id
stringlengths
29
29
text
stringlengths
299
714k
INCA/JURITEXT000046036480.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 585 F-D Pourvoi n° S 21-14.037 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022 1°/ M. [Z] [S], 2°/ Mme [J] [F], épouse [S], tous deux domiciliés [Adresse 2] (Allemagne), ont formé le pourvoi n° S 21-14.037 contre l'arrêt rendu le 2 février 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [H] [U], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société ASP - Automobilia, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. et Mme [S], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 02 février 2021), le 25 mars 2015, M. et Mme [S] (les acquéreurs) ont acquis de la société ASP (le vendeur), dont le gérant est M. [U], un véhicule automobile, de marque Porsche, qui leur a été livré le 9 juillet 2015. 2. Soutenant avoir découvert, à l'occasion d'une révision effectuée en mai 2016, que le véhicule présentait des désordres structurels, les acquéreurs ont obtenu, en référé, la désignation d'un expert le 16 décembre 2016 et assigné, le 31 juillet 2017, le vendeur en résolution de la vente et indemnisation sur le fondement d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme et, subsidiairement, sur ceux de la garantie des vices cachés et d'un manquement du vendeur à son obligation d'information M. [U] est intervenu volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches, et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, réunis Enoncé des moyens 4. Par leur premier moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches, les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, sur le fondement d'un manquement du vendeur à l'obligation de délivrance conforme, alors : « 1°/ que, dans la vente d'un véhicule automobile de collection, l'absence d'accidents antérieurs et de réparations non-conformes aux règles de l'art sont des qualités nécessairement convenues entre les parties ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas de manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, après avoir constaté que le véhicule vendu avait été précédemment accidenté et réparé de manière non-conforme aux règles de l'art, ce dont il en résultait bien un manquement à l'obligation de délivrance conforme, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ; 2°/ que l'article L. 211-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, dispose que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance ; que selon l'article L. 211-5, le bien doit notamment présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre ; que dans la vente d'un véhicule automobile de collection, l'absence d'accidents antérieurs et de réparations non-conformes aux règles de l'art sont des qualités nécessairement convenues entre les parties ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas de manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, après avoir constaté que le véhicule vendu avait été précédemment accidenté et réparé de manière non-conforme aux règles de l'art, ce dont il en résultait bien un manquement à l'obligation de délivrance conforme la cour d'appel a violé les articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-10 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ; 5°/ qu'en jugeant que les époux [S] savaient au moment de leur acquisition qu'ils achetaient un véhicule ne présentant pas les caractéristiques d'un véhicule en état concours, au motif qu'un contrôle technique en date du 6 juillet 2015 faisait état de défauts, après avoir constaté que la vente était intervenue le 25 mars 2015, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » 5. Par leur troisième moyen, pris en sa troisième branche, les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes sur le fondement d'un manquement du vendeur à son obligation d'information et de conseil, alors « qu'en jugeant que les époux [S] savaient au moment de leur acquisition qu'ils achetaient un véhicule qui n'était pas son état neuf, ni dans son état d'origine, au motif qu'un contrôle technique en date du 6 juillet 2015 faisait état de défauts, après avoir constaté que la vente était intervenue le 25 mars 2015, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. En premier lieu, il incombe aux juges du fond de déterminer in concreto quelles étaient les caractéristiques de la chose en considération desquelles la vente avait été conclue. 7. En second lieu, après avoir retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que, si le véhicule nécessitait certaines réparations, il avait été mis en circulation vingt-trois ans avant la vente, qu'il avait été équipé d'harnais et d'arceaux pour rouler sur circuit, qu'une telle utilisation causait nécessairement un affaiblissement de sa structure que les acquéreurs ne pouvaient ignorer, que l'évaluation de sa valeur par l'expert était très proche du prix de vente pratiqué, que la vente était accompagnée d'un contrôle technique, que les acquéreurs savaient que le véhicule litigieux ne présentait pas les caractéristiques d'un véhicule en « état concours » et qu'ils ne pouvaient prétendre aux caractéristiques d'un véhicule dans un état d'origine, la cour d'appel a pu écarter l'existence d'un manquement du vendeur à ses obligations de délivrance conforme et d'information. 8. Les moyens ne sont donc pas fondés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [S]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Les époux [S] font grief à l'arrêt infirmatif attaqué de les avoir déboutés de leur demande formée à l'encontre de la SARL ASP en résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance conforme et de leurs demandes subséquentes en restitution du prix et de condamnation de la société ASP à leur payer 18.639,23 € au titre des frais engagés, 289.970 € en réparation de leur perte de jouissance et 5000 € en réparation du préjudice moral ; 1°) ALORS QUE dans la vente d'un véhicule automobile de collection, l'absence d'accidents antérieurs et de réparations non-conformes aux règles de l'art sont des qualités nécessairement convenues entre les parties ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas de manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, après avoir constaté que le véhicule vendu avait été précédemment accidenté et réparé de manière non-conforme aux règles de l'art (arrêt attaqué, p. 6 § 2), ce dont il en résultait bien un manquement à l'obligation de délivrance conforme, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ; 2°) ALORS QUE l'article L. 211-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, dispose que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance ; que selon l'article L. 211-5, le bien doit notamment présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre ; que dans la vente d'un véhicule automobile de collection, l'absence d'accidents antérieurs et de réparations non-conformes aux règles de l'art sont des qualités nécessairement convenues entre les parties ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas de manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, après avoir constaté que le véhicule vendu avait été précédemment accidenté et réparé de manière non-conforme aux règles de l'art (arrêt attaqué, p. 6 § 2), ce dont il en résultait bien un manquement à l'obligation de délivrance conforme la cour d'appel a violé les articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-10 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ; 3°) ALORS QUE la résolution du contrat sur le fondement des articles L. 211-4 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, n'est pas réservée à l'hypothèse où les défauts ne seraient pas modestes ; qu'en jugeant que s'agissant de la vente d'un véhicule de collection et d'occasion, l'application de l'article L. 211-4 du code de la consommation n'entrainait pas la résolution de la vente dans la mesure où les défauts demeuraient modestes, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi, en violation des articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-10 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ; 4°) ALORS QU'en jugeant que les époux [S] savaient au moment de l'acquisition qu'ils achetaient un véhicule ne présentant pas les caractéristiques d'un véhicule en état concours, sans rechercher s'ils avaient eu connaissance des accidents antérieurs du véhicule et de ce que ce véhicule n'avait pas été réparé dans les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1604 du code civil et L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-10 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ; 5°) ALORS QU'en jugeant que les époux [S] savaient au moment de leur acquisition qu'ils achetaient un véhicule ne présentant pas les caractéristiques d'un véhicule en état concours, au motif qu'un contrôle technique en date du 6 juillet 2015 faisait état de défauts, après avoir constaté que la vente était intervenue le 25 mars 2015, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Les époux [S] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande formée à l'encontre de la SARL ASP en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et de leurs demandes subséquentes en restitution du prix et de condamnation de la société ASP à leur payer 18.639,23 € au titre des frais engagés, 289.970 € en réparation de leur perte de jouissance et 5000 € en réparation du préjudice moral ; 1°) ALORS QUE le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en déboutant les époux [S] de leur demande subsidiaire de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, motifs pris qu'il n'est pas justifié d'une gravité de défaut rendant le véhicule impropre à sa destination, dès lors qu'ils savaient au moment de la vente que le véhicule avait déjà roulé sur circuit, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'accident subi et les réparations non-conformes aux règles de l'art ne rendaient pas le véhicule dangereux et donc impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ; 2°) ALORS QUE le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en déboutant les époux [S] de leur demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la restriction à la possibilité de revendre le véhicule ne constituait pas un vice caché qui en affectait l'usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Les époux [S] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande formée à l'encontre de la SARL ASP en résolution de la vente pour manquement à l'obligation de conseil et d'information, et de leurs demandes subséquentes en restitution du prix et de condamnation de la société ASP à leur payer 18.639,23 € au titre des frais engagés, 289.970 € en réparation de leur perte de jouissance et 5000 € en réparation du préjudice moral ; 1°) ALORS QUE l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à la cause, prévoit la résolution du contrat en cas d'inexécution contractuelle suffisamment grave ; qu'il était soutenu que la société ASP et Monsieur [H] [U] avaient manqué à leur obligation de conseil et d'information en n'informant pas les acquéreurs de ce que le véhicule avait été précédemment accidenté et n'avait pas été réparé selon les règles de l'art ; qu'en rejetant la demande de résolution au motif que les désordres constatés sur le véhicule ne le rendent pas impropre à sa destination, de sorte que la gravité exigée par l'article 1184 n'est pas caractérisée, sans rechercher si l'inexécution de l'obligation de conseil et d'information n'était pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) ALORS QU'en jugeant que les époux [S] savaient au moment de leur acquisition qu'ils achetaient un véhicule qui n'était pas dans son état neuf, ni dans son état d'origine, sans rechercher s'ils avaient eu connaissance des accidents antérieurs du véhicule et de ce qu'il n'avait pas été réparé selon les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) ALORS QU'en jugeant que les époux [S] savaient au moment de leur acquisition qu'ils achetaient un véhicule qui n'était pas son état neuf, ni dans son état d'origine, au motif qu'un contrôle technique en date du 6 juillet 2015 faisait état de défauts, après avoir constaté que la vente était intervenue le 25 mars 2015, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046036481.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 586 F-D Pourvoi n° N 21-10.606 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022 M. [Y] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-10.606 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Mjm Froehlich & associés, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bel productions, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 septembre 2020), la société Bel productions (la société) dont le gérant était M. [F] (le gérant), a fait l'objet d'un redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 2 septembre 2015. 2. Le 17 mars 2017, la société Mjm Froehlich et associés, désignée en qualité de liquidateur judiciaire, a assigné le gérant en paiement de la somme de 29 304 euros au titre du solde débiteur de son compte courant d'associé. En appel, le gérant a invoqué une exception de compensation tirée du défaut de paiement de sa rémunération fixée à 21 600 euros à compter de décembre 2011 et la date de sa cessation d'activité. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le gérant fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au liquidateur judiciaire de la société une certaine somme, alors « qu'il appartient à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que la cour d'appel a constaté que M. [F] justifiait que la rémunération qui lui était due par la société Bel productions en sa qualité de gérant avait été fixée à 21 600 euros par an ; qu'en retenant, pour écarter la compensation dont il se prévalait, qu'il n'établissait pas que la rémunération qui lui était due ne lui avait pas été versée, quand il appartenait au liquidateur de la société qui l'employait de justifier du paiement de cette rémunération entre décembre 2011 et la date de cessation d'activité du gérant, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil. » Réponse de la Cour 4. C'est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu qu'il appartenait au gérant, qui, étant débiteur d'une somme de 29 304 euros au titre du solde de son compte courant, invoquait être libéré de son obligation de remboursement par compensation en l'absence de paiement de sa rémunération, d'en rapporter la preuve. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. [F] M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la SELARL MJM Froehlich, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bel Productions, la somme de 29 304 euros, AUX MOTIFS QUE si M. [F], qui entend opposer la compensation, justifie que sa rémunération de gérant avait été fixée à 21 600 euros, il n'établit pas que cette rémunération ne lui était pas versée ; ALORS QU'il appartient à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que la cour d'appel a constaté que M. [F] justifiait que la rémunération qui lui était due par la société Bel Productions en sa qualité de gérant avait été fixée à 21 600 euros par an ; qu'en retenant, pour écarter la compensation dont il se prévalait, qu'il n'établissait pas que la rémunération qui lui était due ne lui avait pas été versée, quand il appartenait au liquidateur de la société qui l'employait de justifier du paiement de cette rémunération entre décembre 2011 et la date de cessation d'activité du gérant, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil.
INCA/JURITEXT000046036495.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 555 F-D Pourvoi n° K 21-15.779 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022 Mme [H] [Z], épouse [D], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 21-15.779 contre les arrêts rendus les 29 janvier 2020 et 3 février 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [R] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [Z], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Reims, 29 janvier 2020 et 3 février 2021), Mme [H] [Z], propriétaire d'une parcelle cadastrée ZD n° [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 4], louée à M. [R] [J] selon un bail à long terme du 23 octobre 1999, a délivré à ce dernier un congé pour avoir atteint l'âge de la retraite. Le preneur a contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux et a demandé à être autorisé à céder le bail à [U] et [O] [J], ses enfants. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 2. Mme [Z] fait grief à l'arrêt d'autoriser la cession du bail à M. [U] [J] et Mme [O] [J], alors « que tenus de motiver leur décision, les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; que pour autoriser la cession, la cour d'appel, après avoir relevé que [U] et [O] [J] sont membres associés du Gaec [J] [E] auprès duquel les terres objets de la demande de cession sont mises à disposition et auprès duquel ils mettent eux-mêmes des terres à disposition, s'est bornée à affirmer qu'ils disposent donc des moyens matériels pour exploiter les terres ; qu'en statuant ainsi par voie de simple affirmation sans mentionner ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, au demeurant inexistants puisque [R] [J] ne produisait aucun élément relatif aux moyens matériels et financiers des candidats cessionnaires ou du Gaec [J] [E] ainsi que le soulignait Mme [X], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 3. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. 4. Pour accueillir la demande en autorisation de cession de bail, l'arrêt retient que M. [U] [J] et Mme [O] [J] sont membres associés du groupement agricole d'exploitation en commun [J] [I] (le GAEC) auprès duquel les terres, objets de la demande de cession, sont mises à disposition et qu'ils disposent donc des moyens nécessaires pour les exploiter. 5. En statuant ainsi, par voie d'affirmation et sans s'expliquer sur le fait que M. [U] [J] et Mme [O] [J] ou le GAEC possédaient le cheptel et le matériel nécessaires à l'exploitation, ou à défaut les moyens de les acquérir, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 6. La cassation n'atteindra que l'arrêt du 3 février 2021, les dispositions de l'arrêt du 29 janvier 2020 n'étant pas critiquées. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 3 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy; Condamne M. [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Letourneur, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué en date du 3 février 2021 d'AVOIR autorisé la cession du bail au profit de M. [U] [J] et de Mme [O] [J] épouse [V] ; 1) ALORS QUE pour être autorisée, la cession projetée ne doit pas nuire aux intérêts légitimes du bailleur, entendus comme la garantie que doit présenter le candidat cessionnaire pour la bonne exploitation du fonds donné à bail ; qu'à ce titre, le candidat cessionnaire doit justifier soit qu'il possède personnellement le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir, soit que la société bénéficiaire de la mise à disposition des terres objets du bail cédé les possède ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever, pour considérer que les candidats cessionnaires disposaient des moyens matériels pour exploiter les terres, que [U] et [O] [J] sont associés du Gaec [J] [E] auprès duquel les terres objets de la demande de cession sont mises à disposition et auprès duquel ils mettent eux-mêmes des terres à disposition sans vérifier concrètement à qui le cheptel et le matériel nécessaires à l'exploitation des terres appartenaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; 2) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en l'espèce, pour autoriser la cession, la cour d'appel, après avoir relevé que [U] et [O] [J] sont membres associés du Gaec [J] [E] auprès duquel les terres objets de la demande de cession sont mises à disposition et auprès duquel ils mettent eux-mêmes des terres à disposition, s'est bornée à affirmer qu'ils disposent donc des moyens matériels pour exploiter les terres ; qu'en statuant ainsi par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, au demeurant inexistants puisque M. [R] [J] ne produisait aucun élément relatif aux moyens matériels et financiers des candidats cessionnaires ou du Gaec [J] [E] ainsi que le soulignait Mme [D], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE la validité de la cession de bail est subordonnée à la régularité de l'exploitation du preneur au regard du contrôle des structures ; qu'il s'ensuit que lorsque le cessionnaire du bail est également membre d'une société bénéficiaire de la mise à disposition des biens loués, il n'est dispensé de solliciter lui-même une autorisation que si cette société est déjà titulaire de l'autorisation d'exploiter ou qu'il n'en est pas requis ; que dans son arrêt du 29 janvier 2020, avant dire droit sur la cession de bail, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats afin que [R] [J] produise tous éléments permettant d'apprécier si une autorisation d'exploiter est ou non nécessaire au regard de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; que, postérieurement à cet arrêt, [R] [J] n'a produit aucun élément à ce titre ; qu'en retenant, pour autoriser la cession, que l'opération en cause n'est pas soumise à autorisation d'exploiter, les terres objets de la demande de cession de bail étant déjà mises à disposition du Gaec [J] [E] dont les enfants de [R] [J] sont membres et aucune modification n'étant envisagée à ce titre par les cessionnaires, l'opération ne constitue ni une installation, ni un agrandissement ni une réunion d'exploitations agricoles au sens de l'article L. 331-2 du code rural sans vérifier, au besoin d'office, si le Gaec [J] [E] disposait déjà d'une autorisation d'exploiter ou s'il n'en était pas requis une pour l'exploitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 331-2 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; 4) ALORS, en toute hypothèse, QUE si l'autorisation d'exploiter dont est titulaire une société bénéficiaire de la mise à disposition des biens loués dispense le candidat cessionnaire d'obtenir lui-même cette autorisation, dès lors qu'il est membre de cette société, la dispense d'autorisation ne s'applique pas si le candidat cessionnaire relève du contrôle des structures en raison d'un critère personnel, tel le fait d'être pluriactif ; que dans son arrêt du 29 janvier 2020, avant dire droit sur la cession de bail, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats afin que [R] [J] produise tous éléments permettant d'apprécier si une autorisation d'exploiter est ou non nécessaire au regard de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et notamment de la situation professionnelle de chacun de ses enfants au regard d'une éventuelle pluri-activité au 31 décembre 2018 ; que, postérieurement à cet arrêt, [R] [J] n'a produit aucun élément à ce titre ; qu'en affirmant néanmoins que l'opération n'était pas soumise à autorisation d'exploiter quand, du fait de l'absence d'éléments de preuve produits par [R] [J], elle ne pouvait que rejeter la demande de cession, la cour d'appel a violé les articles L. 331-2 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 11 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046013508.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 527 FS-D Pourvoi n° X 21-14.778 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 La société GRM, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-14.778 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant à la société Autoroute Esterel Côte d'Azur-Provence-Alpes (ESCOTA), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [U] [R], directeur de la maîtrise d'ouvrage, domicilié [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société GRM, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Autoroute Esterel Côte d'Azur- Provence-Alpes, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. L'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2021) fixe les indemnités revenant à la société GRM à la suite de l'expropriation, au profit de la société Autoroute Esterel Côte d'Azur-Provence-Alpes (la société ESCOTA), de deux parcelles lui appartenant. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société GRM fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement sur le quantum des indemnités, statuant à nouveau de ce chef, de fixer comme il le fait les indemnités et de déclarer irrecevable la demande d'indemnisation des charges fiscales non compensées, alors « qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en statuant au vu de mémoires d'appel de la société ESCOTA des 14 octobre et 4 novembre 2020, tout en relevant que les conclusions de la SCI GRM, appelant principal, ont été reçues au greffe le 31 octobre 2019, sans rechercher, d'office, ainsi qu'elle y était tenue, si ces mémoires et les pièces dont ils étaient assortis ne devaient pas être déclarés irrecevables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation. » Réponse de la Cour 4. D'une part, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur la pièce complémentaire communiquée par la société ESCOTA par mémoire du 14 octobre 2020, intitulée « délégation consentie à M. [R] le 1er septembre 2018 », dès lors que, retenant que la société GRM avait renoncé à l'invoquer, elle n'a pas statué sur le moyen tiré du défaut de pouvoir de M. [R]. La recherche relative à la recevabilité de ce mémoire de production, prétendument omise, était donc inopérante. 5. D'autre part, il ressort des productions que le mémoire de la société ESCOTA, reçu au greffe le 4 novembre 2020, ne comportait que des éléments en réplique au mémoire complémentaire de la société GRM du 22 octobre 2020, de sorte qu'il était recevable. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches Enoncé du moyen 7. La société GRM fait le même grief à l'arrêt, alors : « 4°/ que l'article 954 du code de procédure civile n'est pas applicable à la procédure de fixation des indemnités d'expropriation, laquelle est régie par les dispositions spécifiques des articles R. 311-26 et suivants du code de l'expropriation définissant les conditions d'échange des mémoires ; qu'en retenant, « sur la nullité de la procédure », qu'« aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, applicable en matière d'expropriation conformément aux dispositions de l'article R. 311-29 du code de l'expropriation, les parties qui n'ont pas repris dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, sont réputées les avoir abandonnées », quand « en l'espèce, la SCI GRM ne soulève plus, dans ses dernières écritures, la nullité de la procédure d'urgence qu'elle invoquait précédemment », pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur ce moyen, la cour d'appel a violé les articles R. 311-26 et R. 311-29 du code de l'expropriation et l'article 954 du code de procédure civile ; 5°/ que l'article 954 du code de procédure civile n'est pas applicable à la procédure de fixation des indemnités d'expropriation, laquelle est régie par les dispositions spécifiques des articles R. 311-26 et suivants du code de l'expropriation définissant les conditions d'échange des mémoires ; qu'en ne se prononçant pas non plus sur le moyen, dont l'arrêt ne fait pas état, non repris par la SCI GRM dans ses dernières écritures visées par l'arrêt, pris de l'absence de qualité pour agir de M. [R], qui avait engagé la procédure d'indemnités pour la société ESCOTA, la cour d'appel a violé les articles R. 311-26 et R. 311-29 du code de l'expropriation et l'article 954 du code de procédure civile ; 6°/ que le jugement doit être motivé ; qu'en statuant sans énoncer le moindre motif relativement au moyen, dont l'arrêt ne fait pas état, pris de l'absence de qualité pour agir de M. [R], qui avait engagé la procédure d'indemnités pour la société ESCOTA, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Si, après l'expiration des délais, prévus par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour l'échange des conclusions, les parties ne sont plus recevables à présenter des écritures complémentaires, si ce n'est, notamment, pour répliquer aux écritures adverses, elles peuvent abandonner certains chefs de demande. 9. Dans un mémoire qualifié de « récapitulatif et responsif », la société GRM a demandé à la cour d'appel de réformer le jugement en ce qu'il avait fixé à la somme de 1 099 125,20 euros l'indemnité totale de dépossession lui revenant et, par l'effet dévolutif de l'appel, de fixer le montant des indemnités destinées à couvrir l'intégralité de son préjudice aux sommes de 1 566 000 euros au titre de l'indemnité principale, de 188 780 euros au titre de l'indemnité de remploi, de 71 760 euros au titre de la perte de revenus locatifs et de 12 319 euros au titre des charges fiscales non compensées, soit un total de 1 838 559 euros. Elle n'a pas repris la demande tendant à la nullité de la procédure d'urgence qu'elle avait formée dans son mémoire initial. 10. La cour d'appel, à qui il incombait d'assurer la loyauté des débats, a pu retenir, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, que la société avait renoncé à présenter une telle demande. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société GRM aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société GRM PREMIER MOYEN DE CASSATION La SCI GRM fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qui concerne le quantum des indemnités principale et de remploi et, statuant à nouveau de ce chef, fixé l'indemnité globale d'expropriation revenant à la SCI GRM à la somme de 980.815 euros, incluant l'indemnité de remploi de 90.074 euros, et encore, y ajoutant, déclaré irrecevable la demande d'indemnisation des charges fiscales non compensées formulée par la SCI GRM ; Alors, d'une part, qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en statuant au vu de mémoires d'appel de la société ESCOTA des 14 octobre et 4 novembre 2020, tout en relevant que les conclusions de la SCI GRM, appelant principal, ont été reçues au greffe le 31 octobre 2019, sans rechercher, d'office, ainsi qu'elle y était tenue, si ces mémoires et les pièces dont ils étaient assortis ne devaient pas être déclarés irrecevables, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 311-26 du code de l'expropriation ; Alors, d'autre part, qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en statuant au vu de conclusions du commissaire du gouvernement du 4 février 2020, sans rechercher, d'office, ainsi qu'elle y était tenue, si ces conclusions et les pièces sur lesquelles il fondait son évaluation avaient été déposées ou adressées au greffe dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de la SCI GRM, appelant principal, reçues au greffe le 31 octobre 2019, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 311-26 du code de l'expropriation ; Alors, de troisième part, que les conclusions et pièces déposées ou adressées par les parties au greffe de la cour postérieurement aux délais de trois mois qui leur sont impartis sont recevables lorsqu'elles se bornent à répliquer aux conclusions adverses ou à celles du commissaire du gouvernement ; que la Cour d'appel a donc justement déclaré recevables les dernières conclusions de la SCI GRM du 22 octobre 2020, déposées plus de trois mois après sa déclaration d'appel, en relevant qu'elles « tendent à répliquer au mémoire de l'intimée qui excipe de la caducité de l'appel et sont de ce chef recevables » ; qu'elle n'a cependant pas mentionné, ni, partant, tenu compte de son mémoire en réplique, du 24 novembre 2020, dans lequel celle-ci répondait aux moyens d'irrecevabilité des développements figurant dans son second mémoire d'appel précité consacrés au caractère inapproprié de l'application de la seule méthode d'évaluation du bien par comparaison ainsi que de sa demande en remboursement de charges fiscales non compensées, qui avaient été soulevés par la société ESCOTA dans son mémoire du 4 novembre 2020 ; qu'en faisant abstraction de ce mémoire en réplique sans se prononcer sur sa recevabilité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 311-26 du code de l'expropriation et de l'article 4 du code de procédure civile ; Alors, de quatrième part, que l'article 954 du code de procédure civile n'est pas applicable à la procédure de fixation des indemnités d'expropriation, laquelle est régie par les dispositions spécifiques des articles R 311-26 et suivants du code de l'expropriation définissant les conditions d'échange des mémoires ; qu'en retenant, « sur la nullité de la procédure », qu'« aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, applicable en matière d'expropriation conformément aux dispositions de l'article R 311-29 du code de l'expropriation, les parties qui n'ont pas repris dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, sont réputées les avoir abandonnées », quand « en l'espèce, la SCI GRM ne soulève plus, dans ses dernières écritures, la nullité de la procédure d'urgence qu'elle invoquait précédemment », pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur ce moyen, la Cour d'appel a violé les articles R 311-26 et R 311-29 du code de l'expropriation et l'article 954 du code de procédure civile ; Alors, de cinquième part, que l'article 954 du code de procédure civile n'est pas applicable à la procédure de fixation des indemnités d'expropriation, laquelle est régie par les dispositions spécifiques des articles R 311-26 et suivants du code de l'expropriation définissant les conditions d'échange des mémoires ; qu'en ne se prononçant pas non plus sur le moyen, dont l'arrêt ne fait pas état, non repris par la SCI GRM dans ses dernières écritures visées par l'arrêt, pris de l'absence de qualité pour agir de Monsieur [R], qui avait engagé la procédure d'indemnités pour la société ESCOTA, la Cour d'appel a violé les articles R 311-26 et R 311-29 du code de l'expropriation et l'article 954 du code de procédure civile ; Et alors, enfin, subsidiairement, que le jugement doit être motivé ; qu'en statuant sans énoncer le moindre motif relativement au moyen, dont l'arrêt ne fait pas état, pris de l'absence de qualité pour agir de Monsieur [R], qui avait engagé la procédure d'indemnités pour la société ESCOTA, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La SCI GRM fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qui concerne le quantum des indemnités principale et de remploi et, statuant à nouveau de ce chef, fixé l'indemnité globale d'expropriation revenant à la SCI GRM à la somme de 980.815 euros, incluant l'indemnité de remploi de 90.074 euros ; Alors, d'une part, qu'en énonçant, pour retenir la méthode par comparaison, avec évaluation analytique, et pratiquer, partant, un abattement pour vente en bloc, que « l'évaluation analytique, au demeurant employée par M. [W], est pertinente », qui « consiste à estimer chacun des locaux composant l'immeuble, à additionner les valeurs ainsi déterminées et à appliquer sur cette valeur globale un abattement, variable suivant l'importance de l'immeuble, pour prendre en compte la vente en bloc et immédiate de l'ensemble immobilier à un seul acquéreur », quand Monsieur [W] avait utilisé non pas l'évaluation analytique, qui induit l'abattement pour vente en bloc, mais plusieurs méthode, la méthode par comparaison, notamment, laquelle comporte plusieurs variantes, au nombre desquelles l'évaluation analytique, et n'avait donc précisément pas retenu d'abattement pour vente en bloc, la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise de Monsieur [W], violant ainsi l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, qu'en considérant que l'expropriation portant sur l'ensemble de l'immeuble, un abattement pour vente en bloc était justifié, en ce que « ne pas appliquer cette pondération in fine, comme l'a omis l'expert amiable de l'appelant, revient en effet à retenir une valeur vénale supérieure à celle dégagée par une vente de l'immeuble dans son entier, comme le reconnaît d'ailleurs l'expropriée », sans répondre au moyen qui lui était soumis par la SCI GRM, qui, rappelant que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, faisait valoir « qu'elle n'a aucunement l'obligation de revendre l'ensemble immobilier à un seul et même acquéreur mais a, au contraire, tout intérêt à vendre séparément ses locaux de sorte que la valeur du bien doit s'apprécier conformément au prix le plus fructueux que l'exproprié peut espérer en retirer sur le marché », la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Alors, de troisième part, que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; qu'en considérant que l'expropriation portant sur l'ensemble de l'immeuble, un abattement pour vente en bloc était justifié, en ce que « ne pas appliquer cette pondération in fine, comme l'a omis l'expert amiable de l'appelant, revient en effet à retenir une valeur vénale supérieure à celle dégagée par une vente de l'immeuble dans son entier, comme le reconnaît d'ailleurs l'expropriée », motifs dont il résulte que cet abattement a pour conséquence d'attribuer à l'immeuble une valeur inférieure au prix qui aurait pu être retiré, sur le marché, d'une vente séparée des différents locaux le composant, la Cour d'appel a violé l'article L 321-1 du code de l'expropriation ; Alors, de quatrième part, qu'en ajoutant, pour pratiquer un abattement pour vente en bloc, que « le bien doit être évalué selon sa consistance au jour du jugement à défaut d'ordonnance d'expropriation, c'est-à-dire l'ensemble immobilier dans son intégralité », quand le litige ne posait aucunement, à cet égard, un problème de consistance, la Cour d'appel a violé l'article L 322-1 du code de l'expropriation, ensemble l'article L 321-1 du même code ; Alors, de cinquième part, qu'en ajoutant, pour pratiquer un abattement pour vente en bloc, que « la SCI GRM l'avait elle-même acheté d'un seul bloc », cependant qu'il n'en demeure pas moins qu'elle pouvait le vendre par lots, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation ; Alors, de sixième part, que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que la privation d'un bien doit donner lieu à une indemnisation raisonnablement en rapport avec la valeur du bien ; qu'en se prononçant de la sorte, à partir de motifs dont il résulte que l'application d'un abattement pour vente en bloc a pour conséquence d'attribuer à l'immeuble une valeur inférieure au prix qui aurait pu être retiré, sur le marché, d'une vente séparée des différents locaux le composant et, partant, que l'indemnisation n'est pas en rapport avec la valeur du bien exproprié, la Cour d'appel a violé l'article 1° du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Alors, de septième part, qu'en pratiquant un double abattement pour occupation, commerciale et d'habitation, qui ne s'impose pas au juge de l'expropriation, sans relever le moindre motif de nature à établir qu'en l'espèce, l'occupation de l'immeuble exproprié aurait eu pour conséquence d'en diminuer la valeur, le Tribunal ayant au contraire relevé que « l'occupation pérenne de l'ensemble des locaux commerciaux... loin d'en diminuer la valeur sur le marché commercial, l'augmente au contraire », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation ; Alors, de huitième part, qu'en pratiquant un double abattement pour occupation, commerciale et d'habitation, à partir de motifs qui suggèrent qu'elle y aurait été tenue, quand un tel abattement ne s'impose pas au juge de l'expropriation, de sorte qu'il lui incombait de rechercher si celui-ci, en l'espèce, était justifié, la Cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article L 321-1 du code de l'expropriation ; Alors, de neuvième part, que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que la privation d'un bien doit donner lieu à une indemnisation raisonnablement en rapport avec la valeur du bien ; qu'en pratiquant un double abattement pour occupation, commerciale et d'habitation, sans constater qu'en l'espèce, l'occupation de l'immeuble exproprié aurait eu pour conséquence d'en diminuer la valeur, le Tribunal ayant au contraire relevé que « l'occupation pérenne de l'ensemble des locaux commerciaux... loin d'en diminuer la valeur sur le marché commercial, l'augmente au contraire », l'indemnisation ne pouvant dès lors pas être considérée comme étant en rapport avec la valeur du bien exproprié, la Cour d'appel a violé l'article 1° du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Alors, de dixième part, que l'occupation, susceptible de justifier un abattement, qui participe de la consistance du bien exproprié, s'apprécie à la date de l'ordonnance d'expropriation et, lorsque celle-ci n'a pas encore été rendue, à la date du jugement ; qu'en pratiquant un double abattement pour occupation, commerciale et d'habitation, en tenant compte de ce que « l'ensemble immobilier en cause était donc bien occupé en vertu de baux commerciaux et de baux d'habitation », soit du chef notamment de Monsieur [T], après avoir constaté qu'à la date du jugement, le 27 juin 2019, celui-ci « avait quitté son logement », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres énonciations et constatations au regard de l'article L 322-1 du code de l'expropriation, qu'elle a ainsi violé ; Alors, de onzième part, qu'en ajoutant, relativement à l'abattement pratiqué du chef de l'occupation, notamment, de Monsieur [T], que « l'expropriée s'est vue allouer une indemnité au titre de la perte de loyers en première instance », quand le jugement entrepris énonce, au sujet de l'« indemnité pour perte de loyers », qu'« en raison du droit à réparation intégrale du préjudice de l'exproprié ce dernier bénéficiera d'une indemnité de 71.460 euros car si l'EURL GVGS a bien été radiée, le gérant a démontré lors du transport que les loyers quittancés l'étaient par la SARL GVGS exerçant dans les lieux et que, dans la mesure où si le bail de la société DREAM FACTOR prévoit un loyer mensuel de 980 euros par mois, l'occupation effective des lieux génère un loyer quittancé de 2.000 euros mensuel », la Cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs dont il ne résulte pas que l'indemnité qui a été allouée à la SCI GRM l'aurait été au titre de la perte des loyers afférents au bail de Monsieur [T], a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 322-1 du code de l'expropriation ; Alors, de douzième part, qu'en ajoutant, pour faire application d'un double abattement pour occupation, commerciale et d'habitation, que « l'expropriée s'est vue allouer une indemnité au titre de la perte de loyers en première instance », cependant que l'indemnité allouée à l'exproprié au titre de la perte de loyers, qui compense la perte de revenus locatifs subie pendant le délai nécessaire pour acquérir un autre bien et le donner à bail, constitue une indemnité accessoire, qui s'ajoute à l'indemnité principale correspondant à la valeur vénale du bien exproprié, laquelle peut être déterminée, le cas échéant, après application d'un abattement, pour occupation, en particulier, n'est pas de nature à justifier l'application d'un tel abattement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 322-1 du code de l'expropriation ; Alors, de treizième part, qu'en ajoutant, relativement à l'abattement pratiqué du chef de l'occupation, qu'« en outre, l'expropriante oppose à bon droit que les locataires ont quitté les lieux après qu'elle les a indemnisés, y compris M. [T]... », cependant que le versement d'une indemnité par l'expropriant au locataire n'est pas de nature à justifier l'application d'un abattement pour occupation, la Cour d'appel, qui s'est déterminée à partir d'un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 322-1 du code de l'expropriation ; Alors, de quatorzième part, qu'ayant justement énoncé, s'agissant de l'abattement pour occupation commerciale, que « s'il est indéniable que l'abattement pour occupation n'est plus systématiquement fixé à 40% et peut descendre en deçà, il reste néanmoins à apprécier en fonction des données du marché local », la Cour d'appel ne pouvait pas retenir, pour le fixer à 40 %, que « le dossier ne met en évidence aucune caractéristique particulière des baux commerciaux qui viendrait justifier l'application d'un taux réduit », motif dont il résulte qu'il existerait un tel taux de principe de 40 % dont les circonstances de l'espèce ne justifiaient pas la réduction ; qu'en se prononçant de la sorte, elle n'a pas tiré les conséquences de ses énonciations au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, qu'elle a ainsi violé ; Alors, de quinzième part, qu'ayant justement énoncé, s'agissant de l'abattement pour occupation commerciale, que « s'il est indéniable que l'abattement pour occupation n'est plus systématiquement fixé à 40% et peut descendre en deçà, il reste néanmoins à apprécier en fonction des données du marché local », la Cour d'appel ne pouvait pas retenir, pour le fixer à 40 %, que « le dossier ne met en évidence aucune caractéristique particulière des baux commerciaux qui viendrait justifier l'application d'un taux réduit », s'estimant ainsi liée par un taux de principe de 40 % ne pouvant être réduit qu'en cas de « caractéristique particulière des baux commerciaux » ; qu'en se prononçant de la sorte, elle a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L 321-1 du code de l'expropriation ; Alors, de seizième part, qu'ayant justement énoncé, s'agissant de l'abattement pour occupation commerciale, que « s'il est indéniable que l'abattement pour occupation n'est plus systématiquement fixé à 40% et peut descendre en deçà, il reste néanmoins à apprécier en fonction des données du marché local », la Cour d'appel ne pouvait pas retenir que « le dossier ne met en évidence aucune caractéristique particulière des baux commerciaux qui viendrait justifier l'application d'un taux réduit », motif dont il résulte qu'il existerait un tel taux de principe de 40% dont les circonstances de l'espèce ne justifiaient pas la réduction, ni, partant, pour retenir un taux d'abattement pour occupation d'habitation de 20 %, qu'« il en est de même s'agissant des baux d'habitation pondérés d'un abattement usuel de 20% » ; qu'en se prononçant de la sorte, elle n'a pas tiré les conséquences de ses énonciations au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, qu'elle a ainsi violé ; Alors, de dix-septième part, qu'ayant justement énoncé, s'agissant de l'abattement pour occupation commerciale, que « s'il est indéniable que l'abattement pour occupation n'est plus systématiquement fixé à 40% et peut descendre en deçà, il reste néanmoins à apprécier en fonction des données du marché local », la Cour d'appel ne pouvait pas retenir que « le dossier ne met en évidence aucune caractéristique particulière des baux commerciaux qui viendrait justifier l'application d'un taux réduit », motif dont il résulte qu'il existerait un tel taux de principe de 40 % dont les circonstances de l'espèce ne justifiaient pas la réduction, ni, partant, pour retenir un taux d'abattement pour occupation d'habitation de 20 %, qu'« il en est de même s'agissant des baux d'habitation pondérés d'un abattement usuel de 20% » ; qu'en se prononçant de la sorte, elle a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L 321-1 du code de l'expropriation. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La SCI GRM fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande d'indemnisation des charges fiscales non compensées formulée par la SCI GRM ; Alors, d'une part, que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que dans son mémoire en réplique, répondant à la fin de non-recevoir qui lui était opposée de ce chef, la SCI GRM, relevant que « du fait du retard pris par la société ESCOTA pour solliciter une ordonnance d'expropriation et l'entrée en possession, la SCI GRM s'est acquittée de l'impôt foncier et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2019 et 2020 dont elle n'a pu répercuter les montants sur les locataires partis », faisait valoir que « la demande nouvelle de l'exproprié est la conséquence de la révélation d'un fait, matérialisé par la réception de différents avis d'imposition reçus postérieurement à la déclaration d'appel » ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la demande d'indemnisation des charges fiscales non compensées formulée par la SCI GRM en cause d'appel n'était pas née de la révélation d'un fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, que les parties peuvent, en cause d'appel, ajouter aux demandes soumises aux premiers juges, des demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la demande d'indemnisation des charges fiscales non compensées formulée par la SCI GRM en cause d'appel n'était pas un accessoire de l'indemnité principale sollicitée en première instance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile ; Et alors, enfin, que si l'appelant doit déposer ou adresser au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, cette prescription ne s'oppose pas à ce qu'une demande soit formée plus de trois mois après la déclaration d'appel lorsqu'elle est induite par une situation de fait survenue postérieurement ; qu'en ne recherchant pas si la demande d'indemnisation des charges fiscales non compensées formulée par la SCI GRM n'était pas recevable dès lors qu'elle avait reçu les avis d'imposition qui la fondait postérieurement au délai de trois mois dans lequel elle devait déposer ses conclusions d'appel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 311-26 du code de l'expropriation.
INCA/JURITEXT000046013506.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 526 FS-D Pourvoi n° U 21-14.913 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 1°/ la société Du Nant, société civile immobilière, 2°/ la société Dunand Bassin Bellegardien, société à responsabilité limitée, ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° U 21-14.913 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B, expropriations), dans le litige les opposant à la société publique locale Territoire d'innovation, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat des sociétés Du Nant et Dunand Bassin Bellegardien, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société publique locale Territoire d'innovation, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. L'arrêt attaqué (Lyon, 9 février 2021) fixe les indemnités revenant à la société civile immobilière Du Nant (la SCI Du Nant) et à la société Dunand Bassin Bellegardien à la suite de l'expropriation, au profit de la Société publique locale Territoire d'innovation (la SPL Territoire d'innovation), de plusieurs parcelles appartenant à la première et données à bail à la seconde. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La SCI Du Nant fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait les indemnités d'expropriation lui revenant, alors « que la chambre de l'expropriation saisie en appel statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant ; que l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, déposer ses conclusions et le cas échéant former appel incident dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; que le montant de l'indemnité totale sollicité par la SCI du Nant s'élevait à la somme de 11 196 500 euros et celui proposé par le commissaire du gouvernement à celle de 5 391 000 euros ; qu'en se fondant sur les demandes formulées dans les conclusions notifiées par la SPL Territoire d'Innovation le 9 novembre 2020 pour fixer le montant de l'indemnité totale due à la SCI du Nant à la somme de 4 864 715 euros, sans rechercher si ces conclusions avaient été déposées dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'exposante du 18 octobre 2019, cependant que la SCI du Nant [lire la SPL Territoire d'innovation] avait déposé de premières conclusions le 13 janvier 2020 aux termes desquelles elle avait conclu à une indemnisation d'un montant supérieur, de 5 091 250 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 311-22 et R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. » Réponse de la Cour Vu les articles R. 311-22, alinéa 1, et R. 311-26, alinéa 2, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : 4. Selon le premier de ces textes, le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant. 5. Selon le second, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour d'appel ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction. 6. Pour fixer les indemnités d'expropriation revenant à la SCI Du Nant à un montant inférieur à celui demandé par celle-ci et à ceux proposés par le commissaire du gouvernement et par l'expropriante dans ses conclusions du 13 janvier 2020, l'arrêt se réfère aux dernières conclusions déposées par l'expropriante le 9 novembre 2020, aux termes desquelles elle réduit ses offres indemnitaires. 7. En se déterminant ainsi, sans rechercher d'office si ces conclusions, déposées au delà du délai prévu par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, étaient néanmoins recevables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement sur le montant des indemnités dues à la société civile immobilière Du Nant et en ce qu'il fixe l'indemnité principale qui lui est due à la somme de 4 420 650 euros et l'indemnité de remploi à la somme de 444 065 euros, soit un total de 4 864 715 euros, l'arrêt rendu le 9 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne la société publique locale Territoire d'innovation aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société publique locale Territoire d'innovation et la condamne à payer à la société civile immobilière Du Nant et à la société Dunand Bassin Bellegardien la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour les sociétés Du Nant et Dunand Bassin Bellegardien La SCI du Nant fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé l'indemnité principale due pour l'expropriation des parcelles litigieuses à la somme de 4 420 850 euros et l'indemnité de remploi à la somme de 444 065 euros, soit un total de 4 864 715 euros ; 1°) ALORS QUE la chambre de l'expropriation saisie en appel statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du Gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant ; que l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, déposer ses conclusions et le cas échéant former appel incident dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; que le montant de l'indemnité totale sollicité par la SCI du Nant s'élevait à la somme de 11 196 500 euros et celui proposé par le commissaire du gouvernement à celle de 5 391 000 euros ; qu'en se fondant sur les demandes formulées dans les conclusions notifiées par la SPL Territoire d'Innovation le 9 novembre 2020 pour fixer le montant de l'indemnité totale due à la SCI du Nant à la somme de 4 864 715 euros, sans rechercher si ces conclusions avaient été déposées dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'exposante du 18 octobre 2019, cependant que la SCI du Nant avait déposé de premières conclusions le 13 janvier 2020 aux termes desquelles elle avait conclu à une indemnisation d'un montant supérieur, de 5 091 250 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 311-22 et R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 2°) ALORS QUE lorsque des terrains expropriés sont compris dans un emplacement réservé par un plan local d'urbanisme, la date de référence à prendre en considération est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé, et non la date d'institution ou de modification de l'emplacement réservé ; qu'en retenant une date de référence au 14 décembre 2007 pour l'emplacement réservé n° 39a au motif que cet emplacement avait été créé à cette date et non modifié depuis, la cour d'appel a violé l'article L. 322-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 3°) ALORS QUE si, en cas de mutation antérieure de moins cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, le montant de l'indemnité principale ne peut excéder l'estimation faite par l'autorité administrative compétente, il doit être tenu compte des modifications justifiées subies par les biens dans leur consistance matérielle ou juridique, leur état ou leur situation d'occupation ; qu'en fixant l'indemnisation du bien à usage d'habitation au montant de 430 000 euros indiqué par le service des domaines dans un avis le 26 août 2013 sans tenir compte, comme elle était invitée à le faire (dernières conclusions des exposantes, p. 26, in fine), de l'évolution du plan local d'urbanisme intervenue depuis lors, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 4°) ALORS QUE le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ; qu'en prenant en considération, pour fixer des indemnités dues à la SCI du Nant, des études réalisées en 2020 constatant la pollution du site affectant la consistance des biens, après avoir pourtant relevé que la date d'appréciation de la consistance des biens n'était pas discutée et se situait à la date de l'ordonnance d'expropriation, soit le 12 septembre 2018, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 322-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
INCA/JURITEXT000046555939.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1155 F-D Pourvoi n° W 20-22.685 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [R] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-22.685 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société L'Agence du bâtiment, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société L'Agence du bâtiment, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 11 septembre 2020), Mme [Z] a été engagée à compter du 29 octobre 2007 par la société L'Agence du bâtiment en qualité de conducteur de travaux. 2. Titulaire de mandats syndicaux, elle a été licenciée le 13 janvier 2011 pour motif économique, après que le ministre du travail a annulé la décision de l'inspection du travail ayant refusé d'autoriser son licenciement. 3. Elle a alors saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches et sur le second moyen, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les griefs du premier moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le second moyen qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire ses conclusions d'intimée irrecevables, de dire son licenciement bien fondé, de rejeter sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'employeur à lui payer une somme en application de l'article L. 2224-4 du code du travail, alors : « 1°/ que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident provoqué ; qu'en faisant courir ce délai à compter du dépôt de ses conclusions au greffe par l'appelant, le 14 décembre 2018, cependant que l'avocat de la salariée, intimée, ne s'était constitué que le 17 décembre 2018, en sorte que la notification qui lui avait été faite par RPVA antérieurement à cette constitution ne pouvait faire courir le délai qui lui était imparti pour remettre ses conclusions d'intimée et former appel incident, la cour d'appel a violé les articles 908, 909 et 911 du code de procédure civile ; 2°/ que les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l'irrecevabilité après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ; qu'en prononçant l'irrecevabilité des conclusions de la salariée à la demande de l'appelante qui avait connaissance de la cause d'irrecevabilité alléguée avant dessaisissement du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé l'article 914 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. D'abord, dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, lorsque l'appelant a remis des conclusions au greffe, dans le délai de trois mois fixé par l'article 908 du code de procédure civile, alors que l'intimé n'avait pas constitué avocat, la notification de ces conclusions à l'intimé faite dans ce délai ou, en vertu de l'article 911 du même code, au plus tard dans le mois suivant son expiration constitue le point de départ du délai dont l'intimé dispose pour conclure, en application de l'article 909 de ce code. 7. Ensuite, si aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a une compétence exclusive pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions encourue en application des dispositions des articles 909 et 911 du même code, et si les parties ne sont plus recevables à l'invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, cette restriction ne fait pas obstacle à la faculté pour la cour d'appel de relever d'office cette fin de non-recevoir. 8. Ayant constaté que l'appelant avait, dans le délai qui lui était imparti, signifié ses conclusions à l'intimée le 14 décembre 2018 et relevé que l'intimée n'avait pas notifié ses conclusions dans le délai prévu par les articles 909 et 911 susmentionnés, peu important qu'un avocat se fût constitué pour cette dernière le 17 décembre 2018, la cour d'appel qui pouvait elle-même relever d'office la fin de non-recevoir, a exactement décidé que les conclusions de l'intimée déposées le 18 mars 2019 étaient irrecevables. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit ses conclusions d'intimée irrecevables en application de l'article 909 du code de procédure civile, d'AVOIR dit son licenciement bien-fondé et rejeté sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné l'Agence du bâtiment à lui payer la seule somme de 4 872,27 euros en application de l'article L. 2422-4 du code de procédure civile. 1° ALORS QUE l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident provoqué ; qu'en faisant courir ce délai à compter du dépôt de ses conclusions au greffe par l'appelant, le 14 décembre 2018, cependant que l'avocat de Mme [Z], intimée, ne s'était constitué que le 17 décembre 2018, en sorte que la notification qui lui avait été faite par RPVA antérieurement à cette constitution ne pouvait faire courir le délai qui lui était imparti pour remettre ses conclusions d'intimée et former appel incident, la cour d'appel a violé les articles 908, 909 et 911 du code de procédure civile. 2° ALORS QUE les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l'irrecevabilité après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ; qu'en prononçant l'irrecevabilité des conclusions de Mme [Z] à la demande de l'appelante qui avait connaissance de la cause d'irrecevabilité alléguée avant dessaisissement du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé l'article 914 du code de procédure civile. 3° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en jugeant irrecevables les conclusions d'intimée de Mme [Z] sans la mettre en mesure de présenter ses observations sur cette irrecevabilité, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. 4° ALORS en toute hypothèse QU'il appartient aux juges d'appel de se prononcer sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formulée dans des conclusions remises au greffe postérieurement à cette ordonnance de clôture ; que par écritures déposées au greffe le 10 mars 2020, Mme [Z] sollicitait la révocation de l'ordonnance de clôture pour les causes graves qu'elle exposait ; qu'en jugeant les conclusions de Mme [Z] irrecevables et en statuant au fond sans préalablement se prononcer sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture qui lui était soumise, la cour d'appel a violé les articles 455 et 783, alinéa 2, du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire Mme [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit son licenciement bien-fondé et rejeté sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. ALORS QU'avant tout licenciement pour motif économique, l'employeur est tenu de rechercher et, le cas échéant, de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure ; qu'au soutien de sa décision de ce chef, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'entreprise devait être considérée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où elle avait proposé un poste en Guyane doté d'un meilleur salaire, proposition refusée par la salariée ; qu'en statuant par ces motifs impropres à caractériser l'offre d'un emploi de la même catégorie ou, dans le cas contraire, l'absence de tout poste disponible de même catégorie, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur.
INCA/JURITEXT000046555938.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1154 F-D Pourvoi n° V 20-21.856 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Casa France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-21.856 contre les arrêts rendus les 20 septembre 2012, 12 juin 2014, 12 décembre 2017 et 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [V] [I], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Casa France, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2020), Mme [I] a été engagée à compter du 3 février 1994 par la société Casa, devenue la société Casa France, en qualité de responsable de magasin. 2. Elle a été licenciée pour motif économique le 9 décembre 2010. 3. Par arrêt du 12 juin 2014, la cour d'appel a reconnu à la salariée la qualification de cadre et ordonné la régularisation de l'intéressée auprès des organismes de retraite des cadres, a fixé cette reconnaissance à compter du 1er janvier 1998, et condamné la société à lui payer les rappels de salaire correspondants, avec délivrance de bulletins de paie conformes à la décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée des dommages-intérêts pour perte du droit à la retraite, alors « qu'un rappel de salaires dû sur plusieurs mois peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement ; qu'en retenant, pour accorder à la salariée des dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète, qu'il appartenait à la société Casa France d'établir un bulletins de paye rectificatif par année afin de permettre à la salariée de faire valoir ses droits auprès de l'ARRCO, la cour d'appel a violé l'article L. 3243-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 3243-2 du code du travail que lorsque l'employeur est condamné au versement d'un rappel de salaire dû sur plusieurs mois, ce rappel peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement, pourvu qu'il comporte les mentions prescrites par les articles R. 3243-1 et suivants et qu'il indique à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l'objet d'un versement unique. 7. La cour d'appel, après avoir constaté qu'une précédente décision avait ordonné à la société de régulariser la situation de la salariée auprès de l'organisme de retraite des cadres et de lui remettre des bulletins de paie conformes, a relevé que l'intéressée justifiait que la délivrance à l'occasion de chacun des versements effectués pour régulariser la situation, de deux bulletins de salaire qui cumulaient le montant des salaires dus sur plusieurs années, l'avait empêchée de faire valoir l'intégralité de ses droits auprès de l'organisme de retraite concerné. 8. Elle en a déduit qu'en raison du refus de la société de lui délivrer les éléments permettant un calcul exact de ses droits à la retraite, la salariée avait ainsi subi une perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète et en a souverainement apprécié l'étendue. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Casa France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Casa France et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Casa France PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Casa France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement pour motif économique de Mme [V] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer à Mme [I] la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Casa France des indemnités de chômage versées à Mme [I] dans la limite de six mois d'indemnité, 1/ ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'il résulte de l'arrêt (p. 4) que les parties ont soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions ; que les écritures d'appel de Mme [I] ne comportaient aucun moyen pris de l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ; qu'en relevant d'office l'insuffisante motivation du licenciement de la salariée pour juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre de licenciement de Mme [I] justifiait son licenciement par « la fermeture pour motif économique du magasin Casa de Brie Comte Robert où vous travaillez en qualité de responsable de magasin, et par là même, par la suppression de votre poste », détaillait les résultats médiocres de ce point de vente, et ajoutait que « Nous n'avons donc eu d'autre choix que de cesser l'activité de cet établissement du fait de la réalité et du sérieux des causes économiques qui viennent d'être rappelées. Il est important en outre de rappeler qu'eu égard aux conditions de fonctionnement de l'entreprise, la poursuite d'exploitation d'établissements déficitaires obère les résultats de l'entreprise dans son ensemble. Cette nécessaire réorganisation s'impose d'autant plus que notre société se situe sur un secteur d'activité extrêmement concurrentiel et justifie la mise en place de cette mesure afin d'anticiper des difficultés prévisibles et d'éviter des licenciements ultérieurs en nombre plus important » ; que la lettre de licenciement faisait ainsi état d'une réorganisation de l'entreprise impliquant la fermeture du magasin de Brie Comte Robert afin de prévenir des difficultés économiques ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement invoquait « la seule situation économique de l'établissement de Brie Comte Robert, sans référence aucune à des difficultés économiques de l'entreprise SAS Casa France ou au groupe auquel elle appartient », la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, en violation du principe susvisé ; 3/ ALORS QUE la lettre de licenciement qui allègue une suppression de poste résultant de la fermeture d'un établissement énonce un motif économique suffisant ; qu'il appartient au juge d'apprécier si celle-ci est justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques ou par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; qu'en jugeant que le licenciement de Mme [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif que la lettre de licenciement qui mentionnait la cessation d'activité du magasin Casa de Brie Comte Robert et la suppression du poste de la salariée ne comportait aucune indication sur la situation économique de la société Casa ni du secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait, au lieu de rechercher si cette fermeture d'établissement procédait d'une cause économique, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Casa France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de droit à la retraite, ALORS QU'un rappel de salaires dû sur plusieurs mois peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement ; qu'en retenant, pour accorder à la salariée des dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète, qu'il appartenait à la société Casa France d'établir un bulletins de paye rectificatif par année afin de permettre à la salariée de faire valoir ses droits auprès de l'ARRCO, la cour d'appel a violé l'article L. 3243-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause.
INCA/JURITEXT000046555963.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1179 F-D Pourvoi n° W 21-17.583 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Monoprix exploitation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-17.583 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [N] [JS], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Mme [Z] [CW], domiciliée [Adresse 12], 3°/ à M. [E] [D], domicilié [Adresse 8], 4°/ à Mme [B] [S] [U], domiciliée [Adresse 5], 5°/ à M. [T] [O], domicilié [Adresse 7], 6°/ à Mme [X] [M], domiciliée [Adresse 1], 7°/ à Mme [G] [LX], épouse [L], domiciliée [Adresse 6], 8°/ à M. [A] [I], domicilié [Adresse 2], 9°/ à Mme [Y] [V], domiciliée [Adresse 11], 10°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 13], 11°/ à Mme [BE] [W], épouse [J], domiciliée [Adresse 2], 12°/ à Mme [HJ] [K] [F], domiciliée [Adresse 10], 13°/ à Mme [R] [FE], épouse [P], domiciliée [Adresse 9], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Monoprix exploitation, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris , 20 mai 2021), statuant en référé, la société Monoprix exploitation, filiale du groupe Casino (la société), exerce son activité dans 267 établissements en France. Un collectif de salariés de la société s'est créé en novembre 2019, en invoquant des relations sociales tendues du fait d'un changement de stratégie commerciale et la dégradation des conditions de rémunération. Courant 2020, il a mené des actions dénommées « les samedis de la colère » ou « les samedis de la révolte », consistant en un rassemblement devant un magasin Monoprix avec prise de parole de membres à l'intérieur du magasin. 2. Le 18 septembre 2020, la société a fait assigner devant le juge des référés dix-huit membres de ce collectif ayant participé à une action du collectif le 12 septembre 2020 devant le magasin Monoprix Convention, demandant qu'il soit fait injonction aux salariés en cause de cesser toute réitération d'agissements de ce type et sollicitant le paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel (perte de chiffre d'affaires et recours à des agents de sécurité), en invoquant une entrave au bon fonctionnement du magasin, en méconnaissance des principes de la liberté du travail, de la libre circulation des personnes et des biens, de la liberté du commerce et de l'industrie, constitutive d'un trouble manifestement illicite. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de retenir l'existence d'une contestation sérieuse sur la compétence du juge judiciaire pour statuer sur ses demandes et de les rejeter, alors « que le juge judiciaire saisi en sa formation de référé ne peut retenir d'office une contestation sérieuse sur sa compétence matérielle pour statuer sur les demandes dont il est saisi et les rejeter, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer ; qu'il ne résultait pas des conclusions des salariés qu'ils aient soulevé une exception d'incompétence du juge judiciaire ou une exception préjudicielle ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une contestation sérieuse sur la compétence du juge judiciaire pour statuer sur les demandes de la société Monoprix et les rejeter en conséquence, sans avoir invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 4. Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 5. Pour constater l'existence d'une contestation sérieuse sur la compétence du juge judiciaire pour statuer sur les demandes de la société, l'arrêt retient que les faits qui ont fondé l'action de la société se sont déroulés exclusivement sur la voie publique, qu'il est constant que le juge judiciaire n'a pas compétence pour autoriser un employeur à intervenir sur la voie publique, que l'ordonnance critiquée comporte une interdiction générale dirigée contre toutes personnes, salariées ou non de la société, de participer à une tentative de pénétration collective de force dans l'un des magasins, ce qui relève de l'intervention de la force publique, que la société peut réclamer cette intervention en dehors de toute intervention judiciaire, en cas de tentative de pénétration abusive dans les locaux et de menace pour la sécurité de l'établissement, que la sanction des agissements abusifs commis par des élus relève de sanctions individuelles et non d'une autorisation préalable donnée à la société d'interdire l'accès aux magasins de certaines personnes non formellement identifiées, qu'au vu de ces éléments, il sera relevé l'existence d'une contestation sérieuse pour ordonner en référé les mesures sollicitées qui excèdent la compétence du juge judiciaire. 6. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne les défendeurs au pourvoi aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Monoprix exploitation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Monoprix exploitation La société Monoprix Exploitation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu l'existence d'une contestation sérieuse sur la compétence du juge judiciaire pour statuer sur ses demandes et de les avoir rejetées ; 1) ALORS QUE le juge judiciaire saisi en sa formation de référé ne peut retenir d'office une contestation sérieuse sur sa compétence matérielle pour statuer sur les demandes dont il est saisi et les rejeter, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer ; qu'il ne résultait pas des conclusions des salariés qu'ils aient soulevé une exception d'incompétence du juge judiciaire ou une exception préjudicielle ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une contestation sérieuse sur la compétence du juge judiciaire pour statuer sur les demandes de la société Monoprix et les rejeter en conséquence, sans avoir invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE subsidiairement, les litiges relatifs au droit de manifester des salariés relèvent de la compétence du juge judiciaire quand ce droit est exercé par des salariés regroupés en collectif, portant des revendications de nature salariale et syndicale aux abords immédiats de l'entrée de l'un des établissements de l'entreprise qui les emploie, au sein duquel ils tentent des intrusions en force, en en perturbant le libre accès et l'exploitation ; que le juge judiciaire est compétent pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant d'un tel comportement ; qu'en se fondant sur le fait que les faits générateurs du trouble invoqué étaient extérieurs à l'établissement, quand les abords immédiats d'un établissement doivent être considérés comme intégrés dans un périmètre au sein duquel le juge judiciaire peut être appelé à faire cesser un trouble manifestement illicite en raison de tentatives d'intrusion collective, la cour d'appel a violé l'article R.1455-6 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE subsidiairement, le droit de libre circulation dans l'entreprise des représentants du personnel, serait-ce sous couvert de l'exercice du droit de manifester, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de conduire à la désorganisation complète de l'exploitation d'un établissement portant atteinte à la liberté du commerce ; que son exercice dégénère alors en abus ; que la société Monoprix avait fait valoir qu'il était établi par un constat d'huissier que l'action du collectif, qui avait tenté des intrusions dans un de ses établissements et avait même parfois pénétré dans le magasin, avait dissuadé les clients de s'y rendre, les avait effrayés, les incitant à abréger ou à reporter leurs achats, désorganisant progressivement l'activité de l'établissement et en empêchant l'accès ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555962.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1178 F-D Pourvoi n° A 21-14.505 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société JL International, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-14.505 contre l'arrêt rendu le 19 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [B], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société JL International, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [B], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 février 2021), statuant en référé, Mme [B] a été engagée par la société Vortex à compter du 25 septembre 2017, en qualité de conducteur de personnes présentant un handicap, suivant contrat de travail à durée indéterminée, intermittent et à temps partiel. Elle était membre suppléante du comité social et économique. Le 29 avril 2020, la société Vortex a été placée en liquidation judiciaire. 2. Le 19 mai 2020, la société JL International s'est vu attribuer, par le département de la Loire, le marché public de transports d'enfants handicapés en établissement scolaire ou spécialisé, comprenant notamment le circuit auquel était affectée la salariée. Estimant que celle-ci était éligible au transfert de contrat prévu par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport, la société Vortex l'avait informée le 11 mai 2020 que la société JL International était devenue son nouvel employeur. 3. Par décision du 25 mai 2020, l'inspecteur du travail, saisi par le mandataire judiciaire de la société Vortex, a autorisé le transfert du contrat de travail de la salariée. Le 14 décembre 2020, n'ayant pas reçu de réponse au recours hiérarchique qu'elle avait introduit, le 15 juin 2020, à l'encontre de cette décision, la société JL International a saisi le tribunal administratif pour obtenir l'annulation du refus implicite lui ayant été opposé. L'autorisation de transfert a été expressément confirmée par le ministre du travail le 30 décembre 2020. Le 18 janvier 2021, la société JL International a saisi le tribunal administratif d'une requête en annulation de cette décision. 4. Par lettre recommandée du 3 juin 2020, la salariée a été convoquée par le mandataire liquidateur de la société Vortex à un entretien préalable à un licenciement économique, fixé au 15 juin 2020. Le 19 août 2020, l'inspection du travail a rejeté la demande d'autorisation de procéder au licenciement économique de la salariée, considérant que la société Vortex n'était plus son employeur. 5. Le 9 juin 2020, la salariée a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale afin d'obtenir, sous astreinte, sa réintégration au sein de la société JL International et la régularisation de ses salaires, à compter de la date d'autorisation du transfert de son contrat de travail, ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à la suite du refus opposé par la société JL International. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société JL International fait grief à l'arrêt de lui ordonner de reprendre le contrat de travail de la salariée à compter du 25 mai 2020, sous astreinte, et de la condamner à reprendre le versement du salaire à compter du 25 mai 2020 et de payer à la salariée, par provision, diverses sommes à ce titre, alors « que, sauf s'il est abusif ou manifestement dénué de sérieux, le recours formé devant les autorités administratives compétentes contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant, sur le fondement d'une convention collective de travail, le transfert d'un salarié protégé, interdit au juge des référés de retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en disant qu'un trouble manifestement illicite était en l'espèce caractérisé quand il résulte des motifs de son arrêt qu'un recours, dont il n'a pas été constaté qu'il était abusif ou manifestement dénué de sérieux, avait été formé contre la décision de l'inspecteur du travail ayant autorisé le transfert, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail. » Réponse de la Cour 8. Ayant constaté que la juridiction administrative était déjà saisie d'un recours en annulation contre la décision administrative d'autorisation du transfert du contrat de travail, la cour d'appel a justement énoncé qu'il ne lui appartenait pas de remettre en question cette décision et a pu retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant du refus de la société JL International de la respecter, peu important l'existence du recours administratif dépourvu d'effet suspensif. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société JL International aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société JL International et la condamne à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société JL International PREMIER MOYEN DE CASSATION La société J.L INTERNATIONAL fait grief à l'arrêt attaqué de lui AVOIR ordonné de reprendre le contrat de travail de Mme [B] à compter du 25 mai 2020 sous une astreinte de 100 € par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours suivant la notification de son arrêt et de l'AVOIR condamnée à reprendre le versement du salaire à compter du 25 mai 2020 et de payer à Mme [B], par provision, la somme de 5 304,06 € à ce titre, outre 530 € bruts au titre des congés payés y afférents et 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ALORS QUE sauf s'il est abusif ou manifestement dénué de sérieux, le recours formé devant les autorités administratives compétentes contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant, sur le fondement d'une convention collective de travail, le transfert d'un salarié protégé, interdit au juge des référés de retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en disant qu'un trouble manifestement illicite était en l'espèce caractérisé quand il résulte des motifs de son arrêt qu'un recours, dont il n'a pas été constaté qu'il était abusif ou manifestement dénué de sérieux, avait été formé contre la décision de l'inspecteur du travail ayant autorisé le transfert, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION La société J.L INTERNATIONAL fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [B], par provision, la somme de 5 304,06 € à ce titre, outre 530 € bruts au titre des congés payés y afférents ; 1°/ ALORS QUE si l'article R. 1455-7 du code du travail autorise le juge des référés à accorder au salarié une provision, c'est à la condition que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en accordant à Mme [B] la provision qu'elle sollicitait sans avoir examiné aucune des contestations élevées par la société J.L INTERNATIONAL, la cour d'appel, qui n'a pas respecté son office, a violé l'article R. 1455-7 du code du travail ; 2°/ ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en statuant de la sorte, elle n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555974.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1193 F-D Pourvoi n° Q 21-19.555 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [Y] [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-19.555 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à l'association Agence culturelle grand Est, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme [K], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Agence culturelle grand Est, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, conseiller, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 25 mai 2021), Mme [K] a été engagée par l'association Agence culturelle grand Est à effet du 1er juillet 2003. A compter du mois de mai 2011, elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail et a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique du 4 septembre au 31 octobre 2011. Le 3 juillet 2013, elle a été à nouveau placée en arrêt de travail. 2. Le 23 juillet 2013, elle a démissionné à effet du 22 août suivant. 3. Soutenant avoir été victime de harcèlement moral, la salariée a saisi, le 13 août 2018, la juridiction prud'homale de demandes tendant à analyser sa démission en licenciement nul et à condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le second moyen, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables car prescrites les demandes tendant à la requalification de sa démission en licenciement nul et au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « qu'en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; dès lors qu'un salarié a été victime d' agissements de harcèlement de la part de l'employeur et d'une emprise de celui-ci au-delà de sa mise en arrêt de maladie et qu'il demande que sa démission soit requalifiée en licenciement nul, le délai de prescription de l'action ne commence à courir qu'à compter de la démission ; que la cour d'appel qui a décidé que le délai de prescription commençait à courir au jour de l'arrêt maladie de Mme [K] ayant duré jusqu'à la fin du préavis, sans s'expliquer comme cela lui était demandé sur le fait que jusqu'à sa démission la salariée était sous l'emprise de l'employeur et qu'elle était confrontée à un environnement nuisible, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 7. Ayant constaté que la salariée n'invoquait aucun fait de harcèlement moral postérieurement au 3 juillet 2013, date à partir de laquelle elle a été placée en arrêt de travail pour maladie avant de démissionner le 23 juillet 2013, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme [K] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables car prescrites les demandes tendant à la requalification de la démission en licenciement nul et tendant au paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul 1° Alors qu'en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; dès lors qu'un salarié a été victime d' agissements de harcèlement de la part de l'employeur et d'une emprise de celui-ci au-delà de sa mise en arrêt de maladie et qu'il demande que sa démission soit requalifiée en licenciement nul, le délai de prescription de l'action ne commence à courir qu'à compter de la démission ; que la Cour d'appel qui a décidé que le délai de prescription commençait à courir au jour de l' arrêt maladie de Madame [K] ayant duré jusqu'à la fin du préavis, sans s'expliquer comme cela lui était demandé sur le fait que jusqu'à sa démission la salariée était sous l'emprise de l'employeur et qu'elle était confrontée à un environnement nuisible , n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil 2° Alors que de plus, les juges du fond sont tenus de motiver leurs décisions ; que la Cour d'appel qui s'est bornée à affirmer que la plainte pénale de l'exposante n'avait pas interrompu la prescription civile ni la prescription pénale, a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Madame [K] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et de formation Alors que l'employeur qui est tenu de faire bénéficier les salariés de formations permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l'évolution des emplois des technologies et des organisations doit apporter la preuve de cette obligation et notamment que ses propositions les formations suivies ou proposées sont en adéquation avec le poste de travail et des missions confiées au salarié ; que la cour d'appel qui a rejeté la demande de la salariée au motif qu'elle avait suivi certaines formations et faute d' élément caractérisant une difficulté d'adaptation ou de maintien dans son emploi, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil et l'article L 6321-1 du code du travail
INCA/JURITEXT000046555960.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1176 F-D Pourvoi n° F 21-16.856 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [D] [X], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-16.856 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des Commerçants des halles et marchés de Montpellier région, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat du syndicat des Commerçants des halles et marchés de Montpellier région, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 mars 2021), M. [X] a présenté une requête, le 3 mai 2019, au président du tribunal de grande instance, au visa des articles 145, 812 et 813 du code de procédure civile, à fin de désignation d'un huissier de justice avec mission d'assister à une assemblée générale du syndicat des Commerçants des halles et marchés de Montpellier région, dont il prétendait être membre, devant se tenir le 3 juin 2019, et au cours de laquelle il entendait déposer une liste aux élections du conseil d'administration. 2. Le président du tribunal de grande instance ayant, par ordonnance du 6 mai 2019, fait droit à cette requête, le syndicat a fait assigner, le 9 juillet 2019, M. [X] à fin de rétractation de cette ordonnance. 3. Par ordonnance du 12 décembre 2019, le président du tribunal de grande instance a rétracté l'ordonnance sur requête du 6 mai 2019 et dit nul et de nul effet le constat dressé par M. [F], huissier de justice, en date du 3 juin 2019. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. [X] fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, de rétracter l'ordonnance sur requête du 6 mai 2019 et dire nul et de nul effet le constat dressé par M. [F], huissier de justice, en date du 3 juin 2019, alors : « 1°/ que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'en retenant, pour confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait rétracté l'ordonnance sur requête du 6 mai 2019, que seul un adhérent du syndicat peut se présenter aux fonctions d'administration et que M. [X], qui avait fait l'objet d'une mesure d'exclusion, « ne pouvait invoquer sa qualité de membre du syndicat et sa volonté de déposer une liste pour obtenir l'ordonnance rendue sur requête », cependant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 2°/ subsidiairement, que l'article L. 2131-4 du code du travail prévoit que « tout adhérent d'un syndicat professionnel peut, s'il remplit les conditions fixées par l'article L. 2131-5, accéder aux fonctions d'administration ou de direction de ce syndicat » ; qu'il ne résulte pas de ce texte que les fonctions d'administration ou de direction d'un syndicat doivent être obligatoirement exercées par un membre du syndicat ; qu'en énonçant que le syndicat est « soumis aux dispositions légales applicables aux syndicats professionnels, sauf stipulations statutaires contraires, en rappelant que l'article L. 2131-4 du code du travail dispose que tout adhérent d'un syndicat professionnel peut, s'il remplit les conditions fixées par l'article L. 2131-5, accéder aux fonctions d'administration ou de direction de ce syndicat, en considérant qu'il résulte de ces dispositions que seul un adhérent du syndicat peut se présenter aux fonctions d'administration, ce qui ressort en outre expressément des articles 6, 7 et 15 des statuts du syndicat », la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 3°/ toujours subsidiairement, que, selon l'article 7 du statut du syndicat, « pour être membre du Conseil d'Administration, il faut : - être ressortissant de l'Union européenne, - jouir de ses droits civiques et politiques, - exercer depuis plus de deux ans au moins une activité sur les Halles et marchés, - ne pas appartenir à un bureau d'un autre mouvement similaire » ; que l'article 6 des statuts prévoit que, pour être membre du syndicat, il faut ; « Être un commerçant non sédentaire, - Avoir été agréé par le Conseil d'administration, - Adhéré au statut du Syndicat » et que l'article 7 dispose que « ne peuvent participer à l'élection des membres du Conseil d'administration que les adhérents présents depuis au moins un an, mieux à même de connaître les candidats » ; qu'en énonçant « qu'il résulte de ces dispositions que seul un adhérent du syndicat peut se présenter aux fonctions d'administration, ce qui ressort en outre expressément des articles 6, 7 et 15 des statuts du syndicat », cependant que ces articles ne prévoient nullement que les fonctions d'administration ou de direction d'un syndicat doivent obligatoirement être exercées par un membre du syndicat, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des statuts du syndicat et a violé l'article 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Selon l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par une personne dépourvue du droit d'agir. 6. Il résulte de ces textes que, si l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, le demandeur à l'action doit justifier d'un intérêt né et actuel au moment de l'introduction de l'action en justice. 7. En conséquence, la cour d'appel, qui, par motifs propres et adoptés, a, d'une part déduit des articles 6, 7 et 15 des statuts du syndicat que seul un adhérent du syndicat pouvait se présenter aux fonctions d'administration, d'autre part constaté que l'intéressé avait fait l'objet, le 29 mai 2017, d'une mesure d'exclusion qu'il avait contestée mais qui n'était pas annulée, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [X] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [X] Monsieur [D] [X] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête du 6 mai 2019 et dit nul et de nul effet le constat dressé par Maître [F], huissier de justice, en date du 3 juin 2019 ainsi que de l'avoir condamné au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ALORS, D'UNE PART, QUE l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'en retenant, pour confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait rétracté l'ordonnance sur requête du 6 mai 2019, que seul un adhérent du syndicat peut se présenter aux fonctions d'administration et que Monsieur [X], qui avait fait l'objet d'une mesure d'exclusion, « ne pouvait invoquer sa qualité de membre du syndicat et sa volonté de déposer une liste pour obtenir l'ordonnance rendue sur requête », cependant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, la Cour d'appel a violé l'article 31 du Code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE l'article L. 2131-4 du Code du travail prévoit que « tout adhérent d'un syndicat professionnel peut, s'il remplit les conditions fixées par l'article L. 2131-5, accéder aux fonctions d'administration ou de direction de ce syndicat » ; qu'il ne résulte pas de ce texte que les fonctions d'administration ou de direction d'un syndicat doivent être obligatoirement exercées par un membre du syndicat ; qu'en énonçant que le syndicat est « soumis aux dispositions légales applicables aux syndicats professionnels, sauf stipulations statutaires contraires, en rappelant que l'article L. 2131-4 du Code du travail dispose que tout adhérent d'un syndicat professionnel peut, s'il remplit les conditions fixées par l'article L. 2131-5, accéder aux fonctions d'administration ou de direction de ce syndicat, en considérant qu'il résulte de ces dispositions que seul un adhérent du syndicat peut se présenter aux fonctions d'administration, ce qui ressort en outre expressément des articles 6,7 et 15 des statuts du syndicat », la Cour d'appel a violé le texte susvisé ; ALORS, ENFIN ET TOUJOURS SUBSIDIAIREMENT, QUE, selon l'article 7 du statut du syndicat, « pour être membre du Conseil d'Administration, il faut : - être ressortissant de l'Union européenne, - jouir de ses droits civiques et politiques, - exercer depuis plus de deux ans au moins une activité sur les Halles et marchés, - ne pas appartenir à un bureau d'un autre mouvement similaire » ; que l'article 6 des statuts prévoit que, pour être membre du syndicat, il faut ; « Être un commerçant non sédentaire, - Avoir été agrée par le Conseil d'administration, - Adhéré au statut du Syndicat » et que l'article 7 dispose que « ne peuvent participer à l'élection des membres du Conseil d'administration que les adhérents présents depuis au moins un an, mieux à même de connaître les candidats » ; qu'en énonçant « qu'il résulte de ces dispositions que seul un adhérent du syndicat peut se présenter aux fonctions d'administration, ce qui ressort en outre expressément des articles 6,7 et 15 des statuts du syndicat », cependant que ces articles ne prévoient nullement que les fonctions d'administration ou de direction d'un syndicat doivent obligatoirement être exercées par un membre du syndicat, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des statuts du syndicat et a violé l'article 1103 du Code civil.
INCA/JURITEXT000046555948.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 0SOC. ZB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1164 F-D Pourvoi n° Q 21-15.208 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [K] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-15.208 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Cubik Partners, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La société Cubik Partners a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Cubik Partners, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2021), M. [T] a été engagé à compter du 7 février 2011 par la société Cubik Partners, en qualité de consultant senior, puis promu directeur à compter de février 2014. 2. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre notifiée le 11 mars 2015. 3.Sollicitant l'annulation de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur les premier à cinquième moyens du pourvoi incident, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à prononcer la nullité du licenciement, ordonner sa réintégration et condamner l'employeur à lui payer une certaine somme à titre d'indemnité, alors : « 1°/ qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu à raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression ; que la cour d'appel a constaté qu'il ne pouvait être reproché à M. [T] son absence d'intégration de la valeur "fun & pro" de l'entreprise, qui se traduisait par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d'alcool, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages ; qu'en considérant néanmoins que le reproche adressé au salarié dans la lettre de licenciement de refuser d'accepter la politique de l'entreprise et le partage des valeurs "fun & pro" ne pouvait être considéré comme une violation de sa liberté d'expression, quand le refus de M. [T] d'adhérer à ces "valeurs" participait de sa liberté d'opinion et d'expression, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1er et 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail ; 3°/ qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu à raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'annulation du licenciement, que les reproches adressés au salarié portaient sur son comportement et ne remettaient pas en cause ses opinions personnelles, tout en constatant qu'il était reproché au salarié son désaccord sur les méthodes de management des associés et les critiques de leur décision, ce qui relevait de sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé les articles les articles 1er et 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 6. Il résulte de ces textes que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. 7. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. 8. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de son licenciement, l'arrêt, après avoir constaté qu'il lui était notamment reproché son refus d'accepter la politique de l'entreprise ainsi que son désaccord sur les méthodes de management des associés et les critiques de leur décision, relève qu'il ne peut lui être reproché son absence d'intégration de la valeur « fun and pro », alors qu'il ressort de différentes pièces versées, notamment des attestations concordantes de salariés, que le « fun and pro » en vigueur dans l'entreprise se traduisait aussi par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive de tous les participants, encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d'alcool, la culture de l'apéro étant notamment citée dans la restitution de l'atelier culture Cubik 2011, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages. 9. Il retient que les reproches qui sont faits au salarié dans la lettre de licenciement ne peuvent être considérés comme une violation de sa liberté d'expression de nature à rendre nul le licenciement, qu'en effet, il lui est reproché son refus d'accepter la politique de l'entreprise et de se conformer aux modalités de fonctionnement basées sur des équipes de petite taille au sein desquelles la coopération par des échanges fréquents est valorisée et sur le partage des valeurs « fun » et « pro » par tous les salariés de l'entreprise, décrites notamment sur le site internet de la société sur la participation à la célébration des succès, la présence au séminaire annuel Saint-Palais et le partage de ses passions personnelles (cube Cubik), qu'aussi les reproches faits au salarié de sa rigidité, son manque d'écoute, son ton parfois cassant et démotivant vis-à vis de ses subordonnés et son impossibilité d'accepter le point de vue des autres constituent des critiques sur son comportement et ne sont pas des remises en cause de ses opinions personnelles. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le licenciement était, en partie, fondé sur le comportement critique du salarié et son refus d'accepter la politique de l'entreprise basée sur le partage de la valeur « fun and pro » mais aussi l'incitation à divers excès, qui participent de sa liberté d'expression et d'opinion, sans qu'un abus dans l'exercice de cette liberté ne soit caractérisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, ce dernier étant subsidiaire, et sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de ses demandes en nullité de son licenciement, aux fins d'ordonner sa réintégration à son poste de « consultant senior » au sein de la société Cubik Partners et en condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 461 406 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Cubik Partners aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cubik Partners et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. [T], demandeur au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement, ordonner sa réintégration et et condamner la société Cubiks Partners à lui payer une somme de 461 406 euros à titre d'indemnité, 1°) ALORS QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu à raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression ; que la cour d'appel a constaté qu'il ne pouvait être reproché à M. [T] son absence d'intégration de la valeur « fun & pro » de l'entreprise, qui se traduisait par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d'alcool, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages ; qu'en considérant néanmoins que le reproche adressé au salarié dans la lettre de licenciement de refuser d'accepter la politique de l'entreprise et le partage des valeurs « fun & pro » ne pouvait être considéré comme une violation de sa liberté d'expression, quand le refus de M. [T] d'adhérer à ces « valeurs » participait de sa liberté d'opinion et d'expression, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1er et 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail ; 2°) ALORS QU'est nul le licenciement intervenu en violation du droit fondamental du salarié à la dignité et au respect de sa vie privée ; que M. [T] faisait valoir que la culture « fun & pro » en vigueur dans l'entreprise était caractérisée par des pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée telles que des simulacres d'actes sexuels, l'obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, l'usage de sobriquets pour désigner les personnes et l'affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées ; qu'en refusant d'annuler le licenciement la cour d'appel, qui a elle-même constaté la réalité des pratiques de promiscuité, brimades, excès et dérapages prônées par les associés, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que le licenciement de M. [T], motivé par le refus de pratiques portant atteinte à sa dignité et à sa vie privée, était nul, la cour d'appel a violé le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les articles 1er et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail ; 3°) ALORS QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu à raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'annulation du licenciement, que les reproches adressés au salarié portaient sur son comportement et ne remettaient pas en cause ses opinions personnelles, tout en constatant qu'il était reproché au salarié son désaccord sur les méthodes de management des associés et les critiques de leur décision, ce qui relevait de sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé les articles les articles 1er et 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement, ordonner sa réintégration et et condamner la société Cubiks Partners à lui payer une somme de 461 406 euros à titre d'indemnité, 1°) ALORS QU'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté des faits constitutifs de harcèlement moral, peu important que le terme ne soit pas formellement employé ; que la cour d'appel a retenu, pour écarter la nullité du licenciement prononcé le 11 mars 2015, que si M. [T], dans sa lettre du 19 février 2015, avait informé son employeur de la répercussion sur son état de santé de la situation professionnelle qui lui était faite, le terme de harcèlement moral n'était pas employé dans cette lettre ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de ce terme ne permet pas d'écarter la protection prévue par les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, dès lors que les faits dénoncés sont caractéristiques de harcèlement moral, la cour d'appel a violé ces textes ; 2°) ALORS QU'en retenant, pour écarter la nullité du licenciement, que la lettre de licenciement du 11 mars 2015 ne faisait aucune référence explicite à un reproche de dénonciation de harcèlement moral, tout en constatant que cette lettre répondait in fine à la lettre du salarié du 11 février 2015, réceptionnée par l'employeur le 23 février 2015, et sans rechercher, comme il était soutenu, si le très court délai entre la réception de cette lettre et l'engagement de la procédure de licenciement ne démontrait pas que le licenciement avait été prononcé en réaction à cette lettre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ; 3°) ALORS QU'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu à raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression ; qu'en ne recherchant pas, comme il était soutenu, si le licenciement prononcé par une lettre du 11 mars 2015, répondant aux critiques développées par M. [T] dans sa lettre du 15 février 2015 concernant ses conditions de travail, ne constituait pas une atteinte à la liberté d'expression du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1232-1 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir condamner la société Cubik Partners à lui payer une somme de 82 640 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1°) ALORS QU'en se fondant exclusivement, pour considérer que l'insuffisance professionnelle de M. [T] était démontrée, sur les éléments de preuve produits par l'employeur, sans examiner ni même viser les pièces que le salarié produisait aux débats contestant celles de son employeur, la cour d'appel a a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en relevant qu'il résultait de la synthèse de l'évaluation de juin 2014 une absence de développement d'esprit d'équipe, de solidarité et de loyauté, un ton trop froid et cassant adopté en formation et le fait pour le salarié d'être d'abord dans la critique avant d'être dans la construction, sans s'expliquer sur la pièce produite par le salarié « feedback 360° » de juillet 2014, soit huit mois avant la rupture, relevant de nombreux points positifs et attribuant à M. [T] un score de 82 % supérieur ou égale à 3 étoiles (conclusions p. 29, pièce n° 18), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en retenant que Mme [R], directrice excellence opérationnelle SNCF, témoignait des difficultés rencontrées avec M. [T] comme responsable du compte, sans répondre aux conclusions d'appel de M. [T] (p. 31 et p. 35) faisant valoir que dans son attestation Mme [R] indiquait elle-même qu'il était un excellent formateur et qu'elle avait eu deux ans d'excellente collaboration avec lui, qu'elle lui avait fait une excellente recommandation sur Linkedin et que M. [T] avait continué à travailler pour le groupe SNCF jusqu'à la fin de son contrat, ni s'expliquer sur les retours positifs de M. [I] de SNCF Voyages et de M. [Y] directeur de SNCF Champagne Ardenne, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en se fondant sur les courriels de M. [U] de chez Eurostar et celui de M. [M] de chez [Z], indiquant qu'ils avaient souhaité que M. [T] soit écarté de la gestion de leur compte, sans répondre aux conclusions d'appel du salarié (p. 33-34) faisant valoir que ses prestations pour ces deux sociétés dataient de 2011-2012, qu'il n'avait à l'époque reçu aucune remarque de la part de son employeur, qu'en 2012 et 2013 son salaire avait été augmenté de 7,5 % et avait reçu un bonus de performance individuelle, et qu'en février 2014 il avait été promu directeur, ce qui était incompatible avec une mauvaise performance chez un client, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en retenant que le compte-rendu des stagiaires ayant assisté à la formation de l'Ecole centrale du 19 au 22 janvier 2015 contenait des critiques unanimes des huit participants, sans répondre aux conclusions d'appel de M. [T] (p. 37-38) faisant valoir qu'il avait assuré cette formation avec deux de ses collègues, que l'employeur produisait une évaluation globale sans faire connaître le nom des formateurs évalués, que cette formation s'était déroulée juste après l'entretien du 12 décembre 2014 au cours duquel son employeur l'avait informé de sa décision de rompre le contrat et que son état de santé était dégradé au point qu'il n'avait pu terminer la formation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QU'en se fondant sur les seuls éléments de preuve de l'employeur sur la prétendue incapacité de M. [T] à travailler avec ses collègues, sans s'expliquer sur les attestations, courriels et nombreux « feedbacks » de salariés versés aux débats par M. [T], témoignant au contraire de leur appréciation très positive sur ses qualités professionnelles et relationnelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Cubik Partners, demanderesse au pourvoi incident PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Cubik Partners fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer au salarié les sommes de 37 382,02 euros de rappels d'heures supplémentaires et 3 738,20 euros de congés payés afférents, et de 4 818,06 euros à titre de repos compensateur et 481,81 euros de congés payés afférents ; 1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour faire droit à la demande du salarié, s'est bornée à relever que ce dernier, qui disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, versait aux débats des tableaux récapitulatifs se bornant à faire état des horaires de début et de fin de journée, établis a posteriori pour les besoins de la cause, des courriels émis et adressés à des horaires tardifs et durant les fins de semaine, la copie de ses agendas manuscrits mentionnant de manière imprécise quelques rendez-vous professionnels mais aussi des rendez-vous personnels pendant la durée de travail en contradiction avec les tableaux récapitulatifs produits et des attestations de ses collègues faisant état d'un temps de travail majoritairement accompli de 9h à 19h30, ces éléments présentant diverses incohérences démontrées par l'employeur ; qu'en jugeant que de tels éléments étaient suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ; 2°) ALORS subsidiairement QU'un salarié n'a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir preuves à l'appui qu'il n'avait jamais demandé à M. [T] d'accomplir la moindre heure supplémentaire, que ce dernier était libre d'organiser son temps de travail et qu'il n'avait pas une charge de travail justifiant l'accomplissement d'heures supplémentaires (conclusions d'appel de l'exposante p.48 et p.58 et 59, productions n° 15 et 16) ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que le salarié avait accompli des heures supplémentaires, au moins avec l'accord implicite de l'employeur, sans caractériser, en l'état d'une contestation expresse élevée sur ce point par l'employeur, en quoi, dans les faits, les heures supplémentaires retenues auraient été effectuées avec l'accord implicite de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Cubik Partners fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer au salarié les sommes de 4 818,06 euros à titre de repos compensateur et 481,81 euros de congés payés afférents ; 1°) ALORS QUE la cassation du chef de dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié un rappel de salaire au titre de prétendues heures supplémentaires entraînera la cassation du chef de dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié les sommes de 4 818,06 euros à titre de repos compensateur et 481,81 euros de congés payés afférents, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°) ALORS à tout le moins QUE le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué au salarié les sommes de 4 818,06 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de 481,81 euros au titre des congés payés afférents, en raison du dépassement du contingent d'heures supplémentaires annuel pour les années 2012 à 2014 ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement s'expliquer sur le mode de calcul de cette indemnité, ni préciser le nombre d'heures supplémentaires qui auraient été accomplies au-delà du contingent annuel applicable, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé les articles L. 3121-11, L. 3121-30, L. 3121-38, D. 3121-23 et D. 3121-24 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Cubik Partners fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer au salarié la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts pour temps de déplacement exceptionnels ; ALORS QUE le temps de trajet dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière, déterminé par la convention collective, ou le contrat de travail, ou à défaut par le juge ; qu'en l'espèce, en affirmant que le salarié avait régulièrement accompli des trajets excédant le temps habituel quotidien cumulé de transport d'1h30 et en lui allouant à ce titre des dommages-intérêts, quand il lui appartenait de déterminer le montant de la contrepartie financière qui lui était due au titre du temps de trajet dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail et de déterminer au préalable précisément ce temps, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-4 du code du travail. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La société Cubik Partners fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer au salarié les sommes de 400 euros à titre de rappel de bonus et de 40 euros de congés payés afférents ; 1°) ALORS QU'il appartient à la partie qui se prétend créancière de prouver l'existence de la créance qu'elle allègue ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'en 2013, le salarié avait perçu 3 600 euros, soit 90% de bonus individuel et 4 000 euros de bonus collectif, sans que la société n'ait justifié pour cette période des raisons pour lesquelles la totalité de la rémunération ne lui avait pas été versée, quand il appartenait pourtant au salarié d'établir l'existence de sa créance, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'employeur sollicitait la confirmation du jugement en ce qu'il avait retenu qu' « au titre de 2013, le salarié a perçu 100 % de son bonus collectif et 90 % de son bonus individuel, l'employeur l'ayant déjà alerté de difficultés à accepté les feed back et le travail en équipe » et précisait qu'« au titre de l'année 2013, M. [T] a ainsi perçu la somme de 3.600 € au titre de son bonus individuel, soit 90 % du montant maximal, et n'est pas fondé, compte tenu de son attitude globale et des insuffisances évoquées ci-dessus, à en percevoir davantage » (conclusions d'appel de l'exposante p.65) ; qu'en affirmant qu'en 2013, le salarié avait perçu 3 600 euros, soit 90% de bonus individuel et 4 000 euros de bonus collectif, et que l'employeur ne justifiait pas pour cette période des raisons pour lesquelles la totalité de la rémunération ne lui avait pas été versée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'employeur sollicitait la confirmation du jugement en ce qu'il avait retenu qu' « au titre de 2013, le salarié a perçu 100 % de son bonus collectif et 90 % de son bonus individuel, l'employeur l'ayant déjà alerté de difficultés à accepté les feed back et le travail en équipe » et précisait qu'« au titre de l'année 2013, M. [T] a ainsi perçu la somme de 3.600 € au titre de son bonus individuel, soit 90 % du montant maximal, et n'est pas fondé, compte tenu de son attitude globale et des insuffisances évoquées ci-dessus, à en percevoir davantage » (conclusions d'appel de l'exposante p.65) ; que pour établir les difficultés rencontrées par le salarié en 2013, l'employeur avait versé aux débats les échanges de courriels entre M. [F] et M. [P] en date du 28 octobre 2013 (production n°18) ; qu'en affirmant qu'en 2013, le salarié avait perçu 3 600 euros, soit 90% de bonus individuel et 4 000 euros de bonus collectif, et que l'employeur ne justifiait pas pour cette période des raisons pour lesquelles la totalité de la rémunération ne lui avait pas été versée, sans s'expliquer sur les justifications invoquées par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION La société Cubik Partners fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer au salarié les sommes de 2 129,31 euros à titre de rappel de prime de vacances et de 212,93 euros de congés payés afférents ; ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les bulletins de paie du salarié révélaient que ce dernier avait perçu au titre de primes, en février 2012, 3 931,51 euros de prime exceptionnelle et 1 989,01 euros de primes supplémentaires, en mars 2012, 2 358,90 euros de rappel de prime 2011, et en février 2013, 1 252,83 euros de prime exceptionnelle ; qu'en affirmant que le salarié avait été rempli de ses droits au titre des années 2011 et 2012 mais qu'à défaut de perception de primes pouvant être considérées comme des primes de vacances, la somme de 2 129,31 euros devait lui être allouée au titre des primes de vacances pour les années 2013 à 2015, sans expliquer en quoi la prime exceptionnelle versée en 2013 ne pouvait pas être considérée comme une prime de vacances pour l'année 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile
INCA/JURITEXT000046555949.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1165 F-D Pourvoi n° C 21-10.551 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [G] [W], domiciliée [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° C 21-10.551 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [H] [P], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], pris en qualité de mandataire liquidateur de l'association Handball Pôle Sud 38 Echirolles-Eybens, 2°/ à l'UNEDIC Délégation AGS-CGEA d'Annecy, dont le siège est immeuble [7], [Adresse 6], [Localité 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Grandemange conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 novembre 2020) et les productions, Mme [W] a été engagée par l'association Handball Pôle Sud 38 Echirolles Eybens (l'association), par conventions de joueuse de handball des 25 août 2015 et 24 juillet 2016, pour la période du 1er septembre 2015 au 31 mai 2017. 2. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 21 février 2017, à l'égard de l'association, convertie par jugement du 22 juin 2017 en liquidation judiciaire, M. [P] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire. 3. Le 21 avril 2017, l'intéressée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification des conventions de joueuse de handball en contrat de travail à temps plein à durée indéterminée, d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de demandes indemnitaires et salariales afférentes à la requalification et à la rupture de son contrat de travail. Rectification d'erreur matérielle relevée d'office 4. Avis a été donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile. Vu l'article 462 du code de procédure civile : 5. C'est par suite d'une erreur purement matérielle que, dans le dispositif de la décision attaquée, la cour d'appel a dit que les sommes dues à la salariée concernaient la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire du 21 février 2017, au lieu du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 21 février 2017. 6. Il y a lieu, pour la Cour de cassation, de réparer cette erreur, qui affecte un chef de dispositif qui lui est déféré. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La salariée fait grief à l'arrêt de constater que les sommes qui lui étaient dues au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 21 février 2017 n'entraient pas dans le champ de la garantie due par l'AGS, alors « que la garantie de paiement des créances dues en exécution du contrat de travail s'applique à toutes les sommes dues aux salariés à la date d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement couvre les créances salariales nées antérieurement au jugement d'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire ; que dès lors, en excluant de la garantie de l'AGS, la créance de Mme [W] au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire daté du 21 février 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8, 1° du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3253-8 1° du code du travail : 8. Selon ce texte, l' AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. 9. Pour décider que l' AGS n'a pas à garantir les sommes dues à la salariée au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 21 février 2017, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article L. 3253-8, les sommes dues aux salariés antérieurement à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ne sont pas couvertes par l'assurance de l' AGS contre le risque de non-paiement des sommes dues en exécution du contrat de travail. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle fixait au passif de la liquidation judiciaire de l'association une indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et une créance de salaires et de congés payés afférents pour une période antérieure au 21 février 2017, date de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 11. Sur suggestion de la demanderesse au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il y a lieu de dire que l' AGS doit garantir les sommes dues à la salariée au titre de l'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et au titre de la créance de rappel de salaires et de congés payés afférents pour la période allant du 1er septembre 2015 au 20 février 2017 en application de l'article L. 3253-8 1° du code du travail. PAR CES MOTIFS, la Cour : ORDONNE la rectification de l'arrêt RG n° 18/00958 rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble et dit que, dans son dispositif, il y a lieu de lire : « Constate que les sommes dues à [G] [W] au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 21 février 2017, au titre de la rupture du contrat de travail, ainsi qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile n'entrent pas dans le champ de la garantie due par l'AGS » au lieu de « Constate que les sommes dues à [G] [W] au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 21 février 2017, au titre de la rupture du contrat de travail, ainsi qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile n'entrent pas dans le champ de la garantie due par l'AGS » ; ORDONNE la mention de cette rectification en marge de la décision rectifiée ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que les sommes dues à Mme [W] au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 21 février 2017, n'entrent pas dans le champ de la garantie due par l'AGS, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que l'AGS doit garantir les sommes dues à Mme [W] au titre de l'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et au titre de la créance de rappel de salaires et de congés payés afférents pour la période du 1er septembre 2015 au 20 février 2017 en application de l'article L. 3253-8 1° du code du travail ; Condamne M. [P], en qualité de liquidateur judiciaire de l‘association Handball Pôle Sud 38 Echirolles Eybens et l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Annecy aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [P], ès qualités, et l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Annecy à payer à Mme [W] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [W] Mme [W] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que les sommes qui lui étaient dues au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 21 février 2017 n'entraient pas dans le champ de la garantie due par l'AGS ; ALORS QUE la garantie de paiement des créances dues en exécution du contrat de travail s'applique à toutes les sommes dues aux salariés à la date d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement couvre les créances salariales nées antérieurement au jugement d'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire ; que dès lors, en excluant de la garantie de l'AGS, la créance de Mme [W] au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire daté du 21 février 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8, 1° du code du travail.
INCA/JURITEXT000046555961.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1177 F-D Pourvoi n° Y 21-18.597 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie des Landes, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 21-18.597 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2021 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [P] [C], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 avril 2021), M. [C] a été engagé le 29 novembre 1981 par la caisse primaire d'assurance maladie de Mont de Marsan en qualité de technicien, niveau 3, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957. A compter de 1994, il a été nommé agent de maîtrise et a bénéficié du niveau 4. En 2001, il a été nommé responsable du service informatique et a ainsi vu progresser son niveau jusqu'à atteindre le niveau 8 en 2007. Depuis le 1er avril 2015, il a occupé le poste de responsable du pôle système d'information de la caisse. Parallèlement, le salarié a exercé des activités syndicales en qualité de délégué syndical depuis les années 1990. Ayant fait valoir ses droits à la retraite, il a quitté son emploi le 31 décembre 2020. 2. Le salarié avait, le 22 mars 2017, saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir sa reclassification au niveau 9, un rappel de salaire et des dommages-intérêts pour discrimination liée à son activité syndicale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les fonctions exercées par le salarié depuis le 1eravril 2015 relèvent du niveau 9 de rémunération et le second moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020 et de congés payés Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié les sommes de 25 308,71 euros à titre de rappel de salaire du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020 et de 2 530,87 euros au titre des congés payés y afférents, alors « que les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur contestait le calcul opéré par le salarié du rappel de salaire relatif à sa demande de reclassification au niveau 9 et faisait notamment valoir que le salarié ne pouvait pas s'octroyer des points de compétence ; qu'en affirmant que le montant du rappel de salaire sollicité par le salarié pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020, en raison de sa reclassification au niveau 9 n'était pas critiqué, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur et partant a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 5. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de rappel de salaire du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020, du fait de la reclassification au niveau 9, outre les congés payés afférents, l'arrêt retient que son montant n'est pas critiqué. 6. En statuant ainsi, alors que l'employeur soutenait dans ses conclusions que le calcul du salarié ne pouvait être retenu pour plusieurs raisons, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Mont de Marsan à payer à M. [C] les sommes de 25 308,71 euros à titre de rappel de salaire du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020 et de 2 530,87 euros au titre des congés payés y afférents, l'arrêt rendu le 29 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Landes PREMIER MOYEN DE CASSATION La CPAM des Landes fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmant le jugement, dit que les fonctions exercées par le salarié depuis le 1er avril 2015 relèvent du niveau 9 de rémunération et de l'AVOIR condamnée à payer au salarié les sommes de 25 308,71 euros à titre de rappel de salaire du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020, date à laquelle le salarié a fait valoir ses droits à la retraite, du fait de la reclassification au niveau 9, et de 2 530,87 euros au titre des congés payés y afférents ; 1°) ALORS QUE la qualification du salarié dépend des fonctions réellement exercées par lui, qui doivent être analysées au regard de la définition conventionnelle de chaque niveau ; qu'en l'espèce, le salarié revendiquait le niveau 9 reconnu en raison de l'exercice d' « activités de management supérieur contribuant à la détermination des objectifs généraux de l'organisme : - par la conduite d'un ou plusieurs secteurs d'activité très importants au regard de la mission de l'Organisme ; - par la réalisation d'études, la mise en oeuvre d'activité de conception ou d'expertise de très haut niveau » impliquant que « les conséquences des décisions prises dépassent les seules activités et résultats du ou des secteurs sur lequel ou lesquels sont exercés les responsabilités » ; qu'en se fondant sur la désignation du salarié en qualité de chef de projet pour la CPAM des Landes dans le cadre du projet Sophia, service d'accompagnement pour les personnes atteintes de maladies chroniques, déployé sur l'ensemble du territoire national, sa participation en 2014 au projet d'entreprise tendant à « valoriser/conforter les services supports comme un acteur clé de la qualité de vie au travail » avec pour objectif de « faire de la qualité de vie au travail une des clés de la performance pour l'organisme » pour le déploiement de nouveaux outils d'amélioration des conditions de travail dans une approche globale, les audits qu'il a réalisés en 2014 au sein des caisses de Pau, Agen et Limoges concernant non seulement le système d'information mais aussi le pilotage de l'activité et le management, son intervention dans le pilotage de la solution GED DIADEME sur la dimension organisation et accompagnement des services impactés et sur la démarche Sophia en qualité de chef de projet, son intervention en matière de management dans le cadre de la lettre de mission du 24 juin 2015 « pilote de processus » prévoyant la gestion informatique locale et la gestion des applications nationales avec la coordination des activités réalisées dans les différents services contribuant à l'optimisation des ressources humaines et matérielles nécessaires, et sa délégation de pouvoir à compter du 1er mars 2016 portant sur la construction et l'animation de partenariats internes et externes à l'institution et la représentation de la direction et de la caisse dans des instances locales, régionales et nationales, sans à aucun moment faire ressortir en quoi, à compter du 1er avril 2015, l'intéressé exerçait habituellement des « activités de management supérieur contribuant à la détermination des objectifs généraux de l'organisme » impliquant « la conduite d'un ou plusieurs secteurs d'activité très importants au regard de la mission de l'Organisme », et « la réalisation d'études, la mise en oeuvre d'activité de conception ou d'expertise de très haut niveau » et prenait des décisions dont « les conséquences (?) dépassent les seules activités et résultats du ou des secteurs sur lequel ou lesquels sont exercés les responsabilités », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'annexe I du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, ensemble l'article 1134 devenu 1103, 1104 et 1193 du code civil ; 2°) ALORS QUE lorsque les juges font droit à une demande de requalification conventionnelle formée par un salarié, ce dernier ne peut prétendre qu'au paiement d'un salaire correspondant au salaire minimum conventionnel afférent à la qualification obtenue, sauf à rapporter la preuve qu'il est dans une situation identique à celle d'un autre salarié qui perçoit un salaire supérieur et qu'il peut donc prétendre au même salaire ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait la somme de 25 308,71 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020 en raison de sa reclassification au niveau 9 et incluait dans ce montant 15 points de compétence par mois du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, 15 points de compétence par mois du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 et 30 points de compétence par mois du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020 (conclusions d'appel adverses p.31) ; que dès lors, en condamnant l'employeur à payer au salarié la somme de 25 308,71 euros à titre de rappel de salaire en raison de sa reclassification au niveau 9, la cour d'appel, qui ne pouvait tenir compte des points de compétence invoqués, a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1014 dudit code ; 3°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur contestait le calcul opéré par le salarié du rappel de salaire relatif à sa demande de reclassification au niveau 9 et faisait notamment valoir que le salarié ne pouvait pas s'octroyer des points de compétence (conclusions d'appel de l'exposante p.3) ; qu'en affirmant que le montant du rappel de salaire sollicité par le salarié pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020, en raison de sa reclassification au niveau 9 n'était pas critiqué, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur et partant a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La CPAM des Landes fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le salarié avait fait l'objet d'une discrimination en lien avec son activité syndicale et de l'AVOIR condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance liée à la discrimination syndicale ; 1°) ALORS QUE les postes de niveau 7 à 9 des organismes de sécurité sociale du régime général, vacants, ou susceptibles de l'être, entre le 1er janvier et le 30 avril de chaque année, doivent être recensés et réservés au profit des élèves de l'EN3S ; qu'en l'espèce, en reprochant à l'employeur d'avoir inscrit le poste d'attaché de direction sur la bourse en ligne des poste de l'EN3S en mars 2014 et d'avoir méconnu les articles 16 bis et 18 de la convention collective nationale du travail du 8 février 1957 prévoyant l'intégration à la bourse des emplois de l'UCANSS de toutes les vacances de poste et la sollicitation des candidatures en priorité parmi le personnel en fonction dans la caisse, la cour d'appel a violé les articles 1er et suivants de la circulaire DSS/4B/2014/350 du 17 décembre 2014 relatives aux postes offerts aux promotions suivantes et les articles 1er et suivants de l'arrêté du 18 décembre 2013 fixant les modalités d'application de l'article R. 123-37 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 123-37 du code de la sécurité sociale ; 2°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, était versé aux débats, un courrier du contrôleur du travail du 10 novembre 2015 indiquant que le poste d'attaché de direction était occupé jusqu'au 28 février 2010 et que pour des raisons budgétaires, il n'avait pu être procédé au remplacement qu'au mois de juillet 2014 (production n°23) ; qu'en retenant que le poste d'attaché de direction était vacant depuis 2010, sans à aucun moment s'expliquer sur ce document dument versé aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur avait versé aux débats un courrier de M. [W] à l'Inspection du travail du 13 août 2015 (production n°26) aux termes duquel il était indiqué s'agissant de la création d'un nouvel échelon hiérarchique, que « je vous confirme une nouvelle fois que la création de ce nouvel échelon n'impacte réellement que le Directeur qui se trouve déchargé de la gestion directe de services et peut se consacrer ainsi à la marche générale de l'entreprise. Les responsables des services supports, qu'ils soient rattachés au Directeur ou à un autre cadre de direction, ne changent ni de niveau de rémunération, ni des responsabilités, ni de délégation. Autrement dit, la modification évoquée est sans impact sur leur statut, pas plus que sur la marche générale de l'organisme, sauf à libérer le directeur du management direct de services comme déjà évoqué. A notre connaissance M. [C] n'a été écarté d'aucune instance » et s'agissant de la réponse affichée par la direction suite à un tract diffusé par le CFDT qu' « il est possible que les accusations de rétrogradation et de discrimination répétées et l'impression que mes réponses n'étaient pas été prises en compte, comme en témoigne votre courrier du 21 juillet 2015, aient pu m'amener à une certaine exaspération. Je n'ai pas eu l'impression de la mise en oeuvre d'un dialogue mais d'une enquête à charge » ; qu'en affirmant que le projet de création de deux référentiels de managers stratégiques aurait eu pour effet d'écarter le salarié de certaines instances de pilotage et que cela n'était pas utilement contredit, et par ailleurs que le comportement inadapté du salarié n'était pas établi, sans viser ni analyser sur ces points le document susvisé, dument versé aux débats par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE la discrimination syndicale suppose qu'un salarié subisse un traitement défavorable ou un désavantage à raison de son activité syndicale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a conidéré que pour le poste d'attaché de direction, l'employeur avait méconnu les dispositions conventionnelles prévoyant l'intégration à la bourse aux emplois de l'UCANSS de toutes les vacances de postes et la sollicitation des candidatures en priorité parmi le personnel en fonction dans la caisse, ce qui ne concernait pas exclusivement le salarié mais l'ensemble des salariés des différentes caisses qui auraient pu se porter candidat et que, pour le poste de responsable du service pôle santé solidarité, il avait entériné l'avis d'un cabinet extérieur de recrutement, en totale contradiction avec les qualités du salarié relevées par les auditeurs des missions nationales de contrôle et d'audit et par l'employeur ; qu'en retenant que le salarié avait subi un traitement défavorable et avait été privé d'une chance d'évolution de carrière dans le cadre d'un avancement ou d'un changement de fonction, sans faire ressortir en quoi concrètement l'absence d'intégration du poste d'attaché de direction à la bourse aux emplois et l'avis défavorable émis sur le salarié par un cabinet extérieur de recrutement avaient un lien avec les activités syndicales du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ; 5°) ALORS QUE la discrimination syndicale suppose qu'un salarié subisse un traitement défavorable ou un désavantage à raison de son activité syndicale ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, que le salarié qui avait pourtant connu une évolution constante et significative, n'avait eu de cesse, tout au long de sa carrière, d'adopter de manière récurrente une attitude véhémente, en recherche constante de marque de reconnaissance et d'une progression salariale, et que c'était au regard de cette attitude vindicative du salarié que devaient être analysées les difficultés qu'il rencontrait (conclusions d'appel p.13 et 14, p. 14 à 16, p.30 et p.34 ; productions n°5 à 10) ; qu'en affirmant que le comportement inadapté du salarié n'était pas établi et que l'invoquer participait d'une forme de pression exercée sur le délégué syndical, sans à aucun moment expliquer plus amplement en quoi l'attitude générale du salarié depuis le début de la relation de travail n'était pas en lien avec les mesures prises à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ; 6°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges ne peuvent statuer par voie de simple affirmation, sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant péremptoirement que le fait d'accéder à un poste d'attaché de direction constituait un tremplin vers un poste d'agent de direction, sans préciser d'où elle tirait cette constatation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555975.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CZ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet non spécialement motivé M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Décision n° 10942 F-D Pourvoi n° G 21-17.571 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société L'Esprit des fleurs, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-17.571 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à Mme [X] [H], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société L'Esprit des fleurs, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L.431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société L'Esprit des fleurs aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société L'Esprit des fleurs et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société L'Esprit des fleurs. La société Esprit des Fleurs fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l''AVOIR condamnée à payer à Mme [H] les sommes de 12.500 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement et 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ; 1°) ALORS QUE le juge qui considère que les éléments avancés et établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral doit examiner tous les éléments invoqués par l'employeur pour démontrer que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant en l'espèce que les faits répétitifs invoqués et établis par la salariée « ont contribué à la dégradation de l'état de santé de la salariée », au motif que son médecin psychiatre avait indiqué dans un certificat du 28 juin 2017 qu'il prenait en charge Mme [H] « dans le cadre d'un syndrome anxio-dépressif dans un contexte de mauvaises conditions de travail », sans s'expliquer sur les éléments médicaux versés aux débats par la société exposante, notamment le courrier du même médecin qui admettait qu'il relatait simplement dans le certificat litigieux « le contexte tel que décrit par la patiente » ainsi que les arrêts de travail établissant que Mme [H] avait déjà été placée en arrêt de travail pour le même motif en 2015, ce dont il se déduisait qu'aucun lien de causalité n'était caractérisé entre le comportement de l'employeur et la dégradation de l'état de santé de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ; 2°) ALORS QUE le lien de causalité entre le comportement de l'employeur et la dégradation de l'état du salarié ne saurait être établi sur la seule base des arrêts de travail et d'un avis d'inaptitude mentionnant l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise ; qu'en s'appuyant sur les arrêts de travail de la salariée et l'avis d'inaptitude définitive pour considérer que Mme [H] justifiait que les faits reprochés à l'employeur avaient contribué à la dégradation de son état de santé et retenir que le harcèlement moral avait été directement à l'origine de l'inaptitude et de l'impossibilité de reclassement, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des constatations impropres à caractériser un lien de causalité certain entre le comportement de l'employeur et la dégradation de l'état de santé et l'inaptitude de Mme [H], a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.
INCA/JURITEXT000046555959.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1175 F-D Pourvoi n° T 21-15.763 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [D] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-15.763 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Groupe Cayon, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La société Groupe Cayon a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Groupe Cayon, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 mars 2021), M. [Z] a été engagé par la société Groupe Cayon (la société) le 14 novembre 1977 en qualité de conducteur poids lourds. Au dernier état de sa collaboration, il percevait une rémunération mensuelle brute de 2 503 euros pour 199,33 heures de travail correspondant à sa qualification de conducteur longue distance. Il a exercé divers mandats de représentant du personnel. 2. Le 31 décembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaire et de frais de déplacement. Examen des moyens Sur les premier et second moyens du pourvoi principal du salarié et les premier et troisième moyens du pourvoi incident de la société, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, sa demande reconventionnelle en répétition de l'indu au titre des frais de déplacement, alors « que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail, cet effet interruptif s'étendant aux demandes reconventionnelles de la partie adverse dérivant du même contrat de travail ; qu'en l'espèce, la saisine par le salarié du conseil de prud'hommes, intervenue le 31 décembre 2012 selon les constatations de l'arrêt, avait donc interrompu la prescription à l'égard de toutes les demandes concernant l'exécution du même contrat de travail, auraient-elles été présentées en cours d'instance par la société ; qu'en déclarant prescrite la demande de l'employeur de remboursement de frais de déplacement indûment pris en charge du 19 juin 2008 au 1er octobre 2009 au prétexte qu'elle n'avait été formulée pour la première fois qu'à l'audience du conseil de prud'hommes du 3 octobre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et l'article 2241 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2241 du code civil et L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 : 5. Il résulte de ces textes que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail. 6. Pour déclarer irrecevable, comme prescrite, la demande reconventionnelle de la société en répétition de l'indu au titre des frais de déplacement, l'arrêt retient que la demande en restitution de l'indu au titre des frais de déplacements payés par la société au cours des années 2008 et 2009 n'a été formulée pour la première fois qu'à l'audience du conseil de prud'hommes de Lyon du 3 octobre 2016 et que le délai de prescription quinquennal était écoulé à cette date. 7. En statuant ainsi, alors que la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié le 31 décembre 2012, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable, comme étant prescrite, la demande reconventionnelle de la société Groupe Cayon en répétition de l'indu au titre des frais de déplacement, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [Z] demandeur au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de remboursement de frais de déplacement pour un montant de 18 721,72 euros ; ALORS QU' un usage reste en vigueur et a force obligatoire tant qu'il n'a pas été régulièrement dénoncé par l'employeur qui doit prouver avoir accompli toutes les formalités nécessaires ; qu'ayant constaté l'existence d'un usage, en vigueur en 2009, par lequel la société Groupe Cayon a pris en charge tous les frais de déplacement de ses représentants syndicaux dans l'exercice de leur mandat syndical sans distinguer selon la nature de ces déplacements, la cour d'appel ne pouvait juger que cet usage n'était plus en vigueur après cette date aux motifs inopérants que la société Groupe Cayon avait entendu y mettre un terme à partir du mois de septembre 2009 et que le salarié ne produit aucun élément postérieur à l'année 2009 permettant de dire que l'usage invoqué aurait persisté après que l'employeur a procédé à un rappel des règles applicables contraires à cet usage, sans vérifier ainsi qu'elle était invitée à le faire et sans constater que la société Groupe Cayon avait prouvé avoir régulièrement dénoncé l'usage précité en ayant notamment informé le comité d'entreprise de sa décision ; que la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [Z] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR requalifié sa prise d'acte de rupture du contrat de travail en date du 30 mai 2016 en une démission et de l'AVOIR débouté de ses demandes de condamnation de la société Groupe Cayon à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur des salariés protégés, de dommages et intérêts pour licenciement nul, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ; 1°- ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du premier moyen de cassation dont il résultera que l'employeur a manqué à son obligation de remboursement des frais de déplacement et partant à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail entraînera par voie de conséquence celle des chefs critiqués par ce second moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°- ALORS QUE la discrimination syndicale dont fait l'objet le salarié investi d'un mandat de représentant du personnel caractérise un manquement grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail, justifie la prise d'acte de rupture du contrat aux torts de ce dernier et produit les effets d'un licenciement nul, peu important que le salarié qui en est victime n'ait pas manifesté son intention de rompre le contrat au cours de la période pendant laquelle cette situation illicite a perduré ; qu'ayant constaté que M. [Z] a fait l'objet d'une discrimination syndicale faute pour l'employeur de ne plus lui avoir proposé de missions de transport en raison de l'exercice de ses mandats syndicaux et en écartant cependant la requalification de la prise d'acte de rupture du contrat par le salarié en un licenciement nul, au motif inopérant que M. [Z] n'avait jamais tenté de manifester son intention de rompre la relation contractuelle au cours de la période comprise entre le 20 mars 1997, date de sa première saisine du conseil de prud'hommes et le 30 mai 2016, date de sa prise d'acte, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L.1231-1, L 1132-1, L. 2411-1, L. 2411-3, L. 2411-5, L. 2411-8 du code du travail en leur version applicable en la cause ; 3°- ALORS QU' à supposer adoptés les motifs des premiers juges, la décision du salarié de partir à la retraite peu de temps après sa prise d'acte de rupture du contrat aux torts de l'employeur est sans le moindre effet sur le bien-fondé de celle-ci ; qu'ayant constaté l'existence d'une discrimination syndicale qui a fondé la prise d'acte de rupture du contrat par M. [Z] le 30 mai 2016, la cour d'appel ne pouvait en déduire qu'elle n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail au motif inopérant que M. [Z] avait bénéficié d'une retraite à taux plein le 1er août 2016 ; que la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L 1132-1, L. 2411-1, L. 2411-3, L. 2411-5, L. 2411-8 du code du travail en leur version applicable en la cause. Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyro, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Cayon demanderesse au pourvoi incident PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Groupe Cayon FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à M. [Z] la somme de 100,82 euros à titre de rappel de salaire pour la journée du 24 novembre 2010, outre la somme de 10,08 euros de congés payés afférents, ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que la présomption de bonne utilisation ne s'appliquait pas en cas de dépassement du crédit d'heures pour circonstances exceptionnelles, qu'il appartenait alors au salarié de justifier de l'utilisation de ces heures au regard du mandat, et qu'en l'espèce, M. [Z] ne justifiant pas que les heures litigieuses avaient été prises dans le cadre de son crédit d'heures habituel il ne pouvait prétendre à un rappel de salaire (conclusions d'appel, p. 13) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION La société Groupe Cayon FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable, comme prescrite, sa demande reconventionnelle en répétition de l'indu au titre des frais de déplacement, 1- ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Cayon avait expressément contesté la prescription invoquée par le salarié, en invoquant la règle selon laquelle l'effet interruptif de l'action engagée par une partie au contrat de travail s'étend de plein droit aux demandes reconventionnelles faites par l'autre partie, dès lors que toutes les demandes procèdent du même contrat de travail ; qu'en jugeant pourtant que l'employeur n'avait pas répondu au moyen articulé par le salarié tiré de ce que l'interruption de l'action principale ne s'étend pas à la demande reconventionnelle, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. 2- ALORS QUE si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail, cet effet interruptif s'étendant aux demandes reconventionnelles de la partie adverse dérivant du même contrat de travail ; qu'en l'espèce, la saisine par le salarié du conseil de prud'hommes, intervenue le 31 décembre 2012 selon les constatations de l'arrêt (p. 2, § 13), avait donc interrompu la prescription à l'égard de toutes les demandes concernant l'exécution du même contrat de travail, auraient-elles été présentées en cours d'instance par la société Groupe Cayon ; qu'en déclarant prescrite la demande de l'employeur de remboursement de frais de déplacement indûment pris en charge du 19 juin 2008 au 1er octobre 2009 au prétexte qu'elle n'avait été formulée pour la première fois qu'à l'audience du conseil de prud'hommes du 3 octobre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et l'article 2241 du code civil. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION La société Groupe Cayon FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [Z] les sommes de 10 000 euros à titre de dommages-et-intérêts pour discrimination syndicale, 1. ALORS QUE l'absence de fourniture de travail par l'employeur à un salarié titulaire de mandats de représentant du personnel ne constitue pas une discrimination syndicale lorsque les modalités d'exercice de ces mandats ou le comportement du salarié rendent impossible une telle fourniture ; qu'en l'espèce, pour expliquer l'impossibilité dans laquelle il s'était trouvée de fournir du travail à M. [Z], l'employeur rappelait que ce dernier exerçait plusieurs mandats de représentant du personnel et un mandat de conseiller prud'hommes et expliquait qu'en se refusant à lui communiquer un planning prévisionnel de ses activités de représentant du personnel, le salarié l'avait empêché de lui fournir une activité professionnelle, dès lors que l'activité de la société impliquait une anticipation pour assurer au mieux les prestations pour le compte des clients (conclusions d'appel, p. 36-37) ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir une discrimination syndicale, que la société Groupe Cayon ne justifiait d'aucune proposition faite à M. [Z] lors même qu'elle avait diffusé de nombreuses offres de poste de conducteur routier basés dans des communes de la métropole lyonnaise ou à Chalon-sur-Saône, Belleville-sur-Saône et à Villefranche-sur-Saône, et qu'elle ne pouvait invoquer l'absence de manifestation d'intérêt du salarié pour ces postes ni le fait qu'il s'agissait de transports régionaux de courte distance ne correspondant pas à la qualification du salarié, sans rechercher si le refus du salarié de communiquer à l'employeur un planning prévisionnel de ses activités de représentant du personnel ne faisait pas obstacle à la proposition d'un poste, même sur des transports régionaux de courte distance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-5 du code du travail dans sa version initiale et dans ses versions issues des lois n° 2008-789 du 20 août 2008 et n° 2015-994 du 17 août 2015 et de l'article L. 1132-1 du même code dans sa version initiale et dans ses versions issues des lois n° 2008-496 du 27 mai 2008, n° 2012-954 du 6 août 2012, et n° 2014-173 du 21 février 2014 ; 2. ALORS QUE l'absence de fourniture de travail par l'employeur à un salarié titulaire de mandats de représentant du personnel ne constitue pas une discrimination syndicale lorsque les modalités d'exercice de ces mandats ou le comportement du salarié rendent impossible une telle fourniture ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait également valoir que compte tenu de la qualification de conducteur routier longue distance de M. [Z], l'affectation sur des transports régionaux, soit de courte distance, aurait impliqué une modification de ses conditions de travail, que le salarié avait toujours refusée (conclusions d'appel, p. 38) ; qu'en se bornant à énoncer que la société Groupe Cayon ne pouvait invoquer, pour justifier l'absence de proposition au salarié des offres de poste de conducteur routier basés dans des communes de la métropole lyonnaise ou à Chalon-sur-Saône, Belleville-sur-Saône et à Villefranche-sur-Saône, le fait qu'il s'agissait de transports régionaux de courte distance ne correspondant pas à la qualification du salarié, sans s'expliquer sur le refus du salarié de voir modifier ses conditions de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-5 du code du travail dans sa version initiale et dans ses versions issues des lois n° 2008-789 du 20 août 2008 et n° 2015-994 du 17 août 2015 et de l'article L. 1132-1 du même code dans sa version initiale et dans ses versions issues des lois n° 2008-496 du 27 mai 2008, n° 2012-954 du 6 août 2012, et n° 2014-173 du 21 février 2014
INCA/JURITEXT000046555971.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1190 F-D Pourvoi n° C 21-19.590 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [S] [X], domicilié [Adresse 1], 2°/ la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT), dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° C 21-19.590 contre le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société Continental France, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X] et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT), de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Continental France, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Sarreguemines, 6 juillet 2021), par une lettre du 27 janvier 2021 dont il a été accusé réception le 1er février 2021 et par un message électronique, la Fédération nationale des industries chimiques CGT (la FNIC-CGT) a informé la société Continental France (la société), une entreprise employant moins de 2 000 salariés, de la désignation de M. [X] en qualité de délégué syndical central. 2. Par requête du 16 février 2021, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. La FNIC-CGT et le salarié font grief au jugement d'annuler la désignation de celui-ci comme délégué syndical central, alors « que le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le syndicat CGT indiquait dans son courrier du 27 janvier 2021 que M. [X] était remplacé dans son mandat de délégué syndical d'établissement à compter du 1er février 2021 seulement ; qu'en jugeant qu'il a cessé ses fonctions le 27 janvier 2021, le tribunal a dénaturé cette pièce en violation de l'interdiction de dénaturer les pièces soumises à son examen. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci n'est pas dirigé contre le chef du jugement rejetant les demandes et moyens du salarié et de la FNIC-CGT. 5. Cependant le moyen critique le jugement en ce qu'il annule la désignation du salarié. 6. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause : 7. Pour annuler la désignation du salarié, l'arrêt retient que celui-ci « a été nommé délégué central le 28. 01. 21, après avoir cessé ses fonctions de délégué d'établissement le 27. 01. 21 (date de la lettre de retrait de désignation du syndicat) ». 8. En statuant ainsi, alors que, dans cette lettre, il était écrit « nous vous informons que nous désignons Monsieur [M] [T] en remplacement de Monsieur [X] [S] comme délégué syndical de Continental Pneus Sarreguemines à compter du 01/ 02 /2021 », le tribunal judiciaire en a dénaturé les termes clairs et précis. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Sarreguemines ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Metz ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [X], la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT) La fédération syndicale FNIC-CGT et M. [X] font grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation de M. [X] comme délégué syndical central CGT. 1° ALORS QUE le point de départ du délai de contestation de la désignation d'un délégué syndical est, pour l'employeur, le jour suivant où il a eu connaissance certaine de cette désignation ; que la notification de la désignation d'un délégué syndical à l'employeur peut se faire par tout moyen lui conférant date certaine, la notification par lettre recommandée avec avis de réception n'étant qu'un moyen de preuve ; qu'en l'espèce, il est constant que la fédération syndicale a notifié à l'employeur, par courriel du 29 janvier 2021 lu le même jour, la désignation d'un délégué syndical central ; qu'en jugeant que « l'envoi d'un e-mail en parallèle de la LRAR n'a pas avancé la date de notification car la loi ne donne qu'à la LRAR valeur de notification », sans rechercher, comme il y était invité, si l'employeur avait eu connaissance certaine de la désignation syndicale au jour de l'envoi du courriel, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-7, L. 2143-8 et D. 2143-4 du code du travail et 641 et 642 du code de procédure civile. 2° ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le syndicat CGT indiquait dans son courrier du 27 janvier 2021 (pièce n° 2 versée par la société) que M. [X] était remplacé dans son mandat de délégué syndical d'établissement à compter du 1er février 2021 seulement ; qu'en jugeant qu'il a cessé ses fonctions le 27 janvier 2021, le tribunal a dénaturé cette pièce en violation de l'interdiction de dénaturer les pièces soumises à son examen.
INCA/JURITEXT000046555965.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1181 F-D Pourvoi n° R 21-60.128 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [Y] [H] [E], domicilié [Adresse 1], 2°/ La Confédération autonome du travail (CAT), dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° R 21-60.128 contre le jugement rendu le 14 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles, pôle social), dans le litige les opposant à la société Protectim security services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 14 juin 2021), par lettre du 3 mars 2021, la Confédération autonome du travail (le syndicat) a informé la société Protectim security services (la société) de la désignation de M. [H] [E] en qualité de représentant de section syndicale. 2. La société a saisi le 19 mars 2021 le tribunal judiciaire en annulation de cette désignation. Examen des moyens Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 3. Le syndicat et le salarié font grief au jugement d'annuler la désignation du salarié en qualité de représentant de section syndicale, alors « que le juge a dénaturé les pièces produites en indiquant à tort que le numéro du chèque reporté sur les bulletins d'adhésion n'était pas le même que celui du chèque produit. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause : 4. Pour annuler la désignation du salarié en qualité de représentant de section syndicale, le tribunal, après avoir relevé que les trois bulletins d'adhésion et les bulletins de salaire produits établissaient que le syndicat disposait d'au moins deux adhérents au sein de l'entreprise, retient, s'agissant du paiement effectif des cotisations, que le syndicat produit copie d'un chèque correspondant au paiement de plusieurs cotisations daté du 11 février 2021 mais que le numéro de chèque mentionné en débit du compte diffère de celui porté sur le bulletin d'adhésion de deux cotisations. 5. En statuant ainsi, alors que deux des bulletins d'adhésion produits mentionnent le paiement des cotisations par chèque n° 177601026 G, que la copie du chèque correspondant au paiement des cotisations porte le numéro 177601026 G, le chèque reprenant, dans sa partie basse, le numéro partiel 7601026, et que le bordereau de remise de ce chèque indique qu'est remis le chèque 7601026, la cour d'appel a dénaturé ces documents clairs et précis. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 juin 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Protectim security services à payer à M. [H] [E] et à la Confédération autonome du travail la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555964.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1180 F-D Pourvoi n° M 21-23.301 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 L'association Centre d'animation culturelle de [Localité 14] et du Valois, espace Jean Legendre, dont le siège est [Adresse 15], a formé le pourvoi n° M 21-23.301 contre le jugement rendu le 27 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de [Localité 14] (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [H] [W], domicilié [Adresse 12], 2°/ au syndicat CFDT S3C PICARDIE, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ à Mme [O] [T], domiciliée [Adresse 11], 4°/ à M. [V] [Y], domicilié [Adresse 2], 5°/ à M. [C] [J], domicilié [Adresse 9], 6°/ à M. [A] [G], domicilié [Adresse 7], 7°/ à M. [N] [I], domicilié [Adresse 1], 8°/ à M. [D] [K], domicilié [Adresse 4], 9°/ à M. [M] [F], domicilié [Adresse 3], 10°/ à M. [Z] [E], domicilié [Adresse 5], 11°/ à M. [R] [L], domicilié [Adresse 10], 12°/ à M. [S] [B], domicilié [Adresse 8], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'association Centre d'animation culturelle de [Localité 14] et du Valois, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [W] et du syndicat CFDT S3C PICARDIE, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Compiègne, 27 septembre 2021), l'association Centre d'animation culturelle de [Localité 14] et du Valois (l'association), qui exploite deux salles de spectacle à [Localité 14], a procédé aux élections des membres du comité social et économique au début de l'année 2020, un poste étant à pourvoir. Le premier tour s'est tenu le 31 janvier 2020. Les syndicats n'ont présenté aucun candidat. 2. Un second tour s'est tenu le 14 février 2020, qui a été annulé le 16 mars 2020 par le tribunal judiciaire de [Localité 14]. Un nouveau second tour, organisé le 15 octobre 2020, a été annulé le 14 janvier 2021, par jugement du même tribunal. 3. En vue de la troisième organisation du second tour de l'élection du membre titulaire au comité social et économique prévue le 5 juillet 2021, l'employeur a publié le 8 juin 2021 une liste électorale actualisée. Par requête reçue au greffe le 11 juin 2021, M. [W], candidat aux élections, a sollicité l'annulation de cette liste au motif que neuf salariés figurant sur la liste électorale initiale ne figuraient plus sur la liste actualisée. 4. Mme [T] a été élue le 5 juillet 2021 avec 8 voix, contre 7 pour M. [W]. Par requête du 20 juillet 2021, M. [W] a sollicité l'annulation des élections, au motif notamment que l'exclusion indue de neuf salariés avait exercé une influence sur les résultats. 5. Le tribunal judiciaire a joint l'action en annulation de la liste électorale et l'action en annulation des élections et annulé la liste des électeurs établie par l'association et le second tour de l'élection du membre titulaire du comité social et économique de l'association. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 7. L'association fait grief au jugement d'annuler la liste des électeurs établie par ses soins pour l'élection du second tour de scrutin du membre titulaire du comité social et économique prévu le 5 juillet 2021 et le second tour de l'élection qui s'est déroulé à cette date, alors : « 2°/ que l'article III.1.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles, qui dispose à propos de l'« électorat et éligibilité des personnels en CDD » que « Du fait de la spécificité des entreprises artistiques et culturelles, il convient de faciliter l'accès à l'électorat des salariés intermittents artistiques et techniques.Sont électeurs les salariés en CDD qui ont été sous contrat de travail dans l'entreprise de manière continue ou discontinue 55 jours dans l'année civile qui précède l'année des élections. Le décompte des jours travaillés sera établi à partir de la déclaration nominative annuelle des salaires à Audiens [?] », se borne à alléger la condition d'ancienneté résultant de la loi et à en simplifier le contrôle, sans emporter aucune dérogation à la condition selon laquelle seuls les salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail à la date de référence peuvent y exercer leur droit de vote aux élections professionnelles et être inscrits sur la liste électorale ; qu'en jugeant le contraire le tribunal a violé cette disposition , ensemble l'article L. 2314-18 du code du travail ; 3°/ qu'en s'abstenant de ce fait de rechercher si les salariés, dont l'omission sur la liste électorale était reprochée à l'association exposante, remplissaient cette condition, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des mêmes dispositions. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article L. 2314-18 du code du travail, sont électeurs les salariés ayant travaillé trois mois au moins dans l'entreprise. Remplissent cette condition les salariés "intermittents" ou vacataires qui, ayant travaillé dans l'entreprise de manière habituelle au cours des trois derniers mois, sont intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail. 9. Les conditions d'ancienneté dans l'entreprise pour être électeur et éligible s'apprécient à la date du premier tour du scrutin. Si un protocole préélectoral ou une convention collective peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d'ancienneté exigées par les articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail, il ne peut modifier la date d'appréciation de ces conditions. 10. Le tribunal qui a retenu que l'article III.1.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles prévoyait que sont électeurs les salariés en contrat à durée déterminée qui ont été sous contrat de travail dans l'entreprise de manière continue ou discontinue 55 jours dans l'année civile qui précède l'année des élections, et constaté que le premier tour des élections avait eu lieu le 31 janvier 2020, que les neuf salariés en cause avaient tous travaillé, aux termes du registre du personnel versé aux débats par l'employeur, plus de 55 jours en 2019, a, par ces seuls motifs, jugé à bon droit que l'exclusion de ces salariés de la liste électorale publiée le 8 juin 2021 en vue du second tour qui s'est tenu le 5 juillet 2021 était irrégulière et que cette exclusion avait nécessairement eu une incidence sur les résultats du scrutin, une seule voix séparant le candidat élu du candidat battu. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Centre d'animation culturelle de [Localité 14] et du Valois et la condamne à payer à M. [W] et au syndicat CFDT S3C Picardie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'association Centre d'animation culturelle de [Localité 14] et du Valois L'association [Adresse 13] fait grief au jugement attaqué d'avoir annulé la liste des électeurs établie par ses soins pour l'élection du second tour de scrutin du membre titulaire du CSE prévu le 5 juillet 2021 et le second tour de l'élection qui s'est déroulée à cette date et de l'avoir condamné à payer tant à Monsieur [W] qu'au syndicat CFDT S3C Picardie la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Alors, de première part, que la règle selon laquelle les conditions d'électorat aux élections des délégués du personnel et des membres d'un comité d'établissement s'apprécient au jour du premier tour du scrutin et ce pour les deux tours de scrutin doit être écartée lorsque son application, compte tenu du laps de temps s'étant écoulé entre les deux tours de scrutin, et de la nature particulière de l'emploi des intéressés, affecte l'effectivité du principe de participation bénéficiant aux seuls salariés intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail ; qu'en s'abstenant de rechercher en l'occurrence, comme il y était invité par l'exposante, si les liens entre l'association et les 9 salariés omis de la liste électorale ne s'étaient pas distendus en 2021 au point que ceux-ci ne pouvaient plus être considérés comme remplissant cette condition d'intégration, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2314-18 du code du travail et du principe de participation ; Alors, de deuxième part, que l'article III.1.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles, qui dispose à propos de l'« électorat et éligibilité des personnels en CDD » que « Du fait de la spécificité des entreprises artistiques et culturelles, il convient de faciliter l'accès à l'électorat des salariés intermittents artistiques et techniques. Sont électeurs les salariés en CDD qui ont été sous contrat de travail dans l'entreprise de manière continue ou discontinue 55 jours dans l'année civile qui précède l'année des élections. Le décompte des jours travaillés sera établi à partir de la déclaration nominative annuelle des salaires à Audiens [?] », se borne à alléger la condition d'ancienneté résultant de la loi et à en simplifier le contrôle, sans emporter aucune dérogation à la condition selon laquelle seuls les salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail à la date de référence peuvent y exercer leur droit de vote aux élections professionnelles et être inscrits sur la liste électorale ; qu'en jugeant le contraire le tribunal a violé cette disposition , ensemble l'article L. 2314-18 du code du travail ; Et alors enfin qu'en s'abstenant de ce fait de rechercher si les salariés, dont l'omission sur la liste électorale était reprochée à l'association exposante, remplissaient cette condition, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des mêmes dispositions.
INCA/JURITEXT000046555970.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1189 F-D Pourvoi n° X 21-19.263 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Fontes Refractories, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-19.263 contre le jugement rendu le 29 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [O], domicilié [Adresse 3], 2°/ à la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Fontes Refractories, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT, et après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Toulouse, 29 juin 2021), la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT a désigné M. [O], membre suppléant du comité social et économique, comme délégué syndical au sein de la société Fontes Refractories (la société), laquelle emploie trente-trois salariés. 2. L'employeur a saisi, par requête du 5 février 2021, le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief au jugement de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, sauf convention ou accord collectifs comportant des clauses plus favorables, seul un membre titulaire de la délégation du personnel, et non un membre suppléant, qui ne dispose d'aucun crédit d'heures pour l'exercer, peut être désigné au comité économique et social comme délégué syndical ; qu'en jugeant que M. [O], délégué suppléant, avait été valablement désigné par la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT au comité économique et social comme délégué syndical, en lieu et place de M. [T], membre titulaire, le tribunal a violé les articles L. 2143-6 et L. 2315-9 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2143-6, L. 2314-7, L. 2314-37, L. 2315-2 et L. 2315-9 du code du travail : 4. Il résulte de ces textes que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical. 5. Pour rejeter la demande d'annulation de la désignation du salarié en tant que délégué syndical, le jugement retient qu'il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et que force est de constater que l'article L. 2143-6 du code du travail n'apporte aucune distinction entre titulaire et suppléant. 6. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens, le jugement rendu le 29 juin 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Toulouse ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Annule la désignation de M. [O] en qualité de délégué syndical ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant le tribunal judiciaire de Toulouse que devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Fontes Refractories La société Fontes refractories reproche au jugement attaqué de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ; Alors que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, sauf convention ou accord collectifs comportant des clauses plus favorables, seul un membre titulaire de la délégation du personnel, et non un membre suppléant, qui ne dispose d'aucun crédit d'heures pour l'exercer, peut être désigné au comité économique et social comme délégué syndical ; qu'en jugeant que M. [O], délégué suppléant, avait été valablement désigné par la Fédération nationale des travailleurs du verre et de la céramique CGT au comité économique et social comme délégué syndical, en lieu et place de M. [T], membre titulaire, le tribunal a violé les articles L. 2143-6 et L. 2315-9 du code du travail.
INCA/JURITEXT000046555958.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1174 F-D Pourvoi n° T 20-22.222 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [M] [K] épouse [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-22.222 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [L], domicilié [Adresse 3], Allemagne, pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société Espace santé Rouvroy SCM, 2°/ à M. [A] [J], domicilié [Adresse 1], pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la société Espace santé Rouvroy SCM, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les neuf moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [K] épouse [Z], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 septembre 2020), Mme [K] épouse [Z] a été engagée par la société Espace santé Rouvroy (la société) en qualité de secrétaire médicale, puis licenciée le 20 septembre 2016 pour inaptitude physique. 2. La salariée a saisi, le 9 mars 2017, la juridiction prud'homale, qui a rendu un jugement le 29 mars 2018, dont la société a interjeté appel le 18 avril 2018. 3. La société était représentée devant la cour d'appel par M. [J], en qualité de mandataire ad'hoc et M. [L], en qualité de liquidateur amiable. Examen des moyens Sur le premier moyen Délibéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après débats à l'audience publique du 24 novembre 2021, où étaient présents : M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, Mme Thomas, greffier de chambre. Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. Mme [Z] fait grief à l'arrêt infirmatif de déclarer irrecevables ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 23 avril 2020, alors « que tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période protégée sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ; que, pour déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives de Mme [Z] reçues au greffe de la cour le 23 avril 2020, la cour d'appel a retenu que la procédure avait, par une ordonnance du 3 février 2020, été clôturée au 22 avril 2020 et que l'ordonnance de clôture n'imposait pas un délai légalement prescrit pouvant donner lieu à prorogation ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, cependant que le dépôt desdites conclusions de Mme [Z], intervenu pendant la période protégée, constituait un acte, une formalité ou une notification prescrit par la loi ou le règlement à peine d'irrecevabilité, de sorte qu'il devait être regardé comme réalisé dans les délais, la cour d'appel a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n° 304-2020 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 595-2020 du 20 mai 2020, applicable aux procédures devant les juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, à l'exception de procédures devant le juge des libertés, le juge des enfants en matière d'assistance éducative et à la saisie immobilière, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er , sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. 7. La prorogation des délais échus, instaurée par ce texte, pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, soit le 11 août 2020, ne concerne pas les conclusions d'appel signifiées après l'ordonnance de clôture, lesquelles sont déclarées irrecevables, y compris d'office, conformément à l'article 802 du code de procédure civile, sans qu'aucun délai ne soit fixé. 8. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 306-2020 du 25 mars 2020 n'étaient pas applicables aux conclusions remises après l'ordonnance de clôture en l'absence de délai échu. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur les deuxième à neuvième moyens Sur les deuxième, cinquième et septième moyens, ci-après annexés 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur les troisième et quatrième moyens, réunis Enoncé des moyens 11. Par son troisième moyen, la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité, alors : « 1°/ que tenu d'une obligation de sécurité de résultat quant à la santé physique et mentale de ses salariés dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; que l'exclusion d'un harcèlement moral n'est pas, à elle seule, de nature à établir que lesdites mesures ont été prises par l'employeur ; que manque à son obligation, l'employeur qui ne prend pas les mesures nécessaires pour résoudre des difficultés rencontrées par un salarié dont l'altération de l'état de santé résulte de la dégradation de ses conditions de travail, alors même que ces circonstances ne seraient pas constitutives d'un harcèlement moral ; qu'en retenant dès lors, pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité, que « l'existence d'un harcèlement moral n'est pas établie », sans aucunement faire ressortir les mesures qu'auraient prises l'employeur pour éviter une dégradation de l'état de santé de la salariée, dont elle constatait qu'elle était traitée et suivie pour un syndrome anxiodépressif et une souffrance relationnelle au travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; 2°/ que les rapports entre la Caisse et l'assuré sont indépendants des rapports entre le salarié et l'employeur ; qu'il s'ensuit que la circonstance que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et le salarié ne prive pas ce dernier du droit de faire constater que son affection est imputable à un manquement de l'employeur, ce que les juges du fond doivent rechercher ; que, pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité, la cour d'appel a encore retenu que « l'existence d'un stress au travail n'a pas été prise en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher de son propre mouvement si le stress de la salariée n'était pas imputable à ses conditions de travail et, ainsi, à un manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. » 12. Par son quatrième moyen, la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de l'absence de mesures de prévention, alors « que tenu d'une obligation de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; que l'exclusion d'un harcèlement moral n'étant pas, à elle seule, de nature à établir que lesdites mesures ont été prises par l'employeur, l'employeur qui ne prend pas les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral dans l'entreprise manque à son obligation de prévention ; qu'en retenant dès lors, pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de l'absence de mesures de prévention, que « l'intimée fonde sa demande sur le fait que son employeur n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement moral », si bien « qu'en l'absence de tout harcèlement, cette demande est dépourvue de fondement », sans aucunement faire ressortir les mesures qu'aurait prises l'employeur pour prévenir d'éventuels agissements de harcèlement moral dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-4 du code du travail. » Réponse de la Cour 13. D'une part, ayant retenu qu'il résulte de l'instruction menée par la chambre disciplinaire du conseil de l'ordre des médecins, à la suite de la plainte de la salariée quant à ses conditions de travail déposée auprès du conseil de l'ordre, que les aménagements du poste préconisés avaient été effectués et que la chambre disciplinaire avait conclu que les deux médecins n'avaient pas méconnu leurs obligations déontologiques et leur a alloué des dommages-intérêts pour citation abusive, de sorte que la violation de l'obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral n'était pas établie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. 14. D'autre part, ayant décidé que l'existence d'un harcèlement moral n'était pas établie, la cour d'appel a nécessairement statué sur l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée, sans se fonder exclusivement sur la décision de refus de prise en charge à ce titre de la caisse primaire d'assurance maladie. 15. Le troisième moyen, inopérant en sa seconde branche, et le quatrième moyen ne sont donc pas fondés. Sur le sixième moyen Enoncé du moyen 16. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour absence de notification des motifs s'opposant au reclassement, alors « que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel d'un accident; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour absence de notification des motifs s'opposant au reclassement, la cour d'appel a retenu que la caisse a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la rechute de maladie professionnelle dont souffrait la salariée et n'a pas pris en charge à ce titre le stress au travail dont celle-ci se prévalait ; qu'en statuant ainsi par référence à deux décisions de la caisse primaire d'assurance maladie refusant de reconnaître le caractère professionnel des affectations de la salariée, sans apprécier elle-même l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du code du travail. » Réponse de la Cour 17. Ayant décidé que l'existence d'un harcèlement moral n'était pas établie, la cour d'appel a nécessairement statué sur l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée, sans se fonder exclusivement sur la décision de refus de prise en charge à ce titre de la caisse primaire d'assurance maladie. 18. Le moyen est dès lors inopérant. Sur le neuvième moyen Enoncé du moyen 19. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 37 169,65 euros bruts au titre du maintien de salaire, outre 3 716,96 euros bruts au titre des congés payés y afférents, alors « qu'il appartient à l'employeur de démontrer le paiement effectif du salaire le libérant de son obligation ; qu'en l'espèce, la salariée faisait expressément valoir qu'elle n'avait perçu, ni indemnités, ni salaires, depuis le 13 octobre 2014 et sollicitait en conséquence le paiement de 23 mois et une semaine de rémunération au titre du maintien du salaire pendant son arrêt de travail ; qu'en déboutant dès lors la salariée de sa demande, motifs inopérants pris que « l'appelant produit les avis de paiement des indemnités journalières et les décomptes des prestations incapacité-invalidité établis par la caisse de prévoyance Humanis versées sur le compte de la société pour la période du 25 avril 2013 au 31 mai 2016 » et qu'« il communique également des bulletins de paye de juillet 2013 à septembre 2016 », sur lesquels figurent « les indemnités journalières de prévoyance », sans constater que l'employeur avait effectivement payé à la salariée son salaire, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil. » Réponse de la Cour 20. La cour d'appel, devant laquelle la salariée ne soutenait pas ne pas avoir perçu les sommes figurant sur les bulletins de paie a, sans méconnaître la charge de la preuve, décidé que, les bulletins de paie mentionnant pour la période contestée le versement d'indemnités journalières de prévoyance, la salariée ne justifiait pas de sa demande de rappel de salaire. 21. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le huitième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 22. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 4 991,25 euros nets au titre du complément de salaire, outre 499,12 euros nets au titre des congés payés afférents, alors « qu'en déboutant la salariée de sa demande, sans rechercher concrètement si l'employeur n'avait pas perçu de la caisse de sécurité sociale et de l'organisme Humanis des indemnités journalières et prestations de prévoyance de la salariée pour un montant supérieur à celui des sommes qu'il avait versées à la salariée dans le cadre de son droit au maintien du salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 433-12 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 433-12 du code de la sécurité sociale : 23. Il résulte de ce texte que l'employeur n'est subrogé dans les droits du salarié aux indemnités journalières de la sécurité sociale que dans les limites des sommes qu'il a effectivement versées à l'intéressé au titre de la garantie de rémunération dont celui-ci bénéficie pendant ses absences pour maladie ou accident. 24. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de certaines sommes au titre du complément de salaire et des congés payés afférents, l'arrêt retient que sur le maintien du salaire durant la période du 4 octobre 2013 au 13 octobre 2014, l'employeur produit les décomptes établis par la caisse de prévoyance Humanis récapitulant les sommes versées entre le 25 avril 2013 et le 31 mai 2016, qu'il fait notamment apparaître la rémunération théorique de la salariée, le montant des indemnités journalières de sécurité sociale perçues durant toute cette période, soit 24 956,25 euros bruts correspondant à 23 283,75 euros nets, ainsi que les indemnités de prévoyance servies, que la salariée produit une attestation de paiement faisant apparaître qu'elle a reçu, entre le 4 octobre 2013 et le 13 octobre 2014, la somme de 24 956,25 euros au titre des indemnités journalières consécutives à l'accident du travail du 3 juin 2013, que compte tenu de ce que son salaire mensuel s'élevait durant cette période à la somme totale de 2 033,97 euros bruts et 1 577,01 euros nets, complété par trois versements de la caisse de prévoyance, la salariée ne peut prétendre n'avoir perçu que 80 % de la rémunération à laquelle elle avait droit. 25. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur n'avait pas perçu de la caisse de sécurité sociale et de l'organisme Humanis des indemnités journalières et prestations de prévoyance de la salariée pour un montant supérieur à celui des sommes qu'il avait versées à la salariée dans le cadre de son droit au maintien du salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du huitième moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Z] de sa demande en paiement de la somme de 4 991,25 euros nets au titre du complément de salaire, outre 499,12 euros nets au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 25 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [K] épouse [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les conclusions récapitulatives de Mme [M] [K] épouse [Z] reçues au greffe de la cour le 23 avril 2020 ; 1°) ALORS QUE, pour déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives de Mme [M] [K] épouse [Z] reçues au greffe de la cour le 23 avril 2020, la cour d'appel s'est fondée sur les articles 802 et 803 du code de procédure civile relatifs à la mission et à l'office du tribunal de grande instance statuant comme juge unique ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que la cour d'appel a statué de manière collégiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés par fausse application ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période protégée sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ; que, pour déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives de Mme [Z] reçues au greffe de la cour le 23 avril 2020, la cour d'appel a retenu que la procédure avait, par une ordonnance du 3 février 2020, été clôturée au 22 avril 2020 et que l'ordonnance de clôture n'imposait pas un délai légalement prescrit pouvant donner lieu à prorogation ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, cependant que le dépôt desdites conclusions de Mme [Z], intervenu pendant la période protégée, constituait un acte, une formalité ou une notification prescrit par la loi ou le règlement à peine d'irrecevabilité, de sorte qu'il devait être regardé comme réalisé dans les délais, la cour d'appel a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; 3°) ALORS, plus subsidiairement, QUE les mesures administratives ou juridictionnelles d'instruction dont le terme vient à échéance au cours de la période protégée sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que la clôture de l'instruction intervenue le 22 avril 2020 constituait une mesure juridictionnelle d'instruction survenue pendant la période protégée, d'où il résultait que le dépôt des dernières conclusions de Mme [Z] devait être regardé comme réalisé dans les délais, la cour d'appel a violé l'article 3, 1°, de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; 4°) ET ALORS, plus subsidiairement encore, QUE, lorsqu'ils n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période protégée ; qu'en se déterminant de la sorte, cependant que l'obligation faite par le juge aux parties de conclure avant la clôture de l'instruction s'entend en tout état de cause d'une prescription imposant aux justiciables de réaliser un acte particulier dans un délai qui leur est imposé par l'administration en application de la loi et du règlement aux fins de mettre l'affaire en état d'être jugé, si bien que le dépôt des dernières conclusions de Mme [Z], intervenu pendant la période protégée, devait être regardé comme réalisé dans les délais, la cour d'appel a violé l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; 1°) ALORS QUE, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge pour l'employeur, le cas échéant, de prouver que l'intégralité des agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que toutes ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, pour débouter Mme [Z] de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel - après avoir estimé que la salariée fournissait des « éléments de fait [qui] pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral » - a retenu que « l'appelant produit des éléments démontrant que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement » ; qu'en statuant ainsi, cependant, d'une part, qu'elle condamnait l'employeur à restituer à Mme [Z] la somme de 828,33 € nets qu'il lui avait indûment prélevé, ce dont il résultait le caractère abusif de la mise en demeure de rembourser sous quinzaine cette somme à peine de poursuites, d'autre part, qu'elle retenait - concernant l'accusation de faux et d'usage de faux résultant de l'établissement d'arrêts de travail pour maladie professionnelle à la suite du refus la caisse primaire d'assurance-maladie de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la rechute de la salariée - que la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins n'avait relevé aucune faute résultant de cette démarche, ce dont il résultait qu'en l'absence d'éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement justifiant ces faits invoqués par la salariée la situation de harcèlement moral dénoncée par elle était caractérisée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations de fait, violant ainsi les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; 2°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il ne ressortait pas de ses énonciations que l'employeur justifiait, par des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement, le comportement brusque et arrogant du Docteur [P] à l'égard de Mme [Z] dont attestait Mme [N], les agressions verbales de la salariée dont attestaient Mmes [T] et [V], le ton comminatoire employé par le Docteur [L] dans son courrier du 28 avril 2015 et le refus de l'employeur, exprimé dans un courrier du 28 novembre 2014, de régler les congés payés demandés, éléments dont elle constatait pourtant qu'ils laissaient présumer la qualification invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; 3°) ALORS, subsidiairement, QU'en retenant, pour écarter les griefs de comportement inapproprié et irrespectueux de l'employeur, que « l'appelant produit les attestations de [F] [C], interne en médecine générale et stagiaire auprès du docteur [P], qui assure avoir entendu l'intimée prescrire à une patiente habituelle un médicament sans avoir obtenu l'avis de ce praticien, de [H] [O], qui relate les nombreux problèmes qu'elle rencontrait avec l'intimée, fondés, selon le témoin, sur les sautes d'humeur et la curiosité de cette dernière, et qui l'avaient conduite à envisager de changer de médecin traitant, d'[U] [D] et de [E] [R], infirmières libérales, exerçant dans la même structure de soins, qui affirment n'avoir jamais constaté un comportement déplacé du docteur [P] envers l'intimée, ni de harcèlement » et que « [B] [S], [I] [Y], [X] [G], patientes du docteur [P], se livrent aux mêmes constatations », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; 4°) ET ALORS QU'après avoir constaté que Mme [Z] produisait « une attestation de [B] [S] qui affirme avoir entendu le docteur [P] inviter l'intimée à rester à son poste de travail alors que cette dernière lui demandait de s'absenter pour se rendre à un rendez-vous en kinésithérapie » et que cet élément laissait présumer le harcèlement moral invoqué, la cour d'appel a retenu que l'employeur produisait la décision de la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas-de-Calais du 28 juillet 2016 dans laquelle « il est (?) constaté que l'instruction n'avait pas démontré que l'intimée se soit trouvée dans l'impossibilité de se rendre aux différents rendez-vous de kinésithérapie, d'une fréquence de deux séances par semaine, qui lui étaient fixés » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il n'incombait pas à la salariée de démontrer qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité de se rendre à ses rendez-vous de kinésithérapie et qu'il appartenait à l'employeur, à l'inverse, de démontrer qu'il avait mis l'intéressée en mesure de se rendre à l'ensemble desdites séances et, notamment, qu'il ne s'était pas opposé à son départ de son poste de travail comme en attestait Mme [B] [S], la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité ; 1°) ALORS QUE tenu d'une obligation de sécurité de résultat quant à la santé physique et mentale de ses salariés dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; que l'exclusion d'un harcèlement moral n'est pas, à elle seule, de nature à établir que lesdites mesures ont été prises par l'employeur ; que manque à son obligation, l'employeur qui ne prend pas les mesures nécessaires pour résoudre des difficultés rencontrées par un salarié dont l'altération de l'état de santé résulte de la dégradation de ses conditions de travail, alors même que ces circonstances ne seraient pas constitutives d'un harcèlement moral ; qu'en retenant dès lors, pour débouter Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité, que « l'existence d'un harcèlement moral n'est pas établie », sans aucunement faire ressortir les mesures qu'auraient prises l'employeur pour éviter une dégradation de l'état de santé de la salariée, dont elle constatait qu'elle était traitée et suivie pour un syndrome anxiodépressif et une souffrance relationnelle au travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; 2°) ET ALORS QUE les rapports entre la Caisse et l'assuré sont indépendants des rapports entre le salarié et l'employeur ; qu'il s'ensuit que la circonstance que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et le salarié ne prive pas ce dernier du droit de faire constater que son affection est imputable à un manquement de l'employeur, ce que les juges du fond doivent rechercher ; que, pour débouter Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité, la cour d'appel a encore retenu que « l'existence d'un stress au travail n'a pas été prise en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher de son propre mouvement si le stress de la salariée n'était pas imputable à ses conditions de travail et, ainsi, à un manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de l'absence de mesures de prévention ; ALORS QUE tenu d'une obligation de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; que l'exclusion d'un harcèlement moral n'étant pas, à elle seule, de nature à établir que lesdites mesures ont été prises par l'employeur, l'employeur qui ne prend pas les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral dans l'entreprise manque à son obligation de prévention ; qu'en retenant dès lors, pour débouter Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de l'absence de mesures de prévention, que « l'intimée fonde sa demande sur le fait que son employeur n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement moral », si bien « qu'en l'absence de tout harcèlement, cette demande est dépourvue de fondement », sans aucunement faire ressortir les mesures qu'aurait prises l'employeur pour prévenir d'éventuels agissements de harcèlement moral dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-4 du code du travail. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, ainsi que d'un solde d'indemnité de licenciement et d'une indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents ; 1°) ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel d'un accident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la caisse a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la rechute de maladie professionnelle dont souffrait Mme [Z] et n'a pas pris en charge à ce titre le stress au travail dont celle-ci se prévalait ; qu'en statuant ainsi par référence à deux décisions de la caisse primaire d'assurance maladie refusant de reconnaître le caractère professionnel des affectations de la salariée, sans apprécier elle-même l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ; 2°) ALORS QUE l'employeur est tenu de rechercher une possibilité de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en jugeant que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement dès lors que Mme [Z] « ne pouvait être reclassée au sein de l'entreprise qui ne comptait qu'un poste du travail, celui occupé par [elle] », sans caractériser l'impossibilité pour l'employeur d'adapter le poste de travail de la salariée aux fins de le rendre compatible avec ses aptitudes résiduelles et les préconisations du médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ; 3°) ET ALORS QUE Mme [Z] faisait valoir que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé une étude des conditions de travail dans l'entreprise, ce qu'il n'avait pas fait en l'espèce (cf. conclusions d'appel page 20 § 7 et suiv.) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant de l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SIXIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de notification des motifs s'opposant au reclassement ; ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel d'un accident ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de notification des motifs s'opposant au reclassement, la cour d'appel a retenu que la caisse a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la rechute de maladie professionnelle dont souffrait Mme [Z] et n'a pas pris en charge à ce titre le stress au travail dont celle-ci se prévalait ; qu'en statuant ainsi par référence à deux décisions de la caisse primaire d'assurance maladie refusant de reconnaître le caractère professionnel des affectations de la salariée, sans apprécier elle-même l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du code du travail. SEPTIEME MOYEN DE CASSATION (très subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d'un solde d'indemnité de licenciement et d'une indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents ; 1°) ALORS QUE l'employeur est tenu de rechercher une possibilité de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en jugeant que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement dès lors que Mme [Z] « ne pouvait être reclassée au sein de l'entreprise qui ne comptait qu'un poste du travail, celui occupé par [elle] », sans caractériser l'impossibilité pour l'employeur d'adapter le poste de travail de la salariée aux fins de le rendre compatible avec ses aptitudes résiduelles et les préconisations du médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ; 2°) ET ALORS QUE Mme [Z] faisait valoir que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé une étude des conditions de travail dans l'entreprise, ce qu'il n'avait pas fait en l'espèce (cf. conclusions d'appel page 20 § 7 et suiv.) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant de l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. HUITIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande en paiement de la somme de 4.991,25 € nets au titre du complément de salaire, outre 499,12 € nets au titre des congés payés y afférents ; 1°) ALORS QUE, si, en application de l'article R. 433-12 du code de la sécurité sociale et lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, cette subrogation est limitée au montant des sommes versées par l'employeur qui ne peut conserver les indemnités journalières servies au titre des assurances sociales ou d'un régime de prévoyance qui excéderaient ce montant ; que, pour débouter Mme [Z] de sa demande en paiement de la somme de 4.991,25 € nets au titre du complément de salaire, la cour d'appel a retenu que « compte tenu de ce que son salaire mensuel s'élevait durant cette période à la somme totale de 2.033,97 € bruts et 1.577,01 € nets, complété par trois versements de la caisse de prévoyance, l'intimée ne peut prétendre n'avoir perçu que 80 % de la rémunération à laquelle elle avait droit » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait, d'une part, que « l'appelant produit les décomptes établis par la caisse de prévoyance Humanis récapitulant les sommes versées entre le 25 avril 2013 et le 31 mai 2016 » et qu'« il fait notamment apparaître la rémunération théorique de la salariée, le montant des indemnités journalières de sécurité sociale perçues durant toute cette période, soit 24.956,25 € bruts correspondant à 23.283,75 € nets, ainsi que les indemnités de prévoyance servies », d'autre part, que « l'intimée produit une attestation de paiement faisant apparaître qu'elle a reçu, entre le 4 octobre 2013 et le 13 octobre 2014, la somme de 24.956,25 € au titre des indemnités journalières consécutives à l'accident du travail du 3 juin 2013 », ce dont il résultait que l'employeur avait seulement reversé à la salariée les indemnités journalières de sécurité sociale, donc qu'il avait conservé les indemnités de prévoyance auxquelles la salariée avait droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en déboutant la salariée de sa demande, sans rechercher concrètement si l'employeur n'avait pas perçu de la caisse de sécurité sociale et de l'organisme Humanis des indemnités journalières et prestations de prévoyance de Mme [Z] pour un montant supérieur à celui des sommes qu'il avait versées à la salariée dans le cadre de son droit au maintien du salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 433-12 du code de la sécurité sociale. NEUVIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme [Z] de sa demande en paiement de la somme de 37.169,65 € bruts au titre du maintien de salaire, outre 3.716,96 € bruts au titre des congés payés y afférents ; ALORS QU'il appartient à l'employeur de démontrer le paiement effectif du salaire le libérant de son obligation ; qu'en l'espèce, Mme [Z] faisait expressément valoir qu'elle n'avait perçu, ni indemnités, ni salaires, depuis le 13 octobre 2014 et sollicitait en conséquence le paiement de 23 mois et une semaine de rémunération au titre du maintien du salaire pendant son arrêt de travail (cf. conclusions d'appel pages 18 et 19) ; qu'en déboutant dès lors la salariée de sa demande, motifs inopérants pris que « l'appelant produit les avis de paiement des indemnités journalières et les décomptes des prestations incapacité-invalidité établis par la caisse de prévoyance Humanis versées sur le compte de la société pour la période du 25 avril 2013 au 31 mai 2016 » et qu'« il communique également des bulletins de paye de juillet 2013 à septembre 2016 », sur lesquels figurent « les indemnités journalières de prévoyance », sans constater que l'employeur avait effectivement payé à Mme [Z] son salaire, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil.
INCA/JURITEXT000046555966.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Désistement M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1183 F-D Pourvoi n° B 21-10.458 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [W] [N] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-10.458 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la banque BNP Paribas personal finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [G], de la SCP Marc Lévis, avocat de la banque BNP Paribas personal finance, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 2 août 2022, la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat à cette Cour, a déclaré, au nom de M. [G] se désister du pourvoi formé par lui contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 10 novembre 2020 (pôle 6, chambre 10), au profit de la société BNP Parisbas personnal finance. 2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par un arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour, DONNE ACTE à M. [G] de son désistement de pourvoi ; Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à statuer ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555972.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1191 F-D Pourvoi n° V 21-16.685 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [N] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-16.685 contre l'ordonnance, prise en la forme de référé, rendue le 16 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Saverne, dans le litige l'opposant à la société Alpaci, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Alpaci, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée (conseil de prud'hommes de Saverne, 16 mars 2021), statuant en référé, M. [Y] a été engagé par la société Alpaci le 25 juin 2003, en qualité de mécanicien monteur. Il occupait, en dernier lieu, le poste de conducteur de ligne. 2. Il est titulaire d'un mandat au comité social et économique et a été désigné délégué syndical par le syndicat CGT. Il dispose à ces titres de trente-trois heures mensuelles de délégation. 3. Il est également titulaire d'un mandat national de secrétaire fédéral au sein de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et dispose de quatre jours de détachement en vertu d'une convention de détachement syndical signée avec la CGT. 4. Le 14 janvier 2021, le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement d'un rappel d'heures de délégation pour les mois d'octobre et novembre 2020 et le paiement d'une provision sur dommages-intérêts pour les préjudices subis du fait de l'atteinte anormale à ses mandats et de la privation de tout revenu. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'ordonnance de dire sa demande mal fondée, de constater l'existence d'une contestation sérieuse et de dire n'y avoir lieu à référé, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles L. 2143-17 et L. 2315-10 du code du travail que les heures de délégation, considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que si l'employeur ne les a pas réglées, il ne peut pas s'opposer à la demande en paiement du salarié au motif que ce dernier ne justifie pas d'avoir exercé son mandat en dehors de ses heures normales de travail ; qu'en considérant que l'employeur avait pu se dispenser de régler les heures de délégation à l'échéance normale à défaut d'avoir obtenu du salarié des justificatifs de leur utilisation effective, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R. 1455-6, R. 1455-7 du code du travail ; 2°/ que ce n'est qu'après avoir procédé au paiement des heures de délégation que l'employeur peut demander au salarié par voie judiciaire l'indication des activités au titre desquelles ont été prises les heures de délégation ; qu'en exigeant du salarié qu'il justifie auprès de l'employeur de l'utilisation de ses heures de délégation pour obtenir leur paiement, quand celle-ci ne les avait pas réglées et que l'employeur n'avait pas saisi la juridiction prud'homale d'une contestation en ce sens, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R. 1455-6, R. 1455-7 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-10 et R. 1455-5 du code du travail : 6. Il résulte des deux premiers textes susvisés que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale et que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé. 7. Selon le troisième texte susvisé, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. 8. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel d'heures de délégation légales et conventionnelles, l'ordonnance constate d'abord, après avoir rappelé les dispositions du règlement intérieur du comité social et économique relatives à la déclaration des heures de délégation et les dispositions de la convention de détachement syndicale relatives à la prise des jours de mise à disposition du salarié, que celui-ci avait transmis à l'employeur par lettre du 17 décembre 2020 des justificatifs pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2020 via un calendrier mentionnant deux types de période intitulées « délégation Alpaci » et « délégation fédérale ». 9. Elle retient ensuite que l'employeur, n'ayant pas eu connaissance de l'effectivité ou non de la prise du crédit d'heures de délégation en vertu des dispositions fixées, ne pouvait les régler au moment opportun pour les mois d'octobre et novembre 2020 et qu'il soulève des incompréhensions au titre de la demande de provision sur dommages-intérêts, sur le quantum et la nature des montants réclamés dont la demande de rappel de congés payés, et en déduit l'existence de contestations sérieuses. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'en vertu des dispositions légales et conventionnelles, le salarié bénéficiait, au titre de ses mandats au comité social et économique et syndicaux, de trente-trois heures de délégation et de quatre jours de détachement qui n'ont pas été payés aux mois d'octobre et de novembre 2020, en sorte que sa créance n'était pas sérieusement contestable, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions susvisées. Portée et conséquences de la cassation 11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur les chefs de dispositif disant que la demande est mal fondée, constatant que la demande se heurte à des contestations sérieuses et disant n'y avoir lieu à référé entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rappelant que la formation de référés n'est pas compétente pour accorder une provision sur dommages-intérêts critiqué par le second moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 16 mars 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Saverne ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Strasbourg ; Condamne la société Alpaci aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alpaci et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [Y] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [Y] fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR dit sa demande mal fondée, constaté l'existence d'une contestation sérieuse et dit n'y avoir lieu à référé. 1° ALORS QUE il résulte des articles L. 2143-17 et L. 2315-10 du code du travail que les heures de délégation, considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que si l'employeur ne les a pas réglées, il ne peut pas s'opposer à la demande en paiement du salarié au motif que ce dernier ne justifie pas d'avoir exercé son mandat en dehors de ses heures normales de travail ; qu'en considérant que l'employeur avait pu se dispenser de régler les heures de délégation à l'échéance normale à défaut d'avoir obtenu du salarié des justificatifs de leur utilisation effective, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R. 1455-6, R. 1455-7 du code du travail. 2° ALORS QUE ce n'est qu'après avoir procédé au paiement des heures de délégation que l'employeur peut demander au salarié par voie judiciaire l'indication des activités au titre desquelles ont été prises les heures de délégation ; qu'en exigeant du salarié qu'il justifie auprès de l'employeur de l'utilisation de ses heures de délégation pour obtenir leur paiement, quand celle-ci ne les avait pas réglées et que l'employeur n'avait pas saisi la juridiction prud'homale d'une contestation en ce sens, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R 1455-6, R. 1455-7 du code du travail. 3° ALORS QUE le conseil de prud'hommes qui constate que l'employeur refuse de payer les heures de délégation à l'échéance normale peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en s'abstenant de rechercher si le refus de l'employeur de régler les heures de délégation à l'échéance normale caractérisait un trouble manifestement illicite, comme il y était pourtant invité, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-17, L. 2315-10, et R. 1455-6 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [Y] fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rappelé que la formation de référés n'est pas compétente pour accorder une provision sur dommages et intérêts et dit n'y avoir lieu à référé. 1° ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu'en s'abstenant de donner des motifs à sa décision, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de motifs au regard de l'article 455 du code de procédure civile. 2° ALORS QUE le juge des référés est compétent pour allouer une provision sur dommages et intérêts ; qu'en décidant du contraire, le conseil de prud'hommes a violé les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail.
INCA/JURITEXT000046555973.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1192 F-D Pourvoi n° V 21-60.178 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La confédération des syndicats indépendants de Polynésie, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 21-60.178 contre le jugement rendu le 5 juillet 2021 par le tribunal de première instance de Papeete (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à SEGC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], 2°/ à Mme [K] [B], domiciliée [Adresse 4], 3°/ à Mme [J] [E], domiciliée [Adresse 6], 4°/ à Mme [V] [L], domiciliée [Adresse 8], 5°/ au syndicat autonome des travailleurs de Carrefour [Localité 1], dont le siège [Adresse 2], 6°/ à Mme [Z] [Y], domiciliée [Adresse 7], défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, conseiller, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier , greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L.431-3, alinéa 2, du code de procédure judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal de première instance de Papeete, 5 juillet 2021), par requête du 9 mars 2021, la confédération des syndicats indépendants de Polynésie (la confédération CSIP) a contesté la liste de candidats déposée par le syndicat autonome des travailleurs de Carrefour [Localité 1] (le syndicat SATCA) en vue des élections au comité d'entreprise de la société SEGC (la société) prévues le 11 mars 2021. 2. L'instance entre la société, le syndicat SATCA et les quatre candidats présentés sur la liste litigieuse, dont deux avaient été élus au collège employés, étant toujours en cours après les élections, la confédération CSIP a formé une demande additionnelle tendant à l'annulation des élections. Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 3. La confédération CSIP fait grief au jugement de déclarer irrecevable la requête en annulation des élections au comité d'entreprise du 11 mars 2021, alors : « 1°/ que le principe du contradictoire constitue le principe fondamental de la procédure civile. Ainsi l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française relatif à l'objet du litige prévoit que : ''les prétentions respectives des parties telles qu'elles sont fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions suivant les cas écrites ou orales déterminent l'objet du litige. Le litige peut être modifié par des demandes incidentes, si celle-ci se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant. Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé''. Or en l'espèce, force est de constater que le juge a statué ultra petita, et sans respect du principe du contradictoire en déclarant irrecevable la requête en annulation des élections au comité d'entreprise du 11 mars 2021 ; 2°/ qu'il n'y a eu aucun débat contradictoire sur la question de l'appel en cause des candidats élus au premier tour, ou des candidats élus au titre des membres suppléants. » Réponse de la Cour Vu l'article 6, alinéas 3 à 5, du code de procédure civile de Polynésie française : 4. Selon ce texte, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision que les moyens, les explications, les documents invoqués ou produits dont les parties ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. 5. Pour déclarer la requête irrecevable en ce qu'elle tendait à l'annulation des élections du 11 mars 2021 au collège employés du comité d'entreprise de la société, le jugement retient que la confédération CSIP n'a pas mis en cause l'ensemble des candidats et des suppléants élus au premier tour. 6. En statuant ainsi, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur les personnes intéressées dont la présence lui paraissait nécessaire à la solution du litige et qui devaient être mises en cause, le tribunal a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la requête en annulation des élections aux comité d'entreprise du 11 mars 2021, le jugement rendu le 5 juillet 2021, entre les parties, par le tribunal de première instance de Papeete ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal de première instance de Papeete autrement composé ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SEGC à payer à confédération des syndicats indépendants de Polynésie la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555967.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1186 F-D Pourvoi n° A 21-16.230 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial (RATP), dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° A 21-16.230 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [N], domicilié [Adresse 4], 2°/ à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 3], 3°/ à M. [U] [E], domicilié [Adresse 2], 4°/ à Mme [M] [K], domiciliée [Adresse 7], 5°/ à Mme [C] [I], domiciliée [Adresse 8], 6°/ à Mme [Y] [G], domiciliée [Adresse 5], 7°/ à Mme [T] [A], domiciliée [Adresse 9], 8°/ à M. [J] [H], domicilié [Adresse 1], agissant tous tant pour leur compte, qu'en leur qualité de membre de la délégation du personnel du CSE et pour le compte de Mme [S], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [N], [B], [E], Mmes [K], [I], [G], [A] et de M. [H], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2021), le 10 janvier 2019, huit membres élus au conseil social et économique d'établissement 3 bus/MRP (le comité social et économique) de l'Epic la RATP (la RATP) ont informé l'employeur de ce qu'ils entendaient faire usage de leur droit d'alerte sur le fondement de l'article L. 2312-59 du code du travail, au motif d'une « discrimination à l'encontre d'une femme enceinte au dépôt de la Croix Nivert ». 2. Les élus ayant exercé leur droit d'alerte ont été conviés par l'employeur à une réunion du 16 janvier 2019, de 14 heures à 16 heures, à laquelle deux élus ont assisté. 3. Soutenant notamment que le temps passé par les membres de la délégation du personnel présents lors de la réunion du 16 janvier 2019 devait être rémunéré comme du temps de travail effectif sans être déduit des heures de délégation, MM. [N], [B], [E] et [H] et Mmes [K], [I], [G] et [A], en leur qualité de membre de la délégation du personnel au comité social et économique, ont saisi, le 10 avril 2019, la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment à condamner la RATP à verser aux demandeurs présents à la réunion du 16 janvier 2019 la rémunération afférente au temps passé à celle-ci. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La RATP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à MM. [N] et [B] le temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 comme temps de travail effectif sans qu'il soit déduit de leurs heures de délégation et de la condamner à payer aux élus du comité social et économique, ès qualités, la somme de 2 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que selon l'article L. 2315-11 du code du travail, seules certaines activités limitativement énumérées des membres de la délégation du personnel au comité social et économique ne sont pas déduites de leur crédit d'heures de délégation ; que le temps lié à l'exercice du droit d'alerte prévu par l'article L. 2312-59 du code du travail, en cas d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, n'est pas visé par l'article L. 2315-11 du code du travail et doit en conséquence s'imputer sur le crédit d'heures de délégation ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner la RATP à payer le temps passé par deux membres du CSE à la réunion du 16 janvier 2019 comme temps de travail effectif sans qu'il doit déduit de leurs heures de délégation, que cette réunion a été organisée par la direction du dépôt de la Croix Nivert et que l'atteinte aux droits des personnes constitue une situation d'urgence et de gravité, la cour d'appel a violé les textes précités. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2312-59 et L. 2315-11 du code du travail : 6. L'article L. 2312-59, alinéas 1er et 2, du code du travail dispose que si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement. L'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. 7. Selon l'article L. 2315-11 du même code, est également payé comme temps de travail effectif le temps passé par les membres de la délégation du personnel du comité social et économique : 1° à la recherche de mesures préventives dans toute situation d'urgence et de gravité, notamment lors de la mise en oeuvre de la procédure de danger grave et imminent prévue à l'article L. 4132-2 ; 2° aux réunions du comité et de ses commissions, dans ce cas dans la limite d'une durée globale fixée par accord d'entreprise ou à défaut par décret en Conseil d'Etat ; 3° aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave ; Ce temps n'est pas déduit des heures de délégation prévues pour les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique. 8. Il résulte de ces textes que le temps passé par les membres de la délégation du personnel au comité social et économique à l'exercice de leur droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes s'impute sur leur crédit d'heures de délégation. 9. Pour condamner la RATP à payer à MM. [N] et [B] le temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 comme temps de travail effectif sans qu'il soit déduit de leurs heures de délégation, l'arrêt retient que la réunion du 16 janvier 2019, sollicitée par les élus, a été organisée par la direction du dépôt de La Croix Nivert, qu'ainsi, le temps passé à cette réunion par les élus du comité social et économique constitue du temps de travail effectif et ne peut pas être déduit de leur temps de délégation, l'atteinte aux droits des personnes constituant une situation d'urgence et de gravité, « de sorte que des mesures préventives aient pu être prises ». 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la réunion du 16 janvier 2019 avait été organisée par l'employeur à la demande des membres de la délégation du personnel au comité social et économique ayant exercé leur droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes, ce dont il résultait que le temps passé à ladite réunion devait être déduit de leur crédit d'heures de délégation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'Epic la RATP à payer à MM. [N] et [B] le temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 comme temps de travail effectif sans qu'il soit déduit de leurs heures de délégation et à payer à chacun d'eux la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne MM. [N], [B], [E] et [H] et Mmes [K], [I], [G] et [A] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens PREMIER MOYEN DE CASSATION L'EPIC RATP fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du 12 janvier 2020 en ce qu'il a dit que le temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 s'imputait sur les heures de délégation de MM. [N] et [B], de l'AVOIR condamné à payer à MM. [N] et [B] le temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 comme temps de travail effectif sans qu'il soit déduit de leurs heures de délégation et de l'AVOIR condamné à payer aux élus du CSE, ès qualités, la somme de 2.000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1. ALORS QUE selon l'article L. 2315-11 du code du travail, seules certaines activités limitativement énumérées des membres de la délégation du personnel au comité social et économique ne sont pas déduites de leur crédit d'heures de délégation ; que le temps lié à l'exercice du droit d'alerte prévu par l'article L. 2312-59 du code du travail, en cas d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, n'est pas visé par l'article L. 2315-11 du code du travail et doit en conséquence s'imputer sur le crédit d'heures de délégation ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner la RATP à payer le temps passé par deux membres du CSE à la réunion du 16 janvier 2019 comme temps de travail effectif sans qu'il doit déduit de leurs heures de délégation, que cette réunion a été organisée par la direction du dépôt de la Croix Nivert et que l'atteinte aux droits des personnes constitue une situation d'urgence et de gravité, la cour d'appel a violé les textes précités ; 2. ALORS QUE lorsqu'un représentant du personnel refuse qu'un temps non-travaillé soit rémunéré au titre de ses heures de délégation, l'employeur ne peut lui imposer un tel paiement, ce qui reviendrait à décider à la place de l'intéressé de l'usage du crédit d'heures qui lui est alloué pour exercer ses fonctions de représentant du personnel ; que, dans ses conclusions d'appel, la RATP faisait valoir qu'elle avait informé les deux élus qu'elle payerait le temps passé à la réunion du 16 janvier 2019, en l'imputant sur leur crédit d'heures de délégation, mais que ces derniers avaient refusé une telle imputation ; qu'en reprochant à la RATP de n'avoir pas procédé au paiement du temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 aux deux salariés qui y ont assisté, sans s'expliquer sur la portée du refus des salariés de voir imputer ce temps sur leur crédit d'heures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2315-7 et L. 2315-10 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE et EVENTUEL L'EPIC RATP fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamné à payer aux élus du CSE, ès qualités, la somme de 2.000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1. ALORS QUE le juge ne peut allouer à une partie plus que ce qu'elle a demandé ; que, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel communes, les huit membres du comité social et économique qui avaient exercé un droit d'alerte, demandaient à la cour d'appel de « condamner l'EPIC RATP au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC », soit une somme globale pour couvrir leurs frais irrépétibles communs ; qu'en condamnant néanmoins l'EPIC RATP à payer à chacun des élus du CSE la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit au total 16.000 euros, la cour d'appel a statué au-delà de leurs prétentions et violé l'article 5 du code de procédure civile ; 2. ALORS QUE le juge qui met les dépens et les frais irrépétibles à la charge de la partie qui gagne le procès doit motiver sa décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté les huit salariés membres de la délégation du personnel au comité social et économique de leur demande tendant à voir ordonner la tenue d'une enquête suite au droit d'alerte et n'a fait droit qu'à la demande de deux d'entre eux d'obtenir le paiement du temps passé à la réunion du 16 janvier 2019 comme du temps de travail effectif sans qu'il doit déduit de leurs heures de délégation ; qu'en conséquence, les six autres salariés ont été déboutés de toutes leurs demandes, de sorte que la cour d'appel ne pouvait, sans une motivation spécifique, condamner la RATP à verser à ces six salariés, parties succombantes, 2.000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles ; qu'elle a en conséquence violé les articles 696 et 700 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555942.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1158 F-D Pourvoi n° U 20-16.542 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Hydrola, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-16.542 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [M] [X], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Pôle emploi Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. [X] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hydrola, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 décembre 2019) et les productions, M. [X] a été engagé à compter du 1er octobre 2009 en qualité de responsable commercial export Maghreb par la société Hydrola (la société). 2. Il a été convoqué, le 9 juillet 2014, à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé le 18 juillet 2014, reporté au 21 juillet 2014, au cours duquel il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. A l'issue de cet entretien, il s'est vu remettre une lettre lui notifiant le motif économique de la rupture en lui précisant qu'en cas d'adhésion au dispositif son contrat de travail serait rompu à l'issue du délai de réflexion de 21 jours, soit le 11 août 2014. 3. Après avoir accepté, le 31 juillet 2014, le contrat de sécurisation professionnelle, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts au titre des objectifs de 2014, alors « qu'il dénonçait dans ses écritures d'appel le procédé déloyal de la société Hydrola qui, en 2014, avait non seulement augmenté substantiellement ses objectifs mais encore les avait subordonnés au résultat collectif ; que la cour d'appel qui a constaté qu'il n'avait perçu aucune commission sur les deux premiers trimestres de 2014 n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si cette décision unilatérale de l'employeur ne constituait pas un procédé déloyal justifiant la demande de dommages-intérêts formée par le salarié a privé sa décision de motifs sur ce moyen déterminant et a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Ayant relevé que le salarié, qui avait signé et accepté sa fiche d'objectifs pour l'année 2014 modifiant les modalités de calcul de sa rémunération variable, ne démontrait pas les pressions alléguées l'ayant contraint à accepter cet avenant non plus que le caractère irréaliste de ces objectifs, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts au titre du recours abusif au chômage partiel et du travail dissimulé, alors « qu'il faisait valoir dans ses conclusions d'appel que pendant la période de chômage partiel imposée par l'employeur, il avait en réalité dû travailler à temps plein sans être rémunéré en conséquence, ce qui était constitutif de travail dissimulé ; que la cour d'appel qui s'est bornée à énoncer que la mesure de chômage partiel apparaissait bien fondée et n'avait fait l'objet d'aucune contestation du délégué du personnel ni d'alerte auprès de l'inspection du travail a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel, qui a relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les témoignages de salariés affirmant avoir été obligés de travailler à temps plein sous peine de sanction ainsi que les courriels envoyés par l'intéressé en avril 2014 postérieurement à l'horaire de fin de journée ne permettaient pas de remettre en cause le bien-fondé de la mesure de chômage partiel mise en oeuvre de mars 2014 à septembre 2014 avec l'acceptation préalable de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ainsi qu'avec l'avis favorable du délégué du personnel, lequel n'avait pas réagi, et que les salariés n'avaient pas alerté l'inspection du travail, a fait ainsi ressortir que la société n'avait pas eu recours abusivement au chômage partiel sur la période considérée. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 10. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à verser au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures d'instance et d'appel, et à rembourser aux organismes concernés la totalité des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités, alors « que l'employeur n'a pas à différer le licenciement économique d'un salarié afin de pouvoir lui proposer, au titre du reclassement, des postes qui n'ont été à pourvoir que postérieurement à la rupture de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que compte tenu de la proximité de dates entre le licenciement et la proposition de postes au titre de la priorité de réembauchage, l'employeur ne justifiait pas de la bonne exécution de son obligation de reclassement faute de démontrer qu'il n'aurait pas pu prolonger la période de recherche de reclassement pour éviter le licenciement de M. [X], sachant qu'il allait prochainement créer des postes en rapport avec la qualification de M. [X] et embaucher dans sa filiale tunisienne ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, L. 1233-67 du même code et 5 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011 agréée par arrêté du 6 octobre 2011 : 11. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'au titre de son obligation de reclassement l'employeur doit proposer au salarié les emplois disponibles au moment où il manifeste sa volonté de mettre fin au contrat de travail en notifiant la lettre de licenciement, quand bien même le licenciement serait subordonné au refus par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé. 12. Pour condamner la société à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de trois mois, l'arrêt retient que par lettre du 25 août 2014, soit un mois environ après la convocation à l'entretien préalable, et deux semaines après la notification du licenciement, la société a adressé à l'intéressé une liste de postes qu'elle ouvrait dans la filiale de Tunis, dont un poste de responsable commercial Maghreb, lui précisant par lettre du 9 septembre 2014 que ces offres s'inscrivaient dans le cadre de la priorité de réembauchage dont il pouvait bénéficier et qu'elle n'avait pas pu lui proposer ces postes à titre de reclassement car ils n'étaient pas encore créés. 13. Il relève ensuite que, compte-tenu de la proximité des dates, sachant qu'elle allait prochainement créer des postes en rapport avec la qualification du salarié et embaucher dans sa filiale tunisienne, la société ne démontre pas qu'elle n'aurait pas pu prolonger la période de recherche de reclassement pour éviter le licenciement de l'intéressé, de sorte qu'elle n'a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement. 14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la lettre de licenciement avait été remise au salarié le 21 juillet 2014 et que les postes dans la filiale tunisienne, et notamment celui de responsable commercial Maghreb à Tunis, ne s'étaient révélés disponibles que postérieurement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 15. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser aux organismes concernés la totalité des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, justifiés par une autre condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci et non remise en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts formées par M. [X] pour fixation déloyale des objectifs, pour recours abusif au chômage partiel ainsi que sa demande d'indemnité pour travail dissimulé qui y était liée et en ce qu'il condamne la société Hydrola à lui payer les sommes de 200 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de maintien des garanties santé et de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, l'arrêt rendu le 18 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne M. [X] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Hydrola, demanderesse au pourvoi principal Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait jugé que la société Hydrola n'avait pas exécuté loyalement l'obligation de reclassement qui lui incombait, que le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Hydrola à verser à M. [X] les sommes de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société Hydrola de ses demandes, fins et prétentions, condamné la société Hydrola à rembourser aux organismes concernés la totalité les indemnités de chômage versées à M. [X] du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités, condamné la société Hydrola aux dépens, d'AVOIR dit que l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail de M. [X] devront être rectifiés conformément aux dispositions du jugement confirmé par l'arrêt, d'AVOIR condamné la société Hydrola aux dépens d'appel et à payer à M. [X] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'article L1233-4 du code du travail dispose que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'opère sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises". La tentative de reclassement est donc un préalable nécessaire à tout licenciement économique. C'est à l'employeur d'établir la preuve de l'impossibilité d'affecter le salarié dans un autre emploi. Si l'obligation de reclassement n'est qu'une obligation de moyens, encore faut-il que l'employeur démontre avoir mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution afin d'éviter le licenciement. Lorsque l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. M. [X] soutient que l'employeur ne lui a adressé aucune offre de reclassement individualisé, qu'il n'a pas prévu son adaptation à l'un des emplois disponibles, qu'il communique un registre d'entrée et de sortie du personnel incomplet, inexploitable et donc non probant, que plusieurs salariés ont été embauchés courant 2014 jusqu'en 2015 par contrat à durée déterminée au motif annoncé de surcroît temporaire d'activité (M. [P] et M. [D] au poste de chargé d'affaires industrielles pour la période 25 août 2014 au 25 février 2015, M. [C] au poste de technicien hydraulicien pour la période du 28 juillet 2014 au 28 janvier 2015), qu'il incombait incontestablement à la société Hydrola qui dispose d'au moins quatre filiales à l'étranger de rechercher des postes pour le reclasser, ce qu'elle s'est abstenue de faire, que la filiale tunisienne qui aurait été officiellement créée postérieurement à son licenciement a été immatriculée le 12 août 2014, quatre jours avant la notification de son licenciement, qu'un contrat à durée déterminée avait même été rédigé pour l'embauche d'une commerciale par la filiale Hydro Tunis, à compter du 1er juin 2014 et qu'une liste de postes s'ouvrant dans la filiale de TUNIS lui a été adressée quelques jours après son licenciement alors que la plupart de ces postes existaient déjà avant son licenciement, lui-même ayant dû procéder au recrutement. La société Hydrola explique qu'elle a recherché un poste disponible auprès de ses filiales mexicaine et malgache, en l'absence de reclassement interne et de poste disponible en France, que les filiales chinoise et tunisienne ont été créées postérieurement à la rupture du contrat de travail, que la filiale sénégalaise n'emploie plus aucun salarié depuis le mois de janvier 2014, que les documents versés aux débats par M. [X] établissent l'existence de démarches préparatoires légitimes mais ne permettent pas de justifier de la création effective desdits postes avant son licenciement, qu'elle ne pouvait pas proposer au salarié des postes non encore disponibles, qu'il n'y avait aucune certitude que la filiale tunisienne soit créée à la date initialement convenue, compte tenu des spécificités de la législation locale, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir proposé à M. [X] des postes pour lesquels il ne disposait pas des compétences et de la formation appropriée (chef comptable, technicien hydraulicien) et que les deux postes de chargé d'affaires industrie n'étaient pas disponibles au moment des faits. Les deux contrats durée déterminée ont été consentis à MM. [P] et [D] le 25 août 2014, postérieurement au licenciement de M. [X], le poste de technicien hydraulicien ne correspond pas à la qualification de ce dernier et la société Hydrola produit : - les lettres envoyées le 12 juillet 2014 à ses filiales de Madagascar et du Mexique et les réponses négatives du 13 juillet 2014 - la liste du personnel de sa filiale mexicaine montrant que trois personnes sur six ont quitté l'entreprise en août 2014 et février 2015 sans être remplacées et que deux personnes travaillaient dans la filiale chinoise comme commercial et assistante depuis le 1er octobre 2014. Toutefois, la copie de deux feuilles de registre du personnel de la société Hydrola en France versée aux débats par la société est très difficilement lisible et ne permet pas de déterminer si des postes étaient disponibles dans l'entreprise à la date du licenciement. Par ailleurs, par lettre du 25 août 2014, soit un mois environ après la convocation à l'entretien préalable, et deux semaines après la notification du licenciement, la société Hydrola a adressé à M. [X] une liste de postes qu'elle ouvrait dans la filiale de Tunis, dont un poste de responsable commercial Maghreb. M. [X] ayant répondu le 1er septembre 2014 qu'il ne comprenait pas comment il pourrait postuler puisqu'il ne faisait plus partie de l'entreprise et pour quel motif il n'avait pas eu de proposition de reclassement lors de son entretien préalable, la société Hydrola lui a précisé le 9 septembre 2014 que ces offres s'inscrivaient dans le cadre de la priorité de réembauchage dont il pouvait bénéficier et qu'elle n'avait pas pu lui proposer ces postes à titre de reclassement car ils n'étaient pas encore créés. Or, compte tenu de la proximité des dates, sachant qu'elle allait prochainement créer des postes en rapport avec la qualification de M. [X] et embaucher dans sa filiale tunisienne, la société Hydrola ne démontre pas qu'elle n'aurait pas pu prolonger la période de recherche de reclassement pour éviter le licenciement de M. [X]. Il importe peu dans ces conditions que M. [X] n'ait pas répondu à la proposition de réembauche. Le jugement qui a dit que la société Hydrola n'avait pas exécuté loyalement son obligation de reclassement à l'égard de M. [X] et, en conséquence, que le licenciement de ce dernier était sans cause réelle et sérieuse, sera confirmé. Au regard des circonstances du licenciement, de l'ancienneté de M. [X] dans l'entreprise (6 ans et 8 mois), de son âge lors de la rupture (28 ans) et de ce qu'il a été indemnisé par Pôle emploi jusqu'en août 2015, date à laquelle il a été embauché par contrat à durée déterminée, puis à durée indéterminée à compter du 1er juin 2015, son premier bulletin de salaire montrant qu'il perçoit à cette date une rémunération inférieure à celle qui lui était versée par la société Hydrola, le préjudice matériel et moral qu'il a subi en raison de la perte de son emploi a été exactement apprécié par le conseil de prud'hommes dont le jugement sera confirmé sur ce point » ; AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article L. 1233-4 du code du travail indique « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » ; que la SARL Hydrola écrit dans la lettre de rupture du 8 août 2014 : « Malgré nos démarches, nos recherches de reclassement au sein de la SARL Hydrola et de ses filiales n'ont donné aucun résultat » ; que la SARL Hydrola écrit dans ses conclusions « avoir recherché un poste disponible auprès de ses filiales mexicaine et malgache » ; que les échanges de courrier produits par la SARL Hydrola confirment cette affirmation ; que la SARL Hydrola explique ensuite que « les filiales chinoises et tunisiennes ont été créées postérieurement à la rupture du contrat de travail de sorte qu'il ne saurait être reproché la SARL Hydrola de ne pas les avoir interrogées en vue du reclassement de M. [X] ; que dans un courrier daté du 9 septembre 2014, la SARL Hydrola écrit à M. [X] n'avoir pu lui proposer de poste en Tunisie "à titre de reclassement et avant la notification de votre licenciement car ces postes n'étaient pas encore créés" ; que dans un mail, daté du 16 avril 2014 et adressé à un représentant de la SARL en Tunisie, le directeur général de la SARL Hydrola écrit que pour Tunis "La mission sera en première urgence de signer le bail" du local qui a été trouvé et pour lequel des travaux sont prévus ; que ce mail se poursuit ainsi (s'agissant du collaborateur en mission sur place) : "Il recevra en entretien d'embauche les candidats" ; que trois mois avant la convocation à entretien préalable de M. [X], des postes étaient disponibles à Tunis puisque des recrutements étaient en cours ; que ce n'est qu'après le licenciement, et sous le prétexte de la priorité de réembauche, que lesdits postes ont été proposés à M. [X] ; que la SARL Hydrola ne peut prétendre que des postes à n'étaient pas disponibles parce que la société n'a été créée qu'en août 2014 alors que les embauches avaient été lancées quelques mois plus tôt à savoir dès avril 2014, ce qui est parfaitement logique ; que la SARL Hydrola aurait dû chercher sérieusement un reclassement en Tunisie d'autant plus que les fonctions de M. [X] au sein de la SARL Hydrola étaient en lien direct avec le Maghreb ; que, de ce qui précède, la SARL Hydrola n'a pas exécuté loyalement l'obligation de reclassement qui lui incombait ; qu'en conséquence le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse » ; 1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en affirmant que le registre du personnel versé aux débats était « très difficilement lisible » sans inviter les parties à s'expliquer sur la lisibilité du registre du personnel, aucune difficulté n'ayant été invoquée par elles, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en tout état de cause le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que « la copie de deux feuilles de registre du personnel de la société Hydrola en France versée aux débats par la société est très difficilement lisible et ne permet pas de déterminer si des postes étaient disponibles dans l'entreprise à la date du licenciement » (arrêt page 7, al. 4) ; que cependant, la pièce d'appel n° 3 de l'employeur intitulée « registre d'entrées et de sorties du personnel de la Société Hydrola » était lisible sans difficulté et permettait de constater l'absence de poste disponible dans l'entreprise à la date du licenciement comme le soutenait l'employeur en cause d'appel (conclusions page 10) ; qu'il en résulte que la cour d'appel a dénaturé cette pièce en violation du principe susvisé ; 3) ALORS QUE l'employeur n'a pas à différer le licenciement économique d'un salarié afin de pouvoir lui proposer, au titre du reclassement, des postes qui n'ont été à pourvoir que postérieurement à la rupture de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que compte tenu de la proximité de dates entre le licenciement et la proposition de postes au titre de la priorité de réembauchage, l'employeur ne justifiait pas de la bonne exécution de son obligation de reclassement faute de démontrer qu'il n'aurait pas pu prolonger la période de recherche de reclassement pour éviter le licenciement de M. [X], sachant qu'il allait prochainement créer des postes en rapport avec la qualification de M. [X] et embaucher dans sa filiale tunisienne ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige ; 4) ALORS QUE, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, l'employeur n'est tenu de proposer au titre du reclassement d'un salarié dont le licenciement économique est envisagé que les postes pouvant être effectivement pourvus à l'époque de la rupture ; que particulièrement, il ne peut pas proposer des postes à créer dans une société qui n'existe pas encore au jour de la rupture ; que les postes effectivement créés après la rupture relèvent de la priorité de réembauchage ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir proposé à M. [X] des postes qui n'avaient effectivement été créés qu'avec la naissance, postérieurement au licenciement, de la filiale tunisienne devant procéder aux embauches, au prétexte que dès avant la rupture, la société Hydrola aurait initié un processus de recrutement en recherchant des candidats, les juges du fond ont violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige et l'article L.1233-45 du même code ; 5) ALORS QUE, subsidiairement, il ne peut pas être reproché à l'employeur de ne pas avoir proposé au titre du reclassement un poste que le salarié licencié pour motif économique a refusé par la suite au titre de l'obligation de réembauchage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a reproché à l'employeur de ne pas avoir proposé à M. [X] au titre du reclassement des postes créés au Maroc et a affirmé qu'il importait peu que M. [X] n'ait pas répondu à la proposition de réembauchage concernant les mêmes postes (arrêt page 7, al. 7) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige et l'article L.1233-45 du même code. Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [X], demandeur au pourvoi incident PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [X] fait grief à l'arrêt qu'il attaque d'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir la société Hydrola condamnée à lui payer des dommages et intérêts au titre des objectifs de 2014 ; ALORS QUE Monsieur [X] dénonçait dans ses écritures d'appel le procédé déloyal de la société Hydrola qui, en 2014, avait non seulement augmenté substantiellement ses objectifs mais encore les avait subordonnés au résultat collectif ; que la cour d'appel qui a constaté qu'il n'avait perçu aucune commission sur les deux premiers trimestres de 2014 n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si cette décision unilatérale de l'employeur ne constituait pas un procédé déloyal justifiant la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [X] a privé sa décision de motifs sur ce moyen déterminant et a violé l'article 455 du code de procédure civile SECOND MOYEN DE CASSATION Monsieur [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à voir la société Hydrola condamnée à lui payer des dommages et intérêts au titre du recours abusif au chômage partiel et du travail dissimulé ; ALORS QUE Monsieur [X] faisait valoir dans ses conclusions d'appel que pendant la période de chômage partiel imposée par l'employeur, il avait en réalité dû travailler à temps plein sans être rémunéré en conséquence, ce qui était constitutif de travail dissimulé ; que la cour d'appel qui s'est bornée à énoncer que la mesure de chômage partiel apparaissait bien fondée et n'avait fait l'objet d'aucune contestation du délégué du personnel ni d'alerte auprès de l'inspection du travail a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
INCA/JURITEXT000046555956.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. AF1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1172 F-D Pourvoi n° W 21-13.121 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Mil's, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-13.121 contre l'arrêt rendu le 10 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [F] [R], domicilié [Adresse 2], 2°/ au Pôle emploi Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Mil's, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 février 2021), M. [R], engagé par la société Mil's (la société) à compter du 9 décembre 1991, en qualité de technicien de bureau d'études-projeteur a été convoqué le 1er juillet 2015 à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 15 juillet 2015, au cours duquel il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. 2. Par lettre du 27 juillet 2015, la société lui a notifié les motifs économiques de la rupture en lui précisant qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, cette lettre constituerait la notification de son licenciement. 3. Après avoir accepté le contrat de sécurisation professionnelle, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail, alors « qu'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement en l'absence de poste disponible dans l'entreprise à l'époque du licenciement ; que, sauf fraude, les possibilités de reclassement s'apprécient à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date de sa notification ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le licenciement de M. [R] lui avait été notifié par lettre du 27 juillet 2015 ; que pour juger qu'elle avait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu qu'elle n'avait pas proposé à M. [R], d'une part le poste de technicien SAV disponible à l'issue du premier contrat à durée déterminée conclu avec M. [M] du 1er avril au 30 septembre 2015, d'autre part le poste de dessinateur au sein du bureau d'études, confié à M. [H] par contrat à durée déterminée du 29 septembre 2014 au 29 septembre 2015, disponible à cette dernière date ; qu'en statuant de la sorte, quand il ressortait de ses constatations que les deux postes litigieux n'étaient devenus disponibles que deux mois après le licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. Le mémoire en défense fait valoir que le moyen est irrecevable, comme étant contraire aux conclusions d'appel de l'employeur et comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit. 6. Cependant, d'une part, le moyen qui soutient qu'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement en l'absence de poste disponible dans l'entreprise à l'époque du licenciement n'est pas incompatible avec l'argumentation développée devant le juge du fond par la société qui faisait valoir qu'aucun poste correspondant aux qualifications du salarié n'était à pourvoir au sein de la société. D'autre part, le moyen est né de la décision attaquée qui a retenu l'existence de postes disponibles en raison du recours à des contrats à durée déterminée avant et immédiatement après le licenciement du salarié. 7. Le moyen est donc recevable. Bien fondé du moyen Vu les articles L. 1233-4 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, L. 1233-67 du code du travail, et l'article 5 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011 agréée par arrêté du 6 octobre 2011 : 8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'au titre de son obligation de reclassement l'employeur doit proposer au salarié les emplois disponibles au moment où il manifeste sa volonté de mettre fin au contrat de travail en notifiant la lettre de licenciement, quand bien même le licenciement serait subordonné au refus par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé. 9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société n'a pas proposé au salarié, d'une part, le poste de technicien SAV disponible à l'issue du premier contrat à durée déterminée conclu avec M. [M] du 1er avril au 30 septembre 2015, d'autre part, le poste de dessinateur au sein du bureau d'études, confié à M. [H] par contrat à durée déterminée du 29 septembre 2014 au 29 septembre 2015, disponible à cette dernière date. Il conclut que les conditions dans lesquelles l'employeur a engagé M. [M] et M. [H] en ayant recours à des contrats à durée déterminée avant et immédiatement après le licenciement de l'intéressé sur des emplois compatibles avec sa qualification, caractérisent l'existence d'emplois disponibles non proposés au salarié licencié, de sorte que le manquement de la société à son obligation de reclassement est avéré. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la lettre de licenciement avait été envoyée le 27 juillet 2015 et que les postes de technicien SAV et de dessinateur ne s'étaient révélés disponibles que les 29 et 30 septembre 2015, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Mil's, PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Mil's FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement notifié à M. [R] le 27 juillet 2015 était sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 40 000 € à titre de dommages-et-intérêts en réparation de son préjudice et lui AVOIR ordonné de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [R], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail, 1. ALORS QU'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement en l'absence de poste disponible dans l'entreprise à l'époque du licenciement ; que sauf fraude, les possibilités de reclassement s'apprécient à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date de sa notification ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le licenciement de M. [R] lui avait été notifié par lettre du 27 juillet 2015 ; que pour juger que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu qu'il n'avait pas proposé à M. [R], d'une part le poste de technicien SAV disponible à l'issue du premier contrat à durée déterminée conclu avec M. [M] du 1er avril au 30 septembre 2015, d'autre part le poste de dessinateur au sein du bureau d'études, confié à M. [H] par contrat à durée déterminée du 29 septembre 2014 au 29 septembre 2015, disponible à cette dernière date ; qu'en statuant de la sorte, quand il ressortait de ses constatations que les deux postes litigieux n'étaient devenus disponibles que deux mois après le licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ; 2. ALORS en outre QUE l'employeur est libéré de l'obligation de faire des offres de reclassement au salarié dont il envisage le licenciement lorsqu'il n'existe dans le périmètre de reclassement aucun emploi disponible en rapport avec sa qualification et ses compétences professionnelles, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que M. [R], projeteur, ayant pour mission de concevoir des pompes à vide par application de règles de calcul (vitesses de rotation, vitesses d'air expiré, vérification des normes de calcul, etc.), n'était jamais intervenu sur la réparation des pompes et centrales d'air et n'avait pas les qualifications pour les réparer, et que les tâches techniques de montage et de démontage de pompes, incombant au technicien SAV au service réparation, n'avaient rien à voir avec le métier de bureau de projeteur (conclusions d'appel, p. 10 et 12 ; prod. 11 à 13) ; qu'en se bornant à affirmer qu'aucun élément n'était produit aux débats permettant de conclure que compte tenu de ses capacités et de ses compétences, M. [R] ne pouvait pas, y compris par le recours à une formation préalable, occuper le poste de technicien SAV, sans à aucun moment examiner les fiches de poste produites par l'employeur pour comparer les compétences et qualifications du salarié avec celles requises pour occuper le poste litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Mil's FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 40 000 € à titre de dommages-et-intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, ALORS QUE les dommages-intérêts doivent réparer le préjudice subi par la victime sans qu'il en résulte ni perte ni profit ; qu'en l'espèce, la société Mil's faisait valoir que M. [R] avait reconnu, lors de l'audience devant le juge départiteur, avoir retrouvé un emploi 3 mois après son licenciement et pour un salaire supérieur à celui qu'il percevait antérieurement (conclusions d'appel, p. 16) ; qu'en accordant au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse représentant plus de 14 mois de salaire, sans tenir compte de ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
INCA/JURITEXT000046555957.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1173 F-D Pourvoi n° N 21-13.389 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [P] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-13.389 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société CSF France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La société CFS France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société CSF France, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 octobre 2020), et les productions, M. [L] a été engagé par la société CSF France le 1er avril 1997. Depuis le 1er juin 2013, il occupait les fonctions de directeur d'un magasin de l'enseigne « Carrefour Market ». 2. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et plusieurs accords relatifs à l'aménagement du temps de travail ont été conclus par la société CSF France. 3. Convoqué le 16 décembre 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 décembre 2016, il a été mis à pied à titre conservatoire et licencié pour faute grave le 6 janvier 2017. 4. Contestant les motifs de son licenciement, la validité de la convention de forfait et sollicitant diverses sommes au titre d'un rappel de salaire sur le temps de travail exécuté, de ses déplacements et du travail dissimulé, le salarié a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes indemnitaires à ce titre, alors « qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ; que constituent un moyen de preuve illicite les enregistrements du salarié obtenus à l'aide d'un système de vidéosurveillance dont l'existence n'a pas été portée à la connaissance du personnel ; qu'en retenant que le licenciement de M. [L] reposait sur une faute grave, motifs pris que des enregistrements vidéos par le système de caméra de surveillance du magasin des 2 et 8 décembre 2016 faisaient apparaître le salarié prenant des produits pour les porter dans sa voiture, que l'intéressé avait reconnu les faits, et qu'il ne pouvait justifier du paiement des articles litigieux, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur établissait avoir informé les salariés de l'existence d'un système de vidéosurveillance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-4, L 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et l'article 1383 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Le salarié s'est borné, dans ses conclusions, à rappeler les conditions légales requises pour permettre à un employeur d'installer un système de vidéosurveillance sur le lieu de travail et de se prévaloir des enregistrements à l'encontre de ses salariés, mais n'a aucunement soutenu que les salariés, dont lui-même, n'avaient pas été informés de l'existence d'une vidéosurveillance au sein du magasin et n'a pas tiré de conséquences juridiques des faits qu'il affirmait puisqu'il n'a pas sollicité l'irrecevabilité des pièces litigieuses produites par la société. 8. Il ne peut dès lors être fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir procédé à une recherche qui ne lui était pas demandée. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi incident dont l'examen est préalable aux deuxième et troisième moyens du pourvoi principal Enoncé du moyen 10. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nulle la convention de forfait en jours prévue dans son contrat de travail, alors : « 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant d'une part que l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et ceux qui sont venus lui succéder le 27 juin 2013 et 22 mai 2014 contiennent des dispositions "qui assurent la garantie du respect des repos, journaliers et hebdomadaires" puis que ces accords ne prévoient "aucune disposition spécifique pour assurer le contrôle du repos quotidien de 11 heures consécutives et du repos hebdomadaire de 35 heures continues", la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que l'article 6.4.1 de l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et l'article 4.3 des accords d'entreprise des 27 juin 2013 et 22 mai 2014 prévoient que "les cadres autonomes doivent bénéficier d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives et au minimum d'un repos hebdomadaire de 35 heures continues" ; qu'en leur article 5, les accords d'entreprise des 27 juin 2013 et 22 mai 2014 prévoient que les salariés relevant d'une convention de forfait en jours bénéficient d'un entretien annuel avec la Direction au cours duquel est notamment abordé l'organisation, la charge et l'amplitude de travail et le respect des repos quotidien et hebdomadaire ; qu'en leur article 6.1, ces accords disposent que : "la charge de travail des salariés cadres ne peut jamais justifier le non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires minimums obligatoires. L'organisation et la charge de travail sont adaptées afin que ces repos soient respectés et font l'objet d'un suivi régulier de la part de la hiérarchie de ces salariés" ; qu'en leur article 6. 2, ils prévoient que : "il appartient au supérieur hiérarchique de chaque salarié cadre de suivre régulièrement la charge et l'organisation de travail de celui-ci, afin d'assurer la protection de sa santé et sécurité au travail. Si entre ses entretiens annuels, le salarié considère qu'il rencontre une difficulté concernant sa charge de travail et/ou l'amplitude de ses journées de travail, il en réfère alors à son supérieur hiérarchique et au service des ressources humaines. Une réunion entre le salarié et son supérieur hiérarchique est alors programmée afin qu'ils puissent examiner la situation et trouver des solutions ensemble" ; qu'en jugeant néanmoins que ces accords ne prévoient pas de garanties suffisantes du contrôle du caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail ni aucune disposition spécifique pour assurer le contrôle du repos quotidien de 11 heures consécutives et du repos hebdomadaire de 35 heures continues, lorsqu'un tel contrôle est prévu par le supérieur hiérarchique du salarié de manière régulière ainsi qu'à la demande du salarié à tout moment, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 3°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours n'est pas soumis aux dispositions relatives à la durée quotidienne maximale de travail et aux durées hebdomadaires maximales de travail ; qu'en retenant que les accords d'entreprise des 30 décembre 2008, 27 juin 2013 et 22 mai 2014 ne contiennent aucune disposition spécifique de nature à garantir le respect des durées maximales de travail pour en déduire que ces accords ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et donc à assurer la protection de sa santé et sa sécurité, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les articles L. 3121-45 et L. 3121-48 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, interprétés à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. » Réponse de la Cour 11. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. 12. Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur. 13. Il résulte de l'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. 14. D'abord, c'est sans se contredire que la cour d'appel a retenu, que si l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et ceux qui sont venus lui succéder les 27 juin 2013 et 22 mai 2014 contiennent des dispositions relatives à la garantie du respect des repos journaliers et hebdomadaires, ils ne prévoient en revanche aucune disposition spécifique propre à assurer le contrôle du repos quotidien de onze heures consécutives et du repos hebdomadaire de trente-cinq heures continues puisque le système prévu repose exclusivement sur l'engagement du salarié de veiller lui-même au respect des temps de repos. 15. Elle a ensuite relevé que l'entretien annuel avec le supérieur hiérarchique portant sur le temps de travail, sur l'organisation, la charge et l'amplitude du travail, le respect du repos quotidien et hebdomadaire ainsi que l'articulation entre les temps de vie professionnelle et la vie familiale ne constituait pas à lui seul une garantie suffisante du contrôle du caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail. 16. Elle en a exactement déduit que ces dispositions, qui ne permettaient pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié soumis au forfait en jours et qu'en conséquence la convention de forfait était nulle. 17. Le moyen, inopérant en sa troisième branche comme s'attaquant à un motif surabondant, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. Le salarié grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que des décomptes récapitulant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine constituent des éléments suffisamment précis auquel l'employeur peut répondre ; que pour débouter M. [L] de sa demande de paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies, la cour d'appel a retenu que le salarié, qui produisait un calcul théorique aboutissant à un nombre moyen de 10,5 heures supplémentaires par semaine sans préciser pour chaque année le nombre d'heures accomplies, ne présentait pas d'éléments suffisamment précis pour que l'employeur puisse utilement répondre à sa demande ; qu'en statuant ainsi, quand le décompte hebdomadaire fourni par le salarié, reconstituant les heures de travail accomplies au regard de son amplitude journalière et ses pauses en l'absence de convention de forfait valablement conclue, était suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre sur les heures de travail accomplies, ce qu'il a d'ailleurs fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3171-4 du code du travail : 19. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans ses rédactions issues de l'ordonnance n° 2007-3729 du 12 mars 2007 et de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. 20. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. 21. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. 22. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié présentait un décompte des sommes réclamées, retient qu'il ne précise pas, pour chacune des années, le nombre d'heures supplémentaires prétendument accomplies ; qu'il procède à un calcul théorique qui, appliqué de manière identique pour chacune des trois années concernées par sa demande devrait aboutir à un nombre d'heures supplémentaires similaires d'une année sur l'autre, alors que ses demandes présentent des écarts inexpliqués, ce dont il déduit que les éléments produits par le salarié ne sont pas suffisamment précis pour que l'employeur puisse utilement répondre à sa demande. 23. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé. Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 24. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé, alors « que les heures supplémentaires non payées et non visées au bulletin de paie, résultant de la nullité d'une convention de forfait annuelle en jours, révèlent une situation de travail dissimulé ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera aux chefs de l'arrêt ayant débouté M. [L] de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant débouté le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé. » Réponse de la Cour 25. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires entraîne la cassation du chef de dispositif le déboutant de sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [L] de sa demande relative aux heures supplémentaires et de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 12 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ; Condamne la société CSF France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CSF France et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [L] demandeur au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que son licenciement était fondé sur une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires à ce titre. 1°) ALORS QUE l'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques ; que pour produire ses effets, l'aveu doit être l'expression d'une volonté libre, exempte de tout vice du consentement ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de M. [L] fondé sur une faute grave, que le courrier du salarié du 16 décembre 2016 constituait un aveu extrajudiciaire qui devait être accueilli, quand elle relevait par ailleurs que ce document devait être pris en compte « avec prudence compte tenu du contexte dans lequel il avait été rédigé », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, et a violé l'article 1383 du code civil et les articles L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ; 2°) ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant de son contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise ; que ne constitue pas l'expression d'une volonté libre, exempte de tout vice du consentement, l'aveu du salarié fait à l'occasion de la remise d'une convocation à entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire ; qu'en retenant que le licenciement de M. [L] reposait sur une faute grave en se fondant sur un aveu extrajudiciaire résultant d'un courrier du salarié du 16 décembre 2016, dans lequel il indiquait avoir dérobé des produits du magasin, quand elle constatait que ce document avait été signé au moment de la remise de la convocation à l'entretien préalable en main propre avec mise à pied conservatoire, ce dont elle aurait dû déduire que l'aveu de M. [L] avait été recueilli dans le cadre d'un rapport de force instauré par l'employeur, révélateur d'une situation de contrainte et, à tout le moins, incompatible avec l'exigence d'un consentement libre pour qu'il produise ses effets, la cour d'appel a violé l'article 1383 du code civil et les articles L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ; 3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 18), M. [L] indiquait que pour tenter d'obtenir des preuves contre lui, le DRH et le Directeur Régional de l'entreprise étaient arrivés le 16 décembre 2016 au magasin, l'avaient immédiatement emmené dans son bureau, lui avaient demandé pendant plus d'une heure d'avouer des vols sous menace de plaintes et d'envoi immédiat de la gendarmerie pour perquisitionner son domicile « de préférence en présence de sa femme et de ses enfants », et que ne comprenant pas ce qui lui arrivait, le salarié avait fini, pour obtenir sa liberté, par écrire et signer ce que ces personnes voulaient ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de M. [L] fondé sur une faute grave, que l'aveu extrajudiciaire fait par le salarié dans un courrier du 16 décembre 2016, dans lequel il indiquait avoir dérobé des produits du magasin, devait être accueilli, faute pour l'intéressé de donner plus de détails sur la contrainte qu'il invoquait et de permettre à la cour d'en apprécier la réalité et l'importance, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. [L] et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ; que constitue un moyen de preuve illicite les enregistrements du salarié obtenus à l'aide d'un système de vidéosurveillance dont l'existence n'a pas été portée à la connaissance du personnel ; qu'en retenant que le licenciement de M. [L] reposait sur une faute grave, motifs pris que des enregistrements vidéos par le système de caméra de surveillance du magasin des 2 et 8 décembre 2016 faisaient apparaître le salarié prenant des produits pour les porter dans sa voiture, que l'intéressé avait reconnu les faits, et qu'il ne pouvait justifier du paiement des articles litigieux, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur établissait avoir informé les salariés de l'existence d'un système de vidéosurveillance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-4, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et l'article 1383 du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION M. [L] reproche à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires. 1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que des décomptes récapitulant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine constituent des éléments suffisamment précis auquel l'employeur peut répondre ; que pour débouter M. [L] de sa demande de paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies, la cour d'appel a retenu que le salarié, qui produisait un calcul théorique aboutissant à un nombre moyen de 10,5 heures supplémentaires par semaine sans préciser pour chaque année le nombre d'heures accomplies, ne présentait pas d'éléments suffisamment précis pour que l'employeur puisse utilement répondre à sa demande ; qu'en statuant ainsi, quand le décompte hebdomadaire fourni par le salarié, reconstituant les heures de travail accomplies au regard de son amplitude journalière et ses pauses en l'absence de convention de forfait valablement conclue, était suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre sur les heures de travail accomplies, ce qu'il a d'ailleurs fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ; 2°) ALORS QUE pour débouter M. [L] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que le calcul fondé sur une base appliquée de manière identique sur les trois années concernées par la demande du salarié devrait aboutir à un nombre d'heures supplémentaires similaires d'une année sur l'autre, mais que des écarts inexpliqués existaient entre les trois années ; qu'en statuant ainsi, quand les écarts litigieux s'expliquaient par le caractère incomplet de certaines années ou par l'application des règles de prescription, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-28 du code du travail. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION M. [L] reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé. 1°) ALORS QUE les heures supplémentaires non payées et non visées au bulletin de paie, résultant de la nullité d'une convention de forfait annuelle en jours, révèlent une situation de travail dissimulé ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera aux chefs de l'arrêt ayant débouté M. [L] de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant débouté le salarié de sa demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé. 2°) ALORS QU' est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que les juges doivent rechercher le caractère intentionnel ou non de la dissimulation et statuer selon des motifs propres à caractériser ou écarter cette intention, ceci supposant des constatations de fait précises ; qu'en rejetant la demande en paiement d'une somme au titre du travail dissimulé formée par M. [L] sans autre explication, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société CSF France demanderesse au pourvoi incident La société CSF France fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nulle la convention de forfait en jours prévue dans le contrat de travail de M. [L] 1/ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant d'une part que l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et ceux qui sont venus lui succéder le 27 juin 2013 et 22 mai 2014 contiennent des dispositions « qui assurent la garantie du respect des repos, journaliers et hebdomadaires » puis que ces accords ne prévoient « aucune disposition spécifique pour assurer le contrôle du repos quotidien de 11 heures consécutives et du repos hebdomadaire de 35 heures continues », la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que l'article 6.4.1 de l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008 et l' article 4.3 des accords d'entreprise des 27 juin 2013 et 22 mai 2014 prévoient que « les cadres autonomes doivent bénéficier d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives et au minimum d'un repos hebdomadaire de 35 heures continues »; qu'en leur article 5, les accords d'entreprise des 27 juin 2013 et 22 mai 2014 prévoient que les salariés relevant d'une convention de forfait en jours bénéficient d'un entretien annuel avec la Direction au cours duquel est notamment abordé l'organisation, la charge et l'amplitude de travail et le respect des repos quotidien et hebdomadaire ; qu'en leur article 6.1, ces accords disposent que : « la charge de travail des salariés cadres ne peut jamais justifier le non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires minimums obligatoires. L'organisation et la charge de travail sont adaptées afin que ces repos soient respectés et font l'objet d'un suivi régulier de la part de la hiérarchie de ces salariés » ; qu'en leur article 6. 2, ils prévoient que : « il appartient au supérieur hiérarchique de chaque salarié cadre de suivre régulièrement la charge et l'organisation de travail de celui-ci, afin d'assurer la protection de sa santé et sécurité au travail. Si entre ses entretiens annuels, le salarié considère qu'il rencontre une difficulté concernant sa charge de travail et/ou l'amplitude de ses journées de travail, il en réfère alors à son supérieur hiérarchique et au service des ressources humaines. Une réunion entre le salarié et son supérieur hiérarchique est alors programmée afin qu'ils puissent examiner la situation et trouver des solutions ensemble » ; qu'en jugeant néanmoins que ces accords ne prévoient pas de garanties suffisantes du contrôle du caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail ni aucune disposition spécifique pour assurer le contrôle du repos quotidien de 11 heures consécutives et du repos hebdomadaire de 35 heures continues, lorsqu'un tel contrôle est prévu par le supérieur hiérarchique du salarié de manière régulière ainsi qu'à la demande du salarié à tout moment, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 3/ ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours n'est pas soumis aux dispositions relatives à la durée quotidienne maximale de travail et aux durées hebdomadaires maximales de travail ; qu'en retenant que les accords d'entreprise des 30 décembre 2008, 27 juin 2013 et 22 mai 2014 ne contiennent aucune disposition spécifique de nature à garantir le respect des durées maximales de travail pour en déduire que ces accords ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et donc à assurer la protection de sa santé et sa sécurité, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les articles L. 3121-45 et L. 3121-48 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, interprétés à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
INCA/JURITEXT000046555943.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. AF1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1159 F-D Pourvoi n° A 20-23.172 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La caisse régionale de Crédit agricole mutuelle (CRCAM) Provence Côte d'Azur, société civile coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-23.172 contre l'arrêt rendu le 24 juillet 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à Mme [V] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuelle Provence Côte d'Azur, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juillet 2020), Mme [I] a été engagée le 1er juin 1992 en qualité d'agent commercial par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Provence Côte d'Azur. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle occupait les fonctions de technicienne d'activité support, statut non-cadre. 2. Licenciée pour faute grave le 26 juin 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors : « 1°/ qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'un salarié employé par un établissement bancaire est tenu d'une obligation de probité renforcée et que constitue un manquement à cette obligation le fait, pour l'intéressé, de voler, falsifier ou contrefaire des chèques et de faire usage de chèques contrefaits ou falsifiés ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [I], qui occupait un emploi de technicienne activité support au sein de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur et était appelée à pratiquer des opérations bancaires, a été condamnée pénalement pour des faits de vol, contrefaçon ou falsification de chèques et d'usage de chèques falsifiés ou contrefaits ; qu'en retenant que ces faits, « tirés de sa vie privée », n'étaient pas susceptibles de s'accompagner d'un manquement de la salariée à une obligation découlant du contrat de travail, aux motifs tout aussi inopérants qu'erronés que la salariée n'avait pas utilisé les moyens mis à sa disposition par son employeur et que les obligations invoquées par l'employeur résultant de la réglementation de la profession bancaire, du règlement intérieur et de la charte d'éthique sont en lien direct avec l'exécution même de la prestation de travail alors que les faits litigieux ont été commis en dehors du cadre de l'activité professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 2°/ que manque à son obligation de loyauté le salarié qui s'abstient d'informer l'employeur, comme il le lui avait demandé, de faits susceptibles d'avoir une incidence sur sa capacité à occuper son emploi ; qu'en l'espèce, postérieurement au jugement correctionnel, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Provence Côte d'Azur avait expressément demandé à Mme [I] de l'informer de l'issue de la procédure pénale engagée à son encontre pour des faits de vol, falsification ou contrefaçon de chèques et usage de chèques falsifiés ou contresignés ; que Mme [I] s'était cependant abstenue de l'informer de la confirmation en appel de sa condamnation pénale et du rejet de son pourvoi en cassation ; qu'en considérant que la salariée n'avait pas manqué à son obligation de loyauté au motif que seule la dissimulation d'un fait en rapport avec les activités professionnelles et les obligations qui en résultent peut caractériser un manquement à l'obligation de loyauté, cependant que les faits pour lesquels la salariée a été condamnée emportaient manquement à son obligation de probité et n'étaient pas compatibles avec ses fonctions, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. » 3°/ que, selon l'article 12 de la convention collective nationale du Crédit agricole, « en cas de faute dans l'exercice de la profession, de manquement à la discipline, d'insuffisance de travail, d'absences non motivées, non déclarées à la direction dans les vingt-quatre heures et réitérées, de retards renouvelés et non justifiés, les mesures disciplinaires suivantes peuvent être prises (?) : avertissement, blâme, rétrogradation, licenciement avec préavis et indemnité prévus à l'article 14 de la convention collective, en cas de faute grave, licenciement sans préavis » ; que ce texte n'a pas pour objet de limiter les comportements fautifs susceptibles d'être sanctionnés ; qu'en retenant encore, pour dire que les faits reprochés à Mme [I] ne pouvaient être sanctionnés, qu'ils ne correspondent à aucune des fautes définies par ce texte, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 12 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, modifié par avenant du 18 juillet 2002 ; 4°/ qu'en toute hypothèse, la violation par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail constitue un manquement à la discipline ; qu'en affirmant que les faits reprochés à Mme [I] ne correspondent à aucune des fautes définies par ce texte, la cour d'appel a violé l'article 12 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, modifié par avenant du 18 juillet 2002. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. 5. La cour d'appel, après avoir constaté que la salariée avait été licenciée pour avoir, d'une part, commis des faits de vols de chèques, falsification et usage de chèques falsifiés ou contrefaits au préjudice de son ancien compagnon, et, d'autre part, pour ne pas avoir informé son employeur de l'issue de la procédure pénale comme cela lui avait été demandé, a retenu que ces faits, qui avaient fait l'objet d'une condamnation pénale définitive, avaient été commis en dehors du temps et du lieu de travail et sans que la salariée n'utilisât les moyens mis à sa disposition par son employeur. 6. Elle a ensuite énoncé que les obligations invoquées par la CRCAM, à savoir celles résultant de la réglementation de la profession bancaire (rappelant que le salarié est tenu à une obligation de prudence et de vigilance en matière d'opérations bancaires), du règlement intérieur (rappelant que le salarié doit se conformer aux normes professionnelles et déontologiques), de la charte éthique (rappelant que le salarié doit adopter une conduite responsable et éthique), étaient en lien direct avec l'exécution même de la prestation de travail du salarié, alors qu'en l'espèce, les faits avaient été commis en dehors du cadre de l'activité professionnelle de l'intéressée. Elle a ajouté que le manquement à l'obligation de loyauté devait également être en rapport avec les fonctions professionnelles de la salariée et que seule la dissimulation d'un fait en rapport avec les activités professionnelles et les obligations qui en résultaient pouvait constituer un manquement à la loyauté, en soulignant que l'employeur avait lui-même, dans une lettre du 16 décembre 2013, admis que les faits ne constituaient pas des manquements aux obligations contractuelles. 7. Par ces seuls motifs, elle en a exactement déduit que les faits reprochés à l'intéressée tirés de sa vie personnelle n'étaient pas susceptibles de constituer un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail et de justifier en conséquence le licenciement disciplinaire. 8. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches comme critiquant des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuelle Provence Côte d'Azur La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Mme [I] sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] les sommes de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5.266,44 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 526,64 à titre de congés payés afférents et 52.664,40 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 1. ALORS QU' un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'un salarié employé par un établissement bancaire est tenu d'une obligation de probité renforcée et que constitue un manquement à cette obligation le fait, pour l'intéressé, de voler, falsifier ou contrefaire des chèques et de faire usage de chèques contrefaits ou falsifiés ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [I], qui occupait un emploi de technicienne activité support au sein de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur et était appelée à pratiquer des opérations bancaires, a été condamnée pénalement pour des faits de vol, contrefaçon ou falsification de chèques et d'usage de chèques falsifiés ou contrefaits ; qu'en retenant que ces faits, « tirés de sa vie privée », n'étaient pas susceptibles de s'accompagner d'un manquement de la salariée à une obligation découlant du contrat de travail, aux motifs tout aussi inopérants qu'erronés que la salariée n'avait pas utilisé les moyens mis à sa disposition par son employeur et que les obligations invoquées par l'employeur résultant de la règlementation de la profession bancaire, du règlement intérieur et de la charte d'éthique sont en lien direct avec l'exécution même de la prestation de travail alors que les faits litigieux ont été commis en dehors du cadre de l'activité professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 2. ALORS QUE manque à son obligation de loyauté le salarié qui s'abstient d'informer l'employeur, comme il le lui avait demandé, de faits susceptibles d'avoir une incidence sur sa capacité à occuper son emploi ; qu'en l'espèce, postérieurement au jugement correctionnel, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Provence Côte d'Azur avait expressément demandé à Mme [I] de l'informer de l'issue de la procédure pénale engagée à son encontre pour des faits de vol, falsification ou contrefaçon de chèques et usage de chèques falsifiés ou contresignés ; que Mme [I] s'était cependant abstenue de l'informer de la confirmation en appel de sa condamnation pénale et du rejet de son pourvoi en cassation ; qu'en considérant que la salariée n'avait pas manqué à son obligation de loyauté au motif que seule la dissimulation d'un fait en rapport avec les activités professionnelles et les obligations qui en résultent peut caractériser un manquement à l'obligation de loyauté, cependant que les faits pour lesquels la salariée a été condamnée emportaient manquement à son obligation de probité et n'étaient pas compatibles avec ses fonctions, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail 3. ALORS QUE selon l'article 12 de la convention collective nationale du Crédit Agricole, « en cas de faute dans l'exercice de la profession, de manquement à la discipline, d'insuffisance de travail, d'absences non motivées, non déclarées à la Direction dans les vingt-quatre heures et réitérées, de retards renouvelés et non justifiés, les mesures disciplinaires suivantes peuvent être prises (?) : avertissement, blâme, rétrogradation, licenciement avec préavis et indemnité prévus à l'article 14 de la convention collective, en cas de faute grave, licenciement sans préavis » ; que ce texte n'a pas pour objet de limiter les comportements fautifs susceptibles d'être sanctionnés ; qu'en retenant encore, pour dire que les faits reprochés à Mme [I] ne pouvaient être sanctionnés, qu'ils ne correspondent à aucune des fautes définies par ce texte, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 12 de la convention collective nationale du Crédit Agricole du 4 novembre 1987, modifié par avenant du 18 juillet 2002 ; 4. ALORS QU' en toute hypothèse, la violation par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail constitue un manquement à la discipline ; qu'en affirmant que les faits reprochés à Mme [I] ne correspondent à aucune des fautes définies par ce texte, la cour d'appel a violé l'article 12 de la convention collective nationale du Crédit Agricole du 4 novembre 1987, modifié par avenant du 18 juillet 2002.
INCA/JURITEXT000046555955.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1171 F-D Pourvoi n° M 21-13.066 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [H] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-13.066 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société Loxam, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Y], de Me Haas, avocat de la société Loxam, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 octobre 2020), Mme [Y] a été engagée par la société Hertz équipement France le 9 novembre 2005, en qualité d'attachée commerciale et occupait, depuis le 1er juillet 2012, les fonctions de responsable gestion consommable et produits annexes sous la hiérarchie directe du directeur général de la société. 2. Le 1er janvier 2016, la société Loxam a absorbé la société Hertz équipement France. 3. La salariée a saisi, le 14 avril 2016, la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes. 4. Après avoir été licenciée par lettre du 12 juillet 2016, elle a formé des demandes subsidiaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur et en conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors : « 1°/ que lorsque le contrat de travail est transféré à la suite d'un changement d'employeur, aucune modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur ne peut être imposée ; qu'en jugeant quela salariée avait intégré, à la suite de l'absorption de la société, une entreprise d'une taille significativement plus importante et qu'elle n'était pas en mesure dans ce contexte de prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment, la cour d'appel a violé les articles L 1221-1 et L 1224-1 du code du travail ; 2°/ qu'un salarié n'est tenu d'exercer que les fonctions qui ont été contractuellement convenues ; que la cour d'appel a dit que la salariée n'était pas en mesure de prétendre pouvoir bénéficier de responsabilités équivalentes et jugé qu'une partie des activités pouvait être supprimée, sans rechercher si ces changements entraînaient un changement de qualification et par conséquent une modification du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles 1134 devenu les articles 1103 et 1104 du code civil, L. 1221-1 et L. 1224-1 du code du travail : 6. Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment de la modification. 7. Pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, l'arrêt retient qu'elle a intégré, à la suite de l'absorption de la société Hertz équipement France par la société Loxam, une entreprise d'une taille significativement plus importante et ne peut, dans ce contexte, prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment ni refuser la hiérarchie de la directrice des ventes de la société Loxam. 8. Il énonce également que, dans le cadre du transfert et lorsque le poste de responsable des consommables et produits annexes lui a été proposé le 26 février 2016, par un avenant comprenant une fiche de poste précise, les éléments de son contrat de travail ont été préservés en termes d'intitulé de poste, de coefficient, de rythme de travail, de rémunération et ajoute que la comparaison des fiches de poste fait apparaître que l'essentiel des activités qui avaient été confiées à la salariée précédemment lui était maintenu, même si d'autres avaient déjà été attribuées à des salariés de la société Loxam, la création d'un niveau hiérarchique supplémentaire étant justifiée par la taille de la nouvelle entreprise. 9. Il en conclut que le poste proposé à la salariée n'impliquait pas de modification de son contrat de travail. 10. En statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que la salariée s'était vu imposer une réduction de ses responsabilités et la suppression d'une partie de ses fonctions, ce dont il résultait que l'employeur avait procédé à une modification du contrat de travail qu'elle était en droit de refuser, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches Enoncé du moyen 11. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors : « 3°/ que, dans ses conclusions, la salariée faisait valoir non seulement que la société avait modifié unilatéralement la partie variable de sa rémunération, mais également qu'elle n'avait pas versé ce qu'elle lui devait pour l'année 2016 au titre de cette rémunération variable ; qu'en ne répondant aucunement à ce chef de conclusions pourtant déterminant de la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ que, dans ses conclusions, la salariée faisait valoir l'isolement dont elle avait été l'objet ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 13. Pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que la structure de sa rémunération n'était pas modifiée et que l'intéressée a refusé de réaliser des missions qui lui étaient confiées par sa responsable hiérarchique et était absente à partir du 25 mars 2016. 14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait, d'une part, que la société avait modifié unilatéralement la partie variable de sa rémunération et n'avait pas versé cette rémunération variable au titre de l'année 2016 et, d'autre part, qu'elle avait fait l'objet d'un isolement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail entraîne la cassation du chef de dispositif disant que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboutant de ses demandes à titre subsidiaire, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; Condamne la société Loxam aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Loxam et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [Y] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [H] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur et en conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS en premier lieu QUE lorsque le contrat de travail est transféré à la suite d'un changement d'employeur, aucune modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur ne peut être imposée ; qu'en jugeant que Madame [Y] avait intégré, à la suite de l'absorption de la société, une entreprise d'une taille significativement plus importante et qu'elle n'était pas en mesure dans ce contexte de prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment, la cour d'appel a violé les articles L 1221-1 et L 1224-1 du code du travail ; ALORS en deuxième lieu QU'un salarié n'est tenu d'exercer que les fonctions qui ont été contractuellement convenues ; que la cour d'appel a dit que la salariée n'était pas en mesure de prétendre pouvoir bénéficier de responsabilités équivalentes et jugé qu'une partie des activités pouvait être supprimée, sans rechercher si ces changements entraînaient un changement de qualification et par conséquent une modification du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ; ALORS en troisième lieu QUE dans ses conclusions, la salariée faisait valoir non seulement que la société avait modifié unilatéralement la partie variable de sa rémunération, mais également qu'elle n'avait pas versé ce qu'elle lui devait pour l'année 2016 au titre de cette rémunération variable ; qu'en ne répondant aucunement à ce chef de conclusions pourtant déterminant de la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS en quatrième lieu QUE le courrier de la société Loxam intitulé « Evolution de votre système de rémunération variable », en date du 29 juin 2016, précisait à l'adresse de la salariée « Nous vous confirmons l'évolution du système de rémunération variable auquel vous êtes éligible » ; qu'en affirmant pourtant que la structure de la rémunération n'était pas modifiée, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation de l'article 1134 du code civil et du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; ALORS en cinquième lieu QUE dans ses conclusions, la salariée faisait valoir l'isolement dont elle avait été l'objet ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Madame [H] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et par conséquent de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE lorsque le contrat de travail est transféré à la suite d'un changement d'employeur, aucune modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur ne peut être imposée ; qu'en jugeant que Madame [Y] avait intégré, à la suite de l'absorption de la société, une entreprise d'une taille significativement plus importante et qu'elle n'était pas en mesure dans ce contexte de prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment, pour en conclure que le licenciement pour faute était fondé, la cour d'appel a violé les articles L 1224-1, L 1221-1 et L 1232-1 du code du travail ; ALORS QUE les fonctions qui peuvent être imposées sont celles qui ont été contractuellement convenues : que la cour d'appel a jugé qu'une partie des attributions de la salariée pouvait être supprimée et qu'elle ne pouvait prétendre à conserver des responsabilités équivalentes, sans rechercher si l'ensemble de ces changements entraînait une modification de la qualification ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ; ALORS QU'en matière disciplinaire, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par l'employeur et par le salarié et que si un doute subsiste, il profite au salarié ; que pour dire que les faits n'étaient pas prescrits car le refus de la salariée s'était poursuivi à une période où la salariée n'était plus en arrêt de travail, la cour d'appel a affirmé que Madame [H] [Y] ne verse pas aux débats son ou ses arrêts de travail, que le bulletin de paie du mois d'avril 2016 produit par l'employeur mentionne une absence pour maladie du 08 au 11 avril et du 29 au 31 avril et que celui de mai n'avait pas été communiqué ; qu'en statuant ainsi, elle a fait peser sur la salariée la charge de la preuve que l'arrêt de travail n'était plus en cours et n'a pas fait de surcroît profiter à la salariée le doute sur l'issue de cette preuve ; qu'elle a par conséquent violé l'article L 1332-4 du code du travail ; ALORS QUE les juges ne peuvent modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; qu'il n'était aucunement soutenu par la société Loxam que l'arrêt de travail n'avait pas couru jusqu'au prononcé du licenciement ; qu'en retenant que la preuve n'était pas rapportée que l'arrêt de travail courait jusqu'au prononcé du licenciement, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555941.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1157 F-D Pourvoi n° G 21-13.224 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [E] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-13.224 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Vidimus, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société CG net, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], de la SARL Corlay, avocat de la société Vidimus, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 décembre 2020), à la suite de l'attribution à la société CG Net, devenue la société Vidimus, du marché de nettoyage de la société Renault Trucks Mérignac, sur lequel elle était affectée depuis le 20 janvier 2003 en qualité d'agent d'entretien, Mme [S] a conclu, le 2 novembre 2015, un contrat de travail à temps partiel avec la société entrante avec reprise d'ancienneté au 19 décembre 2006. 2. Elle s'est vue infliger deux avertissements le 21 décembre 2015 et le 18 janvier 2016, puis une mise à pied disciplinaire le 4 mars 2016. 3. Après avoir été convoquée à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire le 8 mars 2016, elle a été licenciée pour faute grave le 23 mars 2016. 4. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester les avertissements et la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une faute grave et de la débouter de l'intégralité de ses demandes indemnitaires consécutives à la rupture du contrat de travail, alors « que l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'employeur avait connaissance des défaillances révélées par un contrôle qualité réalisé le 3 mars 2016 lorsqu'il a prononcé le 4 mars 2016 la mise à pied disciplinaire de la salariée ; qu'en retenant cependant, au motif inopérant que la procédure disciplinaire ayant abouti à la sanction du 4 mars 2016 avait été engagée le 19 février 2016, que l'employeur avait pu prendre en compte ces faits pour licencier la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1331-1 du code du travail : 7. Il résulte de ce texte que l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction. 8. Pour dire que l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire et que le licenciement était fondé, l'arrêt retient que la procédure ayant conduit à la mise à pied disciplinaire du 4 mars 2016 a été introduite avant le 19 février 2016, date de l'entretien préalable, de sorte que les faits constatés le 3 mars 2016 sont de nature à motiver de nouvelles poursuites disciplinaires au titre du licenciement. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait connaissance, le 3 mars 2016, des défaillances retenues à l'appui du licenciement, lorsqu'il a, le 4 mars 2016, notifié une mise à pied disciplinaire à la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'avertissement notifié le 21 décembre 2015 et de la mise à pied disciplinaire notifiée le 4 mars 2016, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société Vidimus aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vidimus et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de l'avertissement notifié le 21 décembre 2015. 1° ALORS QUE ne constitue pas un comportement fautif le fait pour un salarié de ne pas exécuter une tâche dont il ignore qu'elle fait partie de ses attributions ; qu'en retenant que la salariée avait commis une faute en ne faisant pas le ménage des circulations du premier étage, de l'infirmerie et du showroom du chantier auquel elle était affectée sans rechercher si, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la salariée, celle-ci était informée que le nettoyage de ces lieux entrait dans ses attributions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail. 2° ALORS subsidiairement QUE les juges ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant qu'il résultait du cahier des charges et du cahier de liaison produits par l'employeur que la salariée était informée que le nettoyage des circulations du premier étage, de l'infirmerie et du showroom entrait dans ses attributions, quand les documents litigieux, qui faisaient seulement état des prestations que l'employeur s'était engagé à assurer auprès de la société cliente, ne portaient aucune mention en ce sens, la cour d'appel a dénaturé documents précités et ainsi violé l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire du 4 mars 2016 et condamné la société CG Net à lui payer un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied et d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 4 mars 2016. ALORS QUE ne constitue pas un comportement fautif le fait pour un salarié de ne pas exécuter une tâche que l'employeur ne lui donne pas les moyens d'accomplir ; qu'en retenant que l'absence de réalisation de certaines prestations de nettoyage constatée lors d'un contrôle revêtait un caractère fautif sans rechercher si la salariée disposait du temps nécessaire pour effectuer l'ensemble des prestations confiées par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [S] fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR dit son licenciement justifié par une faute grave et de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes indemnitaires consécutives à la rupture du contrat de travail. 1° ALORS QUE ce chef de l'arrêt sera censuré en conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen et/ou le deuxième moyen par application de l'article 624 du code de procédure civile 2° ALORS QUE l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'employeur avait connaissance des défaillances révélées par un contrôle qualité réalisé le 3 mars 2016 lorsqu'il a prononcé le 4 mars 2016 la mise à pied disciplinaire de la salariée ; qu'en retenant cependant, au motif inopérant que la procédure disciplinaire ayant abouti à la sanction du 4 mars 2016 avait été engagée le 19 février 2016, que l'employeur avait pu prendre en compte ces faits pour licencier la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 1333-1 du code du travail
INCA/JURITEXT000046555969.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1188 F-D Pourvoi n° Y 21-13.629 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [Z] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-13.629 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Thales Alenia Space France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Thales Alenia Space France, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 janvier 2021), M. [G] a été engagé, en qualité de contrôleur mécanique, par la société Gert devenue la société Gert Ingenierie, par un contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er juillet 2002, puis, à compter du 15 septembre 2003, par un contrat à durée indéterminée de chantier. 2. Par avenant du 13 octobre 2010, un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun a été substitué au contrat de travail de chantier. 3. Le 1er juillet 2011, la société Gert Ingenierie a été rachetée par la société Geci services, qui a repris le contrat de travail du salarié. 4. Ce dernier a constamment été mis à disposition de la société Alcatel Space devenue la société Thales Alenia Space France (la société Thales), sur son site cannois. 5. Le 8 novembre 2010, le syndicat CGT de la société Thales a transmis à la société Thales la liste des candidats CGT aux élections des délégués du personnel sur laquelle figurait M. [G], en qualité de travailleur mis à disposition sur ce site. 6. Le 3 janvier 2011, la société Gert Ingenierie a informé le salarié du terme de sa mission sur le même site. 7. Le salarié a été licencié par lettre du 12 décembre 2013. 8. Il a répondu les 7 mars et 13 mai 2011, 20 décembre 2012, 30 mai 2013, ainsi qu'en 2016 et en 2020 à divers appels à candidatures de la société Thales. 9. Par requête du 10 décembre 2015, M. [G] a fait attraire la société Thales devant la juridiction prud'homale en invoquant une discrimination syndicale et sollicité le paiement de diverses sommes à ce titre, ainsi que son intégration au sein des effectifs de cette société comme technicien non cadre forfaitisé, niveau 3, coefficient 365, avec un salaire moyen correspondant à celui d'un salarié appartenant à cette catégorie et des mêmes tranche d'âge et ancienneté que lui. 10. Le syndicat CGT Thales Space Cannes est intervenu volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. M. [G] fait grief à l'arrêt de seulement condamner la société Thales au titre de la réparation des faits de discrimination à l'embauche et de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique du fait de la discrimination syndicale, alors « qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, en raison de ses activités syndicales ; qu'il en résulte que la responsabilité civile d'une entreprise utilisatrice pour des faits de discrimination à l'encontre d'un salarié mis à sa disposition peut être poursuivie ; qu'en retenant au contraire que le fait d'avoir contribué à l'éviction du salarié en raison de sa candidature aux élections professionnelles ne peut être valablement invoqué à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, aux motifs que la protection contre la discrimination, à l'exception de la protection du candidat au recrutement, renvoie à l'obligation de l'employeur, ce qui suppose l'existence d'un contrat de travail entre les parties, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, ensemble le principe de la liberté syndicale. » Réponse de la Cour 12. Ayant relevé que M. [G] sollicitait des dommages-intérêts pour préjudice économique en application de l'article L. 1132-1 du code du travail en soutenant qu'il avait été évincé pour un motif discriminatoire, en janvier 2011, du site cannois de la société Thales, la cour d'appel a retenu à bon droit que cet agissement, intervenu dans le cadre de l'exécution du contrat de travail du salarié avec son employeur, la société Gert Ingenierie, ne pouvait être invoqué à l'encontre de la société Thales, entreprise utilisatrice. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 14. M. [G] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il rejette sa demande d'intégration au sein des effectifs de la société Thales, alors « que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en jugeant qu'elle n'a pas le pouvoir d'imposer à l'entreprise utilisatrice, d'intégrer le salarié dans ses effectifs à titre de sanction de la discrimination à l'embauche dont ce dernier a été victime, la cour d'appel a méconnu son office et violé le principe de la réparation intégrale, ensemble le principe de la liberté syndicale. » Réponse de la Cour 15. Aux termes de l'article 1102, alinéa 1, du code civil, chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. 16. Il en résulte que, après avoir relevé que trois des refus d'embauche opposés par la société Thales aux candidatures de M. [G] étaient constitutifs de discrimination syndicale et octroyé à M. [G] une certaine somme en réparation des préjudices moraux et économiques en résultant, la cour d'appel a rejeté à bon droit, sans méconnaître son office, la demande d'intégration au sein de la société Thales. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [G] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [G] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR seulement condamné la société Thales Alenia Space France en réparation des faits de discrimination à l'embauche et de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique du fait de la discrimination syndicale. ALORS QU'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, en raison de ses activités syndicales ; qu'il en résulte que la responsabilité civile d'une entreprise utilisatrice pour des faits de discrimination à l'encontre d'un salarié mis à sa disposition peut être poursuivie ; qu'en retenant au contraire que le fait d'avoir contribué à l'éviction du salarié en raison de sa candidature aux élections professionnelles ne peut être valablement invoqué à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, aux motifs que la protection contre la discrimination, à l'exception de la protection du candidat au recrutement, renvoie à l'obligation de l'employeur, ce qui suppose l'existence d'un contrat de travail entre les parties, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, ensemble le principe de la liberté syndicale. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [G] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'intégration au sein des effectifs de la société Thalès alenia space. ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en jugeant qu'elle n'a pas le pouvoir d'imposer à l'entreprise utilisatrice, d'intégrer le salarié dans ses effectifs à titre de sanction de la discrimination à l'embauche dont ce dernier a été victime, la cour d'appel a méconnu son office et violé le principe de la réparation intégrale, ensemble le principe de la liberté syndicale.
INCA/JURITEXT000046555968.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1187 F-D Pourvoi n° Q 21-17.761 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Le syndicat pour la défense des postiers, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-17.761 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du syndicat pour la défense des postiers, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 6 avril 2021), soutenant que le refus de lui accorder des autorisations spéciales d'absence, sollicitées en application de l'accord-cadre du 4 décembre 1998, constituait des manoeuvres d'obstruction de son activité syndicale, par acte du 19 avril 2018, le syndicat pour la défense des postiers (le SDP) a fait assigner la société La Poste (La Poste) devant le tribunal de grande instance aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour entrave, discrimination syndicale et préjudice moral. 2. La Poste a soulevé l'incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le SDP fait grief à l'arrêt de dire que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative et, en conséquence, de se déclarer incompétent, alors « que si relève de la compétence administrative la définition des conditions matérielles de l'exercice du droit syndical à La Poste, hors le cas où elle ferait l'objet d'un accord conclu sur le fondement de l'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée, le litige relatif à la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'exercice du droit syndical à La Poste relève de la compétence judiciaire, quand bien même ces dispositions résultent d'un accord antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, issu de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 ; que dès lors, en jugeant que le présent litige opposant le SDP à La Poste relève de la compétence de la juridiction administrative et, en conséquence, en se déclarant incompétente, cependant qu'elle constatait que ''les demandes présentées par le SDP concernent exclusivement l'exercice du droit syndical au sein de la société La Poste et plus particulièrement l'application de l'accord relatif au droit syndical du 4 décembre 1998'', la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III. » Réponse de la Cour Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III : 4. Le Tribunal des conflits a, par arrêt du 6 juillet 2020 (n° 4188), énoncé : « (...) Pour ce qui concerne spécialement la définition des règles relatives aux conditions matérielles d'exercice du droit syndical au sein de La Poste, faisant l'objet du présent litige, il résulte des dispositions des articles 29 et 31 de la loi du 2 juillet 1990, qui ont été initialement adoptées en 1990 alors que le personnel de La Poste était composé de fonctionnaires et n'ont pas été remises en cause par la suite, notamment pas par la loi du 9 février 2010, que le législateur a entendu écarter l'application à La Poste des dispositions du code du travail relatives aux institutions représentatives du personnel et aux délégués syndicaux ainsi que de celles qui, relatives aux conditions matérielles de l'exercice du droit syndical, n'en sont pas séparables. Il s'ensuit que, en l'état de la législation applicable, la définition des conditions matérielles de l'exercice du droit syndical à La Poste, qui demeurent régies par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et le décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, relève de la compétence administrative, hors le cas où elle ferait l'objet d'un accord conclu sur le fondement de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée. Il résulte de ce qui précède que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative » (§ 13 et 14). 5. Il en résulte que, si relève de la compétence administrative la définition des conditions matérielles de l'exercice du droit syndical à La Poste, hors le cas où elle ferait l'objet d'un accord conclu sur le fondement de l'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée, le litige relatif à la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'exercice du droit syndical à La Poste relève de la compétence judiciaire, quand bien même ces dispositions résultent d'un accord antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, issu de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005. 6. Pour se déclarer incompétent, l'arrêt retient que la définition des conditions matérielles de l'exercice du droit syndical à La Poste, qui demeurent régies par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et le décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, relève de la compétence administrative, hors le cas où elle ferait l'objet d'un accord conclu sur le fondement de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée, que par ailleurs, La Poste peut conclure, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 20 mai 2005, des accords avec les organisations syndicales dans tous les domaines sociaux afférents à l'activité postale, sur le fondement de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, issu de la loi du 20 mai 2005 et modifié par la loi du 7 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Il retient encore qu'alors même que certaines stipulations de l'accord ne s'appliqueraient qu'aux fonctionnaires en activité au sein de La Poste, toute contestation portant sur la validité, les conditions d'application et la dénonciation d'un accord collectif conclu après l'entrée en vigueur de la loi du 20 mai 2005 en application des dispositions de l'article 31-2, selon les règles particulières qu'il prévoit, relève de la compétence judiciaire, hormis le cas où la contestation concerne des dispositions qui n'ont pas pour objet la détermination des conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail ou des garanties sociales des personnels mais régissent l'organisation du service public. 7. L'arrêt énonce ensuite que les demandes présentées par le SDP concernent exclusivement l'exercice du droit syndical au sein de La Poste et plus particulièrement l'application de l'accord relatif au droit syndical du 4 décembre 1998 et que cet accord ne relève pas de l'exception prévue par l'article 31-2 créé par la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005, en sorte que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative. 8. En statuant ainsi, alors que le litige dont elle était saisie, portant sur la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'exercice du droit syndical à La Poste, prévue par les dispositions de l'accord-cadre du 4 décembre 1998, relève de la compétence judiciaire, quand bien même ces dispositions résultent d'un accord antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, issu de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ; Condamne la société La Poste aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer au syndicat pour la défense des postiers la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour le syndicat pour la défense des postiers MOYEN UNIQUE DE CASSATION Le SDP fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le présent litige relève de la compétence de la juridiction administrative et, en conséquence, de s'être déclaré incompétent, alors : que si relève de la compétence administrative la définition des conditions matérielles de l'exercice du droit syndical à La Poste, hors le cas où elle ferait l'objet d'un accord conclu sur le fondement de l'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée, le litige relatif à la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'exercice du droit syndical à La Poste relève de la compétence judiciaire, quand bien même ces dispositions résultent d'un accord antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, issu de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 ; que dès lors, en jugeant que le présent litige opposant le SDP à La Poste relève de la compétence de la juridiction administrative et, en conséquence, en se déclarant incompétente, cependant qu'elle constatait que « les demandes présentées par le SDP concernent exclusivement l'exercice du droit syndical au sein de la société La Poste et plus particulièrement l'application de l'accord relatif au droit syndical du 4 décembre 1998 », la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;
INCA/JURITEXT000046555940.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1156 F-D Pourvoi n° S 21-10.058 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [E] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-10.058 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société [T] Hazane, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Esthétique formation EF77, 2°/ à l'association Unedic délégation AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2020) et les productions, Mme [H] a été engagée le 10 juillet 2013 par la société Esthétique formation 77 (la société) en qualité de formatrice. 2. Un jugement du conseil de prud'hommes a, le 30 juin 2015, prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux torts de la société, avec les effets d'un licenciement nul et a condamné cette dernière à lui payer diverses sommes. 3. Par jugement du 28 novembre 2016, la société a été mise en liquidation judiciaire, la société Ange-Hazane, prise en la personne de M. [T], désignée mandataire liquidateur. 4. L'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est a formé tierce opposition pour contester la qualité de salariée de l'intéressée. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. La salariée fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire à effet au 31 mars 2014, celle-ci produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non d'un licenciement nul, de fixer les créances de la salariée en conséquence, de déclarer l'arrêt opposable à l'ensemble des parties, y compris l'employeur représenté par le liquidateur, alors « que la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque ; qu'elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'il en résulte que si les moyens invoqués à cette fin par le tiers opposant sont écartés, sa tierce opposition doit être déclarée mal fondée sans que le juge n'ait à procéder à une autre analyse du jugement attaqué ; que la tierce opposante invoquait, à l'encontre du jugement dont tierce opposition était formée, un seul moyen tiré de la fictivité du contrat de travail ; que dès lors que ce moyen était écarté par la cour d'appel, elle devait rejeter sa tierce opposition ; qu'en écartant ce seul moyen invoqué par le tiers opposant, sans rejeter sa tierce opposition, la cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 582, alinéa 2, du code de procédure civile : 6. Selon ce texte, la tierce opposition remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. 7. Pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 31 mars 2014, avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non nul, après avoir relevé qu'aucune des pièces produites par l'Unedic ne permettait de mettre en cause la réalité de la prestation de travail de la salariée pour le compte de la société, moyennant rémunération et dans le cadre d'un lien de subordination, l'arrêt retient que l'employeur ne lui a plus réglé ses salaires à compter du mois de janvier 2014 et que la salariée n'établissait ni ne prétendait avoir informé son employeur de son état de grossesse. Il a par ailleurs fixé au passif de la liquidation judiciaire des sommes différentes de celles déterminées par la décision frappée de tierce opposition. 8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait écarté le grief relatif à l'absence de qualité de salarié et qu'elle n'était saisie d'aucun moyen du tiers opposant portant sur les effets de la résiliation judiciaire et les sommes allouées par le jugement du 30 juin 2015, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9.La salariée fait grief à l'arrêt de limiter les créances au titre des rappels de salaire à diverses sommes au titre de la période de janvier 2014 « jusqu'au 10 avril 2014 », alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé aynt un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui sera prononcée sur la date d'effet du de la résiliation du contrat entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation des chefs de dispositif de l'arrêt par lesquels la cour d'appel a calculé, en considération de cette date, les rappels de salarie, lesquels s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 10. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif critiqué par le quatrième moyen, relatif à la créance de rappel de salaires, calculée en considération de la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. Portée et conséquence de la cassation 11. Sur suggestion du conseil du demandeur, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. 13. Il y a lieu de confirmer le jugement rendu le 15 mai 2018 en ce qu'il a rejeté la tierce opposition de l'AGS CGEA Ile de France Centre Est, confirmé le jugement rendu le 30 juin 2015, qui a ainsi force de chose jugée à l'égard de la société Esthétique formation 77 représentée par son liquidateur et l'a déclaré opposable à l'AGS CGEA Ile de France Centre Est dans la limite des garanties et plafond de l'assurance. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et cinquième moyens qui sont subsidiaires et les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement rendu le 30 juin 2015 relatif à la mise en oeuvre du contrat de prévoyance, l'arrêt rendu le 3 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONFIRME le jugement rendu le 15 mai 2018 en ce qu'il rejette la tierce opposition de l'AGS CGEA Ile de France Centre Est, confirme le jugement rendu le 30 juin 2015 et le déclare opposable à l'AGS CGEA Ile de France Centre Est dans la limite des garanties et plafond de l'assurance ; Condamne l'association Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Centre Est aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Centre Est à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [H] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [E] [H] fait grief à l'arrêt attaqué D'Avoir prononcé la résiliation judiciaire à effet au 31 mars 2014, celle-ci produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et non d'un licenciement nul, fixé les créances de Mme [H] en conséquence, déclaré l'arrêt opposable à l'ensemble des parties, y compris la société Esthétique formation EF 77 représentée par la SCP [T] Hazane en qualité de liquidateur judiciaire, 1°) ALORS QUE la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque ; qu'elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'il en résulte que le tiers opposant doit spécifier dans sa tierce opposition, que ce soit en première instance ou en appel, les chefs de dispositif du jugement qu'il entend faire réformer ou rétracter ; qu'à défaut, la tierce opposition est dénuée d'effet dévolutif ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les AGS demandait, dans le cadre de la tierce opposition, « la réformation du jugement » et de « débouter [E] [H] de ses demandes » ; qu'en faisant jouer à la tierce opposition un effet dévolutif, lors même qu'il résultait de ses propres énonciations que les chefs de dispositif critiqués du jugement initial n'étaient pas précisés dans la tierce opposition de la partie tierce opposante, la cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, en tout état de cause, la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque ; qu'elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'il en résulte que si les moyens invoqués à cette fin par le tiers opposant sont écartés, sa tierce opposition doit être déclarée mal fondée sans que le juge n'ait à procéder à une autre analyse du jugement attaqué ; que la tierce opposante invoquait, à l'encontre du jugement dont tierce opposition était formée, un seul moyen tiré de la fictivité du contrat de travail ; que dès lors que ce moyen était écarté par la cour d'appel, elle devait rejeter sa tierce opposition ; qu'en écartant ce seul moyen invoqué par le tiers opposant, sans rejeter sa tierce opposition, la cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en écartant le seul moyen invoqué au soutien de sa tierce opposition par l'AGS, mais en examinant d'office, pour accueillir la tierce opposition, si le jugement du 30 juin 2015 devait être infirmé, en ce qu'il avait dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul et en considérant ainsi, pour accueillir la tierce opposition, que Madame [H] ne prouverait ni n'alléguerait avoir informé l'employeur de son état de grossesse, la cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile ; En toute hypothèse, 3°) ALORS QU'en relevant d'office, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations préalables sur ce point, le moyen pris de ce que Madame [H] ne prouverait ni n'alléguerait avoir informé l'employeur de son état de grossesse, pour considérer que le jugement avait décidé à tort que la résiliation judiciaire du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en retenant que Madame [H] ne prouverait ni n'alléguerait avoir informé l'employeur de son état de grossesse, pour considérer que le jugement avait retenu à tort que la résiliation judiciaire du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul, mors même que ce point n'était pas contesté dans le cadre de la tierce opposition, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Madame [E] [H] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et non d'un licenciement nul, d'avoir fixé les créances de Mme [H] en conséquence, et d'avoir déclaré l'arrêt opposable à l'ensemble des parties y compris la société Esthétique formation EF 77, représentée par la SCP [T] Hazane en sa qualité de liquidateur judiciaire, 1°) ALORS QU'en énonçant qu'il n'était ni établi ni même prétendu que Madame [H] avait informé son employeur de son état de grossesse, cependant que celle-ci produisait aux débats, non seulement la preuve médicale de son état de grossesse en mars et en avril 2014, mais encore et surtout copie de la lettre recommandée qu'elle avait adressée à son employeur le 15 mars 2014, dans laquelle elle avait expressément écrit à celui-ci « je vous informe que je suis enceinte », la cour d'appel a dénaturé par omission la pièce d'appel n°9 et violé ainsi l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; 2°) ALORS Qu'en tout état de cause, en s'abstenant de viser et d'analyser, même sommairement, la copie de la lettre recommandée que la salariée avait adressée à son employeur le 15 mars 2014, dans laquelle elle avait expressément écrit à celui-ci « je vous informe que je suis enceinte », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Madame [E] [H] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 31 mars 2014, 1°) ALORS QUE l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique ; qu'en fixant la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail au 31 mars 2014, quand il résulte de l'arrêt attaqué qu'il ne s'agissant pas d'un point jugé critiqué par la partie tierce opposante, la cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, en tout état de cause, la charge de l'allégation pèse sur le tiers opposant, à qui il appartient de faire valoir ses griefs et ses articulations de fait et de droit contre le jugement qui lui est opposé ; qu'en se substituant à l'AGS, tiers opposant au jugement du 30 juin 2015, pour relever, en ses lieu et place, le moyen tiré de ce qu'aucun élément ne permettrait de retenir que Madame [H] était restée à disposition de son employeur postérieurement au mois de mars 2014, cependant qu'après avoir écarté le seul moyen invoqué par la tiers opposante à l'encontre du jugement initial, la cour d'appel pouvait seulement déclarer mal-fondé son recours, la cour d'appel a violé l'article 582 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE, en tout état de cause, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations préalables sur ce point, la défense prise de ce qu'aucun élément ne permettrait de retenir que Madame [H] était restée à disposition de son employeur postérieurement au mois de mars 2014, pour refuser d'étendre la date d'effet de la résiliation au-delà du 31 mars 2014, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en fixant la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail au 31 mars 2014, quand une telle demande n'était pas formée devant elle, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en toute hypothèse, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser que le contrat de travail aurait été rompu antérieurement à la date de la résiliation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Madame [E] [H] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité les créances au titre des rappels de salaire à 7 281 euros bruts et à 5 204,71 euros bruts au titre de la période de janvier 2014 « jusqu'au 10 avril 2014 », 1°) ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui sera prononcée sur la date d'effet de la résiliation du contrat de travail entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation des chefs de dispositif de l'arrêt par lesquels la cour d'appel a calculé, en considération de cette date, les rappels de salaire, lesquels s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ; 2°) ALORS QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en énonçant que la date d'effet de la résiliation était fixée au 31 mars 2014 (arrêt, p. 6) et que cette même date d'effet de la résiliation était, cependant, au 10 avril 2014 et qu'il convenait donc de calculer le rappel de salaire pour la période de janvier 2014 jusqu'au 10 avril 2014 (arrêt, p. 7), la cour d'appel, qui s'est contredite et ainsi a violé 455 du code de procédure civile. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Madame [E] [H] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement du 30 juin 2015, sauf en ce qui concernait la mise en oeuvre du régime de prévoyance, et D'AVOIR déclaré l'arrêt opposable à l'ensemble des parties, y compris la société Esthétique Formation EF 77, représentée par la SCP [T] Hazane, ès qualité de liquidateur judiciaire, ALORS QU'il n'existe pas d'indivisibilité entre une décision de condamnation de l'employeur établissant définitivement les créances et une décision déterminant l'étendue de la garantie de l'AGS ; qu'en retenant, cependant, l'existence d'une telle indivisibilité, en se fondant sur l'indivisibilité de l'objet du litige en raison de décisions inconciliables, pour déclarer opposable à l'ensemble des parties, c'est-à-dire y compris au liquidateur judiciaire de la société employeur, sa décision statuant sur appel de ladite tierce opposition, la cour d'appel a violé les articles 584 et 591 du Code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555954.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1170 F-D Pourvoi n° F 20-18.922 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Agent agitateur, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-18.922 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [B] [K], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Mme [K] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Agent agitateur, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [K], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2020), Mme [K] a été engagée par la société Agent agitateur en qualité d'agent artistique, à compter du 2 novembre 2011. Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait un emploi de cadre. 2. Après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 5 juin 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes visant à dire qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral et de discrimination liée à son état de grossesse et, en conséquence, que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul en raison du harcèlement moral dont elle avait été victime et de la discrimination liée à son état de grossesse, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, c'est en se prononçant par voie de simples affirmations, sans viser ni analyser même sommairement les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision que la cour d'appel a, pour juger que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission, retenu, par des motifs expressément adoptés du juge départiteur, que les faits avancés par La salariée, comme laissant présumer une discrimination et un harcèlement moral, étaient justifiés par la société Agent agitateur; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Sous le couvert de griefs non fondés de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve et de fait dont ils ont, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'ils tiennent des articles L. 1154-1 et L. 1134-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination que la justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou à toute discrimination. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence, tout en le déboutant de ses demandes en remboursement de la contrepartie financière et de dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale commis par la salariée, alors : « 3°/ qu'au soutien de sa demande tendant au remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, il se prévalait de violations commises par la salariée à la clause de non-concurrence durant une période d'application de cette clause antérieure à l'intervention de son annulation judiciaire ; que la cour d'appel l'a débouté du surplus de ses demandes, en ce compris l'intégralité de sa demande de remboursement de la contrepartie financière, sans énoncer le moindre motif au soutien de cette décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ enfin, que la nullité de la clause de non-concurrence ne prive pas l'employeur de son droit à indemnisation au titre des actes de concurrence déloyale commis par son ancien salarié ; qu'au soutien de sa demande indemnitaire à ce titre, il se prévalait dans ses conclusions de différents actes de concurrence déloyale commis par la salarié à son détriment et qu'il étayait ces allégations par des preuves ; que la cour d'appel l'a débouté du surplus de ses demandes, en ce compris sa demande indemnitaire au titre des agissements de concurrence déloyale commis par son ancienne salariée, sans énoncer le moindre motif au soutien de cette décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, par motifs adoptés, a retenu que la société ne démontrait pas les actes de concurrence déloyale reprochés à la salariée au titre du non-respect de la clause de non-concurrence. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le rejet de ses pièces 68, 69, 70 et 78, alors « que les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, de sorte que l'employeur est en droit de les consulter hors la présence de l'intéressé ; que la société Agent agitateur faisait valoir que les documents litigieux émanaient des fichiers présents sur l'ordinateur de bureau de la salariée, qu'ils n'étaient pas identifiés comme personnels, et que ces allégations étaient accréditées par une attestation du prestataire informatique de la société relatant de manière circonstanciée les conditions dans lesquelles ces données avaient été récupérées ; qu'en ordonnant le rejet des pièces litigieuses, sans rechercher comme elle y était invitée si elles avaient été nommément identifiées comme "personnelles" ni s'expliquer plus avant sur les conditions de leur obtention au regard de l'attestation du prestataire informatique de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile, L. 1121-1 du code du travail et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 1121-1 du code du travail : 10. Les dossiers et fichiers créés par le salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence. Il en résulte que la production en justice de fichiers n'ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve. 11. Pour rejeter les pièces litigieuses des débats, l'arrêt retient qu'elles proviennent de l'agenda personnel de la salariée et que l'employeur ne justifie pas de conditions régulières de leur obtention. 12. En se déterminant ainsi, quand il n'était pas contesté que les pièces litigieuses provenaient de l'agenda électronique de la salariée, disponible sur son ordinateur professionnel, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces pièces avaient été identifiées comme étant personnelles par leur auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, et au titre des congés payés afférents, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen pris du rejet de pièces ayant trait aux heures de travail effectif réalisées par la salariée, entraînera par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt qui condamne l'employeur à des rappels de salaire au titre de la réalisation d'heures supplémentaires et aux congés payés y afférents. » Réponse de la Cour 14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée les sommes de 32 429,16 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, et de 3 242,91 euros au titre des congés payés afférents, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, Enoncé du moyen 15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence, alors « que les juges, qui sont tenus de respecter les termes du litige, ne sont saisis que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'une partie ; qu'en l'espèce, la salariée s'était bornée à invoquer l'illicéité de la clause de non-concurrence comme moyen de défense contre une demande indemnitaire formée par l'employeur et qu'elle ne formulait aucune demande de nullité dans le dispositif de ses conclusions; qu'en annulant la clause de non-concurrence litigieuse, quand elle n'était saisie d'aucune demande en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile : 16. Il résulte de ce texte que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel. 17. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que cette clause qui interdit à la salariée d'exercer, pendant une durée d'un an sur l'ensemble de l'Union européenne, la profession d'agent artistique, profession pour laquelle elle a acquis une formation spécifique et une expérience professionnelle considérable est nulle en ce qu'elle porte une atteinte excessive à la liberté de travail de l'intéressée. 18. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif des dernières conclusions de la salariée ne figurait aucune demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 19. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société à verser à la salariée diverses sommes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne le rejet des pièces 68, 69, 70 et 78 produites par la société Agent agitateur, condamne la société Agent agitateur à payer à Mme [K] les sommes de 32 429,16 euros à titre des heures supplémentaires, de 3 242,91 euros au titre des congés payés afférents et de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne Mme [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Agent agitateur, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le rejet des pièces 68, 69, 70 et 78 de la société Agent Agitateur, AUX MOTIFS PROPRES QU' ainsi que l'ont relevé à juste titre les juges de première instance, les pièces 68, 69, 70 et 78 produites par la Sarl AGENT AGITATEUR proviennent de l'agenda personnel de la salariée et l'employeur ne justifie pas de conditions régulières de leur obtention ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE ces pièces concernent l'agenda personnel de la salariée ; que l'employeur ne justifie pas de la manière dont il s'est procuré ces documents et dans l'ignorance des circonstances de leur découverte, il convient de les écarter des débats ; 1° ALORS QUE les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, de sorte que l'employeur est en droit de les consulter hors la présence de l'intéressé ; que la société Agent Agitateur faisait valoir (conclusions, p. 19 et 20) que les documents litigieux (prod. n° 4 à 7) émanaient des fichiers présents sur l'ordinateur de bureau de la salariée, qu'ils n'étaient pas identifiés comme personnels, et que ces allégations étaient accréditées par une attestation du prestataire informatique de la société relatant de manière circonstanciée les conditions dans lesquelles ces données avaient été récupérées (prod. n° 8) ; qu'en ordonnant le rejet des pièces litigieuses, sans rechercher comme elle y était invitée si elles avaient été nommément identifiées comme « personnelles » ni s'expliquer plus avant sur les conditions de leur obtention au regard de l'attestation du prestataire informatique de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile, L. 1121-1 du code du travail et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; 2° ALORS, subsidiairement, QU' en statuant comme il vient d'être dit, sans répondre au moyen opérant de l'employeur qui faisait valoir que les pièces litigieuses, non identifiées « personnelles », avaient été recueillies par le prestataire informatique de la société sur les terminaux informatiques à caractère professionnel mis à la disposition de la salariée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge ne doit pas dénaturer le sens clair et précis de l'écrit ; que pour rejeter les pièces litigieuses, la cour d'appel a dit que l'employeur ne justifiait pas de conditions régulières de leur obtention ; qu'en statuant ainsi, quand l'attestation versée aux débats de M. [J], prestataire informatique de la société, relatait précisément les circonstances régulières dans lesquelles il avait personnellement extrait les données litigieuses des terminaux à caractère professionnel mis à la disposition de la salariée, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ce document et violé le principe susvisé ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Agent Agitateur à payer à Mme [K] la somme de 32.429,16 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, et 3.242,91 € au titre des congés payés afférents, AUX MOTIFS QUE la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il appartient toutefois au salarié demandeur de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer ses prétentions ; que le salarié demandeur doit donc produire des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié compte tenu, notamment, des dispositions des articles D. 3171-2 et D.3171-8 du code du travail qui lui imposent d'afficher l'horaire collectif de travail ou, à défaut, de décompter la durée de chaque salarié par un enregistrement quotidien et l'établissement d'un récapitulatif hebdomadaire ; que Madame [B] [K] produit un décompte hebdomadaire (pièce 103) pour toute la période considérée qu'elle étaye par la production de courriels démontrant l'amplitude de ses - 9 – heures de travail au-delà des 35 heures ; qu'ell3e produit également des attestations (pièces 30, 52, 110) qui établissent la matérialité des heures effectuées ; qu'en sens inverse, la Sarl AGENT AGITATEURS n'établit pas de décompte précis ; que le jugement sera infirmé et les demandes au titre des heures supplémentaires accueillies ; 1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen pris du rejet de pièces ayant trait aux heures de travail effectif réalisées par Mme [K], entraînera par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt qui condamne l'employeur à des rappels de salaire au titre de la réalisation d'heures supplémentaires et aux congés payés y afférents ; 2°) ALORS, au surplus, QUE le juge ne doit pas dénaturer le sens clair et précis de l'écrit ; que pour accueillir les demandes prises de la prétendue réalisation d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que la société Agent Agitateur n'établissait pas de décompte précis des heures de travail effectif de la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand les tableaux versés aux débats par l'employeur (prod. n° 9 et 10) établissaient au contraire un décompte rigoureusement minutieux jour par jour et semaine par semaine des heures de travail effectif réalisées par la salariée, la cour d'appel a dénaturé ces documents et violé le principe susvisé ; 3°) ALORS, encore et d'une part, QUE le juge ne doit pas rompre l'égalité des armes dans l'administration de la preuve au détriment d'une partie au procès ; qu'en accueillant sans réserve le décompte des heures versé aux débats par Mme [K] (prod. n° 12) qui consistait en un tableau établi par ses soins, puis en écartant péremptoirement le décompte symétrique de l'employeur (prod. n° 9 et 10), la cour d'appel a rompu l'égalité des armes entre plaideurs au détriment de l'employeur et violé ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme ensemble l'article 1315 du code civil ; 4°) ALORS, encore et d'autre part, QU' en accueillant le décompte des heures versé aux débats par Mme [K] (prod. n° 11) au motif qu'il se trouvait ponctuellement étayé par des emails et des attestations versés aux débats, tout en écartant les décomptes de l'employeur (prod. n° 9 et 10) dont les commentaires contestant la nature professionnelle de certaines activités de la salariée se trouvaient également étayés par des pièces tierces telles que des textos et des emails émanant de la salariée et des attestations de tiers témoins, la cour d'appel a derechef rompu l'égalité des armes entre plaideurs au détriment de l'employeur et violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme ensemble l'article 1315 du code civil ; 5°) ALORS, enfin, QU'aux termes de ses conclusions (p. 21 à 23), la société Agent Agitateur contestait expressément nombre des activités déclarées par Mme [K] comme étant de nature professionnelle, et figurant à ce titre dans ses décomptes d'heures travaillées, et accréditait ces contestations par la production de pièces telles que des textos et des emails émanant de la salariée, et des attestations de témoins ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer que Mme [K] établissait la matérialité des heures effectuées et satisfaisait ainsi à sa part dans l'administration de la preuve d'heures supplémentaires, mais que l'employeur n'établissait pas de décompte précis ; qu'en statuant ainsi, en délaissant les conclusions et pièces par lesquelles l'employeur démontrait le caractère faussement professionnel de nombre des heures - 10 – de travail alléguées par Mme [K], la cour a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile ; TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Agent Agitateur à payer à Mme [K] la somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence, tout en déboutant la société de ses demandes en remboursement de la contrepartie financière et de dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale commis par la salariée, AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de Madame [B] [K] prévoit une clause de non-concurrence ainsi rédigée : « Article 8 – Obligation de non concurrence La salariée s'engage à l'issue de son contrat de travail, quel que soit le motif ou le mode de rupture, à n'exercer aucune activité concurrente à celle de l'Agence sous quelque - 16 – forme ou statut que ce soit, directement ou indirectement, pendant un délai de 12 mois à compter de la date d'effet de la rupture, et sur l'ensemble du territoire de l'UE.Sont considérées comme concurrentes : Toutes activités de conseil, de placement et de représentation ; Des artistes, artistes interprètes, auteurs, réalisateurs et compositeurs, de toutes nationalités, exerçant leur talent en France comme à l'étranger ; En portefeuille ou prospectés par l'Agence au cours des 18 derniers mois d'activités de la salariée. Cette obligation de non-concurrence sera rémunérée à hauteur de 25 % de la rémunération brute de base constatée au cours des 18 derniers mois d'activités de la salariée. La société pourra renoncer unilatéralement à la présente clause, soit dans la lettre marquant la rupture du contrat, soit par écrit au plus tard au terme du préavis de rupture qu'il soit effectué ou non. En cas de violation de la présente clause, la salariée devra rembourser à l'Agence l'ensemble des contreparties pécuniaires versées, outre une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de rémunération calculée sur la moyenne des salaires de base et variable, perçus au cours des 12 mois derniers mois travaillés, sans préjudice de tous dommages et intérêts complémentaires pouvant être dus en raison d'actes de concurrence déloyale » ; qu'ainsi que le soutient à juste titre Madame [B] [K] cette clause couvre un territoire aussi vaste que l'ensemble du territoire de l'Union européenne de sorte qu'elle n'est pas délimitée dans l'espace ; qu'elle comprend un ensemble d'activités extrêmement large de sorte que Madame [B] [K] est dans la stricte impossibilité d'exercer toute profession correspondant tant à sa formation et qu'à son expérience professionnelle, à savoir : cette clause interdit à Madame [B] [K] d'exercer la profession d'agent artistique, profession pour laquelle elle a acquis une formation spécifique et une expérience professionnelle considérable, pendant une durée d'un an sur l'ensemble de l'Union européenne ; que cette clause est nulle en ce qu'elle porte une atteinte excessive à la liberté de travail de la salariée ; que le jugement sera infirmé ; que Madame [B] [K] sera indemnisée à hauteur de 2.500 euros en raison du préjudice subi ; 1°) ALORS QUE les juges, qui sont tenus de respecter les termes du litige, ne sont saisis que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'une partie ; qu'en l'espèce, Mme [K] s'était bornée à invoquer l'illicéité de la clause de nonconcurrence comme moyen de défense contre une demande indemnitaire formée par l'employeur et qu'elle ne formulait aucune demande de nullité dans le dispositif de ses conclusions (p. 50) ; qu'en annulant la clause de non-concurrence litigieuse, quand elle n'était saisie d'aucune demande en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, en tout état de cause, QUE les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige, tels que fixés par les parties ; que la cour d'appel a alloué une certaine somme à Mme [K] en raison du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la nullité de la clause de non-concurrence stipulée à son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, quand elle n'était saisie d'aucune demande en ce sens (cf. conclusions de Mme [K], p. 50 ; arrêt, p. 4, au début), la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'au soutien de sa demande tendant au remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, la société Agent Agitateur se - 17 – prévalait de violations commises par Mme [K] à la clause de non-concurrence durant une période d'application de cette clause antérieure à l'intervention de son annulation judiciaire ; que la cour d'appel a débouté l'employeur du surplus de ses demandes (arrêt, p. 9), en ce compris l'intégralité de sa demande de remboursement de la contrepartie financière, sans énoncer le moindre motif au soutien de cette décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, enfin, QUE la nullité de la clause de non-concurrence ne prive pas l'employeur de son droit à indemnisation au titre des actes de concurrence déloyale commis par son ancien salarié ; qu'au soutien de sa demande indemnitaire à ce titre, la société Agent Agitateur se prévalait dans ses conclusions (p. 25) de différents actes de concurrence déloyale commis par Mme [K] au détriment de la société et qu'elle étayait ces allégations par des preuves ; que la cour d'appel a débouté l'employeur du surplus de ses demandes (arrêt, p. 9), en ce compris sa demande indemnitaire au titre des agissements de concurrence déloyale commis par son ancienne salariée, sans énoncer le moindre motif au soutien de cette décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [K], demanderesse au pourvoi incident Mme [B] [K] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes de voir dire et juger qu'elle avait subi des agissements de harcèlement moral et de discrimination liée à son état de grossesse et, en conséquence, de voir dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul en raison du harcèlement moral et de la discrimination liée à son état de grossesse dont elle avait été victime ; alors 1/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, c'est en se prononçant par voie de simples affirmations, sans viser ni analyser même sommairement les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision que la cour d'appel a, pour juger que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission, retenu, par des motifs expressément adoptés du juge départiteur, que les faits avancés par Mme [B] [K], comme laissant présumer une discrimination et un harcèlement moral, étaient justifiés par la société Agent Agitateur ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555950.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. AF1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1166 F-D Pourvoi n° J 21-11.500 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 L'association L'Anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-11.500 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à M. [X] [S], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de l'association L'Anonyme, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 janvier 2021) et les productions, dans un litige opposant l'association L'Anonyme à son ancien salarié, M. [S], le conseiller de la mise en état a rendu le 28 septembre 2017 une ordonnance enjoignant à l'association de conclure et de communiquer ses pièces avant le 30 octobre 2017 et indiquant qu'à défaut de dépôt des pièces et conclusions, la clôture de la procédure interviendrait le 30 novembre 2017. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. L'association fait grief à l'arrêt de dire l'instance périmée et éteinte, alors : « 1°/ qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, dans un délai de deux ans, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; qu'en se bornant à relever qu'à la suite de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 septembre 2017, l'association n'avait pas déféré à l'injonction de conclure et qu'aucune des parties n'avait plus accompli aucune diligence pendant deux ans, cependant que cette ordonnance, qui se bornait à fixer un délai à l'appelante pour d'éventuelles conclusions en réplique et qui précisait, qu'à défaut, la clôture de la procédure interviendrait le 30 novembre suivant, n'avait pas mis expressément l'accomplissement de diligences à la charge des parties, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ; 2°/ que l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 1996, selon laquelle, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, dans un délai de deux ans, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, demeure applicable aux instances d'appel lorsque le conseil de prud'hommes a été saisi avant le 1er août 2016 ; qu'en écartant, par motifs adoptés, l'application de cette disposition au motif que l'appel avait été interjeté postérieurement au 1er août 2016, cependant que le conseil de prud'hommes avant été saisi le 15 juillet 2015, la cour d'appel a violé les articles 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et R. 1452-8 du code du travail dans sa version antérieure à ce décret. » Réponse de la Cour Vu les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version antérieure à ce décret : 3. Il résulte des deux premiers de ces textes, que les dispositions de l'article R. 1452-8 du code du travail, aux termes desquelles en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, demeurent applicables aux instances d'appel dès lors que le conseil de prud'hommes a été saisi avant le 1er août 2016. 4. Pour déclarer l'instance éteinte par la péremption, l'arrêt retient qu'il est constant que les conclusions du salarié sont en date du 15 septembre 2017, que le 28 septembre 2017, une injonction de conclure pour le 30 octobre 2017 a été adressée à l'association L'Anonyme mais, postérieurement à cette date, aucune partie ne s'est manifestée de manière à faire avancer l'instance ne serait-ce, au vu de cette injonction de conclure, qu'en sollicitant la clôture de la procédure. Il ajoute que, postérieurement à cette injonction de conclure, aucune diligence de nature à faire avancer l'affaire n'a été réalisée par l'une ou l'autre des parties, ne serait-ce que pour informer le magistrat de la mise en état de ce que l'affaire était en état et demander la fixation de l'affaire à une audience de la cour, alors même que le dernier acte de procédure était une ordonnance d'incident rendue par le conseiller de la mise en état le 13 octobre 2017. 5. En statuant ainsi, quand le conseil de prud'hommes avait été saisi le 15 juillet 2016, alors que l'ordonnance du 28 septembre 2017 qui ne prescrivait, en application de l'article 912 du code de procédure civile, que le calendrier d'un éventuel échange de conclusions et de communication de pièces, laissé à l'appréciation des parties, ne mettait pas à la charge de celles-ci des diligences expresses, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour l'association L'Anonyme, L'association L'Anonyme fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit l'instance périmée et éteinte ; ALORS, 1°), QU'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, dans un délai de deux ans, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; qu'en se bornant à relever qu'à la suite de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 septembre 2017, l'association n'avait pas déféré à l'injonction de conclure et qu'aucune des parties n'avait plus accompli aucune diligence pendant deux ans, cependant que cette ordonnance, qui se bornait à fixer un délai à l'appelante pour d'éventuelles conclusions en réplique et qui précisait, qu'à défaut, la clôture de la procédure interviendrait le 30 novembre suivant, n'avait pas mis expressément l'accomplissement de diligences à la charge des parties, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 1996 ; ALORS, 2°), QUE l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 1996, selon laquelle, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, dans un délai de deux ans, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, demeure applicable aux instances d'appel lorsque le conseil de prud'hommes a été saisi avant le 1er août 2016 ; qu'en écartant, par motifs adoptés, l'application de cette disposition au motif que l'appel avait été interjeté postérieurement au 1er août 2016, cependant que le conseil de prud'hommes avant été saisi le 15 juillet 2015, la cour d'appel a violé les articles 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 1996 et R. 1452-8 du code du travail dans sa version antérieure à ce décret.
INCA/JURITEXT000046555944.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1160 F-D Pourvoi n° T 20-23.625 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société United Parcel Service France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-23.625 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [J] [W], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société United Parcel Service France, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020), M. [W] a été engagé le 12 septembre 2005 en qualité de responsable logistique par la société Kiala. A compter du 1er septembre 2011, il est devenu directeur des opérations et du réseau. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er juin 2016 à la société United Parcel Service France avec laquelle la société Kiala avait fusionné. 2. Par lettre du 11 août 2017, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud'homale pour qu'il soit jugé que cette rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de dire que la cour d'appel n'était pas saisie d'un appel incident et de dire que la prise d'acte du salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, alors « que le juge ne peut, tout à la fois, dire qu'il n'est pas saisi d'une demande et se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci ; qu'ainsi, la cour d'appel se prononçant sur une demande du salarié tendant à ce que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, dans le cadre d'un litige à l'appui duquel l'employeur a demandé, de son côté, à ce que la prise d'acte produise les effets d'une démission et à ce qu'en conséquence, le salarié soit condamné au paiement du préavis, ne peut, tout à la fois, dire la prise d'acte justifiée ce qui implique que l'employeur est mal fondé en sa demande en paiement du préavis, et considérer que faute d'avoir sollicité l'infirmation du jugement dans le dispositif de ses écritures, l'employeur ne peut demander une condamnation au titre du préavis et dire qu'elle n'est saisie d'aucun appel incident ; qu'en statuant néanmoins de la sorte, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel qui a condamné la société à payer au salarié diverses sommes, notamment à titre d'indemnité compensatrice de préavis, n'a pas statué, en la rejetant, sur la demande de la société tendant au paiement par l'intéressé de l'indemnité conventionnelle de préavis en conséquence de la prise d'acte produisant les effets d'une démission, mais s'est prononcée sur l'appel principal du salarié et sa demande relative à la prise d'acte et à ses conséquences. 6. Le moyen, qui manque en fait, n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 7. La société fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'était pas saisie d'un appel incident, alors « que s'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020 ayant posé cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en l'espèce, suite à la déclaration d'appel de M. [W] du 27 juin 2018, l'exposante avait, aux termes de ses premières conclusions signifiées le 21 décembre 2018, demandé la condamnation de M. [W] au paiement de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis conventionnel ; que la cour d'appel a constaté qu'elle réitérait cette demande dans le dispositif de ses dernières conclusions, signifiées le 20 juin 2019, en fixant les dommages et intérêts dus par le salarié à la somme de 31.950 € ; qu'elle a rappelé que le 25 septembre 2020, postérieurement à l'ordonnance de clôture, elle avait invité les parties à s'expliquer « sur l'absence dans les seules conclusions de l'intimé prises dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile de demande d'infirmation du jugement déféré » et qu'à cet égard, l'exposante s'était prévalue de ce que la règle posée par l'arrêt du 17 septembre 2020, imposant de faire figurer au dispositif des écritures, une demande expresse d'infirmation ou d'annulation du jugement, lorsque la demande revêtait un tel objet, n'avait vocation à s'appliquer qu'aux instances introduites postérieurement à cette date ; que, pour dire qu'elle n'était saisie d'aucun appel incident, la cour d'appel a retenu que, dans ses conclusions du 21 décembre 2018, la société United Parcel Services France s'était bornée à réclamer le paiement du préavis conventionnel sans solliciter expressément l'infirmation du jugement l'ayant déboutée de ce chef de demande, et que les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile ayant été publiées le 6 mai 2017 et étant applicables aux appels interjetés à compter du 1er septembre 2017, M. [W] avait disposé d'un temps suffisant pour s'approprier ces dispositions et ne se trouvait pas, du fait de leur application, privé du droit à un procès équitable ; qu'en statuant ainsi, en écartant, de manière inopérante, l'atteinte au droit à un procès équitable de M. [W], qui n'était pas en mis en péril par la règle dont elle a fait application, et qu'une telle règle n'avait pas vocation à s'appliquer à l'appel incident de l'exposante qui avait été formé antérieurement au 17 septembre 2020, la cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile, ses articles 551 et 909, ensemble le principe de sécurité juridique, et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 8. Nonobstant les motifs justement critiqués par le moyen, mais qui sont surabondants, la cour d'appel, statuant sur l'appel principal du salarié, a dit que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société à payer à l'intéressé diverses sommes dont une à titre d'indemnité compensatrice de préavis. 9. Le moyen, qui est inopérant, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société United Parcel Service France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société United Parcel Service France et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société United Parcel Service France PREMIER MOYEN DE CASSATION La société UNITED PARCEL SERVICE FRANCE fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR dit que la cour d'appel n'était pas saisie d'un appel incident et, infirmant le jugement, d'AVOIR dit que la prise d'acte de Monsieur [W] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société UNITED PARCEL SERVICE FRANCE lui payer les sommes de 57.598,73 € à titre d'indemnité de licenciement, 30.848,19 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3.084,82 € à titre de congés payés afférents, et 65.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; ALORS QUE le juge ne peut, tout à la fois, dire qu'il n'est pas saisi d'une demande et se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci ; qu'ainsi, la cour d'appel se prononçant sur une demande du salarié tendant à ce que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, dans le cadre d'un litige à l'appui duquel l'employeur a demandé, de son côté, à ce que la prise d'acte produise les effets d'une démission et à ce qu'en conséquence, le salarié soit condamné au paiement du préavis, ne peut, tout à la fois, dire la prise d'acte justifiée ce qui implique que l'employeur est mal fondé en sa demande en paiement du préavis, et considérer que faute d'avoir sollicité l'infirmation du jugement dans le dispositif de ses écritures, l'employeur ne peut demander une condamnation au titre du préavis et dire qu'elle n'est saisie d'aucun appel incident ; qu'en statuant néanmoins de la sorte, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen) La société UNITED PARCEL SERICE FRANCE fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'elle n'était pas saisie d'un appel incident ; ALORS QUE s'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020 ayant posé cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en l'espèce, suite à la déclaration d'appel de Monsieur [W] du 27 juin 2018, l'exposante avait, aux termes de ses premières conclusions signifiées le 21 décembre 2018, demandé la condamnation de Monsieur [W] au paiement de dommages et intérêts pour défaut d'exécution du préavis conventionnel ; que la cour d'appel a constaté qu'elle réitérait cette demande dans le dispositif de ses dernières conclusions, signifiées le 20 juin 2019, en fixant les dommages et intérêts dus par le salarié à la somme de 31.950 € ; qu'elle a rappelé que le 25 septembre 2020, postérieurement à l'ordonnance de clôture, elle avait invité les parties à s'expliquer « sur l'absence dans les seules conclusions de l'intimé prises dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile de demande d'infirmation du jugement déféré » et qu'à cet égard, l'exposante s'était prévalue de ce que la règle posée par l'arrêt du 17 septembre 2020, imposant de faire figurer au dispositif des écritures, une demande expresse d'infirmation ou d'annulation du jugement, lorsque la demande revêtait un tel objet, n'avait vocation à s'appliquer qu'aux instances introduites postérieurement à cette date ; que, pour dire qu'elle n'était saisie d'aucun appel incident, la cour d'appel a retenu que, dans ses conclusions du 21 décembre 2018, la société UNITED PARCEL SERVICES FRANCE s'était bornée à réclamer le paiement du préavis conventionnel sans solliciter expressément l'infirmation du jugement l'ayant déboutée de ce chef de demande, et que les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile ayant été publiées le 6 mai 2017 et étant applicables aux appels interjetés à compter du 1er septembre 2017, Monsieur [W] avait disposé d'un temps suffisant pour s'approprier ces dispositions et ne se trouvait pas, du fait de leur application, privé du droit à un procès équitable ; qu'en statuant ainsi, en écartant, de manière inopérante, l'atteinte au droit à un procès équitable de Monsieur [W], qui n'était pas en mis en péril par la règle dont elle a fait application, et qu'une telle règle n'avait pas vocation à s'appliquer à l'appel incident de l'exposante qui avait été formé antérieurement au 17 septembre 2020, la cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile, ses articles 551 et 909, ensemble le principe de sécurité juridique, et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen) La société UNITED PARCEL SERVICE FRANCE fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que la prise d'acte de Monsieur [W] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société UNITED PARCEL SERVICE FRANCE lui payer les sommes de 57.598,73 € à titre d'indemnité de licenciement, 30.848,19 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3.084,82 € à titre de congés payés afférents, et 65.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; 1. ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur, prenant acte du refus, par le salarié, de la modification de ses responsabilités, lui propose de renoncer à cette dernière ainsi que de maintenir l'intégralité de ses missions telles qu'exercées antérieurement, et qu'à la suite de cette proposition, le salarié, sans y répondre, prend acte de la rupture de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour dire la prise d'acte justifiée, la cour d'appel a retenu que, dans le cadre de la reprise de la société KIALA FRANCE par l'exposante, il résultait du rapport du 12 juillet 2017 relatif aux objectifs de Monsieur [W] que si ce dernier avait conservé sa classification, son niveau de rémunération et de subordination, il n'avait plus d'équipe à encadrer, en sorte qu'en s'abstenant de lui adresser un avenant à son contrat, l'employeur avait manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, ce qui justifiait la prise d'acte de la rupture ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que, par courriel du 13 juillet 2017, antérieur à la prise d'acte intervenue le 10 août suivant et concomitant au rapport (en date du 12 juillet 2017) dont elle a déduit que les responsabilités du salarié avaient été modifiées, l'employeur avait proposé à Monsieur [W], en réponse à une demande de rupture conventionnelle de ce dernier, de « reprendre l'intégralité de ses missions, en précisant qu'elle lui reviennent de plein droit, tout comme le management des équipes », ce dont il résultait que le manquement retenu, auquel l'employeur avait proposé de mettre un terme, n'avait pu faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences s'inférant de ses constatations et a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ; 2. ALORS en tout état de cause QUE la prise d'acte de la rupture du contrat ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu'en cas de manquement de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en retenant uniquement, pour dire la prise d'acte justifiée, l'existence d'un « manquement grave de la société à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail », sans constater que ce manquement avait fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ; 3. ALORS QUE l'employeur avait souligné, pièces à l'appui, qu'aux termes de ses différents courriers, de prise d'acte comme antérieurs, le salarié, qui avait sollicité avec insistance le bénéfice d'une rupture conventionnelle, avait toujours demandé à quitter l'entreprise le 31 août 2017, ce qui correspondait à la veille de sa prise de fonctions au sein de la société HEPPNER en qualité de directeur de l'excellence opérationnelle, poste de très haut niveau dans lequel il ne pouvait avoir été engagé qu'aux termes d'un processus de recrutement antérieur ; que, dans le cadre de la procédure, elle avait fait sommation au salarié de communiquer son contrat de travail et le cas échéant la lettre d'embauche de la société HEPPNER, sommation à laquelle l'intéressé n'avait pas répondu ; que la cour d'appel a elle-même constaté que Monsieur [W] avait « retrouvé dès septembre 2017 un emploi de même niveau de responsabilité et rémunération dans une entreprise majeure du même secteur » ; qu'en s'abstenant de rechercher si Monsieur [W] n'avait pas, en parfaite mauvaise foi, pris acte de la rupture de son contrat parce qu'il n'avait pu obtenir le bénéfice de la rupture conventionnelle aux conditions, notamment financières, fixées par ses soins, ce avant qu'il n'entre dans un nouveau poste de directeur de l'excellence opérationnelle dans une entreprise majeure du même secteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble de son article L. 1222-1 ; 4. ALORS QUE l'exposante avait soutenu que les nouveaux objectifs de Monsieur [W] - sur lesquels la cour d'appel s'est exclusivement fondée pour retenir que les responsabilités et, par suite, le contrat du salarié, avaient été modifiés -, avaient été décidés d'un commun accord avec lui, ce dont elle justifiait par la production de courriers électroniques échangés entre Monsieur [W] et son supérieur hiérarchique, ainsi que l'attestation de ce dernier ; que la cour d'appel a constaté qu'il résultait du courriel du 13 juillet 2017 de la direction des ressources humaines que la modification des responsabilités du salarié avait été décidée d'un commun accord avec lui ; qu'en retenant que l'employeur se serait borné à échanger avec Monsieur [W] sur ses nouveaux objectifs sans lui adresser d'avenant à la modification de son contrat en sorte qu'il aurait manqué à son obligation de loyauté, sans rechercher s'il ne résultait pas des pièces versées aux débats que ces objectifs avaient été fixés d'un commun accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles l'article L. 1231-1 et L. 1221-1 du code du travail, ainsi que de l'article 1103 du code civil.
INCA/JURITEXT000046555945.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1161 F-D Pourvoi n° K 21-10.420 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [W] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-10.420 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Servier France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Servier France, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 décembre 2020), Mme [K] a, par déclaration transmise le 13 juin 2019 sur le Réseau privé virtuel avocats (RPVA), interjeté appel du jugement rendu par un conseil de prud'hommes le 15 mai 2019, l'ayant déboutée de ses demandes, dans une affaire l'opposant à son ancien employeur, la société Servier France. 2. Par ordonnance du 15 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel. 3. Cette ordonnance a été déférée à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de constater la caducité de son appel, alors « que la règle selon laquelle il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ne s'applique qu'aux déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020 ; qu'en appliquant cette règle à la déclaration d'appel de Mme [K] qui datait pourtant du 13 juin 2019, la cour d'appel qui a fait une application immédiate de cette règle de procédure, a privé l'appelante du droit à un procès équitable et a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 5. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies. 6. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d'appel, ayant été affirmée pour la première fois par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 dans un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. 7. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient, d'une part, qu'il résulte des articles 908 et 954 du code de procédure civile que les conclusions d'appelant, qui doivent être remises au greffe dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, doivent déterminer l'objet du litige, soumis à la cour d'appel, portant sur la réformation ou l'annulation du jugement entrepris, d'autre part, que les conclusions de l'appelante, qui, dans leur dispositif, ne critiquent pas le jugement frappé d'appel, ni ne sollicitent son infirmation ou son annulation, ne sont pas conformes aux prescriptions de ces textes. Il ajoute que, sur la question de la présentation des prétentions, la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 ne s'impose ni aux justiciables ni aux juges extérieurs au litige qu'elle tranche et que cette règle de formalisme avait été déjà clairement affirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2019, de sorte que son application à la déclaration d'appel de la salariée, assistée par un professionnel du droit, ne remet pas en cause son droit à l'accès au juge d'appel ni son droit à un procès équitable. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 13 juin 2019, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours, aboutissant à priver la salariée d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société Servier France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Servier France et la condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour Mme [K] Mme [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la caducité de son appel ; Alors 1°) que la règle selon laquelle il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ne s'applique qu'aux déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020 ; qu'en appliquant cette règle à la déclaration d'appel de Mme [K] qui datait pourtant du 13 juin 2019, la cour d'appel qui a fait une l'application immédiate de cette règle de procédure, a privé les appelants du droit à un procès équitable et a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; Alors 2°) que l'application d'une règle de procédure qui porte atteinte au droit au juge, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition et qui n'a jamais été affirmée clairement par la Cour de cassation dans un arrêt publié, aboutit à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en appliquant la règle de procédure selon laquelle lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, au motif que la règle avait été affirmée par un arrêt rendu par la Cour de cassation du 31 janvier 2019, alors que cet arrêt ne posait pas clairement le principe et n'avait pas été publié, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; Alors 3°) que, à titre subsidiaire, la Cour européenne des droits de l'homme considère que l'équité commande de laisser un laps de temps raisonnable, nécessaire aux justiciables pour avoir effectivement connaissance de la décision interne qui la consacre ; qu'en appliquant la règle posée par la Cour de cassation dans un arrêt 31 janvier 2019 à une déclaration d'appel datant du 13 juin 2019, soit moins de six mois après le prononcé de cette décision, la cour d'appel qui n'a pas laissé un laps de temps suffisant à Mme [K] pour avoir effectivement connaissance de cet arrêt, a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
INCA/JURITEXT000046555951.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1167 F-D Pourvoi n° V 21-16.041 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [W] [M], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° V 21-16.041 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Initiative Pyrénées, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], de la SCP Boullez, avocat de l'association Initiative Pyrénées, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 4 mars 2021), M. [M] a été engagé, à compter du 9 octobre 2006, en qualité de directeur général, par le Comité départemental de développement économique (CDDE) des Hautes-Pyrénées, structure créée par le conseil général des Hautes-Pyrénées, devenu l'association Initiative Pyrénées. 2. Par lettre du 2 décembre 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement et informé des motifs économiques à l'origine de cette rupture. Après qu'il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé, le contrat de travail a été rompu le 23 décembre 2016. 3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que seule une cessation complète et définitive de l'activité de l'employeur peut constituer par elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier ; qu'une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que la cessation d'une des activités de l'entreprise résulte de la décision d'un tiers ou de l'entrée en vigueur d'une loi nouvelle ; que, pour dire le licenciement pour motif économique du salarié justifié, la cour d'appel a retenu que "la cessation par le CDDE de son activité de développement économique qui a rendu impossible le maintien du poste de directeur général constitue un motif économique réel et sérieux de licenciement" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que le CDDE avait pris, le 6 avril 2017, le nom d'Initiative Pyrénées, que l'entreprise avait conservé neuf salariés et que celle-ci avait assumé la poursuite de certaines missions jusqu'alors accomplies par le CDDE, ce dont il résultait que "la suppression de l'activité principale de développement économique antérieurement exercée par la structure" ne constituait pas une cessation complète de l'activité de l'employeur, de sorte que le motif économique de licenciement invoqué par l'employeur n'était pas caractérisé, la cour d'appel, qui n'a par ailleurs nullement caractérisé l'existence de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable en la cause : 5. Selon ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à la cessation d'activité de l'entreprise. Seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute de ce dernier. Une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. 6. Pour dire le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse l'arrêt retient que l'employeur, qui ne pouvait plus légalement poursuivre ses activités dans le domaine du développement économique départemental à compter du 1er janvier 2017, a pris le nom d'Initiative Pyrénées avec pour objet le pilotage de la plate-forme d'initiative locale, anciennement Initiative Bigorre, que la poursuite de certaines des missions accomplies jusqu'alors par le CDDE n'est pas de nature à remettre en question la suppression de l'activité principale de développement économique antérieurement exercée par la structure. Elle a ensuite retenu que la cessation par le CDDE de son activité de développement économique, qui a rendu impossible le maintien du poste de directeur général, constitue un motif économique réel et sérieux de licenciement. 7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la cessation d'activité n'était que partielle, peu important que cette cessation résultât de l'entrée en vigueur d'une loi nouvelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ; Condamne l'association Initiative Pyrénées aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Initiative Pyrénées et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [M] MOYEN UNIQUE DE CASSATION M. [W] [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que son licenciement est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ; 1°) ALORS QUE la lettre accompagnant la proposition du contrat de sécurisation professionnelle doit préciser les raisons économiques du licenciement ; qu'à défaut, la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en déboutant M. [M] de l'ensemble de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant qu'elle constatait que « la lettre d'énonciation des motifs de licenciement remise le 2 décembre 2016 à M. [M] au moment de la présentation du CSP, mentionne : « Nous envisageons de rompre votre contrat de travail pour les motifs économiques suivants : Suite à la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, les activités du CDDE dans le domaine du développement économique département ne pourront plus être maintenues et seront transférées à la région. De ce fait, les financements correspondants accordés précédemment au CDDE ne pourront plus être poursuivis à compter du 1er janvier 2017 par le Conseil Départemental. Cette suppression d'activité implique donc la suppression de votre poste de Directeur Général du CDDE. A ce titre, la continuation de l'exécution de votre contrat de travail au sein du CDDE deviendra donc impossible après la date du 31 décembre 2016. C'est dans ce contexte que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement pour motif économique dans le cadre de la suppression de votre poste de travail lié à la suppression de l'activité du développement économique départemental du CDDE (?) » », ce dont il résultait que la lettre accompagnant la proposition du contrat de sécurisation professionnelle ne visait pas l'un des motifs économiques prévus par l'article L. 1233-3 du code du travail et ne répondait pas aux exigences de motivation de l'article L. 1233-16 du code du travail, la cour d'appel a violé ces textes, le premier en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE seule une cessation complète et définitive de l'activité de l'employeur peut constituer par elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier ; qu'une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que la cessation d'une des activités de l'entreprise résulte de la décision d'un tiers ou de l'entrée en vigueur d'une loi nouvelle ; que, pour dire le licenciement pour motif économique de M. [M] justifié, la cour d'appel a retenu que « la cessation par le CCDE de son activité de développement économique qui a rendu impossible le maintien du poste de directeur général constitue un motif économique réel et sérieux de licenciement » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que le CDDE avait pris, le 6 avril 2017, le nom d'Initiative Pyrénées, que l'entreprise avait conservé neuf salariés et que celle-ci avait assumé la poursuite de certaines missions jusqu'alors accomplies par le CDDE, ce dont il résultait que « la suppression de l'activité principale de développement économique antérieurement exercée par la structure » ne constituait pas une cessation complète de l'activité de l'employeur, de sorte que le motif économique de licenciement invoqué par l'employeur n'était pas caractérisé, la cour d'appel, qui n'a par ailleurs nullement caractérisé l'existence de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; 3°) ALORS, plus subsidiairement, QUE l'employeur doit proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser ; que, pour dire que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu que « le salarié qui avait un projet précis de création d'entreprise qu'il a d'ailleurs mené à terme, ne souhaitait aucun reclassement en externe, de sorte que l'employeur n'a pas manqué à son obligation en ne lui soumettant pas avant la rupture du contrat de travail une autre proposition que celle qu'il avait déclinée » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, cependant qu'il appartenait à l'employeur, quel que fût le souhait exprimé par le salarié, de lui proposer tous les postes de reclassement disponibles, la cour d'appel - qui n'a constaté que l'employeur se trouvait dans l'impossibilité de lui en proposer, en l'absence d'emploi disponible - a violé l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; 4°) ALORS, très subsidiairement, QUE, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a retenu, d'une part, que le procès-verbal du conseil d'administration du CDDE du 9 novembre 2016 indiquait que « [U] [F] et [W] [M] ont souhaité faire des choix personnels différents (?) [W] [M] souhaite à ce stade adresser ses remerciements aux élus du département (?) puis il donne quelques détails au sujet du projet scientifique et industriel qu'il envisage de développer à titre personnel dans les Hautes-Pyrénées », d'autre part, que « le salarié a effectivement créé une Sasu Le Divin, installée à Bagnères-de-Bigorre et spécialisée dans l'ingénierie et les services techniques, ce qu'il a confirmé par mail du 12 octobre 2016 à la directrice des services du Conseil départemental » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la volonté de M. [M] de refuser tous postes de reclassement, notamment auprès de l'agence régionale Madeeli dont il était constant qu'elle s'était engagée à reprendre l'ensemble des salariés du CDDE concernés par un licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ainsi que des articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; 5°) ALORS, plus subsidiairement encore, QU'en l'espèce, il résulte des écritures d'appel prises par l'association Initiative Pyrénées et du bordereau des pièces annexé à celles-ci que l'employeur n'a, ni invoqué, ni produit une proposition de reclassement adressée personnellement à M. [M] (cf. conclusions d'appel pp. 20 et 21) ; que, pour débouter le salarié de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que « l'employeur n'a pas manqué à son obligation en ne lui soumettant pas avant la rupture du contrat de travail une autre proposition que celle qu'il avait déclinée » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quel élément elle fondait sa prétendue constatation que l'employeur aurait adressé au salarié une proposition de reclassement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ET ALORS, infiniment subsidiairement, QU'il appartient à l'employeur de proposer au salarié menacé de licenciement pour motif économique, de manière écrite et personnalisée, les emplois disponibles en rapport avec ses compétences, au besoin en lui faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la proposition de reclassement était écrite et personnalisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ainsi que des articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.
INCA/JURITEXT000046555947.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1163 F-D Pourvoi n° M 21-12.836 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], agissant en qualité de mandataire ad'hoc de la société MMS Paga, a formé le pourvoi n° M 21-12.836 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale - section B), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [N] [R], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [L] [H], domicilié [Adresse 3], 3°/ à l'association CGEA Bordeaux, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. M. [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Ekip', ès qualités, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [H], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 novembre 2020), M. [X] a été engagé le 7 mai 2004 en qualité de cuisinier par l'exploitant du restaurant "Chez Arlette", qui a cédé en 2004 le fonds de commerce à M. [R]. 2. A compter du mois de mars 2013, M. [R] a donné son fonds en location-gérance à la société MMS Paga. 3. Par jugement du 10 septembre 2014, la société MMS Paga a été mise en liquidation judiciaire et la société [M] [C] désignée en qualité de liquidateur. 4. Le mandataire liquidateur a notifié au salarié, le 23 septembre 2014, son licenciement pour motif économique « à titre conservatoire ». Parallèlement, il a notifié à M. [R], le 15 septembre 2014, la résiliation du contrat de location-gérance du fonds de commerce. 5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de diverses indemnités. Le 11 mai 2015, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail. 6. Par jugement du 7 juin 2018, les opérations de liquidation judiciaire de la société MMS Paga ont été clôturées pour insuffisance d'actif et la société Ekip' désignée en qualité de mandataire ad'hoc. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. La société Ekip', ès qualités, fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga une somme à titre de dommages-intérêts au profit du salarié pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle, alors « que le salarié doit justifier de l'existence d'un préjudice en cas d'absence de proposition par l'employeur du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en l'espèce, le salarié n'avait formulé aucune demande pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle et n'apportait donc aucun élément pour justifier d'un quelconque préjudice à ce titre ; qu'en retenant d'office que le défaut de proposition a nécessairement causé un préjudice au salarié, la cour d'appel a méconnu, outre le principe de la contradiction, les termes du litige et a ainsi violé les articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 10. Pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga des dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle, l'arrêt, après avoir débouté le salarié de sa demande de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, retient que l'intéressé, qui n'a pu bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle inhérent à un licenciement pour motif économique en raison du refus du mandataire liquidateur qui est revenu sur sa décision initiale quant à la cause de la rupture, a subi un préjudice de ce fait qui sera réparé par une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts. 11. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, le salarié ne présentait pas de demande pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle distincte de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail, ni n'invoquait le non-respect de ces dispositions au titre du défaut de remise des documents de fin de contrat, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts contre la société Ekip', ès qualités, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que M. [X] faisait valoir que le licenciement conservatoire opéré par le mandataire liquidateur n'avait aucune valeur juridique, justifiant en conséquence l'octroi de dommages-intérêts pour le préjudice subi ; qu'en ayant écarté cette demande au motif qu'il ne contestait pas la régularité et le bien fondé du licenciement, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation du principe susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 13. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ne conteste pas la régularité et le bien-fondé du licenciement. 14. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, le salarié soutenait que le licenciement notifié à titre conservatoire par le mandataire liquidateur n'avait aucune valeur juridique, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation du chef de dispositif fixant la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga à une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle n'emporte pas cassation du chef de dispositif de l'arrêt fixant sa créance à une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre du mandataire judiciaire et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de M. [X] au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga à la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle et en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Ekip', ès qualités, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION La Selarl Ekip' fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de M. [X] résulte du licenciement pour motif économique notifié par le mandataire liquidateur et fixé les créances de M. [F] au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga ALORS QUE seul le propriétaire du fonds de commerce soutenait la ruine dudit fonds pour s'opposer au transfert du contrat de travail du salarié sans avoir fait valoir que le gérant de la société MMS PAGA, locataire gérant du fonds, ait été alcoolique ; qu'ainsi les parties étaient contraires sur un fait, l'état de ruine du fonds de commerce au moment de sa restitution ; qu'en retenant que « les parties conviennent, à cet égard, que la faillite du fonds du commerce était due à la gestion calamiteuse du locataire gérant qui souffrait d'un alcoolisme chronique et qui avait fait fuir la clientèle » la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les conclusions. SECOND MOYEN DE CASSATION La Selarl Ekip' fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au profit de M. [X] pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle 1°) ALORS QUE la cour d'appel a soulevé d'office le droit au bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle inhérent à un licenciement pour motif économique, et violé ainsi le principe de la contradiction rappelé à l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le salarié doit justifier de l'existence d'un préjudice en cas d'absence de proposition par l'employeur du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en l'espèce, le salarié n'avait formulé aucune demande pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle et n'apportait donc aucun élément pour justifier d'un quelconque préjudice à ce titre ; qu'en retenant d'office que le défaut de proposition a nécessairement causé un préjudice au salarié, la cour d'appel a méconnu, outre le principe de la contradiction, les termes du litige et a ainsi violé les articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour M. [H] demandeur au pourvoi incident M. [L] [X] reproche à l'arrêt attaqué d'Avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts contre la Selarl Ekip', ès qualités de mandataire ad'hoc de la société MMS Paga. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que M. [L] [X] faisait valoir que le licenciement conservatoire opéré par le mandataire liquidateur n'avait aucune valeur juridique, justifiant en conséquence l'octroi de dommages-intérêts pour le préjudice subi ; qu'en ayant écarté cette demande au motif qu'il ne contestait pas la régularité et le bien fondé du licenciement, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation du principe susvisé.
INCA/JURITEXT000046555953.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1169 F-D Pourvoi n° B 21-18.577 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Asept Inmed, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-18.577 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à M. [R] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Asept Inmed, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 mai 2021), M. [F] a été engagé, à compter du 3 décembre 2007, par la société Asept Inmed en qualité de délégué hospitalier. Victime d'un accident du travail, il a été placé en arrêt de travail à compter du 12 janvier 2016. 2. Après avoir été convoqué, le 13 janvier 2016, à un entretien préalable à son éventuel licenciement, il a été licencié pour faute grave le 5 février 2016. 3. Il a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement du salarié, intervenu en période de suspension de son contrat consécutive à un accident du travail et non justifié par une faute grave, de le condamner à lui payer des sommes au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors : « 1°/ que les juges sont tenus de se prononcer sur l'ensemble des griefs invoqués au soutien du licenciement ; que le salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise, à moins qu'il n'en ait connaissance dans l'exercice de ses fonctions et que leur production soit strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir procédé à deux reprises au transfert d'informations hautement confidentielles sur sa messagerie personnelle : une première fois s'agissant des informations adressées par erreur et dont le caractère particulièrement sensible avait justifié, lors de la découverte de cette erreur, la demande de destruction immédiate des fichiers et le renvoi d'une attestation sur l'honneur certifiant de leur destruction, et une seconde fois le 18 janvier 2016, soit quelque jours après la convocation du salarié à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, s'agissant de 256 courriels professionnels ; que, pour écarter le grief relatif au transfert, par le salarié, de mails professionnels sur sa messagerie personnelle, la cour d'appel a retenu que "le transfert par Monsieur [F] de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle a été opéré quelques jours après la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable ; le salarié (?) a appréhendé des documents (?) dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur le premier transfert de documents auquel le salarié avait procédé, et dont l'examen s'imposait d'autant plus qu'il était constant que le salarié n'avait nullement eu connaissance de ces documents dans l'exercice de ses fonctions mais uniquement en raison d'une erreur d'envoi, et que ces documents n'étaient en rien nécessaire à sa défense dans le cadre du procès prud'homal, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; 2°/ que le salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise ; qu'il n'en va différemment que dans l'hypothèse où, la production de tels documents, dont le salarié a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, s'avère strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur ; que, pour écarter le grief tenant au "transfert par Monsieur [F] de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle", la cour d'appel a retenu qu'il avait "été opéré quelques jours après la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable", en sorte qu' "avisé du projet de son employeur de rompre le contrat de travail, le salarié a[vait] appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après", ce sans que la société ASEPT INMED "ne rapporte pas la preuve que les documents (ainsi) transférés contiennent des informations hautement confidentielles ou présentent un intérêt commercial pour la concurrence" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si le salarié établissait que les documents en cause étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à l'employeur à l'occasion de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-1031 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. » Réponse de la Cour Vu les articles 1353 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-1031 du 10 février 2016 et L. 1222-1 du code du travail : 5. Il résulte de ces textes qu'un salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise que s'ils sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans un litige l'opposant à son employeur. 6. Pour écarter le grief tiré de l'envoi par le salarié, sur sa messagerie personnelle, d'un fichier professionnel reçu par erreur le 8 décembre 2015 et de 256 courriels professionnels transférés en masse le 18 janvier 2016, l'arrêt retient que le contrat de travail comporte une clause de confidentialité, que le salarié a signé une déclaration reconnaissant avoir pris connaissance de la charte informatique de bon usage des ressources informatiques de l'entreprise, qui rappelle le principe de confidentialité des informations, sans pour autant interdire le transfert des mails sur sa messagerie personnelle. Il relève ensuite, que le salarié a procédé au transfert de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle quelques jours après la réception de sa convocation à l'entretien préalable. Il en déduit, qu'avisé du projet de son licenciement, le salarié a appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après. Il ajoute enfin que l'employeur ne rapporte pas la preuve que les documents transférés aient été communiqués à des tiers, contiennent des informations hautement confidentielles ou présentent un intérêt commercial pour la concurrence, ce dont il déduit que l'employeur ne peut se prévaloir d'une faute grave du fait de ce transfert. 7. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si le salarié établissait que les documents en cause étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à son employeur à l'occasion de son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la convention de forfait annuelle en jours, alors « que les juges ne peuvent examiner que les seules prétentions rappelées au dispositif des conclusions ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses écritures, le salarié sollicitait une condamnation "au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel en jours" ; que, pour condamner l'exposante au titre de la nullité de la convention de forfait annuel, la cour d'appel a retenu que "M. [F], qui reproche à son employeur un défaut de suivi de sa charge de travail, se prévaut de la nullité de la convention de forfait et réclame le paiement de dommages et intérêts à ce titre" ; qu'en statuant ainsi, quand le dispositif des écritures du salarié ne faisait pas état d'une telle demande, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 954 du code de procédure civile en ses premier, deuxième et troisième alinéas : 9. Selon ce texte, d'une part, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, d'autre part, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. 10. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la convention annuelle de forfait en jours, l'arrêt retient que l'employeur n'établit pas que le salarié a bénéficié d'un entretien annuel d'évaluation portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie professionnelle et la vie privée. Il ajoute que l'employeur ne démontre pas avoir été placé en capacité d'opérer un contrôle effectif du salarié lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée de travail raisonnable ou de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé. Il en déduit que la convention de forfait en jours est nulle et que le salarié qui ne demande pas le paiement d'heures supplémentaires a droit au paiement de dommages-intérêts. 11. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses dernières conclusions, le salarié se bornait à solliciter le paiement d'une somme au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel en jours, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [F] de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du caractère vexatoire du licenciement, l'arrêt rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Asept Inmed PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [F], intervenu en période de suspension de son contrat consécutive à un accident du travail et non justifié par une faute grave, d'AVOIR condamné la société ASEPT INMED à payer à Monsieur [F] les sommes de 25.518,69 € au titre de l'indemnité de préavis, 2. 551,86 euros bruts au titre des congés payés y afférents, 21.486,74 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 51.038 € correspondant à 6 mois de salaire à titre d'indemnité pour licenciement nul ; 1. ALORS QUE les juges sont tenus de se prononcer sur l'ensemble des griefs invoqués au soutien du licenciement ; que le salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise, à moins qu'il n'en ait connaissance dans l'exercice de ses fonctions et que leur production soit strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Monsieur [F] d'avoir procédé à deux reprises au transfert d'informations hautement confidentielles sur sa messagerie personnelle : une première fois s'agissant des informations adressées par erreur et dont le caractère particulièrement sensible avait justifié, lors de la découverte de cette erreur, la demande de destruction immédiate des fichiers et le renvoi d'une attestation sur l'honneur certifiant de leur destruction, et une seconde fois le 18 janvier 2016, soit quelque jours après la convocation du salarié à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, s'agissant de 256 courriels professionnels ; que, pour écarter le grief relatif au transfert, par Monsieur [F], de mails professionnels sur sa messagerie personnelle, la cour d'appel a retenu que « le transfert par Monsieur [F] de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle a été opéré quelques jours après la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable ; le salarié (?) a appréhendé des documents (?) dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur le premier transfert de documents auquel le Monsieur [F] avait procédé, et dont l'examen s'imposait d'autant plus qu'il était constant que le salarié n'avait nullement eu connaissance de ces documents dans l'exercice de ses fonctions mais uniquement en raison d'une erreur d'envoi, et que ces documents n'étaient en rien nécessaire à sa défense dans le cadre du procès prud'homal, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; 2. ALORS QUE le salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise ; qu'il n'en va différemment que dans l'hypothèse où, la production de tels documents, dont le salarié a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, s'avère strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur ; que, pour écarter le grief tenant au « transfert par Monsieur [F] de ses mails professionnels sur sa messagerie personnelle », la cour d'appel a retenu qu'il avait « été opéré quelques jours après la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable », en sorte qu' « avisé du projet de son employeur de rompre le contrat de travail, le salarié a[vait] appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et dont la production pouvait s'avérer nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après », ce sans que la société ASEPT INMED « ne rapporte pas la preuve que les documents (ainsi) transférés contiennent des informations hautement confidentielles ou présentent un intérêt commercial pour la concurrence » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si le salarié établissait que les documents en cause étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à l'employeur à l'occasion de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n°2016-1031 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1222-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; 3. ALORS QUE lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave, il revient aux juge d'examiner si, pris ensemble, les manquements invoqués au soutien de celle-ci en relèvent ; qu'en l'espèce, il était constant que Monsieur [F] avait attendu 7 jours et sa convocation un entretien préalable à un éventuel licenciement avant de renvoyer à l'exposante l'attestation sur l'honneur confirmant la destruction du fichier hautement confidentiel qui lui avait été adressé par erreur, étant précisé que les autres commerciaux avaient tous renvoyé cette attestation dans les temps, le retard n'excédant pas 30 minutes ; qu'en retenant que le seul retard mis par Monsieur [F] à renvoyer l'attestation en cause était insuffisant à justifier du licenciement d'un salarié ayant 8 années d'ancienneté dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas examiné ce grief à l'aune du comportement déloyal qui lui était reproché, résultant non seulement de son retard à attester de la destruction des documents en cause, mais aussi de ce qu'il s'était adressé ces documents à lui-même sur son adresse personnelle dès leur réception, de même que 256 autres fichiers après l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision violé l'articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-6 du code du travail, ces deux derniers articles dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; 4. ALORS QUE lorsque les faits reprochés au soutien du licenciement sont établis, c'est au salarié qui se prévaut d'une tolérance de l'employeur, qu'il revient d'en apporter la preuve ; qu'en retenant, pour dire infondé le grief reprochant au salarié d'avoir, en méconnaissance des directives expresses qui lui avaient été délivrées, utilisé une adresse mail personnelle pour communiquer avec les clients, la cour d'appel a retenu « qu'une telle pratique ne pouvait être ignorée par l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le salarié établissait la tolérance dont il se prévalait, la cour d'appel a violé l'article 1353, anciennement 1315, du code civil ; 5. ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner les griefs invoqués à l'appui du licenciement ; que, pour écarter le grief tenant à l'utilisation abusive à des fins privées du téléphone professionnel du salarié, la cour d'appel a retenu que Monsieur [F] ne s'était pas vu interdire de passer des appels privés et qu'il n'avait pas excédé son forfait ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans examiner si Monsieur [F] n'avait pas fait un usage abusif de son téléphone professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. SECOND MOYEN DE CASSATION La société ASEPT INMED fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Monsieur [F] la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité de la convention de forfait annuelle en jours ; 1. ALORS QUE les juges ne peuvent examiner que les seules prétentions rappelées au dispositif des conclusions ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses écritures, Monsieur [F] sollicitait une condamnation « au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel en jours » ; que, pour condamner l'exposante au titre de la nullité de la convention de forfait annuel, la cour d'appel a retenu que « M. [F], qui reproche à son employeur un défaut de suivi de sa charge de travail, se prévaut de la nullité de la convention de forfait et réclame le paiement de dommages et intérêts à ce titre » ; qu'en statuant ainsi, quand le dispositif des écritures du salarié ne faisait pas état d'une telle demande, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ; 2. ALORS subsidiairement QUE selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en considérant que l'indemnisation résultant de la nullité d'une convention de forfait n'était pas nouvelle par rapport à celle tendant l'indemnisation du dépassement dudit forfait, présentée devant premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ; 3. ALORS plus subsidiairement QUE la méconnaissance de la règle relative à l'existence d'un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié ayant conclu une convention de forfait n'entraîne pas la nullité de ladite convention, et le salarié, qui prétend être indemnisé de l'absence d'un tel entretien, doit établir l'existence d'un préjudice en résultant ; que, pour condamner l'exposante au paiement de dommages et intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait, la cour d'appel, après avoir retenu que la société ASEPT INMED n'établissait pas que Monsieur [F] avait bénéficié de l'entretien annuel portant sur la charge de travail prévu par l'article L. 3121-46 du code du travail, a considéré « qu'il s'en déduit que la convention de forfait est nulle et de nul effet » et que « Monsieur [F], qui ne formule pas de demande de paiement d'heures supplémentaires, a droit au paiement de dommages et intérêts » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser de préjudice résultant de l'absence de tenue de l'entretien prévu par l'article L. 3121-46 du code du travail, laquelle n'était pas, en outre, de nature à entraîner la nullité de la convention de forfait, la cour d'appel a violé les articles 1131-1, anciennement 1147, du code civil et L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi 2008-789 du 20 août 2008.
INCA/JURITEXT000046555952.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1168 F-D Pourvoi n° Z 21-17.563 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [C] [E], domicilié [Adresse 1], [Localité 6], a formé le pourvoi n° Z 21-17.563 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4,3), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'association UNEDIC AGS-CGEA de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], 2°/ à la société Etude Balincourt, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 5], prise en la personne de M. [M] [O], en qualité de liquidateur de la société Hydrotec Provence, défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Etude Balincourt, ès qualités, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 2021), M. [E] a été engagé, à compter du 14 décembre 1991, par la société Hydrotech Provence, en qualité de tourneur. Il a été élu délégué du personnel à compter du 20 janvier 2014. 2. Après annulation par la cour administrative d'appel de Marseille, par arrêt du 13 octobre 2017, de la décision de l'inspecteur du travail, du 5 août 2014, de refuser l'autorisation de licencier le salarié, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement du salarié le 13 décembre 2017, licenciement qui lui a été notifié le 19 décembre 2017 pour faute grave. Le recours contre la décision d'autorisation du 13 décembre 2017 a été définitivement rejeté par jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2020. 3. Par arrêt infirmatif, du 1er juillet 2016, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a renvoyé M. [E] des fins de la poursuite d'avoir exercé des violences volontaires le 5 juin 2014, sur la personne d'un autre salarié. 4. Après avoir saisi, le 12 novembre 2015, la juridiction prud'homale de diverses demandes, le salarié a formé en dernier lieu des demandes au titre de la rupture de son contrat de travail. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la faute grave est caractérisée, de le débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice pour les congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, alors « que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de chose jugée à l'égard de tous et il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; qu'en retenant à l'encontre du salarié une faute grave résultant des blessures infligées à son collègue le 5 juin 2014, tout en constatant qu'il avait été relaxé des poursuites pour violences exercées à propos des mêmes faits par arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 1er juillet 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal. » Réponse de la Cour Vu le principe de l'autorité au civil, de la chose jugée au pénal : 6. Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision. 7. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et débouter le salarié de ses demandes en paiement de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient d'abord, que s'il appartient à l'employeur, pour se dispenser des obligations de délai-congé et d'indemnisation, d'apporter la preuve de la faute grave qui doit contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables, en l'espèce il doit être tenu pour acquis la faute du salarié constitutive de la cause réelle et sérieuse du licenciement. 8. Il relève ensuite, d'une part, que si le salarié impute à l'employeur sa réaction, il ne démontre pas de lien entre le manquement établi de l'employeur à l'obligation de sécurité et son attitude ni ne produit de pièce médicale justifiant de troubles ou de médications ayant pu influer sur son comportement et, d'autre part, que le caractère isolé de cette irruption de violence dans son exercice professionnel n'en prive pas la faute commise de son degré de gravité, s'agissant de faits qui se sont déroulés sur le lieu de travail et dont la soudaineté, l'intensité et la détermination manifestée rendaient impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis. 9. En statuant ainsi, alors que la décision de relaxe devenue définitive dont avait bénéficié le salarié, poursuivi pour avoir exercé des violences volontaires sur son collègue, était motivée par le fait qu'il n'était pas possible d'apprécier le déroulement exact des faits et l'origine de l'altercation ayant opposé, sur le lieu de travail, l'intéressé à son collègue au cours de laquelle ce dernier avait été blessé, la cour d'appel a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une faute grave et déboute M. [E] de ses demandes au titre de l'indemnité de licenciement, des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, l'arrêt rendu le 2 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la SELARL Balincourt en qualité de liquidateur de la société Hydrotech Provence aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SELARL Balincourt, ès qualités, et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [E] M. [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la faute grave est caractérisée, de l'AVOIR débouté de ses demandes d'une indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice pour les congés payés afférents et d'indemnité de licenciement et d'AVOIR fixé au passif de la SAS Hydrotech Provence les créances de [C] [E] pour les seules sommes suivantes : 3000€ à titre de dommages et intérêt pour violation de l'obligation de sécurité et 2000 euros à titre de contribution aux frais irrépétibles ; ALORS QUE les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de chose jugée à l'égard de tous et il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; qu'en retenant à l'encontre de M. [E] une faute grave résultant des blessures infligées à M. [K] le 5 juin 2014, tout en constatant qu'il avait été relaxé des poursuites pour violences exercées à propos des mêmes faits par arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 1er juillet 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal.
INCA/JURITEXT000046555946.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1162 F-D Pourvoi n° K 21-12.835 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], agisssant en qualité de mandataire ad'hoc de la société MMS Paga, a formé le pourvoi n° K 21-12.835 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale - section B), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Z] [M], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [H] [N], domicilié [Adresse 3], 3°/ à l'association CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. M. [N] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Ekip', ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 novembre 2020), M. [N] a été engagé le 8 janvier 1990 en qualité de cuisinier par l'exploitant du restaurant "Chez Arlette", qui a cédé en 2004 le fonds de commerce à M. [M]. 2. A compter du mois de mars 2013, M. [M] a donné son fonds en location-gérance à la société MMS Paga. 3. Par jugement du 10 septembre 2014, la société MMS Paga a été mise en liquidation judiciaire et la société [C] [L] désignée en qualité de liquidateur. 4. Le mandataire liquidateur a notifié au salarié, le 23 septembre 2014, son licenciement pour motif économique « à titre conservatoire ». Parallèlement, il a notifié à M. [M], le 15 septembre 2014, la résiliation du contrat de location-gérance du fonds de commerce. 5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de diverses indemnités. Le 3 mars 2015, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail. 6. Par jugement du 7 juin 2018, les opérations de liquidation judiciaire de la société MMS Paga ont été clôturées pour insuffisance d'actif et la société Ekip' désignée en qualité de mandataire ad'hoc. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. La société Ekip', ès qualités, fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga une somme à titre de dommages-intérêts au profit du salarié pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle, alors « que le salarié doit justifier de l'existence d'un préjudice en cas d'absence de proposition par l'employeur du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en l'espèce, le salarié n'avait formulé aucune demande pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle et n'apportait donc aucun élément pour justifier d'un quelconque préjudice à ce titre ; qu'en retenant d'office que le défaut de proposition a nécessairement causé un préjudice au salarié, la cour d'appel a méconnu, outre le principe de la contradiction, les termes du litige et a ainsi violé les articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 10. Pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga des dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle, l'arrêt, après avoir débouté le salarié de sa demande de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, retient que l'intéressé, qui n'a pu bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle inhérent à un licenciement pour motif économique en raison du refus du mandataire liquidateur qui est revenu sur sa décision initiale quant à la cause de la rupture, a subi un préjudice de ce fait qui sera réparé par une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts. 11. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, le salarié ne présentait pas de demande pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle distincte de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail, ni n'invoquait le non-respect de ces dispositions au titre du défaut de remise des documents de fin de contrat, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en retenant que le salarié ne contestait ni la régularité, ni le bien-fondé du licenciement pour le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant qu'il demandait la confirmation du jugement, dont les motifs révélaient que le licenciement ne répondait pas aux exigences de fond posées par les articles L. 1233-15 et L. 1233-16 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 455 et 954, alinéa 6, du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : 13. Selon le premier de ces textes, tout jugement doit être motivé. 14. Aux termes du second, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. 15. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ne conteste pas la régularité et le bien-fondé du licenciement. 16. En statuant ainsi, sans répondre aux motifs du jugement dont le salarié demandait la confirmation, selon lesquels le licenciement notifié à titre conservatoire par le mandataire liquidateur ne satisfaisait pas aux exigences de fond posées par les articles L. 1233-15 et L. 1233-16 du code du travail, la cour d'appel a méconnu les exigences du premier des textes susvisés et violé le second. Portée et conséquences de la cassation 17. La cassation du chef de dispositif fixant la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga à une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle n'emporte pas cassation du chef de dispositif de l'arrêt fixant sa créance à une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre du mandataire judiciaire et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de M. [N] au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga à la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle et en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Ekip', ès qualités, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION II.- La Selarl Ekip' fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de M. [N] résulte du licenciement pour motif économique notifié par le mandataire liquidateur et fixé les créances de M. [N] au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga ALORS QUE seul le propriétaire du fonds de commerce soutenait la ruine dudit fonds pour s'opposer au transfert du contrat de travail du salarié sans avoir fait valoir que le gérant de la société MMS PAGA, locataire gérant du fonds, ait été alcoolique ; qu'ainsi les parties étaient contraires sur un fait, l'état de ruine du fonds de commerce au moment de sa restitution ; qu'en retenant que « les parties conviennent, à cet égard, que la faillite du fonds du commerce était due à la gestion calamiteuse du locataire gérant qui souffrait d'un alcoolisme chronique et qui avait fait fuir la clientèle » la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les conclusions. SECOND MOYEN DE CASSATION IV.- La Selarl Ekip' fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société MMS Paga une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au profit de M. [N] pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle 1°) ALORS QUE la cour d'appel a soulevé d'office le droit au bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle inhérent à un licenciement pour motif économique, et violé ainsi le principe de la contradiction rappelé à l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le salarié doit justifier de l'existence d'un préjudice en cas d'absence de proposition par l'employeur du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en l'espèce, le salarié n'avait formulé aucune demande pour non-respect des dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle et n'apportait donc aucun élément pour justifier d'un quelconque préjudice à ce titre ; qu'en retenant d'office que le défaut de proposition a nécessairement causé un préjudice au salarié, la cour d'appel a méconnu, outre le principe de la contradiction, les termes du litige et a ainsi violé les articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile. Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [N] demandeur au pourvoi incident M. [N] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en retenant que le salarié ne contestait ni la régularité, ni le bien-fondé du licenciement pour le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant qu'il demandait la confirmation du jugement, dont les motifs révélaient que le licenciement ne répondait pas aux exigences de fond posées par les articles L. 1233-15 et L. 1233-16 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555988.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 22-81.687 F-D N° 01366 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [N] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 10 novembre 2021, qui, pour fraude fiscale, omission d'écritures en comptabilité et travail dissimulé, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis et une interdiction définitive de gérer, a ordonné une mesure de confiscation et prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile. Un mémoire personnel, un mémoire en défense et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur départemental des finances publiques de l'Ain, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 29 mai 2019, M. [N] [T] a été déclaré coupable des chefs susvisés. Le tribunal correctionnel a notamment prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, et ce à titre définitif. 3. M. [T] et le procureur de la République ont formé appel de cette décision. Examen de la recevabilité du mémoire 4. Le mémoire, produit au nom de M. [T] par un avocat au barreau de Lyon, ne porte pas la signature du demandeur. 5. En application des articles 584 et suivants du code de procédure pénale, il n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir. Examen du moyen relevé d'office et mis dans le débat Vu l'article 111-3 du code pénal : 6. Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi. 7. Après avoir déclaré M. [T] coupable notamment de fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'arrêt attaqué l'a condamné notamment, à l'interdiction définitive de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société. 8. En prononçant ainsi une interdiction de gérer toute entreprise ou toute société, alors que l'article 1750 du code général des impôts applicable aux délits reprochés, limite une telle interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 9. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 9. La cassation, qui sera limitée aux dispositions relatives à la peine complémentaire d'interdiction de gérer prononcée, aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 10 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relative à la peine d'interdiction de gérer prononcée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT que l'interdiction définitive de gérer prononcée à titre de peine complémentaire contre M. [T] est limitée à la direction ou à la gestion, directes ou indirectes, d'une entreprise commerciale ou industrielle ou d'une société commerciale ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555989.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 22-82.334 F-D N° 01367 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [R] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 31 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de blanchiment aggravé, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 7 juin 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [R] [X], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une procédure d'information ouverte du chef susvisé, M. [R] [X] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation de pièces de la procédure. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité déposée par M. [X], alors « que tout arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; qu'en l'espèce, l'arrêt ne mentionne pas le nom des trois magistrats ayant composé la juridiction ; qu'en première page, figure seulement la mention suivante : « tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale » (arrêt, p. 1) ; qu'il est indiqué plus loin qu'a notamment été entendue « Mme CARBONARO, président, en son rapport » (arrêt, p. 2) ; qu'en l'état de ces énonciations, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la juridiction, de sorte que l'arrêt attaqué viole les articles 191, 216 et 592 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 191, 216 et 592 du code de procédure pénale : 4. Selon ces textes, tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu. 5. Il résulte des mentions de l'arrêt critiqué que les débats se sont déroulés devant une formation collégiale composée de trois magistrats, dont seul le président est désigné nommément, le nom et la qualité des deux assesseurs n'étant pas mentionnés. 6. En l'état de ces seules énonciations, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la juridiction. 7. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en date du 31 mars 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555999.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-85.113 F-D N° 01497 MAS2 8 NOVEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2022 M. [V] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vol avec arme, vol et tentative, recel, en bande organisée et en récidive, et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [V] [B] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire. 3. Le jour du débat contradictoire en vue de la prolongation de sa détention provisoire, un écrit signé établi au nom de M. [B], affirmant son refus d'être extrait, a été transmis par l'administration pénitentiaire au juge des libertés et de la détention. 4. A l'issue d'un débat tenu hors la présence de l'intéressé, ce magistrat a ordonné la prolongation de la détention provisoire. 5. M. [B] a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier et second moyens Enoncé des moyens 6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 144, 145-1, 145-2, 591, 593, 802 et 803-1 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté le moyen de nullité du débat contradictoire et confirmé la prolongation de la détention provisoire, alors que la chambre de l'instruction, qui a constaté que le bon de refus d'extraction présenté au juge des libertés et de la détention avait en fait été rédigé et signé par un surveillant pénitentiaire sans le consentement de M. [B], ne pouvait, sans se contredire, énoncer que l'intéressé avait librement exercé son droit de ne pas comparaître. 8. Le second moyen est pris de la violation des mêmes articles. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué des mêmes chefs, alors que les juges, qui ont retenu que la signature par un agent de l'administration pénitentiaire d'un bon de refus d'extraction faussement attribué à M. [B] constituait un dysfonctionnement sans en déduire que ce dysfonctionnement avait privé l'intéressé de son droit de comparaître devant le juge des libertés et de la détention, n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations et ont privé leur décision de base légale. Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. Vu l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale : 11. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention statue après un débat contradictoire au cours duquel la personne mise en examen est entendue en ses observations. 12. Pour écarter le moyen de nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire tiré de l'absence de comparution de M. [B] lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, l'arrêt attaqué énonce que l'écrit attribué à l'intéressé exprimant son refus d'être extrait a en fait été rédigé et signé par un stagiaire de l'administration pénitentiaire. 13. Les juges soulignent que cette situation révèle un dysfonctionnement dans la formation et le tutorat des stagiaires pouvant être confrontés à des détenus aguerris. 14. Ils retiennent toutefois que le rapport de l'administration pénitentiaire établit que M. [B], qui avait connaissance de la programmation et de l'objet de son extraction, a été appelé par le surveillant d'étage à 7 heures 53 puis à 8 heures 14 et que l'escorte a finalement quitté l'établissement à 8 heures 24, alors que l'intéressé n'était toujours pas prêt. 15. Les juges en déduisent que M. [B] a, de manière libre et dépourvue d'ambiguïté, explicitement exprimé par son absence d'empressement sa volonté de refuser son extraction. 16. Ils ajoutent que l'avocat de la personne mise en examen, avisé du refus d'extraction, n'a pas sollicité le renvoi de l'audience. 17. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 18. En effet, en premier lieu, la transmission par l'administration pénitentiaire d'un écrit faussement attribué à M. [B] a privé l'intéressé de la possibilité de faire connaître en temps utile sa position sur les raisons de son absence et son avocat de celle de solliciter en conséquence le renvoi du débat contradictoire. 19. En second lieu, la supposée lenteur de M. [B] ne saurait en elle-même constituer l'expression sans équivoque d'une décision délibérée de refus de comparaître. 20. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 21. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 22. M. [B] doit être remis en liberté, s'il n'est détenu pour autre cause. 23. Cependant les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs prévus par l'article 144 dudit code. 24. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [B] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi. 25. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin : - d'empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs et complices, en ce que les investigations doivent pouvoir se poursuivre, afin notamment de préciser le rôle de chacun des protagonistes des faits, à l'abri d'un risque de concertation frauduleuse d'autant plus significatif que l'enquête suggère des faits commis dans un cadre organisé, - de prévenir le renouvellement de l'infraction, en ce que M. [B] a déjà été condamné à vingt-neuf reprises, qu'il est en état de récidive légale et que les circonstances des faits pour lesquels il est mis en examen impliquent la participation à une équipe structurée de malfaiteurs chevronnés, - de garantir le maintien de l'intéressé à la disposition de la justice, en ce que M. [B] présente des garanties de représentation très insuffisantes au regard du risque de fuite que peut susciter l'importante peine criminelle encourue. 26. Afin d'assurer ces objectifs, M. [B] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 27. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. 28. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 juin 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [B] est détenu sans titre dans la présente procédure depuis le 10 juin 2022 à 00 heures 00 ; ORDONNE la mise en liberté de M. [B] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [B] ; DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : - Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département du Rhône ; - Ne s'absenter de son domicile, qu'il convient de fixer au [Adresse 1], qu'aux conditions suivantes : entre 6 heures 00 et 21 heures 00 ; - Se présenter chaque lundi, mercredi et vendredi au commissariat de police de [Adresse 3] ; - S'abstenir de recevoir ou de rencontrer les personnes dont les noms suivent, ou d'entrer en contact avec elles, de quelque manière que ce soit : MM. [Y] [X], [O] [A], [D] [T], [L] [Z], [N] [R], [C] [P] et Mme [W] [M] ; - Remettre au greffe du juge d'instruction, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant son élargissement, tout justificatif de son identité et notamment son passeport, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité ; DÉSIGNE le commissaire de police de [Localité 2], pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus ; DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555998.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 21-86.347 F-D N° 01378 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [H] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 11 octobre 2021, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à un an d'emprisonnement et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [H] [K], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement en date du 20 décembre 2019, M. [H] [K] a été condamné pour fraude fiscale aggravée à huit mois d'emprisonnement. 3. M. [K], le procureur de la République et l'administration fiscale ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas lieu à aménagement, dès à présent, de la peine d'emprisonnement ferme, alors « que si la peine ferme d'emprisonnement prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, la peine doit être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ; que si elle estime ne pas être en possession d'éléments suffisants sur la personnalité ou la situation de l'intéressé, il appartient à la cour d'appel d'interroger le prévenu, lorsqu'il est présent à l'audience, afin d'obtenir ces éléments pour se prononcer sur l'aménagement de peine et, le cas échéant, d'ordonner des investigations complémentaires, en application de l'article 132-70-1 du code pénal ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire n'y avoir lieu à aménagement dès à présent de la peine d'emprisonnement ferme prononcée à l'encontre de M. [H] [K], que « le prévenu ne transmet pas d'informations suffisantes relatives à sa situation personnelle, sociale et professionnelle permettant que la présente juridiction aménage cette peine d'emprisonnement ferme dès à présent » (arrêt, p. 11, § 5), quand il lui appartenait d'interroger le prévenu, M. [H] [K], qui était présent à l'audience, afin d'obtenir ces informations, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale : 6. Il résulte de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, son aménagement est le principe et le juge ne peut l'écarter que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné. 7. Il s'ensuit que le juge ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'il ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée ; dans ce cas, il doit ordonner d'une part l'aménagement de la peine, d'autre part la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines, en application de l'article 464-2, I, 2°, du code de procédure pénale. 8. Il ne peut pas davantage l'écarter au motif de l'absence d'éléments propres à caractériser un projet de réinsertion, ou, au motif qu'il ne dispose pas d'éléments suffisamment précis et actualisés : si le prévenu est comparant, le juge doit l'interroger sur sa situation personnelle et, le cas échéant, peut ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation, en application de l'article 132-70-1 du code pénal ; si le prévenu est non comparant, le juge ne peut refuser d'aménager la peine en se fondant sur sa seule absence et il lui appartient de rechercher, au vu des pièces de la procédure, si le principe d'un aménagement peut être ordonné. 9. En l'espèce, pour refuser l'aménagement de la peine d'un an d'emprisonnement prononcée à l'encontre du prévenu, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci ne transmet pas d'informations suffisantes relatives à sa situation personnelle, sociale et professionnelle permettant à la juridiction d'aménager cette peine d'emprisonnement ferme dès à présent. 10. La cour d'appel en conclut que compte tenu du quantum prononcé par la cour, et en application de l'article 464-2, I ,2°, du code de procédure pénale créé par la loi du 23 mars 2019, il y a lieu d'ordonner que M. [K] sera convoqué devant le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation conformément aux dispositions de l'article 474 et de l'article 723-15 du code de procédure pénale aux fins d'aménagement de la partie ferme d'emprisonnement. 11. En statuant ainsi, par des motifs ambigus, dont il ne résulte pas que le principe de l'aménagement de la partie ferme de la peine prononcée a été ordonné, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 12. En effet, si elle estimait ne pas être en possession d'éléments suffisants sur la personnalité ou la situation du prévenu pour statuer sur le principe d'un aménagement de la peine d'emprisonnement prononcée, il lui appartenait d'interroger le prévenu, présent à l'audience, afin d'obtenir ces éléments pour apprécier si un aménagement de sa peine, au moins dans son principe, pouvait être prononcé et, le cas échéant, d'ordonner des investigations complémentaires sur ceux-ci, en application de l'article 132-70-1 du code pénal. 13. En revanche, si les juges considéraient qu'en l'état, la partie ferme de l'emprisonnement pouvait faire l'objet d'un aménagement, mais que les éléments en leur possession étaient insuffisants pour déterminer la mesure adaptée, il leur appartenait, dans le dispositif de leur décision, d'ordonner d'une part l'aménagement de la peine, d'autre part la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines, en application de l'article 464-2, I, 2°, du code de procédure pénale afin qu'il apprécie la mesure appropriée. 14. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation sera limitée à la peine prononcée à l'encontre de M. [K], dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 11 octobre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de M. [K], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555995.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 20-85.745 F-D N° 01374 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société [1] et M. [B] [H] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 22 septembre 2020, qui, pour escroquerie, faux et usage, a condamné, la première, à 20 000 euros d'amende et le second, à un an d'emprisonnement et 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [1] et de M. [B] [H], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [E] [K], des sociétés [2] et [3], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par actes d'huissier en date du 9 août 2018 et du 14 septembre 2018, la société [1] et M. [H] ont été poursuivis par M. [E] [K], la société [3] et la société [2], parties civiles, des chefs précités. 3. Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal correctionnel, pour escroquerie, faux et usage, les a condamnés, la première, à 10 000 euros d'amende, le second, à six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils. 4. Les prévenus ont relevé appel de cette décision. Le ministère public et les parties civiles ont formé appel incident. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens, et le cinquième moyen, pris en sa première branche 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le quatrième moyen et le cinquième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé des moyens 6. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [H] à une peine d'un an d'emprisonnement ferme, alors « que la peine d'emprisonnement doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit justifier de son caractère indispensable au regard de la gravité de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; qu'en condamnant M. [H] à un an d'emprisonnement sans sursis en se bornant à se référer à son casier judiciaire, à la gravité des faits et au caractère inadéquat d'autres sanctions, sans faire état de la situation personnelle du prévenu, et tandis que lesdits faits ne consistent qu'en des documents mensongers qui n'ont pas été déterminants de la décision commerciale rendue, la cour d'appel a méconnu les articles 132-1 et 132-19 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 7. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [H] à une peine amende de 3 000 euros et la société [1] à une peine d'amende de 20 000 euros, alors : « 2°/ qu'en se bornant à retenir à l'encontre de M. [H] son casier judiciaire, la particulière gravité des faits et ses ressources, sans examiner sa situation personnelle, et tandis que lesdits faits ne présentaient pas de caractère particulièrement grave, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision et a méconnu les dispositions susvisées. » Réponse de la Cour 8. Les moyens sont réunis. Vu les articles 132-19 du code pénal et 464-2 et 485-1 du code de procédure pénale : 9. Il résulte des deux premiers textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate. 10. Selon le dernier texte, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges. 11. Pour condamner le prévenu à un an d'emprisonnement et à 3 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'en application des articles 131-2 du code pénal et 485-2 du code de procédure pénale, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée par la gravité des faits, la personnalité de leur auteur et sa situation personnelle. 12. Les juges relèvent que M. [H] a déjà été condamné à trois reprises, le 23 mars 2016 pour inexécution de mesure corrective ordonnée dans un établissement en raison du risque pour la santé publique et la sécurité des consommateurs et pratique commerciale trompeuse, le 26 novembre 2016 pour pratique commerciale trompeuse, ces condamnations ayant été réhabilitées de plein droit, et le 17 janvier 2017, par ordonnance pénale, à une amende de 600 euros et à une suspension de permis de conduire pendant six mois pour excès de vitesse d'au moins 50 km/h. 13. Ils retiennent que les faits sont d'une particulière gravité, s'agissant d'une partie qui a produit sciemment de faux documents en justice dans le but de faire croire, par de tels procédés, qu'elle détenait des droits ou pouvait se prévaloir d'une situation et obtenir ainsi une décision en référé qui lui soit favorable, ce qui justifie le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme à hauteur d'un an, sanction qui est proportionnée à la gravité de l'atteinte à l'autorité d'une décision de justice, obtenue dans des conditions fallacieuses et frauduleuses, nulle autre peine n'étant adaptée. 14. Ils concluent que la peine d'emprisonnement étant aménageable, elle s'exécutera, avec l'accord de la personne condamnée sous le régime de la détention à domicile, en application de l'article 132-25 du code pénal, afin de ne pas compromettre la poursuite de l'activité de la société [1] et la pérennité des emplois dans une période économiquement difficile, et que compte tenu des résultats dégagés par cette société et des ressources de M. [H], communiqués à l'audience mais non justifiés, une amende d'un montant de 3 000 euros sera prononcée à l'encontre de ce dernier. 15. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu pour prononcer la peine d'emprisonnement, ni sur ses charges, qu'elle devait prendre en considération pour fonder la peine d'amende, alors que celui-ci, présent à l'audience, pouvait répondre à toutes les questions des juges à cet égard, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 16. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 17. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de M. [H], dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 septembre 2020, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [H], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555994.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 21-85.424 F-D N° 01373 SL2 9 NOVEMBRE 2022 IRRECEVABILITE CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [U] [S] a formé des pourvois contre l'arrêt n° 21/480 de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 31 août 2021, qui, pour faux et usage, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de Mme [U] [S], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I] [Z], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [U] [S] a été citée devant le tribunal correctionnel pour avoir du 1er janvier au 30 juin 2019 établi des faux SMS et avoir, durant la même période, fait usage de ces faux en les produisant dans le cadre de la procédure qui l'oppose à M. [M] [Z]. 3. Par jugement distinct du 2 octobre 2020, à l'encontre duquel Mme [S] a interjeté appel, le tribunal correctionnel a rejeté l'exception de nullité présentée par la prévenue. Sur le fond, il a mis l'affaire en délibéré au 13 novembre 2020, date à laquelle il a déclaré Mme [S] coupable des faits objet de la poursuite, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire, et a prononcé sur les intérêts civils. 4. Saisie de l'appel de la prévenue et du ministère public à l'encontre du jugement du 13 novembre 2020, la cour d'appel, par arrêt du 16 mars 2021, a annulé cette décision, rejeté l'exception de nullité soulevée par la prévenue et ordonné un supplément d'information avant dire droit sur le fond, l'affaire étant revenue pour examen au fond le 22 juin 2021. Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 6 septembre 2021 5. Ce pourvoi, formé par courriel, est irrecevable, faute d'une déclaration au greffe conformément à l'article 576 du code de procédure pénale. 6. En conséquence, seul est recevable le pourvoi formé le 7 septembre 2021. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Lons-Le-Saunier du 13 novembre 2020 en ce que, sur l'action publique, il avait déclaré Mme [S] coupable des faits qui lui étaient reprochés, et a confirmé ce même jugement en toutes ses dispositions sur l'action civile, alors « que les juges d'appel ne peuvent confirmer, après évocation, un jugement qu'ils ont précédemment annulé ; qu'en l'espèce, par arrêt du 16 mars 2021, la cour d'appel de Besançon avait prononcé l'annulation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lons-Le-Saunier le 13 novembre 2020, évoquant, avait rejeté l'exception de nullité soulevée par Mme [S], avant dire droit, avait ordonné un supplément d'information, et avait renvoyé l'affaire à une audience ultérieure ; que dès lors, en confirmant, dans l'arrêt attaqué, le jugement du 13 novembre 2020 sur la culpabilité et sur l'action civile, après l'avoir précédemment annulé et avoir évoqué, la cour d'appel a violé les articles 520 et 591 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 520 du code de procédure pénale : 8. Il résulte de ce texte que les juges d'appel ne peuvent confirmer, après évocation, un jugement qu'ils ont précédemment annulé. 9. L'arrêt attaqué, dans son dispositif, confirme le jugement du 13 novembre 2020 sur la culpabilité et sur les intérêts civils. 10. En statuant ainsi, alors que, par arrêt avant dire droit du 16 mars 2021, qui était exécutoire, la cour d'appel avait annulé ledit jugement du 13 novembre 2020, évoqué l'affaire et renvoyé son examen à une audience ultérieure, les juges ont méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus énoncé. 11. La cassation est encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : Sur le pourvoi formé le 6 septembre 2021 : LE DECLARE IRRECEVABLE ; Sur le pourvoi formé le 7 septembre 2021 : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 31 août 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555996.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 21-80.172 F-D N° 01375 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [D] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 18 novembre 2020, qui, pour faux et escroquerie, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de gérer, a décerné un mandat d'arrêt à son encontre, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [D] [V], les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la [2], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [D] [V] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés, pour avoir, entre le 1er novembre 2011 et le 28 février 2012, d'une part, altéré frauduleusement la vérité d'un écrit destiné établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce, en falsifiant soixante-quatre factures afin que celles-ci puissent être cédées dans le cadre d'une cession Dailly, au préjudice de la [2], banque cessionnaire, et d'autre part, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en cédant à un établissement bancaire, dans le cadre d'une cession Dailly, soixante-quatre factures dont il savait qu'elles étaient falsifiées, trompé la [2], banque cessionnaire, pour la déterminer à remettre des fonds, à savoir la somme de 995 596,37 euros. 3. Par jugement du 24 octobre 2018, le tribunal correctionnel l'a condamné, pour faux et escroquerie, à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils. 4. Il a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé un appel incident. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné le requérant à une peine d'emprisonnement ferme de douze mois et à une peine complémentaire d'interdiction d'exercice de cinq ans des chefs de faux et escroquerie, et a décerné un mandat d'arrêt à l'encontre du prévenu, alors : « 1°/ que la juridiction, en matière correctionnelle, ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine, laquelle ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur ainsi que la situation matérielle, familiale et sociale de celui-ci, rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant contre le requérant une peine pour partie ferme, à raison essentiellement du trouble apporté par l'infraction à l'ordre public économique, de la faillite personnelle antécédente du requérant et de son absence à l'audience, sans autrement s'interroger sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu et sans rechercher si une sanction alternative était manifestement inadéquate, ni davantage envisager un aménagement de la peine ferme qu'elle a prononcée, la cour a violé les articles 132-19 et 132-24 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu l'article 132-19 du code pénal : 7. Il résulte de ce texte que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement ferme doit, quels que soient le quantum et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate. 8. Pour condamner le prévenu à douze mois d'emprisonnement et cinq ans d'interdiction de gérer, l'arrêt attaqué rappelle que M. [V], de nationalité française, âgé de 36 ans au moment des faits, marié et père de quatre enfants à charge, est directeur commercial, pour un revenu mensuel de 2 500 euros bruts, qu'il exerce son activité professionnelle en France et en Israël où résident dorénavant son épouse et ses enfants, que le logement dont il était propriétaire a été saisi par la banque [2], et qu'il a déclaré être hébergé chez ses parents. 9. Les juges relèvent que son casier judiciaire comporte la mention d'un jugement réputé contradictoire du tribunal de commerce de Paris du 28 octobre 2015, signifié le 4 novembre 2015, ordonnant la faillite personnelle de M. [V] pendant dix ans, décision assez rare, sanctionnant des agissements fautifs dans le cadre de sa gérance. 10. Ils énoncent que les faits en cause revêtent une gravité certaine dans la mesure où ils portent sur une somme de près d'un million d'euros, que le prévenu ne pouvait ignorer la situation financière délicate de la société [1] dont il était le gérant et que c'est en toute connaissance de cause qu'il a commis les faits qualifiés et spécifiés à la prévention, aux fins d'obtenir frauduleusement des fonds, ces infractions ayant troublé l'ordre public économique de manière non négligeable. 11. Ils en concluent qu'au regard de la gravité des faits et de la personnalité de M. [V], il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement, mais qu'il convient toutefois d'infirmer le jugement en ce qu'il a assorti cette peine du sursis. 12. Ils ajoutent que compte-tenu des éléments de la procédure, de l'importance du préjudice et de l'absence en France de M. [V] qui se trouve actuellement en Israël, il convient de décerner un mandat d'arrêt à son encontre par application des dispositions de l'article 465 du code de procédure pénale, afin d'assurer l'exécution de la peine et d'éviter le renouvellement des faits. 13. En prononçant ainsi, sans mieux s'expliquer sur le caractère inadéquat de toute autre sanction qu'une peine d'emprisonnement ferme, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés. 14. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale 16. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [V] et les dispositions relatives aux intérêts civils étant devenues définitives par suite de la non-admission des premier et troisième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 novembre 2020, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [V] et au mandat d'arrêt, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Fixe à 2 500 euros la somme que M. [V] devra payer à la [2] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555997.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 21-82.348 F-D N° 01376 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [N] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 18 mars 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui pour instigation à l'assassinat, subornation de témoin et recel a confirmé partiellement la décision du procureur de la République statuant sur sa demande de restitution. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [N] [S], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement définitif du 3 juillet 2019, le tribunal correctionnel a déclaré M. [S] coupable d'instigation à l'assassinat, subornation de témoin et recel, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de séjour, et a prononcé sur les intérêts civils. 3. Le 14 septembre 2020, le procureur de la République a refusé de faire droit à la demande de restitution formée par M. [S], qui a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches 4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution d'un ordinateur et d'un smartphone présentée par M. [S], alors : « 4°/ que, portant atteinte au droit de propriété, la confiscation ou le refus de restitution de biens saisis doit être nécessaire et proportionné au but poursuivi ; que, dès lors que le tribunal correctionnel n'avait pas jugé nécessaire de confisquer l'ordinateur et le smartphone saisis, la chambre de l'instruction qui refuse leur restitution au motif qu'il s'agit des instruments de l'infraction, sans avoir précisé en quoi le fait que les objets saisis aient été des instruments de l'infraction justifiait le refus de restitution, aucune sanction ne pouvant plus être prononcée à l'encontre du condamné, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. 5°/ qu'à tout le moins, il appartient à la chambre de l'instruction à laquelle est déférée la décision de non-restitution de l'instrument de l'infraction, rendue par le ministère public après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, d'apprécier, sans porter atteinte aux droits du propriétaire de bonne foi, s'il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que la chambre de l'instruction, qui a refusé de restituer l'ordinateur et le smartphone appartenant à M. [S], au seul motif qu'ils étaient les instruments de l'infraction, sans expliquer en quoi ce refus de restitution était justifié au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, a violé l'article 41-4 du code de procédure pénale, lu à la lumière de l'article 4 de la directive 2014/42/UE ; 6°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et de ses correspondances ; que sa limitation doit être nécessaire et justifiée par l'objectif poursuivi ; que, dans le mémoire déposé pour M. [S], il était soutenu que son ordinateur et son téléphone comportaient des éléments de sa vie personnelle et de sa vie professionnelle qui justifiaient leur restitution ; que la chambre de l'instruction, qui n'a pas pris en considération cette articulation essentielle du mémoire, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 41-4 et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 41-4 et 593 du code de procédure pénale : 6. Il se déduit du premier de ces textes que lorsque la requête aux fins de restitution est présentée après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, la non-restitution de l'instrument de l'infraction ne saurait présenter un caractère obligatoire, et qu'il appartient dans ce cas à la chambre de l'instruction à laquelle est déférée la décision de non-restitution de l'instrument de l'infraction rendue par le ministère public, d'apprécier, sans porter atteinte aux droits du propriétaire de bonne foi, s'il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle. 7. Il résulte du second que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 8. Pour refuser la restitution à M. [S] d'un téléphone portable et d'un ordinateur portable lui appartenant, l'arrêt attaqué rappelle qu'il conteste que l'ordinateur et le téléphone portable en cause aient servi à commettre l'infraction d'instigation à l'assassinat, et énonce que l'information judiciaire a établi que, courant juillet 2017 et le 13 août 2017, l'intéressé a proposé à deux individus, dans un premier temps la réalisation d'actes plaçant son épouse en situation délictueuse, par le dépôt de stupéfiants dans son domicile, puis son élimination dans le cadre d'un cambriolage qui aurait mal tourné, ceci moyennant le versement d'une importante somme d'argent, mais que ces derniers ont dénoncé le projet à l'épouse qui a déposé plainte en conséquence. 9. Les juges relèvent que l'expertise de l'ensemble du matériel multimédia saisi au domicile de M. [S] ainsi que du téléphone portable qu'il détenait lors de son interpellation a montré que le couple avait des échanges par messagerie assurément tendus dans le cadre d'un divorce très conflictuel. 10. Ils retiennent que l'expertise du téléphone portable de M. [S] a révélé, au travers de nombreuses recherches internet, l'hypothèse faite par celui-ci du décès de son épouse, le 20 juillet 2017, soit quelques heures avant la rencontre avec les hommes qu'il allait ensuite solliciter pour l'exécution de son projet, qu'à partir de cette date et jusqu'au jour de son interpellation, l'intéressé a utilisé régulièrement son téléphone portable pour effectuer des recherches traduisant son souci de maîtriser au mieux la situation et d'adapter sa réaction, contacter l'assureur de son épouse au sujet du capital décès en faisant état du prétexte fallacieux de l'hospitalisation de celle-ci, s'informer sur les techniques d'enquête en diverses hypothèses, poser la question du sort pénal du commanditaire d'un projet criminel abandonné qui voudrait déposer plainte contre l'exécutant le faisant chanter après l'avoir dénoncé, et se renseigner sur la prescription des infractions ainsi que sur le statut du personnel du Conseil de l'Europe dont relevait son épouse. 11. Ils ajoutent que l'exploitation de l'ordinateur portable a révélé des recherches internet sur des thématiques pénales et sur la prison, les premières en tous cas devant être rattachées au fait que l'auteur du projet criminel cherchait à s'informer au mieux sur les conséquences juridiques de celui-ci. 12. Ils en concluent que dans ces conditions, le téléphone portable constituait un véritable outil pour M. [S] dans la conduite du projet criminel qu'il avait élaboré, lui permettant de rechercher les informations dont il estimait avoir besoin pour aviser de sa conduite à venir, que c'est à juste titre que ce téléphone a été qualifié d'instrument ayant servi à commettre l'infraction et que sa restitution a été refusée pour cette raison, et que le raisonnement suivi pour le téléphone portable doit de même être appliqué à l'ordinateur portable qui a été un outil de commission de l'infraction, ce qui justifie sa non restitution. 13. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la personnalité de M. [S] et sa situation personnelle, et sans répondre aux conclusions de ce dernier faisant valoir que les objets dont il demandait la restitution contenaient ses travaux universitaires et de nombreuses photos ou vidéos familiales ayant pour lui une importance particulière, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 14. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 18 mars 2021, mais en ses seules dispositions ayant confirmé la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à restitution d'un ordinateur portable et d'un téléphone portable, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555993.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-81.157 F-D N° 01371 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [O] [W] et Mme [M] [F] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 7e section, en date du 3 février 2022, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs de blanchiments aggravés, association de malfaiteurs, exercice illégal de la profession de banquier et escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance en date du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois en raison de la connexité et prescrit l'examen immédiat du pourvoi de M. [W]. Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [O] [W] et de Mme [M] [F], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Le 23 avril 2021, le juge d'instruction a ordonné la saisie pénale d'une maison d'habitation située au [Localité 1] (93), appartenant en indivision à M. [O] [W], mis en examen des chefs susvisés, et Mme [M] [F], son épouse. 2. L'avocat de ces derniers a interjeté appel de la décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et sixième branches 3. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la saisie de l'immeuble indivis dont sont propriétaires M. [W] et Mme [F] au [Localité 1], alors : « 3°/ que le juge qui ordonne une saisie pénale doit vérifier le caractère proportionné de l'atteinte portée par la saisie au droit de propriété de l'intéressé au regard de la gravité concrète des faits et de sa situation personnelle ; que la cour d'appel devait donc rechercher si la saisie de l'immeuble indivis entre un époux mis en examen, M. [W], et un époux étranger à la procédure, Mme [F], ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de cette dernière ; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ; 4°/ qu'en omettant de rechercher si une telle atteinte disproportionnée au droit de propriété des deux époux ne résultait pas du fait que, comme ils le soutenaient, ils avaient, pour financer le bien, contracté en août 2018 un emprunt d'une durée de 25 ans, de sorte qu'ils étaient aujourd'hui encore redevables des échéances du prêt pendant 21 ans, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ; 5°/ que la cour d'appel devait également rechercher si, comme il était soutenu, la saisie d'un immeuble qui constituait le domicile des époux et de leurs deux enfants ne constituait pas une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ; qu'en omettant cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées et de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 131-21, alinéa 6, 324-7 du code pénal, 706-148, 706-150 du code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier Protocole additionnel à la Convention : 5. Il se déduit de ces textes que, hormis le cas où la saisie, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété du propriétaire du bien saisi, au regard de la situation personnelle de l'intéressé et de la gravité concrète des faits, lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une saisie de patrimoine. 6. Il doit par ailleurs contrôler le caractère proportionné de l'atteinte portée par la saisie au droit au respect de la vie privée et familiale du propriétaire du bien saisi lorsque cette garantie est invoquée. 7. Pour confirmer la saisie, après avoir relevé que l'immeuble saisi était susceptible de confiscation dès lors que M. [W], mis en examen notamment pour blanchiment aggravé, encourt la confiscation de son entier patrimoine, l'arrêt retient que l'immeuble étant évalué à la somme de 355 000 euros, alors que le blanchiment a porté sur plus de 3 000 000 d'euros, la saisie de celui-ci n'est aucunement disproportionnée, la proportionnalité ne devant pas être appréciée au regard de la situation familiale. 8. En se déterminant par ces seuls motifs, sans apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit au respect des biens de M. [W] et de Mme [F] au regard de leur situation personnelle, ni apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée à leur droit au respect de la vie privée et familiale, alors que cette garantie était invoquée, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 9. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 février 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555987.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-80.496 F-D N° 01365 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [S] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 14 octobre 2021, qui a statué sur une mesure de confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [S] [R], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal correctionnel de Metz a déclaré Mme [S] [R] coupable d'escroquerie et de blanchiments et l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et a ordonné une mesure de confiscation. 3. Mme [R] et le procureur de la République ont interjeté appel de cette décision, l'appel étant strictement limité aux confiscations. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a mentionné que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Metz était composée, lors des débats qui se sont déroulés le 7 juillet 2021, de M. [T], président de chambre, et de MM. [D] et [E], conseillers, et qu'après le délibéré, qui a été prorogé le 9 septembre 2021 au 14 octobre suivant, l'arrêt a été lu par M. [D], alors « que les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions de jugement sont déclarées nulles lorsqu'elles ont été rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause ; que M. [T] ne faisant plus partie de la juridiction au moment de la prorogation du délibéré intervenue le 9 septembre 2021 pour avoir été nommé président de chambre à la cour d'appel de Paris par décret du 12 juillet 2021, l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. ». Réponse de la Cour Vu l'article 592 du code de procédure pénale : 5. Selon ce texte, les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions de jugement sont déclarées nulles lorsqu'elles ont été rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause. 6. Il résulte de l'arrêt attaqué que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Metz était composée lors des débats, de M. [T], président, et de MM. [D] et [E], conseillers, et qu'après le délibéré, qui a été prorogé le 9 septembre 2021, l'arrêt a été rendu, lu et signé par M. [D], à l'audience du 14 octobre 2021. 7. Cependant, ayant été nommé président de chambre à la cour d'appel de Paris, par décret du Président de la République en date du 12 juillet 2021, et installé dans ses nouvelles fonctions le 1er septembre 2021, M. [T] ne faisait plus partie de la juridiction au moment de la prorogation du délibéré. 8. Dès lors, l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. 9. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 14 octobre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555992.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 22-80.682 F-D N° 01370 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [O] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 507 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 novembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de travail dissimulé et recel, a déclaré sans objet son appel de l'ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention. Par ordonnance du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [O] [C], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 18 juin 2020, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 1]) et dont est propriétaire M. [O] [C]. 3. Ce dernier a interjeté appel de la décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé sans objet l'appel relevé par M. [C] à l'encontre de l'ordonnance du 18 juin 2020 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pontoise avait ordonné la saisie pénale du bien immobilier situé [Adresse 1], alors « qu'une mesure de saisie spéciale peut être contestée tant que la mesure de confiscation n'est pas prononcée de manière définitive ; qu'en retenant que l'appel formé à l'encontre de la décision ayant ordonné la saisie d'un bien immobilier appartenant à M. [C] était devenu sans objet à la suite du jugement du tribunal correctionnel ayant condamné ce dernier à la confiscation du bien saisi, cependant qu'elle relevait elle-même que ce jugement avait été frappé d'appel, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-150 et 506 du code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 708, 706-141, 706-143, 706-145 et 706-150 du code de procédure pénale : 5. Il se déduit des quatre premiers de ces textes qu'une ordonnance de saisie pénale cesse irrévocablement de produire ses effets uniquement lorsque la décision ordonnant la mainlevée de la mesure ou la confiscation du bien saisi est devenue définitive. 6. Il en est de même y compris lorsque la confiscation du bien saisi, ordonnée par la juridiction du premier degré, est assortie de l'exécution provisoire. 7. Il résulte du dernier que l'ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision. 8. Pour déclarer l'appel de l'ordonnance de saisie immobilière sans objet, l'arrêt retient que, par décision du 2 juin 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [C] coupable des faits reprochés et a prononcé, à titre de peine complémentaire, notamment la confiscation de l'immeuble objet de la décision de saisie. 9. Les juges ajoutent que la cour d'appel étant désormais saisie de l'appel de la décision de confiscation, l'appel de l'ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention est devenu sans objet. 10. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la peine complémentaire de confiscation ne présentait pas un caractère définitif, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 11. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555990.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 22-80.598 F-D N° 01368 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [B] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de blanchiment aggravé, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance en date du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [B] [V], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 24 décembre 2020, le juge d'instruction a ordonné le maintien de la saisie en valeur de la somme de 537 327,79 euros figurant au crédit d'un compte bancaire dont est titulaire à [1] la demanderesse, mise en examen pour blanchiment aggravé de fraude fiscale. 3. Son avocat a interjeté appel de la décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 4. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de maintien de la saisie en valeur des sommes inscrites au crédit de son compte bancaire, alors : « 2°/ que le produit de la fraude fiscale est constitué de l'économie qu'elle a permis de réaliser et dont le montant est équivalent à celui des impôts éludés ; que les sommes d'argent inscrites au crédit d'un compte bancaire dissimulé à l'administration fiscale ne constituent pas l'objet du blanchiment de ce délit mais l'assiette de la fraude fiscale originaire ; qu'en confirmant l'ordonnance ayant ordonné une saisie en valeur pour un montant de 537 327,79 euros, au motif que celui-ci était inférieur à celui des avoirs non déclarés de la société [2] SA, la chambre de l'instruction qui a confondu le produit de la fraude fiscale avec son assiette, a méconnu les articles 131-21, 324-1, 324-7 du code pénal, 706-141-1, 706-153, 706-154 et 591 du Code de procédure pénale ; 3°/ qu'en confirmant l'ordonnance de maintien de la saisie qui se fondait expressément sur la proposition de rectification établie par l'administration fiscale d'un montant de 1 345 904 euros, sans prendre en compte le jugement ayant déclaré infondée la proposition de rectification et prononcé la décharge totale de ces sommes, en retenant, sans mieux s'expliquer, que cette évolution de la saisie fiscale de Mme [V] ne suffit pas à remettre en cause le bien fondé de la saisie pénale critiquée, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment justifié sa décision au regard des articles 131-21, alinéas 3 et 9, du Code pénal, 706-141-1, 706-153 et 706-154 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 131-21, alinéas 3 et 9, du code pénal, 706-141-1 et 706-154 du code de procédure pénale, 324-1 du code pénal, 1741 du code général des impôts : 6. Il résulte du premier de ces textes que, dans les cas prévus par la loi ou le règlement, la peine complémentaire de confiscation porte notamment sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens qui sont susceptibles de restitution à la victime. La confiscation peut être prononcée en valeur. 7. Selon les deuxième et troisième, l'objet ou le produit de l'infraction dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal peut être saisi en valeur. 8. Il se déduit des quatrième et cinquième que l'objet du délit de blanchiment de fraude fiscale est constitué de l'économie qu'elle a permis de réaliser et dont le montant est équivalent à celui des impôts éludés. 9. Pour confirmer la saisie en valeur, l'arrêt retient, après avoir constaté que par jugement du 1er avril 2021 le tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré infondée la proposition de rectification adressée à la demanderesse et prononcé la décharge totale des droits de mutation à titre gratuit d'un montant de 1 345 904 euros, que la somme d'argent saisie est d'un montant inférieur aux revenus dissimulés par Mme [V] sur des comptes bancaires non déclarés à l'administration fiscale ouverts aux noms de sociétés établies à l'étranger dont elle-même ou des membres de sa famille sont bénéficiaires économiques, pour un montant supérieur à 4 000 000 euros. 10. Les juges ajoutent que, dans ces conditions, le montant des sommes saisies étant inférieur au montant du produit de l'infraction tel qu'il ressort des éléments du dossier comme étant d'au moins 4 282 922 euros, la saisie n'est pas disproportionnée au regard du droit de propriété de Mme [V], non plus qu'au regard de son droit à la vie privée et familiale dès lors que l'intéressée perçoit des revenus dans le cadre de sa profession dont elle ne démontre pas qu'ils soient d'un montant ne lui permettant pas de faire face aux exigences de la vie courante comme elle l'affirme. 11. En se déterminant ainsi, alors que l'objet du délit de blanchiment de fraude fiscale susceptible d'être saisi en valeur correspond au seul impôt éludé, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 12. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555991.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 22-80.681 F-D N° 01369 SL2 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [G] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 506 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 novembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de travail dissimulé et recel, a déclaré sans objet son appel de l'ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention. Par ordonnance du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G] [R], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 18 juin 2020, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 1]) et dont est propriétaire M. [G] [R]. 3. Ce dernier a interjeté appel de la décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé sans objet l'appel relevé par M. [R] à l'encontre de l'ordonnance du 18 juin 2020 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pontoise avait ordonné la saisie pénale du bien immobilier situé [Adresse 2], alors « qu'une mesure de saisie spéciale peut être contestée tant que la mesure de confiscation n'est pas prononcée de manière définitive ; qu'en retenant que l'appel formé à l'encontre de la décision ayant ordonné la saisie d'un bien immobilier appartenant à M. [R] était devenu sans objet à la suite du jugement du tribunal correctionnel ayant condamné ce dernier à la confiscation du bien saisi, cependant qu'elle relevait elle-même que ce jugement avait été frappé d'appel, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-150 et 506 du code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 708, 706-141, 706-143, 706-145 et 706-150 du code de procédure pénale : 5. Il se déduit des quatre premiers de ces textes qu'une ordonnance de saisie pénale cesse irrévocablement de produire ses effets uniquement lorsque la décision ordonnant la mainlevée de la mesure ou la confiscation du bien saisi est devenue définitive. 6. Il résulte du dernier que l'ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision. 7. Pour déclarer l'appel de l'ordonnance de saisie immobilière sans objet, l'arrêt retient que, par décision du 2 juin 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [R] coupable des faits reprochés et a prononcé, à titre de peine complémentaire, notamment la confiscation de l'immeuble objet de la décision de saisie. 8. Les juges ajoutent que la cour d'appel étant désormais saisie de l'appel de la décision de confiscation, l'appel de l'ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention est devenu sans objet. 9. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la peine complémentaire de confiscation ne présentait pas un caractère définitif, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 10. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555859.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 21-86.106 F-D N° 01356 ECF 8 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2022 M. [X] [B] et la Garantie mutuelle des fonctionnaires - assurances, partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 11 août 2021, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [X] [B] et de la Garantie mutuelle des fonctionnaires - assurances, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [X] [B] a été condamné par le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant entraîné pour M. [U] [O] une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois. 3. Statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a condamné M. [B] à verser certaines sommes à M. [O] au titre de son préjudice. 4. Le prévenu et la partie civile ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action civile, fixé le préjudice corporel de M. [O] à la somme de 269 713,20 euros, dont 62 115,47 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs et 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, a en conséquence condamné M. [B] à payer à M. [O] la somme de 56 324 euros en réparation de son préjudice corporel après imputation des créances des tiers payeurs, en deniers ou quittances, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire non déduites, qui portera intérêts au taux légal à la date de l'arrêt, enfin, a ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière, alors « que le préjudice doit être indemnisé sans perte ni profit pour la victime qui doit être replacée dans la situation la plus proche possible de ce qui aurait été la sienne en l'absence d'accident ; que, lorsque la perte de gains professionnels futurs comporte l'indemnisation de la perte des revenus que la victime aurait pu percevoir, en l'absence d'accident, si elle avait continué à travailler au-delà de l'âge légal de la retraite comme l'y autorisait son emploi, il ne peut lui être alloué, pour la même période de temps, du chef de l'incidence professionnelle, une indemnisation au titre de la perte des droits à la retraite, sauf à constater que la victime réunissait les conditions pour pouvoir légalement prétendre à un cumul de revenus et de pension de retraite en poursuivant sa vie active ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a calculé l'indemnisation de M. [O] au titre de la perte de gains professionnels futurs jusqu'au 8 avril 2023, date de sa retraite à taux plein à 62 ans, et a ajouté que dans la mesure où ses fonctions l'autorisaient à travailler jusqu'à l'âge de 67 ans, il avait perdu une chance de poursuivre son activité « et de recevoir une rémunération pleine jusqu'à l'âge de 67 ans, date de mise à la retraite d'office » en sorte qu'il devait lui être alloué à ce titre une somme de 15 000 euros ; que la cour d'appel a par ailleurs confirmé le jugement de première instance ayant alloué à M. [O] la somme de 30 000 euros du chef de l'incidence professionnelle, à l'effet d'indemniser notamment la perte de ses droits à la retraite à compter de ses 62 ans ; qu'en lui allouant ainsi une double indemnisation financière au titre de la même période (62/67 ans), à la fois au titre de la perte de revenus s'il avait poursuivi son activité au-delà de l'âge légal de la retraite, d'une part, et au titre de la perte de droits à retraite, d'autre part, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. » Réponse de la Cour 6. Pour fixer le préjudice de la partie civile au titre des pertes de gains professionnels futurs et au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que l'accident a fait perdre à la partie civile une chance de percevoir une rémunération pleine entre l'âge de 62 ans et l'âge de 67 ans, date limite de mise à la retraite d'office, perte de chance qu'il convient d'indemniser au titre de la perte de gains professionnels futurs. 7. Les juges ajoutent que les séquelles conservées par la partie civile constituent des facteurs de pénibilité ou un obstacle à la réalisation de certaines tâches, qu'elles limitent son employabilité, que le déficit de revenus futurs, imputable à l'accident, va avoir une incidence sur le montant de la pension de retraite auquel elle pourra prétendre et que ces éléments justifient une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle de l'accident. 8. En l'état de ces énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine de l'existence et de l'étendue des préjudices, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 9. En effet, par l'indemnisation, au titre de la perte de gains professionnels futurs, de la perte de chance de la partie civile de percevoir des revenus du travail en prolongeant son activité au-delà de 62 ans, la cour d'appel a réparé un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de l'incidence professionnelle, qui a pris en compte la perte de droits à la retraite en raison des séquelles de l'accident, de sorte qu'elle n'a pas porté atteinte au principe de la réparation intégrale. 10. Ainsi, le moyen doit être écarté. 11. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555858.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 21-86.283 F-D N° 01355 ECF 8 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2022 M. [J] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 9 septembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de bris volontaire et détournement de scellés, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [U], les observations de la SCP Piwnica et Molinié et de la SCP Spinosi, avocats de M. [K] [F], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Dans le contexte d'une procédure successorale, M. [K] [F] a formé une requête devant le juge civil pour obtenir l'apposition de scellés sur un bien immobilier. 3. Sur autorisation de l'autorité judiciaire, M. [J] [U], huissier de justice, a procédé à cette opération. 4. Par courrier du 1er juin 2018, M. [Y] [R], notaire, a requis M. [U] de procéder à la levée des scellés. 5. Par courrier du 2 juillet 2018, M. [R] a informé M. [U] que l'opération devait être réalisée en présence, notamment, de M. [F] et de son épouse en leur seule qualité de représentants légaux de leur fille mineure, [L] [F]. 6. Le 24 juillet 2018, une juridiction suisse a désigné M. [S] [E] en qualité de curateur de [L] [F] pour la représenter dans le cadre de la succession. 7. La veille de l'opération de levée des scellés, programmée le 1er août 2018, M. [U] en a informé M. [E]. 8. M. [F] a fait citer M. [U] devant le tribunal correctionnel des chefs de bris et détournement de scellés et M. [R] du chef de complicité de ces délits. 9. Par jugement du 10 décembre 2019, cette juridiction a relaxé MM. [U] et [R], débouté la partie civile de ses demandes et débouté MM. [U] et [R] de leurs demandes fondées sur l'article 472 du code de procédure pénale. 10. Appel des dispositions civiles de cette décision a été interjeté par M. [F] et par MM. [U] et [R]. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa quatrième branche 11. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [U] à verser à M. [F] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et l'a débouté de sa demande au titre de l'article 472 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation, doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'il n'y a bris de scellés pénalement punissable, que si leur levée a eu lieu sans autorisation légale préalable ; que l'irrégularité de la convocation adressée aux personnes devant assister à la levée des scellés ne remet pas en cause l'existence de cette autorisation légale ; qu'ayant relevé que Maître [U], huissier de justice, avait levé les scellés apposés sur les biens de la succession à la requête d'un notaire ayant qualité pour le lui demander, et qu'il ignorait tout de l'action judiciaire engagée par M. [F] pour contester l'intervention de ce notaire, la cour d'appel, en le condamnant néanmoins pour ne pas avoir respecté les conditions procédurales dans lesquelles M. [F] et le nouveau représentant légal de sa fille devaient être convoqués pour assister à cette opération, a statué par des motifs impropres à établir une faute civile entrant dans les prévisions de l'article 434-22 du code pénal, et par suite méconnu cette disposition, et les articles 122-4 du code pénal, 15 du décret n° 56-222 du 29 février 1956, 1240 du code civil et 1317 du code de procédure civile et 2 et 497 du code de procédure pénale ; 2°/ que le bris de scellés est une infraction intentionnelle ; qu'en se déterminant ainsi au motif qu'il ne pouvait échapper à Maître [U] que les convocations qu'il avait adressées n'étaient pas régulières en ce qu'elles visaient M. [F] ès qualités de représentant de sa fille et non à titre personnel, et que le nouveau représentant de sa fille avait été convoqué moins de vingt jours avant la date prévue pour l'opération de levée de scellés, mais sans rechercher s'il avait agi de mauvaise foi, la cour d'appel a méconnu les articles 121-3 et 434-22 du code pénal, 1240 du code civil et 1317 du code de procédure civile et 2 et 497 du code de procédure pénale ; 3°/ que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'il appartient au requérant de fournir à l'huissier requis pour procéder à la levée des scellés la liste des personnes devant être appelées à cette opération ; que la cour d'appel constate que Maître [U] a convoqué les personnes telles qu'elles avaient été désignées par le notaire de la succession l'ayant légalement requis à cette fin pour lever les scellés ; qu'en le condamnant néanmoins pour avoir convoqué M. [F] en sa qualité de représentant légal de sa fille et non en son nom personnel, la cour d'appel a violé les articles 121-1 du code pénal, 1317 du code de procédure civile, 2 et 497 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 et 497 du code de procédure pénale : 13. Selon ces textes, le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation, doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite. 14. Pour réformer le jugement entrepris, retenir une faute civile à l'encontre de M. [U], le condamner à verser à M. [F] une somme à titre de dommages et intérêts et le débouter de sa demande formée au titre de l'article 472 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué énonce que les articles 1317 et 1329 du code de procédure civile impartissent, en prévision d'une levée de scellés apposés après l'ouverture d'une succession, d'appeler, au plus tard vingt jours avant la date prévue pour l'opération, les personnes concernées comprenant, notamment, celles ayant requis leur apposition et celles ayant une vocation successorale. 15. Les juges retiennent que M. [U], qui ne pouvait méconnaître que les conditions posées par les dispositions précitées du code de procédure civile n'avaient pas été respectées, faute d'avoir convoqué M. [F] en son nom personnel ni observé le délai de convocation du nouveau représentant légal de la mineure [L] [F], ne pouvait donc pas lever les scellés et qu'en y procédant il avait nécessairement conscience de transgresser la loi. 16. Ils en déduisent l'existence d'une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, cette faute n'étant pas antérieure à la levée des scellés puisqu'il n'est pas reproché à M. [U] d'avoir omis de convoquer régulièrement toutes les personnes concernées à la levée des scellés mais d'avoir procédé à cette opération alors que les conditions légales n'étaient pas réunies. 17. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 18. En effet, en premier lieu, le bris de scellés par l'huissier de justice était autorisé par la loi pour avoir été requis par le notaire. 19. En second lieu, la méconnaissance de formalités préalables au bris de scellés découlant de dispositions du code de procédure civile n'entre pas dans les prévisions de l'article 434-22 du code pénal. 20. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 9 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555854.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 21-84.238 F-D N° 01422 SL2 18 OCTOBRE 2022 ARRET RECTIFICATIF M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 OCTOBRE 2022 M. [P] [S] a présenté une requête tendant à la rectification de l'arrêt rendu par la chambre criminelle le 21 juin 2022, qui a déclaré non admis le pourvoi de M. [T] [Z] et l'a condamné à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale (Crim., 21 juin 2022, pourvoi n° 21-84.238). Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [P] [S], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. L'arrêt susvisé enregistré sous n° 50747 mentionne par erreur, que M. [Z] devra payer 2 500 euros à M. [O] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale, alors qu'il s'agissait de M. [P] [S]. 2. Il convient donc de rectifier l'erreur en ce qu'il y a lieu de lire, à l'avant-dernier paragraphe de sa seconde page : « FIXE à 2 500 euros la somme que M. [P] [Z] devra payer à M. [T] [S] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. ». PAR CES MOTIFS, la Cour : ORDONNE la rectification de l'erreur matérielle que contient l'arrêt rendu 21 juin 2022 rendu sous le n° 50747 en ce qu'il sera indiqué à l'avant-dernier paragraphe de sa seconde page : « FIXE à 2 500 euros la somme que M. [T] [Z] devra payer à M. [P] [S] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. », en lieu et place de « FIXE à 2 500 euros la somme que M. [Z] devra payer à M. [O] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.». DIT que la mention du dispositif du présent arrêt rectificatif sera faite en marge de la minute de l'arrêt susvisé, lequel ne pourra être délivré en expédition que sous forme rectifiée. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555857.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° S 21-86.096 F-D N° 01354 ECF 8 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2022 M. [H] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa, chambre correctionnelle, en date du 10 août 2021, qui, pour mise en danger d'autrui, refus d'obtempérer et conduite sous l'empire d'un état alcoolique, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement, dont cinq mois avec sursis probatoire, à l'annulation de son permis de conduire et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [H] [D], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [H] [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs susmentionnés. 3. Les juges du premier degré l'ont condamné à dix mois d'emprisonnement, dont cinq mois avec sursis probatoire, à l'annulation de son permis de conduire et à une amende. 4. M. [D] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement ayant condamné M. [D] à une peine d'emprisonnement délictuel de dix mois dont cinq mois assortis d'un sursis probatoire pendant deux ans, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis inférieure à six mois doit obligatoirement procéder à son aménagement sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné ; qu'en prononçant à l'encontre de M. [D] une peine de dix mois d'emprisonnement assortie pour moitié d'un sursis probatoire et ferme pour cinq mois, sans prononcer un quelconque aménagement ni s'expliquer sur une impossibilité résultant de sa personnalité ou de sa situation, la cour d'appel a violé les articles 132-19 et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020, et 593 du code de procédure pénale : 6. Il résulte des deux premiers de ces textes que la juridiction qui prononce une peine inférieure ou égale à six mois d'emprisonnement ferme doit ordonner, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, l'aménagement de la totalité de la peine. 7. Selon le troisième, la juridiction de jugement qui prononce une peine d'emprisonnement ferme supérieure à un mois et inférieure ou égale à six mois doit, soit ordonner son aménagement en déterminant la mesure adaptée, soit, si elle ne dispose pas d'éléments lui permettant de déterminer celle-ci, ordonner la convocation du condamné devant le juge de l'application des peines. 8. Il en résulte que si la peine d'emprisonnement prononcée est inférieure ou égale à six mois, l'aménagement de la peine est obligatoire. 9. Ce n'est qu'en cas d'impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné que la juridiction de jugement peut écarter l'aménagement de la peine. 10. Dans ce cas, elle doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné. 11. En l'espèce, les juges ont prononcé une peine d'emprisonnement dont la partie ferme est de cinq mois sans même évoquer l'éventualité de l'aménagement de cette dernière. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés. 13. La cassation est en conséquence encourue. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation du véhicule Toyota, type Hilux, immatriculé [Immatriculation 1] de M. [D], alors « que le juge qui ordonne la confiscation d'un bien doit motiver sa décision au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, et apprécier le caractère nécessaire et proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé ; qu'en ordonnant la confiscation du véhicule Toyota Hilux immatriculé [Immatriculation 1], comme ayant été l'objet de l'infraction en se bornant à retenir qu'au regard de « la situation, de la réitération des faits, du danger que représente la conduite d'un tel véhicule en état d'ivresse » la confiscation était justifiée, la cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, n'a pas justifié sa décision et a violé les articles 1er du protocole n° 1 additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme ensemble les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-1 et 131-21 du code pénal, 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale : 15. Selon le premier de ces textes, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur. 16. Il résulte des deux textes suivants, qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine. Il incombe en conséquence, au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu. 17. Selon le dernier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 18. Pour ordonner la confiscation, à titre de peine complémentaire, du véhicule de marque Toyota, type Hilux, immatriculé [Immatriculation 1], l'arrêt attaqué énonce que le prévenu, âgé de 37 ans, père de trois enfants, vit en concubinage, déclare bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée au port autonome de [2], en qualité d'agent phytosanitaire aux frontières, moyennant un salaire mensuel de 300 000 francs pacifique, et que son casier judiciaire mentionne une condamnation réhabilitée de plein droit pour des faits identiques à ceux de l'espèce. 19. Les juges concluent qu'au regard de cette situation, de la réitération des faits et du danger que représente la conduite d'un tel véhicule en état d'ivresse, il y a lieu d'ordonner la confiscation de ce dernier, qualifié d'objet de l'infraction. 20. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer davantage sur la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété par la mesure de confiscation ordonnée, qui ne concerne pas l'objet de l'infraction mais le bien ayant servi à commettre cette dernière, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 21. La cassation est par conséquent derechef encourue. Portée et conséquences de la cassation 22. La cassation sera limitée aux dispositions de l'arrêt relatives aux peines, celles relatives à la culpabilité seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 10 août 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046556000.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 22-85.929 F-D N° 01498 MAS2 8 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2022 M. [P] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 4 octobre 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 11 août 2021, n° 21-84.364), a, notamment, autorisé sa remise aux autorités judiciaires italiennes en exécution d'un mandat d'arrêt européen. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [P] [G], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, l'avocat ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, M. Lemoine, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [P] [G] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen délivré le 20 novembre 2020 par le procureur de la République de Pescara, aux fins d'exécution d'une peine de trois ans et trois mois d'emprisonnement, prononcée le 11 novembre 2019 par le tribunal de cette ville, pour des faits qualifiés par les autorités requérantes d'escroquerie et de recel aggravé, en récidive. 3. M. [G] a reconnu que ce mandat s'appliquait bien à sa personne, mais n'a pas consenti à sa remise aux autorités italiennes. Examen des moyens Sur le second moyen 4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la remise de M. [G] à l'autorité judiciaire italienne au titre du mandat d'arrêt européen émis à son encontre le 20 novembre 2020 aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté résultant d'un jugement rendu le 11 novembre 2019 par le tribunal de Pescara « devenu irrévocable le 26 février 2020 », alors « que la remise doit être refusée lorsqu'elle est demandée aux fins de l'exécution d'une peine prononcée par un jugement réputé irrévocable, à l'issue d'un procès auquel l'intéressé n'a ni comparu ni été représenté par un avocat auquel il avait personnellement donné mandat ; qu'il résulte des pièces de la procédure que M. [G] n'a pas été cité à l'audience du tribunal de Pescara ni n'a été informé de sa date, que la décision ne lui a pas été signifiée et n'a pas vocation à l'être et que les autorités italiennes la tiennent pour « irrévocable » ; que M. [G] faisait valoir qu'il n'avait pas été représenté à cette audience par un avocat auquel il aurait personnellement donné mandat ; que pour écarter le moyen pris de ce que la remise ne pouvait avoir lieu dans de telles conditions, la chambre de l'instruction que le mandat italien comporte « une mention spéciale indiquant que [P] [G] a effectivement été défendu par un avocat d'office désigné à son initiative par l'Etat italien de sorte qu'il a avait nécessairement connaissance de la décision à intervenir » et encore qu'il résulte du mandat que « [P] [G] a eu connaissance de la date de l'audience et qu'il a expressément mandaté un avocat pour le représenter » ; qu'en statuant de la sorte quand le mandat d'arrêt européen, d'une part, se bornait à cocher la formule-type de la case 3.2, empreinte d'équivoque, selon laquelle « l'intéressé a donné mandat à un conseil juridique, qui a été désigné, soit par l'intéressé soit par l'Etat, pour le défendre (?) il n'a pas comparu en personne au procès, il a été assisté d'un défenseur commis d'office », d'autre part, s'abstenait, contrairement à l'invitation faite au paragraphe 4, la case 3.2 ayant été cochée, de « préciser comment la condition concernée a été remplie », la chambre de l'instruction, qui ne pouvait se fonder sur ces seules énonciations, a violé les articles 593 et 695-22-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 6. Pour ordonner la remise de M. [G] aux autorités judiciaires italiennes, l'arrêt attaqué énonce qu'en application de l'article 695-22-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 applicable à l'espèce, l'absence de comparution de la personne à l'audience ayant donné lieu à sa condamnation est un motif facultatif de refus de remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen. 7. Les juges relèvent que les termes du mandat d'arrêt italien établissent que M. [G] a eu connaissance de la date de l'audience et qu'il a expressément mandaté un avocat pour le représenter, indépendamment de la question, inopérante en l'espèce, de savoir si cet avocat avait été désigné d'office par l'Etat italien ou par l'intéressé lui-même. 8. Ils observent que ces mentions satisfont à l'obligation de s'assurer que la décision a été rendue de manière contradictoire et que M. [G] n'a pas été privé des voies de recours. 9. En l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance ou de contradiction, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 10. En effet, l'opportunité d'un refus de remise, rendu facultatif par l'article 695-22-1 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. 11. Dès lors, le moyen doit être écarté. 12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555928.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 647 F-D Pourvoi n° Y 20-16.454 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société SPS [Y] [J], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-16.454 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Coopérative des transporteurs en benne (CTB), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Coopérative des transporteurs en benne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société SPS [Y] [J], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Coopérative des transporteurs en benne (CTB), après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,12 mars 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 février 2017, pourvoi n° 15-23.050), la société Coopérative des transporteurs en benne (la société CTB), coopérative d'entreprises de transport routier de marchandises, a, selon des délibérations de son conseil d'administration du 27 mars 2012 et de l'assemblée générale du 23 juin 2012, décidé d'exclure la société SPS [Y] [J] (la société [J]), spécialisée dans le transport de bennes et de mobil-homes, qui en était membre depuis 2001. 2. Contestant cette exclusion, la société [J] a assigné la société CTB pour rupture brutale de leur relation commerciale, la société CTB formant des demandes reconventionnelles. Examen des moyens Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La société [J] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société CTB la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité, alors : « 1°/ qu'en jugeant que l'article 26 du règlement intérieur impliquait que l'ensemble de la clientèle des sociétaires devait être gérée par la coopérative, c'est-à-dire par la société CTB, quand l'article 24 prévoyait qu'il existait deux clientèles distinctes, celle de la coopérative d'une part et celle des sociétaires d'autre part, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°/ qu'en jugeant que l'article 26 du règlement intérieur impliquait que l'ensemble de la clientèle des sociétaires devait être gérée par la coopérative, c'est-à-dire par la société CTB, quand cet article précisait que "toute clientèle appartenant à un sociétaire avant son entrée dans CTB reste sa propriété exclusive, mais le seul fait de son adhésion à CTB et de l'organisation de celle-ci, implique pour toute la durée de cette adhésion, l'existence tacite d'un mandat de gestion de cette clientèle par CTB", ce qui impliquait clairement, et sans interprétation rendue nécessaire par l'obscurité de l'acte, que la clientèle acquise postérieurement à l'entrée dans la coopérative ne faisait pas l'objet d'un mandat de gestion tacite pour la société CTB, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour 5. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes du règlement intérieur de la société CTB, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que, durant l'adhésion à la coopérative, la clientèle du sociétaire était gérée par la coopérative et que l'adhérent devait respecter la clause d'exclusivité. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur ce moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. La société [J] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de la société [J], si la société CTB disposait des licences pour transporter les mobil-homes, quand les sociétés coopératives d'entreprises de transport public routier de marchandises ont la qualité de voiturier et qu'elles doivent donc être titulaires des licences adéquates pour se prévaloir d'une clientèle de convois exceptionnels, la cour d'appel a violé l'article L. 3441-5 du code des transports, ensemble l'article R. 433-1 du code de la route dans sa rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 433-1, alinéa 1er, du code de la route : 8. Selon ce texte, le transport ou la circulation de marchandises, engins ou véhicules présentant un caractère exceptionnel en raison de leurs dimensions ou de leur masse excédant les limites réglementaires, doit faire l'objet d'une autorisation préalable. 9. Pour condamner la société [J] à payer à la société CTB la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de la clause d'exclusivité insérée à son règlement intérieur, l'arrêt retient que la faute de la société [J] a causé un préjudice à la société CTB en ce que le chiffre d'affaires apporté par la société [J] a été moindre que celui escompté. Il fixe le montant des dommages et intérêts à 12,5 % de l'écart constaté entre les chiffres d'affaires réalisés par la société [J] entre 2008 et 2011 et les chiffres d'affaires dédiés à la coopérative. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société CTB disposait des licences pour transporter les mobil-homes, ce qui, à supposer qu'elle en soit dépourvue, aurait une incidence sur le montant des dommages et intérêts à lui allouer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 11. La société [J] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion provisoire et ses demandes de condamnation de la société CTB à lui payer les sommes de 121 800 euros et 4 000 euros, alors « qu'en jugeant que la société [J] ne pouvait demander à être indemnisée des conséquences de son exclusion de la société CTB emportant rupture du contrat de coopération en vertu duquel elle profitait des services coopératifs, quand une société membre d'une coopérative qui en a été exclue peut demander à être indemnisée du préjudice résultant de cette exclusion, indépendamment de toute demande en nullité de la délibération par laquelle le contrat de coopération a été rompu, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ainsi que l'article 9 de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 et l'article 7 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947. » Réponse de la Cour Vu les articles 9 de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 12. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un associé d'une société coopérative, telle une société coopérative d'entreprises de transports, n'est pas tenu de demander l'annulation de la décision d'exclusion pour solliciter la réparation du préjudice résultant de son exclusion. 13. Pour rejeter la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société [J] en réparation du préjudice résultant de son exclusion de la société CTB, l'arrêt relève que la société [J] n'a pas sollicité judiciairement la nullité de la décision de l'assemblée générale de la société CTB du 23 juin 2012 confirmant la décision du conseil d'administration de l'exclure de la société et retient que, n'ayant pas contesté la voie de procédure prévue par les statuts et le règlement intérieur, qui constituaient la loi des parties, celle-ci n'est plus fondée à contester les motifs retenus par les organes habilités à se prononcer sur la faute reprochée. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société SPS [Y] [J] en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion de la coopérative, en ce qu'il condamne la société SPS [Y] [J] à payer à la société Coopérative des transporteurs en benne la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Coopérative des transporteurs en benne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Coopérative des transporteurs en benne et la condamne à payer à la société SPS [Y] [J] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société SPS [Y] [J]. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la SPS [Y] [J] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion provisoire, D'AVOIR débouté la SPS [Y] [J] de sa demande tendant à ce que la société Coopérative des transporteurs en benne soit condamnée, à titre de dommages et intérêts, au paiement d'une somme équivalente à une année de perte de marge brute, soit à la somme de 121 800 euros et D'AVOIR débouté la SPS [Y] [J] de sa demande que soit condamnée la société Coopérative de transport en benne au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « En application de l'article 7 de la loi du 10 septembre 1947, les statuts des coopératives fixant les conditions d'adhésion, de retrait et d'exclusion des associés, les conditions dans lesquelles les liens unissant une société coopérative et un associé peuvent cesser sont régies par les statuts de celle-ci et en conséquence la demande fondée sur l'article L.442-6-l,5°doit être déclarée irrecevable. La société SPS [Y] [J] forme des demandes d'indemnisation sur le fondement des articles 1134,1142,1147 anciens du code civil en contestant les motifs de son exclusion de la coopérative. Les statuts et le règlement intérieur de la société C.T.B. déterminent les modalités d'exclusion d'un adhérent. L'article 1 stipule que par sa demande d'admission, le candidat s'oblige à respecter les dispositions statutaires, les dispositions du règlement intérieur, les décisions des assemblées générales et à se soumettre aux règles de discipline commune. À défaut, il encourt les sanctions prévues par le règlement intérieur et éventuellement son exclusion La SARL SPS [Y] [J], a été invitée, par courrier en date du 9 mars 2012, à se présenter dans les bureaux du Spycker le 15 mars 2012 pour s'expliquer sur la diminution significative de son chiffre d'affaires transport mobil-home. Par courrier en date du 19 mars 2012, elle a été invitée, à être présente au prochain conseil d'administration se tenant le 27 mars 2012 avec pour ordre du jour : - chiffre d'affaires en baisse du secteur Maisons Mobiles de la société SPS [Y] [J] et disposition à prendre, - chiffre d'affaire hors coopérative et assurance, Il résulte du procès-verbal en date du 27 mars 2012 du conseil d'administration de la coopérative que : - la société SPS [Y] [J] avait sciemment omis de déclarer une part de son chiffre d'affaires sur l'activité Maisons Mobiles, générant une perte de PFG pour la coopérative de plus del7.000 euros, - la société SPS [Y] [J] a déclaré un sinistre sur transports non déclarés à la société Coopérative des transporteurs en benne en mai 2011, bénéficiant ainsi du contrat mis en place par la coopérative, sans contrepartie, et générant pour la coopérative et par conséquent pour les autres coopérateurs, une hausse de la prime d'assurance pour 2012/2013. Le conseil d'administration, après avoir considéré que ces agissements constituaient une faute grave, a décidé à l'unanimité d'exclure la société SPS [Y] [J] de la coopérative sur le fondement des articles 16 à 18, 24, 28 et 29 du règlement intérieur. La société SPS [Y] [J] a relevé appel devant l'assemblée générale de la décision d'exclusion prononcée par le conseil d'administration. L'assemblée générale, dans sa décision du 23 juin 2012, a confirmé la décision d'exclusion à effet du 28 mars 2012, prise le 27 mars 2012 par le conseil d'administration de la coopérative. La société SPS [Y] [J] n'a pas sollicité judiciairement la nullité de la décision de l'assemblée générale. N'ayant pas contesté la voie de procédure prévue par les statuts et le règlement intérieur de la coopérative, qui constituent la loi des parties, la société SPS [Y] [J] n'est plus fondée à contester les motifs retenus par les organes habilités à se prononcer sur la faute reprochée. La société SPS [Y] [J] sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion de la coopérative. » 1°) ALORS QU'en jugeant que « n'ayant pas contesté la voie de procédure prévue par les statuts et le règlement intérieur de la coopérative, qui constituent la loi des parties, la société SPS [Y] [J] n'est plus fondée à contester les motifs retenus par les organes habilités à se prononcer sur la faute reprochée » (p. 8 de l'arrêt), quand ni les statuts de la société Coopérative des transporteurs en benne ni le règlement intérieur en cause ne prévoyaient que la demande de dommages et intérêts ayant pour objet d'indemniser le préjudice de l'associé dont l'exclusion a emporté la rupture du contrat de contrat de coopération, en vertu duquel il profitait des services coopératifs, était conditionnée à la contestation préalable de la validité de la décision d'exclusion, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en jugeant que la société SPS [Y] [J] ne pouvait demander à être indemnisée des conséquences de son exclusion de la société Coopérative des transporteurs en benne emportant rupture du contrat de coopération en vertu duquel elle profitait des services coopératifs, quand une société membre d'une coopérative qui en a été exclue peut demander à être indemnisée du préjudice résultant de cette exclusion, indépendamment de toute demande en nullité de la délibération par laquelle le contrat de coopération a été rompu, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ainsi que l'article 9 de la loi n°83-657 du 20 juillet 1983 et l'article 7 de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SPS [Y] [J] à payer à la société Coopérative des transporteurs en benne la somme de 46 762 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité ; AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Il est constant que la SPS [Y] [J] (anciennement dénommée SPI, puis SPH Transports) adhérait à la société Coopérative des transporteurs en benne, en qualité de sociétaire en février 2001, souscrivant à cet effet au capital de la société Coopérative des transporteurs en benne une somme de 40.000,00 Francs (6.098,00 euros) soit environ 3.000,00 euros par véhicule détenu. La société SPH changeait de dénomination en 2007, à l'occasion de l'acquisition d'un fonds de commerce de Monsieur [Y] [J] exerçant une activité de transport de mobil-homes pour les particuliers. La société SPS [Y] [J] exploitait historiquement une activité de bennes destinées au transport de matériaux et en annexe à compter de 2007 une activité de transport de mobil-homes. Par suite de ce rachat de fonds de commerce, SPS disposait désormais de trois camions (deux camions appartenant à la société SPH et un camion appartenant à la société [Y] [J]) et effectuait des transports en bennes pour la société Coopérative des transporteurs en benne en contrepartie du droit d'entrée versé outre les commissions d'affrètement et de commissions de transport. L'un des camions était ensuite retiré de la coopérative pour être remplacé par un camion de transports de mobil home et une benne (6.000,00 euros). Tant le règlement intérieur de 1993 que celui de 2007 prévoit en ses articles 2 et 16 les dispositions suivantes : L'article 2 du règlement intérieur prévoit que « la coopérative C.T.B est composée aux trois quarts au minimum de sociétaire actifs, c'est-à-dire d'entrepreneurs (personnes physiques ou morales) de transport routier de marchandises et / ou de loueurs de véhicules qui mettent à la disposition exclusive de la coopérative tout ou partie de leur parc de véhicules répondant aux activités de la coopérative, pour lui permettre de remplir son objet social [...]. Un coopérateur avec les véhicules mis à la disposition de la coopérative C.T.B ne peut en aucun cas effectuer directement un trafic pour son compte personnel et en dehors de la coopérative C.T.B, que ce trafic puisse ou non être assumé à la coopérative, sauf autorisation du directeur ». L'article 16 des règlements intérieurs successifs précise que :« Chaque entreprise sociétaire s'engage à placer son parc de véhicules, sous l'autorité de C.T.B qui les utilise, conformément à l'article 8. Elle s'interdit en conséquence d'utiliser l'un ou les véhicules de ce parc pour son seul compte, sans l'accord de la direction de C.T.B. [...] ». Le règlement intérieur de 1993 prévoit que la clientèle appartenant à un sociétaire avant son adhésion reste sa propriété exclusive postérieurement à l'exclusion d'un membre qui peut prétendre en contrepartie à un dédommagement si elle est conservée par la coopérative. La société SPS [Y] [J] sollicite l'application de cette disposition du règlement intérieur de 1993 à la clientèle de l'activité mobil home. Cependant, cette disposition n'a pas d'incidence sur l'application de la clause d'exclusivité puisque l'article 26 du règlement de 1993 précise que "le seul fait de son adhésion à CTB et de l'organisation de celle-ci, implique pour toute la durée de cette adhésion, l'existence tacite d'un mandat de gestion de cette clientèle par CTB" alors que celui de 2007 énonce que dès son adhésion, le sociétaire abandonne sa clientèle à la coopérative. Il en résulte que durant l'adhésion à la coopérative, la clientèle du sociétaire est gérée par la coopérative et que l'adhérent doit respecter la clause d'exclusivité. La société SPS [Y] [J] était adhérente depuis 2001 de la coopérative lorsqu'elle a acquis en 2007 le fonds de commerce de transports de mobil home dont la clientèle a été affectée à la coopérative. La société SPS [Y] [J] en ce qu'elle allègue que la clientèle de transport de mobil home lui appartenait en propre et ne bénéficiait pas à la coopérative reconnaît qu'elle n'incluait pas les revenus issus de ce négoce à l'activité de la coopérative alors qu' ' en toute état de cause la clientèle, comme le personnel ou le parc de véhicule sont dédiés à la coopérative. Cette absence d'affectation des revenus à la coopérative résulte également des bilans de la société SPS [Y] [J]. La société SPS [Y] [J] a donc commis une faute en violant la clause d'exclusivité insérée au règlement intérieur de la coopérative. Cette faute a causé un préjudice à la coopérative en ce que le chiffre d'affaires apporté par la société SPS [Y] [J] qui bénéficiait des avantages résultant de son adhésion à la coopérative, a été moindre que celui escompté. Il est produit le chiffre d'affaires réalisé de 2008 à 2011 par la société SPS [Y] [J] dans son intégralité ainsi que le chiffre d'affaires dédié à la coopérative ainsi que l'écart constaté. La société Coopérative des transporteurs en benne sollicite en réparation de son préjudice 12,5% de l'écart constaté ce qui correspond à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir soit les sommes suivantes : - écart : 66.980 euros préjudice : 8.361 euros - écart : 81.860 euros préjudice : 10.232 euros - écart : 76.296 euros préjudice : 9.573 euros - écart : 127. 050 euros préjudice :15.881euros - 3 mois 1/4 du préjudice moyen : 2.751 euros Total : 46.762 euros Il sera alloué à la société Coopérative des transporteurs en benne la somme de 46.762 euros à titre de dommages- intérêts en réparation de son préjudice. » 1°) ALORS QU'en jugeant que l'article 26 du règlement intérieur impliquait que l'ensemble de la clientèle des sociétaires devait être gérée par la coopérative, c'est-à-dire par la société Coopérative des transporteurs en benne, quand l'article 24 prévoyait qu'il existait deux clientèles distinctes, celle de la coopérative d'une part et celle des sociétaires d'autre part, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QU'en jugeant que l'article 26 du règlement intérieur impliquait que l'ensemble de la clientèle des sociétaires devait être gérée par la coopérative, c'est-à-dire par la société Coopérative des transporteurs en benne, quand cet article précisait que « toute clientèle appartenant à un sociétaire avant son entrée dans C.T.B. reste sa propriété exclusive, mais le seul fait de son adhésion à C.T.B. et de l'organisation de celle-ci, implique pour toute la durée de cette adhésion, l'existence tacite d'un mandat de gestion de cette clientèle par C.T.B. », ce qui impliquait clairement, et sans interprétation rendue nécessaire par l'obscurité de l'acte, que la clientèle acquise postérieurement à l'entrée dans la coopérative ne faisait pas l'objet d'un mandat de gestion tacite pour la société Coopérative des transporteurs en benne, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de la SPS [Y] [J] (p. 15), si la société Coopérative des transporteurs en benne disposait des licences pour transporter les mobil-homes, quand les sociétés coopératives d'entreprises de transport public routier de marchandises ont la qualité de voiturier et qu'elles doivent donc être titulaires des licences adéquates pour se prévaloir d'une clientèle de convois exceptionnels, la cour d'appel a violé l'article L. 3441-5 du code des transports, ensemble l'article R 433-1 du code de la route dans sa rédaction applicable en la cause. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative des transporteurs en benne (CTB). La société Coopérative des transporteurs en benne fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société CTB de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la violation de la clause d'engagement de non-concurrence ALORS QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en jugeant que l'engagement de non-concurrence n'était pas applicable à la société SPS [Y] [J], au motif que « la clause 25 des règlements intérieurs successifs vise expressément qu'elle s'applique au sociétaire « pendant une durée de trois années à dater de son retrait », sans viser la situation de l'adhérent exclu », alors que le terme de retrait mentionné dans ladite clause n'écartait nullement l'hypothèse d'un retrait forcé que constitue une exclusion, la Cour d'appel a refusé d'appliquer la loi des parties en introduisant une distinction que la clause ne comportait pas et a, partant, violé l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause.
INCA/JURITEXT000046555929.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 648 F-D Pourvoi n° D 21-11.150 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [P] [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-11.150 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [W], domicilié [Adresse 3] (Portugal), 2°/ à la société Européenne d'assurances et finances (Eurafi), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. [W] et la société Européenne d'assurances et finances ont formé, chacun, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de chacun de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [H], de la SCP Richard, avocat de M. [W], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Européenne d'assurances et finances (Eurafi), après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 20 février 2019, pourvoi n° 17-12.050), le capital de la SARL Européenne d'assurance et finance (la société Eurafi), ayant pour gérant M. [W], est détenu, à concurrence de 65 % par ce dernier et à concurrence de 35 % par Mme [H]. 2. Soutenant que les décisions de mise en réserve des bénéfices et d'augmentation des rémunérations du gérant, arrêtées, entre les années 2009 et 2011, par l'assemblée générale des associés, constituaient un abus de majorité, Mme [H] a assigné M. [W] et la société Eurafi en annulation de l'ensemble des délibérations des assemblées générales de la société Eurafi des 30 juin 2009, 30 juin 2010 et 30 juin 2011, en remboursement, par M. [W], des rémunérations irrégulièrement perçues et en paiement de dommages et intérêts. Examen des moyens Sur les deux moyens du pourvoi incident de la société Eurafi et les deux moyens du pourvoi incident de M. [W], ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. Mme [H] fait grief à l'arrêt de dire que M. [W] devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2010, 2011 et 2012 dans le respect des droits des associés minoritaires, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aucune des parties au litige n'avait demandé à la cour d'appel, au cas où elle prononcerait la nullité des délibérations des assemblées générales de la société Eurafi des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012, qu'elle juge que M. [W], gérant de cette société, devrait convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années en cause ; que la cour d'appel a prononcé la nullité des délibérations litigieuses ; qu'en y ajoutant l'obligation pour le gérant de la société Eurafi de convoquer une assemblée générale pour fixer cette rémunération, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. M. [W] soulève l'irrecevabilité du moyen, soutenant que Mme [H] est dépourvue d'intérêt à l'invoquer. 6. Le chef de dispositif de l'arrêt disant que M. [W] doit convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2010, 2011 et 2012 dans le respect des droits des associés minoritaires, fait grief à Mme [H]. 7. Le moyen est donc recevable. Bien fondé du moyen Vu l'article 4 du code de procédure civile : 8. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 9. L'arrêt dit que M. [W] devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2010, 2011 et 2012 dans le respect des droits des associés minoritaires. 10. En statuant ainsi, alors qu'aucune des parties n'avait formé, même implicitement, une telle demande dans ses conclusions, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que M. [W] devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2010, 2011 et 2012 dans le respect des droits des associés minoritaires, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et la société Européenne d'assurance et finance et les condamne à payer à Mme [H] la somme de 1 500 euros chacun ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [H]. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. [W] devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2010, 2011 et 2012 dans le respect des droits des associés minoritaires ; AUX MOTIFS QUE Mme [H] sollicite la nullité des délibérations des assemblées générales relatives à la rémunération de monsieur [W] et au défaut de distribution des dividendes ; que la cour relève qu'elle a jugé que ces rémunérations avaient été approuvées par les assemblées générales 2009, 2010 et 2011 par l'effet d'un abus de majorité ; que ces délibérations seront en conséquence annulées et M. [W] devra rembourser à la société Eurafi dans les six mois de la présente décision les sommes qu'il a reçues en vertu de ces délibérations nulles ; que M. [W], qui a cependant le droit d'être rémunéré pour le travail effectué, devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2009, 2010 et 2011 qui respectera les droits de l'associée minoritaire et les intérêts de la société ; qu'en effet, l'assemblée générale du 2 février 2017 qui a ratifié les résolutions litigieuses des assemblées annulées par l'arrêt de la cour d'appel du 8 novembre 2016 pour violation des dispositions statutaires relatives aux majorités ne peut avoir eu pour effet de régulariser ces délibérations annulées pour abus de majorité ; que la cour laisse à M. [W] la charge de convoquer une nouvelle assemblée générale qui décidera des rémunérations pour les années 2009 à 2012 ; 1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aucune des parties au litige n'avait demandé à la cour d'appel, au cas où elle prononcerait la nullité des délibérations des assemblées générales de la société Eurafi des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012, qu'elle juge que M. [W], gérant de cette société, devrait convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années en cause ; que la cour d'appel a prononcé la nullité des délibérations litigieuses ; qu'en y ajoutant l'obligation pour le gérant de la société Eurafi de convoquer une assemblée générale pour fixer cette rémunération, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'après avoir annulé les délibérations de l'assemblée générale de la société Eurafi des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012 ayant fixé la rémunération du gérant de cette société au prix d'un abus de majorité, la cour d'appel a relevé d'office que, ce gérant ayant le droit d'être rémunéré pour le travail effectué, il devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2009, 2010 et 2011 qui respectera les droits de l'associée minoritaire et les intérêts de la société ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE le gérant qui procède à des prélèvements abusifs de fonds sociaux, même autorisés par une assemblée générale des associés, ne peut obtenir, fût-ce pour partie, restitution des sommes ainsi prélevées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a annulé les délibérations de l'assemblée générale de la société Eurafi des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012 ayant fixé la rémunération du gérant de cette société, respectivement pour les années 2009, 2010 et 2011, au prix d'un abus de majorité et, en conséquence, a condamné ce gérant à rembourser à la société Eurafi les sommes ainsi indûment perçues ; qu'en affirmant néanmoins que ce gérant ayant le droit d'être rémunéré pour le travail effectué, il devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2009, 2010 et 2011 qui respectera les droits de l'associée minoritaire et les intérêts de la société, la cour d'appel a violé l'article 1833 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ; 4) ALORS en toute hypothèse QU'aucune norme juridique n'autorise le juge, lorsqu'il annule la délibération d'une société ayant fixé la rémunération du gérant au prix d'un abus de majorité, d'enjoindre au gérant de convoquer une nouvelle assemblée générale de la société afin de fixer sa rémunération au titre de la période en cause ; qu'en affirmant au contraire, après avoir annulé les délibérations de l'assemblée générale de la société Eurafi des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012 pour avoir fixé la rémunération du gérant de cette société par un abus de majorité, que ce gérant ayant le droit d'être rémunéré pour le travail effectué, il devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2009, 2010 et 2011 qui respectera les droits de l'associée minoritaire et les intérêts de la société, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1833 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ; 5) ALORS subsidiairement QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; que l'arrêt attaqué est entaché d'une telle contradiction dès lors que, dans ses motifs (arrêt, p. 9, § 6), il affirme que le gérant de la société Eurafi devra convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2009, 2010 et 2011, avant d'énoncer dans son dispositif que cette obligation porte sa rémunération pour les années 2010, 2011 et 2012, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. [W]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [R] [W] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il a commis un abus de majorité et d'avoir prononcé, en conséquence, la nullité des délibérations des assemblées générales ordinaires de la Société EURAFI des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012 ; 1°) ALORS QUE l'abus de majorité suppose que soient cumulativement caractérisées une atteinte portée à l'intérêt social par la décision adoptée et une rupture d'égalité entre des actionnaires ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que Monsieur [W] avait commis un abus de majorité au détriment de Madame [H] à l'occasion de la fixation de sa rémunération pour les exercices 2009, 2010 et 2011, que l'augmentation de celle-ci n'était pas justifiée par une augmentation de la charge de travail pesant sur lui, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur [W] avait, de 2009 à 2012, procédé à une importante collecte de fonds à hauteur de 21.597.351 euros pour la Société EURAFI, ce qui représentait plus de 80 % de l'encours actuel de la société auprès de la Société GENERALI, et plus de 63 % de l'encours total de la Société EURAFI, ce dont il résultait que l'augmentation de sa rémunération était corrélée au travail qu'il avait fourni en sa qualité de gérant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°) ALORS QUE l'abus de majorité suppose que soient cumulativement caractérisées une atteinte portée à l'intérêt social par la décision adoptée et une rupture d'égalité entre des actionnaires ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir que Monsieur [W] avait commis un abus de majorité à l'occasion de la fixation de sa rémunération, que l'augmentation de celle-ci n'était pas corrélée avec une augmentation du chiffre d'affaires ou des bénéfices de la Société EURAFI, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que les décisions litigieuses étaient contraires à l'intérêt social et avaient été prises dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant néanmoins d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que le défaut de distribution de dividendes avait pour objectif de diminuer la valeur de la Société EURAFI, et donc des parts sociales de Madame [H], contraignant ainsi cette dernière à céder ses parts sociales à Monsieur [W], la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE l'abus de majorité suppose que soient cumulativement caractérisées une atteinte portée à l'intérêt social par la décision adoptée et une rupture d'égalité entre des actionnaires ; que la décision litigieuse doit donc avoir été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en décidant que Monsieur [W] avait commis un abus de majorité, au motif inopérant que le défaut de distribution de dividendes avait pour objectif de diminuer la valeur de la Société EURAFI, et donc des parts sociales de Madame [H], contraignant ainsi cette dernière à céder ses parts sociales à Monsieur [W], la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 5°) ALORS QUE l'abus de majorité suppose que soient cumulativement caractérisées une atteinte portée à l'intérêt social par la décision adoptée et une rupture d'égalité entre des actionnaires ; que la mise en réserve des dividendes et leur absence de distribution ne sont pas de nature à diminuer la valeur d'une société ; qu'en décidant néanmoins que le défaut de distribution de dividendes avait pour finalité de tenter de convaincre Madame [H] de céder sa participation dans la Société EURAFI en diminuant la valeur de la société, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 6°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en prononçant la nullité des délibérations des assemblées générales ordinaires de la Société EURAFI des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012 relatives à la rémunération de Monsieur [W], après avoir pourtant affirmé, dans les motifs de sa décision, que les rémunérations avaient été approuvées par les assemblées générales des années 2009, 2010 et 2011 par l'effet d'un abus de majorité, de sorte qu'elles devaient être annulées, la Cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article 455 du Code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Monsieur [R] [W] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à rembourser à la Société EURAFI, dans les six mois de l'arrêt attaqué, les sommes perçues au titre de sa rémunération augmentées des charges sociales y afférentes et des cotisations retraite dites « Madelin », soit 160.246 euros pour l'année 2009, 169.769 euros pour l'année 2010 et 233.120 euros pour l'année 2012, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, ainsi que de l'avoir condamné à payer à Madame [P] [H] la somme de 55.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, et d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts ; 1°) ALORS QUE les dommages-intérêts alloués à une victime en réparation de son préjudice résultant d'un abus de majorité doivent réparer le préjudice subi par celle-ci, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en condamnant Monsieur [W], d'une part, à rembourser à la Société EURAFI les sommes perçues au titre de sa rémunération, et d'autre part, à réparer le préjudice subi par Madame [H] résultant de l'absence de distribution de dividendes en raison des rémunérations qu'il s'était octroyées à Monsieur [W], la Cour d'appel, qui a réparé deux fois le préjudice subi par Madame [H], a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ; 2°) ALORS QUE la société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques, associées ou non, dont la rémunération, fixée soit par les statuts, soit par une décision collective des associés, est due tant qu'aucune décision la révoquant n'est intervenue ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur [W] était tenu de convoquer une nouvelle assemblée générale afin de fixer sa rémunération pour les années 2009, 2010 et 2011, motif pris que les résolutions prises par l'assemblée générale du 2 février 2017, ayant ratifié les rémunérations litigieuses, ne pouvaient avoir eu pour effet de régulariser les délibérations annulées pour abus de majorité, bien qu'à défaut d'avoir prononcé la nullité des résolutions prises par l'assemblée générale du 2 février 2017, celles-ci aient continué à produire tous leurs effets, la Cour d'appel a violé l'article L. 223-18 du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Moyens produits au pourvoi incident par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société Européenne d'assurances et finances (Eurafi). Premier moyen de cassation du pourvoi incident La société Eurafi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité des délibérations des assemblées générales ordinaires de la société Eurafi des 30 juin 2010, 30 juin 2011 et 31 juillet 2012 relatives à la fixation de la rémunération de M. [W], après avoir jugé que M. [W] avait commis un abus de majorité ; 1°) Alors que l'abus de majorité n'est caractérisé que si la décision litigieuse est contraire à l'intérêt social et prise dans l'unique dessein de favoriser un ou des associés majoritaires au détriment des minoritaires ; qu'en l'espèce, la société Eurafi a fait valoir que les rémunérations octroyées à M. [W] correspondaient au temps et à l'énergie déployée pour gagner de nouveaux clients et rétablir le niveau d'activité de la société, qu'en particulier, la majeure partie des capitaux gérés désormais par la société avaient été collectés après le départ de Mme [H], qui avait créé une structure concurrente, que ces efforts avaient payé puisque M. [W] était parvenu à maintenir le niveau d'activité de la société dans la période de double crise financière de 2008 et 2011 ; que pour retenir un abus de majorité au détriment de l'associé minoritaire Mme [H] pour les exercices 2009, 2010 et 2011, la cour d'appel a retenu que l'augmentation de la rémunération de M. [W] à compter de l'exercice 2009 n'était pas corrélé avec la baisse du chiffre d'affaires et le montant des bénéfices et qu'elle n'avait pu se faire qu'au détriment de l'intérêt social et de l'associé minoritaire qui ne recevait de ce fait plus aucun dividende ; qu'en statuant ainsi tout en constatant que les actifs sous gestion avaient effectivement progressé de 400 000 € à 500 000€, sans rechercher, ainsi que le soutenait la société Eurafi, si ce bon résultat n'était pas dû aux efforts de M. [W], ce qui justifiait une augmentation de sa rémunération dans les proportions décidées qui, dès lors, n'était pas contraire à l'intérêt social ni prise dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment des minoritaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°) Alors que la cour d'appel a considéré d'un côté que le chiffre d'affaires avait évolué de la manière suivante : 485 733 € en 2007, 333 274 € en 2008, 343 723 € en 2009, 346 673 € en 2010 et 366 395 € en 2011, concluant qu'il était resté stable (arrêt p 7, § 6 et 7), et, de l'autre, que l'augmentation de la rémunération de M. [W] à compter de 2009 n'était pas corrélée avec la baisse du chiffre d'affaires (arrêt p 8, § 1) ; qu'en considérant ainsi que le chiffre d'affaires était resté stable et en relevant même qu'il avait légèrement augmenté à compter de 2009, mais aussi qu'il aurait baissé à compter de 2009, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) Alors que pour retenir l'existence d'un abus de majorité, la cour d'appel a constaté que le défaut de distribution de dividendes avait notamment pour finalité de tenter de convaincre Mme [H] de céder sa participation dans Eurafi en faisant en sorte qu'elle n'en tire plus de bénéfice et en diminuant la valeur de la société et donc des parts sociales que M. [W] souhaitait acheter ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le fait invoqué par la société Eurafi (conclusions p 5, § 2) que Mme [H] ne sollicitait pas l'annulation des décisions de mise en réserve des bénéfices, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) Alors que le juge ne peut relever d'office un moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur son bien-fondé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu d'office que le défaut de distribution de dividendes avait pour but de convaincre Mme [H] de céder sa participation dans Eurafi en diminuant la valeur de la société et donc des parts sociales que M. [W] souhaitait acheter ; qu'en soulevant d'office ce moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. Second moyen de cassation du pourvoi incident La société Eurafi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. [W] à rembourser à la société Eurafi dans les six mois de la décision les sommes perçues au titre de sa rémunération augmentée des charges sociales y afférentes et des cotisations retraite dites « Madelin », soit 160 246 € pour l'année 2009, 169 769 € pour l'année 2010 et 233 120 € pour l'année 2012, outre intérêts, et à payer à Mme [H] la somme de 55 000 € de dommages-intérêts, outre intérêts ; 1/ Alors que l'abus de majorité ne peut faire l'objet d'une réparation excédant le préjudice subi ; qu'en l'espèce, pour réparer le préjudice invoqué par Mme [H] résultant de l'abus de majorité retenu par la cour d'appel, celle-ci lui a alloué des dommages-intérêts correspondant pour partie aux dividendes qu'elle n'aurait pas perçus pendant cette période et a condamné M. [W] à restituer à la société Eurafi, dont Mme [H] était associée minoritaire, les rémunérations excessives qu'il aurait perçues, qui auront vocation à être distribuées également à titre de dividendes ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice subi par Mme [H], en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 2/ Alors que le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir permis préalablement aux parties de s'expliquer sur son bien-fondé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a évoqué l'assemblée générale du 2 février 2017, qui a ratifié les résolutions litigieuses pour les années 2009, 2010 et 2011, et estimé qu'elle n'avait pu avoir pour effet de régulariser ces délibérations annulées pour abus de majorité par l'arrêt du 8 novembre 2016 ; qu'en relevant d'office ce motif sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555917.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 635 F-D Pourvoi n° U 20-11.114 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [R] [N], domiciliée [Adresse 7] (Allemagne), 2°/ Mme [Z] [N], épouse [M], domiciliée [Adresse 5] (États-Unis), 3°/ Mme [X] [N], épouse [O], domiciliée [Adresse 2], 4°/ Mme [H] [N], épouse [T], domiciliée [Adresse 4], 5°/ M. [J] [N], domicilié [Adresse 3], 6°/ Mme [E] [F], veuve [N], domiciliée [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° U 20-11.114 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 6], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [R] [N], Mme [Z] [N], épouse [M], Mme [X] [N], épouse [O], Mme [H] [N], épouse [T], M. [J] [N] et Mme [E] [F], veuve [N], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 26 novembre 2019), à la suite de la cession d'actions de la société Fournier industrie santé à la société Solvay, [A] [N] et son épouse ont déclaré, au titre de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2008 et 2009, à l'actif de leur patrimoine, la valeur nominale de sommes qui étaient séquestrées dans les sociétés en participation SEP1 et SEP2 à raison d'une garantie de passif consentie à la société Solvay et, au passif de leur patrimoine, une dette d'égal montant intitulée « provision pour indemnité de garantie de passif. » 2. L'administration fiscale leur ayant notifié une proposition de rectification fondée sur une remise en cause du passif déclaré, puis ayant partiellement rejeté leur réclamation, [A] [N], aux droits duquel sont venus Mme [N] et ses enfants, et Mme [N] (les consorts [N]) l'ont assignée en décharge du surplus d'imposition mis en recouvrement. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Les consorts [N] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à la décharge des rappels d'ISF dus au titre des années 2008 et 2009, en droits et pénalités, alors : « 1°/ que les biens soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune doivent être déclarés à leur valeur vénale au 1er janvier de l'année donnée ; qu'en jugeant que la valeur des droits des époux [N] dans les sociétés en participation SEP1 et SEP2 devait être estimée à la valeur nominale des sommes séquestrées dans lesdites sociétés, et qu'une provision pour des dettes qui ne sont pas encore certaines ne pouvait figurer dans une déclaration d'ISF, sans rechercher si le caractère indisponible des sommes séquestrées sur un compte indivis, leur objet tendant à financer la garantie de passif, et le risque de non-récupération subséquent, n'avaient pas pour conséquence de diminuer la valeur de leurs droits dans lesdites sociétés, indépendamment de toute prise en considération de dette ou de provision déductible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 666, 885 D et 885 S du code général des impôts ; 2°/ que les consorts [N] ont fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées qu'au cours de l'année 2008, avait été prélevé sur les sommes séquestrées, un montant de 72 416 589,89 euros, et en 2009, un montant de 116 410 845 euros en faveur de la société Solvay, en exécution de la garantie de passif ; qu'il en résultait nécessairement qu'aux 1er janvier 2008 et 2009, il existait un risque de non-récupération des sommes séquestrées, risque qui s'est transformé en réalité ; qu'en évaluant les droits des époux [N] au sein des sociétés en participation SEP1 et SEP2, à la seule valeur nominale des sommes séquestrées au 1er janvier 2008 et 2009, sans tenir compte du risque de non-recouvrement qui existait à ces dates, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 666, 885 D et 885 S du code général des impôts. » Réponse de la Cour 4. L'arrêt retient exactement que les fonds séquestrés étaient au patrimoine d'[A] [N] et de Mme [N] pour leur montant réel le 1er janvier de chaque année. Il retient encore qu'une provision faisant simultanément disparaître ces fonds en tout ou partie pour des dettes qui ne sont pas certaines ne peut figurer dans une déclaration d'ISF. 5. La cour d'appel, qui, procédant à la recherche prétendument omise visée à la première branche, a écarté le moyen pris du caractère indisponible des sommes séquestrées et du risque de non-récupération en cas de mise en oeuvre de la garantie de passif, a, à bon droit, débouté les consorts [N] de leur demande. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [E] [F], veuve [N], Mme [R] [N], Mme [X] [N], épouse [O], Mme [Z] [N], épouse [M], M. [J] [N] et Mme [H] [N], épouse [T], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] [F], veuve [N], Mme [R] [N], Mme [X] [N], épouse [O], Mme [Z] [N], épouse [M], M. [J] [N] et Mme [H] [N], épouse [T], et les condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [E] [F], veuve [N], Mme [R] [N], Mme [X] [N], épouse [O], Mme [Z] [N], épouse [M], M. [J] [N] et Mme [H] [N], épouse [T]. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts [N] de leur demande tendant à la décharge des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2008 et 2009, en droits et pénalités ; AUX MOTIFS QUE les consorts [N] soutiennent qu'au cas d'une telle réformation, il convient de juger justifié l'abattement total pour risque de non-recouvrement que les contribuables ont appliqué sur la valeur vénale de leurs droits aux 1er janvier 2008 puis 2009 dans les deux sociétés créées afin de gérer les suites de la cession (SEP1) et les fonds séquestrés (SEP2). Ils font valoir que des prélèvements sur ces fonds ont eu lieu à la demande de la société Solvay au titre de l'année 2008 (72 416 589,89€) et 2009 (116 410 845€), la quote-part supportée par les époux [N] ayant été successivement de 45,52 % puis 43,82 % du montant nominal déclaré à l'actif des ISF pour ces deux années. Ils demandent au moins l'application d'un abattement médian de 75 % entre 50 % et 100 % mis en évidence par le rapport SORGEM sur le risque de non-recouvrement ou à défaut des déductions de 45,52 % (2008) puis 43,82 % (2009) pour que l'imposition ne se fasse pas sur des sommes qui ne seraient jamais perçues. La direction générale des finances publiques indique cependant avec pertinence que les fonds séquestrés étaient au patrimoine des époux [N] pour leur montant réel le 1er janvier de chaque année et qu'une provision les faisant simultanément disparaître en tout ou partie pour des dettes qui ne sont pas certaines ne peut figurer sur une déclaration d'ISF ; que les consorts [N] seront par suite déboutés de leur entière demande, l'imposition dont s'agit restant en conséquence à 336 593€ outre 56 548€ de pénalités. 1°) ALORS QUE les biens soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune doivent être déclarés à leur valeur vénale au 1er janvier de l'année donnée ; qu'en jugeant que la valeur des droits des époux [N] dans les sociétés en participation SEP 1 et SEP 2 devait être estimée à la valeur nominale des sommes séquestrées dans lesdites sociétés, et qu'une provision pour des dettes qui ne sont pas encore certaines ne pouvait figurer dans une déclaration d'ISF, sans rechercher si le caractère indisponible des sommes séquestrées sur un compte indivis, leur objet tendant à financer la garantie de passif, et le risque de non-récupération subséquent, n'avaient pas pour conséquence de diminuer la valeur de leurs droits dans lesdites sociétés, indépendamment de toute prise en considération de dette ou de provision déductible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 666, 885 D et 885 S du code général des impôts ; 2°) ALORS QUE les consorts [N] ont fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées qu'au cours de l'année 2008, avait été prélevé sur les sommes séquestrées, un montant de 72 416 589,89 euros, et en 2009, un montant de 116 410 845 euros en faveur de la société Solvay, en exécution de la garantie de passif ; qu'il en résultait nécessairement qu'aux 1er janvier 2008 et 2009, il existait un risque de non-récupération des sommes séquestrées, risque qui s'est transformé en réalité ; qu'en évaluant les droits des époux [N] au sein des sociétés en participation SEP 1 et SEP 2, à la seule valeur nominale des sommes séquestrées au 1er janvier 2008 et 2009, sans tenir compte du risque de non-recouvrement qui existait à ces dates, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 666, 885 D et 885 S du code général des impôts.
INCA/JURITEXT000046555916.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 634 F-D Pourvoi n° P 21-16.403 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], a formé le pourvoi n° P 21-16.403 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [X], 2°/ à Mme [G] [S], épouse [X], domiciliés tous deux [Adresse 3], [Localité 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. et Mme [X], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 février 2021), par actes du 18 décembre 2012, M. [X] et Mme [S], son épouse, se sont rendus cautions solidaires des engagements de la société Mosaïque envers la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur (la banque), chacun dans la limite de 299 000 euros. 2. Par jugement du 21 octobre 2016, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Mosaïque. Par jugement du 15 mars 2017, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire. 3. Par actes du 17 juillet 2017, la banque a fait assigner en paiement les cautions, qui lui ont opposé l'irrégularité des mentions manuscrites des cautionnements au regard des prescriptions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors : « 1° / que les omissions, substitutions ou ajouts qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites légalement prescrites, ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution, restent sans effet sur la validité du cautionnement ; que, dès lors que la mention manuscrite figurant dans l'acte de cautionnement indique, conformément à la formule de l'article L. 341-2 du code de la consommation, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'engagement couvre le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, l'ajout des termes "commissions, frais, accessoires", dès lors qu'il ne dénature pas l'acte de caution, n'affecte ni le sens ni la portée des mentions manuscrites légalement prescrites et n'en rend pas la compréhension plus difficile pour la caution, de sorte qu'il n'est pas de nature à remettre en cause la validité de l'engagement de caution ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; 2°/ que l'omission de la conjonction de coordination "et" entre, d'une part, la formule définissant le montant et la teneur de l'engagement et, d'autre part, celle relative à la durée de celui-ci, et l'absence de l'expression "la somme de" précédant l'indication en chiffres et en lettres du montant principal de l'engagement, n'affectent pas le sens et la portée de la mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, et ne sont donc pas de nature à remettre en cause la validité de l'engagement de caution ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, derechef, l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 : 5. Il résulte de ce texte que si toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même », la nullité n'est encourue que si les modifications introduites dans la mention manuscrite légale en affectent le sens ou la portée. 6. Pour débouter la banque, l'arrêt relève que la mention manuscrite litigieuse, constituée par les termes « couvrant le paiement du principal, des intérêts commissions frais accessoires pénalités et intérêts de retard », n'est pas conforme à celle prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige. Il retient encore que le formalisme édicté par ce texte vise à assurer l'information complète de la personne se rendant caution sur l'étendue de son engagement et en déduit que les différentes omissions et les ajouts, qui modifient, en l'espèce, la mention telle que prescrite par la loi, en affectent le sens et la portée, notamment quant à l'étendue de l'engagement de la caution, de sorte que les cautionnements sont nuls. 7. En statuant ainsi, alors que ni l'ajout des termes « commissions frais accessoires », qui ne font que préciser l'engagement de la caution, ni l'omission de la conjonction de coordination « et » entre, d'une part, la formule définissant la teneur et le montant de l'engagement et, d'autre part, celle relative à la durée de ce dernier, ni l'absence des termes « la somme de » précédant l'indication en chiffres et en lettres du montant principal de l'engagement, n'affectent le sens et la portée de la mention manuscrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne M. [X] et Mme [S], épouse [X], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et Mme [S], épouse [X], et les condamne à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur. La CEP Côte d'Azur fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes ; 1/ ALORS QUE les omissions, substitutions ou ajouts qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites légalement prescrites, ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution, restent sans effet sur la validité du cautionnement ; que dès lors que la mention manuscrite figurant dans l'acte de cautionnement indique, conformément à la formule de l'article L. 341-2 du code de la consommation, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'engagement couvre le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, l'ajout des termes « commissions, frais, accessoires », dès lors qu'il ne dénature pas l'acte de caution, n'affecte ni le sens ni la portée des mentions manuscrites légalement prescrites et n'en rend pas la compréhension plus difficile pour la caution, de sorte qu'il n'est pas de nature à remettre en cause la validité de l'engagement de caution ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; 2/ ALORS, d'autre part, QUE l'omission de la conjonction de coordination « et » entre, d'une part, la formule définissant le montant et la teneur de l'engagement et, d'autre part, celle relative à la durée de celui-ci, et l'absence de l'expression « la somme de » précédant l'indication en chiffres et en lettres du montant principal de l'engagement, n'affectent pas le sens et la portée de la mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, et ne sont donc pas de nature à remettre en cause la validité de l'engagement de caution ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, derechef, l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.
INCA/JURITEXT000046555921.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 640 F-D Pourvoi n° U 20-13.805 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [M] [X], domicilié [Adresse 3], 2°/ M. [S] [X], domicilié [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° U 20-13.805 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige les opposant à la Société générale de commerce de la Réunion (Sogecore), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La Société générale de commerce de la Réunion a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [M] et [S] [X], de la SARL Ortscheidt, avocat de la Société générale de commerce de la Réunion, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (1ère chambre civile, 3 décembre 2014, n° 13-10.567, et 18 mars 2015, n° 13-21.059), MM. [M] et [S] [X] ont cédé à la Société générale de commerce de la Réunion (la société Sogecore) 70 % de leurs participations dans cinq sociétés, par des actes de cession assortis d'une garantie d'actif et de passif, complétés par un pacte d'actionnaires, moyennant un prix provisoire, le prix définitif devant être fixé sur la base du bilan et d'une situation comptable arrêtés au 30 novembre 2006. 2. Un différend étant né entre les parties sur la détermination de ce prix, la société Sogecore a mis en oeuvre un arbitrage ad hoc conformément aux clauses compromissoires figurant dans les actes de cession. 3. Le tribunal arbitral a rendu quatre sentences les 9 et 30 décembre 2008, le 26 juin 2009 et le 29 octobre 2009. 4. La société Sogecore a formé un recours en annulation à l'encontre des sentences des 30 décembre 2008 et 29 octobre 2009. 5. Par un arrêt du 14 novembre 2017, une cour d'appel a annulé la sentence rendue par le tribunal arbitral le 30 décembre 2008 et partiellement, par voie de conséquence, la sentence rendue par le tribunal arbitral le 29 octobre 2009, en ses seules dispositions statuant sur les frais de la procédure d'arbitrage et en celles prenant en compte les condamnations issues de la sentence du 30 décembre 2008 pour conclure à une créance en principal de MM. [X] de 1 117 766 euros. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et sur le cinquième moyen de ce pourvoi, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que MM. [X] sont débiteurs envers la société Sogecore de la somme de 537 755,51 euros au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées, et d'autoriser la société Sogecore à déconsigner la somme de 504 264,88 euros à son profit, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le cinquième moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que, sous réserve des intérêts et des astreintes courant de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, MM. [X] sont débiteurs de la somme de 553 709,12 euros envers la société Sogecore Enoncé du moyen 7. MM. [X] font grief à l'arrêt de dire que, sous réserve des intérêts et des astreintes courant de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, ils sont débiteurs de la somme de 553 709,12 euros envers la société Sogecore, alors « que le juge, lié par les conclusions des parties, doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en condamnant MM. [X] à payer les sommes de 553 709,12 euros et 537 755,51 euros à la société Sogecore, soit un total de 1 091 464,63 euros, quand celle-ci ne réclamait qu'une somme en principal de 925 315,51 euros, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble le principe susvisé. » Réponse de la Cour Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile : 8. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé. 9. Pour dire que, outre la somme de 537 755,51 euros, correspondant aux condamnations prononcées à l'encontre de la société Sogecore, qu'elle a exécutées mais qui ont été annulées, MM. [X] sont débiteurs, après compensation, de la somme de 553 709,12 euros envers la société Sogecore, l'arrêt retient notamment qu'ils doivent à cette société la somme de 316 149,12 euros au titre de la restitution partielle du prix définitif de cession de 70 % des parts sociales. 10. En statuant ainsi, alors que si, dans ses conclusions d'appel, la société Sogecore demandait à ce que MM. [X] soient dits débiteurs, à son égard, de la somme totale de 925 315,51 euros, cette somme ne comprenait que le montant des condamnations prononcées à leur encontre par les sentences des 26 juin et 29 octobre 2009, ainsi que le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société, qu'elle a exécutées mais qui ont été annulées, et n'incluait dès lors pas la restitution partielle du prix définitif de cession de 70 % des parts sociales, la cour d'appel, qui a statué sur ce qui ne lui était pas demandé et, par suite, modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés. Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche Enoncé du moyen 11. La société Sogecore fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à MM. [X], à chacun, la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice professionnel, alors « qu'il n'est pas permis au juge de modifier l'objet du litige ; que MM. [X] faisaient valoir, au soutien de leur demande de condamnation de la société Sogecore à leur verser 500 000 euros chacun au titre du préjudice professionnel, que "le refus injustifié de la société Sogecore de leur payer la somme due en exécution de la sentence arbitrale n° 2 (30 décembre 2008) et n° 4 (29 octobre 2009) et au titre de la cession des parts sociales de la SCI Mouad, les a contraints à solliciter l'ouverture d'une procédure collective de la société AVS OI" ; qu'en considérant que "la société Sogecore a été condamnée, avec exécution provisoire, par la sentence n° 1 du 9 décembre 2008, à libérer les fonds provenant du versement de la première moitié du prix provisoire" et qu'il "est avéré qu'elle ne s'est exécutée de cette obligation qu'après l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 25 mars 2013", la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 12. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 13. Pour condamner la société Sogecore à payer à MM. [X], à chacun, la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice professionnel, l'arrêt, après avoir constaté qu'un premier président de cour d'appel avait, par une ordonnance du 24 mars 2009, autorisé la société Sogecore à consigner les condamnations prononcées par la sentence n° 2 au titre de la réparation du préjudice moral, puis qu'une cour d'appel avait, par un arrêt du 14 novembre 2017, annulé la sentence n° 2 du 30 décembre 2008 et partiellement, par voie de conséquence, la sentence n° 4 du 29 octobre 2009 en ses seules dispositions statuant sur les frais de la procédure d'arbitrage et en celles prenant en compte les condamnations issues de la sentence n° 2 pour conclure à une créance en principal de MM. [X] de 1 117 766 euros, retient, d'une part, que la société Sogecore a été condamnée, avec exécution provisoire, par la sentence n° 1 du 9 décembre 2008, à libérer les fonds provenant du versement de la première moitié du prix provisoire et qu'il est avéré qu'elle ne s'est exécutée de cette obligation qu'après l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 25 mars 2013, d'autre part, que, de façon plus générale, le retard dans le paiement, par la société Sogecore, des condamnations prononcées par les sentences arbitrales assorties de l'exécution provisoire, a manifestement privé MM. [X] de la possibilité de disposer des fonds nécessaires pour réaliser les projets professionnels et les placements qu'ils avaient pu envisager, et en déduit que ces retards ont causé à MM. [X] un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de retard assortissant les condamnations prononcées. 14. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés du retard général de la société Sogecore à payer les condamnations prononcées par les sentences arbitrales, dès lors qu'il résultait de ses constatations que l'exécution provisoire de la sentence n° 2, laquelle a ultérieurement été annulée, avait été suspendue et que la sentence n° 4 se bornait à faire le compte entre les parties, et alors que dans leurs conclusions d'appel, MM. [X] soutenaient que le refus de la société Sogecore de leur payer les sommes dues en exécution des sentences arbitrales n° 2 et 4 leur avait causé un préjudice professionnel, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige en retenant que MM. [X] avaient subi un préjudice professionnel en raison du retard de la société Sogecore à exécuter la sentence n° 1 du 9 décembre 2008, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sogecore à payer aux consorts [X], à chacun, la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice professionnel, et en ce qu'il dit que, sous réserve des intérêts et des astreintes courant de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553 709,12 euros envers la société Sogecore, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour MM. [M] et [S] [X]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les consorts [X] irrecevables en leur demande de nullité des actes de cession des parts sociales et, en conséquence, d'avoir déclaré irrecevable la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre de la perte des parts sociales, d'avoir rejeté la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice financier lié aux condamnations prononcées pour concurrence déloyale, d'avoir rejeté la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre du trouble dans leurs conditions d'existence, d'avoir limité à la somme de 100.000 euros la condamnation de la société Sogecore à payer à chacun des consorts [X] des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice professionnel, d'avoir condamné solidairement les consorts [X] à payer à la société Sogecore la somme de 50.000 euros en application de la clause pénale figurant à l'article 18 du pacte d'actionnaires, d'avoir dit que, sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553.709,12 euros envers la société Sogecore, d'avoir dit que les consorts [X] sont également débiteurs envers la société Sogecore de la somme de 537.755,51 euros au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées, et d'avoir autorisé la société Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 euros à son profit ; Aux motifs qu'« Sur la demande des consorts [X] de nullité des actes de cession. Sur la recevabilité de la demande. Aux termes de son arrêt du 14 novembre 2017, la cour d'appel a annulé la sentence n° 2 rendue par le tribunal arbitral le 30 décembre 2008 et partiellement, par voie de conséquence, la sentence n° 4 rendue par le tribunal arbitral le 29 octobre 2009 en ses seules dispositions statuant sur les frais de la procédure d'arbitrage et en celles prenant en compte les condamnations issues de la sentence n° 2 du 30 décembre 2008 pour conclure à une créance en principal de MM. [X] de 1.117.766 euros. C'est dans ces limites qu'elle a invité les parties à conclure au fond. Selon l'article 1484 du code de procédure civile, la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche. Cependant, l'autorité de chose jugée par une sentence arbitrale n'implique pas que la contestation ait été tranchée dans son dispositif. La cour d'appel, statuant au fond après l'arrêt du 14 novembre 2017, ne peut en conséquence ni réformer les énonciations de la sentence n° 4, non atteintes par la décision d'annulation, ni se prononcer sur des demandes ayant fait l'objet des sentences n° 1 et n° 3 revêtues de l'autorité de chose jugée attachée à ce qui a été définitivement tranché. En application de l'article 1493 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 13 janvier 2011, applicable au litige, "Lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties". La cour, qui statue sur le fond du litige après annulation de la sentence, peut être saisie par une partie d'une demande incidente, dès lors qu'entrant dans les prévisions de la clause compromissoire, cette demande se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant de dépendance. Il incombe cependant au demandeur de présenter en temps utile, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Il résulte de la sentence n° 1 du 9 décembre 2008 que les consorts [X] ont saisi le tribunal d'une demande de nullité des actes de cession de parts sociales signés le 23 octobre 2006 pour vices du consentement par dol, erreur, et violence, pour violation de l'obligation de bonne foi, pour indétermination du prix et non-paiement du prix, pour clauses potestatives ou léonines et déséquilibrées s'agissant des clauses de détermination du prix, de paiement du prix, de non-concurrence, pour rupture du contrat de travail, pour tentative d'escroqueries et fraude. Le tribunal arbitral après avoir décidé qu'il y avait lieu de partager la procédure en plusieurs phases, ce qui a été accepté par les parties, et que la sentence n° 1 porterait en particulier sur la question de la nullité des actes, a examiné l'ensemble des moyens de nullité soumis par les consorts [X] en pages 38 à 54 de cette sentence et repris dans le dispositif de la sentence rendue le 9 décembre 2008, ses réponses aux moyens de nullité qu'il a rejetés ou pour lequel il s'est déclaré incompétent s'agissant de la nullité pour tentative d'escroquerie, dit en conséquence que les cessions de parts des cinq sociétés sont valides. L'autorité de chose jugée attachée à cette sentence n° 1 et l'obligation de présenter l'ensemble des moyens de nullité des actes de cession devant le tribunal arbitral qui a définitivement tranché sur la validité des actes de cession des parts sociales des cinq sociétés interdit donc aux consorts [X] de présenter devant la cour, statuant dans les limites de l'annulation prononcée qui a été rappelée, soit les moyens de nullité déjà examinés et rejetés par le tribunal arbitral dans la sentence n° 1, au titre du vice du consentement pour violence ou manoeuvres dolosives et de l'indétermination du prix, soit les nouveaux moyens de nullité, au titre du non-respect de la procédure d'agrément et de l'absence de prix sérieux, qu'ils n'avaient pas soulevés devant le tribunal arbitral. Les consorts [X] soutiennent cependant que l'autorité de chose jugée attachée à la sentence n° 1 ne peut leur être opposée en raison de deux éléments nouveaux qui sont intervenus depuis la sentence arbitrale du 9 décembre 2008, à savoir d'une part, la condamnation de Me [K] pour fautes professionnelles commises dans la préparation et la rédaction des actes de cession, d'autre part, la liquidation amiable des cinq sociétés commerciales et l'impossibilité d'évaluer les 30 % des parts dont ils sont encore titulaires alors que la sentence arbitrale du 29 octobre 2009 décidait de leur vente forcée à dire d'expert. L'autorité de chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue par la justice. Cependant, les agissements reprochés par les consorts [X] à Me [K] en sa qualité de seul rédacteur des actes d'octobre 2006, dans l'instance engagée contre celui-ci en responsabilité professionnelle devant le tribunal de grande instance de Paris, se sont produits concomitamment à la signature des actes de cession et étaient connus des demandeurs à l'arbitrage dès avant la sentence n° 1 ainsi que cela résulte des moyens qu'ils ont développés pour s'opposer à ce que Me [K] qui avait rédigé les actes assure la défense de Sogecore dans la procédure arbitrale et pour soutenir leur demande de nullité des actes (pages 46 et 47 de la sentence n° 1). Les consorts [X] n'invoquent précisément aucune disposition de la décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 22 janvier 2014 qui établirait l'existence d'une circonstance nouvelle susceptible de leur rendre inopposable l'autorité de chose jugée attachée à la sentence n° 1. La liquidation amiable des sociétés cédées à une date qui n'est pas même précisée par les consorts [X], alors que la validité des actes de cession s'apprécie au jour du consentement donné et qu'il n'est démontré par les intéressés aucune relation entre cette liquidation et les moyens de nullité invoqués des actes de cession, ne constitue pas un événement intervenu postérieurement à la sentence n° 1 susceptible de modifier la situation juridique antérieurement reconnue en justice par cette sentence. L'autorité de chose jugée attachée à la sentence arbitrale n° 1 en ce qu'elle a déclaré que les actes de cession des parts sociales des cinq sociétés sont valides est donc opposable aux consorts [X]. Ils doivent en conséquence être déclaré irrecevables en leur demande de nullité des actes de cessions de parts. [?] Sur les autres demandes indemnitaires des consorts [X]. Les consorts [X] sollicitent la condamnation de la Sogecore à réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait des agissements fautifs allégués et à leur payer les sommes suivantes : - 3.600.000 € au titre de la perte des parts sociales, soit 1.800.000 € pour chaque frère [X], outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 75.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice lié au paiement de la somme de 150.000 € à laquelle ils ont été condamnés au titre de la concurrence déloyale, - 500.000 € pour chacun d'eux au titre du préjudice professionnel, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 72.000 € à chacun des frères [X] au titre du trouble dans les conditions d'existence, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 600.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 400.000 € pour les deux frères [X] au titre du préjudice lié aux frais de justice, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice. Il y a lieu d'examiner chacune de ces demandes, les consorts [X] invoquant d'autres comportements fautifs que ceux déjà écartés au titre de leur demande de résolution. Sur la demande au titre de la perte des parts sociales. Les consorts [X] soutiennent qu'ils ont subi un préjudice économique et financier très important car ils ont perdu la totalité de leurs droits sociaux puisque toutes les sociétés ont été liquidées par l'associé majoritaire. Ils chiffrent donc cette perte financière à 3.600.000 € incluant la perte de valeur tant des 70 % déjà cédés pour 2.520.000 € que des 30 % de parts leur restant pour 1.080.000 €, perte que la Sogecore doit indemniser. Sogecore soutient que les consorts [X] tentent de débattre à nouveau, sous une forme ou sous une autre, du prix définitif et que cette demande est irrecevable. Il convient de rappeler que dans sa sentence n° 4, par des dispositions non affectées par l'annulation partielle prononcée par la cour d'appel, le tribunal arbitral a jugé que l'expertise de M. [I] était recevable, a homologué les conclusions du rapport ayant fixé le prix définitif conformément à la méthode retenue dans les actes de cession. Le tribunal arbitral a donc définitivement tranché sur le prix de cession pour les 70 % des parts des sociétés fixé à la somme de 456.662,88 €. La demande des consorts [X] de ce chef de préjudice est donc manifestement irrecevable en ce qu'elle concerne la perte de valeur de 70 % des parts des sociétés. S'agissant des 30 % des parts sociales dont les consorts [X] sont encore titulaires dans chacune des sociétés, la sentence n° 3 leur a ordonné de les céder, a dit que le tribunal arbitral était incompétent pour procéder à la fixation du prix de cession forcée des parts restantes et n'a pas fait droit à la demande de désignation d'un expert pour que celui-ci procède à la fixation du prix de cession forcée de ces parts. La valorisation des 30 % des parts sociales n'entrait donc pas dans la mission du tribunal arbitral. La demande des consorts [X] en ce qu'elle porte sur la perte de valeur qu'ils chiffrent à 1.080.000 € de 30 % des parts sociales dont ils sont encore titulaires, faute à ce jour de réalisation de la cession ordonnée par le tribunal arbitral et de fixation du prix, ne se rattache pas par un lien de dépendance suffisant avec les prétentions originaires. Elle est donc irrecevable. Sur la demande au titre du préjudice financier lié aux condamnations pour concurrence déloyale. Les consorts [X] sollicitent une somme de 150.000 € au titre des sommes qu'ils ont été contraints de payer pour la violation de la clause de non-concurrence. Le tribunal arbitral a dit, dans sa sentence arbitrale n° 1, que la clause de non-concurrence insérée dans les actes de cession est valable, que celle contenue dans le pacte d'actionnaires est nulle, et dans sa sentence n° 4, non affectée sur ce point par l'annulation prononcée par la cour d'appel, a condamné les consorts [X] à payer à la Sogecore la somme de 100.000 € pour violation de la clause de non-concurrence contenue dans les actes de cession. Les consorts [X] prétendent d'une part, que les deux clauses de non-concurrence auraient dû être annulées, d'autre part, que si la Sogecore n'avait pas commis des fautes les obligeant à travailler dans le même domaine d'activité, ils n'auraient pas été condamnés à lui payer une telle somme. Mais les consorts [X] ne peuvent pas à l'occasion de cette demande remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée aux dispositions des sentences qui ont été rappelées et à défaut de faute établie à l'encontre de la Sogecore en lien avec le préjudice allégué, les intéressés étant responsables de leurs propres actes, cette demande doit être rejetée. Sur la demande au titre du trouble dans les conditions d'existence. Les consorts [X] font valoir de ce chef que le blocage du prix provisoire les a privés de toute liquidité, de la possibilité de vivre décemment, se retrouvant interdits bancaires et faisant l'objet de poursuites fiscales. Certes, les consorts [X] ont volontairement consenti en signant les actes de cession et le pacte d'actionnaires à inscrire en compte courant d'associés le prix provisoire et au blocage de celui-ci pour moitié pendant trois mois, pour moitié pendant 4 ans, lesdits comptes courants étant rémunérés. En outre, comme il l'a déjà été relevé, ils n'ont pas sollicité le déblocage de la moitié du prix provisoire dans les formes prévues à l'expiration de la période de trois mois. En outre, ils manquent à démontrer la réalité des troubles dans leurs conditions d'existence rencontrées avec leur banque (interdiction de fichiers et fichage sur les incidents de paiement), au demeurant non justifiées par les pièces produites, et l'imputabilité des troubles allégués dans leurs conditions d'existence au retard avec lequel ils ont perçu le prix provisoire. Ils ne peuvent prétendre que la Sogecore serait à l'origine des poursuites fiscales dont ils ont fait l'objet et de la crainte d'une saisie de leurs biens à raison des poursuites fiscales. Cette demande est en conséquence rejetée. Sur la demande au titre du préjudice professionnel. Les consorts [X] estiment qu'ils ont été victimes d'une escroquerie en bande organisée et soutiennent qu'ils ont mal vécu le fait d'être traités sur un plan d'égalité avec leur prédateur et de devoir argumenter sans cesse pour prouver ce qui pour eux est évident puisqu'ils l'ont vécu. Les rapports des experts commis par le juge d'instruction et les termes du non-lieu devenu définitif prononcé par celui-ci conduisent à écarter "l'escroquerie en bande organisée" et la collusion de tous les acteurs mis en cause invoquées par les consorts [X]. Les condamnations pour diffamation prononcées par la justice contre M. [S] [X] ne peuvent fonder un quelconque préjudice moral causé par la Sogecore. La Sogecore ne peut pas plus être tenue pour responsable des conséquences des manquements au devoir de conseil et d'information commis par Me [K], en qualité de rédacteur des actes, pour lesquels celui-ci a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à réparer le préjudice subi par les consorts [X] suivant jugement du 22 janvier 2014. S'il a été considéré par cette juridiction que Me [K] avait manqué à son devoir de conseil en ne les informant pas de l'obligation de déclarer la plus-value réalisée du fait de la cession de leurs parts sociales, au titre de l'impôt sur le revenu 2006, ce qui a motivé une proposition de rectification de l'administration fiscale, la Sogecore n'a pas à réparer le préjudice moral qui résulterait de ce que les consorts [X] ont dû faire face au paiement des sommes dues au trésor public. Les consorts [X] se bornent pour le surplus à invoquer les mêmes manquements de la Sogecore que ceux déjà allégués pour fonder la demande de résolution des actes de cession qui ont été écartés et les mêmes fautes que celles invoquées au titre des autres chefs de préjudice déjà examinés dont il a été jugé qu'ils n'étaient pas imputables à la Sogecore. Les consorts [X] doivent être déboutés de leur demande au titre de leur préjudice moral. Sur le préjudice matériel. De ce chef, les consorts [X] sollicitent une somme de 400.000 € qu'ils ont dû exposer en frais de justice. Cette demande sera examiné au titre de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant de frais exposés non compris dans les dépens. Sur la demande de la Sogecore au titre de la clause pénale contenue dans le pacte d'actionnaires. La Sogecore sollicite la condamnation des consorts [X] à lui payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 18 du pacte d'actionnaires. Selon la clause pénale figurant à l'article 18 du pacte d'actionnaires "En cas de violation d'une quelconque clause du présent pacte, après constatation et notification par lettre recommandée avec AR à la partie fautive, restée sans effet pendant 30 jours consécutifs, la partie fautive sera tenue de : - payer, de plein droit, à chacun des autres parties la somme forfaitaire de 50.000 euros (?)". Il ressort des dispositions définitives des sentences n° 3 du 26 juin 2009 et n° 4 du 29 octobre 2009 que les consorts [X] se sont rendus coupables de violation répétée de la clause de confidentialité figurant à l'article 15 du pacte d'actionnaires. Les consorts [X] seront donc condamnés à payer à la Sogecore la somme de 50.000 € en application de l'article 18 dudit pacte. Sur le compte entre les parties. Il résulte des sentences n° 1, 3 et 4 en ces dispositions non atteintes par l'annulation que les consorts [X] ont été condamnés solidairement à payer à la Sogecore : - par la sentence n° 3, o 25.000 € en principal pour violation de la clause de confidentialité, o 112.560 € en principal pour déloyauté, - la sentence n° 4, o 150.000 € pour violation de la clause de confidentialité, o 100.000 € pour violation de l'obligation de non-concurrence contenue dans les actes de cession, auquel doit être ajoutée la condamnation à 50.000 € au titre de la clause pénale contenue dans le pacte d'actionnaires, soit un total de 437.560 euros. Le prix définitif de cession de 70 % des parts a été fixé à la somme de 456.662,88 €. Les consorts [X] doivent donc à la Sogecore la somme de 316.149,12 euros (772.812 - 456.662,88) au titre de la restitution partielle du prix de cession. Les consorts [X] sont en conséquence débiteurs envers la Sogecore de la somme de 316.149,12 euros au titre de la restitution partielle du prix et de la somme de 437.560 euros. Ils sont en revanche créanciers d'une somme de 200.000 euros à l'égard de la Sogecore. Sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553 709,12 euros envers la Sogecore (316.149,12 + 437.560 - 200.000). Il faut constater que la Sogecore justifie également (sa pièce n° 80) que les consorts [X] sont débiteurs envers elle d'une somme de 537.755,51 € (ATD 170.782 + chèque 366.973,51) au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées. Au vu des sommes dont les consorts [X] sont débiteurs, il y a lieu d'autoriser la Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 € à son profit » ; Alors, d'une part, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'en retenant que l'autorité de chose jugée d'une sentence arbitrale n'implique pas que la contestation ait été tranchée dans son dispositif, quand l'autorité de la chose jugée est attachée au seul dispositif de la décision, quelle qu'elle soit, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil, ensemble l'article 1484 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, que l'autorité de la chose jugée, attachée au seul dispositif de la décision, ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en se bornant à considérer que les agissements de Me [K] étaient connus des consorts [X] avant la sentence du 9 décembre 2008 puisqu'ils s'étaient opposés à ce que Me [K], qui avait rédigé les actes litigieux, assure la défense de la société Sogecore, sans rechercher si l'élément nouveau ne résidait pas dans la reconnaissance par le jugement définitif du 12 janvier 2014 des fautes de Me [K] et dans sa condamnation subséquente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1355 du code civil et du principe susvisé. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les consorts [X] irrecevables en leur demande de caducité de la cession des parts sociales et, en conséquence, d'avoir déclaré irrecevable la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre de la perte des parts sociales, d'avoir rejeté la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice financier lié aux condamnations prononcées pour concurrence déloyale, d'avoir rejeté la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre du trouble dans leurs conditions d'existence, d'avoir limité à la somme de 100.000 euros la condamnation de la société Sogecore à payer à chacun des consorts [X] des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice professionnel, d'avoir condamné solidairement les consorts [X] à payer à la société Sogecore la somme de 50.000 euros en application de la clause pénale figurant à l'article 18 du pacte d'actionnaires, d'avoir dit que, sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553.709,12 euros envers la société Sogecore, d'avoir dit que les consorts [X] sont également débiteurs envers la société Sogecore de la somme de 537.755,51 euros au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées, et d'avoir autorisé la société Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 euros à son profit ; Aux motifs que « Sur la demande des consorts [X] de caducité de la cession des parts sociales. Les consorts [X] soutiennent que la caducité de la cession devrait être prononcée sur le fondement de l'article 3.5 des actes de cession lequel prévoyait que le complément de prix éventuel résultant de la fixation du prix définitif devait faire l'objet d'un avenant à l'acte de cession de parts sociales dans un délai expirant le 31 janvier 2007. Ils font valoir qu'il n'est pas contestable que le prix définitif n'a pas été fixé et qu'aucun avenant n'a été conclu. Sogecore conclut à l'irrecevabilité de cette demande, subsidiairement à son mal fondé. La demande de caducité de la cession des parts n'a pas été soumise au tribunal arbitral. Elle est donc nouvelle devant la cour. Elle entre certes dans les prévisions de la clause compromissoire, contenue à l'article 11 des actes de cession aux termes duquel les parties ont convenu de soumettre à l'arbitrage leur "désaccord sur la présente promesse, ou sur ses suites". Cependant, la caducité des actes de cession au motif que le prix définitif des cessions n'a pas été fixé conformément à l'article 3.5 invoqué, se heurte à l'autorité de chose jugée attachée à ce qui a été définitivement tranché par les sentences n° 3 et 4, pour cette dernière en ses dispositions non atteintes par l'annulation partielle prononcée par l'arrêt de cette cour du 14 novembre 2017, en ce qu'il a été ordonné aux consorts [X] d'exécuter le contrat et de céder les 30 % des parts sociales encore entre leurs mains et en ce que le prix définitif de cession de 70 % des parts déjà cédé a été fixé à la somme de 456.662,88 €. Cette demande est donc irrecevable devant la cour. [?] Sur les autres demandes indemnitaires des consorts [X]. Les consorts [X] sollicitent la condamnation de la Sogecore à réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait des agissements fautifs allégués et à leur payer les sommes suivantes : - 3.600.000 € au titre de la perte des parts sociales, soit 1.800.000 € pour chaque frère [X], outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 75.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice lié au paiement de la somme de 150.000 € à laquelle ils ont été condamnés au titre de la concurrence déloyale, - 500.000 € pour chacun d'eux au titre du préjudice professionnel, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 72.000 € à chacun des frères [X] au titre du trouble dans les conditions d'existence, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 600.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 400.000 € pour les deux frères [X] au titre du préjudice lié aux frais de justice, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice. Il y a lieu d'examiner chacune de ces demandes, les consorts [X] invoquant d'autres comportements fautifs que ceux déjà écartés au titre de leur demande de résolution. Sur la demande au titre de la perte des parts sociales. Les consorts [X] soutiennent qu'ils ont subi un préjudice économique et financier très important car ils ont perdu la totalité de leurs droits sociaux puisque toutes les sociétés ont été liquidées par l'associé majoritaire. Ils chiffrent donc cette perte financière à 3.600.000 € incluant la perte de valeur tant des 70 % déjà cédés pour 2.520.000 € que des 30 % de parts leur restant pour 1.080.000 €, perte que la Sogecore doit indemniser. Sogecore soutient que les consorts [X] tentent de débattre à nouveau, sous une forme ou sous une autre, du prix définitif et que cette demande est irrecevable. Il convient de rappeler que dans sa sentence n° 4, par des dispositions non affectées par l'annulation partielle prononcée par la cour d'appel, le tribunal arbitral a jugé que l'expertise de M. [I] était recevable, a homologué les conclusions du rapport ayant fixé le prix définitif conformément à la méthode retenue dans les actes de cession. Le tribunal arbitral a donc définitivement tranché sur le prix de cession pour les 70 % des parts des sociétés fixé à la somme de 456.662,88 €. La demande des consorts [X] de ce chef de préjudice est donc manifestement irrecevable en ce qu'elle concerne la perte de valeur de 70 % des parts des sociétés. S'agissant des 30 % des parts sociales dont les consorts [X] sont encore titulaires dans chacune des sociétés, la sentence n° 3 leur a ordonné de les céder, a dit que le tribunal arbitral était incompétent pour procéder à la fixation du prix de cession forcée des parts restantes et n'a pas fait droit à la demande de désignation d'un expert pour que celui-ci procède à la fixation du prix de cession forcée de ces parts. La valorisation des 30 % des parts sociales n'entrait donc pas dans la mission du tribunal arbitral. La demande des consorts [X] en ce qu'elle porte sur la perte de valeur qu'ils chiffrent à 1.080.000 € de 30 % des parts sociales dont ils sont encore titulaires, faute à ce jour de réalisation de la cession ordonnée par le tribunal arbitral et de fixation du prix, ne se rattache pas par un lien de dépendance suffisant avec les prétentions originaires. Elle est donc irrecevable. Sur la demande au titre du préjudice financier lié aux condamnations pour concurrence déloyale. Les consorts [X] sollicitent une somme de 150.000 € au titre des sommes qu'ils ont été contraints de payer pour la violation de la clause de non-concurrence. Le tribunal arbitral a dit, dans sa sentence arbitrale n° 1, que la clause de non-concurrence insérée dans les actes de cession est valable, que celle contenue dans le pacte d'actionnaires est nulle, et dans sa sentence n° 4, non affectée sur ce point par l'annulation prononcée par la cour d'appel, a condamné les consorts [X] à payer à la Sogecore la somme de 100.000 € pour violation de la clause de non-concurrence contenue dans les actes de cession. Les consorts [X] prétendent d'une part, que les deux clauses de non-concurrence auraient dû être annulées, d'autre part, que si la Sogecore n'avait pas commis des fautes les obligeant à travailler dans le même domaine d'activité, ils n'auraient pas été condamnés à lui payer une telle somme. Mais les consorts [X] ne peuvent pas à l'occasion de cette demande remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée aux dispositions des sentences qui ont été rappelées et à défaut de faute établie à l'encontre de la Sogecore en lien avec le préjudice allégué, les intéressés étant responsables de leurs propres actes, cette demande doit être rejetée. Sur la demande au titre du trouble dans les conditions d'existence. Les consorts [X] font valoir de ce chef que le blocage du prix provisoire les a privés de toute liquidité, de la possibilité de vivre décemment, se retrouvant interdits bancaires et faisant l'objet de poursuites fiscales. Certes, les consorts [X] ont volontairement consenti en signant les actes de cession et le pacte d'actionnaires à inscrire en compte courant d'associés le prix provisoire et au blocage de celui-ci pour moitié pendant trois mois, pour moitié pendant 4 ans, lesdits comptes courants étant rémunérés. En outre, comme il l'a déjà été relevé, ils n'ont pas sollicité le déblocage de la moitié du prix provisoire dans les formes prévues à l'expiration de la période de trois mois. En outre, ils manquent à démontrer la réalité des troubles dans leurs conditions d'existence rencontrées avec leur banque (interdiction de fichiers et fichage sur les incidents de paiement), au demeurant non justifiées par les pièces produites, et l'imputabilité des troubles allégués dans leurs conditions d'existence au retard avec lequel ils ont perçu le prix provisoire. Ils ne peuvent prétendre que la Sogecore serait à l'origine des poursuites fiscales dont ils ont fait l'objet et de la crainte d'une saisie de leurs biens à raison des poursuites fiscales. Cette demande est en conséquence rejetée. Sur la demande au titre du préjudice professionnel. Les consorts [X] estiment qu'ils ont été victimes d'une escroquerie en bande organisée et soutiennent qu'ils ont mal vécu le fait d'être traités sur un plan d'égalité avec leur prédateur et de devoir argumenter sans cesse pour prouver ce qui pour eux est évident puisqu'ils l'ont vécu. Les rapports des experts commis par le juge d'instruction et les termes du non-lieu devenu définitif prononcé par celui-ci conduisent à écarter "l'escroquerie en bande organisée" et la collusion de tous les acteurs mis en cause invoquées par les consorts [X]. Les condamnations pour diffamation prononcées par la justice contre M. [S] [X] ne peuvent fonder un quelconque préjudice moral causé par la Sogecore. La Sogecore ne peut pas plus être tenue pour responsable des conséquences des manquements au devoir de conseil et d'information commis par Me [K], en qualité de rédacteur des actes, pour lesquels celui-ci a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à réparer le préjudice subi par les consorts [X] suivant jugement du 22 janvier 2014. S'il a été considéré par cette juridiction que Me [K] avait manqué à son devoir de conseil en ne les informant pas de l'obligation de déclarer la plus-value réalisée du fait de la cession de leurs parts sociales, au titre de l'impôt sur le revenu 2006, ce qui a motivé une proposition de rectification de l'administration fiscale, la Sogecore n'a pas à réparer le préjudice moral qui résulterait de ce que les consorts [X] ont dû faire face au paiement des sommes dues au trésor public. Les consorts [X] se bornent pour le surplus à invoquer les mêmes manquements de la Sogecore que ceux déjà allégués pour fonder la demande de résolution des actes de cession qui ont été écartés et les mêmes fautes que celles invoquées au titre des autres chefs de préjudice déjà examinés dont il a été jugé qu'ils n'étaient pas imputables à la Sogecore. Les consorts [X] doivent être déboutés de leur demande au titre de leur préjudice moral. Sur le préjudice matériel. De ce chef, les consorts [X] sollicitent une somme de 400.000 € qu'ils ont dû exposer en frais de justice. Cette demande sera examiné au titre de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant de frais exposés non compris dans les dépens. Sur la demande de la Sogecore au titre de la clause pénale contenue dans le pacte d'actionnaires. La Sogecore sollicite la condamnation des consorts [X] à lui payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 18 du pacte d'actionnaires. Selon la clause pénale figurant à l'article 18 du pacte d'actionnaires "En cas de violation d'une quelconque clause du présent pacte, après constatation et notification par lettre recommandée avec AR à la partie fautive, restée sans effet pendant 30 jours consécutifs, la partie fautive sera tenue de : - payer, de plein droit, à chacun des autres parties la somme forfaitaire de 50.000 euros (?)". Il ressort des dispositions définitives des sentences n° 3 du 26 juin 2009 et n° 4 du 29 octobre 2009 que les consorts [X] se sont rendus coupables de violation répétée de la clause de confidentialité figurant à l'article 15 du pacte d'actionnaires. Les consorts [X] seront donc condamnés à payer à la Sogecore la somme de 50.000 € en application de l'article 18 dudit pacte. Sur le compte entre les parties. Il résulte des sentences n° 1, 3 et 4 en ces dispositions non atteintes par l'annulation que les consorts [X] ont été condamnés solidairement à payer à la Sogecore : - par la sentence n° 3, o 25.000 € en principal pour violation de la clause de confidentialité, o 112.560 € en principal pour déloyauté, - la sentence n° 4, o 150.000 € pour violation de la clause de confidentialité, o 100.000 € pour violation de l'obligation de non-concurrence contenue dans les actes de cession, auquel doit être ajoutée la condamnation à 50.000 € au titre de la clause pénale contenue dans le pacte d'actionnaires, soit un total de 437.560 euros. Le prix définitif de cession de 70 % des parts a été fixé à la somme de 456.662,88 €. Les consorts [X] doivent donc à la Sogecore la somme de 316.149,12 euros (772.812 - 456.662,88) au titre de la restitution partielle du prix de cession. Les consorts [X] sont en conséquence débiteurs envers la Sogecore de la somme de 316.149,12 euros au titre de la restitution partielle du prix et de la somme de 437.560 euros. Ils sont en revanche créanciers d'une somme de 200.000 euros à l'égard de la Sogecore. Sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553 709,12 euros envers la Sogecore (316.149,12 + 437.560 - 200.000). Il faut constater que la Sogecore justifie également (sa pièce n° 80) que les consorts [X] sont débiteurs envers elle d'une somme de 537.755,51 € (ATD 170.782 + chèque 366.973,51) au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées. Au vu des sommes dont les consorts [X] sont débiteurs, il y a lieu d'autoriser la Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 € à son profit » ; Alors, d'une part, que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en retenant que « la demande de caducité de la cession des parts n'a pas été soumise au tribunal arbitral. Elle est donc nouvelle devant la cour » (arrêt attaqué, p. 9), quand les consorts [X] avaient pourtant bel et bien demandé au tribunal arbitral de prononcer la caducité des actes pour cause de dépassement de tous les délais contractuels impartis à la société Sogecore (conclusions du 28 juillet 2008, p. 20), la cour d'appel a violé le principe susvisé ; Alors, d'autre part, que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en retenant que « la demande de caducité de la cession des parts n'a pas été soumise au tribunal arbitral. Elle est donc nouvelle devant la cour » (arrêt attaqué, p. 9), quand le tribunal arbitral avait rappelé, dans sa décision, que les consorts [X] lui avaient demandé de prononcer « la caducité des actes pour cause de dépassement de tous les délais contractuels impartis à la Sogecore » (sentence du 9 décembre 2008, p. 21), la cour d'appel a violé le principe susvisé. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande des consorts [X] de résolution des actes de cession des parts sociales et subséquemment du pacte d'actionnaires et, en conséquence, d'avoir déclaré irrecevable la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre de la perte des parts sociales, d'avoir rejeté la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice financier lié aux condamnations prononcées pour concurrence déloyale, d'avoir rejeté la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre du trouble dans leurs conditions d'existence, d'avoir limité à la somme de 100.000 euros la condamnation de la société Sogecore à payer à chacun des consorts [X] des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice professionnel, d'avoir condamné solidairement les consorts [X] à payer à la société Sogecore la somme de 50.000 euros en application de la clause pénale figurant à l'article 18 du pacte d'actionnaires, d'avoir dit que, sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553.709,12 euros envers la société Sogecore, d'avoir dit que les consorts [X] sont également débiteurs envers la société Sogecore de la somme de 537.755,51 euros au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées, et d'avoir autorisé la société Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 euros à son profit ; Aux motifs que « 1. Sur le paiement du prix de cession et son blocage. Les consorts [X] reprenant le contexte contractuel et le rappel des faits tel qu'il figure dans la lettre de mission que les parties ont signée invoquent le caractère exorbitant et inhabituel de la clause par laquelle la Sogecore leur a imposé un paiement en compte courant d'associé, estimant que ce mécanisme extrêmement dangereux, permettait au cessionnaire de prendre le contrôle d'une société sans payer réellement le prix de cession et d'utiliser celui-ci pour financer le développement de la société achetée avec l'argent du cédant et ensuite d'obtenir le remboursement du prix de cession par les bénéfices dégagés par l'activité. Ils prétendent également injustifié le refus de procéder au déblocage de 50 % du prix provisoire, estimant que ce blocage participait d'une stratégie mûrement réfléchie qui a trouvé sa traduction juridique dans des clauses permettant au cessionnaire de prendre le contrôle majoritaire des sociétés sans payer réellement de prix de cession. Ils invoquent encore la contrainte morale qu'ils ont subie, le déséquilibre économique entre les parties, la collusion de la Bred et la complicité de l'avocat de la Sogecore. La Sogecore répond que les consorts [X] ne peuvent pas invoquer comme ils le font les sentences totalement ou partiellement annulées, ni les arrêts cassés de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, qu'il convient de se référer au rapport d'expertise de MM. [E] et [U], experts commis par le juge d'instruction chargé d'instruire la plainte pénale des consorts [X] et à l'ordonnance de non-lieu confirmée par la chambre de l'instruction mettant un terme définitif aux accusations mensongères des consorts [X]. Il n'est pas discuté qu'au jour de la signature des actes de cession, les chèques ont été établis par le cessionnaire, non à l'ordre des vendeurs mais à celui des sociétés dont Sogecore devenait titulaire de 70 % des parts. Il ressort des articles 3.6 des actes de cession que les consorts [X] s'engageaient à verser sur leur compte courant d'associé le produit de la vente de leurs parts sociales, pour moitié pendant trois mois et pour moitié durant quatre ans, à compter de la signature desdits actes. Cette dernière disposition concernant le blocage pendant 4 années de la moitié du prix provisoire en compte courant d'associés est confirmée par les engagements pris par les consorts [X] à l'article 2 du pacte d'actionnaires, la Sogecore prenant les mêmes engagements pour un montant équivalent. En outre, il ressort du rapport d'expertise établi par MM. [U] et [E], experts commis par le magistrat chargé de l'instruction de la plainte avec constitution de partie civile déposée par les consorts [X] à l'encontre de la Sogecore, la Bred, Me [K] et la société HDM désignée par les actes de cession pour établir un audit juridique, comptable, fiscal et social sur la base du bilan arrêté au 30 juin 2006 et d'une situation comptable arrêtée au 30 novembre 2006 tenant compte des opérations intervenues entre ces deux dates, que, contrairement à ce que prétendent les consorts [X], les sociétés de leur groupe étaient dans une situation gravement compromise dès le 30 juin 2006 (pages 54 et 96 de ce rapport), qu'à cette date, en situation cumulée des 5 sociétés, la trésorerie était négative de 568.000 €, que les délais de règlement fournisseurs étaient très importants, qu'il existait des encours bancaires non autorisés et des factures impayées d'un montant conséquent, de nombreux arriérés de cotisations sociales, des retards de paiement en matière de TVA et d'impôt sur les sociétés, que les échéances proches à venir étaient qualifiées de problématiques pour les versements des salaires, que selon le propre directeur administratif et financier du groupe de sociétés des consorts [X] "toutes les sociétés étaient dans un état financier désespéré et elles dépendaient totalement du crédit bancaire" et "sans exception, en rupture de paiement. Leur crédit était définitivement et profondément ébranlé" (pages 60 et 86 du rapport). Dans de telles conditions, les consorts [X], alors qu'ils étaient dans l'incapacité d'apporter des fonds propres nécessaires, ont été contraints de rechercher dans l'urgence l'appui d'un partenaire financier extérieur pour éviter la déconfiture complète de leur groupe, ce qui a été confirmé par M. [P], expert-comptable des sociétés (page 63 du rapport). Dans ces circonstances, la stipulation de l'affectation par les consorts [X] du paiement du prix provisoire en compte courant d'associés qu'ils ont acceptée, alors qu'ils demeuraient porteurs de 30 % des parts des sociétés et qu'ils bénéficiaient d'un contrat de travail, était une mesure destinée à s'assurer de la participation des anciens gérants à la poursuite de l'activité des sociétés et au soutien financier du groupe. Elle n'apparaît pas comme une clause exorbitante. Elle ne révèle ni faute ni manoeuvre de la Sogecore, pas plus que l'imputation directe des paiements en compte courant. S'agissant du retard allégué de Sogecore à débloquer la partie du prix provisoire qui pouvait l'être, passé le délai de trois mois de la signature des actes, sur la demande de remboursement formulée par les cédants par lettre simple adressée à la gérance, conformément à l'article 3.6 des actes de cession, le tribunal arbitral a retenu en page 56 de sa sentence n° 1 que les consorts [X] n'avaient pas sollicité ce remboursement conformément à la lettre du contrat et les consorts [X] ne démontrent pas le contraire. Aucune faute ne peut être imputée à la Sogecore, la sentence n° 1 ayant par ailleurs fait droit à la demande subsidiaire présentée par les consorts [X] de paiement immédiat et ordonné sous astreinte la libération immédiate des fonds. 2. Sur l'établissement de la situation intermédiaire. Les consorts [X] soutiennent, reprenant ce qu'a jugé le tribunal arbitral dans la sentence annulée, que la Sogecore a commis plusieurs faits fautifs en changeant de logiciel de gestion en cours d'exercice, ce qui est prohibé par les règles comptables, en faisant procéder aux opérations d'inventaire sans qu'ils aient pu y assister, en augmentant considérablement les charges d'exploitation pour faire chuter la marge commerciale et donc le bénéfice avant impôt, rappelant que les sociétés ont fait l'objet de propositions de rectification de l'administration fiscale et que la Sogecore s'est délibérément abstenue de présenter au vérificateur les pièces utiles demandées. Ils ajoutent que c'est par le fait de la Sogecore qu'il a été impossible d'arrêter la situation au 30 novembre 2006, comme le mettent en exergue les courriers de M. [P] et le rapport de M. [D] (cabinet Optimum) confirmant la valorisation des sociétés à 3.600.000 euros, qu'ainsi les éléments de fixation du prix de cession définitif des sociétés ont été définitivement altérés par la faute de la Sogecore, estimant qu'il n'est pas admissible comme l'a fait M. [I] de déterminer le prix définitif de cession sans tenir compte de ces manipulations frauduleuses. Mais les conclusions du rapport de MM. [U] et [E], experts commis par le magistrat chargé de l'instruction, qui ont examiné l'ensemble des griefs formulés par les consorts [X] contre tous les acteurs ayant contribué à leur sens à ce que ceux-ci décrivent comme une stratégie concertée destinée à les contraindre à céder leurs parts à un prix dérisoire, démentent les assertions des consorts [X]. Ces experts ont apprécié les accusations portées par les consorts [X], au vu de l'ensemble des pièces produites devant eux mais également de celles qui avaient été soumises aux arbitres, et notamment des pièces comptables, livres de comptes et documents sociaux, documents relatifs à l'inventaire physique, des rapports du directeur administratif et financier du groupe de sociétés avant les cessions, de la société HDM et du cabinet Optimum, de M. [I], expert désigné par le tribunal arbitral, en prenant connaissance des auditions menées dans le cadre de l'instruction pénale et des éléments utiles recueillis au cours de la procédure arbitrale, ainsi qu'en procédant par eux-mêmes à certaines auditions. Ils ont tout particulièrement répondu aux opinions émises par M. [P], expert-comptable du groupe de sociétés, et par M. [D], auteur de plusieurs rapports en 2007 et 2012. Ils ont mis en évidence que ni l'un ni l'autre n'avait procédé à un contrôle de l'état des stocks en juin 2006 (pages 43 et 49 de leur rapport). Ainsi, aux termes de leur rapport précis, rigoureux et circonstancié, MM. [U] et [E] aboutissent à écarter les unes après les autres toutes les accusations formulées par les consorts [X] dans la procédure pénale contre les témoins assistés, identiques à celles soutenues dans la présente procédure contre tous les acteurs ayant participé aux cessions, ne décelant aucun comportement de nature à caractériser les manoeuvres frauduleuses de la Sogecore, soulignant in fine que, sans la reprise par la Sogecore, les consorts [X] auraient été contraints de déposer le bilan, avec pour conséquence, non seulement la perte définitive de leurs parts et de leurs comptes courant mais encore l'appel en garantie de leurs cautions personnelles. C'est au vu de ce rapport que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu le 22 mars 2016, confirmée par la chambre de l'instruction. S'agissant de l'inventaire physique et du rapport d'audit de la société HDM, les experts concluent que : "Le rapport déposé par le cabinet d'audit d'HDM n'appelle pas d'observations de notre part et nous ne relevons pas, au demeurant, de contestation précise de la part des parties civiles sur le contenu de ce rapport, hormis le fait qu'il ait validé l'évaluation des stocks au 30 novembre 2006, que les consorts [X] prétendent gravement sous-estimée. Or cette évaluation fait suite à un inventaire physique organisé dans le cadre d'une procédure contradictoire et méthodique. Certes son processus de valorisation a été long et laborieux à la suite de problèmes posés par la découverte, dans la base de données, de références manquantes, erronées ou incorrectement valorisées. Mais ces difficultés ont été identifiées tant par les services comptables des sociétés du groupe et du repreneur, que par le cabinet HDM et les experts intervenus dans le cadre de la procédure arbitrale pour la détermination du prix de cession. Elles ont donné lieu à l'application d'évaluations correctives largement débattues et analysées sur lesquelles il ne nous paraît pas utile de revenir." Les experts ont examiné en détail la question de l'inventaire et de la valorisation des stocks au 30 novembre 2006, relevant qu'en réalité, le changement de logiciel a été rendu nécessaire pour opérer cet inventaire physique, au vu des anomalies affectant l'état des stocks (pages 36 et suivantes du rapport) présenté par les consorts [X] au 30 juin 2006 qui n'avait fait l'objet d'aucun contrôle. Il a été établi en particulier l'existence de corrections manuelles non justifiées, de référencements manquants et de références sans prix unitaire, ainsi que l'absence d'un logiciel fiable et d'une codification unifiée entre les sociétés du groupe. Sur l'origine de la forte baisse des marges observée dans les comptes au 30 novembre 2006 dénoncée par les consorts [X], ils ont rappelé que sur les quatre facteurs pouvant être à l'origine de cette baisse, à savoir une surévaluation des stocks ou des ventes au 30 juin 2006, une baisse des prix sur la période juillet - novembre 2006 ou une sous-estimation des stocks au 30 novembre 2006, M. [D] n'a retenu que la dernière hypothèse sans que cet avis repose sur la mise en oeuvre de diligences de sa part (page 43 et suivantes), relevant que contrairement à ce que ce dernier a affirmé, la baisse des prix de vente pouvait avoir un intérêt pour les consorts [X], compte tenu de la situation critique des sociétés, permettant d'escompter une augmentation du niveau des ventes et partant l'amélioration de la trésorerie (page 88 du rapport). Ils n'ont pas relevé dans le rapport du cabinet Optimum établi en novembre ou décembre 2012 d'élément de nature à étayer la thèse des consorts [X] selon laquelle le changement de logiciel décidé par la Sogecore aurait eu pour but de minorer la valeur des stocks (page 49 du rapport). Aucune des pièces produites par les consorts [X] ne viennent contredire les conclusions des experts desquels il résulte que les arguments développés par les intéressées sur les manoeuvres invoquées qui auraient mené à la manipulation du prix de cession définitif sont dépourvus de fondement, la proposition de rectification fiscale suite à la vérification de la comptabilité de la société M.D.O.I., notifiée le 18 décembre 2018, mettant particulièrement en évidence les anomalies de la gestion sous les exercices clos en juin 2005 et juin 2006. Aucune faute ne saurait donc être retenue de ce chef. 3. Sur l'abus de majorité. Les consorts [X] reprochent à la Sogecore d'avoir commis plusieurs abus de majorité en refusant la distribution de bénéfices, en décidant de l'aggravation des charges et de la minoration des recettes, de la captation de profits et de la fermeture de locaux commerciaux rentables qui sont autant de fautes postérieures à la cession des parts sociales et qui devraient conduire à prononcer la résolution desdites cessions. Comme le soutient à juste titre la Sogecore, les consorts [X] n'ont pas invoqué le moyen tiré de l'abus de majorité devant le tribunal arbitral au titre de l'exécution déloyale par la cessionnaire de ses obligations. En tout état de cause, les consorts [X] manquent à établir le caractère fautif des agissements reprochés qui invoqués dans le cadre de la plainte pénale par les intéressés, ont tous été réfutés par les experts qui ont été commis par le juge d'instruction, notamment en pages 76 à 80 de leur rapport. Ils ne démontrent pas que des décisions adoptées par les majoritaires auraient été contraires à l'intérêt social et auraient été prises dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité des associés au détriment de la minorité. En réalité, l'ensemble des fautes alléguées par les consorts [X] à l'encontre de la Sogecore au soutien de la demande de résolution des actes ne tend qu'à justifier leur affirmation selon laquelle le prix de cession aurait été dérisoire, dont ils prétendent apporter la preuve par le rapport du cabinet Optimum de novembre ou décembre 2012, établi à leur demande et qui aboutit à une valeur cumulée des sociétés à juin 2006, estimée de 3.600.000 €, dans un intervalle de valeur compris à plus ou moins 10 %. Or, outre son caractère non contradictoire, contrairement à celui établi par M. [I] dans le cadre de la procédure arbitrale, ses imprécisions, inexactitudes et biais méthodologique mis en évidence par MM. [U] et [E] conduisent à considérer que celui-ci n'est pas pertinent. En définitive, les fautes alléguées par les consorts [X] au soutien de la demande de la demande de résolution des actes de cession et subséquemment du pacte d'associés, ne sont donc pas établies et ne peuvent justifier le prononcé de la résolution des actes de cession, subséquemment du pacte d'actionnaires. [?] Sur les autres demandes indemnitaires des consorts [X]. Les consorts [X] sollicitent la condamnation de la Sogecore à réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait des agissements fautifs allégués et à leur payer les sommes suivantes : - 3.600.000 € au titre de la perte des parts sociales, soit 1.800.000 € pour chaque frère [X], outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 75.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice lié au paiement de la somme de 150.000 € à laquelle ils ont été condamnés au titre de la concurrence déloyale, - 500.000 € pour chacun d'eux au titre du préjudice professionnel, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 72.000 € à chacun des frères [X] au titre du trouble dans les conditions d'existence, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 600.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 400.000 € pour les deux frères [X] au titre du préjudice lié aux frais de justice, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice. Il y a lieu d'examiner chacune de ces demandes, les consorts [X] invoquant d'autres comportements fautifs que ceux déjà écartés au titre de leur demande de résolution. Sur la demande au titre de la perte des parts sociales. Les consorts [X] soutiennent qu'ils ont subi un préjudice économique et financier très important car ils ont perdu la totalité de leurs droits sociaux puisque toutes les sociétés ont été liquidées par l'associé majoritaire. Ils chiffrent donc cette perte financière à 3.600.000 € incluant la perte de valeur tant des 70 % déjà cédés pour 2.520.000 € que des 30 % de parts leur restant pour 1.080.000 €, perte que la Sogecore doit indemniser. Sogecore soutient que les consorts [X] tentent de débattre à nouveau, sous une forme ou sous une autre, du prix définitif et que cette demande est irrecevable. Il convient de rappeler que dans sa sentence n° 4, par des dispositions non affectées par l'annulation partielle prononcée par la cour d'appel, le tribunal arbitral a jugé que l'expertise de M. [I] était recevable, a homologué les conclusions du rapport ayant fixé le prix définitif conformément à la méthode retenue dans les actes de cession. Le tribunal arbitral a donc définitivement tranché sur le prix de cession pour les 70 % des parts des sociétés fixé à la somme de 456.662,88 €. La demande des consorts [X] de ce chef de préjudice est donc manifestement irrecevable en ce qu'elle concerne la perte de valeur de 70 % des parts des sociétés. S'agissant des 30 % des parts sociales dont les consorts [X] sont encore titulaires dans chacune des sociétés, la sentence n° 3 leur a ordonné de les céder, a dit que le tribunal arbitral était incompétent pour procéder à la fixation du prix de cession forcée des parts restantes et n'a pas fait droit à la demande de désignation d'un expert pour que celui-ci procède à la fixation du prix de cession forcée de ces parts. La valorisation des 30 % des parts sociales n'entrait donc pas dans la mission du tribunal arbitral. La demande des consorts [X] en ce qu'elle porte sur la perte de valeur qu'ils chiffrent à 1.080.000 € de 30 % des parts sociales dont ils sont encore titulaires, faute à ce jour de réalisation de la cession ordonnée par le tribunal arbitral et de fixation du prix, ne se rattache pas par un lien de dépendance suffisant avec les prétentions originaires. Elle est donc irrecevable. Sur la demande au titre du préjudice financier lié aux condamnations pour concurrence déloyale. Les consorts [X] sollicitent une somme de 150.000 € au titre des sommes qu'ils ont été contraints de payer pour la violation de la clause de non-concurrence. Le tribunal arbitral a dit, dans sa sentence arbitrale n° 1, que la clause de non-concurrence insérée dans les actes de cession est valable, que celle contenue dans le pacte d'actionnaires est nulle, et dans sa sentence n° 4, non affectée sur ce point par l'annulation prononcée par la cour d'appel, a condamné les consorts [X] à payer à la Sogecore la somme de 100.000 € pour violation de la clause de non-concurrence contenue dans les actes de cession. Les consorts [X] prétendent d'une part, que les deux clauses de non-concurrence auraient dû être annulées, d'autre part, que si la Sogecore n'avait pas commis des fautes les obligeant à travailler dans le même domaine d'activité, ils n'auraient pas été condamnés à lui payer une telle somme. Mais les consorts [X] ne peuvent pas à l'occasion de cette demande remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée aux dispositions des sentences qui ont été rappelées et à défaut de faute établie à l'encontre de la Sogecore en lien avec le préjudice allégué, les intéressés étant responsables de leurs propres actes, cette demande doit être rejetée. Sur la demande au titre du trouble dans les conditions d'existence. Les consorts [X] font valoir de ce chef que le blocage du prix provisoire les a privés de toute liquidité, de la possibilité de vivre décemment, se retrouvant interdits bancaires et faisant l'objet de poursuites fiscales. Certes, les consorts [X] ont volontairement consenti en signant les actes de cession et le pacte d'actionnaires à inscrire en compte courant d'associés le prix provisoire et au blocage de celui-ci pour moitié pendant trois mois, pour moitié pendant 4 ans, lesdits comptes courants étant rémunérés. En outre, comme il l'a déjà été relevé, ils n'ont pas sollicité le déblocage de la moitié du prix provisoire dans les formes prévues à l'expiration de la période de trois mois. En outre, ils manquent à démontrer la réalité des troubles dans leurs conditions d'existence rencontrées avec leur banque (interdiction de fichiers et fichage sur les incidents de paiement), au demeurant non justifiées par les pièces produites, et l'imputabilité des troubles allégués dans leurs conditions d'existence au retard avec lequel ils ont perçu le prix provisoire. Ils ne peuvent prétendre que la Sogecore serait à l'origine des poursuites fiscales dont ils ont fait l'objet et de la crainte d'une saisie de leurs biens à raison des poursuites fiscales. Cette demande est en conséquence rejetée. Sur la demande au titre du préjudice professionnel. Les consorts [X] estiment qu'ils ont été victimes d'une escroquerie en bande organisée et soutiennent qu'ils ont mal vécu le fait d'être traités sur un plan d'égalité avec leur prédateur et de devoir argumenter sans cesse pour prouver ce qui pour eux est évident puisqu'ils l'ont vécu. Les rapports des experts commis par le juge d'instruction et les termes du non-lieu devenu définitif prononcé par celui-ci conduisent à écarter "l'escroquerie en bande organisée" et la collusion de tous les acteurs mis en cause invoquées par les consorts [X]. Les condamnations pour diffamation prononcées par la justice contre M. [S] [X] ne peuvent fonder un quelconque préjudice moral causé par la Sogecore. La Sogecore ne peut pas plus être tenue pour responsable des conséquences des manquements au devoir de conseil et d'information commis par Me [K], en qualité de rédacteur des actes, pour lesquels celui-ci a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à réparer le préjudice subi par les consorts [X] suivant jugement du 22 janvier 2014. S'il a été considéré par cette juridiction que Me [K] avait manqué à son devoir de conseil en ne les informant pas de l'obligation de déclarer la plus-value réalisée du fait de la cession de leurs parts sociales, au titre de l'impôt sur le revenu 2006, ce qui a motivé une proposition de rectification de l'administration fiscale, la Sogecore n'a pas à réparer le préjudice moral qui résulterait de ce que les consorts [X] ont dû faire face au paiement des sommes dues au trésor public. Les consorts [X] se bornent pour le surplus à invoquer les mêmes manquements de la Sogecore que ceux déjà allégués pour fonder la demande de résolution des actes de cession qui ont été écartés et les mêmes fautes que celles invoquées au titre des autres chefs de préjudice déjà examinés dont il a été jugé qu'ils n'étaient pas imputables à la Sogecore. Les consorts [X] doivent être déboutés de leur demande au titre de leur préjudice moral. Sur le préjudice matériel. De ce chef, les consorts [X] sollicitent une somme de 400.000 € qu'ils ont dû exposer en frais de justice. Cette demande sera examiné au titre de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant de frais exposés non compris dans les dépens. Sur la demande de la Sogecore au titre de la clause pénale contenue dans le pacte d'actionnaires. La Sogecore sollicite la condamnation des consorts [X] à lui payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 18 du pacte d'actionnaires. Selon la clause pénale figurant à l'article 18 du pacte d'actionnaires "En cas de violation d'une quelconque clause du présent pacte, après constatation et notification par lettre recommandée avec AR à la partie fautive, restée sans effet pendant 30 jours consécutifs, la partie fautive sera tenue de : - payer, de plein droit, à chacun des autres parties la somme forfaitaire de 50.000 euros (?)". Il ressort des dispositions définitives des sentences n° 3 du 26 juin 2009 et n° 4 du 29 octobre 2009 que les consorts [X] se sont rendus coupables de violation répétée de la clause de confidentialité figurant à l'article 15 du pacte d'actionnaires. Les consorts [X] seront donc condamnés à payer à la Sogecore la somme de 50.000 € en application de l'article 18 dudit pacte. Sur le compte entre les parties. Il résulte des sentences n° 1, 3 et 4 en ces dispositions non atteintes par l'annulation que les consorts [X] ont été condamnés solidairement à payer à la Sogecore : - par la sentence n° 3, o 25.000 € en principal pour violation de la clause de confidentialité, o 112.560 € en principal pour déloyauté, - la sentence n° 4, o 150.000 € pour violation de la clause de confidentialité, o 100.000 € pour violation de l'obligation de non-concurrence contenue dans les actes de cession, auquel doit être ajoutée la condamnation à 50.000 € au titre de la clause pénale contenue dans le pacte d'actionnaires, soit un total de 437.560 euros. Le prix définitif de cession de 70 % des parts a été fixé à la somme de 456.662,88 €. Les consorts [X] doivent donc à la Sogecore la somme de 316.149,12 euros (772.812 - 456.662,88) au titre de la restitution partielle du prix de cession. Les consorts [X] sont en conséquence débiteurs envers la Sogecore de la somme de 316.149,12 euros au titre de la restitution partielle du prix et de la somme de 437.560 euros. Ils sont en revanche créanciers d'une somme de 200.000 euros à l'égard de la Sogecore. Sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553 709,12 euros envers la Sogecore (316.149,12 + 437.560 - 200.000). Il faut constater que la Sogecore justifie également (sa pièce n° 80) que les consorts [X] sont débiteurs envers elle d'une somme de 537.755,51 € (ATD 170.782 + chèque 366.973,51) au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées. Au vu des sommes dont les consorts [X] sont débiteurs, il y a lieu d'autoriser la Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 € à son profit » ; Alors que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en se fondant, pour exclure toute faute de la société Sogecore, sur les seules opinions exprimées par MM. [U] et [E] dans leur rapport d'expertise, sans examiner elle-même les moyens de fait et de droit relatifs aux fautes invoquées par les consorts [X] à l'encontre de la société Sogecore, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts au titre de la perte des parts sociales ; Aux motifs que « Sur les autres demandes indemnitaires des consorts [X]. Les consorts [X] sollicitent la condamnation de la Sogecore à réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait des agissements fautifs allégués et à leur payer les sommes suivantes : - 3.600.000 € au titre de la perte des parts sociales, soit 1.800.000 € pour chaque frère [X], outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 75.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice lié au paiement de la somme de 150.000 € à laquelle ils ont été condamnés au titre de la concurrence déloyale, - 500.000 € pour chacun d'eux au titre du préjudice professionnel, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 72.000 € à chacun des frères [X] au titre du trouble dans les conditions d'existence, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 600.000 € à chacun des frères [X] au titre du préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, - 400.000 € pour les deux frères [X] au titre du préjudice lié aux frais de justice, outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice. Il y a lieu d'examiner chacune de ces demandes, les consorts [X] invoquant d'autres comportements fautifs que ceux déjà écartés au titre de leur demande de résolution. Sur la demande au titre de la perte des parts sociales. Les consorts [X] soutiennent qu'ils ont subi un préjudice économique et financier très important car ils ont perdu la totalité de leurs droits sociaux puisque toutes les sociétés ont été liquidées par l'associé majoritaire. Ils chiffrent donc cette perte financière à 3.600.000 € incluant la perte de valeur tant des 70 % déjà cédés pour 2.520.000 € que des 30 % de parts leur restant pour 1.080.000 €, perte que la Sogecore doit indemniser. Sogecore soutient que les consorts [X] tentent de débattre à nouveau, sous une forme ou sous une autre, du prix définitif et que cette demande est irrecevable. Il convient de rappeler que dans sa sentence n° 4, par des dispositions non affectées par l'annulation partielle prononcée par la cour d'appel, le tribunal arbitral a jugé que l'expertise de M. [I] était recevable, a homologué les conclusions du rapport ayant fixé le prix définitif conformément à la méthode retenue dans les actes de cession. Le tribunal arbitral a donc définitivement tranché sur le prix de cession pour les 70 % des parts des sociétés fixé à la somme de 456.662,88 €. La demande des consorts [X] de ce chef de préjudice est donc manifestement irrecevable en ce qu'elle concerne la perte de valeur de 70 % des parts des sociétés. S'agissant des 30 % des parts sociales dont les consorts [X] sont encore titulaires dans chacune des sociétés, la sentence n° 3 leur a ordonné de les céder, a dit que le tribunal arbitral était incompétent pour procéder à la fixation du prix de cession forcée des parts restantes et n'a pas fait droit à la demande de désignation d'un expert pour que celui-ci procède à la fixation du prix de cession forcée de ces parts. La valorisation des 30 % des parts sociales n'entrait donc pas dans la mission du tribunal arbitral. La demande des consorts [X] en ce qu'elle porte sur la perte de valeur qu'ils chiffrent à 1.080.000 € de 30 % des parts sociales dont ils sont encore titulaires, faute à ce jour de réalisation de la cession ordonnée par le tribunal arbitral et de fixation du prix, ne se rattache pas par un lien de dépendance suffisant avec les prétentions originaires. Elle est donc irrecevable » ; Alors que lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties ; qu'en relevant, pour déclarer irrecevable la demande des consorts [X] au titre de la perte des 30 % de parts sociales restantes, que le tribunal arbitral s'était déclaré incompétent pour procéder à la fixation du prix de cession forcée de ces parts sociales et avait rejeté la demande de désignation d'un expert aux fins de fixation du prix de cession forcée de ces parts, et ainsi considérer que la valorisation de ces parts sociales n'entrait pas dans la mission du tribunal arbitral et que, faute de cession effective et de fixation du prix, il n'existait pas un lien de dépendance suffisant entre les prétentions originaires des consorts [X] et la demande portée devant elle par les consorts [X], quand ni le fait que le tribunal arbitral se soit déclaré incompétent pour procéder à la fixation du prix de cession forcée des parts restantes ni le fait qu'il ait rejeté la demande de désignation d'un expert aux fins de fixation du prix de cession forcée de ces parts n'impliquaient que la fixation de ce prix n'entrait pas dans sa mission dès lors qu'il avait ordonné la cession de ces parts, la cour d'appel a violé les articles 1442 et 1493 du code de procédure civile. CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que, sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553.709,12 euros envers la société Sogecore, d'avoir dit que les consorts [X] sont également débiteurs envers la société Sogecore de la somme de 537.755,51 euros au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées, et d'avoir autorisé la société Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 euros à son profit ; Aux motifs qu'« il résulte des sentences n° 1, 3 et 4 en ces dispositions non atteintes par l'annulation que les consorts [X] ont été condamnés solidairement à payer à la Sogecore : - par la sentence n° 3, o 25.000 € en principal pour violation de la clause de confidentialité, o 112.560 € en principal pour déloyauté, - la sentence n° 4, o 150.000 € pour violation de la clause de confidentialité, o 100.000 € pour violation de l'obligation de non-concurrence contenue dans les actes de cession, auquel doit être ajoutée la condamnation à 50.000 € au titre de la clause pénale contenue dans le pacte d'actionnaires, soit un total de 437.560 euros. Le prix définitif de cession de 70 % des parts a été fixé à la somme de 456.662,88 €. Les consorts [X] doivent donc à la Sogecore la somme de 316.149,12 euros (772.812 - 456.662,88) au titre de la restitution partielle du prix de cession. Les consorts [X] sont en conséquence débiteurs envers la Sogecore de la somme de 316.149,12 euros au titre de la restitution partielle du prix et de la somme de 437.560 euros. Ils sont en revanche créanciers d'une somme de 200.000 euros à l'égard de la Sogecore. Sous réserve des intérêts et des astreintes courant, de l'exécution par l'une ou l'autre des parties, après compensation, les consorts [X] sont débiteurs de la somme de 553 709,12 euros envers la Sogecore (316.149,12 + 437.560 - 200.000). Il faut constater que la Sogecore justifie également (sa pièce n° 80) que les consorts [X] sont débiteurs envers elle d'une somme de 537.755,51 € (ATD 170.782 + chèque 366.973,51) au titre des condamnations prononcées à son encontre qu'elle a exécutées et qui ont été annulées. Au vu des sommes dont les consorts [X] sont débiteurs, il y a lieu d'autoriser la Sogecore à déconsigner la somme de 504.264,88 € à son profit » ; Alors que le juge, lié par les conclusions des parties, doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en condamnant les consorts [X] à payer les sommes de 553.709,12 euros et 537.755,51 euros à la société Sogecore, soit un total de 1.091.464,63 euros, quand celle-ci ne réclamait qu'une somme en principal de 925.315,51 euros, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble le principe susvisé. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la Société générale de commerce de la Réunion (Sogecore). La société Sogecore fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer aux consorts [X], à chacun, la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice professionnel ; 1°) ALORS QU'il n'est pas permis au juge de modifier l'objet du litige ; que les consorts [X] faisaient valoir, au soutien de leur demande de condamnation de l'exposante à leur verser 500.000 euros chacun au titre du préjudice professionnel, que « le refus injustifié de la société Sogecore de leur payer la somme due en exécution de la sentence arbitrale n° 2 (30 décembre 2008) et n° 4 (29 octobre 2009) et au titre de la cession des parts sociales de la SCI Mouad, les a contraints à solliciter l'ouverture d'une procédure collective de la société AVS OI » (conclusions [X], p. 49, § 8) ; qu'en considérant que « la Sogecore a été condamnée, avec exécution provisoire, par la sentence n° 1 du 9 décembre 2008, à libérer les fonds provenant du versement de la première moitié du prix provisoire. Il est avéré qu'elle ne s'est exécutée de cette obligation qu'après l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 25 mars 2013 », la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'il n'est pas permis au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans son arrêt du 25 mars 2013, régulièrement versé au débat par l'exposante, visé par la cour, la cour d'appel de Saint-Denis a constaté que « le tribunal a considéré que constituaient des manquements à l'obligation d'exécuter loyalement et fidèlement ses engagements : - le retard mis par la Sogecore à débloquer les fonds issus du paiement du prix provisoire (soit 386.406 euros) comme l'y obligeait l'article 3-6 des actes de cession ; elle n'y procèdera qu'après condamnation du tribunal arbitral le 9 décembre 2008 », ce dont il résulte clairement, et sans équivoque, que la société Sogecore a exécuté l'obligation de libérer les fonds provenant de la première moitié du prix provisoire après sa condamnation par le tribunal arbitral le 9 décembre 2008 ; qu'en considérant que « la Sogecore a été condamnée, avec exécution provisoire, par la sentence n° 1 du 9 décembre 2008, à libérer les fonds provenant du versement de la première moitié du prix provisoire. Il est avéré qu'elle ne s'est exécutée de cette obligation qu'après l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 25 mars 2013 », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 25 mars 2013, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le créancier ne peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance en raison d'un retard de paiement que si le débiteur en retard lui a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard ; qu'en se bornant à relever, pour condamner l'exposante à verser 100.000 euros à chacun des consorts [X] que le retard dans le paiement par la Sogecore des condamnations prononcées par les sentences arbitrales, assorties de l'exécution provisoire, aurait manifestement privé les consorts [X] de la possibilité de disposer des fonds nécessaires pour réaliser les projets professionnels et les placements qu'ils avaient pu envisager et leur aurait causé un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de retard assortissant les condamnations prononcées, sans constater la mauvaise foi de la société Sogecore, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. 4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le créancier ne peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance en raison d'un retard de paiement que si le débiteur en retard lui a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard ; qu'en se bornant à relever, pour condamner l'exposante à verser 100.000 euros à chacun des consorts [X] que le retard dans le paiement par la Sogecore des condamnations prononcées par les sentences arbitrales, assorties de l'exécution provisoire, aurait manifestement privé les consorts [X] de la possibilité de disposer des fonds nécessaires pour réaliser les projets professionnels et les placements qu'ils avaient pu envisager et leur aurait causé un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de retard assortissant les condamnations prononcées, motifs impropres à caractériser l'existence pour les consorts [X] d'un préjudice indépendant de celui résultant du retard dans l'exécution de l'obligation de paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
INCA/JURITEXT000046555935.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 654 F-D Pourvoi n° T 21-16.200 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [I] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-16.200 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes, société anonyme coopérative de banque à capital variable, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Banque populaire Loire et Lyonnais, société anonyme coopérative de banque à capital variable, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de Mme [M], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 avril 2021), la société holding Bold (la société Bold), détentrice de parts dans plusieurs sociétés exploitant des magasins spécialisés dans la vente de produits de puériculture sous l'enseigne « Autour de Bébé » puis « Badbouille », était titulaire depuis 2005 d'un compte courant professionnel ouvert dans les livres de la société Banque populaire Loire et Lyonnais, aux droits de laquelle vient la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes (la banque). Elle bénéficiait, jusqu'au 31 janvier 2016, d'une autorisation de découvert de 100 000 euros. 2. Par un acte du 6 octobre 2015, Mme [M], gérante de la société Bold, s'est rendue caution, pour une durée d'un an, de tous les engagements souscrits par cette société, à hauteur de 100 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard. 3. La société Bold ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en paiement. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième banche Enoncé du moyen 4. Mme [M] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la banque la somme de 100 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017, et d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 25 mai 2019, alors « que l'existence de la cause doit s'apprécier au jour de la souscription du cautionnement ; qu'en l'espèce, en jugeant que le cautionnement du 6 octobre 2015 était causé, aux motifs qu'une "ligne des écritures du compte fais[ait] apparaître un solde négatif de 114 766,99 euros au 15 janvier 2016" et que le compte bancaire avait donc continué à fonctionner malgré le dépassement de l'autorisation de découvert, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément postérieur de plus de trois mois à la conclusion du contrat et n'a pas apprécié la cause de l'engagement au jour de sa souscription, a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 5. Aux termes de ce texte, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. L'existence de la cause doit être appréciée au jour de la conclusion du contrat. 6. Pour condamner la caution, l'arrêt retient que le compte bancaire de la société Bold a continué à fonctionner malgré le dépassement de l'autorisation de découvert, comme en atteste la liste des écritures du compte faisant apparaître un solde négatif de 114 766,99 euros au 15 janvier 2016, de sorte que la banque est fondée à soutenir que l'engagement de caution de Mme [M] trouve sa cause dans ce maintien du fonctionnement du compte. 7. En statuant ainsi, en appréciant l'existence de la cause à une date postérieure à la souscription du cautionnement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Sur le moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 8. Mme [M] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, à supposer que la cour d'appel ait entendu juger que le cautionnement trouvait sa cause dans le maintien du fonctionnement du compte malgré l'existence d'un découvert – indépendamment du dépassement du découvert –, sans répondre au moyen de Mme [M] tiré de ce qu'à la date à laquelle l'engagement de caution avait été souscrit, le 6 octobre 2015, l'autorisation de découvert d'un montant de 100 000 euros, consentie jusqu'au 31 janvier 2016, n'était pas épuisée dans son montant ni arrivée à terme, de sorte que le maintien du fonctionnement du compte malgré le découvert ne pouvait pas constituer une cause de l'engagement additionnel pris par Mme [M], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 10. Pour condamner Mme [M], l'arrêt statue par les motifs précités. 11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [M], qui soutenait que, à la date de conclusion du cautionnement, l'autorisation de découvert d'un montant de 100 000 euros, consentie par la banque jusqu'au 31 janvier 2016, n'était pas épuisée dans son montant ni arrivée à terme, de sorte que le maintien du fonctionnement du compte malgré le découvert ne pouvait pas constituer une cause de son engagement de caution, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes et la condamne à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour Mme [M]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [I] [M] FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de L'AVOIR condamnée à payer à la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 100 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017, et D'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 25 mai 2019 ; 1°) ALORS, de première part, QUE le juge a l'interdiction de modifier l'objet du litige ; qu'en l'espèce, aucune des parties ne soutenait que la cause du cautionnement aurait tenu à la poursuite du fonctionnement du compte bancaire de la société Bold malgré le dépassement de l'autorisation de découvert (conclusions d'appel, p. 6 à 9 ; conclusions d'appel adverses, p. 11 à 13) ; que dès lors, en jugeant que « le compte bancaire de la société [Bold] a continué à fonctionner malgré le dépassement de l'autorisation de découvert », et qu'en conséquence la banque était fondée à soutenir que l'engagement de caution de Mme [M] « trouve sa cause dans ce maintien du fonctionnement du compte » (arrêt attaqué, p. 4), la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, de deuxième part, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'engagement de caution de Mme [M] trouvait sa cause dans le maintien du fonctionnement du compte bancaire de la société Bold malgré le dépassement de l'autorisation de découvert (arrêt attaqué, p. 4), sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'existence de la cause doit s'apprécier au jour de la souscription du cautionnement ; qu'en l'espèce, en jugeant le cautionnement du 6 octobre 2015 était causé, aux motifs qu'une « ligne des écritures du compte fais[ait] apparaître un solde négatif de 114 766,99 euros au 15 janvier 2016 » et que le compte bancaire avait donc continué à fonctionner malgré le dépassement de l'autorisation de découvert (arrêt attaqué, p. 4), la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément postérieur de plus de trois à la conclusion du contrat et n'a pas apprécié la cause de l'engagement au jour de sa souscription, a violé l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ; 4°) ALORS, en tout état de cause, QUE la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas démontré que l'engagement de caution trouve sa cause dans une prorogation de la facilité de caisse octroyée par la banque jusqu'au 31 janvier 2016 (arrêt attaqué, p. 4) ; que dès lors, à supposer que la cour d'appel ait entendu simultanément juger que le cautionnement trouvait sa cause dans le maintien du fonctionnement du compte malgré l'existence d'un découvert – indépendamment du dépassement du découvert –, la cour a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, de cinquième part, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, à supposer que la cour d'appel ait entendu juger que le cautionnement trouvait sa cause dans le maintien du fonctionnement du compte malgré l'existence d'un découvert – indépendamment du dépassement du découvert –, sans répondre au moyen de Mme [M] tiré de ce qu'à la date à laquelle l'engagement de caution avait été souscrit, le 6 octobre 2015, l'autorisation de découvert d'un montant de 100 000 euros, consentie jusqu'au 31 janvier 2016, n'était pas épuisée dans son montant ni arrivée à terme, de sorte que le maintien du fonctionnement du compte malgré le découvert ne pouvait pas constituer une cause de l'engagement additionnel pris par Mme [M] (conclusions d'appel, p. 6 à 9), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS, de sixième part, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le contrat de cautionnement souscrit le 6 octobre 2015 stipulait que Mme [M] se portait caution de la société Bold, débiteur principal, et qu'elle s'engageait à ce titre au profit de la banque « à rembourser, en cas de défaillance du débiteur principal, toutes les sommes que ce dernier pourrait devoir à ladite banque dans la limite [de 100 000 euros] indiquée ci-dessus » (production n° 4) ; que dès lors, en jugeant qu'il résultait de la lettre dudit contrat qu'il « couvrait l'ensemble des engagements de Mme [M] à l'égard de la banque » (arrêt attaqué, p. 4), la cour d'appel a dénaturé le contrat de cautionnement, en violation du principe susvisé ; 7°) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ne peut avoir aucun effet ; qu'en l'espèce, à supposer que la cour d'appel ait entendu juger que l'engagement de caution de Mme [M] était causé aux motifs qu'« il résulte de la lettre du contrat de cautionnement que cet engagement n'était pas limité à la garantie du solde débiteur du compte courant, mais couvrait l'ensemble des engagements de [la société Bold] à l'égard de la banque » (arrêt attaqué, p. 4), la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser un avantage consenti par le créancier, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire Mme [I] [M] FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de L'AVOIR condamnée à payer à la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 100 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2017, et D'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 25 mai 2019 ; 1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même énoncé que le cautionnement souscrit par Mme [M] trouvait sa cause dans le maintien du fonctionnement du compte bancaire de la société Bold malgré le dépassement de l'autorisation de découvert (arrêt attaqué, p. 4 § 6) ; qu'il en résultait, selon la propre analyse des juges d'appel, que le maintien du fonctionnement du compte n'avait été permis que par le cautionnement souscrit par Mme [M] ; que dès lors, en jugeant ensuite que Mme [M] « ne rapporte pas la preuve que [la banque] l'aurait menacée de procéder à une rupture de ses concours bancaires » si elle ne se portait pas caution (arrêt attaqué, p. 4 dernier §), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, en tout état de cause, QU'il n'y a point de consentement valable si le consentement a été extorqué par violence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même énoncé que « le compte bancaire de la société [Bold] a continué à fonctionner malgré le dépassement de l'autorisation de découvert », pour en déduire que l'engagement de caution de Mme [M] « trouve sa cause dans ce maintien du fonctionnement du compte » (arrêt attaqué, p. 4 § 6) ; qu'en jugeant ensuite que Mme [M] ne rapportait pas la preuve que la banque l'aurait menacée de procéder à une rupture de ses concours bancaires si elle ne souscrivait pas d'engagement de caution, aux motifs inopérants que « la banque a maintenu ouvert le compte de la société Bold malgré le dépassement de l'autorisation de découvert » (arrêt attaqué, p. 4 dernier §) – maintien qui s'expliquait précisément par le cautionnement souscrit –, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1111 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige.
INCA/JURITEXT000046555934.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 653 F-D Pourvoi n° T 20-23.188 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes, et du directeur général des finances publiques, lui-même domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-23.188 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes, et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), le comptable public du pôle recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes a, en application de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, saisi le juge de l'exécution d'une requête afin d'être autorisé à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble appartenant à M. [K], dont il a recherché la responsabilité sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales en sa qualité d'ancien dirigeant de la société Prestige Car International. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. Le comptable public fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers de M. [K], ancien dirigeant de la société Prestige Car International, alors qu' « en se bornant, pour rejeter la demande d'inscription d'hypothèque, à relever que "le dossier n'établit pas [le] principe d'une créance" sans examiner le moyen circonstancié de M. le comptable démontrant la réunion des conditions permettant de faire déclarer solidairement responsable le dirigeant du payement de l'impôt et des pénalités afférentes, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile 3. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. 4. Pour rejeter la demande d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers de M. [K], l'arrêt, après avoir rappelé que la condamnation d'un dirigeant de société en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales suppose qu'il est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, retient que le dossier soumis à la cour d'appel n'établit pas un principe de créance à l'encontre de M. [K], que sa seule assignation en responsabilité devant le tribunal judiciaire, avec ses aléas, ne suffit pas à étayer. 5. En se déterminant ainsi, par de simples affirmations, sans exposer en quoi les pièces produites par le comptable public à l'appui de ses conclusions ne permettaient pas d'établir la réunion apparente des conditions édictées par l'article L. 267 du livre des procédures fiscale et, donc, l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe à l'égard de M. [K], la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire dans l'état où elle se trouvait avant cet arrêt et la renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes, et du directeur général des finances publiques. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par le comptable, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté la demande d'inscription d'hypothèque sur les biens de l'ancien dirigeant de la SARL PRESTIGE CAR INTERNATIONAL ; ALORS QUE en se bornant, pour rejeter la demande d'inscription d'hypothèque, à relever que « le dossier n'établit pas [le] principe d'une créance » (arrêt, p. 4 alinéa 3) sans examiner le moyen circonstancié de M. le comptable démontrant la réunion des conditions permettant de faire déclarer solidairement responsable le dirigeant du payement de l'impôt et des pénalités afférentes, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par le comptable, encourt la censure ; EN CE QU'il rejeté la demande d'inscription d'hypothèque sur les biens de l'ancien dirigeant de la SARL PRESTIGE CAR INTERNATIONAL ; ALORS QU' aux termes des dispositions combinées des articles L. 511-1 du CPCE et L. 267 du LPF, un comptable public est autorisé à prendre des mesures conservatoires sur les biens du dirigeant d'une société défaillante fiscalement, lorsqu'il est démontré l'existence d'un principe de créance à l'encontre de celui-ci ; que le principe de créance résulte de la démonstration de la responsabilité personnelle du dirigeant dans les inobservations graves et répétées des obligations fiscales et/ou manoeuvres frauduleuses commises par la société et l'impossibilité de recouvrer la dette fiscale qui en a résulté ; qu'en rejetant la demande d'autorisation d'inscrire une hypothèque provisoire sur les biens du dirigeant contre lequel l'administration disposait d'un principe de créance, la cour d'appel a violé les articles susvisés.
INCA/JURITEXT000046555920.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 639 F-D Pourvoi n° W 20-12.956 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société XL, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-12.956 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [Y], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société Planet Ethic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société XL, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y] et de la société Planet Ethic, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 décembre 2019), la société XL a été constituée entre MM. [Y] et [J], qui ont, par un acte du 29 janvier 2014, cédé l'intégralité des participations qu'ils détenaient dans cette société à la société Ase Conseil. 2. Par une convention du même jour, la société XL, reprise par la société Ase Conseil, s'est engagée à faire appel à la société Planet Ethic, dirigée par M. [Y], pour accomplir des prestations de services et d'assistance en matière d'expertise, d'audit et de formation, sur une base annuelle d'au moins cent dix jours ouvrés et selon des honoraires annuels de 165 000 euros hors taxes, pendant une durée de quatre années. 3. La société XL a, le 30 mars 2014, résilié la convention en invoquant des fautes lourdes du prestataire. 4. Se prévalant d'une rupture unilatérale abusive de la convention, la société Planet Ethic et M. [Y] ont assigné la société XL en indemnisation de leurs préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société XL fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [Y] la somme de 111 586 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce qu'il porte sur la résiliation unilatérale du contrat litigieux à la date du 29 janvier 2014, aura pour conséquence l'annulation du chef de l'arrêt attaqué ayant condamné la société XL à payer à M. [Y] la somme de 111 586 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Le rejet non spécialement motivé du premier moyen rend le moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, sans portée. Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 8. La société XL fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de sa société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même ; que la cour d'appel a relevé que M. [Y], associé gérant de la société Planet Ethic, sollicitait l'indemnisation de son préjudice financier tenant à la perte de revenus qu'il aurait tiré des honoraires versés à sa société par la société XL si celle-ci n'avait pas résilié le contrat de prestations de service et d'assistance du 29 janvier 2014, ce dont il résultait que M. [Y] ne se prévalait pas d'un préjudice personnel et distinct de celui de la société Planet Ethic ; qu'en accueillant néanmoins l'action en responsabilité de M. [Y], quand celle-ci était irrecevable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation des articles 1147 et 1382 ancien du code civil, et 31 du code de procédure civile ; 3°/ que le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, interdit qu'un même préjudice soit doublement indemnisé ; que la cour d'appel a relevé que "la rémunération [de M. [Y]] résulte de sa seule décision en sa qualité d'associé unique et de dirigeant de la société Planet Ethic", ce dont il résulte que son préjudice économique n'est pas distinct de celui de la société Planet Ethic pour être le corollaire du préjudice social de celle-ci ; qu'en condamnant néanmoins la société XL à verser à M. [Y] la somme de 111 586 euros à titre de dommages et intérêts, quand elle avait déjà condamné la société XL à verser de 334 125 euros à la société Planet Ethic, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, et des articles 1147 et 1382 anciens du code civil. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel a, pour faire droit à la demande de M. [Y] en paiement de dommages et intérêts, relevé qu'il demandait la réparation du préjudice résultant d'une perte de salaires et de droits à la retraite qu'il avait subi en sa qualité de salarié de la société Planet Ethic. 10. Le moyen, qui postule que l'action en responsabilité de M. [Y] est fondée sur sa qualité d'associé de la société Planet Ethic et qu'il aurait dû, à ce titre, justifier d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société elle-même, est, par suite, inopérant. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 11. La société XL fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Planet Ethic la somme de 334 125 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; que pour évaluer le préjudice de la société Planet Ethic, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur une étude d'experts-comptables non judiciaire produite par la société Planet Ethic, et a expressément écarté l'analyse critique de cette expertise, produite par la société XL ; qu'en statuant ainsi, pour condamner la société XL à verser la somme de 334 125 euros à la société Planet Ethic, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 12. Il résulte de ce texte que le juge ne peut se fonder sur un rapport d'expertise réalisé unilatéralement à la demande d'une partie que si ce rapport a été soumis à la libre discussion des parties et est corroboré par d'autres éléments de preuve. 13. Pour condamner la société XL à payer la somme de 334 125 euros à titre de dommages et intérêts à la société Planet Ethic, l'arrêt, après avoir relevé que l'indemnisation ne peut porter que sur la perte de la marge que la société Planet Ethic aurait tirée de l'exécution de la convention de prestation de services, retient que cette société justifie du taux de marge de 54 %, qu'elle revendique, par la production d'une étude d'un cabinet d'expertise comptable réalisée à sa demande, précisant avoir vérifié les données comptables de la société et certifiant que les marges qu'elle a réalisées entre 2010 et 2013 sur l'activité apportée par la société XL ont été supérieures à 60 % en moyenne. L'arrêt retient encore que la critique des éléments de cette étude par la société XL, laquelle produit une analyse qu'elle a demandée à un cabinet comptable, doit être écartée, ce cabinet n'ayant pas eu accès au détail de la comptabilité de la société Planet Ethic. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est exclusivement fondée sur le rapport d'une expertise réalisée unilatéralement à la demande de l'une des parties, sans vérifier s'il était corroboré par les autres éléments de preuve produits par la société Planet Ethic, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société XL à payer à la société Planet Ethic la somme de 334 125 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Planet Ethic et M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Planet Ethic et M. [Y] et les condamne à payer chacun à la société XL la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société XL. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement de première instance et dit injustifiée la résiliation unilatérale, par la SA XL, de la convention de prestations de services et d'assistance du 29 janvier 2014 la liant à la société Planet Ethic, et de l'avoir condamnée à lui verser diverses sommes ainsi qu'à Monsieur [Y], à titre de dommages et intérêts ; Aux motifs que, « selon les termes du courrier du 30 mars 2014, par lequel elle a entendu résilier la convention de prestation de service et d'assistance du 29 janvier précédent, la société XL a fait grief à M. [L] [Y] de : - s'être absenté une après-midi entière pour satisfaire des contraintes personnelles le 4 février 2014 alors qu'il était affecté sur une formation, - avoir engagé la société XL auprès d'une société RECTICEL sur une mission et d'avoir ensuite refusé d'exécuter cette mission qui lui avait été dévolue, - d'avoir prétendu au remboursement de l'intégralité de ses frais de déplacements au coût réel, et a considéré qu'il s'agissait de comportements constitutifs de fautes lourdes justifiant la rupture des relations contractuelles. Les échanges de courriels produits aux débats permettent à la cour de constater que l'absence de M. [Y] n'a pas été inopinée, qu'il l'avait prise en compte dans l'organisation de la formation qu'il animait ; que la difficulté est survenue à la suite de la modification par la société XL de l'emploi du temps du salarié chargé de le seconder et que l'incident n'a eu aucune répercussion sur la formation elle-même et n'a donné lieu qu'à un rappel de consignes par courriel du 3 février 2014. Il en résulte également qu'après avoir demandé à M. [Y] de gérer seul le client RECTICEL, la société XL a choisi de l'écarter de la gestion de ce dossier alors que M. [Y], prestataire de service et non salarié de la société XL, mettait en avant des difficultés d'agenda et de disponibilité. A ce titre, il y a lieu de relever que selon les termes de la convention, les 110 journées annuelles de prestation devaient être réparties sur 10 mois "de façon équilibrée". Ces échanges démontrent que la société PLANET ETHIC, par la voix de son gérant, M. [Y], a manifesté son impossibilité de remplir les missions demandées au profit du client RECTICEL, selon le planning et dans les conditions exigées par la société XL et que cette dernière s'est méprise, en revendiquant de sa cocontractante le respect d'un lien de subordination inexistant dans les relations commerciales entre deux sociétés, personnes morales indépendantes. Enfin, il ne peut être valablement reproché à la société PLANET ETHIC et à M. [Y] d'avoir sollicité le remboursement de l'intégralité de ses frais de déplacement au coût réel, alors que la convention de prestation de services de 2014 prévoyait expressément d'une part un honoraire annuel de 165 000€ HT et hors frais, d'autre part que les frais de déplacement seraient remboursés "selon les mêmes modalités que celles appliquées en 2013" ; et alors que la convention précédente stipulait dans son article 3 que les rémunérations seraient majorées "le cas échéant, de tous frais en sus engagés au titre des prestations". En conséquence, les comportements reprochés à M. [Y], en sa qualité de gérant de la société PLANET ETHIC, ne sont pas constitutifs de fautes graves, voire lourdes, pouvant justifier une résiliation unilatérale de la convention, qui privée de motif légitime, engage la responsabilité de son auteur » ; Et aux motifs des premiers juges éventuellement adoptés que, « les sociétés PLANET ETHIC et XL SA ont signé le 29 janvier 2014 une convention de prestations de services et d'assistance au terme de laquelle la société XL SA s'engageait à faire appel à la société PLANET ETHIC sur une base d'au moins 110 jours ouvrés par an, répartis sur 10 mois de façon équilibrée, aux fins de résiliation de diverses prestations de services et d'assistance, Que l'article 5 de la convention stipule une prise d'effet immédiate pour une durée déterminée expirant le 31 décembre 2017, Que s'appuyant sur la mention "en tant que de besoin" figurant dans le préambule, la société XL SA soutient que, dès lors qu'elle n'éprouvait plus le besoin de bénéficier des conseils de M. [Y], la convention ne trouvait plus vocation à recevoir application, lui conférant ainsi un caractère précaire soumis à sa seule appréciation, Qu'il ressort toutefois d'une lecture attentive de la convention que, nonobstant la mention précitée, elle avait pour objectif de permettre à M. [Y], en continuant à apporter assistance et conseils à la société, de maintenir son activité professionnelle jusqu'à son départ à la retraite, Qu'il ne subsiste donc aucun doute sur le caractère déterminé de la convention excluant une possible interruption du contrat en fonction de ses besoins, Que quoi qu'il en soit, la société XL SA ne peut, comme elle le fait aujourd'hui, remettre en cause ce contrat accepté et signé par M. [T], qui avait intégré l'entreprise plusieurs années auparavant et la dirigeait depuis plus d'un an, Qu'il avait donc tous les éléments nécessaires pour évaluer les clauses contractuelles et, le cas échéant, refuser la signature du contrat, Que s'agissant par ailleurs des fautes que la société XL SA entend imputer à M. [Y], il apparaît qu'elles ne sont en rien fondées, Que les nombreux courriels versés au débat viennent démontrer que les prétendues fautes imputées par XL SA à M. [Y] ne reposent, en réalité, sur aucun élément objectif, Qu'il apparaît au contraire que la société XL SA n'a pas pris en compte le nouveau statut de M. [Y] du fait du contrat et a pris le parti de le traiter comme un subalterne soumis à l'autorité excessive et souvent vexatoire de son dirigeant, Que les pièces versées au débat par la société XL SA elle-même, et notamment le courriel adressé à son conseil le 14 février 2014, soit à peine quinze jours après la signature du contrat avec M. [Y], viennent démontrer que la décision de résilier le contrat était bien antérieures aux prétendues fautes de M. [Y], Que dans ce courriel M. [T] écrit en effet "[L] est un poids lourd pour xl et plus tôt je pourrai me séparer de lui mieux l'entreprise se portera. Il a touché 759k€ dans la vente de ses actions et il n'est pas à la rue", Que dès lors, l'attitude de la société XL SA à l'égard de M. [Y] trouve sa pleine explication, les différents reproches lui ayant été adressés pour justifier une fin de contrat précédemment programmée, Que quoiqu'il en soit, la société XL SA échoue dans la démonstration que la gravité du comportement de M. [Y] au contrat aurait pu justifier qu'elle y mette fin unilatéralement à ses risques et périls, En conséquence, le tribunal dira injustifiée la résiliation unilatérale, par la société XL SA, de la convention de prestations de services et d'assistance du 29 janvier 2014 la liant à la société PLANET ETHIC » ; Alors que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions, p. 18 et s., L'affaire RECTICEL), si le fait pour Monsieur [Y] de s'être fait passer pour le représentant de la société XL sans aucun mandat de sa part auprès de l'une de ses clientes, la société Recticel, n'était pas constitutif d'une faute d'une gravité suffisante justifiant la résiliation unilatérale du contrat conclu avec la société Planet Ethic dont il était le gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SA XL à payer à la SARL Planet Ethic la somme de 334.125 euros à titre de dommages et intérêts ; Aux motifs que, « la convention prévue sur une durée déterminée de quatre années se terminant le 31 décembre 2017, garantissait à la société PLANET ETHIC et à M. [Y] un versement d'honoraires annuels d'au moins 165.000 euros HT, soit au total de 660.000 euros HT. Le préjudice devant s'envisager, comme l'ont très justement relevé les premiers juges, de la perte subie par le cocontractant et du gain dont il a été privé, l'indemnisation ne peut porter que sur la perte de la marge que la société PLANET ETHIC aurait tiré de l'exécution de la convention de prestation de services. Elle revendique un taux de marge de 54 % et fournit une étude du cabinet d'expertise comptable IN EXTENSO en date du 1er juillet 2016 précisant après avoir vérifié les données comptables de la société PLANET ETHIC et certifiant que les marges réalisées par cette dernière entre 2010 et 2013 sur l'activité apportée par la société XL ont été supérieures à 60 % en moyenne sur les quatre années. La critique de ces éléments par la société XL sur la base de l'analyse qu'elle a demandée au cabinet comptable YTH-AK ne pourra être retenue puisque ce dernier, contrairement à son homologue IN EXTENSO, n'a pas eu accès au détail de la comptabilité de la société PLANET ETHIC. En conséquence, la réparation du préjudice résultant pour la société PLANET ETHIC de la rupture abusive du contrat liant la société XL sera fixée à 334.125 € et la cour réformera le jugement en ce sens » ; Alors, d'une part, que la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce qu'il porte sur la résiliation unilatérale du contrat litigieux à la date du 29 janvier 2014, aura pour conséquence l'annulation du chef de l'arrêt attaqué ayant condamné la SA XL à payer à la SARL Planet Ethic la somme de 334.125 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; Alors, en toute hypothèse, que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; que pour évaluer le préjudice de la société Planet Ethic, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur une étude d'experts-comptables non judiciaire produite par la société Planet Ethic, et a expressément écarté l'analyse critique de cette expertise, produite par la société XL ; qu'en statuant ainsi, pour condamner la société XL à verser la somme de 334.125 euros à la société Planet Ethic, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; Alors, de troisième part, qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en écartant l'analyse du cabinet d'experts-comptables YTH-AK, produit par la société XL afin de contester l'évaluation du préjudice de la société Planet Ethic, au motif que ce cabinet n'avait pas eu accès au détail de la comptabilité de la société Planet Ethic, quand il appartenait à celle-ci de verser les éléments comptables nécessaires à la détermination du taux de marge brute, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, et a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil ; Alors, en tout état de cause, que pour contester le taux de marge brute retenu par l'expertise non judiciaire réalisée par le cabinet In Extenso à la demande de la société Planet Ethic, la société XL ne produisait pas seulement une analyse du cabinet d'expert-comptable YTH-AK, mais également des consultations des cabinets d'experts-comptables APC Conseil et BDO (pièce n° 64 et 65) ; qu'en s'abstenant d'examiner, ne serait-ce que sommairement, ces pièces versées aux débats par la société XL, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SUR LE TROISIEME MOYEN Il est reproché à la cour d'appel d'avoir infirmé le jugement déféré et d'avoir condamné la SA XL à payer à Monsieur [Y] la somme de 111.586 euros à titre de dommages et intérêts ; Aux motifs que, « la demande présentée par M. [Y] au titre de l'indemnisation de ses pertes de revenus et de droit à pension de retraite ne constitue pas une demande nouvelle en appel, s'agissant d'une demande tendant aux mêmes fins d'indemnisation que les prétentions présentées aux premiers juges dont elles ne constituent qu'une augmentation. M. [Y] était l'ancien fondateur et dirigeant de la société XL et le préambule de la convention du 29 janvier 2014 rappelle qu'elle a vocation à encadrer l'apport par M. [Y], au travers de la société PLANET ETHIC, de son appui et de ses conseils à la société XL, qu'elle est indissociable de l'acte de cession par M. [Y] et la société PLANET ETHIC de leurs actions dans la société XL et que son existence comme son respect sont une condition essentielle de la cession d'actions. Par ailleurs, il ressort des pièces produites que M. [Y] a développé une compétence largement reconnue, pouvant constituer l'élément déterminant du choix de la société XL par ses clients. Dans ces conditions, la rupture abusive de la relation contractuelle à l'initiative de la société XL est de nature à avoir porté atteinte à son image et justifie l'octroi d'une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts. Selon les termes de la convention du 29 janvier 2014, la société XL s'est engagée à solliciter des prestations de la société PLANET ETHIC au moins 110 jours ouvrés par an pour un honoraire annuel de 165 000 € hors taxes et hors frais. L'activité de la société PLANET ETHIC porte sur une prestation d'ordre intellectuel fourni par le seul M. [Y] dont la rémunération résulte de sa seule décision en sa qualité d'associé unique et de dirigeant de la société PLANET ETHIC. Même si les éléments comptables font apparaître que l'évolution de la rémunération de M. [Y] est déconnectée du montant du chiffre d'affaires réalisé par sa société, et quand bien même, la société PLANET ETHIC a poursuivi une activité commerciale postérieurement à la rupture de la relation contractuelle, l'indemnisation de la seule marge brute de la société laisse subsister la perte de revenus que M. [Y] aurait tirés des honoraires versés à sa société et que lui garantissait la convention régularisée avec la société XL. C'est donc de manière justifiée que sur la base de ses bulletins de salaire, des comptes de résultat de la société PLANET ETHIC et de l'étude comparative réalisée dont les termes ne sont pas discutés par la société XL que M. [Y] sollicite l'indemnisation d'une perte de revenus de 61 840 € et d'une perte de droits à pension de retraite de 46. 746 €. En conséquence, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions indemnitaires de M. [Y] et condamnera la société XL au paiement de la somme totale de 111.586 euros à titre de dommages et intérêts » ; Alors, d'une part, que la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce qu'il porte sur la résiliation unilatérale du contrat litigieux à la date du 29 janvier 2014, aura pour conséquence l'annulation du chef de l'arrêt attaqué ayant condamné la SA XL à payer à Monsieur [Y] la somme de 111.586 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; Alors, en toute hypothèse, que, la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de sa société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même ; que la cour d'appel a relevé que Monsieur [Y], associé gérant de la société Planet Ethic, sollicitait l'indemnisation de son préjudice financier tenant à la perte de revenus qu'il aurait tiré des honoraires versés à sa société par la société XL si celle-ci n'avait pas résilié le contrat de prestations de service et d'assistance du 29 janvier 2014, ce dont il résultait que Monsieur [Y] ne se prévalait pas d'un préjudice personnel et distinct de celui de la société Planet Ethic ; qu'en accueillant néanmoins l'action en responsabilité de Monsieur [Y], quand celle-ci était irrecevable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation des articles 1147 et 1382 ancien du code civil, et 31 du code de procédure civile ; Alors, en tout état de cause, que le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, interdit qu'un même préjudice soit doublement indemnisé ; que la cour d'appel a relevé que « la rémunération [de Monsieur [Y]] résulte de sa seule décision en sa qualité d'associé unique et de dirigeant de la société PLANET ETHIC » (arrêt, p. 6, ultime §), ce dont il résulte que son préjudice économique n'est pas distinct de celui de la société Planet Ethic pour être le corollaire du préjudice social de celle-ci ; qu'en condamnant néanmoins la société XL à verser à Monsieur [Y] la somme de 111.586 euros à titre de dommages et intérêts, quand elle avait déjà condamné la société XL à verser de 334.125 euros à la société Planet Ethic, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, et des articles 1147 et 1382 anciens du code civil.
INCA/JURITEXT000046555936.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 655 F-D Pourvoi n° J 21-11.753 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [H] [W], domicilié [Adresse 3], [Localité 1], a formé le pourvoi n° J 21-11.753 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), le 22 mars 2000, M. [W], a ouvert un compte-titres et un compte-espèces dans les livres de la Société générale (la banque) et a réalisé des opérations d'achat et de vente de titres via le service internet mis à sa disposition entre 2000 et 2007. 2. Estimant que la banque avait manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, M. [W] l'a assignée en responsabilité. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [W] fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la banque, alors « que la cour d'appel ne pouvait refuser d'indemniser le client de la banque, sous prétexte que son dommage ne peut s'analyser qu'en une perte de chance et que ledit client a seulement demandé la réparation intégrale de son préjudice ; que la cour d'appel a donc, pour cette première raison, violé l'article 1147, devenu article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 4 et 1147, devenu 1231-1, du code civil : 4. Il résulte de ces textes que le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée. 5. Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [W], l'arrêt, après avoir retenu que le préjudice résultant du manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde s'analyse en une perte de chance d'échapper aux risques qui se sont réalisés et que la perte de chance est un préjudice distinct de celui qui résulte de la perte en raison des opérations effectivement réalisées, relève que M. [W] ne se prévaut d'aucun préjudice de perte de chance. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que les demandes pour la période antérieure au 17 juin 2003 sont prescrites, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la Société générale aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [W]. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la banque Société Générale 1) ALORS QUE la Cour d'appel ne pouvait refuser d'indemniser le client de la banque, sous prétexte que son dommage ne peut s'analyser qu'en une perte de chance et que ledit client a seulement demandé la réparation intégrale de son préjudice ; que la Cour d'appel a donc, pour cette première raison, violé l'article 1147 (devenu article 1231-1) du code civil ; 2) ALORS QUE la faute de la victime ne peut avoir pour effet l'exonération totale du défendeur en responsabilité que si elle présente les caractères de la force majeure et qu'elle est la cause exclusive du dommage ; que la Cour d'appel a expressément constaté que la banque ne démontrait pas avoir rempli ses obligations, notamment en ce qui concernait l'information sur les caractéristiques des produits proposés et sur leur adéquation avec la situation personnelle du client (arrêt attaqué, page 6, avant dernier alinéa) ; que dès lors, elle ne pouvait exonérer totalement la banque, au motif que Monsieur [W], se comportant comme un investisseur compétent, avait pris des risques déraisonnables et que sa faute avait contribué à la réalisation de son propre préjudice (arrêt, page 7, alinéa 5) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a, de plus fort, violé l'article 1147 (devenu article 1231-1) du code civil.
INCA/JURITEXT000046555922.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 641 F-D Pourvoi n° G 21-14.995 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Civile MC expansion, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6], a formé le pourvoi n° G 21-14.995 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [F] [W], domicilié [Adresse 1], [Localité 5], 2°/ à la société Fox N Fish, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Civile MC Expansion, de la SCP Spinosi, avocat de M. [W] et de la société Fox N Fish, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 janvier 2021) et les productions, la société civile MC Expansion (la société MC Expansion) a, par un acte du 27 novembre 2007, cédé à M. [W] la totalité des actions composant le capital social de la SA Frigor. 2. Cet acte stipulant que M. [W] pouvait se substituer un autre acquéreur tout en demeurant le garant des obligations souscrites, un acte du 31 décembre 2007 a emporté la cession, par la société MC Expansion, des actions composant le capital de la société Frigor à la société Fox N Fish, dirigée par M. [W], pour un prix d'un million d'euros. 3. Les sociétés MC Expansion et Fox N Fish ont, par un premier avenant du 18 janvier 2008, réduit ce prix à la somme maximale de 800 000 euros, dont 500 000 euros payables le 29 janvier 2008, le solde, d'un montant maximal de 300 000 euros, payable au plus tard le 30 juin 2013, étant déterminé en fonction des résultats de la société Frigor pour les exercices 2008 à 2012. Cet avenant stipulait, toutefois, que le solde, arrêté à 300 000 euros, serait immédiatement exigible si M. [W] cessait d'être directement ou indirectement dirigeant ou actionnaire majoritaire de la société Frigor. 4. Les sociétés MC Expansion et Fox N Fish ont, par deux autres avenants des 14 et 21 février 2012, intitulés « protocoles d'accord », fixé le prix de cession des actions de la société Frigor à la somme de 600 000 euros. La société MC Expansion a, en exécution de ces protocoles, perçu la somme de 100 000 euros au titre du solde définitif du prix de cession. 5. La société Fox N Fish a, le 30 mai 2012, cédé la société Frigor à la société Gozoki. 6. La société MC Expansion a, par un acte du 21 décembre 2016, assigné la société Fox N Fish et M. [W] en annulation des protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012 pour manoeuvres et réticences dolosives. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 7. La société MC Expansion fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir annuler l'acte des 14 et 21 février 2012 et de condamner solidairement la société Fox N Fish et M. [W] à lui verser, au titre du dol, la somme principale de 200 000 euros en réparation de son préjudice, ainsi que celle de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de sa violation de l'obligation de faire, alors : « 3°/ que la cour d'appel, après avoir relevé qu'il est "probable que [la société Fox N Fish et M. [W]] étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession" au profit de la société Gozoki, a décidé, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, qu'il "importe peu que la société [MC Expansion] ait eu ou non connaissance de la possibilité de cette nouvelle cession puisque ce qu'elle ne pouvait ignorer c'est que la signature de l'avenant conférait toute latitude à ses cocontractants, les comptes étant soldés entre les parties" ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en vue de la cession des actions, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4° / qu'après avoir relevé qu'il est "probable que [la société Fox N Fish et M. [W]] étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession" au profit de la société Gozoki, la cour d'appel s'est également fondée, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, sur la circonstance que, par la signature de l'avenant de février 2012, "la société MC renonçait certes implicitement mais nécessairement à la possibilité d'un complément de prix plus important que 100 000 euros mais qu'elle avait la certitude de ce complément de prix qu'elle percevait seize mois plus tôt que prévu dans l'acte" ; qu'en statuant par un tel motif, impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en cours en vue de la cession des actions de la société Frigor, dont l'éventuel aboutissement lui permettait d'obtenir un complément de prix de 300 000 euros, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux lui permettant la perception anticipée d'une somme de seulement 100 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 8. Il résulte de ce texte que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ou l'aurait convaincu de contracter à d'autres conditions. 9. Pour débouter la société MC Expansion de ses demandes en annulation des protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012 et en paiement de sommes à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté que la société Fox N Fish, dirigée par M. [W], avait cédé la société Frigor le 30 mai 2012, que l'avenant du 18 janvier 2008 stipulait que le solde maximal de 300 000 euros au titre du prix de cession était dû immédiatement si M. [W] cessait d'être, directement ou indirectement, dirigeant ou actionnaire majoritaire de la société Frigor et que cet avenant prévoyait, dans l'hypothèse inverse, que le solde du prix de cession n'était payable qu'au 30 juin 2013, que son montant dépendait de celui des résultats cumulés de la société pour les exercices 2008 à 2012, et qu'aucun solde n'était dû si ceux-ci étaient inférieurs à une certaine somme, retient qu'il est certain que si les protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012 n'avaient pas été conclus, la société Fox N Fish et M. [W] auraient dû à la société MC Expansion un complément de prix, non pas de 100 000 euros, comme celui perçu, mais de 300 000 euros, par l'effet de la cession de la société Frigor, et que, s'il est probable que la société Fox N Fish et M. [W] étaient, au jour de la conclusion des protocoles en litige, en discussion pour la cession de la société Frigor, le fait qu'ils n'en aient pas informé la société MC Expansion ne saurait caractériser une réticence dolosive, dès lors, d'une part, que cette société était, à cette date, en position de réclamer un complément de prix plus important par le simple effet du temps, d'autre part, qu'elle ne pouvait ignorer que la signature de ces protocoles conférait toute latitude à la société Fox N Fish et à M. [W], les comptes étant soldés entre les parties. 10. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure que si la société MC Expansion avait été informée de ce que la société Fox N Fish, dirigée par M. [W], était, au jour de la conclusion des protocoles d'accord en litige, en discussion pour céder la société Frigor, ce qui, le cas échéant, aurait permis à la société MC Expansion de percevoir immédiatement, en exécution de l'avenant du 18 janvier 2008, le montant maximal du solde du prix de cession s'élevant à la somme de 300 000 euros, cette société n'aurait pas conclu les protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012, en exécution desquels elle a perçu la somme de 100 000 euros au titre du solde définitif du prix de cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [W] et l'EURL Fox N Fish de leur demande en dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société Fox N Fish et M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fox N Fish et M. [W] et les condamne à payer à la société civile MC Expansion la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Civile MC Expansion. La société MC EXPANSION La société MC Expansion fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à voir annuler l'acte des 14 et 21 février 2012 et condamner solidairement la société Fox N Fish et M. [W] à lui verser, au titre du dol, la somme principale de 200.000 € en réparation de son préjudice, ainsi que celle de 50.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de sa violation de l'obligation de faire ; 1°) ALORS QUE l'avenant à l'acte de cession des actions Frigor du 31 décembre 2007, en date du 18 janvier 2008, stipulait que « le solde du prix, soit la somme maximum de 300.000 €, sera déterminé en fonction des futurs résultats d'exploitation cumulés de la société Frigor, avant toute distribution des dividendes au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008 et clos le 31 décembre 2012, établis selon la même méthode comptable que celle suivie par la société Frigor jusqu'à la date de cession » et que « ce montant sera dû au cédant par le cessionnaire si le montant cumulé des résultats d'exploitation réalisé par la société Frigor au titre des exercices 2008 à 2012 inclus dépassait le montant du résultat d'exploitation prévisionnel annexé audit avenant s'élevant à 1.941.000 €, de telle sorte que le complément du prix sera déterminé en versant au bénéfice du cédant toute somme, au marc l'euro, dépassant le montant cumulé du résultat d'exploitation prévisionnel atteint par Frigor » ; qu'il était notamment précisé que, « à titre d'exemple, si le montant cumulé des résultats d'exploitation réellement atteint par Frigor pour la période précitée s'élève à 2.241.000 €, il sera versé à titre de complément de prix une somme de 100.000 € au cédant » et que « si le montant cumulé les résultats d'exploitation réellement atteint par Frigor pour la période précitée est inférieur ou égal à 1.941.000 €, aucun complément de prix ne sera versé au cédant » (avenant du 18 janvier 2008, p. 2, prod.) ; qu'il résulte ainsi des termes clairs et précis de cet avenant que, pour obtenir un complément de prix de 100.000€, le montant cumulé des résultats d'exploitation devait être égal à 2.041.000 €, et que le complément de prix serait compris entre 0 et 100.000 € pour un montant cumulé des résultats d'exploitation se situant entre 1.941.000 € et 2.041.000 €, compte tenu du calcul « au marc l'euro » stipulé ; qu'en affirmant néanmoins que, aux termes de l'avenant du 18 janvier 2008, « (le solde) était de 100.000 € si le résultat cumulé était compris entre (1.941.000 € et 2.241.000 €) », la cour d'appel a dénaturé cet avenant, clair et précis, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QU'après avoir relevé qu'« il est certain qu'en l'absence de protocole d'accord en février 2012, les appelants étaient débiteurs d'un complément de prix de 300.000 € et non de 100.000 € par l'effet de (la) cession » intervenue au printemps 2012 au profit de la société Gozoki, et qu'il est « probable que les appelants étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession », la cour d'appel a retenu que cette circonstance ne pouvait caractériser l'existence d'un dol dans la mesure où « c'est l'intimée (la société MC Expansion) qui était en position de réclamer un complément de prix plus important par le simple effet du temps » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que l'avenant du 18 janvier 2018 prévoyait que le montant du solde du prix de cession devait dépendre des résultats cumulés de la société au titre des exercices 2008 à 2012 et que cette somme « était ramenée à zéro si le résultat cumulé était inférieur à 1.941.000 € », ce dont il résulte qu'en l'absence de signature de l'avenant de février 2012, l'effet du temps pouvait amener la société MC Expansion à percevoir une somme inférieure à celle de 100.000 € prévue par cet avenant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°) ALORS QUE la cour d'appel, après avoir relevé qu'il est « probable que les appelants étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession » au profit de la société Gozoki, a décidé, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, qu'il « importe peu que la société MC ait eu ou non connaissance de la possibilité de cette nouvelle cession puisque ce qu'elle ne pouvait ignorer c'est que la signature de l'avenant conférait toute latitude à ses cocontractants, les comptes étant soldés entre les parties » ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en vue de la cession des actions, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) ALORS QUE, après avoir relevé qu'il est « probable que les appelants étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession » au profit de la société Gozoki, la cour d'appel, s'est également fondée, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, sur la circonstance que, par la signature de l'avenant de février 2012 « la société MC renonçait certes implicitement mais nécessairement à la possibilité d'un complément de prix plus important que 100.000 € mais qu'elle avait la certitude de ce complément de prix qu'elle percevait 16 mois plus tôt que prévu dans l'acte » ; qu'en statuant par un tel motif, impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en cours en vue de la cession des actions de la société Frigor, dont l'éventuel aboutissement lui permettait d'obtenir un complément de prix de 300.000 €, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux lui permettant la perception anticipée d'une somme de seulement 100.000 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
INCA/JURITEXT000046555923.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 642 F-D Pourvoi n° T 21-11.577 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Banque populaire du Nord, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° T 21-11.577 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant à M. [N] [T], domicilié [Adresse 1], [Localité 3], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire du Nord, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 3 décembre 2020), par un acte du 1er juillet 2016, la société Banque populaire du Nord (la banque) a conclu avec la société Autremer gourmet (la société) un contrat de crédit-bail, donnant lieu à soixante échéances mensuelles pour un montant total de 95 715,98 euros, garanti par le cautionnement de M. [T], dans la limite de 48 357,99 euros, couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les intérêts de retard. 2. Par un acte du 29 septembre 2016, la banque a consenti à la société un prêt de 25 000 euros au taux fixe de 3,20 %, remboursable en quarante-huit mensualités, garanti par le cautionnement solidaire de M. [T] dans la limite de 12 500 euros couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les intérêts de retard et les pénalités, et pour une durée de soixante-douze mois. 3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. [T], qui lui a opposé la disproportion de ses engagements. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pouvait se prévaloir des engagements de caution que lui a consentis M. [T] le 1er juillet 2016, au titre du contrat de crédit-bail, et le 29 septembre 2016, au titre du contrat de prêt, et de rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes, alors « que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées par les parties ; que la banque a déposé ses conclusions n° 2 d'intimée en date du 20 octobre 2020 ; qu'en se prononçant cependant, pour dire que la banque ne pouvait se prévaloir des engagements de caution de M. [T] et la débouter de ses demandes, au visa des conclusions déposées par la banque le 15 juillet 2020, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile, ensemble l'article 455 du même code. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des productions que les dernières conclusions de la banque, déposées le 20 octobre 2020, n'ont complété celles, visées par la cour d'appel, déposées le 15 juillet précédent, que dans les développements par lesquels la banque contestait avoir manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de la caution. 6. La cour d'appel, qui a accueilli la demande principale de M. [T], n'ayant pas examiné sa demande subsidiaire d'annulation de son engagement de caution fondée sur un manquement de la banque à l'obligation de mise en garde, le fait qu'elle n'ait pas statué au visa des dernières conclusions de la banque est sans conséquence dès lors que les prétentions de la banque et les moyens de défense qu'elle a opposés à la demande principale de M. [T], repris par l'arrêt, n'ont pas été modifiés par ces conclusions. 7. Le moyen ne peut donc être accueilli. Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche 8. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il doit être tenu compte, pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement ; que la cour d'appel a constaté que, selon la fiche de renseignement datée du 28 juin 2016, M. [T] avait déclaré percevoir un salaire mensuel de 2 570 euros ; qu'en retenant cependant que le seul salaire de la caution ne lui permettait manifestement pas de se substituer à la société en cas de défaillance de sa part "compte tenu du fait que ce revenu provenait exclusivement de son activité dans la société, et qu'en sa qualité de chef d'entreprise, il ne pourrait prétendre à l'allocation de retour à l'emploi", la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation. » Vu l'article L. 332-1 du code de la consommation, alors applicable : 9. Il résulte de ce texte que, pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, il doit être tenu compte des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement. 10. Pour juger que la banque ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrits à son profit par M. [T] les 1er juillet et 29 septembre 2016, l'arrêt retient que le seul salaire de la caution ne lui permettait manifestement pas de se substituer à la société en cas de défaillance de sa part, compte tenu du fait que ce revenu provenait exclusivement de son activité dans la société, et qu'en qualité de chef d'entreprise, il ne pourrait prétendre à l'allocation de retour à l'emploi. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus visé. Et sur ce moyen, pris en sa quatrième branche 12. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « que la disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, mais à son propre engagement ; qu'en retenant que les loyers prévus au contrat de crédit-bail étaient progressifs, et de nature à absorber une part conséquente des salaires de M. [T] dès le huitième loyer, dans l'hypothèse peu vraisemblable où il aurait continué à les percevoir malgré la défaillance de la société Autremer Gourmet, et ce alors même qu'il aurait dû faire face à ses charges courantes, la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation. » Vu l'article L. 332-1 du code de la consommation, alors applicable : 13. Il résulte de ce texte que la disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, mais à son propre engagement. 14. Pour juger que la banque ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrits à son profit par M. [T] les 1er juillet et 29 septembre 2016, l'arrêt retient que la progressivité du montant des loyers prévus au contrat est de nature à absorber une part conséquente des salaires de ce dernier. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; Condamne M. [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à la société Banque populaire du Nord la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire du Nord. PREMIER MOYEN DE CASSATION La BPN fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir dit qu'elle ne pouvait se prévaloir des engagements de caution que lui a consenti M. [N] [T] le 1er juillet 2016 au titre du contrat de crédit-bail n° 070140 et le 29 septembre 2016 au titre du contrat de prêt n° 08675516, et de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes ; alors que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées par les parties ; que la banque a déposé ses conclusions n° 2 d'intimée en date du 20 octobre 2020 (cf production 2) ; qu'en se prononçant cependant, pour dire que la banque ne pouvait se prévaloir des engagements de caution de M. [T] et la débouter de ses demandes, au visa des conclusions déposées par la banque le 15 juillet 2020, la cour d'appel a violé l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 455 du même code. SECOND MOYEN DE CASSATION La BPN fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir dit qu'elle ne pouvait se prévaloir des engagements de caution que lui a consenti M. [N] [T] le 1er juillet 2016 au titre du contrat de crédit-bail n° 070140 et le 29 septembre 2016 au titre du contrat de prêt n° 08675516, et de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes ; alors 1°/ que la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus ; qu'en énonçant que « Monsieur [T] disposait d'une surface financière de 39.000 euros, laquelle ne lui permettait pas de faire face au règlement d'un engagement de caution de 48.357,99 euros » (arrêt p. 7 § 8), et que le montant des loyers progressifs prévus au contrat de crédit-bail était de nature à absorber une partie conséquente des salaires de M. [T] dès le 8ème loyer, dans l'hypothèse peu vraisemblable où il aurait continué à les percevoir malgré la défaillance de la société Autremer Gourmet (arrêt p. 8 premier §), la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la disproportion manifeste du cautionnement au regard des biens et revenus de la caution, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 332-1 du code de la consommation ; alors 2°/ que la disproportion du cautionnement s'apprécie au regard du montant de l'engagement de caution et des biens et revenus de la caution ; qu'en se bornant à indiquer que la « surface financière » de M. [T], qui s'élevait à 39.000 euros (22.000 euros de compte titres + 17.000 euros d'assurance-vie), ne lui permettait pas de faire face au règlement d'un engagement de caution de 48.357,99 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte des revenus de M. [T] pour apprécier la capacité de celui-ci à faire face à ses engagements, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 332-1 du code de la consommation ; alors 3°/ qu'il doit être tenu compte, pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement ; que la cour d'appel a constaté que, selon fiche de renseignement datée du 28 juin 2016, M. [T] avait déclaré percevoir un salaire mensuel de 2.570 euros (arrêt p. 7 § 7) ; qu'en retenant cependant que le seul salaire de la caution ne lui permettait manifestement pas de se substituer à la société Autremer Gourmet en cas de défaillance de sa part « compte tenu du fait que ce revenu provenait exclusivement de son activité dans la société, et qu'en sa qualité de chef d'entreprise, il ne pourrait prétendre à l'allocation de retour à l'emploi » (arrêt p. 7 dernier §), la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation ; alors 4°/ que la disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, mais à son propre engagement ; qu'en retenant que les loyers prévus au contrat de crédit-bail étaient progressifs, et de nature à absorber une part conséquente des salaires de M. [T] dès le 8ème loyer, dans l'hypothèse peu vraisemblable où il aurait continué à les percevoir malgré la défaillance de la société Autremer Gourmet, et ce alors même qu'il aurait dû faire face à ses charges courantes (arrêt p. 8 premier §), la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation.
INCA/JURITEXT000046555937.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 660 F-D Pourvoi n° P 20-22.126 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [T] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-22.126 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société UBS France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [E], de la SCP Spinosi, avocat de la société UBS France, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 25 septembre 2019, n° 16-24.151), après avoir transféré son plan d'épargne en actions dans les livres de la société UBS France (la banque), M. [E] a conclu avec elle, le 1er août 2007, un contrat de conseil en investissement. 2. Reprochant à la banque d'avoir manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde et d'avoir enfreint la réglementation applicable à l'occasion de recommandations qu'elle lui avait délivrées les 19 septembre 2007, 26 septembre 2007, 4 décembre 2007 et 1er août 2008, M. [E] l'a assignée en paiement de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, sur le deuxième moyen, pris en ses première et cinquième branche, sur le troisième moyen, pris en sa première branche, et sur le quatrième moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 4. M. [E] fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de dommages-intérêts qu'il a formées contre la banque, alors : « 3°/ que si, déterminant les informations que la banque avait sollicitées et obtenues, les juges du fond évoquent le patrimoine de M. [E], en revanche, ils omettent de se prononcer sur le point de savoir si le prestataire était informé des revenus réguliers de M. [E], de ses engagements financiers réguliers, et de la composition de ses actifs (liquidités, investissements et biens immobiliers) ; qu'à cet égard, l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard des articles L. 533-11 et L. 533-13, I, alinéas 1 et 2, du code monétaire et financier, de l'article 314-46 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ainsi que de l'article 1145 ancien du code civil ; 4°/ que, tenus de rechercher si, à la date de la recommandation, le prestataire était bien en possession des éléments requis, il était inopérant de constater qu'au cours de la procédure en réparation, il apparaissait que les revenus de M. [E] et de son épouse atteignaient un certain montant ; que s'étant mépris sur la date à laquelle ils devaient se placer, les juges du fond ont à nouveau violé les articles L. 533-11 et L. 533-13, I, alinéas 1 et 2, du code monétaire et financier, de l'article 314-46 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ainsi que de l'article 1145 ancien du code civil. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 533-13, I, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007, que le prestataire de services d'investissement a l'obligation de s'enquérir, auprès de ses clients ou de ses clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement pour, notamment, pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés à leur situation. 6. Conformément aux articles 314-46 et 314-47 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans leur rédaction applicable au litige, les renseignements sur la situation financière du client et ceux sur ses objectifs d'investissement ne doivent inclure, les premiers, des informations sur la source et l'importance des revenus réguliers du client, la composition de ses actifs et ses engagements financiers, les seconds, des informations sur la durée pendant laquelle le client souhaite conserver l'investissement, ses préférences en matière de risques, son profil de risque et le but de l'investissement, que si ces informations sont pertinentes pour que le prestataire de service d'investissement puisse faire une recommandation en adéquation avec la situation personnelle du client, son expérience en matière d'investissement et ses objectifs. 7. L'arrêt retient que la banque a pu se convaincre de la qualité d'investisseur averti de M. [E] au regard des échanges qu'elle avait eus avec lui dans le cadre du mandat de gestion souscrit en 2004, des opérations qu'il avait réalisées seul et qu'elle avait exécutées d'octobre 2006 à août 2007 et de sa qualité d'avocat spécialiste en conseil en investissement, en droit des affaires et financier et en conseil d'opérations de LBO et de capital risque. 8. L'arrêt relève encore que M. [E] a, à l'occasion de la conclusion du contrat de conseil le 1er août 2007, répondu à un questionnaire intitulé « risks compass », qui avait pour objectif de déterminer sa propension personnelle au risque et la stratégie d'investissement qui lui convenait le mieux, en indiquant qu'il effectuait des placements financiers, seul ou avec l'assistance d'un conseiller financier, depuis plus de cinq ans, qu'il avait une expérience moyenne dans l'investissement financier, que l'objectif qu'il assignait à la plus grande partie du placement qu'il prévoyait d'effectuer pour une durée comprise entre un et cinq ans était un « accroissement extraordinaire du capital avec risques significatifs », et que l'investissement qu'il prévoyait d'effectuer correspondait au montant de son plan d'épargne en actions évalué, lors de la conclusion du contrat de conseil, à la somme de 1,8 millions d'euros, représentant entre 11 et 25 % de son patrimoine. L'arrêt en déduit que la banque avait une connaissance suffisante des éléments essentiels et pertinents de la situation financière de M. [E] et des objectifs qu'il a déclaré vouloir poursuivre. 9. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, se livrant à la recherche prétendument omise invoquée par la troisième branche, a pu retenir que la banque avait recueilli les informations pertinentes légalement et réglementairement requises concernant M. [E], lui permettant de délivrer un conseil adéquat. 10. Le moyen, inopérant en sa quatrième branche en ce qu'elle critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus. Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 11. M. [E] fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ que, dès lors que douze des valeurs proposées le 4 décembre 2007 ne figuraient pas au CAC 40, la banque ne pouvait se borner à fournir des informations concernant l'indice du CAC 40 et avait l'obligation de soumettre à M. [E] des données concernant les indices pertinents pour les valeurs non référencées au CAC 40 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 533-12, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007, ainsi que l'article 314-12 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers et les articles 1134 et 1147 anciens du code civil ; 3°/ que, s'agissant des performances passées, M. [E] se prévalait de ce qu'elles ne couvraient pas cinq années, de ce que les sources n'étaient pas indiquées et de ce qu'elles ne comportaient pas davantage de rappels de ce que les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures ; qu'en se bornant à énoncer que les informations passées ne constituaient pas l'essentiel des données, sans s'expliquer sur les manquements ainsi invoqués, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 533-12, II, du code monétaire et financier, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007, ainsi qu'au regard de l'article 314-13 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers et des articles 1134 et 1147 anciens du code civil ; 4°/ que, concernant les perspectives d'avenir mentionnées, les juges du fond ont omis de dire si les données reposaient sur des hypothèses raisonnables, elles-mêmes élaborées à partir de données objectives ; qu'à cet égard, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007, ainsi qu'au regard de l'article 314-15 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers et des articles 1134 et 1147 anciens du code civil. » Réponse de la Cour 12. En premier lieu, après avoir exactement énoncé que le manquement du prestataire de services d'investissement à ses obligations d'information résultant du règlement général de l'AMF ne conduit pas à lui seul à l'engagement de sa responsabilité, laquelle est en outre subordonnée à l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité, la cour d'appel a souverainement retenu que le défaut d'indication de la méthode ayant conduit à l'édiction des performances futures contenues dans les recommandations de Bloomberg et d'UBS IB et jointes à la recommandation du 4 décembre 2007, étaient, en tout état de cause, sans lien avec le préjudice invoqué par M. [E]. 13. En second lieu, l'arrêt retient, tout d'abord, par motifs propres et adoptés, que les performances passées ne constituent pas le message essentiel de la recommandation du 4 décembre 2007, que la banque a en effet recommandé l'acquisition de valeurs classiques non spéculatives, soumises au seul risque boursier ordinaire, soit un risque connu, certes dépréciées lors du conseil mais disposant, comme elle l'indiquait, d'un fort potentiel de rebond, lequel ne s'est pas produit, du fait de l'ampleur de la crise financière qui n'a été prévisible pour aucun acteur majeur du secteur. L'arrêt relève ensuite que, sur les neuf valeurs recommandées par la banque, M. [E] a acquis cinq valeurs faisant partie de l'indice du CAC 40. L'arrêt retient, encore, que la banque a pu se convaincre de la qualité d'investisseur averti de M. [E] au regard des échanges qu'elle avait eus avec lui dans le cadre du mandat de gestion souscrit en 2004, des opérations qu'il avait réalisées seul et qu'elle avait exécutées d'octobre 2006 à août 2007 et de sa qualité d'avocat spécialiste en conseil en investissement, en droit des affaires et financier et en conseil d'opérations de LBO et de capital risque. L'arrêt relève, enfin, que M. [E] a, à l'occasion de la conclusions du contrat de conseil avec la banque, le 1er août 2007, paraphé et signé une annexe 2 comprenant une information claire sur les risques de perte en capital des produits dérivés sur les marchés à terme et sur la gestion alternative, et qu'il a, le même jour, répondu à un questionnaire intitulé « risks compass » par lequel, notamment, il indiquait qu'il effectuait des placements financiers, seul ou avec l'assistance d'un conseiller financier, depuis plus de cinq ans, qu'il avait une expérience moyenne dans l'investissement financier, que l'objectif qu'il assignait à la plus grande partie du placement qu'il prévoyait d'effectuer pour une durée comprise entre un et cinq ans était un « accroissement extraordinaire du capital avec risques significatifs », et, à la question posée sur les types d'instruments financiers dans lesquels il avait placé la majeure partie de ses avoirs, il avait coché les actions spécifiques, les fonds en actions, les dérivés, tels qu'options, futures, opérations à terme sur actions, indices, matières premières, devises, etc., et à la question lui demandant de porter un jugement sur le niveau de risque de ce placement, il avait indiqué « risque élevé ». 14. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que M. [E] n'avait pu se méprendre sur le fait que les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures, qu'il n'avait pu être induit en erreur par les lacunes de la recommandation du 4 décembre 2007 quant aux indices financiers de référence et quant aux sources et à l'ancienneté des performances passées et que, par suite, la non-conformité, sur ces points, de la recommandation à la réglementation en vigueur n'avait pu influer sur ses choix, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 16. M. [E] fait le même grief à l'arrêt, alors que « faute d'avoir recherché si la banque avait satisfait à son obligation de suivi, telle que prévue à la convention de conseil du 1er août 2007, impliquant qu'elle l'alerte sur la nécessité de vendre les trackers à bref délai une fois ceux-ci acquis, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.533-12 du code monétaire et financier tel qu'issu de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007, ainsi que des articles 1134 et 1147 anciens du code civil. » Réponse de la Cour 17. L'arrêt, après avoir relevé, tout d'abord, qu'en application de la convention de conseil du 1er août 2007, la banque ne s'est engagée à surveiller que les placements réalisés « sur la base d'une recommandation concrète d'UBS », ensuite, que, dans son courriel du 1er août 2008, la banque s'est bornée à indiquer, s'agissant des trackers CAC 40, « Une solution s'offre à vous : trackers CAC ou Eurostoxx leverage X 2 : en cas de remontée des indices tirés par les bancaires, nous pourrions rattraper plus vite les pertes. Attention néanmoins à cet effet de levier qui marche dans les deux sens, mais qui ne connaît d'échéance ni de barrière désactivante. Les marchés pourraient revenir tester les 4 000 points. Je vous proposerais dans ces niveaux de rentrer progressivement sur ces produits. On en reparle à votre convenance », enfin, que M. [E] n'a procédé à des investissements sur le tracker CAC 40 qu'à compter du 24 mars 2009, sans évoquer ce fait avec la banque ni solliciter son conseil comme elle l'y invitait dans son courriel et qu'il a réalisé, de son propre chef, de très nombreuses opérations sur ce produit, à la fois à l'achat et à la vente, de cette date jusqu'au 7 avril 2010, avant de se défaire de celles subsistantes entre les 18 et 26 octobre 2011, retient que les opérations litigieuses sur le tracker CAC 40 ne peuvent être regardées comme en lien avec le conseil donné entre huit mois et plusieurs années auparavant. 18. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la banque n'était pas tenue contractuellement à une obligation de suivi des investissements de M. [E] sur le tracker CAC 40, qui n'avaient pas été réalisés sur la base d'une recommandation de la banque au sens et pour l'application de la convention de conseil, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à la société UBS France la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [E]. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par Monsieur [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts qu'il a formées contre UBS FRANCE ; ALORS QUE, premièrement, en vertu de l'article L.533-13, paragraphe I, alinéa 2, du Code monétaire et financier, si le prestataire n'a pas sollicité et obtenu les éléments relatifs à son client qui lui sont nécessaires pour pouvoir agir, il lui est interdit de formuler une recommandation ; qu'en refusant de considérer que le manquement à l'obligation de ne pas faire révélait une faute susceptible d'ouvrir par lui-même un droit à réparation, les juges du fond ont violé les articles L. 533-11 et L. 533-13, I, alinéas 1 et 2 du Code monétaire et financier, ainsi que l'article 1145 ancien du Code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, à supposer que l'on puisse faire abstraction de l'obligation de ne pas faire, telle que précédemment invoquée, en tout cas l'arrêt méconnait la circonstance que le recueil d'informations sur le client aux fins de son profilage – tel que voulu par la Directive n° 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 (art. 19.4), et de sa directive d'application du 10 août 2006 (Directive 2006/73/CE, art. 35.) – constitue une garantie de la protection de celui-ci, participant d'un ordre public de protection dont la méconnaissance caractérise une faute civile et présume de son lien de causalité avec le dommage souffert par l'investisseur ; que ce faisant, les juges du fond ont violé les articles L. 533-11 et L. 533-13, I, alinéas 1 et 2 du Code monétaire et financier, l'article 314-46 du Règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers, ainsi que les articles 1145 et 1147 anciens du Code civil ; ALORS QUE, troisièmement, si, déterminant les informations qu'UBS FRANCE avait sollicitées et obtenues, les juges du fond évoquent le patrimoine de Monsieur [E], en revanche, ils omettent de se prononcer sur le point de savoir si le prestataire était informé des revenus réguliers de Monsieur [E], de ses engagements financiers réguliers, et de la composition de ses actifs (liquidités, investissements et biens immobiliers) ; qu'à cet égard, l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard des articles L. 533-11 et L.533-13, I, alinéas 1 et 2 du Code monétaire et financier, de l'article 314-46 du Règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers ainsi que de l'article 1145 ancien du Code civil ; ALORS QUE, quatrièmement, tenus de rechercher si, à la date de la recommandation, le prestataire était bien en possession des éléments requis, il était inopérant de constater qu'au cours de la procédure en réparation, il apparaissait que les revenus de Monsieur [E] et de son épouse atteignaient un certain montant ; que s'étant mépris sur la date à laquelle ils devaient se placer, les juges du fond ont à nouveau violé les articles L. 533-11 et L.533-13, I, alinéas 1 et 2 du Code monétaire et financier, de l'article 314-46 du Règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers ainsi que de l'article 1145 ancien du Code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par Monsieur [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts qu'il a formées contre UBS FRANCE ; ALORS QUE, premièrement, en énonçant que Monsieur [E] ne rapportait pas la preuve du manquement d'UBS quant au conseil contenu dans son courrier du 4 décembre 2007 (arrêt p. 20 § 3), quand cette charge pesait sur UBS, débitrice d'une obligation d'information, les juges du fond ont violé les règles de la charge de la preuve ; ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que douze des valeurs proposées le 4 décembre 2007 ne figuraient pas au CAC 40, UBS FRANCE ne pouvait se borner à fournir des informations concernant l'indice du CAC 40 et avait l'obligation de soumettre à Monsieur [E] des données concernant les indices pertinents pour les valeurs non référencées au CAC 40 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L.533-12, paragraphe II du Code monétaire et financier tel qu'issu de l'ordonnance n°2007-544 du 12 avril 2007 ainsi que l'article 314-12 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers et les articles 1134 et 1147 anciens du Code civil ; ALORS QUE, troisièmement, s'agissant des performances passées, Monsieur [E] se prévalait de ce qu'elles ne couvraient pas cinq années, de ce que les sources n'étaient pas indiquées, et de ce qu'elles ne comportaient pas davantage de rappels de ce que les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures (conclusions du 29 juin 2020 p. 84 et s., § C-1-1-3) ; qu'en se bornant à énoncer que les informations passées ne constituaient pas l'essentiel des données, sans s'expliquer sur les manquements ainsi invoqués, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.533-12, II du Code monétaire et financier dans sa version issue de l'ordonnance n°2007-544 du 12 avril 2007, ainsi qu'au regard de l'article 314-13 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers et des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil ; ET ALORS QUE, quatrièmement, concernant les perspectives d'avenir mentionnées, les juges du fond ont omis de dire si les données reposaient sur des hypothèses raisonnables, elles-mêmes élaborées à partir de données objectives (conclusions du 29 juin 2020 p. 85 et s. § C-1-1-4) ; qu'à cet égard, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article L.533-12 du Code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2007-544 du 12 avril 2007, ainsi qu'au regard de l'article 314-15 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers et des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil ; ET ALORS QUE, cinquièmement, le tableau annexé au courriel du 4 décembre 2007 devait être analysé comme une analyse financière, dès lors que les éléments qui y figuraient étaient de nature à orienter la décision du client ; qu'à ce titre, le prestataire devait préciser le nom et la fonction de la personne ayant élaboré le document, les principales hypothèses retenues et la méthode utilisée pour fixer les objectifs ; que les juges du fond devaient s'expliquer sur tous ces points avant que de pouvoir se prononcer sur le lien de cause à effet ; que faute de ce faire, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard des articles L.533-12 et L. 544-1, du Code monétaire et financier dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2007-544 du 12 avril 2007, ainsi qu'au regard des articles 315-1, 315-2, 315-3 3°, 315-3 5°, 315-3 7° et 315-3 9° du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers et des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par Monsieur [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts qu'il a formées contre UBS FRANCE ; ALORS QUE, premièrement, faute d'avoir informé Monsieur [E] de ce que les trackers CAC devaient être vendus à très bref délai lors de la recommandation du 1er août 2008, UBS FRANCE a nécessairement commis une faute à l'origine directe des pertes dès lors que, faute d'information, Monsieur [E] a conservé les trackers pendant plusieurs années ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article L.533-12 du Code monétaire et financier tel qu'issu de l'ordonnance n°2007-544 du 12 avril 2007, des articles 314-10, 314-11 et 314-18 du Règlement général de l'autorité des marchés financiers, ainsi que des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil ; ET ALORS QUE, deuxièmement, faute d'avoir recherché si UBS FRANCE avait satisfait à son obligation de suivi, telle que prévue à la convention de conseil du 1er août 2007, impliquant qu'elle alerte Monsieur [E] sur la nécessité de vendre les trackers à bref délai une fois ceux-ci acquis, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.533-12 du Code monétaire et financier tel qu'issu de l'ordonnance n°2007-544 du 12 avril 2007 ainsi que des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par Monsieur [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts qu'il a formées contre UBS FRANCE ; ALORS QUE, premièrement, en application de l'article L.533-4 du Code monétaire et financier, tel qu'en vigueur à l'époque, le prestataire était tenu, face à une sollicitation du client, de formuler une recommandation au mieux des intérêts de son client, sachant qu'en cas de doute quant aux intentions du client, il incombe au prestataire de l'interroger pour lever l'équivoque ; qu'ayant refusé de retenir l'existence d'une faute quand ils constataient qu'aucune recommandation n'avait été faite lorsque Monsieur [E] l'a interrogée le 26 septembre 2007 sur l'achat de trackers, les juges du fond ont violé l'article L. 533-4 ancien du Code monétaire et financier ensemble l'article 1147 ancien du Code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, il importait peu qu'à la revente certains trackers aient été le siège de plus-value, dès lors que d'autres trackers acquis sans que la sollicitation du client ait donné lieu à une recommandation, avaient subi de lourdes pertes ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article L.533-4 ancien du Code monétaire et financier ensemble l'article 1147 ancien du Code civil.
INCA/JURITEXT000046555933.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 652 F-D Pourvoi n° S 20-20.243 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais, chargé du recouvrement, domicilié [Adresse 1], [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais et du directeur général des finances publiques, lui-même domicilié [Adresse 2] à [Localité 6], a formé le pourvoi n° S 20-20.243 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à M. [Y] [F], domicilié [Adresse 3], [Localité 5], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais, chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais et du directeur général des finances publiques, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juin 2020) et les productions, la société My Cash, dont M. [F] était le dirigeant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, laquelle a donné lieu, le 28 avril 2017, à une proposition de rectification de l'administration fiscale mettant à la charge de la société des suppléments de TVA. 2. La société My Cash ayant été mise en liquidation judiciaire le 23 juin 2017, un avis de mise en recouvrement (AMR) a été émis par l'administration fiscale, laquelle a déclaré sa créance à la procédure collective. 3. Le 6 avril 2018, le comptable du pôle recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais a assigné M. [F], sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, aux fins de le voir déclaré solidairement responsable du paiement des impositions dues par la société My Cash. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le comptable, chef du pôle recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais, fait grief à l'arrêt de déclarer la procédure de rectification irrégulière et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement l'ayant débouté de son action engagée sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, alors « qu'en considérant que l'imposition réclamée à la société My Cash n'était pas exigible du fait de l'irrégularité de la procédure de rectification au motif que "M. [F] n'a donc pas été destinataire de la proposition de rectification du 28 avril 2017", quand le comptable des finances publiques faisait valoir la confusion opérée par les juges du fond entre la procédure d'assiette, diligentée à l'encontre de la société redevable légale, personne morale, et M. [F], personne physique, dirigeant, assigné sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, et démontrait que le dirigeant, attributaire de l'ensemble des pièces de procédure, avait été à même de contester utilement la procédure d'assiette de l'imposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour 5. Après avoir énoncé, que M. [F], dirigeant de la société My Cash, était recevable à soulever une exception tirée de l'irrégularité de la procédure de rectification menée à l'encontre de cette société, fondée sur le non-respect du principe de la contradiction et des droits de la défense, l'arrêt, faisant une exacte application des dispositions de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, retient que, si l'exception soulevée a trait au contentieux du recouvrement de la TVA, lequel relève de la compétence du juge administratif, il n'y a pas lieu, en l'espèce, à question préjudicielle et à sursis à statuer dès lors que la question de la régularité de la procédure de rectification au regard du principe de la contradiction et des droits de la défense ne pose pas de difficulté sérieuse. 6. L'arrêt énonce ensuite que l'administration fiscale doit être en mesure d'apporter la preuve de l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception de l'avis de rectification à l'adresse indiquée par le contribuable pour la correspondance adressée à la société, ainsi que de la réception par celle-ci. Relevant que M. [F] soutient qu'à l'issue de son rendez-vous avec le pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais, intervenu dans le cadre de la vérification de la société My Cash, il a informé l'administration fiscale d'un changement d'adresse, car, étant en instance de divorce, il avait dû quitter le domicile conjugal, lequel était aussi le siège social de sa société, ce que ne conteste pas l'administration, l'arrêt retient que M. [F] justifie par un courriel du 28 avril 2017 avoir demandé au pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais de lui adresser l'avis de rectification à cette nouvelle adresse. 7. L'arrêt retient enfin que, malgré cette demande expresse, c'est à l'ancienne adresse que l'administration fiscale a envoyé l'avis de rectification par lettre recommandée avec accusé de réception, lequel comporte une signature dont il n'est pas contesté qu'il ne s'agit pas de celle de M. [F], et en déduit que celui-ci n'a pas été destinataire de la proposition de rectification du 28 avril 2017, si bien qu'il n'avait pu en prendre connaissance et être mis ainsi en situation de pouvoir faire des observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de rectification de la situation fiscale de la société, contrairement au principe de la contradiction et des droits de la défense devant présider à la procédure de rectification fiscale. 8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, sans confondre la procédure d'assiette de l'impôt qui visait la société My Cash, laquelle, lors de l'envoi de l'avis de rectification par l'administration fiscale, était représentée légalement par M. [F], seule personne habilitée à exercer ses droits et à faire des observations pour son compte dans le cadre de cette procédure de rectification contradictoire, et l'action intentée ultérieurement à l'encontre de celui-ci en sa qualité de dirigeant sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, a légalement justifié sa décision. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais, chargé du recouvrement, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais, chargé du recouvrement, à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais, chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais et du directeur général des finances publiques. L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a déclaré la procédure de rectification irrégulière et confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de BOULOGNE-SUR-MER ayant débouté le comptable public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé du PAS-DE-CALAIS, de son action en gagée sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, à l'encontre de M. [Y] [F] ; ALORS QU'en considérant que l'imposition réclamée à la société MY CASH n'était pas exigible du fait de l'irrégularité de la procédure de rectification au motif que « M. [F] n'a donc pas été destinataire de la proposition de rectification du 28 avril 2017 », quand le comptable des finances publiques faisait valoir la confusion opérée par les juges du fond entre la procédure d'assiette, diligentée à l'encontre de la société redevable légale, personne morale et M. [F], personne physique, dirigeant, assigné sur le fondement de l'article L. 267 du LPF, et démontrait que le dirigeant, attributaire de l'ensemble des pièces de procédure, avait été à même de contester utilement la procédure d'assiette de l'imposition, la Cour d appel de DOUAI a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.
INCA/JURITEXT000046555927.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 646 F-D Pourvoi n° X 21-11.949 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° X 21-11.949 contre l'ordonnance rendue le 28 janvier 2021 par le premier président de la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [P], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], 2°/ à la société [Adresse 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], 3°/ à Mme [L] [R], épouse [P], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4], 4°/ à la société Les Courtilles, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. et Mme [P] et des sociétés [Adresse 5] et Les Courtilles, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Montpellier, 28 janvier 2021), un juge des libertés et de la détention (JLD) a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à effectuer des visite et saisies dans des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4], susceptibles d'être occupés par M. et Mme [P] et/ ou la SARL [Adresse 5] et/ ou la SCI Les Courtilles, en vue de rechercher la preuve de la commission par M. [P], sous couvert de la société de droit hongkongais Courtilles Estate Limited, d'une fraude fiscale. Les opérations se sont déroulées le 23 septembre 2020. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 2. L'administration fiscale fait grief à l'ordonnance d'infirmer l'ordonnance du JLD et d'annuler, par voie de conséquence, les opérations de visite et saisies du 23 septembre 2020, alors : « 3°/ que s'agissant de la procédure d'appel, l'absence de production de pièces de procédure – précédente ordonnance d'autorisation et précédents procès-verbaux de visite – à l'origine des éléments collectés par l'administration, ne peut en soi justifier l'annulation de l'autorisation de visite ; qu'en décidant le contraire, le magistrat délégataire du premier président a violé l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; 4°/ que pour anéantir l'autorisation de visite, le magistrat délégataire du premier président doit constater que les éléments produits n'ont pas été obtenus de façon licite ; qu'en éludant cette exigence, le magistrat délégataire du premier président a violé l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : 3. Il résulte de ce texte que le premier président, saisi d'un appel formé contre une ordonnance autorisant les agents de l'administration fiscale à effectuer des visites et saisies en vue de rechercher la preuve d'agissements de fraude, doit, en cas de contestation du caractère licite des pièces produites par l'administration fiscale au soutien de la requête qu'elle a présentée devant le JLD, vérifier que ces pièces ont été obtenues de manière licite, le contrôle du premier président ne se limitant pas à l'examen de la simple apparence de leur licéité. 4. Pour infirmer l'ordonnance du JLD et annuler, par voie de conséquence, les opérations de visite et de saisies, l'ordonnance énonce que si l'administration fiscale a la possibilité de mettre en oeuvre l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales en se fondant, notamment, sur des éléments tirés d'une procédure de visite et de saisies concernant un autre contribuable, c'est à la condition que les pièces produites à l'appui de sa demande aient été valablement obtenues. 5. L'ordonnance constate que la décision du JLD repose principalement sur la pièce n° 1 produite par l'administration fiscale, constituée d'une attestation du contrôleur principal des finances publiques relatant l'historique d'une procédure distincte, suivie devant le JLD de Bordeaux, et de 119 pages d'annexes, correspondant aux pièces apparemment saisies dans ce cadre, sans que ni l'ordonnance du JLD de Bordeaux ni les procès-verbaux des opérations de visite et de saisies, indirectement contestés par les appelants, n'aient été communiqués dans le cadre de la présente procédure, et retient qu'à défaut de production de ces éléments, le contrôle de la validité des conditions d'obtention des documents saisis servant de support à la demande de l'administration fiscale s'avère impossible. 6. En se déterminant ainsi, cependant que le contribuable ne contestait pas l'origine apparemment licite des pièces litigieuses, mais seulement la présomption de fraude en résultant, le premier président, qui n'a pas constaté que ces pièces avaient une origine illicite, n'a pas donné de base légale à sa décision. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 28 janvier 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Nîmes ; Condamne M. et Mme [P], la SARL [Adresse 5] et la SCI Les Courtilles aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [P], la SARL [Adresse 5] et la SCI Les Courtilles et les condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, la somme globale de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales. L'ordonnance attaquée, critiquée par la Direction générale des finances publiques, encourt la censure ; EN CE QU'elle a infirmé l'ordonnance portant autorisation de visite du 22 septembre 2020 et annulé par voie de conséquence les opérations de visite du 23 septembre 2020 ; ALORS QUE, premièrement, et s'agissant de la procédure devant le juge des libertés et de la détention, l'absence de production d'une précédente autorisation de visite et des précédents procès-verbaux de visite y afférents, ne peut en soi justifier l'anéantissement de l'autorisation de visite, peu important que les éléments issus de la précédentes procédures soient produits par l'administration à l'appui de sa demande ; qu'en décidant le contraire, le magistrat délégataire du Premier président a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; ALORS QUE, deuxièmement, et s'agissant de la procédure devant le juge des libertés et de la détention, l'autorisation est régulière dès lors que les pièces produites par l'administration sont d'origine apparemment licite ; que faute d'avoir constaté en l'espèce que, si même la précédente autorisation et les précédents procès-verbaux de visite n'étaient pas produits, les éléments produits par l'administration n'étaient pas d'origine apparemment licite, le magistrat délégataire du Premier président a violé l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ; ALORS QUE, troisièmement, et s'agissant de la procédure d'appel, l'absence de production de pièces de procédure – précédente ordonnance d'autorisation et précédents procès-verbaux de visite – à l'origine des éléments collectés par l'administration, ne peut en soi justifier l'annulation de l'autorisation de visite ; qu'en décidant le contraire, le magistrat délégataire du Premier président a violé l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ; ALORS QUE, quatrièmement, pour anéantir l'autorisation de visite, le magistrat délégataire du Premier président doit constater que les éléments produits n'ont pas été obtenus de façon licite ; qu'en éludant cette exigence, le magistrat délégataire du Premier président a violé l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ; ET ALORS QUE, cinquièmement, s'il estime qu'il lui faut la précédente autorisation de visite ainsi que les procès-verbaux établis dans le cadre d'une procédure antérieure pour former sa conviction, il appartient au magistrat délégataire du Premier président de prescrire une mesure d'instruction en invitant l'administration à produire ces éléments ; que faute de ce faire, le magistrat délégataire du Premier président a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 144 du Code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555926.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 645 F-D Pourvoi n° S 21-12.473 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [T] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-12.473 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai,10 décembre 2020), le 18 novembre 2005, la société Cartonnages du Cambrésis (la société) a ouvert un compte dans les livres de la Société générale (la banque). Par un acte du 23 février 2010, M. [P] s'est rendu caution de l'ensemble des engagements de la société dans la limite de 97 500 euros et pour une durée de cinq ans. 2. Le 27 juillet 2010, la banque a consenti à la société un prêt professionnel de 200 000 euros. Par un acte du même jour, M. [P] s'est rendu caution solidaire de ce prêt dans la limite de 26 000 euros et pour une durée de sept ans. 3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a, les 29 et 30 juin 2017, mis M. [P] en demeure de payer, puis l'a assigné en paiement. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque, au titre du compte à vue professionnel, la somme de 11 822,08 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2017, date de la mise en demeure, alors « qu'il appartient au juge du fond d'interpréter une clause ambiguë ; que le contrat de cautionnement de l'ensemble des obligations de la société Cartonnages du Cambrésis énonçait seulement au titre "Durée du cautionnement" : "5 ans à compter de la date des présentes" et à l'article IX, intitulé "Durée et cessation du cautionnement" : "La caution est engagée pour la durée mentionnée en tête du présent acte. Cependant, la caution peut décider à tout moment de révoquer son engagement, moyennant un préavis. Cette décision sera portée à la connaissance de la banque par lettre recommandée, avec accusé de réception adressé au guichet de la banque indiqué en tête du présent acte ou remise à ce même guichet contre récépissé. La révocation prendra effet à l'expiration d'un délai de quatre-vingt dix jours à compter de la date de réception ou de remise de cette lettre audit guichet. La caution restera tenue, dans la limite en durée mentionnée ci-dessus, jusqu'au remboursement intégral et définitif à la banque de tous les engagements du cautionné nés antérieurement à la date de prise d'effet de la révocation, y compris de ceux dont les échéances et l'exigibilité seront postérieures à cette date" ; qu'en se bornant à affirmer que le terme stipulé à l'engagement de la caution aurait porté sur son obligation de règlement pour dire recevable la banque à rechercher la garantie de M. [P] plus de cinq ans après son engagement, quand, comme il était soutenu, la signification de la clause de terme n'était pas claire et précise faute de mentionner si elle portait sur l'obligation de couverture ou de règlement de la caution, la cour d'appel, qui a refusé d'interpréter la clause ambiguë, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien, devenu 1101 et 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel procédant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, à la recherche de la commune intention des parties, rendue nécessaire par l'ambiguïté de la clause stipulant que la caution est engagée pour la durée mentionnée dans l'acte de cautionnement, a retenu, par motifs adoptés, que cette clause ne limitait pas dans le temps le droit de poursuite du créancier et que l'acte de cautionnement ne comportait aucune restriction sur ce point. 6. Elle en a, à juste titre, déduit que la caution restait tenue des dettes nées et devenues exigibles entre la souscription du cautionnement et son terme ainsi que des dettes nées pendant cette même période et devenues exigibles après. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 8. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque, au titre du prêt professionnel, la somme de 8 523,50 euros, suivant décompte au 14 février 2018, outre les intérêts au taux conventionnel de 8,24 % l'an sur la somme de 8 004,86 euros à compter du 17 février 2018 et jusqu'à parfait paiement, alors : « 1°/ que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses ; que le cautionnement ne se présume point et doit être exprès, on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; qu'en retenant pourtant que le terme fixé à sept ans par les parties dans l'acte de cautionnement du 27 juillet 2010 aurait porté sur la seule obligation de couverture de M. [P] et n'aurait pas interdit à la banque de mettre en oeuvre sa garantie au-delà de ce terme, quand elle constatait que le cautionnement garantissait un prêt d'une durée de cinq années, venant à échéance le 20 septembre 2015, et que le terme de la garantie porté deux ans plus tard ne pouvait alors qu'être relatif à l'obligation de règlement et interdisait à la banque d'engager des poursuites envers M. [P] après le 26 juillet 2017, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 2290 et 2292 du code civil ; 2°/ qu'en toute hypothèse, l'acte de cautionnement stipulait exclusivement garantir "une obligation déterminée" consistant [en] un prêt d'une durée de 5 ans et que "la durée du cautionnement" était de "7 ans à compter de la date des présentes" ; qu'en jugeant que cet acte n'aurait fixé un terme qu'à l'obligation de couverture de la caution mais n'aurait pas interdit à la banque de mettre en oeuvre l'engagement de garantie au-delà de la date fixée, sans que l'acte ait stipulé que la caution continuait à garantir le créancier, la cour d'appel a dénaturé par adjonction l'acte du 27 juillet 2010 et violé l'article 1134, aujourd'hui 1101 et 1103, du code civil. » Réponse de la Cour 9. Sous le couvert de griefs de violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 et des articles 2290 et 2292 du même code, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain de la cour d'appel de déterminer, en procédant à l'interprétation de l'engagement de M. [P], que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, si la durée de sept ans qu'il mentionnait s'appliquait à l'obligation de couverture ou à celle de règlement de la caution. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [P]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir condamné à payer à la Société Générale, au titre du compte à vue professionnel, la somme de 11 822,08 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2017, date de la mise en demeure, alors : Qu'il appartient au juge du fond d'interpréter une clause ambiguë ; que le contrat de cautionnement de l'ensemble des obligations de la société Cartonnages du Cambrésis énonçait seulement au titre « Durée du cautionnement » : « 5 ans à compter de la date des présentes » et à l'article IX intitulé « Durée et cessation du cautionnement » : « La caution est engagée pour la durée mentionnée en tête du présent acte. Cependant, la caution peut décider à tout moment de révoquer son engagement, moyennant un préavis. Cette décision sera portée à la connaissance de la banque par lettre recommandée, avec accusé de réception adressé au guichet de la banque indiqué en tête du présent acte ou remise à ce même guichet contre récépissé. La révocation prendra effet à l'expiration d'un délai de 90 jours à compter de la date de réception ou de remise de cette lettre audit guichet. La caution restera tenue, dans la limite en durée mentionnée ci-dessus, jusqu'au remboursement intégral et définitif à la banque de tous les engagements du cautionné nés antérieurement à la date de prise d'effet de la révocation, y compris de ceux dont les échéances et l'exigibilité seront postérieur à cette date » ; qu'en se bornant à affirmer que le terme stipulé à l'engagement de la caution aurait porté sur son obligation de règlement pour dire recevable la banque à rechercher la garantie de M. [P] plus de cinq ans après son engagement, quand, comme il était soutenu, la signification de la clause de terme n'était pas claire et précise faute de mentionner si elle portait sur l'obligation de couverture ou de règlement de la caution, la cour d'appel, qui a refusé d'interpréter la clause ambiguë, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien devenu 1101 et 1103 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir condamné à payer à la Société Générale, au titre du prêt professionnel, la somme de 8 523,50 euros suivant décompte au 14 février 2018 outre les intérêts au taux conventionnel de 8,24 % l'an sur la somme de 8 004,86 euros du 17 février 2018 au parfait paiement alors : 1°) que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses ; que le cautionnement ne se présume point et doit être exprès, on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; qu'en retenant pourtant que le terme fixé à sept ans par les parties dans l'acte de cautionnement du 27 juillet 2010 aurait porté sur la seule obligation de couverture de M. [P] et n'aurait pas interdit à la banque de mettre en oeuvre sa garantie au-delà de ce terme, quand elle constatait que le cautionnement garantissait un prêt d'une durée de cinq années, venant à échéance le 20 septembre 2015, et que le terme de la garantie porté deux ans plus tard ne pouvait alors qu'être relatif à l'obligation de règlement et interdisait à la banque d'engager des poursuites envers M. [P] après le 26 juillet 2017, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 2290 et 2292 du code civil ; 2°) qu'en toute hypothèse, l'acte de cautionnent stipulait exclusivement garantir « une obligation déterminée » consistant un prêt d'une durée de 5 ans et que « la durée du cautionnement » était de « 7 ans à compter de la date des présentes » ; qu'en jugeant que cet acte n'aurait fixé un terme qu'à l'obligation de couverture de la caution mais n'aurait pas interdit à la banque de mettre en oeuvre l'engagement de garantie au-delà de la date fixée, sans que l'acte ait stipulé que la caution continuait à garantir le créancier, la cour d'appel a dénaturé par adjonction l'acte du 27 juillet 2010 et violé l'article 1134, aujourd'hui 1101 et 1103, du code civil.
INCA/JURITEXT000046555932.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 651 F-D Pourvoi n° G 21-16.030 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Caisse de crédit mutuel de Cosne-sur-Loire, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° G 21-16.030 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [H] [U], domiciliée [Adresse 3], [Localité 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de Cosne-sur-Loire, de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 4 mars 2021), la société Caisse de crédit mutuel de Cosne-sur-Loire (la société Crédit mutuel) a consenti trois prêts professionnels à Mme [U], laquelle a, grâce à ces emprunts, procédé le 26 septembre 2017 au remboursement de trois prêts précédemment souscrits auprès de la société Crédit agricole. 2. Le 24 juillet 2018, Mme [U] a conclu avec la société Crédit mutuel un avenant à l'un des contrats de prêt afin de diminuer le montant des échéances et d'allonger la durée du remboursement. 3. Estimant que la société Crédit mutuel avait manqué à son obligation de mise en garde, Mme [U] l'a assignée en réparation du préjudice subi. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, et le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 5. La société Crédit mutuel fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [U] la somme de 47 691,41 euros en réparation de la perte de chance de ne pas contracter, alors « que la cour d'appel, après avoir pourtant relevé que "la capacité d'autofinancement de l'entreprise de Mme [U] permettait la couverture des mensualités" des crédits, a estimé le financement disproportionné en l'état de la situation patrimoniale personnelle de Mme [U] ; qu'en statuant de la sorte, lorsque seuls les revenus et charges tirés de l'exploitation du fonds de commerce étaient pertinents pour l'analyse du contrôle de proportionnalité des crédits professionnels attachés audit fonds, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Pour apprécier l'adaptation d'un prêt aux capacités financières de l'emprunteur et au risque d'endettement en résultant, il convient de prendre en considération l'ensemble du patrimoine de l'emprunteur, de ses revenus et de ses charges. 7. Ayant constaté que Mme [U] avait personnellement contracté les trois prêts professionnels auprès de la société Crédit mutuel, c'est à juste titre que la cour d'appel a tenu compte de l'ensemble de ses revenus et charges. 8. Le moyen doit donc être rejeté. Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 9. La société Crédit mutuel fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut être que partielle ; que la cour d'appel, au titre de la perte d'une chance de ne pas contracter, a indemnisé Mme [U] à hauteur de la différence entre le solde des crédits préalablement souscrits auprès du Crédit agricole et le montant total des crédits de restructuration du Crédit mutuel, soit au-delà du préjudice contractuel après déduction du solde des prêts et des dettes préalablement remboursés au Crédit agricole ; qu'en allouant ainsi au titre de la perte de chance, une somme excédant le préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1231-1 du code civil : 10. Il résulte de ce texte que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. 11. Pour fixer le montant des dommages-intérêts dus en réparation du préjudice subi par Mme [U] en raison du manquement de la société Crédit mutuel à son obligation de mise en garde, l'arrêt, après avoir jugé que ce préjudice est caractérisé par la perte de chance de ne pas contracter aux conditions proposées par cette banque, retient qu'il doit être réparé par une somme correspondant à la différence entre le passif enregistré par Mme [U] auprès de la société Crédit agricole en septembre 2017 et le montant total des crédits souscrits auprès de la société Crédit mutuel aux termes de l'avenant du 24 juillet 2018. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fixé le montant des dommages-intérêts dûs à Mme [U] à hauteur de l'aggravation de son passif résultant de la souscription des trois prêts professionnels auprès de la société Crédit mutuel et a donc indemnisé Mme [U] à hauteur de l'avantage qu'aurait procuré la chance perdue si elle s'était réalisée, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande d'indemnisation du préjudice moral formulée par Mme [U] en cause d'appel, condamne la banque à lui payer la somme de 4 000 euros en réparation de ce préjudice et confirme le jugement entrepris, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Orléans ; Condamne Mme [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] et la condamne à payer à la société Caisse de crédit mutuel de Cosne-sur-Loire la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la Caisse de crédit mutuel de Cosne-sur-Loire. PREMIER MOYEN DE CASSATION La caisse de Crédit mutuel de Cosne sur Loire reproche à l'arrêt attaqué, De l'AVOIR condamnée à payer à Mme [H] [U] la somme de 47 691,41 euros en réparation de la perte de chance de ne pas contracter, 1°) ALORS QUE la cour d'appel a exclu que Madame [U] puisse être une emprunteuse avertie en ce qu'elle n'a « pas de connaissances ni de qualifications particulières en matière de financement d'entreprise » (arrêt, p.8 §1) ; qu'en statuant de la sorte lorsqu'une formation ou qualification particulière en matière de financement d'entreprise n'est pas une condition requise pour avoir la qualité d'emprunteur averti, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 1231-1 du code civil ; 2°) ALORS QU'un crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l'emprunteur, ne crée pas de risque d'endettement nouveau ; que la cour d'appel avait elle-même relevé que les taux d'intérêts pratiqués par la caisse de Crédit mutuel de Cosne sur Loire étaient « bien inférieurs à ceux pratiqués par le Crédit Agricole » (arrêt, p.8 § 2) et que par l'effet d'un avenant du 24 juillet 2018, les mensualités se retrouvaient également réduites (arrêt, p. 8 § 6) ; qu'en décidant au contraire que le Crédit mutuel de Cosne sur Loire aurait augmenté l'endettement de Mme [U], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1231-1 du code civil ; 3°) ALORS QUE la caisse de Crédit mutuel de Cosne sur Loire faisait valoir que ce crédit n'aggravait pas le passif de l'entreprise de Mme [U], permettant d'apurer le solde de l'ancien prêt, son découvert en compte courant auprès du crédit agricole, ainsi que son besoin en fonds de roulement à hauteur de 20 000 euros (conclusions de la caisse de crédit mutuel, p.3) ; qu'en décidant, par seule comparaison du solde de l'ancien crédit et du nouveau crédit de restructuration (arrêt, p.8 § 2), que le Crédit mutuel de Cosne sur Loire aurait augmenté l'endettement de Mme [U], sans s'expliquer sur l'étendue de l'endettement apuré par le crédit de restructuration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil ; 4°) ALORS QUE la cour d'appel, après avoir pourtant relevé que « la capacité d'autofinancement de l'entreprise de Mme [U] permettait la couverture des mensualités » des crédits (arrêt, p.8, § 4), a estimé le financement disproportionné en l'état de la situation patrimoniale personnelle de Madame [U] (arrêt, p.8, § 5) ; qu'en statuant de la sorte, lorsque seuls les revenus et charges tirés de l'exploitation du fonds de commerce étaient pertinents pour l'analyse de le contrôle de proportionnalité des crédits professionnels attachés audit fonds, la cour d'appel a encore violé, par fausse interprétation, l'article 1231-1 du code civil ; 5°) ALORS QU'en cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut être que partielle ; que la cour d'appel, au titre de la perte d'une chance de ne pas contracter, a indemnisé Mme [U] à hauteur de la différence entre le solde des crédits préalablement souscrits auprès du Crédit Agricole et le montant total des crédits de restructuration de la caisse de Crédit mutuel de Cosne sur Loire (arrêt, p.9, § 2), soit au-delà du préjudice contractuel après déduction du solde des prêts et des dettes préalablement remboursés au crédit agricole ; qu'en allouant ainsi au titre de la perte de chance, une somme excédant le préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil ; SECOND MOYEN DE CASSATION La caisse de Crédit mutuel de Cosne sur Loire reproche à l'arrêt attaqué, De l'AVOIR condamnée à payer à Mme [H] [U] la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral, 1°) ALORS QUE les prétentions nouvelles ne sont pas recevables en cause d'appel sauf si elles sont le complément nécessaire des demandes soumises au premier juge ; qu'en déclarant recevable en cause d'appel une prétention totalement nouvelle en indemnisation du préjudice moral de Mme [U] en ce qu'elle « peut être considérée comme complémentaire des demandes indemnitaires présentées sur le même fondement en première instance » (arrêt, p.7 § 4), sans constater qu'elle serait le complément « nécessaire » des demandes soumises au premier juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en allouant en équité la somme forfaitaire de 4 000 euros en réparation du préjudice moral subi, la cour d'appel a porté atteinte au principe de la réparation intégrale du préjudice subi et a violé l'article 1231-1 du code civil.
INCA/JURITEXT000046555918.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 636 F-D Pourvoi n° V 20-11.115 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [J] [E], domiciliée [Adresse 7]), 2°/ Mme [Y] [E], épouse [R], domiciliée [Adresse 5] (États-Unis), 3°/ Mme [C] [E], épouse [Z], domiciliée [Adresse 2], 4°/ Mme [O] [E], épouse [W], domiciliée [Adresse 4], 5°/ M. [P] [E], domicilié [Adresse 3], 6°/ Mme [F] [D], veuve [E], domiciliée [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° V 20-11.115 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 6], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [F] [D], veuve [E], Mme [J] [E], Mme [C] [E], épouse [Z], Mme [Y] [E], épouse [R], M. [P] [E] et de Mme [O] [E], épouse [W], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique,14 février 2018, pourvoi n° 16-18.050), à la suite de la cession d'actions de la société Fournier industrie santé à la société Solvay, [T] [E] et son épouse ont déclaré, au titre de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 2007, à l'actif de leur patrimoine, la valeur nominale de sommes qui étaient séquestrées dans les sociétés en participation SEP1 et SEP2 à raison d'une garantie de passif consentie à la société Solvay et, au passif de leur patrimoine, une dette d'égal montant intitulée « provision pour indemnité de garantie de passif. » 2. L'administration fiscale leur ayant notifié une proposition de rectification fondée sur une remise en cause du passif déclaré, puis ayant partiellement rejeté leur réclamation, [T] [E], aux droits duquel sont venus Mme [E] et ses enfants, et Mme [E] (les consorts [E]) l'ont assignée en décharge du surplus d'imposition mis en recouvrement. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de les débouter de leur exception de nullité de la procédure de rectification fiscale portant sur l'ISF pour l'année 2007, alors que « lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que, dans leurs observations du 18 février 2011, les époux [E] ont fait valoir que "dans le cas où (?) la déduction du passif persist[er]ait à être contestée, il conviendrait pour le moins que la valeur de l'actif correspondant soit diminuée dans son montant du risque correspondant" ; que, dans la réponse à ces observations, laquelle leur a été adressée le 22 mars 2011, l'administration fiscale ne s'est expliquée que sur les motifs de fait et de droit pour lesquels il n'était pas possible de retenir les passifs déclarés ; qu'en revanche, elle n'a pas répondu aux observations des époux [E] tirées de l'évaluation des droits qu'ils détenaient au sein des sociétés SEP1 et SEP2, et notamment de l'éventuelle décote par rapport à la valeur nominale des sommes séquestrées du fait de leur caractère indisponible et du risque de non-recouvrement, question afférente à la valeur des biens figurant à l'actif, distincte de celle de l'admission d'une somme au passif ; qu'en jugeant que l'administration fiscale, en s'expliquant sur les motifs pour lesquels il n'était pas possible de retenir certaines sommes au passif, avait implicitement mais sans ambiguïté, motivé l'impossibilité de minorer l'actif imposable, la cour d'appel a dénaturé le sens clair de ce document en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour 4. Dans leurs observations notifiées à l'administration fiscale le 18 février 2011, [T] [E] et son épouse, après avoir fait valoir que, eu égard aux obligations résultant de la garantie de passif, le passif déduit avait un caractère certain et un montant défini au jour de la constitution de cette garantie, ont indiqué que « dans le cas où malgré cette qualification juridique née des obligations contractuelles, la déduction du passif persistait à être contestée, il conviendrait pour le moins que la valeur de l'actif correspondant soit diminuée dans son montant du risque correspondant, risque de 100 % au cours des premières années de constitution de la garantie. » 5. Dans la réponse qu'elle leur a adressée le 22 mars 2011, l'administration fiscale a fait valoir que « les sommes mises sous séquestre ont dès l'origine un caractère certain dans leur principe et dans leur montant », rejetant ainsi leur contestation de la valeur de l'actif déclaré. Elle a également fait valoir qu'en revanche, ne sont pas certains dans leur principe et dans leur montant les nouveaux passifs « qui ne seront révélés qu'ultérieurement, même si leur origine est antérieure à la cession. » 6. Dès lors, c'est sans dénaturer la réponse de l'administration fiscale que la cour d'appel a constaté que celle-ci s'était clairement expliquée sur les motifs pour lesquels il n'est pas possible, pour définir l'assiette de l'ISF, de retenir des passifs qui ne sont révélés qu'ultérieurement, ce qui motivait, au moins implicitement mais sans ambiguïté, l'impossibilité de minorer l'actif imposable, constitué des sommes mises sous séquestre qui présentaient, dès l'origine, un caractère certain dans leur principe, par la prise en considération d'un risque non encore réalisé. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à la décharge des rappels d'ISF auxquels [T] [E] et son épouse avaient été assujettis au titre de l'année 2007, alors : « 1°/ que la commission départementale de conciliation ne peut intervenir que sur les redressements notifiés par l'administration fiscale portant sur des insuffisances de valeur sur des biens déclarés ou emportant évaluation de biens omis ; qu'en revanche, elle n'est pas compétente en cas de contestation par le contribuable de valeurs de biens qu'il a déclarés lorsque ces valeurs ne sont pas remises en cause par l'administration fiscale ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que dans leur déclaration d'ISF 2007, les époux [E] ont porté à l'actif, au titre de leurs participations au sein des SEP1 et 2, la valeur nominale des sommes séquestrées, à hauteur de 4 955 383 euros, et, parallèlement au passif un même montant intitulé "provision pour indemnité de garantie de passif" ; que l'administration des impôts a, dans sa proposition de rectification en date du 21 décembre 2010, remis en cause la déduction de ce dernier passif, ce qui, aux termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2018, rendait la commission départementale de conciliation incompétente ; qu'en réponse à cette proposition de rectification, les époux [E] ont contesté la valeur de leurs participations au sein des SEP1 et 2, qu'ils avaient eux-mêmes déclarée, estimant qu'il convenait de tenir compte du risque de non-recouvrement des sommes séquestrées ; que cette contestation parfaitement recevable des valeurs d'actif brut déclarées ne rendait pas pour autant la commission départementale de conciliation compétente dès lors qu'elle émanait des contribuables eux-mêmes et non de l'administration ; qu'en disant que le litige ne pouvait porter que sur l'admission de sommes au passif dès lors que la Cour de cassation avait jugé que la commission départementale de conciliation était incompétente en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article L. 59 B du livre des procédures fiscales ; 2°/ que les biens soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune doivent être déclarés à leur valeur vénale au 1er janvier de l'année donnée ; qu'en jugeant que la valeur des droits des époux [E] dans les sociétés en participation SEP1 et SEP2 devait être estimée à la valeur nominale des sommes séquestrées dans lesdites sociétés, sans qu'aucune dette ne puisse être déduite, ni qu'aucun abattement ne puisse être pratiqué dès lors qu'aucune dette n'avait été mise à la charge des époux [E] ou des sociétés à la date du fait générateur de l'impôt, sans rechercher si le caractère indisponible des sommes séquestrées sur un compte indivis, leur objet et leur risque de non-récupération n'avaient pas pour conséquence de diminuer la valeur de leurs droits dans lesdites sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 666, 885 D et 885 S du code général des impôts. » Réponse de la Cour 9. Après avoir rappelé que, selon l'article 885 E du code général des impôts, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A du même code, l'arrêt retient exactement que les sociétés SEP1 et SEP2 étant des sociétés en participation dépourvues de personnalité morale et insusceptibles d'être évaluées, à défaut d'être constituées de parts sociales, de titres ou d'actions pouvant être vendus sur un marché transactionnel ou boursier, les droits d'[T] [E] et de son épouse dans ces sociétés doivent nécessairement être soumis à l'ISF pour la valeur nominale des sommes séquestrées. 10. L'arrêt retient encore que de cette valeur ne peuvent être déduites, conformément à l'article 768 du code général des impôts, applicable à l'ISF en vertu de l'article 885 D du même code, que les dettes dont l'existence est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite, et en déduit qu'[T] [E] et son épouse ne pouvaient appliquer aucun abattement ou aucune déduction aux sommes séquestrées, puisqu'à la date du fait générateur de l'imposition, soit le 1er janvier 2007, aucune dette n'avait été mise à leur charge. 11. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui, nonobstant les considérations erronées relatives à l'objet du litige, critiquées par la première branche, a procédé à la recherche prétendument omise visée à la deuxième branche et écarté le moyen pris du caractère indisponible des sommes séquestrées et du risque de non-récupération en cas de mise en oeuvre de la garantie de passif, a, à bon droit, débouté les consorts [E] de leur demande. 12. Le moyen, inopérant en sa première branche, qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [F] [D], veuve [E], Mme [J] [E], Mme [C] [E], épouse [Z], Mme [Y] [E], épouse [R], M. [P] [E] et Mme [O] [E], épouse [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [F] [D], veuve [E], Mme [J] [E], Mme [C] [E], épouse [Z], Mme [Y] [E], épouse [R], M. [P] [E] et Mme [O] [E], épouse [W], et les condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [F] [D], veuve [E], Mme [J] [E], Mme [C] [E], épouse [Z], Mme [Y] [E], épouse [R], M. [P] [E] et Mme [O] [E], épouse [W]. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts [E] de leur exception de nullité de la procédure de rectification fiscale portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2007 ; AUX MOTIFS QU'il ressort de leurs déclarations d'ISF pour les années 2006 et 2007 que les époux [E] y ont porté, à l'actif, au titre de leur participation au sein des SEP, la valeur nominale des sommes séquestrées à hauteur de 4 955 383 euros et, parallèlement au passif, un même montant intitulé « provision pour indemnité de garantie de passif » de sorte que, dès l'origine, ils se sont bien inscrits dans une démarche tendant à voir réduire l'assiette de leur ISF égale à la valeur nominale des sommes séquestrées au sein des SEP par la prise en considération d'un passif égal au risque de non-recouvrement de celles-ci sans discuter l'évaluation proprement dite de leur participation. Ultérieurement, dans leurs observations notifiées à l'administration fiscale le 18 février 2011, il est exact qu'ils ont indiqué que « dans le cas où malgré cette qualification juridique née des obligations contractuelles, la déduction du passif persistait à être contestée, il conviendrait pour le moins que la valeur de l'actif correspondant soit diminuée dans son montant du risque correspondant, risque de 100 % au cours des premières années de constitution de la garantie ». Mais dans la réponse qu'elle leur a adressée le 22 mars 2011, l'administration fiscale s'est clairement expliquée sur les motifs pour lesquels il n'était pas possible, pour définir l'assiette de l'ISF, de retenir des passifs qui ne seront révélés qu'ultérieurement ce qui motivait, au moins implicitement mais sans ambiguïté, l'impossibilité de minorer l'actif imposable, constitué des sommes mises sous séquestre qui présentaient, dès l'origine, un caractère certain dans leur principe, par la prise en considération d'un risque non encore réalisé. Ce faisant elle a parfaitement respecté les prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales de sorte que la procédure de rectification qu'elle a suivie n'encourt aucune nullité ; 1°) ALORS QUE lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué, que dans leurs observations du 18 février 2011, les époux [E] ont fait valoir que « dans le cas où (?) la déduction du passif persistait à être contestée, il conviendrait pour le moins que la valeur de l'actif correspondant soit diminuée dans son montant du risque correspondant.. » ; que dans la réponse à ces observations, laquelle leur a été adressée le 22 mars 2011, l'administration fiscale ne s'est expliquée que sur les motifs de fait et de droit pour lesquels il n'était pas possible de retenir les passifs déclarés ; qu'en revanche, elle n'a pas répondu aux observations des époux [E] tirées de l'évaluation des droits qu'ils détenaient au sein des sociétés SEP 1 et SEP 2, et notamment de l'éventuelle décote par rapport à la valeur nominale des sommes séquestrées du fait de leur caractère indisponible et du risque de non-recouvrement, question afférente à la valeur des biens figurant à l'actif, distincte de celle de l'admission d'une somme au passif ; qu'en jugeant que l'administration fiscale, en s'expliquant sur les motifs pour lesquels il n'était pas possible de retenir certaines sommes au passif, avait implicitement mais sans ambiguïté, motivé l'impossibilité de minorer l'actif imposable, la cour d'appel a dénaturé le sens clair de ce document en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts [E] de leur demande tendant à la décharge des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune auxquelles M. et Mme [E] avaient été assujettis au titre de l'année 2007 ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 885 E du code général des impôts, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci ; que les appelants admettent à présent que les conditions d'admission d'un passif ne sont pas réunies en l'espèce et, en écartant la compétence de la commission départementale de conciliation, la motivation de l'arrêt de la Cour de cassation exclut désormais que le rehaussement proposé par l'administration fiscale concerne autre chose que le rejet d'un passif. En effet, s'il s'était effectivement agi, comme tentent de le plaider les appelants, d'une difficulté liée à l'évaluation des biens devant servir d'assiette à l'ISF, la commission départementale de conciliation eut été compétente. Les droits que les époux [E] détenaient dans les sociétés SEP 1 et SEP 2, société en participation dépourvue de personnalité morale insusceptible d'être évaluées à défaut d'être constituées de parts sociales, de titres ou d'actions pouvant être vendus sur un marché transactionnel ou boursier, doivent donc nécessairement être soumis à l'ISF pour la valeur nominale des sommes séquestrées qui correspond à la valeur vénale de ces droits et de laquelle ne peuvent être déduites, conformément à l'article 768 du code général des impôts applicable à l'ISF en vertu de l'article 885 D du même code, que « les dettes à la charge du défunt [ ] lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite ». Ainsi en taxant les droits des époux [E] dans les sociétés SEP 1 et SEP 2 à la valeur nominale au 1er janvier 2007 des sommes séquestrées sans procéder à aucun abattement ou déduction puisqu'à cette date aucune dette n'avait été mise à la charge de ces derniers, l'administration n'a en rien surévalué lesdits droits ; 1°) ALORS QUE la commission départementale de conciliation ne peut intervenir que sur les redressements notifiés par l'administration fiscale portant sur des insuffisances de valeur sur des biens déclarés ou emportant évaluation de biens omis ; qu'en revanche, elle n'est pas compétente en cas de contestation par le contribuable de valeurs de biens qu'il a déclarés lorsque ces valeurs ne sont pas remises en cause par l'administration fiscale ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que dans leur déclaration d'ISF 2007, les époux [E] ont porté à l'actif, au titre de leurs participations au sein des SEP 1 et 2, la valeur nominale des sommes séquestrées, à hauteur de 4 955 383 euros, et, parallèlement au passif un même montant intitulé « provision pour indemnité de garantie de passif » ; que l'administration des impôts a, dans sa proposition de rectification en date du 21 décembre 2010, remis en cause la déduction de ce dernier passif, ce qui, aux termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2018, rendait la commission départementale de conciliation incompétente ; qu'en réponse à cette proposition de rectification, les époux [E] ont contesté la valeur de leurs participations au sein des SEP 1 et 2, qu'ils avaient eux-mêmes déclarée, estimant qu'il convenait de tenir compte du risque de non-recouvrement des sommes séquestrées ; que cette contestation parfaitement recevable des valeurs d'actif brut déclarées ne rendait pas pour autant la commission départementale de conciliation compétente dès lors qu'elle émanait des contribuables eux-mêmes et non de l'administration ; qu'en disant que le litige ne pouvait porter que sur l'admission de sommes au passif dès lors que la Cour de cassation avait jugé que la commission départementale de conciliation était incompétente en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article L. 59 B du livre des procédures fiscales ; 2°) ALORS QUE les biens soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune doivent être déclarés à leur valeur vénale au 1er janvier de l'année donnée ; qu'en jugeant que la valeur des droits des époux [E] dans les sociétés en participation SEP 1 et SEP 2 devait être estimée à la valeur nominale des sommes séquestrées dans lesdites sociétés, sans qu'aucune dette ne puisse être déduite, ni qu'aucun abattement ne puisse être pratiqué dès lors qu'aucune dette n'avait été mise à la charge des époux [E] ou des sociétés à la date du fait générateur de l'impôt, sans rechercher si le caractère indisponible des sommes séquestrées sur un compte indivis, leur objet et leur risque de non-récupération n'avaient pas pour conséquence de diminuer la valeur de leurs droits dans lesdites sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 666, 885 D et 885 S du code général des impôts.
INCA/JURITEXT000046555924.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 643 F-D Pourvoi n° R 20-18.264 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [B] [F], domicilié [Adresse 3], [Localité 4], a formé le pourvoi n° R 20-18.264 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2020 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre civile A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], 2°/ à la société Intrum Justitia Debt Finance AG, dont le siège est Industrienstrasse [Adresse 1], [Localité 6] (Suisse), défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [F], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Crédit lyonnais et de la société Intrum Justitia Debt Finance AG, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 juin 2020), par un acte du 10 janvier 2008, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société Tasc'co un prêt d'un montant de 839 980 euros. En garantie du remboursement de cet emprunt, M. [F], gérant de la débitrice principale, s'est, par un acte du même jour, rendu caution de 50 % de l'encours de crédit, dans la limite de 482 988,50 euros. 2. Par un acte du 18 mars 2008, la société Tasc'co a consenti à la banque un nantissement sur son fonds de commerce. 3. La société Tasc'co ayant été mise en redressement judiciaire, une offre de reprise a été présentée, subordonnée à la renonciation par la banque au bénéfice de l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce en contrepartie de l'affectation au remboursement de sa créance d'une partie du prix de la reprise. Par une lettre du 2 décembre 2014, la banque a fait connaître son accord à l'administrateur judiciaire. Par un jugement d'un tribunal de commerce du 23 décembre 2014, le plan de cession a été arrêté auxdites conditions et la société Tasc'co placée en liquidation judiciaire. 4. La banque a assigné en paiement du solde de sa créance M. [F], qui a à la fois opposé à la banque un manquement à son obligation de mise en garde et demandé à être déchargé sur le fondement de l'article 2314 du code civil. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. [F] fait grief à l'arrêt de juger que banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à son égard en tant que caution avertie et qu'il restait redevable de son engagement à concurrence des sommes réclamées par cette dernière, de rejeter en conséquence sa demande fondée sur le manquement par la banque à son devoir de mise en garde et visant à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts d'un montant identique aux condamnations requises à son encontre et à ce que la compensation des créances réciproques soit ordonnée et de le condamner à payer à la société Intrum Debt Finance AG, venant aux droits de la banque, dans la limite de 281 116,90 euros, la somme de 114 613,54 euros, avec intérêts au taux légal du 8 janvier 2016 et capitalisés année par année et pour la première fois le 9 janvier 2017, alors : « 1°/ que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; que le caractère averti de la caution doit être apprécié in concreto, au regard de sa capacité à apprécier les risques de son engagement ; qu'au cas d'espèce, en retenant que la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de M. [F], qui devait être considéré comme une caution avertie dès lors qu'il avait exercé en qualité de cadre au sein de la société Carrefour dans le domaine des achats de textile et de chaussures et qui, selon son profil publié sur le réseau social LinkedIn, était titulaire d'une maîtrise de gestion et mentionnait parmi ses compétences le management, le business development, le business analysis, la gestion d'équipes et les négociations, quand aucun de ces éléments ne révélait une quelconque connaissance du domaine professionnel de la restauration, et notamment de l'exploitation d'une pizzeria, qui était l'activité financée par le prêt cautionné, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à qualifier la caution d'avertie, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°/ que, subsidiairement, M. [F] faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 11 janvier 2019 qu'au moment de l'octroi du prêt et de la signature de l'engagement de caution, il ne disposait d'aucune qualification, compétence ou expérience dans la gestion d'un commerce de restauration, non plus que dans la gestion d'entreprise, pour avoir exclusivement occupé un poste commercial au sein de la société Carrefour dans le secteur du textile et des chaussures, et qu'il ne disposait d'aucune expérience pour apprécier la pertinence et le réalisme des documents prévisionnels établis par le franchiseur en vue de l'exploitation de la pizzeria ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure que M. [F] était une caution avertie, en sorte que la banque ne lui devait aucune mise en garde, la cour d'appel n'a en toute hypothèse pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle [issue] de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 6. L'arrêt relève qu'il résulte de la convention de rupture de son contrat de travail, produite aux débats, qu'entre le 1er mars 1983 et le 19 septembre 2007, M. [F] occupait au sein de la société Carrefour un poste de cadre dans la fonction d'expert achats. Il constate que, sur son profil LinkedIn, M. [F] indique être titulaire d'une maîtrise en sciences économiques et gestion, disposer de compétences en management, en « business development », en « business analysis », en gestion d'équipe et en négociation, et avoir, au titre de son expérience en qualité de « responsable achats textile chaussures » de la société Carrefour, piloté et arbitré les marchés chaussures, linge de maison, accessoires et bébé puériculture sur un plan commercial et financier et élaboré et mis en oeuvre les plans d'action validés en s'appuyant sur une équipe de category managers. Il retient que, par sa formation, son expérience professionnelle et ses compétences, M. [F] était apte à évaluer les risques propres à la garantie qu'il a apportée au projet de la société Tasc'co, société qu'il a créée et dont il a pris la direction pour exploiter une activité de restauration pizzeria sous franchise, après études préalables de marché. 7. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu juger que M. [F] était une caution avertie à l'égard de laquelle la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 9. M. [F] fait grief à l'arrêt de juger qu'il est mal fondé à solliciter la décharge intégrale de son engagement de caution sur le fondement des dispositions de l'article 2314 du code civil et de le condamner à payer à la société Intrum Debt Finance, venant aux droits de la banque, dans la limite de 281 116,90 euros, la somme de 114 613,54 euros, avec intérêts au taux légal du 8 janvier 2016 et capitalisés année et par année et pour la première fois le 9 janvier 2017, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que tel est le cas lorsque, dans le cadre de la cession du fonds de commerce exploité par le débiteur cautionné placé en procédure collective, le créancier passe un accord avec le cessionnaire pour renoncer au nantissement qui lui avait été consenti sur le fonds ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'elle constatait que la banque avait donné son accord pour renoncer au nantissement sur le fonds de commerce dans le cadre de la cession de ce dernier, actée par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 décembre 2014 rendu dans le cadre de la procédure collective affectant la société Tasc'co, la perte du nantissement devait être considérée comme le fait exclusif du créancier, sans qu'importe la circonstance qu'un seul repreneur s'était manifesté et qu'il en avait fait une condition de son engagement ; qu'en décidant le contraire, et en refusant en conséquence la décharge de la caution, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil, ensemble l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, et L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce : 10. Il résulte du second de ces textes que la transmission au cessionnaire de la charge des sûretés garantissant le remboursement d'un crédit consenti pour permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés, s'opère de plein droit, sauf accord entre le cessionnaire et le créancier titulaire d'une sûreté mentionnée par ce texte. Lorsqu'un tel accord a été passé, la perte de la sûreté résultant du jugement arrêtant le plan de cession est exclusivement imputable au créancier, de sorte qu'en application du premier texte, la caution doit être déchargée de son engagement, sauf au créancier à établir que la perte de la sûreté n'a causé aucun préjudice à la caution. 11. Pour considérer que la caution n'est pas déchargée de son engagement, l'arrêt retient que la mainlevée du nantissement sur le fonds de commerce de la société Tasc'co est la conséquence d'un accord prévu par une disposition légale régissant la procédure collective qui modifie les intérêts à préserver et à laquelle le créancier doit s'adapter. 12. En se déterminant ainsi, après avoir relevé qu'aux termes du jugement ayant arrêté le plan de cession de la société Tasc'co, le repreneur avait proposé à la banque un accord dérogatoire en contrepartie de la renonciation au bénéfice de l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce, et qu'il résultait d'une lettre du 2 décembre 2014 adressée à l'administrateur par la banque que celle-ci avait accepté cette proposition, ce dont il se déduisait que la caution avait perdu, par le fait exclusif du créancier, le nantissement sur le fonds de commerce dont elle aurait pu bénéficier par voie de subrogation, sans constater que la perte du nantissement n'avait causé aucun préjudice à la caution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, infirmant le jugement, il juge que la société Le Crédit lyonnais n'a pas respecté l'obligation d'information annuelle de la caution et ne peut réclamer à M. [F] les pénalités et intérêts de retard, l'arrêt rendu le 11 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ; Condamne la société Intrum Debt Finance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Intrum Debt Finance et la société Crédit lyonnais et les condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. [F]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé que la société Crédit Lyonnais n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à son égard en tant que caution avertie et que celui-ci restait redevable de son engagement de caution à concurrence des sommes réclamées par la banque, D'AVOIR en conséquence nécessairement rejeté sa demande fondée sur le manquement par la banque à son devoir de mise en garde et visant à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts d'un montant identique aux condamnations requises à son encontre et à ce que la compensation des créances réciproques soit ordonnée et de l'AVOIR condamné à payer à la société Intrum Debt Finance AG (anciennement dénommée Intrum Justitia Debt Finance AG), venant aux droits de la société Crédit Lyonnais, dans la limite de 281.116,90 €, la somme de 114.613,54 € avec intérêts au taux légal du 8 janvier 2016 et capitalisés, année par année et pour la première fois le 9 janvier 2017 ; 1. ALORS QUE la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; que le caractère averti de la caution doit être apprécié in concreto, au regard de sa capacité à apprécier les risques de son engagement ; qu'au cas d'espèce, en retenant que la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de M. [F], qui devait être considéré comme une caution avertie dès lors qu'il avait exercé en qualité de cadre au sein de la société Carrefour dans le domaine des achats de textile et de chaussures et qui, selon son profil publié sur le réseau social Linkedin, était titulaire d'une maîtrise de gestion et mentionnait parmi ses compétences le management, le business development, le business analysis, la gestion d'équipes et les négociations, quand aucun de ces éléments ne révélait une quelconque connaissance du domaine professionnel de la restauration, et notamment de l'exploitation d'une pizzeria, qui était l'activité financée par le prêt cautionné, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à qualifier la caution d'avertie, a violé l'article 1147 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) ; 2. ALORS, subsidiairement, QUE M. [F] faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 11 janvier 2019 (p. 15) qu'au moment de l'octroi du prêt et de la signature de l'engagement de caution, il ne disposait d'aucune qualification, compétence ou expérience dans la gestion d'un commerce de restauration, non plus que dans la gestion d'entreprise, pour avoir exclusivement occupé un poste commercial au sein de la société Carrefour dans le secteur du textile et des chaussures, et qu'il ne disposait d'aucune expérience pour apprécier la pertinence et le réalisme des documents prévisionnels établis par le franchiseur en vue de l'exploitation de la pizzeria ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure que M. [F] était une caution avertie, en sorte que la banque ne lui devait aucune mise en garde, la cour d'appel n'a en toute hypothèse pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) SECOND MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé qu'il était mal fondé à solliciter la décharge intégrale de son engagement de caution sur le fondement des dispositions de l'article 2314 du code civil et de l'AVOIR condamné à payer à la société Intrum Debt Finance AG (anciennement dénommée Intrum Justitia Debt Finance AG), venant aux droits de la société Crédit Lyonnais, dans la limite de 281.116,90 €, la somme de 114.613,54 € avec intérêts au taux légal du 8 janvier 2016 et capitalisés, année et par année et pour la première fois le 9 janvier 2017 ; ALORS QUE la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que tel est le cas lorsque, dans le cadre de la cession du fonds de commerce exploité par le débiteur cautionné placé en procédure collective, le créancier passe un accord avec le cessionnaire pour renoncer au nantissement qui lui avait été consenti sur le fonds ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'elle constatait que le Crédit Lyonnais avait donné son accord pour renoncer au nantissement sur le fonds de commerce dans le cadre de la cession de ce dernier, actée par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 décembre 2014 rendu dans le cadre de la procédure collective affectant la société Tasc'co, la perte du nantissement devait être considérée comme le fait exclusif du créancier, sans qu'importe la circonstance qu'un seul repreneur s'était manifesté et qu'il en avait fait une condition de son engagement ; qu'en décidant le contraire, et en refusant en conséquence la décharge de la caution, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil, ensemble l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce.
INCA/JURITEXT000046555930.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 649 F-D Pourvoi n° P 20-16.560 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ La société HTB2, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ M. [X] [C], domicilié [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 20-16.560 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant à la Polynésie française, [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société HTB2 et de M. [C], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la Polynésie française, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 19 décembre 2019), la société HTB2 et M. [C], son gérant, ont, le 9 octobre 2007, acquis les parts d'une société. 2. Constatant que l'acte de cession n'avait pas été soumis à la formalité de l'enregistrement, le receveur-conservateur des hypothèques de la Polynésie française a notifié aux cessionnaires un redressement portant rappel de droits d'enregistrement et application d'une amende fiscale et, le 26 août 2016, émis contre la société HTB2 un avis de mise en recouvrement des sommes réclamées. 3. La société HTB2 a assigné la Polynésie française en annulation de l'avis de mise en recouvrement et de la décision de rejet de sa réclamation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société HTB2 et M. [C] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de décharge des rappels de droits d'enregistrement litigieux et de l'amende de 100 % afférente, et d'avoir par conséquent confirmé la validité de l'avis de mise en recouvrement émis le 26 août 2016 contre la société HTB2 par le receveur-conservateur des hypothèques de la Polynésie française, alors « que l'ordonnateur du budget de la Polynésie française est son président, qui peut déléguer ce pouvoir au vice-président, aux ministres et aux responsables des services de la Polynésie française ; que le chef du service dénommé "direction des affaires foncières" est son directeur, la recette-conservation des hypothèques est une division de cette direction et est dirigée par un agent dénommé receveur-conservateur des hypothèques qui se trouve sous l'autorité du directeur ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a considéré que la notion de "responsable de service" devait être appréciée en fonction des circonstances de fait et que le receveur-conservateur des hypothèques était le responsable de la recette chargée, au sein de la direction des affaires foncières, de la perception des droits, taxes et redevances liquidés par cette direction ; que pourtant, le receveur-conservateur des hypothèques n'est qu'un agent de la direction des affaires foncières et que le responsable de ce service est le directeur des affaires foncières, seul susceptible de se voir déléguer des fonctions d'ordonnateur pour émettre des avis de mise en recouvrement portant sur des rappels de droits d'enregistrement, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 64 de la loi organique du 27 février 2004 et l'arrêté n° 1518 du conseil des ministres du 31 décembre 1997 portant organisation de la direction des affaires foncières. » Réponse de la Cour 6. L'arrêt énonce que, si l'article 64 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, modifiée par la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011, autorise le président de la Polynésie française à déléguer le pouvoir d'ordonnateur aux responsables des services, la qualité de responsable des services, au sens de ce texte, doit s'apprécier en fonction des circonstances de fait. Il relève que, selon l'article 10 de la délibération n° 97-87 APF du 29 mai 1997 portant création de la direction des affaires foncières, le responsable de la recette chargée, au sein de la direction des affaires foncières, de la perception des droits, taxes et redevances liquidés par cette direction, est le receveur-conservateur des hypothèques, nommé spécialement par arrêté pris en conseil des ministres, et que ce receveur particulier assure une fonction de comptable public et exerce des responsabilités propres, conformément à l'article 1er de l'arrêté n° 185 CM du 4 février 1998 relatif à la recette de la direction des affaires foncières. 7. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que le receveur-conservateur des hypothèques était un responsable des services, au sens de l'article 64 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée, de sorte qu'il pouvait se voir déléguer des fonctions d'ordonnateur pour émettre des avis de mise en recouvrement portant sur des rappels de droits d'enregistrement. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société HTB2 et M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société HTB2 et M. [C] et les condamne à payer à la Polynésie française la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société HTB2 et M. [C]. La société HTB2 et M. [C] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes de décharge des rappels de droits d'enregistrement litigieux et de l'amende de 100 % afférente, et d'avoir par conséquent confirmé la validité de l'avis de mise en recouvrement émis le 26 août 2016 à l'encontre de la société HTB2 par le receveur-conservateur des hypothèques de Polynésie française, 1°) ALORS QUE l'ordonnateur du budget de la Polynésie Française est son président, qui peut déléguer ce pouvoir au vice-président, aux ministres et aux responsables des services de la Polynésie française ; que le chef du service dénommé « direction des affaires foncières » est son directeur, la recette-conservation des hypothèques est une division de cette direction et est dirigée par un agent dénommé receveur-conservateur des hypothèques qui se trouve sous l'autorité du directeur ; qu'à l'appui de sa décision, la cour a considéré que la notion de « responsable de service » devait être appréciée en fonction des circonstances de fait et que le receveur-conservateur des hypothèques était le responsable de la recette chargée, au sein de la direction des affaires foncières, de la perception des droits, taxes et redevances liquidés par cette direction ; que pourtant, le receveur-conservateur des hypothèques n'est qu'un agent de la direction des affaires foncières et que le responsable de ce service est le directeur des affaires foncières, seul susceptible de se voir déléguer des fonctions d'ordonnateur pour émettre des avis de mise en recouvrement portant sur des rappels de droits d'enregistrement, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 64 de la loi organique du 27 février 2004 et l'arrêté n°1518 du conseil des ministres du 31 décembre 1997 portant organisation de la direction des affaires foncières ; 2°) ALORS QUE selon l'article 3 de la délibération n°78-3 du 20 janvier 1978, l'application d'une amende fiscale est prévue uniquement en cas d'insuffisance du prix ou de l'évaluation déclarée excédant 50 % de la valeur retenue ; qu'aucune disposition de cette délibération ne prévoit une amende fiscale de 100 % des rappels de droits d'enregistrement réclamés en cas de défaut de déclaration d'un acte passible de droits d'enregistrement ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'acte d'acquisition des parts de la société Sodeco par M. [X] [C] et la société HTB2 le 9 octobre 2007 n'a pas été soumis à la formalité de l'enregistrement et que le rappel de droits d'enregistrement litigieux a été assorti d'une amende de 100 % du montant de ces droits ; que pour débouter les exposants de leur demande en décharge de ladite amende, la cour a retenu que les sanctions fiscales édictées par l'article 3 susvisé étaient proportionnées aux manquements sanctionnés puisque leur taux était progressif en fonction du montant des droits éludés et que l'adéquation de la sanction infligée à la gravité du comportement incriminé résultait des clauses-mêmes de l'acte litigieux ; qu'en statuant ainsi, bien que les droits réclamés ne soient pas rapportés à une insuffisance de prix ou de l'évaluation déclarée justifiant l'application d'une amende fiscale mais à un défaut d'enregistrement d'un acte d'acquisition de parts sociales soumis à des droits d'enregistrement, pour lequel aucune sanction fiscale n'était prévue, la cour d'appel a violé l'article 3 de la délibération n°78-3 du 20 janvier 1978 ; 3°) ALORS QUE, en tout état de cause, l'article 3-I de la loi du pays n°2005-14 du 12 avril 2006 a modifié l'article 3 alinéa 3 de la délibération n°78-3 du 20 janvier 1978, relatif à l'amende applicable en cas d'insuffisance de prix ou de l'évaluation déclarée excédant 50 % de la valeur reconnue aux biens soumis à des droits d'enregistrement, supprimant l'amende fiscale de 100 % des droits éludés initialement prévue et lui substituant une amende de 40 % en cas de mauvaise foi et de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ; qu'en l'espèce, l'acte d'acquisition des parts de la société Sodeco par M. [C] et la société HTB2 le 9 octobre 2007 n'a pas été soumis à la formalité de l'enregistrement et le rappel de droits d'enregistrement litigieux a été assorti d'une amende de 100 % du montant de ces droits ; que pour débouter les exposants de leur demande de décharge de l'amende fiscale de 100 % infligée à la société HTB2, la cour a estimé que le juge judiciaire était incompétent pour apprécier la légalité du texte critiqué, que les sanctions fiscales édictées par l'article 3 étaient proportionnées aux manquements sanctionnés puisque leur taux était progressif en fonction du montant des droits éludés et que l'adéquation de la sanction infligée à la gravité du comportement incriminé résultait des clauses mêmes de l'acte litigieux ; que pourtant, cette amende de 100 % avait été supprimée par la loi du pays n°2005-14 du avril 2006, publiée au Journal Officiel de la Polynésie française le 13 avril suivant, si bien que la cour d'appel a violé les dispositions de cette loi.
INCA/JURITEXT000046555931.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partiellement sans renvoi M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 650 F-D Pourvoi n° R 21-10.632 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [R] [U], 2°/ Mme [O] [K], épouse [U], domiciliés tous deux [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° R 21-10.632 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Associés patrimoine, société à responsabilité limitée, sous l'enseigne Anthea, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles, ayant toutes deux leur siège [Adresse 2], venant toutes deux aux droits de la société Covea Risks, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [U], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Associés patrimoine, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 novembre 2020), entre 2007 et 2009, M. et Mme [U] (les investisseurs) ont apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d'un programme de défiscalisation conçu par la société DOM-TOM défiscalisation et présenté par la société Associés patrimoine, des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, et leur location, puis ont, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu des réductions d'impôt au titre de ces investissements. 2. L'administration fiscale a remis en cause ces réductions d'impôt par un courrier du 20 décembre 2010, s'agissant de l'investissement réalisé en 2007, décision contre laquelle les investisseurs ont formé un recours devant la juridiction administrative, et par un courrier du 28 octobre 2011, s'agissant de ceux réalisés en 2008 et 2009. 3. Estimant que la société Associés patrimoine avait manqué à ses obligations d'information et de conseil, M. et Mme [U] ont, le 13 juillet 2016, assigné cette société et son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation des préjudices correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux intérêts de retard et majorations mis à leur charge. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen, pris en sa deuxième branche, réunis Enoncé du moyen 4. Par leur premier moyen, pris en sa première branche, M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes contre la société Associés patrimoine, alors « que la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le dommage constitué des impositions supplémentaires mises à la charge de ses clients à raison des manquements d'un conseiller en gestion de patrimoine ou en investissements financiers à ses obligations, n'est pas encore réalisé ; qu'en fixant à la date du 20 décembre 2010, date de notification de la proposition de rectification adressée par l'administration fiscale à M. et Mme [U] au titre de leur investissement réalisé en 2007, le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en responsabilité exercée par M. et Mme [U] le 13 juillet 2016 pour les impositions supplémentaires mises à leur charge en raison d'un manquement de la société Associés patrimoine à ses obligations d'information et de conseil, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » 5. Par leur second moyen, pris en sa deuxième branche, M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes contre les sociétés MMA, alors « que la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le dommage constitué des impositions supplémentaires mises à la charge de ses clients à raison des manquements d'un conseiller en gestion de patrimoine ou en investissements financiers à ses obligations, n'est pas encore réalisé ; qu'en fixant à la date du 20 décembre 2010, date de notification de la proposition de rectification adressée par l'administration fiscale à M. et Mme [U] au titre de leur investissement réalisé en 2007, le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en responsabilité exercée par M. et Mme [U] le 13 juillet 2016 pour les impositions supplémentaires mises à leur charge en raison d'un manquement de la société Associés patrimoine à ses obligations d'information et de conseil, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. Les sociétés MMA contestent la recevabilité du moyen. Elles font valoir que M. et Mme [U] n'ont jamais soutenu que la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, ni qu'à la date de cette notification, le dommage constitué des impositions supplémentaires mises à la charge de ses clients à raison des manquements d'un conseiller en gestion de patrimoine ou en investissements financiers à ses obligations n'est pas encore réalisé. 7. Cependant, le moyen ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, de sorte qu'il est de pur droit. 8. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 2224 du code civil : 9. Il résulte de ce texte que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. La notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le dommage constitué des impositions supplémentaires mises à la charge de ses clients à raison des manquements d'un conseiller en gestion de patrimoine ou en investissements financiers à ses obligations n'est pas encore réalisé. 10. Pour déclarer prescrites les demandes de M. et Mme [U] contre les sociétés Associés patrimoine et MMA, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de notification de la première proposition de rectification, adressée le 20 décembre 2010 par l'administration fiscale, qui leur a donné connaissance du dommage allégué et que le fait qu'ils aient formé des recours pour contester le redressement fiscal ne constitue pas un empêchement légitime d'agir contre la société Associés patrimoine et ses assureurs. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue sur la fin de non-recevoir prise de la prescription, soulevée par la société Associés patrimoine et les sociétés MMA. 14. En premier lieu, il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. Lorsque le contribuable conteste en justice un redressement fiscal, le dommage résultant de ce redressement n'est réalisé qu'à la date à laquelle le recours est rejeté par le juge de l'impôt. 15. Le recours par lequel M. et Mme [U] ont contesté la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu octroyée au titre des investissements réalisés en 2007, ayant été rejeté par jugement d'un tribunal administratif du 2 décembre 2015, le dommage dont ils demandent réparation à ce titre ne s'est réalisé qu'à cette date. 16. En second lieu, c'est le 28 octobre 2011 que l'administration fiscale a adressé à M. et Mme [U] une proposition de rectification au titre des investissements réalisés en 2008 et 2009. 17. M. et Mme [U] ayant assigné le 13 juillet 2016 la société Associés patrimoine et la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA, leur action n'est donc pas prescrite. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi s'agissant de la fin de non-recevoir prise de la prescription de l'action de M. et Mme [U], soulevée par les sociétés Associés patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ; La rejette ; Remet pour le surplus l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne les sociétés Associés patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Associés patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et condamne la société Associés patrimoine à payer à M. et Mme [U] la somme globale de 1 500 euros et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à leur payer la somme globale de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. et Mme [U] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes à l'encontre de la société Associés Patrimoine, 1) ALORS QUE la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le dommage constitué des impositions supplémentaires mises à la charge de ses clients à raison des manquements d'un conseiller en gestion de patrimoine ou en investissements financiers à ses obligations, n'est pas encore réalisé ; qu'en fixant à la date du 20 décembre 2010, date de notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale aux époux [U] au titre de leur investissement réalisé en 2007, le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en responsabilité exercée par les époux [U] le 13 juillet 2016 pour les impositions supplémentaires mises à leur charge en raison d'un manquement de la société Associés Patrimoine à ses obligations d'information et de conseils, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 2) ALORS QUE lorsqu'un recours a été exercé par le contribuable devant les juridictions administratives pour contester un redressement fiscal, le dommage consistant dans les impositions supplémentaires mises à sa charge n'est réalisé de manière certaine qu'à compter de la décision de condamnation prononcée par le juge de l'impôt ; qu'en jugeant, pour déclarer prescrite leur action en responsabilité contre la société Associés Patrimoine, que le recours formé par les époux [U] devant les juridictions administratives pour contester le redressement fiscal ne constituait pas un empêchement légitime qui aurait pu les contraindre à ne pas agir plus tôt, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 3) ALORS QU'en toute hypothèse, en fixant à compter de la notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale le 20 décembre 2010 pour les investissements réalisés en 2007, le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par les époux [U] contre la société Associés Patrimoine en raison du manquement à ses obligations pour les investissements qu'ils avaient réalisés en 2008 et 2009, tout en relevant que pour les investissements réalisés lors des années 2008 et 2009, la notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale datait du 28 octobre 2011 seulement, de sorte qu'avant cette date aucun dommage ne pouvait être caractérisé au titre de ces investissements, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil ; 4) ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute ; qu'en jugeant qu'en tout état de cause c'est à compter de la notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale le 20 décembre 2010 que les époux [U] avaient été informés des manquements de la société Associés Patrimoine à ses obligations, la cour d'appel, en faisant courir la prescription à compter du jour où la faute avait été révélée aux exposants, a violé l'article 2224 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. et Mme [U] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, 1) ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige, tel qu'il s'évince des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, dans le cadre de l'instance d'appel opposant les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux époux [U], l'assureur n'opposait la prescription qu'au titre de l'investissement réalisé en 2007 ; qu'en jugeant irrecevables les demandes formées à l'encontre de l'assureur également au titre des investissements réalisés en 2008 et 2009, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le dommage constitué des impositions supplémentaires mises à la charge de ses clients à raison des manquements d'un conseiller en gestion de patrimoine ou en investissements financiers à ses obligations, n'est pas encore réalisé ; qu'en fixant à la date du 20 décembre 2010, date de notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale aux époux [U] au titre de leur investissement réalisé en 2007, le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en responsabilité exercée par les époux [U] le 13 juillet 2016 pour les impositions supplémentaires mises à leur charge en raison d'un manquement de la société Associés Patrimoine à ses obligations d'information et de conseils, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 3) ALORS QUE lorsqu'un recours a été exercé par le contribuable devant les juridictions administratives pour contester un redressement fiscal, le dommage consistant dans les impositions supplémentaires mises à sa charge n'est réalisé de manière certaine qu'à compter de la décision de condamnation prononcée par le juge de l'impôt ; qu'en jugeant, pour déclarer prescrite leur action en responsabilité contre la société Associés Patrimoine, que le recours formé par les époux [U] devant les juridictions administratives pour contester le redressement fiscal ne constituait pas un empêchement légitime qui aurait pu les contraindre à ne pas agir plus tôt, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 4) ALORS QU'en toute hypothèse, en fixant à compter de la notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale le 20 décembre 2010 pour les investissements réalisés en 2007, le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par les époux [U] contre la société Associés Patrimoine en raison du manquement à ses obligations pour les investissements qu'ils avaient réalisés en 2008 et 2009, tout en relevant que pour les investissements réalisés lors des années 2008 et 2009, la notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale datait du 28 octobre 2011 seulement, de sorte qu'avant cette date aucun dommage ne pouvait être caractérisé au titre de ces investissements, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil ; 5) ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute ; qu'en jugeant qu'en tout état de cause c'est à compter de la notification de la proposition de rectification adressée par l'Administration fiscale le 20 décembre 2010 que les époux [U] avaient été informés des manquements de la société Associés Patrimoine à ses obligations, la cour d'appel, en faisant courir la prescription à compter du jour où la faute avait été révélée aux exposants, a violé l'article 2224 du code civil.
INCA/JURITEXT000046555925.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 644 F-D Pourvoi n° K 21-12.214 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [T] [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-12.214 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Nouméa (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Banque calédonienne d'investissement, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à M. [Y] [P], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [W], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Banque calédonienne d'investissement, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 5 novembre 2020), par un acte du 14 septembre 2015, la société Banque calédonienne d'investissement (la banque) a consenti à la société Cap distribution (la société), un prêt, garanti par les cautionnements de Mme [W] et M. [P], gérants de la société, dans la limite, chacun, de 15 000 000 F CFP. 2. Par acte du 24 juin 2016, la banque a consenti à la société un nouveau prêt, également garanti par les cautionnements solidaires de Mme [W] et M. [P], dans la limite, chacun, de 3 674 238 F CFP. 3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement Mme [W]. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [W] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la banque les sommes de 9 622 814 F CFP, avec intérêts au taux contractuel de 5,8 % l'an à compter du 6 novembre 2017, et de 5 992 573 F CFP, avec intérêts au taux contractuel de 5,2 % l'an à compter du 6 novembre 2017, dans la limite de 3 674 238 F CFP, alors « que Mme [W] soutenait, dans ses conclusions d'appel, que les engagements de caution qu'elle avait souscrits étaient disproportionnés par rapport à ses biens et revenus et que la banque ne pouvait dès lors s'en prévaloir ; qu'en se bornant à énoncer, pour condamner Mme [W] à payer les sommes de 9 622 814 F CFP et de 3 674 238 F CFP à la banque, que Mme [W] était une caution avertie, de sorte que la banque n'avait pas d'obligation de mise en garde à son égard, sans répondre au moyen opérant précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie. » Réponse de la Cour 5. La caution n'articulant aucun autre moyen que celui relatif au manquement de la banque à son devoir de mise en garde, l'arrêt, qui retient que Mme [W] était une caution avertie et en déduit que la banque n'était pas débitrice à son égard d'une obligation de mise en garde, n'encourt pas le grief du moyen. 6. Le grief n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la condamne à payer à la société Banque calédonienne d'investissement la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme [W]. L'arrêt attaqué, critiqué par Mme [W], encourt la censure ; EN CE QU' il a condamné Mme [W] à payer à la Banque Calédonienne d'Investissement les sommes de 9.622.814 F CFP avec intérêts au taux contractuel de 5,8 % l'an à compter du 6 novembre 2017 et de 5.992.573 F CFP avec intérêts au taux contractuel de 5,2 % l'an à compter du 6 novembre 2017, dans la limite de 3.674.238 F CFP ; ALORS QUE Mme [W] soutenait, dans ses conclusions d'appel (p. 7 à 9), que les engagements de caution qu'elle avait souscrits étaient disproportionnés par rapport à ses biens et revenus et que la banque ne pouvait dès lors s'en prévaloir ; qu'en se bornant à énoncer, pour condamner Mme [W] à payer les sommes de 9.622.814 F CFP et de 3.674.238 F CFP à la Banque Calédonienne d'Investissement, que Mme [W] était une caution avertie de sorte que la banque n'avait pas d'obligation de mise en garde à son égard, sans répondre au moyen opérant précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
INCA/JURITEXT000046555919.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 637 F-D Pourvoi n° C 17-26.589 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Groupement Charbonnier Montdiderien, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], société de droit luxembourgeois, a formé le pourvoi n° C 17-26.589 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2017 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société [X], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], anciennement dénommée [X] et Guérard, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Groupement Charbonnier Montdiderien SARL, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la société [X], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 septembre 2017), la société Bunburry, devenue Groupement Charbonnier Montdiderien (la société GCM) a désigné la société [X] et Guérard, devenue la société [X] (la société [X]), en qualité de commissaire aux comptes. La société GCM ayant refusé de régler les honoraires qui lui étaient réclamés au titre des exercices 2006 et 2007, la société [X] a, en application de l'article R. 823-18 du code de commerce, saisi le président d'une compagnie régionale des commissaires aux comptes (la CRCC), aux fins de conciliation. Celui-ci ayant dressé un procès-verbal de non-conciliation, la société [X] a saisi la chambre régionale d'inscription et de discipline des commissaires aux comptes (la CRIDCC), laquelle, par une décision du 7 mai 2009, a fixé les honoraires de la société [X] à certaines sommes. Saisi de l'appel de cette décision par la société GCM, le Haut Conseil du commissariat aux comptes (le H3C) a dit que la saisine de la CRIDCC par la société [X] n'était pas recevable, car tardive, et a rejeté toute autre demande. 2. La société [X] a alors assigné la société GCM devant un tribunal de commerce en paiement de ses honoraires, lequel a, par un jugement du 6 décembre 2012, dit la demande recevable et ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'une nouvelle saisine de la « juridiction ordinale » par la partie la plus diligente. La société [X] a saisi le président de la CRCC d'une nouvelle demande de conciliation, qui a échoué, puis la CRIDCC, laquelle, par une décision du 27 janvier 2015, a dit sa demande irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par la décision précitée du H3C. 3. L'instance a été reprise devant le tribunal de commerce, qui a condamné la société GCM, à payer à la société [X] diverses sommes au titre de ses honoraires sur les exercices 2006 et 2007. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La société GCM fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 12 mai 2016 s'étant déclaré compétent pour statuer au fond du litige et de la condamner à payer à la société [X] les sommes de 11 960 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006, et 4 784 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007, alors « que la décision d'irrecevabilité sur l'action en fixation par le commissaire aux comptes de ses honoraires devant la juridiction ordinale, pour cause de tardiveté, à la suite d'un procès-verbal de non-conciliation, est revêtue de l'autorité de la chose jugée et rend irrecevable toute demande en recouvrement ; que, par décision définitive du 16 décembre 2010, le H3C a dit que la saisine de la CRIDCC par la société [X] n'était pas recevable, ce qui a été confirmé par une autre décision de la CRIDCC du 27 janvier 2015, de sorte que la société [X] ne disposait d'aucune créance susceptible de recouvrement contre la société GCM, et qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1355. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. 6. L'autorité attachée à la décision de la CRIDCC du 27 janvier 2015 ne porte que sur la recevabilité de l'action engagée devant elle par la société [X] aux fins de voir fixer ses honoraires, laquelle n'a pas le même objet que l'action en paiement relevant de la juridiction commerciale. Il suit de là qu'en se prononçant sur cette demande, le tribunal n'a pas méconnu l'autorité de la chose décidée par les instances professionnelles. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, en tant qu'elle fait grief à l'arrêt de condamner la société GCM au paiement des honoraires réclamés par la société [X] Enoncé du moyen 8. La société GCM fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société [X] les sommes de 11 960 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006, et 4 784 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007, alors « que la juridiction de droit commun est compétente pour statuer sur la demande en recouvrement des honoraires formée par un commissaire aux comptes à l'encontre de la personne ou de l'entité contrôlée et doit, en cas de contestation portant sur le montant de ces honoraires, surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la chambre régionale des commissaires aux comptes qui s'impose à la juridiction de droit commun ; que, dans sa décision n° 6 du 27 janvier 2015 CRIDCC, saisie à la suite du jugement de sursis à statuer du 6 décembre 2012 du tribunal de commerce de Nanterre, a déclaré irrecevable la demande de la société [X] en fixation d'honoraires, ce dont il résultait que cette dernière ne pouvait se prévaloir d'aucune créance contre la société GCM, d'où il suit qu'en se déclarant néanmoins compétente pour statuer au fond sur le litige et trancher les contestations émises par la société GCM et la condamner à payer les honoraires demandés par le commissaire aux comptes, la cour d'appel a violé les articles L. 723-1 [lire L. 721-3], L. 832-18 et R. 823-18 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 721-3, L. 823-18 et R. 823-18 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause : 9. Il ressort de la combinaison de ces textes que les instances professionnelles sont seules compétentes pour fixer la rémunération des commissaires aux comptes, tandis que les juridictions de droit commun le sont pour connaître des litiges relatifs à son recouvrement. 10. Pour condamner la société GCM à payer à la société [X] le montant des honoraires réclamés par celle-ci, l'arrêt retient que c'est à bon droit que, après avoir constaté qu'aucune contestation du montant des honoraires réclamés par elle n'avait été formalisée par son adversaire dans les délais légaux impartis devant les « juridictions ordinales » après une tentative infructueuse de conciliation devant le président de la CRCC, la société [X] se déclare aujourd'hui parfaitement recevable à agir en recouvrement de cette créance devant le juge de droit commun, peu important qu'elle ait elle-même été déclarée forclose en sa demande en fixation de ses honoraires par décision du H3C du 16 décembre 2010, puis par décision de la CRIDCC du 27 janvier 2015. 11. En statuant ainsi, après avoir relevé que, dans sa décision du 27 janvier 2015, la CRIDCC avait déclaré irrecevable la demande de la société [X] en fixation d'honoraires, ce dont il résultait que cette dernière ne pouvait se prévaloir d'aucune créance susceptible de recouvrement contre la société GCM, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. Il résulte des constatations des juges du fond que, par décision du 27 janvier 2015, la CRIDCC a déclaré irrecevable la demande de la société [X] en fixation d'honoraires. Il s'ensuit que, faute de décision de l'instance professionnelle sur la fixation des honoraires de commissaire aux comptes, en raison de la forclusion de la demande de la société [X], celle-ci ne justifie pas du montant de sa créance, qu'il n'entre pas dans le pouvoir de la cour d'appel de fixer. 15. La demande en paiement n'est donc pas fondée. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la société [X] les sommes de 11 960 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006, 4 784 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007 et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Rejette la demande de la société [X] ; Condamne la société [X] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Versailles et devant le tribunal de commerce de Nanterre ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [X] et la condamne à payer à la société Groupement Charbonnier Montdiderien la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Groupement Charbonnier Montdiderien SARL, PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 12 mai 2016 s'étant déclaré compétent pour statuer au fond du litige et d'AVOIR condamné la SA Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la SAS [X] les sommes de 11.960 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006 et 4.784 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007 ; AUX MOTIFS QUE vu les articles L. 823-18 et R. 823-18 du code de commerce, ensemble l'article L. 721-3 dudit code dont il ressort notamment que la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes et, en appel, le Haut Conseil du Commissariat aux comptes sont, à titre exclusif, compétents pour connaître de tout litige tenant à la rémunération des commissaires aux comptes ; que tout régime dérogatoire étant d'interprétation stricte, il est de principe que la juridiction de droit commun reste compétente pour statuer sur toute demande en recouvrement d'honoraires formée par un commissaire aux comptes contre l'entité contrôlée sauf, en cas de contestation judiciaire portant sur le montant de ces honoraires, à devoir surseoir à statuer dans l'attente de la décision des instances professionnelles seules habilitées à se prononcer ; qu'il n'y a par ailleurs pour ce qui concerne la recevabilité de la demande litigieuse en recouvrement d'honoraires, aucune infraction au principe de cohérence au sens de ce principe général de droit selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, du seul fait que, dans les circonstances précises de cette espèce, le juge de droit commun s'est déclaré compétent pour statuer au fond sur la demande dont il était saisi après avoir sursis à statuer jusqu'à l'issue de la demande en fixation des honoraires devant les instances professionnelles saisies à l'initiative de la société [X], alors même que cette demande en fixation d'honoraires a été déclarée irrecevable pour cause de tardiveté et que par suite, le bien-fondé de cette même demande n'a pas été examiné, puisque l'articulation des compétences entre la juridiction ordinale et la juridiction de droit commun a ainsi pu être respectée et puisque par ailleurs, il est constant que la société Groupement Charbonnier n'a jamais saisi les instances professionnelles d'une contestation préalable et quoi qu'il en soit, aucun élément ni document porté aux débats ne permet de relever l'existence d'une contestation argumentée du montant des honoraires litigieux préalable à l'instance judiciaire ; qu'il ressort au contraire des éléments soumis par la société [X] que le refus de paiement des honoraires litigieux procède non pas d'une contestation du montant des honoraires mais d'une mise en cause de la responsabilité de ce commissaire aux comptes pour une observation formulée dans le cadre de sa mission légale d'audit sur les comptes consolidés qui, aux dires de l'entité contrôlée, faisait suspecter les méthodes de valorisation qu'elle mettait en oeuvre pour déterminer les actifs nets ; que c'est donc à bon droit que, après avoir constaté qu'aucune contestation du montant des honoraires fixés par elle n'avait été formalisée par son adversaire dans les délais légaux impartis devant les juridictions ordinales après une tentative infructueuse de conciliation devant le président de la chambre régionale des commissaires aux comptes, la société [X] se déclare aujourd'hui parfaitement recevable à agir en recouvrement de cette créance devant le juge de droit commun peu important dans un contexte de cette nature, qu'elle ait elle-même été déclarée forclose en sa demande de fixation par décision du 16 décembre 2010 du Haut Conseil du Commissariat aux comptes, puis le 27 janvier 2015 par la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes de Reims ; qu'il suit de ce qui précède que la société [X] est aujourd'hui recevable à établir le bien-fondé de sa demande en recouvrement de sa créance d'honoraires au titre des exercices 2006 et 2007 de l'entité contrôlée ; que le jugement entrepris sera sur ce point confirmé ; ET AUX MOTIFS QUE sur le mérite de l'action en recouvrement d'honoraires, que c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour retient que les premiers juges ont observé que la société Groupement Charbonnier ne justifie pas de l'existence d'une augmentation sensible des honoraires réclamés au titre des exercices 2005 et 2006 puisque, ainsi que le fait observer justement la société [X], la facture du 19 juin 2006 à laquelle l'appelante se réfère pour procéder à cette comparaison ne se rapporte pas à des honoraires d'audit légal des comptes de l'exercice clos le 30 juin 2005 mais à des "honoraires relatifs à la revue des comptes arrêtés au 31 décembre 2005 et à la distribution de dividendes" et donc, concerne une situation différente de celle intéressant la présente cause ; que justifiant de la nature et de l'ampleur des diligences accomplies dans le cadre de sa mission légale d'audit annuel des comptes, par les documents soumis à la Cour (factures impayées des 18 avril 2007 et 7 mars 2008, tableau des honoraires facturés, rapport général des exercices clos les 30 juin 2006 et 30 juin 2007) comme du respect du barème légal institué par l'article R. 823-12 du code de commerce – voir côte 9 du dossier de l'intimée, lettre de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Reims du 22 mai 2008 énonçant : "la conformité de l'application du barème d'heure par le cabinet [X] chaque fois qu'il est applicable, montre le respect par ce cabinet de nos règles professionnelles en la matière" -, la société [X] sera, pour l'ensemble de ces raisons, déclarée fondée en sa demande en paiement ; ET AUX MOTIFS DU TRIBUNAL QUE suite à la saisine des organes de la juridiction ordinale compétente pour fixer le montant des honoraires des commissaires aux comptes lorsqu'ils sont contestés par un client, comme c'est le cas en l'espèce, à savoir la Chambre Régionale de Discipline des Commissaires aux Comptes, puis en appel le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, ce dernier a rendu une décision le 16 décembre 2010 par laquelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, il : « reçoit l'appel de la société Groupement Charbonnier Montdiderien, dit que la saisine de la chambre régionale de discipline par le cabinet [X] n'est pas recevable, rejette toute autre demande » ; que cette décision s'appuie sur le constat que, conformément à l'article R. 823-18 du code de commerce, la partie la plus diligente disposait d'un délai de quinze jours pour saisir le président de la Chambre régionale de discipline après que la conciliation eut échouée, et qu'en l'espèce, il devait être saisi avant le 26 mai 2008 impérativement ; que [X] ne l'a saisi que le 31 juillet 2008 et, par conséquent, les parties étaient forcloses, l'action devait être déclarée irrecevable ; que suite à cette décision, [X] a saisi une première fois le tribunal de commerce de Nanterre par acte d'huissier du 21 septembre 2010 aux fins d'obtenir le paiement de ses honoraires et que par jugement du 6 décembre 2012, ce tribunal, s'appuyant sur une décision de la Cour de cassation du 9 mars 2010 qu'elle interprète comme permettant une nouvelle saisine de la juridiction ordinale lorsque la contestation persiste, a ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'un recours devant la juridiction ordinale qu'il incombe à la partie la plus diligente d'engager ; que cependant, par décision du 27 janvier 2015, la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes saisie par [X] a déclaré à nouveau sa demande irrecevable aux motifs que la décision devenue définitive du 16 décembre 2010 visée plus haut l'avait déclarée forclose, et qu'elle ne pouvait, en contournant les dispositions de l'article R. 823-18 du code de commerce qui sont d'application stricte, solliciter une nouvelle fois devant la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes la fixation du montant de ses honoraires ; que dans ce contexte [X] a de nouveau saisi le tribunal de commerce de Nanterre d'une demande en paiement de ses honoraires au motif que l'action en contestation étant forclose, les honoraires ne pouvaient plus être discutés ni critiqués par GCM qui n'a jamais saisi la juridiction ordinale, et qu'en conséquence, étant devenue incontestable, elle peut en demander le paiement devant ce tribunal ; que GCM s'y oppose au motif que le montant des honoraires réclamés n'est pas déterminé par les instances professionnelles seules compétentes en la matière puisque la décision rendue dans un premier temps le 7 mai 2009 par la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes avait été anéantie par celle rendue le 16 décembre 2010 par le Haut Conseil du Commissariat aux comptes et que [X] ne peut soutenir que, quelle que soit la décision rendue par la juridiction ordinale, le tribunal de commerce doit statuer sur l'action en paiement des honoraires réclamés ; que dans ces conditions, [X] se retrouve dans une situation où la juridiction ordinale n'ayant pas fait connaître expressément sa position sur le montant des honoraires réclamés puisque la décision qui en traitait a été déclarée irrecevable et que GCM en tire la conclusion que le tribunal de commerce ne pouvant se prononcer sur ce montant, la demande de [X] doit être écartée et [X] appelée à mieux se pourvoir ; que dès lors [X] n'ayant plus de juge auprès de qui faire valoir ses droits, se retrouve victime d'un déni de justice et que, dès lors, notre tribunal doit en traiter ; que pour en décider ainsi, notre tribunal se fondera sur la décision du 9 mars 2010 déjà citée, par laquelle la Cour de cassation a infirmé un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 janvier 2009, rendu sur un jugement du tribunal de commerce de Nanterre, qui, dans une affaire identique de contestation d'honoraires de commissaire aux comptes pour lesquels les deux parties n'avaient pas fait appel de la non-conciliation devant la chambre régionale des commissaires aux comptes, avait déclaré le tribunal de commerce incompétent pour connaître du litige ; qu'en cassant cette décision, la Cour de cassation prônait la solution inverse et renvoyait l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre en prenant soin de préciser « afin qu'il soit statué sur le fond du litige » ; que la non-saisine de la chambre régionale des commissaires aux comptes visée dans la décision de la Cour de cassation, ou la saisine hors délai entraînant la forclusion comme c'est le cas en l'espèce, ont les mêmes conséquences et qu'en application de la décision de la Cour de cassation, ce tribunal doit être reconnu compétent pour statuer sur le fond du litige ; que pour contester le montant des honoraires, GCM expose que [X] n'a pas établi par écrit le plan de mission ni de programme annuel, ni fixé préalablement ses honoraires dont elle soutient que le montant pour l'exercice 2006 a été sensiblement augmenté sans justification par rapport à l'année précédente ; mais qu'il n'est pas contesté que [X] ait été, dans les années antérieures à 2006, le commissaire aux comptes de la société Bunburry devenue Groupement Charbonnier Montdiderien, sans que les factures précédentes aient donné lieu à contestation et que GCM ne fournit pas au tribunal les informations et éléments de preuve d'une augmentation sensible des honoraires réclamés ; qu'en conséquence, le tribunal dira que la créance de [X] est certaine, liquide et exigible et condamnera GCM à payer à [X] la somme de 11.960 € TTC au titre des honoraires sur l'exercice 2006 avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, date de la mise en demeure, et la somme de 4.784 € TTC au titre des honoraires sur l'année 2007, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, date de la saisine du Président de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes près de la cour d'appel de Reims, la note d'honoraires correspondante ayant été adressée à GCM le 7 mars 2008 ; ALORS QUE la décision d'irrecevabilité sur l'action en fixation par le commissaire aux comptes de ses honoraires devant la juridiction ordinale, pour cause de tardiveté, à la suite d'un procès-verbal de non-conciliation, est revêtue de l'autorité de la chose jugée et rend irrecevable toute demande en recouvrement ; que, par décision définitive du 16 décembre 2010 le Haut Conseil du commissariat aux comptes a dit que la saisine de la chambre régionale de discipline par le cabinet [X] n'était pas recevable, ce qui était confirmé par une autre décision de la Chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du 27 janvier 2015, de sorte que celui-ci ne disposait d'aucune créance susceptible de recouvrement contre la société Groupement Charbonnier Montdiderien et qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1355. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 12 mai 2016 s'étant déclaré compétent pour statuer au fond du litige et d'AVOIR condamné la SA Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la SAS [X] les sommes de 11.960 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006 et 4.784 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007 ; AUX MOTIFS QUE vu les articles L. 823-18 et R. 823-18 du code de commerce, ensemble l'article L. 721-3 dudit code dont il ressort notamment que la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes et, en appel, le Haut Conseil du Commissariat aux comptes sont, à titre exclusif, compétents pour connaître de tout litige tenant à la rémunération des commissaires aux comptes ; que tout régime dérogatoire étant d'interprétation stricte, il est de principe que la juridiction de droit commun reste compétente pour statuer sur toute demande en recouvrement d'honoraires formée par un commissaire aux comptes contre l'entité contrôlée sauf, en cas de contestation judiciaire portant sur le montant de ces honoraires, à devoir surseoir à statuer dans l'attente de la décision des instances professionnelles seules habilitées à se prononcer ; qu'il n'y a par ailleurs pour ce qui concerne la recevabilité de la demande litigieuse en recouvrement d'honoraires, aucune infraction au principe de cohérence au sens de ce principe général de droit selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, du seul fait que, dans les circonstances précises de cette espèce, le juge de droit commun s'est déclaré compétent pour statuer au fond sur la demande dont il était saisi après avoir sursis à statuer jusqu'à l'issue de la demande en fixation des honoraires devant les instances professionnelles saisies à l'initiative de la société [X], alors même que cette demande en fixation d'honoraires a été déclarée irrecevable pour cause de tardiveté et que par suite, le bien-fondé de cette même demande n'a pas été examiné, puisque l'articulation des compétences entre la juridiction ordinale et la juridiction de droit commun a ainsi pu être respectée et puisque par ailleurs, il est constant que la société Groupement Charbonnier n'a jamais saisi les instances professionnelles d'une contestation préalable et quoi qu'il en soit, aucun élément ni document porté aux débats ne permet de relever l'existence d'une contestation argumentée du montant des honoraires litigieux préalable à l'instance judiciaire ; qu'il ressort au contraire des éléments soumis par la société [X] que le refus de paiement des honoraires litigieux procède non pas d'une contestation du montant des honoraires mais d'une mise en cause de la responsabilité de ce commissaire aux comptes pour une observation formulée dans le cadre de sa mission légale d'audit sur les comptes consolidés qui, aux dires de l'entité contrôlée, faisait suspecter les méthodes de valorisation qu'elle mettait en oeuvre pour déterminer les actifs nets ; que c'est donc à bon droit que, après avoir constaté qu'aucune contestation du montant des honoraires fixés par elle n'avait été formalisée par son adversaire dans les délais légaux impartis devant les juridictions ordinales après une tentative infructueuse de conciliation devant le président de la chambre régionale des commissaires aux comptes, la société [X] se déclare aujourd'hui parfaitement recevable à agir en recouvrement de cette créance devant le juge de droit commun peu important dans un contexte de cette nature, qu'elle ait elle-même été déclarée forclose en sa demande de fixation par décision du 16 décembre 2010 du Haut Conseil du Commissariat aux comptes, puis le 27 janvier 2015 par la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes de Reims ; qu'il suit de ce qui précède que la société [X] est aujourd'hui recevable à établir le bien-fondé de sa demande en recouvrement de sa créance d'honoraires au titre des exercices 2006 et 2007 de l'entité contrôlée ; que le jugement entrepris sera sur ce point confirmé ; ET AUX MOTIFS QUE sur le mérite de l'action en recouvrement d'honoraires, que c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour retient que les premiers juges ont observé que la société Groupement Charbonnier ne justifie pas de l'existence d'une augmentation sensible des honoraires réclamés au titre des exercices 2005 et 2006 puisque, ainsi que le fait observer justement la société [X], la facture du 19 juin 2006 à laquelle l'appelante se réfère pour procéder à cette comparaison ne se rapporte pas à des honoraires d'audit légal des comptes de l'exercice clos le 30 juin 2005 mais à des "honoraires relatifs à la revue des comptes arrêtés au 31 décembre 2005 et à la distribution de dividendes" et donc, concerne une situation différente de celle intéressant la présente cause ; que justifiant de la nature et de l'ampleur des diligences accomplies dans le cadre de sa mission légale d'audit annuel des comptes, par les documents soumis à la Cour (factures impayées des 18 avril 2007 et 7 mars 2008, tableau des honoraires facturés, rapport général des exercices clos les 30 juin 2006 et 30 juin 2007) comme du respect du barème légal institué par l'article R. 823-12 du code de commerce – voir côte 9 du dossier de l'intimée, lettre de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Reims du 22 mai 2008 énonçant : "la conformité de l'application du barème d'heure par le cabinet [X] chaque fois qu'il est applicable, montre le respect par ce cabinet de nos règles professionnelles en la matière" -, la société [X] sera, pour l'ensemble de ces raisons, déclarée fondée en sa demande en paiement ; ET AUX MOTIFS DU TRIBUNAL QUE suite à la saisine des organes de la juridiction ordinale compétente pour fixer le montant des honoraires des commissaires aux comptes lorsqu'ils sont contestés par un client, comme c'est le cas en l'espèce, à savoir la Chambre Régionale de Discipline des Commissaires aux Comptes, puis en appel le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, ce dernier a rendu une décision le 16 décembre 2010 par laquelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, il : « reçoit l'appel de la société Groupement Charbonnier Montdiderien, dit que la saisine de chambre régionale de discipline par le cabinet [X] n'est pas recevable, rejette toute autre demande » ; que cette décision s'appuie sur le constat que, conformément à l'article R. 823-18 du code de commerce, la partie la plus diligente disposait d'un délai de quinze jours pour saisir le président de la Chambre régionale de discipline après que la conciliation eut échouée, et qu'en l'espèce, il devait être saisi avant le 26 mai 2008 impérativement ; que [X] ne l'a saisi que le 31 juillet 2008 et, par conséquent, les parties étaient forcloses, l'action devait être déclarée irrecevable ; que suite à cette décision, [X] a saisi une première fois le tribunal de commerce de Nanterre par acte d'huissier du 21 septembre 2010 aux fins d'obtenir le paiement de ses honoraires et que par jugement du 6 décembre 2012, ce tribunal, s'appuyant sur une décision de la Cour de cassation du 9 mars 2010 qu'elle interprète comme permettant une nouvelle saisine de la juridiction ordinale lorsque la contestation persiste, a ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'un recours devant la juridiction ordinale qu'il incombe à la partie la plus diligente d'engager ; que cependant, par décision du 27 janvier 2015, la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes saisie par [X] a déclaré à nouveau sa demande irrecevable aux motifs que la décision devenue définitive du 16 décembre 2010 visée plus haut l'avait déclaré forclose, et qu'elle ne pouvait, en contournant les dispositions de l'article R. 823-18 du code de commerce qui sont d'application stricte, solliciter une nouvelle fois devant la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes la fixation du montant de ses honoraires ; que dans ce contexte [X] a de nouveau saisi le tribunal de commerce de Nanterre d'une demande en paiement de ses honoraires au motif que l'action en contestation étant forclose, les honoraires ne pouvaient plus être discutés ni critiqués par GCM qui n'a jamais saisi la juridiction ordinale, et qu'en conséquence, étant devenue incontestable, elle peut en demander le paiement devant ce tribunal ; que GCM s'y oppose au motif que le montant des honoraires réclamés n'est pas déterminé par les instances professionnelles seules compétentes en la matière puisque la décision rendue dans un premier temps le 7 mai 2009 par la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes avait été anéantie par celle rendue le 16 décembre 2010 par le Haut Conseil du Commissariat aux comptes et que [X] ne peut soutenir que, quelle que soit la décision rendue par la juridiction ordinale, le tribunal de commerce doit statuer sur l'action en paiement des honoraires réclamés ; que dans ces conditions, [X] se retrouve dans une situation où la juridiction ordinale n'ayant pas fait connaître expressément sa position sur le montant des honoraires réclamés puisque la décision qui en traitait a été déclarée irrecevable et que GCM en tire la conclusion que le tribunal de commerce ne pouvant se prononcer sur ce montant, la demande de [X] doit être écartée et [X] appelée à mieux se pourvoir ; que dès lors [X] n'ayant plus de juge auprès de qui faire valoir ses droits, se retrouve victime d'un déni de justice et que, dès lors, notre tribunal doit en traiter ; que pour en décider ainsi, notre tribunal se fondera sur la décision du 9 mars 2010 déjà citée, par laquelle la Cour de cassation a infirmé un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 janvier 2009, rendu sur un jugement du tribunal de commerce de Nanterre, qui, dans une affaire identique de contestation d'honoraires de commissaire aux comptes pour lesquels les deux parties n'avaient pas fait appel de la non-conciliation devant la chambre régionale des commissaires aux comptes, avait déclaré le tribunal de commerce incompétent pour connaître du litige ; qu'en cassant cette décision, la Cour de cassation prônait la solution inverse et renvoyait l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre en prenant soin de préciser « afin qu'il soit statué sur le fond du litige » ; que la non saisine de la chambre régionale des commissaires aux comptes visée dans la décision de la Cour de cassation, ou la saisine hors délai entraînant la forclusion comme c'est le cas en l'espèce, ont les mêmes conséquences et qu'en application de la décision de la Cour de cassation, ce tribunal doit être reconnu compétent pour statuer sur le fond du litige ; que pour contester le montant des honoraires, GCM expose que [X] n'a pas établi par écrit le plan de mission ni de programme annuel, ni fixé préalablement ses honoraires dont elle soutient que le montant pour l'exercice 2006 a été sensiblement augmenté sans justification par rapport à l'année précédente ; mais qu'il n'est pas contesté que [X] ait été, dans les années antérieures à 2006, le commissaire aux comptes de la société Bunburry devenue Groupement Charbonnier Montdiderien, sans que les factures précédentes aient donné lieu à contestation et que GCM ne fournit pas au tribunal les informations et éléments de preuve d'une augmentation sensible des honoraires réclamés ; qu'en conséquence, le tribunal dira que la créance de [X] est certaine, liquide et exigible et condamnera GCM à payer à [X] la somme de 11.960 € TTC au titre des honoraires sur l'exercice 2006 avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, date de la mise en demeure, et la somme de 4.784 € TTC au titre des honoraires sur l'année 2007, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, date de la saisine du Président de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes près de la cour d'appel de Reims, la note d'honoraires correspondante ayant été adressée à GCM le 7 mars 2008 ; ALORS D'UNE PART QUE la juridiction de droit commun est compétente pour statuer sur la demande en recouvrement des honoraires formée par un commissaire aux comptes à l'encontre de la personne ou de l'entité contrôlée et doit, en cas de contestation portant sur le montant de ces honoraires, surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la chambre régionale des commissaires aux comptes qui s'impose à la juridiction de droit commun ; que, dans sa décision n° 6 du 27 janvier 2015, la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes, saisie à la suite du jugement de sursis à statuer du 6 décembre 2012 du tribunal de commerce de Nanterre, a déclaré irrecevable la demande de la société [X] en fixation d'honoraires, ce dont il résultait que cette dernière ne pouvait se prévaloir d'aucune créance contre la société Groupement Charbonnier Montdiderien, d'où il suit qu'en se déclarant néanmoins compétente pour statuer au fond sur le litige et trancher les contestations émises par la société Groupement Charbonnier Montdiderien et la condamner à payer les honoraires demandés par le commissaire aux comptes, la cour d'appel a violé les articles L. 723-1, L. 832-18 et R 823-18 du code de commerce ; ALORS D'AUTRE PART QU'en affirmant qu'il ressortait des éléments fournis par la société [X] que le refus de paiement des honoraires litigieux procédait non pas d'une contestation du montant des honoraires mais d'une mise en cause de la responsabilité du commissaire aux comptes, sans s'expliquer sur la lettre du 14 septembre 2007 (pièce d'appelant n° 6) aux termes de laquelle la société Bunburry contestait les honoraires demandés au titre de l'année 2006 en raison d'une augmentation n'ayant fait l'objet d'aucun accord préalable ni sur la décision n° 39 du 7 mai 2009 dans laquelle la Chambre Régionale de Discipline des Commissaires aux comptes rappelait cette contestation (p. 3, al. 4 in fine), toutes circonstances rappelées par l'appelante (concl. p. 2), la cour d'appel a privé de motifs sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS ENFIN QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que le refus de payement des honoraires litigieux ne procédait pas d'une contestation du montant des honoraires mais d'une remise en cause de la responsabilité du commissaire aux comptes, puis en tranchant des contestations sans rapport avec une éventuelle responsabilité du commissaire aux comptes, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555900.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Sursis à statuer M. CHAUVIN, président Arrêt n° 762 F-D Pourvoi n° T 21-16.476 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [K] [S], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 21-16.476 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [S], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 4 mars 2021), par acte notarié du 4 décembre 2009, la société Banque populaire d'Alsace, aux droits de laquelle se trouve la société Banque populaire d'Alsace Lorraine Champagne (la banque), a consenti à Mme [S] (l'emprunteur) un prêt immobilier en francs suisses, garanti par une hypothèque et comportant une clause de soumission à l'exécution forcée immédiate. 2. A la suite du défaut de paiement des échéances de ce prêt, la banque a délivré à l'emprunteur un commandement aux fins de vente forcée. 3. Le 17 février 2020, le tribunal de l'exécution forcée en matière immobilière a ordonné la vente forcée des immeubles garantis, fixé le montant de la créance de la banque et commis un notaire pour précéder à l'adjudication. 4. L'emprunteur a formé un pourvoi immédiat. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. L'emprunteur fait grief à l'arrêt d'ordonner l'adjudication forcée des immeubles inscrits au bureau foncier de [Localité 7] pour avoir paiement de certaines sommes, de commettre un notaire pour procéder à l'adjudication publique et dire que l'ordonnance tiendrait lieu de saisie des immeubles et que le bureau foncier de [Localité 7] serait requis d'inscrire la mention de vente forcée, alors : « 1°/ que le juge écarte d'office l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ; qu'est abusive la clause d'un prêt, conclu entre un établissement prêteur professionnel et un consommateur, par laquelle le créancier s'autorise, en raison d'un manquement du débiteur à son obligation de rembourser une seule échéance du prêt au jour prévu, de prononcer la déchéance du terme sans mise en demeure préalable et immédiatement, sans préavis d'une durée raisonnable ni mécanisme de nature à permettre la régularisation d'un tel retard de paiement ; que selon l'article 4 des conditions générales du prêt conclu entre l'emprunteur et la banque, « si bon semble à la Banque, toutes les sommes restant dues au titre du prêt en principal, majorées des intérêts échus et non payés deviennent immédiatement exigibles, sans sommation ni mise en demeure et malgré toutes offres et consignations ultérieures en cas de non-paiement d'une échéance à bonne date » ; qu'en n'écartant pas d'office l'application d'une telle clause, qui revêtait un caractère abusif, la cour d'appel a violé les articles L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, devenu L. 212-1 du même code depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et R. 632-1 du code de la consommation ; 2°/ qu'il est fait obligation au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que la lettre du 6 août 2019 adressée par la banque à madame [S], par laquelle cette dernière était mise en demeure de régler sous huitaine la somme totale de 73 775,56 euros, ne prononçait pas la déchéance du terme mais se bornait à rappeler que « le défaut de régularisation des impayés de notre créance de prêt dans les délais impartis a entraîné l'exigibilité immédiate de l'intégralité des sommes restant dues au titre dudit prêt » ; qu'en retenant pourtant que cette mise en demeure comportait déchéance du terme, quand elle constatait que la lettre du 17 juillet 2019 adressée par la banque à l'emprunteur mettait en demeure cette dernière de régler les sommes de 1 266,34 euros au titre des échéances impayées du prêt et 67 204,03 euros au titre du capital restant dû du prêt, d'où il résultait que la déchéance du terme avait déjà été prononcée sans mise en demeure préalable dès le 17 juillet 2019, la cour d'appel, qui a dénaturé la lettre du 6 août 2019, a méconnu le principe susmentionné. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. 6. L'article 4 de cette directive dispose : « 1. Sans préjudice de l'article 7, le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend. 2. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. » 7. Par arrêt du 26 janvier 2017 (aff. C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que les articles 3, § 1 et 4 de la directive 93/13 devaient être interprétés en ce sens que : « - l'examen du caractère éventuellement abusif d'une clause d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur implique de déterminer si celle-ci crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Cet examen doit être effectué au regard des règles nationales qui, en l'absence d'accord des parties, trouvent à s'appliquer, des moyens dont le consommateur dispose, en vertu de la réglementation nationale, pour faire cesser l'utilisation de ce type de clauses, de la nature des biens ou des services qui font l'objet du contrat en cause ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de celui-ci ; [...] - s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt. » 8. Par arrêt du 16 juin 2021 (pourvoi n° 20-12.154), la Cour de cassation a saisi la CJUE des questions préjudicielles suivantes : 1°) Les articles 3, §§ 1 et 4, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent, dans les contrats conclus avec les consommateurs, à une dispense conventionnelle de mise en demeure, même si elle est prévue de manière expresse et non équivoque au contrat ? 2°) L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14, doit-il être interprété en ce sens qu'un retard de plus de trente jours dans le paiement d'un seul terme en principal, intérêts ou accessoires peut caractériser une inexécution suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt et de l'équilibre global des relations contractuelles ? 3°) Les articles 3, §§ 1 et 4, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une clause prévoyant que la déchéance du terme peut être prononcée en cas de retard de paiement de plus de trente jours lorsque le droit national, qui impose l'envoi d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, admet qu'il y soit dérogé par les parties en exigeant alors le respect d'un préavis raisonnable ? 4°) Les quatre critères dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14), pour l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, sont-ils cumulatifs ou alternatifs ? 5°) Si ces critères sont cumulatifs, le caractère abusif de la clause peut-il néanmoins être exclu au regard de l'importance relative de tel ou tel critère ? 9. En l'espèce, pour caractériser l'exigibilité de la créance de la banque et ordonner la vente forcée, la cour d'appel a fait application de la clause du contrat dispensant l'organisme prêteur de toute mise en demeure ou sommation préalable au prononcé de la déchéance du terme consécutive au défaut de paiement d'une seule échéance à la date prévue. 10. Au regard des griefs formulés par le moyen et des questions préjudicielles précitées, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution du présent pourvoi, de sorte qu'il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de celle-ci. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; SURSOIT à statuer sur le pourvoi principal jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ; Renvoie la cause et les parties à l'audience du 13 décembre 2022 ; Réserve les dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme [S], demanderesse au pourvoi principal. Madame [S] fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir ordonné l'adjudication forcée des immeubles inscrits au bureau foncier de [Localité 7], sur la commune de [Localité 6] au nom de madame [K] [S], en biens propres, cadastrés section 2 nos [Cadastre 3] et [Cadastre 2], pour avoir paiement des sommes de 68 957,25 euros en principal, 79,95 euros au titre des intérêts déjà courus, 500 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et 520,96 euros au titre des frais d'huissier, soit une somme totale de 70 058,16 euros, d'avoir commis pour procéder à l'adjudication publique et pour diligenter la procédure maître [D], notaire à [Localité 5], son remplaçant ou son successeur, par-devant lequel seraient discutées les modalités de la vente et la mise à prix, d'avoir dit que l'ordonnance tiendrait lieu de saisie des immeubles et d'avoir dit que le bureau foncier de [Localité 7] (commune de [Localité 6]) serait requis d'inscrire la mention de vente forcée ; 1°) Alors que le juge écarte d'office l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ; qu'est abusive la clause d'un prêt, conclu entre un établissement prêteur professionnel et un consommateur, par laquelle le créancier s'autorise, en raison d'un manquement du débiteur à son obligation de rembourser une seule échéance du prêt au jour prévu, de prononcer la déchéance du terme sans mise en demeure préalable et immédiatement, sans préavis d'une durée raisonnable ni mécanisme de nature à permettre la régularisation d'un tel retard de paiement ; que selon l'article 4 des conditions générales du prêt conclu entre madame [S] et la Banque Populaire Alsace, « si bon semble à la Banque, toutes les sommes restant dues au titre du prêt en principal, majorées des intérêts échus et non payés deviennent immédiatement exigibles, sans sommation ni mise en demeure et malgré toutes offres et consignations ultérieures en cas de non-paiement d'une échéance à bonne date » ; qu'en n'écartant pas d'office l'application d'une telle clause, qui revêtait un caractère abusif, la cour d'appel a violé les articles L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, devenu L. 212-1 du même code depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, et R. 632-1 du code de la consommation ; 2°) Alors qu'il est fait obligation au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que la lettre du 6 août 2019 adressée par la banque à madame [S], par laquelle cette dernière était mise en demeure de régler sous huitaine la somme totale de 73 775,56 euros, ne prononçait pas la déchéance du terme mais se bornait à rappeler que « le défaut de régularisation des impayés de notre créance de prêt dans les délais impartis a entraîné l'exigibilité immédiate de l'intégralité des sommes restant dues au titre dudit prêt » ; qu'en retenant pourtant que cette mise en demeure comportait déchéance du terme (arrêt, p. 3, § 7), quand elle constatait que la lettre du 17 juillet 2019 adressée par la banque à madame [S] mettait en demeure cette dernière de régler les sommes de 1 266,34 euros au titre des échéances impayées du prêt et 67 204,03 euros au titre du capital restant dû du prêt (arrêt, p. 3, § 7), d'où il résultait que la déchéance du terme avait déjà été prononcée sans mise en demeure préalable dès le 17 juillet 2019, la cour d'appel, qui a dénaturé la lettre du 6 aout 2019, a méconnu le principe susmentionné. Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, demanderesse au pourvoi incident. La Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réduit l'indemnité forfaitaire à la somme de 500 € ; alors 1/ que la banque réclamait une indemnité forfaitaire de 4 738,36 € sur le fondement d'une stipulation des conditions particulières du prêt d'après laquelle tout terme impayé à échéance serait converti en euros et les sommes restant dues produiraient intérêts de retard à un taux fixe égal au dernier Euribor 3 mois connu à la date de la conversion, majoré d'une marge fixe égale à celle retenue pour le calcul du taux conventionnel initial ; que pour réduire à 500 € le montant de l'indemnité réclamée, la cour d'appel a dit que le prêt prévoyait une indemnité forfaitaire de 7 %du capital restant dû, manifestement excessive eu égard au taux d'intérêt appliqué ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fondé sa décision de réduction sur la clause d'indemnité forfaitaire de 7 % prévue aux conditions générales, et non sur la clause des conditions particulières en vertu de laquelle la banque réclamait une somme de 4 738,36 €, s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, violant ainsi l'article 1152 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 ; alors 2/ que pour apprécier le caractère manifestement excessif de la clause pénale, le juge doit comparer la peine et le préjudice réellement subi par le créancier ; que pour réduire le montant de l'indemnité forfaitaire réclamée, la cour d'appel a dit que le contrat de prêt prévoyait une indemnité forfaitaire de 7 % du capital restant dû, ce qui apparaissait manifestement excessif eu égard au taux d'intérêt appliqué ; qu'en se déterminant ainsi, sans comparer le montant réclamé sur le fondement de la clause pénale et le préjudice réellement subi par la banque du fait de la défaillance de la débitrice, la cour d'appel a violé l'article 1152 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 ; alors 3/ que le juge ne peut réduire le montant d'une clause pénale en-deçà du préjudice effectivement subi par le créancier ; qu'en réduisant à 500 € l'indemnité forfaitaire réclamée par la banque, sans vérifier si ce montant correspondait à tout le moins au préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article 1152 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.
INCA/JURITEXT000046555914.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rectification erreur matérielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 774 F-D Requête n° Z 20-20.503 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La troisième chambre civile de la Cour de cassation se saisit d'office, conformément à l'article 462 du code de procédure civile, en vue de la rectification d'erreur matérielle de l'arrêt n° 881 F-D rendu le 15 décembre 2021 sur le pourvoi n° Z 20-20.503 en cassation partielle d'un arrêt rendu le 22 juin 2020 par la cour d'appel de Basse-Terre. Le dossier a été communiqué au procureur général . Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [V], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre, La troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Vu l'article 462 du code de procédure civile : Vu l'avis donné aux parties : 1. Une erreur matérielle a été commise dans la rédaction de l'arrêt n° 881 F-D du 15 décembre 2021, pourvoi n° Z 20-20.503, en ce que, dans le dispositif, la cassation a été prononcée, sauf, notamment, sur la déclaration de recevabilité et de bien fondé de la demande en revendication formulée par M. [B] sur le lot 451, alors qu'il résulte des motifs de l'arrêt que la cassation a été prononcée sur ces chefs. 2. Il y a lieu de réparer cette erreur en retranchant la mention erronée du dispositif. PAR CES MOTIFS, la Cour : RECTIFIE l'arrêt n° 881 F-D du 15 décembre 2021 ; REMPLACE «  CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel interjeté par M. [X] [B], rejette la demande d'injonction de production de pièces formée par M. [B] devant la cour, déclare sans portée la demande présentée par M. [B] aux fins de constat de l'annulation de la vente conclue le 2 juillet 2008 entre la société Buildinvest et M. [V] portant sur le lot 451 appartement 4120 sis [Adresse 1], et déclare recevable et bien fondée la demande en revendication formulée par M. [B] sur le lot 451 appartement 4120 sis [Adresse 1], l'arrêt rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre » ; par : « CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel interjeté par M. [X] [B], rejette la demande d'injonction de production de pièces formée par M. [B] devant la cour, déclare sans portée la demande présentée par M. [B] aux fins de constat de l'annulation de la vente conclue le 2 juillet 2008 entre la société Buildinvest et M. [V] portant sur le lot 451 appartement 4120 sis [Adresse 1], l'arrêt rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre » ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; DIT que le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rectifié ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555915.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 775 F-D Pourvoi n° R 21-19.740 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [X] [S], domicilié [Adresse 3], 2°/ Mme [P] [S], domiciliée [Adresse 1], 3°/ Mme [H] [L], domiciliée [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° R 21-19.740 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Débit de Tabacs Dragacci, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [S] et Mmes [L] et [S], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Débit de Tabacs Dragacci, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 mars 2021), le 29 juillet 2016, Mme [L], M. [S] et Mme [S] (les bailleurs), propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail à la société Débit de tabac Dragacci (la locataire) lui ont délivré, d'une part, un congé avec offre de renouvellement moyennant un nouveau loyer, et, d'autre part, un commandement, visant la clause résolutoire, de remettre les locaux en l'état. 2. La locataire a accepté le principe du renouvellement du bail, mais a contesté le montant du loyer proposé, puis a assigné les bailleurs en constatation du renouvellement du bail commercial. 3. Les bailleurs ont demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Les bailleurs font grief à l'arrêt de dire que le bail commercial liant les parties a été renouvelé et de fixer le loyer du bail renouvelé à une certaine somme, alors « que la renonciation à un droit ne se présume pas ; elle ne peut résulter que de circonstances établissant de façon non équivoque la volonté de renoncer, non de l'inaction du créancier ; qu'en jugeant que les bailleurs, qui avaient le même jour délivré un congé avec offre de renouvellement et un commandement visant la clause résolutoire pour infraction aux clauses du bail, avaient renoncé à faire valoir la résiliation aux motifs inopérants qu'ils n'auraient « pas entendu se prévaloir du jeu de la clause résolutoire à la suite de la délivrance du commandement : le procès-verbal de constat dressé le 2 septembre 2016 ne peut, en effet, suffire à manifester une telle volonté dès lors qu'ils n'ont aucunement fait savoir à la SNC Débit de tabac Dragacci qu'ils entendaient se prévaloir de la résiliation, mais ont laissé le bail se poursuivre en encaissant les loyers, et n'ont présenté leur demande sur ce fondement que de manière reconventionnelle, suite à l'introduction de la présente instance » ; et qu'« en revanche, le preneur a fait connaître aux bailleurs son accord pour le renouvellement dès le 8 mars 2017, tout en formulant une proposition de loyer distincte et en suivant la procédure en cas de désaccord sur ce point », ce qui ne caractérise nullement la renonciation sans équivoque du bailleur à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé le principe susvisé au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble de l'article L 145-41 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Ayant retenu, par motifs adoptés, que les griefs invoqués au commandement n'étaient pas démontrés, la cour d'appel a, par ses seuls motifs, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] et Mmes [L] et [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et Mmes [L] et [S] et les condamne à payer à la société Débit de Tabac Dragacci la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [S] et Mmes [L] et [S] Monsieur [X] [S], Madame [P] [S] et Madame [H] [L] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le bail commercial liant les parties a été renouvelé le 1er avril 2017 pour une durée de neuf années renouvelables, dans les mêmes conditions générales que le bail précédent ; et d'avoir dit que le loyer actualisé est désormais fixé annuellement à hauteur de 15 600 €, soit 1 300 € payables mensuellement ; ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas ; elle ne peut résulter que de circonstances établissant de façon non équivoque la volonté de renoncer, non de l'inaction du créancier ; qu'en jugeant que les bailleurs, qui avaient le même jour délivré un congé avec offre de renouvellement et un commandent visant la clause résolutoire pour infraction aux clauses du bail, avaient renoncé à faire valoir la résiliation aux motifs inopérants qu'ils n'auraient « pas entendu se prévaloir du jeu de la clause résolutoire à la suite de la délivrance du commandement : le procès-verbal de constat dressé le 2 septembre 2016 ne peut, en effet, suffire à manifester une telle volonté dès lors qu'ils n'ont aucunement fait savoir à la SNC Débit de tabac Dragacci qu'ils entendaient se prévaloir de la résiliation, mais ont laissé le bail se poursuivre en encaissant les loyers, et n'ont présenté leur demande sur ce fondement que de manière reconventionnelle, suite à l'introduction de la présente instance » ; et qu'« en revanche, le preneur a fait connaître aux bailleurs son accord pour le renouvellement dès le 8 mars 2017, tout en formulant une proposition de loyer distincte et en suivant la procédure en cas de désaccord sur ce point », ce qui ne caractérise nullement la renonciation sans équivoque du bailleur à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé le principe susvisé au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble de l'article L 145-41 du code de commerce.
INCA/JURITEXT000046555901.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 763 F-D Pourvoi n° K 21-17.205 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [O] [U], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 21-17.205 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Johnson controls Hitachi air conditioning Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Entreprise Cassan, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [U], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Entreprise Cassan, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [U] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Johnson controls Hitachi air conditioning Europe. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 avril 2021), suivant devis acceptés les 18 et 19 novembre 2014, M. [U] a confié à la société Entreprise Cassan des travaux de plomberie comprenant l'installation d'une pompe à chaleur. 3. Invoquant un retard dans l'exécution des travaux et le dysfonctionnement de l'installation, M. [U] a fait opposition à l'ordonnance l'ayant enjoint de payer à la société Entreprise Cassan le solde du prix des travaux. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. [U] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à la société Entreprise Cassan au titre du solde du prix des travaux et de rejeter sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, alors « que, dans le cas où le contrat n'indique pas le délai dans lequel il doit être exécuté, il appartient au juge de fixer un délai raisonnable d'exécution ; que M. [O] [U] soutenait que la société Entreprise Cassan n'avait pas exécuté ses obligations dans un délai raisonnable ; qu'en s'abstenant de fixer ce délai raisonnable puis de rechercher si la société Entreprise Cassan l'a respecté, la cour d'appel, qui se borne à souligner, de façon inopérante, que M. [O] [U] « ne verse aux débat qu'un mail en date du 16 août 2016 », lequel fait « état de ses doléances auprès de la » société Entreprise Cassan, a violé l'article 1147 ancien du code civil. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'en l'absence de stipulation d'un délai d'exécution, l'entreprise est tenue de livrer les travaux qui lui ont été confiés dans un délai raisonnable dont le point de départ est la date du devis. 7. Selon l'article 1146 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée, les dommages-intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante. 8. Ayant retenu que M. [U] ne justifiait pas que l'entreprise s'était engagée à exécuter les travaux dans un certain délai et qu'aucune mise en demeure n'avait été adressée à celle-ci, la cour d'appel n'a pu que rejeter la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U] et le condamne à payer à la société Entreprise Cassan la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. [U]. M. [O] [U] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de l'action qu'il formait contre la société Entreprise Cassan pour : . voir dire légitime l'exception d'inexécution qu'il lui a opposée, . la voir débouter de sa demande en paiement, . la voir condamner à procéder au remplacement de la pompe à chaleur qu'elle lui a fournie par du matériel neuf, . la voir condamner à procéder à l'achèvement de travaux visés dans les deux devis du 31 octobre 2014, . la voir condamner à lui payer une indemnité de 10 000 €, 1. ALORS QUE, dans le cas où le contrat n'indique pas le délai dans lequel il doit être exécuté, il appartient au juge de fixer un délai raisonnable d'exécution ; que M. [O] [U] soutenait que la société Entreprise Cassan n'avait pas exécuté ses obligations dans un délai raisonnable ; qu'en s'abstenant de fixer ce délai raisonnable puis de rechercher si la société Entreprise Cassan l'a respecté, la cour d'appel, qui se borne à souligner, de façon inopérante, que M. [O] [U] « ne verse aux débat qu'un mail en date du 16 août 2016 », lequel fait « état de ses doléances auprès de la » société Entreprise Cassan, a violé l'article 1147 ancien du code civil ; 2. ALORS QUE, conformément à l'article L. 211-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au mois d'octobre 2014, le fournisseur et installateur d'une pompe à chaleur doit livrer à son contractant une pompe à chaleur conforme au contrat ; que M. [O] [U], s'appuyant sur les constatations de l'expert (ses conclusions d'appel, p. 9, 1er attendu), faisait valoir que « malgré le fait que le matériel acquis par [lui] soit toujours sous garantie les pièces défectueuses de la pompe à chaleur n'ont pas été remplacées par des pièces neuves, mais exclusivement par des pièces d'occasion, ou, à tout le moins, par des pièces prétendument "reprogrammées", ce qui ne saurait être accepté, la facture faisant état de matériel neuf » (ses conclusions d'appel, p. 9, 2e attendu), « que c'est donc à tort que le premier juge a considéré que le paiement était dû alors même que le produit fourni ne correspond pas à la commande en ce qu'il n'est pas neuf et surtout ne fonctionne pas » (ses conclusions d'appel , p. 9, 3e alinéa), et que « M. [U] sollicite la condamnation sous astreinte de la sa Entreprise Cassan à procéder au remplacement de la pompe à chaleur défectueuse par du matériel neuf permettant son bon fonctionnement » (ses conclusions, p. 11, § 1, 1er attendu) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile:
INCA/JURITEXT000046555903.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 765 F-D Pourvoi n° D 21-21.408 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [T] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-21.408 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Pyrénées-Gascogne, Société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme [O], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées-Gascogne, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 14 janvier 2021), le 2 décembre 2010, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque) a consenti à M. [E] et Mme [O] trois prêts immobiliers. 2. M. [E] a été placé en liquidation judiciaire le 5 décembre 2016. 3. Le 27 juin 2017, après avoir prononcé la déchéance du terme des prêts, la banque a assigné en paiement Mme [O]. En appel, celle-ci a invoqué le manquement de la banque à son devoir de mise en garde et demandé des dommages-intérêts. La banque a soulevé la prescription de cette demande. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [O] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en responsabilité qu'elle avait formée contre la banque au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde et de la condamner à payer certaines sommes augmentées des intérêts de retard, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité d'une caution à l'encontre du créancier, pour manquement à son obligation de mise en garde, doit être fixé, non au jour de la conclusion du prêt, mais au jour du défaut de paiement ; qu'en fixant ce point de départ au jour de la conclusion du prêt, sinon à la date où les premières difficultés de remboursement sont apparues en 2011, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 2224 du code civil que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement. 6. La cour d'appel a relevé que des difficultés de remboursement des prêts immobiliers étaient apparues dès 2011 et que Mme [O] avait formé une demande reconventionnelle en indemnisation par conclusions notifiées le 9 décembre 2018. 7. Il en résulte que l'action en responsabilité formée par Mme [O] à l'égard de la banque au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde est irrecevable comme prescrite. 8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [O] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme [O]. Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'action en responsabilité qu'elle avait formée contre la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE, pour manquement à son devoir de mise en garde et de l'AVOIR condamnée à payer les sommes de 193.507,80 € augmentée des intérêts de retard au taux conventionnel de 3,30% à compter du 26 janvier 2017, de 47.999,78 € augmentée des intérêts de retard au taux conventionnel variable applicable à compter du 26 janvier 2017 et de 3.459,14 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017 ; ALORS QUE le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité d'une caution à l'encontre du créancier, pour manquement à son obligation de mise en garde, doit être fixé, non au jour de la conclusion du prêt, mais au jour du défaut de paiement ; qu'en fixant ce point de départ au jour de la conclusion du prêt, sinon à la date où les premières difficultés de remboursement sont apparues en 2011, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.
INCA/JURITEXT000046555902.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 764 F-D Pourvoi n° K 21-17.366 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° K 21-17.366 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [P] [K], 2°/ à Mme [W] [E], épouse [K], domiciliés tous deux [Adresse 2], [Localité 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, de la SCP Richard, avocat de M. [K], de Mme [E], après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 mars 2021), par acte authentique du 31 juillet 2007, la société Crédit immobilier de France Pays de la Loire, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. [M] et Mme [E] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers. 2. Le 23 mai 2017, poursuivant le recouvrement du solde de sa créance au titre de ces prêts à la suite du divorce des emprunteurs, de la liquidation judiciaire de M. [M] et de la vente du bien acquis au moyen des prêts, la banque a assigné Mme [E] et son époux, M. [K], en licitation d'un immeuble que ceux-ci avaient acquis en indivision. Mme [E] et M. [K] ont invoqué l'irrecevabilité de l'action de la banque en raison de la prescription. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande, alors « qu'il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer ; qu'il s'ensuit que le magistrat chargé du rapport qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries doit appartenir à la formation qui délibère ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'affaire a été débattue devant Mme Claude Antoni, conseillère et que cette dernière a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de trois magistrats : M. Jean-Pierre Franco, président, Mme [W] Brieu, conseiller et M. Emmanuel Chiron, conseiller ; qu'en l'état de ces mentions, la décision a été rendue par une formation de jugement ne comprenant pas le magistrat devant lequel l'affaire avait été plaidée, en violation des articles 447 et 458 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 447 et 458 du code de procédure civile : 4. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à peine de nullité, il appartient aux juges, devant lesquels l'affaire a été débattue, d'en délibérer. Il s'ensuit que le magistrat chargé du rapport, qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries, doit appartenir à la formation qui délibère de l'affaire. 5. Il résulte des énonciations de l'arrêt que l'affaire a été débattue devant un seul magistrat, chargé du rapport, lequel n'a pas participé au délibéré. 6. Dès lors, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ; Condamne M. et Mme [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France développement. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le Crédit immobilier de France développement fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable sa demande ; 1/ ALORS QU'il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer ; qu'il s'ensuit que le magistrat chargé du rapport qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries doit appartenir à la formation qui délibère ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'affaire a été débattue devant Mme Claude Antoni, conseillère et que cette dernière a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de trois magistrats : M. Jean-Pierre Franco, président, Mme [W] Brieu, conseiller et M. Emmanuel Chiron, conseiller ; qu'en l'état de ces mentions, la décision a été rendue par une formation de jugement ne comprenant pas le magistrat devant lequel l'affaire avait été plaidée, en violation des articles 447 et 458 du code de procédure civile ; 2/ ALORS en tout état de cause QUE les jugements sont, à peine de nullité, rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; qu'en l'espèce, à supposer même que Mme [L] [Y] ait participé au délibéré, la cour d'appel était alors composée du président et de trois conseillers, soit d'un nombre pair de magistrats ; qu'en se prononçant ainsi en méconnaissance de la règle de l'imparité, la cour a violé les articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 121-2 et L. 312-1 du code de l'organisation judiciaire. SECOND MOYEN DE CASSATION Le Crédit immobilier de France développement fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré sa demande irrecevable ; 1/ ALORS QUE l'action en licitation a pour objet d'obtenir le partage du bien en indivision, et ne tend pas au recouvrement d'une créance ; qu'en énonçant que l'action en licitation était soumise à la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble par refus d'application, l'article 2224 du code civil ; 2/ ALORS QU' en retenant, pour déclarer irrecevable la demande, l'existence d'une déchéance du terme au 17 août 2015 du fait qu'aucune procédure judiciaire n'avait été exercée, après avoir constaté que le CIFD avait délivré un commandement aux fins de saisie vente avec commandement de payer la somme de 20.562,19 € qui avait donné lieu à un jugement du 2 juin 2014, qu'une procédure judiciaire avait été engagée, le bien en indivision entre les deux emprunteurs ayant été mis en vente à la demande du mandataire judiciaire de M. [M], cette ordonnance ayant été versée aux débats par les époux [K] eux-mêmes, et que par ordonnance du 6 novembre 2013, le juge-commissaire avait autorisé la vente du bien indivis, laquelle était intervenue le 29 février 2016, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation ; 3/ ALORS QUE le Crédit immobilier de France développement faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les courriers du 17 août 2015 n'étaient pas des courriers de déchéance du terme mais des courriers simplement préalables à l'inscription au FICP ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4/ ALORS QU'en s'abstenant de répondre au moyen tiré de ce que la déchéance du terme n'avait pas été prononcée par un courrier mais était résulté de la vente du bien indivis, intervenue le 29 février 2016, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 5/ ALORS QUE le juge ne peut relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable la demande, sur l'absence de déclaration de créance au passif de M. [M], sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qui n'avait pas été invoqué par les parties, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile.
INCA/JURITEXT000046555912.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 772 F-D Pourvoi n° J 21-20.516 Aide juridictionnelle partielle en demande au profit de Mme [C]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 3 juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [B] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-20.516 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (2ème chambre), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1], dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic, la société Agda Andréoléty, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme [C], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 novembre 2020), le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier 63 eaux claires (le syndicat des copropriétaires) a assigné Mme [C], copropriétaire en paiement de charges et de provisions échues devenues exigibles. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [C] fait grief à l'arrêt de la condamner aux dépens de l'instance d'appel, comprenant les frais de la mise en demeure et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, distraits au profit de son avocat, alors « que les frais nécessaires exposés par le syndicat des copropriétaires pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ne sont pas compris dans les dépens ; qu'en la condamnant, au titre des dépens, à payer les frais de la mise en demeure du 16 janvier 2019 et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel a violé l'article 695 du code de procédure civile, ensemble l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Le syndicat des copropriétaires conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est contraire aux conclusions d'appel de Mme [C]. 5. Cependant, dans ses conclusions, Mme [C], qui sollicitait que son compte de copropriétaire soit, après leur annulation, expurgé de l'ensemble des frais de contentieux, ne prétendait pas que les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 seraient compris dans les dépens. 6. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 10-1, a), de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et 695 du code de procédure civile : 7. Aux termes du premier de ces textes, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur. 8. Selon le second, les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution sont limitativement énumérés. 9. L'arrêt condamne Mme [C] aux dépens de l'instance d'appel, comprenant les frais de la mise en demeure du 16 janvier 2019, et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, distraits au profit de son avocat. 10. En statuant ainsi, alors que les frais mentionnés à l'article 10-1, a), de la loi du 10 juillet 1965, qui comprennent les frais de mise en demeure, ne constituent pas des dépens, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Les frais mentionnés à l'article 10-1, a), de la loi du 10 juillet 1965 n'étant pas compris dans les dépens, il y a lieu de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de condamnation de Mme [C] aux dépens en ce qu'ils incluent de tels frais. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que les dépens de l'instance d'appel comprennent les frais de la mise en demeure du 16 janvier 2019, et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, distraits au profit de son avocat, l'arrêt rendu le 17 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier 63 Eaux claires de condamnation de Mme [C] aux dépens mais seulement en ce qu'ils comprennent les frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ; Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier 63 Eaux claires aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour Mme [C] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [B] [C] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir ordonner l'annulation des 2 672,79 euros de frais de contentieux déjà imputés et de l'avoir condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 15 216,02 euros au titre de l'arriéré de charges échues au 1er septembre 2019 et au titre des provisions devenues exigibles avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2019, avec capitalisation des intérêts par année entière à compter du 12 avril 2019 ; ALORS QUE le copropriétaire défaillant ne peut être condamné, sur le fondement de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, qu'au paiement de provisions dues au titre de dépenses courantes ou de travaux, de sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes, et de cotisations du fonds de travaux ; qu'en l'espèce, Mme [C] demandait que soient soustraits de la somme réclamée par le syndicat des copropriétaires les frais liés au recouvrement de la créance, et notamment les frais « AFR », les frais « AFC », les frais « AFA » ; qu'en condamnant Mme [C] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 15 216,02 euros au titre de l'arriéré de charges échues au 1er septembre 2019 et au titre des provisions devenues exigibles, sans rechercher si cette somme ne comprenait pas des frais liés au recouvrement de la créance, qui ne relevaient pas des provisions ou sommes susceptibles de faire l'objet d'une condamnation au titre de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version issue de la loi du 23 novembre 2018. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [B] [C] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée aux dépens de l'instance d'appel, comprenant les frais de la mise en demeure du 16 janvier 2019, et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, distraits au profit de Me Claire Perottino, avocat ; 1°) ALORS QUE les frais nécessaires exposés par le syndicat des copropriétaires pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ne sont pas compris dans les dépens ; qu'en condamnant Mme [C], au titre des dépens, à payer les frais de la mise en demeure du 16 janvier 2019 et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel a violé l'article 695 du code de procédure civile, ensemble l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge doit trancher le litige qui lui est soumis ; que les parties étaient en désaccord sur le montant des sommes pouvant être mises à la charge de Mme [C] au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, Mme [C] faisant valoir que les frais de relance, les frais « AFR », les frais « AFC » et les frais « AFA », dont le syndicat des copropriétaires lui demandait le remboursement sur le fondement de ce texte, sans toutefois produire les factures correspondantes, n'étaient pas justifiés et nécessaires ; qu'en condamnant Mme [C] à payer « les frais de la mise en demeure du 16 janvier 2019, et plus généralement les frais énumérés par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 » sans préciser la nature ou le montant de ces frais, la cour d'appel, qui a refusé de trancher la contestation qui lui était soumise, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation de l'article 4 du code civil.
INCA/JURITEXT000046555906.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 765 FS-D Pourvois n° E 21-20.466 M 21-20.817 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 I- La ville de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 21-20.466 contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Flandinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. II- La société Flandinvest, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° M 21-20.817 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la Ville de [Localité 4], 2°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° E 21-20.466 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° M 21-20.817 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires, les observations de de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 4], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Centre [Localité 4] et Flandinvest, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 21-20.817 et E 21-20.466 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 4], 6 mai 2021, n° RG 20/18846), le 29 juin 2017, le maire de [Localité 4] a assigné les sociétés Flandinvest et Centre [Localité 4], respectivement propriétaire et gestionnaire d'un appartement situé dans un immeuble parisien, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué cet appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° M 21-20.817 Enoncé du moyen 3. La société Flandinvest fait grief à l'arrêt de retenir qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de la condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et était exclue de la catégorie "hébergement hôtelier" ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en "habitation" ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, "de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation", qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, "ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière" et que "les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre P comme professionnelle)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en "habitation" avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés. 5. Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements et a souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation. 6. Sans être tenue d'effectuer une recherche inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi n° E 21-20.466 Enoncé du moyen 8. La Ville de [Localité 4] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Centre [Localité 4], alors : « 1°/ qu'en application des articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société Centre [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651- 2 du Code de la construction et de l'habitation ; 2°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 3°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société Flandinvest, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 4°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article L. 631-7, alinéa 1er, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. 10. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article. 11. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile. 12. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte. 13. Ainsi, celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plate-forme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2. 14. Ayant constaté que la société Centre [Localité 4] avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se voir reprocher d'en avoir changé l'usage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° E 21-20.466 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de [Localité 4] L'arrêt attaqué, critiqué par la VILLE de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a débouté la VILLE de [Localité 4] de sa demande de condamnation de la SARL CENTRE [Localité 4] à une amende civile ; ALORS QUE, PREMIÈREMENT, en application des articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société CENTRE [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société FLANDINVEST, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, QUATRIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation Moyen produit au pourvoi n° M 21-20.817 par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Flandinvest La société Flandinvest fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la Ville de [Localité 4] une amende de 20 000 euros ; ALORS QUE pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et était exclue de la catégorie « hébergement hôtelier » ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en « habitation » ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, « de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation », qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, « ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière » et que « les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre « P » comme professionnelle) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en « habitation » avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
INCA/JURITEXT000046555907.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 766 FS-D Pourvois n° H 21-20.468 N 21-20.818 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 I- La ville de [Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 4] et dont la Direction des affaires juridiques est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 21-20.468 contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Centre Paris, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Flandinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. II- La société Flandinvest, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° N 21-20.818 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la Ville de [Localité 5], 2°/ à la société Centre Paris, société à responsabilité limitée, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° H 21-20.468 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° N 21-20.818 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 5], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Centre Paris et Flandinvest, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaire, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 21-20.818 et H 21-20.468 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2021, n° RG 20/18850), le 29 juin 2017, le maire de Paris a assigné les sociétés Flandinvest et Centre Paris, respectivement propriétaire et gestionnaire d'un appartement situé dans un immeuble parisien, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué cet appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° N 21-20.818 Enoncé du moyen 3. La société Flandinvest fait grief à l'arrêt de retenir qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de la condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 5], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et était exclue de la catégorie "hébergement hôtelier" ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en "habitation" ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 5], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, "de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation", qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, "ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière" et que "les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre P comme professionnelle)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en "habitation" avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés. 5. Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements et a souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation. 6. Sans être tenue d'effectuer une recherche inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi n° H 21-20.468 Enoncé du moyen 8. La Ville de [Localité 5] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Centre Paris, alors : « 1°/ qu'en application des articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société Centre Paris était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651- 2 du Code de la construction et de l'habitation ; 2°/ qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 3°/ qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société Flandinvest, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 4°/ qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article L. 631-7, alinéa1er, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. 10. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article. 11. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile. 12. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte. 13. Ainsi, celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2. 14. Ayant constaté que la société Centre Paris avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se voir reprocher d'en avoir changé l'usage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° H 21-20.468 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de [Localité 5] L'arrêt attaqué, critiqué par la VILLE de [Localité 5], encourt la censure ; EN CE QU'il a débouté la VILLE de [Localité 5] de sa demande de condamnation de la SARL CENTRE PARIS à une amende civile ; ALORS QUE, PREMIÈREMENT, en application des articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société CENTRE PARIS était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société FLANDINVEST, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, QUATRIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation Moyen produit au pourvoi n° N 21-20.818 par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Flandinvest La société Flandinvest fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la Ville de [Localité 5] une amende de 20 000 euros ; ALORS QUE pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 5], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et était exclue de la catégorie « hébergement hôtelier » ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en « habitation » ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 5], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, « de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation », qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, « ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière » et que « les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre « P » comme professionnelle) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en « habitation » avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
INCA/JURITEXT000046555913.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Irrecevabilité Mme TEILLER, président Arrêt n° 773 F-D Pourvoi n° U 21-22.848 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Isaphie, société civile immobilière, dont le siège est 6 rue Auguste Buisson, 92250 La Garenne-Colombes, a formé le pourvoi n° U 21-22.848 contre le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal de proximité de [Localité 3], dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], représenté par son syndic le cabinet Century 21 Beaurepaire, domicilié [Adresse 1], [Localité 3], défendeur à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Isaphie, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] [Localité 3], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre, La troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Recevabilité du pourvoi examinée d'office Vu l'article 605 du code de procédure civile : 1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé. 2. Le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort. 3. La société civile immobilière Isaphie s'est pourvue en cassation contre un jugement qui a été rendu en premier ressort. 4. En conséquence, le pourvoi n'est pas recevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ; Condamne la société civile immobilière Isaphie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Isaphie et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555905.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 764 FS-D Pourvois n° D 21-20.465 J 21-20.815 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 I. la ville de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-20.465 contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Flandinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. II. La société Flandinvest, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° J 21-20.815 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la ville de [Localité 4], 2°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° D 21-20.465 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° J 21-20.815 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la ville de [Localité 4], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Flandinvest et de la société Centre [Localité 4], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mmes Schmitt et Gallet conseillers référendaires rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 21-20.815 et D 21-20.465 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2021, n° RG 20/18845), le 29 juin 2017, le maire de [Localité 4] a assigné les sociétés Flandinvest et Centre [Localité 4], respectivement propriétaire et gestionnaire d'un appartement situé dans un immeuble parisien, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué cet appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° J 21-20.815 Enoncé du moyen 3. La société Flandinvest fait grief à l'arrêt de retenir qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de la condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et était exclue de la catégorie "hébergement hôtelier" ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en "habitation" ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, "de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation", qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, "ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière" et que "les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre P comme professionnelle)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en "habitation" avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés. 5. Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements et a souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation. 6. Sans être tenue d'effectuer une recherche inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi n° D 21-20.465 Enoncé du moyen 8. La Ville de [Localité 4] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Centre [Localité 4], alors : « 1°/ qu'en application des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société Centre [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 3°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société Flandinvest, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 4°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article L. 631-7, alinéa 1er, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. 10. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article. 11. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile. 12. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte. 13. Ainsi, celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2. 14. Ayant constaté que la société Centre [Localité 4] avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se voir reprocher d'en avoir changé l'usage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la ville de [Localité 4] (demanderesse au pourvoi n° D 21-20.465) L'arrêt attaqué, critiqué par la VILLE de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a débouté la VILLE de [Localité 4] de sa demande de condamnation de la SARL CENTRE [Localité 4] à une amende civile ; ALORS QUE, PREMIÈREMENT, en application des articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société CENTRE [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société FLANDINVEST, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, QUATRIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Flandinvest (demanderesse au pourvoi n° J 21-20.815) La société Flandinvest fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la Ville de [Localité 4] une amende de 20 000 euros ; ALORS QUE pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et était exclue de la catégorie « hébergement hôtelier » ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en « habitation » ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, « de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation », qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, « ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière » et que « les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre « P » comme professionnelle) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en « habitation » avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
INCA/JURITEXT000046555911.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 771 F-D Pourvoi n° T 21-18.914 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [S] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-18.914 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [W] [P], domicilié [Adresse 3], 2°/ à M. [V] [I], domicilié [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [E], de la SARL Corlay, avocat de MM. [P] et [I], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 avril 2021), Mme [E] a acquis les parcelles cadastrées [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 15] par un acte du 21 mars 2007 mentionnant, au titre du rappel des servitudes, que les parties sud-ouest et sud de la parcelle [Cadastre 6] servent de chemin d'accès, respectivement, au fonds cadastré [Cadastre 10] à [Cadastre 12] et aux propriétés attenantes, notamment, aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9]. 2. Mme [E] a assigné en dénégation de servitude et en interdiction de passage M. [I], propriétaire de plusieurs terrains agricoles et, notamment, de la parcelle cadastrée [Cadastre 14], ainsi que M. [P] qui les exploite en qualité de preneur à bail rural. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 3. Mme [E] fait grief à l'arrêt de constater que M. [I] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], alors « que le juge ne peut retenir l'existence d'un fait spécialement contesté par l'une des parties par voie de simple affirmation, sans viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour justifier son existence ; qu'en se bornant à affirmer qu'un jugement d'adjudication de 1853 avait créé, au profit de la parcelle [Cadastre 14] appartenant à M. [I], une servitude de passage affectant la parcelle cadastrée [Cadastre 6] de Mme [E], quand ce jugement grevait d'une servitude de passage les cinquième, sixième et septième divisions (de l')article treize de la métairie et de la dépendance de la Cour de Souil, sans viser aucun élément de preuve duquel il serait ressorti que l'une de ces divisions de l'immeuble adjugé, fonds servants, était devenue la parcelle cadastrée [Cadastre 6] sur laquelle le passage était revendiqué, ce que l'exposante contestait, rappelant que l'expert avait tenu ce jugement pour inexploitable en raison de l'impossibilité d'identifier les fonds en cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. 5. Pour reconnaître l'existence d'une servitude conventionnelle grevant la parcelle [Cadastre 6], l'arrêt relève qu'un acte d'adjudication du 16 janvier 1853 a institué un droit de passage dans les termes suivants : « article 19 Les cinquième, sixième et septième divisions du dit article treize souffriront au bout du midi un droit de passage de six mètres de largeur au profit [...] 4°) de l'article 33 le pré des chambres section D n° 376 » et en déduit que cet acte prévoit que ces divisions supportent une servitude de passage en leur midi pour permettre l'accès notamment à la parcelle [Cadastre 13], aujourd'hui cadastrée [Cadastre 14] tel qu'il ressort de l'examen des plans cadastraux et appartenant à M. [I]. 6. En statuant ainsi, sans donner aucun motif établissant que la parcelle [Cadastre 6] est issue des divisions supportant la servitude de passage instituée par l'acte du 16 janvier 1853, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. Mme [E] fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans ses dernières conclusions, Mme [E] soutenait que la parcelle cadastrée [Cadastre 6] ne pouvait être grevée de la servitude de passage rappelée dans son acte d'acquisition au profit des parcelles de M. [I] dès lors qu'aucune n'y était attenante ; qu'en se fondant, pour juger que M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur le rappel, dans l'acte d'acquisition de Mme [E], d'une servitude, ainsi rédigée : la partie sud de la parcelle [Cadastre 6] sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2], sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 9. Pour reconnaître l'existence d'une servitude conventionnelle grevant la parcelle [Cadastre 6], l'arrêt retient que les termes de l'acte 21 mars 2007 mentionnant, au titre du rappel des servitudes, que sa partie sud sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9], ne restreignent pas aux deux parcelles désignées l'usage de la parcelle [Cadastre 6] en tant que chemin d'accès. 10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [E], qui soutenait que les terres appartenant à M. [I] ne sont pas attenantes à la parcelle [Cadastre 6] dont elle est propriétaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que M. [I] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6] appartenant à Mme [N], l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ; Condamne MM. [I] et [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [I] et [P] et les condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [E] Mme [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que M. [V] [I] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], propriété de Mme [S] [E] ; 1°) ALORS QUE le titre récognitif doit faire référence au titre constitutif de la servitude ; qu'en se fondant, pour juger M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur le rappel, dans l'acte d'acquisition de Mme [E], d'une servitude, ainsi rédigé : « la partie sud de la parcelle [Cadastre 6] sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2] » (cet acte, p. 8, reproduit par l'arrêt, p. 10, al. 5) cependant qu'il résultait de ses propres constatations que cet acte ne faisait pas référence au titre constitutif de cette servitude, de sorte qu'il ne pouvait valoir titre recognitif de la servitude revendiquée, la cour d'appel a violé l'article 695 du code civil ; 2°) ALORS QUE, dans ses dernières conclusions, Mme [E] soutenait que la parcelle cadastrée [Cadastre 6] ne pouvait être grevée de la servitude de passage rappelée dans son acte d'acquisition au profit des parcelles de M. [I] dès lors qu'aucune n'y était « attenante » ; qu'en se fondant, pour juger que M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur le rappel, dans l'acte d'acquisition de Mme [E], d'une servitude, ainsi rédigée : « la partie sud de la parcelle [Cadastre 6] sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2] », sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par un titre, qui ne peut être remplacé que par un titre recognitif ; qu'en se fondant, pour juger M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur un passage du rapport d'expertise, relatant l'opinion que l'expert s'était faite de la configuration et de l'usage des lieux (arrêt, p. 10, al. 7), quand de telles considérations, au demeurant imprécises, étaient impropres à établir l'existence de la servitude revendiquée, la cour d'appel a violé les articles 691 et 695 du code civil ; 4°) ALORS QUE le juge ne peut retenir l'existence d'un fait spécialement contesté par l'une des parties par voie de simple affirmation, sans viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour justifier son existence ; qu'en se bornant à affirmer qu'un jugement d'adjudication de 1853 avait créé, au profit de la parcelle [Cadastre 14] appartenant à M. [I], une servitude de passage « affectant » la parcelle cadastrée [Cadastre 6] de Mme [E] (arrêt, p. 11), quand ce jugement grevait d'une servitude de passage les « cinquième, sixième et septième divisions (de l')article treize » de « la métairie et de la dépendance de la Cour de Souil » (ce jugement p. 6 et 1), sans viser aucun élément de preuve duquel il serait ressorti que l'une de ces « divisions » de l'immeuble adjugé, fonds servants, était devenue la parcelle cadastrée [Cadastre 6] sur laquelle le passage était revendiqué, ce que l'exposante contestait, rappelant que l'expert avait tenu ce jugement pour inexploitable en raison de l'impossibilité d'identifier les fonds en cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE l'acte du 15 juin 1923 instituait une servitude de passage au profit de la « propriété du bois du four », qui « s'exercer(ait) sur un chemin (?) en tant qu'il dépend(ait) des propriétés des vendeurs comparants de la manière suivante, savoir », notamment, « Le milieu de la propriété des consorts [C], cadastrée section [Cadastre 13] (ladite propriété coupée en deux par ce chemin) » (cet acte, p. 4) : qu'en jugeant que la servitude constituée par cet acte « profitait » notamment à la parcelle [Cadastre 13], devenue la parcelle cadastrée [Cadastre 14], appartenant à M. [I], quand il en ressortait clairement que cette parcelle était l'un des fonds servants de la servitude instituée par cet acte, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 6°) ALORS QUE l'acte du 15 juin 1923 instituait une servitude de passage grevant, notamment, « L'extrémité midi de la propriété des consorts [T], section [Cadastre 11] et [Cadastre 4] » (cet acte, p. 4) ; qu'en jugeant que la servitude constituée par cet acte grevait la parcelle [Cadastre 6], appartenant à Mme [E], dès lors que les consorts [T]-[B], dont la « parcelle (était) affectée » de cette servitude, étaient ses auteurs (arrêt, p. 11, al. 7), quand l'acte limitait clairement l'assiette de la servitude aux parcelles « section [Cadastre 11] et [Cadastre 4] » des consorts [T] qui, selon ses propres constatations souveraines, étaient devenues les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2] (arrêt, p. 11, al. 3), la cour d'appel a dénaturé cet acte, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 7°) ALORS QU'une servitude est un droit réel établi au profit d'un fonds et non en faveur d'une personne ; qu'en jugeant que M. [I] bénéficiait d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], la cour d'appel a violé l'article 686 du code civil.
INCA/JURITEXT000046555910.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 770 F-D Pourvoi n° U 21-17.259 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [Z] [Y], veuve [B], 2°/ Mme [H] [B], 3°/ M. [R] [B], 4°/ M. [D] [B], tous quatre domiciliés [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° U 21-17.259 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant à M. [O] [M], domicilié [Adresse 7], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de Me Balat, avocat des consorts [B], de la SCP Richard, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 22 mars 2021), par partage du 20 juillet 1982, [K] [B] s'est vu attribuer les parcelles cadastrées BW n° [Cadastre 1] et BW n° [Cadastre 2], laquelle a fait l'objet d'une division en deux parcelles cadastrées BW n° [Cadastre 3] et BW n° [Cadastre 4]. 2. Au décès de [K] [B] le 3 septembre 2005, il s'est révélé que cette dernière parcelle était, pour partie, occupée par M. [M], son cousin, qui y avait fait construire une maison d'habitation. 3. Après expertise ordonnée en référé, les consorts [B] ont assigné M. [M] en évaluation du prix de la portion de terrain occupée, en indemnisation de la privation de jouissance subie et en expulsion. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Les consorts [B] font grief à l'arrêt de dire que M. [M] a acquis un droit de superficie sur les constructions, ouvrages et plantations édifiés sur la portion de 1 575 mètres carrés provenant de la parcelle cadastrée BW n° [Cadastre 4] et de rejeter leurs demandes, alors : « 1°/ que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous et que cette présomption de propriété au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive ; qu'il en résulte que le droit de superficie, s'il n'est pas acquis par voie de prescription, ne peut résulter que d'un titre émanant du propriétaire de la parcelle ; qu'une autorisation d'occupation ne peut s'analyser comme un titre de propriété constitutif d'un droit de superficie ; qu'en l'espèce, pour se déterminer, la cour d'appel s'est bornée à constater que M. [O] [M] avait bénéficié le 11 août 1982 de la caution de [K] [B], propriétaire de la parcelle litigieuse, dans le cadre d'un prêt destiné à financer la construction par lui d'un bien immobilier sur cette parcelle, ce dont elle a déduit que, justifiant d'une possession conforme à l'accord qui lui a été donné, il était en mesure se prévaloir d'un droit de superficie ; qu'en se déterminant ainsi par un motif manifestement impropre à caractériser l'existence d'un titre conférant un droit de superficie à M. [O] [M], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 552 et 553 du code civil ; 2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'acte du 11 août 1982 constitue [K] [B] en qualité de caution, apportant sa garantie au remboursement d'un prêt destiné à financer la construction par M. [O] [M] d'un bien immobilier sur la parcelle litigieuse ; qu'en affirmant que, par cet acte, [K] [B] avait renoncé au bénéfice de l'accession et conféré à M. [O] [M] un droit de superficie relativement à cette parcelle, la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation du principe susvisé. » Réponse de la Cour 5. Sans dénaturation, la cour d'appel a, d'une part, souverainement retenu que, par une stipulation introduite dans l'acte de garantie hypothécaire du 11 août 1982, [K] [B] avait consenti à son cousin l'autorisation de construire, sur la parcelle lui appartenant, une maison d'habitation que M. [M] avait édifiée pour son propre compte et à ses frais au moyen d'un prêt qui lui avait été accordé sous le bénéfice de cette sûreté. 6. Elle a, d'autre part, constaté, qu'à compter de cette date et jusqu'au décès de [K] [B], M. [M] avait toujours occupé cette maison, justifiant ainsi d'une possession paisible conforme à l'accord. 7. Ayant souverainement déduit de ces constatations que [K] [B] avait cédé à son cousin un droit de superficie et renoncé au bénéfice de l'accession, elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] [Y] veuve [B], Mme [H] [B] et MM. [R], [D] [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour les consorts [B] Les consorts [B] reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. [M] avait acquis un droit de superficie sur les constructions, ouvrages et plantations édifiés sur la portion de 1.575 m² telle que délimitée par M. [W], géomètre, selon projet du 23 juillet 1984 provenant de la parcelle cadastrée BW [Cadastre 4] située au [Adresse 6] ayant appartenu à [K] [B] et de les avoir déboutés de leur demande d'indemnité pour privation de jouissance de cette parcelle et d'expulsion de M. [M] ; ALORS, D'UNE PART, QUE la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous et que cette présomption de propriété au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive ; qu'il en résulte que le droit de superficie, s'il n'est pas acquis par voie de prescription, ne peut résulter que d'un titre émanant du propriétaire de la parcelle ; qu'une autorisation d'occupation ne peut s'analyser comme un titre de propriété constitutif d'un droit de superficie ; qu'en l'espèce, pour se déterminer, la cour d'appel s'est bornée à constater que M. [O] [M] avait bénéficié le 11 août 1982 de la caution de [K] [B], propriétaire de la parcelle litigieuse, dans le cadre d'un prêt destiné à financer la construction par lui d'un bien immobilier sur cette parcelle, ce dont elle a déduit que, justifiant « d'une possession conforme à l'accord qui lui a été donné », il était en mesure se prévaloir d'un droit de superficie (arrêt attaqué, p. 9, alinéas 5 à 7) ; qu'en se déterminant ainsi par un motif manifestement impropre à caractériser l'existence d'un titre conférant un droit de superficie à M. [O] [M], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 552 et 553 du code civil ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'acte du 11 août 1982 constitue [K] [B] en qualité de caution, apportant sa garantie au remboursement d'un prêt destiné à financer la construction par M. [O] [M] d'un bien immobilier sur la parcelle litigieuse ; qu'en affirmant que, par cet acte, [K] [B] avait renoncé au bénéfice de l'accession et conféré à M. [O] [M] un droit de superficie relativement à cette parcelle (arrêt attaqué, p. 9, alinéas 5 à 7), la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation du principe susvisé.
INCA/JURITEXT000046555904.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Désistement M. CHAUVIN, président Arrêt n° 766 F-D Pourvoi n° A 21-13.562 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [Y] [P], 2°/ Mme [T] [R] [N], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° A 21-13.562 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige les opposant à Mme [D] [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [P] et de Mme [R] [N], de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 9 septembre 2022, la SCP Foussard-Froger, avocat à la Cour de cassation, a déclaré, au nom de M. [P] et Mme [R] [N], se désister purement et simplement du pourvoi formé par ces derniers contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Nîmes. 2. En application de l'article 1026, alinéa 2, du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par un arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour : DONNE ACTE à M. [P] et Mme [R] [N] du désistement total de leur pourvoi ; Condamne M. [P] et Mme [R] [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
INCA/JURITEXT000046555909.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 769 F-D Pourvoi n° P 21-16.449 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [YP] [M], 2°/ M. [KI] [MM] [M], domiciliés tous deux [Adresse 4], 3°/ Mme [NF] [TU] [M], 4°/ M. [O] [XE], 5°/ Mme [PE] [XE], 6°/ Mme [S] [H], épouse [L], 7°/ Mme [C] [RP], épouse [R], domiciliés [Adresse 5], 8°/ Mme [K] [H] dite [VA], domiciliée [Adresse 5], 9°/ Mme [ZI] [M], domiciliée[Adresse 5], 10°/ M. [F] [M], domicilié[Adresse 1], 11°/ Mme [VT] [U] [DS], 12°/ M. [LU] [DS] domiciliés tous deux [Localité 2], 13°/ Mme [XX] [NA], domiciliée [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° P 21-16.449 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre des terres), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [D] [I], domicilié [Adresse 5], 2°/ à Mme [LB] [W] [A], épouse [IE], domiciliée [Localité 2], 3°/ à Mme [B] [WR], épouse [OL], domiciliée [Adresse 9], 4°/ à Mme [HL] [NY], veuve [GF], domiciliée [Adresse 5], 5°/ à Mme [N] [J], épouse [BN], domiciliée [Adresse 5], 6°/ à Mme [Y] [X] [SI], épouse [P], domiciliée [Adresse 3], 7°/ à Mme [V] [Z], épouse [T], domiciliée [Adresse 7], 8°/ à M. [G] [EB], domicilié [Adresse 10], 9°/ à M. [BL] [UM], domicilié [Adresse 8], 10°/ à M. [GT] [JP], domicilié [Adresse 11], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des consorts [M], de M. et Mme [XE], de Mme [H], de Mme [RP], de Mme [H] dite [VA], de M. et Mme [DS], de Mme [NA], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [I], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des consorts [CP], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 19 novembre 2020), pour s'opposer au partage judiciaire de la terre Vaiama et de la moitié de la terre Tetopaka entre les ayants droit de [FM] [AH], [TB] [PX], [TB] [E], [VY] [EU] et [IX], les consorts [M] ont revendiqué, sur le fondement de la prescription acquisitive, la propriété exclusive de ces biens dont ils sont coïndivisaires. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Les consorts [M] font grief à l'arrêt d'ordonner le partage, alors : « 1°/ qu'un ou plusieurs indivisaires peuvent acquérir par prescription un immeuble indivis, dès lors qu'ils accomplissent sur celui-ci des actes de possession démontrant leur intention de se comporter en propriétaires exclusifs ; qu'en se bornant à énoncer par adoption des motifs du jugement que contrairement à ce que soutiennent les consorts [M], la construction de maisons, la passation de baux, l'exploitation commerciale d'une cocoteraie ou d'une ferme perlière ne caractérisent pas le comportement d'un propriétaire exclusif, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'occupation et l'exploitation commerciale à titre privatif et exclusif de la totalité de la parcelle litigieuse par les consorts [M], qui ont édifié sur cette parcelle, une citerne, une pension de famille, plusieurs maisons d'habitation qu'ils occupent ou qu'ils donnent à bail en conservant les loyers, qui ont mis en place une plantation de cocotiers et une ferme perlière qu'ils exploitent en conservant la totalité des revenus, ne constituent pas des actes de possession de nature à démontrer leur volonté de se comporter en propriétaires exclusifs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2229 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 2°/ que la possession est équivoque lorsque les actes du possesseur ne révèlent pas son intention de se conduire en propriétaire, l'équivoque supposant le doute dans l'esprit des tiers et non dans celui du possesseur ; qu'en se fondant pour écarter la prescription acquisitive de la parcelle litigieuse sur la circonstance que l'auteur des consorts [M] qui aurait consenti au partage de la terre en 6 lots en 1956 aurait reconnu qu'il ne se considérait pas propriétaire de la totalité de la terre litigieuse, et qu'en 1998, lors des opérations de délimitation, les consorts [M] qui ne sont pas les seuls à signer le procès-verbal de délimitation de la terre, auraient ainsi reconnu qu'ils sont propriétaires indivis, la Cour d'appel a violé l'article 2229 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 3°/ qu'aucune reconnaissance d'un droit de propriété ne peut résulter de la signature d'un procès-verbal de délimitation d'une parcelle ; qu'en énonçant que les consorts [M] auraient, en signant un procès-verbal de délimitation avec d'autres, reconnu qu'ils n'étaient que propriétaires indivis, la Cour d'appel a violé les articles 544 et 646 du code civil ; 4°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions des consorts [M] qui faisaient valoir qu'ils n'étaient pas tous signataires du procès-verbal de bornage, et que les requérants non-signataires ne pouvaient être engagés par cette initiative, la Cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ; 5°/ qu'il n'y a interruption naturelle de la prescription acquisitive que lorsque le possesseur est privé pendant plus d'un an de la jouissance de la chose ; qu'en se fondant pour écarter la prescription acquisitive du droit de propriété de la parcelle litigieuse par les consorts [M], sur la circonstance que Mme [LB] [W] [A] épouse [IE] aurait rapporté la preuve d'avoir troublé la possession de consorts [M] dès 1989 en s'opposant à leur volonté de s'étendre au-delà de leurs droits indivis, sans constater la preuve d'une dépossession des consorts [M] et ce pendant au moins un an, la Cour d'appel a violé l'article 2243 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 6°/ que seule une citation en justice signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire est de nature à interrompre la prescription acquisitive ; qu'en se fondant pour exclure la prescription acquisitive, par adoption des motifs du jugement, sur la circonstance qu'en 1989 [W] [A] avait adressé une plainte au maire délégué, relative à la construction d'une citerne, la Cour d'appel a violé l'article 2244 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 7°/ que seule une citation en justice signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire est de nature à interrompre la prescription acquisitive ; qu'en énonçant par adoption des motifs du jugement que le 6 mai 1999, [W] [A] avait sollicité l'intervention du juge forain concernant une interdiction de construire sur la terre [Adresse 12], et qu'en janvier 2000 la commission de conciliation obligatoire en matière foncière était saisie d'un litige concernant la terre litigieuse, sans constater l'existence d'une citation en justice signifiée aux consorts [M], que ce soit devant le juge forain ou devant la commission de conciliation, la Cour d'appel a violé l'article 2244 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 8°/ que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre ; qu'en énonçant qu'en janvier 2000 la commission de conciliation obligatoire en matière foncière était saisie d'un litige concernant la terre litigieuse, et que le 6 mai 1999, [W] [A] avait sollicité l'intervention du juge forain concernant une interdiction de construire sur la terre [Adresse 12], sans préciser en quoi les demandes formées devant cette commission ou auprès du juge forain, étaient de nature à interrompre la prescription acquisitive du droit de propriété des parcelles litigieuses par les consorts [M], la Cour d'appel a violé l'article 2244 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française. » Réponse de la Cour 3. D'une part, les actes de possession accomplis par un indivisaire étant, en principe, équivoques à l'égard des coïndivisaires, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'un propriétaire indivis ne pouvait prescrire à l'encontre des coïndivisaires qu'en démontrant l'intention de se comporter en propriétaire exclusif du bien indivis par l'accomplissement d'actes incompatibles avec sa seule qualité d'indivisaire. 4. D'autre part, procédant à la recherche qui lui était demandée sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a, par motifs propres et adoptés, souverainement estimé que l'édification de constructions, la conclusion de baux ou encore l'exploitation commerciale des terres ne suffisaient pas à caractériser le comportement d'un propriétaire exclusif. 5. Par ces seuls motifs, elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne MM. [YP], [KI] [MM], [F] [M] et Mmes [ZI] et [NF] [TU] [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les demandeurs Les consorts [M] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 29 août 2017 qui les a déboutés de leur tierce opposition au jugement du 11 septembre 2007 et d'avoir ordonné le partage de la terre [Adresse 12] et de moitié de la terre Tetopaka cadastrée section D parcelle [Cadastre 6] sise à [Adresse 5] en 5 lots d'égale valeur à revenir pour 1/5 chacun aux ayants droits de [FM] [AH] né le 1er janvier 1891 à Hikueru et décédé à Katiu le 11 février 1903, [TB] [PX] né le 2 juin 1827 à Anaa et décédé le 11 mars 1906, [TB] [E] né à Apataki le 7 avril 1850 et décédé le 16 octobre 1908, [VY] [EU] né vers 1859 à Anaa et décédé le 6 avril 1871, [IX] né en 1848 à Kaukura ; 1°- Alors qu'un ou plusieurs indivisaires peuvent acquérir par prescription un immeuble indivis, dès lors qu'ils accomplissent sur celui-ci des actes de possession démontrant leur intention de se comporter en propriétaires exclusifs ; qu'en se bornant à énoncer par adoption des motifs du jugement que contrairement à ce que soutiennent les consorts [M], la construction de maisons, la passation de baux, l'exploitation commerciale d'une cocoteraie ou d'une ferme perlière ne caractérisent pas le comportement d'un propriétaire exclusif, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'occupation et l'exploitation commerciale à titre privatif et exclusif de la totalité de la parcelle litigieuse par les consorts [M], qui ont édifié sur cette parcelle, une citerne, une pension de famille, plusieurs maisons d'habitation qu'ils occupent ou qu'ils donnent à bail en conservant les loyers, qui ont mis en place une plantation de cocotiers et une ferme perlière qu'ils exploitent en conservant la totalité des revenus, ne constituent pas des actes de possession de nature à démontrer leur volonté de se comporter en propriétaires exclusifs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2229 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 2°- Alors que la possession est équivoque lorsque les actes du possesseur ne révèlent pas son intention de se conduire en propriétaire, l'équivoque supposant le doute dans l'esprit des tiers et non dans celui du possesseur ; qu'en se fondant pour écarter la prescription acquisitive de la parcelle litigieuse sur la circonstance que l'auteur des consorts [M] qui aurait consenti au partage de la terre en 6 lots en 1956 aurait reconnu qu'il ne se considérait pas propriétaire de la totalité de la terre litigieuse, et qu'en 1998, lors des opérations de délimitation, les consorts [M] qui ne sont pas les seuls à signer le procès-verbal de délimitation de la terre, auraient ainsi reconnu qu'ils sont propriétaires indivis, la Cour d'appel a violé l'article 2229 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 3°- Alors qu'aucune reconnaissance d'un droit de propriété ne peut résulter de la signature d'un procès-verbal de délimitation d'une parcelle ; qu'en énonçant que les consorts [M] auraient, en signant un procès-verbal de délimitation avec d'autres, reconnu qu'ils n'étaient que propriétaires indivis, la Cour d'appel a violé les articles 544 et 646 du code civil ; 4°- Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions des consorts [M] qui faisaient valoir qu'ils n'étaient pas tous signataires du procès-verbal de bornage, et que les requérants non-signataires ne pouvaient être engagés par cette initiative, la Cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ; 5°- Alors qu'il n'y a interruption naturelle de la prescription acquisitive que lorsque le possesseur est privé pendant plus d'un an de la jouissance de la chose ; qu'en se fondant pour écarter la prescription acquisitive du droit de propriété de la parcelle litigieuse par les consorts [M], sur la circonstance que Mme [LB] [W] [A] épouse [IE] aurait rapporté la preuve d'avoir troublé la possession de consorts [M] dès 1989 en s'opposant à leur volonté de s'étendre au-delà de leurs droits indivis, sans constater la preuve d'une dépossession des consorts [M] et ce pendant au moins un an, la Cour d'appel a violé l'article 2243 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 6°- Alors que seule une citation en justice signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire est de nature à interrompre la prescription acquisitive ; qu'en se fondant pour exclure la prescription acquisitive, par adoption des motifs du jugement, sur la circonstance qu'en 1989 [W] [A] avait adressé une plainte au maire délégué, relative à la construction d'une citerne, la Cour d'appel a violé l'article 2244 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 7°- Alors que seule une citation en justice signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire est de nature à interrompre la prescription acquisitive ; qu'en énonçant par adoption des motifs du jugement que le 6 mai 1999, [W] [A] avait « sollicité l'intervention du juge forain » concernant une interdiction de construire sur la terre [Adresse 12], et qu'en janvier 2000 la commission de conciliation obligatoire en matière foncière « était saisie d'un litige » concernant la terre litigieuse, sans constater l'existence d'une citation en justice signifiée aux consorts [M], que ce soit devant le juge forain ou devant la commission de conciliation, la Cour d'appel a violé l'article 2244 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française ; 8°- Alors que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre ; qu'en énonçant qu'en janvier 2000 la commission de conciliation obligatoire en matière foncière « était saisie d'un litige » concernant la terre litigieuse, et que le 6 mai 1999, [W] [A] avait sollicité l'intervention du juge forain « concernant une interdiction de construire sur la terre [Adresse 12] », sans préciser en quoi les demandes formées devant cette commission ou auprès du juge forain, étaient de nature à interrompre la prescription acquisitive du droit de propriété des parcelles litigieuses par les consorts [M], la Cour d'appel a violé l'article 2244 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en Polynésie française.
INCA/JURITEXT000046555908.xml
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 767 FS-D Pourvois n° F 21-20.467 P 21-20.819 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 I- La ville de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-20.467 contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Flandinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. II- La société Flandinvest, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° P 21-20.819 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la Ville de [Localité 4], 2°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° F 21-20.467 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° P 21-20.819 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 4], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Centre [Localité 4] et Flandinvest, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 21-20.819 et F 21-20.467 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 4], 6 mai 2021, n° RG 20/18848), le 29 juin 2017, le maire de [Localité 4] a assigné les sociétés Flandinvest et Centre [Localité 4], respectivement propriétaire et gestionnaire d'un appartement situé dans un immeuble parisien, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué cet appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° P 21-20.819 Enoncé du moyen 3. La société Flandinvest fait grief à l'arrêt de retenir qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de la condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et était exclue de la catégorie "hébergement hôtelier" ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en "habitation" ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, "de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation", qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, "ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière" et que "les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre P comme professionnelle)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en "habitation" avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés. 5. Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements et a souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation. 6. Sans être tenue d'effectuer une recherche inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi n° F 21-20.467 Enoncé du moyen 8. La Ville de [Localité 4] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Centre [Localité 4], alors : « 1°/ qu'en application des articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société Centre [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651- 2 du Code de la construction et de l'habitation ; 2°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 3°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société Flandinvest, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 4°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article L. 631-7, alinéa1er, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. 10. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article. 11. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile. 12. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte. 13. Ainsi, celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plate-forme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2. 14. Ayant constaté que la société Centre [Localité 4] avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se voir reprocher d'en avoir changé l'usage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° F 21-20.467 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de [Localité 4] L'arrêt attaqué, critiqué par la VILLE de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a débouté la VILLE de [Localité 4] de sa demande de condamnation de la SARL CENTRE [Localité 4] à une amende civile ; ALORS QUE, PREMIÈREMENT, en application des articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société CENTRE [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société FLANDINVEST, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, QUATRIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation Moyen produit au pourvoi n° P 21-20.819 par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Flandinvest La société Flandinvest fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la Ville de [Localité 4] une amende de 20 000 euros ; ALORS QUE pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et était exclue de la catégorie « hébergement hôtelier » ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en « habitation » ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, « de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation », qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, « ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière » et que « les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre « P » comme professionnelle) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en « habitation » avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
INCA/JURITEXT000046555899.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 761 F-D Pourvoi n° E 21-18.833 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [V] [B], divorcée [D], domiciliée [Adresse 1], 2°/ M. [I] [L], domiciliés tous deux [Adresse 1], 3°/ la société du Logis, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° E 21-18.833 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2021 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [B], divorcée [D], de M. [L], de la société du Logis, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 avril 2021), suivant offre acceptée le 20 novembre 2001, la société Crédit mutuel de Bretagne (la banque) a consenti un prêt immobilier à la SCI du Logis (la SCI), constituée par M. [L] et Mme [D], qui se sont portés cautions solidaires. Par avenant du 15 février 2007, le terme de remboursement du prêt a été porté au 15 février 2020. 2. La banque ayant engagé une procédure de saisie immobilière après avoir prononcé la déchéance du terme, la SCI l'a assignée, avec les cautions, en paiement de dommages-intérêts, en nullité des engagements de caution, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts et, très subsidiairement, en annulation de la stipulation d'intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 4. L'emprunteur et les cautions reprochent à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque, alors : « 1°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, Mme [D], M. [L] et la Sci du Logis faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que « Mme [D], qui était employée au sein de l'entreprise Ar Decohabitat, entreprise gérée par M. [L], a sollicité auprès de la CCM de [Localité 3] la souscription d'une assurance perte d'emploi. Or, la CCM de [Localité 3] lui a opposé un refus de garantie au motif que Mme [D] était la compagne de M. [L], ce qui à l'époque n'était pas le cas. Mme [D] et M. [L] n'avaient en effet aucun lien et n'habitaient pas à la même adresse : Mme [D] demeurant à [Localité 4] et M. [L] à [Localité 3]. Force est de constater que la CCM de [Localité 3] ne s'est pas préoccupée de l'adéquation des risques couverts à la situation personnelle particulière et ce, alors même que Mme [D] en avait fait la demande ! (?). En effet, dans son courrier de contestation en date du 20 février 2003, Mme [D] a sollicité des explications notamment sur le refus de Mme [K] de l'assurer au titre de la perte d'emploi. Comment Mme [D], qui était simple salariée, aurait-elle pu envisager de se passer de cette assurance perte d'emploi?(?) Ce manquement a été très préjudiciable, Mme [D] étant demandeur d'emploi depuis le 29 octobre 2010 » ; qu'en déboutant la SCI, Mme [D] et M. [L] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque, sans répondre à ce moyen péremptoire, de nature à démontrer le manquement de la banque à son obligation de conseil relative au contrat d'assurance garantissant le prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en l'espèce, Mme [D], M. [L] et la SCI faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que « suite à un souci familial, Mme [D] a subi une ITT dès 2012, et est actuellement en invalidité catégorie 2. Le 9 décembre 2013, Suravenir lui a confirmé son accord de prise en charge à hauteur de 100 % des mensualités d'emprunt (?). En outre, Mme [D] était, selon la CCM, assurée au titre de l'IP à hauteur de 100% des échéances de la SCI, soit 1.059,18 € mensuels. Cependant, à la suite de sa mise en invalidité du 1er janvier 2014, Mme [D] ne touchait plus que 42,36 € (Pièce n° 73), alors que sa cotisation d'assurance était de 53,36 €, sans qu'elle ne soit informée par la CCM de [Localité 3]. Ainsi, de février 2014 à février 2017, Mme [D] a perdu, par mois, la somme de 1.016,82 €, soit une perte totale de 36.605,52 €, mettant ainsi à mal les remboursements d'emprunt de la SCI. La CCM de [Localité 3] a donc commis une faute en n'informant pas Mme [D] qu'elle ne serait pas indemnisée à hauteur de 100 % du montant des échéances en cas d'IP, et ce d'autant qu'en cas d'IP, Mme [D] ne peut plus occuper un emploi salarié » ; qu'en déboutant la SCI, Mme [D] et M. [L] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque, sans répondre à ce moyen péremptoire, de nature à démontrer le manquement de la banque à son obligation de conseil relative au contrat d'assurance garantissant le prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en l'espèce, Mme [D], M. [L] et la Sci du Logis faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que « suite à l'emprunt octroyé à la Sci du Logis le 9 novembre 2001, M. [L] et Mme [D], cautions, ont sollicité une assurance emprunteur en cas de décès, d'ITT et d'IP, auprès de la CCM de [Localité 3] (?). Début 2007, suite à une demande de modulation des échéances du prêt de la Sci du Logis, les échéances ont été réduites à la somme de 1.059,18 € assurance comprise et ce, en prolongeant la durée de cet emprunt de trois années soit jusqu'au 15 février 2020. Suivant l'avenant de début 2007 établi par la CCM de Plemeur, et du tableau d'amortissement édité le 18 avril 2008 précisant le montant des cotisations mensuelles d'assurance, les requérants étaient en droit de penser que l'emprunt de la Sci était assuré jusqu'en février 2020 ; Or il n'en est rien. (?) à leur grande stupéfaction, Suravenir a mis fin à la prise en charge de l'emprunt, soit à l'indemnisation de Mme [D] le 16 février 2017 (?). C'est donc de façon quelque peu cavalière que la CCM de [Localité 3] a mis en erreur la Sci du Logis, M. [L] et Mme [D] sur la soit disant continuité de leur contrat d'assurance emprunteur du 15 février 2017 au 15 février 2020. Les requérants prennent alors conscience de faute pour la CCM de [Localité 3] de n'avoir pris aucune attache auprès de Suravenir lors de la prolongation d'emprunt, la CCM de [Localité 3] a provoqué à M. [L] et en l'occurrence à Mme [D], une perte de chance d'une indemnisation à hauteur de 36 mensualités de 1.059,18 € pour un total de 38.130,48 € chacun » ; qu'en déboutant la Sci du Logis, Mme [D] et M. [L] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la banque, sans répondre à ce moyen péremptoire, de nature à démontrer le manquement de la banque à son obligation de conseil relative au contrat d'assurance garantissant le prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 : 5. Le banquier qui propose à une caution, garantissant un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation. 6. Pour rejeter la demande d'indemnisation de la SCI et des cautions, l'arrêt retient, d'une part, que la banque a transmis à l'assureur les demandes d'adhésion au contrat d'assurance, qu'à la suite des éléments médicaux adressés, seule une demande d'adhésion a été acceptée et que la totalité des indemnisations versées par l'assureur, à la suite des problèmes de santé de l'une des cautions, a été affectée par la banque au remboursement des sommes dues, d'autre part, que le prêt a été consenti à la SCI, de sorte que celle-ci ne peut avoir subi de préjudice direct et certain découlant d'une faute de la banque quant à l'information des cautions sur la souscription d'une assurance de prêt. 7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la banque avait éclairé les cautions sur l'adéquation du risque couvert par le contrat avec leur situation personnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la SCI du Logis, Mme [D] et M. [L] de leur demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 23 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3] et la condamne à payer à la Sci du Logis et à Mme [D] et M. [L] la somme de 3 000 euros ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme [B], divorcée [D], M. [L] et la société du Logis PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Sci du Logis à payer à la banque la somme de 78.844,06 euros, outre intérêts au taux contractuel à compter du 2 décembre 2020, jusqu'à la date effective de paiement ; ALORS QUE si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; qu'en l'espèce, la lettre du 26 juin 2015 adressée par le Crédit Mutuel à la Sci du Logis, intitulée « mise en demeure », indiquait : « Malgré nos différentes demandes, vous n'avez pas régularisé la situation de vos comptes et crédits près la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3] (?). Nous vous notifions (?) que la déchéance du terme du crédit, visé ci-dessous, est prononcée de telle sorte que l'intégralité des sommes dues à ce titre est exigible. Nous vous mettons donc en demeure de payer, sous huit jours, les sommes suivantes : Prêt habitat n° 0934 402112402 : 65.294,92 € » ; qu'ainsi, la première et seule mise en demeure adressée par la Crédit Mutuel à la Sci du Logis prononçait donc directement la déchéance du terme, de sorte qu'elle était irrégulière ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les sommes étant devenues exigibles au moment où elle statuait, « le moyen tiré de la déchéance du terme est donc inopérant » (cf. arrêt, p. 7 § 2), et en entérinant le décompte de la créance au 13 janvier 2017 actualisée au 2 décembre 2020 produit par le Crédit Mutuel pour 70.756,45 euros dont 58 757,19 euros de capital restant dû, non exigible à cette date, quand la somme de 65.294,92 euros indiquée dans la lettre du 26 juin 2015 incluait une indemnité d'exigibilité résultant de la déchéance du terme, d'un montant de 4.113 euros, sur laquelle avaient ensuite été calculés des intérêts, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Sci du Logis, Mme [D] et M. [L] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle du Crédit Mutuel ; 1°/ ALORS QUE, tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, Mme [D], M. [L] et la Sci du Logis faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que « Mme [D], qui était employée au sein de l'entreprise Ar Decohabitat, entreprise gérée par M. [L], a sollicité auprès de la CCM de [Localité 3] la souscription d'une assurance perte d'emploi (pièce n° 34). Or, la CCM de [Localité 3] lui a opposé un refus de garantie au motif que Mme [D] était la compagne de M. [L], ce qui à l'époque n'était pas le cas. Mme [D] et M. [L] n'avaient en effet aucun lien et n'habitaient pas à la même adresse : Mme [D] demeurant à [Localité 4] et M. [L] à Ploemeur (vois statuts de la Sci du Logis, pièce n° 1). Force est de constater que la CCM de [Localité 3] ne s'est pas préoccupée de l'adéquation des risques couverts à la situation personnelle particulière et ce, alors même que Mme [D] en avait fait la demande ! (?). En effet, dans son courrier de contestation en date du 20 février 2003, Mme [D] a sollicité des explications notamment sur le refus de Mme [K] de l'assurer au titre de la perte d'emploi (pièce n° 11). Comment Mme [D], qui était simple salariée, aurait-elle pu envisager de se passer de cette assurance perte d'emploi?(?) Ce manquement a été très préjudiciable, Mme [D] étant demandeur d'emploi depuis le 29 octobre 2010 » (cf. p.42-43) ; qu'en déboutant la Sci du Logis, Mme [D] et M. [L] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle du Crédit Mutuel, sans répondre à ce moyen péremptoire, de nature à démontrer le manquement de la banque à son obligation de conseil relative au contrat d'assurance garantissant le prêt, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ ALORS QU'en l'espèce, Mme [D], M. [L] et la Sci du Logis faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que « suite à un souci familial, Mme [D] a subi une ITT dès 2012, et est actuellement en invalidité catégorie 2 (Pièces n° 17 & 126). Le 9 décembre 2013, Suravenir lui a confirmé son accord de prise en charge à hauteur de 100 % des mensualités d'emprunt (Pièces n° 18 et 208) (?). En outre, Mme [D] était, selon la CCM, assurée au titre de l'IP à hauteur de 100% des échéances de la Sci du Logis, soit 1.059,18 € mensuels. Cependant, à la suite de sa mise en invalidité du 1er janvier 2014, Mme [D] ne touchait plus que 42,36 € (Pièce n° 73), alors que sa cotisation d'assurance était de 53,36 €, sans qu'elle ne soit informée par la CCM de [Localité 3] (Pièce n° 14). Ainsi, de février 2014 à février 2017, Mme [D] a perdu, par mois, la somme de 1.016,82 €, soit une perte totale de 36.605,52 €, mettant ainsi à mal les remboursements d'emprunt de la Sci du Logis. La CCM de [Localité 3] a donc commis une faute en n'informant pas Mme [D] qu'elle ne serait pas indemnisée à hauteur de 100 % du montant des échéances en cas d'IP, et ce d'autant qu'en cas d'IP, Mme [D] ne peut plus occuper un emploi salarié » (cf.p. 43-44) ; qu'en déboutant la Sci du Logis, Mme [D] et M. [L] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle du Crédit Mutuel, sans répondre à ce moyen péremptoire, de nature à démontrer le manquement de la banque à son obligation de conseil relative au contrat d'assurance garantissant le prêt, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ ALORS QU'en l'espèce, Mme [D], M. [L] et la Sci du Logis faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que « suite à l'emprunt octroyé à la Sci du Logis le 9 novembre 2001 (Pièce n° 6), M. [L] et Mme [D], cautions, ont sollicité une assurance emprunteur en cas de décès, d'ITT et d'IP, auprès de la CCM de [Localité 3] (Pièces n° 7 & 8) (?). Début 2007, suite à une demande de modulation des échéances du prêt de la Sci du Logis, les échéances ont été réduites à la somme de 1.059,18 € assurance comprise et ce, en prolongeant la durée de cet emprunt de trois années soit jusqu'au 15 février 2020 (Pièce n° 14). Suivant l'avenant de début 2007 établi par la CCM de Plemeur, et du tableau d'amortissement édité le avril 2008 précisant le montant des cotisations mensuelles d'assurance, les requérants étaient en droit de penser que l'emprunt de la Sci était assuré jusqu'en février 2020 (Pièces n° 70 & 14) ; Or il n'en est rien. (?) à leur grande stupéfaction, Suravenir a mis fin à la prise en charge de l'emprunt, soit à l'indemnisation de Mme [D] le 16 février 2017 (?). C'est donc de façon quelque peu cavalière que la CCM de [Localité 3] a mis en erreur la Sci du Logis, M. [L] et Mme [D] sur la soit disant continuité de leur contrat d'assurance emprunteur du 15 février 2017 au 15 février 2020. Les requérants prennent alors conscience de faute pour la CCM de [Localité 3] de n'avoir pris aucune attache auprès de Suravenir lors de la prolongation d'emprunt, la CCM de [Localité 3] a provoqué à M. [L] et en l'occurrence à Mme [D], une perte de chance d'une indemnisation à hauteur de 36 mensualités de 1.059,18 € pour un total de 38.130,48 € chacun » (cf. p. 43-44) ; qu'en déboutant la Sci du Logis, Mme [D] et M. [L] de leur demande en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle du Crédit Mutuel, sans répondre à ce moyen péremptoire, de nature à démontrer le manquement de la banque à son obligation de conseil relative au contrat d'assurance garantissant le prêt, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.