cession a été arrêté et sa mise en liquidation judiciaire prononcée, la société ML conseils étant désignée en qualité de liquidateur. 5. Le liquidateur de la SAS TB a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif les sociétés F4, Parter et TB Management, ainsi que MM. [Z] et [Y], en qualité de dirigeants, de droit pour les uns et de fait pour les autres. Examen des moyens Sur les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire qu'il a été le dirigeant de droit de la SAS TB, de dire que la société TN [lire TB] Management et lui-même ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS TB, et de le condamner, solidairement avec les sociétés F4, TN [lire TB] Management et Parter et M. [Y], à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif, alors « qu'il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d'actif, encourue sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, est notamment applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales ; que, pour décider que la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [Z], en sa qualité de dirigeant de la société TB Management, elle-même dirigeante de la société TB SAS, pouvait être engagée, la cour d'appel a estimé qu'il était indifférent qu'il ne soit pas le représentant permanent de la personne morale dirigeante, eu égard aux dispositions de l'article L. 227-7 du code de commerce, applicables aux sociétés par actions simplifiées dirigées par des personnes morales, suivant lesquelles la personne morale dirigeant n'est pas tenue de désigner un représentant permanent, et aux stipulations des statuts de la société TB SAS ; qu'en statuant ainsi, alors même que L. 651-1 du code de commerce ne comporte aucune réserve relative à la forme sociale de la personne morale débitrice, ni aux prévisions de ses statuts, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par actions simplifiée (SAS) dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS. 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Et sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. M. [Y] fait grief à l'arrêt de dire qu'il a, aux côtés des sociétés F4 et Parter, commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS TB et de le condamner, solidairement avec les sociétés F4, TN [lire TB] Management et Parter et M. [Z], à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d'actif, encourue sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, est notamment applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales ; que ce texte n'est pas applicable aux personnes physiques, représentants de personnes morales, reconnues dirigeantes de fait de la société débitrice ; qu'en jugeant le contraire pour retenir la responsabilité de M. [Y], la cour d'appel a violé les articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce ; 2°/ qu'il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d'actif, encourue sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, est notamment applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales ; que, pour retenir la responsabilité personnelle de M. [Y], la cour d'appel s'est implicitement mais nécessairement fondée sur sa qualité de dirigeant de droit des sociétés F4 Holding et Parter Capital Group, personnes morales qu'elle a qualifiées de dirigeants de fait de la société débitrice ; qu'en en jugeant ainsi, cependant que M. [Y] ne pouvait avoir été désigné en qualité de "représentant permanent" des personnes morales dirigeants de fait de la société débitrice et ne pouvait donc endosser une responsabilité pour insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé les articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce ; 3°/ qu'en toute hypothèse, dans ses écritures d'appel, M. [Y] a fait valoir qu'il était "intervenu dans le cadre des opérations d'acquisition de la société TB SAS en sa qualité d'associé et de dirigeant de la société Parter Capital Group et non pas à titre personnel", de sorte que les fautes imputées aux sociétés F4 Holding et à la société Parter, "à les supposer établies" ne lui étaient "pas imputables à titre personnel" ; qu'il a ajouté que le liquidateur n'invoquait, ni ne démontrait qu'il "aurait accompli des actes détachables de ses fonctions d'associé ou de dirigeant au sein de la société Parter Capital Group ou sein de la société F4 Holding" ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions dont il résultait que la responsabilité de M. [Y], distincte de celle des sociétés qu'il dirigeait, ne pouvait être recherchée par le liquidateur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ qu'en décidant que M. [Y] avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actifs de la SAS TB, sans donner aucun motif à sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 11. En premier lieu, contrairement à ce que postule la première branche du moyen, il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une SAS dirigée de fait par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS. 12. En deuxième lieu, il résulte du principe énoncé au point 11 que, ayant retenu que les sociétés Parter et F4, dirigées par M. [Y], étaient les dirigeants de fait de la SAS TB, la cour d'appel en a exactement déduit que la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [Y] pouvait être recherchée par le liquidateur de la SAS TB. 13. En dernier lieu, lorsqu'une SAS débitrice est dirigée par une personne morale représentée légalement par une personne physique, la faute de gestion de nature à engager la responsabilité pour insuffisance d'actif de ce dirigeant peut être caractérisée indifféremment à l'égard de celui-ci ou à l'égard de son représentant légal. 14. Il en découle qu'en retenant que les sociétés Parter et F4, dirigées par M. [Y], avaient commis des fautes de gestion en qualité de dirigeants de fait de la SAS TB, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne MM. [Z] et [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Responsabilités et sanctions | ||||||||||
JURITEXT000048581800 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/18/JURITEXT000048581800.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 décembre 2023, 22-18.460, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 42300802 | Rejet | 22-18460 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2022-04-13 | Cour d'appel d'Agen | M. Vigneau (président) | SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Thouin-Palat et Boucard | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00802 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 802 F-B Pourvoi n° V 22-18.460 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 M. [X] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-18.460 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, section commerciale), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire occitane, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire occitane, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 13 avril 2022), M. [B], gérant de la société CHB miroiterie (la société CHB), s'est rendu caution solidaire de cette société au profit de la Banque populaire occitane (la banque) le 18 avril 2012, en garantie d'un prêt de 150 000 euros, consenti le même jour et remboursable en 120 mensualités, puis le 3 avril 2014, dans la limite de 146 000 euros, en garantie de toutes les sommes que pourrait devoir la société. 2. Le 24 février 2016, la société CHB a cédé une créance professionnelle à la banque, qui l'a notifiée au débiteur cédé. 3. Le 8 juin 2016, la société CHB a été mise en redressement judiciaire. 4. La banque a déclaré au passif de la société CHB une créance au titre du prêt, du solde débiteur du compte courant et de la créance professionnelle cédée. 5. Après avoir vainement mis en demeure M. [B] de rembourser le prêt, la banque a obtenu, le 15 décembre 2016, d'un juge de l'exécution l'autorisation d'inscrire une hypothèque provisoire sur l'un de ses immeubles. 6. Le 12 janvier 2017, la banque a assigné M. [B] afin d'obtenir un titre exécutoire contre lui et sa condamnation au paiement de la totalité des sommes dues au titre du prêt, du solde débiteur du compte courant et de la créance professionnelle cédée. 7. L'instance a été suspendue en raison de la procédure de redressement judiciaire en cours. 8. Le 17 mai 2017, le plan de redressement de la société CHB a été arrêté, prévoyant le paiement sur une durée de dix ans de la totalité des sommes échues au jour de l'ouverture de la procédure. 9. L'instance introduite par l'assignation du 12 janvier 2017 a alors repris. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 11. M. [B] fait grief à l'arrêt de le condamner, en exécution de ses engagements de caution, au paiement de diverses sommes au titre du prêt, du solde débiteur du compte courant et de la créance professionnelle cédée, alors « que si le créancier bénéficiaire d'un cautionnement consenti par une personne physique, en garantie de la dette d'un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, qui a pris des mesures conservatoires sur les biens de la caution, peut obtenir un titre exécutoire malgré l'inexigibilité de la créance contre la caution, l'exécution de ce titre n'est possible que lorsque la créance devient exigible et dans la mesure de l'exigibilité ; qu'en prononçant à l'encontre de M. [B] une condamnation pure et simple au paiement des dettes de la société CHB Miroiterie qu'il avait garanties, sans prévoir que l'exécution de ces condamnations ne serait possible que lorsque ces créances deviendraient exigibles et dans la seule mesure de leur exigibilité, exposant ainsi M. [B] au paiement intégral des créances garanties, malgré leur inexigibilité, en vertu d'une décision ayant acquis force de chose jugée, la cour d'appel a violé les articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, R. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 12. Selon l'article L. 622-28, alinéas 2 et 3, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 de ce code, le créancier bénéficiaire d'un cautionnement consenti par une personne physique en garantie de la dette d'un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit, en application des articles L. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, introduire dans le mois de leur exécution une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues, à peine de caducité de ces mesures. 13. Il en résulte que si l'obtention d'un tel titre ne peut être subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution, le créancier muni de ce titre ne peut toutefois en poursuivre l'exécution forcée contre les biens de la caution qu'à la condition que la créance constatée par le titre soit exigible à l'égard de cette caution et dans la mesure de cette exigibilité, conformément aux dispositions de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le contrôle de cette exigibilité relevant, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, de l'appréciation du juge de l'exécution en cas de contestation soulevée à l'occasion de l'exécution forcée du titre. 14. En conséquence, la cour d'appel, qui n'avait pas à préciser que l'exécution de son arrêt ne serait possible sur les biens de la caution que lors de l'exigibilité des créances, a, sans méconnaître le droit de propriété de M. [B], fait l'exacte application des textes précités en le condamnant à payer les sommes dues au titre de son engagement de caution. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à la société Banque populaire occitane la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | ENTREPRISE EN DIFFICULTE | ||||||||||
JURITEXT000048581802 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/18/JURITEXT000048581802.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 décembre 2023, 21-21.047 21-24.496, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 42300803 | Rejet | 21-21047 | oui | CHAMBRE_COMMERCIALE | 2021-05-20 | Cour d'appel d'Aix en Provence | M. Vigneau (président) | SARL Le Prado - Gilbert, SARL Ortscheidt, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Duhamel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés | ECLI:FR:CCASS:2023:CO00803 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 803 F-B Pourvois n° M 21-21.047 K 21-24.496 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 I - La société Socodis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° M 21-21.047 contre un arrêt n°RG 15/20708 rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société Alpha Insurance, société de droit danois, dont le siège est [Adresse 8] (Danemark), 3°/ à M. [K] [L], domicilié [Adresse 3] (Danemark), pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Alpha Insurance, 4°/ à la société SMA étanchéité, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], 5°/ à la société Phocéa stock, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 6°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], 7°/ à la société Merdjian père et fils, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], 8°/ à la société Aubagne accessoires, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 10], 9°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 10°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle, ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], prises en qualité d'assureur de la société Phocéa stock, défendeurs à la cassation. Les sociétés SMA étanchéité, Generali IARD, Merdjian père et fils, Aubagne accessoires, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ont formé, chacune, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal n° M 21-21.047 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. La société SMA étanchéité, demanderesse au pourvoi incident n° M 21-21.047, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les sociétés Generali IARD, Merdjian père et fils et Aubagne accessoires, demanderesses au pourvoi incident n° M 21-21.047, invoquent à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, demanderesses au pourvoi incident n° M 21-21.047, invoquent à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. II - 1°/ la société Alpha Insurance, société de droit danois, 2°/ M. [K] [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alpha Insurance, ont formé le pourvoi n° K 21-24.496 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant : 1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, 2°/ à la société SMA étanchéité, société à responsabilité limitée, 3°/ à la société Phocéa stock, société à responsabilité limitée, 4°/ à la société Generali IARD, société anonyme, 5°/ à la société Merdjian père et fils, société civile immobilière, 6°/ à la société Aubagne accessoires, société à responsabilité limitée, 7°/ à la société Socodis, société par actions simplifiée, 8°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 9°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle, défenderesses à la cassation. Les sociétés Axa France IARD, SMA étanchéité, Generali IARD, Merdjian père et fils, Aubagne accessoires et Socodis ont formé, chacune, un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal n° K 21-24.496 invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation. La société Axa France IARD, demanderesse au pourvoi incident n° K 21-24.496, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation. La société SMA étanchéité, demanderesse au pourvoi incident n° K 21-24.496, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les sociétés Generali IARD, Merdjian père et fils et Aubagne accessoires, demanderesses au pourvoi incident n° K 21-24.496, invoquent à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. La société Socodis, demanderesse au pourvoi incident n° K 21-24.496, invoque à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Socodis, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Alpha Insurance et de M. [L], ès qualités, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Duhamel, avocat de la société Phocéa stock, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société SMA étanchéité, de la SCP Guérin-Gougeon et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocats des sociétés Generali IARD, Merdjian père et fils et Aubagne accessoires, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 21-21.047 et K 21-24.496 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la SCI Merdjian père et fils (la SCI), assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali), est propriétaire de locaux industriels et commerciaux qu'elle a loués, d'une part, à la société Phocéa stock (la société Phocéa), assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), d'autre part, à la société Aubagne accessoires (la société Aubagne), assurée auprès de la société Generali. 3. La SCI a confié à la société Socodis, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), des travaux d'étanchéité de la toiture que la société Socodis a sous-traités à la société SMA étanchéité (la société SMA), assurée auprès de la société de droit danois Alpha Insurance (la société Alpha). 4. Le 10 mai 2013, un incendie s'est déclaré dans Ies locaux, entraînant la destruction totale des deux travées du bâtiment occupées par la société Phocéa et endommageant la troisième travée occupée par la société Aubagne. Des travaux de démolition, dépollution et reconstruction ont été entrepris et achevés au moyen d'un préfinancement de la société Generali. 5. Deux procédures ont été engagées. La première, à l'initiative de la SCI et des sociétés Aubagne et Generali, a donné lieu à un jugement du 10 novembre 2015, la seconde, introduite par la société Phocéa, a donné lieu à un jugement du 23 mai 2017, rectifié le 13 juin 2017. Ces jugements ont été frappés d'appels qui ont été joints. 6. Le 8 mai 2018, la société Alpha a été déclarée en faillite par une juridiction danoise. M. [L] a été appelé en cause en sa qualité de liquidateur de la société Alpha. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal n° M 21.21-047 et du pourvoi incident n° K 21-24.496 de la société Socodis, le premier moyen du pourvoi incident n° M 21-21.047 et le moyen du pourvoi incident n° K 21-24.496 de la SCI et des sociétés Aubagne et Generali, et le moyen du pourvoi incident n° M 21-21.047 des sociétés MMA 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal n° K 21-24.496 de la société Alpha et de M. [L], ès qualités, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de constater, dans leurs rapports avec les sociétés MMA, que leur appel formé contre le jugement du 23 mai 2017 n'est plus soutenu Enoncé du moyen 8. La société Alpha et M. [L], ès qualités, font grief à l'arrêt de constater que leur appel n'est plus soutenu, alors : « 1°/ qu'en application de la directive européenne dite Solvabilité II du 25 novembre 2009, la loi de l'Etat membre dans lequel l'instance est en cours est applicable pour régir les effets de l'ouverture d'une procédure collective sur cette instance à condition qu'elle n'empiète pas sur la compétence réservée à la loi de l'Etat membre d'origine pour déterminer ces mêmes effets ; qu'en déclarant non soutenu l'appel du débiteur de droit danois faisant l'objet d'une liquidation judiciaire ouverte au Danemark le 8 mai 2018 au prétexte que l'assureur avait perdu sa qualité à agir, que son liquidateur judiciaire n'avait pas constitué avocat et avait conclu tardivement, sans vérifier si la loi française empiétait sur la compétence réservée à la loi danoise pour régir ces mêmes effets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, et des articles L 326-20 et L 326-28 du code des assurances ; 2°/ que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; qu'en affirmant que n'était pas soutenu l'appel du débiteur de droit danois faisant l'objet d'une liquidation judiciaire ouverte au Danemark le 8 mai 2018 au prétexte que son liquidateur n'avait pas constitué avocat et avait conclu tardivement, quand l'instance était interrompue dès lors que, hormis les assureurs d'un des locataires, les créanciers n'avaient pas déclaré leurs créances, la cour d'appel a violé les articles L 622-22 et L 641-3 du code de commerce, ensemble l'article 369 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. Aux termes de l'article L. 326-20 du code des assurances, issu de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II), les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat. 10. Selon l'article 274 de cette directive, la décision d'ouverture, la procédure et ses effets sont régis par le droit applicable dans l'État membre d'origine, c'est-à-dire par la loi de l'État membre dans lequel l'entreprise d'assurance a été agréée et a son siège social, soit en l'espèce le Danemark. Ce texte précise que le droit de l'Etat membre d'origine détermine au moins : a) les actifs qui font l'objet du dessaisissement et le sort des actifs acquis par l'entreprise d'assurance ou dont la propriété lui a été transférée après l'ouverture de la procédure de liquidation ; b) les pouvoirs respectifs de l'entreprise d'assurance et du liquidateur ; (...) e) les effets de la procédure de liquidation sur les poursuites individuelles par les créanciers, à l'exception des instances en cours visées à l'article 292. 11. Par exception au principe de soumission des effets de la liquidation à la loi de l'État membre d'origine, l'article 292 de la directive dispose que les effets de la liquidation sur une instance en cours concernant un actif ou un droit dont l'entreprise est dessaisie, sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel l'instance est en cours. 12. Selon l'article L. 326-28 du code des assurances, transposant l'article 292 de la directive, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile français. 13. Par son arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance. En particulier, il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. » 14. Elle précise à cet effet que l'article 369 du code de procédure civile, qui prévoit que l'instance en cours est interrompue notamment par l'effet du jugement qui résulte de l'ouverture d'une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance dans un autre État membre semble concerner les effets procéduraux, attachés à une telle ouverture, sur ladite instance et relève donc du champ d'application de la loi désignée par l'article 292 de la directive 2009/138 (point 64), qu'il en est de même de l'article R. 622-20 du code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire en vertu de l'article R. 641-23 de ce code, qui soumet la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation, une telle disposition paraissant régir les conséquences procédurales sur l'instance en cours des événements survenus dans le cadre de la procédure de liquidation ouverte dans un autre État membre, sans, notamment, préjuger des pouvoirs respectifs de l'entreprise d'assurance et du liquidateur, déterminés par le droit de l'État membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, sous b), de la directive 2009/138 (point 65) et que, s'agissant de l'article L. 622-22 du code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire en vertu de l'article L. 641-3 dudit code, selon laquelle, à la reprise de l'instance en cours précédemment interrompue, l'objet de celle-ci ne peut plus porter que sur la constatation des créances et la fixation de leur montant, aucune disposition de la directive 2009/138 ne paraît s'opposer à une telle limitation de l'objet de l'instance en cours. En particulier, les effets qu'une telle règle de droit national emportent sur l'instance en cours n'apparaissent que confirmer la compétence réservée au droit de l'État membre d'origine, notamment celle, mentionnée à l'article 274, paragraphe 2, sous g) et h), de cette directive, de fixer, respectivement, les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances, ainsi que, notamment, les règles de distribution du produit de la réalisation des actifs et le rang des créances, ce qu'il importe à la juridiction nationale de vérifier (point 66). 15. Il découle de cet arrêt qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, qui transpose l'article 292 de la directive précitée, les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile et de l'article L. 622-22 du code de commerce s'appliquent aux instances en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés en France, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation judiciaire dans un autre Etat membre. 16. Les mêmes textes doivent être appliqués à une instance en cours ayant pour objet un appel en garantie dirigé par une entreprise déclarée responsable de dommages supportés en France, ou par son assureur, contre l'entreprise d'assurance, soumise à une procédure de liquidation judiciaire dans un autre Etat membre, garantissant l'entreprise déclarée co-responsable des dommages. 17. Or, il résulte des dispositions précitées du code de procédure civile français que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats. En outre, il découle des dispositions précitées du code de commerce français que, par l'effet du jugement qui ouvre la procédure collective, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance et qu'elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire, et le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. 18. Il en résulte que si la loi danoise régit les effets de la procédure de liquidation de la société Alpha sur son dessaisissement et les pouvoirs respectifs de celle-ci et de son liquidateur, la cour d'appel a, à bon droit, fait application des dispositions de la loi française pour déterminer les effets de la procédure de liquidation sur l'instance en cours devant elle opposant les sociétés MMA et la société Alpha, se traduisant par une interruption de l'instance, et les conditions de sa reprise après qu'elle avait été interrompue. 19. L'arrêt relève, d'abord, que les sociétés MMA ont déclaré leur créance et qu'elles ont appelé M. [L], ès qualités, en intervention forcée, que celui-ci n'a pas justifié avoir, avant l'ordonnance de clôture du 2 novembre 2020, constitué avocat par acte de procédure remis à la juridiction par voie électronique, notifié également par la même voie aux autres parties, conformément aux articles 930-1 et 960 et suivants du code de procédure civile, et qu'après l'ordonnance de clôture, la société Alpha et M. [L], ès qualités, avaient, le 1er décembre 2020, notifié des conclusions aux fins de révocation de la clôture et aux fins récapitulatives, qui avaient été écartées des débats à l'audience. 20. L'arrêt relève ensuite qu'il n'est pas soutenu que depuis sa liquidation judiciaire la société Alpha peut agir seule. 21. Il en résulte que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier la teneur de la loi danoise sur les effets de la procédure quant à la qualité à agir de la société Alpha, dès lors que son dessaisissement n'était pas contesté, a exactement retenu que, s'agissant du litige opposant la société Alpha et les sociétés MMA, l'appel de la société Alpha n'était plus soutenu. 22. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen du pourvoi principal n° K 21-24.496 de la société Alpha et de M. [L], ès qualités Enoncé du moyen 23. La société Alpha et M. [L], ès qualités, font grief à l'arrêt de fixer la créance des sociétés MMA à la somme de 446 042,76 euros, alors : « 1°/ que la portée de la cassation s'étend aux dispositions du jugement annulé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, pour déclarer non soutenu l'appel de l'exposante, l'arrêt attaqué, faisant application de la loi française, a considéré que l'assureur avait perdu sa qualité à agir à l'ouverture de la liquidation judiciaire, que son liquidateur n'avait pas constitué avocat et avait conclu tardivement ; que la censure à intervenir sur le premier moyen, en ce qu'elle tendra à établir que les juges du fond devaient vérifier la teneur de la loi danoise (en particulier, sur la perte de la qualité à agir du débiteur), entraînera donc, par voie de conséquence, l'annulation de plein droit de l'arrêt attaqué ayant fixé – en considération d'une pièce qui n'avait pas pu être contestée – la créance des assureurs du locataire, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en application de la directive européenne dite Solvabilité II du 25 novembre 2009, la loi de l'Etat membre dans lequel l'instance est en cours est applicable pour régir les effets de l'ouverture d'une procédure collective sur cette instance à condition qu'elle n'empiète pas sur la compétence réservée à la loi de l'Etat membre d'origine pour déterminer ces mêmes effets ; qu'en fixant la créance des assureurs d'un des locataires au passif de la société en liquidation judiciaire à la somme de 446 042,76 euros sans vérifier si la loi française empiétait sur la compétence réservée à la loi danoise pour régir ces mêmes effets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, et des articles L 326-20 et L 326- 28 du code des assurances. » Réponse de la Cour 24. Le rejet du premier moyen rend sans portée la première branche du moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence. 25. Il résulte de ce qui a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 13 janvier 2022, cité aux paragraphes 12 et 13, que la procédure suivie devant une juridiction ayant son siège dans un autre Etat membre et tendant à constater l'existence d'une indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance et à la fixation de son montant n'empiète pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre dans lequel a été ouverte une procédure de liquidation de l'entreprise d'assurance concernée. 26. Le moyen qui, en sa seconde branche, postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi principal n° M 21-21.047 et du pourvoi incident n° K 21-24.496 de la société Socodis, le second moyen du pourvoi incident n° M 21-21.047 de la SCI et des sociétés Aubagne et Generali, le moyen du pourvoi incident n° M 21-21.047 et du pourvoi incident n° K 21-24.496 de la société SMA, le premier moyen, sauf en ce qu'il fait grief à l'arrêt de constater, dans leurs rapports avec les sociétés MMA, que leur appel n'est plus soutenu, et les deuxième et quatrième moyens du pourvoi principal n° K 21-24.496 de la société Alpha et de M. [L], ès qualités, et le moyen du pourvoi incident n° K 21-24.496 de la société Axa Enoncé du moyen 27. La société Socodis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, sauf pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sa demande de condamnation formée contre la société Alpha afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, alors : « 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de condamnation formée contre la société Alpha insurance, par l'exposante afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, que dans la mesure où la société Alpha insurance fait désormais l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte au Danemark, où la société Socodis ne justifie nullement avoir déclaré sa créance, elle ne pourrait obtenir ni la condamnation de cet assureur à la relever et garantir, ni la fixation de sa créance à son passif, quand aucune des parties ne soulevait ce moyen, la cour d'appel, qui l'a relevé d'office sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la société Alpha insurance faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et que la société Socodis n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, de sorte qu'elle ne pourrait obtenir ni la condamnation de cet assureur à la relever et garantir, ni la fixation de sa créance à son passif, quand il résulte des constatations de la cour d'appel que la société Alpha Insurance est une société de droit danois dont la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au Danemark, sans préciser la loi applicable à la détermination des effets de l'ouverture de cette procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, ensemble les articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances ; 3°/ subsidiairement, qu'à supposer qu'en considérant, pour déclarer irrecevable la demande de la société Socodis tendant à ce que la société Alpha Insurance soit condamnée à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre, que la société Socodis n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, la cour d'appel ait fait application des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce français, elle n'a pas justifié de l'applicabilité de ces dispositions de droit interne français s'agissant des effets de l'ouverture d'une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance de droit danois au Danemark, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, ensemble les articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances ; 4°/ subsidiairement, qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu faire application du droit danois, en se bornant à considérer, pour déclarer irrecevable la demande de la société Socodis tendant à ce que la société Alpha insurance soit condamnée à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre, que la société Socodis n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, sans rechercher ni justifier de la teneur de la loi danoise dont elle entendait faire application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil. » 28. La SCI, la société Aubagne et la société Generali font grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas justifié du bien fondé de l'application de la réduction proportionnelle d'indemnité et de dire en conséquence que le plafond de garantie due par l'assureur Alpha à son assurée la société SMA est de 1 000 000 euros, de déclarer irrecevable, sauf pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, la demande de condamnation formée par la société SMA contre la société Alpha afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle et de rejeter les demandes de la SCI et des sociétés Generali et Aubagne tendant à voir condamner la société Alpha à garantir la société SMA dans la limite de son plafond de garantie soit la somme de 1 000 000 euros, alors : « 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de condamnation formée contre la société Alpha Insurance afin qu'elle la relève et garantisse la société SMA étanchéité des condamnations prononcées contre elle, que dans la mesure où la société Alpha Insurance fait désormais l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte au Danemark, la société SMA étanchéité ne justifie nullement avoir déclaré sa créance, de sorte qu'elle ne peut obtenir la condamnation de cet assureur à la relever et garantir, quand aucune des parties ne soulevait ce moyen, la cour d'appel, qui l'a relevé d'office sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°/ qu'il résulte de l'article o 274, paragraphe 2, sous g) et h) de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, précitée que l'Etat membre dans lequel une procédure de liquidation est ouverte dispose d'une compétence réservée pour fixer, respectivement, les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances, ainsi que, notamment, les règles de distribution du produit de la réalisation des actifs et le rang des créances ; qu'en présence d'une règle de droit interne, telle que l'article L. 622-22 du code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire en vertu de l'article L. 641-3 dudit code, selon laquelle, à la reprise de l'instance en cours précédemment interrompue, l'objet de celle-ci ne peut plus porter que sur la constatation des créances et la fixation de leur montant, il revient à la juridiction nationale de vérifier si cette règle de droit interne n'empiète pas sur la compétence ainsi réservée à l'Etat membre d'origine ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la société Alpha Insurance faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et que la société SMA étanchéité n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, de sorte qu'elle ne pourrait pas obtenir la condamnation de cet assureur à la relever et garantir, quand il résulte des constatations de la cour d'appel que la société Alpha Insurance est une société de droit danois dont la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au Danemark, sans vérifier si la loi française empiétait sur la compétence réservée la loi applicable à la détermination des effets de l'ouverture de cette procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, et des articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances ; 3°/ que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; que pour déclarer irrecevable la demande de condamnation formée contre la société Alpha Insurance afin qu'elle la relève et garantisse la société SMA étanchéité des condamnations prononcées contre elle, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la société Alpha Insurance fait désormais l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte au Danemark et que la société SMA étanchéité ne justifie nullement avoir déclaré sa créance ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'à supposer qu'elle ait fait application du droit français, la cour d'appel devait se borner à constater l'interruption de l'instance l'empêchant de statuer, sans pouvoir, par conséquent, déclarer les demandes irrecevables, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce, ensemble l'article 369 du code de procédure civile ; 4°/ subsidiairement qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu faire application du droit danois, en se bornant à considérer, pour débouter les sociétés Generali IARD, Merdjian père & fils et Aubagne accessoires de leur demande tendant à voir condamner la société Alpha Insurance à relever et garantir la société SMA étanchéité des condamnations prononcées à leur encontre et déclarer irrecevable la demande formée par celle-ci en ce sens, que la société SMA étanchéité n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, sans rechercher ni justifier de la teneur de la loi danoise dont elle entendait faire application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil. » 29. La société SMA fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, sauf pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sa demande de condamnation formée contre la société Alpha afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, alors : « 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la société SMA étanchéité ne justifie pas avoir déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société Alpha Insurance de sorte qu'elle ne peut obtenir la condamnation de cet assureur à la relever et garantir, pour juger irrecevable sa demande en ce sens, sans inviter les parties à présenter au préalable leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°/ que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (13 janvier 2022, aff.C-724-20) que l'article 292 de la directive 2009/138/CE doit être interprété en ce sens que la loi de l'État membre sur le territoire duquel une instance ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés dans un État membre, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation dans un autre État membre, est en cours a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance ; qu'en particulier, il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet État membre qui prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours et soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation comme cela est le cas en droit français, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'État membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive ; qu'ayant constaté que la compagnie Alpha Insurance est une qu'ayant constaté que la compagnie Alpha Insurance est une société de droit danois faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte au Danemark, la cour d'appel qui a jugé irrecevable la demande de la société SMA étanchéité en garantie de son assureur au motif qu'elle ne justifie pas avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de celui-ci, cependant que les conditions de la reprise devant elle de l'instance en cours n'étant pas réunies faute de déclaration de créance, elle devait se borner à constater l'interruption de l'instance l'empêchant de statuer sur cette demande, sans pouvoir la déclarer irrecevable, a violé les articles L 622-22 et L 641-3 du code de commerce, ensemble l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice dite Solvabilité II ; 3°/ subsidiairement, que la loi de l'État membre dans lequel une instance est en cours au sens de l'article 292 de la directive n° 2009/138/CE du 25 novembre 2009 ne régit les effets de la procédure de liquidation sur cette instance que si elle n'empiète pas sur la compétence réservée par l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive au droit de l'État membre d'origine, lequel détermine notamment les créances à produire au passif de l'entreprise d'assurance et les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu faire application du droit danois, en jugeant irrecevable la demande de la société SMA étanchéité tendant à voir condamner la société Alpha Insurance à la garantir des condamnations prononcées à son encontre aux motifs qu'elle n'a pas justifié avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire ouverte au Danemark de cette société de droit danois, sans rechercher ni justifier la teneur de la loi danoise ni par suite caractériser en quoi la loi française applicable en principe à l'instance en cours empiétait sur les dispositions de cette loi, la rendant applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 du code civil et 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009. » 30. La société Alpha et M. [L], ès qualités, font grief à l'arrêt de constater que leur appel n'est plus soutenu, alors : « 1°/ qu'en application de la directive européenne dite Solvabilité II du 25 novembre 2009, la loi de l'Etat membre dans lequel l'instance est en cours est applicable pour régir les effets de l'ouverture d'une procédure collective sur cette instance à condition qu'elle n'empiète pas sur la compétence réservée à la loi de l'Etat membre d'origine pour déterminer ces mêmes effets ; qu'en déclarant non soutenu l'appel du débiteur de droit danois faisant l'objet d'une liquidation judiciaire ouverte au Danemark le 8 mai 2018 au prétexte que l'assureur avait perdu sa qualité à agir, que son liquidateur judiciaire n'avait pas constitué avocat et avait conclu tardivement, sans vérifier si la loi française empiétait sur la compétence réservée à la loi danoise pour régir ces mêmes effets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, et des articles L 326-20 et L 326-28 du code des assurances ; 2°/ que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier o poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; qu'en affirmant que n'était pas soutenu l'appel du débiteur de droit danois faisant l'objet d'une liquidation judiciaire ouverte au Danemark le 8 mai 2018 au prétexte que son liquidateur n'avait pas constitué avocat et avait conclu tardivement, quand l'instance était interrompue dès lors que, hormis les assureurs d'un des locataires, les créanciers n'avaient pas déclaré leurs créances, la cour d'appel a violé les articles L 622-22 et L 641-3 du code de commerce, ensemble l'article 369 du code de procédure civile. » 31. La société Alpha et M. [L], ès qualités, font grief à l'arrêt de fixer le plafond de la garantie due par l'assureur à la somme de 1 000 000 euros, alors « que la portée de la cassation s'étend aux dispositions du jugement annulé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, pour déclarer non soutenu l'appel de l'exposante, l'arrêt attaqué, faisant application de la loi française, a considéré que l'assureur avait perdu sa qualité à agir à l'ouverture de la liquidation judiciaire, que son liquidateur n'avait pas constitué avocat et avait conclu tardivement ; que la censure à intervenir sur le premier moyen, en ce qu'elle tendra à établir que les juges du fond devaient vérifier la teneur de la loi danoise (en particulier, sur la perte de la qualité à agir du débiteur), entraînera donc, par voie de simple conséquence, l'annulation de plein droit de l'arrêt attaqué ayant fixé le plafond de garantie dû par la débitrice à la somme d'un million d'euros, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. » 32. La société Alpha et M. [L], ès qualités, font grief à l'arrêt de les condamner à garantir les sociétés Socodis, Axa et SMA, relativement à leurs condamnations au paiement d'indemnités au titre des frais irrépétibles et aux dépens, alors : « 1°/ qu'en application de la directive européenne dite Solvabilité II du 25 novembre 2009, la loi de l'Etat membre dans lequel l'instance est en cours est applicable pour régir les effets de l'ouverture d'une procédure collective sur cette instance à condition qu'elle n'empiète pas sur la compétence réservée à la loi de l'Etat membre d'origine pour déterminer ces mêmes effets ; qu'en condamnant les exposants à garantir certains des litigants de leur condamnations au paiement d'indemnités au titre des frais irrépétibles et aux dépens, sans vérifier si la loi française empiétait sur la compétence réservée à la loi danoise pour régir ces mêmes effets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, et des articles L 326-20 et L 326-28 du code des assurances ; 2°/ que les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, dont celles au titre des frais irrépétibles et des dépens ; qu'en condamnant l'assureur à garantir certains des litigants du chef de leurs condamnations au paiement d'indemnités au titre des frais irrépétibles et aux dépens, quand elle constatait pourtant qu'une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte à son encontre lors de l'instance d'appel, de sorte qu'elle ne pouvait que constater et fixer les créances dues à ce titre, la cour d'appel a violé les articles L 622-17, L 622-22 et L 625-3 du code de commerce. » 33. La société Axa fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, sauf pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sa demande de condamnation formée contre la société Alpha afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, alors : « 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de condamnation formée contre la société Alpha Insurance, par l'exposante afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, que dans la mesure où la société Alpha Insurance fait désormais l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte au Danemark, où la société Axa France IARD ne justifie nullement avoir déclaré sa créance, elle ne pourrait obtenir ni la condamnation de cet assureur à la relever et garantir, ni la fixation de sa créance à son passif, quand aucune des parties ne soulevait ce moyen, la cour d'appel, qui l'a relevé d'office sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la société Alpha Insurance faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et que la société Axa France IARD n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, de sorte qu'elle ne pourrait obtenir ni la condamnation de cet assureur à la relever et garantir, ni la fixation de sa créance à son passif, quand il résulte des constatations de la cour d'appel que la société Alpha Insurance est une société de droit danois dont la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au Danemark, sans préciser la loi applicable à la détermination des effets de l'ouverture de cette procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, ensemble les articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances ; 3°/ subsidiairement, qu'à supposer qu'en considérant, pour déclarer irrecevable la demande de la société Axa France IARD tendant à ce que la société Alpha Insurance soit condamnée à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre, qu'elle n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, la cour d'appel ait fait application des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce français, elle n'a pas justifié de l'applicabilité de ces dispositions de droit interne français s'agissant des effets de l'ouverture d'une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance de droit danois au Danemark, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 274 et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, ensemble les articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances ; 4°/ subsidiairement, qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu faire application du droit danois, en se bornant à considérer, pour déclarer irrecevable la demande de la société Axa France IARD tendant à ce que la société Alpha Insurance soit condamnée à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre, que la société Axa France IARD n'aurait pas justifié avoir déclaré sa créance, sans rechercher ni justifier de la teneur de la loi danoise dont elle entendait faire application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 622-22 du code de commerce et 372 du code de procédure civile : 34. Il résulte du premier de ces textes que les instances en cours tendant au paiement d'une somme d'argent sont interrompues par l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du débiteur et ne sont régulièrement reprises qu'après que le créancier poursuivant a procédé à la déclaration de sa créance et mis en cause le mandataire judiciaire ou le liquidateur et, le cas échéant l'administrateur. 35. Selon le second texte, les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus. 36. Il en résulte que la juridiction saisie d'une instance en cours, interrompue par l'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'une partie, ne peut statuer sans attendre qu'il soit justifié des formalités de reprise d'instance énoncées au paragraphe 34, faute de quoi sa décision est réputée non avenue. 37. L'arrêt relève que les sociétés Socodis, SMA et Axa n'ont pas justifié avoir déclaré leur créance au passif de la société Alpha, laquelle a formé un pourvoi contre l'arrêt du 20 mai 2021, ainsi que son liquidateur, démontrant ainsi leur refus de confirmer cette décision. 38. En conséquence, à l'exclusion du litige concernant les rapports entre la société Socodis et son assureur, la société Axa, qui ne concernait pas la société Alpha et ne constituait donc pas une instance en cours susceptible d'interruption au sens des dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce, qui font l'objet des moyens examinés au paragraphe 7, et du litige concernant les rapports entre la société Alpha et les sociétés MMA, assureurs de la société Phocéa, qui s'inscrivait dans une instance en cours valablement reprise, faisant l'objet des moyens examinés aux paragraphes 8 à 26, il convient de constater que l'instance en cours était toujours interrompue devant la cour d'appel, à défaut de reprise régulière, et que l'arrêt est réputé non avenu en ce qu'il : - constate que l'appel du jugement rendu le 23 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Marseille, interjeté le 29 juin 2017 par la société Alpha n'est plus soutenu, sauf en ce qui concerne l'appel dirigé contre les sociétés MMA, - dit qu'il n'est pas justifié du bien fondé de l'application de la réduction proportionnelle d'indemnité et dit en conséquence que le plafond de la garantie due par la société Alpha à son assurée, la société SMA, est de 1 000 000 euros, - déclare irrecevables, sauf pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, les demandes de condamnations formées contre la société Alpha par la société Socodis afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, par la société SMA afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle et les demandes des autres parties aux mêmes fins, et par la société Axa afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, - dit que pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, ces sociétés seront relevées et garanties par la société Alpha. 39. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les moyens des pourvois qui attaquent ces chefs de dispositif. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal n° M 21.21-047 et le pourvoi incident n° K 21-24.496 de la société Socodis, les pourvois incidents n° M 21-21.047 et n° K 21-24.496 de la SCI Merdjian père et fils et des sociétés Aubagne accessoires et Generali IARD, et le pourvoi incident n° M 21-21.047 des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, en tant qu'ils font grief à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 20 mai 2021 de dire qu'en application des clauses contractuelles, et notamment de l'article 4.3 des conditions particulières, le plafond de la garantie qui avait été accordée à la société Socodis s'élevait à la somme de 150 000 euros, montant à revaloriser conformément aux clauses contractuelles et que le montant de la franchise était doublé, et de condamner la société Axa France IARD à relever et garantir la société Socodis des condamnations prononcées contre elle dans la limite du plafond de garantie de 150 000 euros, montant à revaloriser conformément aux clauses contractuelles, et avec déduction de la franchise doublée ; REJETTE le pourvoi principal n° K 21-24.496 de la société Alpha Insurance et de M. [L], ès qualités, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de constater, dans leurs rapports avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, que leur appel formé contre le jugement du 23 mai 2017 n'est plus soutenu et de fixer la créance de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles en leur qualité d'assureurs de la société Phocéa stock au passif de la liquidation judiciaire de la société Alpha Insurance à la somme de 446 042,76 euros ; Déclare non avenu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en ce qu'il : - constate que l'appel du jugement rendu le 23 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Marseille, interjeté le 29 juin 2017 par la société Alpha Insurance n'est plus soutenu sauf dans ses rapports avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, - dit qu'il n'est pas justifié du bien fondé de l'application de la réduction proportionnelle d'indemnité et dit en conséquence que le plafond de la garantie due par la société Alpha Insurance à son assurée, la société SMA étanchéité, est de 1 000 000 euros, - déclare irrecevables, sauf pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, les demandes de condamnation formées contre la société Alpha Insurance par la société Socodis afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, par la société SMA étanchéité afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle et les demandes des autres parties aux mêmes fins, et par la société Axa France IARD afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées contre elle, - dit que pour les condamnations au paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, ces sociétés seront relevées et garanties par la société Alpha Insurance ; Dit n'y avoir lieu en conséquence de statuer sur les pourvois n° M 21-21.047 et K 21-24.496 en ce qu'ils attaquent ces chefs de dispositif de l'arrêt attaqué ; Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | PROCEDURE CIVILE | ||||||||||
JURITEXT000048389596 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/95/JURITEXT000048389596.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 novembre 2023, 22-87.230, Publié au bulletin | 2023-11-07 00:00:00 | Cour de cassation | C2301277 | Rejet | 22-87230 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-11-08 | Cour d'appel de Douai | M. Bonnal | SCP Waquet, Farge et Hazan | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01277 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 22-87.230 F-B N° 01277 MAS2 7 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 2022, qui, pour apologie publique d'un acte de terrorisme, l'a condamné notamment à deux ans d'emprisonnement. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y] [U], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 4 juillet 2022, la direction zonale de la sécurité intérieure nord (DZSI) a adressé un signalement au procureur de la République de Lille relatif à l'activité publique de propagande à visée terroriste de M. [Y] [U], au moyen d'un compte Twitter, sous le pseudonyme de [D] [P]. 3. La DZSI a relevé plusieurs propos susceptibles de caractériser le délit d'apologie publique d'un acte de terrorisme, tenus par M. [U] sur ce compte, entre le 25 mai et le 6 juillet 2022, période au cours de laquelle celui-ci se trouvait en Algérie. 4. L'intéressé est rentré en France le 19 juillet suivant, date à laquelle il a été interpellé. 5. Les adresses IP de connexion au compte utilisé par M. [U], pendant la période considérée, ont été localisées en Algérie, l'intéressé se connectant à internet au moyen d'un réseau privé virtuel. 6. Le tribunal correctionnel a déclaré M. [U] coupable du délit poursuivi et a prononcé sur les peines. 7. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [U] pour apologie d'actes de terrorisme, alors « qu'en l'absence de tout critère rattachant au territoire de la République les propos incriminés susceptibles de constituer l'apologie d'actes de terrorisme, la circonstance que ces propos du fait de leur diffusion sur un réseau social, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître ; qu'en se bornant à relever que les messages, même s'ils avaient été écrits alors que [Y] [U] se trouvait en Algérie, étaient réputés avoir été commis sur le territoire national puisqu'ils étaient publics et accessibles, tant sur le plan technique que linguistique, depuis le territoire français, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 113-2 et 421-2-5 du code pénal. » Réponse de la Cour 9. La Cour de cassation juge qu'en l'absence de tout critère rattachant au territoire de la République des propos incriminés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-86.645, Bull. crim. 2016, n° 218). 10. L'apologie publique d'actes de terrorisme pouvant procéder de propos diffusés par le réseau internet depuis un territoire étranger, accessibles depuis la France, il y a lieu de considérer que, pour cette infraction également, cette circonstance ne caractérise pas à elle seule un acte de publicité sur le territoire de la République rendant le juge français compétent pour connaître de ce délit, en l'absence de tout critère rattachant les propos incriminés audit territoire. 11. En l'espèce, pour écarter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le prévenu et confirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce notamment que les tweets litigieux de M. [U] ont été publiés et diffusés sur le réseau internet en langue française et qu'ils étaient accessibles à tous sans aucune restriction depuis le territoire français. 12. Les juges ajoutent que, dès lors que la publicité des écrits, élément constitutif de l'infraction d'apologie du terrorisme reprochée, a eu lieu sur le territoire de la République, l'infraction est réputée commise sur ce territoire. 13. Ils en concluent que, quand bien même les messages auraient été écrits par M. [U], alors qu'il se trouvait en Algérie, les faits sont réputés avoir été commis sur le territoire national puisque lesdits messages étaient publics et accessibles, tant sur le plan technique que linguistique, depuis le territoire français. 14. C'est à tort que les juges ont retenu que les faits sont réputés avoir été commis sur le territoire national, les messages diffusés étant accessibles depuis le territoire français, dès lors que cette circonstance ne caractérise pas, à elle seule, en l'absence de critère de rattachement desdits propos au territoire de la République, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître. 15. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors qu'il en résulte que les propos poursuivis ont été diffusés en langue française, certains accompagnés de photographies représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l'organisation dite Etat Islamique, d'autres incitant les musulmans à se sentir étrangers sur « toutes les terres qui refusent d'appliquer et combattent les lois d'Allah », notamment la France, et ce, alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste, éléments qui constituent, en l'espèce, des critères suffisants de rattachement desdits propos au territoire français. 16. Ainsi, le moyen doit être écarté. 17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-trois. | TERRORISME - Actes de terrorisme - Provocation et apologie - Apologie d'actes de terrorisme - Diffusion depuis un territoire étranger - Compétence territoriale - Condition | La circonstance que des propos susceptibles de caractériser le délit d'apologie publique d'actes de terrorisme, diffusés par le réseau internet depuis un territoire étranger, aient été accessibles depuis la France ne caractérise pas à elle seule un acte de publicité sur le territoire de la République rendant le juge français compétent pour connaître de ce délit, en l'absence de tout critère rattachant les propos incriminés audit territoire. Justifie sa décision la cour d'appel qui retient la compétence du juge français pour connaître d'un tel délit, procédant de propos accessibles depuis la France et diffusés par un compte dont les adresses de connexion utilisées sont situées en Algérie dès lors qu'il ressort de ses constatations que ces propos, en langue française, pour certains, sont accompagnés de photographies représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l'organisation dite Etat Islamique, et, pour d'autres, incitent les musulmans à se sentir étrangers sur « toutes les terres qui refusent d'appliquer et combattent les lois d'Allah », notamment la France, et ce, alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste |
|||||||||
JURITEXT000048389738 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/97/JURITEXT000048389738.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 novembre 2023, 23-81.636, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | C2301295 | Rejet | 23-81636 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-03-15 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01295 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 23-81.636 F-B N° 01295 GM 8 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2023 M. [P] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 15 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, association de malfaiteurs et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 30 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P] [I], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Les fonctionnaires de la police judiciaire de [Localité 2], informés de ce que des transactions de produits stupéfiants avaient lieu dans le parking d'un immeuble géré par un bailleur social, ont requis ce dernier, le 9 mars 2020, sur autorisation du procureur de la République, afin d'accéder aux parties communes. 3. Le même jour, le bailleur les a autorisés, pour une durée d'un an, à accéder aux images enregistrées dans son installation de vidéosurveillance. 4. Ce droit d'accès a été renouvelé, dans les mêmes formes et pour la même durée, le 4 janvier 2021. 5. L'exploitation de ces images a confirmé la mise en cause de quatre personnes, dont M. [P] [I], qui, après ouverture d'une information judiciaire le 21 octobre 2021, ont été mises en examen des chefs susvisés. 6. Par requête déposée le 12 avril 2022, M. [I] a sollicité l'annulation de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur le second moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et constaté la régularité de la procédure pour le surplus, alors : « 1°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que « la communication des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations dans les parties communes de l'immeuble concerné n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale », quand le pouvoir de réquisition des officiers de police judiciaire les autorise à obtenir communication des enregistrements des caméras de surveillance, sans pour autant leur permettre d'exploiter des images postérieures aux réquisitions ainsi formulées, ni de traiter en direct le flux vidéo des caméras ainsi exploitées sur une large période de temps, laquelle mesure s'assimile davantage à une captation d'images pour l'avenir qui suppose alors l'autorisation et le contrôle d'un juge, gardien des libertés fondamentales, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 77-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était nécessaire et proportionnée, sans rechercher avant tout si cette atteinte était légale, ce qu'elle n'était pas, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était abstraitement nécessaire « eu égard à la nature et à la gravité des faits poursuivis et eu égard au profil des protagonistes du dossier », quand il résulte de ses propres constatations que les surveillances opérées par les enquêteurs et l'exploitation ponctuelle d'images préenregistrées suffisaient à rechercher la preuve des faits reprochés aux mis en cause, de sorte que la nécessité de requérir, ab initio et pour l'avenir, un accès sans limite à toutes les images futures qui seraient captées par les caméras litigieuses pendant 16 mois, n'était pas établie, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était proportionnée en ce que « pour la période de 9 mois de l'année 2020, seulement 7 jours ont donc été exploités » et que « pour les 7 mois de l'année 2021 concernés par la réquisition, 27 jours ont été exploités, lors desquels [P] [I] apparaît 17 jours » quand il importe que les autres images n'aient pas été effectivement exploitées - ou, plus exactement, qu'elles n'aient pas fait l'objet d'un procès-verbal d'exploitation ... -, l'accès à ces plus de 10.000 heures d'images constituant à lui seul une atteinte à la vie privée de l'exposant dès lors que celui-ci est apparu, même ponctuellement, sur celles-ci, la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs impropres à justifier la proportionnalité de la mesure critiquée, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la communication aux enquêteurs, et l'exploitation par ces derniers, des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations, dans les parties communes de l'immeuble concerné, n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale. 10. Les juges ajoutent que le système de vidéosurveillance était en place et fonctionnait préalablement aux réquisitions délivrées par les enquêteurs au propriétaire, en vertu de l'autorisation générale qui leur avait été délivrée à cette fin par le procureur de la République. 11. Ils estiment que le fait que les enquêteurs aient inscrit dans le temps et pour les mois à venir leur demande de mise à disposition des enregistrements de vidéosurveillance n'est pas plus critiquable puisque, d'une part, cette installation technique était permanente, antérieure aux réquisitions des enquêteurs et était faite pour fonctionner au-delà de ces réquisitions et sans lien avec celles-ci, d'autre part, les enregistrements étaient de toute façon conservés par le propriétaire et à sa seule initiative. 12. Ils précisent que, eu égard à la gravité des infractions poursuivies, caractérisée par l'ampleur et la durée du trafic, la nature des produits concernés, et l'existence d'une organisation structurée avec de nombreux protagonistes dont certains déjà condamnés à de multiples reprises, l'exploitation des vidéosurveillances critiquées, qui ne portent que sur sept jours en 2020 et vingt-sept jours en 2021, dont seulement dix-sept concernent M. [I], constitue une atteinte à sa vie privée non seulement justifiée pour permettre la manifestation de la vérité, mais aussi proportionnée à un trafic de stupéfiants de cette ampleur. 13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 14. En premier lieu, la technique d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale suppose la mise en place, par les enquêteurs, d'un dispositif technique installé à l'insu des personnes surveillées, de sorte que le dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble échappe aux prévisions de ce texte. 15. En deuxième lieu, l'article 77-1-1 du même code n'interdit pas à l'officier de police judiciaire de requérir un propriétaire en vue d'obtenir des images, issues de ce dispositif, qui n'ont pas encore été enregistrées. 16. En troisième lieu, il résulte des motifs de la chambre de l'instruction que l'atteinte ainsi portée à la vie privée des personnes concernées était prévue par l'article 77-1-1 précité, justifiée par la recherche des infractions pénales, et proportionnée à la gravité de celles-ci. 17. Dès lors, le moyen doit être écarté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | CRIMINALITE ORGANISEE - Procédure - Sonorisations et fixations d'images de certains lieux ou véhicules - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Installation d'un dispositif de vidéosurveillance dans les parties communes d'un immeuble par le propriétaire | ENQUETE - Preuve - Pouvoir de réquisition - Applications diverses - Installation d'un dispositif de vidéosurveillance dans les parties communes d'un immeuble par le propriétaire - Réquisitions aux fins d'obtention des images non enregistrées issues de ce dispositif - Possibilité | La technique d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale suppose la mise en place, par les enquêteurs, d'un dispositif technique installé à l'insu des personnes surveillées, de sorte que le dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble échappe aux prévisions de ce texte. L'article 77-1-1 du même code n'interdit pas à l'officier de police judiciaire de requérir un propriétaire en vue d'obtenir des images, issues de ce dispositif, qui n'ont pas encore été enregistrées |
||||||||
JURITEXT000048430313 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430313.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 22-82.826, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | C2301237 | Rejet | 22-82826 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-04-08 | Cour d'appel de Versailles | M. Bonnal | SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01237 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 22-82.826 FS-B N° 01237 SL2 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Mme [Y] [Z] et la société [3] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 8 avril 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 29 janvier 2020, pourvoi n° 17-83.577), a condamné la seconde, pour complicité de fraude fiscale et blanchiment, à une confiscation, et, dans la procédure suivie contre la première des chefs de fraudes fiscales et blanchiment, a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y] [Z] et de la société [3], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Wyon, Pauthe, de Lamy, Mmes Piazza, Jaillon, conseillers de la chambre, MM. Ascensi, Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 13 avril 2015, Mme [Y] [Z] a été condamnée des chefs de fraudes fiscales, d'une part, par minoration, de 2007 à 2010, des déclarations d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune, d'autre part, par organisation d'insolvabilité, et de blanchiment. 3. La société [3] (la SCI), dont Mme [Z] est la représentante légale et l'actionnaire majoritaire, a été condamnée des chefs de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité et de blanchiment à la confiscation du bien immobilier dont elle est propriétaire à [Localité 6]. 4. Le tribunal a déclaré recevable l'Etat français en sa constitution de partie civile et a condamné Mme [Z], solidairement avec une autre prévenue, à lui verser la somme de 100 000 euros. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et le second moyen, pris en sa seconde branche 5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de la société [3] à titre de peine principale, la confiscation d'une maison d'habitation dont elle est propriétaire sur la commune de [Localité 6] au [Adresse 2] et à l'encontre de la société [5] à titre de peine principale la confiscation du bien situé en Corse aux lieux-dits [Localité 4] et [Localité 7] [Localité 1] en contournant ces confiscations à hauteur de 1 000 000 d'euros chacune, alors : « 1°/ d'une part, que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées à la condition que la valeur totale des biens confisqués n'excède pas celle du produit total de cette ou de ces infractions ; qu'en l'espèce, Mme [Y] [Z] avait été déclarée coupable pour des faits commis entre 2007 et 2010 et les sociétés [3] et [5] pour des faits commis entre 2009 et 2010 (voir arrêt, pp. 4 et s.) ; qu'en prononçant une peine de confiscation en valeur à l'encontre de ces dernières en la cantonnant à la somme de 1 million pour chacune d'entre elles, en relevant que « le montant des droits éludés, produit des infractions, s'élève à 3 747 544 euros selon la mise en demeure communiquée par la défense au titre du recouvrement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010 » (arrêt, p. 21) soit au regard de faits commis pour partie antérieurement à la période de prévention concernant les SCI et pour lesquels aucune déclaration de culpabilité n'a été prononcée à l'encontre des SCI, la cour d'appel a violé l'article 131-21 du code pénal ; 3°/ en outre, qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation en nature du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'une confiscation en valeur, en ce qu'elle conduit au versement d'une somme d'argent par l'intéressé et s'assimile ainsi à une amende ne saurait donc, en toute hypothèse, porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'intéressé ; qu'en prononçant une peine de confiscation en valeur à l'encontre des sociétés [3] et [5] « sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété des intéressés » (arrêt, p. 21), la cour d'appel a violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ enfin, qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation en nature du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations de la cour d'appel que les sociétés [3] et [5] ne généraient pas de revenus et disposaient pour seul patrimoine des biens immobiliers confisqués (voir arrêt, p. 22) ; qu'il en résultait que les sociétés en cause seraient contraintes de céder la propriété du bien confisqué en cas de confiscation en valeur et qu'une atteinte disproportionné les privant de leur seul élément d'actif serait alors portée à leur droit de propriété ; qu'en prononçant néanmoins une telle peine de confiscation en valeur pour un montant de 1 million d'euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l'article 1erdu premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 7. Pour condamner la société [3] à la confiscation de l'immeuble dont elle est propriétaire, en la cantonnant à hauteur d'un million d'euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité pour lesquels la société a été déclarée coupable, énonce que ces faits ont eu pour effet de rendre inefficace toute action de l'administration fiscale sur le patrimoine de Mme [Z]. 8. Les juges rappellent que la peine de confiscation est encourue par les personnes morales et que les dispositions de l'alinéa 9 de l'article 131-21 du code pénal autorisent la confiscation en valeur de tous les biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, dès lors que la valeur des biens saisis n'excède pas le montant estimé du produit de celles des infractions qui peuvent donner lieu à confiscation quand bien même ils n'auraient pas de lien direct ou indirect avec l'infraction. 9. Ils retiennent que le montant des droits éludés, produit des infractions de fraude fiscale commises par Mme [Z], s'élève à 3 747 544 euros selon la mise en demeure communiquée par la défense au titre du recouvrement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010 et que dès lors la confiscation peut être ordonnée en valeur sur le bien saisi, propriété de la société, dans la limite de ce montant sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressée. 10. Ils considèrent que la peine de confiscation en valeur affecte le patrimoine de la personne condamnée, que ce patrimoine ait ou non un lien avec l'infraction commise, tout comme la peine d'amende et doit donc, au même titre que cette dernière, être appréciée au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges. 11. La cour d'appel souligne que le bien immobilier dont la confiscation est envisagée constitue le seul actif de la société, dont il n'est pas établi qu'elle génère des revenus. 12. Elle en déduit que si la confiscation en valeur de ce bien est adaptée en nature à l'infraction commise, la confiscation du bien à hauteur du montant total du préjudice qui correspondrait pratiquement à l'entier patrimoine de la société apparaît excessive eu égard aux peines prononcées à l'encontre de l'auteur principal. 13. Le moyen doit être écarté pour les motifs qui suivent. 14. En premier lieu, les juges, qui ont prononcé la confiscation en valeur de l'immeuble appartenant à la société, se sont assurés que la valeur de ce bien n'excédait pas le montant du produit du délit de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité pour lequel elle a été condamnée. En effet, le produit de cette infraction est constitué par l'économie qu'elle a permis de réaliser, dont le montant est équivalent à celui de la totalité des impôts au paiement desquels s'est soustrait ou a tenté de se soustraire l'auteur principal de la fraude fiscale. 15. En second lieu, c'est à tort que la cour d'appel a affirmé qu'elle n'avait pas à apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de la société. En effet, dès lors que les faits avaient été commis par plusieurs auteurs ou complices, il appartenait aux juges, pour ordonner la saisie des immeubles appartenant à la société, de rechercher si cette dernière avait bénéficié en tout ou partie du produit de l'infraction et le cas échéant, si cette garantie était invoquée devant eux, d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée à son droit de propriété s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit. 16. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 17. En effet, la cour d'appel, qui a néanmoins procédé audit contrôle, a souverainement apprécié le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de la demanderesse par la confiscation prononcée, qu'elle a en conséquence cantonnée. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [Z] à verser à l'État au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral la somme de 50 000 euros, alors : « 1°/ d'une part, que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que l'État, garant du respect de la loi et dont l'intérêt se confond, sauf hypothèses particulières, avec l'intérêt général ne peut se prévaloir d'un préjudice moral découlant de la seule commission d'une infraction pénale ; qu'en jugeant que l'État était fondé à solliciter auprès de Mme [Y] [Z], déclarée coupable de blanchiment de fraude fiscale, l'indemnisation de son préjudice moral « en raison du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale » (arrêt, p. 23) la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants à caractériser l'existence d'un tel préjudice, résultant de la seule commission de cette infraction par un simple particulier, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale : 19. Il résulte de ces textes que l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage directement causé par l'infraction, distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société, dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique. 20. Pour condamner Mme [Z] à payer à l'Etat la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, l'arrêt attaqué énonce que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Etat français au titre du préjudice découlant directement du délit de blanchiment de fraude fiscale dès lors que son fondement est différent de celui résultant de la fraude fiscale déjà indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard dans le cadre de la procédure fiscale. 21. Les juges relèvent que l'État français est recevable à solliciter une indemnisation au titre du préjudice moral lié aux faits de blanchiment, en raison du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l'autorité de l'État dans l'opinion publique. 22. Ils constatent qu'en l'espèce la dimension d'atteinte à l'égalité fiscale entre citoyens de situation comparable et à l'ordre public économique est particulièrement caractérisée et ce notamment par la mise en place de nombreux mécanismes de dissimulation de recettes et de transfert de fonds. 23. Ils ajoutent que l'atteinte aux intérêts moraux de l'Etat inclut le préjudice lié au crédit de celui-ci. 24. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 25. En effet, la commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n'est pas susceptible de causer à l'Etat un préjudice moral distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l'action publique a pour fonction de réparer. 26. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 27. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par la société [3] : Le REJETTE ; Sur le pourvoi formé par Mme [Z] : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 avril 2022, mais en ses seules dispositions ayant condamné Mme [Z] à payer à l'Etat la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | BLANCHIMENT - Blanchiment de fraude fiscale - Action civile - Cas - Préjudice moral causé à l'Etat - Exclusion | La commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n'est pas susceptible de causer à l'État un préjudice moral distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l'action publique a pour fonction de réparer. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui condamne le prévenu à payer à l'Etat français la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral lié lié aux faits de blanchiment, en raison, d'une part, du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l'autorité de l'État dans l'opinion publique, d'autre part, de l'atteinte portée à l'égalité fiscale entre citoyens de situation comparable et à l'ordre public économique, notamment par la mise en place de nombreux mécanismes de dissimulation de recettes et de transfert de fonds |
|||||||||
JURITEXT000048430315 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430315.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 23-81.135, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | C2301343 | Cassation sans renvoi | 23-81135 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-24 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La | M. Bonnal | SCP Sevaux et Mathonnet | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01343 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 23-81.135 F+B N° 01343 ECF 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 24 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 12 juin 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Y] [D], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [Y] [D] a été mis en examen pour escroquerie aggravée. 3. Dans le cadre de l'information, il a été procédé à la saisie de divers biens mobiliers lui appartenant pour un montant évalué à 162 280 euros. Par ordonnance du 15 juin 2022, le juge d'instruction a ordonné la remise de ces biens à l'AGRASC en vue de leur aliénation. 4. M. [D] a relevé appel de cette décision Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC des biens mobiliers saisis, alors « que les décisions de remise à l'AGRASC font l'objet d'une ordonnance motivée prise soit sur réquisitions du procureur de la République, soit d'office après avis de ce dernier ; que l'avis du procureur de la République constitue une formalité obligatoire dont l'absence cause nécessairement grief ; qu'en retenant qu'aucune nullité n'est spécialement encourue du fait de l'absence d'avis du procureur de la République et en exigeant la démonstration d'un grief, la chambre de l'instruction a violé l'article 99-2, alinéa 5, du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 99-2, alinéas 2 et 5, du code de procédure pénale : 6. Il résulte de ce texte que, lorsque le juge d'instruction ordonne d'office la remise à l'AGRASC, en vue de leur aliénation, de biens meubles placés sous main de justice car le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur des biens, cette décision est prise après avis du procureur de la République. 7. Pour écarter le moyen selon lequel l'ordonnance de remise des biens en vue de leur aliénation serait nulle faute d'avis préalable du procureur de la République, l'arrêt attaqué énonce qu'aucune nullité n'est spécialement encourue du fait de cette irrégularité et qu'aucun grief n'est démontré. 8. En se déterminant ainsi, alors que les dispositions précitées de l'article 99-2 du code de procédure pénale exigent que le juge d'instruction recueille l'avis du procureur de la République avant de prendre une ordonnance de remise des biens placés sous main de justice en vue de leur aliénation, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 9. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 24 janvier 2023 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ANNULE l'ordonnance du juge d'instruction du 15 juin 2022 du tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion ordonnant la remise à l'AGRASC de biens meubles appartenant à M. [D] et placés sous main de justice en vue de leur aliénation ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | SAISIES - Saisies spéciales - Décision autorisant l'aliénation du bien ou du droit - Condition - Avis préalable du procureur de la République - Défaut - Portée | Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui rejette la demande en nullité d'une ordonnance de remise des biens placés sous main de justice en vue de leur aliénation prise en application de l'article 99-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, alors que l'avis du procureur de la République n'a pas été préalablement recueilli conformément au cinquième alinéa de ce même article, au motif qu'aucune nullité n'est spécialement encourue et qu'aucun grief n'est démontré |
|||||||||
JURITEXT000048430355 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/03/JURITEXT000048430355.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 22-81.258, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | C2301238 | Cassation partielle | 22-81258 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2021-12-13 | Cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Spinosi, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01238 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° D 22-81.258 FS-B N° 01238 SL2 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 13 décembre 2021, qui, pour démarchage bancaire ou financier illicite et blanchiment aggravé, l'a condamnée à 3 750 000 euros d'amende, une confiscation, a ordonné une mesure de publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, MM. Pauthe, de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un signalement de l'Autorité de contrôle prudentiel et d'une enquête préliminaire, une information judiciaire a été ouverte le 12 avril 2012, portant sur des faits relatifs à l'existence d'un système d'évasion fiscale entre les banques [3] et [4], supposant des opérations transfrontalières, réalisées grâce au démarchage de clients français par la banque suisse sur le territoire national et suivies par [3] à l'aide d'un outil manuel dénommé « carnets du lait », qui n'apparaissait pas dans la comptabilité officielle de la banque. 3. A l'issue de l'information judiciaire, la société [2], sa filiale française la société [3] et six personnes physiques ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel. 4. La société de droit suisse [2] a été poursuivie pour avoir, à [Localité 1] et sur le territoire national, de 2004 à 2011, alors qu'elle n'était pas une entreprise habilitée à intervenir sur le territoire français, démarché illicitement des résidents fiscaux français pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires d'[2] agissant sous l'autorité de leur employeur et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires. 5. Il lui était également reproché d'avoir, à [Localité 1], sur le territoire national et en Suisse, de 2004 jusqu'en 2012, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trusts, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimés à une somme de 10 600 000 000 euros au 1er juin 2006 et 8 500 000 000 euros au 30 novembre 2008. 6. Le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable des faits et l'a condamnée à une amende de 3 700 000 000 euros. Sur l'action civile, il a condamné la société [2], solidairement avec quatre autres prévenus, à payer à l'Etat français en réparation de son préjudice la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts. 7. La société [2] a relevé appel de la décision, le ministère public et la partie civile ont formé appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, le quatrième moyen, le cinquième moyen, le sixième moyen, le septième moyen, le huitième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième, huitième, dixième, onzième et douzième branches, le neuvième moyen, le onzième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et le douzième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable du délit de blanchiment aggravé de fraude fiscale, alors : « 1°/ que d'une part, en mettant à la charge des banques établies en Suisse des obligations juridiques précises destinées à préserver, de manière transitoire le secret bancaire et l'anonymat des déposants vis-à-vis de l'administration fiscale de leur État de résidence, en leur donnant le choix d'opter pour la divulgation d'informations ou, par défaut, une retenue d'impôt reversée de manière anonyme à leur Etat de résidence, l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération Suisse et la Communauté européenne a défini, pendant sa période d'application, le comportement que les institutions financières suisses devaient adopter face à des capitaux étrangers, générateurs d'intérêts, détenus par des résidents fiscaux d'Etats membres de l'Union européenne, indépendamment de la situation déclarative de ces résidents, ce qu'exprimaient les déclarations précises, inconditionnelles et concordantes émanant de sources suisses et européennes autorisées et fiables ; que pour condamner [2], agent collecteur au sens de l'Accord, au titre de la détention et de la gestion de fonds, ainsi que de la fourniture corrélative de services permettant d'assurer le secret bancaire, la cour d'appel a reproché à la banque suisse, sans que celle-ci puisse raisonnablement l'anticiper, d'avoir volontairement permis à des contribuables français de blanchir le produit d'une fraude fiscale, et ce en accueillant dans ses comptes les avoirs de résidents fiscaux français en carence déclarative vis-à-vis de leur administration fiscale, ce que n'interdisait pourtant pas l'Accord précité ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé ces stipulations, ensemble les principes de primauté du droit de l'Union européenne, de sécurité juridique et de confiance légitime. » Réponse de la Cour 10. Pour écarter le moyen tiré de la contrariété des poursuites du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale avec l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, l'arrêt énonce, notamment, que ladite directive, dite directive épargne sur l'imposition, s'appliquait à la Confédération helvétique à compter du 1er juillet 2005 en vertu dudit accord. 11. Les juges relèvent que cette directive organisait la mise en place par la Suisse d'un système inédit de retenue à la source sur les revenus de l'épargne des clients européens en préservant le secret bancaire, en ce qu'elle ouvrait une alternative aux détenteurs de fonds dans les livres des banques suisses entre un prélèvement forfaitaire fixé initialement à 15 % et porté à 20 % puis 35 % des intérêts générés, effectué par l'Administration fédérale des contributions (AFC) qui transmettait à l'administration fiscale de l'Etat d'origine de l'épargnant 75 % de la retenue réalisée, et la communication à l'AFC par la banque de son identité et de ses revenus financiers encaissés, à charge pour les services fiscaux suisses d'informer l'administration fiscale d'origine. 12. Ils en déduisent que certains produits financiers se trouvaient en-dehors du champ d'application de l'Accord, à savoir les dividendes et les plus-values de cession, le témoin n° 119 précisant ainsi qu'il suffisait pour échapper à l'Accord de choisir des produits composés d'au moins 50 % d'actions dans le portefeuille du client, et que le dispositif organisé par ledit Accord n'étant pas applicable aux personnes morales, il était aisé de faire obstacle au prélèvement sur les intérêts en interposant soit une société offshore, soit un trust ou toute autre entité dont le contribuable fraudeur était le bénéficiaire économique. 13. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué pour les motifs qui suivent. 14. Afin de garantir l'effectivité de l'ensemble des dispositions du droit de l'Union européenne, le principe de primauté impose aux juridictions nationales d'interpréter, dans toute la mesure du possible, leur droit interne de manière conforme au droit de l'Union. A défaut de pouvoir procéder à une telle interprétation, le juge national a l'obligation d'assurer le plein effet des dispositions du droit de l'Union en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77). 15. En sa qualité d'accord international conclu par la Communauté européenne, l'Accord bénéficie du principe de primauté. 16. Il résulte de ses stipulations qu'il met à la charge des agents payeurs suisses, au rang desquels les banques, les obligations suivantes. D'une part, les agents payeurs doivent, après avoir établi l'identité du bénéficiaire effectif et déterminé son lieu de résidence fiscale, prélever une retenue d'impôts sur les paiements d'intérêts faits aux bénéficiaires effectifs, la Suisse transférant 75 % de la recette générée par la retenue d'impôts en un seul versement annuel à l'Etat de résidence du bénéficiaire. D'autre part, lorsque le bénéficiaire souhaite éviter ladite retenue, et sur son autorisation expresse, l'agent payeur communique aux autorités suisses compétentes les informations relatives aux paiements d'intérêts qu'il a reçus, à charge pour elles de les transmettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de résidence du bénéficiaire effectif. 17. Dès lors que l'Accord impose des obligations de résultat précises et qu'il est rédigé dans des termes clairs et inconditionnels, il est pourvu d'un effet direct. 18. La société [2] se voit reprocher d'avoir, sur le territoire national et en Suisse, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect du délit de fraude fiscale. 19. Les poursuites dirigées contre la société [2] du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale sont fondées sur les dispositions des articles 324-1, alinéa 2, et 324-2 du code pénal. 20. Le moyen pose la question de la conformité à l'Accord de la législation française relative au blanchiment de fraude fiscale et des poursuites exercées sur son fondement. 21. Aux termes de l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal, constitue un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. La caractérisation du délit de blanchiment exige d'établir que l'auteur avait connaissance de l'origine frauduleuse des fonds (Crim., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15-84.003). 22. La Cour de cassation juge que l'objet du blanchiment de fraude fiscale est le produit du délit de fraude fiscale, qui est constitué de l'économie qu'elle a permis de réaliser et dont le montant est équivalent à celui des impôts éludés (Crim., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-81.040, publié au Bulletin). 23. Aux termes de l'article 113-2 du code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire. 24. La Cour de cassation juge que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du délit de blanchiment commis à l'étranger concernant des fonds qui constituent le produit d'une infraction commise en France, laquelle caractérise un fait constitutif du délit de blanchiment au sens de l'article 113-2 précité (Crim., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-87.076). 25. Il résulte ensuite de la comparaison des termes de l'incrimination de blanchiment de fraude fiscale avec le champ d'application de l'Accord les conclusions suivantes. 26. En premier lieu, au regard des obligations instituées par l'Accord à la charge des agents payeurs suisses, les poursuites du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale entreraient en conflit avec le droit de l'Union si, en satisfaisant aux obligations de l'Accord, les agents payeurs commettaient des agissements constitutifs de ladite infraction ou si la satisfaction des obligations de l'Accord supposait qu'ils commettent l'infraction. 27. Les stipulations de l'Accord, en ce qu'elles sont relatives aux agents payeurs suisses, tendent exclusivement au prélèvement et au reversement d'un impôt sur le versement d'intérêts ou à la transmission à l'autorité suisse compétente d'informations relatives à ce même versement d'intérêts, sans établir de distinction selon la nature, licite ou illicite, des fonds les ayant générés. 28. D'une part, ces opérations, même lorsqu'elles sont relatives au paiement d'intérêts sur des fonds déposés par des clients résidents fiscaux français ayant commis une fraude fiscale, en ce qu'elles sont insusceptibles d'être analysées comme des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion, n'entrent pas dans les prévisions de l'incrimination de blanchiment aggravé du produit de la fraude fiscale au sens de la législation française. 29. D'autre part, aucune des obligations prévues par l'Accord n'astreignant les agents payeurs suisses à déterminer si les fonds générateurs d'intérêts proviennent ou non d'une fraude fiscale, le respect de l'Accord n'est pas de nature à leur faire acquérir la connaissance de l'origine, le cas échéant, frauduleuse des fonds, et ne peut ainsi entraîner la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale. 30. En deuxième lieu, les stipulations de l'Accord ne sauraient être interprétées comme autorisant directement ou indirectement, sous réserve de leur respect, les agents payeurs suisses à fournir en connaissance de cause des services bancaires à des clients résidents fiscaux français ayant commis une fraude fiscale. 31. D'une part, la décision 2004/911/CE du Conseil du 2 juin 2004 concernant la signature et la conclusion de l'Accord a été prise sur la base juridique de l'article 94 du traité instituant la Communauté européenne, en liaison avec l'article 300, § 2, premier alinéa, § 3, premier alinéa, et § 4, ce dont il ressort que l'Accord intervient dans le domaine des règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations. Il ne peut donc valoir engagement au nom des Etats membres, dont la France, à renonciation à l'exercice de poursuites pénales du chef de blanchiment de fraude fiscale. 32. D'autre part, aucune des stipulations de l'Accord n'autorise ni n'interdit la fourniture de services bancaires par les agents payeurs suisses, ni n'octroie à ces agents, en contrepartie de leur respect, une garantie concernant les conditions dans lesquelles ils pourront continuer à fournir des services bancaires aux résidents d'un Etat membre. 33. Enfin, l'Accord visant à établir des mesures équivalentes à celles de la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts du 26 octobre 2004, sa finalité, équivalente à celle que ladite directive énonce en son considérant 8, selon lequel elle « a pour objectif ultime à permettre que les revenus de l'épargne, sous forme de paiement d'intérêts effectué dans un État membre en faveur de bénéficiaires effectifs, qui sont des personnes physiques ayant leur résidence dans un autre État membre, soient effectivement imposés conformément aux dispositions législatives de ce dernier État membre », ne réside pas dans le maintien du secret fiscal suisse et de la possibilité pour les agents payeurs suisses d'accueillir les fonds de résidents fiscaux européens issus de la fraude fiscale. 34. Il en résulte que les dispositions nationales régissant le blanchiment de fraude fiscale et les poursuites exercées sur leur fondement ne sont pas contraires à l'Accord. 35. Par conséquent, la question préjudicielle portant sur le point de savoir si l'Accord doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que, sur le fondement d'une réglementation pénale nationale visant à lutter contre le blanchiment de capitaux, une banque soit poursuivie et condamnée, le cas échéant de façon systémique, pour des faits de détention et de gestion de fonds et/ou pour la fourniture corrélative de services permettant notamment d'assurer le secret bancaire, n'est pas utile, dès lors que l'interprétation correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. 36. Ainsi, le moyen, qui est inopérant en ce qu'il invoque l'application de l'Accord à des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale commis, d'une part, antérieurement à son entrée en vigueur le 1er juillet 2005, d'autre part, par interposition de personnes morales et de trusts ainsi qu'au moyen de la fourniture de contrats d'assurance-vie, dès lors que le périmètre de l'Accord est circonscrit par son article 4, § 1, aux personnes physiques déposantes et par son article 7 aux revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts, doit être écarté. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique s'agissant des faits de démarchage illicite et de blanchiment de fraude fiscale aggravé, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 8 du code de procédure pénale que les infractions commencent à se prescrire au jour de leur réalisation, soit, s'agissant des infractions instantanées, à l'instant où elles sont commises ; que lorsque plusieurs de ces infractions se trouvent en concours réel, comme ici plusieurs démarchages bancaires illicites et plusieurs blanchiments, chacun de ces délits se prescrit, indépendamment des autres, selon cette même règle ; qu'en jugeant ici, par des motifs au demeurant totalement péremptoires, pour écarter l'exception de prescription, que « lorsque comme au cas d'espèce les faits (présumés) de démarchages et de blanchiment s'inscrivent dans le cadre d'une fraude complexe et se sont étendus sur une période de temps étendue sans discontinuité, la prescription ne débute qu'à compter du dernier acte de démarchage ou de blanchiment » (arrêt, p. 132, § 3), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs erronés et inopérants, en violation des règles d'ordre public de la prescription. » Réponse de la Cour 38. Pour écarter le moyen de nullité tiré de la prescription de l'action publique concernant les délits de démarchage bancaire et de blanchiment aggravé de fraude fiscale, l'arrêt énonce que le premier acte interruptif de prescription à leur égard est le soit-transmis du 1er mars 2011. 39. Les juges retiennent, après avoir constaté que le président de l'Autorité de contrôle prudentiel avait transmis un signalement au procureur de la République de Paris, le 22 février 2011, sur le fondement de l'article L. 612-28 du code monétaire et financier, que figurait dans cet acte de saisine ledit signalement, dénonçant un système d'évasion fiscale de la France vers la Suisse, conçu par la banque [2] avec la complicité de sa filiale. 40. Les juges ajoutent que la prescription régulièrement interrompue vis-à-vis d'une infraction interrompt aussi la prescription vis-à-vis des infractions qui lui sont connexes, si celles-ci ne sont pas elles-mêmes prescrites. 41. Ils soulignent que la notion d'indivisibilité a été exactement retenue par le tribunal, le blanchiment des fonds lié aux fraudes fiscales étant directement dépendant de la prospection préalable, présumée illicite, de résidents fiscaux français, et que ces faits sont dans un tel état de dépendance que l'existence des uns ne se comprend pas sans l'existence des autres, le blanchiment apparaissant comme la suite logique et nécessaire des actes de démarchage. 42. Ils relèvent que lorsque, comme au cas d'espèce, les faits de démarchage et de blanchiment s'inscrivent dans le cadre d'une fraude complexe, dont le caractère est établi par les descriptifs des schémas de fraude détaillés à la rubrique de l'arrêt consacrée au rappel des faits et de la procédure, et se sont étendus sur une période de temps étendue sans discontinuité, la prescription ne débute qu'à compter du dernier acte de démarchage ou de blanchiment. 43. Ils concluent que les faits de blanchiment dénoncés étant pour le dernier présumé avoir été commis courant 2012 et que s'agissant des démarchages il est daté du mois de juin 2011, la prescription n'était nécessairement pas acquise le 1er mars 2011. 44. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur le caractère indivisible des deux infractions, qui n'est pas de nature à reporter le point de départ de la prescription au jour du dernier acte de démarchage bancaire ou de blanchiment aggravé. 45. Cependant l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent. 46. En premier lieu, dès lors que l'article L. 353-2 du code monétaire et financier réprime le fait, pour toute personne, de recourir à l'activité de démarchage bancaire ou financier et renvoie pour sa définition à l'article L. 341-1 du même code, qui énumère les comportements constitutifs d'actes de démarchage et conclut que l'activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l'application de dispositions particulières qu'il énonce, le délit suppose, pour sa caractérisation, une répétition d'actes constitutive d'une habitude. 47. Il en résulte que la prescription ne court qu'à compter du jour où le délit de démarchage bancaire a pris fin. 48. Dès lors que le premier acte interruptif de prescription est survenu le 1er mars 2011, et que les juges ont fixé le dernier fait commis au mois de juin 2011, la prescription de l'action publique du délit de démarchage bancaire n'est pas acquise. 49. En second lieu, le délai de prescription commence à courir du jour où l'infraction apparaît et peut être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique lorsque le blanchiment consiste à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, et qu'il constitue donc une infraction occulte par nature en ce qu'il a pour objet de masquer le bénéficiaire ou le caractère illicite des fonds ou des biens sur lesquels il porte. 50. Il résulte des termes de la prévention, qui reprochent à la société [2] de s'être livrée à des opérations consistant en l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale, consistant en des comptes dits numériques ou numérotés, la constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trusts, fondations, contrats d'assurance-vie), un service banque restante, et la mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée, que la prévenue est poursuivie pour des faits de concours à une opération de blanchiment par dissimulation, constitutifs d'une infraction occulte par nature. 51. Les juges ont souverainement retenu que les faits avaient été portés à la connaissance du procureur de la République par le signalement de l'Autorité de contrôle prudentiel en date du 22 février 2011. 52. Dès lors que l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique le 22 février 2011, et que les juges ont fixé le dernier acte commis dans le courant de l'année 2012, la prescription de l'action publique n'est acquise pour aucun des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale visés à la prévention. 53. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le huitième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et neuvième branches Enoncé du moyen 54. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable de faits de démarchage bancaire illicite, alors : « 4°/ que l'article L. 341-2 du code monétaire et financier prévoit des situations non soumises aux règles concernant le démarchage bancaire ou financier ; que ce texte, qui déroge à la règlementation applicable en la matière, exclut toute poursuite pour démarchage bancaire illicite dans les cas limitatifs qu'il prévoit ; qu'en conséquence, une personne même non habilitée à démarcher en France peut néanmoins se livrer aux actes définis à l'article L. 341-1 du code monétaire et financier dans les situations décrites par ce texte ; qu'en soutenant que « le fait de se livrer à l'examen des situations non soumises aux règles concernant le démarchage bancaire ou financier prévues à l'article L. 341-2 du code monétaire et financier est inutile dès lors que toute activité de démarchage était interdite à [2] » (arrêt, p. 152), la cour d'appel a violé, par mauvaise interprétation, les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3 et L. 353-2 du code monétaire et financier ; 5°/ qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier que les règles concernant le démarchage sont inapplicables lorsque la personne visée est déjà cliente de la personne pour le compte de laquelle la prise de contact a lieu dès lors que l'opération proposée correspond, à raison de ses caractéristiques, de ses risques ou des montants en cause, à une opération habituellement réalisée par cette personne ; qu'en se bornant à énoncer que les relations nouées « concernaient des ouvertures suivies de transferts de fonds en Suisse », sans autrement rechercher si les personnes démarchées n'étaient pas déjà clientes d'[2], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; 6°/ qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier que les règles concernant le démarchage sont inapplicables lorsque la personne visée est un investisseur qualifié ; qu'en jugeant que les actes reprochés à la société [2] n'entraient pas dans le champ des exceptions au démarchage prévues par l'article L. 341-2 du code monétaire et financier, sans rechercher si les personnes sollicitées étaient des investisseurs qualifiés au sens de cette disposition, lorsque les conclusions soulignaient que de très nombreux clients d'[2] correspondaient à cette définition (conclusions de relaxe, n° 189), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article précité ainsi que des articles L. 353-2 du code monétaire et financier et 593 du code de procédure pénale ; 9°/ que le juge répressif saisi d'un concours d'infractions doit caractériser chacune de celles-ci en tous ses éléments constitutifs ; qu'en se bornant, pour entrer en voie de condamnation du chef de démarchage illicite, infraction instantanée, sur une période de prévention allant de 2004 à 2011, à relever que « le dossier d'instruction contient ainsi de nombreux exemples de prospects ou clients d'UBS SA qui ont finalement ouvert des comptes ou effectués des opérations bancaires avec [2], quand bien même ils n'auraient pas sollicité cette relation », pour conclure à la démonstration d'une « activité au plan matériel sans contradiction ni invalidation par une base documentaire quelconque » (arrêt, p. 143), la cour d'appel n'a pas caractérisé les infractions dans leur individualité et a nécessairement méconnu son office et privé sa décision de base légale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches 55. C'est à tort que la cour d'appel a écarté l'application des dispositions de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier au motif qu'elle constatait que la société [2] n'était pas habilitée à démarcher sur le territoire national. 56. En effet, si l'article L. 341-1 du code monétaire et financier définit les comportements constitutifs d'actes de démarchage bancaire ou financier, l'article L. 341-2 dudit code décrit les cas particuliers dans lesquels, bien que soit accompli un acte de démarchage tel que défini par l'article L. 341-1, les règles concernant le démarchage bancaire ou financier ne s'appliquent pas. 57. Il s'en déduit que l'article L. 341-3 du code monétaire et financier, qui autorise les personnes qu'il énumère à se livrer à l'activité de démarchage bancaire ou financier, cesse d'être applicable si l'acte de démarchage auquel il est procédé relève des situations spécifiques de l'article L. 341-2 dudit code. 58. En conséquence, lorsque l'activité de démarchage entre dans les prévisions de l'un des cas d'exclusion exposés à l'article L. 341-2 du code monétaire et financier, toute personne, même non habilitée, peut y recourir. 59. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 60. En effet, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs dont il ressort qu'elle a recherché, comme elle le devait et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions des parties, si les faits de démarchage bancaire reprochés à la société [2] entraient dans les prévisions de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier. 61. Ainsi, les griefs doivent être écartés. Sur le moyen, pris en sa neuvième branche 62. Pour confirmer la condamnation de la société [2] du chef de démarchage bancaire ou financier illicite, l'arrêt énonce, notamment, que les pratiques constantes, des années durant, telles que rapportées par la base documentaire saisie ou remise, les constats de la procédure administrative ayant donné lieu à l'ouverture des investigations judiciaires, les témoignages à charge recueillis considérés comme fiables à l'exception d'un seul, fondent l'intime conviction que sont réunies des charges suffisantes, autorisant à juger que la banque [2], qui ne disposait d'aucun document d'habilitation au sein de l'Union européenne en général et en France en particulier, a enfreint la loi française. 63. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 64. En effet, saisis d'une infraction unique de démarchage bancaire, les juges n'avaient pas à caractériser individuellement chacun des faits qui la constituent, dès lors qu'ils ont établi le caractère répété des actes la consommant. 65. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le onzième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 66. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné la personne morale [2] à payer la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts à la partie civile, alors : « 1°/ que si l'Etat peut prétendre souffrir d'un préjudice réparable par suite de la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale, c'est seulement lorsqu'il a été amené à conduire des investigations spécifiques générées par la recherche, par l'administration fiscale, des sommes sujettes à l'impôt en vue de son établissement, et que cette recherche a été rendue complexe en raison des opérations de blanchiment poursuivies ; qu'en énonçant que « les mécanismes de conversion mis en oeuvre en Suisse par la banque [2] l'ont contraint à un travail spécifique d'analyse et de recherche pour apprécier quelle était l'ampleur des faits de blanchiment commis » (arrêt, p. 176), la cour d'appel a indemnisé la recherche du blanchiment lui-même, en vue d'en déterminer l'objet, ce qui correspond uniquement au coût des investigations judiciaires consacrées à cette infraction principale et autonome ; que ce faisant, elle a violé les articles 2 et 800-1 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en tout état de cause, c'est uniquement l'éventuel surcroît d'effort d'investigation dans cette recherche, causé par le blanchiment poursuivi, qui peut être indemnisé ; qu'en n'expliquant pas en quoi les agissements imputés à [2] auraient rendu plus complexe la recherche des impôts éludés par les fraudes fiscales d'origine, lorsque le dossier ne repose que sur des estimations globales, et sur des « listes de régularisés » produites par la partie civile, obtenues dans le cadre de dispositifs de régularisation dépassant largement le cas des avoirs détenus auprès d'[2], et reposant sur un mécanisme d'autodénonciation, la cour d'appel n'a pas justifié l'existence d'un préjudice réparable au cas d'espèce, et méconnu les articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la partie civile ne peut obtenir réparation que des préjudices personnellement subis et découlant directement de l'infraction dénoncée ; que la recherche par l'Administration fiscale des « actifs dissimulés à l'étranger », ou encore celle de « plusieurs milliers de comptes bancaires qui n'avaient pas été déclarés » (arrêt, p. 176), trouve sa cause dans la décision des contribuables d'y placer leur argent sans se soumettre à l'obligation déclarative prévue par la loi française, et dans la circonstance que l'état des législations française et suisse en matière d'échange d'informations n'offrait pas l'accès à ces données ; qu'en indemnisant un préjudice découlant de faits étrangers à l'infraction de blanchiment reprochée à [2] au cas d'espèce, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 67. Pour confirmer l'existence d'un préjudice indemnisable subi par l'Etat français au titre du blanchiment aggravé de fraude fiscale, l'arrêt attaqué relève, notamment, que la recevabilité de l'action de l'Etat français est acquise et qu'est exclue l'indemnisation de la partie civile à raison des impôts éludés. 68. Les juges exposent que les services de l'Etat, pour identifier les actifs dissimulés à l'étranger, ont accompli un nombre conséquent d'investigations et de recherches assumées par ses agents, ce qui a entraîné des frais de fonctionnement correspondant à l'accomplissement de ces tâches. 69. Ils rappellent que l'Etat français a dû, avec ses moyens propres, sans le concours de la banque [2], rechercher plusieurs milliers de comptes bancaires qui n'avaient pas été déclarés et que ceci l'a obligé à de nombreux recoupements à partir des situations de multiples ressortissants français ou résidents fiscaux français, soulignant qu'il a été contraint de mettre en oeuvre les procédures dites de droit de communication, d'assistance administrative internationale et de coopération entre les administrations à de multiples reprises. 70. Les juges ajoutent que les agents de l'Etat ont dû être rétribués pour accomplir ces tâches, que le coût financier des services de l'Etat en a été augmenté et que les mécanismes de conversion mis en oeuvre en Suisse par la banque [2] l'ont contraint à un travail spécifique d'analyse et de recherche pour apprécier quelle était l'ampleur des faits de blanchiment commis. 71. Ils retiennent qu'au cas particulier, les actes de dissimulation et de justifications mensongères inhérentes aux opérations de blanchiment ont rendu encore plus malaisés les mécanismes de vérification que l'administration est fondée à mettre en oeuvre vis-à-vis des contribuables. 72. Ils concluent que les demandes de la partie civile sont la conséquence de la fraude systémique spécifiquement commise par la banque. 73. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 74. En premier lieu, elle a pris en considération, pour établir l'existence d'un préjudice subi par l'Etat français, l'accomplissement d'actes tendant à l'identification de comptes bancaires et la mise en oeuvre de procédures d'entraide administrative qui, ayant pour finalité l'établissement de l'impôt éludé et son recouvrement, relèvent des investigations indemnisables au sens de l'article 2 du code de procédure pénale. 75. En second lieu, elle a établi que les manoeuvres de dissimulation inhérentes aux actes de blanchiment aggravé visés à la prévention, qu'elle a par ailleurs caractérisés à la charge de la société [2], ont rendu plus complexe la recherche par l'administration fiscale des sommes sujettes à l'impôt. 76. Ainsi, les moyens doivent être écartés. Mais sur le dixième moyen Enoncé du moyen 77. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [2] à la peine de confiscation de « la somme de 1 000 000 000,00 euros, partie de la somme versée le 23 juillet 2014 à la régie du tribunal judiciaire de Paris au titre du cautionnement imposé par les juges d'instruction », alors : « 1°/ que d'une part, il découle du principe de légalité des peines tel que consacré tant par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme que par l'article 111-3 du code pénal, ainsi que de l'article 112-1 alinéa 2 du code pénal, que peuvent être seules prononcées les peines applicables à la date à laquelle les faits reprochés ont été commis ; que la société [2], personne morale, est poursuivie pour des faits de blanchiment commis entre 2004 et 2012 ; que la peine de confiscation générale de patrimoine, définie à l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal, n'est prévue par l'article 324-9 du code pénal, en répression du blanchiment à l'encontre des personnes morales, que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2013 ; qu'en prononçant à l'encontre d'[2] une peine de confiscation générale de patrimoine à hauteur d'un milliard d'euros, en « considérant que les articles 131-21 alinéa 6, 131-39 8° et 324-7 12° du code pénal habilitent le juge pénal à confisquer tout ou partie des biens d'une personne morale condamnée pour blanchiment » (Arrêt, p. 171), lorsque cette peine n'était pas prévue par la loi au moment de la commission des faits, la cour d'appel a violé les textes précités ; 2°/ que d'autre part, il résulte de l'article 142 du code de procédure pénale que le cautionnement n'a vocation qu'à garantir le paiement « de la réparation des dommages causés par l'infraction et des restitutions, ainsi que de la dette alimentaire lorsque la personne mise en examen est poursuivie pour le défaut de paiement de cette dette », ainsi que « des amendes » ; que seules des saisies de biens ou de droits peuvent poursuivre un tel but ; qu'en outre, selon l'article 142-3 du même code, le montant affecté à la deuxième partie du cautionnement est, en cas de condamnation, « employé conformément aux dispositions du 2° de l'article 142 » ; qu'en confisquant une partie de la somme versée à titre de cautionnement, la cour d'appel a violé les textes précités. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche Vu les articles 111-3, 131-21, alinéa 6, 324-9, alinéa 1er, du code pénal, dans sa version antérieure à la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière : 78. Aux termes du premier de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi. 79. Il résulte du deuxième que la confiscation de tout ou partie du patrimoine de la personne condamnée ne peut être prononcée sans que la loi réprimant le crime ou le délit poursuivi ne la prévoit expressément. 80. Il ne résulte pas du troisième que la confiscation de patrimoine figure parmi les peines encourues par les personnes morales pour sanctionner le délit de blanchiment. 81. Pour condamner la société [2] à une peine de confiscation de son patrimoine à hauteur de 1 000 000 000 euros, l'arrêt énonce que les articles 131-21, alinéa 6, 131-39, 8°, et 324-7, 12°, du code pénal habilitent le juge pénal à confisquer tout ou partie des biens d'une personne morale condamnée pour blanchiment. 82. En statuant ainsi, et dès lors qu'à la date des faits visés par la prévention les personnes morales poursuivies du chef de blanchiment n'encouraient pas la peine de confiscation de tout ou partie de leur patrimoine, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 83. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Vu les articles 131-21 du code pénal et 142-2, 2°, du code de procédure pénale : 84. Il se déduit de ces textes que la confiscation ne peut porter sur le cautionnement fourni par la personne mise en examen dans le cadre du contrôle judiciaire, cette obligation ne garantissant le paiement que des dommages et intérêts, des restitutions, de la dette alimentaire et des amendes. 85. Pour ordonner le prélèvement de la somme de 1 000 000 000 euros confisquée à titre de peine complémentaire sur celle versée au titre du cautionnement, l'arrêt énonce que les fonds versés à hauteur de 1 100 000 000 euros par [2] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris le 23 juillet 2014 au titre du cautionnement constituent un élément des biens de la banque suisse. 86. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 87. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Et sur le douzième moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième, sixième et huitième branches Enoncé du moyen 88. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné la personne morale [2] à payer la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts à la partie civile, alors : « 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que l'étendue du préjudice doit être évaluée, et le montant alloué suffisamment justifié par les motifs de la décision ; qu'en énonçant de manière abstraite que « les agents de l'Etat ont du être rétribués », notamment pour « mettre en oeuvre les procédures dites de droit de communication, d'assistance administrative internationale et de coopération entre les administrations à de multiples reprises », et que ce faisant, « le coût financier des services de l'Etat a augmenté » (arrêt, p. 176), en s'abstenant de toute évaluation ou même d'une estimation du surcoût d'investigations correspondant au préjudice découlant des faits de blanchiment qu'elle entendait réparer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision d'allouer la somme de 800 millions d'euros à la partie civile, en violation des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, et 1240 du code civil ; 4°/ que l'impossibilité de recouvrer l'impôt prescrit trouve sa seule cause dans l'état de la législation fiscale ; qu'en jugeant que « compte tenu du temps écoulé, l'acquisition de la prescription fiscale est apparue caractérisée ; que de ce fait l'Etat a subi une perte de chance exactement décrite aux écritures d'appel en page 107 des écritures déposées », la cour d'appel a indemnisé un préjudice sans lien avec l'infraction poursuivie, et violé de nouveau l'article 2 du code de procédure pénale et l'article 1240 du code civil ; 5°/ qu'à titre encore subsidiaire, la cour d'appel s'est bornée à invoquer le principe de la perte de chance en renvoyant aux conclusions de la partie civile (conclusions de l'Etat français, p. 107), laquelle ne propose elle-même aucune évaluation de cette perte de chance ; qu'en conséquence, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et son évaluation du montant à allouer en conséquence, en violation des textes précités et de l'article 593 du code de procédure pénale ; 6°/ que selon l'article 515 alinéa 3 du code de procédure pénale, la partie civile ne peut former aucune demande nouvelle en cause d'appel ; qu'en indemnisant le préjudice moral tiré du « discrédit » jeté sur les dispositifs de lutte anti-blanchiment l'Etat français (arrêt, p. 176), lorsque cette demande était nouvelle et partant, irrecevable, ainsi que le relevaient les conclusions d'[2] (conclusions sur les intérêts civils, p. 18), la cour d'appel a méconnu le texte précité ; 8°/ que les juges doivent s'expliquer sur les éléments retenus afin de fixer le montant des dommages-intérêts dus au titre de la réparation du préjudice en lien avec le blanchiment de fraude fiscale (Crim. 30 juin 2021, pourvoi n° 20-83.355) ; qu'en s'alignant sur le jugement en fixant globalement à 800 millions d'euros le montant des dommages-intérêts alloués à l'Etat français, sans aucune justification quant au choix de ce montant, et sans expliquer quelles sommes étaient allouées pour la réparation de chacun des préjudices qu'elle entendait réparer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, et méconnu les articles 2, 3, 593 du code de procédure pénale, et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Sur le douzième moyen, pris en sa sixième branche Vu l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale : 89. Selon ce texte la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle. 90. Pour confirmer la condamnation de la société [2] à payer à l'Etat français, partie civile, la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt intègre, dans les postes de préjudice dont il accorde réparation, le discrédit sur les dispositifs de l'Etat français qui tendent à prévenir l'apparition du phénomène du blanchiment. 91. En statuant ainsi, dès lors que la demande formée devant elle par la partie civile au titre du discrédit jeté par le comportement de la société [2] sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment tendait à la réparation d'un chef de préjudice distinct de celui invoqué devant les premiers juges, qu'elle présentait un caractère nouveau et était comme telle irrecevable, la cour d'appel a méconnu le texte ci-dessus visé et le principe ci-dessus rappelé. 92. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief formé à la septième branche. Sur le douzième moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième et huitième branches Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 93. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 94. Pour confirmer la condamnation de la société [2] à payer à l'Etat français, partie civile, la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt énonce, notamment, que les faits de blanchiment ont été commis sur une période qui excède sept ans et que selon la documentation remise par la partie civile, les avoirs non déclarés avoisinent voire dépassent le montant de la somme mentionnée à l'ordonnance de renvoi, le chiffre avancé étant supérieur à 9 000 000 000 euros, ce qui permet de cerner l'importance quantitative des fonds blanchis. 95. Les juges retiennent que les services de l'Etat, pour identifier les actifs dissimulés à l'étranger, ont accompli un nombre conséquent d'investigations et de recherches assumées par ses agents, ce qui a entraîné des frais de fonctionnement correspondant à l'accomplissement de ces tâches. 96. Ils précisent qu'au cas particulier, les actes de dissimulation et de justifications mensongères inhérentes aux opérations de blanchiment ont rendu encore plus malaisés les mécanismes de vérification que l'administration est fondée à mettre en oeuvre vis-à-vis des contribuables, que compte-tenu du temps écoulé, l'acquisition de la prescription fiscale est apparue caractérisée et que de ce fait l'Etat a subi une perte de chance comme il l'allègue. 97. Ils concluent que les demandes de la partie civile sont la conséquence de la fraude systémique spécifiquement commise par la banque et que la somme de 800 000 000 euros accordée par le tribunal doit être confirmée, aucun motif de droit ou moyen juridique pertinent n'étant opposé par la défense sur ce point essentiel : le blanchiment commis a nécessairement occasionné les préjudices dont la réparation est demandée compte tenu des pratiques constantes, étendues dans le temps, conçues, organisées et mises en oeuvre. 98. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 99. En premier lieu, alors que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, la cour d'appel n'a pas établi l'existence de celle-ci, constituée par la possibilité pour l'administration fiscale, compte tenu des caractéristiques des fraudes fiscales, de détecter, établir et recouvrer l'impôt éludé avant l'expiration des délais de reprise, dont le blanchiment l'aurait privée. 100. En second lieu, la cour d'appel n'a pas estimé les chances de succès de l'administration fiscale dans son action tendant au recouvrement des impôts éludés avant leur prescription, ni apprécié le préjudice final résultant de la prescription des impôts dus, de sorte qu'elle n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la réparation de la perte de chance avait été mesurée à la chance perdue. 101. Enfin, la cour d'appel ne pouvait, sans mieux justifier sa décision, fixer à 800 000 000 euros le montant global des dommages et intérêts. 102. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation La cassation à intervenir concerne toutes les dispositions relatives aux peines, afin que la situation de la société [2] puisse faire l'objet d'une appréciation d'ensemble. Elle porte également sur les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 13 décembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | DEMARCHAGE - Démarchage bancaire ou financier - Conditions - Prescription - Confiscation | Le délit de démarchage bancaire ou financier prévu par l'article L. 353-2 du code monétaire et financier suppose, pour sa caractérisation, une répétition d'actes constitutive d'une habitude. Il en résulte que la prescription ne court qu'à compter du jour où le délit de démarchage bancaire a pris fin. Lorsque l'activité de démarchage décrite à l'article L. 341-1 du code monétaire et financier entre dans les prévisions de l'un des cas d'exclusion des règles du démarchage bancaire ou financier exposés à l'article L. 341-2 du même code, toute personne, même non habilitée, peut y recourir. La confiscation ne peut porter sur le cautionnement fourni par la personne mise en examen dans le cadre du contrôle judiciaire, cette obligation ne garantissant le paiement que des dommages et intérêts, des restitutions, de la dette alimentaire et des amendes |
|||||||||
JURITEXT000048465495 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/54/JURITEXT000048465495.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 novembre 2023, 23-85.051, Publié au bulletin | 2023-11-14 00:00:00 | Cour de cassation | C2301465 | Cassation | 23-85051 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-06-29 | Cour d'appel de Nimes | M. Bonnal (président) | SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01465 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 23-85.051 F-B N° 01465 MAS2 14 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 NOVEMBRE 2023 M. [E] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de vols aggravés, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [E] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le tribunal correctionnel, après avoir déclaré M. [E] [Y] coupable du chef susvisé, l'a condamné à six ans d'emprisonnement et a décerné à son encontre un mandat d'arrêt, mis à exécution le 9 novembre 2022. 3. M. [Y] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. 4. Le 16 mars 2023, M. [Y] a formé une demande de mise en liberté. Examen des moyens Sur le premier moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [Y], alors « que la chambre des appels correctionnels juge à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller, l'énoncé de ce rapport constituant une formalité substantielle dont l'accomplissement s'impose et doit être expressément constaté ; que ni l'arrêt attaqué ni les notes d'audience portent mention de ce que l'affaire a été jugée sur le rapport oral de la conseillère ; que la cour a violé les articles 199, 216 et 513 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 513 du code de procédure pénale : 7. Selon ce texte, l'appel est jugé sur le rapport oral d'un conseiller. 8. Cette formalité substantielle, nécessaire à l'information de la juridiction saisie et des parties, doit être accomplie, à peine de nullité, avant tout débat. 9. Ces dispositions sont applicables lorsque la cour d'appel est saisie d'une demande de mise en liberté en application de l'article 148-1, alinéa 2, du même code. 10. Ni l'arrêt attaqué ni les notes d'audience visées par le greffier, faisant mention d'un simple exposé de la demande, ne permettent à la Cour de cassation de s'assurer qu'un rapport oral, ayant permis de faire connaître aux juges d'appel et aux parties les éléments de la cause, a été effectué à l'audience par un conseiller. 11. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 29 juin 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois. | DETENTION PROVISOIRE - Demande de mise en liberté - Procédure devant la Cour d'appel - Rapport (oui) - Cas - Demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-1, alinéa 2, du CPP | La formalité du rapport, prévue à l'article 513, alinéa 1, du code de procédure pénale, s'impose à la cour d'appel saisie d'une demande de mise en liberté sur le fondement des dispositions de l'article 148-1, alinéa 2, du même code |
|||||||||
JURITEXT000048465501 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/55/JURITEXT000048465501.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-81.591, Publié au bulletin | 2023-11-21 00:00:00 | Cour de cassation | C2301360 | Rejet | 23-81591 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-03-02 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01360 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-81.591 F-B N° 01360 ODVS 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 2 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de violences aggravées et tentative de meurtre, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 15 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Y] [J], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 14 janvier 2022, M. [Y] [J] a été mis en examen du chef de tentative de meurtre. 3. Le 13 juillet suivant, il a formé une requête en annulation de pièces portant notamment sur des opérations d'exploitation des enregistrements des caméras du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1]. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen relatif à l'exploitation des caméras de vidéo-protection du plan de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] et a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce ou d'un acte de la procédure, alors : « 1°/ d'une part résulte de l'article 60-1 du Code de procédure pénale, auquel les articles L. 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du Code de la sécurité intérieure ne dérogent pas, que les enquêteurs agissant dans le cadre d'une procédure pénale, pour la poursuite d'infractions autres que celles « aux règles de la circulation » ou « relatives à l'abandon d'ordures, de déchets, de matériaux ou d'autres objets », ne peuvent se faire communiquer les images captées par les caméras de vidéoprotection du PVPP que sur réquisition adressée par le Procureur de la République, un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle d'un officier, un agent de police judiciaire ; qu'en jugeant régulière l'exploitation des caméras de vidéoprotection du plan de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] tout en constatant « que de telles réquisitions ne figurent pas au dossier », motif pris de ce que les agents ayant procédé à l'exploitation et à la conservation des images de la vidéoprotection étaient bien habilités à cette fin, quand cette habilitation n'excluait pas la nécessité de réquisitions émanant d'autorités limitativement énumérées, la chambre de l'instruction a violé les articles 60-1 du code de procédure pénale, 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ d'autre part et en tout état de cause que seuls les enquêteurs dument habilités et individuellement désignés à cet effet peuvent accéder aux images issues des caméras de vidéoprotection du PVPP ; qu'en affirmant, pour écarter toute nullité des actes d'exploitation des images effectués par des policiers non habilités, que ces actes « ne sont que des actes de comparaison effectués à l'aide de pièces figurant désormais régulièrement en procédure, sans qu'il n'y ait plus besoin de faire usage de réquisitions. Ces actes sont ainsi parfaitement valides », quand le seul versement régulier d'images à la procédure ne permet pas, ensuite, leur exploitation par n'importe quel agent, la chambre de l'instruction a violé les articles L. 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, 7, 8 et 9 de l'arrêté 2019-00079 du 24 janvier 2019 autorisant l'installation du système de vidéoprotection de la préfecture de police (PVPP), 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter la nullité des procès-verbaux d'exploitation des enregistrements des caméras du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1], l'arrêt attaqué relève que, d'une part, ne figure au dossier aucune réquisition, prévue à l'article 60-1 du code de procédure pénale pour l'enquête de flagrance, aux fins d'exploitation desdits enregistrements mais que le code de la sécurité intérieure édicte, en la matière, des règles particulières prévoyant l'habilitation d'agents à cette fin, d'autre part, les agents ayant procédé à cette exploitation étaient bien habilités. 7. Les juges ajoutent qu'il en va de même pour les officiers de police judiciaire ayant agi sur commission rogatoire. 8. Ils énoncent, également, que les actes visés aux cotes D 107 et D 160, qui ne mentionnent pas l'habilitation des officiers de police judiciaire y ayant procédé, sont des actes de comparaison effectués à l'aide de pièces figurant régulièrement en procédure, ne nécessitant pas de réquisitions. 9. Enfin, ils précisent que le code de la sécurité intérieure ne prévoit pas le contrôle d'un officier de police judiciaire lorsque l'acte est accompli par un agent de police judiciaire habilité, ce qui est le cas en l'espèce. 10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 11. En effet, le recueil, par des officiers ou agents de police judiciaire habilités, des enregistrements provenant du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1] auxquels ils ont eu régulièrement accès, sans recours à un moyen coercitif, n'implique pas la délivrance d'une réquisition au sens de l'article 60-1 du code de procédure pénale. 12. Le moyen ne saurait donc être accueilli. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois. | ENQUETE - Pouvoirs - Recueil des enregistrements d'un plan de vidéo-protection - Réquisition - Nécessité - Exclusion | Le recueil, par des officiers ou agents de police judiciaire habilités, des enregistrements provenant d'un plan de vidéo-protection auxquels ils ont eu régulièrement accès, sans recours à un moyen coercitif, n'implique pas la délivrance d'une réquisition au sens de l'article 60-1 du code de procédure pénale |
|||||||||
JURITEXT000048465557 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/55/JURITEXT000048465557.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 22-86.715, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | C2301287 | Cassation | 22-86715 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-10-28 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes | M. Bonnal | SCP Sevaux et Mathonnet | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01287 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 22-86.715 F B G 22-86.713 N° 01287 GM 22 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [E] [L] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre : - l'arrêt n° 997, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ; - l'arrêt n° 1002, qui a confirmé l'ordonnance de refus de mesure d'instruction complémentaire rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 16 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [L], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Labrousse, Leprieur, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, MM. Laurent, Gouton, Brugère, Mme Chaline-Bellamy, MM. Hill, Tessereau, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Mallard, Mmes Merloz, Guerrini, M. Michon, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. [F] [Y] a été victime de violences le 21 juillet 2021, dont il est décédé trois jours plus tard. 3. Une information a été ouverte. M. [E] [L] et quatre autres personnes ont été mis en examen, pour meurtre, le 30 juillet 2021. 4. Le juge d'instruction a ordonné des expertises psychiatriques des personnes mises en examen. Les entretiens entre l'expert et ces dernières se sont déroulés en visioconférence. 5. M. [L] a sollicité une contre-expertise. 6. Par ordonnance du 3 mai 2022, le juge d'instruction a rejeté cette demande. 7. M. [L] a relevé appel. Il a déposé, en outre, le 16 mai suivant, une requête en annulation de toutes les pièces relatives à l'expertise susvisée. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens Enoncé des moyens 8. Le premier moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; que le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité, et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date du 9 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier de la procédure au plus tard la veille de l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. » 9. Le troisième moyen fait le même reproche à l'arrêt n° 1002. Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. 11. Il résulte des articles 194, alinéa 1er, et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, devant laquelle la procédure est écrite. 12. Cette exigence s'impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation. 13. Les arrêts attaqués visent les réquisitions du procureur général en date du 9 juin 2022 et les avis, adressés par ce magistrat, respectivement les 22 et 25 juillet, aux avocats et aux parties, les informant de ce que le dossier de la procédure sera examiné par la chambre de l'instruction à son audience du 18 octobre 2022. 14. Malgré ces mentions incomplètes, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par ailleurs, que le greffe de la chambre de l'instruction a adressé à l'avocat de M. [L], sur sa demande, le 17 octobre 2022, la copie des deux réquisitoires du 9 juin 2022. 15. Si les mentions de l'arrêt attaqué et les constatations qui précèdent n'établissent pas que les réquisitions du procureur général ont été déposées au dossier de la procédure la veille de l'audience, le demandeur ne saurait s'en faire un grief dès lors qu'il en a eu connaissance en temps utile. 16. Les moyens ne sont en conséquence pas fondés. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 17. Le deuxième moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors : « 1°/ qu'il ne peut être recouru au cours de la procédure pénale à un moyen de communication audiovisuelle que dans les cas et selon les modalités prévues par la loi ; que si les médecins ou psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen, le témoin assisté ou la partie civile sont autorisés par l'article 164 du code de procédure pénale à leur poser des questions pour l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge et des avocats, aucune disposition légale ne leur permet d'avoir recours pour ce faire à un moyen de télécommunication audiovisuelle ; qu'est par suite entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle l'entretien avec le mis en examen a eu lieu au moyen d'un procédé de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise dont elle constatait qu'elle n'avait donné lieu à un entretien avec le mis en examen que par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 164, 706-71 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ qu'eu égard à l'importance que représente dans le cadre d'une expertise psychiatrique et pour les droits de la défense l'entretien prévu par l'article 164 du code de procédure pénale au cours duquel l'expert peut poser des questions au mis en examen, est entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle cet entretien a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise au motif inopérant que l'entretien entre un expert psychiatre et la personne mise en examen ne constitue pas un acte de procédure, la chambre de l'instruction a violé les articles 164 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que les parties ne peuvent, à compter de la notification de la décision ordonnant une expertise, que demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix ; qu'en retenant qu'aucune atteinte à l'exercice des droits de la défense ne peut résulter de ce que l'entretien entre l'expert psychiatre et son client a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle dès lors que la défense n'a émis aucune observation ou protestation lorsque lui a été notifiée la décision ordonnant l'expertise et mentionnant l'autorisation donnée à l'expert de procéder à l'examen du mis en examen par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 161-1 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale : 18. Selon le premier alinéa de ce texte, issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, aux fins d'une bonne administration de la justice, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction l'estime justifié, dans les cas et modalités prévus par cet article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle. 19. Il s'ensuit, d'une part, que l'usage d'un moyen de télécommunication audiovisuelle est limité aux cas prévus par le texte. 20. D'autre part, cette disposition s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure. 21. Dès lors, le texte susvisé interdit le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle à l'occasion de l'examen de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la partie civile par les médecins et psychologues experts, auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale. 22. Constitue une violation des règles relatives à l'établissement et à l'administration de la preuve en matière pénale la méconnaissance dudit texte, qui impose que l'examen d'une personne soit réalisé par l'expert, en sa présence, de sorte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions. 23. Une telle irrégularité fait nécessairement grief aux parties concernées. 24. En écartant la demande d'annulation de l'expertise psychiatrique du demandeur, dont l'examen a été réalisé par visioconférence, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 25. La cassation est, par conséquent, encourue. Portée et conséquences de la cassation 26. La cassation de l'arrêt qui a rejeté la demande d'annulation aura pour conséquence d'entraîner celle de l'arrêt qui a confirmé le rejet de la demande de contre-expertise. 27. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le quatrième moyen dirigé contre ce dernier arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt n° 997 susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022 ; CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt n° 1002 de ladite chambre de l'instruction, du même jour ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | INSTRUCTION - Expertise - Expertise médicale ou psychologique - Recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle - Nullité - Modalités | L'article 706-71 du code de procédure pénale, qui s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure, limite l'usage de la télécommunication audiovisuelle aux cas qu'il prévoit. Il en résulte qu'à l'occasion de l'examen par un expert auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'usage de la visioconférence est interdit. La méconnaissance de cette règle, relative à l'établissement et à l'administration de la preuve, est une cause de nullité de l'expertise que toute partie a qualité pour invoquer, et qui fait nécessairement grief. Méconnait l'article 706-71 du code précité la chambre de l'instruction qui rejette l'exception de nullité, présentée par la personne mise en examen, de l'expertise psychiatrique qui la concerne, qui fait valoir que l'examen été réalisé par un moyen de télécommunication audiovisuelle |
|||||||||
JURITEXT000048465559 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/55/JURITEXT000048465559.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-81.085, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | C2301292 | Rejet | 23-81085 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-17 | Cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Sevaux et Mathonnet | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01292 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-81.085 FS-B N° 01292 GM 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 janvier 2023, qui a prononcé sur sa requête en incident contentieux d'exécution. Un mémoire et des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 22 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a condamné M. [W] [Z] à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, et prononcé un mandat à effet différé, assorti de l'exécution provisoire. 3. M. [Z] a formé un pourvoi contre cette décision le 22 novembre 2022, en cours d'instruction. 4. Il a, par ailleurs, saisi la cour d'appel d'une requête en difficulté d'exécution, le 19 décembre 2022, tendant à faire juger que son pourvoi en cassation suspendait l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le pourvoi formé le 22 novembre 2022 n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du mandat de dépôt à effet différé, assorti de l'exécution provisoire, prononcé le 22 novembre 2022 et a dit que le mandat de dépôt à effet différé doit s'exécuter en application des dispositions de l'article D. 45-2-7 du code de procédure pénale au besoin avec le recours de la force publique, alors « que pendant les délais du recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel, sauf en ce qui concerne les condamnations civiles, et à moins que la cour d'appel ne confirme le mandat décerné par le tribunal en application de l'article 464-1 ou de l'article 465, premier alinéa, ou ne décerne elle-même mandat sous les mêmes conditions et selon les mêmes règles ; que n'étant pas régi par les articles 465 et 464-1 précités, et ne constituant pas une mesure de sûreté destinée à être exécutée nonobstant l'effet suspensif d'un pourvoi en cassation, comme le sont les mandats de dépôt ou d'arrêt, mais une modalité d'exécution de la peine à laquelle le pourvoi en cassation fait obstacle, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être mis à exécution en cas de pourvoi en cassation, fusse-t-il assorti de l'exécution provisoire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 464-2 et 569 du code de procédure pénale, ensemble la présomption d'innocence garantie par les articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe que la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter la requête de M. [Z], l'arrêt attaqué énonce que son pourvoi en cassation contre la décision de condamnation n'a pas d'effet suspensif, dès lors que le mandat de dépôt à effet différé décerné contre lui est assorti de l'exécution provisoire. Les juges ajoutent qu'en application de l'article 464-2 du code de procédure pénale, le mandat de dépôt à effet différé peut être assorti de l'exécution provisoire lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme attaché à la peine prononcée est supérieure à un an, et que les conditions de l'article 465 du même code sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce. Ils retiennent que l'exécution provisoire ainsi décidée doit conduire à l'incarcération du prévenu, comme le prévoient les articles D. 45-2-1 à D. 45-2-9 et D. 48-2-4 à D. 48-2-8 du code de procédure pénale. 7. Ils relèvent que les dispositions légales attachent des conséquences identiques au mandat de dépôt et au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, lequel présente le caractère d'une mesure de sûreté, compte tenu de l'obligation qu'il impose au condamné de se présenter dans un établissement pénitentiaire pour y être incarcéré, sous peine d'y être contraint par la force publique. 8. Ils en déduisent que l'absence d'effet suspensif du pourvoi en cassation, prévu aux articles 465 et 569 du code de procédure pénale, s'attache tant au mandat de dépôt qu'au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, tout en énonçant que les effets d'une mesure de sûreté ne sont pas suspendus par un pourvoi en cassation. 9. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur les articles 465 et 569 du code de procédure pénale pour considérer que l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire n'était pas suspendue par le pourvoi en cassation. 10. En effet, ces dispositions ne s'appliquent qu'au mandat de dépôt. 11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent. 12. Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. 13. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative. 14. Le moyen ne peut, dès lors, être admis. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | PEINES - Peines correctionnelles - Emprisonnement sans sursis - Mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire - Effets | Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative |
|||||||||
JURITEXT000048465567 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/55/JURITEXT000048465567.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-80.575, Publié au bulletin | 2023-11-22 00:00:00 | Cour de cassation | C2301382 | Rejet | 23-80575 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-05 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy | M. Bonnal | SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Zribi et Texier | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01382 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 23-80.575 F-B N° 01382 SL2 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 MM. [B] [K] et [S] [O] et le procureur général près la cour d'appel de Nancy ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 5 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs de tentative de meurtre et refus d'obtempérer, aggravés, et contre le deuxième du chef de complicité de refus d'obtempérer aggravé, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 11 avril 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [S] [O] et [B] [K], les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [Y] [T], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 5 octobre 2021, des fonctionnaires de police sont intervenus pour interpeller MM. [B] [K] et [S] [O], alors respectivement conducteur et passager d'un véhicule. A leur approche, le véhicule a démarré, a percuté et roulé sur un fonctionnaire de police qui tentait de l'interpeller, avant d'être intercepté. 3. Les deux occupants ont été placés en garde à vue, notamment pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique. S'étonnant de la qualification juridique ainsi envisagée, M. [O] a indiqué, lors de la notification de ses droits en garde à vue, avoir craint une agression et avoir demandé, à plusieurs reprises, au conducteur d'accélérer pour fuir. L'enquêteur a retranscrit cette déclaration dans un procès-verbal de renseignements, distinct du procès-verbal de notification des droits. 4. Le lendemain, le véhicule a été visité, hors la présence des deux personnes en garde à vue, ce qui a permis la découverte de plus de 500 grammes d'héroïne. 5. Le 7 octobre 2021, une information judiciaire a été ouverte. M. [K] a été mis en examen des chefs de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique et refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, et M. [O] pour complicité de ce dernier délit. 6. Les 6 et 7 avril 2022, MM. [K] et [O] ont sollicité l'annulation de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur les troisième et quatrième moyens proposés pour MM. [K] et [O] 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 63-1 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé le procès-verbal de renseignement dans lequel l'officier de police judiciaire a recueilli les déclarations spontanées de M. [O] au moment de son placement en garde à vue, au motif qu'il n'avait pas reçu notification de son droit de se taire, alors que ce droit ne constitue pas une interdiction pour l'intéressé de s'exprimer, ni pour l'officier de police judiciaire de consigner des déclarations faites avant la notification de ce droit. Réponse de la Cour 10. Pour prononcer l'annulation du procès-verbal de renseignement relatant les déclarations spontanées de M. [O], l'arrêt attaqué énonce que son droit au silence et à l'assistance de son avocat ont été méconnus, ces déclarations ayant été faites hors procès-verbal d'audition, alors que l'intéressé se trouvait seul avec les enquêteurs et qu'il n'avait pas renoncé de manière non équivoque à être assisté d'un avocat. 11. Les juges ajoutent qu'aucune raison impérieuse tenant aux circonstances de l'espèce n'autorisait les enquêteurs à recueillir les déclarations spontanées faites par la personne gardée à vue sur les faits, sans procéder à une audition dans le respect des règles légales l'autorisant à garder le silence et à être assistée par un avocat. 12. Ils en concluent qu'il ne pouvait être dressé procès-verbal des déclarations spontanées de la personne gardée à vue, sous peine de méconnaître ses droits au silence et à l'assistance d'un avocat, qui étaient en cours de notification. 13. En prononçant ainsi, et dès lors que les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, lequel doit être écarté. Sur le second moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 14. Le moyen est pris de la violation de l'article 57 du code de procédure pénale. 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la fouille du véhicule effectuée le 6 octobre 2021, en l'absence de MM. [K] et [O], et sans qu'il leur ait été proposé de désigner un représentant pour assister à ces opérations, alors : 1°/ que l'article 57 du code de procédure pénale, qui impose ces obligations, ne s'applique qu'aux perquisitions et non aux fouilles de véhicule ; 2°/ que la chambre de l'instruction a prononcé par des motifs contradictoires, en énonçant que ce texte n'était pas applicable aux fouilles de véhicule, avant de statuer sur ce fondement. Réponse de la Cour 16. Le demandeur ne saurait critiquer une décision d'annulation d'un acte d'enquête portant sur des faits distincts de ceux objet de l'information ouverte du chef de tentative de meurtre et de refus d'obtempérer aggravé. 17. Il résulte en effet des pièces de la procédure que la fouille du véhicule, le 6 octobre 2021, avait pour seul objet la recherche de produits stupéfiants, faits qui ont été disjoints et ont donné lieu à la condamnation de MM. [K] et [O] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, par jugement non définitif du tribunal correctionnel d'Epinal du 6 mai 2022. 18. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le premier moyen proposé pour MM. [K] et [O] Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'expertise psychiatrique de M. [K], alors « que la personne mise en examen, interrogée par un expert, a le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés ; qu'en retenant que l'insistance de l'expert face au refus du mis en examen de répondre à ses questions n'est pas de nature à permettre de soutenir que l'expert aurait manqué au droit au silence du mis en examen, à la présomption d'innocence et à son devoir d'impartialité dans la mesure où « les droits de la défense - celui d'être assisté d'un avocat et celui de garder le silence et du droit de ne pas s'auto-incriminer -, ne s'applique pas à d'autres situations que des auditions par des enquêteurs, ou des injonctions de remettre des pièces, ou à des interrogatoires devant des juridictions », la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 20. Pour écarter le moyen de nullité de l'expertise psychiatrique de M. [K], l'arrêt attaqué énonce, que, en application des dispositions de l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'expert psychiatre avait le droit de poser à la personne mise en examen les questions nécessaires à l'accomplissement de sa mission, hors la présence du juge d'instruction et des avocats. 21. Les juges rappellent que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l'homme, et ajoutent que les droits de la défense, celui d'être assisté d'un avocat et celui de garder le silence, ne s'appliquent pas à d'autres situations que des auditions par des enquêteurs, ou des injonctions de remettre des pièces, ou à des interrogatoires devant des juridictions. 22. Ils en déduisent que l'insistance face au refus de répondre, par l'expert, qui a par ailleurs averti clairement M. [K] de sa liberté de pouvoir quitter le lieu de l'examen et des conséquences de ce refus d'examen, ne permet pas de soutenir qu'il aurait manqué au devoir d'impartialité ou au respect de la présomption d'innocence. 23. En prononçant ainsi, dès lors que, d'une part, elle a constaté que l'expert n'a pas manqué à son devoir d'impartialité ni au nécessaire respect de la présomption d'innocence et que, d'autre part, la tenue de propos incriminants par une personne mise en examen lors d'une expertise n'est pas de nature à entraîner l'annulation de celle-ci, mais uniquement à empêcher de fonder une condamnation sur lesdits propos, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 24. Dès lors, celui-ci doit être écarté. Sur le deuxième moyen proposé pour MM. [K] et [O] Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de MM. [K] et [O] tendant à l'annulation de l'examen médico-légal de M. [T], alors « que les dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui permet à l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, à l'agent de police judiciaire, de confier des constatations ou des examens techniques et scientifiques à des personnes qualifiées, sont édictées en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve ; que l'absence de réquisitions de l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, de l'agent de police judiciaire, peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt ; qu'en retenant que messieurs [K] et [O] seraient irrecevables à invoquer l'inexistence d'une réquisition en lien avec l'examen médico-légal de monsieur [T] lorsqu'elle constatait qu'ils avaient intérêt à en demander la nullité, la chambre de l'instruction a violé l'article 60 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 26. Pour écarter le moyen de nullité de l'expertise médicale de M. [Y] [T], partie civile, l'arrêt attaqué énonce que l'absence de réquisition en vue d'examen médico-légal ne peut être invoquée que par la partie qui y a intérêt dans la mesure où cette absence ne vise pas une règle de compétence ou relative à l'organisation judiciaire et l'administration de la justice, mais constitue davantage un élément faisant corps avec l'examen médico-légal. 27. Les juges ajoutent que l'absence de réquisitions contrevient au seul droit protégé de M. [T], et en concluent que MM. [K] et [O] n'ont pas qualité à agir au regard de l'objet de la formalité dont l'irrégularité est invoquée. 28. C'est à tort que les juges ont retenu que MM. [K] et [O] n'ont pas qualité à agir, dès lors que la méconnaissance des dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui garantissent la fiabilité de la recherche de l'administration de la preuve, peut être invoquée par toute partie qui y a intérêt. 29. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'examen médical contesté mentionne en en-tête que le médecin a été requis par l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête, en date du 6 octobre 2021 dans le cadre de l'article 60 du code de procédure pénale, lequel n'impose aucune condition de forme, afin d'examiner M. [T], victime principale des faits objets des poursuites. 30. Ainsi, le moyen doit être écarté. 31. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. | DROITS DE LA DEFENSE - Garde à vue - Droits de la personne gardée à vue - Notification du droit de se taire - Défaut - Cas - Retranscription de propos tenus par une personne placée en garde à vue avant notification du droit au silence | Les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits |
|||||||||
JURITEXT000048465618 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465618.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-85.033, Publié au bulletin | 2023-11-21 00:00:00 | Cour de cassation | C2301501 | Cassation | 23-85033 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-08-16 | Cour d'appel de Colmar | M. Bonnal | SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01501 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 23-85.033 F-B N° 01501 GM 21 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [M] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 511 de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, tentative d'escroquerie, blanchiment aggravé, faux et usage, vol, en récidive, a déclaré sa demande de mise en liberté recevable et constaté son dessaisissement. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [M] [B], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 9 décembre 2021, la cour d'appel de Colmar a condamné M. [M] [B] à six ans et un an d'emprisonnement et a ordonné son maintien en détention provisoire. 3. Par arrêt en date du 14 juin 2023 (Crim., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-80.544), la Cour de cassation a cassé cet arrêt et a renvoyé la procédure devant la cour d'appel de Nancy. 4. M. [B] a présenté une demande de mise en liberté le 8 juin 2023 devant la cour d'appel de Colmar. Examen de la recevabilité du mémoire personnel 5. Le mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale. Il est, dès lors, irrecevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté le dessaisissement de la cour d'appel de Colmar, et a refusé de se prononcer sur la demande de mise en liberté de M. [B], alors « que la cour d'appel, régulièrement saisie d'une demande de mise en liberté comme dernière juridiction ayant statué au fond, doit se prononcer sur celle-ci, peu important qu'ensuite de la cassation de l'arrêt de condamnation qu'elle avait prononcée, une autre cour d'appel ait été saisie du dossier sur le fond ; qu'en se déclarant dessaisie de la demande au profit de la cour d'appel de Nancy, la cour d'appel de Colmar a violé l'article 148-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5, § 4, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 148-1, alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale : 7. Il se déduit de ce texte qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond demeure compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté formée devant elle avant l'arrêt de la Cour de cassation. 8. Pour refuser de se prononcer sur la demande de mise en liberté formée par M. [B] , l'arrêt attaqué énonce que si la demande est recevable, la cour d'appel de Colmar est dessaisie au profit de la cour d'appel de Nancy, par suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2023. 9. En se déterminant ainsi, alors que la demande de mise en liberté de M. [B] avait été formée le 8 juin 2023, soit antérieurement à l'arrêt de la Cour de cassation précité, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 10. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 11. Il appartient à la cour d'appel de Nancy, désignée comme cour d'appel de renvoi, de statuer sur la demande de mise en liberté formée par M. [B], après s'être assurée qu'elle ne l'a pas déjà fait à la suite de l'arrêt attaqué. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 16 août 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois. | DETENTION PROVISOIRE - Demande de mise en liberté - Compétence - Juridiction - Détermination - Pourvoi en cassation formé | Il se déduit de l'article 148-1, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond demeure compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté formée devant elle avant que l'arrêt de la Cour de cassation ne soit rendu |
|||||||||
JURITEXT000048465620 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465620.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-85.035, Publié au bulletin | 2023-11-21 00:00:00 | Cour de cassation | C2301502 | Rejet | 23-85035 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-08-16 | Cour d'appel de Colmar | M. Bonnal (président) | SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01502 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 23-85.035 F-B N° 01502 GM 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [Z] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 512 de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, tentative d'escroquerie, blanchiment aggravé, faux et usage, vol, en récidive, a déclaré sa demande de mise en liberté recevable et constaté son dessaisissement. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [Z] [I], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [Z] [I] à été condamné à deux peines d'emprisonnement ferme de six et un an par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 9 decembre 2021 contre lequel il a formé un pourvoi. 3. Il est resté en détention provisoire dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation. 4. Par arrêt en date du 14 juin 2023 (Crim., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-80.544), la Cour de cassation a cassé cet arrêt du 9 décembre 2021. 5. M. [I] a présenté une demande de mise en liberté le 27 juin 2023. Examen de la recevabilité du mémoire personnel 6. Le mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale. Il est, dès lors, irrecevable. Examen des moyens Sur le premier moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demnde de mise en liberté de M. [I], alors « qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond est compétente pour se prononcer sur une demande de mise en liberté jusqu'à l'arrêt de cassation ; que la demande que lui adresse le détenu est recevable tant que ne lui a pas été notifié l'arrêt statuant sur son pourvoi ; qu'en déclarant irrecevable la demande qui lui était adressée le 27 juin 2023, à raison de l'intervention de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin précédent, sans constater que celui-ci avait été notifié à l'intéressé avant le dépôt de sa demande, la cour d'appel a violé l'article 148-1, du code de procédure pénale, ensemble l'article 5 § 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer irrecevable la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que la cour d'appel de Colmar est désormais dessaisie du dossier par l'effet de l'arrêt du 14 juin 2023 de la Cour de cassation au profit de la cour d'appel de Nancy. 10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 11. En effet, à la date de la demande de mise en liberté, formée le 27 juin 2023, la cour d'appel de Colmar avait été dessaisie par l'arrêt de la Cour de cassation susvisé, peu important que cet arrêt ait été notifié à l'intéressé après qu'il avait formulé sa demande. 12. Dès lors, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois. | DETENTION PROVISOIRE - Demande de mise en liberté - Compétence - Juridiction - Détermination - Cas - demande formée après l'arrêt de la Cour de cassation | Il se déduit de l'article 148-1, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond n'est plus compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté formée devant elle après l'arrêt de la Cour de cassation, peu important que cet arrêt ait été notifié à l'intéressé après qu'il avait formulé sa demande |
|||||||||
JURITEXT000048550297 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/02/JURITEXT000048550297.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 novembre 2023, 23-80.599, Publié au bulletin | 2023-11-28 00:00:00 | Cour de cassation | C2301317 | Cassation | 23-80599 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-24 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble | M. Bonnal | SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01317 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 23-80.599 FS-B N° 01317 RB5 28 NOVEMBRE 2023 CASSATION REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 NOVEMBRE 2023 M. [O] [E] et le procureur général près la cour d'appel de Grenoble ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 24 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs de meurtre et arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires, a rejeté sa demande de constatation d'extinction de l'action publique. Par ordonnance du 17 avril 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [O] [E], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [Y] [U], [J] [B] et [N] [B], Mmes [F] [B], [R] [U] et [G] [U], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le [Date décès 1] 1986, [L] [B] a garé son véhicule devant un immeuble dans lequel elle est entrée. Deux témoins ont entendu un cri long et dégressif. Elle n'a plus réapparu. 3. Une enquête de recherche dans l'intérêt des familles a été déclenchée le jour même, suivie, le 30 mai, de l'ouverture d'une information contre personne non dénommée des chefs d'arrestation et séquestration arbitraires. 4. Cette information, au cours de laquelle M. [O] [E] a été entendu sans qu'aucun élément à charge soit retenu contre lui, a été clôturée, le 2 novembre 1987, par une ordonnance de non-lieu confirmée, le 21 juin 1988, par un arrêt de la chambre d'accusation qui a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de cassation le 12 décembre 1989. 5. Le 17 avril 2020, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire à la suite de la réception d'une lettre du frère de [L] [B] et, le 17 novembre suivant, a ouvert une information contre personne non dénommée du chef d'enlèvement, détention ou séquestration sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis son appréhension, entre le [Date décès 1] 1986 et le 2 novembre 2020. 6. Le 8 mai 2022, M. [E] a été interpellé et a avoué avoir tué [L] [B] en l'étranglant, à l'occasion d'une altercation provoquée par la circonstance qu'elle s'était, selon lui, mal garée. 7. Le lendemain, le ministère public a délivré un réquisitoire supplétif du chef d'homicide volontaire précédé d'un crime, en l'espèce l'enlèvement et la séquestration de la victime. Le même jour, M. [E] a été mis en examen des chefs d'homicide volontaire et d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, sans libération volontaire avant le septième jour. Il a été placé en détention provisoire. 8. Sur ses indications, des fragments crâniens ont été retrouvés, en novembre 2022, dans une zone qu'il avait désignée comme étant celle où il avait abandonné le corps de la victime. Des expertises ont permis d'établir que ces fragments provenaient du corps de la disparue. 9. Par requête du 17 octobre 2022, son avocat a sollicité notamment l'annulation de sa mise en examen pour cause de prescription de l'action publique et demandé sa mise en liberté. 10. Par ordonnance du 4 novembre 2022, le président de la chambre de l'instruction a saisi d'office cette chambre aux fins d'examen complet de la procédure, sur le fondement de l'article 221-3 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 11. Le moyen est pris de la violation des dispositions des articles 1er, 3, 4, 6, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, du préambule et des articles 1er, 2, 20, 47, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a considéré que les dispositions de l'article 7 du code de procédure pénale applicable à la date des faits et prévoyant un délai de prescription de l'action publique de dix ans ne pouvaient être écartées sur le fondement de la Convention européenne et de la Charte des droits fondamentaux, alors que le principe d'égalité de droits est affirmé par la Convention européenne et la Charte des droits fondamentaux, et que les droits ainsi reconnus bénéficient à toute personne concernée par une procédure pénale, quel que soit son statut juridique dans la procédure. Réponse de la Cour 13. L'arrêt attaqué a rejeté la demande de constatation d'extinction de l'action publique, conformément aux réquisitions du ministère public. 14. Le moyen, qui tend à une simple substitution de motifs, est irrecevable. Mais sur le premier moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique concernant l'infraction d'homicide volontaire, déclaré régulière la procédure et renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information judiciaire, alors : « 1°/ qu'en matière d'homicide volontaire, seul un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites peut justifier la suspension de la prescription de l'action publique ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que la disparition de [L] [B], signalée le soir même, a donné lieu à l'ouverture d'une « enquête de recherche dans l'intérêt des familles d'une personne majeure dès le [Date décès 1] 1986, jour du signalement de la disparition de [L] [B] ; [...] immédiatement suivie de l'ouverture d'une information judiciaire contre X des chefs d'arrestation et séquestration » (arrêt, p. 3 in fine et p. 12, § 3), et que « par un arrêt du 21 juin 1988, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble [a] confirm[é] une ordonnance de non-lieu rendue le 2 novembre 1987 par le juge d'instruction » (arrêt, p. 4, § 6) ; que des poursuites ayant ainsi été exercées dès la disparition de la victime en vue de rechercher les causes de sa disparition et de la retrouver, interruptives de la prescription même pour des faits de meurtre qui étaient nécessairement connexes aux infractions d'arrestation et séquestration arbitraire seules visées par l'information, l'arrêt attaqué ne pouvait affirmer que le ministère public s'était heurté à un obstacle de fait l'empêchant d'exercer l'action publique du chef de meurtre ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les articles 7 et 9-3 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ qu'en matière d'homicide volontaire, seul un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites peut justifier la suspension de la prescription de l'action publique ; que la seule dissimulation du corps de la victime et de la scène de crime ne caractérise pas un tel obstacle insurmontable ; qu'il ne peut en être autrement que lorsque nul ne pouvait s'inquiéter de la disparition de la victime ; qu'en l'espèce, selon les constatations de l'arrêt attaqué, la disparition de [L] [B] le [Date décès 1] 1986 a immédiatement donné lieu à l'ouverture d'une enquête puis d'une information pour arrestation et séquestration arbitraire clôturée par un arrêt de non-lieu du 21 juin 1988 ; qu'une enquête puis une information n'ont été rouvertes que les 17 avril 2020 et 17 novembre 2020 « contre personne non dénommée du chef d'enlèvement, détention ou séquestration de [L] [B], sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis son appréhension » (arrêt, p. 4, § 7-8), étendue par un réquisitoire supplétif du 9 mai 2022 à des faits d'homicide volontaire précédé de l'enlèvement et la séquestration de [L] [B] (arrêt p. 5) ; qu'en écartant néanmoins l'exception de prescription, acquise au plus tard le 21 juin 1998 en application de l'article 7 du code de procédure pénale dans sa version alors en vigueur, au seul motif de « la dissimulation tant du corps de [L] [B] ; que de la scène de crime puisqu'aucun indice matériel de commission d'un meurtre n'a été retrouvé dans le véhicule de la victime, dans le véhicule et le domicile d'[O] [E], ainsi que la personnalité sans histoire de [L] [B] ; ne pouvant laisser supposer qu'elle puisse avoir été victime d'un meurtre en l'absence d'indice matériel et de mobile » (arrêt, p. 15, § 2), l'arrêt n'a pas constaté l'existence d'un obstacle de fait insurmontable rendant impossible la mise en mouvement de l'action publique dès la disparition de la victime ; qu'il a ainsi violé le principe sus-énoncé, ainsi que les articles 7 et 9-3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, et l'article 9-3 du même code : 16. Il résulte du premier de ces textes qu'en matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. 17. Selon le second, tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription. 18. Pour rejeter la demande de constatation d'extinction de l'action publique du chef de meurtre à raison de la prescription, l'arrêt attaqué énonce que le meurtre de [L] [B] paraît pouvoir être fixé au [Date décès 1] 1986, jour de sa disparition, mais que les investigations alors effectuées dans le cadre de l'enquête de recherche dans l'intérêt des familles puis de l'information ouverte des chefs d'arrestation et séquestration n'ont pas permis de retrouver d'indice de violences ou d'homicide, seuls deux témoins ayant entendu le cri de douleur d'une femme à proximité du lieu où le véhicule de la victime a été découvert, portière ouverte et effets personnels à l'intérieur. 19. Les juges précisent que seuls les aveux de M. [E], le 9 mai 2022, ont justifié l'extension de la saisine du magistrat instructeur à des faits qualifiés d'homicide volontaire aggravé et que seuls les rapports d'expertises judiciaires déposés en novembre 2022 ont confirmé que le crâne découvert en octobre 2022 était celui de [L] [B], de sorte que, jusqu'au 9 mai 2022, il n'existait pas de raisons plausibles rendant vraisemblable l'existence d'un homicide volontaire, même si la disparition était inquiétante. 20. Ils ajoutent que la seule dissimulation du corps de la victime d'un meurtre ne caractérise pas un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites pouvant justifier la suspension de la prescription de l'action publique. 21. Ils en concluent que, d'une part, la dissimulation tant du corps que de la scène de crime puisqu'aucun indice matériel de commission d'un meurtre n'a été trouvé, d'autre part, la personnalité sans histoire de la victime, qui ne pouvaient laisser supposer l'existence d'un meurtre en l'absence d'indice matériel et de mobile, ont constitué un obstacle de fait à l'exercice de l'action publique du chef d'homicide volontaire, dont le délai de prescription de l'action publique n'a commencé à courir, en raison de cette dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction, qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites, soit, en l'espèce, le 9 mai 2022. 22. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 23. En effet, ni l'absence de mobile résultant de la personnalité de la victime ni la dissimulation du corps et de la scène du crime ne caractérisent un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites pouvant justifier la suspension de la prescription de l'action publique, laquelle avait, au demeurant, été mise en mouvement, dès le mois de mai 1986, des chefs d'arrestation et séquestration arbitraires. 24. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Et sur le second moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique concernant l'infraction d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraires, déclaré régulière la procédure et renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information judiciaire, alors « que la séquestration ou la détention arbitraire prend fin avec la libération ou le décès de la victime ; que dès lors, la libération ou le décès de la victime marque le départ du délai de prescription de l'action publique ; qu'au cas d'espèce, il résulte du rapport de l'expertise anthropologique du crâne attribué à [L] [B] que celle-ci était âgée au plus de « 40 ans » (arrêt, p. 13, § 5) au jour de son décès, âge qu'elle aurait atteint en 2001 pour être née le [Date naissance 2] 1961 (D16) ; que dès lors, la prescription décennale applicable en matière criminelle et prévue par l'article 7 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 février 2017, a commencé à courir au plus tard en 2001 et a été acquise en tout état de cause en 2011 ; que pour néanmoins rejeter l'exception de prescription des faits d'enlèvement et séquestration, la chambre de l'instruction se borne à énoncer que « la séquestration et la détention constituent des infractions continues, qui persistent tant que durent ces faits » (arrêt, p. 12, § 4) ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans tirer de ses propres constatations la conclusion que l'action publique, concernant le délit de détention et séquestration, avait commencé à se prescrire dès le décès de la victime pour s'éteindre au plus tard en 2011, la chambre de l'instruction a violé le principe sus-énoncé, ainsi que les articles 224-1 du code pénal et 8 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 224-1 du code pénal et 7 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 : 26. Il résulte de ces textes que, d'une part, les infractions d'arrestation et enlèvement arbitraires sont des infractions instantanées qui se prescrivent à compter du jour où elles ont été commises, d'autre part, les infractions de détention et séquestration arbitraires sont des infractions continues dont la prescription court à compter du jour où elles ont pris fin dans leurs actes constitutifs et dans leurs effets. 27. Pour rejeter la demande de constatation d'extinction de l'action publique des chefs d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, sans libération volontaire avant le septième jour, à raison de la prescription, l'arrêt attaqué énonce que l'enlèvement, la détention ou la séquestration constituent des infractions continues qui persistent tant que durent ces faits et que leur prescription ne court qu'à partir du jour où elles ont pris fin dans leurs actes constitutifs et leurs effets. 28. Les juges ajoutent que M. [E] a été mis en examen le 9 mai 2022 des chefs précités et que, s'il a contesté ces faits, affirmant avoir tué [L] [B] dès le [Date décès 1] 1986, les indices concordants de ces chefs résultent, à la date de l'interrogatoire de première comparution, d'une part, de la disparition de la victime à compter du [Date décès 1] 1986, d'autre part, du fait que M. [E] est, selon ses dernières déclarations, la dernière personne à l'avoir vue avant de la tuer. 29. Ils en concluent qu'il appartiendra au magistrat instructeur, à l'issue de l'information, d'apprécier s'il existe des charges suffisantes de ces chefs pour renvoyer M. [E] devant une juridiction de jugement, dès lors que le crâne de la victime a été découvert selon les indications de celui-ci et qu'aucun élément ne vient infirmer, à ce jour, ses déclarations quant à la mort de la victime dès le jour de sa disparition. 30. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations selon lesquelles la mort de [L] [B] était survenue le jour de sa disparition, soit le [Date décès 1] 1986, date qui constituait le point de départ du délai de la prescription des infractions instantanées comme des infractions continues, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 31. La cassation est de nouveau encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, Sur le pourvoi formé par le procureur général : Le REJETTE ; Sur le pourvoi formé par M. [O] [E] : CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 24 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-trois. | PRESCRIPTION - Action publique - Suspension - Obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites - Cas - Dissimulation tant du corps que de la scène de crime et personnalité sans histoire de la victime (non) | Ni l'absence de mobile résultant de la personnalité de la victime, ni la dissimulation du corps et de la scène du crime ne caractérisent un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites du chef d'homicide volontaire, de nature à justifier la suspension de la prescription de l'action publique, au sens de l'article 9-3 du code de procédure pénale selon lequel tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui considère qu'ont constitué un obstacle de fait à l'exercice de l'action publique du chef d'homicide volontaire, d'une part, la dissimulation tant du corps que de la scène de crime puisqu'aucun indice matériel de commission d'un meurtre n'a été trouvé, d'autre part, la personnalité sans histoire de la victime, qui ne pouvaient laisser supposer l'existence d'un meurtre en l'absence d'indice matériel et de mobile |
|||||||||
JURITEXT000048550350 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550350.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 novembre 2023, 23-81.825, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | C2301338 | Cassation partielle sans renvoi | 23-81825 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-03-21 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Waquet, Farge et Hazan | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01338 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 23-81.825 FS-B N° 01338 ECF 29 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2023 M. [J] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 21 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de corruption d'agents publics étrangers et complicité d'abus de confiance, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 30 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [H], et les conclusions de M. Valat, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un rapport en date du 11 avril 2012 par lequel TRACFIN informait l'autorité judiciaire de mouvements créditeurs suspects opérés sur un compte ouvert au [1] au nom de M. [G] [V] et des investigations subséquentes diligentées par la division nationale des investigations financières et fiscales, une information judiciaire a été ouverte, le 15 novembre 2013, contre personne non dénommée, des chefs de corruption d'agents publics étrangers, blanchiment en bande organisée de corruption d'agents publics étrangers, complicité et recel de ces délits. 3. Le 26 février 2016, le procureur de la République financier a requis l'extension de l'information judiciaire à des faits susceptibles de caractériser les infractions d'abus de biens sociaux commis courant 2009 et 2010, au préjudice de la société [2], résultant de la sous-facturation de ses prestations pour les campagnes électorales de M. [N] [Y] au Togo et de M. [E] [T] en Guinée-Conakry, abus de confiance commis courant 2009 et 2010, au préjudice de la société [4], s'agissant du paiement par cette société à la société [2] d'une facture de 300 000 euros pour une prestation relative à la campagne électorale de M. [Y] et d'une facture de 100 000 euros pour une prestation relative à la campagne électorale de M. [T], et faux et usage commis en 2010 s'agissant de l'établissement de factures de la société [2] de 300 000 euros et 100 000 euros sur la société [4] pour des prestations effectuées en réalité au bénéfice des campagnes électorales de MM. [Y] et [T]. 4. Le 25 avril 2018, un réquisitoire supplétif a élargi la saisine à des faits d'abus de confiance commis courant 2009 et 2010 au préjudice de la société [4] s'agissant du financement à hauteur de 70 000 euros de la rédaction d'un ouvrage consacré à M. [T]. 5. Le 25 avril 2018, MM. [C] [W], directeur général du groupe [H], [J] [H], président du groupe éponyme, et [G] [V], directeur du pôle international de la société [2], ont été mis en examen. 6. Le 12 décembre 2018, la société [H], devenue [H] [5], a également été mise en examen. 7. Par courriers des 7 et 12 janvier 2021, MM. [W], [H] et [V] ont reconnu les faits qui leur sont reprochés et demandé au juge d'instruction la mise en oeuvre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 8. Par courrier du 7 janvier 2021, la société [H] [5] a déclaré accepter la qualification des faits pour lesquels elle a été mise en examen et sollicité la mise en oeuvre d'une procédure de convention judiciaire d'intérêt public. 9. Le même jour, le juge d'instruction a sollicité les réquisitions du procureur de la République financier, lequel a requis la mise en oeuvre des procédures précitées. 10. Le 5 février 2021, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi des personnes physiques mises en examen aux fins de mise en oeuvre de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et d'une convention judiciaire d'intérêt public s'agissant de la personne morale. 11. Les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ont été mises en oeuvre par le procureur de la République financier et les personnes mises en examen. 12. Le 26 février 2021, le jugé délégué par le président du tribunal judiciaire a rendu trois ordonnances de refus d'homologation des peines proposées par le procureur de la République financier. 13. Le 9 février 2021, le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], société mère du groupe [H], ont conclu une convention judiciaire d'intérêt public. 14. Le 26 février 2021, le juge désigné par le président du tribunal judiciaire a rendu une ordonnance de validation de cette convention. 15. Cette convention et l'ordonnance de validation ont fait l'objet des formalités de publication prévues par l'article 41-1-2 du code de procédure pénale. 16. Selon procès-verbal du 25 février 2022, le juge d'instruction a versé au dossier de l'information la convention judiciaire d'intérêt public et l'ordonnance de validation de celle-ci. 17. Par déclarations au greffe du 19 janvier 2022, MM. [W] et [H] ont demandé au juge d'instruction de leur octroyer le statut de témoin assisté et d'ordonner le non-lieu. 18. Le 21 février 2022, le procureur de la République financier a requis le rejet de ces demandes. 19. Ces demandes ont été rejetées par ordonnances du juge d'instruction du 23 février 2022. 20. Le 25 février 2022, le juge d'instruction a notifié aux parties l'avis de fin d'information et rendu l'ordonnance de soit-communiqué aux fins de règlement. 21. Par requête en date du 24 mai 2022, M. [H] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches 22. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public de la société [H], a refusé d'annuler son versement au dossier, a refusé de constater l'atteinte à la présomption d'innocence et à l'équité globale de la procédure emportant sa nullité ab initio et a rejeté la demande en annulation des poursuites et partant de l'intégralité des pièces de la procédure, alors : « 1°/ que le principe de la présomption d'innocence est méconnu si une déclaration officielle ou une décision judiciaire concernant un prévenu contient une déclaration claire, faite en l'absence de condamnation définitive, selon laquelle la personne concernée, a commis l'infraction en question ; qu'une telle atteinte préalable au jugement sur le fond de la personne concernée ne permet plus à la procédure de se poursuivre dans les conditions du procès équitable ; qu'en l'espèce l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public passée entre la société [H] et le parquet affirme que M. [H] aurait organisé un pacte de corruption, mentionne les termes de leur reconnaissance de culpabilité pour des faits de corruption et des faits d'abus de confiance ; que ces informations n'étaient pas nécessaires à la validation de la convention judiciaire d'intérêt public passée par la seule personne morale puisque l'ordonnance, qui n'emporte pas déclaration de culpabilité, a pour seul objet de vérifier le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l'amende et sa proportionnalité ; que dès lors cette ordonnance publiée dans un communiqué de presse et sur les sites internet des ministères de la justice et du budget, affirmant la culpabilité de M. [H] et mentionnant la reconnaissance qu'il en aurait faite avant toute décision au fond définitive selon laquelle il aurait commis les infractions qui lui sont reprochées a porté une atteinte irrémédiable à la présomption d'innocence interdisant toute poursuite de cette dernière dans des conditions garantissant les principes essentiels d'équité et de loyauté de la procédure ; qu'elle affecte la procédure dans son ensemble ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé la présomption d'innocence, l'article préliminaire du code de procédure pénale, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 47 et 48 de la Charte européenne des droits fondamentaux, et l'article 4, § 1, de la directive 2016/343 du Parlement européen et du Conseil ; 2°/ que l'atteinte portée à la présomption d'innocence par l'ordonnance d'homologation de la convention judiciaire d'intérêt public et sa publication ne pouvait être invoquée par le mis en examen avant ladite ordonnance et sa publication ; qu'il était dès lors recevable à faire valoir la nullité des actes antérieurs, la procédure en son entier étant affectée par la violation de ce principe essentiel à l'équité de la procédure ; qu'en déclarant irrecevable le moyen tiré de l'irrégularité des pièces antérieures à ladite ordonnance d'homologation et à son versement au dossier l'arrêt attaqué a violé les articles 174 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux. » Réponse de la Cour 24. Le moyen est infondé. 25. En effet, l'atteinte alléguée à la présomption d'innocence qui résulterait de la seule publication de l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public, conclue entre le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], n'est pas de nature à entacher la procédure d'une quelconque irrégularité, dès lors qu'à la supposer établie, cette atteinte serait le fait du juge désigné par le président du tribunal judiciaire ayant validé la convention judiciaire d'intérêt public, autorité extérieure à la procédure diligentée à l'encontre du demandeur par suite de la disjonction des poursuites. Mais sur les premier et deuxième moyens, et le troisième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé des moyens 26. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité, en tant notamment qu'elle visait le versement et le maintien dans la procédure de l'ordonnance D 846 portant non-lieu partiel et renvoi aux fins de mise en oeuvre de procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et de convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), et des courriers adressés par la défense au magistrat instructeur pour solliciter la mise en oeuvre de ces procédures (D 838, D 839, D 840 et D 841), alors : « 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 495-14, alinéa 2, et 180-1 du code de procédure pénale, qu'en cas de non-homologation de la CRPC, le procès-verbal prévu à l'alinéa 1er de l'article 495-14 « ne peut être transmis à la juridiction de jugement, et ni le ministère Public, ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites audit document remis au cours de la procédure »; il en résulte qu'en cas d'échec de la CRPC, l'intégralité des pièces relatives à cette procédure incidente doit être écartée du dossier d'information en cours, et que leur versement à ce dossier qui porte directement atteinte à la présomption d'innocence et au droit de ne pas s'auto-incriminer, doit être annulé ; ces dispositions visent l'ensemble des demandes ou accords et déclarations faites en vue d'une CRPC ; les courriers par lesquels la défense sollicite ou accepte le recours à la CRPC, ainsi que l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction accède à la demande et renvoie le dossier au ministère public ; en refusant d'ordonner la nullité du versement en procédure de ces pièces au dossier d'instruction en cours, la chambre de l'instruction a violé les articles 180, 180-1, 495-7, 495-8, 495-13 et 495-14 du code de procédure pénale, les droits de la défense et la présomption d'innocence, l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4, paragraphe 1, de la directive UE 2016/343 du Parlement européen et du Conseil en date du 9 mars 2016 ; 2°/ que même dans l'hypothèse où la loi interdit à la juridiction de jugement de se référer à telle ou telle déclaration d'une personne mise en cause, le juge de la régularité de la procédure a l'obligation, lorsqu'il en est requis, d'écarter et d'annuler des pièces portant trace d'une auto-incrimination irrégulière ; la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes et principes susvisé. » 27. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité visant notamment les réquisitions du ministère public, cotées D 911, D 914, D 919 et D 922, alors : « 1°/ qu'en cas d'échec de la procédure de CRPC, aucune référence à la reconnaissance des faits ou à l'acceptation de la qualification pénale retenue ne peut figurer dans les actes postérieurs ; la chambre de l'instruction a violé les articles 180-1 et 495-14 du code de procédure pénale, ainsi que la présomption d'innocence et les droits de la défense ; 2°/ que même dans l'hypothèse où la loi interdit à la juridiction de jugement de se référer à telle ou telle déclaration d'une personne mise en cause, le juge de la régularité de la procédure a l'obligation, lorsqu'il en est requis, d'écarter et d'annuler des pièces portant trace d'une auto-incrimination irrégulière ; la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes et principes susvisé. » 28. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'acte portant versement à la procédure de l'ordonnance validant la CJIP conclue avec les sociétés [H] [5] et [3], alors : « 3°/ que l'inclusion - inutile et étrangère à la procédure de CJIP - dans l'ordonnance de validation de cette convention, des termes des courriers par lesquels la défense avait sollicité de son côté une CRPC, et l'affirmation que dans ce courrier, le mis en examen « reconnaissait les faits et leur qualification juridique dans les termes suivants (...) » constituaient une violation de la présomption d'innocence et de l'interdiction de faire figurer au dossier les éléments relatifs à la CRPC ayant échoué ; en effet, le refus parallèle d'homologation des CRPC entraînait interdiction de la transmission des pièces afférentes au juge d'instruction, et de toute mention des déclarations faites pendant la procédure de CRPC ; en intégrant ces déclarations dans la validation de la CJIP, sans aucune nécessité pour celle-ci, l'ordonnance de validation a violé ces interdictions et était entachée d'excès de pouvoir ; son versement à la procédure était donc nul et en prétendant que les moyens de défaut d'impartialité du magistrat ayant validé la CJIP et de la violation de la présomption d'innocence seraient inopérants, la chambre de l'instruction a violé la présomption d'innocence, les droits de la défense, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 173, 174, 180-1, 495-14 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 29. Les moyens sont réunis. Sur les moyens, en ce qu'ils portent sur les pièces et mentions de pièces relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de MM. [W] et [V] 30. Les moyens sont irrecevables en ce que le demandeur est sans qualité pour invoquer l'atteinte portée à la présomption d'innocence et aux droits de la défense de MM. [W] et [V]. Sur les moyens, en ce qu'ils portent sur les pièces et mentions de pièces relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité du demandeur Vu les articles préliminaire, 180-1 et 495-14 du code de procédure pénale, et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme : 31. Selon les premier et dernier de ces textes, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Il s'en déduit le droit de cette personne de ne pas contribuer à sa propre incrimination. 32. En application du deuxième, si le juge d'instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu'elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l'accord du procureur de la République ou du mis en examen, prononcer par ordonnance le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. La demande ou l'accord du ministère public et des parties prévus au premier alinéa, qui doivent faire l'objet d'un écrit ou être mentionnés par procès-verbal, peuvent être recueillis au cours de l'information ou à l'occasion de la procédure de règlement prévue à l'article 175 du code de procédure pénale. 33. Il résulte du troisième qu'en cas de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, lorsque la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 du code de procédure pénale ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public, ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure. 34. Tel que rédigé, ce texte ne prohibe pas la transmission de la demande ou de l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, prévu par l'article 180-1 du code de procédure pénale, alors que ces actes impliquent que la personne mise en examen a reconnu les faits qui lui sont reprochés et accepté la qualification pénale retenue, non plus que la transmission des pièces ou mentions de pièces s'y référant. 35. Il ne prohibe pas non plus la transmission de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui, en application de l'article 180-1 précité, est seulement frappée de caducité en cas d'échec de cette procédure. 36. Il résulte cependant des travaux préparatoires de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dont sont issues les dispositions de l'article 495-14 du code de procédure pénale, que leur objet est d'éviter que la reconnaissance de sa culpabilité par la personne ayant fait l'objet de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et l'acceptation de la peine proposée par le procureur de la République ne nuisent à l'exercice des droits de la défense devant la juridiction saisie. Or, cet objectif ne peut être atteint lorsque figurent au dossier de la procédure transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement des pièces dont il se déduit que le prévenu a reconnu les faits qui lui sont reprochés et accepté la qualification pénale retenue. Il en va ainsi de la demande ou de l'accord de la personne mise en examen, faisant l'objet d'un écrit ou figurant dans un procès-verbal, aux fins de renvoi de l'affaire en procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 37. Par ailleurs, une telle transmission méconnaîtrait la présomption d'innocence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination qui en découle. 38. Tel n'est en revanche pas le cas de la présence dans le dossier de la procédure de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui renseigne seulement sur l'existence de cette procédure, dont l'échec peut être imputable à la circonstance que la personne poursuivie n'a pas reconnu les faits qui lui sont reprochés en présence de son avocat, dans les conditions de l'article 495-8 du code de procédure pénale. 39. Enfin, la présence de certains actes au dossier de la procédure ne peut être sanctionnée par leur annulation qui, selon les termes de l'article 170 du code de procédure pénale, ne peut porter que sur une pièce ou un acte de la procédure. En effet, ne répondent pas à cette qualification, d'une part, l'écrit adressé par la personne mise en examen au juge d'instruction par lequel elle demande le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en ce que cet écrit a été établi par une partie, d'autre part, les actes juridictionnels susceptibles de se référer à cet écrit, tels que l'ordonnance aux fins de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Par ailleurs, les actes ou pièces de la procédure, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, se référant à l'écrit de la personne mise en examen aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ne sauraient être annulés dès lors qu'ils sont intrinsèquement réguliers. 40. Il s'en déduit le principe suivant. 41. Lorsque, à la suite d'une information judiciaire, la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, la demande ou l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que les pièces ou mentions de pièces s'y référant, doivent être retirées du dossier de l'information judiciaire se poursuivant par suite de la caducité de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 42. Le retrait des mentions de pièces se référant à la déclaration ou l'accord de la personne mise en examen s'effectue par voie de cancellation. 43. Il appartient au juge d'instruction chargé de l'information de saisir la chambre de l'instruction dans les conditions des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, aux fins de retrait des pièces ou mentions de pièces précitées. La chambre de l'instruction procède ainsi qu'il est dit aux articles 170-1, 194 et suivants du code de procédure pénale. Le retrait s'opère dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale. 44. En l'espèce, pour rejeter le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information du courrier adressé par M. [H] au juge d'instruction aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et de l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi aux fins de mise en oeuvre de cette procédure et d'une convention judiciaire d'intérêt public, l'arrêt retient que cette ordonnance a été rendue conformément aux demandes des personnes mises en examen formalisées par courriers de leurs avocats remis au magistrat instructeur, lesquels ont été rédigés spontanément et en parfaite connaissance de leurs implications juridiques, de sorte qu'ils ne peuvent porter atteinte à la présomption d'innocence. 45. Les juges ajoutent que le deuxième alinéa de l'article 495-14 du code de procédure pénale ne vise que le procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13, ainsi que les déclarations ou les documents remis à cette occasion, garanties essentielles et suffisantes reconnues par le Conseil constitutionnel, de sorte qu'il n'y a pas lieu à retirer ou à annuler en tant que tels les actes antérieurs à l'ordonnance de renvoi, y compris les actes, quelle que soit leur forme, sollicitant le renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 46. Les juges énoncent par ailleurs, pour écarter le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information des réquisitions du procureur de la République financier relatives aux demandes présentées par M. [H] afin que lui soit octroyé le statut de témoin assisté et que soit ordonné le non-lieu, que ces pièces se bornent à faire référence aux demandes formulées par les courriers sollicitant le renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dont les termes sont repris par le ministère public et correspondent aux éléments figurant antérieurement à l'ordonnance de renvoi. 47. Les juges énoncent enfin, pour dire n'y avoir lieu d'annuler le versement au dossier de l'ordonnance de validation de la convention judiciaire d'intérêt public conclue entre le procureur de la République financier et les sociétés [H] [5] et [3], qu'en application de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale, cette ordonnance, le montant de l'amende d'intérêt public et la convention elle-même sont soumis à publication sur les sites internet des ministères de la justice et des finances, de sorte qu'est inopérante la demande d'annulation du versement à la procédure d'une copie de ces pièces, et ce d'autant plus que le pourvoi formé à l'encontre de la décision de validation par le procureur de la République financier a été déclaré non admis par ordonnance du 12 avril 2021 rendue par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, et qu'il ne peut y avoir lieu à annulation d'une décision juridictionnelle. 48. Les juges ajoutent que la référence au courrier de janvier 2021, établi par les avocats de la personne mise en examen et à la demande de celle-ci, ne saurait affecter la présomption d'innocence de M. [H], ce courrier ne pouvant constituer un acte de procédure irrégulier ou susceptible de porter atteinte à la présomption d'innocence de l'intéressé, de nature à justifier en tant que telle l'annulation du versement de la convention judiciaire d'intérêt public et de l'ordonnance de validation de cette convention dans la présente procédure. 49. Ils énoncent aussi que l'ordonnance de validation reprend l'exposé des faits de l'ordonnance de renvoi, la motivation propre de cette ordonnance ne faisant pas référence à d'autres personnes que les sociétés [H] [5] et [3]. 50. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'ordonner le retrait du dossier de l'information de la demande présentée par M. [H] aux fins de renvoi du dossier au procureur de la République financier aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que la cancellation des mentions de pièces s'y référant, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 51. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 52. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 21 mars 2023, mais en ses seules dispositions ayant dit n'y avoir lieu au retrait du dossier de l'information de la demande de M. [H] de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et, par voie de cancellation, des mentions de pièces s'y référant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; ORDONNE le retrait du dossier de l'information des pièces et mentions de pièces suivantes, dans ce dernier cas par voie de cancellation : - La pièce cotée D 839 ; - A la cote D 844/3, les mots « Vu les courriers de [C] [W] et [J] [H] en date du 7 janvier 2021 » ; - A la cote D 845/2, les mots « Vu la demande de M. [J] [H] formalisée par courrier du 7 janvier 2021 aux fins de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, » et « Attendu qu'aux termes de l'information judiciaire, [J] [H], [C] [W] et [G] [V], tous trois mis en examen, ont reconnu, par courriers des 07 et 12 janvier 2021, les faits qui leurs sont reprochés et acceptent la qualification pénale retenue ; que les personnes mises en examen ont demandé ou accepté le renvoi aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. » ; - A la cote D 845/4, les mots « Attendu que les personnes mises en examen reconnaissent les faits et acceptent la qualification pénale retenue ; » ; - A la cote D 845/5, les mots « Attendu que les mis en examen ont donné par écrit leur accord à la mise en oeuvre de cette procédure ; » ; - A la cote D 846/2, les mots « Vu la demande de M. [J] [H] formalisée par courrier du 7 janvier 2021 aux fins de mise en oeuvre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, » ; - A la cote D 846/29, les mots « Le 7 janvier 2021, M. [H] adressait au magistrat instructeur une demande de mise en oeuvre de CRPC. » ; - A la cote D 846/31, à partir des mots « M. [J] [H], mis en examen pour complicité d'abus de confiance, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC. » ; - A la cote D 846/33, à partir des mots « M. [H], mis en examen pour corruption d'agent public étranger, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ; - A la cote D 846/35, les mots « Attendu que [H] [J] a demandé ou accepté le renvoi aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » ; - A la cote D 908/5, les mots « M. [H], mis en examen pour corruption d'agent public étranger, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : « S'agissant du Togo, au vu des explications qui lui ont été fournies, il prend acte de ce que la concomitance entre le règlement des prestations de communication et la conclusion d'avenants au contrat de concession permet à la justice de l'analyser comme révélant des faits de corruption. » ; - A la cote D 908/6, les mots « Soucieux de l'avenir du groupe et de chacun de ses collaborateurs, [J] [H] a fait réformer en profondeur les procédures de compliance pour éviter toute démarche critiquable ou inadaptée dans les années à venir ». » et « M. [J] [H], mis en examen pour complicité d'abus de confiance, a indiqué dans un courrier du 7 janvier 2021 qu'il reconnaissait les faits et la qualification juridique dans les termes suivants : » ; - A la cote D 908/7, à partir des mots « [J] [H], dont la seule et unique priorité est l'avenir des sociétés du groupe, souhaite mettre fin à la procédure pénale en cours. » et jusqu'à « S'agissant d'[E] [T] dont il a toujours expliqué qu'il était une connaissance de 30 ans, il reconnaît, au vu des éléments qui lui ont été exposés, que la prudence aurait commandé de s'abstenir d'intervenir dans le cadre de la publication du livre. » » ; - A la cote D 911/2, les mots « Ils précisent par ailleurs qu'ils ne sont pas tenus par leur précédente demande d'orientation de la procédure vers une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, celle-ci ne valant pas reconnaissance des faits et de leur qualification juridique, mais participant d'une volonté d'abréger la procédure pénale afin de préserver les intérêts du groupe [H]. » ; - Aux cotes D 911/2 et D 911/3, à partir des mots « - mis en examen des chefs de corruption d'agent public étranger et d'abus de confiance depuis le 25 avril 2018, [J] [H] est seul à l'initiative d'une demande de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance de culpabilité - finalisée dans un courrier du 7 janvier 2021 adressé au magistrat instructeur - en vertu de laquelle il reconnaît les faits et leur qualification dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ; - A la cote D 914/2, les mots « Ils précisent par ailleurs qu'ils ne sont pas tenus par leur précédente demande d'orientation de la procédure vers une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, celle-ci ne valant pas reconnaissance des faits et de leur qualification juridique, mais participant d'une volonté d'abréger la procédure pénale afin de préserver les intérêts du groupe [H] » ; - Aux cotes D 914/2 et D 914/3, à partir des mots « - mis en examen des chefs de corruption d'agent public étranger et d'abus de confiance depuis le 25 avril 2018, [J] [H] est seul à l'initiative d'une demande de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance de culpabilité - finalisée dans un courrier du 7 janvier 2021 adressé au magistrat instructeur - en vertu de laquelle il reconnaît les faits et leur qualification dans les termes suivants : » et jusqu'à « Pour toutes ces raisons, qui sont celles qui motivent un entrepreneur responsable, [J] [H] a décidé de mettre un terme à cette procédure, qui a déjà causé des préjudices considérables au groupe, en reconnaissant les faits tels que qualifiés par le magistrat instructeur, pour opter pour une procédure de CRPC » ; ORDONNE le retour du dossier à la chambre de l'instruction pour retrait des pièces et cancellation des mentions de pièces précitées qui seront classées au greffe de la cour d'appel, dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale ; DIT qu'à l'issue, la chambre de l'instruction fera retour du dossier au juge d'instruction pour poursuite de l'information judiciaire conformément à la loi ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | INSTRUCTION - Clôture - Renvoi aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - Echec de la mesure - Effets - Retrait des pièces ou mentions de pièces se référant à la demande ou à l'accord de renvoi en CRPC - Procédure | Il se déduit des articles 180-1, 495-14 et 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, lorsque, à la suite d'une information judiciaire, la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, la demande ou l'accord de la personne mise en examen aux fins de renvoi de l'affaire au procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ainsi que les pièces ou mentions de pièces s'y référant, doivent être retirées du dossier de l'information judiciaire se poursuivant par suite de la caducité de l'ordonnance de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le retrait des mentions de pièces se référant à la déclaration ou l'accord de la personne mise en examen s'effectue par voie de cancellation. Il appartient au juge d'instruction chargé de l'information de saisir la chambre de l'instruction dans les conditions des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, aux fins de retrait des pièces ou mentions de pièces précitées. La chambre de l'instruction procède ainsi qu'il est dit aux articles 170-1, 194 et suivants du code de procédure pénale. Le retrait s'opère dans les conditions du dernier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale. Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui rejette le moyen pris de la nullité du versement et du maintien dans le dossier de l'information du courrier adressé par la personne mise en examen au juge d'instruction aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et des mentions de pièces du dossier de l'information s'y référant, alors qu'il lui appartenait d'ordonner le retrait de cette demande, ainsi que la cancellation des mentions de pièces s'y référant |
|||||||||
JURITEXT000048550359 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550359.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 novembre 2023, 22-85.867, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | C2301416 | Cassation partielle | 22-85867 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-08-25 | Cour d'appel de Douai | M. Bonnal | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01416 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 22-85.867 F-B N° 01416 MAS2 29 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2023 MM. [F] [Z] et [P] [T] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 25 août 2022, qui, pour soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a condamné, le premier, à trois mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, une amende douanière et une confiscation, le second, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière et une confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [F] [Z] et [P] [T], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. MM. [F] [Z] et [P] [T] étaient respectivement président et secrétaire de deux associations dissoutes en mars 2019 car considérées comme vecteurs de diffusion d'une idéologie appelant à la haine, à la discrimination et faisant l'apologie du terrorisme. 3. En application de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, quatre arrêtés pris conjointement par les ministres des finances et de l'intérieur ont prononcé le gel de leurs avoirs bancaires pour des périodes de six mois entre le 2 octobre 2018 et le 18 avril 2021. 4. Par jugement du 6 septembre 2021, le tribunal correctionnel les a condamnés pour soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, M. [Z], à la peine de deux mois d'emprisonnement, une amende douanière et une confiscation et, M. [T], à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière et une confiscation. 5. Les intéressés ainsi que le ministère public et l'administration des douanes ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens, le cinquième moyen, pris en ses première et deuxième branches, le sixième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le septième moyen 6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité soulevé par M. [T], tiré de l'incompétence des agents des douanes pour effectuer l'enquête préliminaire dont il a fait l'objet, alors « que, selon l'article 28-1 du code de procédure pénale, les agents des douanes peuvent être habilités à effectuer des enquêtes préliminaires concernant une liste limitative d'infractions, comprenant la recherche des auteurs des délits douaniers et des infractions connexes, sur réquisition du procureur de la République ; que M. [T] a invoqué la nullité des actes réalisés par les agents des douanes, en enquête préliminaire, en soutenant qu'ils ne pouvaient enquêter sur le délit de soustraction aux mesures de gels des avoirs incriminées par l'article L. 574-3 du code monétaire et financier non visé par l'article 28-1 du code de procédure pénale et en l'absence de réquisition du procureur de la République à cette fin ; que pour rejeter ce moyen, la cour d'appel a considéré qu'en renvoyant à l'article 459 du code des douanes, le législateur avait donné compétence aux agents des douanes pour réaliser les enquêtes concernant ce délit, qu'il s'agissait d'un délit connexe à une infraction douanière permettant l'extension de compétence et que le soit-transmis adressé au magistrat délégué au service judiciaire des douanes avait valablement saisi les agents des douanes pour enquêter ; que dès lors que le délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs n'est pas un délit incriminé par le code des douanes, qu'il n'était en l'espèce pas connexe à une infraction au code des douanes dont les agents des douanes auraient été régulièrement saisis, et que l'article 28-1 du code de procédure n'a pas institué de délégation du pouvoir d'enquête par le procureur de la République au magistrat chargé de superviser l'enquête des agents des douanes habilités, la cour d'appel a violé les articles L. 574-3 du code monétaire et financier, les articles 453 et 459 du code des douanes et l'article 28-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel les agents des douanes habilités n'étaient pas compétents pour enquêter sur les faits de soustraction aux mesures de gel des avoirs sur le fondement de l'article 28-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué retient que ce texte prévoit que ces agents peuvent effectuer des enquêtes judiciaires sous le contrôle du procureur de la République s'agissant des infractions douanières, mais également s'agissant des infractions connexes aux infractions douanières. 9. Les juges ajoutent que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier, qui incrimine la soustraction aux mesures de gel des avoirs, prévoit expressément que les modalités de constatation, de poursuite et de répression de cette infraction sont régies par le code des douanes. 10. Ils en déduisent qu'il résulte de ce renvoi de l'article L. 574-3 aux textes du code des douanes que les agents des douanes habilités ont bien compétence pour effectuer des enquêtes judiciaires sur cette infraction en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale. 11. Par ailleurs, ils relèvent que, dès lors qu'il ressort des pièces de procédure que le service des douanes judiciaires a été saisi par un soit-transmis adressé au magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane et de l'administration fiscale, détaillant les réquisitions du procureur de la République, il doit en être conclu que ce service a bien agi sur réquisition de ce magistrat. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 13. En effet, en premier lieu, dès lors que les modalités de constatation, de poursuite et de répression du délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont prévues par le code des douanes, cette infraction constitue une infraction prévue par le code des douanes au sens du 1° du I de l'article 28-1 du code de procédure pénale. 14. En second lieu, il résulte de ce même article et de l'article R. 15-33-12 du même code que le procureur de la République peut délivrer des réquisitions au magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane, à charge pour ce dernier de désigner, aux fins de leur exécution, le ou les agents des douanes habilités. 15. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré MM. [Z] et [T] coupables de soustraction aux obligations résultant d'une décision de gel de leurs avoirs, alors : « 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier réprime le fait, pour les dirigeants ou les préposés des organismes financiers et personnes mentionnés à l'article L. 562-4 et, pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de gel ou d'interdiction prise en application du chapitre II du titre VI du livre V, de se soustraire aux obligations en résultant ou de faire obstacle à sa mise en oeuvre ; qu'avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 6 novembre 2020, les mesures de gels ordonnées par le ministre de l'économie sur le fondement de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier ne s'appliquaient pas aux prestations de services fournies par des sociétés ou autres entités établies à l'étranger ; que dès lors, en retenant la culpabilité des prévenus pour avoir fait fonctionner des comptes ouverts pendant les différentes périodes de gel de leur avoirs par différents arrêtés pris antérieurement à l'entrée en vigueur de cette ordonnance, la cour d'appel a violé les articles L. 563-4, L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 2°/ qu'en retenant à l'encontre des prévenus une soustraction à leurs obligations résultant des arrêtés de gels de leurs avoirs, lorsque les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier ne leur imposent aucune obligation particulière et que les arrêtés pris en application de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier se contentaient de geler leurs avoirs, sans indiquer quelles obligations s'imposaient à eux, le courrier d'accompagnement se contentant de rappeler la possibilité de demander au service du trésor une partie des fonds bloqués, ce qui ne constitue pas une obligation mais un droit, la cour d'appel a encore violé les articles L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 3°/ que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier réprimant l'obstacle à la mise en oeuvre du gel des avoirs, en constatant seulement que les prévenus avaient ouverts des comptes allemands et les avaient alimentés pendant les périodes de dégel, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'obstacle à la mise en oeuvre des mesures de gel, par le seul fait pour les prévenus d'avoir fait fonctionner ces comptes, même majoritairement pendant les périodes de gel, sans constater aucune dissimulation ou manoeuvre, et a ainsi privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 4°/ que le délit suppose la volonté de faire obstacle à la mise en oeuvre du gel ; qu'il s'en déduit que cette volonté doit être caractérisée au moment de l'obstacle mis à la mise en oeuvre de la mesure de gel ; que dès lors, en considérant que les prévenus avaient eu l'intention de se soustraire aux obligations résultant du gel de leurs avoirs, en ouvrant des comptes en Allemagne, pendant les périodes de dégel dans la perspective d'une éventuelle reconduction du gel de leurs avoirs, la cour d'appel n'a pas caractérisé la volonté de faire obstacle à la mise en oeuvre du gel au moment des faits, faute de constater des manoeuvres particulières pendant les périodes de gel, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 574-3 du code de procédure pénale et 111-4 du code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 17. Pour déclarer les prévenus coupables de soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'arrêt attaqué énonce que l'article L. 574-3 du code monétaire et financier punit le fait, pour les personnes mentionnées à l'article L. 562-4 du même code, leurs dirigeants ou leurs préposés et pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de gel ou d'interdiction prise en application du chapitre II du titre VI du livre V de ce code, de se soustraire aux obligations en résultant ou de faire obstacle à sa mise en oeuvre. 18. Les juges relèvent également que l'article L. 562-2, 1°, du code monétaire et financier dispose que le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé de l'intérieur peuvent décider, conjointement, pour une durée de six mois, renouvelable, le gel des fonds et ressources économiques qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent. 19. Ils relèvent encore que l'article L. 562-4, 1°, du code monétaire et financier, dans sa version applicable jusqu'au 6 novembre 2020, dispose que toute personne mentionnée à l'article L. 561-2 qui détient ou reçoit des fonds ou des ressources économiques pour le compte d'un client est tenue d'appliquer sans délai les mesures de gel et les interdictions de mise à disposition ou d'utilisation prévues au chapitre II du titre VI du livre V dudit code et d'en informer immédiatement le ministre chargé de l'économie. 20. Ils ajoutent que l'infraction prévue par l'article L. 574-3 consiste à ne pas avoir respecté la mesure administrative de gel des avoirs financiers et économiques détenus par les prévenus sur leurs comptes. 21. Ils retiennent qu'en l'espèce, quatre arrêtés ministériels ont privé les prévenus de la libre disposition des avoirs détenus sur leurs comptes pour une durée de six mois chacun, entre le 2 octobre 2018 et le 18 avril 2021, et que ces arrêtés leur ont été notifiés avec la mention des voies de recours et la possibilité d'obtenir une autorisation administrative d'utiliser une partie des avoirs. 22. Ils retiennent également que les dispositions de l'article L. 562-4 du code monétaire et financier, qui font obligation aux établissements financiers d'appliquer les interdictions édictées par l'autorité administrative, n'étaient pas opposables aux établissements financiers étrangers avant le 6 novembre 2020. 23. Ils constatent ensuite qu'il résulte de l'enquête que les deux prévenus ont chacun ouvert un compte auprès de la « néo-banque » allemande [1], les 7 et 10 avril 2019, alors que la mesure de gel résultant du premier arrêté avait pris fin le 2 avril 2019, et qu'ils ont donc, sitôt retrouvée la disponibilité de leurs avoirs, mis en place le moyen de détourner d'éventuelles nouvelles mesures du même type. 24. Ils constatent enfin qu'il ressort de l'examen des comptes ouverts au sein de la banque [1] que ceux-ci ont davantage été actifs en période de gel que de dégel, montrant ainsi quel était le but recherché lors de l'ouverture des comptes. 25. Ils en concluent que les prévenus, qui avaient bien connaissance de la possibilité qui leur était ouverte par les dispositions de l'article L. 562-11 du code monétaire et financier de solliciter auprès de la direction du Trésor une autorisation de déblocage de leurs fonds et en ont usé, se sont intentionnellement soustraits aux mesures de gel de leurs avoirs et ont détourné la mesure administrative. 26. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision et a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 27. En premier lieu, selon le 5° de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, le gel des fonds est défini comme toute action tendant à empêcher un changement de leur volume, montant, localisation, propriété, possession, nature, destination ou toute autre modification qui pourrait permettre leur utilisation, notamment la gestion de portefeuille. Il résulte donc de l'article L. 574-3 du même code une obligation pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de gel de s'abstenir de tout acte visant à se soustraire ou à faire obstacle à une telle action. 28. En deuxième lieu, le seul fait que la cour d'appel ait retenu que les prévenus avaient ouvert des comptes dans une banque étrangère, juste après la fin de la première période de gel, afin de pouvoir disposer ensuite de leurs avoirs pendant la période de gel suivante, caractérise leur soustraction à la mesure de gel, la loi n'exigeant en outre aucune dissimulation ou manoeuvre. 29. En dernier lieu, il ne saurait être déduit de ce que les établissements financiers étrangers n'étaient pas soumis à l'obligation d'appliquer les mesures de gel avant le 6 novembre 2020 que les personnes dont les avoirs avaient alors été gelés pouvaient, sans se rendre coupable du délit prévu par l'article L. 574-3, contourner ces mesures de gel en utilisant un compte bancaire au sein d'un tel établissement. 30. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le cinquième moyen, pris en sa cinquième branche, et le sixième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé des moyens 31. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] au titre de l'action douanière, à la confiscation de la somme de 12 185,61 euros et au paiement d'une amende du même montant, outre la peine d'emprisonnement de trois mois assortis du sursis probatoire, alors : « 5°/ qu'en fixant l'amende sans prendre en considération la possibilité de prononcer une amende inférieure à la somme minimum sur laquelle a porté l'infraction , par application de l'article 369 du code des douanes auquel elle ne se réfère pas, quand elle admettait que les dépenses en cause étaient essentiellement des dépenses de vie courante et en refusant de tenir compte du fait que les arrêtés de gel se fondaient sur un risque d'aide au terrorisme qui n'existait plus au moment où ils avaient été pris, comme le soutenait la défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 574-3 du code monétaire et financier, 459 et 369 du code des douanes, des articles 485 et 593 du code de procédure pénale. » 32. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] au paiement d'une amende douanière de 3 228,35 euros et a ordonné la confiscation d'une somme du même montant correspondant au produit de l'infraction, au titre de l'action douanière, alors : « 3°/ qu'en fixant l'amende douanière à la somme de 3 228,35 ¿, sans prendre en considération la possibilité de prononcer une amende inférieure à la somme minimum du montant du, par application de l'article 369 du code des douanes auquel elle ne se réfère pas, quand elle admettait que les dépenses en cause étaient essentiellement des dépenses de vie courante et en refusant de tenir compte du fait que les arrêtés de gel se fondaient sur un risque d'aide au terrorisme qui n'existait plus, comme le soutenaient les prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 574-3 du code monétaire et financier, 459 et 369 du code des douanes, des articles 485 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 33. Les griefs sont réunis. 34. Pour condamner M. [Z] à une confiscation de la somme de 12 185,61 euros et à une amende douanière d'un même montant et M. [T] à une confiscation de la somme de 3 228,35 euros et à une amende d'un même montant, la cour d'appel énonce que ces sanctions sont justifiées au regard des montants soustraits à l'obligation de gel des avoirs et de la situation familiale et financière des prévenus. 35. En statuant ainsi, après avoir détaillé la situation familiale et professionnelle des prévenus lorsqu'elle a motivé les sanctions pénales prononcées à leur encontre, la cour d'appel a justifié sa décision. 36. Les griefs doivent être écartés. Mais sur le cinquième moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] au titre de l'action douanière, à la confiscation de la somme de 12 185,61 euros et au paiement d'une amende du même montant, outre la peine d'emprisonnement de trois mois assortis du sursis probatoire, alors : « 3°/ que, par ailleurs et en tout état de cause, en fixant l'amende à la somme de 12 185,61 euros, qui correspondrait au montant du produit de l'infraction, et en ordonnant la confiscation d'une somme du même montant, quand par ailleurs la cour d'appel avait constaté que le prévenu avait utilisé pendant les périodes de gel des avoirs, tiré de son compte auprès de la banque allemande la somme de 6 357,20 euros (arrêt, p. 9), la cour d'appel se prononce par des motifs contradictoires, équivalents au défaut de motifs, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 38. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 39. Pour condamner M. [Z] à une confiscation d'un montant de 12 185,61 euros et à une amende douanière d'un même montant, l'arrêt attaqué relève que l'article 459 du code des douanes réprime l'infraction de soustraction à une mesure de gel des avoirs de la confiscation du produit du délit et d'une amende douanière égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction. 40. Les juges ajoutent que la somme susmentionnée représente le produit de l'infraction. 41. En prononçant ainsi, alors qu'elle a constaté que le compte ouvert par M. [Z] à la banque avait été alimenté à hauteur de 9 641,54 euros uniquement pendant la période de dégel et que les débits intervenus pendant les périodes de gel s'élevaient à la somme de 6 357,20 euros, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires. 42. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief. Portée et conséquences de la cassation 43. La cassation sera limitée à la confiscation et à l'amende douanière prononcées à l'encontre de M. [Z]. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par M. [T] : Le REJETTE ; Sur le pourvoi formé par M. [Z] : CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 25 août 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la confiscation et à l'amende douanière prononcées à l'encontre de M. [Z], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | DOUANES - Agent de la douane judiciaire - Compétence - Compétence matérielle - Infractions visées par l'article 28-1 du code de procédure pénale - Cas - Délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs en matière de lutte contre le terrorisme | Dès lors que les modalités de constatation, de poursuite et de répression du délit de soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont prévues par le code des douanes, cette infraction constitue une infraction prévue par le code des douanes au sens du 1° du I de l'article 28-1 du code de procédure pénale |
|||||||||
JURITEXT000048550569 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/05/JURITEXT000048550569.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 décembre 2023, 23-85.780, Publié au bulletin | 2023-12-05 00:00:00 | Cour de cassation | C2301569 | Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc | 23-85780 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-12-12 | Tribunal de police de Versailles | M. Bonnal | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01569 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 23-85.780 FS-B N° 01569 5 DÉCEMBRE 2023 SL2 QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 DÉCEMBRE 2023 M. [F] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 14 septembre 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre le jugement du tribunal de police de Versailles, en date du 12 décembre 2022, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 135 euros d'amende. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Seys, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Les articles 584 et 585-1 du code de procédure pénale doivent être déclarés anticonstitutionnels dans la mesure où, pour former un pourvoi en cassation et le motiver, il est imposé au prévenu présent à l'audience d'interjeter dans le délai de cinq jours puis de déposer son mémoire en cassation dans le délai d'un mois au plus tard après la date du pourvoi alors que jugement écrit ne lui est pas encore parvenu. Aux fins de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le jugement doit être notifié aux parties pour parfaite connaissance. Compte tenu de l'égal accès à la justice, d'une procédure pénale qui doit être équitable, le prévenu qui comparaît à l'audience doit bénéficier des dispositions de l'article 568, alinéa 2 et suivants, du code de procédure pénale qui mentionnent que le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt quelqu'en soit le mode. En déclarant contraire aux droits et libertés garantis par la constitution, l'alinéa 1 de l'article 568 du code de procédure pénale.» 2. La question peut être reformulée par le juge afin de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, à condition de ne pas en modifier l'objet et la portée (Ass. plén., 20 mai 2011, pourvoi n° 11-90.033, Bull. crim. 2011, Ass. plén., n° 6). 3. En effet, aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité est un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. 4. Les dispositions législatives contestées sont précisément identifiées dans la présente question. 5. Il n'importe que des textes constitutionnels n'y soient pas visés dès lors que les droits et libertés que la Constitution garantit, dont la violation est invoquée, sont clairement identifiables. 6. Enfin, le mémoire spécial explicite en quoi les dispositions législatives contestées porteraient atteinte aux principes constitutionnels invoqués. 7. Il y a lieu en conséquence de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie de la question prioritaire de constitutionnalité, ainsi reformulée : « Les dispositions des articles 568, alinéa 1, 584 et 585-1 du code de procédure pénale qui fixent les délais pour former un pourvoi en cassation et déposer un mémoire au soutien de ce recours, en ce qu'elles imposent au prévenu comparant à l'audience de former un pourvoi dans les cinq jours suivant le prononcé de la décision et de déposer un mémoire personnel dans un délai d'un mois suivant le pourvoi, alors que les motifs de la décision attaquée ne sont pas nécessairement connus, faute de signification de celle-ci, et ce contrairement au prévenu visé à l'article 568, alinéa 2 et suivants, du code de procédure pénale, pour lequel le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt, quel qu'en soit le mode, portent-elles atteinte aux principes de l'égal accès à la justice et au caractère équitable de la procédure pénale ? » 8. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 9. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 10. La question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les dispositions légales critiquées ne méconnaissent pas les principes d'égalité devant la justice et d'équité de la procédure pénale, pour les motifs qui suivent. 11. En premier lieu, les dispositions critiquées, fixant, d'une part, le point de départ du délai de pourvoi en cassation, au lendemain du jour du prononcé de la décision contradictoire, d'autre part, le délai pour déposer un mémoire au soutien de ce recours, ne privent pas les parties d'un accès à la Cour de cassation, fût-ce à titre conservatoire, dès lors que le demandeur condamné pénalement dispose d'un délai d'un mois à compter de son pourvoi pour déposer un mémoire contenant ses moyens de cassation, délai qui peut être augmenté par dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, en application de l'article 585-1 du code de procédure pénale, ou en cas de constitution d'un avocat à la Cour de cassation. 12. En deuxième lieu, l'article 568 du code de procédure pénale répond à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, en visant à prévenir l'allongement des délais de jugement des auteurs d'infractions. 13. Enfin, le prévenu qui, régulièrement mis en mesure d'assister au prononcé de la décision, peut prendre connaissance de son sens dès cette date, et ainsi apprécier l'opportunité de faire un pourvoi, est dans une situation différente de celui visé aux alinéas 2 et suivants de l'article 568 précité qui ignore le jour où cette décision a été rendue, de sorte que la différence du point de départ du délai pour former un pourvoi et déposer un mémoire ne procède pas de distinctions injustifiées. 14. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois. | QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE | |||||||||||
JURITEXT000048581705 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581705.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 décembre 2023, 22-84.854, Publié au bulletin | 2023-12-12 00:00:00 | Cour de cassation | C2301495 | Cassation par voie de retranchement sans renvoi | 22-84854 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-06-01 | Cour d'appel d'Amiens | M. Bonnal | SCP Richard, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01495 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 22-84.854 F-B N° 01495 MAS2 12 DÉCEMBRE 2023 CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 DÉCEMBRE 2023 La société [1] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 2022, qui, pour infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, l'a condamnée à 4 000 euros d'amende dont 2 000 euros avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société [1], les observations de SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [E] [M], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Lors d'une opération de chargement de sacs dans l'enceinte de la société [1], l'un d'eux a heurté M. [E] [M], chauffeur de poids lourd employé par la société de transports [2], entraînant sa chute au sol et la fracture de ses deux poignets. 3. Les sociétés [1] et [2] ont été condamnées par le tribunal correctionnel pour réalisation d'opération de chargement sans respect des règles relatives au protocole de sécurité et la constitution de partie civile de M. [M] a été déclarée recevable. 4. Les sociétés [1] et [2], M. [M] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 7 juin 2022 5. La demanderesse ayant épuisé, par l'exercice qu'elle en avait fait le 3 juin 2022, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision. 6. Seul est recevable le pourvoi formé le 3 juin 2022. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches 7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable des faits de réalisation d'une opération de chargement ou de déchargement en l'absence de protocole de sécurité, alors : « 1°/ que l'obligation d'établir un protocole de sécurité s'applique aux opérations de chargement ou de déchargement réalisées par des entreprises extérieures transportant des marchandises, en provenance ou à destination d'un lieu extérieur à l'enceinte de l'entreprise utilisatrice, dite « entreprise d'accueil » ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer la société [1] coupable d'avoir réalisé une opération de chargement ou de déchargement en l'absence de protocole de sécurité, que la société [2] lui avait commandé le chargement de sa benne pour le compte d'une société tierce, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, comme n'étant pas de nature à établir que la société [2] avait, en qualité d'entreprise extérieure, réalisé le chargement des marchandises au sein de la société [1], a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4741-1, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016, L. 4511-1, R. 4511-1 et R. 4515-1, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, du code du travail ; 2°/ que l'obligation d'établir un protocole de sécurité s'applique aux opérations de chargement ou de déchargement réalisées par des entreprises extérieures transportant des marchandises, en provenance ou à destination d'un lieu extérieur à l'enceinte de l'entreprise utilisatrice, dite « entreprise d'accueil » ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer la société [1] coupable d'avoir réalisé une opération de chargement ou de déchargement en l'absence de protocole de sécurité, que Monsieur [D] [W] avait reconnu qu'au cours des opérations de chargement, une personne pouvant être le chauffeur du camion de l'entreprise de transport ou un salarié de l'entreprise devait nécessairement descendre dans la benne pour ouvrir les big-bags contenant les pommes de terre, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, comme n'étant pas de nature à établir que la Société [2] avait, en qualité d'entreprise extérieure, réalisé le chargement des marchandises au sein de la société [1], a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4741-1, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016, L. 4511-1, R. 4511-1 et R. 4515-1, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, du code du travail. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer la société [1] coupable des faits de réalisation d'une opération de chargement ou de déchargement en l'absence de protocole de sécurité, l'arrêt attaqué énonce que l'accident s'est produit lors du chargement de pommes de terre dans le véhicule de transport de la société [2] par un salarié de la société [1], dans l'enceinte de cette dernière, avec l'aide de M. [M]. 10. Les juges ajoutent que le responsable de la société [1] a reconnu qu'au cours de ces opérations, une personne pouvant être le chauffeur du camion de la société [2] ou un salarié de son entreprise devait nécessairement descendre dans la benne pour ouvrir les ficelles du sac contenant les pommes de terre au moment des manoeuvres et qu'en l'espèce, la partie civile était là pour le guider et lui indiquer où il fallait mettre la marchandise dans la remorque, qu'il pensait ne pas l'avoir touchée, mais qu'elle était à même de le dire. 11. Ils retiennent qu'il ne peut pas être soutenu que la société [1] assurait seule le chargement de la marchandise et que M. [M] n'avait aucune vocation à participer aux opérations de chargement, alors même que le représentant de la société en charge de celles-ci affirme le contraire, corroborant ainsi les déclarations du salarié blessé, lequel a indiqué que ce fait était une habitude de fonctionnement. 12. Ils en déduisent que les sociétés [1] et [2] étaient soumises aux dispositions des articles R. 4515-1 et suivants du code du travail et qu'aucune des deux sociétés ne rapportant la preuve de l'existence d'un protocole de sécurité, conformément aux constatations faites par l'inspection du travail aux termes de son rapport, leur responsabilité pénale doit être retenue. 13. En l'état de ces seules énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 14. En effet, dès lors qu'elle a constaté que le salarié de la société de transport concourait habituellement au chargement, dans son camion, des marchandises de la société [1], qu'il était chargé par son employeur de transporter vers un autre site, la cour d'appel a caractérisé l'existence de circonstances rendant obligatoire l'établissement du protocole de sécurité prévu par les dispositions des articles R. 4515-1 et suivants du code du travail. 15. Ainsi, le moyen, qui en sa première branche critique des motifs surabondants, doit être écarté. Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action civile, jugé recevable la constitution de partie civile de M. [M], puis a condamné la société [1] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de provision, alors : « 2°/ que seul celui qui a été déclaré responsable du dommage subi par la victime peut être condamné au paiement d'une provision ; qu'en condamnant néanmoins la Société [1] à payer à Monsieur [M] la somme de 20 000 euros à titre de provision, sans avoir préalablement jugé, dans le dispositif de sa décision, qu'elle était responsable du dommage subi par Monsieur [M], la Cour d'appel a violé les articles 2, 3 et 464 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 464 du code de procédure pénale : 17. Selon ce texte, lorsqu'il statue sur l'action civile, le juge pénal a la faculté, s'il ne peut se prononcer en l'état sur la demande en dommages-intérêts, d'accorder à la partie civile une provision, exécutoire nonobstant opposition ou appel. 18. Il s'en déduit qu'il ne peut accorder une provision que dans le cas où, saisi d'une demande de dommages-intérêts sur lesquels il ne peut se prononcer en l'état, il a déclaré le prévenu civilement responsable d'un préjudice dont il a reconnu le principe. 19. Pour condamner la société [1] à verser une provision, l'arrêt attaqué, après avoir confirmé le jugement ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de M. [M] et ordonné le renvoi de l'affaire à une audience statuant sur intérêts civils, énonce que l'ancienneté de l'affaire le justifie. 20. En statuant ainsi, alors que les premiers juges ne s'étaient pas prononcés sur la responsabilité civile de la société [1], mais s'étaient bornés à renvoyer l'affaire sur intérêts civils, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés. 21. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 22. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé le 7 juin 2022 : Le DÉCLARE IRRECEVABLE ; Sur le pourvoi formé le 3 juin 2022 : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 1er juin 2022, mais en ses seules dispositions ayant condamné la société [1] à verser à M. [M] la somme de 20 000 euros à titre provisionnel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL REGLEMENTATION, HYGIENE ET SECURITE | ||||||||||
JURITEXT000048581766 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581766.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 décembre 2023, 22-81.985, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | C2301408 | Cassation partielle | 22-81985 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-02-22 | Cour d'appel de Paris | M. Bonnal | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01408 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-81.985 FS-B N° 01408 MAS2 13 DÉCEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 M. [O] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 22 février 2022, qui, pour fraude fiscale et blanchiment aggravé, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, 300 000 euros d'amende, une confiscation, a ordonné la révocation d'un sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [O] [X], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, de la direction générale des finances publiques et de la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, MM. Ascensi, Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 21 juin 2019, à la suite d'une enquête préliminaire, M. [O] [X] a été cité devant le tribunal correctionnel des chefs de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale, aggravé par la circonstance que les faits ont été commis de façon habituelle. 3. Au titre de la fraude fiscale, il lui était reproché de s'être, entre 2009 et 2012, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement des impôts dus au titre des années 2008 à 2012 en dissimulant volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune. 4. Au titre du blanchiment, il lui était reproché d'avoir, entre le 16 mai 1996 et le 2 novembre 2016, apporté son concours à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect du délit de fraude fiscale, en l'espèce en plaçant des avoirs sur des comptes détenus à l'étranger non déclarés à l'administration fiscale, en convertissant le produit de l'infraction grâce à la constitution d'un trust aux Bahamas et à l'acquisition d'un terrain en Colombie, sur lequel une villa avait été construite par le biais d'une société écran, en procédant à des encaissements de sommes en provenance de personnes physiques et de personnes morales, non déclarées à l'administration fiscale, puis au décaissement de ces sommes par des opérations successives, en employant les sommes non déclarées notamment à l'aménagement et l'entretien de la villa en Colombie et en procédant à des retraits en espèces et plusieurs virements depuis les comptes détenus à l'étranger. 5. Parallèlement, M. [X] a saisi le juge administratif en contestation du redressement fiscal lui ayant été appliqué. 6. Par jugement du 24 juin 2020, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté les exceptions soulevées par le prévenu, a relaxé partiellement M. [X] des faits de blanchiment aggravé et l'a déclaré coupable pour le surplus. 7. Les premiers juges l'ont condamné à trois ans d'emprisonnement, 600 000 euros d'amende et dix ans d'interdiction de gérer, ont ordonné la révocation en totalité du sursis simple de dix mois, prononcé à son encontre par le tribunal correctionnel de Nanterre le 3 mai 2012, et ordonné la confiscation de montres et du solde créditeur du compte dont il est titulaire à la CIC Banque transatlantique, qui avaient été saisis. 8. Statuant sur l'action civile, le tribunal a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Etat français, et condamné M. [X], solidairement avec sa co-prévenue, à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi. 9. M. [X] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa première branche, les quatrième, sixième et septième moyens et le neuvième moyen, pris en sa première branche 10. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné pénalement M. [X] du chef de fraude fiscale, après avoir rejeté le moyen tiré d'une violation du principe ne bis in idem du fait des condamnations déjà prononcées à son encontre pour les mêmes faits dans la procédure fiscale, alors : « 2°/ que par un arrêt du 5 mai 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a affirmé que le droit fondamental garanti par l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'oppose à une réglementation nationale qui n'assure pas, dans les cas du cumul d'une sanction pécuniaire et d'une peine privative de liberté, par des règles claires et précises, le cas échéant telles qu'interprétées par les juridictions nationales, « que l'ensemble des sanctions infligées n'excède pas la gravité de l'infraction constatée » ; que si l'impôt sur le revenu comme l'impôt de solidarité sur la fortune ne sont pas régis par le droit de l'Union, il est indubitable que la légalité des doubles poursuites et sanctions telle qu'interprétée par le droit de l'Union ne pourra qu'être étendue aux situations ne relevant pas du droit de l'Union européenne sauf à méconnaître le principe d'égalité devant la loi ; que l'effectivité de cette décision parfaitement prévisible suppose qu'elle soit appliquée immédiatement aux faits commis antérieurement qui n'ont pas donné lieu à une condamnation définitive ; que M. [X] ayant dénoncé l'inconventionnalité des doubles poursuites et sanctions fiscales et pénales exercées et prononcées à son encontre pour les mêmes faits, l'arrêt attaqué doit être annulé pour permettre un nouvel examen des faits afin de déterminer si le cumul des sanctions pénales et fiscales prononcées à son encontre est proportionnel à la gravité de l'infraction. » Réponse de la Cour 12. Il résulte de l'article 1741, alinéa 1er, du code général des impôts que quiconque s'est soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt, notamment en dissimulant volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt, à la condition que la dissimulation excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros, est passible de sanctions pénales, indépendamment des sanctions fiscales applicables en vertu de l'article 1729 du même code. 13. La Cour de cassation, appliquant des réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel (Cons. const., 24 juin 2016, décisions no 2016-545 QPC et no 2016-546 QPC, Cons. const., 22 juillet 2016, décision n° 2016-556 QPC et Cons. const., 23 novembre 2018, décision n° 2018-745 QPC), a posé plusieurs conditions au prononcé de sanctions pénales lorsque le prévenu de fraude fiscale a fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale pour les mêmes faits (Crim., 11 septembre 2019, pourvois n° 18-81.067, n° 18-81.040 et n° 18-84.144, publiés au Bulletin). 14. Tirant les conséquences de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne à la suite d'une question préjudicielle qu'elle lui avait transmise (CJUE, arrêt du 5 mai 2022, C-570/20), la Cour de cassation a ajouté à ces exigences, en matière de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, impôt entrant dans le champ de l'Union européenne, et en conséquences soumis à l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux, l'obligation pour le juge pénal, d'une part, lorsque le prévenu justifie avoir fait l'objet, à titre personnel de sanctions fiscales et s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier qu'il était raisonnablement prévisible, au moment où l'infraction a été commise, que celle-ci était susceptible de faire l'objet d'un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale, d'autre part, lorsque le prévenu de fraude fiscale justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale définitivement prononcée pour les mêmes faits, après avoir constaté le montant des pénalités fiscales appliquées, de s'assurer que la charge finale résultant de l'ensemble des sanctions prononcées, quelle que soit leur nature, ne soit pas excessive par rapport à la gravité de l'infraction qu'il a commise (Crim., 22 mars 2023, pourvois n° 19-80.689 et n° 19-81.929, publiés au Bulletin). 15. Ces exigences supplémentaires ne s'imposent pas lorsque le prévenu est poursuivi uniquement pour des faits de fraude fiscale concernant des impôts qui ne sont pas soumis au droit de l'Union. 16. En effet, d'une part, dans cette hypothèse, l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux, dont elles découlent, n'est pas applicable. 17. L'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, qui, selon la réserve émise par la France ne trouve à s'appliquer que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale, ne saurait, le cas échéant, imposer des conditions particulières au cumul de sanctions pénale et fiscale, qui relèvent de deux ordres de juridiction distincts. 18. En conséquence, d'une part, le grief tiré de l'inapplication des exigences posées par la Cour de justice de l'Union européenne en matière de cumul de sanctions pénale et fiscale est inopérant dès lors que M. [X] a été poursuivi pour des faits de fraude relatifs aux seuls impôts sur le revenu et de solidarité sur la fortune. 19. D'autre part, le grief est également inopérant en ce que le requérant ne précise pas le fondement du principe d'égalité devant la loi qu'il invoque et n'a pas déposé de question prioritaire de constitutionnalité invoquant une atteinte audit principe en tant qu'il est énoncé par la Constitution. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] coupable du chef de blanchiment de fraude fiscale après avoir écarté l'exception de prescription de tous les actes antérieurs au 19 décembre 2000, alors « que l'article 9-1 du code de procédure pénale fait courir le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits à compter du jour où l'infraction a été commise ; que, selon l'article 4 de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, ladite loi n'a pas « pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise » ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le délai butoir de 12 ans instauré par l'article 9-1 du code de procédure pénale pour les infractions occultes ou dissimulées est applicable aux enquêtes en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi, dans la mesure où l'action publique n'a pas été mise en mouvement ni exercée, faute de saisine d'un juge du siège – juge d'instruction ou juridiction de jugement avant l'entrée en vigueur de la loi ; que pour écarter la prescription des faits de blanchiment reprochés au prévenu commis antérieurement au 19 décembre 2000 par l'effet de l'application du délai butoir de 12 ans institué à l'article 9-1 du code de procédure pénale par la loi du 27 février 2017, la cour d'appel se borne à affirmer qu'au 1er mars 2017, « date d'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, la prescription n'était pas acquise et le ministère public avait déjà exercé l'action publique en faisant effectuer des actes d'instruction ou d'investigation au cours d'une enquête préliminaire » ; qu'en prononçant ainsi quand l'existence d'actes d'instruction ou d'investigation, interruptifs de prescription, ne pouvait par définition, constituer l'exercice de l'action publique qui n'avait pas été mise en mouvement, faute de saisine d'un magistrat instructeur ou d'une juridiction de jugement antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 4 de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, ainsi que les articles 112-2 4° du code pénal et 8, 9-1 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 21. Aux termes de l'article 9-1, alinéa 2, du code de procédure pénale, entré en vigueur le 1er mars 2017, par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8 du même code, le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l'infraction a été commise. 22. Selon l'article 112-2, 4°, du code pénal, les lois relatives à la prescription de l'action publique sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises. 23. Cependant, aux termes de l'article 4 de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, l'entrée en vigueur des dispositions de ladite loi relatives à la prescription des infractions occultes ou dissimulées ne peut avoir pour effet de prescrire celles qui, au jour de cette entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise. 24. Ce texte doit être interprété restrictivement (Crim., 13 octobre 2020, pourvoi n° 19-87.787, publié au Bulletin). 25. Il s'en déduit, en premier lieu, que les notions de mise en mouvement et d'exercice de l'action publique, qui impliquent la saisine d'une juridiction d'instruction ou de jugement, ne sauraient inclure les actes d'investigation diligentés par le ministère public dans le cadre d'une enquête préliminaire. 26. Il s'en déduit, en second lieu, que ce texte ne saurait être interprété a contrario comme emportant nécessairement la prescription des infractions occultes ou dissimulées apparues avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, plus de douze ans après leur commission, mais qui n'ont pas donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique avant cette date. 27. Cette interprétation stricte du texte est conforme à la volonté du législateur. En effet, il résulte des travaux parlementaires que l'article 4 précité a eu, au contraire, pour seule finalité, selon l'intention du législateur, de prévenir la prescription de certaines infractions occultes ou dissimulées par l'effet de la loi nouvelle. 28. Les dispositions de ce texte ne permettent donc pas de répondre à la question de savoir si l'action publique concernant une infraction apparue avant le 1er mars 2017, plus de douze ans après sa commission, qui a fait l'objet d'actes interruptifs de prescription au sens de l'article 9-2 du code de procédure pénale, sans avoir été mise en mouvement ou exercée avant le 1er mars 2017, doit être considérée comme prescrite. 29. La Cour de cassation juge que l'entrée en vigueur d'une loi ayant pour effet de réduire le délai de prescription de l'action publique ne saurait avoir pour effet de remettre en cause l'interruption de la prescription déjà réalisée à cette date (Crim., 29 avril 1997, pourvoi n° 95-82.669, Bull. crim. 1997, n° 155). 30. Il s'en déduit que, lorsque la prescription d'une infraction occulte ou dissimulée a été régulièrement interrompue avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017 en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, l'institution par ladite loi d'un délai de prescription maximum de douze années révolues à compter du jour où le délit a été commis ne saurait avoir pour effet d'emporter la prescription de l'action publique, quand bien même le premier acte interruptif de prescription serait intervenu plus de douze ans après la date de commission des faits et l'infraction n'aurait pas donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique. 31. En l'espèce, pour écarter le moyen tiré de la prescription des faits antérieurs au 19 décembre 2000, l'arrêt attaqué énonce que la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale est en principe applicable directement à la répression des infractions commises avant son entrée en vigueur, conformément aux dispositions de l'article 112-2, 4°, du code pénal, mais qu'il existe deux exceptions à ce principe, la loi nouvelle n'étant pas applicable lorsque la prescription était déjà acquise au jour de son entrée en vigueur ou lorsque les infractions ont donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique avant son entrée en vigueur, exception prévue à l'article 4 de ladite loi. 32. Il relève que le point de départ du délai de prescription ne pouvait commencer à courir qu'à compter du jour où l'infraction de blanchiment de fraude fiscale avait pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, soit à compter de la plainte de l'administration fiscale du 19 décembre 2012. 33. Les juges ajoutent que ce délai a ensuite été interrompu à plusieurs reprises par les actes des représentants du ministère public ou des enquêteurs, notamment le soit-transmis du parquet de Nanterre diligentant une enquête le 19 décembre 2012 à la suite de la plainte pour fraude fiscale du même jour, le soit-transmis du 9 janvier 2012 diligentant une enquête à la suite de la note d'information de Tracfin du 27 juillet 2011, les procès-verbaux de perquisition du 13 novembre 2014 et les procès-verbaux d'audition du prévenu des 21 et 22 novembre 2016. 34. La cour d'appel en déduit qu'au 1er mars 2017, date d'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, la prescription n'étant pas acquise et le ministère public ayant déjà exercé l'action publique en faisant effectuer des actes d'instruction ou d'investigation au cours d'une enquête préliminaire, ladite loi ne pouvait avoir pour effet de prescrire les infractions reprochées à l'intéressé. 35. C'est à tort que la cour d'appel a considéré que le ministère public avait exercé l'action publique en faisant effectuer des actes d'enquête ou d'investigation. 36. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que les actes d'enquête réalisés, même plus de douze ans après la commission des faits, ont régulièrement interrompu la prescription antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017. 37. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 38. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] coupable de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale en violation du principe ne bis in idem, alors : « 1°/ que des mêmes faits procédant d'une action unique ne peuvent donner lieu à l'encontre du même prévenu à deux déclarations de culpabilité ; qu'en retenant la culpabilité de M. [X] des chefs de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale, pour les mêmes faits de dissimulation volontaire d'une part des sommes sujettes à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune en recourant à des opérations de placement, de dissimulation et de conversion du montant des impôts ainsi éludés, quand la non-déclaration d'actifs à l'étranger et le fait de blanchir, au moyen de ces mêmes actifs, les impôts ainsi éludés procédaient d'une action unique ne pouvant donner lieu à deux déclarations de culpabilité, la cour d'appel a méconnu le principe ne bis idem, tel qu'interprété et défendu par la Chambre criminelle depuis 2016 jusqu'à son arrêt du 15 décembre 2021 ; 2°/ que dans son arrêt du 15 décembre 2021, la Chambre criminelle a affirmé que l'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité est réservée notamment aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'une des qualifications telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou à une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; que le délit de blanchiment de fraude fiscale, qui incrimine le « fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect » du délit de fraude fiscale, correspond à la circonstance aggravante du délit de fraude fiscale, consistant en la réalisation ou facilitation de la fraude par « l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie, ou institution comparable établis à l'étranger » ; qu'en ayant écarté toute violation du principe ne bis in idem tirée du cumul des qualifications de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale sans avoir pu l'examiner au regard du revirement opéré par la Chambre criminelle le 15 décembre 2021, soit postérieurement aux audiences des 15 et 16 novembre 2021, l'arrêt encourt à cet égard encore l'annulation, aux fins de réexamen de la violation invoquée à la lumière de cette évolution jurisprudentielle. » Réponse de la Cour 39. La Cour de cassation juge qu'en cas de poursuites concomitantes, le principe ne bis in idem n'interdit le cumul de qualifications lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-81.864, publié au Bulletin). 40. Pour déclarer le prévenu coupable de fraude fiscale, l'arrêt attaqué, après avoir exposé les éléments relatifs à la disposition de revenus et d'un patrimoine immobilier et mobilier non déclarés au sein ou par l'intermédiaire notamment du trust Cactus aux îles Bahamas et de la société Grayson Holding Ltd, sise aux Iles Vierges britanniques, et à l'utilisation de comptes à l'étranger, en particulier aux Bahamas et en Suisse, permettant d'établir qu'il a perçu en franchise d'imposition, directement ou indirectement, des revenus d'activité ou du patrimoine, constate que M. [X] n'a procédé à aucune déclaration au titre de l'impôt sur le revenu au cours des années 2008 à 2011 et que, de même, les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune, souscrites par le prévenu, au titre des années 2009 à 2012, ne mentionnent pas de patrimoine immobilier et mobilier expressément détenu aux îles Bahamas, au Panama, en Colombie, en Suisse ou dans les Iles Vierges britanniques. 41. Pour écarter la violation du principe ne bis in idem et déclarer le prévenu coupable du chef de blanchiment de fraude fiscale, l'arrêt attaqué énonce notamment que sur le plan matériel et temporel, la fraude fiscale sanctionne le contribuable sous l'angle du dépôt ou de la minoration de déclaration, alors que l'article 324-1 du code pénal, qui réprime le blanchiment, appréhende le comportement du prévenu, sous l'angle de la justification mensongère ou du concours à une opération de placement, dissimulation, conversion, lors d'une période de temps concomitante ou postérieure à l'établissement et au dépôt des déclarations. 42. Il relève que le blanchiment suppose par exemple, en sus et a posteriori, des actes de dissimulation volontaire des sommes sujettes à l'impôt, une multiplication des comptes bancaires appartenant au prévenu destinés à dissimuler les infractions principales ou encore, des montages financiers opaques faisant intervenir plusieurs membres de la famille et des sociétés. 43. Les juges retiennent qu'en l'espèce, le prévenu ne conteste pas avoir ouvert plusieurs comptes à l'étranger, et que la multiplication et les modalités d'ouverture et de fonctionnement de ces comptes bancaires ne s'expliquent que par sa volonté de dissimuler les fraudes fiscales commises. 44. En statuant par ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître le principe ne bis in idem. 45. En effet, d'une part, les déclarations de culpabilité des chefs de fraude fiscale et de blanchiment sont fondées sur des faits distincts, la première infraction étant constituée par l'absence de référence dans les déclarations faites par le prévenu à l'administration fiscale des avoirs détenus à l'étranger, ainsi que des revenus tirés de ces avoirs, tandis que la seconde est caractérisée par des opérations successives de dissimulation du produit de cette fraude, notamment réalisées au travers de l'ouverture et du fonctionnement de comptes bancaires à l'étranger. 46. D'autre part, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'application du principe ne bis in idem au cumul des qualifications de blanchiment de fraude fiscale et fraude fiscale aggravée par la circonstance consistant en la réalisation ou la facilitation de la fraude par l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie, ou institution comparable établis à l'étranger, le prévenu n'étant pas poursuivi de ce chef. 47. Ainsi, le moyen, inopérant en ce qu'il invoque la mise en oeuvre des principes régissant l'application de la loi pénale dans le temps, doit être écarté. Mais sur le huitième moyen Enoncé du moyen 48. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la peine complémentaire de confiscation sur le fondement des dispositions de l'article 131-21, alinéas 3 et 9, du code pénal, s'agissant du produit de l'infraction de blanchiment, en valeur, de dix montres placées sous scellés Dom/Gau/Quatre, Dom/Gau/Six à Dom/Gau/11, Dom/Gau/Treize à Dom/Gau/Quinze, et du solde créditeur du compte CIC Banque transatlantique saisi pénalement, alors : « 1°/ qu'en vertu de l'article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation porte notamment sur les biens qui sont l'instrument, l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime et la confiscation peut être ordonnée en valeur ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien en valeur notamment de préciser quel est le fondement du caractère confiscable du bien auquel le bien confisqué se substitue, et de s'assurer que la valeur de ce bien n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction ; qu'en se bornant à confirmer la peine de confiscation, « s'agissant du produit de l'infraction de blanchiment en valeur » de « dix montres placées sous scellés et du solde créditeur du compte CIC Banque Transatlantique saisi pénalement », après lui avoir substitué un nouveau fondement en visant désormais les articles 131-21 alinéas 3 et 9 du code pénal aux lieu et place des articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du code pénal retenus par les premiers juges, sans davantage s'expliquer sur le caractère confiscable du bien auquel les biens confisqués se substituent, ni rechercher à établir, tant le montant du produit de l'infraction de blanchiment dont elle a déclaré M. [X] coupable, que la valeur totale des biens confisqués, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que toute insuffisance ou contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte en l'espèce des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le chiffrage global des opérations de blanchiment visé à la citation était erroné et que l'absence de chiffrage précis de chaque opération de blanchiment imputée à M. [X] était en tout état de cause sans incidence sur la constitution du délit de blanchiment ; qu'en ordonnant néanmoins la confiscation en valeur du produit de l'infraction de blanchiment, quand il résultait nécessairement des énonciations précitées qu'en l'absence de chiffrage précis pour chaque opération de blanchiment reprochée, le montant total des droits éludés sur l'ensemble de la prévention, compte-tenu des relaxes partielles prononcées, ne pouvait être déterminé, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient, en violation des articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 49. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation porte notamment sur les biens qui sont l'instrument, l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, et la confiscation peut être ordonnée en valeur. 50. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien en valeur notamment de préciser quel est le fondement du caractère confiscable du bien auquel le bien confisqué se substitue, et de s'assurer que la valeur de ce bien n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction. 51. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 52. Pour prononcer la confiscation en valeur du produit de l'infraction portant sur les montres saisies et le solde créditeur du compte détenu par le prévenu auprès de la CIC Banque transatlantique, l'arrêt attaqué énonce qu'il convient de confirmer cette peine sur le fondement des dispositions de l'article 131-21, alinéas 3 et 9, du code pénal, s'agissant du produit de l'infraction de blanchiment en valeur. 53. Les juges ajoutent que, d'une part, s'agissant des montres, celles-ci ont été saisies en perquisition au domicile de M. [X], qui, interrogé par les enquêteurs dans une autre affaire sur l'intérêt de les gager, a expliqué qu'il avait besoin « d'argent officiel », d'autre part, s'agissant du compte bancaire CIC Banque transatlantique, il a accueilli les fonds rapatriés depuis le compte du trust. 54. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 55. En effet, d'une part, elle n'a pas précisé quel était le produit de l'infraction de blanchiment aggravé en répression de laquelle la confiscation était prononcée. 56. D'autre part, elle ne s'est pas assurée que la valeur des biens confisqués n'excédait pas celle de ce produit et, si cette valeur était supérieure, qu'elle était cantonnée à la hauteur de ce produit. 57. La cassation est par conséquent encourue. Et sur le neuvième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 58. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la condamnation de M. [X], solidairement avec Mme [Y], à verser à l'Etat français la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi, outre une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 2°/ que seul le préjudice découlant directement des faits objet de la poursuite peut donner lieu à indemnisation ; que pour confirmer l'allocation à l'Etat d'une somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice subi du chef de blanchiment de fraude fiscale, l'arrêt attaqué affirme que « M. [X] a porté préjudice à l'Etat en jetant le discrédit par son comportement fautif sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l'autorité de l'Etat dans l'opinion publique » ; qu'en statuant ainsi quand le préjudice d'image de l'Etat ainsi invoqué ne résulte pas directement du délit de blanchiment dont le prévenu a été reconnu coupable, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 2 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale : 59. Il résulte de ces textes que l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage directement causé par l'infraction, distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société, dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique. 60. En l'espèce, pour condamner le prévenu à verser à l'État français la somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice, l'arrêt attaqué énonce notamment que l'intéressé a porté préjudice à l'État en jetant le discrédit par son comportement fautif sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l'autorité de l'État dans l'opinion publique. 61. Les juges ajoutent qu'il a également porté préjudice aux engagements internationaux de l'Etat en matière de prévention et de lutte contre le blanchiment. 62. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 63. En effet, la commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n'est pas susceptible de causer à l'Etat un préjudice moral distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l'action publique a pour fonction de réparer. 64. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 65. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines et aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 22 février 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | PRESCRIPTION | 1.) Est inopérant le grief tiré de l'inapplication des exigences posées par la Cour de justice de l'Union européenne en matière de cumul de sanctions pénales et fiscales lorsque le prévenu est poursuivi pour des faits de fraude fiscale relatifs aux seuls impôts sur le revenu et de solidarité sur la fortune, qui n'entrent pas dans le champ du droit de l'Union européenne. 2.) Il se déduit des articles 9-1 du code de procédure pénale, 112-2, 4°, du code pénal et 4 de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, entrée en vigueur le 1er mars de la même année, que lorsque la prescription d'une infraction occulte ou dissimulée a été régulièrement interrompue avant cette date en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, l'institution par ladite loi d'un délai de prescription maximum de douze années révolues à compter du jour ou le délit a été commis ne saurait avoir pour effet d'emporter la prescription de l'action publique, quand bien même le premier acte interruptif de prescription serait intervenu plus de douze ans après la date de commission des faits et l'infraction n'aurait pas donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique. C'est à tort qu'une cour d'appel, pour écarter la prescription d'infractions occultes ou dissimulées apparues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 février 2017, mais plus de douze ans après leur commission, considère que le ministère public a exercé l'action publique avant le 1er mars 2017, conformément à l'article 4 de ladite loi, en faisant effectuer des actes d'enquête ou d'investigation. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure dès lors que les actes d'enquête réalisés, même plus de douze ans après la commission des faits, ont régulièrement interrompu la prescription antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017 |
|||||||||
JURITEXT000048581768 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581768.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 décembre 2023, 22-87.237, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | C2301482 | Cassation partielle | 22-87237 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2022-12-01 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux | M. Bonnal | SARL Delvolvé et Trichet | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01482 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 22-87.237 F-B N° 01482 ODVS 13 DÉCEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 La société Nea Zoi Sailing Nepa MCPY a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 1er décembre 2022, qui, dans l'information suivie contre MM. [X] [N], [HX] [P], [B] [F] [G], [A] [R] [CK], [E] [I], [L] [S], [D] [J], [LJ] [W], [PS] [C], [B] [JB], [Z] [EO] [V], [OW] [M] [KF], [SE] [BC], [K] [RA] [WV], [T] [YV], [H] [FO], [O] [NS], [TI] [ZZ], [H] [GT], et Mmes [U] [EO] [V] et [VI] [ZZ], des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs aggravée et importation de stupéfiants en bande organisée, a confirmé l'ordonnance de gel rendue par le juge d'instruction et a prononcé sur sa demande de restitution d'objet saisi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Nea Zoi Sailing Nepa MCPY, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre de l'information judiciaire diligentée des chefs susvisés, le juge d'instruction a rendu le 5 octobre 2021 une « ordonnance de gel de biens mobiliers susceptibles de confiscation », portant sur le navire Zoi situé en Grèce, appartenant à la société Nea Zoi Sailing Nepa MCPY (la société) et considéré comme ayant servi au transport de produits stupéfiants. 3. Le même jour, le magistrat instructeur a adressé aux autorités grecques un certificat de gel aux fins de reconnaissance et d'exécution de la décision. 4. Le certificat de gel a été notifié le 6 octobre 2021 à la société par les autorités grecques qui ont par ailleurs exécuté la décision de gel. 5. La société a interjeté appel de la décision de gel. 6. Le 3 novembre 2021, elle a par ailleurs saisi le juge d'instruction d'une demande de restitution. 7. Le 19 janvier 2022, elle a directement saisi la chambre de l'instruction d'une telle demande. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, et le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé des moyens 8. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de gel et a rejeté la demande de restitution du voilier présentée par la société Nea Zoi Sailing Nepa MCPY, alors : « 1°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en relevant, pour écarter le moyen de la société Nea Zoi Sailing Nepa Mcpy tiré de la violation des principes du contradictoire et du procès équitable en l'absence de notification de l'ordonnance de gel en même temps que celle du certificat de gel, que, si l'ordonnance de gel n'avait pas été notifiée à la société Nea Zoi, le conseil de celle-ci avait admis dans un courrier du 7 décembre 2021 joint au dossier d'instruction qu'il avait eu accès à ladite ordonnance (arrêt p. 60) cependant qu'il résultait de ses propres constatations que, dans son courrier du 7 décembre 2021, le conseil de l'exposante avait sollicité la copie de l'ordonnance de gel du 5 octobre 2021 dont il avait appris l'existence (arrêt p. 57) et qu'il n'avait pas admis, dès lors, dans ce courrier avoir eu accès à cette ordonnance puisqu'il en demandait copie, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'il résulte de l'article 695-9-3 8° du code de procédure pénale que la personne concernée par la décision de gel, y compris le tiers de bonne foi, doit se voir notifier la décision de gel, contre laquelle elle peut former un recours, en même temps que le certificat de gel ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tiré de la violation des principes du procès équitable et du contradictoire en l'absence de notification de l'ordonnance de gel en même temps que le certificat de gel, que le certificat de gel antérieurement notifié comportait des mentions sur les motifs de la décision de gel, la nature et la qualification juridique des faits la justifiant et le résumé des faits connus de l'autorité judiciaire qui en est l'auteur (arrêt p. 60) cependant que la référence dans le certificat de gel à des éléments de la décision de gel est prévue par le 6° de l'article 695-9-3 et ne saurait pallier l'absence de réalisation de la notification, simultanément au certificat de gel, de la décision de gel elle-même imposée par l'article 695-9-3 8°, la chambre de l'instruction a violé l'article 695-9-3 du code de procédure pénale ; 3°/ que lorsqu'elle statue sur le recours du tiers appelant contre l'ordonnance de gel d'un bien lui appartenant, la chambre de l'instruction ne peut satisfaire aux exigences relatives à l'accès de l'appelant aux pièces auxquelles il peut prétendre en application de l'article 695-9-3 du code de procédure pénale par la seule mention, conforme aux dispositions de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale, selon laquelle le procureur général a déposé le dossier et ses réquisitions écrites au greffe de la chambre de l'instruction pour être tenus à la disposition des avocats des parties et doit énoncer dans ses motifs que le tiers appelant a eu accès à la décision de gel et au certificat de gel ; qu'en se bornant à relever que la société Nea Zoi et son conseil ont eu accès au dossier de la cour et notamment aux réquisitions de M. l'avocat général (arrêt p. 60), la chambre de l'instruction a violé les articles 695-9-3 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » 9. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de gel et a rejeté la demande de restitution du voilier présentée par la société Nea Zoi Sailing Nepa MCPY, alors : « 1°/ que l'article 99-2 alinéa 2 du code de procédure pénale, prévoyant que le juge d'instruction peut ordonner, sous réserve des droits des tiers, de remettre à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, en vue de leur aliénation, des biens meubles placés sous main de justice, dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien, n'est applicable qu'à l'exécution en France d'une décision de gel prise par les autorités étrangères et ne l'est pas à l'exécution à l'étranger d'une décision de gel prise par les autorités judiciaires françaises ; qu'en retenant, pour répondre à l'argumentation de la société Nea Zoi Sailing Nepa Mcpy faisant valoir que le juge d'instruction français ne pouvait demander aux autorités grecques de vendre le voilier Zoi, que l'article 99-2 du code de procédure pénale n'exclut pas, dans sa version postérieure à la loi du 3 juin 2016, l'aliénation d'un bien n'appartenant pas aux personnes poursuivies (arrêt p. 62), la chambre de l'instruction a violé par fausse application l'article 99-2 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'article 28 du règlement 2018/1805 prévoit que la gestion des biens gelés et confisqués est régie par le droit de l'État d'exécution et que les autorités de l'Etat d'exécution peuvent décider de l'aliénation du bien gelé pour prévenir sa dépréciation ; qu'en déduisant de l'article 28 du règlement 2018/1805 qu'elle ne pouvait que confirmer la décision d'autorisation faite aux autorités grecques compétentes, pour le compte des autorités françaises, de procéder à la vente du voilier avant jugement (arrêt p. 62) cependant qu'en vertu de ce texte, la gestion des biens gelés et confisqués est régie par le droit grec et que les autorités grecques avaient seule compétence pour décider la vente de ce bien, la chambre de l'instruction a violé ce texte ; 3°/ qu'il résulte de l'article 695-9-3 du code de procédure pénale que la personne concernée par la décision de gel, y compris le tiers de bonne foi, doit se voir notifier la décision de gel, contre laquelle il peut former un recours, en même temps que le certificat de gel ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité du gel en l'absence de notification de la décision de gel simultanément au certificat de gel (mémoire n° 1 p. 11 et mémoire n° 2 p. 18), qu'il ne résulte d'aucun texte que la décision de gel doive être notifiée en même temps que le certificat de gel (arrêt p. 62), la chambre de l'instruction a violé l'article 695-9-3 du code de procédure pénale ; 4°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité du gel en l'absence de notification de la décision de gel simultanément au certificat de gel, que si le certificat de gel a pu être notifié à la société Nea Zoi se présentant comme propriétaire du bateau Zoi dès le 6 octobre 2021 par les autorités grecques, une telle notification n'impliquait pas nécessairement que le juge d'instruction ait été informé de la prétendue qualité de propriétaire du navire par la société Nea Zoi (arrêt p. 62) cependant qu'en vertu des articles 695-9-3 et 695-9-6 du code de procédure pénale, l'Etat d'émission transmet ensemble la décision de gel et le certificat de gel à l'Etat d'exécution et qu'il incombait aux autorités de l'Etat d'exécution, soit aux autorités grecques, de notifier le 6 octobre 2021 en même temps que le certificat de gel la décision de gel, la chambre de l'instruction, qui s'est prononcée par un motif inopérant constatant l'impossibilité pour le juge d'instruction français de notifier l'ordonnance de gel, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes susvisés, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la société Nea Zoi Sailing Nepa Mcpy a fait valoir dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, au soutien de l'irrégularité de la saisie, que le certificat de gel ne contenait pas certaines des mentions requises relatives à la désignation du propriétaire du bien saisi, à l'identité de la ou des personnes physiques ou morales soupçonnées d'avoir commis l'infraction ou qui ont été condamnées et qui sont visées par la décision de gel et aux voies de recours contre la décision de gel pour les personnes concernés, à la désignation de la juridiction devant laquelle ledit recours peut être introduit et au délai dans lequel celui-ci peut être formé (mémoire n°1 appel de l'ordonnance de gel p. 8-9 et mémoire n° 2 p. 16-17) ; qu'en ne répondant à ces articulations essentielles du mémoire de l'exposante, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 695-9-3 et 593 du code de procédure pénale. » 10. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de gel et a rejeté la demande de restitution du voilier présentée par la société Nea Zoi Sailing Nepa MCPY, alors : « 1°/ que lorsque la chambre de l'instruction s'appuie, pour justifier une mesure de saisie pénale, sur des pièces précisément identifiées de la procédure, elle est tenue de s'assurer que celles-ci ont été communiquées à l'appelant ; que la même exigence s'impose nécessairement lorsque la chambre de l'instruction statue sur l'appel d'une ordonnance de gel prise en application de l'article 695-9-1 du code de procédure pénale ; qu'en relevant, pour retenir que la société Nea Zoi ne pouvait exciper de sa bonne foi, que les 27 et 29 janvier 2020, [X] [MN], qui se disait représentant légal de Altamira Trading SA et propriétaire du voilier Kerafnos, a adressé plusieurs courriels à la marina de [Localité 1] dans le but de récupérer le voilier, que [DO] [Y] s'est également présenté par la suite à la marina de [Localité 1] en possession d'un pouvoir signé de [X] [MN] et de documents d'identité à son nom et au nom de celui-ci pour récupérer le voilier et que les vérifications menées sur les documents d'identité ont mis en évidence qu'il s'agissait de faux documents (arrêt p. 62) et que compte tenu des revendications dont le navire a fait l'objet sous de fausses identités, il résultait que les circonstances douteuses de l'acquisition du voilier Kerafnos par la société Nea Zoi ont été précédées et suivies par des manoeuvres frauduleuses (arrêt p. 63) et se fondant ainsi dans des motifs décisoires sur des pièces précisément identifiées de la procédure dont elle ne s'est pas assurée qu'elles avaient été communiquées à l'appelante, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 11. Les moyens sont réunis. 12. Les moyens, qui critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de gel rendue par le juge d'instruction, sont irrecevables. 13. En effet, il résulte de l'article 2 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation, que la décision de gel est une décision émise ou validée par une autorité d'émission dans le but d'empêcher la destruction, la transformation, le déplacement, le transfert ou la disposition de biens en vue de permettre leur confiscation. 14. Il s'en déduit que la décision de gel constitue une notion autonome du droit de l'Union européenne qui correspond, dans l'ordre juridique interne, à une décision de saisie pénale destinée à garantir l'exécution de la confiscation du bien objet de la mesure. 15. Or, en l'espèce, la décision de saisie du juge d'instruction, en ce qu'elle porte sur un bien meuble corporel confiscable comme étant susceptible d'être l'instrument des faits objet de l'information, s'analyse en un acte d'instruction prévu par l'article 97 du code de procédure pénale. En conséquence, la régularité de la saisie ne peut être contestée par la voie de l'appel. Il appartient aux parties, lorsqu'elles contestent la régularité de la saisie, de saisir la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de celle-ci, dans les conditions des articles 173 et suivants du code de procédure pénale. Il est par ailleurs loisible à la personne mise en examen, à la partie civile ou à toute autre personne qui prétend avoir droit sur l'objet saisi, de saisir le juge d'instruction d'une requête aux fins de restitution de celui-ci sur le fondement de l'article 99 du code de procédure pénale. 16. En conséquence, l'appel interjeté par la société était irrecevable, de sorte qu'il en est de même des moyens qui critiquent l'arrêt en ce qu'il a rejeté les moyens pris de l'irrégularité de la saisie. Mais sur le moyen soulevé d'office et mis dans le débat 17. Vu l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme : 18. Il résulte de ce texte, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que, si ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, les intéressés doivent bénéficier d'une procédure équitable, qui comprend le droit au caractère contradictoire de l'instance. 19. Il s'en déduit que la chambre de l'instruction directement saisie d'une demande de restitution d'objet saisi présentée par un tiers est tenue de s'assurer, si la saisie a été opérée entre ses mains ou s'il justifie être titulaire de droits sur le bien dont la restitution est sollicitée, que lui ont été communiqués en temps utile, outre les procès-verbaux de saisie ou, en cas de saisie spéciale, les réquisitions aux fins de saisie et l'ordonnance de saisie, les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires. 20. Les mentions de l'arrêt doivent énoncer que le tiers requérant a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie et, le cas échéant, aux pièces précisément identifiées sur lesquelles la chambre de l'instruction se fonde pour justifier le rejet de la demande de restitution dans ses motifs décisoires, ainsi qu'identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général, auquel l'article 194, alinéa 1er, du code de procédure pénale confie la mise en état de l'affaire, chacune des pièces mises à la disposition de l'avocat du tiers requérant. 21. Pour confirmer la saisie, l'arrêt retient, après avoir constaté que le procureur général a déposé le dossier au greffe de la chambre de l'instruction et y a joint ses réquisitions écrites pour être tenues à la disposition des avocats, que l'ordonnance de gel n'a pas été notifiée à la société requérante, mais que l'avocat de celle-ci a admis dans un courrier du 7 décembre 2021 qu'elle avait eu accès à l'ordonnance. 22. Les juges ajoutent que le certificat de gel comporte de nombreuses mentions notamment les motifs de la décision de gel, la nature et la qualification juridique des faits qui la justifie, ainsi que le résumé des faits connus de l'autorité judiciaire qui en est l'auteur. 23. Ils énoncent enfin que la société requérante et son conseil ont eu accès au dossier de la cour et aux réquisitions de l'avocat général. 24. En se déterminant ainsi, sans énoncer que la société s'était vue communiquer l'ordonnance de gel dans les conditions de l'article 197 du code de procédure pénale, ni identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général, chacune des pièces mises à la disposition de l'avocat de cette société, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés. 25. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 1er décembre 2022, mais en ses seules dispositions rejetant la demande de restitution, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | INSTRUCTION | Il résulte de l'article 2 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation, que la décision de gel constitue une notion autonome du droit de l'Union européenne qui correspond, dans l'ordre juridique interne, à une décision de saisie pénale de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal. En conséquence, est irrecevable l'appel interjeté à l'encontre de la décision de gel prise par le juge d'instruction lorsqu'elle porte sur un bien meuble corporel confiscable comme étant susceptible d'être l'instrument des faits objet de l'information, cette décision ayant, dans l'ordre juridique interne, la nature d'un acte d'instruction prévu par l'article 97 du code de procédure pénale et dont la régularité ne peut être contestée par la voie de l'appel, mais selon la procédure prévue par les articles 173 et suivants du code de procédure pénale |
|||||||||
JURITEXT000048581770 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581770.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 13 décembre 2023, 23-83.893, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | C2301487 | Cassation | 23-83893 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-04-27 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon | M. Bonnal | SCP Waquet, Farge et Hazan | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01487 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 23-83.893 F-B N° 01487 ODVS 13 DÉCEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Lyon a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 27 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre MM. [Y] [I], [B] [H], [T] [P], [Z] [P] et [E] [F] des chefs de contrebande et détention sans justification de tabac aggravées, importation et détention de marchandises contrefaisantes et, s'agissant de MM. [H] et [T] [P], des chefs d'association de malfaiteurs et blanchiment, a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 28 juillet 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [Y] [I], [B] [H], [Z] [P] et [E] [F], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. À la suite d'un renseignement anonyme faisant état d'un trafic de cigarettes dans la région Rhône-Alpes, les services des douanes ont mis en place le 28 juin 2021 un dispositif de surveillance dans une zone industrielle située dans l'Ain. Pendant plusieurs jours, les agents ont observé un entrepôt paraissant servir de lieu de stockage de tabac de contrebande. 3. Le 8 juillet 2021, les agents des douanes ont procédé au contrôle de deux véhicules sortant de l'entrepôt. L'un des véhicules contenait des cigarettes de contrebande. Les deux conducteurs, MM. [E] [F] et [Y] [I], ont été placés en retenue douanière et la fouille de l'entrepôt a permis la découverte de cigarettes et de tabac de contrebande en grande quantité. 4. Une information judiciaire a été ouverte et MM. [F] et [I], ainsi que MM. [B] [H], [Z] [P] et [T] [P], ont été mis en examen des chefs susmentionnés. 5. MM. [I], [F] et [Z] [P] ont, par trois requêtes déposées au greffe de la chambre de l'instruction respectivement les 7 janvier, 10 janvier et 8 juin 2022, sollicité l'annulation des opérations de surveillance douanière, des retenues douanières de MM. [F] et [I] et de l'ensemble des actes subséquents. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat Vu l'article 67 bis, I, du code des douanes : 6. Aux termes de ce texte, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, sans préjudice de l'application des dispositions des articles 60, 61, 62, 63, 63 bis, 63 ter et 64 du même code, afin de constater les délits douaniers, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret peuvent procéder sur l'ensemble du territoire national, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, à la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'être les auteurs d'un délit douanier ou d'y avoir participé comme complices ou intéressés à la fraude au sens de l'article 399 du même code. 7. Pour faire droit aux conclusions des mis en examen tendant à l'annulation de la procédure douanière et des actes subséquents, l'arrêt attaqué retient que les agents des douanes ont procédé, à la suite d'un renseignement anonyme dénonçant un trafic de cigarettes, à une opération de surveillance sur la commune de [Localité 1] dans l'Ain, surveillance réalisée sur la voie publique avec des prises de vue photographiques. 8. Les juges ajoutent que, lors de ces surveillances, qui ont eu lieu sur plusieurs jours entre le 28 juin et le 8 juillet 2021, les agents ont pu observer le transport, la manutention et le stockage de cartons pouvant contenir des cartouches de cigarettes ainsi que d'objets dont la forme était celle de cartouches de cigarettes. 9. Ils en déduisent que le service des douanes a procédé à une surveillance pendant plusieurs jours de personnes contre lesquelles il existait une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'être les auteurs d'un délit douanier. 10. Ils en concluent que le contrôle des deux véhicules conduits par deux des personnes mises en examen, effectué le 8 juillet 2021 par les agents des douanes, alors que ces véhicules venaient de quitter l'entrepôt surveillé, a été réalisé en méconnaissance des dispositions de l'article 67 bis, I, du code des douanes, le procureur de la République n'ayant pas été préalablement informé des surveillances réalisées à compter du 30 juin 2021. 11. En se déterminant ainsi, alors que les dispositions de l'article 67 bis, I, du code des douanes n'étaient pas applicables à l'espèce dès lors qu'il n'est pas prétendu que les agents des douanes auraient agi en dehors des limites de leur compétence territoriale, peu important la nature des opérations de surveillance réalisées, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 12. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens du pourvoi, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 avril 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | DOUANES | Les dispositions de l'article 67 bis, I, du code des douanes ne s'appliquent que si les agents des douanes ont agi en dehors des limites de leur compétence territoriale, peu important la nature des opérations de surveillance réalisées |
|||||||||
JURITEXT000048581772 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581772.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 décembre 2023, 23-85.651, Publié au bulletin | 2023-12-12 00:00:00 | Cour de cassation | C2301591 | Cassation sans renvoi | 23-85651 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-09-15 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy | M. Bonnal (président) | SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01591 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 23-85.651 F-B N° 01591 MAS2 12 DÉCEMBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 DÉCEMBRE 2023 M. [L] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 15 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes, en récidive, vol avec arme et tentative, vol en bande organisée, vol en réunion, recel, destruction par un moyen dangereux, association de malfaiteurs et évasion, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [B], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [L] [B], placé en détention provisoire par décision du 7 février 2022, a été renvoyé devant la cour d'assises par arrêt de la chambre de l'instruction du 24 novembre 2022. 3. Il a formé une demande de mise en liberté enregistrée au greffe de la chambre de l'instruction le 11 juillet 2023. 4. Par arrêt du 28 juillet 2023, la chambre de l'instruction a ordonné une expertise médicale de M. [B], afin de déterminer si son état de santé était compatible avec son maintien en détention provisoire, et renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 14 septembre 2023. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens invoqués à l'appui de la demande de mise en liberté formée par M. [B] et rejeté celle-ci, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 148-2 du Code de procédure pénale que lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 de ce Code, sur une demande de mise en liberté formée par une personne maintenue en détention par une ordonnance de mise en accusation et qui se trouve en attente de sa comparution devant la Cour d'assises, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours fixé par ce texte, lequel n'est pas susceptible de prolongation, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire de l'intéressé ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constats de la Chambre de l'instruction que Monsieur [B], mis en accusation devant la Cour d'assises et maintenu en détention par arrêt de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Nancy du 24 novembre 2022, a formé une demande de mise en liberté le 10 juillet 2023, que par arrêt du 28 juillet 2023, la Chambre de l'instruction s'est bornée à ordonner, avant-dire droit, une expertise médicale, que ce n'est que par arrêt du15 septembre 2023 que la Chambre de l'instruction a statué sur la demande de mise en liberté, pour la rejeter ; qu'en statuant, ainsi, après l'expiration du délai qui lui était imparti par la loi pour ce faire, la Chambre de l'instruction a violé les articles 148-1, 148-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 148-2 du code de procédure pénale : 6. Il résulte de ce texte que, lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 du code de procédure pénale, sur une demande de mise en liberté formée par un accusé, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours qu'il fixe, non susceptible de prolongation, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire, l'intéressé, s'il n'est pas détenu pour autre cause, étant mis d'office en liberté. 7. En l'espèce, par arrêt avant dire droit, la chambre de l'instruction a ordonné une expertise médicale, renvoyé l'examen de l'affaire, puis rejeté la demande de mise en liberté par arrêt du 15 septembre 2023. 8. Dès lors qu'elle n'a pas statué sur la demande dont elle était saisie avant l'expiration du délai lui étant imparti par la loi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 9. En effet, ce délai ne peut être prolongé même lorsque cette juridiction ordonne une expertise afin de déterminer si l'état de santé de la personne détenue est compatible avec son maintien en détention au sens de l'article 147-1 du code de procédure pénale. 10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief. Portée et conséquences de la cassation 11. M. [B] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause. 12. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code. 13. En l'espèce, M. [B] ayant été renvoyé devant la cour d'assises par décision devenue définitive, il existe dès lors contre lui des charges suffisantes d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés. 14. Une mesure de contrôle judiciaire est indispensable aux fins de : - empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices dans l'attente de l'audience criminelle ; - empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille dans l'attente de l'audience criminelle ; - garantir le maintien de l'accusé à la disposition de la justice, en ce qu'un mandat d'arrêt a dû être délivré après que M. [B] s'est enfui de garde à vue et a résidé durant plusieurs mois à l'étranger, muni de faux documents d'identité. 15. Afin d'assurer ces objectifs, M. [B] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 16. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy est compétente pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. 17. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 15 septembre 2023 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [B] est détenu sans titre depuis le 1er août 2023 dans la présente procédure ; ORDONNE la mise en liberté de M. [B] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [B] ; DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : - ne pas sortir des limites territoriales suivantes : la commune de [Localité 5] (25), sauf pour se rendre à la brigade de gendarmerie de [Localité 4] (25) ou répondre aux convocations de justice ; - fixer sa résidence au [Adresse 3], et ne s'en absenter que dans les conditions suivantes : du lundi au vendredi, entre 7 heures et 20 heures ; les samedis, dimanche et jours fériés, entre 10 heures et 16 heures ; - se présenter le premier jour ouvrable suivant sa mise en liberté effective, et ensuite tous les jours, à la brigade de gendarmerie de [Localité 4], [Adresse 2] ; - remettre, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, à la brigade de gendarmerie de [Localité 4], [Adresse 1], les documents justificatifs de l'identité suivants : sa carte nationale d'identité et son passeport ; - s'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [Y] [X], [D] [M], [H] [K], [S] [J], [T] [B] [A] [C], [O] [V], [G] [Z], [F] [I], [W] [I] et [E] [P] ; - ne pas détenir ou porter une arme ; DESIGNE pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessous, le commandant de la brigade de gendarmerie de [Localité 4], [Adresse 2] ; DESIGNE la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille vingt-trois. | CHAMBRE DE L'INSTRUCTION | ||||||||||
JURITEXT000048581780 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581780.xml | ARRET | Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 10 octobre 2023, 23-80.868, Publié au bulletin | 2023-10-10 00:00:00 | Cour de cassation | C2301133 | Cassation | 23-80868 | oui | CHAMBRE_CRIMINELLE | 2023-01-24 | Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers | M. Bonnal (président) | SCP Célice, Texidor, Périer | ECLI:FR:CCASS:2023:CR01133 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 23-80.868 F-B N° 01133 MAS2 10 OCTOBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 OCTOBRE 2023 M. [N] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 24 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, blanchiment, travail dissimulé, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 17 avril 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [M], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Les services de police ont été informés de l'implication possible de M. [N] [M] dans un trafic d'héroïne et de résine de cannabis. 3. Dans le cadre d'une enquête préliminaire, le juge des libertés et de la détention a autorisé la mise en place de dispositifs de sonorisation ou de captation d'images dans divers véhicules. 4. M. [M] a été mis en examen des chefs susvisés le 14 mai 2022. 5. Le 14 novembre 2022, il a formé une requête en annulation de pièces de la procédure auprès du greffe de la chambre de l'instruction. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par la défense et dit que la cour a examiné les cotes D. 1 à D. 1030 et n'y a pas trouvé de cause de nullité, alors « qu'est nulle, faute d'avoir été régulièrement motivée par référence précise et circonstanciée aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la mise en oeuvre d'un dispositif de sonorisation d'un véhicule qui, pour tous motifs, se contente de viser, sans la reprendre, la motivation de la requête du ministère public ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que, pour autoriser la mise en place d'un dispositif de sonorisation sur le véhicule Fiat Ducato immatriculé [Immatriculation 1], le juge des libertés et de la détention s'est borné à énoncer que « les nécessités de l'enquête justifient d'autoriser les mesures demandées par le parquet pour les motifs indiqués dans la requête que nous adoptions » ; que la défense était dès lors fondée à invoquer l'irrégularité de cette ordonnance ; qu'en retenant, pour dire régulière l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, que la requête du procureur de la République ait été « parfaitement motivée aux regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure », quand l'ordonnance litigieuse ne comporte en elle-même ni ne reproduit aucun motif qui, au regard des éléments précis et circonstanciés de la procédure, justifiait la nécessité de la sonorisation ainsi autorisée, la Chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs impropres à caractériser que l'ordonnance litigieuse était motivée par référence précise et circonstanciée aux éléments de fait et de droit justifiant que cette mesure était nécessaire, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 706-95-13, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 706-95-11, 706-95-12, 706-95-13 et 706-96 du code de procédure pénale : 8. Selon ces textes, l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention autorise la mise en place d'un dispositif de sonorisation ou de captation d'images dans certains lieux ou véhicules doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. 9. Pour rejeter l'irrégularité, tirée du défaut de motivation par référence aux éléments du dossier, de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la sonorisation du véhicule Fiat Ducato immatriculé [Immatriculation 1], l'arrêt attaqué énonce que la requête à cette fin du procureur de la République est parfaitement motivée au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure. 10. Les juges retiennent que, par conséquent, le juge des libertés et de la détention était fondé à motiver sa décision par adoption expresse des motifs développés dans la requête du ministère public. 11. Ils observent que, dans la mesure où l'ordonnance d'autorisation n'a pas vocation à lui être notifiée, sa motivation par adoption des motifs de la requête ne privera pas la personne concernée, après sa mise en examen et l'accès subséquent au dossier de la procédure, de la faculté de consulter ces documents pour connaître les raisons ayant déterminé le juge des libertés et de la détention à la délivrer. 12. En se déterminant ainsi, alors que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui ne vise que les motifs de la requête en les adoptant, ne contient aucune motivation justifiant la nécessité de la mesure de sonorisation qu'elle autorise, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 13. La cassation est par conséquent encourue. Et sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par la défense et dit que la cour a examiné les cotes D. 1 à D. 1030 et n'y a pas trouvé de cause de nullité, alors « que le juge des libertés et de la détention qui entend faire droit à la demande d'autorisation de mise en oeuvre d'un dispositif de sonorisation d'un véhicule privé dont il est saisi doit d'une part autoriser la mise en oeuvre du dispositif et d'autre part autoriser l'introduction des enquêteurs dans ce véhicule, lorsque le dispositif doit être mis en place à l'intérieur ; que si l'ordonnance du juge des libertés et de la détention se borne à autoriser la mise en place d'un dispositif de captation des paroles prononcées par des personnes dans un véhicule privé, sans autoriser les enquêteurs à pénétrer dans ce véhicules, alors cette mesure ne peut être mise en oeuvre par le biais d'une telle introduction illicite ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que contrairement à l'ordonnance ayant autorisé la mise en oeuvre d'un dispositif de sonorisation dans le véhicule Fiat Ducato immatriculé [Immatriculation 1], les ordonnances relatives aux mesures de sonorisation des véhicules Renault Captur immatriculé [Immatriculation 2], Audi A3 immatriculé [Immatriculation 4] et Renault Clio immatriculé [Immatriculation 3] n'autorisaient pas les enquêteurs à s'introduire dans lesdits véhicules ; que la défense était donc fondée à solliciter l'annulation de ces mesures, dès lors que les policiers avaient, pour mettre en oeuvre les dispositifs litigieux, pénétré dans l'habitacle desdits véhicules ; qu'en retenant, pour écarter cette irrégularité, que « l'enquêteur peut, sans autorisation, mettre en place le dispositif technique à l'intérieur d'un véhicule public ou dans un lieu public. Il en va de même, s'agissant d'un véhicule privé ou d'un lieu privé, dès lors qu'il n'est pas nécessaire de pénétrer à l'intérieur du véhicule privé ou du lieu privé », de sorte que « quand l'autorisation du juge des libertés est requise pour un véhicule privé, cette autorisation a nécessairement pour objet de pouvoir s‘'introduire à l'intérieur dudit véhicule », quand la sonorisation d'un véhicule n'est possible, dans le cadre d'une enquête, que sur autorisation du juge des libertés et de la détention, ainsi que le prévoit l'article 706-95-12 du Code de procédure pénale, de sorte que l'autorisation visée à l'article 706-96-1 du même Code constitue donc bien une autorisation supplémentaire spécifique, qui vise à permettre l'introduction des enquêteurs dans le véhicule privé objet de la mesure, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 706-95-12, 706-96, 706-96-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 706-96 et 706-96-1 du code de procédure pénale : 15. Il résulte de ces textes qu'en vue de mettre en place un dispositif technique destiné à la sonorisation ou la captation d'images dans certains lieux ou véhicules, le juge des libertés et de la détention qui a prescrit une telle mesure peut également autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59 du même code, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. 16. Pour rejeter l'irrégularité, tirée du défaut de telles autorisations dans le corps de trois ordonnances autorisant des mesures de sonorisation, l'arrêt attaqué énonce qu'il s'induit des dispositions des articles précités qu'un enquêteur peut, sans autorisation, mettre en place le dispositif technique à l'intérieur d'un véhicule public ou dans un lieu public. 17. Les juges relèvent qu'il en va de même, s'agissant d'un véhicule privé ou d'un lieu privé, dès lors qu'il n'est pas nécessaire d'y pénétrer. 18. Ils retiennent que, dès lors que l'autorisation est requise pour un véhicule privé, elle a nécessairement pour objet de pouvoir s'introduire à l'intérieur de celui-ci. 19. Ils en déduisent, dès lors qu'il est précisé dans chacune des ordonnances qu'il s'agit d'un véhicule utilisé à titre privé, que ces décisions valent autorisation pour les services enquêteurs de pénétrer à l'intérieur de chacun de ces véhicules pour installer le dispositif de sonorisation. 20. En se déterminant ainsi, alors que l'autorisation dérogatoire prévue à l'article 706-96-1 du code de procédure pénale doit être expresse et ne saurait s'induire du caractère privé du véhicule concerné par la mesure de sonorisation, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 21. La cassation est par conséquent de nouveau encourue. Portée et conséquences de la cassation 22. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté les moyens de nullité visant l'autorisation de la mesure de sonorisation du véhicule Fiat Ducato et la mise en oeuvre des mesures de sonorisation des véhicules Renault Captur, Audi A3 et Renault Clio. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 24 janvier 2023, mais en ses seules dispositions ayant rejeté les moyens de nullité visant l'autorisation de la mesure de sonorisation du véhicule Fiat Ducato et la mise en oeuvre des mesures de sonorisation des véhicules Renault Captur, Audi A3 et Renault Clio, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-trois. | CRIMINALITE ORGANISEE | ||||||||||
JURITEXT000048389680 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389680.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 22-22.524, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 52302025 | Rejet | 22-22524 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-10-18 | Tribunal judiciaire de Cherbourg | M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02025 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2025 F-B Pourvoi n° N 22-22.524 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Orano recyclage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement situé site de [Adresse 12], a formé le pourvoi n° N 22-22.524 contre le jugement rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Cherbourg (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie, dont le siège est [Adresse 10], ayant un établissement dont le siège est [Adresse 9], 2°/ au syndicat national du nucléaire de la métallurgie CFDT, Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 3], 3°/ au syndicat national du nucléaire et des activités connexes CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 4], 4°/ au syndicat CGT Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 5], 5°/ au syndicat Force Ouvrière Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 6], 6°/ au syndicat SUD Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 7], 7°/ au syndicat UNSA/SPAEN Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 8], 8°/ au syndicat CFTC Union départementale de La Manche, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Orano recyclage, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Cherbourg, 18 octobre 2022), les 16 et 18 mai 2022, la société Orano recyclage (la société) a engagé, pour son établissement de [Localité 11], un processus de négociation préélectorale en vue des élections des membres du comité social et économique, devant se dérouler les 4 et 19 octobre 2022. 2. Parmi les sept organisations syndicales invitées à la négociation, seules deux d'entre elles ont signé, le 12 juillet 2022, le protocole d'accord préélectoral. 3. Le 13 juillet 2022, la société a saisi le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) de Normandie afin qu'il fixe la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux pour les élections du comité social et économique de l'établissement de [Localité 11]. 4. Cette demande a été rejetée par décision du 15 septembre 2022, aux motifs essentiellement de l'absence de la part de l'employeur d'une tentative loyale de négociation d'un protocole d'accord préélectoral. 5. Par requête déposée le 3 octobre 2022, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annuler la décision de l'autorité administrative du 15 septembre 2022 et de fixer la répartition des salariés et des sièges entre les collèges électoraux. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société fait grief au jugement de constater la prorogation des mandats des élus du comité social et économique de l'établissement de [Localité 11] arrivant à expiration le 19 octobre 2022, jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin, alors : « 1°/ que le tribunal judiciaire statuant sur le recours contre la décision de l'autorité administrative saisie en vue de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux n'a pas le pouvoir de statuer sur la prorogation des mandats en cours ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire, saisi par l'employeur d'un recours contre la décision de la Dreets ayant refusé de statuer sur la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux, a constaté" la prorogation des mandats des élus du comité social et économique de l'établissement de [Localité 11] de la société Orano recyclage arrivant à expiration le 19 octobre 2022, jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin ; qu'en statuant de la sorte, il a violé l'article L. 2314-13 du code du travail ; 2°/ que le mécanisme de prorogation des mandats prévu par l'article L. 2314-13, alinéa 4 du code du travail n'est pas applicable lorsque l'autorité administrative a refusé de trancher la question de la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux ; qu'en pareil cas, la prorogation des mandats ne peut intervenir qu'en présence d'un accord unanime ; qu'en l'espèce, il résulte du jugement que la Dreets a, par décision du 15 septembre 2022, refusé de statuer sur la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux ; qu'en jugeant cependant que compte tenu des dispositions non sujettes à interprétation de l'article L. 2314-13 du code du travail, la saisine de la Dreets avait entraîné la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin malgré l'absence d'accord de prorogation unanimement ratifié, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé ; 3°/ que le tribunal judiciaire ne peut constater la prorogation des mandats en cours en l'absence de convocation à l'audience des élus concernés ; qu'en constatant la prorogation des mandats des élus du comité social et économique de l'établissement de [Localité 11] de la société Orano recyclage arrivant à expiration le 19 octobre 2022, sans avoir convoqué ces élus, le tribunal judiciaire a violé l'article 14 du code de procédure civile et l'article R. 2314-25 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article L. 2314-13 du code du travail, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Cet accord mentionne la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral. Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l'autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2314-12, soit, à défaut d'accord, à celles prévues à l'article L. 2314-11. La saisine de l'autorité administrative suspend le processus électoral jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. 8. Il en résulte que lorsque l'autorité administrative a été saisie pour fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux, les mandats des élus en cours sont prorogés de plein droit jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. 9. En l'espèce, le tribunal a relevé que les mandats des élus, venant à expiration le 19 octobre 2022, étaient en cours lors de la saisine par l'employeur, le 13 juillet 2022, de l'autorité administrative aux fins de déterminer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux en vue des élections des membres du comité social et économique de l'établissement de [Localité 11]. 10. C'est par conséquent sans encourir les critiques du moyen qu'il a constaté que la saisine de l'autorité administrative avait entraîné la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité social et économique - Collèges électoraux - Répartition des sièges et des électeurs - Accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées - Défaut - Saisine de l'autorité administrative - Effets - Mandats des élus en cours - Prorogation de plein droit jusqu'aux résultats du scrutin | Il résulte de l'article L. 2314-13 du code du travail que lorsque l'autorité administrative a été saisie pour fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux, les mandats des élus en cours sont prorogés de plein droit jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin |
|||||||||
JURITEXT000048389682 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/38/96/JURITEXT000048389682.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 22-17.919, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 52302036 | Rejet | 22-17919 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-04-20 | Cour d'appel de Versailles | M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02036 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2036 F-B Pourvoi n° H 22-17.919 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La Société nationale industrielle et minière (SNIM), dont le siège est [Localité 1], (Mauritanie), ayant un bureau de représentation en France situé [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 22-17.919 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2022 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [S], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Société nationale industrielle et minière, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [S] et l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-19.446), Mme [S] a été engagée en qualité de secrétaire de direction par la Société nationale industrielle et minière (la SNIM) le 13 novembre 1995. Elle a exercé des mandats de représentant du personnel et de représentant syndical à compter de l'année 2000. Elle est conseiller prud'homme depuis l'année 2002 et son mandat a été renouvelé en 2018. 2. Le 3 septembre 2010, invoquant une inégalité de traitement et une discrimination syndicale, la salariée et l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5] (le syndicat) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes. 3. La salariée a été licenciée pour motif économique le 22 septembre 2014, après autorisation ministérielle du 20 août 2014, annulée par jugement du tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2015, devenu définitif. 4. Par arrêt du 9 mai 2017, la cour d'appel de Versailles, statuant en référé, a ordonné la réintégration de la salariée. 5. Celle-ci, invoquant son absence de réintégration, a complété ses demandes en sollicitant la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. 6. Par arrêt du 17 mai 2019, la cour d'appel de Versailles a notamment prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et a dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a débouté la salariée de sa demande présentée au titre de la violation du statut protecteur. 7. Par arrêt du 17 mars 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et déboute la salariée de sa demande au titre de la violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 17 mai 2019. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 234 831 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors : « 1°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent ; que faute pour l'employeur de satisfaire à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; que cependant le salarié ne peut pas prétendre, dans cette hypothèse particulière, à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, mais seulement à une indemnité qui est fonction du préjudice subi ; qu'en jugeant cependant que "le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois", la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil ; 3°/ que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'un salarié protégé, dont la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de l'inexécution par l'employeur de son obligation de procéder à la réintégration dans son poste ou un poste équivalent est accueillie, a droit, au titre de méconnaissance de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois ; que la date de son éviction est celle du licenciement annulé, le salarié n'ayant pas été réintégré à sa suite ; qu'en l'espèce, le licenciement de Mme [S] ayant été prononcé le 22 septembre 2014, l'indemnité pour violation du statut protecteur ne pouvait correspondre qu'aux salaires dus entre le 22 septembre 2014 et le 22 mars 2016 ; que cependant la cour d'appel a accordé à la salariée au titre de la violation du statut protecteur "le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, soit la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, accordée aux représentants du personnel, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois" sur la base d'un salaire de référence fixé par l'arrêt du 16 ou 17 mai 2019 en incluant les augmentations générales de salaire appliquées depuis 2015 ; qu'en accordant une telle indemnité, en sus du rappel de salaire octroyé par le même arrêt du 16 ou 17 mai 2019 pour la période courant du 27 décembre 2014 au 31 décembre 2018, la cour d'appel a violé L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184, devenu 1227, du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois. 11. Ayant constaté qu'à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, formée le 9 janvier 2019, la salariée bénéficiait du statut de salariée protégée pour avoir été réélue en qualité de conseiller prud'homme en 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que la salariée était en droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, fixée à la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur le 17 mai 2019, et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors : « 1°/ que la résiliation judiciaire ne peut pas produire à la fois les effets d'un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 2°/ que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime interdit de réparer deux fois, même partiellement, le même préjudice ; qu'en condamnant l'employeur à payer la somme de 46 966,38 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en plus de la somme de 115 000 euros déjà allouée par arrêt du 16 ou 17 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a débouté l'employeur de sa demande de compensation, et ainsi accordé à la salariée deux indemnisations ayant le même objet, a violé le principe de la réparation intégrale. » Réponse de la Cour 14. Par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation a jugé que le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel du 17 mai 2019 condamnant l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse était relatif au licenciement prononcé le 22 septembre 2014 après autorisation ultérieurement annulée, en sorte que c'est à bon droit que la cour d'appel, par arrêt du 20 avril 2022, a condamné l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement nul réparant le préjudice causé par la résiliation du contrat de travail. 15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la Société nationale industrielle et minière aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société nationale industrielle et minière et la condamne à payer à Mme [S] et à l'union locale des syndicats CGT du 2e arrondissement de [Localité 5] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Annulation par la juridiction administrative - Réintégration - Obligation de l'employeur - Manquement - Dommage - Réparation - Indemnité - Détermination - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Effets - Réintégration - Réparation du préjudice subi au cours de la période d'éviction - Etendue - Limites - Détermination - Portée | Le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois |
||||||||
JURITEXT000048430137 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430137.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 21-19.764, Publié au bulletin | 2023-11-08 00:00:00 | Cour de cassation | 52302003 | Rejet | 21-19764 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-05-20 | Cour d'appel de Bordeaux | Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Piwnica et Molinié, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02003 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2003 F-B Pourvoi n° S 21-19.764 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS CGEA de [Localité 5], [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° S 21-19.764 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [F] [S], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur de la société Cleannet industrie et propreté, 3°/ à la société BDR et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [T] [R] [G], pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Cleannet industries et propreté, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC-CGEA [Localité 5], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), Mme [S] a été engagée en qualité d'agent de propreté le 1er juillet 2015 par la société Cleannet industries et propreté (la société Cleanet). 2. Par jugement du 6 octobre 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cleanet. Le 24 mai 2017, une cession de l'entreprise est intervenue dans le cadre de cette procédure collective au profit de la société Thomer, avec reprise du contrat de travail de la salariée à compter du 9 juin 2017. 3. Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cleanet. 4. Le 20 octobre 2017, la salariée a été licenciée par la société Thomer. 5. Après le refus du liquidateur judiciaire de la société Cleanet de lui verser une somme au titre des congés payés acquis entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la société Cleanet une certaine somme au titre des congés payés. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] font grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la société Cleanet au titre du solde de son indemnité de congés payés à la somme de 2 389,20 euros et de rappeler que l'AGS doit sa garantie dans la limite fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code, alors : « 1°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que la salariée avait fait sa demande d'indemnisation postérieurement au prononcé de son licenciement de sorte que l'indemnité réclamée était une indemnité compensatrice de congés payés qui avait la nature d'une indemnité de rupture et ne pouvait être garantie par l'AGS en dehors des délais prévues à l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'en retenant la garantie de l'AGS après avoir considéré que la salariée était créancière d'un solde d'indemnité de congés payés et non d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 3141-24, L. 3141-28 et L. 3253-8 du code du travail ; 2°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; que s'agissant d'une indemnité de rupture, la garantie de l'AGS ne peut être recherchée que par application de l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'elle ne couvre, dans le respect du plafond de garantie, que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation ou dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, et à la condition que l'employeur fasse l'objet d'une procédure collective ; qu'en considérant que l'AGS devait garantir l'indemnité réclamée par la salariée, quand la créance litigieuse résultait d'un licenciement prononcé le 20 octobre 2017 par une société in bonis devenue l'employeur du salarié dans le cadre d'un plan de cession intervenu à la suite du redressement judiciaire de l'employeur initial à l'encontre duquel une procédure collective avait été ouverte, et que la liquidation judiciaire de l'employeur initial était intervenue le 22 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail ; 3°/ que, subsidiairement, les congés payés acquis au cours de la période de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; qu'en retenant un droit à indemnité de la salariée, sans constater que les congés litigieux avaient été pris ou avaient donné lieu à une demande effective de congés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-24 et L. 3253-8 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Ayant relevé que la cession d'entreprise était intervenue dans le cadre d'une procédure collective et que les droits à congés payés de la salariée avaient été acquis entre 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, soit avant l'ouverture de la procédure collective et pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Cleanet, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance d'indemnité de congés payés de la salariée, qui n'était pas une indemnité compensatrice de congés payés née de la rupture du contrat de travail par le nouvel employeur, devait être fixée au passif de la société Cleanet et qu'au regard des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, l'AGS devait sa garantie dans la limite des plafonds légaux. 8. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] et les condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Cession de l'entreprise - Cession dans le cadre d'une procédure collective - Redressement judiciaire - Indemnités - Congés payés - Acquisition pendant la période d'observation - Effets - Fixation au passif de la société cédée - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Indemnités de congés payés - Condition - Acquisition pendant la période d'observation - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Effets - Fixation de créance au passif de la société cédée - Portée | Lorsque la modification de la situation de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure collective, l'indemnité de congés payés, qui s'acquiert mois par mois et qui correspond au travail effectué pour le compte de l'ancien employeur, est inscrite au passif de ce dernier et est couverte par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) dans la limite de sa garantie |
||||||||
JURITEXT000048430237 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430237.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 23-14.806, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 52302124 | QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel | 23-14806 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-11-18 | Cour d'appel de Bourges | M. Sommer | Me Haas, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02124 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. COUR DE CASSATION ZB1 ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 RENVOI M. SOMMER, président Arrêt n° 2124 FS-B Pourvoi n° U 23-14.806 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 18 août 2023, Mme [N] [J], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° U 23-14.806 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans une instance l'opposant à la société Mazagran service, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Mazagran service, et l'avis de M. Bérriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Mme [J] a été engagée en qualité d'employée commerciale par la société Mazagran services, le 12 octobre 2009. 2. Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour cause de maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019. 3. Le 16 janvier 2020, la salariée a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. 4. Le 16 décembre 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 5. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Bourges, la salariée a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ? 2°/ L'article L. 3141-5, 5°, du code du travail porte-il atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 6. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne les conditions d'acquisition de droits à congé payé d'une salariée pour les périodes pendant lesquelles, soit elle n'a pas exécuté de travail effectif en raison de son état de santé, soit son arrêt de travail n'a pas été assimilé à du travail effectif. 7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 8. La première question présente un caractère sérieux en ce que, en cas d'absence du salarié de l'entreprise en raison d'un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté, l'article L. 3141-3 du code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l'arrêt de travail a une origine non professionnelle et l'article L. 3141-5, 5°, du même code ne permet pas l'acquisition de droit à congé payé au-delà d'une période ininterrompue d'un an en cas d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle. 9. La seconde question posée présente également un caractère sérieux en ce que l'article L. 3141-5, 5°, du code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie, selon l'origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l'arrêt de travail. 10. En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Travail réglementation, durée du travail - Repos et congés - Congés payés - Acquisition des droits à congés payés - Travail effectif - Suspension du contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle - Droit à la santé et au repos - Articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail - Caractères nouveau et sérieux - Renvoi au Conseil constitutionnel | ||||||||||
JURITEXT000048430249 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430249.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 23-14.979, Publié au bulletin | 2023-11-15 00:00:00 | Cour de cassation | 52302125 | QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel | 23-14979 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2023-02-23 | Cour d'appel d'Aix en Provence | M. Sommer | SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Richard | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02125 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. COUR DE CASSATION CH9 ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 NON-LIEU A RENVOI M. SOMMER, président Arrêt n° 2125 FS-B Pourvoi n° H 23-14.979 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 23 août 2023, 1°/ M. [P] [M], domicilié [Adresse 6], 2°/ le Syndicat national des journalistes, dont le siège est [Adresse 7], ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° H 23-14.979 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans une instance les opposant : 1°/ à la société Groupe Nice matin, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société Administrateurs judiciaires partenaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [K] [T] en qualité d'administrateur judiciaire de la société Groupe Nice matin, 3°/ à la société [G] - Les Mandataires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de Mme [N] [G] en qualité de mandataire judiciaire de la société Groupe Nice matin, 4°/ à la société BTSG2, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [J] [O] en qualité de mandataire judiciaire de la société Groupe Nice matin, 5°/ à la société [D] [Y] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [Y] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et d'administrateur judiciaire de la société Groupe Nice matin, Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], du Syndicat national des journalistes, de la SCP Richard, avocat des sociétés Groupe Nice matin, Administrateurs judiciaires partenaires ès qualités et [D] [Y] et associés ès qualités, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. A compter du 1er novembre 2011 jusqu'au mois de décembre 2016, M. [M] a fourni à la société Nice Matin, devenue la société Groupe Nice Matin (la société), des reportages photographiques en contrepartie d'une rémunération sous forme d'honoraires dont les relevés portaient la mention "correspondant local de presse". 2. Le 1er mars 2018, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale afin que soit reconnue l'existence d'un contrat de travail et que la rupture de la relation soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le Syndicat national des journalistes (le syndicat) est intervenu à l'instance. 3. La société a soulevé l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes en soutenant que M. [M] avait le statut de correspondant local de presse et qu'il était à ce titre un travailleur indépendant. 4. Par jugement du 4 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nice s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Nice. 5. Par arrêt du 12 septembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nice le 4 décembre 2018, dit que la juridiction prud'homale était compétente, que M. [M] était lié par un contrat de travail, évoqué l'affaire sur le fond et renvoyé à une audience ultérieure. 6. Par arrêt rendu le 23 février 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur renvoi après cassation (Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.492), a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nice le 4 décembre 2018 en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau et y ajoutant, elle a dit que M. [M] avait collaboré avec la société Nice Matin devenue la société Groupe Nice Matin sous le statut de correspondant local de presse, dit qu'il n'avait pas été lié avec la société par un contrat de travail, rejeté l'intégralité des demandes au titre de l'existence d'un contrat de travail, rejeté la demande de dommages-intérêts du syndicat. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 7. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, M. [M] et le syndicat ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « le second alinéa de l'article L. 7111-3 du code du travail n'est-il pas contraire au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'une part, en ce qu'il crée une inégalité de traitement entre le correspondant de presse et le journaliste professionnel en exigeant du correspondant pour qu'il puisse être assimilé à un journaliste professionnel et bénéficier de la présomption de contrat de travail posée par l'article L. 7112-1 du code du travail qu'il justifie non seulement remplir les conditions posées par l'alinéa 1 de l'article L. 7111-3 pour être journaliste professionnel mais aussi de la fixité de ses revenus, et, d'autre part, en ce que, tel qu'il est interprété de façon constante par la Cour de cassation, il crée une inégalité de traitement entre le correspondant local de presse et les personnes physiques dont l'activité donne lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires énumérés par l'article L. 8221-6 du code du travail dès lors que le correspondant local de presse ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail que dans les conditions prévues par l'article L. 7111-3 du code du travail tandis qu'il suffit pour les personnes physiques immatriculées aux registres du commerce ou des métiers de prouver, pour renverser la présomption de non-salariat, qu'elles fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 8. L'article L. 7111-3, alinéa 2, du code du travail qui détermine les conditions dans lesquelles un correspond local de presse est assimilé à un journaliste professionnel est applicable au litige. 9. Il n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 10. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 11. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. 12. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 13. Concernant la première partie de la question, par la loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes, dont sont issues les dispositions contestées, le législateur a mis en place un régime spécifique pour les journalistes compte tenu de la nature particulière de leur travail. Dans ce but, le législateur a entendu réserver la protection qu'offre le statut aux personnes répondant à la définition du journaliste professionnel comme étant toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le législateur a également assimilé aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle. 14. Pour ce qui est du correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, le législateur l'assimile à un journaliste s'il perçoit des rémunérations fixes et répond à la définition du journaliste professionnel. 15. Cette différence de traitement tenant à la fixité des rémunérations est justifiée par l'objectif d'exclure du champ de la protection offerte par le statut de journaliste professionnel les correspondants qui n'exercent qu'à titre occasionnel. En cela, la différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 16. Concernant le second aspect de la question, le correspondant local de presse qui revendique l'existence d'un contrat de travail de journaliste n'est pas placé dans la même situation qu'un travailleur indépendant qui revendique l'existence d'un contrat de travail de droit commun lorsqu'il soutient qu'il fournit des prestations dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre. 17. En effet, les règles particulières applicables à une personne exerçant en qualité de correspondant local de presse pour invoquer l'existence d'un contrat de travail en qualité de journaliste, sont justifiées par l'objectif poursuivi par le législateur de garantir l'indépendance des journalistes en prenant en compte les conditions particulières dans lesquelles s'exerce la profession ainsi que par celui de réserver la protection offerte par le statut de journaliste professionnel aux personnes qui répondent aux conditions qu'il détermine. En cela la différence de situation se trouve en rapport direct avec la loi qui l'établit. 18. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. | QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Statuts professionnels particuliers - Journaliste professionnel - Statut - Application - Correspondant de presse - Egalité devant la loi - Article L. 7111-3 du code du travail - Caractères nouveau et sérieux (défaut) - Non-renvoi au Conseil constitutionnel | ||||||||||
JURITEXT000048550320 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550320.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-13.367, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302098 | Rejet | 22-13367 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-01-13 | Cour d'appel de Rouen | M. Sommer | SCP Foussard et Froger, SCP Claire Leduc et Solange Vigand | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02098 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 2098 FS-B Pourvoi n° J 22-13.367 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Frévial, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 22-13.367 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [U] [V], domicilié chez Mme [J], [Adresse 1], 2°/ à Pôle emploi de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Frévial, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [V], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, Palle, conseillers, Mme Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 13 janvier 2022), M. [V] a été engagé en qualité de chauffeur-livreur poids-lourds, le 1er janvier 2014, par la société Frevial. 2. Après acceptation de sa demande de prise en charge au titre du congé de fin d'activité, le salarié a démissionné le 28 décembre 2017 à effet du 1er février 2018. Parallèlement, il avait saisi la juridiction prud'homale le 29 juin 2017 afin de solliciter des dommages-intérêts liés au retard dans la délivrance des attestations de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie et a demandé ensuite à ce que cette démission s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier la rupture du contrat résultant du congé de fin d'activité en prise d'acte de la rupture, de dire que celle-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité de préavis, des congés payés, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées au salarié, dans la limite de deux mois, alors : « 1°/ que conformément à l'article III.1 de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997, le départ en congés fin d'activité s'effectue à la seule initiative du salarié et sa décision s'analyse en une démission ; qu'ainsi seule une démission, à l'exclusion de tout autre mode de rupture du contrat de travail, peut justifier le départ d'un salarié en congé de fin d'activité ; qu'en retenant que le départ en congé de fin d'activité du salarié pouvait s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997 ; 2°/ que si la démission du salarié peut être requalifiée en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, c'est à la condition que sa décision soit équivoque ; que tel ne saurait être le cas lorsque la décision du salarié de démissionner est justifiée par l'octroi d'un congé de fin d'activité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article III de l'accord sur le congé de fin d'activité du 28 mars 1997. » Réponse de la Cour 5. La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission. 6. Selon l'article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la décision du salarié de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission. 7. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur. 8. La cour d'appel, qui a constaté qu'il existait des circonstances antérieures et contemporaines à cette démission la rendant équivoque, a, à bon droit, jugé qu'il convenait de l'analyser en une prise d'acte de la rupture. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Frévial aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Frévial et la condamne à payer à M [V] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Imputabilité - Démission du salarié - Manifestation de volonté clairement exprimée - Défaut - Circonstances antérieures ou contemporaines de la démission la rendant équivoque - Appréciation - Office du juge - Cas - Congé de fin d'activité - Décision du salarié de quitter l'entreprise - Portée | STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 - Accord du 28 mars 1997 - Article 3 - Congé de fin d'activité - Décision du salarié de quitter l'entreprise - Effets - Prise d'acte de la rupture - Conditions - Office du juge - Détermination - Portée | Selon l'article 3 de l'accord du 28 mars 1997 relatif au congé de fin d'activité à partir de 55 ans, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, la décision du salarié de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un salarié remette en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur. Le juge doit alors, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission |
||||||||
JURITEXT000048550348 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/55/03/JURITEXT000048550348.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-11.398, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302129 | Cassation partielle | 22-11398 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-12-10 | Cour d'appel d'Aix en Provence | M. Sommer | SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Foussard et Froger | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02129 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2129 FS-B Pourvoi n° U 22-11.398 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société [4], société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-11.398 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à M. [B] [M], domicilié [Adresse 1] (Grèce), défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [4], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [M], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge,conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 décembre 2021), M. [M] a été engagé en qualité de joueur de football professionnel par la société [4] (le club) pour trois saisons, selon un contrat de travail à durée déterminée du 13 juin 2006. Le contrat mentionnait le recours aux services d'un agent sportif, M. [T]. 2. Le contrat de travail à durée déterminée a fait l'objet de renouvellements. 3. Une convention de rémunération d'agence sportive a été conclue le 28 septembre 2012 entre le joueur professionnel, l'agent sportif et le club, dont l'objet était de répartir entre le club et le joueur la charge de la rémunération due à l'agent sportif au titre de la réalisation de ses missions. Cette convention stipulait qu'au moyen d'une délégation novatoire, le club s'engageait à payer à l'agent sa rémunération en lieu et place du joueur. 4. Au cours de la saison 2013/2014, le club a exprimé son souhait de transfert du joueur vers un autre club. 5. Le 7 février 2014, le joueur et l'agent sportif ont conclu une transaction aux termes de laquelle le joueur devait, en contrepartie d'un terme anticipé à la convention de médiation du 1er septembre 2012, payer une indemnité transactionnelle globale et forfaitaire, dont le montant dépendait de la date à laquelle le joueur ferait l'objet d'un transfert vers un autre club. 6. Par avenant à la convention de rémunération d'agence sportive en date du 20 février 2014, le club, le joueur professionnel et l'agent sportif sont convenus que, dans l'hypothèse où le joueur ferait l'objet d'une mutation définitive dans un autre club avant le 30 juin 2014 inclus, les commissions dues au titre des saisons 2014/2015 et 2015/2016 seront garanties par le club et acquises à l'agent quand bien même le joueur ne ferait plus partie de l'effectif du club. 7. Le 8 août 2014, le joueur a été engagé par le club du [3]. 8. Le 22 mai 2017, le joueur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en condamnation du club au paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le premier moyen 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. Le club fait grief à l'arrêt de le condamner à verser certaines sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé, et entraîne automatiquement la caducité de l'acte ; que celui dans l'intérêt duquel est stipulée la condition ne peut y renoncer qu'avant que sa défaillance ne rende l'obligation caduque ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'avenant du 20 février 2014 à la convention de rémunération d'agence sportive conclue entre le club, le joueur et son agent sportif, stipulait, par dérogation au principe selon lequel la dette de rémunération de l'agent sportif pesant sur le club est subordonnée à la présence de ce dernier dans l'effectif du club, que : "dans l'hypothèse où le joueur ferait l'objet d'une mutation définitive dans un autre club avant le 30 juin 2014 inclus, les commissions dues au titre des saisons 2014/2015 et 2015/2016 seront garanties par le club et acquises à l'agent quand bien même le joueur ne ferait plus partie de l'effectif du club" ; qu'il était constant que la condition suspendant cet engagement de l'[4] ne s'était pas réalisée le 30 juin 2014 ; qu'en jugeant que le 2 août 2014, en répondant "OK" à la demande du conseil de M. [M] de lui confirmer sa prise en charge de "l'indemnité d'[T] (568 000 euros environ)", l'[4] avait entendu faire perdurer son obligation de payer les commissions de l'agent en dépit du fait que le transfert du joueur n'était pas intervenu le 30 juin 2014, et ne pouvait ainsi se prévaloir de la caducité de l'avenant du 20 février 2014, lorsque cet avenant étant devenu automatiquement caduc le 30 juin 2014 par la défaillance de la condition, l'[4] ne pouvait renoncer au bénéfice de la condition suspensive après sa défaillance, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil dans leur version en vigueur avant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1134 et 1176, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 11. Aux termes du second de ces textes, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas. 12. Pour condamner le club à payer au joueur certaines sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que du fait de l'expiration de la date du 30 juin 2014, terme de la condition suspensive, le conseil du joueur, invoquant le "deal" et la prise en charge par le club de l'indemnité de l'agent sportif qu'il évaluait à "568 000 euros environ", faisait nécessairement référence à la convention du 7 février 2014 fixant la somme de 568 000 euros et demandait la confirmation de l'engagement du club de prendre en charge les dites commissions. L'arrêt ajoute qu'en répondant "OK" dans un mail du 2 août 2014, le club s'est engagé à payer cette somme malgré le dépassement de la date du transfert du joueur qui avait été convenue par les parties. L'arrêt en déduit que le club ne peut prétendre que l'avenant du 20 février 2014 était devenu caduc mais, au contraire, que les faits démontrent qu'il a entendu faire perdurer ses obligations après le 30 juin 2014. 13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la condition suspensive était défaillie le 30 juin 2014, de sorte que le contrat étant caduc à cette date il ne pouvait plus être renoncé à cette condition, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence formulée par la société [4], l'arrêt rendu le 10 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Modalités - Conditions - Condition suspensive - Renonciation - Moment - Renonciation postérieure à la défaillance - Portée | CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Modalités - Condition suspensive - Défaillance - Renonciation postérieure à la défaillance - Possibilité - Portée | Viole la loi la cour d'appel qui, ayant constaté que la condition était défaillie à la date prévue au contrat, de sorte que ce dernier était caduc, décide qu'il pouvait être renoncé à la condition suspensive malgré sa défaillance |
||||||||
JURITEXT000048581446 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581446.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 21-24.579, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302097 | Rejet | 21-24579 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-09-16 | Cour d'appel de Chambéry | M. Sommer | SCP Piwnica et Molinié, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02097 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 2097 FS-B Pourvoi n° A 21-24.579 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 M. [V] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-24.579 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Tunnel euralpin Lyon Turin (TELT), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [D], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Tunnel euralpin Lyon-Turin, et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Nirdé-Dorail, Salomon, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 septembre 2021), M. [D], fonctionnaire d'Etat au ministère de la transition écologique et solidaire, a été détaché et engagé en qualité de directeur juridique adjoint par la société Tunnel euralpin Lyon-Turin le 1er décembre 2015. 2. Il a été licencié le 14 avril 2017 et dispensé, à sa demande, d'effectuer son préavis. Le contrat de travail a pris fin le 20 avril 2017. 3. Le 28 avril 2017, les parties ont conclu une transaction. 4. Le fonctionnaire a demandé, le 15 juin 2017, à être placé en disponibilité. 5. Par arrêtés des 27 mars 2018 et 8 janvier 2019, il a été réintégré dans son corps d'origine et placé en position de disponibilité du 21 avril au 16 juillet 2017. 6. Il a saisi la juridiction prud'homale le 10 décembre 2018 pour obtenir le paiement d'une somme à titre de rappel de salaire pour la période du 21 avril au 16 juillet 2017. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire valide la transaction du 28 avril 2017 et de le déclarer irrecevable en ses demandes, alors : « 1°/ qu'un fonctionnaire d'Etat ne peut renoncer par avance au bénéfice des dispositions du statut réglementaire d'ordre public dont il relève ; qu'il était constant en l'espèce que M. [D], fonctionnaire d'Etat, bénéficiait des dispositions d'ordre public de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire détaché remis à la disposition de son administration et qui ne peut être réintégré dans son corps d'origine faute d'emploi vacant, continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement jusqu'à sa réintégration dans son administration d'origine ; qu'en énonçant, pour débouter M. [D] des demandes qu'il formulait contre la société TELT sur ce fondement, que rien ne l'empêchait de ne pas renoncer à ce droit lors de la transaction signée avec la société TELT, et que s'il ne connaissait pas encore à ce moment-là la date exacte de sa nouvelle prise de poste, il pouvait parfaitement prévoir de mobiliser éventuellement son droit au maintien du salaire, pour en déduire que sa demande se heurtait à la fin de non-recevoir tirée de la transaction, la cour d'appel a violé l'article 6 du code civil, ensemble le texte susvisé dans sa rédaction applicable en l'espèce ; 2°/ que les transactions se renferment dans leur objet et ne règle que les différends qui s'y trouvent compris ; qu'en l'espèce, la transaction conclue entre la société TELT et M. [D] portait sur les "réclamations, instances ou actions présentes ou futures ayant pour objet la conclusion, l'exécution ou la rupture du contrat de travail (...) et plus globalement du chef de tout rapport de droit ou de fait ayant pu exister entre les parties" ; qu'elle n'avait ainsi pas inclus les conséquences du défaut de réintégration immédiate de M. [D] dans son corps d'origine, qui ne résultait ni de la conclusion ni de l'exécution ni de la rupture du contrat de travail, mais seulement de l'absence d'emploi vacant dans le corps d'origine du fonctionnaire remis à la disposition de son administration, circonstance extérieure aux rapports contractuels des parties au contrat de travail ; qu'en disant que la transaction qu'il avait conclue interdisait néanmoins à M. [D] de réclamer le bénéfice des dispositions de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 2048, 2049 et 2052 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article 45, alinéa 6, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifié par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, le fonctionnaire détaché remis à la disposition de son administration d'origine pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions, et qui ne peut être réintégré dans son corps d'origine faute d'emploi vacant, continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement jusqu'à sa réintégration dans son administration d'origine. 9. Selon l'article 24 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant soit à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de l'administration d'origine. Lorsqu'il est mis fin au détachement à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, le fonctionnaire continue, si son administration d'origine ne peut le réintégrer immédiatement, à être rémunéré par l'administration ou l'organisme d'accueil jusqu'à ce qu'il soit réintégré, à la première vacance, dans son administration d'origine. Le fonctionnaire peut également demander qu'il soit mis fin à son détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant. Il cesse d'être rémunéré si son administration ne peut le réintégrer immédiatement : il est alors placé en position de disponibilité jusqu'à ce qu'intervienne sa réintégration à l'une des trois premières vacances dans son grade. 10. Il résulte de ces textes que lorsque le fonctionnaire a été réintégré dans son corps d'origine et placé en position de disponibilité, les dispositions de l'article 45, alinéa 6, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ne sont pas applicables. 11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - Détachement - Détachement auprès d'un organisme de droit privé - Fin du détachement - Cessation avant le terme - Cessation pour une cause non fautive - Réintégration dans le corps d'origine - Impossibilité - Effets - Rémunération par l'organisme de détachement | FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - Détachement - Détachement auprès d'un organisme de droit privé - Fin du détachement - Cessation avant le terme - Cessation à la demande du fonctionnaire - Réintégration dans le corps d'origine - Impossibilité - Effets - Placement en position de disponibilité jusqu'à la réintégration sans rémunération FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - Détachement - Détachement auprès d'un organisme de droit privé - Fin du détachement - Cessation avant le terme - Cessation à la demande du fonctionnaire - Réintégration dans le corps d'origine puis placement en disponibilité - Rémunération par l'organisme de détachement (non) | Aux termes de l'article 45, alinéa 6, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifié par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, le fonctionnaire détaché remis à la disposition de son administration d'origine pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions, et qui ne peut être réintégré dans son corps d'origine faute d'emploi vacant, continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement jusqu'à sa réintégration dans son administration d'origine. Selon l'article 24, alinéa 3, du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, le fonctionnaire peut également demander qu'il soit mis fin à son détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant. Il cesse d'être rémunéré si son administration ne peut le réintégrer immédiatement : il est alors placé en position de disponibilité jusqu'à ce qu'intervienne sa réintégration à l'une des trois premières vacances dans son grade. Il résulte de ces textes que lorsque le fonctionnaire a été réintégré dans son corps d'origine et placé en position de disponibilité, les dispositions de l'article 45, alinéa 6, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ne sont pas applicables |
||||||||
JURITEXT000048581475 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581475.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-12.050, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302100 | Rejet | 22-12050 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-12-14 | Cour d'appel de Nimes | M. Sommer | SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02100 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 2100 FS-B Pourvoi n° C 22-12.050 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 M. [V] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-12.050 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société SNCF réseau, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF réseau, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [Z], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société SNCF réseau, les plaidoiries de Me Pinatel et de Me Colin, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, Palle, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, Palle, conseillers, Mme Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 décembre 2021), M. [Z] a été engagé par la SNCF en qualité d'agent de conduite en 1983, et exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent caténairiste. 2. Il a été victime d'un accident du travail le 17 août 2011, et placé en arrêt de travail, puis déclaré en invalidité de 2ème catégorie le 21 mai 2015. 3. Le 6 octobre 2015, la commission de réforme, sur avis du médecin-conseil à la suite de la demande de la SNCF, a confirmé l'incapacité de l'agent à reprendre un emploi et dit la mise à la réforme fondée. 4. Le 12 octobre 2015, l'EPIC SNCF réseau a notifié à M. [Z] sa mise à la réforme. 5. La société SNCF réseau vient aux droits de l'EPIC SNCF réseau. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que l'employeur a respecté la procédure de réforme, alors : « 1°/ que le caractère définitif de l'invalidité n'exonère pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant que la SNCF n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions réglementaires prévues en matière de reclassement au motif que l'invalidité avait pris un caractère définitif ne permettant pas à l'agent de reprendre un emploi dans l'entreprise, quand l'obligation de reclassement s'applique également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 7 du chapitre 12 du référentiel ressources humaines, portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel (RH 0001) ; 2°/ que l'obligation de reclassement à laquelle la SNCF est tenue, préalablement à la mise à la réforme d'un agent devenu inapte, en vue de rechercher un emploi compatible avec ses aptitudes, n'exige pas que le salarié ait été préalablement déclaré inapte ; qu'il appartient à l'employeur d'effectuer cette recherche de reclassement, quel que soit l'avis médical sur ce point ; qu'en jugeant que la SNCF n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions réglementaires prévues en matière de reclassement au motif que l'agent n'avait pas été déclaré inapte, la cour d'appel a violé l'article 30 du chapitre 5 du référentiel ressources humaines relatif au règlement d'assurance maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF (RH 0359) et l'article 7 du chapitre 12 du référentiel ressources humaines, portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel (RH 0001). » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 7, § 2, du chapitre 12 du référentiel ressources humaines (RH 0001), portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, s'il apparaît que, pour des raisons médicales dûment constatées par le médecin du travail, l'agent est incapable de reprendre son ancien emploi, la SNCF met prioritairement en oeuvre une procédure de reclassement (...). En cas d'échec des tentatives de reclassement, une procédure de réforme est engagée. 9. Selon l'article 7, § 4, de ce même texte, si, à l'expiration des délais prévus aux articles 3 et 4, ou avant l'expiration de ces délais au cas où l'invalidité prend un caractère définitif, le médecin-conseil estime que l'état médical de l'agent ne lui permet plus de tenir un emploi à la SNCF, celle-ci engage une procédure de réforme. 10. Selon l'article 30 du référentiel RH 0359, relatif au règlement d'assurance-maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF, la procédure de réforme est engagée : - si un agent en service a été déclaré inapte à son poste de travail et si, le cas échéant après avis de la commission de reclassement, aucun poste correspondant aux aptitudes de l'agent n'a pu être proposé, ou après échec des essais de reclassement, ou en cas de refus par l'agent d'entreprendre des essais de reclassement, - ou si, lorsque l'agent est en arrêt de travail, la SNCF, sur avis du médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, rendu à l'expiration des délais prévus aux articles 3 et 4 ou avant l'expiration de ces délais au cas où l'invalidité prend un caractère définitif, estime que l'agent est dans l'impossibilité de reprendre un emploi. 11. Selon le préambule du référentiel RH 360 de la SNCF, relatif à l'inaptitude et au reclassement, dans sa version applicable à compter du 1er juillet 2012, lorsqu'un agent est déclaré inapte pour raison médicale à son poste de travail ou à l'exercice de fonction de sécurité sur le réseau ferré national, son employeur a l'obligation de lui proposer un autre emploi adapté à ses capacités disponibles. 12. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque l'agent est déclaré en invalidité et que le médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF estime que l'intéressé est dans l'impossibilité de reprendre un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement. 13. La cour d'appel qui a constaté que M. [Z] n'avait jamais été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, mais que le médecin-conseil de la Caisse avait, par avis du 17 avril 2015, estimé que l'invalidité avait pris un caractère définitif ne permettant pas à l'agent de reprendre un emploi dans l'entreprise, a exactement retenu que la SNCF n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions réglementaires prévues en matière de reclassement, préalablement à l'engagement de la procédure de réforme. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie du salarié - Inaptitude au travail - Inaptitude consécutive à la maladie - Mise à la réforme - Effets - Impossibilité pour l'agent de reprendre un emploi - Médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF - Agent déclaré inapte à son poste - Obligation de reclassement (non) | TRANSPORTS FERROVIAIRES - SNCF - Personnel - Statut - Statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel - Référentiel RH 0359 - Chapitre 5 - Réforme des agents du cadre permanent - Article 30 - Mise à la réforme - Agent déclaré inapte à son poste - Conditions - Détermination | Il résulte de la combinaison de l'article 7, §§ 2 et 4, du chapitre 12 du référentiel ressources humaines (RH 0001), portant sur le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, de l'article 30 du référentiel RH 0359, relatif au règlement d'assurance-maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF, et du préambule du référentiel RH 360 de la SNCF, relatif à l'inaptitude et au reclassement, dans sa version applicable à compter du 1er juillet 2012, que lorsque l'agent est déclaré en invalidité et que le médecin-conseil de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF estime que l'intéressé est dans l'impossibilité de reprendre un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement |
||||||||
JURITEXT000048581496 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/14/JURITEXT000048581496.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-18.555 22-18.556 22-18.557 22-18.558 22-18.559 22-18.560 22-18.561 22-18.562 22-18.563 22-18.564 22-18.565 22-18.566 22-18.567, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302121 | Rejet | 22-18555 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-05-12 | Cour d'appel de Paris | Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02121 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet Mme MONGE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2121 F-B Pourvois n° Y 22-18.555 Z 22-18.556 A 22-18.557 B 22-18.558 C 22-18.559 D 22-18.560 E 22-18.561 F 22-18.562 H 22-18.563 G 22-18.564 J 22-18.565 K 22-18.566 M 22-18.567 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Air liquide France industrie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 21], [Localité 26], a formé les pourvois n° Y 22-18.555, Z 22-18.556, A 22-18.557, B 22-18.558, C 22-18.559, D 22-18.560, E 22-18.561, F 22-18.562, H 22-18.563, G 22-18.564, J 22-18.565, K 22-18.566 et M 22-18.567 contre treize arrêts rendus le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7) dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à M. [H] [M], domicilié [Adresse 7], [Localité 17], 2°/ à M. [G] [R], domicilié [Adresse 29], [Localité 28], 3°/ à Mme [Y] [S], domiciliée [Adresse 10], [Localité 23], 4°/ à M. [W] [N], domicilié [Adresse 30], [Localité 11], 5°/ à M. [X] [T], domicilié [Adresse 8], [Localité 24], 6°/ à M. [V] [A], domicilié [Adresse 2], [Localité 14], 7°/ à M. [E] [Z], domicilié [Adresse 25], [Localité 15], 8°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 6], [Localité 3], 9°/ à M. [V] [C], domicilié [Adresse 18], [Localité 19], 10°/ à M. [B] [K], domicilié [Adresse 13], [Localité 22], 11°/ à Mme [J] [F], domiciliée [Adresse 9], [Localité 4], 12°/ à M. [L] [U], domicilié[Adresse 1], [Localité 16], 13°/ à M. [G] [D], domicilié [Adresse 5], [Localité 20], 14°/ à la Fédération nationale CFE CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (CFE-CGC Chimie), dont le siège est [Adresse 12], [Localité 27], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, un moyen de cassation commun. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Air liquide France, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], des douze autres salariés et de la Fédération nationale CFE CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller rapporteur référendaire, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-18.555 à 22-18.567 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 12 mai 2022), M. [M] et douze autres salariés de la société Air liquide France industrie, ayant signé un protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique de leur contrat de travail, ont saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter que les sommes perçues au cours de l'année 2013 au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement soient prises en compte dans l'assiette de calcul du salaire de référence pour la détermination de leur indemnité d'accompagnement versée dans le cadre d'un plan de mobilité et de départ volontaire. 3. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 3 décembre 1952. 4. La Fédération nationale CFE-CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (le syndicat) est intervenue volontairement à l'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés des sommes à titre de rappels d'indemnités conventionnelles et supra conventionnelles, de frais irrépétibles, ainsi que de dire que l'action du syndicat est recevable et de le condamner à lui verser des dommages-intérêts et des indemnités au titre des frais irrépétibles, alors : « 1°/ qu'aux termes des articles L. 3325-1 et L. 3312-4, les sommes versées par l'employeur au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et de l'intéressement ne constituent pas des salaires et n'ont pas en conséquence à être prises en compte dans le calcul des indemnités légales de rupture du contrat ; que si le régime d'ordre public absolu de la participation et de l'intéressement n'interdit pas aux partenaires sociaux d'assimiler les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs à des éléments de rémunération pour le calcul de certaines indemnités de rupture, encore faut-il que l'accord collectif conclu prévoie expressément une telle assimilation ; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles procédant à une telle assimilation, les sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement ne peuvent être incluses dans l'assiette de calcul des indemnités conventionnelles de rupture ; que l'article 14 de l'annexe ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques prévoit que "la base de calcul de l'indemnité de congédiement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement" ou, si elle est plus favorable "la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de congédiement" ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que "il est vrai que l'intéressement, la participation et l'abondement n'existaient pas lors de la création de l'article 14 de l'avenant n° 3 en 1955" ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir que l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement inclut les sommes allouées au salarié au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement, sur le motif inopérant selon lequel lors des différentes révisions de la convention collective "les parties à la convention collective applicable n'ont pas eu pour intention d'exclure du champ de l'article 14 de l'avenant n° 3 les sommes issues de dispositifs collectifs d'origine légale tels que la participation, l'intéressement ou l'abondement", cependant que les sommes versées dans le cadre du régime légal de la participation et de l'intéressement ne sont pas expressément visées dans le texte de la convention collective, la cour d'appel a violé le principe de faveur, ensemble l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques ; 2°/ que l'interprétation d'une disposition obscure d'un accord collectif doit tenir compte des autres dispositions de l'accord qui peuvent la compléter, la préciser ou l'éclairer ; que l'article 14 de l'avenant relatif aux ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques définit d'abord l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement comme "la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié" puis vise, dans la liste des différents éléments qui composent cette rémunération individuelle, les "participations au chiffre d'affaires ou aux résultats" ; qu'il en résulte que ces "participations au chiffre d'affaires ou aux résultats" constituent les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats ; qu'en retenant qu'"il se déduit de la formulation large de ces stipulations que les parties à cet avenant ont entendu, d'une part, ne pas se limiter à la notion de salaire dont il n'est d'ailleurs pas fait référence et, d'autre part, retenir aussi bien les éléments de rémunération collectifs qu'individuels", affirmant ainsi que l'article 14 renvoie aux sommes versées dans le cadre des dispositions légaux de la participation, de l'intéressement et d'abondement pour la fixation de l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques ; 3°/ que l'interprétation d'un accord collectif au moment de son application ne doit pas avoir pour effet d'en modifier la portée, ni de lui conférer un objet social différent de celui qu'il poursuivait lors de sa conclusion ; que les dispositifs légaux de l'intéressement et de la participation ont été créés respectivement en 1959 et 1967 ; qu'avant cette date, les sommes versées par l'employeur au salarié, pour l'associer aux résultats de l'entreprise, constituaient des éléments de salaire ; qu'en conséquence, l'article 14 de l'avenant ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques, qui résulte d'un avenant du 16 juin 1955, avait nécessairement pour objet, lors de son adoption, d'inclure dans l'assiette de l'indemnité de congédiement les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats de l'entreprise ; que la création, postérieurement à l'adoption de ce texte, des dispositifs légaux de participation et d'intéressement visant à associer les salariés aux résultats de l'entreprise, par le versement de sommes qui ne constituent pas un salaire, n'a pu avoir pour effet de modifier l'objet de ces dispositions conventionnelles ; qu'en retenant que les sommes versées au titre de l'intéressement, de la participation et de l'abondement devaient être inclues dans l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, peu important que la définition de cette assiette résulte d'un texte antérieur à la création du régime légal de la participation et de l'intéressement, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective nationale des industries chimiques ; 4°/ que le juge ne peut modifier l'interprétation de dispositions conventionnelles en considération de la loi en vigueur au moment de leur application que lorsque l'effet utile de cette loi ou les nécessités économiques et sociales qu'elle exprime le commandent ; qu'ainsi, si le juge peut donner au texte conventionnel un sens que les parties signataires n'avaient pu envisager lors de l'adoption de ce texte, en se fondant sur des dispositions légales entrées en vigueur après la conclusion de cet accord collectif, c'est uniquement pour éviter que la loi nouvelle ne soit privée d'effet utile ; qu'en l'espèce, la loi qui a créé les dispositifs de la participation, de l'intéressement et de l'abondement a expressément prévu que les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs ne constituent pas des salaires et ne sont pas soumises au régime légal du salaire ; qu'en conséquence ni l'objet de la loi qui a créé ces dispositifs, ni l'effet utile des dispositions légales ne justifient d'interpréter les dispositions conventionnelles antérieures, qui définissent l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement en fonction de la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié comprenant les "participations au chiffre d'affaires ou aux résultats", comme incluant les sommes versées par l'employeur au titre de la participation, de l'intéressement ou de l'abondement ; qu'en retenant néanmoins que "l'intéressement, l'abondement et la participation sont des dispositifs dont l'objectif est d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise. Il s'en déduit que les primes perçues en application de ces dispositions constituent non seulement "des primes de toute nature" mais également des "participations au chiffre d'affaires ou aux résultats" de la société ALFI" et "qu'il n'est ni allégué, ni justifié que les primes litigieuses constituent des "gratifications exceptionnelles"", la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective nationale des industries chimiques ; 5°/ qu'en se fondant sur les motifs impropres selon lesquels "si l'employeur soutient que, contrairement aux ingénieurs et aux cadres, les primes relatives à l'épargne salariale ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement des salariés non cadres et non ingénieurs au seul motif que les stipulations les concernant de la convention collective applicable et relatives à cette assiette ne font pas référence à l'expression "participations au chiffre d'affaires ou aux résultats", la société ALFI n'allègue ni ne justifie que cette différence de traitement, à la supposer établie, est étrangère à toute considération de nature professionnelle" et selon lesquels "s'il est vrai que la fixation du quantum des primes litigieuses nécessite que soit préalablement déterminé le résultat de l'exercice de référence, il n'est nullement justifié par l'employeur de l'impossibilité alléguée de prendre en considération les primes liées à l'année 2013 au titre de l'indemnité d'accompagnement fixée en 2014", cependant que ces circonstances ne justifiaient pas que la participation, l'intéressement et l'abondement soient intégrées dans l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement au sens du texte conventionnel en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la convention collective des industries chimiques. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, l'indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles. 7. Après avoir constaté que l'article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l'entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955, la cour d'appel, qui a relevé que les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d'affaires ou aux résultats de la société et qui a constaté qu'il n'était ni allégué, ni justifié qu'elles étaient des gratifications exceptionnelles, en a exactement déduit que ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l'indemnité d'accompagnement. 8. Le moyen, qui, pris en ses troisième et quatrième branches, manque par le fait qui lui sert de base, et qui, pris en sa cinquième branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Air liquide France industrie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air liquide France industrie et la condamne à payer à MM. [M], [R], [N], [T], [A], [Z], [I], [C], [K], [U], [D], Mmes [S], [F] et à la Fédération nationale CFE CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (CFE-CGC Chimie) la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 - Avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres - Article 14.3 - Indemnité de congédiement - Calcul - Assiette - Détermination - Portée | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Rupture d'un commun accord - Indemnités - Indemnité d'accompagnement - Calcul - Assiette - Salaire de référence - Sommes versées au titre de la participation aux résultats de l'entreprise, d'intéressement et d'abondement - Inclusion - Portée | Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, l'indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles. Doit être approuvée la cour d'appel, qui, après avoir constaté que l'article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l'entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955, relevant que les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d'affaires ou aux résultats de la société et qu'il n'était ni allégué, ni justifié qu'elles étaient des gratifications exceptionnelles, en a déduit que ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l'indemnité d'accompagnement |
||||||||
JURITEXT000048581515 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581515.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-10.494, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302127 | Cassation partielle | 22-10494 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-11-18 | Cour d'appel de Versailles | M. Sommer | Me Descorps-Declère, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02127 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2127 FS-B Pourvoi n° M 22-10.494 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 Mme [F] [L] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-10.494 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [B] [O] divorcée [U], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Mme [O] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de Mme [L] [Y], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 novembre 2021), Mme [O] a été engagée en qualité de secrétaire réceptionniste par Mme [R], médecin ophtalmologiste, sans formalisation d'un contrat écrit. 2. Un contrat de travail à durée déterminée de remplacement à temps partiel a été conclu pour la période du 6 janvier au 9 juin 2015, à raison d'une durée hebdomadaire de trente heures. Le contrat prévoyait une rémunération horaire de 18 euros, congés inclus, sur une base de trente heures par semaine, quarante semaines par an, soit mille deux cents heures par an et cent heures par mois. 3. Un avenant de renouvellement a été signé le 10 juin 2015 prévoyant pour terme la fermeture du cabinet prévue entre décembre 2015 et juillet 2016 et la cessation d'activité qui en découlait. 4. Mme [L] [Y], médecin ophtalmologiste, a repris l'activité de Mme [R] avec les deux salariés en poste, à compter du 1er juillet 2016. 5. La salariée a été licenciée le 25 septembre 2017. 6. Le 6 mars 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, en contestation de la rupture du contrat de travail et en paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en ses première et troisième branches et le second moyen du pourvoi incident de la salariée 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et le second moyen du pourvoi incident qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et le moyen du pourvoi principal pris en sa troisième branche qui est irrecevable. Sur la demande de renvoi préjudiciel Enoncé de la question préjudicielle 8. L'employeur demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle « pour déterminer si la seule référence à un taux horaire congés inclus dans la formule de calcul d'une rémunération mensuelle fixe et donc payable durant les douze mois de l'année, y compris pendant les périodes de congés, le contrat prévoyant par ailleurs douze semaines de congés pour le salarié concerné, contrevient à l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ». Réponse de la Cour 9. Dans son arrêt du 16 mars 2006, (CJCE 16 mars 2006, Robinson-Steele, C-131/04 et Clarke e.a, C-257/04), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit : - l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, s'oppose à ce qu'une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué. Il ne saurait être dérogé à ce droit par un accord contractuel ; - l'article 7 de la directive 93/104/CE s'oppose à ce que le paiement du congé annuel minimal au sens de cette disposition fasse l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué, et non d'un versement au titre d'une période indéterminée au cours de laquelle le travailleur prend effectivement congé ; - l'article 7 de la directive 93/104/CE ne s'oppose pas, en principe, à ce que des sommes qui ont été payées, de manière transparente et compréhensible, au titre du congé annuel minimal au sens de cette disposition sous la forme de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué soient imputées sur le paiement d'un congé déterminé qui est effectivement pris par le travailleur. 10. Les conditions dans lesquelles des versements partiels peuvent être imputés sur le paiement d'un congé déterminé effectivement pris par le travailleur ont donc été définies par la Cour de justice de l'Union européenne. 11. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, rédigé dans les mêmes termes que l'article 7 de la directive 93/104/CE, il n'y a pas lieu en conséquence de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme, alors « que page 54 de ses écritures d'appel, Madame [L] [Y] rappelait que Madame [U] était rémunérée toute l'année, y compris durant les périodes où elle était en congés, et qu'elle ''percevait ainsi un salaire mensuel constant de 1 800 euros bruts'', et que depuis son contrat de travail du 6 janvier 2015 jusqu'au licenciement intervenu en septembre 2017, il était précisé que cette rémunération correspondait à ''18 euros bruts de l'heure congés payés inclus sur une base de 30 heures par semaine, 40 semaines par an, soit 1 200 heures par an, et 100 heures par mois'' ; que Madame [U], de son côté, ne se plaignait pas d'une atteinte à son droit au repos mais demandait au contraire à la cour d'appel de constater « que le Docteur [F] [L]-[Y] impose à Madame [B] [U] de prendre 12 semaines de congés payés au lieu des 5 semaines de congés payés légaux'' ; qu'en jugeant qu'''alors que les congés payés ne sont pas de cinq semaines mais de douze semaines, la clause ci-avant reproduite prévoyant simplement l'inclusion de l'indemnité compensatrice de congés payés au taux horaire, sans détermination du taux horaire hors congés payés, ne répond pas aux exigences requises et sera déclarée inopposable à Mme [O]'', bien que la clause litigieuse n'ait jamais empêché Madame [U] de prendre effectivement les congés qui lui étaient dus pendant les trois années concernées, bien que ces congés payés effectivement pris par Madame [U] aient été supérieurs aux congés payés imposés par la loi, bien qu'il n'ait jamais été contesté que la somme de 1 800 € mensuelle aboutissait à un montant de rémunération supérieur aux minimas exigés par la loi et par la convention collective du personnel des cabinets médicaux et bien que la fixité de la rémunération de 1 800 € mensuels, y compris pendant les périodes de congés de Madame [U], n'ait jamais laissé le moindre doute possible à cette dernière sur la part correspondant à ses congés payés, de sorte que cette clause était transparente et compréhensible, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. » Réponse de la Cour 13. Selon les articles L. 3141-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3141-24 du code du travail, dans sa rédaction issue de la même loi, le congé payé annuel ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. Toutefois, cette indemnité ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler. 14. Aux termes des articles L. 3141-29 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3141-31 du code du travail, dans sa rédaction issue de la même loi, lorsqu'un établissement ferme pendant un nombre de jours dépassant la durée des congés légaux annuels, l'employeur verse aux salariés, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, une indemnité qui ne peut être inférieure à l'indemnité journalière de congés. Cette indemnité journalière ne se confond pas avec l'indemnité de congés. 15. S'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris. 16. La cour d'appel a, d'abord, relevé que la rémunération horaire était fixée à 18 euros congés payés inclus, sur une base de trente heures par semaine, quarante semaines par an, soit mille deux cents heures par an et cent heures par mois. Elle a, ensuite, fait ressortir que le paiement de la rémunération des heures de travail accomplies sur l'année était lissée sur douze mois, y compris durant les douze semaines de fermeture du cabinet. 17. La cour d'appel, qui a constaté que la rémunération contractuelle se bornait à mentionner que la rémunération horaire incluait les congés payés, sans que soit distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, en a exactement déduit que cette clause n'était ni transparente ni compréhensible et ne pouvait être opposée à la salariée. 18. La rémunération versée pendant les périodes de congés payés et de fermeture du cabinet correspondant non à l'indemnité de congés, mais, en raison du lissage annuel, au paiement des heures de travail, la cour d'appel a décidé à bon droit, peu important que cette rémunération soit supérieure aux minima légal et conventionnel, que la salariée pouvait prétendre à un rappel de salaire au titre des congés payés et de la période de fermeture de l'établissement excédant les cinq semaines de congés légaux. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 20. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, alors « que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat ; qu'en l'espèce, la salariée sollicitait la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée notamment parce ''le motif de recours au contrat de travail à durée déterminée n'existait plus à la date du renouvellement'' ; que pour juger prescrite la demande de requalification présentée lors de la saisine du conseil de prud'hommes le 6 mars 2018, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription au jour de la conclusion de l'avenant de renouvellement le 10 juin 2015 et non au terme de ce contrat survenu le 30 juin 2016 ; que la cour d'appel a, en conséquence, violé les articles L. 1471-1, L. 1245-1 et L. 1242-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1471-1 et L. 1245-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article L. 1242-1 du code du travail : 21. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. En application du deuxième de ces textes, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier. 22. Pour déclarer irrecevable la demande en requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification court à compter du 10 juin 2015, s'agissant de l'illégalité du motif de recours visé au contrat, la salariée plaidant à juste titre qu'un contrat de travail à durée déterminée ne pouvait être conclu pour remplacer une salariée en arrêt maternité ayant en réalité quitté l'entreprise. Il ajoute que la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 6 mars 2018, plus de deux ans après le point de départ du délai de prescription. 23. En statuant ainsi, alors que la salariée invoquait, non un vice de forme du contrat de travail à durée déterminée, mais l'irrégularité du motif invoqué par l'employeur pour recourir à un tel contrat, de sorte que le délai de prescription courait à compter du terme de ce contrat, le 1er juillet 2016, date à laquelle la relation de travail s'est poursuivie avec le médecin ayant repris l'activité du cabinet, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 24. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de l'indemnité de requalification, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne Mme [L] [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [L] [Y] et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL | S'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris. Fait l'exacte application de la loi, la cour d'appel qui, ayant constaté que la rémunération contractuelle se bornait à mentionner que la rémunération horaire incluait les congés payés, sans que soit distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, a décidé que cette clause n'était ni transparente ni compréhensible et ne pouvait être opposée à la salariée. La rémunération versée pendant les périodes de congés payés et de fermeture du cabinet correspondant non à l'indemnité de congé, mais, en raison du lissage annuel, au paiement des heures de travail, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la salariée pouvait prétendre à un rappel de salaire au titre des congés payés et de la période de fermeture de l'établissement excédant les cinq semaines de congés légaux, peu important que cette rémunération soit supérieure aux minima légal et conventionnel |
|||||||||
JURITEXT000048581517 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581517.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 21-19.282, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302128 | Rejet | 21-19282 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-05-28 | Cour d'appel de Douai | M. Sommer | SCP Piwnica et Molinié, SARL Cabinet Rousseau et Tapie | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02128 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 2128 FS-B Pourvoi n° T 21-19.282 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société VAFC-[Localité 3] sport développement, société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 1] a formé le pourvoi n° T 21-19.282 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à M. [Z] [X], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société VAFC-[Localité 3] sport développement, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [X], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mai 2021), M. [X] a été engagé en qualité de joueur professionnel le 27 juin 2006 par la société VAFC-[Localité 3] sport développement par contrat à durée déterminée. Le contrat a été renouvelé par plusieurs avenants, le dernier fixant le terme de la relation de travail au 30 juin 2016. 2. A la suite de sa rétrogradation en division inférieure, le club a, le 2 juin 2014, proposé au joueur une diminution de sa rémunération brute de 50 %. Par lettre du 19 juin 2014 le salarié a refusé cette proposition et indiqué accepter une baisse de rémunération de 20 %. Le 23 juin 2014, le club a pris acte de la décision du joueur et lui a notifié la fin de leur relation contractuelle au 30 juin 2014. 3. Le 19 septembre 2014, le joueur a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le club fait grief à l'arrêt de déclarer l'action du joueur recevable, de dire la rupture du contrat de travail non fondée et de le condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture contractuelle abusive, alors « que l'article 271 de la charte du football professionnel prévoit que "Tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique" ; qu'il en résulte que la saisine de la commission juridique est un préalable à celle de la juridiction prud'homale et incombe à celui qui a décidé d'introduire une action judiciaire pour faire trancher un litige ; qu'en affirmant la recevabilité de l'action introduite par M. [X] après avoir énoncé que la saisine de la commission incombait à l'employeur initiateur de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé l'article 271 de la charte du football professionnel. » Réponse de la Cour 5. Les dispositions de l'article 271 de la charte du football professionnel, qui prévoient que tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique de la Ligue de football professionnel, n'instituent pas une procédure de conciliation. 6. Ayant constaté que l'employeur avait notifié au joueur la fin de la relation contractuelle au 30 juin 2014 à la suite du refus de ce dernier de consentir à une baisse de rémunération de 50 %, la cour d'appel a exactement décidé que la contestation de cette rupture n'était pas subordonnée à un préalable de conciliation devant la commission juridique de la Ligue de football professionnel. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. Le club fait grief à l'arrêt de dire la rupture du contrat de travail non fondée et de le condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture contractuelle abusive, alors : « 1°/ qu'en cas de relégation, l'article 761 de la charte du football professionnel prévoit que le club peut proposer au joueur une diminution de sa rémunération dans le respect d'une grille qu'elle établit et que le refus du salarié emporte libération du contrat au 30 juin sans indemnité ; que cette disposition constitue une cause autonome de rupture des relations contractuelles, justifiée par les contraintes inhérentes à la pratique du sport professionnel et notamment par les contraintes économiques auxquelles peut être soumis un club sportif professionnel ; qu'en énonçant que la rupture du contrat de travail de M. [X] serait illicite en ce qu'elle ne relèverait pas du consentement mutuel des parties, de la faute grave du salarié, de la force majeure ou d'une inaptitude médicalement constatée, la cour d'appel a violé l'article 761 susvisé ; 2°/ qu'en cas de relégation, l'article 761 de la charte du football professionnel prévoit que le club peut proposer au joueur une diminution de rémunération dans le respect d'une grille qu'elle établit et que le refus du salarié emporte libération du contrat au 30 juin sans indemnité ; que cette cause autonome de rupture des relations contractuelles ne relève pas d'une hypothèse d'un manquement aux obligations contractuelles imposant une saisine préalable de la commission juridique conformément à l'article 265-1 de la charte ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 265-1 et 761 de la charte du football professionnel. » Réponse de la Cour 9. Sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié. 10. Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du code du travail, auxquelles ni la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. 11. La cour d'appel a constaté qu'à la suite de sa relégation en division inférieure le club, qui invoquait les dispositions de l'article 761 de la charte du football professionnel, avait proposé au joueur une diminution de sa rémunération brute de 50 % avant de prendre acte du refus de ce dernier et de lui notifier la fin de la relation contractuelle au 30 juin 2014. Elle en a exactement déduit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée, qui ne résultait ni du consentement mutuel des parties ni de la faute grave du salarié ni de la force majeure ni d'une inaptitude médicalement constatée, était illicite. 12. Le moyen, qui, pris en sa seconde branche, est inopérant, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société VAFC-[Localité 3] sport développement aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société VAFC-[Localité 3] sport développement et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | SPORTS - Règlement - Football - Charte du football professionnel - Litiges entre clubs et joueurs - Litiges relatifs à la durée et aux obligations réciproques - Compétence - Commission juridique de la Ligue de football professionnel - Procédure - Nature - Portée | Les dispositions de l'article 271 de la charte du football professionnel, qui prévoient que tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique de la Ligue de football professionnel, n'instituent pas une procédure de conciliation |
|||||||||
JURITEXT000048581549 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581549.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-13.871, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302130 | Cassation | 22-13871 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-01-25 | Conseil de prud'hommes de Lorient | M. Sommer | SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02130 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CZ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation M. SOMMER, président Arrêt n° 2130 FS-B Pourvoi n° H 22-13.871 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 M. [K] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-13.871 contre le jugement rendu le 25 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Lorient (section industrie), dans le litige l'opposant à la société Le Télégramme, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Le Télégramme, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lorient, 25 janvier 2022), rendu en dernier ressort, M. [C] a été engagé par la société Le Télégramme à compter du 16 février 1987. Dans le dernier état de la relation de travail, il occupait, en qualité de journaliste, un emploi de rédacteur. 2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987. 3. Après plusieurs arrêts de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle, le salarié a été absent de façon continue à compter du 1er août 2018. Il a été licencié le 28 janvier 2020. 4. Le 26 avril 2021, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de prime de treizième mois au titre des années 2017, 2018 et 2019. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de l'ensemble de ses demandes aux fins, notamment, de condamnation de l'employeur à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaire sur les primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, au titre des intérêts de retard et à titre d'indemnité de procédure, alors « que l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes étendue par arrêté du 2 février 1988 précise qu'"à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre" ; que, sauf dispositions contraires, l'employeur ne peut réduire le montant d'une prime de treizième mois au prorata du temps de présence effectif du salarié, en raison de la suspension du contrat de travail consécutive à la maladie de celui-ci ; qu'il s'ensuit que l'employeur, qui relève de ladite convention, ne peut décider de modalités d'attribution moins favorables aux salariés en soumettant l'octroi de la prime de treizième mois à une présence effective, et ne peut déduire une absence pour maladie que si l'accord collectif prévoyant le versement de la prime de treizième mois l'y autorise ; qu'en jugeant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de prime conventionnelle de treizième mois, que l'employeur avait fait application d'une pratique plus avantageuse que les dispositions conventionnelles en allouant une prime de treizième mois basée sur le temps de présence effectif du salarié, cependant qu'il avait constaté que l'article 25 de la convention collective des journalistes ne prévoyait pas de réduction de la prime au prorata du temps de présence effectif, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1979 (en réalité 1976), ensemble l'article L. 2262-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987 : 6. Aux termes de ce texte, à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre. Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra à 1/12 des salaires perçus au cours de l'année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l'année suivante. En cas de licenciement ou de démission en cours d'année, il sera versé au titre de ce salaire, dit « mois double » ou « treizième mois », un nombre de 1/12 égal au nombre de mois passés dans l'entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu. Les journalistes professionnels engagés en cours d'année recevront fin décembre un nombre de douzièmes égal au nombre de mois passés dans l'entreprise. Dans tous les cas ces 1/12 ne seront dus qu'après 3 mois de présence. Pour les collaborateurs salariés employés à titre occasionnel, les douzièmes ne seront dus qu'à ceux qui auront collaboré à 3 reprises différentes ou dont le salaire aura atteint au cours de l'année civile au moins 3 fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse considérée. Toute fraction de mois égale ou supérieure à 15 jours est comptée pour 1 mois. Si le journaliste professionnel entre dans une entreprise le 1er novembre d'une année civile, il recevra 2/12 le 1er février suivant. S'il entre le 1er décembre, 1/12 le 1er mars suivant. 7. Il en résulte que, sauf exception prévue par ce texte, tout journaliste professionnel perçoit, à titre de treizième mois, le salaire convenu du mois de décembre sans condition de présence effective. 8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, le jugement relève qu'au regard du tableau de calculs de simulation produit par l'employeur, le salaire de l'intéressé aurait été, en tenant compte des absences pour maladie, de 691,03 euros en décembre 2017, de 1 605,04 euros en décembre 2018 et de zéro euro en décembre 2019. Il retient qu'en conséquence, au titre du treizième mois, le salarié aurait dû percevoir ces mêmes sommes respectivement en décembre 2017, en décembre 2018 et en décembre 2019. Il constate, au vu de ses bulletins de salaire, qu'il a perçu 2 367,99 euros en décembre 2017, 2 282,23 euros en décembre 2018 et 481,23 euros en décembre 2019. Il en conclut que, s'agissant du treizième mois, l'employeur a mis en place une pratique mieux disante que les dispositions conventionnelles. 9. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Lorient ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Vannes ; Condamne la société Le Télégramme aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Télégramme et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS | Il résulte de l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987, que, sauf exception prévue par ce texte, tout journaliste professionnel perçoit, à titre de treizième mois, le salaire convenu du mois de décembre sans condition de présence effective. Encourt dès lors la cassation le conseil de prud'hommes qui, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des primes de treizième mois pour les années 2017, 2018 et 2019, après avoir relevé qu'au regard du tableau de calculs de simulation produit par l'employeur, le salaire de l'intéressé aurait été, en tenant compte des absences pour maladie, de 691,03 euros en décembre 2017, de 1 605,04 euros en décembre 2018 et de zéro euro en décembre 2019, retient qu'en conséquence, au titre du treizième mois, le salarié aurait dû percevoir ces mêmes sommes respectivement en décembre 2017, en décembre 2018 et en décembre 2019 |
|||||||||
JURITEXT000048581551 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/15/JURITEXT000048581551.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-10.004, Publié au bulletin | 2023-11-29 00:00:00 | Cour de cassation | 52302131 | Cassation | 22-10004 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-07-22 | Cour d'appel de Dijon | M. Sommer | SAS Buk Lament-Robillot | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02131 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. HP COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 novembre 2023 Cassation M. SOMMER, président Arrêt n° 2131 FS-B Pourvoi n° D 22-10.004 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023 La société Seris Security, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 22-10.004 contre l'arrêt rendu le 22 juillet 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [G] [I], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Seris Security, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 22 juillet 2021), M. [I] a été engagé en qualité d'agent de sécurité confirmé par la société GLN sécurité, aux droits de laquelle se trouve la société Seris Security, suivant un contrat de travail du 2 janvier 2003. 2. Par lettre recommandée du 21 décembre 2016, l'employeur a demandé au salarié de lui faire parvenir son nouveau titre de séjour au plus tard sept jours avant l'expiration de celui en cours de validité, soit le 26 décembre 2016, lui précisant qu'à défaut, il ne pourrait pas continuer à exécuter sa prestation de travail à compter du 2 janvier 2017, date d'expiration de son titre de séjour. Le 28 décembre 2016, il lui a adressé une mise en demeure lui rappelant la nécessité de produire un nouveau titre de séjour. 3. Le 23 janvier 2017, l'employeur a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail pour absence de titre de séjour lui permettant de travailler sur le territoire français. 4. Le 17 mars 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale de ce contrat. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage payées du jour du licenciement jusqu'à la date du prononcé de la décision dans la limite de six mois d'indemnités, alors « que si, aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration et conserve pendant cette période son droit d'exercer une activité professionnelle, c'est à la condition qu'il ait effectivement déposé une demande de renouvellement du titre expiré dans le délai imparti par l'article R. 311-2, 4°, du même code, à savoir au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de celui-ci, ce dont il doit pouvoir justifier auprès de son employeur ; que la cour d'appel en énonçant, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le salarié était titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 2 janvier 2017 qui lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, qu'il ne se trouvait donc pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, ne s'appliquait pas à sa situation, a violé les articles L. 311-4, alinéa 2, et R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et l'article R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019 : 6. Selon le premier de ces textes, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle. 7. Selon le second, l'étranger qui séjourne déjà en France présente sa demande de renouvellement de sa carte de séjour dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, sauf s'il est titulaire du statut de résident de longue durée-UE accordé par la France en application des articles L. 314-8, L. 314-8-1 et L. 314-8-2. 8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration. 9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017, l'arrêt énonce qu'en application de l'article R. 5221-3, 1°, du code du travail, dans sa version applicable au litige, la carte de résident, délivrée en application de l'article L. 314-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue le premier des documents visés constituant une autorisation de travail et qui « permet l'exercice de toute activité professionnelle salariée ». Il relève que le salarié était titulaire d'un tel document valant autorisation de travail. 10. Il retient qu'en vertu de l'article L. 311-4, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur du 1er novembre 2015 au 1er mars 2019, une disposition réglementaire ne pouvant limiter les droits, ainsi reconnus par la loi, au salarié titulaire d'une carte de résident, la nature du titre de séjour dont bénéficiait le salarié lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement. 11. Il en conclut que le salarié ne se trouvait pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant « le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s'appliquait pas à sa situation. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ; Condamne M. [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Applications diverses - Travailleur étranger - Carte de résident - Deux mois précédant l'expiration du titre de séjour - Demande de renouvellement - Délai - Défaut - Portée | ETRANGER - Entrée et séjour - Carte de résident - Expiration - Activité professionnelle - Exercice - Possibilité - Conditions - Demande de renouvellement - Délai de deux mois précédant l'expiration du titre de séjour - Portée | Il résulte de la combinaison des articles L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019, qu'un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration. Encourt dès lors la cassation la cour d'appel qui, pour dire le licenciement notifié le 23 janvier 2017 dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017, retient qu'une disposition réglementaire ne pouvant limiter les droits, reconnus par la loi, au salarié titulaire d'une carte de résident, la nature du titre de séjour dont bénéficiait le salarié lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant « le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s'appliquait pas à sa situation |
||||||||
JURITEXT000048581720 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581720.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 décembre 2023, 21-22.401 22-21.168, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 52302175 | Rejet | 21-22401 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2021-07-23 | Cour d'appel de Toulouse | Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Célice, Texidor, Périer, Me Occhipinti | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02175 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Rejet Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2175 F-B Pourvois n° P 22-21.168 G 21-22.401 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 La société Onet services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° P 22-21.168 et G 21-22.401 contre deux arrêts rendus les 23 juillet 2021 et 8 juillet 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1) dans les litiges l'opposant Mme [W] [F], domicciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui du pourvoi n° P 22-21.168, trois moyens de cassation, et à l'appui du pourvoi n° G 21-22.401, deux moyens de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Onet services, de Me Occhipinti, avocat de Mme [F], et l'avis écrit de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 21-22.401 et P 22-21.168 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Toulouse, 23 juillet 2021 et 8 juillet 2022), Mme [F] a été engagée le 1er juin 2006 par la société Onet services et exerçait en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe. 3. Elle a été déclarée inapte au poste de chef d'équipe - contrôleuse qualité le 19 août 2019 par le médecin du travail, et a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cet avis. Examen des moyens Sur le deuxième moyen du pourvoi G 21-22.401 et le deuxième moyen du pourvoi P 22-21.168 en tant qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 23 juillet 2021, et sur le troisième moyen du pourvoi P 22-21.168 pris en sa première branche, en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 8 juillet 2022 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi G 21-22.401 et le premier moyen du pourvoi P 22-21.168 en tant qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 23 juillet 2021, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé des moyens 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'en l'absence de preuve de la notification à la salariée de l'avis d'inaptitude, le délai de quinze jours de l'article R. 4624-45 du code du travail n'a pas couru et, en conséquence, de faire droit à la demande de désignation d'un médecin-inspecteur du travail formée par la salariée, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au cas présent l'employeur faisait valoir que la salariée avait nécessairement pris connaissance, au plus tard le 30 août 2019, de l'avis d'inaptitude à tout emploi rendu par le médecin du travail le 19 août 2019, de sorte que son action, introduite devant le conseil de prud'hommes le 20 septembre 2019, était prescrite faute d'avoir été introduite dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 4624-45 du code du travail ; qu'à cette fin, l'employeur produisait en pièce n° 8 un courriel du médecin du travail qui attestait de ce que la salariée s'était rendue personnellement dans les locaux de la médecine du travail au cours de la semaine du 26 au 30 août 2019 pour récupérer son avis d'inaptitude et s'en faire expliquer la teneur ainsi que ses conséquence ; que pour dire le délai de prescription de quinze jours n'avait pas commencé à courir, de sorte l'action de la salariée était recevable et non prescrite, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la reprise, dans la lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement, des conclusions portées sur l'avis d'inaptitude est insuffisante à justifier de la connaissance par la salariée, des délais et voies de recours ; qu'en statuant ainsi, sans analyser, même sommairement, le courriel du médecin du travail, régulièrement versé aux débats par l'exposante, dont il résultait que la salariée avait nécessairement pris connaissance le 30 août 2019 au plus tard de l'avis d'inaptitude émis le 19 août 2019, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel qui, après avoir analysé l'ensemble des éléments produits devant elle et sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle écartait, a estimé qu'aucun élément ne permettait de retenir que l'avis dactylographié, mentionnant les voies et délais de recours par le salarié ou l'employeur, avait été remis personnellement à la salariée à l'issue de la visite, a légalement justifié sa décision. Sur le troisième moyen du pourvoi P 22-21.168, pris en ses deuxième et troisième branches, en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 8 juillet 2022 Enoncé du moyen 7. L'employeur fait grief à l'arrêt du 8 juillet 2022 de le débouter de ses demandes de nullité et d'inopposabilité de l'expertise établie par le médecin inspecteur du travail et de substituer à l'avis du médecin du travail du 19 août 2019 la décision suivante : « Poste de contrôleur qualité : Madame [F] est inapte au poste de contrôleur qualité. Un poste de reclassement doit être recherché dans l'entreprise. Le poste de reclassement proposé ne devra pas contenir de tâches imposant de façon habituelle et répétée des mouvements de torsion et d'hyper-extension du rachis. Un poste de chef d'équipe pourrait être proposé à cette salariée. Poste de chef d'équipe : Madame [F] est apte au poste avec aménagement. Aménagement : possibilité de contrainte rachidienne ponctuelle pour vérifier un contrôle mais contre-indication définitive à remplacer les agents sur les postes de contrôleur ou de nettoyage sur une durée supérieure à une heure par jour », alors : « 2°/ qu'il résulte de l'article L. 4624-7 du code du travail que le médecin-inspecteur du travail désigné par la juridiction prud'homale est tenu de transmettre au médecin mandaté par l'employeur, à sa demande, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l'exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique ; que le législateur a ainsi entendu permettre à l'employeur de faire valoir ses droits, dans le cadre d'un débat contradictoire devant la juridiction prud'homale amenée à se prononcer sur le bien-fondé d'un avis émis par le médecin du travail, en permettant à l'employeur de mandater un médecin soumis au secret professionnel qui, au cours des opérations d'expertise, pourra prendre connaissance des éléments médicaux examinés par le médecin-inspecteur du travail afin d'émettre un avis intégralement distinct quant à l'aptitude ou l'inaptitude du salarié et aux éventuelles possibilités d'aménagements de poste ou de reclassement du salarié ; qu'au cas présent, par avis du 19 août 2019, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail avec dispense de recherche de reclassement, au motif que l'état de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ; que la salariée ayant contesté le bien-fondé de cet avis, la cour d'appel a désigné le médecin-inspecteur du travail pour mener une mission d'expertise, pour laquelle l'employeur a mandaté le docteur [X] ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de l'arrêt que l'expert a refusé de transmettre au docteur [X] le contenu des ''commentaires - examen clinique de deux comptes-rendus de visite auprès du médecin du travail'' ainsi que du commentaire du docteur [G], médecin référent de la cellule maintien dans l'emploi du service de santé au travail sur l'avis de cette cellule ; que pour valider néanmoins l'expertise et écarter l'existence d'une atteinte au principe du contradictoire, la cour d'appel a affirmé que le médecin expert n'est tenu de transmettre au médecin mandaté par la société que des éléments médicaux ayant fondé la décision d'inaptitude prise par le médecin du travail ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que les éléments dissimulés par le médecin-inspecteur du travail au médecin mandaté par l'employeur avaient, par leur nature, nécessairement fondé – ne serait-ce que partiellement – l'avis d'inaptitude avec dispense de reclassement émis par le médecin du travail sans qu'il n'apparaisse que ces éléments auraient relevé du dossier médical partagé visé par l'article L. 1111-17 du code de la santé publique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 4624-7 du code du travail ensemble l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; 3°/ que tout jugement doit être motivé et qu'un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que pour contester la validité de l'expertise en raison d'une atteinte au principe du contradictoire, l'employeur faisait notamment valoir, avec offre de preuves, que l'expert, médecin-inspecteur du travail, avait volontairement dissimulé au docteur [X] le commentaire apposé par le docteur [G], médecin référent de la cellule maintien dans l'emploi du service de santé au travail, alors que le médecin du travail s'était nécessairement fondé sur cet élément pour déclarer la salariée inapte à son poste de travail et préciser que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement ; qu'en validant néanmoins l'expertise menée par le médecin-inspecteur du travail aux motifs que le médecin-expert, ''par mail du 26 octobre 2021 a précisé la qualité du docteur [G]'' ce dont elle a déduit qu'il n'y a pas d'atteinte au respect du principe de contradictoire, la cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen soulevé par l'employeur, assorti d'offres de preuve et déterminant pour l'issue du litige, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes en la forme des référés d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige. Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers. A la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification. 9. Il résulte de ces dispositions que le médecin inspecteur du travail n'est tenu de communiquer au médecin mandaté par l'employeur que les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l'exclusion de tout autre élément porté à sa connaissance dans le cadre de l'exécution de sa mission. 10. La cour d'appel, qui a constaté que le médecin inspecteur du travail avait refusé de communiquer au médecin mandaté par l'employeur des éléments du dossier médical de santé au travail du salarié qui n'étaient ni des éléments médicaux ni des éléments ayant fondé l'avis d'inaptitude contesté, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Onet services aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Onet services et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE | ||||||||||
JURITEXT000048581722 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/58/17/JURITEXT000048581722.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 décembre 2023, 22-19.603, Publié au bulletin | 2023-12-13 00:00:00 | Cour de cassation | 52302185 | Rejet | 22-19603 | oui | CHAMBRE_SOCIALE | 2022-05-31 | Cour d'appel d'Angers | Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SARL Cabinet Rousseau et Tapie | ECLI:FR:CCASS:2023:SO02185 | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 décembre 2023 Rejet Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2185 F-B Pourvoi n° N 22-19.603 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 DÉCEMBRE 2023 La société Glaxo Wellcome Production, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-19.603 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [M] [K], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Glaxo Wellcome Production, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 31 mai 2022), M. [K] a été engagé en qualité de préparateur de fabrication par la société Glaxo Wellcome Production, le 21 janvier 2002. 2. Le 23 octobre 2017, il a été déclaré inapte à son poste par un avis du médecin du travail mentionnant que « l'état de santé de M. [M] [K] (...) fait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi ». Dans cet avis, le médecin du travail avait coché la case indiquant que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. 3. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 novembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à la rupture de son contrat de travail. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées dans la limite de trois mois d'indemnités, alors « que selon l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ; qu'il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles le 23 octobre 2017, le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à son poste de travail au terme d'une seule visite et avait coché la case selon laquelle ''l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'', ce qui avait précisément pour objet et pour effet de dispenser l'employeur de rechercher un reclassement et de consulter les délégués du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1226-12 et L. 1226-2-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 5. L'arrêt constate que le médecin du travail, qui a coché la case mentionnant que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », a précisé que l'inaptitude faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi. 6. L'arrêt ajoute que l'avis ne vaut que pour le site en Mayenne et relève que l'employeur dispose d'autres établissements. 7. La cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas dispensé, par un avis d'inaptitude du médecin du travail limité à un seul site, de rechercher un reclassement hors de l'établissement auquel le salarié était affecté et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Glaxo Wellcome Production aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Glaxo Wellcome Production et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois. | CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE | ||||||||||
JURITEXT000047738005 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/73/80/JURITEXT000047738005.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 juin 2023, 21-20.396, Publié au bulletin | 2023-06-21 00:00:00 | Cour de cassation | 12300429 | Cassation | 21-20396 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-06-01 | Cour d'appel de Rennes | M. Chauvin | SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Sevaux et Mathonnet | ECLI:FR:CCASS:2023:C100429 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 juin 2023 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 429 FS-B Pourvoi n° D 21-20.396 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023 M. [Y] [H], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° D 21-20.396 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [R] [D], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à M. [M] [H], domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y] [H], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [D], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juin 2021), [W] [O] [F] est décédée le 3 juillet 2010, en laissant pour lui succéder ses enfants, MM. [Y] et [M] [H], et en l'état d'un testament authentique reçu le 4 juin 2010 et instituant Mme [D] légataire des biens et droits immobiliers dont elle était propriétaire à [Localité 5], sis [Adresse 1] et [Adresse 3]. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. M. [Y] [H] fait grief à l'arrêt de dire que Mme [D] a le droit de disposer et de jouir de l'appartement situé [Adresse 1], depuis le 3 juillet 2010, de rejeter les demandes de MM. [H] en paiement d'une indemnité pour l'occupation de ce bien par Mme [D] à compter de cette date et de condamner celle-ci au paiement d'une indemnité de réduction, alors « que le légataire particulier qui n'a pas la qualité d'héritier réservataire est tenu en toute hypothèse de solliciter la délivrance de la chose léguée ; qu'en retenant, pour écarter la prescription soulevée par les consorts [H] et les débouter de leur demande d'indemnité d'occupation, que Mme [D] n'avait pas à solliciter la délivrance du legs de l'appartement situé [Adresse 1], à [Localité 5], dès lors que « le légataire mis en possession du bien légué par le testateur avant le décès de celui-ci et qui se maintient en possession après ce décès n'est pas tenu de faire une demande de délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien légué », la cour d'appel a violé l'article 1014 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1014 du code civil : 3. Il résulte de ce texte que, si le légataire particulier devient, dès l'ouverture de la succession, propriétaire de la chose léguée, il est néanmoins tenu, pour faire reconnaître son droit, de demander la délivrance du legs, peu important qu'il ait été mis en possession de cette chose par le testateur avant son décès. 4. Pour rejeter les demandes de MM. [H] tendant à voir constater la prescription de la délivrance du legs de l'appartement sis à [Adresse 1] et à voir condamner Mme [D] au paiement d'une indemnité d'occupation, l'arrêt retient qu'il ressort des dispositions de l'article 1014, alinéa 2, du code civil que le légataire qui est mis en possession du bien légué par le testateur avant le décès de celui-ci et qui se maintient en possession après ce décès n'est pas tenu de demander la délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien légué et qu'en conséquence, c'est en vain que MM. [H] soulèvent le moyen tiré de la prescription de l'action en délivrance. 5. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. [Y] [H] fait grief à l'arrêt de dire que l'action en délivrance du legs portant sur le local commercial situé [Adresse 3], à [Localité 5] est prescrite dans le sens où Mme [D] n'a aucun droit sur les revenus nets produits par ce bien depuis le décès de [W] [O] [F] et avant la demande de délivrance, de fixer la date de la demande de délivrance de ce bien au 29 septembre 2017 et de dire que Mme [D] a le droit de percevoir les revenus nets produits par ce bien à compter de cette date, alors « que le bénéficiaire d'un legs à titre particulier qui s'abstient d'en solliciter la délivrance dans le délai de prescription est privé de tout droit sur la chose léguée ; qu'en retenant, d'une part, que Mme [D] n'avait pas formé de demande de délivrance du legs portant sur le local commercial situé [Adresse 3] dans le délai de 5 ans après le décès de [W] [O] [F] et qu'elle était donc prescrite, et, d'autre part, que les conclusions de Mme [D] du 29 septembre 2017 valaient demande de délivrance des legs et que cette dernière était donc créancière des loyers nets produits par le local commercial à compter de cette date, la cour d'appel a violé les articles 1014 et 2219 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1014, alinéa 2, et 2219 du code civil : 7. Aux termes du premier de ces textes, le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu'à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l'ordre établi par l'article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie. 8. Le second dispose : « La prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. » 9. Il en résulte que, lorsque l'action en délivrance du légataire particulier est atteinte par la prescription, celui-ci, qui ne peut plus se prévaloir de son legs, ne peut prétendre aux fruits de la chose léguée. 10. Après avoir dit que l'action en délivrance du legs portant sur le local commercial sis à [Adresse 3] était prescrite, l'arrêt retient que Mme [D] est créancière des loyers nets produits par le local commercial à compter du 29 septembre 2017, date de ses conclusions devant le premier juge valant demande de délivrance des legs. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions visées par les premier et deuxième moyens entraîne la cassation de l'ensemble des chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne Mme [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [D] et la condamne à payer à M. [Y] [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois. | TESTAMENT - Legs - Legs particulier - Délivrance - Demande - Nécessité - Mise en possession avant le décès - Indifférence | Il résulte de l'article 1014 du code civil que, si le légataire particulier devient, dès l'ouverture de la succession, propriétaire de la chose léguée, il est néanmoins tenu, pour faire reconnaître son droit, de demander la délivrance du legs, peu important qu'il ait été mis en possession de cette chose par le testateur avant son décès |
|||||||||
JURITEXT000047738007 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/73/80/JURITEXT000047738007.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 juin 2023, 21-24.851, Publié au bulletin | 2023-06-21 00:00:00 | Cour de cassation | 12300430 | Cassation | 21-24851 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2021-09-07 | Cour d'appel de Rennes | M. Chauvin | SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier | ECLI:FR:CCASS:2023:C100430 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 juin 2023 Cassation Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 430 FS-B Pourvoi n° W 21-24.851 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023 M. [J] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-24.851 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à Mme [W] [F], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M.[I], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 septembre 2021), un jugement du 15 janvier 2003 a prononcé le divorce de M. [I] et de Mme [F], mariés sans contrat préalable. 2. Des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de « récompense » au titre du remboursement anticipé du solde d'un prêt souscrit avant le mariage, en application de l'article 1355 du code civil, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché par son dispositif ; que le jugement du 26 août 2011 n'a pas, dans son dispositif, statué sur une demande de M. [I] tendant au bénéfice d'une récompense due par la communauté au titre du remboursement anticipé auquel il avait procédé sur ses deniers propres, en mai 1994, du prêt immobilier souscrit indivisément, avant le mariage, pour l'acquisition d'un appartement situé à [Localité 3], à hauteur de 292 375,14 francs (44 572,30 euros), demande dont il n'a pas davantage été fait mention dans les motifs de ce jugement, lorsque le tribunal a examiné la question du financement de l'acquisition de cet appartement, seule étant envisagée la récompense due au titre du financement de l'acquisition de la maison de [Localité 4], après mariage ; que la cour d'appel qui, pour dire irrecevable la demande de M. [I] aux fins de récompense au titre du remboursement anticipé du prêt souscrit pour l'acquisition de l'appartement de [Localité 3], a énoncé que le tribunal avait, dans les motifs de son jugement du 26 août 2011, examiné la prétention de M. [I] aux fins de récompense au titre du remboursement anticipé d'un autre prêt UCB souscrit pour l'acquisition de l'appartement de [Localité 3] et que, dans son dispositif, le tribunal, après l'énoncé des sommes allouées dont la récompense de 12 504,64 euros au titre du remboursement d'un prêt immobilier souscrit pour l'acquisition de la maison de [Localité 4], avait rejeté tous autres moyens et prétentions des parties, a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil et l'article 480 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil et l'article 480 du code de procédure civile : 4. Il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif. 5. Pour déclarer irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, la demande de « récompense » formée par M. [I] au titre du remboursement anticipé, en mai 1994, d'un emprunt souscrit pour l'acquisition, avant le mariage, d'un immeuble situé à [Localité 3], l'arrêt retient que le tribunal a, dans les motifs de son jugement du 26 août 2011, examiné cette prétention pour la rejeter et, dans le dispositif de cette décision, expressément rejeté tous autres moyens ou prétentions des parties. 6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que, devant le tribunal, M. [I] s'était borné à demander une récompense au titre du financement de l'immeuble de [Localité 4], de sorte que le jugement du 26 août 2011 ne pouvait se voir attacher l'autorité de la chose jugée à l'égard d'une demande sur laquelle il n'avait pas statué, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en réévaluation d'une récompense fixée à son profit à hauteur de 12 504,64 euros au titre d'un solde de prêt ayant financé des travaux, alors « que la décision qui fixe le montant des sommes devant entrer dans la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, à la suite de la dissolution du mariage, sans fixer la date de jouissance divise, est dépourvue d'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive des biens ; que le jugement du 26 août 2011 a fixé à la somme de 12 504,64 euros la récompense due par la communauté à M. [I] au titre du remboursement d'un prêt immobilier souscrit pour l'acquisition de la maison de [Localité 4] sans fixer la date de jouissance divise ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation de cette récompense selon la règle du profit subsistant, que ses droits avaient été fixés par le jugement du 26 août 2011, devenu définitif, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 829, 1469, alinéas 1 et 3, et 1351, devenu 1355, du code civil : 8. Le premier de ces textes dispose : « En vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité. » 9. Aux termes du deuxième, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. 10. Selon le troisième, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. 11. Il en résulte que la décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette récompense. 12. Pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation d'une récompense au titre du remboursement d'un emprunt afférent à un immeuble commun, l'arrêt retient que le jugement du 26 août 2011 a définitivement statué sur la valeur de cette récompense. 13. En statuant ainsi, alors que le jugement du 26 août 2011 n'avait pas fixé la date de la jouissance divise, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 14. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en réévaluation d'une créance fixée à son profit envers l'indivision post-communautaire à hauteur de 39 637,67 euros, alors « que la décision qui fixe le montant des sommes devant entrer dans la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, à la suite de la dissolution du mariage, sans fixer la date de jouissance divise, est dépourvue d'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive des biens ; que le jugement du 26 août 2011 a fixé à la somme de 39 637,67 euros le montant de la créance post-communautaire de M. [I] au titre de prêts immobiliers consentis par la Société Générale, sans fixer la date de jouissance divise ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation de cette créance selon la règle du profit subsistant, que ses droits avaient été fixés par le jugement du 26 août 2011, devenu définitif, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 829, 815-13, alinéa 1er, et 1351, devenu 1355, du code civil : 15. Le premier de ces textes dispose : « En vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité. » 16. Selon le deuxième, lorsqu'un indivisaire a avancé de ses deniers les sommes nécessaires à la conservation d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité et eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. 17. Selon le troisième, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. 18. Il en résulte que la décision qui se prononce sur une créance d'un époux à l'encontre de l'indivision au titre de dépenses de conservation sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette créance. 19. Pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation d'une créance à son profit envers l'indivision post-communautaire au titre du remboursement d'emprunts souscrits pour l'acquisition d'un immeuble commun, l'arrêt retient que le jugement du 26 août 2011 a définitivement statué sur la valeur de cette créance. 20. En statuant ainsi, alors que le jugement du 26 août 2011 n'avait pas fixé la date de la jouissance divise, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [I] irrecevable en sa demande à bénéficier d'une « récompense supplémentaire » en lien avec le remboursement anticipé du solde d'un prêt indivis, en application de l'article 1355 du code civil, en ce qu'il déclare irrecevables les autres demandes de M. [I] relatives à une autre récompense de 12 504,64 euros au titre d'un solde de prêt travaux et à une créance post-communautaire de 39 637,67 euros due par l'indivision au patrimoine propre de M. [I], et en ce qu'il statue sur les dépens de première instance et d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne Mme [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-et-un juin deux mille vingt-trois. | CHOSE JUGEE - Décision dont l'autorité est invoquée - Partage - Décision se prononçant sur une récompense calculée selon le profit subsistant - Conditions - Décision fixant la date de la jouissance divise | CHOSE JUGEE - Décision dont l'autorité est invoquée - Indivision postcommunautaire - Créance d'un époux - Décision se prononçant sur la créance au titre de dépenses de conservation - Conditions - Décision fixant la date de jouissance divise | Il résulte des articles 829, 1469, alinéas 1 et 3, et 1351, devenu 1355, du code civil que la décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette récompense. Il résulte des articles 829, 815-13, alinéa 1, et 1351, devenu 1355, du code civil que la décision qui se prononce sur une créance d'un époux à l'encontre de l'indivision au titre de dépenses de conservation sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette créance |
||||||||
JURITEXT000047738009 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/73/80/JURITEXT000047738009.xml | ARRET | Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 juin 2023, 21-17.077, Publié au bulletin | 2023-06-21 00:00:00 | Cour de cassation | 12300439 | Cassation | 21-17077 | oui | CHAMBRE_CIVILE_1 | 2017-02-08 | Cour d'appel de Montpellier | Mme Auroy (conseiller doyen faisant fonction de président) | SCP Leduc et Vigand, SCP Le Bret-Desaché | ECLI:FR:CCASS:2023:C100439 | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 juin 2023 Cassation Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 439 F-B Pourvoi n° W 21-17.077 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023 Mme [L] [K], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-17.077 contre deux arrêts rendus les 8 février 2017 (3e chambre B) et 25 mars 2021 (2e chambre de la famille) par la cour d'appel de Montpellier, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de représentante légale de son fils mineur [G] [W], 2°/ à M. [V] [W], domicilié [Adresse 2], 3°/ à M. [A] [W], domicilié [Adresse 4], 4°/ à Mme [M] [W], épouse [N], domiciliée [Adresse 3], 5°/ à M. [G] [W], domicilié [Adresse 1], devenu majeur le 8 mai 2022, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [K], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme [J] et de M. [W], après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Reprise d'instance 1. Il est donné acte à M. [G] [W], devenu majeur, de sa reprise d'instance en son nom. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 8 février 2017 et 25 mars 2021), deux jugements des 7 février 1995 et 4 novembre 1996 ont, pour le premier, prononcé le divorce de Mme [K] et de [B] [W] et, pour le second, homologué leur accord prévoyant le paiement de la prestation compensatoire mise à la charge de l'époux sous la forme d'une rente mensuelle d'un certain montant. 3. Après le décès de celui-ci, survenu le 28 octobre 2012, Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [V] et [G] [W], issus de ses relations avec [B] [W], a assigné Mme [K], M. [A] [W] et Mme [M] [W], enfants issus du mariage, en suppression de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, subsidiairement, en diminution de celle-ci ou, très subsidiairement, en sa conversion en capital. 4. M. [V] [W], devenu majeur, est intervenu volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. Mme [K] fait grief à l'arrêt du 25 mars 2021 de déclarer recevable la demande de M. [V] [W] et de Mme [J], en sa qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire d'[G], aux fins de suppression ou de diminution du montant de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère et, en conséquence, de supprimer celle-ci à compter du décès de [B] [W], alors « qu'en l'absence d'accord de l'ensemble des héritiers pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, le décès de l'époux débiteur entraîne de plein droit sa conversion en un capital immédiatement exigible, si bien que l'action en révision ou en suppression de la rente n'est plus ouverte aux héritiers, faute d'objet, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elle a été fixée avant ou après l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action intentée par Mme [U] [J], agissant ès qualités et M. [V] [W], motif pris que la rente litigieuse aurait été fixée sous l'empire du droit antérieur à la loi du 30 juin 2000 et que resterait en ce cas ouverte aux héritiers l'action en révision ou en suppression de la rente fondée sur l'avantage manifestement excessif que procurerait son maintien, ce nonobstant l'absence de tout accord des héritiers pour maintenir le service de cette rente, la cour d'appel a violé les articles 280 et 280-1 du code civil, ensemble les articles 33 VI et 33 X de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004. » Réponse de la Cour Vu les articles 276-3, 280 et 280-1 du code civil et l'article 33 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 : 6. Il résulte de la combinaison de l'article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et de l'article 276-3 du code civil, issu de cette loi, que la révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qu'elles aient été fixées par le juge ou par convention des époux, peut être demandée par le débiteur ou ses héritiers, soit lorsque leur maintien procure au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères définis à l'article 276 du code civil, soit en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties. 7. Selon l'article 33, X, de la loi précitée, les dispositions des articles 280 et 280-1 du code civil, issus de la même loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif à cette date. 8. Selon l'article 280 du code civil, à la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n'y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l'actif successoral. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. 9. Selon l'article 280-1 du même code, par dérogation à l'article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l'époux débiteur, en s'obligeant personnellement au paiement de cette prestation. A peine de nullité, l'accord est constaté par un acte notarié. Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l'époux créancier lorsque celui-ci n'est pas intervenu à l'acte. 10. Pour supprimer la prestation compensatoire versée sous forme de rente à Mme [K], l'arrêt retient que les articles 280 à 280-2 du code civil sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 en l'absence de partage définitif intervenu entre les différents héritiers, sauf en ce qui concerne la révision, suspension ou suppression des prestations compensatoires sous forme de rente viagère fixées par le juge ou par convention avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000. 11. En statuant ainsi, alors que les articles 280 et 280-1 du code civil étaient applicables à la prestation compensatoire allouée sous forme de rente avant le 1er juillet 2000, de sorte qu'en l'absence d'accord des héritiers de [B] [W] pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, celle-ci était capitalisée en raison du décès du débiteur, ce dont il se déduisait que l'action en révision engagée par Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants alors mineurs, [G] et [V] [W], et reprise par ceux-ci, était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond du chef de la révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire. 14. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 25 mars 2021 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 8 février 2017, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 8 février 2017 et 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire ; DECLARE irrecevable l'action en révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire servie à Mme [K] engagée par Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants alors mineurs, [V] et [G] [W], et reprise par ceux-ci ; Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée pour qu'elle statue sur leur demande subsidiaire de conversion de la rente en capital ; Condamne M. [V] [W] et M. [G] [W] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel et les frais d'expertise ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] [W] et M. [G] [W] et les condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois. | DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 - Application dans le temps - Détermination - Portée | DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Versement - Rente - Rente viagère - Révision - Action en révision - Ouverture - Conditions - Détermination DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Versement - Rente - Rente viagère - Débiteur - Décès - Effets - Substitution d'un capital à la rente - Portée | Il résulte de la combinaison de l'article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et de l'article 276-3 du code civil, issu de cette loi, que la révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qu'elles aient été fixées par le juge ou par une convention des époux, peut être demandée par le débiteur ou ses héritiers, soit lorsque leur maintien procure au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères définis à l'article 276 du code civil, soit en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties. Selon l'article 33, X, de la loi précitée, les dispositions des articles 280 et 280-1 du code civil, issus de la même loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif à cette date. Selon l'article 280 du code civil, à la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n'y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l'actif successoral. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. Selon l'article 280-1 du même code, par dérogation à l'article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l'époux débiteur, en s'obligeant personnellement au paiement de cette prestation. Il s'ensuit que, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif avant le 1er janvier 2005, l'action en révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant le 1er juillet 2000 n'est ouverte aux héritiers que si ceux-ci ont conclu un tel accord, dès lors qu'à défaut, la rente est capitalisée par le décès du débiteur |